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AIX-MARSEILLE UNIVERSITÉ École doctorale 355 : Espaces, Cultures et Sociétés Laboratoire d’Archéologie Médiévale et Moderne en Méditerranée LA3M – Aix-Marseille Université UMR 7298 AMU-CNRS Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme THÈSE DE DOCTORAT EN ARCHÉOLOGIE Présentée et soutenue publiquement par Olivier THUAUDET Le 14 décembre 2015 LES ACCESSOIRES MÉTALLIQUES DU VÊTEMENT ET DE LA PARURE DE CORPS EN PROVENCE DU XIe AU XVIe SIÈCLE ÉTUDE ARCHÉOLOGIQUE ET APPROCHE CROISÉE D’UNE PRODUCTION MÉCONNUE VOLUME 1 TEXTE JURY : M. Andréas HARTMANN-VIRNICH, Professeur à l’Université d’Aix-Marseille, LA3M – Aix-Marseille Université UMR 7298 AMU-CNRS. Codirecteur Mme Marie-Christine BAILLY-MAÎTRE, Directrice de recherche CNRS, LA3M – AixMarseille Université UMR 7298 AMU-CNRS. Codirectrice M. Luc BOURGEOIS, Professeur à l’Université de Caen/Basse-Normandie, Rapporteur Mme Perrine MANE, Directrice de recherche au CNRS, GAM CRH UMR 8558, EHESS, Paris, Rapporteur Mme Nelly POUSTHOMIS, Professeur à l’Université de Toulouse, TRACES UMR 5608 UTM-CNRS À la mémoire de Gpa² À la mémoire de ma mère REMERCIEMENTS Alors que s’achève la rédaction de ce mémoire de thèse, je voudrais remercier mes directeurs de recherche, Andréas Hartmann-Virnich et Marie-Christine Bailly-Maître pour la confiance, le soutien et le temps qu’ils m’ont accordés en acceptant de diriger un travail de recherche dans lequel j’ai mis beaucoup de passion et d’engagement. Je tiens également à remercier Luc Bourgeois, Perrine Mane et Nelly Pousthomis d’avoir accepté de juger ce travail : qu’ils trouvent ici l’expression de ma gratitude pour le temps consacré à l’examen de ce manuscrit. Toute ma reconnaissance s’adresse également aux membres du LA3M pour leur aide précieuse, les échanges que nous avons pu avoir autour de mon thème de recherche et le mobilier qu’ils ont pu porter à ma connaissance ou qu’ils m’ont confié pour étude. Que soient ici remerciés Henri Amouric, Gabrielle Démians d’Archimbaud, Michel Fixot, Christine Gadrat, Guergana Guionova, Marie-Laure Laharie, Anne Mailloux, Laurent Maggiori, Pascal Maritaux, Daniel Mouton, Sandrine Mussacchia, Jean-Pierre Pelletier, Véronique Rinalducci, Laurent Schneider, Jacques Thiriot, Jean-Christophe Tréglia et Lucy Vallauri. Je tiens également à remercier, pour m’avoir ouvert les portes des dépôts archéologiques, des réserves de musée ou d’association, Marc Borréani et les autres archéologues du Service archéologique du Var, Philippe Hameau et Ada Acovitsiōti-Hameau de la Maison du Patrimoine de Le Val, Nuria Nìn et Lisandre Nanthavongdouangsy et les autres archéologues du Service archéologique d’Aix-en-Provence, Manuel Moliner et les membres du Service archéologique de la ville de Marseille, Laurent Védrine conservateur en chef et Solange Rizoulières conservatrice du Musée d’Histoire de Marseille, Jean-Philippe Lagrue et les employés du Service Patrimonial du Syndicat d’Agglomération Nouvelle Ouest Provence, les conservateurs Claude Sintès, Aurélie Coste et le personnel du Musée de l’Arles Antique, Cyril Dumas directeur du Service de la Conservation des Musées, des Monuments et des Sites des Baux-de-Provence, Dominique Carru, les archéologues et la bibliothécaire du Service archéologique du Vaucluse, Dominique Vingtain conservatrice du Musée du Petit Palais et la bibliothécaire de ce musée, Josiane Richaud conservatrice du Musée Gassendi de Digne et la guide de la Crypte archéologique de Notre-Dame du Bourg. 4 Je me dois de remercier Fabien Blanc, Roger Boiron, Marc Bouiron, Loïc Buffat, Isabelle Commandré, Mathias Dupuis, Danièle Foy, Lucien-François Gantès, Marc Heijmans, Mathieu Linlaud, Samuel Longepierre, Frank Martin, Odile Maufras, Philippe Mellinand, Jean-Marie Michel, Christian Morand, Françoise Paone, Isabelle Rémy, Catherine Richarté, Mariacristina Varano, Robert Webley, l’INRAP, Hadès, les associations Il était une fois Rougiers et Les Amis de Jouques pour m’avoir permis d’étudier des lots de mobilier ou m’avoir fourni de la documentation archéologique. Mes remerciements s’adressent aussi à Xavier Delestre, conservateur régional de l’archéologie et aux différentes personnes chargées de la gestion patrimoniale et scientifique des départements de la région PACA pour m’avoir accordé les autorisations d’étude demandées et permis la consultation des rapports de fouille. Une thèse est aussi le résultat d’échanges avec des spécialistes d’autres disciplines. Plusieurs d’entre eux ont déjà été mentionnés. Je tiens également à remercier Marie-Astrid Chazottes, doctorante travaillant sur les matières dures d’origines animales à l’Université d’Aix-en-Provence et dont le concours a été précieux, Nicolas Thomas et David Bourgarit pour avoir permis et aidé à réaliser une campagne d’analyses de composition métallurgique sur l’accélérateur AGLAE au C2RMF à Paris, Claude Bacchiana, géologue, Raphaël Bourillot, sédimentologue et Maître de conférences à l’Université de Bordeaux III, Jérémy Gnaedig, étudiant de Master 2 à l’Université de Bamberg et spécialiste des instruments d’écriture, Arianne Pinto, étudiante de Master 2 à l’Université de Bordeaux III qui s’intéresse à la réutilisation des objets. Je souhaite exprimer ma reconnaissance à Amélie Berthon, Sylvain Burri, Luc Bourgeois, Perrine Mane et Christophe Vaschalde pour avoir consacré du temps à relire des passages de ma thèse. Je tiens à remercier tout particulièrement Élisabeth Sauze pour la relecture de mes transcriptions et de mon glossaire. Mes remerciements s’adressent encore à Liliane Delattre du Musée Granet et au CICRP pour l’assistance à la consultation des collections et l’autorisation de l’emploi de photographies d’œuvres d’art. Je remercie très sincèrement le CNRS et l’Observatoire Nivea pour l’obtention du prix OBSERVATOIRE NIVEA/CNRS 2009. J’exprime aussi ma gratitude au Conseil général du Vaucluse et au Service archéologique du Vaucluse pour l’octroi de deux aides à la recherche. Ces bourses d’études ont complété les contrats d’études de mobilier et d’opérations archéologiques qui ont permis de financer ma thèse. 5 Je ne puis achever ces remerciements sans témoigner la plus profonde gratitude à mes parents, à ma mère Marie-France Thuaudet, pour sa patience, son dévouement et son courage, pour les longues journées et nuits passées à la relecture de ma thèse, à mon père Gérard Thuaudet qui a pris le relais sans hésiter et avec autant d’abnégation. Je termine enfin en remerciant Marie-Astrid Chazottes pour son soutien au quotidien, mon frère Laurent Thuaudet et sa philosophie de vie, Dominique et Jacqueline Thuaudet, les familles Chazottes, Sirdey et Dufau, l’ensemble de mes ami(e)s qui m’ont soutenu tout au long de la réalisation de ce long et enrichissant projet. Olivier Thuaudet Légende de l’image : personnage à longue tunique serrée par une ceinture bouclée, avec des socques aux pieds. Dans la marge du folio 159 r° du ms. 764 du XVe siècle, à la B.M. d’Avignon. 6 INTRODUCTION 12 1. 18 METHODOLOGIE ET PERSPECTIVES DE RECHERCHE 1.1. CONTEXTE GENERAL DE L’ETUDE 18 1.1.1. PROPOSITION D’APPROCHE DU MOBILIER 18 1.1.2. HISTORIOGRAPHIE DE L’ETUDE DU MOBILIER METALLIQUE 22 1.1.3. DEFINITION DES OBJECTIFS ET DU CADRE DE L’ETUDE 30 1.1.3.1. Cadre géographique et chronologique de l’étude 30 1.1.3.2. Les objectifs de l’étude 32 1.2. CRITIQUE ET CHOIX DES SOURCES NECESSAIRES A L’ETUDE 1.2.1. 36 LE MOBILIER ARCHEOLOGIQUE 36 1.2.1.1. La constitution du catalogue 36 1.2.1.2. Décrire et mesurer les objets 37 1.2.1.3. Représenter le mobilier 39 1.2.1.4. Enregistrer les objets 41 1.2.1.5. Organiser le mobilier archéologique 43 1.2.1.6. Comparer le mobilier 47 1.2.1.7. Analyses de matériaux par la méthode PIXE 48 1.2.2. LES SOURCES ECRITES 48 1.2.2.1. Objectifs et limites de la recherche sur les sources écrites 48 1.2.2.2. L’établissement du corpus textuel 51 1.2.3. LES SOURCES ICONOGRAPHIQUES 55 1.2.3.1. Objectifs et limites de l’étude de l’iconographie 55 1.2.3.2. L’établissement du corpus iconographique 58 2. L’APPROVISIONNEMENT EN MATERIAUX BRUTS ET PRODUITS SEMI-FINIS 62 2.1. DEFINIR L’ORIGINE DES MATIERES PREMIERES ET LEUR COMMERCE 62 2.2. LES METAUX 76 2.2.1. L’ARGENT ET L’OR 76 2.2.2. LE FER ET L’ACIER 97 2.2.3. LE PLOMB 117 2.2.4. L’ETAIN 125 2.2.5. LE ZINC 133 7 2.2.6. 2.3. LE CUIVRE ET SES ALLIAGES 134 AUTRES MATIERES D’ORIGINES MINERALES 150 2.3.1. LE VERRE, LES PIERRES ET LES MINERAUX 150 2.3.2. LE JAIS 158 2.4. LES MATIERES DURES D’ORIGINES VEGETALES 161 2.4.1. L’AMBRE 161 2.4.2. LE BOIS 163 2.5. LES MATIERES DURES D’ORIGINES ANIMALES 165 2.5.1. LE CORAIL 165 2.5.2. L’OS, LA PERLE ET LES AUTRES MATIERES DURES D’ORIGINE ANIMALE 173 2.6. 3. SYNTHESE APPROCHE CROISEE DU MOBILIER ARCHEOLOGIQUE 3.1. LES BOUCLES, ANNEAUX ET AUTRES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE COURROIE 3.1.1. LE MOBILIER D’APRES LES SOURCES ECRITES ET ICONOGRAPHIQUES 177 189 189 189 3.1.1.1. Introduction à l’étude de la ceinture 190 3.1.1.2. La ceinture dans le costume civil d’après les sources textuelles 194 3.1.1.3. La ceinture dans le costume civil d’après l’iconographie 233 3.1.1.4. La ceinture dans le costume militaire 246 3.1.1.5. La ceinture dans le costume clérical 252 3.1.1.6. Usages des boucles et anneaux hors de la ceinture dans le costume civil et militaire 255 3.1.1.7. Boucles et anneaux dans le harnachement 263 3.1.1.8. Boucles et anneaux hors du costume et du harnachement 267 3.1.2. DECRIRE ET DESSINER LES ACCESSOIRES DE LA CEINTURE 269 3.1.3. LES BOUCLES ET ANNEAUX 271 3.1.3.1. Méthode de classification et terminologie descriptive 271 3.1.3.2. Typologie des boucles et anneaux 274 3.1.3.3. Les ardillons 561 3.1.3.4. Synthèse 568 LES CHAPES 580 3.1.4. 3.1.4.1. Terminologie descriptive 580 3.1.4.2. Typologie des chapes 580 3.1.4.3. Synthèse 665 3.1.5. LES MORDANTS ET TERMINAISONS DE COURROIE 669 3.1.5.1. Terminologie descriptive 669 3.1.5.2. Typologie des mordants et des terminaisons de courroie 669 8 3.1.5.3. Synthèse 730 3.1.6. LE DECOR DES CHAPES, MORDANTS ET TERMINAISONS DE COURROIE 733 3.1.7. SYNTHESE GENERALE 739 3.2. LES APPLIQUES ET BRANLANTS .............................................................................................. 744 3.2.1. LES APPLIQUES DITES « DE COURROIE » ................................................................................ 744 3.2.1.1. Les appliques dites « de courroie » en contexte .................................................................. 744 3.2.1.2. Quelques points de vocabulaire .......................................................................................... 753 3.2.1.3. Typologie des appliques...................................................................................................... 760 3.2.1.4. Synthèse. ............................................................................................................................. 910 3.2.2. LES BRANLANTS ..................................................................................................................... 918 3.2.2.1. Introduction à l’étude des branlants .................................................................................... 918 3.2.2.2. Les grelots en contexte ........................................................................................................ 919 3.2.2.3. Typologie des grelots .......................................................................................................... 926 3.2.2.4. Synthèse .............................................................................................................................. 932 3.2.3. 3.3. SYNTHESE GENERALE ............................................................................................................ 933 LES EPINGLES, FERRETS DE LACET, ŒILLETS BOUTONS, AGRAFES ET CHAINETTES .......... 934 3.3.1. LES EPINGLES ......................................................................................................................... 934 3.3.1.1. Les épingles en contexte quotidien ..................................................................................... 934 3.3.1.2. Les épingles en contexte funéraire ...................................................................................... 940 3.3.1.3. Typologie des épingles........................................................................................................ 947 3.3.1.4. La fabrication des épingles à tête enroulée provençales : réflexion à partir des épingles retrouvées au château d’Apcher (Lozère)............................................................................................ 972 3.3.1.5. 3.3.2. Synthèse .............................................................................................................................. 990 LES FERRETS DE LACETS ........................................................................................................ 992 3.3.2.1. Les lacets en contexte ......................................................................................................... 992 3.3.2.2. Typologie des ferrets de lacets .......................................................................................... 1007 3.3.2.3. La fabrication des ferrets de lacet ..................................................................................... 1019 3.3.2.4. Synthèse ............................................................................................................................ 1021 3.3.3. LES ŒILLETS DE VETEMENT ................................................................................................. 1023 3.3.3.1. Les œillets en contexte ...................................................................................................... 1023 3.3.3.2. Typologie des œillets ........................................................................................................ 1028 3.3.3.3. Synthèse ............................................................................................................................ 1030 3.3.4. LES BOUTONS ....................................................................................................................... 1032 3.3.4.1. Les boutons en contexte .................................................................................................... 1032 3.3.4.2. Typologie des boutons ...................................................................................................... 1041 3.3.4.3. Synthèse ............................................................................................................................ 1055 3.3.5. LES AGRAFES........................................................................................................................ 1057 9 3.3.5.1. Les agrafes en contexte ..................................................................................................... 1057 3.3.5.2. Typologie des agrafes ....................................................................................................... 1067 3.3.5.3. Synthèse ............................................................................................................................ 1089 3.3.6. LES CHAINETTES .................................................................................................................. 1091 3.3.7. SYNTHESE GENERALE .......................................................................................................... 1095 3.4. LES BIJOUX ET OBJETS DE DEVOTION .................................................................................. 1100 3.4.1. LES BIJOUX METALLIQUES D’EMPLACEMENT INDETERMINE ............................................... 1103 3.4.2. LES ELEMENTS DE SERTI ISOLES........................................................................................... 1107 3.4.2.1. Les éléments de serti en contexte ...................................................................................... 1107 3.4.2.2. Les éléments de serti isolés retrouvés en Provence........................................................... 1114 3.4.3. LES BIJOUX DE COIFFURE ..................................................................................................... 1117 3.4.4. LES BOUCLES D’OREILLES .................................................................................................... 1132 3.4.5. LES BIJOUX DE COU .............................................................................................................. 1136 3.4.6. LES BRACELETS .................................................................................................................... 1153 3.4.7. LES BAGUES ......................................................................................................................... 1155 3.4.7.1. Les bagues en contexte ..................................................................................................... 1155 3.4.7.2. Typologie des bagues ........................................................................................................ 1181 3.4.7.3. Synthèse ............................................................................................................................ 1219 3.4.8. LES PERLES ET LES CROIX DE CHAPELET .............................................................................. 1221 3.4.8.1. Les perles et les croix de chapelet en contexte.................................................................. 1221 3.4.8.2. Étude des perles du corpus ................................................................................................ 1233 3.4.8.3. Synthèse ............................................................................................................................ 1257 3.4.9. LES AMPOULES, ENSEIGNES ET MEDAILLES ......................................................................... 1261 3.4.9.1. Introduction aux ampoules, enseignes et médailles .......................................................... 1261 3.4.9.2. Le pèlerinage en Provence et à partir de la Provence d’après les sources textuelles ........ 1263 3.4.9.3. Les ampoules, les enseignes et les médailles découvertes en Provence ou provenant de Provence ....................................................................................................................................... 1275 3.4.9.4. Réflexion sur les enseignes, ampoules et médailles découvertes en Provence ou provenant de Provence ....................................................................................................................................... 1321 3.4.10. 4. SYNTHESE GENERALE ........................................................................................................ 1331 LES ACCESSOIRES METALLIQUES DU COSTUME : ELEMENTS DE LA CULTURE MATERIELLE ................................................................................................................................ 1334 4.1. REFLEXIONS SUR LA PRODUCTION ET LE COMMERCE DES ACCESSOIRES METALLIQUES DU COSTUME .......................................................................................................................................... 1334 10 4.1.1. LES ACCESSOIRES METALLIQUES DU COSTUME : QUELS INDICES POUR UNE PRODUCTION EN PROVENCE ? ...................................................................................................................................... 1335 4.1.1.1. L’artisanat de l’or et de l’argent ........................................................................................ 1335 4.1.1.2. L’artisanat du fer ............................................................................................................... 1348 4.1.1.3. L’artisanat du cuivre et de ses alliages .............................................................................. 1352 4.1.1.4. L’artisanat des matériaux blancs ....................................................................................... 1356 4.1.1.5. La mise en place des objets métalliques sur les accessoires et pièces vestimentaires ...... 1359 4.1.2. LA VENTE ET LE COUT DES ACCESSOIRES DU COSTUME METALLIQUES OU COMPORTANT DES PIECES METALLIQUES ........................................................................................................................ 1365 4.2. LES ACCESSOIRES DU COSTUME : DES OBJETS SIGNIFIANTS .............................................. 1371 4.2.1. LES ACCESSOIRES DU COSTUME : MOYEN DE THESAURISATION .......................................... 1371 4.2.2. L’APPARENCE DE LA FEMME, IMAGE DU STATUT SOCIAL DE LA FAMILLE ........................... 1375 4.2.3. LES ACCESSOIRES DU COSTUME COMME MARQUEURS DE LA HIERARCHIE ET DU POUVOIR 1377 4.2.4. LE LEGS DES ACCESSOIRES DU COSTUME APRES LA MORT .................................................. 1383 CONCLUSION ET PERSPECTIVES DE RECHERCHE ......................................................... 1389 11 Introduction Introduction Le vêtement est un élément nécessaire et fondamental pour définir sa place dans la société des Hommes1. Se vêtir relève d’un acte volontaire et culturel : c’est adopter une seconde peau pour couvrir le corps humain, le protéger des circonstances climatiques et des agressions, le cacher aux regards indiscrets. Le costume est donc indicateur des normes de la décence et de la pudeur, lesquelles sont fluctuantes au cours du temps. Il est régi par un ensemble de normes collectives qui le rendent signifiant et qui « justifient, obligent, interdisent ou tolèrent, en un mot règlent l’assortiment des pièces sur un porteur concret, saisi dans sa nature sociale, historique »2. Adapté à l’activité ou à la fonction du porteur, le costume en tant que « signe » indique le sexe, éventuellement le statut matrimonial et l’âge, mais aussi la condition sociale, la richesse de la famille, occasionnellement des opinions politiques. Le choix des accessoires, la coupe du vêtement qui peut aboutir à une stylisation de la silhouette, le degré de dévoilement du corps, la quantité et la qualité des matières, les couleurs, parfois associées à des considérations symboliques et emblématiques, participent à une hiérarchie des apparences, traduction d’une société et de ses individualités3. Endosser un vêtement, c’est endosser un personnage, une identité, une fonction, un rang. Il est une seconde peau, le « corps du corps » pour citer Érasme4. Lorsque l’ampleur des moyens financiers consacrés au costume devient symptomatique d’un luxe que la communauté ne reconnaît ordinairement pas au porteur, elle est également un signe. S’habiller, se vêtir, c’est donc parfois se travestir : Li habitz ne fait pas le moyne rapporte Jean de Meung dans le Roman de la Rose (années 1260)5 inspiré par une décrétale de Grégoire IX promulguée en 1234 et fondée sur la pensée d’Innocent III, elle-même héritière d’une longue tradition chrétienne6. L’habit ne fait pas l’homme nous fait comprendre, dans la seconde moitié du XVe siècle, Eustache Deschamp dans une ballade7, et pourtant l’habit fait l’homme puisqu’avec le langage et le comportement il donne à voir le paraître, le statut ou les ambitions, mais 1 « Pour la sensibilité médiévale chrétienne qui voit dans la culture le respect de l’ordre divin, la nature renvoie non seulement à la sauvagerie mais aussi à l’indistinction originelle, aux ténèbres qui sont le domaine de Satan » (Blanc 1989b, p. 248). 2 Barthes 1957, p. 432. 3 Se reporter à ce sujet à Mérindol 1989. 4 Van Moos 2007, p. 50. 5 Oxford, Bodleian Library, Ms. Douce 195, f° 78 v°. Consulté le 1er novembre 2013 sur http://romandelarose.org. 6 Van Moos 2007, p. 41-42. 7 Crapelet (Édit.) 1833, p. 17. 12 Introduction toutefois pas le « moi » privé8. Sur les prescriptions de l’autorité civile ou religieuse, un ou des accessoires, voire le costume dans son ensemble, peut devenir une marque d’opprobre9. Le cas des juifs et des prostituées est bien connu10. Les composantes fondamentales du costume « médiéval » – notion générique qui ne traduit guère la diversité des modes et leur évolution – telles que chaussures, braies, tunique, chapeau ou manteau, pièces d’armure, les accessoires qui le complètent comme les ceintures, bourses, aumônières, fourreau d’épée, etc., comportent parfois des éléments utilitaires, décoratifs et/ou symboliques conçus pour la plupart en tissu, en cuir ou en métal. D’autres sont en matière dure d’origine animale11, végétale12 ou minérale13. Ces objets, destinés à remplir une fonction, sont des éléments de fixation prenant la forme d’épingles, d’agrafes, de boutons, des constituants de la ceinture ou de sangles de fixation – boucle, chape, mordant, appliques –, mais aussi des ornements que l’on ajoute à ceux-ci ou à même les étoffes vestimentaires, tels les grelots et les enseignes. Des parures de corps – ornements de tête, bracelets, bagues et colliers – des attributs de fonction – couronne, tiare ou sceptre – peuvent également accompagner le costume. Autant d’éléments choisis ou subis qui construisent le paraître, dissimulent ou affirment une identité, font apparaître ce que l’on est ou ce que l’on voudrait être14. Ils possèdent parfois une valeur économique et, pour certains, une valeur 8 On lira avec intérêt Lassalle 1986. En 1455, le port du chapeau vert pour les débiteurs est attesté à Grasse (Gauthier-Ziegler 1935). En 1677, une lettre du cardinal Cybo, légat, témoigne de l’usage du même couvre-chef à Avignon (Achard et Duhamel 1953, n° 537). 10 Les premiers ne s’intègrent pas à l’étude. Seuls des signes textiles spécifiques différencient leur costume, en Provence. L’attribut que portent les juifs est ordinairement une rouelle, parfois une calotte pour les hommes, un voile ou une coiffe particulière pour les femmes. Il existe certaines dérogations, notamment dans le cas des voyages. D’autres mesures vexatoires s’ajoutent comme l’interdiction de toucher les produits alimentaires, des restrictions à l’entrée dans les étuves et sur les métiers qu’ils peuvent exercer, des impôts particuliers, des droits de péage. Voir notamment Arnaud 1879 ; Busquet 1927 ; Honoré 1941 ; Gasparri 1978 ; Iancu-Agou 1998 ; Maulde La Clavière 1886. Les autorités religieuses à travers les statuts conciliaires et synodaux enregistrent également des mesures humiliantes, voir par exemple Mansi et al. 1696-1902, t. 23, col. 340 (Arles, 1234), t. 24, col. 237 (Avignon, 1279), t. 25, col. 765 (Avignon, 1326). 11 Nous entendons par objets en « matières dures d’origines animales » ceux produits à partir de squelette (endosquelette ou exosquelette), d’excroissance épidermique ou de dent. Ces matières peuvent être de base minérale : matière osseuse (os et bois de cervidé), ivoire dentaire de mammifères, nacre des coquilles de mollusques, corail ; à base de kératine : corne des bovidés, fanons de baleine, écaille de tortue. 12 Les matières dures d’origines végétales utilisées dans le costume sont l’ambre et le bois. 13 Nous entendons par matière minérale le verre, les pierres, les minéraux, le jais. 14 I. Paresys (2008) fait remarquer à juste titre que les mots « paraître » et « apparence », souvent employés l’un pour l’autre, n’ont pas la même signification. Le premier a pour sens de « se montrer », « se distinguer », tandis que les « apparences » désignent l’aspect extérieur et visible de soi. Elle définit le « paraître » en tant que substantif comme le système résultant du travail des apparences. 9 13 Introduction symbolique. Ils peuvent se transmettre sur plusieurs générations, être gagés, faire partie d’un don ou d’un échange. Ces accessoires n’ont donc d’existence que parce qu’ils sont partie intégrante du costume qu’ils complètent, ornent et individualisent. Le vêtement avec ses accessoires a valeur de symbole, qu’il affiche le statut de son porteur, ou qu’il arbore des signes contraints ou des signes choisis tels que les enseignes religieuses, politiques ou purement décoratives. Les accessoires du costume ont ceci de particulier qu’ils ne se laissent pas appréhender d’un seul regard contrairement au vêtement. Leur situation en des points du corps visibles et en mouvement, la tête et le cou, les bras, la taille, les pieds, polarisent l’attention et entraîne l’œil sur l’ensemble de la silhouette15. Ils constituent donc un élément majeur dans l’appréciation de l’apparence. Or, on ne se vêt pas pour seulement soi-même mais aussi pour solliciter le regard d’autrui. Le costume médiéval et moderne en Europe de l’Ouest est un sujet vaste sur lequel la documentation et les études ne manquent pas16 et la recherche en ce domaine est encore très active. Elle est cependant moins intense sur les accessoires et particulièrement faible sur ceux qui ne sont ni en cuir ni en tissu. Les sources employées par les historiens du costume sont avant tout l’iconographie, les documents d’archives et la littérature. Dans ce cadre, les accessoires du costume ont donné matière à quelques rares études de chercheurs français. En 1987, D. Alexandre-Bidon, O. Blanc, A. Planche et E. Taburet-Delahaye publient d’intéressantes contributions sur ces objets dans un numéro de la revue Razo intitulé Le corps paré, ornements et atours17. Mais, il faut attendre les travaux de C. David à partir de 1997 pour que ce sujet soit repris et les questionnements étendus18. L’historien du costume médiéval et du début de l’époque moderne porte un intérêt limité au matériel retrouvé en contexte archéologique ou issu de collections anciennes : entre autres les textiles et les cuirs, mais plus encore le mobilier métallique, en verre, en os, etc. Par conséquent, ceux ci restent le domaine privilégié de quelques rares spécialistes. Toutefois, la rareté des textiles conservés en contexte archéologique constitue un frein naturel à toute étude 15 Cette réflexion a été formulée par G. Bartholeyns (2007, p. 250 et 253). Les chaussures lui paraissent également participer de ce jeu avec le regard. Cependant, pour la seconde partie du Moyen Âge, si l’on excepte quelques prohibitions contre les chaussures à la poulaine, elles sont absentes des règlements somptuaires. L’iconographie et les comptes royaux et princiers montrent qu’elles ne sont pas souvent le support d’une ornementation aussi précieuse que les autres pièces de vêtement et les accessoires. 16 Il suffit pour s’en rendre compte, de parcourir les quelques 1400 pages de la Bibliographie générale du costume et de la mode de R. Colas éditée, il y a plus de quatre-vingt ans déjà, en 1933. 17 Alexandre-Bidon 1987, Blanc 1987, Planche 1987 et Taburet-Delahaye 1987. 18 Vandeuren-David 1997, Vandeuren-David 2001, Vandeuren-David 2005, Vandeuren-David 2007. 14 Introduction d’envergure19. En outre, si les cuirs retrouvés sont plus fréquents, ils concernent avant tout les chaussures, les fourreaux et, seulement dans une bien moindre mesure, la ceinture, les bourses et les gants20. Naturellement, le développement des études ciblées portant sur ces deux matières fragiles est proportionnel à leur présence et s’effectue donc dans des régions propices à leur conservation, avant tout l’Europe du Nord21 et les Îles Britanniques22. Le climat et les terrains du sud de la France ne sont pas très favorables à la conservation du cuir et du tissu. Le mobilier métallique en rapport avec le costume en prend d’autant plus d’intérêt. Le matériel métallique - et celui moins courant en matière dure d’origine animale, végétale ou minérale - en rapport avec le costume est très fréquent, mais son étude pâtit de quatre complications majeures. La première porte sur une certaine difficulté d’accès aux objets, laquelle est cependant inhérente à toute étude de mobilier, qu’il soit métallique ou non. Pour toute étude générale ou thématique, c’est-à-dire non dédiée à un site particulier, il s’avère en effet nécessaire de multiplier les déplacements dans les dépôts archéologiques et auprès des archéologues pour accéder aux objets, très majoritairement inédits. De plus, la nécessité d’un retour aux archives de fouille n’est pas rare puisque certains des rapports d’opérations archéologiques ne consignent pas la totalité des unités stratigraphiques. La deuxième difficulté réside dans le besoin assez régulier d’une intervention en laboratoire pour s’efforcer de libérer les artefacts de leur gangue d’oxydes et/ou pour réaliser des 19 Les études de textiles anciens sont rares. La plupart du temps, elles sont limitées à quelques fragments retrouvés en contexte funéraire (ex : Moulherat et Reiche 2008). Les fouilles réalisées à Londres (Crowfoot et al. 1992, 2001²) et au Groenland (Fransen et al. 2011) ont permis la publication de corpus importants. 20 Les opérations archéologiques londoniennes ont mis au jour de très nombreux exemplaires de chaussures (Grew et De Neergaard 1988, 2001²), d’éléments de fourreau (Cowgill et al. 1987, 2000²) mais quelques rares morceaux de ceinture ou de bourses (Egan et Pritchard 1991, 2002²). À York, les chaussures et les fourreaux constituent la quasi-totalité du corpus d’étude (Mould et al. 2003) tout comme à Leicester (Allin 1981), les fragments de ceinture y sont exceptionnels. À King’s Lynn (Carter et Clarke 1977) et Whithorn et Saint Ninian (Nicholson 1997, 1998²d), les chaussures sont encore largement majoritaires mais les fragments de ceinture, plus fréquents, sont aussi ou plus nombreux que les morceaux de fourreau. Sur le site de Threave Castle dans le Galloway (Clare 1981), les fragments de cuir qui n’appartiennent pas à de la chaussure sont rares. En Allemagne (par exemple Groenman-Van Waateringe et al. 1975 et Groenman-Van Waateringe 1975) et en Suisse (Volken et al. 2001), les chaussures prédominent également. En France, les sépultures de Saint-Mexme de Chinon ont fourni quelques éléments de chaussure (Montembault 2006), différents sites messins des chaussures, deux aumônières, des éléments de fourreau et un revêtement de poignée d’arme (Goedert et al. (dir.) 1996, n° 152-170). À Rodez, un fond de fossé et un puits ont livré des fragments de fourreau, des éléments de chaussure et de rares morceaux de ceinture, d’un sac et d’un gant (Montembault 1993) et à Avignon des dépotoirs contenaient des pièces de chaussure (Gaday et al. 1995). 21 Par exemple Volken et al. 2001 22 Se conférer aux cartes non exhaustives proposées dans Leather and Leatherworking in angloscandinavian and medieval York (Mould et al. 2003, p. 3241 et 3242). 15 Introduction radiographies23 lorsque les objets sont corrodés, ceci surtout pour les objets en fer. Ces procédés requièrent des moyens financiers qui sont, encore actuellement, rarement prévus lors du lancement des opérations archéologiques24. La troisième complication est liée à une méconnaissance du potentiel des données de l’étude du mobilier non céramique. Le rôle de marqueur chronologique de la céramique a généré un intérêt pour l’étude de la production céramique qui a elle-même conduit à un affinement des chronologies. Les archéologues sousestiment très souvent l’apport de l’analyse des objets métalliques, matériel corrodé à l’aspect rugueux et sale, qui n’apporterait rien ou presque à la datation par la céramique des couches archéologiques. Ce préjugé est partiellement faux, et quand bien même cela serait vrai, la tâche de l’archéologue n’est pas seulement de dater des strates et ainsi reconstituer l’occupation d’un site, mais également de restituer une culture matérielle et une société dans sa globalité25 ; la céramique n’en est qu’une des composantes. La dernière difficulté, qui est une conséquence des problèmes déjà énoncés, résulte de l’absence presque totale de synthèses qui a pour corollaire une dispersion des descriptions d’objets dans un très grand nombre de publications. Ces motifs ont une incidence non négligeable sur la production scientifique et donc sur la pleine connaissance d’une culture matérielle. La prise de conscience se fait progressivement mais, à l’heure actuelle, il n’existe toujours pas au CNRS de spécialiste du mobilier métallique médiéval, moderne ou contemporain. À l’INRAP, la discipline n’a été reconnue que dernièrement. Certaines sociétés privées d’archéologie préventive sont en avance sur ce point et ont déjà embauché du personnel spécialisé. L’étude scientifique du mobilier métallique médiéval et moderne est une discipline encore récente dont les premiers résultats d’envergure commencent seulement à apparaître. L’abondance des accessoires du costume dans les fouilles archéologiques n’a donc suscité que relativement peu d’intérêt parmi les archéologues et aucun parmi les historiens spécialisés. Les synthèses historiographiques de M. Madou26 et O. Blanc27 sur la recherche relative au costume médiéval montrent d’ailleurs de manière flagrante que cet aspect est 23 On peut se reporter à Gargam 1999 concernant l’apport de la radiographie à l’étude du mobilier archéologique. 24 Des spécialistes de l’étude du mobilier non céramique ont proposé dans le numéro 131 des Nouvelles de l’Archéologie un « cahier technique pour la prise en compte et l’étude de l’instrumentum », se conférer à L. Leconte et al. 2013. 25 L’apport de l’artefact à la compréhension des sociétés passées a fait l’objet de plusieurs réflexions poussées de la part des archéologues et historiens médiévistes et modernistes : on lira par exemple avec attention Beaudry et al. 2007, White et Beaudry 2009, Sanchez Climent 2013. 26 Madou 1986. 27 Blanc 1989a et Blanc 1995. 16 Introduction totalement ignoré. En 1986, M. Madou écrit que l’archéologie donne une idée de la forme des agrafes, épingles et boutons qui participent à la fermeture des vêtements, « chose souvent impossible à observer à partir d’une représentation peinte ou sculptée »28. Pourtant, l’auteure ne s’attarde pas plus sur le sujet. O. Blanc note bien en 1989 qu’E. E. Viollet-le-Duc29 et C. Enlart30 n’ont pas hésité à tenir compte des accessoires pour leurs écrits sur le costume mais elle ne relève pas leur absence dans la production scientifique de l’époque31. Six ans plus tard, elle déplore que les restes textiles conservés ne soient que l’affaire des archéologues et des spécialistes des tissus. Encore une fois, le mobilier non textile est totalement oublié. Pourtant, le terrain n’est pas complètement vierge, même si la majorité des quelques auteurs scientifiques qui peuvent être mentionnés se sont intéressées le plus souvent à la joaillerie, et donc, plus aux métaux précieux32 qu’aux objets en matériaux plus communs. Le sujet des accessoires métalliques du costume a été délaissé aux amateurs d’archéologie et aux détectoristes qui publient de leur côté, surtout au Royaume-Uni, des catalogues et des typologies personnelles qu’il convient de ne citer qu’avec une extrême prudence33. 28 Madou 1986, p. 58. Viollet-le-Duc 1872-1875, t. 3 et 4. 30 Enlart 1902-1916, t. 3. 31 Blanc 1989a. 32 Se conférer au sous-chapitre suivant. 33 Par exemple, pour la période d’étude, Whitehead 2003 sur les boucles, Bailey 2004, Read 2008 et Read 2010 sur les boutons, agrafes et autres attaches du vêtement. 29 17 1. Méthodologie et perspectives de recherche 1. Méthodologie et perspectives de recherche 1.1. Contexte général de l’étude Avant de décrire les objectifs et le cadre de l’étude, il est nécessaire de définir le contexte actuel de la recherche concernant le mobilier métallique. L’étude des accessoires métalliques du costume proposée dans cette thèse est en effet pour partie tributaire de cet environnement. Pour mieux introduire notre propos, nous traiterons dans un premier temps d’une approche du mobilier présentée il y a peu par un collectif d’auteurs et nous expliquerons en quoi elle ne nous satisfait pas. Ce point est d’importance car il influe sur l’idée que l’on se fait de l’étude du mobilier métallique et par extension la pratique qui sera adoptée par beaucoup d’archéologues. Nous nous intéresserons ensuite à l’historiographie de la recherche dans le domaine de l’analyse du mobilier métallique. 1.1.1. Proposition d’approche du mobilier Les accessoires du costume sont parfois désignés dans la littérature par le mot Instrumentum. Ce terme de latin classique est particulièrement adéquat pour qualifier l’étude archéologique du mobilier non céramique car il ne préjuge pas de la nature, de la taille ou de la fonction des objets. Le dictionnaire latin-français Gaffiot34 le définit par « mobilier, ameublement, matériel, outillage », ou par « écrit à fonction probatoire ». Cette dernière signification est la seule à être donnée dans les dictionnaires de latin médiéval de Du Cange35 et de Niermeyer36. Le mot latin Instructus, absent de Du Cange, est présent dans le Gaffiot avec la définition de « bagage, équipement, attirail » et dans le Niermeyer avec les notions de « appareil, équipement, attirail, mobilier ». Dans le contexte chronologique de l’étude, il peut sembler plus logique d’employer le terme Instructus en lieu et place d’Instrumentum, mais ce dernier terme est employé depuis de nombreuses années déjà sans qu’il soit tenu compte de barrières chronologiques. En effet, depuis 1995, une revue semestrielle, spécialisée dans l’étude des objets antiques, porte le nom d’Instrumentum. Elle accueille depuis fin 2012 les publications des médiévistes et modernistes. En outre, ce terme commence à être régulièrement utilisé par de 34 Gaffiot 2000. Du Cange 1883-1887. 36 Niermeyer 1976. 35 18 1. Méthodologie et perspectives de recherche nombreux spécialistes toutes périodes confondues, même s’il est encore actuellement très connoté comme relatif au mobilier antique. Dernièrement, dans le cadre d’un dossier thématique édité dans Les Nouvelles de l’archéologie (n° 131, mars 2013) intitulé Le mobilier métallique et l’instrumentum : approches méthodologiques, un collectif d’auteurs s’est appliqué à essayer de définir cette dénomination au sein d’un article : « Projet de charte pour l’étude des objets archéologiques »37. Le résultat, intéressant par la réflexion qu’il provoque ne peut convenir, en l’état actuel, pour plusieurs raisons : les unes sont liées au choix d’application du terme, les autres, au nécessaire développement de la réflexion. Les auteurs expliquent ainsi que « le champ de l’instrumentum se définit sur des critères anthropologiques qui seuls permettent de proposer un cadre logique lié à des fonctions et non à des matériaux. En effet, de nombreux objets sont composites (fer, alliage cuivreux, verre, corail, bois, cuir, etc.), d’autres existent en différents matériaux (lampes, parures, vaisselle qui, lorsqu’elle n’est pas en céramique, peut être en métal, verre ou bois). Ainsi, le champ de l’instrumentum renvoie à l’ensemble des productions manufacturées à l’exception du vaisselier céramique qui constitue une discipline en soi38, du fabricat à l’objet fini, consommé puis abandonné, rejeté ou transformé »39. L’étude de l’instrumentum n’existerait que par opposition à l’étude du vaisselier céramique et recouvrirait, de ce fait, une multiplicité de compétences : des spécialistes du mobilier métallique, du travail des matières dures d’origines animales (ex : os, bois de cervidés, nacre, corail), des matières minérales (ex : pierre, lignite), des matières dures d’origines végétales (ex : bois, ambre), du verre mais aussi de la céramique hors vaisselle. Cette dénomination pourrait présenter l’avantage, de par sa nature, de dépasser les strictes barrières de matériaux et de périodes chronologiques, ouvrant une voie plus évidente intellectuellement, semblerait-il, à des études pluridisciplinaires et diachroniques. En retirer le vaisselier céramique est lié à la considération que son étude porte déjà un nom, la céramologie, contrairement au restant du mobilier dont l’analyse scientifique n’a pas de dénomination propre. Le sens volontairement restrictif du terme instrumentum auquel supplée avantageusement l’expression « mobilier non céramique », moins connotée, aurait donc pour but de mettre en exergue l’étude approfondie du reste du mobilier. Le vocable deviendrait en quelque sorte l’outil nécessaire pour susciter une plus grande attention au sein de la communauté scientifique et de ses autorités tutélaires. Ce principe semble emporter l’adhésion. Différents points sont cependant problématiques. Il est tout d’abord 37 Berthon et al. 2013. Il y a ici confusion entre la production artisanale de la céramique et l’étude céramologique. 39 Berthon et al. 2013, p. 6. 38 19 1. Méthodologie et perspectives de recherche curieux de définir une discipline scientifique par opposition à une autre. De notre point de vue, rien ne permet de rejeter le vaisselier céramique du champ de l’instrumentum – la définition du terme latin ne le permet pas non plus –, il en est une composante. Ensuite, le spécialiste de l’instrumentum en tant que tel n’existe pas. Il ne doit pas échapper aux archéologues, que par exemple, un spécialiste du mobilier métallique n’est pas le plus apte à étudier convenablement le matériel en matière dure d’origine animale. Une recherche spécialisée dans un matériau nécessite un apprentissage long et exigeant et réclame un référentiel abondant. Cependant, un certain nombre d’objets sont composites, c’est-à-dire constitués d’un assemblage de matériaux différents, ou existent dans des matières distinctes. En conséquence, l’étude d’un corpus d’objets en matériaux diversifiés doit donc, le plus souvent possible, devenir le fruit d’une recherche commune à plusieurs spécialistes. De fait, dans le cadre d’une synthèse sur la culture matérielle, pour un site archéologique donné, l’archéologue ne peut dissocier l’instrumentum en différentes composantes et doit en intégrer les résultats au sein d’un même discours. D’autres appellations comme celle de « petit mobilier » utilisée dans l’article « Projet de charte pour l’étude des objets archéologiques », doivent être rejetées car inadaptées. Outre le fait que bon nombre d’artefacts sont loin d’être de petites dimensions, cette dénomination introduit de facto un élément dépréciateur en minorant l’importance de ces artefacts. Les auteurs poursuivent : « Les masses de matériaux résultant des processus d’acquisition et de préparation de la matière première en demi-produit en sont théoriquement exclues, tout comme les déchets résultant de la fabrication de l’objet fini » 40. Plus loin : « Une approche pluridisciplinaire (coopération avec des paléométallurgistes, des archéozoologues, etc.) ou des formations complémentaires peuvent permettre au spécialiste des objets manufacturés de traiter dans un second temps ces types spécifiques de vestiges. Elles peuvent également l’amener à appréhender des artefacts qui nécessitent des connaissances particulières propres à certains corps de métiers »41. Cet énoncé n’est pas satisfaisant. L’objet est le résultat d’une production domestique, d’un artisanat ou d’une industrie avant d’être utilisé, d’un savoir-faire particulier référent d’une époque, de ses connaissances, de ses possibilités économiques et politiques en matières premières et en échanges commerciaux. Il est par conséquent nécessaire de comprendre le processus de fabrication ; de même, les déchets de la chaîne opératoire, lorsqu’ils sont retrouvés, ne peuvent pas être ignorés ou 40 41 Berthon et al. 2013, p. 6. Ibid., p. 6. 20 1. Méthodologie et perspectives de recherche laissés à la seule appréciation des paléométallurgistes, archéozoologues, géologues ou botanistes. Il n’existe pas de frontière étanche entre les paléométallurgistes et les spécialistes du mobilier métallique. Le paléométallurgiste raisonne le plus souvent à partir des objets et des déchets pour comprendre, rétablir et tester les processus de fabrication42. Le chercheur qui étudie le mobilier métallique ne peut ignorer ce type de recherche, ni négliger de s’interroger de son propre chef sur le choix de la matière première et des techniques de fabrication des individus de son corpus. Outre les moyens physico-chimiques, l’observation visuelle et la réflexion sur ces deux points apportent de nombreuses informations. L’expertise de l’archéologue spécialisé n’est pas négligeable dans l’optique des travaux des paléométallurgistes même si elle n’est, pour le moment, que rarement prise en compte43. Étudier un objet uniquement pour sa morphologie et sa fonction revient à n’exploiter qu’une partie des informations disponibles. Cette démarche est valable pour tous les types de mobilier. Par exemple, un spécialiste du mobilier en matières dures d’origine animale doit acquérir les connaissances nécessaires pour identifier les os et autres matières utilisées pour les demi-produits et éventuellement pour les objets finis lorsque cela est possible. Les spécialistes de l’archéologie préhistorique sont particulièrement en avance dans la pratique de l’étude du mobilier. Le mobilier est en effet leur seule source d’information. L’archéologie médiévale « souffre » du fait qu’elle traite d’une culture matérielle en parallèle à d’autres recherches effectuées à partir des sources écrites et iconographiques, qui prennent traditionnellement le dessus, alors qu’elles devraient toutes s’accomplir de concert. Dans le cadre de l’analyse de l’industrie de la pierre taillée, lorsque le mobilier archéologique le permet, les nucléus à partir desquels ont été produits les objets sont reconstitués en recollant les déchets issus de la chaîne opératoire en observant au fur et à mesure les impacts de taille. L’origine géologique des pierres est autant que possible déterminée pour comprendre les réseaux de circulation et de commerce44. Si l’on s’en tient à la définition proposée par les auteurs de l’article, il conviendrait de n’étudier, par exemple, que la morphologie de la pointe de flèche produite. Il est souhaitable que ce genre de réflexion soit dépassé afin de faire avancer la recherche et d’éviter le cloisonnement des problématiques. Bien entendu, il est impossible pour une seule personne d’acquérir l’ensemble des compétences nécessaires à 42 Par exemple, deux études ont été conduites au début des années 2000 sur les fers d’équidés pour déterminer le type de fer utilisé (processus direct, indirect ou recyclage) et le processus de fabrication. Se conférer à L’Héritier et al. 2003 et Neff et al. 2004. 43 La collaboration entre P. Fluzin et V. Serdon en est un rare exemple (Serdon et Fluzin 2002 ; Serdon 2005). 44 Les analyses de mortier ou de pâte des céramiques ont les mêmes objectifs. 21 1. Méthodologie et perspectives de recherche l’étude du mobilier dans son intégralité et l’échange avec des confrères ayant développé des connaissances particulières dans un domaine précis, une famille d’objet ou un type de matériau par exemple doit toujours s’imposer. L’approche du mobilier proposée par les auteurs du « Projet de charte pour l’étude des objets archéologiques » ne prend pas en compte les sources écrites – textes littéraires, actes notariés, règlements communaux, lois, etc. – et l’iconographie, car cette approche ne s’intéresse qu’à l’objet seul sans prendre en compte la société qui l’utilise et qui l’a crée pour répondre à ses besoins. Or, un objet archéologique suscite de multiples questionnements auxquels l’archéologie ne fournit que des informations parcellaires et que complètent utilement les sources écrites ou l’iconographie. Voici quelques-unes des problématiques qui peuvent être envisagées : choix et origine du ou des matériaux, circuits commerciaux d’approvisionnement, prix du ou des matériaux, identification du ou des artisans, connaissances techniques des artisans, procédés de fabrication, outillage utilisé, réseaux de vente, prix de vente, type de clientèle, utilisation des objets, mode, influence des échanges interculturels sur l’aspect des objets, réutilisation ou recyclage, etc. Bien qu’une large part du travail du spécialiste consiste en l’étude stricte des artefacts, dans le cadre de rapports et de certains types de publications, l’archéologue spécialisé doit tendre vers la prise en compte de cet aspect sociétal, à l’échelle du site, d’une famille d’objet, d’une famille de matériaux, etc. Nous avons souhaité dans le cadre de notre thèse mettre en pratique cette approche du mobilier tout en étant conscient de l’impossibilité de maîtriser l’étude des sources écrites et de l’iconographie aussi pleinement que l’étude archéologique des objets eux-mêmes. Ce type d’étude est encore rare mais il tend à se développer : l’historiographie est révélatrice de cette récente évolution. Notre travail s’intègre dans ce mouvement tout en proposant une approche croisée des sources archéologiques, écrites et iconographiques plus approfondie. 1.1.2. Historiographie de l’étude du mobilier métallique Le recueil et l’observation du mobilier médiéval et moderne est une pratique ancienne qui s’est considérablement développée dans la seconde moitié du XIXe siècle. Pendant longtemps, elle fut le domaine d’érudits passionnés d’art et d’histoire souvent collectionneurs. Les objets orfévrés, par leurs qualités esthétiques, la nature des matériaux et leurs liens récurrents avec la religion ou le pouvoir ont longtemps focalisé l’attention. Il en est de même de la sigillographie pour des préoccupations généalogiques, héraldiques ou historiques. Des ouvrages sont caractéristiques de cet engouement comme celui du marquis de Migieu en 22 1. Méthodologie et perspectives de recherche 177945, de L. Blancard en 186046, ceux de G. Demay en 1877, 1880 et 188547, ou les livres de E. Hucher depuis les années 1850 jusqu’aux années 1870, pour ne citer que quelques références parmi les plus anciennes. Le développement industriel qui touche les grandes villes européennes au XIXe siècle joue un rôle fondamental dans le développement de cet engouement. La réalisation de travaux de dragage pour le passage de bateaux à plus fort tonnage, la rectification du tracé des quais et la reconstruction de ponts deviennent nécessaires pour accompagner l’essor économique. À Paris, la politique urbaine du baron Hausmann a pour conséquence la destruction de plusieurs milliers de bâtiments et le creusement de multiples tranchés pour les réseaux d’égout et d’adduction d’eau. Ces grands travaux permettent à de nombreux « antiquaires » de compléter leur collection par la prospection ou l’achat d’objets auprès des ouvriers48. La conservation de ces artefacts est cependant sélective. Si la bijouterie, l’armement et la statuaire sont l’objet d’une grande attention, le reste du mobilier ne suscite qu’un intérêt limité. Charles Roach Smith fut un de ces « antiquaires » londoniens qui sauva de l’oubli quantité d’objets antiques et médiévaux de toute nature, dont de nombreuses enseignes. Il publia l’ensemble des pièces de sa collection dans les sept volumes de la Collectanea Antiqua parus entre 1848 à 188049. En France, A. Forgeais, sigillographe amateur, constitua une collection de la même façon. Il eut pour projet de la publier en plusieurs fascicules, mais le succès de son premier ouvrage édité en 1858 et intitulé Notice sur des plombs historiés trouvés dans la Seine50 l’amena, également pour des raisons financières51, à s’intéresser de plus près aux « plombs historiés », de faible valeur marchande, c’est-à-dire aux méreaus, aux stylets, aux enseignes civiles, aux ampoules et enseignes de pèlerinages. Ces objets jugés curieux et pour la plupart inédits, présentent en outre une parenté de matériaux avec les sceaux. L’accroissement de sa collection le conduisit à publier entre 1862 et 1866 les cinq volumes de sa Collection de plombs historiés trouvés dans la Seine52. Durant quelques temps, une plus grande attention fut portée à ces petits objets. Quelques années plus tard, par exemple, l’abbé Desnoyers rédigea plusieurs articles sur du mobilier antique et médiéval trouvé dans la Loire durant les années 45 Migieu 1779. Blancard 1860. 47 Demay 1877, Demay 1880, Demay 1885. 48 Bruna 2006a, p. 17-18. 49 Smith 1848-1880. 50 Forgeais 1858. 51 Forgeais 1862, t. 1, p. 7, 9-10. 52 Forgeais 1862 à 1866. 46 23 1. Méthodologie et perspectives de recherche 187053, et en 1885, une contribution d’Eugène Hucher portant sur des enseignes de pèlerinage parut dans le Bulletin monumental54. Dans son Dictionnaire raisonné du mobilier français dont les six volumes furent édités entre 1872 et 1875, E. E. Viollet-le-Duc accorde une place aux objets découverts lors de « fouilles ». La fin des grands travaux fluviaux et urbanistiques, fournissant facilement et à peu de frais une masse importante de mobilier, fut préjudiciable à l’étude du mobilier commun. Toutefois, la publication des catalogues de collectionneur perdura au siècle suivant : O. M. Dalton édita le Franks Bequest catalogue of the finger rings en 191255, C. Enlart illustra une partie du tome 3 de son Manuel d’archéologie française paru en 191656 d’objets en sa possession, H. R. d’Allemagne publia la collection d’objets médiévaux, modernes et contemporains de Jean-Louis-Henri Le Secq des Tournelles et notamment en 1928 trois volumes sur les accessoires du costume et du mobilier57. Progressivement, les ensembles de matériel constitués par les érudits finissent par former une part importante des collections muséales où ils entrent par achat, donation ou legs. Quelques études, notamment en bijouterie furent alors initiées : J. Evans fit publier Magical jewels of the Middle Ages and the Renaissance en 192258, et un peu plus de trente ans plus tard A history of jewellery, 1100-187059, C. Dervieu s’intéressa à la bague au Moyen Âge dans la Revue archéologique en 192460, et en 1929 parut La bague en France à travers l’histoire de M. Deloche61. Le Medieval catalogue édité en 195462 et l’étude d’I. Fingerlin en 1971 sur la ceinture médiévale63 sont encore témoins de cette pratique de l’étude de l’objet, par la force des choses, hors de tout contexte datant. En conséquence, dans ces travaux, l’emploi de l’iconographie et des sources textuelles prend parfois une très grande place lorsque l’auteur essaie de remettre les objets dans leur contexte d’utilisation et de les dater. Au Royaume-Uni, les décennies 1960 et 1970 sont initiatrices d’une nouvelle période dans l’étude du mobilier : l’apparition de publications consacrées aux résultats de la fouille scientifique d’un ou de plusieurs sites dans une zone donnée avec la présentation de l’ensemble des artefacts retrouvés, quelle que soit leur nature, et le dessin de la plupart d’entre 53 Desnoyers 1873 ; Desnoyers 1876. Hucher 1885. 55 Dalton 1912. 56 Enlart 1916. 57 Allemagne 1928. 58 Evans 1922. 59 Evans 1953. 60 Dervieu 1924 61 Deloche 1929. 62 Medieval catalogue 1954. 63 Fingerlin 1971. 54 24 1. Méthodologie et perspectives de recherche eux. Cette démarche devient vite habituelle outre-manche et a peut-être eu une influence déterminante sur l’appréciation du mobilier non céramique sur le continent. Des revues scientifiques telles que The Antiquaries Journal et Medieval Archaeology contribuent en outre à cet effort. Dans le sud de la France, les premières véritables fouilles scientifiques concernant le Moyen Âge central et le Moyen Âge tardif sont menées à la toute fin des années 1960 sur les sites castraux de Rougiers et de Montségur, les villages désertés de Saint-Jean-le-Froid, de Dracy, de Condorcet et le château de Montaigut. La publication du résultat des recherches sur les quatre derniers sites se fit dans le cadre d’un ouvrage intitulé Archéologie du village déserté64 et fut accompagnée d’une présentation du mobilier non céramique, essentiellement métallique. De 1968 à 1976, G. Démians d’Archimbaud travailla sur le site castral de SaintJean à Rougiers dans le Var. Les résultats de cette opération archéologique de grande envergure donnent lieu à une thèse d’État soutenue en 1978 et publiée en 198065. Le mobilier céramique et non céramique est abondant et sans commune mesure avec ce qui avait été publié auparavant. L’auteure ne se satisfait pas d’une simple présentation des artefacts non céramiques, elle les décrit en détail, cherche des comparaisons dans la rare bibliographie disponible et tente une classification pour mettre en évidence une évolution chronologique. Elle essaie également de générer des éléments d’interprétation à partir de la géolocalisation à l’intérieur du site de certains groupes d’objets, approche qui fut améliorée et systématisée par J.-M. Pesez en 1984 dans l’étude du site de Brucato66, et intégra les données du mobilier non céramique à sa synthèse. Cette approche nouvelle du mobilier, ainsi que l’abondance et la diversité du matériel, ont fait que la publication relative au castrum Saint-Jean à Rougiers est devenue une référence concernant l’étude des objets, jusqu’à récemment. G. Démians d’Archimbaud est, dans le sud-est de la France, l’initiatrice d’une archéologie scientifique médiévale et les étudiants qu’elle forme vont développer les champs de la recherche, notamment L. Vallauri pour la céramique et M.-C. Bailly-Maître pour la filière métal67. Dans le Nord de la France, le mobilier non céramique du second Moyen Âge n’a pendant longtemps suscité que très peu d’intérêt. La publication en 1973, par J.-P. Rieb et 64 Abramowicz et al. 1970, Hensel et al. 1970 a, Hensel et al. 1970 b, Leciejewicz et al. 1970 Se conférer à Démians d’Archimbaud 1980a pour la version de soutenance et à Démians d’Archimbaud 1980b pour une version expurgée de certaines annexes. 66 Pesez (dir.) 1984. 67 La thèse de M.-C. Bailly-Maître soutenue en 1983, sur le village minier de Brandes à l’Alpe d’Huez, marque le début d’une abondante production scientifique sur la question des mines et de la métallurgie primaire. 65 25 1. Méthodologie et perspectives de recherche C.- L. Salch d’un catalogue répertoriant des objets retrouvés lors de fouilles réalisées en Alsace lors des dix dernières années doit sans doute beaucoup au dynamisme de l’archéologie allemande en la matière68. Et il faut attendre le milieu des années 1980 pour que paraissent à nouveau, dans cette zone, des publications d’une certaine envergure présentant du mobilier non céramique. Les années 1980 sont marquées par une augmentation significative de la production scientifique archéologique en France et en Italie grâce à l’apparition ou au développement de revues telles que Archeologia medievale, Archéologie médiévale, Archéologie du Midi médiéval, la Revue Archéologique de Picardie, Zeitschrift für Archäologie des Mittelalters mais également à des ouvrages dédiés à l’étude d’un site. La proportion d’objets non céramiques publiés s’en ressent mais l’étude est la plupart du temps réduite à la seule présentation du mobilier. En outre, dans de nombreux cas, seuls les objets aisément identifiables ou d’une certaine valeur esthétique sont figurés et décrits. Cette constatation est également valable pour les décennies suivantes. Les catalogues d’exposition en sont un exemple particulièrement frappant : les objets y sont souvent présentés dans le cadre d’un listing numéroté, ils sont parfois organisés en catégories comme l’armement, les travaux quotidiens, le costume, etc. et au mieux introduits par un petit texte dont les données informatives sont particulièrement limitées. Au besoin, quelques images et textes sont présentés pour remettre le mobilier en perspective. Mais l’étude de l’artefact en est absente : il n’est presque jamais fait mention des procédés de fabrication, de l’évolution de leur forme, de la variabilité de leur emploi. Dans ce genre de publication, la plupart du temps, le mobilier n’a qu’une valeur illustrative. Le médiéviste spécialisé dans le mobilier non céramique a très couramment l’habitude d’utiliser les différents tomes de la collection Medieval finds from excavations in London parus entre 1987 et 199869 et depuis sans cesse réédités. Ces ouvrages sont devenus des références, non pas tant par la qualité scientifique des réflexions sur les objets, assez inégales selon les volumes et les articles, que par la quantité de mobilier ainsi proposée à l’archéologue. Les années 1990 et 2000 sont marquées par la multiplication des publications françaises et étrangères comprenant du mobilier métallique, souvent simplement décrit, plus rarement analysé en détail. Dans cette production, la publication des fouilles du castrum d’Andone se détache nettement. Les corpus publiés de mobilier datables des environs 68 Rieb et Salch 1973. Clark (dir.) 1995, 2004² ; Cowgill et al. (dir.) 1987, 2000² ; Crowfoot et al. 1992, 2001² ; Grew et De Neergaard 1988, 2001² ; Egan et Pritchard 1998, 2010² ; Spencer 1998, 2010². 69 26 1. Méthodologie et perspectives de recherche de l’An Mil ne sont pas encore très nombreux70 et la qualité de la publication est à signaler, notamment l’étude sur les objets équestres qui renouvelle la recherche sur le sujet71. Dans le tome intitulé Dress accessories 1150-1450 de G. Egan et F. Pritchard72, il est fait appel aux sciences physiques pour la détermination des matériaux dans le cadre d’une réflexion sur la nature des matières utilisées et l’évolution de leur emploi au cours du temps. L’approche est critiquable puisque tous les artefacts, quels que soient leur nature et leur procédé de fabrication y sont rassemblés sans distinction. Les analyses de composition et la métallographie – qui permet en outre d’observer la structure interne des objets – appliqués à l’archéologie ont été initiés par A. France-Lanord et E. Salin dans les années 1940 et 195073. Assez peu usitées jusqu’au début des années 1990, elles sont plus couramment employées par la suite même si elles demeurent la plupart du temps limitées à l’étude des installations et déchets métallurgiques. La première utilisation de ces techniques pour le mobilier en fer du second Moyen Âge est à porter au crédit de G. Démians d’Archimbaud qui fit réaliser des analyses sur de l’outillage, de l’armement et des fers d’équidés74. À la fin des années 1980 et au début des années 1990, l’intérêt se porte en France sur l’armement, l’outillage et la coutellerie75, puis au début des années 2000 sur les fers de construction76, les fers d’équidés77 70 Les travaux archéologiques de D. Mouton en Provence, toujours en cours, ont mené à la découverte de plusieurs mottes castrales des environs de l’an Mil. On peut se reporter à Mouton 2003 et surtout à Mouton 2008b. Dans le Var, la chapelle Notre-Dame de la Gayole à La Celle (Démians d’Archimbaud 1971, Démians d’Archimbaud et al. 1995) et le site fortifié de Cadrix à Saint-Maximin (Fixot 1983, Fixot 1985, Fixot 1987) sont à mentionner. Au nord des Alpes, le site de Charavines à Colletières en Isère a donné lieu à plusieurs publications, notamment Colardelle et Colardelle 1980, Colardelle et Verdel 1993, Colardelle et Verdel 1994, Colardelle et Verdel 1998. Sans volonté d’exhaustivité, mentionnons aussi pour le sud de la France la forge de Bourbousson 2 à Crest dans la Drôme (Bastard 2001), le castrum du rocher des vierges à Saint-Saturnin dans l’Hérault (Ginouvez et al. 1988), des maisons excavées à Narbonne dans l’Aude (Ginouvez et Labarussiat 1993), la motte de Pineuilh à La Mothe en Gironde (Prodéo et al. 2006). Pour le nord de la France, le site du château de Blois est assez marquant par la quantité de mobilier retrouvée (Aubourg et Josset 2000 ; Aubourg et Josset 2003). 71 Portet et Raynaud 2009. 72 Egan et Pritchard 1998, 2010² 73 Se reporter par exemple à La Civilisation mérovingienne d’après les sépultures, les textes et le laboratoire d’É. Salin dont les quatre volumes sont parus entre 1949 et 1959, et à l’article de A. France-Lanord intitulé Les techniques métallurgiques appliquées à l’archéologie en 1952 dans la Revue de Métallurgie. 74 Démians d’Archimbaud 1980 a, Démians d’Archimbaud 1980 b. 75 F. Huard et A. Czeski publient l’étude micrographie d’un fer de trait de Montségur en 1985 (Huard et Czeski 1985), A. Debord et N. Dieudonné-Glad l’étude structurale d’outils et d’armes du Xe siècle en 1993 (Debord et Dieudonné-Glad 1993), C. Forrières, P. Merluzzo et A. Ploquin celle d’outils et d’armes du XIe siècle en provenance du lac de Paladru la même année (Forrières et al. 1993). 76 P. Dillmann, P. Bernardi et P. Fluzin font paraître les résultats d’analyses métallographiques sur des fers de construction du palais des papes à Avignon en 2003 (Dillmann et al. 2003). Cette problématique est étendue à d’autres édifices dans le Nord de la France par M. L’Héritier et d’autres 27 1. Méthodologie et perspectives de recherche et les fers de trait78. Les recherches menées par C. Forrières, P. Merluzzo et A. Ploquin, dans le cadre de l’étude du site de Colletière à Charavines, sont particulièrement novatrices79. Grâce à une panoplie d’analyses, les auteurs mènent une réflexion poussée sur la production des objets en fer depuis les déchets métallurgiques liés au traitement du minerai jusqu’à l’objet fini. En ce qui concerne les objets en alliage cuivreux, ce n’est qu’en 2009, avec les travaux de thèse de Nicolas Thomas80 sous l’impulsion de Paul Benoît et poursuivis depuis lors81, qu’une attention véritable leur est portée en France82. Dans certaines contributions de la collection Medieval finds from excavations in London, la réflexion dépasse la stricte analyse archéologique des objets qu’elle essaie de remettre dans un contexte d’utilisation par l’emploi de l’iconographie et des sources textuelles. Cependant, le propos reste assez souvent limité. Le problème est inverse dans L’outil agricole en France au Moyen Âge, paru en 2002, version publiée de la thèse de P. Reigniez83. L’iconographie et les sources textuelles y sont abondamment utilisées mais la mise en concordance avec le mobilier archéologique échoue. Celui-ci est bien trop rare, car l’auteur se contente de reprendre les dessins d’outils dans quelques livres et articles les présentant. Il n’a donc effectué aucune observation propre et sa réflexion sur le mobilier est assez réduite. D. Bruna, dans Enseignes de pèlerinage et enseignes profanes, édité en 1996, se livre à l’étude de la collection d’enseignes du musée de Cluny84, des objets qui, même si leur origine est parfois connue, sont analysés hors de tout contexte stratigraphique. Il développe plus avant sa réflexion en 2006 dans Enseignes de plomb et autres menues chosettes du Moyen Âge. Il s’intéresse entre autres aux conditions d’apparition de ces objets, passe rapidement sur les procédés de fabrication qui, il est vrai, ne sont pas particulièrement complexes, s’attarde quelque peu sur le commerce et la diffusion de ces objets, mais il s’attache surtout à faire émerger la pensée médiévale qui transparaît derrière l’utilisation : collaborateurs deux ans plus tard (L’Héritier et al. 2005). Se reporter également à L’Héritier et al. 2012 pour l’angle des sources textuelles. 77 L’Héritier et al. 2003, Neff et al. 2004. 78 Serdon et Fluzin 2002, Serdon 2005. 79 Forrières et al. 1993. 80 Thomas 2009. 81 Par exemple Bourgarit et Thomas 2012 ; Thomas et al. 2014. 82 P. Beck avait fait réaliser quelques analyses de composition sur du mobilier du XIVe siècle de La Grange du Mont, sans problématique, et en présentant les résultats sans autre commentaire (Beck (dir.) 1989). 83 Reigniez 2002. Voir également Reigniez 2003. 84 Bruna 1995. 28 1. Méthodologie et perspectives de recherche objet souvenir, signe d’appartenance, de dignité, de foi, etc. C’est avant tout un travail d’historien et d’iconographe. Les travaux de V. Serdon sur les armes de trait dans Armes du diable. Arcs et arbalètes au Moyen Âge85 et de M. Linlaud dans Serrures médiévales, VIIIe - XIIIe siècle86, allient au contraire d’une manière beaucoup plus aboutie les données archéologiques et l’iconographie. Cette dernière intervient comme un complément. Les images sont interrogées au regard des résultats archéologiques révélant, à travers les traditions iconographiques et les représentations plus réalistes, une part du vécu matériel et de la symbolique des objets dans la mentalité médiévale87. Du fait de l’étendue géographique étudiée, le territoire français actuel pour V. Serdon, l’Europe de l’Ouest et une portion de l’Europe centrale pour M. Linlaud, ces chercheurs n’ont pas ou peu procédé à des dépouillements dans les archives notariales. Or, les données de cette nature publiées pour leurs sujets respectifs ne sont pas particulièrement nombreuses. Certains domaines de la culture matérielle ne sont donc que faiblement traités comme la production et la vente ou bien encore la place des objets dans l’intérieur privé. Ce mode de recherche, dans lequel se positionne notre thèse, est encore exceptionnel. Des travaux comme ceux que nous avons pu mener, sur un mobilier archéologique qui concerne l’apparence de l’Homme et qui, en quelque sorte, permet d’appréhender une partie de son intimité, entraînent la nécessité de faire des recherches sur les phénomènes culturels et économiques qui entrent en ligne de compte. Un objet, et plus encore un accessoire du costume, est l’expression d’une société, le résultat d’une pensée à la fois consciente et inconsciente de l’image qui doit être perçue d’une individualité ou d’un groupe d’individus. Nous sommes persuadé que l’on ne peut donc pas étudier les accessoires du costume du seul point de vue archéologique88. Depuis quelques années, l’étude scientifique du mobilier non céramique, que ce soit dans le cadre d’études de site ou de recherches thématiques tend à se développer comme semblent le montrer de récentes publications, certaines méthodologiques, et des travaux de thèse en cours ou inédits qu’il est prématuré de traiter dans une perspective historiographique, par manque de recul. Il est regrettable, cependant, que ce mouvement ne concerne que trop peu d’archéologues pour le moment. Il suffit pour s’en convaincre de constater l’absence très fréquente d’inventaire du mobilier non céramique dans les rapports de fouille. L’ouverture de la revue thématique Instrumentum aux médiévistes et modernistes, 85 Serdon 2005. Linlaud 2014a. 87 On lira avec intérêt Linlaud 2014b sur l’utilisation prudente des images comme source de la culture matérielle et leur nécessaire confrontation avec le mobilier. 88 On peut se référer à Sánchez Climent 2013. 86 29 1. Méthodologie et perspectives de recherche l’apparition de séminaires et journées d’études spécialisées89, laisse cependant espérer grâce au développement des études, une prise de conscience au-delà du cercle aujourd’hui restreint des spécialistes qui s’intéressent à la question et des quelques responsables d’opérations d’archéologie préventive ou programmée qui ont saisis l’intérêt des problématiques liées à ce mobilier parfois encore considéré comme marginal. 1.1.3. Définition des objectifs et du cadre de l’étude 1.1.3.1. Cadre géographique et chronologique de l’étude Le territoire d’investigation choisi correspond plus ou moins à ce qui est usuellement considéré comme la Provence occidentale, mais il ne représentait pas durant la période d’étude une entité territoriale politique cohérente. Durant la presque totalité de la période étudiée, il fut divisé en deux ensembles principaux : le Comtat Venaissin et le Comté de Provence. Sa position stratégique, à la confluence des routes entre le Sud-ouest de la France voire le Nord de l’Espagne et la péninsule italienne et entre celle-ci et le royaume de France laissait augurer quelques spécificités intéressantes dans l’étude du mobilier. Ce territoire s’étend actuellement sur une portion ou sur l’ensemble de quatre départements de la région Provence-Alpes-Côte-D’azur : les Bouches-du-Rhône, le Var et le Vaucluse dans leur intégralité, la partie sud-ouest des Alpes de Haute-Provence limitée à l’est par Digne et au nord par Sisteron, ainsi que l’extrême est du département du Gard (fig. 1). Privilégier un territoire restreint prémunit d'un accroissement trop important de la documentation qui, en soi-même, peut constituer un frein à l'élaboration d'une recherche précise et réalisable en quelques années. A contrario, le risque de ne pas discerner les différences régionales existe si le corpus n’est pas assez conséquent et ne permet pas de comparaison fiable avec les artefacts provenant d’autres régions européennes. Eût-il mieux valu toutefois tenter une étude à plus grande échelle ? En ce cas, le travail eût été essentiellement bibliographique. Or, les travaux menés dans le cadre de cette thèse ont démontré qu’il existait une écrasante proportion de mobilier inédit. Un travail d’une trop grande envergure géographique aurait donc couru le risque de voir ses conclusions assez 89 Najla Touati et moi-même avons organisé une journée d’étude intitulée « De la matière métallique à l’objet : production, typochronologie et commerce (IXe - XVIIe s.) » qui s’est déroulée les 11 et 12 avril 2013 à la MMSH, à Aix-en-Provence. Pour un compte-rendu des communications, se reporter à Thuaudet et Touati 2013. 30 1. Méthodologie et perspectives de recherche rapidement contredites. Un territoire plus restreint permet d’approcher dès lors, non pas de l’exhaustivité, mais d’un état de la recherche assez complet et donc forcément représentatif. Cependant, la constitution du corpus d’étude a révélé qu’il existe de très fortes disparités dans la répartition géographique des ensembles de mobilier publiés, significatives pour une part du dynamisme des villes au second Moyen Âge et au début de l’Époque moderne. Elles sont également la conséquence du dynamisme de l’archéologie préventive et programmée, en grande partie fonction de l’ampleur des aménagements urbains. Ces aspects sont susceptibles de créer des biais. Un solide corpus de comparaison est donc particulièrement important et aide à dépasser le cadre strict de la Provence en élargissant bon nombre de conclusions à un espace géographique plus large. L’association de plusieurs facteurs est à l’origine du choix de débuter cette étude aux alentours du XIe siècle. La thèse de F. Stutz sur Les objets mérovingiens de type septentrional dans la moitié sud de la Gaule répertorie le mobilier funéraire, essentiellement métallique, du milieu du Ve siècle jusqu’au début du VIIIe siècle. Il aurait pu sembler logique de démarrer notre étude au VIIIe siècle, mais force est de constater que la période des VIIIe - Xe siècles est particulièrement mal représentée et cernée archéologiquement. Aux alentours de l’An Mil, grâce notamment aux fouilles archéologiques de D. Mouton90, les données deviennent plus assurées. Mes recherches de master 2 avaient mis en évidence l’importance du XIIIe siècle dans le développement de nouveaux types et formes d’accessoires91 et on pouvait se demander si ce phénomène n’était pas antérieur. Quant au terminus ante quem, il a été fixé au XVIIe siècle. Les XVIe et XVIIe siècles sont une période durant laquelle s’opèrent des changements assez rapides dans la morphologie de nombreux accessoires. Ils sont liés à des phénomènes de mode qui touchent l’ensemble du costume. Toutefois, si l’on excepte les épingles et perles, nombreuses en contexte funéraire, les objets provençaux datés du XVIIe siècle sont particulièrement peu nombreux et les éléments de comparaison sont encore assez réduits. Il n’a donc pas paru possible d’intégrer le XVIIe siècle avec la rigueur scientifique nécessaire dans la réflexion. 90 91 Mouton 2003, Mouton 2008b. Thuaudet 2008a, p. 116, 144, 180, 227-228. 31 1. Méthodologie et perspectives de recherche 1.1.3.2. Les objectifs de l’étude La synthèse historiographique montre qu’en dehors de rares pièces d’orfèvrerie conservées dans les musées, retenues par l’iconographie ou mentionnées dans les textes, il n’existe que peu d’études ayant pour sujet les parures de corps et les accessoires métalliques du vêtement usuel. L’objectif de la présente recherche est donc de s’attacher à une exploration détaillée de ces précieux témoins du costume, les pièces de textiles ou de cuir qu’ils apprêtaient ayant rarement survécu. Étudier les accessoires du costume ne peut et ne doit pas s’inscrire dans une analyse des seuls objets archéologiques qui, séparés du contexte de la société dans laquelle ils s’insèrent, perdent beaucoup de leur sens. Ils sont, en effet, les témoins des transformations économiques et sociales et il paraît indispensable de les replacer dans la culture matérielle et le réseau de relations sociales et économiques de la période retenue. Cette étude s’appuie, par conséquent, sur l’apport : - de rapprochements avec le reste du mobilier métallique ou d’autres formes de matérialité comme les tissus, - des analyses de composition pour comprendre le choix des matériaux, - des sources iconographiques comme les sculptures, peintures et autres représentations graphiques, - des sources textuelles telles que les inventaires après décès, les constitutions de dots, les comptabilités privées et publiques, les actes de la pratique notariale concernant les artisans, marchands, merciers, revendeurs, etc., - de l’analyse d’évènements locaux et/ou internationaux. À bien des égards, la démarche proposée est relativement nouvelle, et les manières de l’aborder s’avèrent multiples et variées. Le point de vue archéologique est bien évidemment prédominant eu égard à la formation universitaire de l’auteur qui n’est donc pas iconographe, historien du costume ou des sociétés ou bien encore archéométallurgiste. Ces aspects sont cependant indissociables des objets étudiés et leur prise en compte permet de donner des clefs de lecture supplémentaires en élargissant le point de vue. La vision du sujet en est d’autant moins biaisée. Avant de traiter des objets, il apparaît indispensable d’essayer de retracer les parcours économiques et commerciaux des matières premières qui ont été employées pour la confection des accessoires du costume produits en Provence (chapitre 2) : Quelles sontelles ? D’où viennent-elles ? Quels sont leurs coûts ? Voici quelques-unes des questions majeures qui s’imposent à l’esprit. Les capacités de production d’un artisanat, ayant pour 32 1. Méthodologie et perspectives de recherche objet le métal ou les matières dures d’origine animale, végétale ou minérale, sont toujours conditionnées par les approvisionnements. Le chapitre suivant (chapitre 3) est consacré à l’étude du mobilier archéologique. Il traite dans un premier temps des anneaux, boucles, chapes, mordants et terminaisons de courroie dont bon nombre ont été employés dans la ceinture. Les appliques et branlants, également régulièrement présents sur les ceintures, sont étudiés en suivant. Un troisième souschapitre est consacré aux accessoires – hors ceinture – permettant la fixation des pièces du costume. Les parures de corps et objets de dévotion sont l’objet d’une dernière sous-partie. L’interrogation des sources textuelles et iconographiques92, en préalable à chaque souschapitre de l’étude du mobilier, est menée de façon à mettre en évidence des données qui puissent éclairer sur la fonction et la symbolique des objets analysés dans et parfois hors du costume, sur le prix des objets, éventuellement sur les personnes qui les utilisent. Ce questionnement peut conduire à traiter le mobilier d’une façon différente et à revoir certaines interprétations. Toutefois, la base de ce travail est avant tout l’approche archéologique fondée sur une analyse des caractéristiques structurelles, morphologiques et fonctionnelles des artefacts dans le temps et dans l’espace. Elle ouvre sur des champs aussi divers que le choix de la matière première, les procédés de fabrication, les possibilités d’emploi, l’évolution de la mode et la clientèle ciblée. Comparé avec des artefacts issus d’autres régions de l’actuel territoire français ou répertoriés dans des aires géographiques proches, le mobilier du corpus étudié permet de percevoir l’évolution de chaque objet de parure et accessoire vestimentaire métallique dans les limites de la Provence, sans pour autant ignorer le contexte général de l’habillement européen. S’articulant autour de la typo-chronologie élaborée à partir du corpus, cet angle de recherche a également pour dessein d’arriver à ce que certaines familles d’accessoires soient, tout comme le verre ou la céramique, des éléments utiles à la datation des couches archéologiques. D’autres problématiques sont liées à la fabrication des objets. Celle-ci nécessite un approvisionnement en matières premières déjà évoqué dans le deuxième chapitre, des savoirfaire ainsi que des moyens techniques. L’observation visuelle, assistée si nécessaire par l’utilisation de la loupe binoculaire, peut permettre la reconstitution de chaînes opératoires. Il n’a pas été possible, faute de moyens financiers, de faire réaliser des analyses métallographiques qui auraient sans doute permis de proposer des hypothèses sur l’origine des matériaux, laquelle est donc seulement renseignée par les archives, et d’obtenir plus de 92 Se reporter aux chapitres 1.2.2 et 1.2.3. 33 1. Méthodologie et perspectives de recherche précisions sur les techniques de fabrication. Des analyses de composition ont cependant pu être effectuées. Compte tenu de leur coût, elles ont été opérées sur un échantillonnage réduit, en alliage cuivreux, dont la sélection a été établie à partir de l’observation visuelle des techniques de fabrication et la typo-chronologie. L’intention est d’identifier la nature du matériau et donc de comprendre pourquoi l’artisan a choisi ce matériau pour la confection de cet objet. Les teneurs en éléments varient-elles au cours du temps en fonction des facteurs économiques, de l’emploi de procédés de fabrication (déformation plastique, fonderie), des techniques décoratives ou du type d’objet ? Quelle est la part du recyclage ? Quelles brasures ont-elles été employées ? Quelle importance la couleur revêt-elle dans le choix du matériau ? Quels ont été les procédés de dorure, d’argenture ou d’étamage mis en œuvre ? Le rapport d’étude de ces analyses est disponible dans l’annexe 2 mais les résultats en sont utilisés tout au long de la thèse. Dans le cadre du dernier chapitre (chapitre 4), l’ensemble des données générées est rassemblé et confronté à d’autres informations très spécifiques pour traiter dans une première approche de la production des accessoires du costume et de l’origine de ceux qui se retrouvent en Provence, de leur diffusion par l’intermédiaire du commerce de gros et de détail, de leur coût et de l’impact qu’ils peuvent avoir sur la clientèle qui les achète. Une seconde approche considère les données relatives à la signification des accessoires dans le costume. Ces objets sont, en effet, à la fois signifiants et signifiés car, au-delà de leur rôle utilitaire, ils revêtent parfois une importance toute particulière, par exemple dans la dot des mariées, mais aussi en tant que symboles d’une fonction, marqueurs d’une hiérarchie ou d’un rang social, représentant des liens de familiarité ou du pouvoir. L’aspect vestimentaire reflète un cadre de conventions sociales qui caractérisent le statut du porteur. Le réglementer, que ce soit dans la société civile ou cléricale répond à des motivations qu’il est utile d’expliciter. La finalité en est variable selon le type de population visé. Les derniers axes traités concernent la place des accessoires du costume retrouvés en Provence par rapport au mobilier découvert ailleurs en Europe : Existe-t-il des formes communes à toute l’Europe occidentale ? Y a-t’il une part de réinterprétation à l’échelle des centres de production régionaux ? Les pôles économiques et politiques provençaux, et notamment la cité d’Avignon durant l’époque papale, ont-ils joué un rôle dans l’élaboration et la diffusion des modes ? Dans quelle proportion, les phénomènes de mode spécifiques aux pièces de vêtement influent-ils sur l’existence et la morphologie des accessoires ? Est-il possible d’évaluer l’impact, au cours du temps, de l’interaction entre les contextes politiques, économiques et sociaux sur la conception décorative et matérielle des 34 1. Méthodologie et perspectives de recherche artefacts, l’ampleur de leur emploi, le port des accessoires et parures les plus précieux et dans l’établissement de lois somptuaires en réglementant l’usage ? 35 1. Méthodologie et perspectives de recherche 1.2. Critique et choix des sources nécessaires à l’étude Les sources mises à contribution pour cette étude sont la résultante de l’objectif affiché de cette thèse : le mobilier archéologique, fondement de notre travail, est le témoin d’une culture matérielle dont il faut s’efforcer d’approcher la compréhension par la multiplication des axes d’étude et donc des sources de données. Nous avons donc combiné aux différentes formes d’étude du mobilier archéologique, l’apport des sources écrites et iconographiques. 1.2.1. Le mobilier archéologique 1.2.1.1. La constitution du catalogue L’étude typologique repose sur la constitution d’un corpus d’objets suffisamment important pour permettre l’établissement d’un discours scientifique sur des bases solides. Pour répondre à cet objectif, de nombreux déplacements ont été nécessaires dans les dépôts archéologiques, des archéologues dépositaires momentanés des artefacts ont été contactés, un relevé exhaustif de la bibliographie régionale a été réalisé. Un dépouillement des rapports de fouilles conservés au Service régional de l’archéologie de la région PACA, ayant trait à la mise au jour de structures médiévales ou modernes, a également été mis en œuvre. Près d’un mois, en temps cumulé, s’est révélé nécessaire pour passer en revue, en s’aidant en partie de la base Patriarche, plus de 1000 rapports de fouille, pour collecter des dessins ou photos d’artefacts métalliques en tout genre du bas Moyen Âge et de l’Époque moderne93, car la seule indication d’un objet sans description très précise n’apporte rien à l’étude. Les résultats obtenus ne sont guère satisfaisants. Le mobilier est en effet assez peu mentionné, que ce soit dans le texte ou au sein d’inventaires, et très rarement représenté. Seulement une quarantaine de rapports contient des informations utiles soit, au total, moins d’une centaine de références supplémentaires à ajouter au corpus provençal. Heureusement, la majorité d’entre elles concernaient le thème de ce mémoire. 93 Bien que la base Patriarche comprenne des erreurs et omissions, il semble que la totalité des rapports mentionnant des structures du Bas Moyen Âge ait été examinée. Une grande partie de ceux décrivant des strates et constructions modernes a été inspectée. 36 1. Méthodologie et perspectives de recherche Les publications régionales livrent assez peu de renseignements sur les contextes de découverte. Comme pour les rapports de fouille, ils incluent rarement une saisie méthodique des données intrinsèques de l’objet, un inventaire de la totalité des artefacts découverts, et encore moins une représentation. Les pièces vestimentaires médiévales ou du tout début de l’Époque moderne conservées dans les musées et les églises provençales sont rares. Des recherches menées par M. Giroud sur les tissus94 et par C. Gazay Jourdan au sujet des broderies sur les vêtements sacerdotaux95 dans le sud-est de la France n’ont révélé l’existence que d’une trentaine de pièces. Même si de l’avis de M. Giroud cet inventaire est sans doute incomplet car réduit au temps d’un mémoire de maîtrise, l’absence apparente d’accessoires non textile n’a pas incité à conduire une exploration plus approfondie dans cette direction. Étant donné l’importance du site du castrum Saint-Jean à Rougiers dans l’étude du mobilier métallique à l’échelle régionale, les objets qui ont pu être retrouvés au dépôt archéologique de Revelle, dans le Var, ou dans les locaux de l’association « Il était une fois Rougiers » à Rougiers ont été réexaminés. Ces observations ont conduit à réinterpréter certaines identifications, à mieux percevoir les procédés de fabrication d’objets complexes, et ont intégré un peu plus de 190 nouveaux artefacts qui n’avaient pas été dessinés, parce qu’il avait été jugé qu’ils faisaient doublon avec des pièces déjà dessinées, qu’ils étaient fragmentaires ou qu’ils n’avaient pu être reconnus. Une procédure de révision identique a été effectuée pour le site du quartier Sainte-Barbe à Marseille fouillé en 1991 sous la direction de H. Marchesi, J. Thiriot et L. Vallauri96. Cette phase de travail, dispendieuse en temps, a permis de rassembler plus de 6370 artefacts provençaux, dont plus de 85 % d’objets inédits provenant majoritairement de contextes archéologiques d’Avignon, Rougiers, Saint-Maximin, Marseille et Digne. 1.2.1.2. Décrire et mesurer les objets Inventorier un artefact nécessite tout d’abord de savoir l’identifier et le décrire. Audelà des problèmes de détermination inhérents à l’étude du mobilier archéologique et liés à l’état de conservation de l’objet et à la connaissance de la culture matérielle, il est nécessaire de considérer certains objets comme la partie d’un tout. Sur le plan technique, une boucle 94 Giroud 1989. Gazay Jourdan 1990. 96 Marchesi et al. 1998. 95 37 1. Méthodologie et perspectives de recherche n’est rien de plus qu’un anneau avec un ou plusieurs ardillons, or, à l’anneau et à l’ardillon peut s’appliquer une typologie propre. De même, une chape peut être rattachée à un anneau ou à une boucle, et des appliques peuvent être fixées sur la courroie, la chape, le mordant ou la terminaison de courroie. Chaque élément doit donc être à la fois analysé et décrit individuellement, et comme composante d’un ensemble. L’étude morphologique et technique des accessoires du costume nécessite, pour une meilleure diffusion des données et pour une analyse plus aisée, la constitution d’un vocabulaire descriptif. Celui-ci peut s’appuyer sur des termes anciens lorsqu’il est possible de leur attribuer une définition précise et adaptée à la description scientifique. Toutefois, les différences dues aux langues et à leur évolution au cours du temps ainsi que la variabilité des significations pouvant être relevées géographiquement s’y prêtent assez peu. Une autre piste est l’utilisation d’une terminologie moderne ou créée pour la circonstance. Elle présente l’avantage, de par la richesse actuelle des langues, d’être bien plus précise et aisément aménageable. C’est cette voie qui a été partiellement choisie par I. Fingerlin pour son analyse des boucles du second Moyen Âge dans les musées d’Europe97, par G. Démians d’Archimbaud dans son étude sur les objets du castrum Saint-Jean à Rougiers98, puis par G. Egan et F. Pritchard pour la publication du matériel retrouvé dans les fouilles londoniennes99. Ces derniers ont été les premiers à réellement formaliser le vocabulaire. Les travaux menés par l’auteur depuis 2008 sur les accessoires du costume dans le sud-est de la France et dont cette thèse est l’aboutissement, ont permis de mettre à l’épreuve la terminologie avec le mobilier provençal ainsi qu’avec une abondante bibliographie européenne. Il est aujourd’hui possible de proposer une terminologie adaptée à la description morphologique de ces objets, reprenant ou précisant certaines des dénominations déjà établies et comprenant quelques nouveautés. Ce vocabulaire descriptif est formalisé en introduction de la typologie de chaque catégorie d’objet. Il en est de même pour la prise de mesure conditionnée par la morphologie de l’artéfact à étudier et son état de conservation. Elle doit être similaire pour chaque type d’objet, caractériser ses variations morphologiques fondamentales et ainsi favoriser les comparaisons métriques. La masse d’une partie importante des objets a également été renseignée au moyen d’une balance au centième de gramme, d’une précision de 0,01 gr. d’après le fabricant, de 0,02 gr. de manière effective, pour tenter d’évaluer le coût des 97 Fingerlin 1971. Démians d’Archimbaud 1980a et b. 99 Egan et Pritchard 1991, p. 51. Cet ouvrage a été réédité de multiples fois et dernièrement en 2012. 98 38 1. Méthodologie et perspectives de recherche artéfacts. La perte de poids des matériaux occasionnée par l’oxydation des matières métalliques ou du fait de l’assèchement – cas de l’os –, l’incrustation de graviers, de sable, de terre dans la couche d’oxydation, le nettoyage ou la restauration des artefacts font nécessairement varier les valeurs obtenues. Ces facteurs sont à prendre en compte dans la réflexion. Cette démarche, intervenue au cours de la thèse, sur les conseils de Nicolas Thomas100, n’a pu être appliquée à la totalité du mobilier étudié antérieurement. Elle n’a volontairement pas toujours été entreprise pour les épingles et les ferrets de lacets, retrouvés en proportion très importante dans les fouilles archéologiques et pour lesquels l’exploitation de quelques centaines de données suffit amplement. 1.2.1.3. Représenter le mobilier La représentation des objets a constitué une préoccupation constante, et l’analyse s’est souvent heurtée à l’absence de reproductions graphiques ou photographiques dans la bibliographie. En effet, la description d’un objet tout aussi précise soit-elle, ne permet jamais de s’approcher de sa tridimensionnalité. En conséquence, un effort important a été consacré au dessin – environ 1580 réalisés – et/ou à la prise de vues photographiques du mobilier. Des exceptions ont été faites pour des séries d’objets très communs comme les anneaux circulaires, les ferrets de lacet, les épingles et les grelots carénés, parce que la variation morphologique, réduite à des points de détail, n’apportait aucune information supplémentaire exploitable. Les planches ne figurent pas toujours la totalité des objets décrits. Un choix représentatif a, pour certains types d’artefacts très communs, été préféré pour éviter les redondances. Le dessin du mobilier non céramique a été réalisé par informatique d’après un scan ou une photographie des objets. La première méthode, qui permet l’obtention de figures très précises, se révèle particulièrement adaptée aux objets plats ou comportant peu de modelé, ce qui est le cas de la quasi-totalité des artéfacts étudiés. Elle est par contre déconseillée pour les individus ayant quelque profondeur car l’angle d’émission du rayon lumineux occasionne une déformation d’autant plus importante que le point à atteindre est éloigné de la vitre. Pour en minimiser les effets, les artefacts doivent être disposés dans le grand axe du milieu de la vitre car il existe une altération latérale : des relevés indiquent que la différence d’échelle avec l’objet réel ne dépasse pas deux dixièmes de millimètre pour un point situé à 0,5 cm de la 100 Archéologue à l’INRAP. 39 1. Méthodologie et perspectives de recherche vitre pour un scanner de milieu de gamme. Au-delà, la divergence augmente très rapidement, et la photographie prend le relais. Elle nécessite une bonne gestion de l’effet de perspective, de la netteté, de l’éclairage, et un investissement dans le traitement informatique des photos101. Du fait de la nature du matériel étudié, elle a été très peu utilisée. Les coupes et/ou sections ont été également réalisées à partir de scans, considérés cette fois-ci comme indicatifs, et parachevés par des mesures sur l’objet. . Ces mesures directes sont nécessaires pour faire apparaître la structure et certaines caractéristiques morphologiques et techniques de l’artefact. Afin de protéger la vitre du scanner des rayures, une feuille transparente a été apposée et changée quand elle était détériorée. Le type de représentation graphique choisi pour la majorité du mobilier est celui du dessin épuré qui traduit les caractéristiques morphologiques et techniques de l’artefact de manière simple mais efficace, tout en permettant un gain de temps très précieux. Elle conduit en outre à s’affranchir des produits de corrosion qui altèrent la compréhension de l’objet. Les artefacts ont été autant que possible orientés selon un critère fonctionnel, en figurant au besoin les différentes faces et en multipliant coupes et/ou sections autant qu’il était nécessaire pour une parfaite compréhension. Sur ce point, le dessin suit la plupart des normes établies par M. Feugère et al. en 1982 dans un numéro spécial des Documents d’archéologie méridionale102. L’orientation des objets peut être très variable selon leur fonction. Dans ce cas, le positionnement qui semble le plus courant a été étendu à l’ensemble des objets de même groupe. Lorsqu’un objet provient de la bibliographie et qu’il n’a pas été possible de procéder à son examen ou que la représentation figurée qui en a été réalisée est apparue valable après observation de l’artefact, le dessin ou la photo de cet individu ont été conservés dans les planches typologiques. La photogrammétrie 3D et le relevé par Scan 3D au moyen de lasers a été un temps envisagé pour des objets au volume complexe suite à une formation au maniement des instruments et logiciels nécessaires au laboratoire Le2i (CNRS) au Creusot en Saône-et-Loire. Cependant, le coût du matériel pour le Scan 3D – les solutions à bas prix apparues récemment sur le marché produisant un résultat d’une qualité insuffisante – le temps d’acquisition et de traitement des données nous en ont dissuadé. 101 Un article synthétique sur les modes de représentation des objets archéologiques non céramiques est paru en 2013 dans le numéro 31 des Nouvelles de l’archéologie (Abert et al. 2013) et répertorie l’ensemble des méthodes à disposition de l’archéologue avec ses avantages et ses inconvénients : le dessin d’après photo et scan, pratiqué depuis le master 1, y est décrit. 102 Feugère 1982. 40 1. Méthodologie et perspectives de recherche 1.2.1.4. Enregistrer les objets Le traitement d’une masse abondante d’artefacts nécessite un enregistrement informatique des données sur des fiches formalisées pour l’ensemble du mobilier. Le logiciel Filemaker a été utilisé à cet effet et le lecteur retrouvera sur le CD fourni dans le volume des annexes les bases de données de l’étude. Les fiches établies sont constituées de différents groupes de rubriques. Concernant la fiche « Objet », un premier bloc permet la localisation du site de découverte (fig. 2, n° 1 à 3) et le lieu de dépôt de l’objet lorsqu’il est connu (n° 4). Sont également renseignés le groupe et la nature de l’objet (n° 5 et 6), son type (n° 7), le type de l’ardillon, de la chape ou de l’applique qui peut y être rattaché (n° 8 à 10), le ou les matériaux mis en œuvre (n° 11), et le contexte de découverte (n° 12). Le second bloc de la fiche comprend le nombre d’exemplaires (n° 13) – il existe des cas où des objets similaires sont regroupés sur une même fiche –, le numéro d’inventaire attribué en post-fouille ou dans le dépôt archéologique (n° 14). De nombreux objets n’ayant pas jusqu’à présent de numéro d’inventaire, il leur en a été attribué un lors de l’enregistrement. Une case remplie ou non d’un C pour « créé » renseigne le lecteur à ce propos (n° 15). La numérotation n’est pas spécifique à la thèse mais a été fixée dans le cadre de l’enregistrement de la totalité du mobilier de chaque site ou campagne de fouille. Sur la fiche, il est ensuite documenté l’état de conservation et d’intégrité de l’objet hors éléments rapportés (n° 16 et 18), la ou les techniques de fabrication mises en œuvre (fig. 19). Si l’objet a été restauré ou seulement nettoyé par des restaurateurs, un R ou un N est inscrit dans la case adjacente à l’état de conservation (n° 17). La définition de ce qu’est un objet complet relève d’un choix. Dans ce mémoire, l’objet entier est différencié de l’objet complet. Une ceinture peut être un assemblage d’éléments métalliques tels qu’une boucle, une chape, un mordant ou une terminaison de courroie, des appliques. L’objet « ceinture » en lui-même n’est alors complet que s’il est retrouvé avec ces éléments. De fait, une boucle est un objet incomplet dans le cadre de son fonctionnement matériel même s’il est complet du point de vue archéologique. L’ensemble constitué d’une boucle avec son ardillon, sans aucun manque, est donc défini comme complet dans le cadre de l’étude. S’il manque une portion du cadre de la boucle ou de l’ardillon, l’objet est dit incomplet. Dans le cas d’une boucle au cadre intact retrouvée sans son ardillon ou d’un ardillon isolé, l’objet est décrit comme étant entier, à l’état de fragment s’il en manque une partie. Pour certains artefacts, déterminer s’il est complet ou entier n’est pas 41 1. Méthodologie et perspectives de recherche possible, par exemple pour un anneau circulaire homogène ou un anneau semi-ovale simple. Le choix a donc été fait de considérer tous les anneaux et toutes les boucles retrouvées sans ardillon comme entiers du fait de la possibilité de sa présence. La perte fréquente et sans grande importance des rivets de fixation de chapes, mordants, terminaisons de courroie et appliques n’a pas paru suffisante pour déroger à l’état d’objet complet103. Un troisième bloc renferme la description de l’artefact (n° 20), les différentes mesures exprimées en centimètres (n° 21), la masse de l’individu (n° 22). Il est également renseigné s’il a fait l’objet d’analyse(s) de composition (n° 23). Abréviations employées dans la rubrique « Dimensions » : L = longueur l = largeur cons. = conservé e = épaisseur d = diamètre h = hauteur p = profondeur rest. = restitué Un quatrième groupe contient la datation du contexte et les éléments de datation (n° 24 et 25). Bien évidemment, les datations stratigraphiques ne sont pas parfaites, certains contextes sont moins favorables que d’autres pour l’établissement de cette donnée. Par exemple, lors d’opérations de nivellement, il est parfois fait usage de remblais. Pour peu que l’étude conjointe du mobilier céramique et du mobilier en verre n’apporte pas de données probantes pour la chronologie et/ou que des artefacts contemporains de ces apports s’y soient mêlés, la datation d’un contexte peut devenir très incertaine. Le caractère précieux de certains objets a également pu contribuer à leur transmission sur de longues périodes. Le discours scientifique doit donc tenir compte de l’incertitude liée aux observations stratigraphiques mais aussi de l’imprécision des données chronologiques tirées de l’étude du mobilier céramique, monétaire ou du verre, lesquelles sont assez rarement mises en parallèles avec des datations par des méthodes de laboratoire (C14, archéomagnétisme, TL, OSL, etc.). Comme il n’est pas envisageable de rédiger une analyse critique de la stratigraphie de chaque site, l’évaluation de ces biais reste de la seule appréciation du rédacteur. Outre l’abréviation H.S. pour le mobilier récolté en fouille « hors stratigraphie », en prospection ou issu de pillages au détecteur à 103 Ces définitions ont des incidences sur la quantification du mobilier. On peut se reporter sur ce point à une réflexion très intéressante sur « La quantification des mobiliers d’instrumentum » dans le numéro des Nouvelles de l’archéologie précédemment évoqué, se référer à Demierre et al. 2013. 42 1. Méthodologie et perspectives de recherche métaux104, il a été employé l’acronyme N.D.S., « non datable par la stratigraphie », pour des contextes dont aucun élément ne permet la datation ou qui sont le résultat des décapages de surface initiaux effectués à la pelle mécanique. Il n’a pas été tenu compte des datations typologiques proposées par certain auteurs. L’un des objectifs de l’étude est de proposer de telles datations sur la base des données archéologiques. Se fonder sur des datations typologiques pour en donner d’autres n’aurait pas de sens. En outre, elles sont parfois obsolètes. Celles proposées par I. Fingerlin, qui n’avait à sa disposition que très peu de données archéologiques, ne peuvent plus sérieusement être utilisées. Les datations typologiques que nous proposons tout au long de cette thèse constituent une première étape dans la compréhension de l’évolution du mobilier. Elles sont fortement dépendantes de la nature des fouilles et des contextes archéologiques, de la validité et de la précision des datations tirées de l’étude de la céramique, du verre, des monnaies, des datations au radiocarbone, des sources historiques, etc. Elles ne peuvent gagner en précision que par le développement des études. Enfin, la fiche « Objet » contient des rubriques renseignant les éléments bibliographiques dans lesquels l’objet a pu être publié (n° 26), l’auteur des dessins et clichés photographiques de la fiche et informant sur la localisation de l’artefact parmi les figures (n° 27 à 30), et deux cadres pour l’insertion du dessin et/ou de la photographie dudit objet (n° 31 et 32). Des fiches « Sites » ont été également réalisées (fig. 3) afin de répertorier les principales informations disponibles sur les opérations archéologiques ayant livré du mobilier en rapport avec le costume. Y sont notamment reportés les campagnes de fouilles récentes réalisées dans la même zone ainsi que les périodes rencontrées, les vestiges découverts, le nombre d’accessoires du costume identifiés par campagne et leur nature, la bibliographie relative aux opérations archéologiques. 1.2.1.5. Organiser le mobilier archéologique Les travaux menés par l’auteur au cours de ces huit dernières années, dont sept de thèse, ont dépassé le cadre strict de l’étude du seul mobilier en rapport avec le costume, que ce soit dans le cadre d’études rémunérées ou lors de l’enregistrement des objets intéressants 104 Le mobilier découvert par ce moyen et dont nous avons eu connaissance fut remis au LA3M : le résultat des creusements de monsieur Delaire sur le site du castrum de Montpaon à Fontvieille a ainsi été transmis au laboratoire par sa veuve. 43 1. Méthodologie et perspectives de recherche cette thèse. En effet, l’ensemble des artefacts retrouvés sur les sites concernés a été inventorié, aboutissant à une base de données enregistrée sous FileMaker rassemblant, tout type de matériel confondu, 11 000 objets. L’expérience acquise s’est avérée très utile dans le classement des accessoires du costume. Afin de préciser l’organisation du corpus de thèse, il est essentiel de procéder à une réflexion préparatoire scindée en deux étapes. La première consiste à interroger l’identification des objets : qu’est-ce qu’un anneau, une boucle, un fermail ? Est-il toujours possible de les distinguer ? La réponse est bien évidemment négative. Conséquemment, cette limite méthodologique doit être prise en compte et, de ce fait, il n’est pas toujours possible de traiter les anneaux, boucles et fermaux indépendamment les uns des autres, quand bien même leur fonction peut-elle être ou est différente. La classification doit en tenir compte. Déterminer l’usage des objets constitue la seconde étape. Elle n’est pas moins complexe. Il existe par exemple deux emplois principaux pour l’épingle : la fixation de pièces du costume et la couture. Le problème se pose avec plus d’acuité encore pour la boucle. Elle a pour fonction de servir de moyen de fermeture ou d’attache. Cependant, elle peut être disposée à l’extrémité d’une lanière amovible comme dans le cas de la ceinture, d’une courroie rattachée à d’autres éléments comme pour la plupart des sangles de harnachement et les baudriers, être fixée à l’objet qu’elle ferme, c’est le cas pour les chaussures, les aumônières, certaines pièces d’armement défensif et certains éperons. Des emplois plus rares sont également attestés dans la fermeture des livres et des coffrets. La diversité des utilisations n’est pas restreinte à ces deux familles d’objets mais s’applique aussi entre autres aux chapes, mordants, terminaisons de ceinture et appliques. La constitution de catégories fonctionnelles parfaitement délimitées dans lesquelles ranger le mobilier s’avère donc souvent impossible. La rationalisation est néanmoins obligatoire afin d’organiser le discours scientifique et requiert, par conséquent, une part d’arbitraire. Le propos n’y perd pas pour autant de son intérêt puisqu’il appartient à l’archéologue d’outrepasser en temps utile cette organisation axée sur le raisonnement strictement analytique de la typologie et de l’observation des données textuelles et iconographiques pour éviter d’aboutir à une désincarnation de l’objet et à la perte de toute notion de fonctionnalité. À la suite de ce questionnement préalable, il a été possible de proposer un classement des objets susceptibles d’être utilisés dans le costume en quatre grands « groupes ». Ce terme est ici employé sciemment car il est beaucoup plus neutre que ceux de « catégorie » et de 44 1. Méthodologie et perspectives de recherche « domaine »105 et, d’autre part, plus approprié dans le sens où les groupes fonctionnels composés ne constituent pas toujours des ensembles parfaitement étanches et aux usages strictement relatifs au costume. Le premier de ces groupes associe les anneaux et boucles, les chapes, les mordants, les terminaisons de courroie, les passants, accessoires dont l’utilisation sur des lanières – si l’on excepte le cas de quelques formes d’anneaux – est pour ainsi dire exclusive. Le second rassemble les appliques et branlants, objets à vocation ornementale106 disposés sur le vêtement ou sur des accessoires comme la ceinture. Le troisième réunit du mobilier assurant la fermeture ou le maintien de pièces du costume, la plupart du temps hors de la ceinture : il s’agit de différents types d’agrafe, les boutons, les ferrets de lacet, les épingles, les chaînettes107 Le dernier comprend les bijoux, soit les ornements de coiffure, les boucles d’oreille, les colliers, les bracelets, les bagues, les chapelets de perles et pendentifs, etc., qui se trouvent souvent, pour la plupart, en contact avec le corps et ne sont que peu ou pas tributaires du vêtement. Les ampoules et enseignes de pèlerinages ainsi que les enseignes civiles y ont été adjoints car ils sont la fois des objets de dévotion, des objets protecteurs, des objets à message politique ou plus léger, mais aussi des bijoux. Ces groupes n’ont d’autre intérêt que d’organiser le propos et ne conditionnent en rien la typologie des objets qu’ils contiennent. Élaborer une typologie est un exercice complexe mais nécessaire pour l’étude de la culture matérielle. Avant tout construction artificielle de l’esprit du chercheur, elle constitue l’élément de base à partir duquel le propos va pouvoir se structurer pour établir un discours cohérent au plus près d’une réalité matérielle médiévale et moderne. Un même corpus d’objet peut être organisé de nombreuses façons car les critères de classification sont multiples et leur choix va influencer la compréhension des objets. Ces critères doivent donc être sélectionnés avec soin. L’objectif est d’arriver à un compromis entre des regroupements trop larges qui perdent de leur signification, et des rassemblements trop réduits qui, en segmentant trop le corpus, risquent d’aboutir à une mauvaise compréhension de l’évolution des formes et des usages et empêcher l’obtention d’une vision d’ensemble dans le cadre de la focale géographique choisie. La multiplicité d’usage de bon 105 Sur un emploi qui est fait de ces termes et une tentative de classement fonctionnel des objets, se conférer à Briand et al. 2013. Tout essai de regroupement des artefacts en catégories et domaines est voué à contenir une part d’arbitraire, à moins de ne faire grossir démesurément la catégorie « objets polyvalents ». 106 Les grelots – il s’agit de branlants dans le cadre du costume – ont été considérés comme des ornements sonores. Ce concept sera explicité au moment de leur analyse. 107 Les chaînettes sont assurément les objets les plus difficiles à classer de par la variété des usages possibles. 45 1. Méthodologie et perspectives de recherche nombre d’accessoires du costume ne permet pas l’intégration du critère « fonction » dans la typologie d’un objet, ce critère devenant cependant nécessaire dans sa catégorisation. L’observation du matériel archéologique révèle que quatre critères principaux peuvent être appliqués aux accessoires du costume : la morphologie, la technique de fabrication, le fonctionnement – également lié au positionnement sur le corps –, l’ornementation qu’il n’est pas toujours possible de considérer indépendamment des critères précédents. Certains accessoires comme les boutons, les ferrets de lacet, les épingles et la plupart des agrafes présentent une grande diversité de modes de confection qui, avec la fonctionnalité, semblent primer, pour la période et dans le mobilier d’étude, sur l’aspect décoratif. Il en est bien évidemment parfois tout autrement dans le costume d’apparat. Dans sa publication sur les boucles de ceinture en 1971, I. Fingerlin108 montre que la forme est l’élément prépondérant qui oriente l’analyse des boucles et anneaux de ceinture, d’une certaine qualité ornementale, que l’auteur choisit d’étudier. Et l’analyse de ces objets dans le corpus a sans équivoque mis en avant la prééminence de la forme dans l’évolution temporelle de cet accessoire, le caractère esthétique lui restant cependant intimement lié. Par conséquent, la classification typologique du mobilier doit être adaptée à chaque catégorie d’objets. L’expérience a également prouvé qu’une combinaison de plusieurs critères sur un même rang de classification peut devenir, dans quelques cas, souhaitable afin d’éviter, par rigorisme, l’obtention d’une typologie à multiples rangs qui n’apporterait rien à la réflexion, tout en rendant sa compréhension difficile. Cette démarche a également l’avantage de ne pas dénaturer les relations qui peuvent exister entre, par exemple, des objets de même forme mais de fabrication différente. La difficulté de cette voie réside dans la construction d’un système cohérent et logique, d’un emploi aisé, qui puisse être complété à la suite des recherches et des découvertes futures. Prenant appui sur les réflexions et les raisonnements préalables, les critères retenus et la manière dont ils s’ordonnent sont clairement explicités en préambule de la typologie de chaque sous-groupe d’artefact. Dans tous les cas, l’objectif de ne pas dépasser deux rangs de sous-types a été tenu (ex : type A1a, A1b, etc.) afin de ne pas complexifier à l’excès la typologie. De même, la classification s’organise de manière à permettre la création de soustypes de premier ou second rang là où, actuellement, il est impossible ou prématuré d’en distinguer, que ce soit faute de mobilier de comparaison suffisant ou par absence actuelle d’attestations d’autres formes dans le corpus provençal. La dénomination des groupes est fondée sur l’alternance d’une lettre majuscule symbolisant le type, suivie d’un chiffre 108 Fingerlin 1971. 46 1. Méthodologie et perspectives de recherche correspond au premier rang de sous-type et d’une lettre minuscule désignant le second rang de sous-type. 1.2.1.6. Comparer le mobilier Dans le cadre de l’élaboration de la typologie et afin d’aboutir à une compréhension de la diffusion des objets archéologiques, des techniques de fabrication, etc., il est fondamental de comparer le mobilier provençal avec du matériel issu de régions proches comme le Languedoc, la vallée du Rhône, le Dauphiné et la Ligurie, ou d’origine plus lointaine comme le Royaume-Uni, l’Espagne, le sud de l’Italie, l’Europe centrale. Afin que les données acquièrent une certaine validité, un corpus bibliographique de comparaison suffisamment conséquent est primordial. Dans le cadre de cette thèse de doctorat, des publications relatives à un peu plus de 300 sites archéologiques ont été collectées et analysées. Indubitablement, les choix de publications existantes et l’intérêt parfois trop limité porté au mobilier métallique quand il ne s’agit pas de « beaux objets » réduisent les possibilités de compréhension et d’interprétation. Le manque de robustesse de la bibliographie de comparaison qui a pu être constituée concernant les accessoires du costume pour la Péninsule Ibérique, l’Allemagne, l’Europe du Nord, l’Europe Centrale et l’Europe de l’Est, est aussi à considérer. En effet, le discours est conditionné par le nombre d’éléments disponibles et leur localisation. Quelles sont les causes de ce manque dans la bibliographie ? Il y a tout d’abord un problème évident d’accès à la documentation pour les régions éloignées, mais aussi de traduction pour les langues germanique, slaves ou nordiques. L’histoire et l’actualité de la recherche sont également des facteurs déterminants. Par exemple, les dépouillements de très nombreuses revues d’archéologie ibérique n’ont livré que peu de publications figurant du mobilier métallique, illustrant ainsi la faiblesse de l’intérêt porté à ces objets dans ces régions. En Italie, la partie sud du pays est bien moins présente que le nord dans les publications, cela se traduit par le nombre d’artefacts publiés. Les cartes de répartition par type ou sous-type sont donc un outil d’analyse graphique qui doit être utilisé avec précaution. Lorsque les données sont suffisamment nombreuses, il peut être envisagé de réaliser une carte de localisation des objets connus dans le corpus provençal et dans la bibliographie rassemblée. Au préalable, il s’avère indispensable de produire une carte de répartition situant l’ensemble des objets du corpus de même nature, quelle que soit leur typologie, afin de servir de repère et d’éviter toute surinterprétation. 47 1. Méthodologie et perspectives de recherche La proportion d’objets contenus dans un sous-type et le nombre d’éléments de comparaison disponibles revêtent une certaine importance quant à la fiabilité de l’intervalle chronologique proposé pour l’usage d’un type d’artefact. Lorsque les éléments sont trop rares, il est préférable de ne pas donner de datation typo-chronologique, mais seulement de rappeler celle du contexte archéologique dont ces objets proviennent. 1.2.1.7. Analyses de matériaux par la méthode PIXE Des analyses de composition ont pu être effectuées, avec l’aide de D. Bourgarit, spécialiste des analyses de composition, sur les matériaux cuivreux au C2RMF109 et N. Thomas, archéologue à l’INRAP rattaché au LAMOP110, sur un corpus d’objets retrouvés sur le site du castrum de Rougiers dans le Var. La stratigraphie présente le grand intérêt d’avoir pu être distribuée en phases d’occupation relativement courtes s’échelonnant entre le milieu du XIIe siècle et le milieu du XVe siècle. Le mobilier est particulièrement abondant, avec la présence de nombreux objets de même type, et une grande diversité dans les techniques de fabrication. Des lots d’objets fabriqués par la fonderie, par déformation plastique, pour certains emboutis, parfois décorés par gravure ou ciselage ou bien encore par poinçonnage ont donc été constitués. L’objectif de ces analyses était de comparer la nature des matériaux en fonction de multiples facteurs liés au processus de fabrication, à la morphologie et à la fonction des artefacts, et de l’aspect temporel. Le rapport d’étude de ces analyses est disponible dans l’annexe 2. Les résultats ont été intégrés dans la thèse. 1.2.2. Les sources écrites 1.2.2.1. Objectifs et limites de la recherche sur les sources écrites La documentation écrite consultée, d’une grande diversité, nécessite une approche différente selon le type d’information qui peut en être extrait. Les archives notariales sont à n’en pas douter les plus riches en informations et alimentent depuis très longtemps les travaux des historiens111 et parmi eux ceux spécialisés 109 Centre de recherche et de Restauration des Musées de France, Palais du Louvre. Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris, UMR 8589 CNRS-Université Paris I PanthéonSorbonne. 111 Parmi ces historiens, N. Coulet, L. Stouff, M. Hébert, F. Michaud, C. Barnel, etc. 110 48 1. Méthodologie et perspectives de recherche dans l’artisanat112. Elles sont conservées pour les plus anciennes à partir du XIIIe siècle, se multiplient à partir du XIVe siècle mais surtout du XVe siècle. Elles ne peuvent être ignorées dans le cadre d’une étude de mobilier qui s’essaie de faire de l’objet le témoin d’une culture matérielle. D’autres types d’archives tels que les criées seigneuriales, les registres de comptabilité, les fonds du parlement de Provence ou des communes sont susceptibles d’apporter des informations utiles. Dans ces archives, les tarifs et comptes de péage peuvent en théorie renseigner sur les matières premières et produits manufacturés transportés, sur leur origine et leur destination. Des actes de vente enregistrés chez le notaire fournissent également quelques données sur la circulation des marchandises, les prix pratiqués, la qualité des personnes en relation. L’activité de l’artisan produisant des accessoires du costume en matière métallique, en matière minérale ou en matière dure d’origine animale ou végétale, ne peut être entrevue que par le biais de la documentation textuelle, faute d’ateliers trouvés, fouillés ou publiés dans l’aire provençale. Les contrats de travail ou d’apprentissage renseignent sur les modalités d’emploi et la nature du savoir-faire à acquérir. Des actes relatifs à l’exécution de pièces particulières concernent les orfèvres et autres artisans œuvrant à partir de matières précieuses, les sommes en jeu justifiant, de fait, l’établissement d’un contrat et fixent les modalités de travail et de paiement. Non moins intéressants sont les inventaires dressés en cas de décès ou d’insolvabilité car ils peuvent mentionner l’outillage, la matière première, les produits finis ou semi-finis. Toutefois, les descriptions ne sont généralement pas d’une grande précision et les objets de faible valeur n’y sont pas ou peu répertoriés. Aucun inventaire de tailleur consulté, par exemple, ne fait mention d’épingles, d’aiguilles ou de dés à coudre. Par conséquent, il n’est pas surprenant de constater que certains accessoires ou vêtements ne sont que rarement mentionnés, leur(s) matériau(x) n’atteignant pas une certaine valeur financière. En outre, il est probable que les pièces de peu de valeur étaient immédiatement vendues ou récupérées par les exécuteurs testamentaires ou par les proches parents. Peut-être les fripiers constituaient-ils par ce moyen une part importante de leur marchandise ? Les accessoires du costume ont une valeur sociale, économique et parfois symbolique qu’il est possible de percevoir notamment à deux instants de la vie : lors de la constitution de la dot de la future mariée qui se doit d’être honorée par une certaine parure, au moment de l’établissement du testament même si le costume fait l’objet d’assez peu de mentions. Dans ce dernier cas, la nature des dons et leur destination, parents, amis, serviteurs, Église, renseignent sur les liens sociaux existants. 112 On peut se référer aux publications de P. Bernardi, H. Amouric, S. Burri, C. Vaschalde, etc. 49 1. Méthodologie et perspectives de recherche Confectionnés dans des matériaux précieux, les accessoires du costume représentent un investissement facilement transportable permettant d’afficher la richesse. Les comptes, qu’ils soient ceux d’un marchand, d’un bourgeois, d’un noble, d’une cour princière ou papale, sont susceptibles de fournir des renseignements sur la fréquence de la vente ou de l’achat de pièces du costume et donnent des informations sur leurs matériaux, leur mise en œuvre, leur prix, la qualité du vendeur et de l’acheteur, du bénéficiaire, éventuellement les circonstances occasionnant l’achat (ex : deuil, fêtes, acte politique). Les lois et règlements somptuaires promulgués par les autorités gouvernementales ou communales sont une autre source importante permettant d’appréhender la perception des accessoires du costume les plus précieux dans la société. En matière d’habillement, ces textes interdisent certaines manifestations du luxe dans les formes comme dans les matériaux, peuvent fixer le nombre et la qualité des vêtements et accessoires possédés. Ils répondent à une logique politique, économique et sociale et vont en conséquence s’appliquer à tout ou partie de la population en s’appuyant sur une classification de la société fondée sur le rang et/ou le sexe. La littérature nécessite une approche spécifique. N’étant pas spécialiste, nous nous sommes référés à l’état de la recherche en ce domaine. Les chroniques, annales, récits de voyage et autres textes qui entendent ou prétendent relater ou restituer des faits objectifs sont à prendre avec précaution. Le rédacteur n’hésite pas, en effet, à travestir ou déformer la réalité, omettre des détails gênants pour faire triompher sa cause113, exalter un personnage, provoquer l’empathie114, pour satisfaire le goût de ses lecteurs, etc. Les traités de morale et les sermons donnent à voir, quant à eux, une vision plus conservatrice que ne l’est la réalité ellemême, et il peut être fait recours à l’exagération pour appuyer la dénonciation des excès dans l’apparence. Les romans, nouvelles et poésies sont parfois l’occasion pour l’auteur de donner libre cours à son imagination, la description des costumes se doit donc là encore d’être utilisée de façon réfléchie. Pour les œuvres hagiographiques et les livres de miracle, les emprunts à d’autres légendes, l’extrapolation, les anachronismes, la volonté de magnifier un épisode miraculeux constituent les principaux écueils. Quel que soit le genre littéraire, la détection des topoi revêt une grande importance. Dans quelle mesure la description du costume est-elle 113 Le Journal d’un bourgeois de Paris rédigé dans la première moitié du XVe siècle est un très bon exemple du parti pris d’un clerc lors du conflit qui oppose les bourguignons et les armagnacs (Beaune (Édit.) 1990). 114 Le texte en provençal de La vie de saint Douceline exalte à la fois la sainteté de la biguine de Marseille par le récit de ses actes et de ses ravissements que l’empathie lorsqu’il est évoqué les blessures que lui occasionnent des spectateurs pour vérifier la réalité de ses extases (Albanès 1879). 50 1. Méthodologie et perspectives de recherche susceptible d’être le reflet de la réalité ? L’auteur emploie-t-il le costume pour mettre en valeur un protagoniste, pour différencier le bon chevalier du mauvais ? L’écrivain reprend-t-il des formules usuelles dans la littérature pour sa description des personnages, des lieux communs pour se moquer des femmes ou d’une autre catégorie de la population ? Un autre problème spécifique à la littérature est la date d’élaboration du texte qui n’est pas nécessairement celle du manuscrit. Enfin les écrits, quelle que soit leur nature, utilisent également une terminologie qu’il n’est pas toujours aisé d’interpréter. Outre les problèmes de variabilité géographique et temporelle de la langue, un même terme peut être utilisé dans un sens large ou restrictif selon les textes, définir une réalité aux limites différentes de celle qu’il prend actuellement ou variable dans le temps115. Autant qu’il a été possible et lorsque cela s’est avéré nécessaire, la réflexion s’est appuyée sur le contexte d’utilisation et l’emploi de glossaires et dictionnaires. 1.2.2.2. L’établissement du corpus textuel Il était impossible dans les délais impartis de réaliser un dépouillement complet d’une ou de plusieurs séries de registres notariés ou d’autre type d’archive dans le cadre de cette thèse, dont le sujet est avant tout l’objet archéologique et s’étend en outre sur toute la Provence. Par conséquent, l’établissement du corpus archivistique a été pour sa majeure partie constitué à partir de la consultation des notes et fiches d’érudits conservées dans les centres d’archives. Les fonds qui ont été inspectés sont les cotes AD BDR Marseille 22 F 63 à 22 F 71 qui contiennent les notes prises par B. Roberty dans les registres marseillais, de quelques localités environnantes et mêmes de communes varoises, AD BDR Aix 3 F 12 à 3 F 28 et AD V 5 F 114, 115 et 169 rassemblant les fiches réalisées par l’abbé H. Requin à partir de son dépouillement des archives notariales aixoises et avignonnaises, les ms 5787 à 5790 conservés à la Bibliothèque Ceccano à Avignon réunissant les fiches de L.-H. Labande sur les archives d’Avignon. Les instruments de recherche informatiques et textuels et notamment la plupart des inventaires sommaires d’archives municipales et départementales disponibles aux centres d’Aix, Marseille, Draguignan et Avignon ont été également consultés. Enfin, un relevé de références a été réalisé dans la bibliographie régionale, soit pour retrouver des sources peu ou pas utilisées, soit pour vérifier l’exactitude des transcriptions et interprétations, notamment 115 Voir à ce sujet Blanc 1995, p. 67-73. 51 1. Méthodologie et perspectives de recherche pour des articles et ouvrages anciens. Dans quelques cas, il s’est avéré que les commentaires ou le texte étaient imprécis ou fautifs. De nombreux documents ont été transcrits et rassemblés en annexe 8. La sélection des textes a été opérée en fonction de leur rareté ou de l’intérêt des informations fournies, et de façon à couvrir l’ensemble des étapes de la réflexion. Les comptes du roi René, transcrits, organisés et publiés dans leur quasi-totalité par A. Lecoy de la Marche et G. Arnaud d’Agnel en 1873, 1875 et 1908116 couvrent la période 1448 - 1454, durant laquelle le roi séjourne dans la région d’Angers comme en Provence, et les années 1476 - 1480, où il tient une brillante cour à Aix-en-Provence et à Tarascon notamment. Les données se complétant et se recoupant utilement, les informations qui pouvaient être tirées des périodes de résidence en Anjou et parfois dans d’autres régions du nord de la France n’ont pas été rejetées. Il est cependant spécifié en note de bas de page lorsque la ligne de compte utilisée se rapporte à une période où le roi René n’est pas en Provence. Concernant la localisation du roi René, nous nous sommes basés sur le calendrier établi par A. Lecoy de la Marche117. Une attention toute particulière a été portée à un livre de compte d’une mercerie carpentrassienne de la fin du XIVe siècle, jamais publié dans son ensemble, au sujet duquel P. Pansier consacre quelques pages en 1929118. Il eût été intéressant de faire une étude complète de ce document pour mieux saisir l’activité de cette boutique, mais traiter l’ensemble des données des plus de 230 folios représentait un travail trop important pour pouvoir s’effectuer de manière satisfaisante dans le cadre du temps de cette thèse. En vue de la présente recherche, les objectifs ont donc été réduits au relevé des données intéressant l’étude et à une évaluation de l’importance de la vente des accessoires du costume par rapport aux autres articles119. Les inventaires après-décès, constitutions de dot et testaments sont des documents utiles à l’appréciation des accessoires du costume les plus précieux, ceux de faible valeur n’étant pas énumérés. Bon nombre de ces écrits ont été intégrés à l’étude. Il eût été profitable de réaliser un dépouillement à grande échelle sur plusieurs siècles et pour plusieurs communes : les trois grands centres urbains que sont Avignon, Aix-en-Provence et Marseille et quelques villes de moindre importance tous les 50 ou 100 ans par exemple, entre le début 116 Lecoy de la Marche 1873, Lecoy de la Marche 1875, Arnaud d’Agnel 1908. Se reporter à Lecoy de la Marche 1875, t. 2, p. 437 à 497 pour connaître l’itinéraire du roi René. 118 Pansier 1929b. 119 L’étude de P. Pansier présente quelques lacunes mais aussi de nombreuses erreurs dans le relevé des prix de marchandises. Une étude de plus grande envergure de ce document d’un très grand intérêt est prévue après la soutenance de ce mémoire. 117 52 1. Méthodologie et perspectives de recherche du XIVe siècle et la fin du XVIe siècle. Pour réduire au maximum l’effet de source, il conviendrait également de varier les études de notaire pour toucher toutes les catégories sociales ayant eu recours à leurs services et examiner les actes du point de vue de l’étude matérielle du mobilier archéologique. Un tel travail, colossal, qui nécessiterait l’analyse de plusieurs milliers de documents, était inenvisageable dans le temps de ce doctorat. L’approche des archives a été complétée par des recherches bibliographiques. Elles se sont pendant longtemps concentrées sur les revues régionales et les livres traitant des multiples aspects de la société provençale, que ce soit sa littérature, le fonctionnement de ses institutions, la vie de la population d’après la pratique notariale, le commerce et l’industrie, etc. Un effort particulier a été réalisé pour effectuer un dépouillement le plus complet des multiples périodiques du sud-est de la France quelle que soit l’ancienneté de cette production. Les données récoltées sont multiples et très variées et ont été enrichies par la consultation de revues à plus large horizon géographique. Une certaine attention a été portée à la lecture d’inventaires royaux, princiers, de nobles ou de personnes de plus basse condition pour éclairer utilement les données provençales. Les publications de L. Douët d’Arcq120, de R. Fawtier121, de V. Bessey122 pour n’en citer que quelques-unes parmi les plus importantes se sont révélées précieuses. La littérature romanesque, poétique, hagiographique, religieuse est une source à ne pas négliger car elle est le reflet, direct ou indirect, de la société qui la façonne. Bien entendu, le texte est profondément influencé par le lectorat visé par l’auteur, mais même ainsi il transcrit une vision de la société. Nous sommes conscients du fait que l’étude tant littéraire que linguistique de ces écrits n’est pas de notre compétence. Nous avons donc porté une grande attention aux analyses des textes proposées par les éditeurs. L’apport des différents types de littérature est pour le moins variable. Les Vies de saints123 et les recueils de miracles124 en langue d’oc se sont révélés être d’un faible concours. Le récit hagiographique se concentre habituellement sur les éléments indispensables et des « détails » tels que les accessoires du costume n’ont que rarement vocation à y jouer un rôle. Il en est autrement dans les rares écrits moralisateurs conservés tels que les sermons et livres de confession. L’apparence et les vices et péchés qu’elle engendre y sont sévèrement considérés et le discours peut prendre des 120 Douët d’Arcq 1851, Douët d’Arcq 1865, Douët d’Arcq 1874. Fawtier et Maillard 1954. 122 Bessey et al. 2008. 123 Principalement Albanès 1879, Jeanroy 1899, Pansier 1925, Pansier 1926b, Sardou 1875. 124 Notamment Albanes et Chevalier 1901, Girault et Girault 2007, Sclafert 2009, Veyssière 1987. 121 53 1. Méthodologie et perspectives de recherche accessoires du costume comme exempla125. Les poésies126 et chansons se sont avérées plus intéressantes, les accessoires du costume n’y apparaissent pas plus fréquemment que dans la littérature religieuse, mais le nombre des écrits conservé étant beaucoup plus important. De nombreux articles sur les troubadours sont parus dans la revue Annales du Midi à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Il en est de même dans d’autres périodiques tels que Romania et la Revue des langues romanes qui n’ont cependant pas fait l’objet d’un véritable examen faute de temps. Les recueils ont été privilégiés. Les ouvrages fondateurs de F.-J.-M. Raynouard127, P. Meyer128, de C. Appel129, de K. Bartsch130, de V. Crescini131 ont été parcourus et complétés par des livres à visée plus restreinte tels ceux de J.-B Noulet et C. Chabaneau132, de J.-J. Salverda de Grave133, de A. Jeanroy134. Cependant, les parutions plus récentes de R. Nelli et R. Lavaud135, de S. Thiolier-Mejean136, de G. Zuchetto et J. Gruber137 ont constitué la principale source de données. Outre que nombre de poèmes et chansons publiés auparavant y sont repris, ils sont presque toujours accompagnés d’une traduction qui favorise la compréhension d’écrits parfois obscurs pour le lecteur non averti. Les nouvelles et romans en langue d’oc composent le troisième type de littérature analysé. Parmi eux, la chanson de Girart de Roussillon138, le roman de Blandin de Cornouailles et de Guillot Ardit de Miramar139, Daurel et Beton140, Guillaume de la Barre141, la Requête des dames de la ville de Toulouse142, Las nonpareilhas receptas143 et Las ordenansas et coustumas del libre blanc144. Quelques textes en français riches en éléments de la pensée médiévale du menu peuple comme des classes plus aisées ont été intégrés à l’étude : Les 125 Se référer notamment à Suchier 1907, Brunel 1918. Par exemple Anglade 1918, Jeanroy et Aubry 1900, Jeanroy et Bertoni 1911, Jeanroy et Teulié 1893, Jeanroy et Teulié 1895, Sachs 1859. 127 Raynouard 1816-1821. 128 Meyer 1871. 129 Appel 1895. 130 Bartsch 1904. 131 Crescini 1905. 132 Noulet et Chabaneau 1888. 133 Salverda de Grave 1902. 134 Jeanroy 1913a et b. 135 Nelli et Lavaud 1978. 136 Mejean 1971, Méjean-Thiolier 1978. 137 Zuchetto et Gruber 1998. 138 Combarieu du Grès et Gouiran (édit.) 1993. 139 Meyer (édit.) 1873. 140 Meyer (édit.) 1880. 141 Meyer (édit.) 1868. 142 Courouau et Gardy (édit.) 2003. 143 Noulet (édit.) 1880. 144 Noulet (édit.) 1878. 126 54 1. Méthodologie et perspectives de recherche Quinze Joies du mariage145, les Évangiles des Quenouilles146, Les Cent nouvelles nouvelles147, des fabliaux148. Le dernier type de littérature compulsé est celui des chroniques et récits de voyage. Quelques chroniques provençales ont survécu au temps. Celles publiées par P. Pansier ont été écrites par des avignonnais membres de l’administration de la ville à la fin du XIVe siècle et dans la première moitié du XVe siècle, elles renseignent avant tout sur l’histoire politique et administrative de la cité comtadine149. Les annales reconstituées par R. Brun à partir de la correspondance de l’antenne avignonnaise de la compagnie Datini intéressent tout ce qui peut concerner le commerce à la fin du XIVe siècle150, et les mémoires de Bertrand Boysset fournissent le point de vue d’un bourgeois arlésien entre 1372 et 1413151. Ces derniers documents sont riches en éléments de la vie quotidienne. Il faut également compter avec le récit de la traversée de la Provence par le cardinal d’Aragon en 1517152 et avec l’immanquable Guide du pèlerin de Saint-Jacques de Compostelle153. Des documents postérieurs à la période d’étude apportent également des renseignements utiles sur des faits de société dont certains sont peut-être la survivance de pratiques médiévales. À la fin du XVIIIe siècle, J.-P. Papon publie son voyage littéraire en Provence154 et au début du siècle suivant A.-L. Millin fait paraître le récit de son voyage dans le sud-est de la France155. 1.2.3. Les sources iconographiques 1.2.3.1. Objectifs et limites de l’étude de l’iconographie L’étude de l’iconographie n’a pas constitué l’objectif principal de ce travail, mais dans le cadre du sujet d’étude, l’apport de l’iconographie à la compréhension des objets reste indispensable, tant par les éléments de compréhension qu’elle apporte que par les erreurs qui auraient pu être commises sans son interrogation. Le questionnement de l’image n’est cependant pas aisé et doit être mené avec prudence. L’utilisation d’une littérature 145 Mira (dir.) 2009. Paupert 1990. 147 Sweetser 1966. 148 Nyström 1910 ; Alexandre-Bidon et Lorcin 2003. 149 Pansier 1913, Pansier 1914a, Pansier 1930. 150 Brun 1935, Brun 1936, Brun 1937, Brun 1938. 151 Bonnemant (édit.) 1876. 152 Breton 1991. 153 Aimery et al. (édit.) 2006. 154 Papon 1780. 155 Millin 1807-1810. 146 55 1. Méthodologie et perspectives de recherche méthodologique telle que les manuels de F. Garnier Le langage de l’image au Moyen Âge156, ou d’études iconographiques thématiques s’avère très utile. Citons par exemple sur ce dernier point les travaux de F. Piponnier et P. Mane portant sur le costume d’Europe occidentale à la fin du Moyen Âge157, ceux de A. H. Van Buren et R. S. Wieck sur le costume en France et aux Pays-Bas entre 1325 et 1515158, les études P. Mane sur le costume des classes populaires159 ou ceux de M. Rolland-Perrin sur la chevelure féminine160. L’image de la fin du Moyen Âge et du début de l’Époque moderne est un objet culturel complexe qui ne peut pas avoir qu’un simple rôle d’illustration. Dans la plupart des cas, elle est à la fois représentation du réel et interprétation du réel et le signifié (le concept) l’emporte souvent sur le signifiant (la représentation)161. Dans de nombreux cas, toutefois, de menus détails sont traités avec plus de réalisme que le cadre architectural, naturel ou les proportions. La figuration religieuse, mais pas seulement, est ordinairement le résultat d’un dialogue entre un artiste et un commanditaire. En premier lieu l’artiste doit prendre en compte les contraintes de supports et de techniques, il doit ensuite se conformer à des codes, s’en tenir parfois à la répétition de formules et de conventions pour une parfaite compréhension de la signification de l’œuvre. Ceci n’empêche pas l’apparition de nouveautés, mais les conventions peuvent s’appliquer jusque dans le costume. Par exemple, les personnages bibliques ou hagiographiques peuvent être vêtus de longs vêtements stéréotypés, héritiers de traditions iconographiques au développement irrégulier, également susceptibles d’indiquer l’ancienneté voire l’intemporalité ou la modestie des protagonistes. Il peut être opéré une distinction entre les gens de bien et les bourreaux qui sont vêtus, dans beaucoup de crucifixions et de scènes de martyrs de saints, au bas Moyen Âge et au début de l’Époque moderne, de vêtements et accessoires chamarrés et/ou exotiques. Selon la période et l’environnement artistique, l’exotisme dans le costume, c’est-à-dire des caractères vestimentaires imaginaires ou extérieurs à la chrétienté occidentale, peut également servir à signaler l’étranger, l’éloignement géographique ou temporel de la scène comme dans le cas des scènes mythologiques ou d’histoire ancienne162. Des éléments archaïsants ou une exubérance 156 Garnier 1982, 1988² et Garnier 2003. Piponnier et Mane 1995. 158 Van Buren et Wieck 2011. 159 Mane 1989, Mane 1992, Mane 2004, Mane 2006. 160 Rolland-Perrin 2004 ; Rolland-Perrin 2010. 161 On peut se reporter exemple à O. Blanc 1995, p. 77-80. 162 Se reporter à J. Friedman pour une réflexion sur l’utilisation du turban dans l’iconographie (2008). 157 56 1. Méthodologie et perspectives de recherche irréaliste peuvent pareillement s’y retrouver. L’authentification des vêtements et accessoires n’en devient alors que plus complexe. L’attention, et d’autant plus dans le cadre de la présente étude, doit se porter sur les détails. L’artiste a-t-il eu l’intention de représenter les costumes dans leurs moindres parties ou de s’en tenir aux grandes lignes et dans quel but ? Utilise-t-il les accessoires vestimentaires comme des clichés stéréotypés destinés à servir de signe de reconnaissance et de distinction, c’est-à-dire pour leur symbolique ? Représente-t-il la ceinture ou bien l’idée de la ceinture, par exemple lorsque saint Thomas reçoit la ceinture de la Vierge lors de son Ascension ? Dans quel cadre vestimentaire les accessoires sont-ils figurés ? Quelle part de la réalité est représentée par l’iconographie163 ? La question du réalisme de la figuration, par exemple dans le portrait des XVe et XVIe siècles, se révèle donc particulièrement importante. Comme le précise M. Madou, « la notion de portrait n’est pas univoque. Au sens large, le portrait est la représentation d’un type, mais au sens étroit, il est une représentation conforme ou véridique d’un individu dûment désigné »164. Dans son étude sur les autoreprésentations du pape Boniface VIII, A. Paravicini Bagliani165 explique qu’il est nécessaire de comprendre si l’individu représenté est la personne physique du pape, la personne institutionnelle ou les deux à la fois. Ainsi qu’il le précise, y-a-t-il une volonté de mettre en exergue la mémoire individuelle, l’autorité de l’institution ou les deux à la fois ? Selon l’objectif initial, la représentation peut être fort différente. Les traits d’un visage idéalisés ou stylisés signifient-ils que le costume ne peut être conforme à la réalité ? D’autre part, l’identité du ou des personnages représentés est-elle établie de façon univoque ? Le statut de l’individu figuré influe notablement sur son costume. Enfin, s’agit-il d’un portrait réalisé de visu ou du vivant de la personne, les accessoires qu’il porte sont-ils les siens ou ont-ils été empruntés pour la circonstance ? Il importe en effet de déterminer si le costume est contemporain de la personne portraiturée, s’il correspond à son rang ou s’il répond à la mode en vigueur dans l’environnement de l’artiste au moment de la réalisation. Même dans ce cas, il reste possible que des éléments de détail comme les accessoires du costume soient modifiés par le peintre ce qui paraît cependant bien difficile à prouver. 163 On lira en relation avec ces questions Linlaud 2014b où l’auteur confronte le mobilier et l’iconographie et met en exergue des erreurs qui peuvent être commises si une confiance trop grande est accordée à l’image. 164 Madou 1986, p. 38. 165 Paravicini Bagliani 2007, p. 66. 57 1. Méthodologie et perspectives de recherche L’une des questions fondamentales de toute étude du costume dans l’iconographie est celui de la représentativité des costumes. L’environnement artistique joue aussi un rôle majeur dans la minutie des représentations. Durant la période papale, attirés par le dynamisme économique, de nombreux artistes italiens viennent travailler à Avignon ou dans les grandes villes de Provence. Leur production est imprégnée de la culture italienne et transparaît dans les costumes qu’ils représentent, par exemple sur les fresques des chapelles du palais des Papes. Cependant, il faut également prendre en compte l’origine languedocienne de beaucoup de membres de la cour pontificale et l’arrivée de nombreux marchands étrangers. Après le départ de la papauté d’Avignon et d’une grande partie des marchands, bénéficiers et autres personnages de cour, les artistes travaillent très régulièrement pour la bourgeoisie ou pour le roi René. Ce changement de clientèle provoque une évolution dans la peinture. Celle-ci devient encore plus perceptible à partir du milieu du XVe siècle, avec l’arrivée d’artistes d’origine flamande qui influencent les artistes locaux. La peinture et la sculpture de Provence représentent dès lors bien plus les accessoires du costume, et d’une manière plus réaliste et détaillée166. Là encore, il faut prendre en compte l’origine angevine du roi René, ses relations avec l’Italie et le Levant qui cultivent son intérêt pour l’exotisme167, mais aussi son engagement politique en Italie, quelques artistes italiens passant alors temporairement en Provence. L’iconographie de Provence n’est donc pas spécifiquement « provençale » et il en est de même pour le costume, du moins dans les grandes villes. D’autres difficultés peuvent provenir de la réutilisation de l’œuvre, de l’ampleur de dégradations et d’éventuelles restaurations. Une autre limite est inhérente à la documentation disponible : l’iconographie de Provence conservée, une fois enlevées les figures religieuses au costume intemporel, est relativement limitée. Il est donc parfois nécessaire de se référer à des images de régions environnantes ou beaucoup plus lointaines, pour illustrer le propos, proposer des hypothèses, en gardant toujours à l’esprit que le contexte provençal peut être différent. 1.2.3.2. L’établissement du corpus iconographique La constitution du corpus iconographique s’est fondée sur le dépouillement de bases de données en ligne, d’ouvrages spécialisés sur le costume, de revues d’iconographie, et de 166 167 Malacrida 1983, p. 77. Lecoy de La Marche 1875, t. 127-130. 58 1. Méthodologie et perspectives de recherche catalogues d’exposition ou d’ouvrages sur l’art médiéval et du début de l’Époque moderne, de campagnes photographiques. La nature des sources iconographiques a bien évidemment eu un fort impact sur le type de documentation interrogé, essentiellement de l’enluminure et de la peinture de chevalet et le hasard a tenu une place dans la réunion des éléments. L’iconographie ne constitue pas le cœur de la recherche de ce doctorat, ni la spécialité de son auteur. Les travaux des spécialistes d’iconographie tels ceux menés par S. Zingraff dans le cadre d’une thèse à l’Université Aix-Marseille, sous la direction de Y. Esquieu168, sur les bijoux dans la peinture des XIVe et XVe siècles dans le Nord de l’Italie apportent sans conteste des éléments de comparaison utiles. Pour l’iconographie du sud-est de la France, nous avons utilisé les quelques ouvrages de référence disponibles : L’école d’Avignon de M. Laclotte et D. Thiébaut169, La peinture en Provence au XVIe siècle de M.-C. Léonelli, H. Pichou et M.-P. Vial170. Nous y avons ajouté des mémoires en histoire de l’art soutenus à l’Université Aix-Marseille et notamment ceux de S. Malacrida intitulé Les accessoires et les objets de parure dans les documents figurés du Comtat Venaissin et de la Provence occidentale : milieu XIIIe - début XVIe171 et de S. Aulagnon-Industri172 répertoriant un très important corpus d’œuvres conservées dans le sud-est de la France. À partir de ces données, plusieurs campagnes photographiques ont été réalisées. L’une s’est déroulée au Musée du Petit Palais à Avignon et a concerné des œuvres provençales mais aussi italiennes173. Une seconde campagne a été conçue avec pour objectif de photographier des œuvres d’accès difficile conservées dans les chapelles et églises de cette partie de l’actuel territoire français. Toutefois, un certain nombre de peintures murales et de chevalet n’ont pu être observées soit qu’elles aient été en cours de restauration, soit qu’il n’ait pas été permis de les photographier ou qu’il ne nous ait pas été possible d’y avoir accès dans les délais impartis. Les bases de données en ligne consultées concernant les enluminures sont « Liber Floridus » qui indexe les manuscrits médiévaux enluminés des bibliothèques de l’enseignement supérieur, « Mandragore » qui rassemble les manuscrits de la Bibliothèque nationale de France et « Enluminures » qui regroupe les manuscrits enluminés des 168 Zingraff 2014. Laclotte et Thiébaut 1983. Une version à destination du grand public est parue en 1985. 170 Léonelli et al. 1987. 171 Malacrida 1983. 172 Aulagnon-Industri 1996. 173 Le catalogue Peinture italienne, musée du Petit Palais, Avignon, de M. Laclotte et E. Moench (2005) a servi de référentiel. 169 59 1. Méthodologie et perspectives de recherche bibliothèques municipales françaises. Ces corpus sont continuellement augmentés par des campagnes de numérisation des manuscrits. Pour la peinture et la sculpture, le site internet « Insecula », actuellement en cessation d’activité, a fait l’objet d’un examen complet. Il existe un assez grand nombre d’ouvrages du XIXe et du début du XXe siècle rassemblant une abondante illustration sur le costume. Ordinairement, chaque figure fait l’objet d’un commentaire décrivant plus ou moins succinctement le vêtement et ses accessoires et retraçant l’histoire ou la fonction du personnage figuré. Il n’y a pas de discours continu, chaque image étant traitée isolément. La plupart du temps, la localisation de l’œuvre reproduite est peu précise voire inexistante. L’objectif est de fournir aux artistes – peintres, sculpteurs, hommes de théâtre – ou aux antiquaires des éléments nécessaires à la reconstitution d’ « ambiances d’époque », de l’ « esprit du temps »174. Entre 1840 et 1854, par exemple, J. H. de Hefner-Altenec fait ainsi paraître les trois tomes des Costumes du Moyen Âge Chrétien175, J. J. Beveren et C. Dupressoir éditent en 1847 le Costume du Moyen Âge d’après les peintures, les manuscrits et les monuments contemporains176, entre 1852 et 1860, P. Lacroix publie en huit volumes les Costumes historiques de la France177. E. E. Viollet-leDuc dans les tomes 3 à 6 de son Dictionnaire raisonné du mobilier français178, J. Quicherat dans son Histoire du costume en France parue en 1873179, puis G. Demay dans Le costume au Moyen Âge d’après les sceaux édité en 1880180, et enfin C. Enlart en 1916181 abordent l’étude du costume de manière différente. Il y est traité comme une addition de pièces vestimentaires et d’accessoires analysés indépendamment les uns des autres, sans causalité historique, économique ou sociétale, mais seulement politique182. En 1956, F. Boucher s’inscrit dans cette tradition tout en replaçant le sujet d’étude dans un cadre historique plus large183. Il se distingue des articles produits par les participants du congrès international d’histoire du costume de 1955 pour lesquels le costume est un « Monument de l’Art » et, à ce titre, doit être traité avec une approche d’histoire de l’art184. L’infortune critique des contributions de ce colloque prouve si besoin était qu’une telle approche ne pouvait conduire qu’à l’impasse. 174 Bartholeyns 2010, p. 210. Hefner-Altenec 1840-1854. 176 Van Beveren et Dupressoir 1847. 177 Lacroix 1852-1860. 178 Viollet-le-Duc 1872-1875. 179 Quicherat 1873, 1877². 180 Demay 1880. 181 Enlart 1916. 182 Se reporter à Bartholeyns 2010, p. 211. 183 Boucher 1956, 2008². 184 Voir également Bartholeyns 2010, p. 210. 175 60 1. Méthodologie et perspectives de recherche Si quelques-uns de ces travaux ont pu être cités à l’occasion, l’attention s’est principalement portée sur des ouvrages plus récents, offrant une iconographie bien mieux localisée, datée et de meilleurs reproductions comme ceux d’André Chastel sur L’art Français185, des catalogues d’exposition, par exemple La France et les arts en 1400186, Entre Paradis et enfer, mourir au Moyen Âge187, une revue, Art de l’enluminure. Des travaux spécialisés sur le costume dans l’iconographie, Illuminating fashion188, Medieval dress and fashion189, Indumentaria medieval española190, La moda en el vestir en la pintura gótica aragonesa191, ont également utilement complété le corpus. Cette production scientifique a bénéficié des avancées méthodologiques et intellectuelles mises en œuvre à partir des années 1960 et qui font du costume un objet culturel, expressif, soumis à des facteurs multiples192. 185 Chastel 1993 et Chastel 1994. La France et les arts 2004. 187 Balace et De Poorter 2010. 188 Van Buren et Wieck 2011. 189 Scott 2009. 190 Bernis Madrazo 1955. 191 Sigüenza Pelarda 2000. 192 Bartholeyns 2010, p. 211. 186 61 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis 2.1. Définir l’origine des matières premières et leur commerce Avant de s’intéresser aux objets archéologiques et à leurs techniques de fabrication, il est nécessaire de s’attarder sur la matière première employée : d’où vient-elle et quel est son coût ? Les approvisionnements sont-ils suffisants ? Quelle est la part de métal recyclé ? Les réponses à ces questions conditionnent sans doute les capacités de production, mais elles influent également, associées au coût du travail des ouvriers provençaux, sur le prix des accessoires fabriqués. Il est vraisemblable que ces facteurs aient pesé sur la nature et la quantité des matériaux employés, sur le nombre d’objets produits, sur la proportion des exportations. Comprendre les modalités d’approvisionnement en métal d’une région comme la Provence nécessite d’élargir le champ géographique d’investigation. Les métaux sont des produits qui voyagent sur de longues distances car la plupart des territoires ne possèdent pas suffisamment de ressources métalliques pour leurs propres besoins. Des recherches bibliographiques ont donc été menées pour documenter l’activité minière, préférentiellement dans une vaste zone s’étendant de l’Italie du Nord-Ouest à la Côte basque. Il n’existe pas actuellement de synthèse sur l’exploitation minière et le commerce des métaux dans le sud-est de la France et les informations sont donc très dispersées. Les données présentées ci-dessous n’ont pas été rassemblées avec un objectif d’exhaustivité, mais afin de répondre aux objectifs fixés dans le cadre de cette étude. Si quelques recherches en archives permettent de compléter certains points, un important travail bibliographique est avant tout indispensable pour en prendre la mesure dans le cadre limité d’une thèse dont ces questions ne sont pas l’objet principal. Les résultats tirés de cette démarche doivent donc beaucoup aux archéologues et historiens spécialistes qui, notamment ces vingt dernières années, ont considérablement fait avancer les connaissances sur l’activité minière médiévale et moderne. À ce corpus bibliographique, il convient d’ajouter des études locales ou régionales généralistes, l’incontournable Histoire du commerce de Marseille éditée dans les années 1950, et des descriptions anciennes faites par des voyageurs traversant la Provence ou par des érudits provençaux. La production de minerai en un lieu donné est la conséquence de différents facteurs dont la nature du matériau n’est pas des moindres. Les connaissances géologiques, la richesse 62 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis et l’accessibilité du gisement, les hasards de l’exploitation193, le savoir-faire des ouvriers et des entrepreneurs dans les travaux miniers, les moyens financiers mis à disposition, le prix de la matière première sur le marché sont quelques facteurs parmi d’autres qui entrent aussi en ligne de compte. La présence d’indices de minerais n’est donc pas synonyme d’exploitation minière. Il est rare de pouvoir évaluer la quantité de minerai extrait. De même, les mentions d’importations et d’exportations de matériaux, si elles peuvent donner une idée de la nature des flux et de leur proportion, restent difficiles à manier dans le cadre d’une évaluation chiffrée. La nature des travaux miniers, hormis leur importance, ainsi que le traitement du minerai et sa transformation en demi-produit ne sont pas pris en compte dans la réflexion menée ci-dessous, car elles ne participent pas à la problématique de la provenance des métaux. L’archéométrie, à travers les analyses de composition des inclusions, sera amenée dans le futur à y participer à un bien plus grand degré qu’actuellement. La datation des travaux miniers n’est pas aisée, elle nécessite une exploration du réseau et la découverte d’éléments mobilier datant, ce qui est rarement le cas, ou la possibilité de faire réaliser des analyses au radiocarbone sur des charbons ou du bois qui ont été récoltés dans les mines. De plus, les traces d’activités anciennes ont pu disparaître à la suite de travaux ultérieurs. La valeur du matériau prêt à être transformé en objet est le résultat de multiples facteurs comme le coût de l’extraction, du traitement du minerai, de la matière première, des produits semi-finis et la perte en métal lors de ces opérations, la qualité du matériau, la part de métal recyclé, le prix du transport – péages et taxes diverses, frais de convoyages –, l’offre et la demande, peut-être la quantité de métal échangé, souvent des évènements et intérêts politiques, économiques et sociétaux. Un relevé bibliographique et archivistique permet de rassembler des prix de matériaux, mais les comparer dans le temps est un exercice délicat car, outre les problèmes liés au cours des monnaies, la nature exacte du produit et donc sa qualité est rarement spécifiée. Or, ces dernières sont bien sûr prises en compte lors des transactions. Est-ce du métal recyclé ou du métal neuf ? Est-il sous forme de minerai ou de demi-produit ? Quelle est la nature de ce demi-produit ? Si une origine géographique est attribuée au métal, est-ce le territoire d’où il a été extrait ou la dernière grande place commerciale par laquelle il est passé qui est ainsi signalée ? Enfin, à quoi correspondent exactement les termes médiévaux et modernes désignant les métaux ? C. Verna a mis en évidence que le mot « fer » peut recouvrir différentes qualités de métal, dont de l’acier194. Si le mot acier, et ses 193 194 Éboulement, inondation, accumulation de gaz, morphologie de la veine métallifère, etc. Verna 2011, p. 630. 63 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis différentes déclinaisons selon les langues, définit assurément un alliage de fer avec une proportion de carbone suffisante pour lui conférer une bonne dureté, à quel moment passe-ton du fer à l’acier ? Actuellement, cette limite est fixée par convention à 0,02 % de carbone en masse, mais jusqu’au début du XVIIIe siècle et les travaux de Réaumur, les métallurgistes croyaient encore que l’acier était un fer plus pur195. À partir de quel moment, transposable par l’homme contemporain en pourcentage, l’artisan distingue-t-il le fer de l’acier, et les différentes qualités de fer et d’acier entre elles ? Il est certain que l’artisan médiéval juge la nature d’un matériau par des méthodes objectives, la qualité de son travail en dépendant, mais ses définitions sont différentes de celles reconnues aujourd’hui et changent sans doute quelque peu selon le fabricant. Le même problème se pose pour le cuivre et ses alliages. On sait par des analyses de composition effectuées sur du mobilier du site du castrum Saint-Jean à Rougiers196 et du site d’un atelier métallurgique parisien du second quart du XIVe siècle à l’emplacement de l’Hôtel Mongelas197 que les artisans ont une très bonne connaissance des matériaux qu’ils utilisent et qu’ils en contrôlent bien la composition lorsqu’ils les élaborent. Toutefois, la terminologie employée dans les sources écrites est relativement imprécise. En Angleterre, au Moyen Âge et au début de l’Ère moderne, le terme « laiton » recouvre une multiplicité d’alliages de compositions variées comportant entre autres les alliages binaires étain-cuivre, zinc-cuivre, les alliages tertiaires étain-plomb-cuivre, zinc-plomb-cuivre198, etc. Il n’est pas impossible qu’il en soit de même en Provence même s’il est employé le mot « bronze » qui n’apparaît dans les îles britanniques qu’au XVIIe siècle199. Il est un autre biais à considérer : les notaires et les personnes qui les assistent dans les inventaires après-décès sont-ils capables de définir la nature du métal d’un objet alors que des analyses de composition sont aujourd’hui souvent nécessaires pour pouvoir s’en assurer ? Quelques hésitations relevées ici ou là se font l’écho de cette incertitude : par exemple deux récipients à eau de cuivre ou de laiton, de cupro sive de lotono dans l’inventaire du trésor de la cathédrale de Grasse en 1423200 ; deux marmites de loton ou cuyvre dans l’inventaire après-décès d’un 195 Réaumur comprend bien que l’acier est un fer allié, mais il pense toutefois que c’est un fer pénétré de solutions salines et de sulfures (1722, p. 207-208). 196 Se reporter à l’annexe 2. 197 Bourgarit et Thomas 2012. 198 Egan et Pritchard 2002, p. 16-17. 199 Ibid., p. 16. 200 Doublet 1907, p. 91. 64 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis chirurgien de Gap en 1578201. Ces questions sont de nouveau évoquées dans l’étude, documents à l’appui. Une autre difficulté réside dans l’angle monétaire de la réflexion. En effet, l’identification des monnaies – il existe par exemple différents types de florins – les différences de cours entre celles-ci, l’érosion monétaire et la dépréciation des monnaies réelles par rapport à la monnaie de compte ne facilitent en rien le travail. Sur la question du cours des monnaies, les données contemporaines ont été seules utilisées. Dans le cas des comptes de la chambre apostolique tenus à Avignon dans les trois premiers quarts du XIVe siècle, et publiés en grande partie par K. H. Schäfer202, il se remarque une évolution rapide du taux de change des diverses monnaies employées dans la première moitié du siècle. Un long travail de récolement du taux de change des monnaies a donc été réalisé pour proposer pour chaque prix nécessitant une conversion, un rapport exactement contemporain, au pire antérieur ou postérieur d’une année. Les travaux passés des historiens renseignent plutôt bien sur le parcours et le dynamisme des principaux itinéraires empruntés par les hommes et les marchandises, mais le trafic du métal au sein de la Provence est très mal documenté. Les travaux de recherche de grande ampleur qui ont menés à l’élaboration de l’Histoire du commerce de Marseille ne peuvent suffire car ils ne portent que sur un point localisé, même s’il est d’importance. Différents types de sources sont utilisables : les actes notariés tout d’abord, mais les données sont dispersées et difficiles à trouver, les tarifs de leyde et les comptes et tarifs de péages ensuite. Différents comptes journaliers de péage sont encore conservés dans les dépôts d’archives provençaux parmi lesquels : - un compte de péage de Pertuis portant sur novembre et décembre 1299203 étudié par H. Taviani204, - un compte du péage et de la gabelle de Valensole d’octobre 1308 à octobre 1309205, analysé par T. Sclaffert206, - un compte du péage de la ville d’Aix tenu de novembre 1348 à septembre 1349207, qui a fait l’objet d’une étude par H. Taviani208, 201 Mutonis 1903, p. 243. Schäfer 1911, 1914, 1937 203 Se reporter à AD BDR Aix, B 1477. 204 Taviani 1961. 205 Se reporter à AD BDR Aix, B 1981. 206 Sclafert 1959. 207 Se reporter à AD BDR Aix, B 1595. 202 65 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis - un compte du péage d’Orgon pour la période 1352-1361209, - des comptes de péage d’Arles pour le bas Moyen Âge et l’Époque moderne210. De même, des comptes des entrées et sorties portuaires, connus pour Port-de-Bouc et Marseille, ont été employés dans l’Histoire du commerce de Marseille. Ces documents n’ont pu être consultés faute de temps, mais les études menées sur ces sources, dont l’éclairage sur le commerce est généralement ponctuel, montrent que la nature des informations qu’ils contiennent est pour le moins inégale. Les travaux réalisés sur les comptes de péage de Pertuis, de Valensole et d’Aix ne mentionnent aucun transport de métal non ouvré, mais la nature des marchandises est loin d’être toujours spécifiée. Au contraire, les transports de métal apparaissent plus clairement dans les comptes portuaires et se chiffrent en quintaux. L’absence presque totale de ces matériaux dans les trois pièces susdites est peut-être liée à leur brièveté, à des questions de saisonnalité, éventuellement à la nature des convois d’approvisionnements. Peut-être sont-ils irréguliers car de grande ampleur ? Cependant, ces données sont également biaisées par les exemptions de péage accordées à des personnes particulières telles que des marchands211, des membres du gouvernement d’une cité, ou bien à une communauté religieuse212, aux habitants d’une ville ou d’un village213. Ces franchises s’appliquent généralement à un péage proche du lieu d’habitat. Pour les autorités qui les demandent, il s’agit d’être agréable à des personnes ou à 208 Taviani 1961 et 1962. Se reporter à AD BDR Aix, B 2032. 210 AD BDR Marseille, 3 B 60 et 63. Les comptes s’étalent sur plus d’un millier de folios. 211 Le 21 octobre 1327, Raymond des Baux exempt pour six ans Pierre Anselmi, marchand de Florence, des péages sur ses possessions (Chobaut 1929, p. 126). Pendant quelques années au début du XVe siècle, les merciers sont exemptés de péage dans le territoire du Comté de Provence (AD BDR Marseille, B 611). 212 Les Chevaliers de l’hôpital Saint-Jean sont libérés des péages exigibles à Marseille par les Vicomtes de Marseille en août 1178 (Papon 1777-1786, t. 2, p. XXII). Les chartreux de Montrieux sont exemptés du péage de Toulon le 18 novembre 1247 par Rostagnus de Agot, dominus de Tholono (Lambert 1886-1892, t. 1, p. 365). 213 Les salonnais sont libres du péage d’Eyguières par décision de Raymond Bérenger en 1234 (Brun 1924, p. 56). Les habitants de Digne jouissent d’un droit de franchise sur le péage de Mezel pendant les huit jours qui précédent et qui suivent les foires de la Saint-Julien et de la Toussaint (Guichard 1846, t. 1, p. 234). En 1390, Marie de Blois, mère et tutrice de Louis accorde la franchise du péage d’Arles aux tarasconnais (Bondurand 1892, p. 115). Les habitants de Sisteron, de La Baume, d’Entrepierres, d’Esparron et les seigneurs de ces lieux, de même que les habitants de Meyrargues et de Puyricard sont exempts du péage de la Baume-lès-Sisteron. Dans ces deux derniers cas, il y a réciprocité de franchise de péage (AD BDR, B 1136, f° 176 v° - 178 r°). Les habitants de Tarascon et de Rognes sont exempts du péage d’Aix, d’autres sont soumis à des tarifs particuliers. Les aixois qui vont vers Nice ou Avignon, ou qui en reviennent, avec leurs propres marchandises sont affranchis de tout droit. S’ils vont en direction de Sisteron ou de Manosque, ils payent moitié prix (AD BDR, B 1468, f° 3 v° - 6 r°). Sixte IV exempte les habitants d’Avignon de tous péages en Comtat et terres d’église (AD Vaucluse, AA 5, f° 130 r° - 134 v°). 209 66 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis une communauté, ou de s’assurer que le commerce local ne soit pas entravé par cette imposition. L’exemption peut également avoir pour objectif d’encourager à l’installation d’acteurs de la vie économique. En septembre 1370, Grégoire XI libère du péage pendant trois ans les artisans venant s’installer à Avignon. La papauté cherche à assurer la pérennité de la vie économique de la ville qu’elle souhaite quitter pour revenir à Rome214. La plupart du temps, les habitants d’une cité comportant un péage sont francs de celui-ci215. Parfois la franchise s’établit sur un très large territoire216. Dans ce cas, le privilège est exorbitant puisque il assure la gratuité complète de la circulation commerciale sur les routes, chemins et voies navigables dans les limites du comté et de ses dépendances. Dans le tarif de quelques péages, l’origine géographique donne droit à un tarif préférentiel pour certaines marchandises217. Un premier recensement des tarifs de leyde a permis de regrouper une cinquantaine de documents, mais ils se sont révélés peu propices à une étude des matériaux en usage dans le corpus d’étude, car les mentions, si on excepte Marseille, Avignon et Saint-Maximin, sont rares. La leyde s’applique généralement sur les étrangers venant acheter des denrées. Or, pour la plupart des petites villes et les villages, le commerce local concerne essentiellement les produits agricoles et les bestiaux. Même dans des cités d’une certaine importance comme 214 Hayez 1980, p. 150-151. Par exemple, les arlésiens sont libres du droit de péage dans le tarif de 1232 copié en 1234 (3 G 60, f° 274 r° - 278 v°), et les habitants du castrum de Saint-Maximin, de son territoire ou confronts avec celui-ci ne doivent pas le péage ni la leyde. (AD BDR Aix, B 196, f° 65 r° - 68 v°). 216 En 1198, le comte de Provence Alphonse II confirme la franchise de péage de Saint-Rémy, en tant que terre baussenque sur le domaine comtal. Ce droit, renouvelé plusieurs fois par la suite, est encore en usage au XVIIe siècle (Paulet 1907, p. 222-223). Le comte Guillaume IV concède la franchise des péages sur le domaine comtal à la cité de Sisteron en 1202. Elle est confirmée en 1439 par le roi René (Laplane 1843, t. 1, p. 280-281). Les grassois et niçois sont dès le début du XIIIe siècle libres de tout péage dans les terres domaniales du Comté de Provence. Ces droits sont confirmés à maintes reprises (Gauthier-Ziegler 1935, p. 234-236). Le 6 juin 1257, par concession du comte Charles d’Anjou, les marseillais sont exempts des droits de péage qui peuvent être crées à l’avenir. Leurs bagages à main ne sont pas soumis au péage. En 1366, la reine Jeanne, cherchant un appui auprès de Marseille, les exempts de tous droits de péage dans son royaume hormis à Aix (Busquet 1950, p. 48-51). En 1295, Charles II octroi la franchise des péages et leydes à la communauté de Saint-Maximin (Rostan 1862, p. 11, article III). Par lettres patentes du 8 mars 1449 enregistrées à Aix le 3 mai suivant, le roi René exempte les toulonnais des « péages, rêves, gabelle et autres droits, par toutes les terres de son obéissance » (Lambert 1887, t. 2, p. 271). Raymond Bérenger, dans la première moitié du XIIIe siècle donne franchise de péage aux habitants d’Avignon et de Sorgues dans son domaine pour toutes les marchandises transitant par terre et par eau (Hayez 2005, p. 29-30). À sa suite, le pape Sixte IV, par une bulle datée d’août 1474 libère les avignonnais des péages du Comtat et des autres territoires pontificaux (AD Vaucluse, E Pintat 23-692). Cette franchise est restreinte par une bulle du même en septembre 1479, dans laquelle il est spécifié que les marchandises sont soumises à ces taxes (AD Vaucluse, Pintat E 23-694). 217 Par exemple, dans le tarif du péage gros d’Aix-en-Provence de 1308, Annexe 8, doc. 4. 215 67 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis Arles, Tarascon et Aix-en-Provence, la leyde ne mentionne pas les métaux. Avignon et Marseille, et de manière surprenante Saint-Maximin au milieu du XIVe siècle, devaient donc avoir un rôle assez important dans la redistribution des matières premières. Des recherches dans les fonds d’archives des Bouches-du-Rhône au centre d’Aix-enProvence, à celles du Vaucluse et à la bibliothèque Ceccano à Avignon et dans la bibliographie ont permis de récolter 176 tarifs de péage ou taxes maritimes pour plus d’une cinquantaine de communes de Provence et de régions limitrophes (fig. 4). Les plus anciens de ces droits de passage ou d’entrée qui frappent les marchandises en transit datent du XIIe siècle ou du XIIIe siècle. Ils attestent de la nature des produits taxés et de la valeur de cette imposition à un instant précis. Ces documents peuvent fournir des données intéressantes sur les directions et la nature du commerce lorsqu’un certain nombre de conditions sont réunies. Le corpus doit tout d’abord être suffisamment important et représentatif géographiquement et chronologiquement. Si pour le premier point l’objectif est atteint, concernant la périodisation, il y a une sous-représentativité du XVe siècle et notamment du XVIe siècle, conséquence de la documentation conservée. La plupart des tarifs récoltés proviennent en effet d’enquêtes sur les droits seigneuriaux mais surtout comtaux. Avec le rattachement à la France, ces enquêtes sont beaucoup moins courantes et ne concernent plus les péages. Ces tarifs doivent également pouvoir être positionnés sur une carte des routes commerciales pour comprendre à quels flux ils se surimposent. Celle établie par L. Stouff, avec la collaboration de R.-H. Bautier et É. Baratier, pour la « Provence » entre le XIIIe et le XVe siècle, est particulièrement précieuse218. Elle a été amplement réemployée pour l’étude des péages. Elle montre cette région traversée par quatre voies principales (fig. 5). Une première traverse le territoire d’est en ouest depuis Gênes en passant par Nice, SaintMaximin, Aix-en-Provence, Salon, Orgon et aboutit à Avignon. À hauteur d’Aix-enProvence, elle coupe une route sud-nord qui part de Marseille, court le long de la Durance et permet d’arriver en Savoie, Dauphiné ou Piémont. Une seconde voie sud-nord suit le Rhône. De là, des connexions sont possibles avec Nîmes et le Languedoc. À partir d’Avignon, des routes permettent la liaison avec les Préalpes. À ces voies terrestres, il faut ajouter les fleuves et rivières navigables, notamment le Rhône et la Durance. Bien évidemment, les péages sont majoritairement situés le long des axes principaux. Un fin réseau secondaire complète le tout. Quelques concentrations de péages entre Seyne et Saint-Maximin, entre Nice et Digne, entre 218 Baratier et al. 1969, carte 86. 68 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis Piolenc et Nyons signalent des routes auxiliaires un peu plus fréquentées par les acteurs du commerce provençal. Bien évidemment, la documentation retrouvée comporte plusieurs biais. Très peu de tarifs ont été récoltés pour la voie entre Aix et Nice ainsi qu’entre le ComtatVenaissin et le Buech. De même, les relations avec le Roussillon sont assez mal discernées. Les péages ont participé d’une certaine politique économique menée par l’autorité comtale. En recherchant leur acquisition, elle contrôle d’une certaine façon le commerce provençal et augmente ses sources de revenus. Au XIIIe siècle, les péages d’Aix exercent un véritable monopole sur les marchandises pour l’ensemble du Comté, qu’elles le traversent d’est en ouest ou du nord au sud. Ils consistent en un tarif grossum et un autre dit minutum, qui s’applique sur le transport de faible quantité219. Ils sont complétés par les péages satellites de Valensole et de Saint-Maximin qui taxent les échanges avec la haute Provence et la Provence occidentale. Il est spécifié que les biens payants à Aix y sont francs et vice-versa. Avec le péage des Pennes, le comte taxe les marchandises sur la route Marseille-Avignon. D’autres péages le long de la Durance prennent la mesure des échanges entre les différentes parties de la Haute-Provence et contrôlent la descente vers les basses terres. Les péages de l’Ubaye sont destinés à profiter du peu de trafic en provenance du Piémont et passant par le col de Larche, ou venant du Dauphiné. Le commerce avec l’Italie y est encouragé, ainsi ceux qui paient à Châtelard ne paient pas à Meyronnes ou à Larche et inversement. Les péages d’Arles et Tarascon, sur le Rhône sont particulièrement rémunérateurs, grâce à leurs tarifs élevés et à leur position stratégique sur cet axe très emprunté par les commerçants de toutes origines220. C’est la voie d’accès la plus aisée à partir de la côte provençale vers l’Europe du Nord. Avec Avignon, qui échappe au comte, ces tarifs proposent la plus grande variété de produits. Beaucoup de péages sont découpés en de multiples parts, propriétés du comte, de seigneurs, de bourgeois, d’ecclésiastiques. Dans quelques cas, ils appartiennent à la municipalité comme à Avignon dès la fin du XVIe siècle. Les consuls décident donc de la nature et du taux des impositions, en font réaliser la traduction en italien pour les étrangers221. Le 4 août 1582, ils ordonnent l’augmentation d’un tiers des taxes de l’ensemble des produits listés. Elle est effective dès octobre222 et renouvelée plus tard, car en 1599, les taux sont, pour 219 Annexe 8, doc. 4 et 5 Cette synthèse sur les péages est tirée d’une analyse de É. Baratier (1949, p. 40-44). 221 AC Avignon, CC 1009, pièce non numérotée. 222 Jean de Rodolphe Joubert, commerçant d’Avignon ayant exercé de hautes fonctions dans l’administration et les œuvres charitables en note la mise en place en octobre 1582 (Bibl. Ceccano, 220 69 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis la plupart des marchandises, un tiers supérieurs à ceux de 1582. L’imposition diminuera pour quelques produits au début du XVIIe siècle223. Les villes de Tarascon et d’Arles sont entourées d’une ceinture de péage dont certains perdurent au moins jusqu’au XVIIe siècle (fig. 6). Il est nécessaire de s’y attarder quelque peu pour assurer une bonne compréhension du sujet. Aux XIIIe et XIVe siècles, à Tarascon, un péage se prend aux portes de la ville. Il s’y ajoute un petit péage sur les denrées du commerce local. En outre, vers l’est, les péages de Laurade et de Saint-Gabriel taxent les marchandises qui n’entrent pas dans la cité. À l’ouest, il y a le péage du pont entre Beaucaire et Tarascon, aux taxes peu élevées et qui porte bien plus sur les passages des animaux, des hommes et des charrettes que sur ceux des denrées. Il n’y est pas fait mention de matériaux concernant l’étude, de même qu’au péage situé sur l’île de Lubières, dont la localisation est indéterminée. Il se situe probablement sur un bras secondaire du fleuve car il existe également le péage du Rhône qui s’intéresse aux marchandises montant ou descendant par le Rhône. Pour la même période, il existe à Arles le péage du Bourg-Vieux, celui de La Trouille, un quartier au nord de la ville, celui du Levant dont la durée de vie semble avoir été très limitée, le péage du pont de Trinquetaille à l’ouest et le péage du Rhône de même nature que celui de Tarascon. Sur un autre bras du Rhône, le péage de Saint-Gilles à la frontière du Languedoc est, au moins au XIIe ou XIIIe siècle, éclaté en trois points de levée. Le péage principal est celui du Râ, à proximité du centre habité. Deux péages annexes existaient sur deux bras secondaires du fleuve, aux eaux sans doute plus calmes, l’un dit de Pella Morgues, l’autre dit de La Fosse224. Une critique revient souvent lorsque les péages sont évoqués, celle d’énumérer des listes de marchandises qui seraient intangibles au cours des siècles. Cette affirmation doit être quelque peu atténuée. Il existe bien des péages pour lesquels les tarifs ne varient guère au cours du temps, c’est le cas pour Peypin où du XIIIe siècle au XVIIIe siècle, il n’y a pratiquement aucune variation dans la valeur des taxes et la liste des produits, si ce n’est, pour ce qui concerne cette étude, la disparition de la mention du fer en 1730. Dans une moindre mesure, le péage de Digne est également similaire. L’imposition reste la même mais la nature des produits évolue un peu plus. D’autres tarifs encore comme Arles et Tarascon présentent une certaine part d’immobilisme pendant les XIIIe et XIVe siècles, mais ils changent de ms. 1628, f° 16 v°). La gabelle n’est plus exigée du 1er septembre 1600 au 6 février 1603 à l’exception de celle concernant les raisins et le vin (Bibl. Ceccano, ms. 1628, f° 24 r° et 27 r°) 223 Il existe des tarifs postérieurs à 1634, mais ils n’ont pas été pris en compte. Les tarifs de 1615 et 1634 suffisaient pour donner une idée de l’évolution du péage à cette époque charnière. 224 Cette localisation des péages de Saint-Gilles est le résultat des réflexions menées par É. Bondurand (1901). 70 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis manière importante au XVe siècle. Le « petit » péage du Pont de Sorgues quadruple de longueur dans le courant du XVe siècle225. Les tarifs de péage n’évoluent pas de manière rapide, il existe une certaine inertie autant liée aux propriétaires des péages qui ne veulent pas voir disparaître une éventuelle source de revenu, qu’à la population qui y est soumise et qui ne souhaite pas que l’imposition soit plus élevée ou s’applique à d’autres produits. Sur ce point cependant, il est souvent spécifié en fin de tarif que le péager a toute liberté pour taxer les marchandises qui n’y figurent pas, au besoin en s’inspirant de ce qui est d’usage de faire dans les péages proches. Certains produits sont indispensables dans la société médiévale et notamment les métaux, il n’est donc pas surprenant de les retrouver dans les tarifs et de les y rencontrer très régulièrement, le contraire serait surprenant. Les deux tiers de la documentation sont issus des XIIIe et XIVe siècles et répartis à parts à peu près égales entre ces deux siècles. La plupart des observations réalisées seront donc plutôt valables pour cette période. En partant du principe que le tarif de péage, s’il ne reste pas inchangé, n’enregistre que la volonté mercantile des propriétaires, la logique voudrait que les listes de produits soumis à l’imposition ne fassent qu’enfler, or c’est loin d’être une règle générale. Il existe une part d’adaptation. Le tarif du péage de Saint-Gilles liste au XIIe ou XIIIe siècle une multitude de produits luxueux, la cité est alors à son apogée, mais celui de 1324 enregistre la décadence de la cité avec un tarif beaucoup plus réduit. D’une manière générale, dans les tarifs, certains métaux ou produits métalliques apparaissent, d’autres disparaissent, sans qu’une logique n’ait pour le moment pu être identifiée. Mais sans doute cette étude ne met-elle en évidence qu’une petite partie d’un plus vaste ensemble. Dans le cadre de cette recherche, seuls les métaux et quelques matières minérales, végétales et animales dont l’utilisation est attestée dans le corpus mobilier, ont été observés, bien peu finalement par rapport à la masse des autres produits. La comparaison des différents tarifs a révélé quelques curiosités. Par exemple, l’enquête des droits comtaux de 1365 reprend les tarifs de péage de 1252, alors qu’ils apparaissaient légèrement modifiés en 1298. À la fin du XIVe siècle, une enquête sur l’état des biens et droits possédés à Pertuis par Guillaume Roger, vicomte de Turenne et seigneur de la baronnie de Pertuis mentionne les péages de Meyrargues, Pertuis et des Pennes. Cette enquête intervient probablement après la donation de ces terres au vicomte par le roi et la reine de Provence en 1356226. Les tarifs sont très différents de ceux qui existaient antérieurement ou qui existeront par la suite. Recréés en quelque sorte, probablement lors de 225 226 Annexe 8, doc. 7 et 8. AD BDR Aix, B 546. 71 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis la prise de possession, ces péages ne survécurent semble-t-il pas dans cet état aux troubles occasionnés par l’un des descendants du vicomte, Raymond de Turenne. Le tarif de péage d’Arles daté de 1430 présente la particularité de proposer, pour la presque totalité des marchandises, une prise en compte de l’origine du marchand, de sa destination, du fait qu’il ait ou non vendu ou acheté à Arles, s’il prévoit de vendre ses produits en chemin227. En fonction de chaque condition, la taxation est différente. Ainsi les produits provenant ou à destination de l’Empire, donc de Provence, sont plus faiblement imposés que ceux issus ou allant en France. De même, s’ils viennent de l’amont du Rhône ou en prennent le chemin, les marchands s’acquitteront de droits plus élevés que s’ils descendent le fleuve ou l’ont remonté depuis la mer pour s’arrêter en ville. Enfin, la volonté de vendre en chemin augmente le tarif. Il est peu probable que les péagers aient eu quelque moyen que ce soit de contrôler ce dernier point. Après ces constatations, une question cruciale se pose : quels types de produits relever dans le cadre de cette étude ? Bien entendu, l’ensemble des mentions de métaux à l’état brut et des demi-produits doivent être prises en compte, mais les termes fer, acier, cuivre, étain, plomb, etc. désignent-ils exclusivement la matière première ou concernent-ils également les demi-produits et produits finis ? Sur ce point, la documentation notariale consultée et les sources retrouvées dans la bibliographie ne semblent laisser aucun doute, il n’y apparaît aucune confusion. Les demi-produits et produits finis ne sont jamais recouvrés par la terminologie employée pour leur matériau. Ils sont d’ailleurs régulièrement rencontrés dans les tarifs. Le relevé doit-il prendre en compte les produits finis ? Les mentions d’instruments agricoles, de pièces d’armement, de chaudrons en cuivre, d’écuelles d’étain, etc., sont fort nombreuses mais n’ont pas été retenues. Elles auraient sans doute aidé à la compréhension de la circulation des objets métalliques, mais en quoi le commerce des faux et faucilles, des lances, des écuelles, de la vaisselle de cuivre aurait-il apporté quelque chose à la compréhension du commerce des accessoires du costume ? Les produits énumérés correspondent à des besoins spécifiques qui n’ont aucun rapport avec l’apparence. Les seules mentions d’objets manufacturés relevées sont celles concernant les accessoires métalliques du costume. Elles seront employées dans les chapitres suivants. Dans certains tarifs, la désignation de la matière première prend la forme d’une périphrase comme fer non obrat, stainum non operatum qui fonctionne très souvent avec son couple contraire, fer obrat, 227 AD BDR Aix, B 1490, f° 1 - 32 v° 72 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis stainum operatum. Ces expressions étant fortement liées, il a semblé nécessaire de relever cette terminologie pour réaliser des comparaisons. La taxation des matériaux nécessite de définir l’unité de mesure sur laquelle la taxe va s’appliquer. Il en existe un très grand nombre. Pour des raisons de lisibilité, les cartes de localisation réalisées (fig. 7 à 20) ne prennent en compte que les trois principales unités employées pour chaque péage. La nature de celles-ci peut varier selon la matière. Il transparaît à la comparaison de ces différents documents une cartographie des principales unités de mesure employées pour les métaux. Les péages levés à Avignon, et dans une moindre proportion à Marseille, sont les plus diversifiés en termes d’unités de mesure, en raison de leur rôle prépondérant dans la diffusion des marchandises de toutes natures et de tous horizons. Dans la moitié nord de la Provence, au-dessus d’une ligne tracée par le Calavon et le Verdon, l’imposition des péages est très souvent basée sur la bête de somme et plus encore sur la distinction entre les grosses bêtes, soit les chevaux, les mules et les mulets, et les petites, c’est-à-dire les ânes. Ces animaux n’ont en effet pas la même robustesse et ne peuvent donc pas porter des quantités de marchandises identiques. La plupart du temps, les grosses bêtes sont taxées le double. Ce n’est pas tout à fait le cas, en 1276, à Piolenc et à Lapalud où la différence n’est que d’un quart. Dans ces deux tarifs, de même qu’à Mornas et à La Bréole en 1364, il est spécifié que la taxe s’applique au trousseau, à la sommée ou à la charge portée par une grosse bête (trocellus vel carga bestie equine vel muline) ou une petite bête (trossellus vero vel carga bestie azinine). À Digne, en 1685, la valeur de la charge est également différente selon qu’elle est portée par un âne ou une mule. Dans le leudaire de ClermontL’Hérault, selon I. Bonnot-Rambaud, le trousseau s’entend de marchandises portées en croupe, alors que la balle est portée à dos de bête et en deux paquets228. En Provence, la balle ou ballon est presque exclusivement utilisée pour le fer et l’acier, et n’est attestée que dans les tarifs de Peypin, Peyruis, Forcalquier et Avignon. Dans la cité rhodanienne, elle est aussi employée à la fin du XIVe siècle pour l’oripeau. Le droit de rivage de Toulon la mentionne également mais elle ne sert pas d’unité pour la taxation : Balas de ferre dona lo fais, etc. Le ballon est de poids variable puisqu’il équivaut à 124 livres dans un chargement génois saisi en 1394 par la Cour de Marseille229, à 87 livres dans une reconnaissance de dette de juillet 1539 228 Bonnot-Rambaud 1984, p. 98. Baratier 1951, p. 198, note 3. Les paquets de barre de fer sont nommés fasce dans les archives Datini et pèsent 25 kilos (Belhoste 2001, p. 551). 229 73 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis à Marseille230, à 160 livres dans un règlement sur les prix promulgué le 26 août 1594 par les États du Comtat Venaissin231. Toujours dans la zone nord, à Mison, en 1298, le cavalier portant un trousseau de marchandises paye moitié moins qu’un âne. À Mormoiron, la charrette à quatre roues (quadriga) donne le quart de ce que doivent les bêtes de somme et à Lapalud et Bollène, elle verse 1 gros par animal attelé (pour collier). Alors que ce moyen de transport est favorisé dans ces trois péages, au Pont de Sorgues, la charrette est taxée à 4 deniers 1 maille si elle est tirée par un cheval, 7 deniers 1 maille pour deux chevaux, 12 deniers si elle est à quatre roues. Exceptionnellement, le colporteur donne 2 deniers s’il porte du métal au col à Mormoiron, 1 denier pour du billon à Visan, 6 deniers pour du fer et de l’acier à Mison. D’ordinaire, la marchandise du colporteur n’est pas spécifiée, et lorsqu’il n’est pas franc du péage, sa contribution est minime. La distribution des attestations de la sommée présente des similitudes avec celle des bêtes de somme même si elle descend un peu plus au sud avec Salon et Pertuis. Dans les tarifs médiévaux de Digne, la sommée portée par une grosse bête est taxée à 12 deniers, à 6 deniers si elle est sur le dos d’un âne. Plus près de la Durance, à Forcalquier en 1297, la sommée de fer est donnée équivalente à la charge. Il en est de même plus au nord, à La Brillane, en 1283 (De carga seu saumata ferri). Cette unité ne correspond donc pas à une quantité précise de marchandise, mais à un chargement sur une bête de somme. La distribution du quintal et de la charge ne monte pas plus au nord que Lhers et Peyruis. Des exemples précédemment cités montrent que la charge est une unité variable. À Arles, en 1664, elle peut atteindre 4, 12 ou même 50 quintaux, mais il s’agit alors d’une unité artificielle : la même taxe est en effet appliquée à toutes les marchandises, mais le nombre de quintaux contenu dans une charge est différente.232. La charge et le quintal sont deux unités intimement liées car la quasi-totalité des tarifs de péage les employant spécifient tout de même que la charge équivaut à 4 quintaux. À Saint-Gilles, au XIIe siècle, l’imposition du fer est calculée à la coste qui, d’après le tarif, équivaut à 1 quintal. Trois siècles plus tard, à Tarascon, la charge de fer est dite de IIII quintals o de IIII costas. 230 Billioud 1951, p. 514. AD Vaucluse, B 1517, f° 219 r°. 232 Pour plus de facilité, leur valeur a été autant que possible transposée en quintaux. 231 74 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis Parmi les autres unités de mesure, on remarque l’existence du cantar (cantaro) à Marseille, dont la masse est inconnue. Cette unité est très largement employée dans les ports de la Méditerranée mais avec des valeurs très variées233. Les routes commerciales et les péages ne sont rien sans les réseaux humains qui leur donnent vie. Les identifier s’avère donc nécessaire. Le marché des matériaux d’un lieu donné est-il contrôlé par une catégorie de la société ou un groupe de personnes ? Lorsqu’ils existent, dans quelle mesure conditionnent-ils les approvisionnements ? De quelle manière les artisans se fournissent-ils ? D’ores et déjà, il est évident que les actes notariés vont enregistrer les transactions portant sur de grandes quantités de matériaux car elles correspondent à de fortes sommes d’argent. Les petits achats auprès de commerçants peut-être plus spécialisés vont laisser assurément peu de traces. D’autres achats restent inaccessibles car ils ont été enregistrés en sous-seing privé ou ont fait l’objet d’un contrat verbal. Ces difficultés doivent être prises en compte dans les analyses, du fait de l’impossibilité d’évaluer la part de l’activité perceptible à travers les actes notariés. Nous avons découpé notre propos sur les matériaux en trois chapitres. Les matières métalliques sont traitées en premier lieu. Les objets fabriqués dans ces matériaux constituant l’objet de nos recherches. Nous analysons ensuite les données disponibles sur les autres matières d’origines minérales. Les informations rassemblées sur les matières dures d’origines végétales puis celles d’origines animales sont ensuite analysées. Ces matériaux sont utilisés avec certains accessoires métalliques du costume, par exemple les bagues et les perles montées sur des chaînettes. Nous reviendrons dans l’introduction du chapitre 3.4 sur le choix que nous avons fait d’intégrer à l’étude l’ensemble des perles, y compris donc celles qui n’ont pas été retrouvées avec un élément métallique. Quelques anneaux, boucles ou mordants en os sont également étudiés, le propos sur les artefacts métalliques s’en trouvant enrichi. 233 Par exemple, le cantar barutin (Beyrouth) est de 450 livres de Marseille et celui de Civita-Vecchia, en Italie, équivaut au quintal marseillais (Billioud 1951, p. 302). 75 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis 2.2. Les métaux L’or et l’argent ont, pour la période d’étude, une place prépondérante de par leur valeur économique. Nous les traiterons donc dans un premier temps, puis nous nous intéresserons au fer et à son alliage l’acier, matériaux métalliques dont l’emploi est de loin le plus fréquent. Nous nous arrêterons ensuite sur le plomb, l’étain et le zinc. Il est en effet nécessaire de traiter ces matériaux avant d’étudier le cuivre et les alliages dans la composition desquels ces métaux peuvent se retrouver. 2.2.1. L’argent et l’or L’or et l’argent (fig. 7 et 8) sont deux métaux précieux qui, alliés ou non ensemble ou à d’autres éléments, sont couramment utilisés dans l’orfèvrerie et donc dans la bijouterie médiévale, ou transformés en monnaie. Inaltérable et inoxydable, fondant à 1063 °C, l’or est considéré comme le métal le plus noble et à ce titre, il est le plus cher, le plus recherché, le plus thésaurisé. Il n’existe actuellement dans la documentation rassemblée aucune preuve d’une exploitation de l’or pour la seconde partie du Moyen Âge dans le sud-est de la France. Les gîtes d’or sont rares et ne consistent le plus souvent qu’en traces infimes. Dans le massif des Alpes, les auteurs modernes mentionnent toutefois l’existence d’une ancienne mine d’or à Ubaye234, l’existence d’un filon exploité durant l’Époque moderne à La Gardette, en Isère235 et la présence d’or à Daleuil dans les Alpes-Maritimes236. Enfin, en septembre 1602, un procès verbal affirme la présence d’une mine riche en or au Vernet dans les Alpes-de-HauteProvence237. Toutefois, à la lueur de la description des travaux – quatre ouvertures de dix à douze mètres de profondeur – finalement assez peu avancés, le propos du notaire apparaît quelque peu prématuré. En Ariège, des veines d’or, par exemple dans les environs de Cénomes, ont peut-être été exploitées238. Des sables, ceux du Rhône239 – et peut-être du Gardon – entre autres sont également susceptibles de fournir des paillettes d’or et d’argent 234 Papon 1780, p. 288. Becquey 1829, p. 212. Se reporter à Féraud et Ancel 2003 pour un résumé de l’histoire de ce gisement et à Ancel et Dardignac 2003 pour une étude plus approfondie. 236 Darluc 1784, p. 176. 237 AD BDR Aix, B 1315, f° 1527 r° - 1533 r° ; Billioud 1958, p. 43. 238 Lechelon 1997, p. 175-176. 239 Darluc 1782, p. 234. 235 76 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis mais en faible quantité. La pauvreté des ressources aurifères proches ne laisse aucun doute sur la nécessité pour les orfèvres et les monnayeurs provençaux de se procurer ce matériau par d’autres moyens, quand bien même il aurait été réalisé des travaux médiévaux sur des gisements d’or dans le sud-est de la France. L’argent métal est d’un enjeu d’une grande importance économique et politique, notamment pour battre monnaie. Les prospections et l’exploitation des gisements sont donc encouragées par les autorités qui en contrôlent étroitement la production et l’envoient le plus souvent directement aux ateliers monétaires. Cette volonté a pour résultante la réalisation de travaux sur des gisements considérés aujourd’hui comme très modestes. L’argent est un métal rare à l’état natif, son exploitation nécessite donc presque toujours le traitement de minerais polymétalliques, essentiellement dans une matrice de plomb ou de cuivre. Les gisements de cuivre argentifère sont l’objet d’un plus grand intérêt encore avec le développement du saigerprozess, apparu en Europe au cours du XVe siècle, époque où la demande européenne en cuivre commence à croître de manière importante240. Cette méthode est décrite dans le livre III de La Pirotechnia de Biringuccio et de façon beaucoup plus complète dans le livre XI du De re metallica d’Agricola. Du plomb est ajouté au bain de fusion du cuivre argentifère. L’affinité de l’argent et du plomb entraîne une migration de l’argent vers le plomb. Le résultat est ensuite traité par coupellation. Ce procédé demande de grandes quantités de plomb mais facilite grandement l’extraction de l’argent du minerai de cuivre et permet donc des rendements plus importants241. De fait, des gisements à faible proportion d’argent deviennent intéressants à exploiter. Les Alpes sont particulièrement riches en gisements polymétalliques contenant de l’argent. Il y est le plus souvent associé à du plomb. Par exemple, le 24 avril 1504, cinq mineurs à la recherche de minerais et principalement semble-t-il de plomb et de cuivre, s’engagent à présenter tous les six mois à la Cour de Provence un compte destiné à servir de base aux prélèvements royaux242. L’un des principaux sites médiévaux de production de plomb argentifère dans le sud-est de la France est le site de Brandes, en Oisans. Constitué d’un village minier avec des installations de traitement du minerai, d’une église et d’un shellkeep, l’exploitation a été mise en œuvre sous le contrôle du Dauphin entre le XIIe et le début 240 Guillot et Benoît 1994, p. 108 ; L’Héritier et Téreygeol 2010, p. 136-137, 149. Guillot et Benoît 1994, p. 109-119 ; L’Héritier et Téreygeol 2010, p. 136. 242 AD BDR Aix, B 1234, f° 7 r° - 7 v°. 241 77 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis du XIVe siècle243. De ce site particulièrement productif au XIIIe siècle, il est extrait en 1236, 174 kg d’argent244. Cette région éprouve durement la déprise du milieu du XIVe siècle et, au XVe siècle, l’autorité delphinale ne tire plus qu’un faible revenu de l’albergement des mines de plomb argentifère245. Une enquête de 1339 mentionne l’existence de filons argentifères dans la vallée du Vénéon à Saint-Christophe et à Venosc, mais aussi au Pontet, à SaintLaurent-du-Lac, Ornon, Cuculet et enfin Villard d’Arène246. De ce site, vingt ans plus tard, le gouvernement du Dauphiné fait évaluer la teneur en argent du minerai de cuivre argentifère247. En Savoie, des prospections initiées par l’autorité comtale aboutissent à la découverte de gisements de cuivre argentifère dans la châtellenie d’Aiguebelle. Exploités dès 1336, l’activité cesse en 1348 avec la peste. Durant cette période, 113 marcs d’argent affinés en sortent à comparer à un total de 6844 quintaux de cuivre248. Quant aux gisements du massif des Hurtières, dont il a été conservé des comptes miniers pour la période 1338 - 1350, ils n’enregistrent également qu’une faible production d’argent, 151 marcs 1 once contre plus de 4561 quintaux de cuivre. L’argent y est tiré de minerais de cuivre argentifère249. Pour la seconde moitié du Moyen Âge, ont fonctionné dans les Alpes du Sud, deux grandes mines médiévales de plomb argentifère, Le Fournel (Hautes-Alpes) et Vallauria (Alpes-Maritimes), ainsi que quelques plus petites exploitations comme aux lieux-dits de Tortissa à Saint-Étienne-de-Tinée, de Caire Faraud à Saint-Sauveur-de-Tinée (AlpesMaritimes)250. Plus au nord, dans les Hautes-Alpes, les gîtes de La Combe de Malaval251 à La Grave, de Faravel et de Fangeas à Freissinières ont fait l’objet de travaux d’ampleur réduite252. Ces petits sites d’altitude élevée, peu productifs, ont indubitablement posé des problèmes d’accessibilité et trouvent un parallèle dans la multitude de mines de faible 243 Bailly-Maître 1986 ; Bailly-Maître et Bruno-Dupraz 1994 ; Benoit et Bailly-Maître 1997a ; BaillyMaître et Dhénin 2004 ; Bailly-Maître 2007. 244 Bailly-Maître et Dhénin 2004, p. 53. 245 Sclafert 1926a, p. 541-542. 246 Scalfert 1926a, p. 539 ; Bailly-Maître et Dhenin 2004, p. 45, 47. 247 Bailly-Maître 2000 ; Bailly-Maître et Dhenin 2004, p. 47. 248 Garioud 2007, p. 51. 249 Benoit et Braunstein 1983, p. 186, 188. 250 Dans ce même département, L. Becquey signale une mine de plomb exploitée au milieu du XVIIIe siècle à Lapierre (1829, p. 210). 251 Une enquête de 1339 mentionne l’abondance du plomb dans la Combe de Malaval (Sclafert 1926a, p. 539). 252 Ancel 1998 ; Ancel 2006b, p. 163-164 ; Ancel 2010, p. 294-295. Ces sites archéologiques ont servi de base à une étude poussée portant sur les liens entre la mine et la forêt et son usage dans les travaux miniers : Py 2009 ; Py 2012. 78 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis envergure des Alpes Italiennes253. La mine de Vallauria, près de Tende, fut exploitée durant les XIe - XIIIe siècles : celle du Fournel, à L’Argentière-la-Bessée, comprend une phase d’exploitation médiévale présentement datée des Xe - XIVe siècles254. Il en aurait été extrait entre 10 et 20 tonnes d’argent255. Non loin de là, en 1155, l’évêque d’Embrun donne concession d’une mine d’argent à Rame256. L’activité minière ne connaît un renouveau dans les Alpes qu’à partir de la seconde moitié du XVe siècle et du début du XVIe siècle257. Les sources d’archives attestent alors d’une reprise des recherches, mais les minerais prospectés ne sont pas toujours désignés. C’est le cas des deux documents suivants. Le 4 décembre 1564, des lettres patentes accordent la permission à Ludovic Biraigue, chevalier de l’ordre, lieutenant général au gouvernement de Piémont et marquisat de Saluces, de faire chercher et exploiter les mines et minières, précieuses ou non, métalliques ou non, au pays de son obéissance258. Pour le dédommager de ses frais, il pourra conserver la totalité des profits pendant dix ans après la mise en exploitation des gisements. Pendant les dix années suivantes, il conservera la jouissance des gisements exploités en payant le droit du dixième259. Le 20 mars 1566, en concordance avec le blocus sur les exportations de métaux, Louis de Bourbon, duc de Montpensier, gouverneur du Dauphiné, lui interdit de faire transporter hors du royaume le produit de ses travaux260. Même si la nature des matériaux extraits n’est pas spécifiée, l’exploitation de gisements argentifères paraît probable. En 1573, le roi ayant été averti que dans les montagnes à proximité de Nice, en la paroisse de La Croix, dans le diocèse de Glandevès, il a été trouvé plusieurs mines, minieres de substances terrestres tant mestallicques que autres, donne autorisation à Jean Sussereau et ses associés de réaliser des travaux sur ces gisements quelle que soit leur nature, excepté le fer, et d’en mettre en œuvre le produit261. Ils pourront implanter tous bâtiments ou installations nécessaires à leur activité telle que molins, 253 Bailly-Maître et Dhénin 2004, p. 50. G. Di Gangi propose des cartes avec l’emplacement des mines d’argent médiévales et du début de l’Époque moderne (Di Gangi 2001 ; Di Gangi 2007). 254 Ancel 2006a. Une reprise moderne se serait terminée en 1793 (Bonnaire 1802, p. 101-102). 255 Bailly-Maître et Dhénin 2004, p. 53. 256 Bailly-Maître et Poisson 2007, p. 7. 257 Garioud 2007, p. 48. 258 AD BDR Aix, B 3331, f° 680 r° - 681 r°. 259 Le 26 mars 1563, Claude Grippon, seigneur de Saint-Julien, est nommé grand maître et surintendant général des mines et minières du royaume. Il lui est fait don pour quatre ans du droit du dixième « appartenant au Roi par droit de souveraineté », AD BDR Aix, B 3331, f° 681 r° - 683 r°. Suite à cette donation, des lettres patentes confirment l’exemption des mines et minières du sieur de Biraigue, AD BDR Aix, B 3331, f° 683 r° - 687 r°. 260 AD BDR Aix, B 3331, f° 687 r° - 689 r°. 261 AD BDR Aix, B 3332, f° 663 v°, f° 663 v° - 670 v°. Mars 1573. 79 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis fourneaulx, fonderie, affinerie, faire venir toute personne étrangère au royaume nécessaire à leur industrie et devront payer le droit de dixième au roi. Dans les Alpes-de-Haute-Provence, les secteurs du Haut Vançon et du Bès sont les plus cités dans les archives pour le minerai de plomb argentifère : Saint-Geniez-de-Dromon, Curban, Barles, Le Vernet, etc.262. D’après une visite consignée en septembre 1602, dans le cadre de l’inventaire des droits royaux d’Henri IV, il existe au Vernet une mine fort abondante en cuyvre et riche en argent et or. Elle prend la forme de quatre ouvertures de dix à douze mètres de profondeur263. De nouvelles mines sont également ouvertes en Maurienne à la fin du Moyen Âge264, et des recherches réalisées aux XVIe et XVIIe siècles dans le massif des Hurtières en Savoie, ainsi que dans le Buëch, dans les Hautes-Alpes265. Pour des périodes plus récentes, les gîtes argentifères de Thorame-Haute, Ongles, Mariaud, Ubaye et des Chalances près d’Allemont, de cuivre argentifère de La Bréoule, font l’objet de plusieurs signalements et de tentatives d’exploitation souvent sans grand succès266. Les recherches de minerai d’argent dans la Provence médiévale se scindent en deux périodes : la première s’étend de la fin du XIIe siècle au début du XIVe siècle et la seconde du milieu du XVe siècle au milieu du XVIe siècle. Lors de la première période, en 1180, un contrat signé entre Raymond Bérenger IV, comte de Provence, le vicomte de Marseille et les entrepreneurs de mines de plomb argentifère sises au terroir de Toulon désignés sous le terme « argentarii », attribue à chacune des parties un tiers des revenus de la mine. Les deux premiers se réservent les droits de justice sur les ouvriers et le comte promet de sauvegarder l’exploitation et de protéger les entrepreneurs et leurs salariés dans toute la Provence267. La localisation de la mine n’est pas mentionnée. L. Blancard propose de la rapprocher d’anciennes traces d’exploitation près du Cap-Brun268, mais J.-P. Poly la situe à Dardennes, sur la rive gauche du Las, dans l’actuel 262 Billioud 1958, p. 42-43 ; Morin et Guiomar 2004 ; Ancel 2010, p. 296. D’autres registres du Fonds du parlement de Provence contiennent des lettres patentes ou des arrêts concernant les mines et minières découvertes à Barles : En 1612, est rendu un arrêt demandant la main-levée de la saisie d’outils et instruments servant à l’exploitation des mines de Barles (B 2713) ; Le 13 mars 1614, François Piolle est autorisé à prospecter sur les terroirs de Vernet, Villevieille, Barles, Verdaches et Saint-Geniez (AD BDR Aix, B 3344, f° 1021 v° - 1027 v°). 263 AD BDR Aix, B 1315, f° 1527 r° - 1533 r° ; Billioud 1958, p. 43. 264 Bailly-Maître et Dhénin 2004, p. 50-51. 265 Ancel 2010, p. 296. Crabières 2001, p. 60-61, 63-65. 266 Papon 1780, p 288 ; Darluc 1784, p. 55-63, 262-264, 354 ; Becquey 1829, p. 211-212 ; Féraud 1861, p. 130 267 B 289, parchemin. Document mentionné dans Blancard 1868, p. 33-34 ; Benoit 1960, p. 228 ; Berthet 2007, p. 65. 268 Blancard 1868, p. 34 80 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis quartier de Toulon-nord269. À proximité il existait également la mine des Ameniers270. En 1303, Charles II accorde un bail emphytéotique au marseillais Pierre Provençal sur les mines d’argent de Provence sous la réserve du douzième de leur produit271. Au gisement des Bormettes, des textes prouveraient une exploitation pour les XIIIe et XIVe siècles272. Les sources d’archives sont bien plus nombreuses pour la deuxième période. Un document daté du 5 novembre 1433 atteste de l’existence d’une association entre Bartholomé Canisi, marchand habitant Avignon, et Bertrand Tenque, épicier du diocèse de Fréjus, pour l’exploitation de mines (minas) d’argent et de plomb, l’une à Cogolin, l’autre à La Garde dans le diocèse de Fréjus273. En janvier 1448, l’artisan avignonnais Claude Moulin est embauché contre 100 écus d’or de salaire par l’archevêque d’Aix, Robert Damiani, afin d’affiner les minerais d’or et d’argent qui seront extraits des mines de Provence cette même année274. Ce salaire particulièrement élevé laisse sous-entendre une extraction relativement importante de métaux précieux, très probablement de l’argent. Un contrat similaire lie, en janvier 1470, les associés Gilbert Dauthon, prieur de Gardanne, et Henri de Monnet, d’Embrun, avec une équipe allemande de techniciens du travail des minerais275. Les sociétaires ont obtenu du roi René l’autorisation de faire chercher et exploiter les gîtes minéraux qui les intéresseront dans l’ensemble du comté de Provence, avec obligation de verser le droit du roi. Nous supposons qu’il s’agit du dixième des matières produites. Cet accord fait probablement suite à des prospections fructueuses sur des gîtes argentifères ou aurifères, car les spécialistes allemands sont recrutés pour affiner le minerai et en extraire ainsi par fusion l’or et l’argent du plomb et du cuivre. De leur côté, Dauthon et Monnet établiront à leurs frais le martinet nécessaire aux opérations. L’absence de localisation de la future exploitation ne permet pas d’être assuré qu’elle ait été prévue dans les limites géographiques stricto sensu de la Provence, et aucune mention ultérieure ne permet non plus de juger du devenir de cette société. Huit ans plus tard, Antoine Payant, conseiller et secrétaire du roi, obtient des lettres royaux l’autorisant à chercher et exploiter pendant 10 ans les minéraux du terroir du Luc276. Cependant, l’or et l’argent sont exceptionnellement absents de la liste non exhaustive des minéraux 269 Poly 1976, p. 239 Lanza-Berthet 2006, p. 152. 271 AD BDR B 421, parchemin. 272 Ancel 2010, p. 295. 273 AD V, 3 E 8 787, f° 57 et 58. 274 Coulet 1975, p. 164. 275 AD BDR Aix, 308 E 441, f° 500 r° - 503 r° ; Coulet 1975, p. 160-163. 276 Coulet 1975, p. 165. 270 81 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis habituellement donnée dans ce genre de document277. Le 1er mai 1519, Étienne Misserolli, de Remollon (Hautes-Alpes), magister minarum, est autorisé à exploiter les mines (minas sive mineralia) de quelque espèce de métal qu’elles soient, où qu’elles soient dans le Comté de Provence et de Forcalquier et à en traiter le minerai278. La liste des exempla minéraliers mentionne l’or et l’argent avant tout autre métal tel que le cuivre, l’étain, le plomb et l’acier. Il fixe donc l’ordre des priorités ou plutôt l’ordre d’espérance en termes de découvertes. Cet ordonnancement est quasi systématique dès que ce genre de liste apparaît. Le 25 janvier 1502, une société pour l’exploitation des mines du Cannet, et plus particulièrement au quartier de Saint-Daumas est constituée entre un marchand d’Avignon, Jean Layne, et trois orfèvres habitant l’un Saint-Maximin, Guillaume Vatellot, et les deux autres Aix-en-Provence, Simon Laugier et Guillaume Carre. Quelques jours auparavant, les seigneurs du village du Cannet des Maures leur avaient donné à bail, pour leur vie durant, les droits d’exploitation des mines279. Les associés ont pour principal objectif la découverte de mines d’or ou d’argent. Les données modernes attestent de la présence de gisements de plomb argentifère dan cette zone. À ce texte en latin et provençal280 pourraient correspondre des vestiges de travaux miniers au pic et au feu sur le filon T et dans la concession de Pic-Martin sur cette commune, d’après M.-P. Lanza-Berthet281. Dans la même zone, en 1532, Jean Ferrier, de Fréjus, est autorisé à fouiller les mines d’or, d’argent et autres dans les territoires du Cannet, du Luc, de La Garde et de Grimaud282. Au nord-est, dans le Vaucluse, au début du XVe siècle, les associés Pierre Meynier, Louis Pourcier, Jean Trincand, tous carriers (peyrerius) de Barbentane, et Barthélémy Flour, de Saint-Rémy, sont dépositaires d’une autorisation à fouiller et à rechercher dans le territoire de Barbentane et principalement dans le quartier appelé La Pieyra, les mines d’or, d’argent, de cuivre, d’étain, de plomb, d’azur et autres minéraux. Le 21 septembre 1510, ils promettent, dès qu’ils auront découvert quelque mine, d’en informer le parlement ou les maîtres rationaux de la cour des comptes, afin que ces derniers leur envoient un contrôleur. Ils s’engagent également à payer exactement aux receveurs généraux de la province, les droits du Roi sur les matières minérales affinatas et purifficatas, c'est-à-dire la huitième partie de l'or, la quinzième partie de l'argent et la vingtième partie des autres métaux 277 Omnia mineralia sive mineras ferri, calibis, eris, plumbi, stagni, esmerighi, etc. (Coulet 1975, p. 165). 278 AD BDR Aix, B 1450, f° 179 v° - 180 r°. 279 Annexe 8, doc. 1 ; Coulet 1975, p. 165. 280 La première partie du document est en latin mais le règlement de la société est en provençal. 281 Lanza-Berthet 2006, p. 153. 282 AD BDR Aix, B 1257. 82 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis (menarum et methalorum)283. En 1536, il est permis à Antoine Giraud, de La Ciotat, d’exploiter les mines d’or, d’argent et de métaux quelconques du Comté de Provence284. Quelques années plus tard, en août 1539, il est accordé à Reforciat de Pontevès, seigneur dudit lieu et de la seigneurie de Sainte-Catherine, la possibilité de faire rechercher et exploiter sur ses terres les mines d’or, d’agent, de fer, d’étain, de cuivre, de plomb et autres métaux285. La documentation qui vient d’être présentée illustre la multiplicité des recherches et des mises en exploitation durant cette dernière période d’environ un siècle, de 1430 à 1540, notamment dans le massif des Maures. D’une manière générale, les autorisations de prospections mettent en évidence cette poursuite des gîtes de métaux précieux, même si en définitive, il est le plus souvent difficile de savoir si elles ont donné lieu à une mise en exploitation et si l’exploitation éventuelle a concerné l’argent ou de façon très improbable l’or. À ces actes notariés, il faut bien évidemment rajouter des documents concernant uniquement d’autres minerais comme le fer, le plomb et le cuivre qui n’avaient pas leur place ici. Toutefois, le nombre de textes concernant l’or et l’argent ou sous-entendant leur recherche comme prioritaire montre bien qu’ils conditionnent une bonne partie de l’activité minière. Après une baisse sensible de l’intérêt pour la recherche des métaux dans la seconde moitié du XVIe siècle, un nouvel essor se manifeste en Provence dans les toutes premières années du XVIIe siècle. Il est alors accordé quelques permissions de recherche et de mise en travaux d’ordre général,286 mais c’est l’extraction de l’alquifoux ou « vernis » dans le massif des Maures qui paraît intéresser la plupart des entrepreneurs287. Cependant, la présence d’argent mêlé au plomb dans de nombreux gîtes de petites tailles est la cause de nombreuses tentatives d’exploitation les siècles suivants288. Dans le Gard, le district médiéval d’Hierle qui s’étend notamment sur l’actuelle commune de Saint-Laurent-le-Minier, a fonctionné du XIe au XIVe siècle. L’intense activité d’extraction de l’argent à partir de minerais polymétalliques, dont de nombreux gîtes de plomb et de cuivre argentifères, nécessite durant le XIIe siècle la rédaction d’un code minier. Il est connu par la retranscription qui en est faite à la fin d’une charte de franchise datée de 283 AD BDR Aix, B 1234, f° 156 v° - 157 v° AD BDR Aix, B 1452, f° 8 r° 285 AD BDR Aix, B 3321, f° 938 r° - 940 r° ; AD BDR Aix, B 34, f° 86 v° - 87 r° 286 AD BDR Aix, B 3342, f° 211 v° - 213 v°, 29 mais 1604 : Lettres patentes accordant au capitaine Pierre d’Arène, de la ville de Toulon, la permission de chercher des mines et minières en Provence ou ailleurs dans le Royaume, avec promesse d’être préféré à tous autres pour les exploiter ; « Sa majesté luy permet en oultre de porter deux pistolletz qu’il a acheptés à Paris ». 287 Voir le sous-chapitre 2.2.3 sur le plomb. 288 Voir à ce sujet Darluc 1782, p. 56-57 ; Agay 1980 ; Lanza-Berthet 2007. 284 83 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis 1227289. Dans l’Hérault, certains travaux dans la mine de cuivre argentifère de La Roussignole 2 à Cabrières sont datés des environs de l’an Mil290. D’autres gisements, de plomb argentifère cette fois-ci, ont été exploités au Moyen Âge dans la région de Lodève, par exemple sur les sites de Cimetière et du Pourat291. En Aveyron, dans le canton de Camarès, des recherches archéologiques et archivistiques ont mis en évidence l’existence de mines d’argent en activité du XIIe siècle au XIVe siècle appartenant à l’abbaye de Sylvanès. Celle de Bouco-Peyrol, de cuivre argentifère, qui a fait l’objet d’une étude plus approfondie, est exploitée aux XIIe et XIIIe siècles d’après les datations au radiocarbone292. Des mines d’argent sont attestées autour du Mont Lozère par des traces d’exploitation datées par C14 entre le XIe et le début du XIVe siècle, mais pour l’essentiel regroupées entre le milieu du XIe siècle et la fin du XIIe siècle. Des documents datés entre 1327 et 1459 montrent que les mines de cette région sont l’objet d’une lutte de pouvoir entre l’évêque de Mende et le représentant de l’autorité royale293. Des gisements sont également exploités à Largentières en Vivarais au cours du XIIe siècle et à Castel-Minier dans le Comté de Foix dans la première moitié du XIVe siècle294. La production d’argent de ces régions, et peut-être de manière exceptionnelle d’or, ne pouvait toutefois pas suffire aux besoins des orfèvres et maîtres de monnaie, les importations de matière première brute non plus. Les historiens de Marseille n’ont relevé qu’une seule mention d’importation concernant l’argent : en 1494, un marchand de Valence réclame au maître des monnaies de Marseille la somme de 600 florins pour la vente de billon d’argent295. Quant à l’or africain, il n’apparaît qu’une seule fois dans l’Histoire du commerce de Marseille : en 1478, un marc, trois onces et seize deniers sont importés d’Oran296. Qu’en est-il de la place des métaux précieux du nouveau monde en Provence à partir du XVIe siècle ? Nous ne sommes pas actuellement en mesure d’apporter une réponse à cette question. L’exportation des métaux précieux à l’état brut ou de demi-produit est à peine mieux connue. En 1227, Étienne de Manduel confie 12 livres de royaux coronat en or et argent à faire porter à Bougie, en Algérie actuelle297. Pour la même destination, 44 livres coronat en 289 Bailly-Maître 1989, p. 62 ; Bailly-Maître 2002, p. 99, 112 ; Bailly-Maître 2007, p. 26-27 ; BaillyMaître 2012. 290 Maas 2002, p. 59-60. 291 Lopez 1989. 292 Lechelon 1997. 293 Bailly-Maître 2007, p. 28 ; Bailly-Maître 2010, p. 139. 294 Girard 1999 ; Bailly-Maître 2007, p. 26, 36-37, 45. 295 Collier 1951, p. 115. 296 Reynaud 1951, p. 410. 297 Blancard 1884-1885, t. 1, p. 21, doc. 16. 84 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis verges d’argent sont remis en commande en 1406298. En 1248, un notaire marseillais enregistre une commande de 20 livres de monnaie mêlée en or par un changeur phocéen, et de 71 livres de melgoriens en or par un marchand de Montpellier pour la Sicile299. En 1426, un tailleur juif achète à un forgeron des caisses d’argent qu’il compte envoyer à Alghero, en Sardaigne300. L’argent fait l’objet d’exportations vers l’Italie durant le XIVe siècle301, mais aussi vers le Levant sous la forme de métal pur ou de monnaies provençales et étrangères302. La mise en commande de monnaies d’or et d’argent, pratique hautement spéculative, est d’un usage massif au XIIIe siècle à Marseille303, il n’est d’ailleurs peut-être pas étranger, associé à d’autres mouvements de ce type depuis d’autres ports méditerranéens, au manque de numéraire nettement perceptible au XIVe siècle. Face au risque de pénurie de métaux précieux, il est pris des dispositions particulières. Par Lettres du 3 avril 1298, Charles II proscrit l’exportation de l’argent hors d’Avignon sous toutes ses formes et notamment de garlanda d’argent, de monnaie ou de billon304. Les criées du 5 octobre 1372 d’Avignon rappellent qu’il est interdit de faire sortir de la ville le billon ou l’argent en lingot ou sous quelque autre forme que ce soit, si ce n’est en direction des ateliers monétaires pontificaux, sous peine de cent livres d’amende et la confiscation de l’argent et de l’animal le portant305. Ces dispositions sont étendues à l’or lors de criées en 1458, et l’amende est élevée à cent marcs d’argent306. De même la vente ou l’échange d’or et d’argent induisant leur transport hors de la cité épiscopale est prohibé307. À Meyrargues, dans le tarif de 1369, un parti différent est adopté : la sortie de biens coûteux comme les métaux précieux est taxée au péage à 8 sous la charge contre 5 sous pour l’entrée. C’est un moyen comme un autre de restreindre leur sortie de la ville. La proportion d’argent et d’or réutilisés est très certainement majoritaire ainsi que le révèlent quelques indices. Ce peuvent être des espèces monétaires fondues pour en faire des objets précieux comme cette ceinture que le roi René commande à l’orfèvre Jean Scalle en 298 Baratier 1951, p. 110. Blancard 1884-1885, t. 1, p. 400-401, doc. 336 ; t. 2, p. 116, doc. 602. 300 Reynaud 1951, p. 691. 301 Reynaud 1951, p. 161. 302 Baratier 1951, p. 247. 303 Les documents rassemblés par L. Blancard (1884-1885, t. 1 et 2) attestent de l’ampleur du phénomène au XIIIe siècle. 304 Lettre transcrite dans Maulde La Clavière 1879 (p. 302, pièce XXVIII) d’après les ms 4658 et 4686 du fond latin de la BNF. Cette missive se retrouve également dans le registre AA 1 (2 MI 370) des archives communales d’Avignon, aux folios 70 r° et 70 v°. 305 Girard et Pansier 1909, p. 78. 306 Ibid., p. 134, article 27. 307 Ibid., p. 135, article 28. 299 85 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis 1479 et qui nécessite 300 ducats soit 800 florins308, ou bien encore de vieilles pièces d’orfèvrerie cassées ou jugées démodées. En 1374, de l’argent antiquus seu ruptus est par exemple employé par l’orfèvre du pape pour une commande309. La consultation des tarifs de péage indique que la circulation de l’or et de l’argent dans le comté de Provence se fait avant tout à proximité de la vallée du Rhône et le long de la Durance dans le prolongement de l’axe Marseille-Aix. Hors produits finis, ces métaux précieux circulent le plus généralement sous forme monétaire car elle combine l’avantage de servir de moyen d’échange, d’épargne et d’unité de valeur et la possibilité d’être employée, après fonte, à la confection de pièces d’orfèvrerie. Le transport des monnaies n’est pas soumis au péage et il n’y a guère qu’à Arles que celles destinées à la fonte sont taxées dans le tarif de 1431 et dans un autre du XVIe siècle. Elles ne l’étaient pas auparavant. Les métaux précieux voyagent souvent sous forme de billon. Ce terme recouvre une terminologie plus large que celle de la numismatique qui désigne une monnaie constituée d’un alliage de cuivre et d’argent. À Avignon, à partir de la fin du XIVe siècle, les tarifs spécifient que le billon d’argent est destiné à la monnaie. Sans doute cet usage est-il majoritaire, mais est-il exclusif ? Le billon qui apparaît dans les tarifs de péages est en or ou en argent, monnayé ou non, comme il est décrit dans l’article 27 des criées de la Cour temporelle de 1458 : bilhonum auri vel argenti monetati vel non monetati310. Cependant, quelle forme prend-t-il lorsqu’il n’est pas sous la forme de monnaie ? Peut-être celle de petits morceaux de métal. Le terme assez énigmatique de sendrada se retrouve dans les articles 215 à 217 des criées de 1458311. L’article 216 interdit aux orfèvres l’usage de l’or, de l’argent blanc ou doré, du sendrada et du billon qui n’ait pas été essayé et signé par l’essayeur de la cité d’Avignon. Il apparaît une certaine parenté entre les deux derniers termes d’après la place qu’ils tiennent dans les articles susdits. Peut-être le sendrada est-il une forme de billon d’alliage d’argent à teneur en cuivre. Cette terminologie n’est pas très courante, elle est absente des tarifs de péage. Que recouvrent les termes « or » et « argent » dans les tarifs de péage lorsqu’il n’est pas précisé qu’ils sont vieu ou rout – brisé – c'est-à-dire mis en œuvre mais destinés à être recyclés, ou non operatum ? La question a déjà été soulevée mais peut-être est-elle ici moins problématique. En effet, les sources d’archives attestent que, la plupart du temps, l’orfèvrerie 308 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1066, 1073 et 1074. Schäfer 1937, p. 557. 310 Girard et Pansier 1909, p. 134. 311 Ibid., p. 175-176. 309 86 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis est évaluée au poids des métaux neufs, contrairement au fer, au cuivre, au plomb ou à l’étain qui perdent de la valeur une fois utilisés et sont donc moins taxés. L’or et l’argent prennent également la forme de lingots tels que la verge (verber312), le pain ou la masse (virgis, pambiis313 vel massis314), la plaque, de demi-produits comme la feuille de métal battue ou le fil d’or. La disposition des attestations de l’or et/ou de l’argent en plaques révèle l’importance de la vallée de la Durance dans le commerce de la matière brute. La majorité des tarifs datent du XIVe siècle ou se sont appliqués durant cette période315. Antérieurement, d’après les données actuelles, seule la pancarte de Digne en porte mention. Le massif des Alpes a donné lieu à de nombreuses exploitations de mines polymétalliques renfermant de l’argent, comme cela a été montré, et la vallée de la Durance est une voie commode pour transporter le métal jusqu’en Basse Provence. Curieusement, les attestations de métal en plaque deviennent fréquentes peu de temps avant ou de manière contemporaine à la baisse de production de ce métal, aux alentours du milieu du XIVe siècle. Est-ce lié à une réaction tardive des propriétaires des péages, à des difficultés à imposer des modifications, au hasard de la conservation des sources écrites ? La réponse tient sans doute un peu de ces trois facteurs. Cependant, les tarifs de péage d’Aix de 1252 et d’Arles de 1365 ne mentionnent pas de métaux précieux en plaques, les témoignages de 1367 portant sur le tarif de Meyrargues et qui décrivent un état antérieur de quelques années, non plus. Plus surprenante encore est la mention d’or en plaques alors que la documentation sur son extraction dans les montagnes est pratiquement inexistante. Il est en outre peu probable qu’un trafic de l’or ait eu lieu vers l’amont. À quels marchés aurait-il pu être destiné ? Dans ce cas précis, un mimétisme avec l’argent est fort probable. Jusqu’à quel point aurait-il pu être poussé ? La comparaison de la taxation de l’or et de l’argent à nature de produit égale montre qu’elle est la plupart du temps identique alors que la valeur de l’or est autrement plus élevée que celle de l’argent (fig. 22). Il est très probable que l’or est surreprésenté dans les tarifs de péage, sa présence devant sans doute beaucoup à son statut de métal précieux. Les tarifs des péages d’Arles et d’Avignon sont les seuls à lister l’or en plaques ou en verges, et non pas l’argent, le long du Rhône, et ce de manière assez tardive et sur une période 312 Facto computo cum d. Bertrando Nogayroli, directore operum pape, pro salariis mag. Mathei pictoris et plurium aliorum vitam s. Benedicti depingentium in pannis lineis pro certis dietis ipsorum et pro 1760 peciis auri verberati seu fabricati, 850 foliis stagni sutilis pro dictis picturis, taulamentis, pereriis, fusteriis, caxis factis pro pannis predicti (Schäfer 1937, p. 200). 313 Sans doute faudrait-il lire Panibiis, de pannis, pain. 314 1458, Girard et Pansier 1909, p. 132, article 27. 315 Le tarif de Digne est par exemple inchangé de 1251 à 1685. 87 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis limitée. À Avignon, à la fin du XIVe siècle, l’or en verge de Bologne est taxé 4 sous la livre, l’or en plaques de Gênes ou de Venise 12 sous la caisse de 5 livres subtiles. Ces références sont absentes des tarifs de la fin du Moyen Âge. L’or en plaques est imposé à la charge à Arles en 1430, mais il ne se retrouve pas dans le document du XVIe siècle. Arles est pourtant une cité économiquement affaiblie à la fin du Moyen Âge, les guerres et l’importance nouvelle de Port-de-Bouc y ont contribué316. Les prémices d’un renouveau économique n’apparaissent qu’au début du XVIe siècle, mais la conjoncture ne s’inverse réellement qu’à la fin du siècle317. Cependant, ces tarifs peuvent n’être que des copies de documents plus anciens. Dans ce cas, ils illustreraient le boom économique provoqué par l’installation papale dans la cité vauclusienne, et les importations de métal précieux depuis l’Italie par le Rhône et peut-être également par Marseille. Le cours de l’argent métal est particulièrement stable depuis le milieu du XIIIe siècle jusqu’au moins le second tiers du XIVe siècle (fig. 22)318. En 1248, un montpelliérain règle une dette auprès d’un marseillais en le remboursant en argent au prix de 2,84 livres le marc d’argent de Montpellier319, soit à peu près 4,5 florins le marc. En 1263, le marc d’Avignon, qui est calqué sur celui de Marseille320, vaut un peu plus de 5,3 florins florentins321. Entre 1316 et 1364, un relevé des prix dans les comptes de dépenses de la chambre apostolique322 montre qu’il s’établit en moyenne autour de 4,7 florins. Sa valeur s’élève d’un demi-florin entre 1365 et 1375. Cette évolution est similaire à celle relevée par K. Schäfer pour la même période323. Toutefois, par la suite, sa valeur augmente de manière importante. En 1478 et 1479, dans les comptes du roi René, l’argent est évalué à 15,5 et 16 florins le marc324. En 1496, à Avignon, l’argent employé pour la fabrication d’une custode, sans la façon, coûte 15,9 316 Stouff 1986, p. 100-117 ; Stouff 2008 ; Payn-Echalier 2006, p. 196. Se reporter également à Reynaud 1956 pour une étude d’un compte des droits perçus sur les navires et marchandises à Port-deBouc entre 1469 et 1476. 317 Payn-Echalier 2006, p. 195. 318 Une ligne d’un compte du roi René tenu alors qu’il était en Anjou rapporte un achat d’argent en 1451 à 8 livres 15 sous le marc (855). Elle n’a pas été prise en compte car l’achat se fait hors de Provence. 319 Blancard 1884-1885, t. 2, p. 303. Le marc de Montpellier équivaut à 239,12 gr. à cette époque (Blancard 1868 b, p. 30) 320 Rolland 1956, p. 92. Le marc des orfèvres de Marseille est de 253,19 gr. depuis au moins 1273 jusqu’en 1328, de 239,12 gr. par la suite d’après P. Mabilly (1908, p 190). 321 Blancard 1868, p. 212 et 393 pour la valeur du florin de florence en 1262-1263 évalué à 12 sous 6 deniers 322 Publiés en partie dans Schäfer 1911, 1914 et 1937. 323 Schäfer 1911, p. 44-45. 324 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1019 et 1059. 88 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis florins325. En 1558, les statuts de la communauté juive d’Avignon établissent que l’argent blanc ouvré, c’est-à-dire non doré, doit être évalué à 16 florins le marc dans le cadre de l’estimation des biens nécessaire pour fixer le paiement de l’impôt redevable à la communauté326. En 1566, l’argent est évalué à 14,2 florins le marc lors de la description de bijoux dans un inventaire de marchand327. À cause d’une forte immigration d’orfèvres de la région parisienne à Avignon durant le XIVe siècle, les quantités d’argent sont, dans la cité vauclusienne, souvent exprimées en marc de Paris et non en marc de Cour (cort)328. En 1478, le marchand d’Avignon Paulet Hesdin vend au roi René deux calices, l’un d’argent fin, l’autre d’argent de court329, ce qui doit correspondre à deux proportions d’argent différentes. Le cours de l’or ne connaît pas beaucoup plus de variations que celui de l’argent durant les XIIIe et XIVe siècles (fig. 22)330. Pour la période allant de 1341 à 1364, le marc d’or à vingt carats (de liga 20 caractum331, caratum332, cayratum333, cateratum334) varie généralement autour de 53 à 53,5 florins ; en 1365, il est apprécié 57,8 florins, et de 1371 à 1375, entre 60 et 61 florins. Cette légère élévation de la valeur de l’or est conforme aux donnés récoltées par K. Schäfer335. Une demi-dizaine de valeurs, concernant de l’or dont la teneur n’est pas précisée, évolue entre 65 et 67 florins le marc, entre 1363 et 1375. Un calcul simple en partant d’une base de 20 carats à 60 florins, soit 3 florins le carat, montre qu’il s’agit probablement d’or à 22 carats comme il en est attesté par ailleurs336. Le cours de l’or augmente sensiblement par la suite puisqu’en 1496, il coûte 215,1 florins le marc. En 1558, l’or travaillé est estimé à 80 florins de compte le marc dans les statuts de la communauté juive 325 Pansier 1913, p. 87. L’or a coûté 258 florins 19 sous 6 deniers et non pas 25 florins 19 sous 8 deniers comme l’écrit P. Pansier. 326 Maulde La Clavière 1886, p. 115, chapitre XXIII. 327 Annexe 8, doc. 25. 328 Pansier 1934, p. 17. Le marc de cour est égal à 222,51 ou 222,7 gr. et celui de Paris à 244,75 gr. (Rolland 1956, p. 91) 329 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2912. 330 Il n’a pas été pris en compte dans cette étude de l’évolution des prix de l’or, deux lignes d’un compte du Roi René tenu alors qu’il était dans son domaine d’Anjou : en 1451, l’or – qualifié une fois de fin – est acheté à 97 livres 12 sous 6 deniers le marc (1118). 331 1375 (Schäfer 1937, p. 617). 332 Par exemple : 1356 (Schäfer 1914, p. 631). 333 Par exemple : 1372 (Schäfer 1937, p. 416). 334 1368 (Schäfer 1937, p. 244). 335 Schäfer 1937, p. 46-47. 336 1373 (Schäfer 1937, p. 488). En 1349, le poids de 100 ducats d’or est évalué avec une proportion maximale hypothétique de 24 carats, à 1 marc, 4 onces et 1 denier (Schäfer 1914, p. 409). 89 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis d’Avignon337, mais cette estimation sert de base d’imposition pour l’impôt communautaire et il est possible que le prix de l’or ait été volontairement sous-évalué pour que les propriétaires de bijoux soient moins taxés. En 1566, l’or est évalué à 147 florins le marc338. En 1575, l’once d’or vieulx est estimée à seulement 160 sous le marc dans un inventaire de marchandises339, prix inférieur à celui de l’argent à la même époque ! S’agit-il d’une erreur ? La teneur en or peut être variable d’une pièce à l’autre, quelques références tirées des comptes de la chambre apostolique l’ont montré. Un autre exemple est donné par la vente, en 1358, par le pape Innocent VI, de nombreux objets précieux du trésor pontifical pour renflouer ses caisses. La teneur en or de l’ensemble est évaluée par des experts à 19 carats et 3 octaves (octavis) qui, transformée en la proportion hypothétique de 24 carats, leur font apprécier le matériau à 63,5 florins le marc au poids de chambre340. En 1496 et 1504, la fabrication de pièces d’argenterie offertes au chapitre de Notre-Dame-des-Doms nécessite la réalisation d’une dorure. Il est à cette occasion employé un alliage d’or de faible qualité puisque le marc ne coûte que 21,45 florins341. L’obtention d’or et d’argent d’une certaine teneur pour les travaux d’orfèvrerie nécessite un savoir-faire342. Ce travail peut être pratiqué par des orfèvres, comme dans la première moitié du XVIe siècle, les aixois Simon Laugier343 et Pierre Thissier344, également essayeurs de la monnaie. Cette opération est aussi l’œuvre de spécialistes tels Vincent Évêque345 et Claude Moulin346 tous deux affinator auri et argenti d’Avignon, Jean Médar, laveur et affineur d’or et d’argent d’Aix-en-Provence347, ou bien encore Jacques Mercier, argenterius et affinator du diocèse de Turin. Le 27 mars 1430, celui-ci promet à Pierre Fabre, affinator du diocèse de Die, citoyen d’Avignon de lui enseigner une partie de son art contre une rémunération de 66 florins348, c’est-à-dire : 337 Maulde La Clavière 1886, p. 115, chapitre XXIII. Annexe 8, doc. 25. 339 Annexe 8, doc. 26. 340 Müntz et Faucon 188, p. 220. 341 Pansier 1913, p. 87. 342 Des instruments et récipients nécessaires à l’affinage des métaux précieux ont été trouvés à Montbéliard (Thomas et al. 2006 ; Martinón-Torres et al. 2008). 343 AD Vaucluse, 309 E 282, f° 91 r° - 92 r°, 10 mars 1513. 344 AD BDR Aix, 308 E 1055 f° 148 r° - 148 v°, 1er février 1539. 345 5 novembre 1410 (Pansier 1923, p. 127). 346 Le 13 septembre 1465, il reconnaît tenir du chapitre de l’église d’Avignon une maison et reçoit quittance de tous les arriérés de cens AD V 3 E 5 753, f° 367 r° - 367 v°. 347 AD BDR Aix, 303 E 112, f° 86 r° - 86 v°, 23 juillet 1608. Il est témoin de l’acte. 348 AD Vaucluse, 3 E 5 679, f° 81 v° - 82 r°, 27 mars 1430. 338 90 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis - de savoir séparer et extraire l’or de l’argent allié ou non au soufre (de depertiendo et extrahendo aurum ab argento cum sulphure alligatum et non alligatum) jusqu’à la proportion d’un grain par marc, - de faire en sorte que l’affinage n’occasionne pas une perte supérieure à 4 deniers par marc, - de pouvoir fabriquer de l’eau forte (acide) pour extraire l’argent de l’or (aqua forte ad expartiendum aurum ab argento). La proportion d’or et d’argent dans l’orfèvrerie fait l’objet d’une attention toute particulière des autorités municipales, soucieuses de protéger la clientèle, car plus que pour tout autre artisanat, la qualité de la matière première est indissociablement liée au travail du fabricant. Les statuts de 1253 de la ville de Marseille défendent aux orfèvres de dorer ou de faire dorer du laiton ainsi que du lolio également appelé pans – de minces feuilles en alliage cuivreux349 ? –, ou d’œuvrer ou de faire œuvrer de l’argent renfermant plus de douze deniers d’élément d’alliage pour chaque marc, c’est-à-dire inférieur au taux de l’esterlin350. Cette interdiction est rappelée en 1268 et l’amende est fixée à 100 sous en cas de non respect351. De même, si des marchands ou des orfèvres entrent en possession d’un ouvrage ancien qu’ils veulent proposer à la vente, ils ont obligation de le faire examiner par des prud’hommes352. À Avignon, les criées de 1458 interdisent aux orfèvres d’œuvrer de l’or, de l’argent doré ou blanc, du sendrada et du bilhon s’il n’a été auparavant contrôlé et signé par l’essayeur de la ville353, et donc, sa qualité renseignée. Pour l’argent, l’aloi doit être au moins celui de l’esterlin ou du gros tournoi354. L’objet produit doit ensuite être approuvé par l’essayeur qui le frappe du poinçon de la cité sauf si comme pour les bagues, boutons et autres petits joyaux, leur taille est un handicap à l’apposition commode du poinçon355. Des inspections peuvent à tout moment être menées, de jour comme de nuit, dans les ateliers des orfèvres356. Quant aux changeurs et aux marchands, ils ont obligation de ne vendre que des ouvrages en argent signés du poinçon de la ville ou du lieu où ils ont été fabriqués357, ceux provenant d’Avignon ayant 349 Se reporter au chapitre 3.2.1.1. Pernoud 1949, liv. II, f° 72 r°. 351 Pernoud 1949, liv. VI, f° 151 v°. Le titre au millième est donc de 937,5 et non pas de 987 (2 deniers 1 obole) comme l’affirme F. Reynaud (1951, p. 828). 352 Pernoud 1949, liv. VI, f° 151 v°. 353 Girard et Pansier 1909, p. 175, article 216. 354 Ibid., p. 135, article 32. 355 Ibid., p. 135, article 33. 356 Ibid., p. 134, article 31. 357 Ibid., p. 132, article 23. 350 91 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis un aloi au moins équivalent à l’esterlin ou au gros tournoi358. Dans le cas où un objet apporté à Avignon ne présenterait pas de marque, l’objet doit avoir au minimum l’aloi susdit, sinon le vendeur se devra d’informer l’acheteur de la nature de l’alliage d’argent qu’il achète, au besoin en ayant consulté à ce propos une personne compétente359. Le seul essayeur autorisé et auquel doivent s’adresser toute personne œuvrant ou vendant des objets en or et en argent est celui mandaté par la ville360. La ville garantit donc la nature des matériaux utilisés et la qualité des articles vendus sur son territoire. Les bonnes pratiques en matière de métal précieux ne sont que succinctement rappelées dans les statuts du 17 novembre 1553 de la confrérie des orfèvres d’Avignon, à la fois confrérie religieuse et confrérie de métier dans la seconde moitié du XVIe siècle : il est défendu de mettre en besougne or ou argent qui ne soit bon et suffisent a ouvrir comme de bonne coustume361. L’or et l’argent à l’état de demi-produit font aussi l’objet d’un commerce. L’or filé est l’objet d’une imposition à 1 denier par valeur en livre dans la table de mer de Marseille362 en 1228, taxe identique à celle de la leyde des fers et casses de 1228, de 1298 et d’une copie du XVe siècle. Lors des ventes à l’encan, la centaine de cannons d’aur filat est taxée à 12 deniers en 1228. Imposé à 10 sous la centaine de madess(as) – bobine d’or filé ? – dans le péage d’Avignon à la fin du XIVe siècle, le demi-produit est taxé au marc par la suite de même que l’or filé faux – du cuivre ou un alliage cuivreux doré ? – et enfin le fil d’argent véritable ou faux – résultat d’une argenture sur fil cuivreux ? – au début du XVIIe siècle. Un autre demiproduit, les verguetas d’aur de Boloigna o d’autra part font une apparition à la fin du XIVe siècle, date à partir de laquelle la feuille d’or est taxée à la centaine. Les feuilles de métaux battus et le fil d’or ou d’argent sont susceptibles d’avoir été employés, l’un pour servir à la dorure ou à l’argenture des accessoires du costume, l’autre comme élément de base pour la confection de certains bijoux comme les bagues. Dans les comptes de la chambre apostolique363, ces matériaux apparaissent rarement dans les mains de marchands ou d’artisans spécialisés, mais généralement en possession des orfèvres et peintres qui les mettent en œuvre, et à qui ils sont remboursés, sans qu’il soit mentionné auprès de qui ils se les sont procurés. 358 Ibid., p. 132, article 22. Ibid., p. 132, article 24. 360 Ibid., p. 175-176, articles 215 et 216. 361 Statuts du 17 novembre 1553 de la confrérie des orfèvres d’Avignon (Bibl. Ceccano, ms 1959, f° 3 r°). 362 La table de mer est une imposition sur les marchandises contenues dans les bateaux qui abordent au rivage. 363 Schäfer 1911, 1914 et 1937. 359 92 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis La cour papale lors des travaux de peinture pour la décoration du palais des papes et d’édifices religieux proches de celui-ci, puis la ville d’Avignon lors des dépenses parfois fastueuses qu’elle réalise pour l’entrée de grands personnages, consomment de fortes quantités de feuilles d’or pour des peintures et boiseries. Les achats de feuilles d’argent sont beaucoup plus rares : le centenier de passa de foliis de argento est de 1,35 florin en 1318364, celui de peciis ou foliis argenti de ¼ de florin en 1345 et 1346365. En 1318, le centenier de passa366 de feuilles d’or est ordinairement entre 7 et 8 florins et le centenier de feuilles de stagno deauratis367 coûte 1,13 florins. Dans les années 1340, le centenier de feuilles d’étain dorées (folium sive stagnola, staneta, stagneola, stangola de auri), parfois qualifiées de fines (fini) et dans un cas brunies (bruniti)368 varie entre 21 et 22 florins. Il atteint une fois 24 florins en 1346369. En 1345, des folium deauratum de stagno, peut-être plus petites, sont acquises 12,5 florins la centaine. Quatre ans plus tard, la chambre apostolique se fournit en 240 peciis auri fini de Florentia à raison de 1 florin 2/3 les cent pièces, et en 738 peciis d’or fin auprès du batteur d’or (battitor) Nerio pour 2 florins 1/3 le centenier370. Ces feuilles d’or tout comme celles remboursées à un peintre en 1351, au tarif de 2 florins le cent371 sont destinées à être employées par cette profession. L’écart de prix entre les qualités s’explique nécessairement par une importante différence dans la qualité du matériau ou dans les dimensions. D’ailleurs, le 25 septembre 1317, la chambre apostolique achète des ciseaux pour couper les feuilles dorées : pro unas forfesas pro sindendo foliam dauratam372. Le compte d’une mercerie de Carpentras rapporte la vente en 1397 d’une douzaine et demie de fuelhas d’argent sobredauradas pour 3 sous373. En 1498, des comptes des dépenses effectuées pour la venue du duc César Borgia à Avignon mentionnent l’acquisition de feuilles daurades, donc de métal doré, pour 2 florins 1 gros la centaine374, et de 4 douzaines de papie dourat et 3 douzaines de argentat à 4 gros la douzaine375. Il existe aussi des feuilles de métal cuivreux doré ou argenté, il en est traité dans le sous-chapitre 2.2.6 sur le cuivre et ses alliages. 364 Faucon 1882, p. 65. Schäfer 1914, p. 311, 312. 366 Unité de poids utilisée en Italie d’après Du Cange. 367 Faucon 1882a, p. 65 et 66. 368 1345 (Schäfer 1914, p. 311). 369 Schäfer 1914, p. 350. 370 Schäfer 1914, p. 908. 371 Schäfer 1914, p. 475. 372 Faucon 1882, p. 56. 373 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms 882, f° 215 v°. 374 Bayle 1888, p. 156-157. 375 Bayle 1888, p. 152 365 93 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis Les mentions de batteurs d’or exerçant en Provence sont rares et méritent d’être relevées. Outre le sieur Nerio déjà évoqué, en 1321 un certain Gilles Loparel, batteur d’or à Avignon, apparaît comme fournisseur de la chambre apostolique pour plusieurs milliers de feuilles d’étain dorées brunies376. La même année, un dénommé Philippe de Crussol achète à Montpellier des couleurs et des feuilles d’étain doré pour les peintures du palais papal de Sorgues377. En 1498, il est acheté du papier doré et argenté au fils du maître Antoine Cordié378, peut-être de la profession. À Aix-en-Provence, le bateu d’or Sébastien Vaneren constitue un procureur le 18 mars 1523379. À Avignon, le 7 septembre 1601, deux habitants de la cité passent un accord. L’italien Sipion de La Gratie promet à maître Benoit Dandré, bateur de l’or, de lui fournir autant d’argent et d’or que ledit Dandré pourra travailler durant un an et demi pour le service de La Gratie, avec obligation pour ce dernier de le loger, le nourrir et le faire travailler chez lui, moyennant quoi Dandré paiera chaque mois six écus au soleil de 60 sols380. L’artisan recevra de La Gratie pour son travail de production de feuilles d’or et d’argent un montant de 4 francs et 5 sols le millier de pièces, soit à peu près 7,2 florins. Dandré reçoit d’avance 22 écus et s’accorde avec Sipion sur le fait que, s’il n’est pas assez efficace, l’italien pourra lui faire payer les feuilles d’or ou d’argent nécessaires à son ouvrage. Le métier de La Gratie n’est malheureusement pas spécifié. Au cas où Dandré souhaitera avoir son propre logis et atelier, les associés paieront chacun la moitié du loyer jusqu’à occurrence de 5 à 6 florins. Le commerce de l’or filé, spécialité de Montpellier381 et des cités italiennes de Florence, Lucques et Gênes, est évoqué dans quelques documents au cours du temps. En 1248, les notules du notaire marseillais Almaric font état de multiples envois en commande d’or filé à destination d’Acre. Le plus souvent il est dit de Gênes : un total de 1425 canons ou 376 Faucon 1884, p. 92-94. Faucon 1884, p. 94. 378 Bayle 1888, p. 152. 379 AD BDR Aix, 307 E 489, f° 68 r° - 69 v°, 18 mars 1523. Le notaire ne connaissant pas le terme latin a écrit le nom du métier en provençal. 380 Annexe 8, doc. 9. 381 Dans Jaufre (vers 1180), vers 3561 à 3565 : Le chapelain ne put répondre de la tristesse Le capellas nom poc respondre Qu’il eut en voyant que Guillaume De gruneza, car si vol tondre Voulait ainsi faire couper ses cheveux plus ambrés Sos cabeillz, ques eron plus saur Qu’une de ces belles feuilles d’or Ques una bella fuilla d’aur, De cel c’a Monpeslier si bat. Que l’on bat à Montpellier Où on le trouve le plus foncé On plus hom lo trobat colrat Traduit par R. Lavaud et R. Nelli (2000²). 377 94 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis bobines (canonum)382 pour une valeur probable d’un peu moins de 390 livres est enregistré à l’exportation dans ces notules. Bertrand Manent en exporte également un centenier (centenarius)383 et Jean Barbier et Pellegrin Béranger 25 carats (cairati auri filati) pour une valeur de 7 livres 10 sous384. Dans un envoi de 100 canons il est dit de Montpellier385, dans un autre il est de Lucques et transporté sous la forme de 398 scarpi auri filati386. À la même époque, une petite quantité d’or filé de Lucques est confiée avec divers autres articles pour être dirigée par voie de terre ou de mer vers Montpellier387. L’exportation de ces produits pour le Levant à partir de Marseille surprend, peut-être est-elle liée à des spéculations. Parfois, la région productrice n’est pas spécifiée, c’est le cas de 400 livres de cette marchandise exportée vers Acre388. Dans un contrat, deux marseillais se proposent de faire conduire 400 canons d’or filé de Montpellier à Messine, en Sicile389. Le carat d’or filé de Gênes est évalué à 0,3 livre au départ de Marseille390. Ce prix est assez semblable à celui du canon d’or filé génois qui varie entre 0,265 et 0,293 livre391. Le canon d’or filé de Montpellier vaut moitié moins, 0,14 ou 0,17 livre392, car il est sans doute moins lourd. Quelques autres documents attestent du commerce et de la circulation de ce demiproduit en Provence. En 1317, la chambre apostolique fait acheter du scanhum de auro393. En 1351, 10 livres d’aurum filati, quod de novo operari fecit in Ianua (!), sont achetées auprès d’un marchand génois par un membre de la cour papale pour 12 monnaies d’or génoises394, soit 11,5 florins la livre395 ou environ 0,8 florins le marc396. En 1364, la chambre apostolique 382 Blancard 1884-1885, t. 2, p. 56, doc. 478 ; p. 78-79, doc. 523 ; p. 82-83, doc. 532 ; p. 87-88, doc. 543 ; p. 133, doc. 646. 383 Ibid., t. 1, p. 293, doc. 77. 384 Ibid., t. 1, p. 337, doc. 173. 385 Ibid., t. 1, p. 382-383, doc. 288. 386 Ibid., t. 1, p. 344, doc. 190. En latin, scapus signifie tige, pièce rectiligne. L’or ne serait-il pas transporté sous la forme d’un ou de plusieurs faisceaux de fil ? 387 Ibid., t. 2, p. 232, doc. 871. 388 Ibid., t. 1, p. 373-374, doc. 265 ; t. 2, p. 27-28, doc. 412, p. 110-111, doc. 588, p. 111, doc. 589. 389 Ibid., t. 2, p. 126-127, doc. 630. 390 Ibid., t. 2, p. 337, doc. 173. 391 Ibid., t. 2, p. 56, doc. 478 (0,27 livre) ; p. 82-83, p. 532 (0,265 livre) ; p. 133, doc. 646 (0,293 livre). 392 Ibid., t. 1, p. 382-383, doc. 288. ; t. 2, p. 126-127, doc. 630. 393 Faucon 1882, p. 60. Dans le dictionnaire de Du Cange (1883-1887), scagna est traduit par dévidoir. Pourrait-il s’agit d’une bobine ? Du fil d’or employé dans de l’orfroi pour une mitre est nommé aurum tracticium dans un compte des dépenses de la chambre apostolique sous Clément V, en 1309, alors que le pape est à Avignon (Guillemain 1978, p. 100). 394 Schäfer 1914, p. 467. 395 À Avignon, cette année-là, le florin commun vaut 24 sous et le génois 25 sous (Schäfer 1911, p. 902-903). 396 Dans l’article CLI des statuts de 1243 de la république d’Avignon, le marc et la livre subtile sont basées sur la valeur des poids correspondants à Marseille (Maulde La Clavière 1879, p. 205). Les 95 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis fait dépense de 45 florins en 3 livres ¾ de filum aureum et de filum argentum397, et en 1368 de 12 onces de fil d’or dont 6 de Venise à raison de 8 florins 2/3 le marc398. De l’or filé est exporté de Marseille vers les Baléares dans les années 1330 par Laurent de Sergent, de Béziers399. En 1394, l’inventaire des marchandises saisies sur un bâtiment génois par la Cour de Marseille mentionne 1 grand sac contenant 11 caissettes remplies de fil d’or400. Par une lettre datée du 20 avril 1395, le marchand Matteo Benini informe la compagnie Datini basée à Pise, avec laquelle il est associé, du passage d’un navire catalan chargé de divers biens dont de l’orum filatum chargé à Gênes et à destination de Valence401. Paradoxalement, en janvier 1411, des broderies de fil d’or sont mises en commande pour la cité italienne402. Le compte d’une mercerie carpentrassienne enregistre pour quinze mois non consécutifs d’activité sur les années 1396 et 1397, la vente d’environ 17 ternaux et 2 onces de fil d’or et de 1,5 ternal et 2 onces de fil d’argent403. Le fil d’or s’échange à 30 ou 44 gros l’once et généralement à 4 sous le ternal404 ; le fil d’argent coûte 32 ou 36 sous l’once, 2 sous le ternal. Dans les années 1460, Jean de Varanhas, importe du fil d’or fin depuis Lodève405. À la fin du XVe siècle, Rainaldo d’Altovitis, florentin établi à Marseille, trafique régulièrement de l’or filé acheté parfois sur le marché lyonnais406. En 1478, cinq cannetes ou bobines d’or de Florence sont acquises 18 gros l’unité, quelques-unes ayant été confiées au brodeur François de Bussy pour le brochage d’une jaquette destinée au roi René407. Peut-être ont-elles également servi à la confection des deux croissants en or de Florence que réalise le même artisan pour des caparaçons de chevaux408 ? Sont acquises, également en 1478, six onces de fil d’or de Florence à 2 florins 10 sous et 2 florins 4 sous l’once409, en 1479, trois cannetes à 16 gros la pièce410, et en 1480, trois différentes valeurs du marc et de la livre à Marseille et Avignon sont fournies dans Mabilly 1908 et Rolland 1956. 397 Schäfer 1937, p. 123. 398 Ibid., p. 233, 236 399 Baratier 1951, p. 131. 400 Ibid., p. 198. 401 Antonietti 2007, p. 896. 402 Reynaud 1951, p. 486. 403 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882. P. Pansier (1929, p. 162) évalue le ternal à 1/3 d’once dans le cadre de la vente de pièces de soie, mais cette valeur n’est semble-t-il pas valable pour les métaux précieux. 404 Il est vendu une fois à 2 sous 10 deniers le ternal. 405 Reynaud 1951, p. 615. 406 Reynaud 1951, p. 468-469, 586. 407 Arnaud d’Agnel 1908, n° 817 et 818. Alors que le roi René est en Anjou, en 1451, ses comptes enregistrent l’achat de plusieurs onces de fil d’or à un écu chaque (1111). 408 Arnaud d’Agnel 1908, n° 819. 409 Ibid., n° 821 et 827. 410 Ibid., n° 830. 96 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis onces d’or de Florence à 2 florins 7 gros411. Cette même année, un brodeur fournit des orfraiz d’or de Coulogne et d’or de Lucques412. 2.2.2. Le fer et l’acier Le fer (fig. 9 et 10) est un métal blanc grisâtre, ductile, déformable et soudable à chaud, fusible à 1535 °C et principalement extrait d’oxydes. À proprement parler, le fer est un métal dont la proportion de carbone ne dépasse pas 0,02 %. Au-delà, et jusqu’à 2 %, il s’agit d’un alliage qui porte le nom d’acier. Plus le taux de carbone est élevé et plus l’acier devient dur, mais moins il devient forgeable. L’acier est propre à résister à l’usure et à prendre un beau poli. Il peut grâce à des traitements thermomécaniques et thermochimiques, et en fonction de la teneur en carbone, posséder des propriétés intéressantes : une grande dureté et élasticité, la possibilité d’être mieux affûté dans le cas d’une lame. Si la teneur en carbone est supérieure à 2 %, l’alliage devient fonte, et se révèle d’autant plus dur et fragile qu’il est carboné. Il n’est pas forgeable mais « moulable ». Sa température de fusion décroît jusqu’à 1150 °C avec l’augmentation de la teneur en carbone. Dans les faits, ces définitions contemporaines n’ont pas lieu d’être pour la période d’étude, ainsi que cela a été évoqué en introduction. Il faut également garder à l’esprit que le mot « fer », comme l’a démontré C. Verna413 et comme l’illustrent les tarifs de péage étudiés, où l’acier n’est pas toujours distingué, recouvre probablement très souvent l’ensemble des matériaux ferreux. Il est peu probable que l’acier soit présent dans le corpus mobilier, car les accessoires du costume ne nécessitent pas des alliages de cette nature, qui sont plus coûteux. L’ensemble du mobilier en fer du corpus a été fabriqué par déformation plastique. D’après R.-H. Bautier, ce serait au XIe siècle que réapparaîtraient les premiers symptômes d’un usage quelque peu accru du fer, mais ce n’est qu’au milieu du XIIe siècle que serait constaté « un renouveau réel des mines, de la métallurgie et du commerce des objets métalliques »414. À l’aulne des connaissances actuelles il convient de détromper cet éminent chercheur. Les recherches archéologiques de ces dernières années ont démontré que l’utilisation du fer est particulièrement courante au haut Moyen Âge et au Moyen Âge central 411 Ibid., n° 835. Ibid., n° 838. Coulogne, vraisemblablement de Cologne en Allemagne. 413 Verna 2011, p. 630. 414 Bautier 1960, p. 9. 412 97 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis et par conséquent l’extraction minière. Dans le costume, le fer est utilisé pour des anneaux et des boucles et quelques chapes, mordants et appliques de lanière. En Savoie, l’exploitation du fer apparaît dans les textes au XVe siècle, notamment dans le massif des Bauges : elle est alors constante et régulière. Elle s’amplifie à la fin du siècle et au XVIIe siècle on y constate une multiplication des établissements415. À la fin du Moyen Âge et au début de l’Époque moderne, la Maurienne416 et la Tarentaise se spécialisent dans le fer, et le Val d’Aoste est producteur de fer en 1530417. Dans le massif des Hurtières, le fer est exploité à partir du XVIe siècle jusqu’au XIXe siècle418 et fait même l’objet à proximité d’une transformation en demi-produit. Ainsi en 1595, un piémontais du nom de Castagnerie obtient le privilège d’installer une fabrique d’armes et de fil de fer à Argentine. En 1610, le duc de Savoie lui octroie le privilège de faire construire une fabrique de cuivre, de laiton, de fil de fer et de fer blanc. Il est autorisé à y faire venir des maîtres étrangers419. Dans le Haut Dauphiné, c’est vers le Xe siècle que démarre l’activité des mines de fer de la région d’Allevard, quasi ininterrompue jusqu’au XXe siècle420. Les dernières années du XIIIe siècle et le XIVe siècle sont une période d’exploitation intense. Au XVe siècle, elle diminue nettement421. Les minerais de fer d’Allevard ne sont pas de composition identique. Leur taux de manganèse varie ainsi notablement. Les fabricants remarquent donc que certains minerais sont plus propres à l’obtention de fer, tandis que d’autres conviennent mieux à l’acier. À partir du XIVe siècle, il est distingué le minerai de fer (mena ferri) et le minerai d’acier (mena calibis) qui est de meilleure qualité422. Deux voies sont possibles pour l’exportation du fer d’Allevard : la route du Nord en direction de la Savoie, la route du Sud en direction de l’Isère par laquelle passe la majeure partie du trafic. Le fer arrive alors à Grenoble où une partie du métal est travaillée dans des forges. De là s’ouvrent les voies qui mènent à Lyon, Vienne, Valence et le Comtat Venaissin. Du minerai et du fer traité sont ainsi acheminés par bateau sur l’Isère, parfois jusqu’à Avignon423. Des gîtes furent également exploités à La Garde et à Livet d’après une enquête de 1339424. À la fin du XIVe siècle, des 415 Garioud 2001 ; Garioud 2007, p. 55, note 37. Gelting 2001. 417 Garioud 2007. 418 Pour l’exploitation du minerai de fer aux Hurtières, le lecteur peut se reporter à Crabières 2001 et Provat 2001. 419 Crabières 2001, p. 60. 420 Ancel 2010, p. 295. 421 Sclafert 1926b, p. 21. 422 Sclafert 1926b, p. 41, 43, 65-66. 423 Sclafert 1926b, p. 82, 83, 86, 90. 424 Sclafert 1926a, p. 539 ; Bailly-Maître et Dhenin 2004, fig. 5. 416 98 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis gisements de fer d’une grande richesse sont découverts dans les montagnes de Theys. Des martinets sont alors rapidement construits en contrebas. En peu de temps la production des montagnes de Theys dépasse celle d’Allevard qui décline. Les filons de surface d’Allevard s’épuisant, la production y est moins importante car il faut creuser plus profondément425. Des martinets sont également signalés dans le mandement de Vizille, sur la rive droite du Graisivaudan426. Toujours en Dauphiné, mais dans le Haut-Buëch et le Queyras, le début du XVIe siècle marque le renouveau des recherches sur le fer, anciennement exploité par exemple par les Chartreux de Durbon sis à Saint-Julien-en-Beauchêne427. Des datations au radiocarbone sur des charbons de bois prélevés dans la mine de Lus-la-Croix-Haute fournissent un âge calibré entre le XIe et le XIIIe siècle428. Des gîtes métalliques sont identifiés plus au sud dans le Mercantour429, mais les datations au C14 n’ont pas encore révélé d’activité médiévale430. Dans la première moitié du XIVe siècle, du fer et de l’acier en provenance de Briançon et d’Embrun sont signalés à Marseille431. Dans la première moitié du XVe siècle, des transports muletiers convoient de la matière première depuis les Alpes et notamment Allevard jusqu’à Aix-en-Provence432. Le 3 novembre 1406, Ludovic Mathende, habitant de Seyne reçoit 50 florins pour avoir conduit à Guillaume d’Aiguines, marchand d’Aix, sex animalia onerata de ferratalha et duo animalia onerata cannapo pour un total de 25 charges433. Le 18 février 1450, une composition entre deux aixois explique qu’un certain Bérenger Forcalquier, agriculteur, a fait transporter une sommée de fer (saumata ferri) à dos de mule pour le marchand Geoffroy Regis, depuis Genève jusqu’à la boutique de ce dernier en passant le long de l’Isère434. Des achats de fer d’Allevard auprès de marchands aixois se rencontrent également435. Dans les années 1560, de Haute Provence, du Dauphiné et de Bourgogne sont 425 Sclafert 1926a, p. 369-373 ; Sclafert 1926b, p. 35, 103-108. Sclafert 1926a, p. 363-365, 436-439. 427 Benoit 1960, p. 231 ; Rosenthal et al. 2001, p. 116 ; Morin et Rosenthal 2006, p. 115-117. 428 Morin et Rosenthal 2006, p. 115. 429 J.-J.-M. Féraud dans sa Statistique des Basses-Alpes relève des indices de fer sur des sites difficiles d’accès à Saint-Geniès et à Barles (1861, p. 130). J. Roux signale des filons intéressants à SaintMartin-Lantosque, à Bolène et Valdeblore dans la montagne de Millefonts et à Isola (1862, p. 201, 203-204, 205-207, 208). 430 Morin et Rosenthal 2006, p. 129. 431 Reynaud 1951, p. 576, 662, 824. 432 Coulet, 1988, p. 487. 433 AD BDR Aix, 309 E 86, f° 73 v°, 3 novembre 1406. 434 AD BDR Aix, 308 E 121, f° 15 r° - 15 v°, 18 février 1450. 435 AD BDR Aix, 306 E 267, f° 96 r° - 96 v°, 10 mars 1449 ; 309 E 196, f° 280 v° - 281 r°, 20 septembre 1441. 426 99 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis amenés sur des radeaux un total de 200 quintaux de fer pour servir à l’entretien du port de Marseille436. Entre le XIIIe et le XVIe siècle, les alpes italiennes et les territoires sous-jacents sont le siège d’une industrie du fer très performante et largement exportatrice en matière première et en produits semi-finis. Dans le Piémont et dans les Préalpes lombardes, les mines de fer exploitées à la fin du Moyen Âge et au début de l’Époque moderne sont nombreuses437. La production d’acier lombard, mise au point dans la partie septentrionale des provinces de Bergame et Brescia à partir du XIIIe siècle, est particulièrement réputée438. Les matières premières et productions lombardes font l’objet d’un commerce important à la fin du Moyen Âge dont une part notable transite par Gênes et les cols alpins pour redescendre éventuellement sur la Provence439. En 1248, Raymond Téoulière, citoyen de Marseille, émet une lettre de change payable en monnaie génoise à trois marins de Varages, 8 jours après leur débarquement à Varages ou autres ports de 714 morceaux de minerai de fer. S’agit-il de minerai embarqué à Gênes ? Le fer de l’île d’Elbe est envoyé en Italie, notamment dans les régions de Toscane et de Ligurie où existent également des exploitations minières. Perceptible dès le XIe siècle, l’activité extractive est particulièrement élevée en Toscane dès la première moitié du XIIIe siècle et le reste encore au XVe siècle. Une partie du fer est exportée vers la Provence, mais il joue un rôle plus appréciable en Méditerranée centrale440. Le fer génois tient une grande place dans les importations marseillaises dans la seconde moitié du XIVe siècle malgré les tensions politiques441. Un registre de perception de la table de mer de Marseille pour la période du 1er septembre 1386 au 30 août 1387 fournit de nombreuses mentions de fer ouvré ou non apporté depuis des ports de la Riviera génoise442. Dans la seconde moitié du XIVe siècle, les agents avignonnais de la compagnie Datini demandent régulièrement la fourniture de fil de fer (filo di ferro, toscan) ou de feuilles de fer étamé (foglia di ferro istagniato) en provenance de Milan, ou parfois Gênes, pour différents usages443. En 1364, vingt barres de fer gli chiese Toro da Gienova sont amenées à Avignon. Deux ans plus tard, deux cents mailles d’acier (quadrelli d’acciaio) de Milan sont demandées pour terminer un 436 Billioud 1951, p. 188-189. Braunstein 2001, p. V ; Di Gangi 2001, fig. 2 ; Di Gangi 2007, fig. 2 et 3. 438 Braunstein 2001, p. III ; Morenzoni 2001, p. 496. 439 Bautier 1960, p. 15 ; Maurel 1988 ; Morenzoni 2001, p. 481, 491. 440 Bautier 1960, p. 15 ; Menant 1987 ; Belhoste 2001, p. 545. 441 Baratier 1951, p. 193-195. 442 Baratier 1966, p. 158. 443 Frangioni 2002, p. 131, 135, 136, 146, 150, etc. 437 100 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis vêtement de guerre444. En février 1392, à Marseille, du fer est dit de la Riviera de Gênes dans le cadre d’une transaction445. En 1353, un marchand marseillais qui a fait charger soixante fais de fer à Gènes pour Marseille est arrêté en cours de route, à l’île d’Albenga pour ne pas avoir respecté l’interdiction d’exportation suite à des tensions avec Marseille446. Des marques, synonymes de différentes qualités et producteurs peuvent être apposées, mais elles n’apparaissent pas dans la documentation provençale. Il faut cependant noter une exception : un ballon d’acier en verges à la marque de l’arc est vendu à Avignon par la compagnie Datini le 22 janvier 1375 à deux artisans fabriquant des bassinets et des gants447. De la matière première est d’ailleurs parfois fournie par cette société à des artisans œuvrant pour elle. Les exportations de fer et d’acier lombard par les cols alpins à destination de la Suisse occidentale connaissent une forte contraction dès le XVe siècle. Il semble en être de même pour les exportations maritimes à destination de la Provence. Bien qu’en 1475, 44 balles d’acier soient encore importées depuis l’Italie au port de Bouc448, la bibliographie et les archives provençales dépouillées sont pratiquement muettes, ne mentionnant que quelques exportations de produits semi-finis. L’acier expédié depuis Nice vers Marseille en 1325449 provient-il d’Italie ou de l’arrière-pays ? Pour le XVIIe siècle, les dépouillements de F. Hildesheimer n’ont pas permis la découverte de trafic du fer à Nice450. Les montagnes des Maures, de l’Estérel et les plateaux du Haut-Var sont des formations anciennes qui recèlent des minerais de fer. Des traces de mâchefer sur les terroirs de Beaulieu, Rognes, voire plus à l’est à Puyricard sont interprétées, à la fin du XVIIIe siècle, comme les restes d’une activité sarrasine451. Dans cette zone, lorsqu’ils ne sont pas jugés romains, les travaux suffisamment anciens pour ne pas avoir laissé de trace dans la mémoire collective sont supputés sarrasins. De nombreux travaux ont été menés dans les limites de l’actuel département du Var et dans la partie ouest des Bouches-du-Rhône aux périodes modernes et contemporaines. À Montferrat, par exemple, une mine fut exploitée au milieu du XVIIIe siècle. Elle avait un rendement important de 40 livres de fer par quintal de minerai 444 Ibid., p. 159, 164. Baratier 1951, p. 198, note 2. 446 Ibid., p. 198, note 2. 447 Frangioni 2002, p. 47. 448 Reynaud 1956, p. 166. 449 Baratier 1951, p. 261. 450 Hildesheimer 1987, p. 155. 451 Darluc 1782, p. 161, 164-165, 167. 445 101 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis mais le combustible nécessaire à l’exploitation était rare452. À Gassin, une mine de fer chromate est exploitée dans le premier quart du XIXe siècle453. Au XVIIIe siècle, le fer est l’objet d’une exploitation à Châteaudouble au quartier de Rebouillon454. Le filon y serait de bonne qualité tout comme à Montferrat et l’Esperel, donnant environ quarante-cinq parties de fer pour cent partie de minerais455. Des traces d’exploitation anciennes sont également attestées dans la région de Collobrières456 et à Pennafort457. Des indices de fer parfois jugés susceptibles de mener à une exploitation sont décrits au Tholonet, à la Magdeleine, à Brignoles et Hyères458. Cette énumération non exhaustive459 montre bien que la zone s’étendant de la Savoie à la Méditerranée dispose d’un fort potentiel. Il est donc naturel de retrouver quelques documents attestant d’une activité minière concernant le fer dans cette région pour la seconde moitié du XVe siècle. Un acte daté du 14 décembre 1458 témoigne ainsi d’un désaccord entre l’autorité royale et l’abbé de SaintVictor460. La cour royale a auparavant concédé les mines de fer de Six-fours à Honorat Rodelhat, de Toulon, mais l’abbé passe outre. Il réfute à la cour le droit de le faire, ces terres lui appartenant. Il les arrente donc à un certain Vivaldi, marchand génois, citoyen et habitant de Marseille, pour deux années à partir de la Nativité, au prix de cent florins. À ce tarif, le génois est propriétaire de tous les bénéfices qu’il peut retirer de ces mines. L’autorité comtale reconnaît son erreur et déchoit Honoré Rodelhat de ses prétentions. Cependant, l’affaire n’en reste pas là, puisque celui-ci sollicite l’appui des autorités municipales de Toulon comme le prouve un compte-rendu municipal du 30 janvier 1459. Rodelhat qui se déclare inventeur de la mine, aurait conclu un accord avec l’abbé de Saint-Victor, seigneur du terrain, lui garantissant le monopole de l’exploitation contre un dixième du revenu de la future mine. Sûr de son droit, il établit alors un martinet, ce qui prouve que le gisement est jugé rentable461. À La Pépiole, sur la commune de Six-Fours, un ensemble de dépressions suggèrent une 452 Noyon 1846, p. 64. P. Benoît signale des ateliers de fusion « datant sans doute de l’époque romaine » sur cette commune, au lieu-dit Beausoleil, sans prouver ses dires (1960, p. 229). 453 Noyon 1846, p. 64. 454 Agay 1980, p. 36, 39. Se reporter à Morin et Rosenthal 2006, p. 124-127 pour une étude des techniques d’exploitation de la mine des Prannes à Châteaudouble, et une notice sur le haut-fourneau de Rebouillon. 455 Papon 1780, p. 230-231. 456 Benoit 1960, p. 227. 457 Papon 1780, p. 227-228. 458 Noyon 1846, p. 64, 69. 459 Elle peut être complétée par la lecture des ouvrages suivants : Darluc 1782, p. 471-472 ; Becquey 1829, p. 211-212 ; Girard 1919, p. 14, 16, 17 ; Mari 1979, p. 144 ; Morin et Rosenthal 2006, p. 123. 460 AD BDR Marseille, 391 E 54, f° 353 r° - 354 r°. 461 Durand 1928, p. 214-215. 102 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis exploitation qui d’après M.-P. Lanza-Berthet peut correspondre à ces mines462. Quoiqu’il en soit, la zone ne cesse pas de susciter l’intérêt. En 1478, Antoine Payant, conseiller et secrétaire du roi, obtient des lettres royaux, valables dix ans, l’autorisant à rechercher et exploiter les minéraux de toutes sortes du terroir du Luc, et à y faire construire les installations nécessaires au traitement des minerais tels que des martinets463. La liste des exempla minéraliers commence par le fer et l’acier puis continue avec le cuivre, le plomb et l’étain. Ceci n’est pas anodin car l’or et l’argent figurent ordinairement en tête et ils sont ici absents. Même si les résultats de cette prospection ne sont pas connus, il semble que le minerai de fer en ait été l’objectif principal. M.-P. Lanza-Berthet identifie certains des lieux-dits mentionnés dans ces lettres : le Castel Daur, le Prat de Veran et Las Mauras correspondraient aux actuels quartiers de Castel d’Aou, de la Plaine de Véran et des Mayons464. Dans le Haut-Var, Brignoles et ses environs possèdent des gisements de fer qui intéressent les autochtones. La production de métal à partir de minerai de bauxite est tentée à l’abbaye cistercienne du Thoronet au XIIIe siècle mais elle échoue en raison de la composition du minerai qui engendre des difficultés techniques alors insurmontables465. En 1477, la ville de Brignoles revend à Balthasar Hirtenhaus, contrôleur des finances de la reine, associé à Urbain Chaussegros, secrétaire du roi et archiviste de la Chambre des Comptes, l’autorisation qui lui a été octroyée d’exploiter les mines de fer et d’acier et d’installer des martinets sur son territoire. Le montant de la transaction s’élève à 1316 florins466. Ce prix très élevé traduit sans nul doute une exploitation en cours et d’une certaine importance. Le 8 octobre 1481, Jean de Simon, habitant de Pontevès, promet aux rentiers d’un martinet (renderris martineti) de Barjols de leur porter ou de leur faire porter la mine (mina) nécessaire à leur activité pendant deux ans. Il sera payé pour le transport du minerai depuis la mine jusqu'au martinet 1 gros par sommée de trois quintaux, et dix deniers par sommée de deux quintaux. Il recevra également pour le transport ubi concavatur dicta mina ad lavatorium, trois gros pro singula dieta avec un mulet ou une mule, 2 gros avec un âne. Les transports se feront le samedi. Indirectement, cet acte atteste d’une mine à proximité immédiate, probablement aux mains dudit Jean de Simon467. Situé au lieu-dit pontem augustinorem, à Barjols, le martinet à fer (martinetum) est 462 Lanza-Berthet 2007, p. 72-73. Coulet 1975, p. 165. 464 Lanza-Berthet 2006, p. 152. 465 Ploquin et Bailly-Maître 1990, p. 220. 466 Coulet 1993, p. 286. 467 AD Var, 3 E 837, f° 32 v° - 33 r°. 463 103 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis loué avec un pré pour deux ans par Michel de Stalle, au nom de Palamède de Forbin, docteur en droit de Marseille, à Jean Blanquier, de Bagnols, et maître Jean de Janet, de Brignoles. La location leur en coûtera 50 quintaux et 50 livres de ferri boni et receptibilis, soit 2 quintaux et demi de fer par mois qu’ils devront travailler pour le propriétaire. Les réparations sont à leur charge et ils sont tenus de restituer la totalité des biens trouvés à leur entrée dans le bâtiment468. Les deux associés établissent également une convention régissant leurs relations dans le cadre de l’exploitation du martinetum ferri469, et dix jours plus tard s’entendent avec un fournisseur pour la livraison de charbon à 3 gros la sommée470. Enfin en 1570, au Cannetdes-Maures, au lieu-dit Entraygues, un martinet de heran et fer est tenu par des gentilshommes italiens. La technicité des opérations, il s’agit d’une clouterie, oblige le locataire, un piémontais de la rivière de Gênes, à faire venir deux maîtres de son pays471. À la lumière de ces documents, la mention dans un registre de 1426 de fer en provenance de Trets n’est pas si surprenante, et alors que F. Reynaud l’interprète comme du fer en transit472, il n’est pas impossible d’y voir le résultat de la production de mines dans les environs. Peut-être est-ce une explication à la présence, dans le tarif du XVe siècle de la leyde de la commune voisine de Puyloubier473, d’une taxation du quintal de fer à 2 deniers et de la balle d’acier à 1 denier. Si aucune vente de fer ou d’acier n’est relevée dans les comptes du XVe siècle, c’est peut-être parce que l’exploitation est plus ancienne. Des prospections ont dernièrement permis de redécouvrir trois entrées de galeries de mine de fer dans le massif du Regagnas sur la commune de Trets et des recherches en archive ont révélées la présence du toponyme Ferrière du XIIIe au XVIe siècle pour désigner la zone474. Même si ce terme ne constitue pas en lui-même un élément datant l’extraction, ces éléments consolident l’hypothèse d’une production locale au Moyen Âge. Le Lubéron et ses environs se révèlent assez riches en minerais de fer mais l’activité minière médiévale est difficilement caractérisable au contraire de l’activité moderne, assez importante. Des recherches récentes ont localisé près de 300 sites de métallurgie de réduction directe matérialisés par des ferriers dans le district de Gignac-Simiane-la-Rotonde-Banon475. 468 AD Var, 3 E 837, f° 29 r° - 31 r°. AD Var, 3 E 837, f° 31 v° - 32 v°. 470 AD Var, 3 E 837, f° 33 v°. 471 Durand 1928, p. 228. 472 Reynaud 1951, p. 824. 473 AD BDR Aix, 309 E 1516 ; Coulet 1966. 474 Vaschalde 2007, p. 106-110. 475 Morin et Rosenthal 2006, p. 118. M. Darluc mentionne la présence de fer et de nombreux épandages de scories à Ongles et dans ses environs (1784, p. 55, 60, 63). J.-J.-M. Féraud dans sa 469 104 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis Dans le district de Gordes-Lagnes-Fontaine de Vaucluse, un ferrier et plusieurs travaux souterrains ont été retrouvés à proximité de l’abbaye cistercienne de Sénanque à Gordes. Parmi eux, la grotte-mine de Sénanque, à remplissage karstique de fer, a été exploitée au moins depuis le XVe siècle476. Des grottes similaires ont été en partie ou en totalité vidées de leur contenu, notamment à Fontaine-de-Vaucluse477. En 1469, un martinet à fer est attesté dans cette commune le long de la Sorgues. Jean de Niciac, de Genève, Jean Cabert, de Voiron, et Pierre Barbier, magistri martineti, le louent pour un an auprès de deux copropriétaires et s’engagent pour eux à faire 100 quintaux de fer par mois478. À Lagnes, des travaux furent réalisés dans les années 1830 sur différents gisements dont un « fort anciennement connu »479. Quant au district de Rustrel, il fut l’objet d’exploitations récentes aux XIXe et XXe siècles mais les recherches n’ont pas encore mis en évidence de travaux anciens480. À l’ouest de Rustrel, des mines anciennes sont signalées à Viens à la fin du XVIIIe siècle, d’après le fer « répandu de tous côtés »481. Cette exploitation n’est pas signalée le 27 février 1599 lors de la visite des enquêteurs chargés d’inventorier les droits royaux en Vaucluse. Ils décrivent cependant des travaux visant à récupérer du sulfate de fer par cristallisation à froid d’eaux minières482. Au nord d’Orange, à Bollène, un martinet à fer est attesté par un acte de 1431 à proximité d’une mine de fer connue par un document de 1429483. Il est fort probable que le fer extrait de cette mine ait été envoyé dans cet établissement. Plus à l’ouest, à Malaucène, une mine de fer est tenue en emphytéose en 1472484. En juillet 1472, le serrurier avignonnais Amiel Guibert part à Carpentras pour y acheter 9 quintaux de fer et passe également par Vaison où il ne peut s’en procurer485. Ces deux villes sont-elles des centres de redistribution de fer extrait et traité localement ? Cette hypothèse reçoit quelque fondement supplémentaire Statistique des Basses-Alpes relève des traces d’exploitation anciennes aux environs de Simiane et la présence de minerai de fer à Ongles et Gignac (1861, p. 130). 476 Morin et Rosenthal 2006, p. 119, 120-121. Les mâchefers et scories répandues en grand nombre dans les environs de Simiane sont « sarrazins » pour M. Darluc (1782, p. 198-199). 477 Gras 1862, p. 321 ; Morin et Rosenthal 2001, p. 122. 478 Lacave 1971, p. 505, 662. 479 Gras 1862, p. 320-321. 480 Achard 1840, p. 148 ; Gras 1862, p. 321-322, 324, 325 ; Morin et Rosenthal 2006, p. 117-118. 481 Darluc 1782, p. 196. 482 Annexe 8, doc. 3. Plus au sud, à la fin du XVIIIe siècle, entre Pertuis et Cabrières, des gîtes sont signalés à La Tour-d’Aigue et des mines à la Bastidone482. L. Becquey mentionne divers indices de minerai sur le département de Vaucluse (1829, p. 212). 483 Lacave 1971, p. 217, 662. 484 Lacave 1971, p. 217, 516. 485 Pansier 1914b, p. 222. 105 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis quand on sait l’importance commerciale de la cité d’Avignon même au XVe siècle. Le serrurier recherche-t-il une qualité particulière de fer ou face à une pénurie sur le marché avignonnais, vient-il se fournir directement à la source ? Avant 1450, c’est dans l’ancienne cité pontificale que Jean de Bonnes vient s’approvisionner en fer et acier et faire l’achat d’une bigorne et d’autres outils pour la fabrication d’ « armeures de tête » demandées par le roi René486. Les recherches de terrain sur le fer dans le Languedoc-Roussillon et les Pyrénées sont encore peu importantes487. Elles sont toutefois assez bien suppléées par les recherches historiques. Dans la seconde moitié du XVe siècle et aux alentours de 1500, le Languedoc est le principal fournisseur de Marseille en fer488. Entre 1461 et 1467, par exemple, Jean de Varanhas, de Lodève, fait apporter par mer diverses marchandises dont du fer489. Le 17 février 1482, le marchand marseillais Pierre Vassal reçoit de Jean Vausia d’Olargues 200 quintaux de fer. Du port de Sérignan, 106 quintaux de fer sont transportés à destination de Marseille en 1484490. Du Roussillon, il n’est connu qu’une unique importation : des barres de fer de Lacaune d’Albigeois apportées par un narbonnais en 1379491. Un peu plus au nord, des prospections dans le département de l’Aveyron ont mis en évidence de nombreux sites d’extraction dont plusieurs semblent dater de la période médiévale492. Quelques importations de fer complémentaires sont réalisées vers Marseille depuis l’Espagne. Elles restent peu importantes bien qu’il existe dans la partie catalane des Pyrénées une métallurgie médiévale du fer depuis au moins le XIe siècle493. En 1497, une nef se rendant vraisemblablement à Marseille et contenant du fer et de l’orge est capturée par des barcelonais494. Il semble que les sources et/ou les voies d’approvisionnement évoluent un peu avant le milieu du XVIe siècle. En 1554, les marseillais font remontrances au roi de sa fiscalité sur la foraine. Ils y joignent une liste des « marchandises qui ne croissent point en ce royaume » qui 486 Piponnier 1970, p. 129. L. Becquey signale de nombreux gîtes et mines de fer, parfois exploitées anciennement, dans l’Hérault, l’Aveyron, le Tarn et l’Aude et les Pyrénées Orientales (1829, p. 212-217). Les prospections de B. Lechelon ont relevé six gîtes de fer dans le canton de Camarès en Aveyron (1997, p. 167). Le secteur d’Alès-Bessèges a fait l’objet d’une exploitation à l’Époque moderne (Bailly-Maître 1989, p. 61-62). 488 Collier 1951, p. 14, 133. 489 Baratier 1951, p. 615. 490 Collier 1951, p. 133. 491 Reynaud 1951, p. 824. 492 Morasz 1989. 493 Voir par exemple Sancho I Planas 1997 et Sancho I Planas 2000. 494 Collier 1951, p. 115. 487 106 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis indique qu’à Marseille « tous les fers sont dits de Biscaye et de Collioure »495. À la fin du Moyen Âge, le fer et l’acier du Nord-ouest de l’Espagne et surtout des provinces basques – la Biscaye – trouvent de nombreux débouchés le long de l’Atlantique, la Manche et la Mer du Nord496. Ainsi, dès le XIIe siècle, il en est régulièrement exporté vers Bruges497. Dans le Châtillonais, le fer espagnol est en 1355 plus onéreux de 25 à 100 % que les autres fers car il est considéré de meilleure qualité498. Dans le débat des hérauts d’armes de France et d’Angleterre de 1456, le Français dit à l’Anglais : « Vous avez du fer en Angleterre, aussi en avons-nous largement en France. Mais le meilleur fer qui soit pour faire navire, c’est fer de Biscaye en Espaigne, car il ploie et ne ront pas volontiers499… ». Il n’est donc pas étonnant d’en retrouver en Méditerranée, même si le parcours qui le mène en Provence n’est pas encore connu. En 1553, 218 ballons de fer pris sur une barque espagnole sont vendus aux enchères à Marseille500. À la fin du XVIe siècle, du fer d’Espagne descend le Rhône à partir d’Arles501. Dans des règlements promulgués en juillet 1593 puis août 1594 par les États du Comtat Venaissin au sujet des prix qui doivent être pratiqués pour les marchandises qui circulent dans leur territoire, le ballon de fer d’Espagne ne doit pas dépasser 13 florins 8 sous ou 2 sous la livre. Par comparaison, le fer et l’acier travaillés sont limités à 3 sous la livre502. Le fer dit de Collioure est très certainement tiré de la partie orientale des Pyrénées. Son commerce est attesté à Marseille au milieu et dans la seconde moitié du XVIe siècle : 62 ballons sont vendus en 1547, 306 ballons en 1581 et 100 quintaux sont mentionnés en 1578503. Des prospections et des recherches historiques ont montré que le fer était particulièrement exploité dans l’arrière-pays de Collioure, dans les Corbières et dans le Canigou504. Sous l’impulsion des exploitations seigneuriales et communales, il apparaît dans les Pyrénées, au XIIIe siècle, une croissance sidérurgique à laquelle ne participent pas les établissements monastiques dont la production reste la plupart du temps médiocre505. Peut- 495 Billioud 1951, p. 513. Bautier 1960, p. 16-33. 497 Stroobants 1985, p. 274. 498 Chapelot 1985, p. 308. 499 Édité par L. Pannier et P. Mayer (1877, p. 28). 500 Billioud 1951, t. 3, p. 513, note 5. 501 Payn-Echalier 2006, p. 207. 502 AD Vaucluse, B 1516, f° 141 r° et B 1517, f° 219 r°. Dans le texte de 1593, le ballon de fer d’Espagne était taxé à 16 florins 8 sous soit deux sols la livre. Il s’agit apparemment d’une erreur puisque le chiffre est corrigé à 13 florins 8 sous en 1594 et que les autres taxes sur le fer n’ont pas été modifiées. 503 Billioud 1951, p. 514. 504 Barouillet et al. 1989 ; Langlois 1989. 505 Verna 1991, p. 48, 64. 496 107 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis être est-il également regroupé sous le terme de fer de Collioure le fer en provenance du comté de Foix ? Le fer dit « de Foix » n’est actuellement connu en Provence que par une unique attestation : trois achats d’un total de cinq quintaux et 60 livres, en mars 1486, employés pour la réfection de la Tour du Lion à Arles506. Toutefois, les analyses de composition du matériau effectuées sur des fers de construction de la Tour de Trouillas et de la Galerie du Conclave au palais des Papes à Avignon montrent que le fer de certaines pièces du milieu du XIVe siècle provient probablement d’Ariège507, c’est-à-dire du comté de Foix. Dans cette zone, le Mont Rancié est un des principaux sites d’extraction à partir de la fin du Moyen Âge508. Le commerce du fer hors du comté de Foix est peu développé aux XIe et XIIe siècles, mais à partir du milieu du XIIIe siècle, il commence à prendre son essor509. D’après C. Verna, le fer de cette région apparaît toujours le plus cher hors du Comté de Foix, signe de sa bonne qualité510, laquelle provient peut-être de la nature manganifère du minerai de fer qui, dans une certaine proportion, favorise la carburation des loupes511. Du fer d’origine plus lointaine est parfois signalé dans les archives. En 1521 et 1526, du fer de Normandie est échangé 1 écu le quintal et du fer de Bourgogne est transporté par la Saône en 1533 pour les portes et l’artillerie du château d’If512. En 1555, du fer bourguignon est importé dans le Comtat Venaissin et dans les années 1560, il en est fait venir pour servir à l’entretien du port de Marseille513. Dans le règlement promulgué une première fois en juillet 1593 puis à nouveau le 26 août 1594 par les États du Comtat Venaissin, le ballon de fer comun brut de borgongie ne doit pas dépasser 13 florins 4 sous la livre514. Au début du XVIIe siècle, l’horizon commercial s’élargit car il arrive du fer de Hollande, de Hambourg ou de Lübeck en provenance peut-être de Suède. Il en vient également de Catalogne, du Roussillon notamment du Canet et de Collioure, mais aussi en grande quantité de Narbonne de par sa proximité avec la Montagne Noire, les Corbières et les Pyrénées. Il en parvient parfois de France, ainsi que de l’acier, via Arles515. 506 Verna 2001, p. 221, 225, 227. Leroy 2010, p. 306. 508 Verna 2011, p. 633. Pour une histoire des mines de Rancié depuis le Moyen Âge, on se reportera à Rouzaud 1908. 509 Verna 1991, p. 54 ; Dubois et al. 1997, p. 211 ; Verna 2001. 510 Verna 2001, p. 221, 230. 511 Verna 2011, p. 632-633. 512 Billioud 1951, p. 513. 513 Billioud 1951, p. 188-189. 514 AD Vaucluse, B 1516, f° 141 r° et B 1517, f° 219 r°. 515 Bergasse 1954, p. 171. 507 108 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis La localisation des péages provençaux listant le fer et l’acier dans leur tarif montre la prédominance des vallées du Rhône et de la Durance, ainsi que des voies Marseille-Pertuis et Marseille-Avignon qui constituent un accès maritime supplémentaire. Par ces cours d’eau ou par les routes qui suivent leurs cours, il arrive très certainement du fer et de l’acier en provenance de la partie nord des Alpes ou encore de provenance plus lointaine dans le cas de la vallée du Rhône. Le fer travaillé est essentiellement taxé le long du Rhône et sur la côte à Marseille. La cité marseillaise, comme l’ont illustré quelques exemples, est approvisionnée en matériaux ferreux dont une partie est distribuée dans l’intérieur des terres. Si le fer est taxé de manière identique au débarquement ou à l’embarquement, il n’en est pas de même de l’acier lorsqu’il est distingué. Une imposition beaucoup plus élevée à l’embarquement montre probablement un désir de limiter l’exportation par voie maritime de ce produit nécessaire à l’armement. Des considérations similaires ont prévalu lors de l’établissement du tarif de Lapalud au XIIIe siècle, mais cette fois-ci, elles s’appliquent à toutes les marchandises. Celles qui descendent par le Rhône ou par la voie terrestre sont franches, celles qui montent sont imposables. Au Châtelard aux XIIIe et XIVe siècles, le fer et l’acier y sont taxés s’ils viennent de Provence ou du Dauphiné, francs s’ils viennent d’Italie. Cette exemption concerne également d’autres produits, il y a donc une volonté affichée de favoriser le commerce d’importation en provenance d’Italie. Ces exemples sont toutefois trop isolés516 pour influencer de manière évidente le commerce des métaux ferreux provençaux, au contraire sans doute de l’addition des taxes payées à chaque péage. Dans le cadre restreint de l’extrême sudest, les métaux alpins empruntant la vallée de la Durance sont relativement faiblement taxés. Il n’y a qu’à Digne que le chargement d’une mule est imposé à 12 deniers, peut-être pour compenser le nombre plus réduit de péages le long du chemin parallèle à la rivière. Au contraire, le transport par la vallée du Rhône est bien plus coûteux, notamment à cause des grandes cités commerciales d’Avignon, Tarascon et Arles dont les tarifs sont d’une manière générale très élevés. D’après le registre d’entrée du port de Marseille, 2000 quintaux de fer sont importés par voie maritime de janvier à mai 1543 et seulement un vingtième est réexporté en « France »517. Étant donné la faiblesse des exportations marseillaises, ce chiffre indique une consommation assez importante de fer à Marseille et plus largement en Provence, car la cité portuaire n’est pas le seul point d’approvisionnement de la région. Des artisans et des 516 À Arles, dans le tarif de 1664, le fer et l’acier ne sont taxés qu’à la montée au Pont de Trinquetaille. Or les autres métaux ne sont imposés qu’à la descente. 517 Billioud 1951, p. 513. 109 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis muletiers viennent très certainement chercher du métal à Marseille518. En 1476, Pierre Martin d’Avignon vient prendre livraison à Marseille de 41 quintaux de fer, probablement vieux, vendus par Albert Caillol519. Les marseillais achètent également du fer sur les marchés de Provence et du Comtat, par exemple à Aix, Trets, Saint-Maximin et Avignon520. Nous avons déjà signalé le cas du serrurier avignonnais Amiel Guibert qui, en juillet 1472, après être passé par Vaison où il n’a pu se procurer du fer en achète neuf quintaux à Carpentras521. Dans la première moitié du XVIIe siècle, des expéditions régulières de fer et d’acier sont faites depuis Marseille vers les ports provençaux, notamment Toulon, La Ciotat, Cannes et Fréjus522. Le vieux fer a le grand intérêt d’être moins cher que le fer neuf. Il est aussi certainement aisé de s’en procurer. En 1344 et 1373, du vieux fer est mis en œuvre par des artisans travaillant pour la cour pontificale523. En août 1358, l’arlésien Pons de Sala quitte par deux fois Aigues-Mortes pour Arles avec des balles de ferramenta524. Il en transporte ainsi une quinzaine. Le vieux fer est l’objet d’un certain intérêt à Marseille où les registres mentionnent l’importation et la vente de ferraille. En 1426, 40 quintaux, probablement de vieux fer partent pour Berre, Martigues, Saint-Maximin, Tourves et Aubagne. En 1476, 41 quintaux sont envoyés en une seule fois à Avignon. Depuis les années 1460, cette industrie a prit un certain développement525. Pour éviter les fraudes, en 1596, les statuts des serruriers de Marseille interdisent aux revendeurs de cumuler leur commerce de vieux fers et l’art de la serrurerie526. Des analyses de composition et de métallographie sur des objets en fer retrouvés en Ariège, des fers à chevaux médiévaux, de l’outillage agricole ou des fers de construction ont montré une origine diversifiée des matériaux, parfois pour un même échantillon527. Pour plusieurs goujons soudés du Petit Palais d’Avignon, par exemple, il y a la preuve de la récupération d’éléments d’origines différentes et de leur recyclage528. Il est probable que du 518 Dans le cadre d’une enquête, un muletier de Saint-Maximin déclare qu’il est déjà allé chercher du fer à Marseille (Baratier 1951, p. 263, note 1). 519 Reynaud 1951, p. 570, 824. 520 Ibid., p. 569, 662. 521 Pansier 1914b, p. 222. 522 Bergasse 1954, p. 172. 523 Schäfer 1914, p. 274 ; Schäfer 1937, p. 494. 524 Stouff 1979, p. 278. 525 Baratier 1951, p. 824. 526 Billioud 1951, p. 516 et note 1. 527 L'Héritier et al. 2003 ; Neff et al. 2004 ; L'Héritier et al. 2005 ; Leroy 2010, p. 328-331. 528 Dillmann et al. 2003. La composition des inclusions révèle aussi que quelques pièces de la fin du XIVe siècle sont issues de fers élaborés en réduction indirecte (Aumard 2008, p. 121-122). Le fer de 110 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis vieux fer ait été ajouté à du fer neuf lors de la fabrication d’objets selon les nécessités de l’artisan, la fonction de l’objet fabriqué et surtout pour faire baisser le coût de la matière première. Le commerce de ce vieux fer est illustré par les tarifs de péage d’Avignon de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle. Les artisans du métal ou les maîtres d’œuvres provençaux se fournissent auprès de marchands généralistes, de ferratiers, de revendeurs ou merciers ou parfois semble-t-il directement à la source. La part de chacune de ces catégories est difficile à évaluer car si les marchands généralistes apparaissent régulièrement dans les sources, c’est parce qu’ils trafiquent de grandes quantités de métal et donc de fortes sommes d’argent. Les petits achats de métal auprès de commerçants peut-être plus spécialisés laissent peu de traces, et il n’est donc pas étonnant de constater la faible proportion de vente de fer ou d’acier à des artisans dans les sources d’archive. Des ferratiers apparaissent de temps à autre dans les archives provençales. En 1348, le ferratier avignonnais Bertrand Canaulis fournit différents produits finis à la cour pontificale529. Il est encore attesté des ferratiers à Avignon en 1375530 et à Arles vers 1400531. À Riez, le notaire Jean de Barral tenait une boutique de ferraterie au début du XVe siècle532. L’état des classes des habitants d’Avignon au XVe siècle mentionne les ferratiers qui, avec les armuriers, les forgerons, les maréchaux, les serruriers, les éperonniers et les couteliers ont le droit d’élire un représentant au conseil de ville533. Dans un règlement de 1501 pour la police des foires à Sisteron, il est édicté qu’aucun merchant que venda ferratalha grossa o menuda, obrada o menuda, obrada on non obrada aysins coma son claves, ferres de rossins, de muls o dases ne peut vendre ni étaler sa marchandise dans certains lieux lors des trois jours de la foire534. Il en est de même pour les marchands de ferratalha menuda que aduga so es asaber culheras de ferre, calens, gratusas, guionetz, taravellas, serras, cubersellas de ferre, sarralhas535. Les ferratiers, outre la matière première – métal neuf et vieux – vendent également des objets manufacturés mais peut-être aussi d’autres métaux comme le plomb, l’étain, le cuivre et les articles confectionnés dans ces matériaux. L’ensemble de ces articles apparaît en effet dans la catégorie Ferrateria des tarifs récupération est présent dans au moins 10 % des pièces en fer des bâtiments gothiques d’après P. Dillmann et L’Héritier (2009). 529 Schäfer 1914, p. 379, 380. 530 Frangioni 2002, p. 76. 531 Stouff 1976, p. 380. 532 Baratier 1957, p. 256, 260. 533 AC Avignon, AA 150, f° 199 v°. 534 Laplane 1843, t. 1, p. 559. 535 Ibid., t. 1, p. 660. 111 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis de péage d’Avignon depuis la fin du XIVe siècle jusqu’au moins le premier tiers du XVIIe siècle536. Les termes de ferrassia, ferratalhe, feramenta et feraille rencontrés dans d’autres tarifs de péage ont donc peut-être une acceptation particulièrement large même si la plupart du temps ils s’appliquent à des objets en fer. Les notules du notaire Almaric en 1248 font état de petites exportations de fers à destination de la Sicile537. En 1288, des envois d’un peu plus d’importance sont effectués à destination d’Acre et d’Alexandrie538. Au début du XIVe siècle, des exportations de fer et d’acier de l’ordre de quelques quintaux sont réalisées à destination de l’Afrique du Nord, des Baléares, de la Catalogne, de l’Italie du Nord et de la Sardaigne539. En 1362, un patron de galère s’engage à porter à Naples 30 balles d’acier, 5 à prendre à Marseille et le reste à Nice. Deux ans plus tard, Jean Crote et Pierre Bausan constituent une société au capital de 122 livres impliquée dans l’exportation de l’acier. Bausan devra conduire la marchandise à Naples sur son navire540. Les exportations de fer sont rares à la fin du Moyen Âge car ce métal est stratégique. Bien avant les interdictions royales du XVIe siècle, la papauté a prohibé l’envoi de métaux aux infidèles541. Le fer est en effet susceptible d’être mis en œuvre pour la fabrication d’armement par les ennemis de la chrétienté ou du royaume de France. Un acte isolé mentionne en 1481 l’expédition de lingots de fer par un marseillais à un génois habitant Rhodes pour servir à la défense de l’île contre les turcs542. En septembre 1509, le propriétaire d’une galéasse promet de s’opposer à ce qu’on y charge du fer, des armes et de l’acier, pour les vendre aux Maures543. Un marchand florentin est pénalisé en 1578 pour avoir tenté de faire partir de Marseille une barque avec 100 quintaux de fer à son bord544. En janvier 1575 et décembre 1577, l’Ordre de Malte est autorisé à exporter pour ses besoins un total de 800 quintaux de fil de fer. Par autorisation royale d’octobre 1572, François Guiguillet de Marseille et ses associés reçoivent la permission, dans un délai de trois ans, de faire venir à Marseille 6000 quintaux d’acier pour les exporter au Levant, en fait pour les turcs, alliés de la France, 536 AC Avignon, CC 1008 (fin XIVe siècle) ; Bibliothèque Ceccano, Ms. 1628 (1582) ; AD Vaucluse, E Pintat 15-502 (1599) ; AC Avignon, CC 1009 (1600 et 1615) ; AD Vaucluse, E Pintat 35 bis-1134 (1634). 537 Blancard 1884-1885, t. 1, p. 289-290, doc. 68 ; p. 291, doc. 72. 538 Ibid., t. 2, p. 436, doc. 51 et 52. 539 Baratier 1951, p. 104, 110, 112, 121, 132, 145, 162 ; Reynaud 1951, p. 875. 540 Baratier 1951, p. 162, note 3. 541 Reynaud 1951, p. 384. 542 Collier 1951, p. 99 ; Reynaud 1951, p. 371. 543 Collier 1951, p. 122. 544 Billioud 1951, p. 514. 112 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis en guerre contre la Sainte Ligue dont Venise est à la tête545. Il n’est pas prouvé que cette exportation massive ait eu lieu dans les proportions autorisées. Au plus fort de la guerre, les exportations d’acier restent peu élevées546. Une dérogation est également donnée à la compagnie du corail de Tunisie en 1593 pour ses besoins propres547. À la fin du XVIe siècle, du fer et de l’acier sont envoyés à Alger548. La forme des matériaux ferreux est parfois caractérisée par l’usage de dénominations spécifiques dans les tarifs de péage et les archives notariales. Le fer brut est transporté sous forme de minerais (guaneguis)549, de verges550, en caisses. Ces dernières pèsent 1,8 quintal à Marseille en 1564551. Dans le tarif d’Avignon de la fin du XIVe siècle, deux sortes d’acier sont mentionnées : l’assier cayrat qui prend peut-être la forme d’une masse cubique ou rectangulaire, et l’assier plat. Dans des tarifs de péage d’Arles et de Marseille, le sac sert d’unité de mesure. Cependant, le mode de comptage le plus usité dans les archives est assurément le ballon, balle ou fais. Il est employé pour quelques péages le long de la Durance, à Peypin, Peyruis, Forcalquier et Avignon. Au XVIIe siècle, les aciers italiens sont souvent réduits en petits barreaux de 4 à 5 cm de long, emballés dans des sacs de toile et calés avec de la paille. Ils sont appelés « ballons ». J-F. Belhoste fait le parallèle avec le même terme dans les archives italiennes du XIVe siècle552. La masse de la balle est de 1,24 quintal dans un chargement génois saisi en 1394 par la Cour de Marseille553. Trois mailles sont levées par unité au déchargement des navires à Toulon554. En 1375, la compagnie Datini vend à des artisans d’Avignon un ballon d’acier en verges555. Le ballon est de 87 livres dans une reconnaissance de dette de juillet 1539 à Marseille556, de 160 livres dans un règlement sur les prix promulgué le 26 août 1594 par les États du Comtat Venaissin557. Un tarif de péage 545 Ibid., p. 516. Ibid., p. 548. 547 Ibid., p. 514. 548 Collier 1951, p. 271. 549 En 1248. Blancard 1884, t. 2, p. 254, doc. 917. À rapprocher de graneus, concassé. 550 Collier 1951, p. 99 ; Baratier 1951, p. 662, 663, 689 ; Reynaud 1951, p. 824 ; voir également la fig. 10 de la thèse. 551 Billioud 1951, p. 517. 552 Belhoste 2001, p. 551-552. 553 Baratier 1951, p. 198, note 3. Les paquets de barre de fer sont nommés fasce dans les archives Datini et pèsent 25 kilos (Belhoste 2001, p. 551). 554 Pour d’autres exemples dans les actes notariés : Baratier 1951, p. 198, note 2 et 3 ; Reynaud 1951, p. 371. 555 Frangioni 2002, p. 47. 556 Billioud 1951, p. 514. 557 AD Vaucluse, B 1517, f° 219 r°. 546 113 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis d’Avignon de la fin du XIVe siècle liste quelques demi-produits taxés à la balle : le fer cruz ros per arnes (armure), le fil de fer et les feuilles de fer étamées ou « noires558 ». Les prix du fer récoltés antérieurement au milieu du XIVe siècle sont rares (fig. 23). En 1248, 714 morceaux de minerai de fer (génois ?) destinés à l’export sont évalués à 90 livres de monnaie mêlée, et en 1291, 20 balles (balae) d’acier (calibis seu assier) s’élèvent à 120 livres de royaux559. En 1261 et 1263, à Toulon et Aix, le quintal de fer coûte environ 11 sous560. Les prix concernant le fer qui ont pu être récoltés dans les comptes de la chambre apostolique sont dispersés. En effet, les artisans du fer appelés à travailler pour la papauté, généralement dans l’enceinte du palais des papes, fournissent la matière première qu’ils mettent en œuvre et la facturent en même temps que leur travail, sans faire de distinction. Deux exceptions concernant du vieux fer ont été cependant notées : en 1344, le quintal de fer antiquus est apprécié 1 florin 1/3561 ; en 1373, le forgeron Jean Jenson utilise pour ses travaux dans le Palais de Papes trois quintaux et demi de vieux fer au prix d’environ 3,9 florins le quintal562. À ces chiffres épars, il est tentant de mettre en correspondance les valeurs du fer ouvré afin d’évoquer de manière plus précise l’évolution des prix du fer brut. L’évolution du coût du fer ouvré doit être prise avec beaucoup de prudence, car la part de l’évolution du prix de la main d’œuvre n’a pas pu être quantifiée. Des évènements économiques, politiques ou sociaux, la nature du travail à accomplir, ainsi que d’autres facteurs peuvent provoquer un renchérissement ou une dévaluation du coût de la main d’œuvre. En l’occurrence, les conséquences de la peste de 1348 semblent provoquer une augmentation de sa valeur563. Entre 1338 et 1340, le quintal de fer ouvré est tarifé environ 1,5 florins, entre 2 et 2,5 florins de 1343 à 1353, entre 5,3 et 6,9 florins entre 1354 et 1359, 8 à 10 florins le quintal entre 1360 et 1364564. En août 1386, les trésoriers de la gabelle d’Avignon déboursent 6 florins 2/3 le quintal de fer travaillé en une grille565. En 1392, les ferrures de la cloche de la chapelle de 558 L’imposition est plus forte pour les feuilles noires que pour les feuilles étamées. Il ne semble donc pas qu’elles puissent être identifiées comme vierges de toute couverte ou de tout traitement. 559 Blancard 1884-1885, t. 2, p. 254, doc. 917, p. 446-447, doc. 82. 560 Blancard 1868, p. 387, 393. 561 Schäfer 1914, p. 274. 562 Schäfer 1937, p. 494. En 1373, 5 florins communs valent 4 francs (Schäfer 1937, p. 486). 563 Braid 2008, p. 366-374. 564 Relevé de prix réalisé dans Schäfer 1914 et Schäfer 1937. 565 Pansier 1914a, p. 62. 114 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis l’Aumône de la Fusterie dans l’église Saint-Agricol, toujours à Avignon, coûtent 8,7 florins le quintal566. Ces quelques données montrent bien que le seul coût de la main d’œuvre ne peut expliquer cette augmentation considérable des prix du fer ouvré dans la seconde moitié du XIVe siècle. Toutefois, le niveau réel de l’augmentation et la date de son commencement ne peuvent être qu’approchées de par la nature des renseignements récoltés. Il apparaît raisonnable de penser qu’une hausse de la valeur du fer brut s’est réalisée au milieu du XIVe siècle, et qu’entre 1340 et 1370/1380, cette valeur a sans doute au moins triplé. À Marseille, en 1424, le fer est vendu 2 florins 1/3 le quintal567, 2 florins le quintal en 1441, 1,6 florins sous forme de barres de fer prises à la forge en 1449, 2,5 florins le quintal en 1476568. Les travaux de l’horloge d’Avignon dans les années 1470 sont l’occasion de quelques dépenses en fer pour les ferrements : le 10 septembre 1472, l’épicier avignonnais Hugo Combier fournit 65 livres de fer à près de 1,8 florins le quintal, et Antoine Camot presque trois quintaux à raison de 1,7 florins chaque569. À Malaucène, l’exploitant d’une mine promet en 1472 aux habitants du lieu de leur fournir du fer, certainement déjà traité, à 3 patacs la livre, soit 3 florins 1/8 le quintal570. En mars 1476, à Vaison, il est cédé à 2 florins le quintal571. À Aix-en-Provence, en 1441 et 1449, le quintal de fer d’Allevard est vendu 2,5 florins572. En 1486, le quintal de « fer de Foix » atteint 3 florins et demi à Arles573 et celui de fer de Normandie 1 écu en 1521 et 1526, soit un peu moins de 4 florins574. À l’Isle, en février 1542, un serrurier achète du fer à raison de 4 florins 2/3 le quintal575. Le ballon de fer est vendu à Marseille 4 florins en 1521, 5 florins en 1539 – ou 5,75 florins le quintal –, et en 1547 en provenance de Collioure, 5,5 florins. Le quintal de fer est cédé à 6 florins en 1554, et le ballon de fer de Collioure 11,8 florins en 1581576. La Compagnie du Corail Lenche se fournit 566 Pansier 1925-1927, t. 2, p. 105. AD BDR Marseille, 392 E 159, 1ère partie, f° 14 v° 568 Reynaud 1951, p. 663, 824-825. 569 Pansier 1914b, p. 221. 570 Lacave 1971, p. 516. En comptant le patac égal à 1/8 de sou, comme le propose A. Fournand (2001, p. 30) pour le troisième quart du XVIe siècle à Aix-en-Provence et comme il apparaît dans des instructions de la Cour des comptes du 7 décembre 1549 (Billioud 1951, p. 291, note 2) pour une émission monétaire à Marseille. 571 Lacave 1971, p. 516. 572 AD BDR Aix, 309 E 196, f° 280 v° - 281 r°, 20 septembre 1441 ; 306 E 267, f° 96 r° - 96 v°, 10 mars 1449. 573 Verna 2001, p. 227. 574 Billioud 1951, p. 513. 575 Lacave 1971, p. 216. 576 Billioud 1951, p. 514 et note 4. 567 115 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis en fer à 8 florins 1/3 le cantaro ou 10,8 florins le ballon en 1568577. Le balonum d’acier amené à Marseille depuis Aix transport inclus coûte 7 florins 1 gros et demi en 1425578. Dans une vente de prise en 1555, l’acier est acheté 8 florins 1/3 le quintal, et dans un même contexte en 1559 il est cédé à 12 florins le quintal579. Pour une exportation cinq ans plus tard, le quintal de fer est évalué au départ de Marseille à 13,5 florins580 et à 28 florins dans une vente à Barjols en 1620581. La valeur du fer brut sur les marchés provençaux a donc sensiblement baissé aux alentours de 1400. Elle reste stable tout au long du XVe siècle, avant de repartir à la hausse, sans doute au début du XVIe siècle. Son prix s’élève encore plus rapidement dans la seconde moitié du siècle. Quelques prix du fer sous forme de produits semi-finis ont été récoltés. Ces données concernent le fil de fer dont il a été fait usage pour la fabrication d’ardillons ou d’annelets et bouclettes, mais aussi les feuilles de fer étamées. Peut-être ces feuilles ont-elles été utilisées à la fabrication d’accessoires du costume. En 1356, un marchand avignonnais est payé 4 sous 6 deniers par livre de feuilles de fer étamées (foliis ferri estanhati)582, soit 18 florins ¾ le quintal. En 1477, des petites feuilles de fer blanc (fuelhes de fer blancas petitas) sont vendues à raison de 1 florin et 1 florin ¾ gros la douzaine pour recouvrir le Jaquemart de l’horloge de la commune d’Avignon et le protéger autant de la corrosion que le faire briller583. En 1497, pour la même destination, elles sont vendues 1 florin 1 gros la douzaine584. En 1559, le fil de fer est vendu 54,9 florins le quintal585, en 1575, le fil de fer d’Alamaigne pour les armuoiers – les armuriers – est estimé à 15 et 36 sous la livre dans l’inventaire après-décès d’un marchand marseillais586. 577 Masson 1908, p. 199. AD BDR Marseille, 359 E 159, f° 47 v°. 579 Billioud 1951, p. 516-517. 580 Ibid., p. 517. 581 3 E 1118, f° 471 v°, 30 septembre 1620. 582 Schäfer 1914, p. 636. 583 Pansier 1914b, p. 223-224. 584 Ibid., p. 225. 585 Billioud 1951, p. 514. 586 Annexe 8, doc. 26. 578 116 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis 2.2.3. Le plomb Le plomb (fig. 11 et 12), métal d’un blanc argent, malléable, à bas point de fusion (327,46 °C), peu tenace et se laissant facilement travailler, se recouvre à l’air libre d’une pellicule d’oxydation grisâtre. De par ses propriétés et sa relative abondance dans la croûte terrestre, il est couramment employé dans la deuxième partie du Moyen Âge et au début de l’Époque moderne. Extrait la plupart du temps de sulfures et de carbonates, il est souvent associé dans les gisements à la calamine, à l’argent et au cuivre. Les recherches de minerai d’argent ont pour conséquence la mise en valeur de nombreux gisements polymétalliques et donc la production de grandes quantités de plomb. Ses usages sont multiples : on s’en sert entre autres dans le montage des vitres et vitraux, dans la fabrication des miroirs, dans la décoration architecturale, la collecte et la circulation de l’eau, la couverture des bâtiments587, pour le scellement d’éléments métalliques dans la pierre, pour recevoir l’apposition d’un sceau, pour certains objets du quotidien comme des fusaïoles ou, en alliage avec de l’étain, pour de la vaisselle588. Il entre aussi dans le travail du verre et la glaçure des terres cuites. Dans le cadre du costume, il se retrouve semble-t-il préférentiellement sous forme d’alliage – seules des analyses de composition peuvent toutefois le vérifier – dans des accessoires comme des boucles, des appliques, des fermaux ou broches, des enseignes civiles ou de pèlerinage, des croix et des médailles religieuses, et enfin comme composant d’alliages d’or et d’argent, d’alliages cuivreux et de brasures589. Les Alpes renferment un certain nombre de gisements de plomb. Il y est la plupart du temps associé à l’argent comme aux mines de Brandes, en Isère, exploitées entre le XIIe et le début du XIVe siècle. Ce site est un des principaux centres médiévaux de production de plomb 587 On peut se reporter pour des exemples de l’utilisation du plomb dans le couvrement et les canalisations aux relevés de K. H. Schäfer dans les comptes des dépenses de la chambre apostolique. Par exemple Schäfer 1914, p. 310, 314 et 347-348 pour l’année 1346. 588 L’article 65 des criées d’Avignon de 1458 limite la proportion de plomb dans la vaisselle d’étain à 12,5 livres par quintal afin de garantir la qualité et prescrit l’usage de la marque habituelle : Item, quod omnis stagnerius, aut quevis alia persona faciens seu fieri faciens per se vel aliam interpositam personam, in dicta presenti civitate Avinionensi, vaycellam non finam, in qua esset plumbus, et quod in ipsa vaycella non sit de plumbo nisi ad reducionem duodecim librarum cum dimidia pro quintali, et quod talem vaycellam signet signo suo consueto sub pena predicta pro quolibet et vice qualibet et admissionis talis vaycelle ; et revelans habebit ut supra et tenebitur secretissimus. C libr. (Édité par Girard et Pansier 1909, p. 143). 589 Il tient dans l’alchimie une grande importance en tant que métal de base de la transmutation, mais aussi comme matière de l’œuvre au noir. Sous la forme d’un protoxyde – la litharge –, le lapidaire de Jean de Mandeville préconise son emploi pour cicatriser les plaies (Gontero-Lauze 2010, p. 204). 117 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis argentifère dans le sud-est de la France590. À proximité, la mine de plomb du Pontet à VillardNotre-Dame a révélé une phase d’exploitation des Xe - XIe siècles591. Elle figure encore dans une enquête menée en 1339 qui révèle également une exploitation du plomb et du cuivre dans la Combe de Malaval à La Grave592. L’albergement des mines de plomb et de plomb argentifère de l’Oisans au XVe siècle n’occasionne qu’un faible bénéfice593, l’activité minière ayant grandement périclité. Le site de L’Argentière-la-Bessée (Hautes-Alpes), dans les gorges du Fournel, a conservé une exploitation médiévale datée des Xe - XIVe siècles par C14. À Vallauria, près de Tende (Alpes-Maritimes), le même procédé de datation indique une activité pour les XIe - XIIIe siècles594. Des affleurements de lentilles minéralisées ont également été exploités dans la seconde partie du Moyen Âge aux lieux-dits Caire Faraud, à Saint-Sauveurde-Tinée, et Tortissa à Saint-Étienne-de-Tinée dans les Alpes-Maritimes595. Plus au nord, dans les Hautes-Alpes, les gîtes de Faravel et de Fangeas à Freissinières ont fait l’objet de travaux de faible ampleur596. Après la déprise du XIVe siècle, des sources d’archives attestent à la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle d’une recherche du minerai de plomb argentifère dans les Alpesde-Haute-Provence, par exemple à Saint-Geniez-De-Dromon, Curban et Barles597. Cette activité s’accroît à partir de la fin du XVIe siècle, marquée pendant un temps par la présence de spécialistes allemands, et perdure jusqu’au début de l’Époque moderne, accompagnée de quelques tentatives d’exploitation. Souvent le plomb extrait n’est jugé bon qu’à servir d’alquifoux aux potiers.598 La Statistique des Alpes-Maritimes indique des gîtes de plomb à Saint-Sauveur, Bolène, Valdeblore, Isola et Péone mais ne mentionne aucune trace d’exploitation ancienne599. Aux XVIe et XVIIe siècles, la région du Buëch dans les Hautes- 590 Bailly-Maître 1986 ; Bailly-Maître et Bruno-Dupraz 1994 ; Benoit et Bailly-Maître 1997 ; BaillyMaître et Dhénin 2004 ; Bailly-Maître 2007. 591 Bailly-Maître et Dhénin 2004, p. 45 ; Ancel 2010, p. 295. 592 Sclafert 1926a, p. 539 ; Bailly-Maître et Dhénin 2004, p. 48. 593 Sclafert 1926 a, p. 541-542. 594 Ancel 2006a 595 Dans ce même département, L. Becquey signale une mine de plomb exploitée au milieu du XVIIIe siècle à Lapierre (1829, p. 210). 596 Ancel 1998 ; Ancel 2006 b, p. 163-164 ; Ancel 2010, p. 294-295. 597 Billioud 1958, p. 42-43 ; Morin et Guiomar 2004 ; Ancel 2010, p. 296. Filons signalés comme ayant fait l’objet d’exploitations anciennes par J.-J.-M. Féraud qui mentionne des filons pauvres aux villages d’Auribeau, de Piégut, à Allos, près de Colmars (1861, p. 130). L. Becquey cite en outre les gisements de la Malune et de Piégu (1829, p. 211). 598 Le récit de la visite de M. Darluc dans les Alpes et Préalpes est fort instructif sur les tentatives modernes d’extraction et sur la qualité du minerai (1784, p. 109-119, 254-255, 274, 296-297, 314-315, 345) 599 Roux 1862, p. 203-204, 207, 208, 213, 218. 118 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis Alpes et le massif des Hurtières en Savoie font également l’objet de prospections et d’exploitations600. En Piémont, des études récentes ont mis en évidence l’existence de quelques gisements exploités au bas Moyen Âge et au début de l’Époque moderne601. En Provence, l’essentiel des activités minières avérées, médiévales et du début de l’Époque moderne, est concentré dans le massif des Maures dans le Var, et dans les environs de Toulon. En 1180, un contrat signé entre des « argentarii » exploitant une mine de plomb argentifère au terroir de Toulon, le comte de Provence, Raymond Bérenger IV, et le vicomte de Marseille, attribue à chacune des parties un tiers des revenus de la mine602. Le plus important gisement de plomb argentifère est assurément celui des Bormettes dans le massif des Maures, site pour lequel des textes des XIIIe et XIVe siècles attestent d’une activité minière603. En 1433, deux associés, un marchand avignonnais et un épicier du diocèse de Fréjus, possèdent des mines de plomb argentifère, l’une à Cogolin, l’autre à La Garde604. À partir du second tiers du XVe siècle, les prospections et autorisations d’exploitations se multiplient. Cependant, les documents explicitent rarement quels sont les métaux dont l’extraction est prévue et ne donnent pas toujours une localisation très précise. En 1470, une convention enregistrée devant notaire à Aix-en-Provence portant sur les conditions de recherche et d’extraction de minerais précieux, spécifie que les techniciens allemands embauchés pour la circonstance seront chargés d’affiner le métal en séparant, par fusion, l’argent et l’or du plomb et du cuivre : Item plus que los dichs companhons alamans deyan tojort mantenir et tenir bons fundados et affinados et despartidos l’argant del plom e l’argent del coure he laur de l’argent e del coure a lurs propris costas et despens605. L’arrivée de ces spécialistes venus de fort loin montre qu’un ou des gisements intéressants ont été découverts, mais où exactement ? Le 24 avril 1504, cinq mineurs à la recherche de minerais et principalement semble-t-il de plomb et de cuivre, s’engagent à présenter tous les six mois à la Cour un compte destiné à servir de base aux prélèvements royaux. La confrontation des archives avec les données de terrain est utile. Elle indique que les lettres royales obtenues par Antoine Payant en 1478 pour la recherche et la mise en valeur des minéraux du terroir du Luc 600 Ancel 2010, p. 296. Crabières 2001, p. 60-61, 63-65. Di Gangi 2001, fig. 2 ; Di Gangi 2007, fig. 3. 602 B 289, parchemin. Document mentionné dans Blancard 1868, p. 33-34 ; Benoit 1960, p. 228 ; Berthet 2007, p. 65. 603 Ancel 2010, p. 295. 604 AD V, 3 E 8 787, f° 57 et 58. 605 Coulet 1975, p. 160-161, p. 167 601 119 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis ont pu concerner des gîtes de fer ou de plomb argentifère606. En 1502, une société regroupant un marchand et trois orfèvres provençaux se constitue avec pour objectif principal l’extraction d’or et d’argent, au quartier de Saint-Daumas, au Cannet607. Or cette zone est particulièrement connue pour ses gisements de plomb argentifère. Selon M.-P. Lanza-Berthet, des travaux miniers au pic et au feu sur le filon T et dans la concession de Pic-Martin, sur la commune du Cannet pourraient correspondre608. Le 2 janvier 1580, Vercellin Baudrac, marchand de Coni au Piémont, et Augustin Lomellin, peintre d’Aix, s’associent pour quatre ans pour l’exploitation de deux gisements sur des terrains qu’ils ont pris en location609. Le premier est une myniere du vernys et plomb à la montagne de Bayon apelle Roynon, sur le terroir de Bayon, qu’ils tiennent à part égales. Le second, dont Lomellin ne possède qu’un tiers des parts, est au village de Dremont, sur la montagne Arpil. Il est ici clairement fait le choix de mettre en œuvre des travaux destinés à obtenir une qualité spécifique de plomb adaptée à certaines utilisations. Des fouilles réalisées à Évenos, ont révélé une installation métallurgique de traitement du plomb, malheureusement non datée610. De nombreuses reprises modernes sont attestées à partir du début du XVIIe siècle dans le massif des Maures, témoignant de l’intérêt minéralogique de la zone à défaut souvent d’un intérêt économique sur la longue durée. Les principaux gîtes exploités sont alors localisés à La Garde-Freinet et au Luc, mais le plomb extrait est souvent jugé de qualité inférieure et employé comme alquifoux, c’est-à-dire pour le vernissage des céramiques611. C’est le cas de la matière tirée d’une mine de La Garde Freinet qui est qualifiée de « vernis » en 1610612. Les 606 Omnia mineralia sive mineras ferri, calibis, eris, plumbi, stagni, esmerighi, etc. (Coulet 1975, p. 165). 607 Annexe 8, doc. 1 ; Coulet 1975, p. 165. 608 Lanza-Berhet 2004, p. 153. 609 Annexe 8, doc. 2. 610 Serra 1992. Un prélèvement pour une datation au C14 aurait été réalisé, mais les résultats ne sont pas connus. 611 J.-P. Papon rappelle que le plomb argentifère fut extrait anciennement au Canet (1780, p. 230). Darluc mentionne deux mines, l’une au Canet, dans le quartier de Saint-Daumas, l’autre au Mauresdu-Luc, dans le quartier des Mayons (1786, p. 300-301). Ces deux sites sont également signalés par la Statistique du département du Var, ainsi qu’une mine située à limite des communes de Saint-Maxime et du Revest et une autre à La Garde-Freinet d’où furent extraits du plomb argentifère (Noyon 1846, p. 64-65). Les mines de plomb de la Beaumette, de plomb argentifère des Ameniers et de Cogolin sont aussi indiquées (Ibid., p. 64). Des indices de plomb sont répertoriés à Cologin et près de Grimaud et de Gassin par L. Becquey (1829, p. 211). F. d’Agay dans un article sur la compagnie des mines de Provence fait un état des lieux des exploitations minières et des gisements connus au XVIIIe siècle (1980). 612 AD BDR Aix, B 85, f° 29 v° - 30 v°. Les concessionnaires avaient été autorisés quelques mois auparavant à rechercher et exploiter tous métaux et minéraux en Provence (AD BDR B 85, f° 27 r° 29 r°). 120 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis mêmes concessionnaires, l’écuyer de Sisteron Antoine de La Vergue et le marchand de Callas Barthélémy Sais, font procéder en juin 1611 à un essai concluant sur le minerai issu de la mine par un potier de terre d’Aix-en-Provence613. En 1641, Jean Souchon obtient l’autorisation de faire des travaux aux mines d’alquifoux situées dans le terroir des Maures614. Les gisements languedociens, roussillonnais et pyrénéens sont peu connus. Pourtant le relevé de L. Becquey des mines et minières abandonnées y relève quelques gîtes de plomb et de plomb argentifère dans les Pyrénées-Orientales, le Gard, la Lozère et l’Aude615. Dans la région de Lodève, des études de terrain ont mis en évidence la recherche du minerai de plomb argentifère au Moyen Âge, par exemple aux mines de Cimetière et du Pourat616. D’autres prospections menées dans le sud de l’Aveyron révèlent un potentiel avec non moins de 13 gîtes de plomb recensés dans le seul canton de Camarès617. En Lozère, des datations C14 attestent d’une exploitation du plomb argentifère autour du Mont Lozère entre le XIe et le début du XIVe siècle618. À ces ressources, si ce n’est locales, du moins géographiquement proches, semblent s’être ajoutées ponctuellement des importations de plomb de régions plus lointaines. De Sardaigne, riche pays minier, des navires marchands ont importé à Marseille au début du XIVe siècle quelques quintaux619. En juillet 1363, le sous-collecteur apostolique Jacob Vitale se fait rembourser des frais concernant le transport, probablement en 1362620, de divers produits achetés en Sardaigne, dont 500 quintaux de plomb. Débarqués dans le port d’Avignon, ils ont été transportés jusque à la Tour du Trésor du palais des Papes621. Ils en sont 613 Sur la requête des deux associés, le procureur général Antoine de Cadenet fait procéder à l’essai de l’alquifoux en confiant au maître potier Anthoine Ycard le soin de le tester chez le maréchal ferrant Jean Roux, le 24 juin (AD BDR Aix, B 1339, f° 399 r - 400 v°). Dans un premier temps, la matière est mise en poudre et destrampee en l’eau par ledict potier qui induict de ladicte matiere une escuelle de terre neufve, laquelle est ensuite mise au feu dans la forge et c’estant ladicte matiere fonduee se seroict reduicte en vernis jaulne, laquelle ledict potier auroict assure que ladicte mine se randroict bonne pour l’ouvrage de vernis en la poterie de terre. 614 AD BDR Aix, B 98, f° 334 r° - 336 r° 615 Becquey 1829, p. 212-214 616 Lopez 1989. 617 Lechelon 1997, p. 167. 618 Bailly-Maître 2007, p. 28 ; Bailly-Maître 2010, p. 139. 619 Baratier 1951, p. 147. 620 Un premier remboursement en faveur d’un serviteur du pape est réalisé le 14 août 1362 : pro portu cere, quantitatis plumbi … apportatorum de Sardinia pro usu hospitii palatii pape (Édité dans Schäfer 1937, p. 48). 621 D. Iacobo Vitalis, subcollectori Apost. in regno Sardinie, pro expensis, quas solvit nautis, qui conduxerunt de dicto regno ad Avinionem certas provisiones plumbi, cordoani, cepi, sulphuris et plurium aliorum pro usu hospitii palacii, 44 fl. f. … 4 hominibus, qui exonaverunt quandam navim de 121 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis extraits progressivement selon les besoins622. En 1367, ce ne sont pas moins de 215 pecias sive lamina plumbi de Sardaigne pour un poids de 199 quintaux et 60 livres, qui sont amenées d’Avignon au port de Lattes par un marinier avignonnais, pour servir aux travaux du monastère Saint-Benoît que le pape fait construire à Montpellier623. Pourtant en 1345, 1352 et 1353, c’est un total de 114 quintaux et 21 livres de plomb qui est transféré depuis Montpellier jusqu’à Avignon, pour servir aux bullateurs papaux624. Les comptes sont plus diserts pour le troisième transport, ils mentionnent une étape à Comps et le transbordement des 22 peciis plumbi du poids de 20 quintaux et 11 livres in bargua. Il est probable que l’opportunité constituée par le passage d’un sous-collecteur pontifical en Sardaigne ait été saisie afin de se fournir en plomb sarde à un prix moins élevé, car acheté à proximité des lieux de production. Le plomb acquis à Montpellier est sans doute d’origine locale, à moins que la ville héraultaise n’ait joué le rôle de centre de redistribution. Dans ce cas, son origine est probablement plus lointaine, de l’arrière-pays languedocien, des Pyrénées ou bien d’Espagne. En effet, en mai 1508, un capitaine de bateau marseillais charge à Alicante dix quintaux de plomb625. Quelques années auparavant, en 1499, cinq pains de plomb sont revendus à un marseillais, par « mestre Henrich » qui les tenait d’un marchand orléanais626. Peut-il s’agir de plomb anglais ? Du plomb britannique est débarqué par des vaisseaux bretons et anglais en 1589 et 1590627. N’en est-il pas parvenu des Îles britanniques auparavant, si ce n’est par la voie maritime, du moins par voie terrestre et fluviale ? À la fin du XIIe siècle déjà, les excédents de l’exploitation des gisements de plomb argentifère anglais permettent au roi Henri II de faire don de plusieurs centaines de tonnes de plomb à trois couvents anglais et aux trois abbayes limousines de Clairveaux, de Saint-Bernard et de Grandmont. Par ce moyen, il cherche à se réconcilier avec l’Église, après le meurtre de Thomas Becket – qui s’est ensuivi plumbo, coriis, etc., que venit de Sardinia, et pro portu 500 quint. plumbi a prima porta palacii Avin. usque ad thesaurariam (Édité dans Schäfer 1937, p. 15). 622 Voir Schäfer 1937, p. 55 (31 janvier 363), 136 (2 août 1365), 195 (28 et 31 mai 1367). 623 1367, 28 mai : 7 hominibus faycheriis, qui extraxerunt 215 pecias sive lamina plumbi de turre thesaurarie, pro portando sive mittendo apud Montempessulanum pro operibus mon. s. Benedicti ponderantia 199 quint. 60 lb., pro labore (cuilibet 3 s.) 21 s. ; cuidam, qui pondaverit dictum plumbum dando sibi 2 d. pro quintali : 33 s. 4 d., Bernardo Regis de Avinione nautherio recipiente : 2 l. 14 s. 4 d. 1367, 31 mai, Bernardo Regis, nautherio de Avin., per quem mittuntur apud Montemp. … 199 quint. 60 lb. plumbi … dudum portati de Sardinia, pro naulo de Avin. ad portum de Latis prope Montemp. 40 fl. de grail. in 33 fr. 3 s. avin. (Édité dans Schäfer 1937, p. 195). 624 Voir Schäfer 1914, p. 315, 504 et 540. 625 Collier 1951, p. 115. 626 Collier 1951, p. 149. 627 Billioud 1951, p. 245, 459, note 7, 518. 122 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis de sa canonisation. En trouvant ces débouchés, il évite également un effondrement de son marché à un moment où l’offre dépasse la demande628. Dans la première moitié du XVIIe siècle, l’Angleterre est le principal fournisseur de Marseille en plomb, mais il en vient également d’Espagne, d’Allemagne et de Hollande, et d’Arles par la voie du Rhône629. Quelques réexpéditions de lingots sont ensuite réalisées vers différents points de Provence tels qu’Arles, Beaucaire, Toulon, mais plus loin également vers Narbonne et même Barcelone630. Marseille sert bien évidemment de pôle de redistribution. En 1426, une transaction concerne quelques kilos expédiés de Marseille dans l’arrière-pays, à Saint-Chamas et Ollières631. Quelle que soit l’origine géographique du plomb, la carte de distribution des attestations du terme plomb dans les tarifs de péage signale encore une fois l’importance de la vallée du Rhône et de la vallée de la Durance prolongée par l’axe Marseille-Pertuis dans la diffusion du matériau. D’après les tarifs de péage, le commerce du plomb se fait essentiellement sous forme de matière première. Il n’a été trouvé aucune mention d’objets manufacturés hormis à Baume-lès-Sisteron où le plumbum laboratum est imposé deux fois plus qu’à l’état brut. À Meyrargues, il est spécifié que la taxe s’applique au plomb non operatum. Il semble donc que le commerce des produits finis en plomb est assez peu répandu. Cela s’explique sans doute par deux raisons principales. La première tient à l’extrême malléabilité du matériau qui n’acquiert une certaine dureté qu’avec l’adjonction d’étain. Or cet alliage utilisé pour confectionner de la vaisselle ou des menus objets pour le costume est plus probablement classé dans la catégorie « étain » que « plomb ». En second lieu, la plupart des usages du plomb ont trait à l’architecture, et par nécessité ce matériau est mis en œuvre sur le lieu même des chantiers : sertissage des vitres et vitraux, couverture des toits, scellement de pierres, etc. L’exportation de ce matériau apparaît peu fréquente. En 1231, 400 quintaux de plomb sont mis en commande à Marseille pour Acre, dans le royaume de Jérusalem. Cependant, pour des raisons de mauvais temps et d’alourdissement exagéré du navire, le métal sera déchargé à Cagliari632. Cela ne signifie pas pour autant que l’approvisionnement du marché régional est à ce moment suffisant, la recherche d’un meilleur profit ayant pu engager le commanditaire, en l’occurrence Bernard de Manduel, à envoyer sa marchandise vers cette destination lointaine. 628 Madeline 2009, p. 33-42, 47. Bergasse 1954, p. 172. 630 Bergasse 1954, p. 172 ; Collier 1951, p. 662. 631 Collier 1951, p. 662. 632 Blancard 1884-1885, t. 2, n° 1, 51, 92. Voir Pernoud 1951, p. 268-269 pour l’analyse qui est faite de ces documents. 629 123 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis Quelques siècles plus tard, le 22 décembre 1577, l’Ordre de Malte obtient licence d’importer 350 quintaux depuis Marseille. Le 8 mars 1591, des licences d’exportation au départ de Marseille de 500 quintaux à destination du Piémont et de 150 quintaux sur Barcelone leur sont octroyées par le duc de Savoie, alors chef de la Ligue en Provence633. Le tonnage réel des quantités exportées n’est pas connu. Le prix du quintal de plomb (fig. 23) acheté par la chambre apostolique varie entre 1 et 1,6 florin dans la première moitié du XIVe siècle, mais il atteint 3,3 florins en moyenne durant l’intervalle 1371 - 1375634. Aucune variation significative ne s’observe selon la destination fonctionnelle du plomb ou selon qu’il ait été acheté auprès de marchands, généralement italiens, par les bullateurs ou d’autres membres de la cour papale. L’origine géographique du métal n’est que rarement indiquée ; lorsqu’elle l’est et que des prix sont mentionnés – c’est uniquement le cas pour les achats à Montpellier635 – ces prix s’intègrent parfaitement aux données provençales636. Le transport du métal entre de manière variable dans le prix. Lorsque des membres de la cour s’occupent de l’approvisionnement, le transport et les frais annexes sont souvent comptés à part. Cette distinction n’est pas réalisée dans le cas de vente par des marchands. Le transfèrement jusqu’à Avignon du métal acquis à Montpellier par des membres de la cour occasionne un surcoût de 12 % en 1345, d’environ 21 et 25 % en 1352 et 1353. Rares sont les mentions de la forme de la matière brute. Aucune indication n’en est donnée dans les tarifs de péage. Dans les archives aixoises du XVe siècle, le plomb est vendu sous forme de lingots (molles) ou à la livre pour être employé dans le bâtiment. Le recyclage du plomb n’a pas laissé de trace dans les archives dépouillées, mais il doit cependant tenir une place importante dans la matière première utilisée par les artisans provençaux, d’autant plus que le point de fusion de ce métal est bas et que le métal réutilisé est d’un coût moins élevé. En 1411, la livre de plomb coûte 4 deniers, soit 33 sous 1/3 le quintal637. En juin 1422, le notaire marseillais Jean Durant inscrit dans son livre de raison avoir acheté, certainement pour de menus travaux, 4 livres de plomb à 1 sou la livre soit 4 florins 1/6 le quintal638, un prix très élevé à cause peut-être de la faible quantité acquise. En 1425, deux quintaux de plomb 633 Billioud 1951, p. 517 et note 4. Avec un pic à 3,8 florins en 1373. 635 Le port du métal jusqu’à Avignon n’est pas compté dans le prix d’achat. 636 Les comptes de la chambre apostolique mentionnent pour l’année 1369 l’acquisition et le transport de sommées de plomb depuis Rome jusqu’à Montemflasconem (3 unités) et Viterbe (2 unités) à des prix respectifs de 55 et 50 sous pièce (Voir Schäfer 1937, p. 216-317). Ces achats ont été effectués pour subvenir aux besoins des bullateurs qui suivent le pape lors de sa rentrée vers Avignon après son retour manqué à Rome. 637 Bernardi 1990, p. 252. 638 Bonnet 1995, p. 57 et 130. 634 124 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis destinés à la fabrication de projectiles sont cédés 3 florins 3 gros le quintal639. Lors d’une vente à l’encan de marchandises prises en 1559 sur un navire ennemi, le quintal est vendu au prix de 5 livres ou 8 florins 1/3640. En 1568, le cantaro de plomb est cédé par des marchands catalans à la Compagnie du Corail à raison de 7 à 8 livres ou environ 11,7 à 13,3 florins, et à la fin du XVIe siècle, une autre compagnie pour l’exploitation du corail débourse 2 écus et 12 sols pour chaque quintal de lingot de plomb641. Dans le règlement promulgué en juillet 1593 par les États du Comtat Venaissin au sujet des prix qui doivent être pratiqués pour les marchandises qui circulent dans leur territoire, le quintal de plomb ne doit pas excéder 200 sols642. 2.2.4. L’étain L’étain (fig. 13 et 14) est un métal gris-argent malléable, moyennement ductile et inaltérable à l’air et à l’eau à température ambiante. Fusible à basse température (232 °C), il se transforme lentement en étain gris en dessous de 13 °C et sa tenue mécanique est affaiblie. Allié au plomb, il permet d’avoir un matériau plus solide et donne un aspect brillant qui peut le faire passer pour de l’argent. Il existe aussi des alliages d’étain et de cuivre qui portent le nom de pelpre643, peltre ou peautre644. Les inventaires après-décès provençaux mentionnent presque toujours de la vaisselle et des ustensiles d’étain, dans les classes sociales les moins fortunées comme dans la bourgeoisie ou chez certains nobles. Cet usage y est de loin majoritaire dans ces documents, mais il n’en est pas de même dans les fouilles archéologiques où les accessoires du costume en étain ou en alliage étain-plomb sont surreprésentés. Les raisons en sont explicitées plus loin en préalable à l’étude du mobilier. Ces objets sont des boucles, des appliques, des fermaux ou broches, des bagues, des grelots, des boutons, des enseignes civiles ou de pèlerinage, des croix et des médailles religieuses. L’étain entre aussi comme composant d’alliages cuivreux, de brasures et, employé comme couverte, protège les objets de la corrosion et leur donne un aspect argenté. 639 AD BDR Marseille, 359 E 159, 1ère partie, f° 47 r°. Billioud 1951, p. 517, note 3. En comptant le florin équivalent à 0,6 livre (Fournand 2001, p. 30). 641 Masson 1908, p. 169 et 199. La provenance n’est pas spécifiée par l’auteur. 642 AD Vaucluse, B 1516, f° 132 r° - 149 r°, plus exactement f° 141 v° pour cette mention. 643 Item, duo candelabra parva de pelpre dans l’inventaire de 1414 du château de Vaucluse à Fontaine-de-Vaucluse (Labande 1912, p. 58). 644 Pour ces deux dernières formes, se reporter à Godefroy 1881-1902. 640 125 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis La provenance de l’étain est rarement renseignée dans les sources d’archive. Le sudest de la France et les régions immédiatement voisines sont presque totalement vierges de gisement d’étain645. Ce matériau fait donc l’objet d’un trafic à longue distance. Deux principaux territoires fournissent la Provence. Le tout premier est l’Angleterre et notamment la région des Cornouailles dont les gisements sont les plus purs et les plus abondants en Europe646. Dans la seconde partie du Moyen Âge, l’expédition du métal se fait principalement vers le Sud-ouest de la France par les ports de La Rochelle, de Bordeaux, de Bayonne et Oléron647. Toutefois, une part conséquente des exportations se fait également vers la Normandie et les Flandres. Plusieurs voies de transport de l’étain sont possibles pour l’acheminer en Provence. L’une d’elles passe par Bordeaux, remonte la Garonne jusqu’à Toulouse, d’où la marchandise est transbordée sur des animaux de bât qui la conduisent jusqu’à Narbonne648. De ce port, l’étain peut être redistribué en Méditerranée, vers Marseille ou Arles par exemple. Un cheminement terrestre a pu exister depuis Toulouse, en passant par Montpellier, pour faire parvenir l’étain à Arles, Avignon ou Tarascon. L’absence de la mention de l’étain avant le XVe siècle dans le tarif du pont de Trinquetaille à Arles contrarie quelque peu cette hypothèse. Une seconde voie, bien plus difficile à matérialiser, débute dans le Nord de la France et aboutit dans la vallée du Rhône. En Provence, de nombreux tarifs de péages attestent de l’importance des échanges. L’interdiction qui est faite dans les statuts de Marseille de 1253 de vendre dans la cité autrement qu’au quintal de Marseille, et notamment au quintal « sparroni », n’est pas anodine649. Marseille et Narbonne sont aux XIIe et XIIIe siècles des pôles majeurs dans le trafic de l’étain650, ressource pour le moins convoitée. Un document marseillais de 1238 mentionne 7 quintaux et 78 livres d’étain remis quelques temps auparavant au juif Bonjudas, suite à sa commande, par Étienne de Manduel, de son vivant651. La destination du métal est inconnue. Des actes de 1248 font état de multiples exportations depuis Marseille : quelques 645 Des travaux récents ont mis en évidence une exploitation du minerai d’étain en alluvion dans le district de la Viadène en Aveyron qui se termine au haut Moyen Âge. Renseignement communiqué par Philippe Abraham. 646 Hatcher 1973, p. 3 ; Malham 2010. 647 Ibid., p. 22 648 Ce cheminement est décrit par le géographe arabe Ibñ Sa’id au XIIIe siècle (Hatcher 1973, p. 24). 649 De stagno non vendendo nisi ad quintale Massilie : Ordinamus firmiter observandum quod stagnum sive merces stagni vendatur deinceps ad quintale Massilie, et non ad quintale quod vulgariter consuevit appellari quintale sparroni, et quod ab inde in antea non habeat locum quintale sparroni. Édité par R. Pernoud (1949, liv. III, article 10). 650 Hatcher 1973, p. 24. 651 Blancard 1884-1885, t. 1, p. 122, doc. 81. 126 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis quintaux d’étain à destination de Naples652, plusieurs dizaines pour Pise à bord du SaintVincent653, plus encore pour Messine à bord du Saint-Gilles654, plusieurs centaines pour Acre sur le Saint-Esprit655. Quelques expéditions ont pu se faire depuis Arles : un envoi de 25 quintaux est prévu à destination de Rome en 1248656. À la fin du XIIIe siècle, le quasi-monopole anglais dans la distribution de l’étain est troublé par les gisements de Bohème et de Saxe qui augmentent leur production de manière conséquente657. Les marchands du Sud-ouest de la France perdent de leur importance dans la diffusion de l’étain du fait de cette concurrence en provenance d’Europe Centrale. De leur côté, les allemands sont concurrencés par les négociants italiens qui s’approvisionnent désormais directement dans les Flandres et monopolisent peu à peu le trafic de l’étain anglais, qui reste malgré tout soutenu658. Cela se traduit rapidement par des transports d’étain depuis l’Italie vers la Provence. En 1485, c’est un bâtiment génois chargé entre autres d’étain à destination d’Arles qui est saisi par les Marseillais659. Peut-être ce métal ne devait-il que transiter par le territoire arlésien comme les envois d’étain réalisés par la compagnie Datini depuis Pise jusqu’à Arles à la fin du XIVe siècle. La marchandise y est réceptionnée par Matteo Benini, avec qui la société est associée, lequel se charge ensuite de la transmettre à Avignon par de plus petits bateaux (barcha) adaptés à la navigation fluviale. Durant l’été 1384, 30 lame – plaque – di stangnio et 3 balles de stangnio in verghe – en verge – transitent sur le Rhône payant 2 florins 8 gros au péage d’Arles, 3 florins 6 gros au péage de « Tarascon et Beaucaire », et 1 florin 6 gros per ostellagio660. Au printemps 1393, deux lame d’étain arrivent à Arles661. L’étain d’Europe centrale arrive en Provence par la vallée du Rhône, par l’intermédiaire de commerçants allemands. Les données récoltées montrent toutefois que cette source d’approvisionnement est bien plus tardive que l’étain anglais662. Elle n’intervient 652 Blancard 1884-1885, t. 2, p. 80, doc. 526 ; p. 194, doc. 781. Ibid. 1884-1885, t. 2, p. 285, doc. 978. 654 Blancard 1884-1885, t. 1, p. 300, doc. 95 ; p. 318, doc. 131 ; p. 385, doc. 298 ; p. 414, doc. 365. 655 Blancard 1884-1885, t. 1, p. 346-347, doc. 194 ; p. 350, doc. 207 ; p. 351 doc. 209 ; p. 358-359, doc. 226 ; t. 2, p. 61-62, doc. 485 ; p. 82, doc. 531. 656 Blancard 1884-1885, t. 2, p. 220-221, doc. 848. 657 Hatcher 1973, p. 25-26, 103. 658 Ibid. 1973, p. 91, 95-102. 659 Baratier 1951, p. 198, note 2. 660 Antonietti 2007, p. 172-175, lettres des 16 juin et 13 juillet 1384 référencées D 181, 317 147 et D 181, 317 148 dans le fond Datini. 661 Antonietti 2007, p. 789-798, lettres des 10 avril et 2 mai 1393 référencées D 425, 504 120 à 123 dans le fond Datini. 662 Billioud 1951, p. 518-521. 653 127 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis qu’après le doublement de la capacité de production de ces gisements au début du XVIe siècle663. À la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, une part de l’étain qui arrive à Marseille est encore originaire d’Angleterre, transportée par des anglais ou des bretons par voie maritime664. À la fin du XIVe siècle et dans la première moitié du siècle suivant, le négoce d’exportation se fait principalement vers le Levant et notamment Beyrouth665, ainsi que sous forme d’objets en direction de la Sardaigne et de son port Alghero666, mais les données sont rares et disparaissent par la suite. Ce n’est que dans la seconde moitié du XVIe siècle que les exportations d’étain s’intensifient en raison d’évènements militaires : les guerres entre Venise et les Turcs, alliés du royaume de France. Des licences d’exportation de plusieurs milliers de quintaux d’étain pour le Levant sont alors octroyées à un armateur et à des familiers du roi dans les années 1550 et 1560. Pour des services qu’il a rendus au roi, le marseillais François de Corbie obtient une traite de 4000 quintaux d’étain anglais ou allemand le 15 février 1571. En mars, l’avignonnais Jaume Gardiolle reçoit une licence de 1000 quintaux d’étain d’Angleterre. La même année, en août, Louis Monier de Marseille est autorisé à exporter 1000 quintaux d’étain. Une licence de 2000 quintaux sur dix ans est encore octroyée à un proche d’Henri III en 1582, bien que le conflit soit terminé667. Il est généralement spécifié que les envois doivent se faire depuis Marseille668. Par exemple, le 17 mai 1571, 600 quintaux d’étain sont remis aux foires de Lyon au marseillais François de Corbie par deux allemands669, pour être envoyés en Turquie depuis Marseille. À peu près à la même période, François Guiguillet, associé aux Manlich, achemine de l’étain d’Allemagne pour la même contrée670. Au début des années 1570, les Manlich envoient également de l’étain d’Angleterre vers le Levant en association avec Corbie671. Malgré tout, au plus fort de la guerre, le mouvement d’exportation ne s’élève pas à plus de 2000 quintaux672. À ceci s’ajoutent les nombreuses fontes d’artillerie – qui nécessitent des alliages cuivreux – réalisées dans la cité 663 Hatcher 1973, p. 121. Billioud 1951, p. 245, 459, 518-521 ; Bergasse 1954, p. 173. 665 Baratier 1951, p. 72, 237, 246, note 3 et 4 ; Reynaud 1951, p. 715. 666 Ibid. 1951, p. 93, 142, 144 ; Reynaud 1951, p. 827. 667 Billioud 1951, p. 518-521. 668 Les lettres patentes accordées à Jaume Gardiolle spécifient qu’il est autorisé à faire conduire mille quintaux d’étain d’Angleterre au port de Marseille, tant par mer que par terre, et de les vendre ensuite là où il lui plaira, B 3332, f° 839 r° - 841 v° et 841 v° - 849 r° 669 Billioud 1951, p. 518, 520. 670 Ibid. 1951, p. 211. 671 Ibid. 1951, p. 247, 260. 672 Ibid. 1951, p. 521. 664 128 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis massaliote dans la seconde moitié du XVIe siècle673. Marseille est alors certainement l’un des pôles les plus importants du commerce de ce matériau en Méditerranée, grâce à sa position géographique. Il a déjà été mentionné l’importance de la vallée du Rhône comme voie de pénétration pour l’étain, soit depuis le nord de la France, soit depuis le Languedoc par voie maritime puis fluviale en remontant le fleuve. Elle semble également avoir joué un rôle important dans la diffusion de l’étain travaillé, ou tout du moins aux environs d’Arles et d’Avignon. Sans surprise, les tarifs de péage de la moyenne Durance comportent peu d’attestations de l’étain. Elles sont sans doute liées à une activité de redistribution de la matière première dans l’arrière-pays, depuis l’axe Marseille-Pertuis ou par des voies transversales comme celle passant par Mormoiron, ou en remontant la Durance. Dans le Var, Toulon a pu servir de point d’approvisionnement. Le commerce de l’étain en Provence est peu renseigné dans les archives notariales. Pourtant, de notables concentrations de potiers d’étain ont été notées lors des dépouillements pour Aix-en-Provence, Avignon, Draguignan et sa région. En 1367, un marchand montpelliérain vend à la chambre apostolique, pour l’Œuvre du monastère Saint-Benoît à Montpellier, quelques quintaux de metallum tam cuprum quam stagnum674. En juillet 1421, le potier d’étain aixois Raphaël Monterausi achète au marchand Guillaume d’Aquiné 17 quintaux d’étain pour un total de 180 florins, soit près de 10,6 florins le quintal675. Il semble jouer le rôle de revendeur puisqu’en janvier 1423 et avril 1447, il vend du metallum, très certainement de l’étain, à 13 et 15 florins le quintal676. En 1441, le potier d’étain draguignanais Antoine Horias se procure sa matière première auprès du marchand marseillais Raphaël Castagne677. Le 28 décembre 1575, quelques trois à quatre quintaux à destination de Draguignan sont bloqués par le gouverneur de Marseille678. Le commerce de la feuille d’étain est attesté à Marseille et Avignon au bas Moyen Âge et au début de l’Époque moderne. Cinq caisses et demie de fueilhe d’estang pour imblanchir sont estimées à 38 sous la caisse en 1575 dans l’inventaire d’une boutique d’un marchand marseillais679. Le tarif de péage de la ville d’Avignon de 1582 distingue deux 673 Ibid. 1951, p. 521-524. Schäfer 1937, p. 197 675 AD BDR Aix, 309 E 116, f° 260 r° - 260 v°, 30 juillet 1421. 676 AD BDR Aix, 307 E 12, n.f., 24 janvier 1423 ; 307 E 82, f° 176 v°, 20 avril 1447. 677 Reynaud 1951, p. 663. 678 Billioud 1951, p. 366. 679 Annexe 8, doc. 26. 674 129 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis qualités, l’une à 12 deniers le quintal pour étamer proprement dit, l’autre à 4 deniers la livre pour servir aux travaux de peinture680. La bonne capacité de résistance de l’étain à la corrosion et sa malléabilité en font un excellent support pour la dorure. La feuille d’étain est ainsi, comme cela a déjà été évoqué, amplement utilisée par les peintres et doreurs sur bois avignonnais. Sans couverte, elle est rarement signalée, et sans doute usitée en remplacement de l’argent. Toutefois, le coût bien moins élevé du métal argent par rapport à l’or justifie beaucoup moins ce travestissement. Les comptes de la chambre apostolique d’Avignon n’en mentionnent l’achat qu’une seule fois, en 1318. Pour servir à la décoration de la chambre du consistoire, 4 livres de foliis albis de stagno sont achetées au prix de 18 deniers, soit 8,1 florin le quintal681, presque deux fois plus que le coût de l’étain non travaillé. En 1498, le centenier de feuilles d’estan coûte 1 florin 1 sou, deux fois moins que les feuilles d’étain dorées682. La récupération de vieil étain à Marseille et même ailleurs en Provence par les potiers d’étain marseillais est renseignée par quelques sources d’archives683. Elle dut être beaucoup plus importante que ne le suggèrent celles-ci et commune à l’ensemble des artisans provençaux car l’étain ainsi récolté est d’un prix moins élevé que l’étain neuf684. Il existe également d’autres qualités de ce métal comme l’étain fin et l’étain « de glace » achetés à Auriol en 1564 pour la confection de la cloche de l’église685. Cet étain de glace apparaît également parmi les produits disponibles chez un marchand marseillais en 1575686. Il est aussi listé dans les tarifs de péage d’Avignon de la fin du XVIe et du début du siècle suivant. Il y est imposé un peu plus fortement que l’étain « normal » alors que d’après le résultat de ventes dans la seconde moitié du XVIe siècle son prix et beaucoup moins élevé : 27,5 florins le quintal en 1575687 contre 43 florins 8 sous en 1563 pour l’étain « normal » 688. L’étain (stagnum) peut être transporté sous forme de plaques (lama, toscan)689, de verges (vergha, toscan, virga, latin, verga, provençal)690, de lingots de fonte (stagnum 680 Les termes pench et blanc sont les participes passés des verbes pencher et blanchir qui signifient peindre et blanchir. 681 Faucon 1882, p. 67. 682 Bayle 1888, p. 156-157. 683 Reynaud 1951, p. 662-663, 715, 827. 684 En 1430, à Dijon, le fin estaing est deux fois et demie plus cher que le mort estaing (Chapelot 1985, p. 309). 685 Raimbault 1921, p. 40. 686 Annexe 8, doc. 26. 687 Annexe 8, doc. 26. 688 Billioud 1951, p. 519. 689 Antonietti 2007, p. 172-175, 789-798. 690 Blancard 1884-1885, t. 1, p. 351, doc. 209 ; Antonietti 2007, p. 172-175 ; Baratier 1951, p. 243. 130 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis gitatum, latin)691, en saumon (samon, provençal)692, en « cloche » (cloca)693, en pièces (pessa, provençal)694 et conditionné en « ballons » pesant 1,5695 ou 1,7 quintal696 ou en caisses de 2,3 quintaux697. La forme de la matière première influe sur la valeur marchande de l’étain (fig. 23). En 1248, à l’export depuis Marseille, il est estimé à 2 livres le quintal en cloche dans un premier acte698, à 2,5 livres le quintal en cloche et en verge mêlées dans un second699, à 2,7 livres le quintal en lingot dans un troisième700, et de nouveau à 2,5 livres le quintal sous une forme inconnue dans un quatrième701. À Arles, en cette même année, il est évalué à 2 livres le quintal pour un envoi à Rome. S’agit-il d’étain en cloche ? En partant de l’hypothèse d’un prix stable à 2 livres le quintal pour le plomb en cloche, il est logique de considérer que l’étain en verge est de valeur, si ce n’est supérieure, au moins équivalente à celle de l’étain en lingot. Des travaux comme la réalisation de cloches, la mise en place ou la réparation de fenêtres, l’étamage de pièces de couvrement ou de récipients, des travaux de peinture donnent lieu à l’achat d’étain par la chambre apostolique auprès de marchands attachés à la cour, mais aussi par des artisans ou des membres de la cour. En 1317, le quintal est à environ 4,5 florins, à 5,25 florins en 1343, 8 florins 1/3 en 1346, 7 florins en 1348, 10 florins en 1353, 12,5 florins en 1355, 12 florins en 1366702. Acheté directement à Montpellier par le collecteur de la Narbonnaise en 1352, il revient à 8,45 florins le quintal, 8,8 florins avec le port (surcoût de 4 %) jusqu’à Avignon703. L’évolution des prix perceptible sur cet espace d’un demi-siècle trouve son équivalent en Angleterre. Après une augmentation des prix à la fin du XIIIe siècle, ceux-ci restent relativement stables dans la première moitié du siècle suivant704. J. Hatcher voit dans le phénomène de la peste de 1348, la raison qui expliquerait l’augmentation brutale – plus du double – de la valeur de l’étain en Angleterre705. Est-ce vraiment le cas ? Il est difficile de juger de la véracité de cette affirmation, l’auteur ne fournissant pas de tableau de 691 Blancard 1884-1885, t. 1, p. 346-347, doc. 194 ; p. 385, doc. 298. Ce terme provençal est repris dans un texte en latin : stagni dicti de samon. AD BDR Aix, 308 E 712, f° 15 r°, 24 janvier 1504. 693 Blancard 1884-1885, t. 1, p. 351, doc. 209 ; t. 1, p. 193-194, doc. 779. 694 Se reporter à la figure 14. 695 Baratier 1951, p. 243. 696 Billioud 1951, p. 520. 697 Ibid., p. 519. 698 Blancard 1884-1885, t. 2, p. 193-194, doc. 779. 699 Ibid. 1884-1885, t. 1, p. 351, doc. 209. 700 Ibid. 1884-1885, t. 1, p. 346-347, doc. 194. 701 Ibid. 1884-1885, t. 1, p. 300, doc. 95. 702 Schäfer 1914, p. 251, 309, 379, 503, 593, 652 ; Schäfer 1937, p. 164. 703 Schäfer 1914, p. 504. 704 Hatcher 1973, p. 90. 705 Ibid., p. 90 692 131 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis données ou de graphique706. L’examen des données avignonnaises montre que le début de cette hausse est antérieur à la peste. Cet épisode épidémique n’est donc pas, tout du moins dans le cadre restreint du territoire avignonnais, la raison initiale de cette évolution, même s’il a pu en accentuer les effets. Les causes sont à rechercher ailleurs, peut-être dans une augmentation de la demande en alliage cuivreux pour la fabrication d’objets de la vie quotidienne707, ou bien dans l’insécurité latente qui, en ce XIVe siècle, règne en Provence. Les voies commerciales s’en trouvent nécessairement bouleversées. Les progrès de l’artillerie à partir de la seconde moitié du XIVe, le remplacement progressif du fer par le bronze pour les canons et la durée de vie très courte de ces derniers rendent nécessaires des masses de plus en plus importantes d’étain708. Les prémices de ce phénomène ont pu se faire ressentir sur les prix. En 1381, de l’étain conditionné en ballons, chargés à Marseille pour l’export, est évalué à 16,7 florins le quintal709. En juillet 1421, le potier d’étain aixois Raphaël Monterausi achète une grande quantité d’étain à 10,6 florins le quintal710. Artisan, mais également revendeur, il cède – marge personnelle comprise – en janvier 1423 et avril 1447, du metallum, à 13 et 15 florins le quintal711. Le métal est qualifié de « fin » (finum) en 1447 et il est spécifié que la marchandise doit être expédiée à Aups, lieu de résidence de l’acheteur. Ceci explique certainement l’écart constaté avec une autre vente à Aix-en-Provence, datée du 19 février 1444, où le matériau est vendu à 12,5 florins le quintal712. Si on en juge par les données récoltées, bien que disparates et de provenances variées, l’augmentation du prix de l’étain se poursuit dans la seconde moitié du XIVe siècle. Cependant, au tournant du XVe siècle, la valeur du matériau diminue quelque peu puis raugmente légèrement dans la première moitié du siècle. Cette évolution correspond globalement à celle qui est constatée en Angleterre713. Le 27 février 1461, le chapitre de la cathédrale de Marseille rembourse à un campanier 59 livres d’estain à raison de deux gros et quart la livre, soit 18,75 florins le quintal714. Le 5 avril 1504, de l’étain est estimé à Aix, dans le cadre d’une donation, à 24 florins le quintal715, 706 De même il n’a pas été possible d’accéder à deux ouvrages anglais traitant de l’évolution des prix, indisponibles sur le réseau SUDOC. 707 Par exemple des chaudrons, du luminaire, des accessoires du costume, etc. 708 Hatcher 1973, p. 39. 709 Baratier 1951, p. 246. 710 AD BDR Aix, 309 E 116, f° 260 r° - 260 v°, 30 juillet 1421. 711 AD BDR Aix, 307 E 12, n.f., 24 janvier 1423 ; 307 E 82, f° 176 v°, 20 avril 1447. 712 AD BDR Aix, 308 E 363, f° 46 r° - 46 v°, 19 février 1444. 713 Hatcher 1973, p. 90. 714 AD BDR Marseille, 391 E 60, f° 275 v° - 277 r° 715 AD BDR Aix, 308 E 714, n.f., 5 avril 1504. 132 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis valeur qui semble pour le moins excessive. Pourtant, en février 1521, Claude Layguel, fondeur de Lyon, cède au campanier Vital de Podio trente quintaux de metalum bonum et receptibilis ad pondus regium dicte civitate aquense, à raison de 25 florins le quintal716. Cependant, s’agit-il d’étain, de cuivre ou d’un alliage cuivreux ? En 1563, l’étain est échangé à Marseille au prix de 26 livres717, soit 43 florins 8 sous le quintal718. Toutefois, l’ « estang de glace », de moindre qualité – à moins qu’il ne s’agisse d’un autre métal719 –, est estimé 27,5 florins à Marseille en 1575720. Il y a donc un enchérissement important de la valeur du métal blanc dans le courant de la seconde moitié du XVe siècle. Les prix anglais n’enregistrent pas une telle variation721, mais la valeur de l’étain britannique s’accroît de nouveau à partir du début du XVIe siècle à tel point qu’elle a doublé dans le troisième quart du siècle par rapport à la première décennie722. Sur ce point, les rares données provençales semblent coïncider. Cette évolution est concomitante de l’augmentation des exportations d’étain depuis l’Angleterre consécutivement à une demande de plus en plus forte notamment pour l’artillerie723. 2.2.5. Le zinc Le zinc, métal dur d’un blanc bleuâtre, assez fragile à température ambiante, fond à 419 °C. Il n’est pas utilisé sous la forme de blende avant la fin de la période moderne724. C’est la calamine qui auparavant fait l’objet d’une exploitation. De ce silicate, exclusivement employé dans des alliages de base cuivre pour la période d’étude, il n’est actuellement pas connu de gisement exploité anciennement en Provence. Il y en eut peut-être dans le Languedoc725 et en Lombardie : le tarif de péage d’Avignon du XIVe siècle enregistre le fil de laiton de Lombardie (fig. 16). De même, aucune mention de la calamine n’a été trouvée pour le moment dans la bibliographie régionale et dans les archives dépouillées si ce n’est à propos 716 AD BDR Aix, 306 E 471, f° 139 r° - 139 v°, 28 février 1521. À Aix-en-Provence, dans le troisième quart du XVIe siècle, un florin équivaut à 0,6 livre (Fournand 2001, p. 30). 718 Billioud 1951, p. 519. 719 L’étain de glace est une dénomination ancienne du bismuth qui, par sa couleur, peut éventuellement être confondu avec l’étain. Est-ce bien du bismuth qui est ici mentionné ? 720 Annexe 8, doc. 26. 721 Se reporter à Hatcher 1973, p. 91. 722 Ibid. 1973, p. 91, 121. 723 Ibid. 1973, p. 148. 724 Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle le laiton s’obtient par cémentation du cuivre avec de la calamine (Rehren et Martinón-Torres 2008). 725 Bailly-Maître 2010 ; Bailly-Maître 2012, p. 8. 717 133 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis d’une épicerie marseillaise en 1428 où elle apparaît sous la dénomination lapis calamiarum. Les analyses de composition réalisées sur des accessoires du costume du castrum Saint-Jean à Rougiers montrent qu’une forte proportion de ces objets a été réalisée à partir d’alliages à base de cuivre contenant du zinc726. Or, l’analyse typologique prouve que plusieurs pièces sont typiques du sud de la France. Des importations de laiton sont donc nécessaires. Les tarifs de péage (fig. 16) et quelques autres documents traités dans le sous-chapitre suivant illustrent quelque peu ces mouvements. Il est recensé beaucoup d’artisans travaillant le laiton dans le bassin de la Meuse du fait de la localisation de nombreuses poches de calamine le long de la rive nord du fleuve, entre Dinant et Liège, ou dans les contreforts nord des Ardennes727. Il y avait également de la calamine de grande qualité dans le massif de l’Eifel, à proximité de la ville d’Aachen (Aix-laChapelle)728. En Angleterre, l’extraction du zinc est initiée par impulsion royale au XVIe siècle, mais elle ne prend de l’ampleur qu’au XVIIe siècle729. Ces zones de production d’objets en laiton sont aussi potentiellement des régions exportatrices d’alliages déjà préparés. L’artisan, une fois ces alliages reçus, pourrait en modifier la composition en y ajoutant d’autres éléments ou du vieux métal, puis travailler la matière à sa guise selon les besoins et les goûts locaux. 2.2.6. Le cuivre et ses alliages Le cuivre (fig. 15 à 18) non allié, fusible à 1083 °C, est un métal malléable et ductile de couleur rose saumon730. L’utilisation du cuivre non allié pour la période d’étude ne peut être correctement analysée pour les accessoires du costume que grâce à des analyses de composition. Les analyses réalisées par M. Heyworth sur du mobilier londonien montrent une forte utilisation du cuivre dans la seconde moitié du XIIe siècle : 47,4 % des artefacts sont en ce métal. La proportion diminue à 31,3 % durant le premier tiers du siècle suivant, à 15 % durant le deuxième tiers, à 10 % durant le dernier tiers du XIIIe siècle et la première moitié du XIVe siècle. La proportion d’objets en cuivre est de 7 % dans la seconde moitié du XIVe siècle et de 4 % dans la première moitié du XVe siècle731. Les analyses que nous avons faites 726 Annexe 2. Day 1990, 1998², p. 133 ; Suttor 2014 ; Thomas et al. 2014. 728 Day 1990, p. 134. 729 Ibid., p. 142-143. 730 Cette couleur est obtenue après l’affinage du minerai qui, au sortir de la mine, est de couleur grise. 731 Heyworth 2002², p. 391. 727 134 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis sur du mobilier du site du castrum Saint-Jean à Rougiers dans le Var illustrent également ce mouvement à la baisse732. Sur les cinq artefacts de la fin du XIIe siècle et du premier tiers du XIIIe siècle, trois sont en cuivre. La proportion de pièces en cuivre est de 26,7 % durant le milieu du XIIIe siècle jusque vers 1309/1315, elle est de 10,1 % entre vers 1309/1315 et vers 1360, de 14,8 % entre vers 1360 et vers 1415/1420. À partir du milieu du XIIIe siècle, le cuivre est donc surtout employé comme élément de base d’alliages où il tient une place majoritaire : il s’agit des alliages cuivreux ou alliages à base de cuivre. Il est considéré que la proportion d’un élément supérieure à 3 % dans l’alliage est le résultat d’une addition intentionnelle, et que ce sont des traces dont la présence n’est pas délibérée lorsque le rapport au cuivre est inférieur à 0,5 %. Entre ces deux valeurs, les interprétations sont plus hypothétiques733. Le plomb est un cas particulier, des valeurs de 2 à 3 % pouvant être considérées comme significatives d’impuretés contenues dans le minerai de cuivre. Les alliages binaires de base cuivre sont réalisés par l’adjonction d’un autre métal, de l’étain par exemple pour donner le « bronze »734, du zinc pour obtenir le « laiton ». Une infinité d’autres assemblages sont possibles. Celui constitué de cuivre, d’étain et de plomb est nommé bronze au plomb. C’est un alliage ternaire. L’artisan peut choisir l’alliage qu’il va utiliser selon différents critères comme la coulabilité, la capacité de déformation, la couleur, le coût, etc. Le cuivre et ses alliages sont utilisés pour la fabrication d’une multitude d’objets. Concernant le costume, ils se rencontrent dans tous les types d’accessoires métalliques existants. Le choix d’un alliage est fortement lié à la technique de fabrication choisie et à d’autres facteurs économiques ou sociétaux que nous évoquerons régulièrement lors de l’étude du mobilier. On peut également se reporter directement à l’annexe 2. Le cuivre est, dans le sud-est de la France, ordinairement extrait de sulfates et de carbonates et souvent associé au plomb ou à l’argent. Si des indices de cuivre se rencontrent couramment dans les Alpes735, le massif des Maures, les Cévennes, la Montagne Noire, les Corbières et la partie orientale des Pyrénées736, ceux-ci n’ont souvent pas pu donner lieu à une 732 Se reporter à l’annexe 2. Pernot 1998, p. 123. 734 D’après A. Ploquin, quelques rares minerais de cuivre contiennent suffisamment d’étain pour produire directement un bronze (2006, p. 204). 735 Par exemple, Bonnaire, dans la Statistique du département des Hautes-Alpes, signale des indices de cuivre prometteurs à Pamplinet dans la vallée de Neuvache (1802, p. 102-103), et aux Acles, L. Becquey indique une mine de cuivre abandonnée depuis vingt ans car trop pauvre (1829, p. 210). M. Darluc signale également de multiples indices de cuivre et des travaux d’extraction récents dans le tome 2 de son Histoire Naturelle de la Provence (1784, p. 63-64, 113, 262, 264, 274, 296-297). 736 Se reporter à la carte des mines – toutes époques confondues – et indices de cuivre dans le Sud-est de la France établie par H. Barge (2006, p. 12, fig. 1). 733 135 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis exploitation dans la seconde partie du Moyen Âge et à l’Époque moderne. Deux raisons peuvent être avancées : dans quelques cas, les gîtes sont inexploitables avec les techniques anciennes, mais le plus souvent la puissance du gisement est en cause737. L’exploitation d’une mine nécessite des fonds importants. La richesse d’un gîte, évaluée par les entrepreneurs, doit laisser entrevoir des revenus suffisants pour couvrir les frais et espérer un bénéfice. La carte des mines ayant fait l’objet de travaux se révèle ainsi beaucoup plus réduite. La plupart des gisements exploités sont localisés dans les Alpes et notamment sa partie nord. Une enquête réalisée en 1339 atteste de l’exploitation du cuivre dans l’Oisans, à Oze ou Vaujany, du plomb et du cuivre à La Grave, du cuivre argentifère à Villard d’Arène738. En 1359, le gouvernement du Dauphiné fait évaluer la teneur en argent de minerai de cuivre argentifère provenant de Villard d’Arène739. En Savoie, des prospections initiées par l’autorité comtale aboutissent à la découverte de gisements de cuivre argentifère dans la châtellenie d’Aiguebelle. Ces gisements sont exploités dès 1336, mais l’activité cesse en 1348 avec la peste. Un total de 6844 quintaux de cuivre en sont extraits dont au moins 5200 entre mars 1338 et février 1342740. Entre 1338 et 1350, les comptes miniers des gisements de cuivre argentifère d’Hurtières enregistrent une production de 4561 quintaux et 88 livres de cuivre, dont un peu moins d’un tiers pour la seule année 1341741. En 1365, une mine est localisée sur le territoire de Montgilbert742. Quelques redevances sont encore perçues sur le cuivre par les comtes de Savoie au XVe siècle743. Il est probable que cette activité extractive du cuivre ait continué à une faible échelle, au XVIe siècle, grâce au développement du saigerprozess, apparu en Allemagne au milieu du XVe siècle, qui confère à ce métal une valeur bien plus grande en facilitant l’extraction de l’argent des minerais de cuivre744. Le 18 octobre 1610, un piémontais reçoit du duc de Savoie l’autorisation de faire construire à Hurtières une fabrique de cuivre, de laiton, de fil de fer et de fer blanc et d’y faire venir des maîtres étrangers745. Au 737 Ancel 2010, p. 293. Sclafert 1926a, p. 539 ; Bailly-Maître et Dhénin 2004, p. 48. 739 Bailly-Maître 2000. 740 Garioud 2007, p. 51. 741 Benoit et Braunstein 1983, p. 186, 188. 742 Crabières 2001, p. 66. 743 Ibid. 2007, p. 55, note 37. Br. Ancel pressent l’extraction de plomb et de cuivre dans la seconde partie du Moyen Âge aux mines de Colombières à Bramant, des Sarrazins près de Modane, de Montchabert à Argentine et du Nautuel à Montvernier (2010, p. 295). 744 Guillot et Benoit 1994, p. 118. 745 Crabières 2001, p. 60. 738 136 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis XVIIe siècle, la production de minerai de cuivre est à nouveau abondante en Savoie grâce à la remise en exploitation des gisements du massif des Hurtières746. Dans la partie sud des Alpes, les mines de Valdeblore, Roure, Roubion et Tortissa à Saint-Etienne-de-Tinée font l’objet de travaux aux XVe et XVIe siècles747. Non loin de là, une bulle d’exorcisme de 1560 signale une reprise d’exploitation du cuivre à Salèse748. Une visite réalisée du 3 au 5 septembre 1602 dans le cadre de l’inventaire des droits royaux d’Henri IV, décrit à Barles, au quartier de Les Cluses, ainsi qu’à la montagne du Vernet à proximité de Verdaches, des travaux sur des gisements de cuivre. Au Vernet, la mine, qui prend la forme de quatre ouvertures de dix à douze mètres de profondeur, est décrite comme fort abondante en cuyvre et riche en argent et or. Un contrôleur des mines est aussitôt nommé pour veiller au paiement du dixième749. Quelques gisements des Alpes-Maritimes sont signalés au milieu du XIXe siècle comme ayant fait l’objet de travaux, très certainement modernes pour la plupart750. En Piémont, quelques mines en activité sont attestées pour la fin du Moyen Âge et le XVIe siècle751. Par la suite de multiples travaux miniers sont régulièrement menés dans les Alpes, mais c’est à partir du XVIIIe siècle que l’activité devient intense752. Le 24 avril 1504, Juvénal Galéan, Jean Boyer, Thorin Duc, Louis et Thomas Héron, mineurs (mineri), ayant obtenu l’autorisation d’exploiter les mines de plomb, de cuivre et autres du comté de Provence et de Forcalquier s’engagent à présenter tous les six mois à la Cour un compte destiné à servir de base à la supputation des droits établis par les statuts royaux753. Ont-ils auparavant mené des prospections et dans quelle zone ? Sans parler d’extraction, y’a-t-il déjà eu réalisation de travaux préparatoires ? De nombreux gites de cuivre sont localisés dans le Massif varois, mais il n’a pas été mis en évidence pour le moment de preuve d’une exploitation médiévale ou du tout début de l’époque moderne754, et ce malgré les nombreuses autorisations de prospections accordées durant cette période par l’autorité comtale puis royale. Il est bien vendu pour 400 florins de roi, en 1494, par noble Palamède de Forbin, seigneur de Solliès, à Guillaume Rey et Michel 746 Crabières 2001. Barge 2006, p. 18. 748 Ancel 2010, p. 296. 749 AD BDR Aix, B 1315, f° 1527 r° - 1533 r° ; Billioud 1958, p. 43. 750 Roux 1862, p. 197, 198, 207, 212, 218. 751 Di Gangi 2001, fig. 2 ; Di Gangi 2007, p. 79, fig. 3. 752 Par exemple, pour les Alpes du Sud, se reporter à Ancel 2006b, p. 165-170. 753 AD BDR Aix, B 1234, f° 7 r° - 7 v°. 754 G. Mari affirme sans preuve qu’une exploitation de cuivre a été menée au XIVe siècle sur le site du Peirol (1979, p. 127). Les traces de pic qui y ont été retrouvées sont pourtant non datées comme le rappelle M.-P. Lanza (1997, p. 197). 747 137 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis Charlon, chaudronniers, un martinet situé dans le terroir de Barjols, au quartier de Sous-Ville, mais il est possible que ce martinet ait traité des demi-produits plutôt que du minerai755. D’ailleurs, en 1570, au lieu-dit Entraygues au Cannet-des-Maures, un martinet de heran et fer est dédié à la clouterie756. Pourtant, l’abondance des travaux miniers réalisés à partir du XVIIIe siècle sur les gisements de cuivre et de cuivre argentifère757, laisse penser que des tentatives d’exploitation ont très certainement été menées dans des périodes plus anciennes, autant pour récupérer du métal argent dans le cadre de gîtes polymétalliques, que pour répondre, par exemple, à la forte demande en cuivre au XVIe siècle. Ainsi, des traces de pic, signes de travaux anciens, ont été identifiées sur les sites de Maraval et du Peirol758, mais elles ne sont pas datées. À La Londe-les-Maures, le filon de L’Argentière a peut-être été exploité à l’époque médiévale759. Il est possible que le site majeur de Cap Garonne ait fait l’objet d’activités anciennes, mais l’ampleur des travaux modernes et contemporains laissent peu d’espoir quant à la découverte d’indices dans ce sens760. L’inventaire des droits royaux réalisé en 1599 dans le Vaucluse révèle à Viens une tentative d’exploitation de sulfates de fer et de cuivre761. Un groupe d’entrepreneurs engage quelques frais mais renonce rapidement voyant que le chaudeyron de plomp n'estoit bien faict comme il estée requis, pour estre trop espes au fondz qu'il ne pouvoit chauffer l'eau que de vingt en vingt quatre heures. Les tentatives infructueuses pour trouver d’autres investisseurs menées par Barthélémy de l’Isle, dépositaire de l’autorisation de travaux, le conduisent, soutenu par sa foi en la richesse des gisements, à travailler seul à leur exploitation. Toutefois, ce n’est pas la production du cuivre ou de fer en tant que métal qui est ici entreprise, mais l’obtention de vitriol et de couperose par cristallisation des eaux minières. Celle ci est initialement prévue par chauffage, mais un défaut rédhibitoire du récipient conçu à cet effet rend cette opération trop coûteuse à cause de la quantité de combustible nécessaire. Barthélémy utilise donc la congélation – le procédé est donc soumis aux aléas de l’hiver – pour précipiter les éléments minéraux. Les produits ainsi obtenus ne sont pas utilisés dans la 755 Durand 1928, p. 227. Durand 1928, p. 228. 757 Se reporter à ce sujet à J.-P. Papon (1780, p. 230, 288), L. Becquey (1829, p. 210-211), N. Noyon (1846, p. 59, 65), M. Darluc (1876, p. 296), M.-P. Lanza (1997, p. 57-59, p. 83, 88, 125), H. Barge (2006, p. 19) et surtout Fr. d’Agay (1980). 758 Lanza 1997, p. 197. 759 Lanza 1997, p. 125. 760 Sur le site de Cap Garonne (Mari 1979, p. 114-125). H. Villeneuve-Flayosc, en 1856 (p. 10, 509), jugeait ce gisement de peu d’intérêt. L’exploitation qui en a été faite dans les décennies suivantes lui donne tort. 761 Annexe 8, doc. 3. 756 138 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis métallurgie762, mais ce document est le seul qui ait pu être trouvé dans les archives attestant de travaux sur des gites cuprifères dans le Vaucluse. Cela n’est pas surprenant car la géologie locale ne se prête pas à des gisements de ce type. Des auteurs modernes tels que M. Darluc et J.-P. Papon n’en mentionnent d’ailleurs aucun lors de leur exploration du sud-est de la France malgré leur intérêt pour le sujet, et M. Pazzis dans sa statistique du département insiste sur leur absence763. Plus à l’ouest, dans le Gard, dans le district d’Hierle, il existe entre le XIe et le XIVe siècle, une intense activité d’extraction de l’argent à partir de gîtes de cuivre argentifère comme le site de Petra Alba très riche en argent764. Dans l’Hérault, des travaux datés des environs de l’an Mil ont été mis en évidence dans la mine de cuivre argentifère de La Roussignole 2 à Cabrières765. Des indices ou des exemples de mines de cuivre exploitées « anciennement » sont signalés par L. Becquey dans l’Aude, l’Hérault et le Tarn766. En Aveyron, à Bouco-Peyrol, des recherches archéologiques ont mis en évidence une mine de cuivre argentifère appartenant à l’abbaye de Sylvanès et exploitée aux XIIe et XIIIe siècles767. Les exploitations minières évoquées ci-dessus n’ont pas une production suffisante pour couvrir la consommation de cuivre provençale et des régions voisines des centres d’extraction. Des importations massives sont donc nécessaires mais les informations obtenues dans la bibliographie et les archives sont assez réduites. De Toulouse proviennent en 1248 quelques quintaux de cuivre vendus par un certain Bernard Armand768. Ce cuivre vient-il de l’arrière-pays ou d’Espagne ? En effet, en 1385, la compagnie Datini envisage le transport de cuivre (rame, toscan) de Barcelone à Gênes769. À Saltès, dans l’arrière-pays de Huelva, en Espagne, des fouilles ont montré l’existence d’une extraction de minerais polymétalliques où le cuivre est cependant en faible proportion770. Les recherches sur ce sujet sont encore rares dans la Péninsule Ibérique. Au tout début du XIVe siècle, une barque marseillaise rapporte 762 Ils trouvent des applications dans la médecine médiévale (Bénézet 1999, p. 530). « Le plomb, l’étain, le fer et le cuivre sont des objets d’une immense importation dans ce pays, qui manque absolument de ces métaux, et les achète par conséquent chaque jour » (Pazzis 1808, p. 328). 764 Bailly-Maître 1989, p. 62 ; Bailly-Maître 2002, p. 99, 112 ; Bailly-Maître 2007, p. 26-27 ; BaillyMaître 2012. 765 Maas 2002, p. 59-60. 766 Becquey 1829, p. 213-216. 767 Lechelon 1997. 768 Blancard 1884-1885, p. 194, n° 780. 769 Antonietti 2007, t. 2, p. 194. 770 Bazzana 2007, p. 116-117. 763 139 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis entre autres marchandises du cuivre depuis Pise771. Peut-être a-t-il été extrait en Toscane où des mines de cuivre sont attestées archéologiquement772. Le Piémont possède aussi quelques mines de cuivre dont la production, semble-t-il assez faible au Moyen Âge, a cependant peu de chance d’être parvenue en Provence, que ce soit par voie maritime ou terrestre773. En 1426, c’est une galée de Gaète en Sardaigne qui débarque à Marseille transportant un peu de cuivre774. En 1575, le cuivre de rosette que l’Ordre de Malte peut importer depuis Marseille est dit d’Allemagne775. Au début du siècle suivant, le cuivre, le laiton et l’airain arrivent depuis Hambourg ou du Lyonnais et du Beaujolais par la vallée du Rhône776. Il est fort probable qu’une partie conséquente du cuivre travaillé en Provence soit originaire d’Europe centrale. Des mines hongroises, le grand capitaliste allemand Jacob Fugger et ses associés faisaient extraire annuellement, fin XVe - début XVIe siècle, en moyenne 27286 quintaux de cuivre et jusqu’à 46900 quintaux entre 1510 et 1513. La majeure partie approvisionne les marchés d’Europe de l’Est, mais de grandes quantités sont aussi expédiées au marché international de Venise777. Du Tyrol, 15000 quintaux étaient achetés annuellement par cet entrepreneur allemand, soit 60 à 70 % de la production778. Une grande partie du cuivre tyrolien partait pour les marchés de Nuremberg et de Venise. Des transports étaient également réalisés en direction de Gênes et Milan, et même de Lyon779. Alimentée par des marchands allemands, la cité lyonnaise est un centre d’approvisionnement en cuivre important pour le royaume de France780 et vraisemblablement pour le Comté de Provence. En 1521, Claude Layguel, funtor sive magister funte ordinarius regius civitate lugduni, vend trente quintaux de metalum à Vital de Podio, campanier d’Aix781. En 1556, un fondeur de canon du nom de Michel Pelliot est obligé de rembourser un client car il n’est à luy possible de trouver cuyre en ce présent païs, à Lion, ni alheurs782. 771 D’après une procédure de 1304, une barque marseillaise rapporte entre autres marchandises du cuivre depuis Pise (Baratier 1951, p. 186). 772 Francovitch 1985, Casini 2007, Bruttini et al. 2010, Bianchi et al. 2011, Bruttini 2011, Bianchi et al. 2012. 773 Di Gangi 2001 ; Di Gangi 2007. 774 Reynaud 1951, p. 442. 775 Billioud 1951, p. 517. 776 Bergasse 1954, p. 172. 777 Schick 1957, p. 280-281. 778 Ibid., p. 275. 779 Ibid, p. 278-280. 780 Ibid, p. 278. 781 AD BDR Aix, 306 E 471, f° 139 r° - 139 v°. 782 Billioud 1951, p. 522. 140 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis En Provence même, la circulation du cuivre ou de ses alliages n’a été que rarement mise en évidence par les dépouillements bibliographiques et archivistiques. Les mentions de cuivre dans les tarifs de péage sont, comme à l’ordinaire, disposées le long du Rhône, et dans la vallée de la Durance dans la continuité de l’axe Marseille-Pertuis. Le laiton est absent des tarifs des Préalpes. Comme pour le fer, le cuivre et les alliages travaillés sont essentiellement taxés le long du Rhône et principalement à Avignon et Arles, et enfin sur la côte à Marseille. Les tarifs médiévaux des péages provençaux mentionnent régulièrement le laiton, parfois sous forme d’objet finis. À Avignon, à la fin du XIVe siècle, la matière première brute et le fil – pour lequel il est spécifié qu’il est de Lombardie ou d’Allemagne – sont taxés à différents taux. Cependant, que désigne réellement le terme laiton ? Est-il seulement employé pour caractériser un alliage de zinc et de cuivre au Moyen Âge et au début de l’Époque moderne ? La question reste sans réponse. Toujours est-il que, dans son acceptation actuelle, le laiton est nécessairement un produit d’importation, si on excepte la part de recyclage. Le commerce en Provence d’alliages en provenance du bassin de la Meuse, des contreforts des Ardennes et du massif de l’Eifel est fort probable, d’autant plus si on se reporte à la carte des attestations du mot laiton dans les tarifs de péages (fig. 15). Ces importations suffisaient-elles à répondre aux besoins des artisans provençaux ? La documentation avignonnaise témoigne de l’existence d’une importante métallurgie du laiton en Lombardie durant la seconde moitié du XIVe siècle, mais cette industrie eut assurément une durée de vie bien plus longue. L’exploitation de gisements de calamine à peu de distance paraît donc nécessaire783. L’exportation du laiton vers la Provence pourrait avoir été réalisée à destination du seul port de Marseille, puisque les tarifs de Toulon et Arles n’en font pas mention. En 1320, treize balles de laiton sont transportées par cabotage de Marseille à Aigues-Mortes784. Ce chargement est à mettre en parallèle avec des indices, actuellement en cours d’étude, de traitement de la calamine dans le Languedoc785. Si l’extraction de ce minerai se révèle d’importance, elle changerait considérablement la vision que l’on peut avoir du commerce du laiton. Cependant, n’auraitelle pas dans ce cas conduit à la mention de la calamine dans les tarifs de péage ? Les seules mentions de bronze non ouvré dans les tarifs de péage concernent celui du pont de Trinquetaille, à Arles. Sont-elles la preuve d’un commerce particulier de cet alliage avec le Roussillon ? Plusieurs raisons terminologiques peuvent expliquer cette sousreprésentation du bronze. Ainsi qu’il a été évoqué en introduction, quels alliages le terme 783 Des mines de zinc ont été découvertes au début du XXe siècle en Italie (Musset 1935, p. 441). Baratier 1951, p. 287. 785 Bailly-Maître 2010 ; Bailly-Maître 2012, p. 8. 784 141 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis bronze recouvre-t-il vraiment ? Enfin, le mot bronze, en latin ou provençal, est-il d’usage courant ? Il est fréquemment mentionné le terme metallum dans les tarifs. À Valréas, aucun métal n’est listé en particulier, et tous les métaux hormis les monnaies et le billon sont regroupés sous ce terme. Il en est de même à Sorgues à l’exception de l’étain, à Saint-Gilles sauf pour le fer, etc. Dans certains cas toutefois, metallum ne s’applique qu’à un nombre de matériaux très réduit du fait de la mention des autres dans le tarif. Par exemple, au péage de Trinquetaille de 1252, il ne peut concerner que l’acier et le laiton, que le bronze dans la table de mer de Marseille de 1228 et au péage de Meyrargues aux XIVe et XVe siècles, que le bronze et le laiton à Arles en 1430, que le bronze à Avignon à la fin du Moyen Âge et dans les deux premiers siècles de l’Époque moderne. En outre, dans un tiers des cas, le terme metallum n’est accompagné que des seules mentions de l’étain, du cuivre et du laiton. Enfin, la localisation de ses mentions est réduite à la vallée du Rhône, à Meyrargues et aux environs de Marseille. Cette distribution est assez proche de celle du cuivre, du laiton et de l’étain, mais diffère de celle du fer et dans une moindre mesure de celle du plomb. Il est donc probable que le vocable metallum ait parfois été utilisé par défaut pour désigner le bronze. Cet usage est certain à Avignon. Il existe d’ailleurs une ligne de tarif spécifique quand il est utilisé pour réaliser de gros ouvrages de fonte : Metail obrat en campanas o mortiers, s. XII, per quintal786. Quelques documents du milieu du XVIe siècle étudiés par M. Lacave lui ont fait supposer que le bronze peut être recouvré par ce terme787. Au milieu du XIIIe siècle, les quelques exportations de cuivre à partir de Marseille, rencontrées dans le registre de 1248 du notaire Almaric, se font à destination de Naples788, d’Acre789, ou de Bougie790. En 1406, du cuivre est encore envoyé vers l’Afrique du Nord791. Dans le troisième quart du XVe siècle, du cuivre brut est exporté depuis le port de Bouc792. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, les mesures protectionnistes édictées au plan national par le pouvoir royal et proscrivant l’exportation des métaux sont contournées par l’octroi de licences. Fin octobre 1572, François Guiguillet de Marseille et ses associés, dont font partie les Manlich, reçoivent l’autorisation d’exporter depuis Marseille vers le Levant 6000 quintaux d’acier et 4000 de cuivre. Dans les faits, il semble que les chargements réalisés furent de peu 786 Cette référence appartient au tarif de la fin du XIVe siècle (n° 145), mais elle se retrouve avec une forme francisée dans les tarifs suivants. 787 Lacave 1971, p. 216. 788 Blancard 1884-1885, t. 2, p. 80, n° 526. 789 Ibid., t. 2, p. 82, n° 531. 790 Ibid., t. 2, p. 106, n° 579. 791 Baratier 1951, p. 110. 792 Reynaud 1956, p. 161. 142 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis d’importance793. Des licences d’exportation ont également été données en faveur de l’Ordre de Malte : 500 quintaux de rosettes et 15 grandes platines de cuivre en janvier 1575, 50 quintaux de rosette en 1577794. Ces quelques données montrent que le commerce à l’export du cuivre est relativement faible à Marseille à la fin du Moyen Âge et au début de l’Époque moderne. La raison majeure en est son éloignement des grands centres de production et des voies d’approvisionnement. Même au plus fort de la guerre entre Venise et les Turcs, l’exportation de cuivre, métal nécessaire aux belligérants, est relativement peu importante795. Avant d’être travaillé par les artisans provençaux, le cuivre peut être transformé en demi-produits. Des martinets à cuivre sont ainsi signalés dans le Vaucluse le long de l’Ouvèze et de ses affluents à Bollène en 1427796, Carpentras en 1432, Roaix en 1452, Vaison en 1466, à Malaucène en 1477, 1482, 1510, 1534, 1537 et 1540 et à Fontaine-de-Vaucluse en 1508797, ainsi que le long de la Durance à Pertuis en 1582798, et de l’Argens, à Barjols dans le Var, en 1493799. Cette activité perdure encore dans le Vaucluse dans la première moitié du XVIIIe siècle800. Le transport de minerai de cuivre jusqu’en Provence n’est pas avéré et les martinets à cuivre attestés n’en traitent semble-t-il pas. Lorsqu’il arrive au martinet, le cuivre est sous la forme de disques de matière très épurée issus du fourneau d’affinage (rosetta)801, de plaques obtenues par la fonte (plata)802. En 1534, ces plaques pèsent un peu plus d’un demi-quintal, soit 56,6 livres803. Le matériau peut être fourni par le propriétaire ou acheté par les locataires à des personnes extérieures comme l’attestent des reconnaissances de dettes de 1534 et 1536 auprès de marchands de l’Isle804. Généralement, les actes ne précisent pas sous quelle configuration le cuivre ressort du martinet. Parfois, cependant, il est spécifié qu’il est sous 793 Billioud 1951, p. 516. Ibid., p. 517. 795 Ibid., p. 549. 796 Achard 1874, p. 8. 797 Ibid., p. 8 ; Lacave 1971, p. 520, 662. 798 Ibid., p. 8. 799 AD Var, 3 E 842, f° 47 r° - 48 r°, 23 septembre 1493 800 Des martinets à cuivre sont encore en fonction dans le Vaucluse au début du XIXe siècle. Ils sont au nombre de cinq à Malaucène et une installation isolée est située à Vedène d’après M. Pazzis (1808, p. 330). L’Annuaire statistique et administratif du département de Vaucluse de 1840 de P. Achard indique l’existence de nombreux laminoirs à cuivre et à plomb à Vedène (p. 151). 801 Lacave 1971, p. 206, 515, 520. 802 Ibid., p. 206, 515. 803 Ibid., p. 516. Les comptes miniers d’Hurtières, en Savoie, font état de la production de lingots (pecies) d’une cinquantaine de kilogramme soit environ deux fois plus lourds (Benoit et Braunstein 1983, p. 189) 804 Lacave 1971, p. 506. 794 143 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis forme de produits semi-finis tels que les coupes (coppa)805 à partir desquelles les artisans travaillant la tôle de cuivre réalisent leur production, de cuivre raffiné livré en lingots ronds ou carrés, de fil de cuivre806. Cependant, les martinarii sont également peyroliers même si le marché de cette activité semble avoir été souvent restreint aux localités immédiatement voisines du lieu de production807. En 1509, un martinarius se voit confier la réalisation de pièces d’artillerie808. En effet, le « martinet à cuivre », qui peut également servir à travailler le fer, n’est pas seulement un bâtiment accueillant un foyer, ses soufflets et un lourd marteau dont le soulèvement est actionné par l’énergie hydraulique ; on y retrouve également de nombreux outils manuels tels que des maillets, des tenailles, des enclumes, etc., utilisables pour des activités périphériques ou de production d’objets finis809. Un contrat d’arrentement de martinet de Malaucène de 1537 renseigne quelque peu sur la capacité de traitement de la matière d’un martinet. Il prévoit la fourniture par le propriétaire, toutes les trois semaines, de 5 quintaux de cuivre en lingots que le locataire doit rendre en coppa810. Le travail du martinerius n’apporte qu’une faible valeur ajoutée au métal qui lui est transmis. Sa besogne est rémunérée à Malaucène à hauteur de 20 gros le quintal de cuivre en lingot en 1510, et augmente progressivement, quelle que soit la qualité du matériau travaillé, pour atteindre 3 florins 6 gros le quintal de cuivre vieux et de rosette en 1540811. Le déchet est récupéré par l’artisan même lorsque le métal ne lui appartient pas812. Le plus souvent, le contrat d’arrentement prévoit une part plus ou moins importante de métal à travailler directement pour le bailleur, voire même l’exclusivité tant à la fourniture de la matière première qu’à la revente du produit semi-fini813. Dans quelques cas comme à Barjols en 1493, l’artisan est totalement indépendant. Le contrat d’arrentement signé entre Boniface 805 Ibid., p. 215, 516. Ibid., p. 220. 807 Ibid., p. 221, 685. 808 Ibid., p. 220. 809 Quasdam boyes. Item unum malhet…trium palmorum longitudinis. Item II cossines. Rote du malhe de metalho. Item alios duos cossines de bosines ferri. Item duas magnas tenalhas de ferre. Item alias tenailhas ad scindendum cuprum. Item unum magnum coclar ferri pauci valoris. Item unum croc ferri cum mambres fuste. Item IIII tenalhas ferri du malh. Item unum martellum parvum de una manu. Item una picola. Item unum enclume supra terram et unum aliud subtus loz malh. Item unum canilhe dou marque. Item unam romanam parvam ponderis 350 libr. Item unam palam ferri pauci valoris. D’après M. Lacave (1971, p. 682). 810 Lacave 1971, p. 218, 505-506. 811 Ibid., p. 520. 812 Ibid., p. 506. La tolérance de perte ou de déchet est de cinq livres par quintal de vieux cuivre dans deux contrats rouergats de la première moitié du XVIIe siècle. Elle est de quatre livres pour le cuivre issu de fonderie (Delmas 2005, p. 135). 813 Lacave 1971, p. 221-222, 618-619. 806 144 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis Malet, notaire de Barjols, agissant en la qualité de Palamède Forbin, habitant alors à Sollies, et Jean Marquet, payrolerio de Barjols, situe le martinetum au lieu-dit pontem augusturorum, à Barjols814. S’agit-il de la même installation louée par ce même Forbin en 1481, cette fois qualifiée de martinet à fer815 ? Le coût de la location en 1493 est de 9 florins par an durant quatre ans. Jean Marquet s’engage en outre à consacrer chaque année quatre jours à entretenir, réparer ou à faire réparer la chaussée d’élévation de l’eau resclause seu fossatorum – ou bien encore vallatum – et le martinet, et à restituer l’ensemble des meubles, machines et outils (ferramenta) existant ou qui existera à la fin du contrat. Le cuivre brut se retrouve dans les textes sous la dénomination cuprum, en latin, courre en provençal. Allié à du zinc, le laiton est nommé lotonum, eletro sive lotono816 en latin, aurical et loton en provençal et ancien français. Avec de l’étain, il prend le nom d’aranum et d’erain. Les tarifs avignonnais identifient le cuivre sous forme de grenaille (granailla) ou de lingot en forme de pain (en pan) ou de plaque (en plata), de rosette817 (tôle martelée). La récupération de vieux cuivre en Provence est attestée par quelques actes isolés et par les tarifs de péage d’Avignon. Ils ne traduisent certainement pas l’ampleur du recyclage818. En 1248, le quintal de cuivre destiné à l’export est estimé à 1,8 livre melgorienne819. Différents prix du métal cuivre (fig. 23) ont été relevés dans les comptes de la chambre apostolique, notamment dans le cadre de la confection de cloches. En 1317, le quintal de ce métal coûte 5,2 florins820, 5,5 florins en 1321821. En 1322, le quintal de metallum est acheté 6,25 florins822. Un marchand montpelliérain fournit en 1367, pour la réalisation de magnis et parvis ollis pour le monastère Saint-Benoît, érigé par le pape à Montpellier, 19 quintaux et 73 livres de metallum tam cuprum quam stagnum au tarif de 13 florins le quintal823. Le terme de metallum est à prendre avec précaution car il est n’est pas toujours aisé de savoir ce qu’il recouvre. Ainsi, le 5 novembre 1410, Vincent Évêque, affineur d’or et d’argent, est payé 8 814 AD Var, 3 E 842, f° 47 r° - 48 r°, 23 septembre 1493 AD Var, 3 E 837, f° 29 r° - 31 r°, 8 octobre 1481. 816 AD BDR Aix, 309 E 424, f° 1030 v° - 1032 v°, 10 décembre 1502. 817 Cuivre pur obtenu par fonte dans le fourneau d'affinage et se présentant sous la forme d'un disque (Schick 1957, p. 271). 818 Lacave 1971, p. 520. 819 Blancard 1884-1885, p. 106, n° 579. 820 Schäfer 1911, p. 282. 821 Ibid., p. 695. 822 Ibid., p. 290 et 291. 823 Schäfer 1937, p. 197. Le prix est spécifié en florin de France qui, à cette époque, équivaut au florin commun en vigueur dans le Comtat. 815 145 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis florins pour son travail d’affinage et de lavage des morceaux de cuivre et de metallum restant après la refonte de la grande bombarde d’Aix-en-Provence824. La fabrication d’une grande bombarde à Avignon pour servir au siège du palais papal au début du XVe siècle, donne lieu à quelques achats de métaux. À la mi-juin 1410, 15 quintaux et six livres de cuivre sont vendus 108 florins et neuf gros par un marchand avignonnais, soit 7,2 florins le quintal825. Le matériau est qualifié de « propre » (nitidus). Il n’a pas été possible de comprendre ce que cela signifie. S’agit-il d’une loupe de métal épuré ou d’un demi-produit tel que des lingots ? Quelques semaines plus tard, le 5 août, Jacques d’Aurie, qualifié de changeur, remet sept quintaux et 82 livres de metallum au tarif de 7 florins le quintal826. Il s’agit très probablement de la même matière que précédemment étant donné la similarité des prix. Le 4 août 1410, 75 livres de metallum sont fournies par une épicière de la cité au tarif de 10 florins le quintal827. La différence de prix incite à y voir un matériau différent. Dans ce cas, le terme metallum peut-il être identifié comme du plomb ou bien encore du zinc ? L’hypothèse est intéressante car le bronze allié à du plomb et/ou du zinc est pour le moins adapté à l’artillerie. Toutefois, le montant de la vente est bien trop élevé pour du plomb et il n’est actuellement connu aucune vente de zinc en Provence. Est-ce donc de l’étain ? Cela est tout à fait possible, il y a correspondance avec la valeur de l’étain à cette époque. Dans d’autres cas, précédemment cités, le terme metallum désigne du bronze. Les métiers de ceux qui fournissent du cuivre sont diversifiés : le 12 septembre 1458, Jacques Bertrand, campanier de Montpellier, reconnaît devoir 26 florins et 9 gros à François Guarneri, revendeur d’Aix, pour un quintal et 57 livres de metalum828. Le matériau coûte donc 17 florins le quintal. Trois ans plus tard, le chapitre de la cathédrale de Marseille rembourse à Jacques Bertrand une douzaine de quintaux de metallum à raison de 18 florins le quintal qu’il s’est procuré auprès d’un peyrolier829. En 1469, 20 quintaux de bronze sont vendus par un chaudronnier de Marseille aux députés de Tarascon pour la fonderie d’une cloche830. Trois ans plus tard, un notaire vend du cuivre à un peyrolier de Roaix831. En 1521, Claude Layguel, 824 Vincencio Episcopi, affinatori auri et argenti, tam pro se quam aliis manoperibus qui eum juvarunt ad affinandum et lavandum granalham cupri et metalli quod superfuit ex canono novo magne bombarde Aquensis, fl. VIII (Pansier 1923, p. 127). 825 Pansier 1923, p. 127. 826 Ibid., p. 127. 827 Ibid., p. 127. 828 AD BDR Aix, 309 E 227, f° 687 r° - 687 v°. 829 AD BDR Marseille, 391 E 60, f° 275 v° - 277 r°, 27 février 1461. Composition finale le 10 juillet 1462 avec le peyrolier Bérenger Cambalade : 308 E 558, f° 146 r° - 147 r°. 830 Reynaud 1951, p. 663. 831 Lacave 1971, p. 216. 146 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis fondeur de Lyon cède trente quintaux de metalum à un campanier d’Aix au tarif de 25 florins le quintal832. Il se pourrait que ce soit du bronze. La vente d’un alliage cuivreux déjà préparé faciliterait le travail des campaniers. Au besoin, quelques livres d’étain ou d’un autre métal peuvent permettre à l’artisan d’adapter la nature de l’alliage qui lui est vendu pour correspondre à celle qu’il juge nécessaire à son ouvrage. Jacques Bertrand s’approvisionne ainsi en 59 livres d’étain et 17 livres de metallum833. En juillet 1410, du sel d’ammoniac est acheté ad reparandum et fondandum le canon accidenté de la bombarde d’Aix-en-Provence. Un dernier prix sur le cuivre a pu être récolté pour le XVIe siècle : le 24 avril 1534, deux quintaux et demi de cuprum sive plata – cuivre sous forme de plaques – sont vendus 20 florins le quintal834. Il n’est pas possible, avec les données actuellement récoltées, de disserter sur l’évolution fine du prix du cuivre en Provence, l’augmentation de sa valeur avec le temps ne faisant toutefois aucun doute. Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer. Ses qualités en font tout d’abord une matière première essentielle pour de nombreux produits de l’artisanat et de l’industrie. Ensuite, l’accroissement de la population et l’élévation continue du train de vie de la bourgeoisie, et les importants besoins en monnaie de billon, entraînent une hausse de la demande835. Initiée au milieu du XIVe siècle, le développement de l’artillerie en alliage cuivreux se fait plus prégnant au XVe siècle, en Europe, mais aussi dans le cadre particulier de la Provence836. Cette industrie acquiert une plus grande envergure encore au XVIe siècle et en Provence, notamment à Marseille. En 1507, une fonderie de canon y est établie sur ordre du roi837, et dans la seconde moitié du XVIe siècle, les fontes d’artillerie sont devenues fort nombreuses838. En partie sans doute du fait de son approvisionnement en cuivre par les mines du Tyrol, Milan est au bas Moyen Âge un grand centre de production d’objets en alliage cuivreux, mais également de produits semi-finis comme le fil et les feuilles de laiton (ottone, toscan), que la compagnie Datini fait venir à Avignon à la fin du XIVe siècle 839. Les péages 832 AD BDR Aix, 306 E 471, f° 139 r° - 139 v°. AD BDR Aix, 391 E 60, f° 275 v° - 277 r°, 27 février 1461. 834 Lacave 1971, p. 516. 835 Reynaud 1951, p. 826-827 ; Schick 1957, p. 257. 836 Pansier 1923, p. 126-128 ; Reynaud 1951, p. 826-827. Les archives aixoises et marseillaises contiennent quelques actes mentionnant des bombardiers ou autres artisans du cuivre et de ses alliages pour le XVe siècle. Le conflit entre Marseille et les catalans est l’occasion pour les marseillais d’effectuer l’achat d’un certain nombre d’armes en alliage cuivreux de différentes natures. 837 Collier 1951, p. 37 ; Billioud 1951, p. 521. 838 Billioud 1951, p. 521-523. 839 Frangioni 2002, p. 136, 138, 140, 171, 173. 833 147 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis des Pennes à la fin du XIVe siècle et d’Avignon à la même époque et durant l’Époque moderne font mention de ces feuilles de métal battu. Dans la cité vauclusienne, elles sont taxées beaucoup plus fortement que les autres types de cuivre travaillé. Il en est de même du fil de laiton qui, à la fin du XIVe siècle, est défini comme provenant de Lombardie ou d’Allemagne. Dans les lettres envoyées par la succursale avignonnaise de la compagnie Datini, les feuilles (foglia) sont dites grosses, moyennes, minces, et dans un cas il est précisé qu’elles doivent être bien jaunes. Il est parfois demandé des qualités différentes ou une qualité précise lorsqu’il est indiqué que les feuilles ou le fil (filo) soient de 2 ou 4 sortes (ragioni), ou qu’il est indiqué le coût: 3 pesi du filo d’ottone pesant 25 livres subtiles au prix de 5 florins, 6 pièces de feuilles de laiton au poids de 30 livres subtiles évaluées à 4 florins ½ ou à 4 florins ¾ il peso, 6 feuilles pour une masse de 48 à 50 livres subtiles840. Depuis Florence, la compagnie Datini trafique de l’orpello (toscan) – oripeau en français moderne – c’est-à-dire traditionnellement un alliage de cuivre et de zinc, similaire à l’or par la couleur, la malléabilité et la ductilité841. Cependant, quelques points problématiques font douter de la nature exacte du matériau transporté. De 1363 à 1371, la base avignonnaise de la compagnie Datini demande régulièrement l’envoi d’orpello jaune (giallo) mais aussi blanc (biancho)842. Dans ce dernier cas, est-ce un alliage de cuivre et d’étain ? Cependant pourquoi spécifier, en 1363, que l’orpello blanc doit être net, mince et l’argent bien clair ? Ne s’agit-il pas plutôt de feuilles de cuivre ou d’alliage cuivreux dorées et argentées, ou bien encore de feuilles d’or et d’argent ? En effet, jusqu’en 1365, il n’est demandé que de l’orpello jaune ou blanc, mais à partir de 1368, seuls apparaissent les termes orpello parfois accolé de l’adjectif giallo et argenpello accompagné quelquefois de l’adjectif biancho. Quoiqu’il en soit, la couleur et la taille des feuilles (grandes, moyennes, petites) sont toujours spécifiées, ainsi que le mode de transport : en « mouton » ou en « chevreau »843 (in montoni o cavretti), dans un parchemin (in pergamena), ou bien plus couramment dans un papier (in carta, charta). Les premières années, les employés insistent particulièrement sur la qualité des produits : la couleur de l’orpello jaune doit être bonne, bien jaune, lumineuse, l’orpello blanc doit être net, mince et 840 Ibid., p. 136. Ce terme est également utilisé pour désigner des broderies de fils de cuivre dorés employés par des brodeurs (se reporter à Reynaud 1951, p. 812) et peut-être aussi par les cordonniers (voir Forestié (édit.) 1890-1893, t. 1, p. 24, 130, 146, 185, t. 2, p. 247). 842 L. Frangioni a effectué un relevé du contenu des lettres avec commande au départ d’Avignon conservées pour la seconde moitié du XIVe siècle (2002, p.102, 107, 111, 118, 128-129, 130, 142, 144, 147, 151-152, 159). 843 Traduction littérale des termes cavretto et montone dans le dictionnaire d’italien de A. Antonini de 1770. 841 148 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis l’argent bien clair, et en général les feuilles bien liées, propres et de faible poids. Dans quelques cas, il est spécifié que la carta doit contenir 6, 8, 12, 15, 20 ou 24 feuilles. C’est au moins 1383 douzaines d’assemblages de feuilles qui sont demandées entre 1363 et 1371, mais toutes les commandes n’ont pas été honorées comme le suggèrent certains signes manuscrits et des requêtes non satisfaites ont pu être reportées dans une lettre suivante. Hors de cette documentation particulière, la mention d’oripeau est rare pour la Provence. En avril 1343, la balle d’un mercier saisie à la requête du péager d’Aix contient dix douzaines d’auripella844, et en 1354 les comptes de la chambre apostolique mentionnent l’acquisition de trois peciis de auripelle pour un écu aux armes du pape845. Un peu plus tard, pour les années 1396 et 1397, le compte d’une mercerie de Carpentras enregistre la vente d’un peu moins d’une vingtaine de feulhs d’auripel, dont il est parfois précisé que le métal est étamé ou argenté (blanc) ou doré (daurat)846. Le 11 août 1396, une fuelh argentat de Monpeylier est cédée pour 6 deniers847. Le même tarif se retrouve par la suite pour quatre ventes d’auripel, sans doute est-ce le même matériau. L’auripel doré est d’un coût plus élevé, autour de 1 sou la feuille, semble-t-il. Disposé sur du cuir, l’auripel est de moindre prix : 4 pels d’auripels sus cuer sont appréciées 9 sous, mais 8 sous dans une autre ligne de compte où il n’est pas précisé que le métal est doré848. En mai 1397, une transaction concerne I fuelh et ½ fuelha de Monpeyllier pour une valeur de 1 sou 4 deniers ; s’agit-il de feuilles argentées ou de feuilles dorées ? Les comptes du roi René enregistrent en 1478 l’achat de quatre livres d’or clicant, probablement des feuilles d’un matériau cuivreux doré, à 1 florin la livre849. Beaucoup plus tard, en 1575, trente neuf livres et demie de fil d’archaud, sont estimées à 11 sous la livre850. 844 Annexe 8, doc. 18. Schäfer 1914, p. 549. 846 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882. 847 Ibid., f° 34 v°. 848 Ibid., f° 204 r° et 274 v°. 849 Arnaud d’Agnel 1908, n° 3329. 850 Annexe 8, doc. 26. 845 149 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis 2.3. Autres matières d’origines minérales Les autres matières d’origines minérales qui se retrouvent dans les accessoires du costume sont le verre, les pierres, les minéraux et, parmi les matières fossiles, le jais. Elles apparaissent dans le corpus sur des bagues ou dans le cadre de chapelets. 2.3.1. Le verre, les pierres et les minéraux La société de la seconde partie du Moyen Âge affiche une affinité toute particulière pour la couleur, et plus encore pour la lumière qui rend la couleur possible. Comme l’énonce Michel Pastoureau, les couleurs sont pour l’Homme médiéval « synonymes de lumière, de joie, de sécurité. Elles sont aussi une des composantes de la beauté, spécialement à partir du XIIe siècle : est beau ce qui est clair, brillant, lumineux. Car la couleur, ce n’est pas autre chose que la lumière qui se modifie au contact des objets et qui, reçue par l’œil, prend des nuances colorées »851. Les pierres précieuses, par la variabilité de leur couleur et de leur luminosité, fonction de l’environnement lumineux, exercent un attrait particulier. Disposées sur des pièces de vêtement ou sur des accessoires tels que des bagues, des colliers, des fermaux, des bijoux de chevelure, les pierres rendent le costume et par extension la personne qui les portent lumineux852. Le verre, par sa coloration éventuelle à l’aide d’oxydes, permet d’atteindre à moindre frais cet éclat. Il présente en outre l’avantage de se travailler aisément. Le verre est un mélange de différents matériaux dont trois sont indispensables : « la silice, élément formateur, l’oxyde de calcium qui sert de stabilisateur, et les fondants alcalins, sodiques et/ou potassiques qui facilitent la fusion du mélange. Dans de rares cas, ces alcalins peuvent être remplacés par le plomb »853. Le rôle du calcaire n’est pas conscient chez les artisans jusque dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, son apport est donc involontaire, lié à la nature des autres composés. Les cendres végétales, d’où est tirée la soude, sont souvent employées au Moyen Âge pour servir de fondant, et possèdent généralement des taux élevés de calcium, qui associés au magnésium et au phosphore suffisent pour jouer le rôle de 851 Pastoureau 1985, p. 35. Se reporter également à Verdon 1996, 2010², p. 184-185. Dans Jaufre (vers 1180), vers 9884-9885 : e-is oils son tan clars et tan bel que semblon que carboncle sía traduits par les auteurs en « ses yeux sont si brillants et si beaux qu’on dirait des escarboucles » (Lavaud et Nelli 2000²) 853 Foy 1998, p. 101. 852 150 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis stabilisant854. Jusqu’au IXe siècle, les artisans du sud de la France ne font que transformer des masses de verre importées. Par la suite, la grande majorité des artisans se procure les matières premières nécessaires à l’élaboration du verre brut, et au besoin y mêle du verre cassé ou groisil par économie de matériaux et pour faciliter et accélérer les réactions d’élaborations du verre855. Toutefois, les fouilles d’épaves méditerranéennes des XVe et XVIe siècles montrent que le verre brut circule toujours856. Quant aux colorants et décolorants, leur origine géographique est fort diversifiée. Entre gisements locaux ou lointains, les artisans font leur choix en fonction de la couleur, de l’intensité voulue et de la clientèle visée857. Le groisil et la soude, que la Provence produit en quantité, font l’objet d’un commerce parfois régenté par les autorités. Les verriers ruraux s’approvisionnent auprès de merciers qui en tiennent en petite quantité, ou dans les grands centres urbains tels qu’Avignon ou Marseille. À Marseille, le prix du groisil est fixé par délibération du conseil municipal, et est soumis au monopole de l’atelier local. Toutefois, le verrier est généralement dépendant d’un marchand qui lui apporte la matière première et emporte les produits finis858. De nos jours, l’expression « pierres précieuses » s’applique à quatre pierres : le diamant, l’émeraude, le rubis et le saphir, variétés rouge et bleu du corindon. Les autres sont qualifiées de « pierres semi-précieuses » ou de « pierres fines ». Au contraire, au Moyen Âge comme l’illustrent les lapidaires, le champ d’application de cette locution est autrement plus vaste puisqu’il comprend de nombreuses pierres fines, des matières d’origines végétales telles que l’ambre et le jais, animales comme le corail et la perle ainsi que des pierres fabuleuses. Une longue tradition antique a laquelle ont contribué Aristote859, Damigéron et Evax860, Aaron mais aussi Pline l’Ancien dans son Histoire naturelle auquel se réfèrent très largement les Étymologies d’Isidore de Séville, œuvre qui fut une source majeure des lapidaires à partir du XIIIe siècle861, attribue aux pierres des propriétés magiques862. Celles-ci ont pu avoir un rôle dans le choix des pierres ou des verres colorés en bijouterie. Nous y revennons plus en détail et à plusieurs reprises dans le chapitre 3.4. 854 Foy et al. 2000, p. 422-424. Foy 1998, p. 108, 114. 856 Foy et al. 2000, p. 420. 857 Foy 1998, p. 115-119. 858 Ibid, p. 114. 859 Se reporter à Mély 1894. 860 Voir Halleux et Schamp 1985. 861 Se reporter à Draelants 2008. 862 Quelques exemples de publications de lapidaires de la fin du Moyen Âge : Meyer 1862, Pannier 1882, Gontero-Lauze 2007, Gontero-Lauze 2010. 855 151 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis Les pierres (fig. 19 et 20) n’apparaissent dans les tarifs de péage provençaux qu’à Avignon, à partir de la fin du XVIe siècle. Sous la dénomination Pierrerie fine et faulce en œuvre ou sans œuvre, taxées à 12 deniers par valeur de florin en 1582, 16 deniers en 1599 et 1600, 8 deniers en 1615 et 1634. Ces pierres proviennent très certainement pour la plupart de gisements africains, d’Asie centrale ou d’Inde, mais la documentation provençale reste à peu près muette ou d’un faible intérêt à cet égard. La Syrie, façade maritime des produits orientaux à destination des pays d’Europe occidentale et du Maghreb apparaît comme un passage obligé. Ainsi, entre 1570 et 1574, les Manlich en importent des pierres précieuses863. Quel chemin ont-elles suivi pour arriver sur les côtes orientales de la Méditerranée ? Répondre à cette question demanderait de longues recherches qui ne se justifient pas dans le cadre de cette thèse. Il est nécessaire cependant d’évoquer la piste de matériaux d’origine locale ou assez proche pour certaines pierres ou minéraux. Il existait par exemple une manufacture de cristal de roche à Briançon dans les Hautes-Alpes avant la Révolution française864. Ce minéral, souvent facile d’accès, est particulièrement courant dans les zones montagneuses. La vallée du Rhône a peut-être joué un rôle dans sa diffusion. Il est mentionné (crestalh, crestayl, provençal) dans des tarifs arlésiens des XVe et XVIe siècles865. Absent du tarif d’Avignon du début du XIVe siècle, il est taxé à l’état non ouvré (cristail non obrat) 1 florin 16 sous le quintal à la fin du XIVe siècle, et se retrouve encore dans les tarifs de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle, mais mesuré à la livre (cristail non ouvre pour livre). À Carqueiranne, de la malachite est présente dans les schistes siliceux, et d’après N. Noyon, « on en a poli autrefois quelques fragments pour orner des bracelets »866. Le jaspe se retrouve dans le massif de l’Estérel867. À La Molle, au milieu de granits feuilletés, et à Agay, N. Noyon signale de la serpentine « dure, opaque, d’un vert foncé, mouchetée de taches de même couleur, en teinte plus claire, coupée par quelques veines de talc » et susceptible d’un beau poli868. Le grenat est présent dans les micaschistes cristallins du Dauphiné, de l’Estérel et du Massif des Maures, notamment dans le vallon de Vaubarnier, près de Collobrières, où il a fait l’objet d’une exploitation temporaire au milieu du XIXe siècle869. F. Benoit s’avance un peu rapidement en établissant un lien entre la présence de ces gîtes 863 Billioud 1951, p. 247, 265. Bonnaire 1802, p. 36. 865 AD BDR Aix, B 1490, f° 1 - 32 v°. 866 Noyon 1846, p. 65. 867 Darluc 1786, p. 315-326. 868 Noyon 1846, p. 65-66. 869 Benoit 1960, p. 222-223. J.-P. Risterucci signale un autre gisement près de Collobrières, dans le vallon de Valescure, et à La Garde-Freinet, au lieu-dit la Roche Blanche (1979, p. 145-146). 864 152 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis minéraux et la mention d’ateliers de taille à Arles et Cimiez durant l’Antiquité870. Aucun élément ne permet de corroborer cette hypothèse, même si une origine locale reste aussi à envisager pour le Moyen Âge. Le 17 mai 1441, c’est l’extraction de la pierre spéculaire lapidem dictum lapistale fulhos et sa conversion in lanternis et verialibus et aliis usibus utilibis qui donne lieu à la constitution d’une société pour deux ans871. Stéphane Jay, marchand de Gebenensis, avance 16 florins et 7 gros et un âne à poil gris apprécié d’un commun accord à six florins et demi. De son côté, Tropet Macary, agulheterius de Nice et habitant d'Aix, se chargera de l’extraction. Cependant, la mine mineta sive mina est bien lointaine, elle se situerait in partibus alamanie, c’est-à-dire quelque part dans une large zone « englobant non seulement ce que nous appelons aujourd’hui les Allemands, mais encore les Autrichiens, les Suisses et les Alsaciens, les Hongrois, les Flamands ou les Luxembourgeois »872. Dans les comptes de la chambre apostolique, les pierres, fournies par les orfèvres qui les mettent en œuvre, sont extraites de vieux bijoux pontificaux873 ou apportées par quelques marchands souvent italiens. Ces derniers ne sont pas spécialisés dans leur vente, ils livrent en effet de nombreuses autres marchandises à la cour pontificale, et les pierres n’en constituent qu’une petite partie. Régulièrement, ils servent d’intermédiaire entre la cour et des artisans ou d’autres marchands auprès desquels ils font réparer ou se procurent de l’orfèvrerie. La part de recyclage est certainement majoritaire, notamment pour les pièces les plus coûteuses, entraînant des réutilisations et des retailles sur de nombreuses générations. Dans les comptes du roi René, la presque totalité des pierres précieuses est fournie par des orfèvres qui souvent les mettent en œuvre. Les comptes de la chambre apostolique d’Avignon livrent de nombreux noms et prix de pierres précieuses ou pierres fines874. Même si cela n’est pas précisé, les pierres sont certainement déjà taillées car cette opération n’est jamais mentionnée ni sous-entendue. La description de leur forme est exceptionnelle et ne renseigne pas sur le type de taille : en 1365, l’orfèvre Bartholomé de Sens introduit dans une mitre un saphirus rotundus et un second plus 870 Benoit 1960, p. 224. AD BDR Aix, 309 E 196, f° 104 v° - 106 r°. 872 Coulet 1975, p. 163, citant Hesse 1968, La mine et les mineurs en France de 1300 à 1550, p. 421, thèse de droit soutenue à Paris. 873 Trois anneaux en 1345 (Schäfer 1914, p. 313). 874 Se reporter à K. H. Schäfer 1911, 1914, 1937 et E. Müntz (1901, p. 11) pour quelques données sur les pierres entrant dans les roses d’or lors du pontificat de l’antipape Benoît XII. 871 153 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis longus quam rotundus875. La taille des pierres brutes demande un savoir-faire très particulier grassement payé. Au début des années 1470, Antoine de Cruce, argentier du roi René, confie à Pierre Grossellier, taliator diamentum sive diamans, 19 pecias diamentum du poids de 26 caralum sive carras876. Il lui est demandé de les tailler et polir « en table » comme c’est l’usage : pro taliando et poliando sive poli bene et decentum videlicet in talibus est consuetum et recevra 40 écus d’or une fois le travail accompli. Le 19 juin 1473, l’artisan avoue ne pas avoir pu exercer son art sur 14 diamants, car ils sont restrica ad actandum. Il promet toutefois à Antoine de Cruce de les tailler et polir aussi large que possible et de les peser au poids de plomb, talhare et polire sive poli ad largitudinem et pondus plomborum, d’ici à la Toussaint pour qu’ils puissent être apportés à Lyon. À deux reprises, en 1472, l’argentier du roi achète à deux orfèvres un total de 18 carats de diamens brutz pour taillez des camaieux, c’est-à-dire des camés877. Dans les comptes de la chambre apostolique, les pierres montées ou non montées sont par ordre de fréquence dégressif : le saphir (zaphirus, saphirus), le rubis (robinus, robinus cresichus878) ou rubis balais (balasium, balacium, balastius879, balastretus880, lapides valays881), l’émeraude (smaragdus, esmeraldus, emeraudus, merandus), le grenat (granatus), et enfin des pierres mentionnées une ou deux fois telles que l’améthyste (amatistus882), le diamant (dieman, français)883, le péridot (perridodus). L’ordonnance des pierres est totalement différente dans les comptes du roi René884 : la plus courante est le diamant, il vient ensuite le rubis puis un groupe constitué du cristal de roche, de la calcédoine (cassidoine) et de la cornaline (cornalline) – une variété de calcédoine –, puis le saphir (saphir, saphirstrin), le jaspe (jaspe, jaspin) – une autre variété de calcédoine –, l’émeraude (esmeraude, emeraude), l’agate (agate) – une troisième variété de calcédoine – et, attestées à un ou deux exemplaires, le grenat, la turquoise, la pierre d’yrondelle885, l’œil de perdrix et l’œil de 875 Schäfer 1937, p. 125. AD BDR Aix-en-Provence, 307 E 94, feuille volante annexée au 19 juin 1479. 877 Arnaud d’Agnel 1908, n° 889 et 890. 878 Schäfer 1914, p. 633 (1356) ; ce terme n’a pu être compris. 879 Schäfer 1937, p. 125 (1364). 880 Schäfer 1914, p. 500 (1352). 881 Ibid., p. 153 (1341). Vraisemblablement lapidus balays. 882 Schäfer 1937, p. 199 (1367). 883 Schäfer 1914, p. 633 (1356). 884 Arnaud d’Agnel 1908. 885 La pierre d’hirondelle ou chélidoine naît dans le ventre des hirondelles d’après Le Lapidaire de Jean de Mandeville (Gontero-Lauze 2010, p. 84). Selon qu’elle tire vers le rouge ou vers le noir ses propriétés seront différentes (se reporter à Gontero-Lauze 2010, p. 161, 186-187, 256). 876 154 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis chat886. Le poids des pierres est rarement mentionné. À Avignon, en 1329, un saphir posé sur une rose d’or pèse 2 deniers et demi ; deux ans plus tard, pour une autre rose, il est employé un saphir d’un poids de 2 deniers887. En 1366, la masse d’un ensemble de 18 rubis balais est de 82 carats et demi à raison de deux florins le carat888. La moyenne est donc de 4,6 carats par rubis, soit un coût de 9,2 florins. Cependant, quelle est la masse du carat889 ? En 1472, le carat de diamant coûte de 2,21 à 2,25 florins dans les comptes du roi René890. Il existe une hiérarchie dans le prix des pierres dans les comptes de la chambre apostolique qui coïncide globalement avec le nombre d’attestations, bien que les poids des pierres ne soient pas connus. La moins coûteuse est le grenat dont la valeur varie entre environ 6 deniers et 1 florin, puis vient l’émeraude entre 8 sous et 4 florins, le saphir entre 7 florins ½ et 36 florins, le rubis à partir de 8 sous et jusqu’à 100 florins pour un exemplaire sur une rose d’or891. Aucun prix n’est spécifié pour le diamant, mais son achat combiné avec une perle en 1356 pour 10 florins permet d’envisager une valeur pour la pièce en question d’au moins 8 à 9 florins892. L’achat de pierres précieuses s’accompagne quelquefois de l’achat de pierres artificielles, en verre : en 1356 deux faux rubis (balassius arsichius)893 sont ainsi achetés, et quatre ans auparavant, il fut dépensé 1 florin 12 sous pour neuf autres exemplaires (rubinus arficius)894. En 1451, douze diamants taillés en table et un individu d’une présentation différente sont acquis ensemble 458 florins 4 gros par l’orfèvre du roi René, Charlot Raoulin, en vue de fabriquer une croix pour la reine895. L’année suivante, Raoulin trouve à Avignon un saphir (saphirstrin) pour 55 sous896 et l’orfèvre Jean Despret cède un diamant neuf valant 4 livres 10 sous897. En 1476, des marchands ou des orfèvres fournissent au roi René une émeraude au prix de 18 florins 8 gros898 et un rubis d’une valeur de 15 886 Variétés de quartz microcristallin. Schäfer 1911, p. 256 et 257. La rose d’or était un cadeau offert par le pape le quatrième dimanche de Carême à un personnage qu’il souhaitait honorer. L’exemplaire offert en 1330 par Jean XXII à Rodolphe III de Nidau, comte de Neufchâtel, comporte un saphir au centre de la fleur principale. Il est conservé au musée des Thermes de Cluny à Paris (Thermes de Cluny 2003, p. 90-91). 888 Müntz 1889-1890, p. 391. 889 Actuellement, elle est de 0,2 gr., mais cette définition date du début du XXe siècle. 890 Arnaud d’Agnel 1908, n° 889 et 990. 891 Schäfer 1937, p. 415 (1372). 892 Schäfer 1914, p. 633. Se reporter au sous-chapitre 2.5.2 sur les perles pour un ordre d’idée du prix des perles naturelles. 893 Schäfer 1914, p. 631 (1356). 894 Ibid, p. 500. 895 Arnaud d’Agnel 1908, n° 860. Le roi René est alors en Anjou. 896 Ibid., n° 850. 897 Ibid., n° 864. Achat hors de Provence. 898 Ibid., n° 991. 887 155 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis florins899, le capitaine de Peyrolles une cornaline pour 4 gros900 et l’argentier du roi lui procure plusieurs pierres estranges pour 15 florins 901 ainsi que deux diamants et deux camés pour un total de 130 florins902. En 1478, l’orfèvre Gabilleau cède au roi René un jaspe vert à goutte de sang ainsi que deux pierres contre l’epidemie qui suivent (sic) le vinaigre contre 12 florins 6 gros903. L’année suivante, Hector de Montbrun fournit un diamant au prix de 45 florins au roi René904 et un mercier une cornaline d’une valeur de 8 gros à la reine Jeanne de Laval905. Les pierres les plus luxueuses ne sont pas à la portée de toutes les bourses et ainsi on rencontre, dans l’inventaire de l’atelier d’un orfèvre de Draguignan en 1498, des loupes (lupa)906 de saphir (saphir) ou d’émeraude (hemerada), un « saphir blanc » perforé, du saphir ou de l’émeraude contrefaits (contrafactas), de l’agate (agatus), de l’onyx (obnissus) – une variété de calcédoine –, de la cornaline (cornellinus), du jaspe (jaspe), de la spinelle (spinella), de la hyacinthe (jassinta)907, du grenat (granada) dont un de Syrie (granat suriani), de la citrine (citrin), de la turquoise dont une d’Espagne (turquesia de Spagnia), des diamants dont un de Baffos, une « pointe » de diamant (una poncha de dyamant)908, deux pierres de crapaud ou crapaudine (crapaudinus), une topaze (stypacius), deux améthystes (ametistus), un camée (camaius) et des fausses pierres, doblerii sive dobles909. Le doublet est un assemblage de deux pièces superposées, cela peut être deux pierres, deux morceaux de verre ou une pierre et un morceau de verre910. Nous traitons plus en profondeur de la question des fausses pierres dans le chapitre 3.3.2.1. Dans un autre inventaire d’orfèvre, de 1587, la liste des « pierres » consiste en cinq cornalhines blanches, une pierre dicte adjacente gendarmeuze, c’est-à-dire avec un défaut911, cinq pierres peintes, des pierres dites doubles verres jaunes turquezes de nulle valleur, petites et grandes, et enfin 122 autres pierres de 899 Ibid., n° 898. Ibid., n° 913. 901 Ibid., n° 896. 902 Ibid., n° 883. 903 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1001. Le roi René est convaincu du pouvoir des pierres, il possède d’ailleurs une langue de serpent censée révéler la présence de poisons dans les aliments (n° 879, p. 302). 904 Ibid., n° 1040 905 Ibid., n° 1041 906 Pierre de transparence imparfaite. 907 Quartz hématoïde. 908 Moitié d’un diamant naturellement octaédrique. 909 Annexe 8, doc. 12. 910 Cannella 2006, p. 207. 911 Relatif à une pierre contenant un gendarme, soit un défaut. 900 156 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis toutes tailles dans ung petit pierrier – un coffret pour les pierres – nom parfaict912. Il est très probable que les orfèvres aient été les principaux acheteurs de pierres venues d’Orient ou d’autres destinations lointaines. Toutefois, ce commerce à longue distance n’a pas actuellement pu être mis en évidence dans la documentation provençale. Le reste des archives provençales se révèle assez pauvre en mentions de pierres précieuses non montées ou qui n’aient pas été réduites en poudre par des apothicaires913. En 1392, le bourgeois avignonnais Paul de Sade offre à sa future épouse de nombreux cadeaux dont un safir d’une valeur de 10 florins, 1 baylas et quatre perlas pour le même prix, une esmeralda d’une valeur de 12 florins. Après les noces, il complète son trousseau avec entre autres un petit saphir pour 2 florins 12 sous et une émeraude pour 2 florins914. En 1452, il est répertorié lors de l’inventaire après-décès du noble arlésien Alexis Caysse un diamant poyntu, une turquoise (turquesa), deux émeraudes (esmeraudas) de peu de valeur, deux rubis (robins), deux rubis balai (robins balay) dont un fracturé et perforé (fractum et perforatum), deux saphirs (saffirs), deux grenats (granats), une améthyste (matista), un camée (camahu), onze petites perles (perulae). Dans le troisième quart du XVIe siècle, le marchand marseillais Raymond Rivet s’adonne au commerce des pierres précieuses. En 1556, il fournit à Pierre Bochillon, marchand de Lyon, 639 livres 8 sous de pierreries livrables « à la franchise de la présent foyre de Pasques »915. En 1565, l’état des marchandises d’Adrien Moret, marchand d’Avignon, comprend 21 douzaines de grenats fins, grands et moyens, seize douzaines de doublets de cristal, 650 gros faux grenats916. Dix ans plus tard, l’inventaire après-décès du marchand mercier marseillais Claude Moulard répertorie 750 petits grenats taillés (coupas) à 36 sous le cent917. Le prix d’une pierre utilisée en bijouterie est fonction de multiples facteurs dont le goût n’est pas le moindre. En parcourant les contrats de mariage, constitutions de dot, inventaires après-décès, comptes de la chambre apostolique ou comptes privés, etc., il apparaît que les pierres et verres colorés sont en bien plus grande faveur que ceux qui sont blancs ou transparents. Les données archéologiques le confirment, toutefois dans une moindre 912 Annexe 8, doc. 14. La boutique de l’apothicaire aixois Jean Salvator contenait au moment de son décès en 1443 de nombreuses pierres sans doute réduites en poudre, par exemple une once de lapis lasuli et une autre sous forme de pilule (pillula). AD BDR Aix, 307 E 23, f° 140 v°. 914 Bresc 1988, p. 174, 176. 915 Billioud 1951, p. 535. 916 Annexe 8, doc. 24 917 Annexe 8, doc. 26. 913 157 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis mesure918. Ce constat tranche avec l’importance accordée au diamant dans les lapidaires médiévaux. Le diamant y est souvent présenté au début du texte, mais les traités médiévaux suivent en cela l’exemple des lapidaires antiques919. La couleur prime donc dans le choix des pierres, mais la rareté et les vertus prophylactiques et protetrices également comme le montre la prédominance du saphir, du rubis et de l’émeraude. La clarté, la taille de la pierre et le poids sont également pris en compte. Toute tentative de caractérisation de l’évolution des prix des pierres précieuses est vouée à l’échec faute d’informations suffisantes sur leur qualité. 2.3.2. Le jais Le jais est la variété de charbon la plus dure. Compact, fibreux et d’un noir luisant, son taux de carbone varie entre 75 et 80 %. Cette matière peut être taillée, tournée au tour et recevoir un beau poli. Ordinairement employée en bijouterie, sa couleur est parfaitement adaptée au « demi-deuil »920. Les lapidaires du second Moyen Âge signalent sa capacité à s’électriser par frottement921 et lui attribuent la faculté de guérir par simple contact, fumigation ou trempage dans un liquide, les maladies de peau, les maux de dents, de gencives ou d’estomac, d’agir sur l’épilepsie, de faire revenir les règles, de faciliter l’accouchement, de révéler si une femme est vierge, mais surtout le jais détruirait les sortilèges et éloignerait les serpents et autres esprits malins922. Ces « propriétés », notamment de protection individuelle, ont du avoir une influence sur son utilisation. L’Ariège et l’Aude, grâce à de nombreux gisements, ont été durant la période moderne et jusqu’à la fin du XIXe siècle les principaux centres de production d’objets en jais923. Le territoire entre Aix-en-Provence et Toulon est mentionné dans les années 1820 par les auteurs du Dictionnaire technologique comme une zone riche en jais924. Elle correspond à une partie du territoire provençal où abondent les gisements de charbon de terre. Des gîtes plus spécifiquement de jais ont été relevés par quelques auteurs modernes ou apparaissent dans les archives et laissent entrevoir la possibilité d’exploitations anciennes. En outre, à la fin du 918 Se reporter aux chapitres 3.4.2 et 3.4.7. Gontero-Lauze 2010, p. 53. 920 G. A. 1795 ; Déjean 2007, p. 10. 921 Traduction du Lapidaire de Marbore de Rennes : « Quand elle est frottée et chauffée, lorsqu’on essaye de la broyer, elle attire la paille à elle et la retient » (Gontero-Lauze 2010, p. 161). 922 Gontero-Lauze 2010, p. 161-162, 199, 256-257. 923 Déjean 2007, p. 10. 924 Francoeur et al. 1822-1825, t. 10, p. 337. 919 158 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis XVIIIe siècle, M. Darluc signale que « toutes les mines de ce fossile ne sont plus en valeur en Provence où l’on avoit construit autrefois des fabriques pour le travailler »925. La documentation provençale relative à l’exploitation du jais est cependant inexistante à l’heure actuelle pour la période d’étude. La quantité d’objets en jais dans le corpus mobilier et dans les sources d’archives consultées est assez faible pour le Moyen Âge et le XVIe siècle. La popularisation de son emploi à partir du XVIIe siècle, mais surtout au siècle suivant, n’est pas sans coïncider avec la documentation écrite provençale. Le 12 décembre 1714, le roi permet par lettres patentes à l’Intendant de Provence de faire exploiter durant vingt ans les mines de jayet, vitriol et couperoze qui etoient pour lors decouvertes ou qui pourroiens l’estre à Peynier, Mazauges et autres lieux voisins dans le diocèse d’Aix, mais il meurt peu de temps après. Peu après, des particuliers ont fait quelques ouvertures dans différents terrains producteurs de jais, mais de manière irrégulière, et en récupérant un produit de mauvaise qualité car ils n'avaient pas les moyens nécessaires pour faire des puits et des galeries assez profondes926. Le sieur Baron se propose de remettre ces mines en exploitation, et demande une autorisation pour, durant vingt années, exploiter les mines de jais, de vitriol et de couperose qui ont été ou pourront être découvertes sur les terroirs de Mazauges, Peynier, Forcalquier et les dépendances de la Sainte-Baume en Provence, à charge pour lui de faire façonner et débiter les matières où il le voudra dans le royaume. Suivent les dispositions d’usage spécifiant que l'exploitation devra se faire sans interruption sous peine de perdre ses droits, et qu’il devra dédommager les propriétaires des terrains touchés par l'exploitation sur l'avis d'experts. Il en reçoit l’autorisation par lettres patentes du roi en date du 20 mai 1747927. Il ne semble pas que le projet ait été mené à son terme car en 1749, on apprend par une délibération du corps de la noblesse de Provence, que son président, de Thomassin, marquis de Peynier, avait passé un traité avec des entrepreneurs pour l’exploitation d’une mine de jais928. Une trentaine d’années plus tard, les travaux semblent avoir été arrêtés depuis quelque temps déjà lors du passage de M. Darluc qui note que les mines de jayet de Mazaugues ont fonctionné en même temps que celles de Peynier, au pied du massif du Regagnas929. Les environs de Brignoles apparaissent comme le lieu d’une concentration importante de gisements. En 1846, N. Noyon mentionne un filon autrefois exploité au sommet d’une chaîne de montagnes calcaires, dans le territoire de La Celle, au quartier d’Engarden. La 925 Darluc 1782, p. 151. AD BDR Aix, B 3420, f° 225 v° - 226 r° 927 AD BDR Aix, B 3420, f° 219 v° - 225 r° et 225 r° - 229 r°. 928 AD BDR Aix, C 109, f° 521 r°. 929 Darluc 1782, p. 145. 926 159 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis puissance de la veine est à cette époque encore considérable930. Dans la même zone, M. Darluc signale, en 1782, l’existence d’un gisement encore non exploité au bas d’une montagne « qui va du Midi au Levant ». À deux lieux au nord de Brignoles, la montagne de Canderon contient également des mines de jais931. 930 931 Noyon 1846, p. 69. Darluc 1782, p. 151. 160 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis 2.4. Les matières dures d’origines végétales L’ambre et le bois sont les deux seules matières dures d’origines végétales qui se rencontrent dans les accessoires provençaux du costume et signalés dans les archives ou retrouvés archéologiquement. 2.4.1. L’ambre L’ambre jaune (fig. 19 et 20), aussi appelée succin, est une oléorésine fossile sécrétée par des conifères932. Dure et souvent translucide, il s’électrise par frottement tout comme le jais. Pour cette raison sans doute, le Lapidaire de Jean de Mandeville lui attribue des propriétés similaires933. Les apothicaires provençaux en conservent dans leur boutique pour des préparations médicinales, la médecine médiévale lui conférant diverses vertus934. Outre la nature et la couleur très particulière de ce matériau qui ont certainement joué dans son attrait, il n’est pas impossible que les qualités qui ont pu lui être attribuées dans la protection individuelle, notamment de la petite enfance935, aient eu parfois un rôle déterminant dans le port des chapelets d’ambre. Ces accessoires sont en effet presque exclusivement les seuls objets en ambre présents dans les archives notariales. Or le chapelet est un bijou aux propriétés et à la fonction particulière936. Il est commun de dire que l’ambre jaune vient de la Baltique qui, s’il est le plus important, n’est pas le seul gisement en Europe : de petits gîtes terrestres sont attestés un peu partout en Europe Occidentale937. Rares sont les données qui attestent de l’origine de l’ambre rencontrée en Provence. Il en est de même pour celles ayant trait au commerce de la matière première. Durant l’été 1248, Arnaud Bousquet donne en commande à Léonet Vienne vingt livres de monnaie mêlée en trois quintaux et demi d’ambre, à destination de Naples, sur le 932 Lapidaire de Jean de Mandeville, traduit par V. Gontero-Lauze (2010, p. 271) : « Certains disent que c’est de la gomme d’arbre, mais je n’en sais rien, cependant je sais bien qu’on la trouve dans la mer et dans de nombreux autres fleuves et rivières. » 933 Traduction par V. Gontero-Lauze (2010, p. 271). 934 Bénézet 1999, p. 529. V. Girard et D. Néraudau mentionnent les propriétés suivantes : « antispasmodique, aphrodisiaque, tranquillisant, soignant les ulcères, les maux de gorges ou encore les problèmes cardiaques » (2009, p. 36). La boutique de l’apothicaire aixois Jean Salvator contenait à sa mort en 1443 une once d’ambre (AD BDR Aix, 307 E 23, f° 141 v°). 935 Alexandre-Bidon 1987, p. 8. 936 Se reporter au chapitre 3.4.8.1. 937 Girard et Néraudau 2009. 161 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis Gerfaut938. À Marseille, lors des ventes à l’encan, l’ambre, qui se pèse à l’once (onsa) est imposé à 1 obole par valeur de 20 sous. À Toulon, le tarif des droits de rivage et de leyde de 1442 taxe l’ambre ecastori à 2 deniers la livre lorsqu’il est vendu939. En 1573, les Manlich, négociants allemands de Marseille expédient en Espagne et au Maroc deux caisses d’ambre d’un poids total de 328 livres et demi940, ils exportent également des chapelets d’ambre941. Leur situation en Allemagne, compromise par des évènements politiques et par leur imprudence, les avaient forcés à s’expatrier. Arrivés à Marseille en 1571, ils s’essaient au commerce méditerranéen942. Les relations qu’ils ont pu conserver dans leur patrie d’origine, dont la Baltique baigne une partie des côtes, expliquent certainement ces envois de marchandises. Un tarif de péage d’Avignon, daté d’après l’écriture de la fin du XIVe siècle par P. Pansier943, fixe la taxe de l’ambre d’Allemagne à 4 sous par livre, à 3 sous s’il est sous la forme de patrenostres. L’ambre des Flandres en patenôtres est imposé à 6 sous la livre s’il est cuit (cuecha), à 4 sous s’il ne l’est pas. Cette différence dans la taxation provient probablement d’une qualité de produit plus estimée944. La matière première ne vient sans doute pas de Flandres – son nom est certainement une dénomination commerciale – mais de Baltique ou bien encore d’autres gisements de moindre envergure. La provenance locale n’est pas non plus à écarter, des gîtes de succin existent en Provence ou à proximité : dans la montagne de Lure et à Martigues, dans les Alpes-de-Haute-Provence, mais aussi dans la Drôme et en Ardèche. Cependant, la quantité et la qualité de la matière première sont-elles suffisantes ? Des échantillons ont été récoltés au XVIIIe siècle dans les Alpes-de-HauteProvence, dans le terroir de Lardiers, d’autres dans les environs de Sisteron, mais ces derniers ont été jugés de peu d’intérêt par l’Académie royale des Sciences d’après M. Darluc945. Les résultats du projet ArchéoAmbre, initié en 2009, qui a pour objectif d’identifier l’origine d’objets préhistoriques et antiques en ambre grâce à de nouvelles techniques d’analyse physico-chimiques non destructrices946, seront à examiner de près pour éventuellement envisager une application aux périodes médiévale et moderne. 938 Blancard 1884-1885, t. 2, p. 75. Tarif dans AD BDR Aix, B 1490, f° 98 r° - 105 v°. 940 Billioud 1951, p. 535. 941 Sayous 1935, p. 406. 942 Ibid., p. 389. 943 Pansier 1926a, p. 40-63. 944 Par exemple, l’ambre gris, substance odoriférante, est taxée à 1 florin 16 sous la livre ! 945 Darluc 1784, p. 61, 120-121. 946 Girard et Néraudau 2009. 939 162 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis 2.4.2. Le bois Les processus post-dépositionnels sont rarement favorables à la conservation des objets en bois : il n’est donc pas étonnant que notre corpus ne contienne aucun objet dans ce matériau. Cependant, les sources d’archives signalent parfois des perles en bois : l’inventaire de 1471-1472 du château d’Angers appartenant au roi René enregistre des paires de patenôtres en bois d’essence inconnue947. Le même document signale ung petit benoistier de racine de bouys, ouvré à ymages, et ou davant a une ymage de Nostre Dame de Pitié948, ainsi qu’une petite sallière de racine de bouys949. Aucun élément ne permet toutefois d’imaginer que ces objets ont été produits ou vendus en Provence. Les tarifs du péage d’Avignon de 1582, 1599 et 1600 mentionnent les pater noster de boys. Elles apparaissent sous la dénomination patrets de buis en 1615 et 1634. La part des accessoires du costume en bois est donc certainement plus importante que ne le laissent entrevoir les fouilles archéologiques médiévales et modernes. Le commerce des objets en buis est illustré très tôt dans les archives provençales : les minutes du notaire Amalric consignent l’envoi en 1248, au départ de Marseille et à destination de Pise, de peignes (pectines)950 et de presque trente-deux mille baguettes en buis (astellarum de buxide) au prix de 5 sous génois le millier951, mais rien ne permet d’affirmer que ces pièces sont tirées d’arbres locaux. Le travail du buis en Provence est renseigné par des signalements de voyageurs. Le récit du voyage du cardinal d’Aragon en France en 1517 par son secrétaire et chapelain Antonio de Beatis nous fournit une information d’importance. Lors du retour en Italie, ils passent, entre Montélimar (Drôme) et Avignon, au milieu d’une campagne « où on trouve beaucoup de buis et une quantité considérable de lavande »952. Deux siècles et demi plus tard, dans son Histoire naturelle de la Provence, M. Darluc mentionne les tourneurs d’Aiguines, de La Palun et de Trigance dans le Var, qui travaillent le buis pour en faire des boîtes ou des boules à jouer953. Il regrette leur âpreté au gain qui engendre des arrachages massifs dans leur terroir. Cette surexploitation entraîne une détérioration de la qualité des terres 947 Ibid, n° 642, p. 266 et 267. Lecoy de la Marche 1873, n° 642, p. 266. 949 Ibid., n° 642, p. 267. 950 Blancard 1884-1885, t. 2, n° 733 et 734. 951 Ibid, t. 2, n° 978. 952 Breton 1991, p. 48. 953 Darluc 1782, p. 469 et 473-474. 948 163 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis consécutivement à l’érosion, les racines ne retenant plus le terrain. Du buis, encore, est signalé par cet érudit dans la vallée de Feichau, dans le diocèse de Gap, mais il est employé comme compost après pourrissement954. En 1804, A.-L. Millin, lors de son voyage dans le Sud de la France signale que les villages voisins de Moustiers (Alpes-de-Haute-Provence) sont peuplés de tourneurs qui travaillent le buis955. Ces quelques témoignages montrent que la probabilité d’une origine locale du buis signalé dans les archives ou retrouvé en contexte archéologique pour la période moderne durant laquelle ce bois est d’un grand usage pour les chapelets, est assez forte. 954 955 Darluc 1784, p. 124. Millin 1807-1810, t. 3, p. 58. 164 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis 2.5. Les matières dures d’origines animales956 Les matières dures d’origines animales utilisées pour la confection des accessoires du costume sont relativement diversifiées. Les plus courantes sont le corail et l’os. La perle, la nacre et les autres matériaux sont relativement rares. 2.5.1. Le corail Le corail (fig. 19 à 21) rouge (corallium rubrum) est un animal colonial constitué de multiples polypes inclus dans une masse tissulaire commune, le cortex. Celui-ci fait un manchon autour d’un axe calcifié qui constitue le squelette commun à toute la colonie. Cet axe, le polypier, est le matériau utilisé en bijouterie957. Sa couleur d’un rouge plus ou moins intense est due à des pigments caroténoïdes et varie régionalement sans que les facteurs en cause aient été à ce jour identifiés. Certaines branches peuvent être albinos958. Ce matériau précieux est mis en œuvre en bijouterie sous des formes très variées comme des manches de couteaux959, une fourchette, des poinçons et un sifflet960, une fontaine961, une garniture de ceinture962, mais aussi plus ordinairement, comme l’illustrent les découvertes archéologiques et les sources d’archive, sous forme de perles. La chaîne de façonnage du corail produit un certain nombre de déchets conservés pour la pharmacopée963. Les médecins médiévaux, à la suite des auteurs antiques et arabes, lui attribuent la propriété de faire cesser les écoulements quels qu’ils soient et de guérir les maladies des gencives. À partir du XIIIe siècle, il est jugé utile pour guérir les maux d’estomac lorsqu’il est suspendu au cou, pour prévenir ces mêmes maux d’estomac et éviter les excès de boisson quand un morceau est conservé dans la bouche lorsqu’on boit964. Il n’est donc pas étonnant de le 956 Marie-Astrid Chazottes, doctorante au LA3M, réalise actuellement une thèse sur l’artisanat des matières dures d’origines animales. Les matériaux de cette partie y seront traités de manière plus approfondie. 957 Harmelin 2000, p. 12-13. 958 Ibid., p. 13. 959 En 1479, le baleinier du viguier rapporte onze livres de corail en gros morceaux pour faire des manches de couteaux (Reynaud 1951, p. 410). 960 Arnaud d’Agnel 1908-1910, t. III, p. 344. 961 Giraud 1941, p. 53. 962 Laplane 1843, t. 2, p. 516-517. 963 Bresc 2000, p. 46. 964 Magdelaine 2000, p. 246. 165 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis retrouver dans les inventaires d’officines d’apothicaires du bassin occidental de la Méditerranée. Une étude menée par J.-P. Bénézet sur 140 d’entre eux relève 57 occurrences pour le corail rouge, 47 pour le corail blanc, une pour le corail noir – qui a absorbé des substances organiques –, et 32 cas où sa couleur n’est pas spécifiée965. Les lapidaires médiévaux, ouvrages à la fois allégoriques, théologiques et médicaux reprennent ces applications et lui attribuent la capacité de protéger de la foudre et de la tempête, de protéger les cultures des intempéries, de chasser les esprits malins966. Ces différentes facultés ont pour conséquence que le corail est jugé particulièrement adapté à la protection des jeunes enfants. Porté en collier, en bracelet, en pendentif, à l’état de branche ou sous forme de perles, au contact du corps, il se rencontre régulièrement dans l’iconographie médiévale mais aussi dans les trousseaux et livres de raison de la bonne société italienne967. La distribution géographique du corail rouge est essentiellement cantonnée à la Méditerranée occidentale, mais quelques colonies se retrouvent en mer Adriatique, en mer Ionienne et en mer Égée (fig. 21). Cependant, tous les gisements ne sont pas forcément connus ni même toujours exploitables notamment à cause de leur profondeur, du relief sousmarin et des dimensions parfois minimes des individus. Les marseillais portent un grand intérêt à la pêche et au commerce du corail au moins depuis la première moitié du XIIIe siècle. Une activité de transformation semble s’y être mêlée assez tôt. Cette industrie de luxe est alors contrôlée dans sa majeure partie par un noyau réduit de personnages appartenant à la bourgeoisie commerciale comme Pierre Austria, Julien de Casaulx, Nicolas Brasfort et la famille Favas à la fin du XIVe siècle968, Jean et Bertrand Forbin dans la première moitié du XVe siècle969. Ces personnages recrutent des équipages pour leur propre compte ou se fournissent auprès de corailleurs indépendants. Une partie de la matière première est aussitôt exportée, le restant est remis aux ouvriers spécialisés qu’ils emploient pour être, le plus souvent, transformé en perles elles aussi exportées. Ces activités sont en déclin au milieu du XVe siècle. Ce déclin coïncide pourtant avec un renouveau du 965 Bénézet 1999, p. 521. Un inventaire d’apothicaire avignonnais du 25 avril 1432 mentionne une livre et quart de corail, mais il n’est pas précisé s’il est sous forme de fragments ou de poudre (Pansier 1925-1927, t. 2, p. 145). L’inventaire après-décès des biens de Jean Salvator, apothicaire d’Aix (307 E 23, f° 135 v° - 144 v°), réalisé en 1443, contenait un quarteron (quarterum) de corail blanc et rouge (coralhus albus et rubeus) 966 Gontero-Lauze 2010, p. 163, 184, 188, 258. 967 Alexandre-Bidon 1987. Une réflexion sur les bijoux en corail à valeur prophylactique est menée dans le cadre de l’étude des accessoires du mobilier à partir des sources d’archives et iconographiques, chapitre 3.4.5. 968 Maurel 1988, p. 106 ; Baratier 1951, p. 75-84, 86 ; Bresc 2000, p. 45, 49. 969 Maurel 1988, p. 106 ; Reynaud 1951, p. 510. 166 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis commerce avec le Levant, gros consommateur, mais le corail est remplacé dans les exportations marseillaises par les draps des Pays-Bas et du Languedoc970. F. Reynaud propose d’y voir un désintéressement des marseillais pour cette matière, leur attention se portant vers l’industrie textile971. N’est-ce pas plutôt l’arrivée des capitaux barcelonais et italiens et leur mise en exploitation des côtes barbaresques, ainsi que des événements politiques, qui sont la cause de l’évincement progressif des marseillais des zones de pêche972 ? C’est ce que pense H. Bresc qui n’hésite pas à parler d’une guerre économique, entre Marseille et Barcelone, perdue par les marseillais. Des italiens et des espagnols se rencontrent rapidement sur les côtes de Provence. En mars 1468, par exemple, une compagnie de florentins et de vénitiens se fait concéder pour dix ans la pêche du corail entre l’embouchure du Var et celle du Rhône973. Deux ans plus tard, un contrat entre des pêcheurs cannois et un marchand barcelonais spécifie que les provençaux s’activeront pour lui durant tout l’été, à bord de sept barques, et lui vendront le corail à un prix fixé par avance974. C’est auprès de pêcheurs cannois que des marchands grassois viennent se fournir en corail brut pour le revendre notamment à des confrères d’Avignon975. En 1477, un pêcheur de La Ciotat vient se procurer des filets à corail à Marseille976. La cité marseillaise n’est donc pas le seul centre de pêche sur la côte provençale, mais il est celui qui a été le mieux étudié par les historiens. Ainsi, aucune information n’a pu être récoltée dans le temps limité de cette thèse sur les ports de Cassis, de Saint-Tropez977, de Nice ou de Villefranche978 dans les eaux desquels il est attesté à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle une exploitation des fonds corallifères. Que ce soit dans la seconde partie du Moyen Âge ou au début de l’Époque moderne, une part importante de la pêche par les bateaux marseillais979 est effectuée sur les côtes de 970 Reynaud 1951, p. 792 ; Baratier 1966, p. 157. Reynaud 1951, p. 652, 793. 972 Bresc 2000, p. 42. 973 Reynaud 1951, p. 652. 974 Malaussena 1989, p. 182. 975 Ibid., p. 182. 976 Reynaud 1951, p. 652. Lors de sa visite de la Provence, A.-L. Millin constate que « Les corailleurs, ou pêcheurs de corail, traînent avec leur bateau un grand filet appelé salabre, qu’un poids de plomb fait plonger au fond de la mer ; ce filet s’embarrasse dans les branches du corail, qu’il entraîne quelquefois par morceaux, mais souvent entières et adhérant encore à la portion de rocher qui s’est détachée : quelquefois aussi ils commencent par briser avec des pieux armés de fer les masses de rocher où ils soupçonnent du corail. » (1807-1810, t. 2, p. 589). 977 Papon 1780, p. 174 et 220. 978 Millin 1807-1810, t. 2, p. 589. 979 Il existe quelques contrats où la zone de pêche n’est pas localisée. Le 18 mais 1430, il est constitué une société pour la pêche du corail entre Jean Forbin et Jean Goron, marinerius, qui spécifie que ce dernier pourra aller où il le veut : AD BDR Marseille, 351 E 240, f° 60 r° - 61 r°. 971 167 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis Sardaigne, notamment dans la partie nord-occidentale autour du port d’Alghero980. Les eaux provençales sont également le lieu d’une récolte de grande envergure, même si la pêche le long du littoral est mal renseignée pour les périodes anciennes. Aux XVe et XVIe siècles, la récolte des coraux est particulièrement intense à proximité des îles d’Hyères (les stoechades)981. Les fonds marins catalans, portugais, siciliens - au large de Trapani, près du cap Drepanum et dans les îles éoliennes - et le golfe de Naples982 sont également l’objet de l’attention de corailleurs983. Toutefois, il faut compter dans ces zones avec la concurrence des génois et des catalans qui y pratiquent ou y font pratiquer pour leur compte la pêche du corail984. Les côtes catalanes s’ouvrent à la pêche par les marseillais au milieu du XIIIe siècle, et le golfe de Naples dans le dernier tiers du XIIIe siècle985. Quant aux côtes barbaresques, leur importance devient considérable à partir de la fin du XVIe siècle avec la constitution de sociétés de pêche du corail spécialement créées pour exploiter les richesses corallifères de ces régions986. Auparavant, dans la seconde moitié du XVe siècle, les italiens et les catalans ont eu la mainmise sur cette zone avec l’octroi régulier de droits de pêche exclusifs à des compagnies contre redevance987. La pêche réalisée sur les côtes du Maghreb atteint des proportions considérables. En 1559-1560, il est récolté 56 000 livres de corail pour une valeur de 130 000 livres par la compagnie marseillaise Lenche988. Entre 1575 et 1591, cette compagnie en recueille 400 000 livres (poids) mais seuls 242 000 livres sont envoyés à Marseille, le reste est vendu sur place aux indigènes ou envoyé vers d’autres destinations, notamment l’Italie989. Les populations du Maghreb n’attendirent pas les interventions des occidentaux pour s’intéresser à cette ressource le long de leur littoral. Des descriptions de géographes arabes et de commerçants juifs des Xe - XIIe siècles, ainsi que des recherches historiques anciennes le révèlent990. Au XIIe siècle, la ville de Marsacarès-La Calle aurait compté près d’un millier de pêcheurs de corail sur une cinquantaine de barques991. 980 Voir par exemple AD BDR Marseille 351 E 123, f° 369 r° - 369 v°, 23 octobre 1386. Masson 1908, p 9 ; Malaussena 1989, p. 181. Maurel 1988, p. 105. 982 Par exemple, en 1431, Jean Forbin est contraint de payer une rançon pour deux marins capturés par les catalans alors qu’ils pêchaient dans les mers du roi de Naples : AD BDR Marseille, 351 E 241, f° 2, 27 mars 1431. 983 Maurel 1988, p. 105. Bresc 2000, p. 41-42. 984 Masson 1908, p. 9-10. Bresc 2000, p. 41. 985 Bresc 2000, p. 42. 986 Voir à ce sujet Masson 1908. 987 Maurel 1908, p. 10 ; Bresc 2000, p. 42 ; Gourdin 1986 et 1990. 988 Giraud 1936, p. 38-40. 989 Masson 1908, p. 117. 990 Bresc 2000, p. 40-41 ; Gourdin 1986, p. 134. 991 Bresc 2000, p. 41. 981 168 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis Les importations sont rares et semblent surtout consister en pièces d’exception. Elles coïncident d’ailleurs avec cette période durant laquelle les marseillais délaissent la pêche du corail. En 1479, le baleinier du viguier rapporte onze livres de corail en gros morceaux pour faire des manches de couteau 992 . Dans les années 1470, le roi René fait acheter quelques branches de corail à des galéasses vénitiennes de passage à Marseille993 et des objets dans ce matériau à Barcelone994. Les exportations de corail brut depuis Marseille ou depuis les ports italiens et catalans se font majoritairement à destination du Levant, et notamment des ports de Beyrouth et d’Acre, d’où une partie de la marchandise est expédiée vers l’Orient995. Ces régions sont en effet friandes de ce matériau. Des envois sont également réalisés dans une faible proportion vers la Barbarie, la Sicile, l’Italie ou l’Espagne. En 1235, Jean de Manduel met en commande plusieurs centaines de livres de corail (cora(i)llus) à destination de la Syrie et de Tunis996. Quelques années plus tard, en 1248, les notules du notaire Almaric font état de l’exportation de plusieurs milliers de livres de corail à destination d’Acre997, d’un millier et demi à destination de la Sicile998, de quelques unités pour Bougie999 en Barbarie. Des documents datés de 1278 et 1296 attestent de l’envoi de quelques livres de corail respectivement vers Alexandrie1000 et Majorque1001. Le Levant et notamment le port de Beyrouth est encore le destinataire de la grande majorité des exportations marseillaises à la fin du XIVe siècle1002. Des génois en achètent aux marseillais pour compléter leur cargaison vers cette région de la Méditerranée1003. Les tarifs de péage provençaux constituent une preuve supplémentaire, si besoin est, de l’importance de Marseille dans le commerce du corail. Celui-ci est faiblement taxé dans le tarif de la table de mer marseillaise de 1228, seulement 4 deniers la caisse, et en est absent en 992 Reynaud 1951, p. 410. Arnaud d’Agnel 1908, n° 2726. 994 Ibid., n° 722, 724, 728 995 Pour les exportations italiennes et catalanes voir par exemple Bresc 2000, p. 49-50. 996 Blancard 1884-1885, t. 1, p. 102-103, doc. 68 et 69. 997 Ibid., t. 1, p. 327-328, doc. 152, p. 358-359, doc. 226, p. 370-371, doc. 253, p. 387-388, doc. 304 ; t. 2, p. 22, doc. 399 (notule annulée pour cause de changement d’accord), p. 135, doc. 651. 998 Ibid., p. 51-52, doc. 467 ; p. 97-98, doc. 559. 999 Ibid., t. 2, p. 111-112, doc. 591. 1000 Ibid., t. 2, p. 415, doc. 14. 1001 Ibid., t. 2, p. 451-453, doc. 92. 1002 3000 florins en corail par le catalan Bernard Adhémar, d’Alghero : Baratier 1951, p. 205, 248 ; envoi de 18 caisses de corail par Julien de Casaulx et 5200 florins par Guillaume de Favas en 1382 : Baratier 1951, p. 237 ; 15 caisses de corail par François Braccifort en 1381 : Baratier 1951, p. 243. 1003 Baratier 1966, p. 157. 993 169 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis 1298. La leyde des fers et casses de la cité portuaire impose le quintal de corail à 3 deniers au XIIIe siècle et au XVe siècle1004, à 6 deniers le centenier s’il est vendu à l’encan en 12281005. La disposition des attestations montre l’importance de Salon dans un trafic qui apparaît tourné vers la vallée du Rhône, voie de pénétration vers des territoires plus septentrionaux. Au début du XIVe siècle, un certain nombre de marchands cessent de débarquer leurs marchandises à Marseille ou de remonter le Rhône et déchargent les navires à Port-de-Bouc. Ils profitent ainsi de la situation privilégiée de l’étang de Berre et payent moins de péage1006. Peut-être est-ce une des raisons qui conduisent à l’apparition d’un tarif de péage de Salon distinct de celui d’Aix-en-Provence. Cependant, l’activité commerciale ne progresse réellement à Port-deBouc qu’à la fin du XIVe siècle1007, donc à une époque contemporaine du tarif d’Avignon. Un trafic commercial plus intense passe donc par Salon et celui-ci conduit sans doute la ville à une période de prospérité à partir du milieu du XVe siècle1008. Un compte des droits perçus sur les navires et les marchandises accostant à Port-de-Bouc, mentionne en 1471, 8 caisses de corail brut napolitain1009. L’absence d’Aix-en-Provence de la carte des tarifs de péage pour le corail est en ellemême révélatrice et compréhensible. Même si la cité comtale constitue sans doute un marché secondaire pour le corail marseillais. La voie nord-sud dont elle est un point névralgique, et qui mène aux Alpes, offre peu d’intérêt pour cette ressource. Les exportations de corail brut à partir de Marseille vers le royaume de France sont peu renseignées : du corail se retrouve à Paris au milieu du XIIIe siècle, transformé par des patenôtriers d’après le témoignage du Livres des métiers d’Étienne Boileau (1260)1010. En 1473, le courtier Pierre de Ribes se rend de Marseille aux foires de Lyon pour en vendre1011. Cette constatation n’est pas surprenante, car Marseille est avant tout une ville tournée vers la mer. Il suffit de parcourir les pages des différents volumes de l’Histoire du Commerce de Marseille pour prendre conscience que le commerce de longue distance vers l’intérieur des terres n’a éveillé que peu d’intérêt dans les rangs des marchands marseillais. L’envoi de corail brut vers ces contrées s’est donc sans doute réalisé au départ des cités d’Avignon et d’Arles. 1004 Annexe 8, doc. 6. Tarif de la leyde des fers et casses de 1228 : Portal 1907, p. 411-413, 416 ; de 1298 : AD BDR Aix, B 1019, f° 3 v°. Tarif des taxes de l’encan de 1228 (Portal 1907, p. 422-426). 1006 Brun 1924, p. 57. 1007 Baratier 1966, p. 153 1008 Brun 1924, p. 59. 1009 Reynaud 2005, p. 166. 1010 Lespinasse et Bonnardot 1879, p. 58, titre XXVIII, Des patenotriers de corail et de coquilles. 1011 Reynaud 1951, p. 850-851. 1005 170 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis Un dépouillement archivistique plus approfondi serait nécessaire pour le confirmer, mais des indices paraissent révélateurs de la place d’Avignon, où il a peut-être aussi existé quelques artisans spécialisés. En 1470, des marchands grassois se fournissent en corail brut pour le revendre à des confrères d’Avignon1012. D’après une sentence arbitrale de 1477, il apparaît que du corail acheté à Tarascon par un marchand marseillais devait être conduit dans l’ancienne cité papale1013. En outre, à la fin du XIVe siècle, le tarif de péage distingue le corail blanc, imposé à 8 sous le quintal, de différents demi-produits de corail, sans doute de couleur rouge, taxés à 5 sous, 12 sous et 3 florins 8 sous le quintal. Les tarifs de la fin du XVIe siècle et du siècle suivant regroupent le corail blanc et rouge sans plus mentionner les demi-produits. Le corail est souvent transporté à l’export sous forme de caisses, dont le poids est rarement mentionné, mais qui semble approcher du demi-quintal au milieu du XIIIe siècle. En août 1235, il s’agit ainsi de 437 livres de corail qui sont transportées dans une caisse pour Tunis1014, en 1248, une caisse de 557 livres originellement prévue à destination d’Acre1015 est envoyée en Sicile1016. En 1296, du corail est transporté dans un cofin à destination de Majorque1017. En octobre 1431, 937 livres en cinq caisses sont prévues pour Damas1018. Le prix du corail brut varie beaucoup selon sa beauté, sa grosseur, sa pureté, son poli, sa couleur. Lors de sa visite d’un atelier de travail du corail au tout début du XIXe siècle, A.-L. Millin note que l’intérêt du négociant est de composer des assortiments de couleur en fonction des goûts des pays où il fait ses envois1019. « Le corail brut que les pêcheurs livraient à Marseille était dit « issant de mer » ou « pileux », par allusion sans doute aux brins d’algue qui devaient le garnir. Suivant les dimensions des morceaux et leur qualité, on distinguait les branches, les tors de talhar, le bastard, le floret, les tors d’encaissar ou de navegar ; les débris, mêlés de cailloux et de terre, se vendaient aussi, à un prix bien plus bas, sous le nom de terrail1020». À la fin du XVIe siècle, la compagnie Lenche distingue les belles branches, brancame, et les rame. Parmi ces dernières, il est différencié le corail fino, le coral toro, le coral toretto, le coral bastard, le coral toro de navigar et le coral escaigles1021. Ces différences de dénomination – encore faut-ils qu’elles soient spécifiées – rendent les 1012 Malaussena 1989, p. 182. AD BDR Aix, 309 E 247, f° 340 v° - 341 v°, 8 mai 1477. 1014 Blancard 1884-1885, t. 1, p. 103, doc. 69. 1015 Blancard 1884-1885, t. 2, p. 22, doc. 399. 1016 Ibid., t. 2, p. 97-98, doc. 559. 1017 Blancard 1884-1885, t. 2, p. 451-453, doc. 92. 1018 AD BDR Marseille, 351 E 241, f° 100 v° - 102 r°, 12 octobre 1431. 1019 Millin 1807-1810, t. 3, p. 290 1020 Reynaud 1951, p. 788. 1021 Masson 1908, p. 116. 1013 171 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis comparaisons difficiles. Pour la seule année 1248, le prix de la caisse de corail à l’export varie entre 29,65 livres et 47 livres1022. À la même date, à la livre subtile ou grosse, ce n’est pas précisé, le corail est évalué entre 8,2 et 18 livres de monnaie mêlée sans qu’il soit mentionné sa qualité1023. Entre 1379 et 1391, le cours du corail diminue fortement à Marseille. En 1380, par exemple, la qualité supérieure, le corail de tors est évaluée à 2 florins ou 22 gros la livre subtile. Elle passe à 18 gros en 1382, 14 gros en 1386 et 13 gros en 13911024. Les raisons précises de cette évolution ne sont pas encore connues. À la fin du XIVe siècle, le corail provençal semble avoir une meilleure cote : un acte de 1370 mentionne un prix d’achat de 0,56 florins la livre non triée pour celui-ci, contre 0,47 florins pour d’autres provenances1025. En février 1384, la livre de corail pilosi sicut exit de mari est cédé 0,6 florins par les pêcheurs1026, 0,5 florins en octobre 13861027. Dans la première moitié du siècle suivant, le corail est acheté aux pêcheurs provençaux autour d’un florin la livre en 1431, 1439 et 14491028. En 1446, un grassois vend 302 livres subtiles de corail pour 302 florins à un marchand d’Avignon1029. En 1431, Jean Forbin met en commande pour Damas du corail nettoyé (nitida) évalué 1,27 florins la livre1030. Dans le même contrat, un mélange de corail de moins bonne qualité est estimé 0,16 florins la livre. Toujours en 1431, deux marseillais s’approvisionnent auprès d’un habitant d’Alghero en Sardaigne à hauteur de dix quintaux de pistandi coralhum à 11 florins le quintal1031. Entre 1476 et 1479, la branche de corail se négocie la plupart du temps à 5 florins1032, mais aussi à 0,63, 6,25 et 7,5 florins1033, dans les comptes du roi René. En 1551, la compagnie Lenche paye entre 20 et 34 sous la livre de corail brut aux équipages et le revend à Marseille 50 sous, soit 1 écu d’or1034. La livre de corail est comptée pour 2 écus au commanditaire de Jean Boniface pour être envoyée à Baruch et Tripoli. Le coût de la livre de corail s’élève à 4 écus pour un envoi à Alexandrie1035. 1022 Blancard 1884-1885, t. 1, p. 189, doc. 773 ; p. 327-328, doc. 152. Blancard 1884-1885, t. 1, p. 370-371, doc. 523 ; t. 2, p. 22, doc. 399 et p. 97-98, doc. 559 ; p. 135, doc. 651. ; p. 51-52, doc. 467 ; p. 111-112, doc. 591 ; p. 415, doc. 14. 1024 Baratier 1951, p. 80. 1025 Baratier 1951, p. 788. 1026 AD BDR Marseille, 351 E 54, f° 76 r°. 1027 AD BDR Marseille, 351 E 123, f° 369 r° - 369 v°. 1028 Reynaud 1951, p. 451. Malaussena 1989, p. 182. 1029 Malaussena 1989, p. 182. 1030 AD BDR Marseille, 351 E 241, f° 100 v° - 102 r°, 12 octobre 1431. 1031 AD BDR Marseille, 351 E 241, f° 61 v°. 1032 Arnaud d’Agnel 1908, n° 902, 906, 969, 1051. 1033 Ibid., n° 1077, 916, 912. 1034 Giraud 1936, p. 33. 1035 Billioud 1951, p. 535-536. 1023 172 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis Étudier l’évolution des prix du corail dans toutes ses qualités ne peut être que le résultat de longues et patientes recherches dans les archives provençales. Elles ne pouvaient être menées de façon complète dans le cadre de cette étude. Les quelques données rassemblées donnent toutefois une idée de la valeur de ce matériau assez précieux sur le marché provençal et ailleurs. 2.5.2. L’os, la perle et les autres matières dures d’origine animale L’os et la nacre sont employés dans le corpus provençal pour des appliques et des perles. Des boucles de ceinture et un mordant en os ont également été rencontrés. La perle est utilisée sur des bagues mais de nombreux autres bijoux ou des pièces de vêtement en comportaient également ainsi que l’indiquent les sources écrites consultées. Une bague, des éléments d’un collier et une agrafe en ivoire y sont également mentionnés. L’origine de la plupart des matières mises en œuvre par les artisans spécialisés dans le travail des matières dures d’origine animale (fig. 19 et 20) est assurément locale. L’os, la plupart des types de corne et des bois de cervidé sont des matériaux courants en Provence. L’abattage de boucherie des bovidés, ovidés et caprinés ainsi que la chasse doivent amplement couvrir les besoins des fabricants médiévaux. Ces facilités d’approvisionnement font que ces matériaux se prêtent mal à un commerce de longue distance. Il est possible que des contrats aient lié des bouchers et des artisans de l’os, des bois de cervidé et de la corne, comme il en existe avec des fabricants de bougie pour la fourniture de graisses, mais il n’en a pas été trouvé de mention dans les dépouillements effectués. De même, l’os est absent des règlements communaux consultés encadrant l’activité des bouchers, alors que le sang et les abats font pourtant régulièrement l’objet de l’attention des édiles. Un point important est certainement celui du devenir des carcasses après leur passage entre les mains de ces commerçants. Quelques matières particulières comme l’ivoire d’éléphant, la nacre et la perle sont d’origine plus lointaine. La provenance africaine du premier est fort probable quoiqu’une origine asiatique ne soit pas à exclure. Aucun document ne permet actuellement de confirmer l’origine de la nacre, ni même de l’ivoire pour le Moyen Âge, mais Marseille en a été un point d’entrée. L’ivoire est taxé à 4 deniers le quintal (dent d'oriflan) et s’il est travaillé à 1 obole la livre (de vori obrat) dans le tarif des ventes à l’encan en 12281036. Au XVe siècle, le tarif de la 1036 Tarif dans Portal 1907, p. 422-426. 173 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis leyde des fers et casses l’impose à 3 deniers le quintal1037. Arles a pu jouer un rôle dans la diffusion du matériau, car il est mentionné dans les tarifs des XVe et XVIe siècles. En 1228, les perles (perla), qui se vendent à l’once, sont taxées à 1 obole par valeur de vingt sous lors des ventes à l’encan dans la cité marseillaise1038. Les perles n’apparaissent dans les tarifs de péage provençaux qu’à Avignon à partir de 1615. Il y est alors distingué les perles tant fines ou fausses en œuvre ou sans œuvre taxées à 8 deniers par valeur de florin, des perles à piler, à destination certainement pharmaceutique1039, imposée 1 florin 3 sous la livre de poids. Au début du XVIIe siècle, la nacre qui arrive à Marseille vient de la mer Rouge via Alexandrie1040, il est envisageable qu’il en soit de même auparavant. Damas apparaît comme une place commerciale d’importance dans la diffusion des perles du golfe Persique ou de Ceylan1041. Ainsi, en 1379, le catalan Bernard Adhémar remet en commande 3000 florins en corail à Bernard Disses, alias de Favas. L’argent de la vente et le bénéfice, 3200 florins, sont réinvestis en 932 sacs de perles de damas : 501 sacs et demi de perles à 76 dharams le sac – soit 28,6 florins le sac –, 400 sacs de perles à 46 dharams le sac – 22,8 florins le sac – et 31 sacs de perles de moindre qualité valant seulement en tout 25 florins. Pour son propre compte, Bernard Disses rapportait 700 sacs de perles. Malheureusement, le navire marseillais qui ramène la marchandise depuis Beyrouth est attaqué par des galères vénitiennes1042. Du temps du court passage des Manlich à Marseille, entre 1570 et 1574, leurs navires ramènent également des perles depuis la Syrie1043. En 1526, trois marchands marseillais s’entendent avec un génois pour que celui-ci vende diverses marchandises en Barbarie et en particulier 140 000 perles1044 dont la provenance n’est pas spécifiée. Ce chiffre, particulièrement 1037 Annexe 8, doc. 6. Tarif dans Portal 1907, p. 422-426. 1039 La poudre de diamargaritum frigidum, fort coûteuse (160 florins la livre) en raison de la présence de perles dans sa composition, aurait pour effet de rafraîchir les fiévreux (Bénézet 1997, p. 418). 1040 Bergasse 1954, p. 165. 1041 Il existe une production de perles d’Écosse au moins depuis les environs de 1300, jusque durant l’Époque moderne, mais elles sont semblent-ils de moindre qualité (Gay et Stein 1828, p. 226-227). Aucun document ne prouve qu’elles aient pu parvenir jusqu’en Provence. Des perles dites de Compiegne sont mentionnées dans quelques inventaires ou comptes du second quart et du milieu du XIVe siècle (Gay et Stein 1828, p. 226) comme par exemple dans un livre de compte des frères Bonis, marchands de Montauban, en 1344 (Forestié 1890-1893, t. 1, p. 126). Il est probable, comme le propose L. Laborde (1872, p. 437), que leur dénomination vient du fait qu’elles soient passées par Compiègne, peut-être, durant un temps, un centre important pour la vente des perles. 1042 Baratier 1951, p. 205, 248. 1043 Ibid., p. 265. 1044 …sex centum quinquaginta mille paternostres vitrium plurium colorum, de duo bonetis rubeys, ala turquesqua, de centum quadraginta mille perlarum (359 E 39, f° 251 r° - 252 r°). Partiellement publié dans Baratier 1951, p. 536. 1038 174 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis conséquent, pose la question de la fabrication de perles de substitution : plusieurs perles taillées dans de la nacre ont été retrouvées en Provence1045. Ces mentions disparates ne peuvent illustrer à elles seules le rôle important qu’a peutêtre joué la cité marseillaise en tant que centre de redistribution de la perle à cette époque, mais il atteste que le commerce de cette marchandise devait se faire par quantités importantes. Par conséquent, il est fort probable que le transport de perles par Marseille ne devait pas être très régulier sauf à imaginer une demande intense capable d’épuiser les stocks rapidement. Ce serait faire peu de cas de leur valeur commerciale. Le relevé des prix d’achats dans les comptes de la chambre apostolique au XIVe siècle1046 à Avignon montre l’acquisition de différentes qualités de perles. Lorsqu’elles sont vendues au poids, la valeur de l’once varie de 2 florins 5 gros à 18 florins voire même 37 florins 4 gros pour des spécimens suffisamment gros pour servir de boutons1047. La taille entre en ligne de compte, les perles dites minutae ou mediocrae, sont généralement moins chères que celles définies comme grossae. Dans quelques cas toutefois, cela ne se vérifie pas car d’autres facteurs objectifs ou subjectifs tiennent une place importante comme le lustre, la couleur, la régularité de la forme1048, etc. Un compte de 1358 indique l’achat de 200 perles fines (finae) au tarif de 2 gros l’unité1049. Ce prix est très faible et doit correspondre à des individus de petite dimension. Le prix de vente à l’unité s’établit entre 1 gros et 5 florins pour une perla grossa posée sur une mitre1050. La forme n’est spécifiée qu’une seule fois, en 1331, 52 perles sont dites rotundae1051. En 1331 et 1332, de nombreuses perles sont dites orientales (perlae orientalia)1052, s’agit-il d’un type de perle particulier ou est-ce pour préciser leur provenance ? L’acquisition des perles se fait le plus souvent auprès de marchands, généralement italiens, fournissant la cour pontificale ; c’est le cas de Richo Corboli à la fin des années 1310 et durant la décennie 1320, de Nicolas Grimaldi dans la seconde moitié des années 1350, de 1045 Se reporter au chapitre 3.4.8.2. Ce travail a été réalisé à partir des relevés de K. H. Schäfer (1911, 1914, 1937) dans les archives vaticanes. E. Muntz en avait préalablement tiré quelques données pour des articles sur le luxe (1899), les arts à la cour des Papes du XIVe siècle (1891), etc. 1047 Schäfer 1937, p. 673. Le prix exact est de 32 florins de chambre, mais le florin de chambre compte pour 28 sous et le florin commun pour 24 sous. 1048 Actuellement, la qualité, et donc la valeur d’une perle, est mesurée par la combinaison de plusieurs facteurs : le type de perle, l’épaisseur de la nacre, son lustre, sa propreté, la texture de sa surface, sa forme, sa couleur, son diamètre. 1049 Schäfer 1914, p. 719. 1050 En 1341 (Schäfer 1914, p. 153). 1051 Schäfer 1911, p. 258. 1052 Ibid., p. 258. 1046 175 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis Jean Baroncelli de 1365 à 1371, marchands qui parfois exercent un quasi-monopole sur les approvisionnements. Parfois, c’est l’artisan chargé de mettre les perles en œuvre, souvent un brodeur ou un orfèvre, qui se fournit en matière première. Dans quelques rares cas, il est demandé à un membre de la cour papale, un évêque par exemple, d’assurer l’achat de perles pour le pape1053, ou bien les perles sont tirées du trésor papal, extraites certainement de quelques vieux vêtements pontificaux1054. En 1353 toutefois, c’est Iacobo de Bartolo, alias Gucci, mercator perlarum et cam[p]sor Avinione qui fournit la cour en matière première1055. Quelques documents d’archive illustrent l’achat de perles par des particuliers : le noble avignonnais Paul de Sade offre ainsi à sa nouvelle épouse, en 1392, une once et six deniers de perla grossa, à 22 florins l’once, pour faire six botons pour un chaperon de soie1056 ; en 1405, à Marseille, trois onces de perles appréciées 21 florins d’or de la reine sont remises en diminution d’une dot1057 ; en 1415, un marchand marseillais vend trois onces de perlle nove à raison de 8 florins l’once1058. Beaucoup plus tard, en 1575, un lot de perles est évalué à 2 livres 8 sous dans l’inventaire d’un marchand mercier marseillais1059. 1053 Schäfer 1914, p. 274 (1344) ; Schäfer 1937, p. 676 (1376). Schäfer 1914, p. 313. 1055 Ibid., p. 540. 1056 Bresc 1988b, p. 121. 1057 AD BDR Marseille, 351 E 224, f° 35 r° - 35 v°. 1058 AD BDR Marseille, 351 E 142, f° 60 v°. 1059 Annexe 8, doc. 26. 1054 176 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis 2.6. Synthèse Comprendre les circuits d’approvisionnement des métaux à l’état brut et sous forme de demi-produits, en Provence, nécessite de définir et d’évaluer l’importance des routes commerciales. Les cartes de distribution des attestations des différents métaux dans les tarifs de péage, et la documentation d’archive, illustrent le rôle de colonne vertébrale tenu par la vallée du Rhône et les parties médianes et hautes de la vallée de la Durance, prolongées par l’axe Marseille-Pertuis. Ces voies principales concentrent la circulation des métaux à l’état brut ou sous forme de demi-produits et assurent par l’intermédiaire d’un fin réseau secondaire, l’approvisionnement des régions plus éloignées. Les cols de l’Ubaye sont un chemin d’accès pour les matériaux italiens ou du Dauphiné. Signe de l’importance économique des chemins traversant la haute Provence, ou d’un laisser-aller de l’autorité comtale, la comtesse Béatrice de Forcalquier est obligée au milieu du XIIIe siècle de lancer une enquête pour mettre fin à l’existence de nombreux péages illicites1060. Les échanges entre les deux voies principales se font notamment par une route joignant Marseille à Avignon, les deux principaux pôles économiques de Provence. La nature et l’intensité des échanges entre les cités de la rive gauche du Rhône et les territoires de la rive droite sont par contre difficilement perceptibles. Marseille est la destination principale du transport maritime des métaux d’origine italienne, roussillonnaise, languedocienne ou pyrénéenne. En effet, à partir du milieu du XIVe siècle, la quantité de marchandises en transit par Arles diminue considérablement, d’une part à cause des évènements qui secouent la Provence, d’autre part en raison d’une modification des circuits commerciaux. Peut-être le déclin de Saint-Gilles y at-il aussi un rôle ? Une partie du trafic est détournée petit à petit vers Port-de-Bouc, pour des raisons d’accessibilité aux différents marchés provençaux et pour échapper à la taxation de certains péages. En outre, en 1366, les Florentins s’engagent à utiliser exclusivement le port de Marseille dans leurs relations avec Avignon1061. Les prémices d’un renouveau économique apparaissent au début du XVIe siècle, mais la conjoncture ne s’inverse réellement qu’à la fin du siècle1062. À la fin du XVIe siècle, à la demande de la ville d’Arles, un prélèvement sur les marchandises est institué par le roi pour assainir ses finances. Le compte des recettes indique 1060 Lieutaud 1873. Hebert 1972, p. 71. 1062 Payn-Echalier 2006, p. 195. 1061 177 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis que 97 à 99 % des échanges se font par la voie fluviale et la plupart du temps vers l’amont1063. Cependant, d’après le relevé des marchandises effectué par P. Payn-Echalier, les métaux en sont absents1064. Le cheminement ouest-est au départ d’Avignon, passant par Aix et Nice, pour aboutir en Italie, est semble-t-il d’une moindre importance pour le commerce des métaux. L. Stouff, R.-H. Bautier et É. Baratier n’indiquent, entre Nice et Aix-en-Provence, qu’un nombre particulièrement restreint de péages, localisés sur une portion de route de part et d’autre de la jonction avec un chemin en provenance de Toulon. Pourtant, d’après les comptes de péage de Pertuis de novembre-décembre 1299 et d’Aix-en-Provence de 1348-1349, Toulon ne joue pratiquement aucun rôle dans le commerce aixois et de la Haute Provence. De même, les historiens marseillais ne signalent que des relations de faible envergure avec Marseille. L’absence d’une histoire économique de la cité toulonnaise rend impossible toute réflexion plus avancée1065. Le chemin reliant Grasse à Digne est interrompu par deux péages dont les tarifs qui ont pu être retrouvés ne prennent pratiquement en compte que des denrées comestibles, le bétail et les animaux de bât. Il ne semble donc pas qu’il y ait eu des transports intensifs de métaux depuis les Alpes vers la Côte d’Azur aux XIIIe et XIVe siècles. Le tarif de 1297 de Saint-Maximin ne mentionne que le fer, celui du milieu du XIVe siècle, seulement le fer et le plomb. Au contraire du fer, du moins d’après les données actuelles, quelques gisements de plomb sont exploités dans le sud des Alpes à la fin du Moyen Âge. Les statuts niçois du XIIIe siècle ne portent attention qu’aux forgerons dans la catégorie des artisans du métal1066, et les métaux sont absents de la table de mer de Nice aux XIIIe et XIVe siècles. À cette époque le nord-ouest de l’Italie est une grande région de métallurgie, et il donc possible que l’on ait privilégié la voie terrestre pour des raisons de proximité, ce qui expliquerait le défaut de ce matériau dans le tarif niçois. L’envoi, en 1325, d’acier depuis Nice à destination de la cité marseillaise1067, ne peut être tenu pour révélateur de l’intensité du transport de fer sur la route Nice-Aix. En effet, la plupart des informations disponibles sur l’importation du fer en Provence sont tirées des travaux historiques sur la ville de Marseille. Or, de par sa nature portuaire, la suprématie du transport maritime y est évidente. Au milieu du XIVe siècle, 1063 Payn-Echalier 2006, p. 203-204. Ibid., p. 205. 1065 L’Histoire de Toulon de Gustave Lambert (1886-1899) est avant tout une histoire politique. Le commerce et l’industrie n’y tiennent que quelques pages et celui des métaux ne tient aucune place jusqu’au début de l’Époque moderne. 1066 Raynaud 1905, p. 253. 1067 Baratier 1951, p. 261. 1064 178 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis le contexte très particulier de l’épidémie de peste a certes conduit à une baisse de la fréquentation au péage d’Aix-en-Provence, mais des transports au long cours subsistent. Les italiens traversant la capitale du comté depuis l’est sont rares, seuls deux génois sont notés. Quant aux nombreux grassois et niçois, ils trafiquent le cuir, les peaux et le textile1068. À cette époque, le trafic du métal apparaît particulièrement faible. Il n’a été relevé que trois transports de ferrements à Manosque par un aixois en mars, juin et juillet 13491069, et il n’est fait aucune mention de métaux d’origine alpine. Est-ce lié au contexte économique, à l’irrégularité des transports ? Si une circulation sans doute discontinue du plomb et du fer anime les échanges depuis sa capitale vers l’est du comté, celle de l’argent et du cuivre n’est aucunement avérée. Des transports sporadiques ont inévitablement eu lieu pour répondre à des besoins de première nécessité, mais ces régions ont été très certainement pénalisées par leur éloignement des grandes zones d’extraction et des principales voies de diffusion. Les XIe et XIIe siècles marquent le début d’un essor économique qui atteint son apogée au milieu de la seconde moitié du XIIIe siècle pour se stabiliser ensuite durant un tiers de siècle1070. Les sources documentaires et archéologiques mettent en évidence une forte croissance de l’activité minière durant cette période. Dans le sud-est et le Midi de la France, elle s’est essentiellement concentrée sur la recherche des métaux précieux, et plus particulièrement sur celle de l’argent, faute de réserve aurifère notable. Métal d’une grande importance économique et politique, de par son rôle monétaire, l’argent a conduit à l’exploitation de gisements polymétalliques à forte proportion de plomb ou de cuivre. Les prospections menées à cet effet ont également permis la découverte et la mise en exploitation de gîtes d’autres natures. Si la proportion de prospections ayant eu l’argent pour but principal est majoritaire, des recherches plus particulières sur les minerais de fer, de cuivre et de plomb pour répondre aux besoins de la société médiévale sont attestées par ailleurs. Cette phase d’exploitation intense perceptible sur le pourtour méditerranéen est suivie d’une grande dépression au milieu du XIVe siècle1071. Elle est précédée de peu d’une contraction de l’économie médiévale à compter des environs de 13151072. Celle-ci est la conséquence de multiples facteurs tels que la forte pression démographique consécutive à la prospérité économique des siècles précédents alors que la production agricole plafonne, la 1068 Taviani 1962, p. 263, 271. Taviani 1962, p. 272. 1070 Pour la Provence : Février 1964, p. 213, Pernoud 1951, p. 131-136, Poly 1976, p. 214-223, Weiberger 1990, p. 12 ; pour l’Europe : Bois 2000, p. 45-63. 1071 Bailly-Maître 2007, p. 22. 1072 Bois 2000, p. 62-64. 1069 179 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis hausse des impositions qui entraîne une chute de la consommation en épuisant les réserves financières chez certains et conduit à une thésaurisation chez d’autres. Le blocage de la croissance qui en résulte, associé à d’autres facteurs comme les conflits armés et les épidémies, aboutit à une diminution de la population, au chômage et donc à une chute de la consommation1073. Ce phénomène a pu être accentué en Provence par l’exportation spéculative d’importantes quantités de numéraire à destination du Levant au XIIIe siècle à partir de Marseille. L’activité minière ne s’interrompt cependant pas totalement, hormis peut-être dans les régions où celle-ci était moins intense et donc plus fragile, comme en Provence. À partir du milieu du XVe siècle, une politique incitative de prospections est menée avec des résultats variés selon les régions. Encore une fois, dans le sud-est de la France, la recherche de l’argent guide la plupart des travaux, mais le plomb ou le cuivre des minerais polymétalliques sont certainement plus rentables car plus abondants, même en prenant en compte l’écart de prix entre les matériaux. Dans les Alpes, la Savoie et le Dauphiné ont été des zones privilégiées pour l’extraction de l’argent pendant toute la seconde moitié du Moyen Âge et le début de l’Époque moderne. Une part importante de l’argent était directement transformée dans les ateliers monétaires contrôlés par le Comte de Savoie, le Dauphin ou l’évêque d’Embrun. La circulation monétaire dans les régions avoisinantes s’en trouvait certainement facilitée et le numéraire ainsi disponible pouvait être refondu pour d’autres utilisations. D’après les tarifs de péage, aux XIIIe et XIVe siècles, le billon d’argent et d’or transite par la vallée du Rhône et celle de la Durance, en bifurquant à Meyrargues jusqu’à Marseille. Au moins au XIVe siècle, une part d’argent à l’état brut, sous forme de lingots, descendait des régions alpines vers la Provence, en empruntant la vallée de la Durance ou la voie parallèle passant par Digne. Dans la cité d’Avignon, au XIVe siècle, les besoins en matières premières pour la fabrication de monnaies papales, mais également pour l’orfèvrerie et la décoration des édifices sont particulièrement importants. Les industries du luxe employant l’or et l’argent doivent répondre à une forte demande de la papauté et d’un nombre important de personnages de cour, de marchands, d’artisans, etc., qui se sont enrichis grâce à la présence papale. Ainsi, la mention de l’or en plaque ou en verge, originaire d’Italie, dans des tarifs d’Avignon et d’Arles, datés respectivement de la fin du XIVe siècle et de 1430, est très certainement à rapprocher de ce siècle faste pour la cité comtadine. Sans surprise, l’or en feuille et en fil 1073 Bois 2000, p. 58-85, 97-100. 180 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis apparaît également dans le tarif d’Avignon. La documentation locale atteste, pour le XIVe siècle, d’une production de feuilles d’or dans l’enceinte de la ville. Cependant, mais peut-être est-ce lié à la nature de la documentation rassemblée, les importations de fils d’or, de feuilles de métal précieux ou de feuilles de métal « vil » dorées ou argentées, se font essentiellement depuis l’Italie, et plus spécialement Gênes, Florence et Lucques, en remontant le Rhône ou en étant débarquées à Marseille. La survivance de la mention de demi-produits dans les tarifs de péage modernes d’Avignon est autant liée à la place toute particulière de l’ancienne cité papale, qu’à une politique volontariste, déjà à la fin du XIVe siècle, de n’oublier aucun produit susceptible d’être taxé. Plus d’un demi-millier de produits sont ainsi listés. À la lueur de la documentation rassemblée, le Languedoc et quelques régions circonvoisines comme l’Ardèche et l’Aveyron ont été productrices d’argent, spécialement durant la première période du Moyen Age. Toutefois, aucun élément ne permet de juger de la pénétration de ce métal de l’autre côté du Rhône. De Montpellier, du fil d’or arrive sur le marché d’Avignon au XIVe siècle. En Provence, c’est surtout à partir du second tiers du XVe siècle, notamment dans les massifs varois, que l’argent fait l’objet de recherches et de travaux dont l’ampleur des résultats est difficile à évaluer. Les débuts de ce renouveau de l’activité minière sont légèrement antérieurs à une importante reprise des frappes monétaires durant le règne du roi René, à partir du milieu du XVe siècle, sans doute pour aider au financement des guerres. Le roi René fait frapper des monnaies d’or, le Demi-ducat et le Magdalon, une monnaie d’argent, le Grand gros, et des monnaies de billon telles que le Demi-gros1074. Les besoins en métaux sont donc importants, et il est peu probable que les mines d’argent provençales aient suffi. La fonte de monnaies dépréciées a certainement joué, comme à toute époque, un rôle majeur. La circulation du fer donne lieu à un commerce d’une bien plus grande envergue que pour l’or et l’argent à en juger par le nombre de péages concernés. Dans la seconde partie du Moyen Âge, l’approvisionnement de la Provence est essentiellement réalisé depuis les massifs alpins. Dans la moitié Est, le Haut Dauphiné, et tout spécialement la région d’Allevard jouent un rôle déterminant jusqu’aux environs de 1400. À partir du XVe siècle, la Savoie apparaît comme un centre de production, mais l’extraction ne prend véritablement de l’ampleur qu’avec les XVIe et XVIIe siècles. Entre le XIIIe et le XVIe siècle, le nord-ouest de l’Italie et la Toscane sont le siège d’une extraction du fer et d’une production de demi-produits et d’objets finis très performantes et largement exportatrices. Gênes et Milan sont les principaux 1074 Rolland 1956, p. 82-86, 182-190. 181 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis points de départ de ces marchandises dont une part notable parvient en Provence par voie maritime en débarquant à Marseille, et sans doute à un moindre niveau Port-de-Bouc et Arles. D’autres convois de marchands italiens empruntent les cols alpins et descendent le long de la Durance. Cette même route est empruntée par du fer en provenance du Dauphiné d’après la documentation aixoise. Par le Rhône, il descend très probablement du métal savoyard ou d’origine plus lointaine. Dans le Var et dans le Vaucluse, des gisements de fer sont exploités avec succès dans les deux derniers tiers du XVe siècle et au XVIe siècle. Sans être suffisants pour répondre aux besoins locaux, ils complètent quelque peu les importations. À partir du milieu du XVe siècle, le fer alpin perd de son importance dans le commerce marseillais face aux importations de fer du Roussillon, puis à partir du milieu du XVIe siècle, de fer pyrénéen. L’extraction du plomb a été en grande partie réalisée dans le cadre de l’exploitation de minerais polymétalliques à teneur en argent. La distribution des mines est donc pour partie identique à celle du métal précieux. La Savoie et le Dauphiné sont donc les principales zones d’activité, mais les régions plus méridionales du massif ont possiblement été l’objet de travaux plus spécifiques sur des gîtes de plomb seul. Les vallées du Rhône et de la Durance jouent leur rôle habituel dans le commerce du métal. Le tarif de Saint-Maximin du milieu du XIVe siècle conserve peut-être la trace de la circulation sur la voie Nice-Aix du plomb provenant des Alpes à moins que ce soit celle du métal issu des travaux miniers varois. Quelques gîtes de plomb argentifère de cette partie de la Provence ont été exploités au XIIe siècle et durant une partie des XIIIe et XIVe siècles. Les recherches et travaux réalisés sur ce type de minerai ne reprennent qu’à partir du milieu du XVe siècle. Dans la première moitié du siècle suivant, l’attention portée à ce métal se concrétise par des essais et l’extraction d’un matériau destiné avant tout à servir à la glaçure des céramiques. Lors de la première période d’activité minière, le Roussillon est producteur de plomb et, au milieu du XIVe siècle, il en est importé à Avignon depuis Montpellier. Les importations de ce métal par Marseille sont rares, mais l’ampleur de la circulation du plomb à la descente du Rhône ou traversant le Rhône ne peut être établie. Descend-t-il du plomb anglais par le fleuve ? Quoi qu’il en soit, alors que la taxation des autres métaux est ordinairement la même en Provence, à l’exception de l’or et de l’argent bien plus imposés, un tarif de faveur est souvent octroyé au plomb. Il est ainsi parfois taxé de deux à trois fois moins. Est-ce parce qu’il s’agit d’un métal produit essentiellement localement ? Cela est fort possible. Ce métal est également très courant et donc peu cher, car produit en très grande quantité notamment par l’exploitation intensive des gites de minerais de plomb argentifère. Il n’a pas non plus une importance stratégique. 182 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis L’étain et la calamine sont des produits d’importation. Le premier provient essentiellement d’Angleterre et parvient en Provence, soit en remontant la Garonne pour arriver sur les bords de la Méditerranée, soit en partant des Flandres ou des côtes normandes pour descendre ensuite le long de la Saône puis du Rhône. Il en vient également d’Italie, par voie maritime, à cause de la prédominance des italiens sur le marché de l’étain dans les Flandres. Dans le courant du XIVe siècle, l’étain des gisements de Bohême et de Saxe commence à concurrencer la production anglaise, mais ce n’est qu’à partir du XVIe siècle, avec l’augmentation significative de la production que sa présence est documentée dans le sud-est de la France. Le zinc, sous forme de calamine, est totalement absent des tarifs de péage, et il n’en est pas fait allusion dans les archives notariales, ce qui montre que son commerce n’a certainement jamais été très actif en Provence. Il y parvenait sans doute sous forme d’alliages cuivreux depuis le bassin de la Meuse, les contreforts des Ardennes et le massif de l’Eifel. Le Languedoc et l’Italie apparaissent également comme de possibles zones d’exploitation de calamine, mais l’extraction si elle a existé devait être relativement faible car dans le cas contraire les tarifs de péage auraient sans doute été impactés. Dans le sud-est de la France, la plupart des exploitations de cuivre sont localisées dans la partie nord des Alpes françaises, mais l’activité semble réduite. Au milieu du XIVe siècle, les gisements de cuivre argentifère d’Aiguebelle et d’Hurtières produisent sur une courte période 11 400 quintaux de cuivre. Cependant, ces mines ne survivent pas dans la seconde moitié du XIVe siècle. Plus tardivement, aux XVe et XVIe siècles, une activité minière de faible envergure apparaît plus au sud. L’exploitation du cuivre est limitée dans la Provence médiévale et du début de l’époque moderne. Elle est un peu plus importante à l’ouest du Rhône, mais elle est sans commune mesure avec la production de cuivre des mines hongroises et tyroliennes. Il est très probable que la majorité du cuivre neuf travaillé en Provence en provienne. Une partie du cuivre du Tyrol descendait en effet en direction de Lyon d’où il était à même d’être distribué en Provence. Il pouvait alors être transformé dans des martinets, majoritairement dans le Vaucluse, en demi-produits susceptibles d’être utilisés par les artisans provençaux. Quant au cuivre hongrois dont des envois massifs sont réalisés vers l’Italie du Nord, la documentation marseillaise ne témoigne pas d’un commerce important du métal par voie maritime. De même, il semble avoir peu circulé par les cols alpins d’après les tarifs de péage. Par contre, les cités de Milan et de Florence, approvisionnées à la fois localement et par du cuivre d’Europe centrale, fournissent de nombreux demi-produits et produits finis. Cette étude démontre donc que l’activité minière en Provence est relativement faible. Sa production de métal ne peut contenter les besoins locaux. L’approvisionnement en métal 183 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis neuf est ainsi essentiellement assuré par des importations de matériaux. Pour le fer, le plomb et l’argent, les régions limitrophes, c’est-à-dire les Alpes, le Languedoc et le Roussillon peuvent suffire. Dans le cas du cuivre et de la calamine, la production des régions susdites a pu contribuer à la fourniture des artisans, mais des régions plus éloignées ont eu un rôle prédominant. Quant à l’étain, son origine est exclusivement lointaine et donc potentiellement irrégulière. Alors que les exportations d’or et d’argent sont courantes au XIIIe siècle et sans doute durant une partie du XIVe siècle, la pénurie monétaire entraîne une chute de cette activité. Elle ne redémarre pas aux XVe et XVIe siècles, peut-être grâce à la vigilance des autorités. La documentation présentée dans ce chapitre est trompeuse car la grande majorité des métaux mis en œuvre dans l’orfèvrerie ne sont pas des fils ou des feuilles de métal précieux, mais des objets jugés démodés ou offerts en don à un édifice ou une institution religieuse pour la réalisation d’objets liturgiques et qui sont ensuite fondus. Les stocks restent malgré tout limités et le recyclage s’avère nécessaire, plus sans doute que pour tout autre métal. Cette réutilisation des vieux métaux est assurément plus importante que ne le laissent transparaître les archives notariales et les tarifs de péage. Il est tout à fait possible que le vieux métal soit assimilé au métal ouvré ou à la matière première, dans les tarifs de péage. Si l’on excepte le XIIIe siècle, époque d’intensité activité dont l’ampleur ne se retrouvera pas avant le début de l’ère moderne, l’exportation des métaux, hors étain, depuis Marseille est plutôt faible. Peutêtre reprend-t-elle un peu de vigueur dans la seconde moitié du XVIe siècle grâce aux licences accordées à quelques personnages, mais les quantités autorisées semblent n’avoir jamais véritablement été atteintes ni approchées dans la plupart des cas. De par sa situation géographique favorable, Marseille a tenu un rôle essentiel dans la diffusion de l’étain en Méditerranée ; les exportations sont donc assez fréquentes. Ce transport de grande ampleur semble avoir mis les artisans provençaux à l’abri d’une pénurie. Il en est autrement du cuivre à en juger par une mésaventure survenue à un bombardier marseillais en 1556, à une époque où les besoins en cuivre, notamment à cause du développement de l’artillerie en alliage cuivreux, deviennent encore plus importants. Dans son étude de l’industrie métallique comtadine, M. Lacave remarque l’absence d’un véritable marché local. La vente du métal ou des demi-produits n’est pas l’unique activité des marchands, ainsi en est-il par exemple, au XVe siècle, de Jean Gourgonier, marchand drapier et vendeur de fer, de Claude Bernard, marchand d’Avignon également 184 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis revendeur de cuivre1075, de la filiale avignonnaise de la compagnie Datini, des Manduel qui trafiquent de tous types de marchandises et entre autres de métal, etc. La même constatation est valable pour les nombreux fournisseurs de la cour papale d’Avignon au XIVe siècle. L’importation de métal en Provence est principalement le fait de marchands, même si des exemples isolés montrent qu’elle peut être réalisée par des artisans ou, dans le cadre des besoins de la Cour papale, par des agents de la papauté qui profitent par opportunisme de la nature de leurs fonctions. La distribution du métal auprès des fabricants est sans doute assurée par les marchands eux-mêmes, peut-être par des commerçants spécialisés dans la revente des produits métalliques. Elle est également accomplie par des artisans jouant le rôle de revendeur. C’est le cas de Raphaël Monterausi dans la première moitié du XVe siècle, un potier d’étain qui fournit des confrères en matière première. Au milieu du siècle, un revendeur d’Aix reconnaît devoir une certaine somme d’argent à un campanier de Montpellier pour du metallum, certainement un alliage. Le 22 décembre 1470, devant notaire, Jean Carrayron, peyrolier et potier d’étain d’Avignon, atteste être débiteur de Jacques Bertrand, campanier d’Aix, à hauteur de 109 florins1076. Est-ce pour du métal ? Les martinerius vauclusiens et varois servent également de relais entre les marchands et les artisans. Quelques-uns d’entre eux sont des peyroliers : il existe en effet une proximité de travail entre la production de demiproduits sous forme de tôles et la chaudronnerie. Les réseaux de redistribution de la matière métallique ne sont donc pas exclusivement centrés sur les grandes villes de Provence. Citons un autre exemple pour le fer : en juillet 1472, le serrurier avignonnais Amiel Guibert va à Carpentras puis à Vaison pour s’en procurer. Le commerce des vieux métaux est à peu près imperceptible dans les archives et la façon dont il parvient entre les mains des revendeurs ou des artisans est conjecturale. Est-ce par le biais de vente à l’encan ? De vente par des personnes dans le besoin ou voulant se délester d’objets désuets ou détériorés ? Dans ce cas, la valeur des biens échangés ne nécessite pas de passer devant un notaire, ce qui expliquerait la pauvreté des sources écrites. Le commerce des matériaux non métalliques est pour le moment documenté de façon inégale. Par exemple, pour le buis et le jais, les renseignements sont peu nombreux mais ils montrent qu’une production locale d’accessoires du costume dans ces matières a pu exister. Pour le verre, la plupart des artisans sont dépendants d’un marchand qui leur procure les différents ingrédients nécessaires à la confection du matériau et qui se chargent de 1075 1076 Lacave 1971, p. 219. AD BDR Aix, 308 E 442, f° 561 r° - 562 r°. 185 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis l’écoulement des produits finis. La Syrie assure un rôle prédominant dans le commerce des pierres précieuses et des perles vers l’Europe, des transports maritimes à destination de Marseille en attestent. L’approvisionnement en os ne devait pas poser de problème particulier dans la mesure où l’artisan pouvait se fournir auprès des bouchers. L’ivoire vient probablement d’Afrique et la nacre, des mers baignant la Péninsule Arabique. Quant à l’ambre, il est récolté en Europe du Nord sur les rives de la mer Baltique. La question des matières dures d’origine animale est actuellement le sujet du mémoire de thèse d’une doctorante du LA3M, Marie-Astrid Chazottes. Une origine locale pour certains types de pierres et de manière plus hypothétique pour l’ambre ne peut cependant être exclue. Le Rhône tient très certainement une place essentielle comme voie de pénétration de ces matériaux précieux vers des territoires plus septentrionaux. Le corail est amplement exploité en Méditerranée, dans la seconde partie du Moyen Âge comme au début de l’époque moderne. Le produit de la pêche provençale et avant tout marseillaise, a dû suffire aux besoins locaux. Marseille en assure l’exportation vers le Levant notamment, et vers l’intérieur des terres, en direction d’Arles et d’Avignon d’où elle peut remonter le fleuve. À l’exception d’un personnage qualifié de marchand de perles dans les comptes de la chambre apostolique mais qui, paradoxalement, ne fournit la cour qu’une seule fois, la documentation rassemblée montre que l’importation et le commerce de ces matières précieuses, hors corail, sont réalisés par quelques rares marchands dont elles ne constituent qu’une petite part de l’activité, même si ils peuvent avoir une position dominante sur ce marché. À la différence des autres matières non métalliques, la pêche du corail nécessite une implication plus importante. Comme il apparaît à la lecture des archives et de la bibliographie, la pêche, le traitement puis la vente du corail sont le plus souvent indubitablement liés et constituent les différentes étapes d’un processus industriel contrôlé au bas Moyen Âge par quelques personnages, puis durant l’époque moderne par des compagnies, qui grâce à la mutualisation, sont capables de débloquer des capacités financières d’une toute autre ampleur. Une évolution approximative du prix des matières premières en Provence ne peut être tentée que pour les métaux (fig. 22 et 23), pour des raisons de nombre de références disponibles et de difficulté de définition de la qualité des matériaux comme le corail et les pierres précieuses. Bien entendu, les données sont à prendre avec précaution, de multiples facteurs entrant en ligne de compte dans le prix des matériaux. Les prix sont exprimés en florin de compte, lequel est équivalent à 24 sous à partir de 1345 dans les comptes de la chambre apostolique d’Avignon, valeur qui perdure par la suite dans toute la documentation. En 1248, d’après les notules du notaire Almaric, la valeur de l’étain est au moins deux fois 186 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis plus élevée que le fer et le plomb et presque trois fois plus pour le cuivre. L’argent coûte 700 fois plus. Dans la première moitié du XIVe siècle, l’étain est trois fois et demie plus coûteux que le fer et le plomb, et le cuivre quatre fois plus. L’or est dix fois plus cher que l’argent. Le prix de plusieurs métaux augmente au milieu du siècle, dès avant 1348 pour l’étain, dans les années 1350 ou 1360 pour le fer et le plomb. Par conséquent, l’écart avec l’argent diminue, mais celui entre l’argent et l’or reste stable. Après s’être sensiblement élevés dans la seconde moitié du XIVe siècle, les prix de l’étain, du fer, du plomb et peut-être du cuivre baissent aux alentours de 1400. Au début du XVe siècle, l’écart entre l’étain d’une part, et le fer et le plomb d’autre part s’élève à nouveau et reste similaire jusque dans la première moitié du XVIe siècle. Le prix du cuivre semble suivre une évolution similaire à celle de l’étain. Dans le dernier quart du XVe siècle, l’argent et l’or ont atteint des prix considérablement plus élevés qu’un siècle plus tôt puisqu’ils ont triplé entre temps. D’après M. Lacave, une pénurie monétaire apparaît dans le comtat – et donc sans doute plus largement en Provence – à la fin du XVe siècle, provoquant un renchérissement des métaux précieux1077. L’écart entre l’argent et le fer et le plomb augmente donc de manière importante, le coût de ces derniers ayant peu progressé, alors que celui du cuivre et de l’étain a plus que doublé. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, les prix de l’étain, du plomb et du fer sont doubles par rapport à ceux de la première moitié du siècle. Il en est peut-être de même pour le cuivre mais aucune donnée consultée ne permet de le confirmer. Peu après le milieu du XVIe siècle, l’écart de prix entre l’étain d’une part, et le fer et le plomb d’autre part, s’est réduit à un facteur 4. La valeur de l’argent et de l’or diminue quelque peu. Du début du XIVe siècle jusqu’à la fin du XVIe siècle, les prix du plomb et du fer d’une part, de l’or et de l’argent d’autre part, ont évolué de façon équivalente. Il n’est pas certain qu’il en ait été de même entre l’étain et le cuivre, les données disponibles concernant ce dernier métal étant trop réduites. Ces variations de prix doivent mises en parallèle avec l’évolution également sensible du cours des monnaies. Entre 1486 et 1560, l’écu d’or au soleil passe d’une valeur de 36 gros à 50 gros de compte dans les actes notariés comtadins1078. Le florin de compte se déprécie donc de manière importante. La hausse réelle du prix des métaux hors l’or et l’argent constatée entre la fin du XVe siècle et le troisième quart du XVIe siècle est donc considérablement plus réduite que ne le laissent entrevoir les données brutes. Ces différents 1077 1078 Lacave 1971, p. 421. Ibid., p. 403-404. 187 2. L’approvisionnement en matériaux bruts et produits semi-finis biais pris en compte, il devient possible de confronter les informations à l’évolution des accessoires métalliques du costume. Afin de réaliser cet objectif, il est tout d’abord nécessaire d’étudier le mobilier, de caractériser sa diversité de fonction, d’aspect et de techniques de fabrication, de le confronter aux sources écrites et iconographiques pour mieux percevoir son intégration dans la société. C’est le propos des chapitres qui suivent : nous nous attachons dans le chapitre 3.1 aux anneaux et boucles, aux chapes, aux mordants et terminaisons de courroie, dans le chapitre 3.2 aux appliques et branlants, dans le chapitre 3.3 aux agrafes, boutons, ferrets de lacet, œillets, épingles et chaînettes de suspension ou d’attache et enfin dans le chapitre 3.4 aux bijoux et objets de dévotion. Nous évoquerons à plusieurs reprises les raisons du choix des matériaux. Nous traitons ensuite dans le chapitre 4.1 la confrontation des résultats de nos recherches sur les matières premières avec les données tirées de l’approche que nous proposons pour l’analyse du mobilier archéologique et les données spécifiques à l’artisanat issues des sources archéologiques et écrites. 188 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.1. Les boucles, anneaux et autres éléments constitutifs de courroie Les accessoires de la ceinture et autres anneaux, boucles, chapes, mordants et terminaisons de courroie utilisés ailleurs dans le costume sont les objets qui présentent la plus grande variété d’aspects. L’archéologie, l’iconographie et les sources textuelles attestent de l’existence de très nombreux types de boucles et anneaux, ainsi que de leurs utilisations les plus variées. Ce matériel se retrouve dans la grosse serrurerie, le domaine nautique, l’ameublement, le harnachement, le costume, etc. Préciser la catégorie de mobilier à laquelle appartiennent les boucles, les anneaux, mais aussi les chapes, les mordants, les terminaisons de courroie et les passants retrouvés en contexte archéologique à partir des seuls données de terrain se révèle souvent difficile voire impossible. A contrario, les sources écrites et iconographiques offrent, de par leur nature, des données qui peuvent sembler plus tangibles, même s’il convient de les interroger avec la prudence requise. Questionnées en premier lieu, elles ouvrent des perspectives intéressantes sur le mobilier archéologique. 3.1.1. Le mobilier d’après les sources écrites et iconographiques Les domaines d’utilisation connus pour le mobilier étudié dans ce chapitre sont multiples. Dans le costume, la ceinture tient une place prépondérante d’après les sources textuelles et iconographiques. Les boucles et anneaux participent également à la fixation d’autres accessoires comme les chaussures et les escarcelles, mais aussi au maintien des pièces d’armement défensif. Le harnachement des équidés, et de façon anecdotique celui des chiens, nécessitent également nombre de ces objets pour la disposition et la fixation des sangles. Enfin, l’usage d’anneaux dans l’ameublement ou pour des fonctions moins courantes comme la fermeture des livres est établi. En ce qui concerne le costume et ses accessoires, les boucles et anneaux ont pour rôle l’attache ou le serrage d’une courroie, ordinairement par leur adjonction à une de ses extrémités (ex : ceinture), ou encore de permettre le rapprochement de deux courroies (ex : les chaussures). 189 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.1.1.1. Introduction à l’étude de la ceinture La ceinture est un élément majeur qui complète le costume médiéval, qu’il soit militaire, religieux ou civil. Elle est portée par toutes les classes sociales, par tous les sexes et à tout âge. Elle peut être métallique mais, le plus couramment, revêt la forme d’une longue lanière de cuir ou d’étoffe éventuellement enjolivée d’appliques décoratives. Elle doit tout d’abord assurer, par sa fermeture, le maintien du vêtement, que ce soit au moyen d’un simple nœud (fig. 28, B), d’une boucle (fig. 31) ou d’un système d’agrafage (fig. 75). Elle peut devenir un allié précieux pour libérer les mouvements car il est possible d’y retrousser une partie de son vêtement et de l’y coincer (fig. 44), éventuellement en ayant recours à un crochet, à l’image des atachetes et croches à trousser robes (fig. 27) acquises pour les femmes de la reine Isabelle de Lorraine en 14471079 ou de la troussouere ferree d’or d’un prix de 2 florins 7 gros que le roi René donne à un certain Passefillon en 14761080, ou encore la même année de la troussouerre à ferrure – en or ou en argent ? – commandée par le même roi auprès de son orfèvre et offerte, au Jour de l’an, à Odile, une des damoiselles de la cour1081. Ces agrafes semblent avoir été particulièrement en vogue dans la seconde moitié du XVe siècle d’après les documents rassemblés par V. Gay1082. La poche apparaît tardivement au Moyen Âge. Il est donc assez courant de suspendre à la ceinture (fig. 24) au moyen d’un crochet, d’un cordon1083 ou d’une chaînette, une bourse (fig. 69 et 73) ou une aumônière1084, une gibecière1085, une boîte1086, des clefs (fig. 315 et 316)1087, des accessoires de toilette, un couteau (fig. 78)1088, un petit poignard1089, un 1079 Lecoy de la Marche 1875, t. 2, n° 610. Ibid., n° 88, p. 369. Le roi René est alors hors de Provence. 1081 Gay et Stein 1928, article Troussoire. 1082 Ibid. 1083 Les pages du roi René reçoivent en 1479 des ceinctures de laine et laz à eux lasser (Arnaud d’Agnel 1908, n° 2046). 1084 Les comptes du roi René enregistrent l’achat de quatre bourses munies de couroyes en 1451, sans doute pour leur attache à la ceinture (Arnaud d’Agnel 1908, n° 2248 ; hors de Provence). 1085 L’inventaire des biens du pellissier d’Aix Jacob Fabre daté du 10 juillet 1505 contient unum gibasserium cum sua zona (AD BDR Aix, 308 E 795, f° 304 r°). 1086 Dans la cinquième nouvelle des Cent nouvelles nouvelles (Sweetser (édit.) 1972, p. 55), recueil commandé par le duc de Bourgogne Philippe le Bon entre 1464 et 1467, un soldat tire un saufconduit d’une petite boyte pendant a sa couroye, sans doute sa ceinture. 1087 Le seigneur Archambaut a pour habitude d’enfermer sa femme Flamenca dans sa chambre pour la soustraire aux convoitises : vers 5703 - 5704, Pero ben ser[r]a a l’us e clau / E met a la cencha la clau. Attache-t-il la clef directement à sa ceinture ou la met-il dans une bourse ? 1088 Le roi René offre en 1451 à la petite Poictevine, une de ses servantes, un peigne, des couteaux, une bourse et une ceinture (Arnaud d’Agnel 1908, n° 2462 ; hors de Provence). La concomitance de l’achat de ces objets permet de penser que certains étaient destinés à être portés à la ceinture, au besoin 1080 190 3. Approche croisée du mobilier archéologique miroir1090, etc. Les artisans, ouvriers agricoles et commerçants y glissent le manche d’un outil (fig. 26), y coincent la partie inférieure de leur vêtement pour plus de commodités dans les mouvements1091. En 1379, d’après Jean de Brie, administrateur à la cour de Charles V et anciennement berger, le gardien de troupeau doit suspendre à sa ceinture une boîte à onguents, un couteau pointu et des ciseaux pour soigner les animaux, une alêne et un aiguiller pour réparer ses chaussures, des « fléaux », une panetière et un couteau pour trancher son pain. Le fourreau de celui-ci doit être pendu « à la ceinture à l’aide d’une cordelette de gros fil de chanvre ou d’une vieille lanière nouée »1092. Le port de la ceinture n’obéit pas seulement à des considérations d’ordre pratique mais répond également à des exigences esthétiques quand il participe à l’ajustement des plis d’un habit. Il témoigne de la mode vestimentaire, indique l’affirmation d’un goût ou la richesse de son propriétaire. La position de la ceinture sur le corps – sur les hanches, à la taille, sous la poitrine, dans ce dernier cas seulement pour les femmes –, sa configuration – longue, courte, demi-ceint, ceinture articulée, etc. –, son matériau et ses ornements – soie, laine, cuir de différentes qualités, broderies de fils d’or et/ou d’argent, pièces métalliques ou non, émaux, etc. – constituent les différents facteurs sujets à variation. Le vocabulaire employé pour désigner la ceinture s’avère assez stéréotypé, les mêmes termes revenant presque toujours : zona en latin, ceint et ceinture en français1093, sentura en langue d’oc, avec pour ces deux dernières langues une multitude de variations orthographiques. Cependant, une dénomination aussi commune que zona s’applique également à des courroies dont la fonction n’est pas vestimentaire. Des zonae de soie verte sont achetées en 1317 et 1347 par la papauté ad faciendum firmaturam quorundam librorum1094. Ces sangles ne se différencient des véritables ceintures que par leur plus faible longueur car elles comportent vraisemblablement une boucle. Cette dernière caractéristique at-elle conduit à ce regroupement sous un seul signifiant ? Quelques registres de comptes de la dans la bourse. La 88ème nouvelle des Cent nouvelles nouvelles (Sweetser (édit.) 1972, p. 545-553) rapporte l’histoire d’une jeune fille qui, menacée d’être violée par quatre bandits, se tranche la gorge avec un petit cousteau qu’elle avoit pendu a sa cincture. 1089 L’inventaire des biens de Mathieu Barque, cordonnier d’Aix comprend ung poignal avec une seinture (AD BDR Aix, 303 E 175, f° 1799 r°). 1090 Arnaud d’Agnel 1908, n° 901. 1091 Cette pratique est relativement courante. On se reportera pour des études sur le vêtement de travail à Mane 1989, Mane 1992, Mane 2004 et Mane 2006. 1092 Clévenot (édit.) 1979, p. 65-67. 1093 Issu du latin cinctura, dérivé de cinctus – action de ceindre – d’après le Dictionnaire culturel en langue française (2005). 1094 Schäfer 1911, p. 202 ; Schäfer 1914, p. 374. 191 3. Approche croisée du mobilier archéologique commune d’Avignon ou de la comptabilité de l’Hôpital Saint-Lazare à Marseille présentent encore, cousues sur leur reliure, de courtes lanières destinées à assurer leur fermeture par l’intermédiaire d’une boucle quadrangulaire en fer1095 : c’est le cas d’un registre d’Avignon daté de 1502 (fig. 25)1096 ou d’un registre marseillais utilisé de 1499 à 15391097. Ces documents ont peut-être été reliés par un même atelier, la reliure, très spécifique, étant presque identique dans les deux cas. Le mot zona est aussi usité pour décrire en 1358 et 1364 des sangles de soie attachées à un petit récipient à vin portatif (flasco)1098. Ces dernières sont en 1358 membratis de auro ou de argento, c’est-à-dire garnies d’une boucle et/ou d’une chape et d’un mordant en métal précieux. En 1476, il est acheté à un sellier de Lyon, pour 4 gros et 7 patacs, troys saintures pour mectre es estuys des verres et couppes du roy René1099. Un autre mot, cingulum, désigne indifféremment une ceinture1100, des courroies pour le harnachement1101 ou bien encore les lanières en soie employées pour les courtines dans les résidences papales1102. Un large éventail d’utilisations est pareillement associé au terme corrigia. Il qualifie, entre autres, une ceinture avec pièces métalliques en or pour le pape1103, une ceinture militaire avec garniture en argent réceptionnant une épée1104, des lanières fermant des chaussures1105 ou des livres1106, permettant de soulever des petits coffres1107 ou servant au 1095 Il n’a pas été effectué de dépouillement complet de ces fonds, le nombre exact de registres concernés reste à évaluer. 1096 Ce registre est coté CC 93 aux archives départementales du Vaucluse. La présence ancienne d’une boucle a pu être vérifiée pour les registres CC 73 (1482 - 1483) et 79 (1488 - 1489), mais un examen de la reliure des autres registres de comptes montrerait très certainement qu’il en est de même pour la plupart d’entre eux. 1097 Ce registre est coté 3 HD E 14 au centre marseillais des archives départementales des Bouches-duRhône. 1098 Le 5 novembre 1358 : Et primo de thesauro existenti in turre superiori fuerunt extracti duo flascones auri cum zonis de serico membratis de auro ; le 18 octobre 1358 : Item tria paria flasconum argenti cum zonis suis de cerico (sic) membratis de argento, ponderis LVII march. (Müntz et Faucon 1882, p. 219-221). En 1364 : II unc. pro 2 flasconibus argenti albi cum armis pape, munitis zonis rubeis de serico (Schäfer 1937, p. 57). 1099 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1296. Le roi René est alors hors de Provence. 1100 Unum syngulum de serico, viridis et albi colorum est légué à l’Église de Marseille en 1334 (Albanes et Chevalier 1899, pièce 488). 1101 En 1309 : Item in marestalla scilicet ferris, clavis, unguento, ligatura feni, cingulis et reparatura bastorum… et Item in marestalla scilicet in consuetis computatis bastis novis emptis et reparandis cingulis et aliis (Guillemain 1978, p. 25 et 37) ; Item alia duo barrilia pulcra de alabaustro, ad corrigias de sirico viridi (Coulon 1894, p. 614). 1102 Schäfer 1914, p. 303, année 1346. 1103 Schäfer 1937, p. 242, année 1367. 1104 En 1456 : Ensis cum vagina et corrigia cum guarnimento argentato (Feracci 1976, p. 123). 1105 AC Brignoles, AA 504 = DR 14, parchemin du 29 septembre 1348. 1106 En 1362 et 1370, des corrigiae et une fivella sont réunies pour clore des livres (Schäfer 1937, p. 48 et 291). 1107 Des courroies sont fixées sur un petit coffre en 1326 (Schäfer 1911, p. 428). 192 3. Approche croisée du mobilier archéologique fonctionnement des arbalètes1108. Dans le Roman de Flamenca (vers 1240 - 1250), sous la forme latine corregeta, il désigne l’étroite ceinture qui ceint le bliaut de Guillaume et dont une extrémité remonte ensuite jusqu’à son col, lors de sa première rencontre avec la jeune femme dans les bains1109. Les équivalents en langue provençale et française, correg et courroie, se rencontrent notamment pour définir des lanières utilisées en tant que ceinture militaire1110 ou pour la fixation des pièces de l’équipement du cavalier civil ou militaire1111 comme le casque1112, les gantelets1113 ou les étriers1114. Même si la présence d’une boucle n’est pas indiquée dans ce cas, elle semble toutefois probable. Dans le reste de la documentation provençale, les termes latins banda1115, correterius1116, sengla1117, sengleca1118, provençaux correg et coret1119, français courroie, corroye1120 et sangle1121 sont, quant à eux, réservés au harnachement ou adoptés pour nommer 1108 En 1358, une trentaine de courroies de quatre paumes de long et quatre doigts de large sont achetées et clouées au moyen de quatre cents clous à trente anteprems – des crochets ? – pour tendre des arbalètes (Schäfer 1914, p. 727). 1109 Nelli et Lavaud 2000², vers 5829-5830. 1110 L’armurier Thomas Baigneux est payé en 1452 pour garnir une épée d’un fourreau, de franges et de couroyes (Arnaud d’Agnel 1908, n° 1134). 1111 La variante provençale coret se retrouve dans une chanson érotique de Guillaume IX (1071 - 1127) où, au sens premier, elle est relative à l’équipement militaire (Jeanroy 1905, pièce V, strophe XIV). 1112 En 1453, les comptes du roi René rapportent la fixation de courroies sur un casque pour permettre son attache (Arnaud d’Agnel 1908, n° 882 ; hors de Provence). 1113 Dans le cadre de la réalisation d’un harnoys de joute pour le duc de Calabre, en 1479, le sellier Pierre de Nîmes est chargé de fournir des sangles et des boucles pour garnir une bannière et des gantelets (Arnaud d’Agnel 1908, n° 1255). 1114 L’éperonnier Jean de Laboulaie reçoit 7 sous 6 deniers pour avoir étamé et garni de couroyes neufves des éperons (Arnaud d’Agnel 1908, n° 2238 ; hors de Provence). 1115 L’inventaire d’un atelier de bourrelier d’Avignon mentionne octo bandas de selle telle, gr. X (AD Vaucluse, 3 E 8 417, n.f., 8 novembre 1521). 1116 Pour porter un chargement de tissu, Schäfer 1914, p. 212 (1342). 1117 Ce terme et sa variante orthographique cengla se rencontrent dans un compte de 1364 - 1365 du studium papal de Tretz. Ils y sont utilisés pour le harnachement de mules. (Chaillan 1898, p. 217, 220, 226, 228, 238). D’autres exemplaires sont fixés sur un banc à tirer dans un atelier d’argentier en 1498 (Annexe 8, doc. 13). 1118 Duas duodenas de senglecis celis évaluées à 6 gros sont mentionnées dans un inventaire de bourrelier d’Avignon (AD Vaucluse, 3 E 8 417, n.f., 8 novembre 1521). 1119 Dans un mandat de la ville d’Avignon de 1498 (Bayle 1888, p. 160). 1120 En 1426, dans l’inventaire du château des baux : deux bouteilles d’argent aux armes de Villars, garnies de corroyes verdes clavelées d’argent pesans XXXII marcs, V onces (Barthélémy 1877, p. 131). Dans les comptes du roi René : en 1449, deux florins sont dépensés pour l’achat de six courroies pour un bahut (Lecoy de la Marche 1975, t. 2, n° 672) ; en 1451, des étuis de cuir garnis de couroyes sont fournies par un gainier pour servir pour un gardemenger et une bouteille panetière (Arnaud d’Agnel 1908, n° 2449 ; hors de Provence) ; en 1452, l’échanson du roi reçoit deux coffres ferrés munis de courroies de cuir (Arnaud d’Agnel 1908, n° 2469 ; hors de Provence) ; en 1453, deux couroyes a sengler sont acquises pour un saulcier (Arnaud d’Agnel 1908, n° 2280 ; hors de Provence). Une couroye est achetée pour un chanfrein dans le cadre de la fabrication d’un harnoys de joute pour le fils du roi René (Arnaud d’Agnel 1908, n° 1255). 193 3. Approche croisée du mobilier archéologique des sangles permettant de lier ou de porter des objets et des marchandises. Les mots latin texcutum et provençal testut désignent des lanières textiles de ceinture et peuvent dans quelques rares cas remplacer le terme proprement dit de ceinture. Par exemple, en décembre 1458, Jean Delou, alias Bilhart de Tourves, reconnaît devoir 22 florins 10 gros à Henriet Jeannet, argentier d’Aix, pour une ceinture verte munie d’argent dorée, unus testut viridis munitus argento deaurato1122. 3.1.1.2. La ceinture dans le costume civil d’après les sources textuelles Les archives notariales mentionnent régulièrement des ceintures mais il s’agit le plus souvent des ceintures orfévrées citées du fait de leur valeur financière. Elles n’étaient vraisemblablement pas les plus courantes. La description des ceintures s’avère, la plupart du temps, peu diversifiée ; la lanière est en soie, exceptionnellement en cuir, rarement dans d’autres textiles. Dans quelques rares cas, elle est constituée de perles. En 1569, l’inventaire des bijoux de la marseillaise Catherine de Basche contient un chapelet de corail utilisé en ceinture1123. Le tissu de la courroie peut avoir un aspect velu : en mars 1492, des religieux de Saint-Andiol donnent en gages différents ornements dont une ceinture de velours velue – à poils longs – (zona de veluto velutato)1124 de couleurs pers brochée d’or avec garniture (coloris persici brocatam auro cum garnisione) en vermeil, une ceinture de soie noire plate (plata) – c’est-à-dire aux poils rasés courts ? – avec des pièces de vermeil1125. La lanière est le plus souvent de couleur unie mais le tissu est quelquefois broché d’or ou orné de figures : en avril 1468, Pierre Fabiani reconnaît une dette de 8 florins 8 gros à l’orfèvre aixois Auriot Janoti pour une ceinture de femme d’argent doré avec lanière verte, sans doute en tissu, avec 1121 Les comptes du roi René rapportent l’acquisition, en 1449, de sangles pour un charlit portatif (Lecoy de la Marche 1975, t. 2, n° 676), en 1451, de trois sangles pour un total de 5 sous pour lyer un lit pour pouvoir le mettre dans un bahut (Arnaud d’Agnel 1908, n° 2459 ; hors de Provence), de sangles pour un pavillon en 1453 (Arnaud d’Agnel 1908, n° 2484) d’une selle garnie d’étriers et de sangles en 1478 (Arnaud d’Agnel 1908, n° 2387). Le harnachement des chevaux nécessite l’achat de sangles ou couroyes a sangler à plusieurs reprises dont le prix varie entre 3 et 20 sous l’unité (Arnaud d’Agnel 1908, n° 2237 et 2250 et 2280, hors de Provence, n° 2429 et 2433, en Provence) 1122 AD BDR Aix, 307 E 44, f° 201 v° - 202 v°. 1123 Thiriet 1997, p. 22. 1124 Le velours est un tissage qui nécessite deux chaînes : une chaîne de fond forme la base et assure la solidité du tissu, une seconde chaîne est ensuite fixée par-dessus. Après le passage d’une baguette entre les deux chaînes, de petites boucles apparaissent sur une des faces, ce sont les « poils » rasés à différentes hauteurs et aplanis selon l’effet recherché. Dans le cas présent, ils ont pu être coupés assez haut donnant un aspect velu. Le terme velours peut s’appliquer à la plupart des tissus. 1125 AD Vaucluse, 3 E 5 1027, f° 61 r° - 61 v° 194 3. Approche croisée du mobilier archéologique des figures, zona mulieris de argento deaurata cum texuto de viride figurato1126. Il est rare que l’état de conservation du tissu soit spécifié. Pourtant, l’inventaire après-décès d’un apothicaire aixois mentionne en 1443 une ceinture textile usée (usitatum) avec petite boucle, mordant et six appliques d’argent doré1127. La mention de la longueur et de la largeur de la lanière est tout aussi exceptionnelle : dans l’inventaire de l’atelier de l’argentier draguignanais Elzéar de Gleize, une courroie de tissu est large d’un doigt et longue d’une demi-canne, une autre est large de deux doigts et de même longueur1128. La ceinture est souvent dite en argent, en argent doré ou en or, ce qu’il faut traduire par garnie de pièces d’argent, de vermeil ou d’or, ou bien encore munie (garnida, munita, garni), assortie de pièces (membrata) ou cloutée (clavata, clouée, clavellade) de métal précieux. Les deux premiers termes peuvent s’appliquer à une boucle et/ou une chape et/ou un mordant. La présence d’appliques (La, bolhonus, clavus, clavellus, cloborum, Pr, bilhota, boulon, Fr., clou, boullon) peut également être signalée par les deux premiers mots, mais le dernier s’y rapporte exclusivement. Quelques ceintures sont dites ouvrées de laiton, de loton hobrada, dans le compte d’un mercier de Carpentras en 13971129. Durant le XIVe siècle, les comptes de la chambre apostolique d’Avignon rapportent l’achat de quelques ceintures pour le pape : il y est souvent précisé qu’elles sont en soie et/ou munies d’argent1130. Dans la chambre où meurt Elipde d’Avelin, au château des Baux, il y a dans une petite cayssette peinte, enregistrée dans l’inventaire dressé en 1426, cinq ceintures de tissu de couleur noire, cramoisie, verte, pers, violette et eschaquetée ainsi qu’une ceinture sur I tissu noir garnie d’or, clavelée tout au long, en la quelle faillent VI cloux et une ceinture sur I tissu d’or garnie et clouée d’or, la quelle ly donna madame de Boulogne1131. La ceinture du trousseau de mariage d’une femme de Grasse en 1439 est de tissu de soie multicolore (cum cirico diversorum colorum) et cloutée tout du long (clavellata per totum)1132. En décembre 1422, une reconnaissance de dette en faveur d’un drapier d’Aix, Martin Laugier, révèle qu’il vend une zona de tectuco perci – en marge la mention provençale testut vert – clavellata de argento deaurata du poids de 5 onces pour 8 florins1133. Il est possible d’imaginer les jeux de contraste 1126 AD BDR Aix, 306 E 318, avril 1468. AD BDR Aix, 307 E 23, 137 v°. 1128 Annexe 8, doc. 12. 1129 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 225 r°, 236 r°, 250 r°, 267 v°, 270 r°. 1130 Par exemple, Schäfer 1911, p. 415 (1321), 443 (1324) et Schäfer 1914, p. 146 (1341), 401 (1348), 719 (1358) et Schäfer 1937, p. 676 (1376). 1131 Barthélémy 1877, p. 133. 1132 Malaussena 1969, p. 272. 1133 AD BDR Aix, 307 E 12, 23 décembre 1422 (reconnaissance de dette). 1127 195 3. Approche croisée du mobilier archéologique entre la ou les couleurs du tissu ou du cuir, les motifs brodés ou brochés et les parties métalliques dorées, étamées, vernissées, émaillées, ou dépourvues de couverte sur les quelques exemples qui suivent. En 1432, Louise de la Roche reçoit en dépôt de Nove de Passis, fille de marchands florentin, plusieurs pièces de costume dont une ceinture de tissu faicte à eschaquier de vert et de blanc et garnie d’argent blanc émaillé de vert1134. En 1443, l’inventaire des biens d’un apothicaire d’Aix enregistre une ceinture noire textile avec boucle et mordant (unum testutum nigrum cum bocla et mordente) parsemée de 19 appliques (clavi) d’argent doré ajourée (foratis, sub larga foram). Toutes les pièces en argent sont également émaillées1135. Le bourgeois avignonnais Pierre de Saze possédait en 1471 une ceinture d’argent noir doré (d’argent negre dorade)1136. Des émaux comme ceux disposés en 1480 sur le mordant (bout) d’une sainture portant une représentation de sainte Marguerite, pour laquelle le roi René avait une grande dévotion1137, permettaient d’accentuer les jeux de couleur et de brillance. En 1478, mademoiselle de Lorraine reçoit 1 florin du roi René pour acheter une douzaine de perles pour « faire » une ceinture1138. Bien souvent, les descriptions ne permettent pas de visualiser l’aspect ornemental de l’objet, soit que la ceinture revêt une apparence fort commune, ce qui est sans doute le plus courant, soit qu’il n’ait pas été jugé opportun de la dépeindre car sa valeur n’en est pas augmentée pour autant. Néanmoins des inscriptions particulières tendent à l’individualiser. Par exemple, dans son testament, Guillaume Pothier, barbier d’Avignon, lègue à ses héritiers des ceintures d’argent doré. Sur l’une d’elles sont écrits les mots Ave Maria1139. En décembre 1478, le roi René fait acheter de petites ceinctures avec sa devise qu’il offre à Jean d’Anjou, marquis du Pont, et à mademoiselle de La Jaille, une dame de la cour1140. Dans les deux cas, il est probable que les lettres aient été brodées ou brochées sur la lanière et non pas figurées sous forme d’appliques comme cela se retrouve dans l’iconographie (fig. 82), dans le corpus mobilier1141, mais aussi, quoique exceptionnellement, dans les sources d’archives : lors d’une commande de deux demi-ceints par la reine Jeanne de Laval à la fin des années 1450, cette devise est représentée 1134 Bayle 1983, p. 437. AD BDR Aix, 307 E 23, 137 v°. 1136 Pansier 1925-1927, t. 2, p. 215-216. 1137 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1101. 1138 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2639. 1139 Bayle 1884, p. 458. 1140 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2713. 1141 Se reporter au chapitre 3.2.1.2. 1135 196 3. Approche croisée du mobilier archéologique sous forme d’émaux : A lui pour la facon, dechet et esmailleure de deux demiz sains qu’il a faiz et esmaillez a notre devise1142. Ainsi que l’illustrent quelques exemples ci-dessous, il est parfois précisé que la ceinture comporte une boucle et un mordant. Dans le Roman de Flamenca (vers 1240 - 1250), Guillaume offre à son hôte une ceinture neuve avec courroie de cuir d’Irlande et une boucle de fabrication française (ab fivella d’obra francescha), c’est-à-dire du Nord de la France actuelle, pesant largement un marc d’argent1143. L’arpenteur arlésien Bertrand Boysset met en gage en 1410 une ceinture de soie ouvragée (operata) de couleur blanche et verte avec un fil d’or (cum filo auro) et garnie de sept appliques d’argent, d’une boucle (bloca) et d’un mordant (mordente seu pendente)1144 destiné à rester pendant ou comportant un pendant. En 1505, l’inventaire des biens du pellissier d’Aix Jacob Fabre mentionne deux ceintures avec 25 et 50 clous (clavi), une boucle ou agrafe (fibla) et un mordant (mordent) en argent doré (surdauratum et subredauratum) avec lanière de velours verte ou de velours cramoisi fourré de toile rouge (cum testuto velut cramesini foderatam telle rubee)1145. Le fait de ne pas mentionner une boucle, une chape, un mordant ou des appliques ne préjuge en rien leur absence et signifie simplement que le notaire n’a pas jugé utile d’intégrer de telles précisions en raison, peut-être, d’une faible valeur marchande. La forme et l’aspect des appliques ne sont pratiquement jamais renseignées : elles sont noires sur cinq ceintures proposées à la vente par une mercerie de Carpentras en 13961146 ; en 1433, la ceinture de cuir avec boucle et mordant (mordentus) en argent du docteur en droit aixois Antoine Suan, conseiller du roi et maître rational de la Grande Curie du roi, comporte neuf clous ronds (rotundus) en argent1147. La même année, à l’occasion de l’inventaire aprèsdécès des biens de l’apothicaire d’Aix Jean Salvator, il est enregistré une ceinture de tissu noir avec boucle et mordant comprenant dix-huit clous (clavi) en argent doré ajouré (foratis, sub larga foram)1148. Dans l’inventaire après-décès d’un revendeur aixois, daté de 1482, il est répertorié une large ceinture de tissu vert à figures (figurata) munie de petits clous ronds en forme de rose (ad modum rosa) et d’une boucle émaillée. Elle lui avait été remise en commandite. La présence d’un passant est également rarement documentée. Il n’y a que dans 1142 Piponnier 1970, p. 187. Nelli et Lavaud 2000², vers 2239 - 2257. 1144 Bourrilly 1928, p. 98. 1145 AD BDR Aix, 308 E 795, f° 305 v°. 1146 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 235 r°. L’absence de précision quant au matériau indique qu’il ne s’agit pas d’argent niellé. 1147 AD BDR Aix, 309 E 172, f° 170 r°. 1148 AD BDR Aix, 307 E 23, f° 137 v°. 1143 197 3. Approche croisée du mobilier archéologique un compte du roi René que se retrouve une mention assurée : en 1480, l’orfèvre Jacques Scalle est rémunéré pour la confection d’un courrant pour la ceinture du roi1149. Si une ceinture garnie de pièces d’orfèvrerie peut s’acheter complète auprès d’un orfèvre, il est également possible d’acquérir, à part, les éléments de sa garniture. À titre d’exemple, l’inventaire après-décès de Guillaume Roger, comte de Beaufort, réalisé en 1380 à Arles, fait état de huit nœuds de tissu sur lesquels sont ferrés quarante pièces d’argent pour une ceinture, octo nodi panni in quibus sunt fere quadraginta pecie argenti et esmailhi pro zona1150. Les ceintures orfévrées à nœuds semblent spécifiques à la fin du XIVe siècle : dans les années 1360, l’inventaire des joyaux de Louis Ier d’Anjou signale une ceinture de soie et de fil d’or, faite a nous de perles, comme de ceinture de cordelier, et y a XIII neuz de perles ainsi qu’une autre, trecie en quarre, seme de nouz de perles1151. En 1379, les comptes de Philippe le Hardi mentionnent une seinture a cordelier, a neuz de perles qui fut a ladicte madame Ysabel1152 et en 1405, ils indiquent que Marguerite de Flandres hérite de lui une chainture d’or sur I noir tissu faite a aneles tenant une perle et de neus, au bout pendant une flour de geneste 1153. Revenons aux pièces métalliques acquises pour être disposées sur des ceintures : en 1477, un garnimentum argentum superdeauratum est acheté à Julian Chardon, argentier d’Aix, par un pelletier en même temps qu’une zona mulieris pour 6 florins, le tout du poids de 5 onces1154. Le 15 mai 1542, Pierre de Cabanis reconnaît devoir à Guillaume Panoye, orfèvre d’Aix, le prix de différents ornements dont un guarnimentum zonam mulieris de argento superdeaurato du poids de sept onces1155. Dans l’inventaire du revendeur aixois Gervais Arbaud, en 1502, une boîte contient un mordant en argent (unum botum zonam argentae)1156 et dans celui du château du roi René à Angers en 1471 - 1472, il se retrouve une boucle et ung mordant de fer blanc1157, à priori en acier étamé si l’on s’en tient à la définition usuelle mais plus probablement en fer étamé, car une telle qualité de matériau ne se justifie pas pour une boucle. La ceinture peut également se porter pendante si l’interprétation faite ici du mot pentatus est correcte : une ceinture avec lanière tissée d’argent pendante (sentura ambe testut 1149 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1094. Papon 1777-1786, t. 3, p. LXVII. 1151 Moranvillé 1903-1905, n° 3563 et 3565. 1152 Labarte 1879, n° 70. 1153 Dehaisnes 1886, t. 2, p. 867. 1154 AD BDR Aix, 307 E 77, 14 juin 1477. 1155 AD BDR Aix, 309 E 234, f° 185 v°. 1156 AD BDR Aix, 308 E 814, 2ème cahier, juin 1502. 1157 Lecoy de la Marche 1875, t. 2, n° 642. 1150 198 3. Approche croisée du mobilier archéologique d’argent pentata) garnie d’un mordant, d’une boucle et de clous en argent (garnido de mordent et bloca en que es des claus d’argent) est inventoriée parmi les biens de feu Antoine Baptiste1158. L’argent est le matériau le plus habituel pour les pièces métalliques de ceinture orfévrée. Il est éventuellement doré pour donner l’illusion de l’or, mais l’or en tant que tel est rare. En 1477, le roi René remet une once d’or à son argentier en supplément de la quantité de matière déjà à sa disposition pour la confection d’une ceinture qui une fois terminée pèse 12 gros et 18 deniers1159. Il offre à sa fille Yolande en 1453 une grande et large ceinture d’or, pour laquelle l’orfèvre Jean Nicolas perçoit pour la façon, l’esmailleure et le dechiet compris, 13 livres et 15 sous1160. Auprès du même artisan, le roi René se fait faire une petite sainturette d’or pour un coût du travail de 41 sous 3 deniers1161. Dans ces deux cas, il paraît vraisemblable que l’emploi de l’or soit réduit à la boucle, éventuellement à la chape, au mordant, à des appliques. Il en est autrement pour la ceinture en or d’une valeur de 800 florins que l’orfèvre Jacques Scalle exécute à la demande du roi René en 14791162. Étant donné le coût de cet accessoire, il est légitime d’envisager qu’il soit entièrement en or, c’est-à-dire constitué par exemple de maillons métalliques assemblés par des charnières et se fixant par agrafage1163. Cet exemple illustre le fait que les accessoires du costume comme la ceinture peuvent être utilisés d’une part, comme un moyen de thésaurisation, d’autre part, par leur port, pour afficher la richesse et la puissance de leur possesseur. La fabrication de boucles de ceinture par des artisans provençaux est aussi illustrée par le don d’un florin que le roi René fait à un serrurier – de Tarascon ? – en 1476 pour la confection d’une boucle a la facon d’Almaigne1164, par le paiement de 3,75 florins pour le coût d’une ceinture avec patenôtres rouge clair taillees et esmaillees disposées sur la boucle et dessus toutes les autres pièces et un poignard moresque (ciquat moriq) disposé horizontalement, qui court au long de la sainture1165. 1158 AD BDR Aix, 308 E 814, deuxième cahier, juin 1502. Arnaud d’Agnel 1908, n° 930 et 938. 1160 Ibid., n° 879. Le roi René est alors hors en Provence. 1161 Ibid., n° 879. 1162 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1066, 1073 et 1074. 1163 Se reporter par exemple à R. Tegethoff 2002 (p. 23-24) et à Descatoire (dir.) 2007 (p. 76-80) pour des pièces inhumées lors de l’épidémie de pestes de 1348. D’autres exemplaires sont catalogués par I. Fingerlin (1971). 1164 Lecoy de la Marche 1875, t. 2, n° 88, p. 375. 1165 Arnaud d’Agnel 1908, n° 943. 1159 199 3. Approche croisée du mobilier archéologique Si l’on en juge par l’inventaire après-décès des marchandises du mercier d’Aix Jean de Vitry, réalisé en 1443, chaque ceinture est spécifique d’un sexe et d’un âge1166. Dans le reste de la documentation, cependant, la mention explicite du sexe est relativement rare – même si elle apparaît dans certains cas évidente comme pour les inventaires de dot – et concerne presque exclusivement des ceintures féminines. Le compte d’une mercerie de Carpentras enregistre quelques ventes de ceintures féminines1167. L’inventaire des biens d’un chanoine de Saint-Pierre d’Avignon, en 1465, contient la mention d’une ceinture à lanière de tissu à l’usage des femmes, una zona cum texuto ad usum mulierum cum bloca et mordent et octo clavos argenti superdeaurata mise en gage par un serviteur temporel de la curie, et une ceinture féminine à lanière de tissu, dotée d’un mordant – c’est-à-dire fermée par agrafage ? – avec 18 clous en argent, una zona ad usum mulierum cum texuto, facto mordent, XVIII clavellis argenti1168. Une ceinture masculine apparaît dans un document daté du 16 avril 1484, par lequel un père transmet à son fils des objets orfévrés dont deux zonae ad usum hominis munite argento deaurato1169. Le prix des ceintures orfévrées est très variable1170. En 1278, une ceinture d’argent est vendue à l’encan pour 43 sous, une seconde de nacre munie d’argent (zona de nacris munita de argento) seulement 16 sous1171. En 1308, lors d’un dîner dans les environs d’Avignon auquel est présent le pape Clément V, le cardinal de Pelegrue offre aux invités différents cadeaux, à la valeur proportionnée au degré d’intimité avec le pape. Les douze écuyers et les quatre chevaliers pontificaux reçoivent une ceinture avec une bourse. Le montant engagé est de 12 florins pour les premiers et de 25 florins pour les seconds car la riche ceinture est richement garnie d’argent (ricca cintura fornita d’ariento). Les chevaliers reçoivent également une cotte. Les neveux du pape obtiennent une ceinture d’argent avec bourse estimée à 25 florins, les 34 sergents d’arme, une ceinture à 3 florins, les 16 cardinaux et les 20 autres convives une bague avec des pierres de différentes qualités. Le pape lui-même reçoit un destrier blanc de 400 florins, un hanap de 100 florins, deux bagues, l’une ornée d’un gros saphir, l’autre d’une grosse topaze pour un total de 300 florins1172. Le pape Jean XXII offre en 1317 à la femme d’un de ses proches, à l’occasion de son mariage, une ceinture avec pièces 1166 Annexe 8, doc. 20. Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882. Voir plus loin dans ce chapitre. 1168 AD Vaucluse, 3 E 9 (1) 46, f° 147 r°. 1169 AD Vaucluse, 3 E 9 (1) 75, f° 92 r° - 93 r°. 1170 Il varie du simple au centuple à Dijon entre la fin du XIVe siècle et le début du XVe siècle (Vandeuren-David 2007, p. 286). 1171 Blancard 1884, t. 2, p. 409. 1172 Müntz 1899, p. 403, 404 ; Bosco 1913. 1167 200 3. Approche croisée du mobilier archéologique d’argent parsemée de perles et de pierres d’un prix de 78 florins1173. En 1368, l’orfèvre Jean Baroncelli fabrique pour Urbain V une corrigia sive zona de auro dont le coût s’élève à 20 florins 3 sous pour la matière première, 5 florins pour la main d’œuvre et 1 florin 9 sous pour la lanière de soie (texuto de serico)1174. Grégoire XI gratifie, en 1373, quatre personnages dont Raymond de Turenne, de ceintures d’argent dont trois d’argent doré pour une valeur totale de 225 florins 8 sous, le prix unitaire de chaque pièce variant entre 39 et 68 florins1175. L’inventaire après-décès du marchand marseillais Jean Casse, en 1391, fait état de nombreux prêts d’argent à des particuliers contre des accessoires du costume dont 24 florins à un juif et 8 florins 6 gros à une juive pour une ceinture d’argent1176. Vers 1390 - 1394, Paul de Sade offre à sa nouvelle épouse una petita sentura daurada valant 3 florins 12 sous1177. En 1427, le trousseau de Madeleine Gaudin, fille d’un drapier de Salon comprend une ceinture d’argent sur tissu rouge d’une valeur de 10 florins, une autre sur tissu vert d’un prix de 6 florins, une petite ceinture d’argent d’un travail ancien (opus antiqui) évaluée 2 florins1178. Pour leur mariage, un mari offre à son épouse en 1477 une ceinture d’argent sur tissu rouge d’un prix de 4 florins1179. En 1484, la veuve Lhautard donne au couvent des cordeliers de Sisteron une ceinture en tissu rouge cloutée d’argent tout du long clavatam argenti a longitudine estimée 60 florins1180. L’inventaire après-décès de l’orfèvre draguignanais Elzéar de Gleize daté du 25 avril 1498, donne une échelle de valeur pour les ceintures avec pièces d’orfèvrerie à travers celles qui lui furent laissées en gages. Onze ceintures sont ainsi répertoriées pour une somme totale d’environ 100 florins, la moins chère valant 2 florins, les plus coûteuses 40 florins1181. Le 30 mars 1525, à Aix-en-Provence, une transaction concerne une sona d’une valeur de 60 florins parsemée de trente-six clous d’argent dorés (superdeaurati) pesant trois marcs, avec une lanière textile violette (cum textutum violeti), une boucle et un mordant (bloca et mordente)1182. Au cours d’un inventaire après-décès, d’une vente ou d’une procédure juridique, il n’est pas rare que les objets précieux soient pesés afin de définir leur juste valeur marchande. Le prix de certaines ceintures papales semble s’être négocié de cette façon : en 1348, un 1173 Schäfer 1911, p. 381. Schäfer 1937, p. 242, 252. 1175 Ibid., p. 425, 432, 458, 463. 1176 Villard 1907, p. 112. 1177 Bresc 1988b, p. 119-120. 1178 Brun 1924, p. 235. 1179 Ribbe 1898, p. 146. 1180 Laplane 1843, t. 2, p. 517. 1181 Annexe 8, doc. 12. 1182 AD BDR Aix, 308 E 714, f° 68 v° - 69 r°. 1174 201 3. Approche croisée du mobilier archéologique spécimen de soie noire pesant 5 onces ¾ est acquis 3 florins 8 sous 6 deniers1183, en 1358, une ceinture comportant 14 onces ¼ de soie est achetée 11 florins 21 sous1184. La même année, le pape Innocent VI vend diverses pièces d’orfèvreries pour financer la reconquête de la Romagne, dont plusieurs ceintures parmi lesquelle, se trouvent deux exemplaires de soie avec pièces d’argent (membrate de argento) d’un poids de sept onces et demie1185. Dans les comptes de la chambre apostolique, en 1365, un exemplaire en vermeil émaillé du poids de 5 marcs et 3 onces est estimé à 10 florins le marc1186, en 1376, une ceinture en vermeil vaut 5 florins 3 gros1187. En 1374 et 1376, après la mort du médecin allemand Jean Heinrich qui exerça dans la cité pontificale, ses exécuteurs testamentaires vendent certains de ses biens dont une ceinture de cuir noir ornée d’argent, pesant avec le cuir onze onces1188. En 1471, le bourgeois d’Avignon Pierre de Saze vend à l’orfèvre Jean Minholi différentes ceintures dont le poids est consciencieusement noté pour l’évaluation de la valeur du lot1189 : six ceintures d’argent doré pour une masse de 11 onces, trois autres pesant 12 onces 18 deniers, une ceinture de tissu blanc (senture tessut blanc) pesant 7 onces et une autre de tissu vert toute cloutée (clavellade) d’un poids de 12 onces 6 deniers, une ceinture de tissu brochée d’or cramoisi (or cramesin) d’un poids de 8 onces 6 deniers, une ceinture d’argent noir doré (d’argent negre dorade) d’une masse de 4 onces non compris une garniture (garnison) de vermeil du même poids, et deux ceintures de cuir (cuer) ornées d’argent blanc, c’est-à-dire sans dorure, pesant 1 marc. Dans cet inventaire, le poids des objets varie d’un facteur 1 à 6 et ne s’explique pas seulement par la présence de métal précieux, le poids du tissu entrant inévitablement en ligne de compte. Lors d’une requête en recouvrement d’une senture d’argent, appointée en la sénéchaussée de Draguignan le 11 mai 1554, cette ceinture est poysee et visitee par un orfèvre chargé d’évaluer sa valeur1190. Les statuts de la communauté juive d’Avignon de 1558 prévoient le paiement d’un impôt redevable par chaque foyer dont le montant est le résultat d’une estimation des biens. Dans ce cadre, les sanctures d'argent dorees avecques le tissu doivent être évaluées à douze florins le marc1191. 1183 Schäfer 1937, p. 401. Schäfer 1914, p. 719. 1185 Müntz et Faucon 1882, p. 222, 224. 1186 Müntz 1889, p. 409. 1187 Schäfer 1937, p. 676. 1188 Labande 1912b, p. 182. 1189 Pansier 1925-1927, t. 2, p. 215-216. 1190 AD Var, 1 B 264, f° 242 v°. 1191 Maulde la Clavière 1886, p. 115. 1184 202 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les inventaires arlésiens après-décès du milieu du XVe siècle consultés par F. Feracci donnent une idée de la diffusion des ceintures orfévrées au sein de la population. Sur une soixantaine de documents étudiés, seuls huit d’entre eux font état de ceintures pour un total de 29 exemplaires1192. À l’exception d’une d’entre elles, toutes sont signalées comme ornées de matières métalliques précieuses. Elles sont dénommés zona, dans un cas textcutum, miech sench pour six pièces qui seront traitées ultérieurement. Le noble Alexis Caysse en possède seize – dont les six miech sench –, le pêcheur Johan Céleste et le poissonnier Johan Rostang trois exemplaires chacun, le reste se partage entre un « bourgeois », un boucher, un berger, un laboureur et un prêtre. S’ils en sont les propriétaires effectifs, rien ne prouve qu’ils les aient portées car des bijoux ou des coiffes féminines figurent parfois dans les inventaires relatifs à des hommes1193. Les ceintures offrent des couleurs variées, même si le noir et le rouge dominent ; l’une d’elles est de la couleur de l’herbe (viridus herboso). Le matériau de la lanière (texcutum) est souvent spécifié : trois sont en cuir (cum texcutum corey), une en tissu cramoisi de velours velu (in cremesino velutato) et treize en soie (texcutum sirico) parfois brochée d’or (broquato de auro) ou d’argent1194. L’absence de précision quant à la matière de la courroie indique peut-être l’emploi d’un matériau plus commun comme de la laine ou du cuir de mouton. Hormis un exemplaire, toutes les ceintures recensées sont munies d’appliques (cum clavello) au nombre de trois à vingt-cinq, d’une boucle (bocla, provençal) et d’un mordant (mordent, provençal) en argent. Une boucle est signalée comme étant plate (cum… una plata bocla) bien que la forme des accessoires n’est que rarement décrite. Pour achever ce relevé, il convient d’ajouter deux boucles de ceinture de femme et un mordant en vermeil (due bloque zone mulieris et unum mordent argenti superdeaurati), d’un poids total de cinq onces, mentionnés dans l’inventaire du noble Jean Caysse. C’est dans ce dernier document que se trouverait une ceinture sans éléments métalliques, en soie noire broché d’or, dont F. Feracci pense qu’elle devait se nouer simplement autour de la taille1195. Il paraît cependant fort probable que la boucle et le mordant furent en fer ou en alliage cuivreux, métaux d’une valeur jugée négligeable. Pour le reste de la documentation provençale, cette identification semble prévaloir. La ceinture orfévrée était-elle portée quotidiennement dans la population, ou seulement lors des fêtes ou conservée précieusement ? Un compte de clavaire de la Claverie 1192 Feracci 1976, p. 115-116., tableau n° 24 Feracci 1976, p. 117-119. 1194 Le brochage est un procédé qui consiste en l’insertion de fils lors du tissage pour former des ornements sur le fond uni de l’étoffe. 1195 Feracci 1976, p. 116. 1193 203 3. Approche croisée du mobilier archéologique de Barjols rapporte une condamnation à dix sols, datée du 20 juillet 1322, pour vol d’une ceinture (zona) et d’une bourse (marsupium) sur la personne d’Aygline Cabrel, mais le matériau des accessoires n’est pas précisé1196. Le 18 juin 1393, lors de l’abordage par un bateau génois, du navire florentin qui transportait Tieri di Benci – un associé du marchand Marco Datini –, un médecin de Florence et leurs épouses respectives, celles-ci furent dépouillées par les bandits de leur ceinture et de leur bourse. L’une d’elles venait de se marier : arborait-elle l’emblème de sa nouvelle condition ? Les informations fournies par les archives sont trop restreintes et ne permettent pas d’évaluer l’usage réel des ceintures composées de matériaux précieux. Les données ne sont pas plus disertes pour les membres de la noblesse et de la haute bourgeoisie provençale, la cour papale ou celle du roi René. L’iconographie, elle-même, n’apporte pas véritablement de réponses ; les ceintures de couleur or y sont relativement fréquentes sans être non plus majoritaires. Et, si l’on omet les figures religieuses, c’est généralement la noblesse voire la haute bourgeoisie qui est presque toujours représentée. En outre, la couleur et la forme des ceintures figurées peuvent être le fait de conventions d’artiste qu’il n’est pas toujours aisé de mettre en évidence. Lorsqu’elle est mentionnée dans les archives notariales, la ceinture est souvent garnie de pièces métalliques orfévrées et la courroie est ordinairement en soie. Toutefois ces textes, qu’il s’agisse d’actes relatifs à la dot et au mariage ou de testaments, ne signalent généralement que des objets possédant une certaine valeur marchande et le mobilier commun n’y est presque jamais cité. Les inventaires après-décès donnent un aperçu beaucoup plus large de la culture matérielle mais les ceintures non orfévrées n’y sont pas plus courantes. Les comptes du roi René, de sa femme et de son fils rapportent quelques achats de ceintures sans éléments en métal précieux : un courrier du roi René lui procure par exemple une ceinture de soie d’un demi-écu en 14791197, et en 1478 une saincture de cuir rouge est acquise pour le duc de Calabre1198. En tant que souverain, le roi fait de temps à autre de menus cadeaux à des membres de sa famille ou de sa cour. À ce titre, Monseigneur de Laon reçoit en 1451 une sainture garnie de laton doré1199 d’une valeur de 13 sous et 9 deniers1200. La petite Hélène, jeune fille de la cour pour laquelle le roi René semble avoir de l’affection, reçoit en 1476 une sainture payée un gros et partage avec la petite marquise une sainture de fil d’archet 1196 AD BDR Aix, B 1758, f° 76 v°. Arnaud d’Agnel 1908, n° 2721. 1198 Ibid., n° 3339. 1199 Ce mot ne désigne pas du laiton dans le sens actuel mais un alliage cuivreux. 1200 Arnaud d’Agnel 1908, n° 856. Le roi René est alors hors de Provence. 1197 204 3. Approche croisée du mobilier archéologique (d’archal) et un miroir acquis pour la somme de 4 gros 4 patacs1201. Les sainctures des pages sont faites en 1478 dans un ruban de soie noire et leur coût est sans doute d’environ un gros. Marguerite de Lorraine, la petite fille du roi, se voit offrir en 1478 une douzaine de patenostres pour faire une ceincture d’une valeur d’un florin1202. Elle obtient également de sa mère la même année une sinture de fil de 3 gros pour l’officiant d’une chapelle1203. Un an plus tard, le compte du duc de Calabre rapporte l’achat de cinq cannes de ruban de soie pour faire des lacets, des aiguillettes et des ceintures1204. Un autre compte, celui de la ville d’Avignon, enregistre en 1499, à l’occasion de l’arrivée du légat César Borgia à Avignon, les frais relatifs à l’habillement de pied en cap des danseurs qui doivent le divertir et notamment de six paumes de taffetas jaune pour leur saincture, soit 4 florins 12 sous1205. Ces quelques mentions sont cependant anecdotiques. Des documents comme le compte des marchandises vendues par un mercier de Carpentras, des inventaires de mercier et de colporteur et l’inventaire de balles saisies par des péagers donnent par contre une image beaucoup plus proche des conditions de la vie courante. En avril 1343, l’inventaire des marchandises, transportées à dos de cheval par les merciers Pierre Cambafort et Pierre Gilles et saisies à la requête du péager d’Aix pour cause de non paiement du péage mentionne de nombreux articles de mercerie dont des ceintures1206. Il part d’Aix-en-Provence, arrive à Paris le 20 février 1343, est revenu à Aix après un voyage allerretour d’environ trente-trois jours. Il y écoule une partie de son stock, repart pour Montpellier au début du mois d’avril où il effectue de nouveaux achats, quitte la ville le 16 avril et revient en passant par Arles où il vend un peu de mercerie, par Salon où il ne vend rien, arrive à Aix le 19 avril après trois semaines d’absence et trois jours de route. Il écoule aussitôt une partie de sa marchandise à Aix et le stock restant est envoyé à Saint-Maximin. Pierre Gilles est l’employé d’un autre mercier d’Aix qui l’a envoyé se ravitailler à Montpellier et qui a fait le voyage du retour avec Pierre Cambafort1207. Les deux balles de ce dernier comprennent 324 ceintures de laine, une douzaine de ceintures de cuir rouge, 210 petites ceintures de soie sans appliques d’argent (sine clavis argenteis). Cette information sous-entend que les ceintures de soie comportent ordinairement des appliques orfévrées. Les balles de Pierre Gilles 1201 Ibid., n° 901. Ibid., n° 2639. 1203 Ibid., n° 4280. 1204 Ibid., n° 2656. 1205 Pansier 1919, p. 18. 1206 Annexe 8, doc. 18. 1207 Billioud 1923, p. 52. 1202 205 3. Approche croisée du mobilier archéologique rassemblent 216 ceintures de laine, 120 ceintures de soie sans appliques d’argent, 24 ceintures de soie garnies (munitae) de laiton, six ceintures (lumbaria, sic) de Paris ornées de laiton, 36 lumbaria (sic) de Rouen. Le 20 novembre de la même année, lors d’un deuxième passage par Aix-en-Provence où le mercier Pierre Cambafort se refuse toujours à payer la taxe, sa balle ne comprend plus que trois grosses douzaines de ceintures de laine estimées à trois florins et un tiers. Les articles de sa balle ont été achetés à Avignon et à Beaucaire puis ramenés à Aix par Orgon1208. Le mot munitus peut s’appliquer à la boucle, à la chape, au mordant, aux appliques ou bien encore à l’ensemble des composants de la ceinture. La ceinture dénommée lombarium/lumbarium, vient du latin classique et médiéval lumbare « ceinture, caleçon », et sert peut-être à retenir les braies ou la culotte. Soit qu’il n’existe pas réellement de distinction avec la ceinture de dessus, soit qu’elle soit rare, soit qu’elle n’ait pas de valeur marchande particulière, il n’a pu être retrouvé qu’assez peu de mentions de ces ceintures de sousvêtement dans la documentation écrite provençale et aucune dans l’iconographie1209. Les comptes de la chambre apostolique rapportent l’achat pour le pape, en 1324, d’une ceinture et de deux exemplaires de tunique secreta1210, et en 1376, l’acquisition d’une ceinture de soie d’une valeur de 2 florins 1/3 et du fourniment de sous-vêtements (furnimento bragarum) en argent doré, sans doute une boucle et peut-être une chape et un mordant, pour 2,9 florins1211. La sengla puerum signalée en juillet 1505 dans l’inventaire après-décès d’un pellissier aixois ou la sengle pour enfant de coton bone dans l’inventaire des biens du défunt Martin Gantier, hôtelier d’Aix, s’apparentent sans doute plus aux langes, aux bandelettes pour l’emmaillotage ou aux ceintures pour le nombril qu’à la ceinture proprement dite1212. Les boucles de braghiere que se procure la boutique de F. Datini d’Avignon auprès des succursales italiennes1213 correspondraient à des boucles de « brayer » 1214 , la lanière serrant les braies à la ceinture selon A. Antonini1215. En 1363, les rondes, de moyennes dimensions, sont commandées à 15 sous la grosse et les grandes, entre 22 et 24 sous la grosse. 1208 Bourilly 1923, p. 52 ; Annexe 8, doc. 19. Certains travaux pénibles ou réalisés lors de fortes chaleurs conduisaient les travailleurs à se déshabiller en partie pour plus de commodité : quelques personnages participant à la figuration des travaux des mois de l’année visibles sur des portails d’église laissent apparaître leurs braies avec leur braier pour les fixer. Se reporter par exemple au portail de l’église de Mimizan dans les Landes (Beaurain 1904, p. 12). 1210 Schäfer 1911, p. 443. 1211 Schäfer 1937, p. 676. 1212 AD BDR Aix, 303 E 175, f° 1815 v° et 308 E 795, f° 303 v°. 1213 Frangioni 2002, p. 129, 133, 137, 138, 139, 146, 155, 170, 173. 1214 En 1320, le comte de l’argentier du roi de France Philippe V le Bon mentionne l’achat de quatre boucles en argent pour le brayer du roi (Maillard 1961-1962, p. 169). 1215 Antonini 1770. 1209 206 3. Approche croisée du mobilier archéologique En 1369, il est souhaité que leur valeur soit de 18 et 20 sous la grosse lorsqu’elles sont rondes et en fer étamé, et 22 sous lorsqu’elles sont à double fenêtre (fibie dopie) et larges. Concernant ces dernières, les marchands avignonnais préfèrent en recevoir tout d’abord un spécimen pour en vérifier la convenance. Entre 1363 et 1371, il est demandé l’envoi de 59 grosses et de six et huit grosses dans des lettres de 1385 et 1394. L’établissement milanais de la compagnie Datini est le plus sollicité, celui de Gênes ne l’est qu’une fois. Les autres types de ceintures sont réunis sous le vocable cinture. Sept douzaines d’entre elles, commandées en 1363 à la succursale de Florence, doivent être recouvertes de cuir de veau à quatre coutures de soie et être accompagnées d’une escarcelle (scharselle) à œillets (occhietti) en soie avec un mordant en fer et une boucle carrée poinçonnée d’un B ou d’une autre marque, façonnée à deux ou trois plis (chostole)1216, à la manière d’une escarcelle vue à Sienne. Ces ceintures sont dites « doubles » (dopie), peut-être parce que le cuir est fixé sur une lanière textile ou que la largeur ou la longueur de la courroie est double de celle usuelle. Six autres exemplaires, à courroie noire recouverte de cuir de veau blanc, sont pourvus d’une escarcelle de taille moyenne couverte de soie couleur jaune avoine clair (con bastone di seta biada chiara), à deux ou trois plis, parsemée de « bâtons » de cette soie et présentant trois coutures de soie1217. Toujours auprès de la succursale florentine, il est sollicité l’année suivante l’envoi de 24 ceintures se composant d’une courroie de soie couverte sur le devant de cuir de veau noir sans couture visible, avec une boucle marquée d’un B ou d’un croissant de lune (lunete), ceintures étroites ou larges, de toutes sortes et comprenant un lot de six articles parfumés à l’eau de rose (cho mucheri rosi)1218. En 1365, deux schiene florentines claires et nettes avec de belles crespa (lanières ?), grandes et égales, sont commandées pour faire des ceintures et des rênes de prélat (chavezine da parlato)1219. La même année, il est demandé aux correspondants de Gênes l’expédition d’une ou deux balles de cuir de veau noir ou blanc de bonne qualité, pour moitié à la façon de Pise et destinées entre autres, à la confection des ceintures et des escarcelles1220. Deux ans plus tard, de Florence cette fois, doivent parvenir 24 ceintures avec escarcelles de toutes tailles, les deux devant être de couleur blanche pour quelques exemplaires1221. En 1368, toujours de Florence, sont encore envoyées 1216 Le terme costola équivaut à « côte (os), côté » dans le dictionnaire de A. Antonini. Cependant, le mot côte peut également désigner une rayure saillante d’un tissu dans la langue française. 1217 Frangioni 2002, p. 102. 1218 Ibid., p. 102. 1219 Ibid., p. 109. 1220 Ibid., p. 114. 1221 Ibid., p. 118. 207 3. Approche croisée du mobilier archéologique douze ceintures de taille moyenne avec larges escarcelles, à bâtonnets et larges plis, de deux sortes, les ceintures et escarcelles étant couvertes de soie1222. Entre 1366 et 1368, neuf douzaines d’étuis à outils de forge (ferriere) de cuir noir avaient été requis, pour la plupart de dimension moyenne, fermés par une boucle, avec une bonne courroie de soie1223. La majorité des articles provient de la succursale florentine. Quatre grosses de boucles doubles frustes (roze) de trois tailles différentes pour ceinture sont cependant commandées à Milan en 13671224. Malgré tout, la vente des boucles de ceinture tout comme celle des ceintures ne constitue qu’un complément à l’activité de la boutique de François Datini à Avignon, centrée sur la vente de pièces d’armement. Un autre éclairage est apporté par le compte d’une mercerie de Carpentras qui s’étend sur les années 1396 - 1397. Presque 240 ceintures y ont été vendues sur les quinze mois d’activité conservés. La ceinture sans mention particulière s’y vend entre 9 deniers et 5 sous la pièce avec une prédominance des prix à 2 sous. Il est parfois précisé qu’elle est de couleur noire (2 sous)1225, petite – petita (prix inconnu)1226 –, grande – gran (2 sous 10 deniers) ou grant (3 sous 8 deniers)1227 –, de la guisza (2 sous)1228. Une filha delban hostal d’esta vila – une prostituée de la maison communale – en achète une 2 sous 6 deniers en 13961229. Il est indiqué dans huit cas que la lanière est de cuir, de cuer. Elles s’échangent entre 1 sou 6 deniers et 4 sous, l’une d’elle est granda (3 sous 6 deniers)1230. Les ceintures de fil sont cédées entre 1 sou 9 deniers et 3 sous1231, celles de fil de mes – d’une meilleure qualité – 4 sous 8 deniers ou 8 sous1232. Ces dernières sont peut-être équivalentes aux ceintures de seda (soie), de fil de mes de seda ou de seda di mes dont le prix est de 5 ou 6 sous1233. Deux ceintures de sendat, un tissu de soie1234, sont vendues 5 et 7 sous, une troisième est retournée par l’acheteur1235. Trois demi-ceints – sentura de ½ regla – sont vendus à 2 sous 6 deniers et 3 1222 Ibid., p. 130. Ibid., p. 115, 130. 1224 Ibid., p. 90. 1225 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 131 v°, 143 r° (une douzaine, retournées par le client). 1226 Ibid., f° 145 v°. 1227 Ibid., f° 208 v°, 285 r°. 1228 Ibid., f° 154 v°. De bonne conformation ? Dans le dictionnaire de S. J. Honnorat (1847), guiza équivaut à « se bien conduire ». 1229 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 19 r° 1230 Ibid., f° 35 r°, 38 r°, 52 r°, 52 v°, 141 r°, 165 v°, 242 r°, 247 r°. 1231 Ibid., f° 57 r°, 163 v°, 185 v°, 196 v°. 1232 Ibid., f° 21 v°, 196 v°. Pour deux autres ventes le prix n’est pas connu. 1233 Ibid., f° 36 v°, 138 r°, 160 r°, 200 v°, 234 r°, 249 r°. Le prix n’est pas précisé pour cinq autres exemplaires (f° 54 r°, 145 v°, 146 r°, 223 r°, deux spécimens). 1234 Armure de toile de soie, vraisemblablement du taffetas (se reporter à S. J. Honnorat 1847). 1235 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 35 r°, 220 v°, 229 r°. 1223 208 3. Approche croisée du mobilier archéologique sous en 13971236. La plupart des ceintures répertoriées dans des inventaires dijonnais datés entre 1383 et 1403 sont dites de mes sans indication de matériau. Quelques exemplaires sont ferrés d’étain ou d’airain. C. Vandeuren-David évoque la possibilité qu’elles proviennent de Metz ou qu’elles sont faites à la façon de Metz1237. Des ceintures de Rouen sont également mentionnées dans ces documents et rappellent que le mercier Pierre Gilles en transportait en 1343 dans ses balles de marchandises1238. En janvier 1397, la mercerie de Carpentras cède une ceinture d’argent doré du poids de 3 onces et un quart à raison de 20 gros l’once soit 6 livres 10 sous mais elle est retournée un peu plus tard par l’acheteur1239. En mai de la même année, la mercerie de Carpentras fait porter à une cliente deux ceintures à pièces d’argent mais elle renvoit la marchandise1240. Vingt-cinq exemplaires de sentura d’assier sont fournis par la mercerie en 1396-1397 avec un prix s’échelonnant entre 2 sous 9 deniers et 7 sous1241. les valeurs de 3 sous, 3 sous 6 deniers et 4 sous étant de très loin les plus courantes. Quelques-unes sont petites (3 sous), larges (3 sous 6 deniers, 4 sous), ouvrées (4 sous), blanches (7 sous)1242. Les ceintures de leton ou de loton hobrada ne sont pas plus coûteuses – entre 3 et 7 sous – mais elles n’apparaissent que durant un temps limité, entre la toute fin du mois de mai et août 13971243. L’une d’elles est cédée au capitaine de Caromp, une autre est d’un type féminin : sentura de loton de dona obrada1244. D’autres exemplaires, au nombre de dix-huit, sont garnis de feuilles de laiton – sentura de fuelha de leton – parfois dorées1245 et coûtent entre 1 sou 4 deniers et 2 sous 6 deniers avec une large prédominance pour 2 sous. Les clous de cinq autres ceintures à 2 sous 10 deniers la pièce, retournées par le client démarché, le noble Antoine Travela, sont de couleur noire1246. Une seule ceinture à pièces de laiton, échangée contre 2 sous 6 deniers, n’est pas dite ouvragée ou garnie de feuilles1247. Quelques ceintures vendues par la boutique sont spécifiques à un sexe ou à un âge. Outre la ceinture de femme déjà mentionnée, il est enregistré une ceinture de femme pour 2 1236 Ibid., f° 58 r°, 154 v°, 170 r°. Vandeuren-David 1997, p. 268. 1238 Annexe 8, doc. 18. 1239 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 145 r°. La livre est égale à 20 sous et le gros à 2 sous 1240 Ibid., f° 224 r°. 1241 Ibid., f° 145 r°. La livre est égale à 20 sous et le gros à 2 sous 1242 Ibid., avec par ordre f° 226 v°, 149 r°, 46 r°, 232 v°, 55 v°. 1243 Ibid., f° 225 r° (au capitaine de Caromp, 6 sous), 236 r° (7 sous), 250 r° (3 sous 6 deniers), 267 v° (3 sous 6 deniers), 270 r° (3 sous). 1244 Ibid., f° 236 r°. 1245 Ibid., f° 279 v°. 1246 Ibid., f° 235 r°. 1247 Ibid., f° 62 r°. 1237 209 3. Approche croisée du mobilier archéologique sous, une autre pour 3 sous, une ceinture noire pour femme d’une valeur de 3 sous, une ceinture de femme en cuir, sentura de dona an cors, valant 2 sous 6 deniers1248. Il n’est pas rapporté de ceintures pour homme mais il apparaît trois ceintures pour enfant de faible prix car de plus petites dimensions : une ceinture rouge à 8 deniers, deux autres ceintures à 9 deniers et 1 sou 3 deniers1249. Sur les presque 240 ceintures vendues par la mercerie de Carpentras, neuf d’entre elles le sont avec une bourse qui, lorsque le matériau est précisé, est en soie. L’ensemble s’échange alors entre 1 sou 3 deniers et 12 sous. Vingt-neuf sont achetées avec une bourse et une bague. La bourse est parfois dite en soie, elle peut être petite ou grande. Le ceinture est de soie, de fil de mes, de mes de seda, de sendat, couverte de sendat. La bague est parfois décrite comme étant en argent, massis – massive, grande –, avec quatre ou six perles, an cayseta – à caisson, à chaton. Les combinaisons entre les différentes qualités de ces trois articles sont très variées mais l’échelle des prix reste assez réduite – entre 13 sous et 1 livre 10 sous – d’autant plus que les deux tiers des achats s’effectuent entre 19 sous et 1 livre 5 sous. Une seule vente, par sa valeur, excède de loin toutes les autres : le 10 février 1397, Martin Fornier achète pour la femme de Louis Fornier une ceinture d’argent doré, déjà mentionnée, pour 6 livres 10 sous, une bague en or avec six perles pour 3 livres, une grande bourse de drap de damas pour 16 sous. Le tout atteint 10 livres 6 sous mais la ceinture sera retournée plus tard1250. Peut-être ces achats étaient-ils destinés à pourvoir le trousseau de dot de la femme d’un membre de sa famille ? Qu’en est-il des autres ventes ? L’acheteur est rarement mentionné et c’est alors un homme, mais la raison de l’achat n’est pas indiquée. D’autres transactions impliquent une bourse avec une ceinture de soie, une ceinture d’acier et une bague à caisson1251, ou bien encore une bourse, une ceinture, une bague, un chapeau ou deux chausses1252. En définitive, la bourse est quelquefois vendue avec une ceinture, ce qui n’est pas étonnant, mais aussi avec une bague. Dans ce cas là, la possibilité d’un trousseau de dot n’est pas à exclure quand bien même la ceinture n’est-elle pas ornée de métaux précieux : il en faut pour toutes les catégories de clientèles. L’inventaire en 1443 des biens de feu Jean de Vitry, mercier d’Aix regroupe également une multitude de ceintures différentes1253. Il y est répertorié dix ceintures d’homme 1248 Ibid., f° 46 r°, 157 r°, 234 v°, 255 r°. Ibid., f° 53 v°, 158 v°, 236 r°. 1250 Ibid., f° 156 r°. 1251 Ibid., f° 142 r° 1252 Ibid., f° 19 r°, 60 r°. 1253 Annexe 8, doc. 20. 1249 210 3. Approche croisée du mobilier archéologique en cuir travaillé avec une ou deux agrafes ou plus probablement boucles pour la fermeture (fuvellae), cinquante ceintures masculines dont la valeur oscille entre 7 et 14 gros la douzaine, neuf larges (largae) ceintures pour femme à 2 florins et 20 gros la douzaine, quinze ceintures féminines à raison de 15 à 20 gros la douzaine, six ceintures pour petite fille avec petite boucle en alliage cuivreux (bloqueta de lotono) à 7 gros et demi la douzaine, neuf ceintures pour fillette à 9 gros la douzaine, 27 ceintures pour enfant évaluées entre 2 et 5 gros la douzaine et trois ceintures étroites (strictae) toujours pour enfant à 7,5 gros la douzaine. Se trouvent également consignées cinq ceintures pour femme estimées 15 gros la douzaine. Les ceintures de jeunes enfants sont moins coûteuses ; cependant, celles des petites filles sont d’un coût à peu près équivalent à celles des adultes de sexe masculin alors que celles des femmes sont plus onéreuses. Les descriptions, trop peu précises ou absentes, ne permettent pas de rattacher ces écarts de prix à des caractéristiques tangibles comme le choix des matériaux, le travail des matières ou l’ornementation. Cependant, cette échelle de valeur met en exergue le rôle prépondérant – sur lequel un chapitre ultérieur est consacré – dévolu à la femme, dès son plus jeune âge, de représenter par son apparence le groupe familial et son statut social1254. L’inventaire mentionne également des petits coffrets contenant cinquante boucles doubles (fuvellae duplica), neuf boucles de fer blanc (bloqueti ferri albi) pour femme et neuf anneaux de laiton de peu de valeur. En 1448, l’inventaire des biens de Jean Coraiosi, boursier, aiguilletier, blanquier et mercier d’Aix originaire de Genève1255 mentionne sept ceintures de cuir étroites avec appliques de laiton pour femme d’une valeur totale d’un gros, huit ceintures de cuir pour homme très abîmées, vastatar et rebregatum1256, appréciées un gros, un ensemble constitué d’un cordon de frère mineur (cordunum fratris minoris) couvert de soie et de deux ceintures de parchemin vertes (zonas virides pargameni) pour un total d’un gros et 18 courroies (corrigiae) de mouton blanches pour 12 gros. Le cordon des « cordeliers » est à l’origine une marque de pauvreté affichée. Le couvrir de soie est donc une marque de détournement pour le moins inattendue. Dans un autre inventaire de mercier aixois daté de 15021257, six ceintures de tissu, parmi lesquelles deux noires, une grise et une rouge, sont dites ferrées d’étain de Cornouailles, ferrad d’estan de Cornalhes. Une telle précision dans la provenance du métal 1254 Se reporter au chapitre 4.2. et à l’annexe 7. Annexe 8, doc. 21. Coulet 1988, p. 479. 1256 Dans Du Cange, vastatar signifie dévasté, ruiné ; dans le dictionnaire provençal de S. J. Honnorat, rebregar, latinisé dans le texte, renvoi à chiffonné, bouchonné, froissé, fané. 1257 Annexe 8, doc. 22. 1255 211 3. Approche croisée du mobilier archéologique ou des pièces métalliques en étain est pour le moins surprenante, d’autant qu’elle semble difficilement évaluable à l’œil nu. La même origine est inscrite pour des plats d’estain de Cornouaille d’Angleterre achetés pour le roi René1258. Dans le cas du document aixois, peuton supposer que le notaire ait été renseigné par une personne compétente en matière de mercerie et de travail du métal – aucun témoin n’est spécifié pour l’inventaire –, ou que ce soit une production spécifique aux artisans anglais de l’époque ? La production des mines d’étain de Cornouailles est-elle alors si florissante que par définition l’étain rencontré en Provence en soit forcément originaire ? Il est à noter que des envois de ce métal depuis des centres producteurs allemands et d’Europe centrale en Provence sont attestés à partir de la fin du XIVe siècle1259. L’idée que l’étain, pour un profane, soit toujours issu de Cornouailles estelle envisageable ? Si la mention était restée isolée, le doute aurait été permis mais l’origine des huit types de marchandises qui précèdent la mention des ceintures et qui débutent l’inventaire est également spécifiée. Elles sont dites de Beauvais, de Lyon, de Nantes ou de Cambrai. Par contre, la provenance d’aucun des 28 types de marchandises qui suivent n’est renseignée. Un siècle plus tard, en 1545, la balle d’un colporteur mort à l’Isle-sur-Sorgues comprend huit ceintures tressées de type cordon en laine (sentures sive trenes de lane) évaluées deux gros et cinq ceintures de Paris de type cordon d’une valeur de 4 gros1260. Vingtet-un ans après, un inventaire des marchandises du marchand avignonnais Adrien Moret enregistre une grande variété de ceintures dont trente-trois évaluées à la douzaine1261 : six ceintures de jais à chape ou à mordant (a fer) dont trois à six livres et trois autres à fer de molant à 8 livres, dix-huit ceintures de jais (jaiet) et de porcelaine (porcelline) à 7 ou 9 livres, six ceintures garnies de buis (bouie) et gerbes (?) à 8 livres et trois ceintures de nacre de perle1262 à 12 livres la douzaine. Huit autres ceintures, décrites en détail, sont d’un coût plus élevé, entre 2 livres et 25 livres La moins dispendieuse est une ceinture et sa chaîne, toutes deux décorées de pièces de jais et de roses de porcelaine. La chaîne semble être accrochée à la ceinture car il s’en trouve également en pièces isolées dans ce document. Il est aussi indiqué une ceinture de nacre et chaîne d’argent avec le vaze en argent, probablement l’agrafe pour la suspension de la chaîne comme il est expliqué un peu plus loin. L’inventaire répertorie aussi 1258 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2646. Se reporter au chapitre 2.2.4. 1260 Annexe 8, doc. 23. 1261 Annexe 8, doc. 24. 1262 La première attestation de l’expression nacre de perle – la nacre de coquille – qui succède au latin nacrum, est de 1561 d’après le Dictionnaire culturel. Le document provençal date de 1566. 1259 212 3. Approche croisée du mobilier archéologique une ceinture et sa chaîne garnies de roses ajourées en porcelaine, une ceinture à fers molant l’un d’argent et l’autre de perle avec le vaze d’argent, une ceinture à chaîne de porcelaine failte et tailhe a foys garnie de grains d’or et de grains d’argent, une ceinture à chaine de nacre garnie d’or, le vaze garni d’or et à fer de molant, une ceinture à vaze et chaîne d’argent faitte a cheine de pais pesant 8 onces et 4 deniers à 17 livres le marc plus cinq livres de façon, une ceinture à cheine et quarcan de porcelline garni d’or, le vaze garni d’or et ajouré à son bout. Le carcan, dont il est fait référence, est un collier orfévré qui apparaît dans la seconde moitié du XIVe siècle1263 et qui complète ici une parure féminine composée d’une ceinture et de sa chaîne avec crochet. Le Baiser de paix est au Moyen Âge une sorte de tablette figurant la crucifixion, l’Agneau de Dieu, la Vierge ou des figures des saints que l’officiant fait embrasser aux fidèles en signe de réconciliation entre les hommes1264. La chaîne d’argent faitte a cheine de pais pouvait donc être couverte de scènes religieuses. En ce qui concerne la chaîne de porcelaine failte et tailhe a foys, il est probable que cet accessoire soit orné de mains serrées en porcelaine, symbole de fidélité et de foi. En effet, les bagues représentant des mains jointes, dénommées bagues de foi, figurent le geste des époux lorsque le prêtre bénit leur union1265. Toutes ces ceintures vendues par Adrien Moret sont très certainement des accessoires féminins. L’inventaire après-décès des marchandises de Claude Moulard, marchand mercier de Marseille, effectué le 15 juin 15751266 n’est pas moins diversifié que celui d’Adrien Moret. Il y est relevé, de la ceinture la moins coûteuse à la plus chère, pour un prix à la douzaine : une douzaine de petitz sainturons noirs à 0,9 livre1267, neuf douzaines de seintures noires avec ses bloucos – ses boucles1268 – et sans pendants à 1 livre, 19 ceintures de couleur, de Paris, repointas de soye à 1,5 livres, deux douzaines et demi de saintures noires avec pendens à 4 livres 15 sous, trois douzaines et demi de ceintures d’Anvers noires avec pendants à 6 livres, une douzaine de ceintures noires a la poulaguoize – la signification de ce terme reste indéterminée – avec pendants à 9 livres, huit ceintures noires de Paris avec pendants à 11 1263 Se reporter au chapitre 3.4.5. L’inventaire du cardinal de Broguy décédé à Avignon énumère en 1426 una pax de argento deaurata ornée de quatre pierres de verre (lapidus vitrei) cum ymaginibus du Christ, de la Vierge et de saint Jean l’Évangéliste (AD Vaucluse, D 204, f° 48 r°). Une paix d’ivoire avec une Annonciation est répertoriée au début de 1472 dans le château du roi René à Angers (Lecoy de la Marche 1975, t. 2, n° 642). 1265 Alexandre-Bidon 1992, p. 204. 1266 Annexe 8, doc. 26. 1267 Dans ce document, la livre équivaut à 20 sous ou à un franc. 1268 Cette terminaison en « o » n’est pas courante en provençal. Dans le dictionnaire de S. J. Honnorat (1847), il est inscrit « Blouca ». 1264 213 3. Approche croisée du mobilier archéologique livres, une demi-douzaine de ceintures de buffre – du cuir de buffle ? – avec des pendants repointades de soie jaune à 18,5 livres, une ceinture de buffre passementée (passementade) de soie verte avec ses pendants de même tissu à 25,2 livres. Les pendants régulièrement mentionnés pourraient correspondre à un dispositif d’agrafage puisque, la seule fois où ils sont absents, la ceinture est fermée au moyen de boucles. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un inventaire de marchandises, il est intéressant de rapporter ici le tarif du péage d’Avignon à la fin du XIVe siècle. Il taxe les senturas de buou marin1269 à un sou les dix et celles de cuer de Pineyrol o de Lombardia à seize sous par balle. L’absence de tarifs conservés entre cette période et celle de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle est regrettable. En 1582, sept sortes de ceinctures ou senglons sont spécifiées avec une imposition progressive en fonction de leur qualité : 2 sous la douzaine pour les senglons de cuir pour homme ou femme, 6 sous la douzaine pour les ceintures de cuir aux fers doures ou argentes, 1 sou la pièce pour les ceintures de velours a espee, les ceintures de cuir de buffle (buffre), les ceintures en os pour femme (ceincture de femme dosse), les ceintures de femme en jayet, cristal, bufre ou roncalhe1270 – il est rajouté en 1599 le veire et l’ivoyre –, les senglons de velours pour les deux sexes. Le tarif est complété, en 1599, par l’adjonction des ceinctures de cuyr a espee taxées au même tarif que les cenglons de cuir, mais aussi des sanglons de soye redevables de la même taxe que les sanglons de vellours. À partir de 1615, la ceinture en broderie du petit mestier de soye ou d’or offre l’imposition la plus élevée dans la catégorie des ceintures avec un montant de 2 sous 6 deniers la pièce. Dans cette longue énumération de ceintures vendues ou destinées à être vendues par des merciers et des marchands, il est à souligner, jusqu’au milieu du XVIe siècle, l’absence presque totale de mention de l’or et de l’argent1271. Toutefois, avant la fin du XVIe siècle, les inventaires que nous avons étudiés concernent des merciers et colporteurs qui n’ont pas la même clientèle que certains grands marchands. En outre, les biens en métal précieux ne correspondent qu’à une petite partie du commerce de mercerie. Le travail des matériaux précieux est du domaine de l’orfèvre qui, sans doute, réalise une grande partie de sa production sur commande, selon les desiderata de ses clients. Cependant, de grands marchands, comme l’italien Richo Corboli, marchand attaché à la cour papale dans les 13171330, qualifié de mercerio de rebus et ornamentis1272 dans les comptes de la chambre 1269 Peau de phoque dans le dictionnaire de S. J. Honnorat (1847). Le terme roncalhe équivaut à cristal de roche. 1271 Annexe 8, doc. 18 à 27 et Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882. 1272 Schäfer 1911, p. 224. 1270 214 3. Approche croisée du mobilier archéologique apostolique d’Avignon, ont la puissance financière nécessaire à l’achat en quantité de pièces orfévrées. A priori, les inventaires de mercier et de colporteurs étudiés illustrent des produits usuels, donc achetés et portés par une grande partie de la population. Ces documents relativisent très fortement la place des métaux précieux qui sont presque toujours les seuls à apparaître dans les contrats de vente, les inventaires après-décès, les constitutions de dot ou les testaments à cause de leur valeur. Les caractéristiques des ceintures énumérées ci-dessus sont trop peu précises pour envisager une analyse de leur évolution avec le temps, mais l’état des marchandises d’Adrien Moret, effectué de son vivant, témoigne d’un changement radical dans les produits proposés. Est-ce la conséquence du ciblage d’une clientèle différente ? Sur ce point, l’analyse de l’iconographie, effectuée au sous-chapitre suivant, se révèle particulièrement instructive et montre qu’il ne peut être uniquement la conséquence du ciblage d’une clientèle différente des autres marchands. L’originalité qui apparaît parmi les marchandises de ce marchand aixois ainsi que dans les tarifs d’Avignon de la fin du XVIe siècle vient de l’emploi, dans les chaînes et ceintures, mais aussi dans d’autres bijoux, de matériaux nouveaux ou très rarement mentionnés jusqu’alors, comme le jais, le cristal de roche (roncailhe), la porcelaine, l’ivoire, le verre, le buffre1273. L’usage des ceintures simples en cuir et en tissu, d’un faible coût, se poursuit bien évidemment. Il a été mentionné à plusieurs reprises l’existence de ceintures fermant par agrafage, certaines portant parfois le nom de demi-ceint. Dans ses Étymologies (livre XIX, n° 33), Isidore de Séville différencie au début du VIIe siècle trois largeurs de ceinture : Cinctus est lata zona, et minus lata semicinctum, et utrisque minima cingulum ; nam a cinctu per diminutionem1274. Le demi-ceint y est considéré comme une ceinture de moindre largeur, définition identique à celle donnée par Balbus de Gênes en 1286, qui pourrait bien s’être inspiré de son illustre prédécesseur sans le mentionner, façon de faire courante dans les traités médiévaux : Semicinctum, zona minus lata, quia dimidium cingit, ut cingulus cinctura lata1275. 1273 Dans le nord de la France, entre le XVIIe et le XIXe siècle, ces chaînes sont caractérisées par l’emploi d’une grande diversité de matériaux : acier, cuivre, émail, or, argent, ivoire, porcelaine, cristal de roche, etc. (Allemagne 1928, t. 1, p. 70-73, pl. LIV-LVII). 1274 Édité par W. M. Lindsay en 1911. Malgré la similarité terminologique, le lien entre le demi-ceint du second Moyen Âge et le semicinctum de la fin de l’antiquité tardive, si tant est qu’il existe, n’est pas évident. 1275 Gay 1887, p. 513. 215 3. Approche croisée du mobilier archéologique Cependant, à partir de la seconde moitié du XIVe siècle, les modifications qui touchent le costume masculin et féminin conduisent à l’apparition d’un nouveau type de ceinture dénommé demi-ceint, disposé mollement sur les hanches, mais fermant par agrafage. Sa première attestation dans les sources textuelles pourrait dater de 1360 : l’inventaire des meubles de la reine Jeanne de Boulogne enregistre trois tronçons d’une sainture d’or a charnieres, contenant XXIX charnieres avec la boucle et le mordant1276. Cette boucle et ce mordant ont-ils une forme classique ou s’agit-il des pièces d’un système d’agrafage que le notaire ne savait comment nommer ? Il paraît effectivement curieux qu’une ceinture métallique à charnière ne se soit pas fermée par agrafage, à moins qu’elle n’ait été terminée par des portions de lanière textile ou de cuir, ce qui était peut-être le cas. Nous n’en avons pas trouvé d’exemple dans l’iconographie. Dans l’inventaire des joyaux de Louis Ier duc d’Anjou, un demi-ceint d’orfèvrerie est décrit a charnieres, sans tyssy, mais fermant a une boucle et a fermail devant, lequel est roont. Deux pièces en constituent donc la fermeture. Il est ensuite décrit le « fermail » qui est également appelé « boucle ». Le rédacteur semble éprouver quelques difficultés pour désigner ces pièces, soit qu’elles ne lui soient pas familières, soit qu’il n’existe pas de terme approprié pour les décrire. La dénomination est donc basée sur la forme ronde de l’objet qui rappelle une boucle ou un fermail. Cette ceinture a dû se fermer par agrafage, au moyen d’un dispositif comportant un élément femelle nommé « boucle » destiné à recevoir un élément mâle, le « fermail ou boucle ». Quelques lignes plus loin dans l’inventaire, ces deux parties sont respectivement désignées par les termes « boucle » et « tirant »1277. Notons que des morceaux de ceinture métallique à charnière en bronze doré et émaillé sont conservés par exemple au Victoria and Albert Museum à Londres1278, à la gallerie Parmeggiani à Reggio-Emillia1279, en argent doré et émaillé dans le trésor de l’église saint Lazare à Madrid1280. Les plaques métalliques à charnière sont losangiques, polylobées ou circulaires. Dans l’inventaire des biens du revendeur aixois Gervais Arbaud en 1482, plusieurs ceintures sont munies d’une fuvella, ayant le rôle de partie mâle, et d’une bloca, anneau jouant le rôle de partie femelle1281. Ailleurs, dans l’inventaire des joyaux de Louis Ier duc 1276 Douët d’Arcq 1874, p. 54, n° 48. Moranvillé 1903-1905, n° 3569. Ce dispositif apparaît également pour une ceinture dans l’inventaire des biens royaux de 1400 (Henwood 2004, n° 1664). 1278 Fingerlin 1971, cat. n° 308. 1279 Ibid., cat. n° 449. 1280 Ibid., cat. n° 332. 1281 AD BDR Aix, 308 E 689, f° 58 r° et 58 v°. 1277 216 3. Approche croisée du mobilier archéologique d’Anjou, un demi-ceint se ferme en charniere a une petite broche1282. Un autre système consiste en un mordant rond en maniere de fermail, aussi nommé boucle terminé par un crochet qui vient se fixer dans de petits annelets1283. Devenu spécifique aux femmes à la fin du XVe siècle d’après l’iconographie1284, le demi-ceint passe de mode avant la fin du XVIIe siècle d’après différents témoignages rassemblés par V. Gay1285. La forme latine medium sinctum se rencontre en 1460 dans une quittance de biens laissés par Viteri de Bosco d’Avignon à sa veuve1286, et en 1503 dans l’assignation de dot de Catherine Porcher, fille d’un tailleur d’Aix1287, pour désigner une ceinture en argent, à tissu de velours cramoisi dans le deuxième cas. Le terme provençal miech sench est beaucoup plus fréquent. Il se rencontre en 1456 dans l’inventaire après-décès du noble arlésien Alexis Caysse déjà signalé1288. Il en possède six. Cinq disposent d’une chaîne en argent blanc (cathena argenti albi), qualifiée de pendante (pendentus) dans deux cas. Pour l’une de ces deux ceintures, il est précisé que son tissu noir est broché d’argent (texcutum nigrum brocatum de argento), que les deux mordants sont d’argent doré et qu’une petite chaîne d’argent blanc est portée pendante (cum duobus mordentibus deauratis cum cathena parva in pendenti de argento albo). Un autre exemplaire en cuir de phoque1289 muni de pièces en argent blanc possède deux pendants et une chaîne en argent (miech sench corey marini munitum argento albo cum duobus pendens argenti et una cathena argenti albi). Trois spécimens sont en tissu rouge, deux avec des parties métalliques dorées, le dernier broché d’argent blanc. Un quatrième, en tissu violet, comporte des pièces dorées et émaillées. Pour tous ces accessoires, une chaîne pend certainement à l’un des mordants et la fermeture du demi-ceint est assurée par un crochet attaché à l’autre mordant qui se fixe dans les maillons comme cela est illustré par l’iconographie (fig. 75, 80 et 82). Toutefois, les textes sont suffisamment peu précis pour qu’il ne puisse être rejeté l’hypothèse d’une chaîne pour la suspension à la ceinture. La nature des deux pendants de la dernière ceinture répertoriée reste 1282 Moranvillé 1903-1905, n° 3565. Ibid., n° 3558 et 3562. 1284 Se reporter au sous-chapitre suivant. 1285 Gay 1887, p. 544. 1286 AD Vaucluse, 3 E 5 746, f° 228 r° - 230 r°. 1287 AD BDR Aix, 309 E 271, f° 757 r° - 758 r°. 1288 Feracci 1976, p. 116-117. 1289 Dans le dictionnaire provençal de S. J. Honnorat, le phoque se dit Buou-marin. Dans le Dit du mercier, mis par écrit au XIVe siècle, une poche en cuir de poisson contient du mercure (Crapelet (Édit.) 1831, p. 149). L’inventaire du château d’Angers mentionne un cuir de beuf marin en 1471 ou 1472 (Lecoy de la Marche 1975, t. 2, n° 642) et le paragraphe 849 des comptes du roi René cite l’achat d’une gibecière de cuir de poisson. G. Arnaud d’Agnel (1908, p. 284, note n° 10) envisage qu’il s’agisse de peau de crocodile, mais sans doute s’agit-il de phoque. 1283 217 3. Approche croisée du mobilier archéologique énigmatique, peut-être s’agit-il d’objets décoratifs ou d’accessoires permettant la suspension à la ceinture. L’inventaire des biens de Gervais Arbaud, revendeur aixois de son vivant, mentionne en 1482 l’existence de deux larges ceintures d’argent et de deux petites senchona, également décrites comme demi-ceints (miech sench) et remises en commandite par André Monneri pour être vendues1290. L’une est à lanière textile verte et rouge garnie d’argent avec une petite chaîne qui y pend (cum una parva cathena dicto tescuto tenenti), l’autre à lanière de tissu noir lacéré (laceratum) garni de dix clous ronds et d’un système d’agrafage (fuvella et bloca). Celui-est également mentionné sur une zona de tissu vert à figures comportant six clous ronds en argent. En langue française, dans les comptes du roi René, le demi-ceint est orthographié demi sain(c)t, demy ceinct ou demy xaint. Alors qu’il est à Angers, le roi offre à une dame de la reine la garnison d’un demy-saint d’un prix de 7 florins 7 gros1291. Plus tard, le roi fait cadeau d’un plus petit d’une valeur de 4 gros, en 1476, à Hélène, une jeune fille de sa cour1292. Pendant qu’il réside en Anjou, le roi fait acheter auprès d’un mercier deux demiz sainctz de laton1293, puis, en 1477 en Provence, à un orfèvre de Marseille, ung demy seinct doré, pesant une once et demye d’argent d’une valeur, matériaux, dorure et façon comprise, de 8 florins 4 gros1294. En octobre 1478, un mercier de Lyon reçoit paiement pour des articles de mercerie dont quatre petitz demy ceincts et deux petitz demy ceints à tincle1295 d’or1296. Au cours d’un déplacement à Lyon, le roi fait acquérir un tissu noir et rouge pour que son hôtesse puisse y pendre son demy-saint1297. Ultérieurement, en 1582, la Marquise Isnarde, noble de Draguignan, lègue à sa mère une ceinture en forme de jaseran. Deux décennies plus tard, en 1607, Catherine Richard, dans la même ville, souhaite transmettre ung jasseron d'or que portoit en scainture1298. Le terme jaseran désignait auparavant « un habillement de guerre formé de plaques métalliques, percées de trous sur leurs bords, et unies entre elles par des rangées d’anneaux de fil de fer 1290 AD BDR Aix, 308 E 689, f° 58 r° et 58 v°/ Lecoy de la Marche 1875, t. 2, n° 613. 1292 Arnaud d’Agnel 1908, n° 806. 1293 Ibid., n° 2473. 1294 Ibid., n° 979. 1295 La signification de ce mot reste obscure. Dans le même paragraphe, la ferrure d’un tissu broché d’or est à tincle d’or. 1296 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2631. 1297 Ibid., n° 1456. 1298 Aicard 1939, p. 17-18. 1291 218 3. Approche croisée du mobilier archéologique entrelacés1299 ». Par extension, il semble désigner ensuite un collier à maillons1300 et également une chaîne utilisée en tant que ceinture, et donc fixée par agrafage, c’est-à-dire un demi-ceint. Dans la documentation concernant les dépenses de la famille comtale de Provence, le terme ceinct, de même étymologie que ceinture, également retrouvé sous les formes de saint et xainct, pourrait prendre une signification particulière. En novembre 1478, le roi René donne 37 florins 6 gros à ung petit ytalien qui fait les ceincts brodez d’or et les ceinctures1301, et en février 1479, le duc de Calabre fait acheter pour 7 florins 6 gros à Bertrand Moreau, de Saragosse, un xainct brode de fil d’or1302. Les ceincts et les ceintures apparaissent donc comme distincts. La présence ou l’absence d’une boucle justifie-t-elle cette différence ? En mai 1479, le duc de Calabre fait acheter douze boucles pour des xaincts confectionnés à Arles1303, centre important de commerce pour le cuir en raison de sa proximité avec la Camargue, grande région d’élevage1304. Du cuir de mouton et du cuir de couleur rouge sont également acquis, pour que le tailleur du fils du roi René en recouvre les xaincts, ainsi que six sangles de fonction inconnue. Ces dernières permettaient-elles l’attache du fourreau d’une arme à la ceinture ? Les ceincts peuvent aussi comporter des éléments métalliques : en septembre 1478, un coutelier est rémunéré pour dorer un ceinct pour le roy1305. La définition du mot ceinture par Isidore de Séville est bien trop ancienne pour qu’une réflexion solide puisse s’appuyer dessus et il n’est pas certain que celle de Baldus de Gênes soit en phase avec son époque. La largeur de la pièce n’intervient-elle pas dans la distinction des ceints et de ceintures ? Aucun élément ne l’atteste et les mentions relevées sont peu précises. Par exemple, en août 1478, des gens de monseigneur le général de Languedoc apportent au roi un ceinct d’ortraict1306. En octobre de la même année, le roi René donne 18 florins 8 gros au même artisan italien que précédemment qui, cette fois, est qualifié de fabricant de ceincts d’ortraict1307, c’est-à-dire de ceinture brodée d’or. Le terme provençal toalhola ou français touaillole désigne ordinairement une nappe ou un napperon, un torchon ou une serviette dans les inventaires du bas Moyen Âge. Ces 1299 Buttin 1971, p. 408. Se reporter au chapitre 3.4.5. 1301 Arnaud d’Agnel 1908, n° 826. 1302 Ibid., n° 1236. 1303 Ibid., n° 1243. 1304 Stouff 1966, Stouff 1979, Payn-Echalier 2006, Antonietti 2007 et Antonietti 2008. 1305 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1014. 1306 Ibid., n° 4642. 1307 Ibid., n° 825. 1300 219 3. Approche croisée du mobilier archéologique significations sont restées en usage jusqu’à l’époque contemporaine1308. Il est aussi employé dans le sens de ceinture. Celle-ci est alors très vraisemblablement confectionnée dans du tissu. Au début du XIXe siècle, dans le costume masculin de la ville d’Aix et de ses alentours, « la tailloro est une espèce de ceinture ou d’écharpe de laine tricotée, mêlée de vert et de rouge, qui fait deux ou trois tours sur les reins entre le gilet et la culotte »1309. Le roi René est particulièrement friand des objets et pièces vestimentaires d’origine espagnole ou arabe1310 et notamment des ceintures de type touaillole, relativement courantes dans les comptes entre 1477 et 1480. Il s’y rencontre, par exemple, des touailloles de Cathaloigne1311. Elles sont peut-être similaires aux saintz de Catheloigne dont un artisan de localisation inconnue s’est fait une spécialité1312, aux cinq saints de Cathelongne pour les pages du roi ou du seigneur d’Estoges1313, ou bien encore aux deux ceincts du prix de quatre ducats et à un troisième d’un coût de deux florins fournis par un catalan habitant Avignon1314. Peut-être peut-on envisager également une parenté avec les touailles de mores vendues au roi par un catalan1315 ou avec les touailles morisques qu’un serviteur se voit confier d’acheter1316 en 1447, puisque jusqu’en 1492 et la fin de la Reconquista, les arabes, qui ont fortement influencé la culture espagnole, sont encore présents dans la Péninsule ibérique. La touaillole moresque fait l’objet de nombreux achats. Certaines sont acquises auprès de galéasses florentines de passage à Marseille entre 1477 et 1479 : sept en façon de ceinctures moresques1317, sans doute guère différentes des saintures moresques achetées par l’intermédiaire d’un barbier1318, ou également des deux grandes touailloles moresques1319 dont une coûte six ducats ou encore de l’ensemble composé par trois petites touailloles et deux signets moresques pour la même somme1320. Des mêmes galéasses arrivent des touailloles sans autre qualificatif, très certainement moresques1321. En 1478, un agent du roi et 1308 Se reporter par exemple au Dictionnaire provençal-français de F. Mistral (1879 - 1882). Villeneuve 1826, t. 3, p. 267. 1310 Cet attrait n’est pas spécifique au roi René, deux touailles sarazinaizes sont par exemple mentionnées dans l’inventaire des ornements d’église restés après le décès de Robert de Joigny, évêque de Chartres, en décembre 1327 (Merlet 1883, p. 310). 1311 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1634. 1312 Ibid., n° 2519. 1313 Ibid., n° 2520 et 2554. 1314 Ibid., n° 1224. 1315 Lecoy de la Marche 1875, t. 2, n° 653. 1316 Ibid., n° 655. 1317 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1524. Le même paragraphe est référencé sous le numéro 2674. 1318 Ibid., n° 766. 1319 Ibid., n° 2712 et 2716. 1320 Ibid., n° 2716. 1321 Ibid., n° 2681 et 2726. 1309 220 3. Approche croisée du mobilier archéologique le capitaine de Peyrolles sont chargés de faire parvenir au roi de nombreux biens en provenance de bateaux vénitiens et ils ramènent entre autre, une touaillole et une robe moresque d’une valeur de neuf ducats1322. En 1477, un marchand florentin donne au roi une robe turquesque, une chemise et des touailloles1323. Son sénéchal lui procure en 1478 deux touailloles blanches moresques à 3 florins 2 gros chaque1324, et un courrier lui apporte des ceinctures moresques dont l’origine n’est pas précisée1325. L’année d’après, un marchand aixois lui vend deux touailloles pour sept écus1326. Toujours en 1479, le capitaine du navire du viguier de Marseille est chargé par le roi de lui fournir deux bonnets d’or à la façon moresque et trois ceincts brochez d’or et d’argent1327 et un marchand de Saragosse vend au duc de Calabre un xainct brodé de fil d’or pour le prix de 7 florins 6 gros1328. Peut-être sont-ils aussi à la façon moresque. La même année, un marchand marseillais et un marchand aixois vendent au roi plusieurs touailloles moresques dont le coût varie, lorsqu’il est mentionné, entre 5 florins et 8 florins 9,5 gros1329. En septembre, un marchand genevois est réglé pour deux grands touailloles et un petit bonnet d’écarlate offerts à monseigneur de Chastain1330. Enfin, en 1480, un juif de Marseille vend quatre touailloles et ung albernoux1331, une sorte de manteau arabe1332, et un marchand italien 156 paumes de touaillole moresque à raison de 5 gros la paume1333. La plupart de ces ceintures de drap ou de toile sont-elles de simples bandes de tissu sans boucle, se nouant à la taille comme dans le costume arabe traditionnel ? Celles dénommées ceincture ou saintures comportaient-elles une boucle ? Aucune n’est cependant décrite. L’ornementation de ces objets consistait-elle en broderies d’or et d’argent ? Ceci expliquerait leur coût assez élevé. Dans le touaillez a mirouer1334, acheté en 1451 avec d’autres miroirs auprès d’un mercier lors de la période angevine, il ne faut sans doute voir qu’un tissu pour nettoyer ou protéger les miroirs. 1322 Ibid., n° 2701. Ibid., n° 2679. 1324 Ibid., n° 2703. 1325 Ibid., n° 2698. 1326 Ibid., n° 2719. 1327 Ibid., n° 2733 et 2740. 1328 Ibid., n° 1479. 1329 Ibid., n° 2718, 2719 et 2727. 1330 Ibid., n° 2021. 1331 Ibid., n° 2743. 1332 Se reporter au Dictionnaire détaillé des noms des vêtements chez les arabes de R. L. A. Dozy (1843, p. 75-80). 1333 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2741. 1334 Ibid., n° 2448. 1323 221 3. Approche croisée du mobilier archéologique La plupart des touailloles et ceintures moresques sont importées par des navires italiens. Rien ne prouve que ces accessoires aient bien été conçus au Maghreb, en Espagne musulmane ou en méditerranée orientale. La production peut être italienne, elle est parfois provençale comme l’illustre l’achat de saintz de Catheloigne à un artisan peut-être aixois1335. Les balles du mercier Pierre Gilles contenaient des lumbariae de Paris et de Reims1336 mais cela peut être le lieu d’achat et non de celui de la production. L’inventaire des biens de Guilhem Vial contient en 1391 deux zonae operatae argenti à l’ouvrage de Paris (operis parisiensis) estimées à 2 florins 3 gros, et une ceinture d’argent doré, operata ad modum novum Avinionis évaluée à 5 florins1337. Un travail de la ceinture caractéristique de Paris et d’Avignon est avéré, mais le lieu de fabrication, non précisé, peut être tout autre. La ceinture n’est pas simplement un objet matériel : accessoire vestimentaire, elle est éventuellement parure, parfois à valeur financière. Elle est également porteuse d’une symbolique. Elle est assurément l’accessoire du costume pour lequel les symboles sont les plus nombreux et les plus courants tant à l’échelle européenne que du bassin méditerranéen. Par exemple, dans le cadre du thème de la « dispute pour la culotte », lutte pour le pouvoir dans le cadre domestique et plus largement dans la société, les deux sexes s’affrontent pour savoir lequel des deux portera les braies. P. Bureau a noté que la représentation physique de ce combat – l’homme et la femme essayant de s’emparer des braies disposées entre eux – était un des sujets favoris repris par les huchiers sur les miséricordes des stalles en Normandie, Picardie, Flandre et Belgique1338. Cependant, ainsi que le rappelle une épouse dans le dit de dame Jouenne, texte français de la première moitié du XIVe siècle, son mari a beau porter les braies, c’est elle qui les porte au sens figuré ainsi que la ceinture (braiel) qui l’accompagne1339. La ceinture, en fixant les braies, désigne métaphoriquement l’autorité1340. Cette domination sociale de l’homme sur la femme fut, durant un temps, symbolisée par les braies dont le port est affermi par celui du braier ou braiel, la ceinture qui les fixent à la taille, laquelle trouverait non pas son opposition mais son complément dans la ceinture de la femme disposée sur les vêtements de dessus. 1335 Ibid., n° 2519. Annexe 8, doc. 18. 1337 Pansier 1907, p. 356. 1338 Bureau 1995. 1339 Langfors 1919, vers 166-167 ; Bureau 1995, p. 110. 1340 Le port de braies féminines dont la première mention relevée par V. Gay est de 1380 (1887, t. 1, p. 209) n’a pas empêché la perduration de l’expression « porter la culotte » et de sa symbolique. 1336 222 3. Approche croisée du mobilier archéologique La ceinture tient semble-t-il une place importante dans le trousseau de la mariée provençale à la fin du Moyen Âge et au début de l’Époque moderne. Elle apparaît, en effet, régulièrement dans les constitutions de dot lorsque le détail des bijoux est précisé, ce qui n’est toutefois pas souvent le cas1341. Cet accessoire ainsi que les autres ornements qu’elle reçoit installent probablement la femme dans son nouveau statut, comme les premiers historiens de la Provence médiévale l’ont clairement exprimé. Il y eut chez quelques-uns d’entre eux deux convictions concernant la ceinture féminine longtemps restées vivaces. Les clefs qui sont suspendues à la ceinture de la jeune épousée lui confèrent le rôle de gardienne du nouveau foyer. Pour l’épouse devenue veuve, le jet symbolique de la ceinture portant les clefs dans la sépulture du mari, avant que la terre ne le recouvre, s’interpréterait comme une renonciation à la succession immobilière de l’époux. Dans la tradition historiographique provençale, au bas Moyen Âge, les clefs sont attachées à la ceinture féminine par l’intermédiaire d’un dispositif de fixation, le clavier. Pour F. Benoît1342, le clavier est « un crochet d'argent, accroché à la ceinture, aux chaînes duquel étaient suspendus non seulement les ciseaux, mais les clefs de la maison, et souvent des clefs de luxe, pour la parade. Cet accessoire de la tenue d'intérieur, réservé à la femme mariée, est un legs du moyen âge qui s'était conservé en Provence »1343. Il cite en appui deux documents du XIXe siècle. Le premier est le passage d’un manuscrit dans lequel le topographe avignonnais A. Chaillot se remémore ses souvenirs. Il y rapporte que dans sa jeunesse les ouvrières d’Avignon portaient le clavier tous les jours de la semaine, même le dimanche après y avoir enlevé leurs ciseaux. Le second est extrait des Cris populaires de Marseille par M.-B. de Régis de la Colombière qui rappelle dans des termes quelque peu misogynes que « lou crouchet d’argent, ainsi appelé, quoiqu’il y eût une longue chaîne pour tenir les ciseaux, jouait un grand rôle autrefois. Une ouvrière, une marchande, n’avaient plus rien à désirer lorsqu’elles possédaient un gros crouchet d’argent »1344. L’argumentation de F. Benoît n’est donc pas étayée pour la période couvrant le Moyen Âge. Quant à l’iconographie en Provence, elle ne témoigne pas de la présence d’un tel accessoire tout au moins jusqu’au XVIe siècle, mais qu’en est-il des actes notariés ? Les termes chaînes et chaînettes ne peuvent constituer 1341 Se reporter au chapitre 4.2. Benoît 1949, 1975², p. 129. 1343 Un exemple de clavier est présenté dans Le Costume populaire provençal (1990, p. 201). D’autres exemplaires ont été retrouvés dans l’épave du début du XIXe siècle dite « des médailles » au Grand Rouveau (Malcor 1989, p. 170 et 174). Une clef miniature en alliage cuivreux embouti était fixée à l’un d’eux. 1344 Régis de la Colombière 1868, p. 41. 1342 223 3. Approche croisée du mobilier archéologique une preuve formelle de l’existence du clavier car il est attesté à l’époque la mode de les porter en collier (fig. 77). En outre, il existe des ceintures – les demi-ceints – dont les extrémités sont terminées par des chaînettes et qui se fixent par agrafage (fig. 212, n° 10 ; fig. 291, n° 13 à 17 ; fig. 292, n° 1 à 9). L’inventaire daté de 1498 de la boutique d’un orfèvre de Draguignan mentionne des garnimenti de chavacuers en argent1345. Or, le chavacuer ou clavacorium est parfois décrit dans les constitutions de dot italiennes comme disposant d’une chaîne et mentionné à côté d’objets destinés à être suspendus1346. L’inventaire après-décès du noble arlésien Alexis Caysse daté de 14561347 et celui du revendeur Gervais Arbaud en 14821348, mentionnent des exemplaires de demi-ceints auxquels pend une chaîne. Il est possible qu’elle était disposée à l’extrémité d’un mordant, un crochet rattaché à un second mordant venant s’y fixer comme cela est attesté par l’iconographie provençale (fig. 75, 81). Dix autres inventaires et inventaires après-décès, de marchands, de merciers et de colporteurs provençaux, pour certains inédits, ont été consultés1349. Seul l’un d’entre eux, effectué en 1566 et répertoriant les marchandises du marchand d’Avignon Adrien Moret enregistre des chaînes attachées à la ceinture par l’intermédiaire d’une agrafe ou crochet (vaze)1350 qui correspond probablement au « clavier ». Le dépouillement mené par M. Ricaud et F. Mireur dans les archives varoises antérieures à 1790, dans le cadre d’un inventaire sommaire de la série E, montre que les auteurs ont porté une attention toute particulière à l’institution du mariage et notamment à la dot. Bien que tributaires de l’intérêt de ces érudits, les mentions du clavier ne semblent pas antérieures à 15571351, même si une étude d’envergure des constitutions de dot et contrats de mariage provençaux peut très certainement faire reculer la date. À Aix-en-Provence, en 1573, l’inventaire des biens de feu Philippe Brun, marchand d’Aix, enregistre ung clavier d'argent et une bague d'or ayant troys perles reçus en gages pour huit florins1352. Dans les registres istriens, R. Giroussens note une chaine d’argent avec son clavier dans un trousseau de 15761353, É. de Laplane observe une ceinture d’argent avec clavier et estards d’une valeur de huit écus dans un trousseau de mariage à Sisteron en 15811354. La même année, à Aix, une 1345 Mireur 1885, p. 488. AD Var, 3 E 13/1, f° 49 v° - 53 r°. Zingraff 2014, p. 599-600. 1347 Feracci 1976, p. 123. 1348 AD BDR Aix, 308 E 814, 2ème cahier, juin 1502. 1349 Annexe 8, doc. 18 à 27. 1350 Annexe 8, doc. 25. 1351 Le 26 mai 1557, mention d’une chaîne d’or et d’un clavier d’argent (Ricaud et Mireur 1896, E 968, f° 171 v° et suivants). 1352 AD BDR Aix, 303 E 155, f° 1497 r° - 1540 v°. 1353 Giroussens 2003. 1354 Laplane 1843, t. 2, p. 518. 1346 224 3. Approche croisée du mobilier archéologique chaine d’argent avec son clavier asses grosse est signalée parmi les biens du jardinier Jacques Gaudon1355. Dans une dot, en 1596, à Figanières, L. Aicard rencontre un clavier et estacz de bource1356. Il est clair que le clavier est l’agrafe passée à la ceinture et qui supporte la chaîne. Le terme vaze presque toujours associé à une chaîne dans les marchandises d’Adrien Moret, correspond donc fort probablement à cette agrafe. Parfois, il est signalé des estacs1357 – l’orthographe estards ne se rencontre qu’une seule fois – qui correspondent à des crochets permettant l’attache de la bourse. En conséquence, l’emploi du clavier avec sa chaîne en Provence – l’ensemble étant parfois dénommé plus sommairement clavier – avant le milieu du XVIe siècle est pour le moment prouvé par un seul document. Signalons que dans le nord de la France, le terme châtelaine correspond au clavier et à sa chaîne1358 et que dans le Nord de l’Europe des accessoires assez proches du clavier sont illustrés par l’iconographie à la fin du XVe siècle (fig. 315 et 316). Dans sa statistique du Vaucluse, en 1808, M. Pazzis, décrivant le costume féminin au début du XIXe siècle, explique que chaque femme du peuple a pour coutume de porter « un clavier en argent avec sa chaîne »1359. C. de Ribbe1360 et J. Bourilly1361 sont peutêtre partis du principe que cette tradition, dont ils observaient sans doute les dernières survivances, devait être courante au Moyen Âge. Une analyse de l’iconographie, de la bibliographie et des recherches en archive, qu’il conviendra de confirmer par des études plus approfondies dans les registres notariés, semblent démontrer le contraire. Aucun élément ne permet non plus d’avancer l’idée qu’au bas Moyen Âge et dans la première moitié du XVIe siècle les clefs suspendues à la ceinture de la femme lui aient conféré le rôle de gardienne de son foyer. Par voie de conséquence, que penser d’une éventuelle pratique en Provence du jet symbolique par la veuve de sa ceinture portant les clefs dans la sépulture du mari ? C. Ribbe est le premier à l’évoquer comme une coutume médiévale1362 et renvoie pour cela à J.-L. A. Bouthors et son ouvrage sur Les sources du droit rural paru en 18651363. Celui-ci y analyse deux documents. Trois autres ont pu être ajoutés au dossier. Le jet de la ceinture est signalé dans un article de la coutume de Bourgogne rédigé 1355 AD BDR Aix, 303 E 175, f° 1822 r° - 1830 r°. Aicard 1939, p. 17. 1357 Lien, attache dans les dictionnaires de provençal. 1358 Allemagne 1928, t. 1, p. 70-73, pl. LIV-LVII, et plus particulièrement la note 1 de la page 73. 1359 Pazzis 1808, p. 327. 1360 Ribbe 1889, p. 16 et Ribbe 1898, p. 144, note 1. 1361 Bourrilly 1928, p. 97. 1362 Ribbe 1898, p. 142, note 2. 1363 Bouthors 1865. 1356 225 3. Approche croisée du mobilier archéologique entre la fin du XIIIe siècle et le milieu du XIVe siècle : Item, la femme prent son dohaire tout franc, sans paier aucune choses des debtes de son mari, se elle ne sentremet de mobles ; et se elle se desscinct sur la fosse de son mari, elle renunce à tous mobles et acquestz et ne emporte que son douhaire tant seulement. Le premier texte étudié par J.-L. A. Bouthors est tiré d’un ajout de Dom Charpentier au Glossarium mediae et infimae latinitatis de Du Cange1364. L’homme d’église retranscrit une charte de Charles V datée de 1367 dans laquelle le roi prend acte de l’existence d’une ancienne coutume conservée au sein de la noblesse du royaume de France : la veuve qui ne souhaite pas hériter des biens de son défunt mari doit officialiser cette renonciation sur la fosse du trépassé en présence de ses amis1365. Il n’y est pas mentionné l’utilisation de la ceinture. Le second texte mentionné par J.-L. A. Bouthors est extrait de la chronique d’Enguerran de Monstrelet : à la mort en 1404 de son époux Philippe II le Hardi, duc de Bourgogne, Marguerite de Flandres craignant de trop lourdes dettes, abandonne ses droits à l’héritage en mectant sur sa representacion sa ceinture avec sa bourse et les clefs, comme il est de coustume, et de ce demanda instrumens à ung notaire publique qui la estoit present1366. En 1436 à Dijon, Regnaude la veuve de Jean Buot, sergent du duc de Bourgogne, s’est dessinte sur la fosse d’icelli Jehan et a renoncié au droit qu’il lui peut competer en iceulx biens, et aussi que pour le present aucuns ne s’est voulsi entremettre en iceulx biens pour Jehan, Perrenote et Jehanne, moindres d’ans, enffans dudit feu Jehan Buot et de ladite Regnaude1367. Dans son ouvrage Les honneurs de la Cour rédigé entre 1484 et 1487, Éléonore de Poitiers traite de l’étiquette à la cour des ducs de Bourgogne et notamment des détails et règles à observer en fonction de la classe sociale et des situations. Elle note donc que durant trois mois, une noble dame ayant perdu son mari ou son père ne doit pas porter de ceinture, de bague, de gants ou de rubans de soie en signe de deuil. L’absence de ceinture doit être ici interprétée comme un signe d’humilité1368. Dans quatre des cinq exemples cités, la tradition apparaît comme bourguignonne. Une telle conjonction conduit à douter que cette tradition ait concerné l’ensemble de la noblesse française comme pourrait le laisser penser la charte de Charles V. La date de rédaction de ce document est contemporaine du mariage que le roi de France a arrangé entre son frère Philippe II et Marguerite de Flandres. Cette charte apparaît comme la confirmation par le pouvoir royal de gestes usuels en Bourgogne, territoire 1364 Du Cange (1883-1887). Du Cange, article corrigia 3. 1366 Douët-D’arcq 1857-1862, p. 89. 1367 Conte 2002, p. XXII. 1368 Dunod de Charnage 1740, p. 778. Pour la datation de la rédaction de l’ouvrage se reporter à Paviot 1999, p. 166. 1365 226 3. Approche croisée du mobilier archéologique de retour dans le domaine royal avec la mort sans héritier de Philippe de Rouvres en 1361. À quand remonte cette tradition ? Il appartient à d’autres de s’intéresser plus avant à cette question, mais elle n’est peut-être pas excessivement ancienne, elle est en tout cas absente de la loi Gombette ou loi des Burgondes1369. Quant à son absence du livre d’Éléonore de Poitiers, il se pourrait qu’elle traduise que ce geste n’est plus en usage. Quelques rapides vérifications auraient pu permettre à Charles de Ribbe ou à ceux qui l’ont cité de constater qu’aucun des documents en rapportant l’usage ne concernait la Provence. Il n’en fut rien. J. Bourrilly en 1928 et F. Benoît en 1949 s’appuyèrent sur les affirmations de C. de Ribbe. Il est assez étonnant de remarquer que J. Bourilly se réfère également aux écrits de J.-L. A. Bouthors pour prouver ses dires1370 : s’est-il réellement reporté à cet ouvrage, qui ne prouve rien concernant la Provence médiévale ainsi qu’il a été démontré, ou a-t-il simplement repris la citation bibliographique de C. de Ribbe ? Encore en 1990, les auteurs anonymes du Costume populaire provençal relatent cette « tradition provençale » mais admettent néanmoins qu’elle est assez controversée1371. En outre, au cours de ces cinquante dernières années, aucune des nombreuses recherches scientifiques portant sur la dot, le mariage ou la succession et basées sur la consultation des archives provençales n’a révélé un acte semblable. Antérieurement, la thèse de doctorat de G. de Bonnecorse de Lubières sur la structure du mariage en Provence du XIVe au XVIe siècle parue en 1929 n’en disait pas un mot1372. Le jet de la ceinture dans la tombe comme composante de la culture provençale peut être désormais écarté de manière assurée. Dans le cadre du costume civil, la ceinture peut participer à l’affirmation d’une fonction, d’un rôle dans la société. D’après les statuts de la confrérie du Saint-Esprit de 1356 recopiés dans le « vieux langage » en 1394, le messager, dans le cadre de son office c’est-àdire lorsqu’il s’occupe des affaires de la confrérie ou lorsqu’il doit annoncer le décès de l’un ou l’une des membres, doit toujours avoir las caussas e las sabatas e la centura del confrayre à peine d’un gros1373. Dans la littérature, la ceinture endosse diverses significations qui laissent poindre des éléments de la pensée médiévale. Par son positionnement sur le corps, elle le divise en deux. D’après Augustin, la partie supérieure contient la raison et l’esprit, elle est du côté masculin ; 1369 Jean-François-Aimé PEYRÉ, Lois de bourguignons vulgairement nommées loi Gombette traduites pour la première fois, Lyon, 1855. 1370 Bouthors 1865. 1371 Costume populaire 1990, p. 201. 1372 Bonnecorse de Lubières 1929. 1373 Avignon, Bibl. Ceccano, ms 2665, f° 9 v° ; Pansier 1925, p. 86 ; Pansier 1934, p. 46-47. 227 3. Approche croisée du mobilier archéologique la partie inférieure se rapporte au corps, à la chair, elle est du côté féminin1374. Cette dialectique se retrouve dans la littérature courtoise, comme le De Amore d’André Le Chapelain, œuvre écrite dans le dernier quart du XIIe siècle. Le choix de la moitié de corps à privilégier par l’amant fait l’objet d’un débat entre une dame argumentant en faveur du « bas » et un grand seigneur qui sort vainqueur de la joute verbale en démontrant la primauté du « haut »1375. Ce dernier privilégie l’amour chevaleresque : siège de l’intellect, de la parole, de la vue, des joies de l’esprit propres à l’homme. Dans la partie du « bas », à laquelle on accède par degrés dans le cadre de l’amour courtois, règne le monde des plaisirs charnels qui ramènent l’homme à une nature animale. Cette thématique se retrouve exprimée d’une façon grossière, dans un jeu parti, en langue d’Oc, de la première moitié du XIIIe siècle, entre le troubadour Mir Bernat qui s’attache à la moitié supérieure et un autre poète du nom de Sifre1376 qui prône l’intérêt de la moitié du « bas » en tant que siège du jeu des « bons amants ». Dans la littérature médiévale, le « haut », qui offre des portions de peau nues – visage, gorge, mains –, est la partie du corps la plus régulièrement décrite pour les personnages féminins. À partir du XVIe siècle, il devient l’expression de la beauté, la zone à laquelle s’attachent la plupart des artifices tels que les cosmétiques ou le remodelage du corps, par les corsets par exemple1377. Dans le Roman de Flamenca (entre 1240 et 1250), l’héroïne est emprisonnée par un mari jaloux et de nombreux stratagèmes se révèlent nécessaires à l’amant, Guillaume, pour aboutir au « bas », zone des plaisirs charnels. Cette difficulté en rend la consommation d’autant plus agréable : Mais cil autre que baizar podon Les autres, ceux qui peuvent prendre un baiser A lur guisas, e puissas rodon À leur guise et qui ensuite tournent Ades entorn per las faissolas, Toujours pour ôter la ceinture des femmes, Non s’asanton d’aitals escolas. Ne prennent aucun plaisir à cet enseignement1378. La ceinture est donc gardienne de la vertu féminine, comme le rappelle Olivier de La Marche dans Le Parement et triumphe des dames : Le corps pare tout cloz par la ceinture Dame ce point bien entende et le notre Car on ne peut oster quelque vesture Jusques le ceingt en face deffermure 1374 Le Goff et Truong 2003, p. 61. Buridant (Édit.) 1974, p. 135-138. 1376 Nelli et Lavaud 2000², t. 2, p. 840-843. 1377 Vigarello 2004, p. 20-23, 44-47, 51-54. 1378 Traduction de R. Nelli et R. Lavaud (2002², vers 6595-6598). 1375 228 3. Approche croisée du mobilier archéologique Tant soit de robe de chemise ou de cotte Et ainsi garde la memoire devotte Que les vertus ne se separeront Du digne cueur ou trouvees seront1379. Ôter la ceinture des femmes, c’est les dévêtir pour atteindre le fruit défendu. Le fait qu’elles consentent à l’ôter ou à l’ouvrir, équivaut à s’offrir. Des miniatures de manuscrits du Nord de la France des XIIe et XIIIe siècles l’illustrent sans équivoque à travers un motif iconographique1380. Une première peinture, italienne, datée du dernier quart du XIIe siècle (fig. 36), représente une jeune fille dont la ceinture est dénouée par un galant. Séduite, elle ne fait aucun geste pour l’arrêter. Une seconde peinture, probablement du Nord de la France, du troisième quart du XIIIe siècle (fig. 43), figure une femme, dont la robe est nouée à la taille par un fin cordon blanc, tenant dans sa main droite une grande ceinture. Elle se dirige vers une maison dont la porte est ouverte et y entraîne son ami. Les dimensions exagérées de la ceinture et de sa boucle attirent l’attention. Cette figuration, complétée par la gestuelle de la main gauche de la séductrice qui désigne le mince cordon blanc qui ceint ses reins ou bien son sexe, ne laisse aucun doute sur l’attente de cette dernière. F. Garnier interprète l’image ainsi : « la femme consentante manifeste à l’homme séducteur qui la poursuit qu’elle est prête à se rendre avec lui à l’intérieur de la maison et à y perdre sa virginité »1381. Il est intéressant de signaler qu’en Kabylie, encore actuellement, la ceinture est pour les jeunes filles un symbole de puberté et de virginité, et qu’elle se doit d’être discrète : « perdre la ceinture veut dire perdre son honneur et une ceinture qui tombe équivaut à un acquiescement de la part de la jeune fille »1382. La ceinture orfévrée ou en tissu richement orné y est l’apanage des femmes mariées tout comme dans les Balkans1383. Il est de ce fait tentant d’établir un parallèle avec la ceinture de mariage de la femme provençale à la fin du Moyen Âge qui est, semble-t-il, presque toujours ornée de parties métalliques en argent, parfois en or1384. Dans le sud-est de la France, il n’existait pas de règlements somptuaires interdisant aux jeunes filles le port d’une ceinture orfévrée, mais la norme sociale suffisait peut-être à leur imposer une mise simple. En outre, au regard du coût assez élevé d’un tel accessoire pour les couches les plus humbles de la population, le constat énoncé pourrait trouver matière à justification. Le Débat de la 1379 Trepperel Veuve et Jehannot (Édit.) 1520, 1870², chapitre XVI. Voir à ce propos Garnier 2003, p. 169-174. 1381 Garnier 2003, p. 171. 1382 Benfoughal et Fontanes 1996, p. 180 d’après Saada 1981. 1383 Ibid. 1996, p. 193. 1384 Se reporter au chapitre 3.1.1.2. 1380 229 3. Approche croisée du mobilier archéologique sorcière et de son confesseur, un texte en langue d’Oc du XIIIe siècle, semble aller dans ce sens. Une femme explique que sa condition actuelle est le résultat d’un évènement qui, dans sa jeunesse, a profondément bouleversé le cours de sa vie et lui a enlevé toute chance de se marier : Avans que ieu fos gayre grans Avant que je fusse un peu grande, Ni haguessa passatz X ans, Et que j’eusse passé dix ans, Uns que avia nom Bernart Un qui avait nom Bernard Mi lavoret lo mieu yssart ; Me laboura mon petit essart. Quar dis que sentura m daria Il me dit qu’il me donnerait une ceinture E guarlanda mi compraria. Et qu’il m’achèterait une couronne, E fes de mi tot cant ci volc, Et il fit de moi tout ce qu’il voulut, Que ma virgenetat mi tolc. Si bien qu’il m’enleva ma virginité1385. Faire cadeau d’une ceinture à une femme est un autre moyen d’accéder à son corps. La ceinture et la couronne ou guirlande nuptiale sont des accessoires qui apparaissent couramment dans les trousseaux en Provence lorsque la nature des bijoux est précisée1386 : les promettre équivaut à une promesse de mariage. La ceinture tient également une grande place dans les cadeaux de noce en Kabylie, celle donnée par l’époux étant considérée et nommée ceinture de mariage. Dans certaines régions du Maghreb et notamment au Maroc, dans la chambre nuptiale, après la remise d’une somme d’argent appelée « prix du dénouement de la ceinture », le marié ôte symboliquement la ceinture de l’épouse, qui n’en porte pas à ce moment-là, pour « accéder » à la mariée et à la consommation du mariage1387. Au milieu du XIXe siècle, dans le Lot-et-Garonne, A. de Nore rapporte que « la mariée porte une ceinture que l’époux seul peut détacher, lorsqu’il entre dans la chambre de sa femme ; quelquefois il s’agit des amies de la mariée qui la lui ôtent ; souvent encore, celles-ci feignent des efforts pour enlever cette ceinture, et ne pouvant réussir, elles appellent en aide le mari, qui y parvient sans peine »1388. La ceinture apparaît comme une serrure qui ne peut s’ouvrir qu’avec le consentement de l’épousée, le plus souvent à l’initiative du mari. Elle symbolise en quelque sorte le lien conjugal. L’ancienne coutume bourguignonne déjà évoquée du dépôt de la ceinture sur la tombe du défunt mari, ou sa présentation devant un portrait, en signe de rupture de leur « union » financière en est un exemple. Dans le pays messin, la mariée s’arrange pour 1385 Nelli et Lavaud 2000², t. 2, p. 754, vers 21-28. Se reporter au chapitre 4.2. 1387 Benfoughal et Fontanes 1996, p. 179-180. 1388 Nore 1846, p. 133. 1386 230 3. Approche croisée du mobilier archéologique que son époux enjambe la ceinture de noce, afin de s’approprier ainsi la domination de son ménage1389. Bien que cela reste envisageable, aucun élément ne permet de présumer que la ceinture ait pu détenir de telles significations en Provence. La relation charnelle a pour objectif l’enfantement. Or, la ceinture se porte sur le ventre ou sur les hanches, siège des organes liés à la conception et à la procréation comme le font remarquer T. Benfoughal et M. de Fontanes1390. Pour cette raison, la ceinture représente « le symbole du principe féminin et de la fécondité » pour bon nombre de peuples dans le Maghreb et en Europe. Il en est advenu de nombreuses superstitions, basées ou non sur des fondements religieux, et dont la fréquence rend probable qu’il en ait existé de similaires en Provence1391. Il n’est donc pas surprenant que les catholiques lui aient conféré un rôle important en rapport avec la fécondité et le bon accouchement. Les reliques de la ceinture de la Vierge, données par un ange à saint Thomas comme preuve de son Assomption (fig. 89 et 90), sont un des principaux sujets de cette vénération1392. Peut-être en était-il ainsi pour le fragment conservé à l’église Notre-Dame-de-Nazareth d’Aix-en-Provence à la fin du XVIe siècle : un inventaire établi le 19 mai 1572 sur ordre de la Cour des Comptes mentionne une relique de la sinture Notre Dame en argent surdore du poids de trois marcs et quatre onces1393. En lien possible avec cette croyance : en décembre 1553, un inventaire des biens de l’Église métropolitaine d’Aix enregistre une ceinture en tissu de velours rouge munie d’une boucle et d’un mordant d’argent doré et de dix clous en argent, autour du cou de la relique de la tête de saint Maximin conservée dans la basilique du même nom1394. Intimement liée à la fécondation, la ceinture peut aussi parfois provoquer l’avortement comme le rapporte J. B. Thiers dans une savoureuse anecdote : les moines de Saint-Germain-des-Prés ceignent les femmes enceintes d’une ceinture de sainte Marguerite, ils assurent « qu’elles seront heureusement délivrées de leur grossesse par la vertu miraculeuse de cette ceinture »1395. 1389 Segalen et Chamarat 1981, p. 147. Benfoughal et Fontanes 1996, p. 198. 1391 En Navarre, autour de 1500, d’après Martin d’Arles, des femmes enceintes liaient leur ceinture à la cloche de l’église et la faisait sonner trois fois pour provoquer un accouchement heureux (Thiers 1697, t. 1, p. 374). 1392 Van Gennep 1972, p. 116 ; Benfoughal et Fontanes 1996, p. 195-196. 1393 AD BDR Aix, B 2619, f° 49 v°. 1394 Albanes 1883, p. 155. 1395 Thiers 1697, t. 1, p. 109, et aussi t. 2, p. 92. Une femme enceinte ne doit pas voir un prêtre s’habiller à l’autel, « particulièrement lorsqu’il met la ceinture de son aube, de crainte que son enfant ne naisse le boyau [le cordon ombilical] au cou » d’après une autre croyance rapportée par J. B. Thiers sans mention de son origine géographique (Thiers 1697, t. 1, p. 415). 1390 231 3. Approche croisée du mobilier archéologique La ceinture délimite le corps, sépare l’intellect du charnel. Dans les textes, la ceinture est un passage obligé vers la sexualité dont l’accès est conditionné à son ouverture. Si la ceinture reste fermée, il ne reste plus que la force brutale pour accéder au sexe. Dans le Roman de Flamenca, une jeune fille se fait enlever par un chevalier qui, cherchant à la violer, déchire ses vêtements jusqu’au-dessous de la ceinture : E esquiset me mon vestir Tro aval desutz la sentura1396 L’atteinte corporelle subie est ainsi signifiée. Les vêtements déchirés au-dessous de la ceinture ne traduisent pas seulement les conséquences d’un acte pervers, ils sont également le témoignage de sentiments non maîtrisés ou non conformes à ce qui serait attendu dans certaines circonstances. Il est courant dans la littérature médiévale que les personnages accablés par la douleur et le désespoir s’arrachent les cheveux, frappent ou égratignent leur visage, déchirent leurs vêtements1397. Ces manifestations se rencontrent également dans l’iconographie1398. Si la plupart du temps, le costume n’est lacéré que dans sa partie supérieure, la virulence des sentiments entraîne parfois un prolongement de l’action en dessous de la ceinture. Il n’apparaît pas cependant qu’il soit possible de traduire cela par une émotivité plus importante de l’acteur. Dans le Roman de Jaufre, lorsque le roi Arthur est malmené par une énorme bête, l’assistance, désespérée se livre à la gestuelle classique, mais il n’est pas précisé que la partie inférieure du corps soit concernée1399. Dans une autre section du roman, alors que Jaufre est parti à l’aventure, il rencontre : Un escudier bel e asaut, Un écuyer bien fait et gracieux E ac esquisat sun blisaut Dont la tunique était déchirée Tro aval desos la sentura Jusqu’au dessous de la ceinture1400 L’homme continue de se maltraiter : il s’arrache les cheveux, frappe son visage et se l’égratigne, car une pucelle vient de se faire enlever par un mauvais chevalier, et cela lui a causé de l’effroi. Plus loin dans le texte, la belle Brunissen ordonne à son sénéchal de lui amener Jaufre dont elle vient de tomber éperdument amoureuse. Le pauvre homme, ne le retrouvant pas dans le château, tombe dans un profond désespoir : Puis a sos vestirs esquintatz Et se met à déchirer ses habits 1396 Nelli et Lavaud 2000², t. 1, vers 2980-2981. Voir à ce propos Bouillot 2004 1398 Garnier 2003, p. 254-258. 1399 Nelli et Lavaud 2002², vers 324-325, 365-366. 1400 Ibid., vers 2205-2207. 1397 232 3. Approche croisée du mobilier archéologique Tro aval desotz la sentura Jusqu’au-dessous de la ceinture1401 Non moins incontrôlé est le geste du seigneur Archambaut tournant sa ceinture entre ses doigts (el det torneja son correig) lors d’un accès de jalousie, qu’il essaie avec peine de contenir, envers sa femme Flamenca1402. Dans le malheur, la ceinture peut aussi devenir objet de pénitence. Assurant la protection du corps, elle peut également le punir ou du moins devenir l’instrument de sa rédemption. Un habitant d’Albenga, dans la province de Savone en Italie, devenu aveugle en 1310, vient à Saint-Maximin, le sanctuaire de sainte Marie-Madeleine, deux ans plus tard pour implorer sa guérison. Il pénètre en chemise dans l’église – c’est-à-dire « nu »1403 – à genoux et, pour mieux appeler à la clémence divine, il se frappe le dos jusqu’au sang avec sa ceinture à tel point qu’il en brise la boucle en fer. Le miracle survient alors qu’il est amené devant l’autel1404. Dans cet épisode, la ceinture s’impose comme un instrument au service de la foi1405. Elle atteint une autre dimension lorsque sainte Marthe s’avance vers la Tarasque. Après lui avoir jeté de l’eau bénite et avoir fait le signe de la croix, Marthe lie avec sa ceinture la bête désormais soumise, e lo liet santa Martha am la sua cencha (fig. 87)1406. Cet accessoire entoure le corps et, en quelque sorte, le protège du mal, des agressions ; il guide son propriétaire en restant fermé. C’est d’ailleurs avec une ceinture que saint Bernard maîtrise le diable dans l’enluminure d’un manuscrit du Centre de la France réalisée vers 1490 (fig. 88). 3.1.1.3. La ceinture dans le costume civil d’après l’iconographie Les sources textuelles relatives à la ceinture offrent des données variables. Elles peuvent renseigner sur la nature des matériaux de la lanière et des pièces métalliques qui la composent, donner des éléments d’appréciation de leur forme ou fournir une valeur financière. Il est rare, cependant, que la description soit suffisamment précise pour permettre 1401 Ibid., vers 4102-4103. Ibid., vers 1052. 1403 On lira avec intérêt « Un vêtement sans l’être : la chemise » de R. Wolf-Bonvin (2001). 1404 Sclafert 2009. 1405 « Il n’y en a point aussi à s’imaginer, qu’en portant un rosaire, ou chapelet, un scapulaire, une ceinture de S. Augustin, un cordon de S. François, une ceinture de S. François de Paule, ou quelque autre signe, ou instrument de piété, on ne sera jamais damné, on recevra très assurément les Sacrements de l’Église à l’article de la mort, et on fera une sincère pénitence, quoiqu’on ait négligé de la faire pendant tout le cours de sa vie et que se contentant de ces signes et des ces instruments extérieurs, on ait renoncé à la véritable piété (Thiers 1697, t. 1, p. 317). 1406 Se reporter à T. de Wyzewa (édit.) 1998, pour une traduction depuis le latin. Une traduction du XIVe siècle en langue d’Oc du chapitre sur sainte Marthe, à laquelle est empruntée la citation, est présente dans l’ouvrage de R. Nelli et R. Lavaud (2000², t. 1, p. 933) 1402 233 3. Approche croisée du mobilier archéologique une parfaite reconstitution de la ceinture, et à peine plus fréquentes sont les indications relatives à la manière dont elle est portée. Ces informations sont presque totalement absentes dans les textes provençaux consultés. L’iconographie permet dès lors d’ouvrir la réflexion sur l’apparence de la ceinture ainsi que sur la façon dont elle est disposée sur le corps. Cependant, il convient de garder à l’esprit que les images d’origine provençale figurent avant tout le costume noble ou bourgeois et que les constatations réalisées à partir de cette source ne sont donc pas strictement extensibles au reste de la population, beaucoup moins représenté. Un autre piège réside dans l’emploi non critique d’une iconographie dont l’origine géographique est éloignée du territoire d’étude : de fausses interprétations peuvent en résulter, une mode attestée dans le Nord de l’Europe, par exemple, n’a pas forcément cours en Provence. L’iconographie de Provence n’est pas non plus à considérer sans esprit critique. La Provence est un lieu de passage privilégié entre l’Italie et le reste de l’Europe de l’Ouest. De nombreux artistes étrangers passent donc par cette région, s’arrêtant parfois pour éxécuter une commande, et important donc sans doute des topos vestimentaires étrangers aux pratiques vestimentaires locales. Enfin, une symbolique particulière peut avoir été introduite par l’artiste dans la représentation, il est nécessaire d’en tenir compte. Par exemple, dans le retable de Saint-Mitre (vers 1470 - 1475), peint par Nicolas Froment et conservé dans la cathédrale d’Aix-enProvence, la ceinture du prêteur romain dessine avec son vêtement une croix sur son corps : elle est la marque prémonitoire du signe de la vraie foi à laquelle l’homme va adhérer. Ce signe disparaît une fois sa conversion achevée1407. L’étude de l’iconographie européenne montre que la ceinture n’est pas un accessoire obligatoire même si elle est particulièrement commune au Moyen Âge. D. Alexandre-Bidon a révélé que, dans ce domaine, la ceinture matérialise, ainsi que les chausses pour les individus masculins, le passage de l’enfance à l’autonomie vers l’âge de sept ans1408. Le port de cet accessoire fut-il fluctuant selon les époques ? Peut-être sera-t-il possible, dans le futur, d’affiner les connaissances actuelles et d’obtenir des résultats plus conséquents malgré les limites inhérentes à la représentation figurée. Un travail collaboratif pour traiter une ample masse documentaire s’avère, en ce cas, nécessaire. Les premières données iconographiques disponibles pour la Provence datent de la seconde moitié du XIIe siècle. La plupart des personnages représentés au portail de l’église 1407 1408 Arrouye 1983, p. 15. Alexandre-Bidon 1989, p. 138. 234 3. Approche croisée du mobilier archéologique Saint-Gilles à Saint-Gilles-du-Gard, ne portent pas de ceinture ou du moins n’en arborent pas de manière ostensible. Si pour certaines figures, son absence est certaine, pour d’autres, le port d’un manteau ou les plis du vêtement (fig. 29) peuvent la soustraire aux regards. Parmi les statues du cloître de Saint-Trophime à Arles, des personnages masculins sont vêtus d’une robe, plus ou moins longue, ceinturée à la taille (fig. 28). Sur l’une d’elles (fig. 28, B), le nœud de fixation est encore parfaitement visible sur l’avers du vêtement, et une extrémité est laissée pendante. L’état de conservation de la pierre ne permet pas d’établir de similitude formelle entre ce dispositif de fixation et celui d’une ceinture disposée à la taille d’une statuecolonne féminine de même datation à la cathédrale de Chartres (fig. 30). Pourtant, l’ouverture particulièrement large du « nœud » et l’absence d’une deuxième extrémité pendante semblent aller dans ce sens. En effet, une ceinture nouée de façon classique laisse deux extrémités ballantes (fig. 34, 35, 38). Sur une seconde statue du cloître arlésien (fig. 28, A), le dispositif de fixation n’est pas visible, peut-être caché par le bras du personnage. Alors que les ceintures sont des bandes, probablement textiles, pour les deux premières représentations, celle disposée sur les reins d’un Atlante (fig. 28, C) prend la forme d’une cordelette maintenant les pans relevés d’un vêtement pour libérer les mouvements. Cette façon de faire est d’usage pour la figuration de travailleurs manuels. Dans le cas présent, le nœud s’effectuait-il dans le dos, l’artiste a-t-il pris quelque liberté de création en ne représentant que l’« idée » d’une ceinture ? Un homme chevauchant un lion, au portail de l’église Saint-Trophime (fig. 32), possède à la taille une ceinture, dont la courroie est parsemée de points qui, au premier abord, pourraient symboliser des œillets. Il est probable, cependant, qu’il s’agisse d’un motif ornemental similaire à celui représenté en bordure de ses manches et de ses chaussures. Le dispositif de fermeture n’est pas identifiable, la pierre étant en partie désagrégée à cet endroit. Un élargissement de la ceinture semble néanmoins perceptible dans le dos, détail qui l’apparenterait aux ceintures nouées dont l’élargissement localisé pourrait avoir eu le rôle de bourse (fig. 34 et 35). Lorsque le dispositif de fixation est visible, les ceintures nouées sont de loin les plus courantes dans l’iconographie continentale ouest européenne des XIe et XIIe siècles. Quelques ceintures à boucle sont également identifiables, surtout à partir de la seconde moitié du XIIe siècle. La Reine de Saba du cloître de Saint-Trophime (fig. 31) porte ainsi à la taille une lanière percée d’œillets et fermée par une boucle semi-ovale. La section pendante est terminée, au-dessous des genoux, par un mordant à l’extrémité arrondie sans aucune ornementation. Sur un ancien pilier du cloître de la cathédrale Saint-Just de Narbonne (fig. 33), la figure d’un roi est ceinturée à la taille par une lanière fermée par une boucle semi235 3. Approche croisée du mobilier archéologique ovale, l’extrémité pendante disparaissant sous le manteau. L’initiale I d’un manuscrit italien du dernier quart du XIIe siècle (fig. 37) montre la figure d’Esther : sa robe est ceinturée à la taille par une courroie brune à boucle parsemée de pastilles jaunes – des appliques ? – dont une section pend jusqu’à mi-mollet. Le port de longues ceintures à boucle descendant plus bas que les genoux se révèle assez caractéristique des figures féminines et perdure au moins jusqu’à la fin du Moyen Âge1409. Sur la reine de Saba conservée au musée Borély à Marseille (fig. 39), peut-être originaire du Nord de la France, et datée du milieu du XIIIe siècle, une section de ceinture tombe presque jusqu’aux chevilles. La boucle, de forme parfaitement reconnaissable dans le mobilier archéologique (type F2a), est fixée à la lanière par une chape rectangulaire. La jeune Michal dont David demande la main au roi Saul, son père, est figurée à la dernière mode dans un manuscrit du Nord de la France des années 1240 (fig. 42), une bourse pendue à la ceinture. Cette dernière enserre sa taille et affiche une extrémité terminée par un mordant uni descendant sous les genoux. Ces très longues ceintures sont-elles réellement spécifiques aux femmes ? Dans une enluminure française du troisième quart du XIIIe siècle (fig. 43), la ceinture masculine, avec boucle, chape et mordant, que retient une dame, a des dimensions particulièrement imposantes. Objet d’un combat « amoureux » entre les deux jeunes gens, les proportions de l’accessoire ont été probablement exagérées par l’artiste pour en accentuer l’importance symbolique. Les chapes et les mordants apparaissent vraisemblablement à peu près au même moment où les boucles redeviennent visibles sur les ceintures. D’après F. Marangoni, la présence d’un mordant est plus fréquente sur les ceintures de femmes italiennes que sur celles des hommes, au XIIIe siècle1410. C’est à la tour Ferrande, à Pernes-les-Fontaines, dans le Vaucluse, que s’observe la première ceinture à boucle masculine de l’iconographie provençale1411. On se gardera bien évidemment de transposer ce constat, tributaire des spécificités de l’imagerie locale, comme une réalité vestimentaire provençale de l’époque. Une peinture murale figure saint Christophe portant le Christ, assis sur ses épaules (fig. 41). Le saint arbore une ceinture parsemée de motifs circulaires correspondant probablement à des œillets ainsi qu’une boucle allongée presque ovale. Le manteau cache la plus grande partie de la portion tombante de la courroie. Les autres 1409 Une femme avec une large ceinture disposée sous la poitrine, bouclée dans le dos, dont la lanière descend jusqu’aux pieds, est figurée dans une peinture de Livre d’Heures datée vers 1435, œuvre du maître de la Légende Dorée de Munich ayant exercé à Paris et conservée à la British Library, Add. Ms. 18192, f° 196 (Margaret 2009, p. 139, fig. 85). 1410 Marangoni 2011a, p. 39. 1411 On pourra lire au sujet de la tour Ferrande Didier 1990. 236 3. Approche croisée du mobilier archéologique peintures de la tour Ferrande montrent des scènes avec des personnages civils sans ceinture (fig. 40). Il est peu probable que les artisans, agriculteurs ou travailleurs de force provençaux aient eu l’usage aux XIIe et XIIIe siècles d’un costume de même longueur que celui de la noblesse et celui de la bourgeoisie. La raison en est certainement le coût, peut-être la norme sociale, mais aussi l’obligation de conserver de l’aisance dans les gestes du travail quotidien1412. Sans doute leur tenue s’apparentait-elle alors à celle portée par le berger ou l’ouvrier viticole, sujets peints en 1340 par Simone Martini au Frontispice du Virgile de Pétrarque (fig. 44), même si l’image est caractéristique de l’art italien. Les cottes ainsi que le manteau du berger ne descendent pas en-dessous des genoux, préservant une liberté de mouvements, peut être encore accrue par le repli du vêtement dans une ceinture cachée dès lors à la vue. Dans la même enluminure, un noble porte un surcot s’arrêtant à mi-mollet. Un vêtement semblable, mi-parti, habille un personnage, témoin d’un miracle, dans une scène décorant la voûte de la chapelle Saint-Martial du palais des Papes (fig. 47), également peinte par un italien. Une solide ceinture brune soutient sa dague ainsi qu’une pesante aumônière sur l’avant. À noter que dans l’enluminure du Virgile, Pétrarque est représenté dans des vêtements longs et amples, « modèle de l’habillement sage et digne »1413. Petit à petit, le costume masculin ouest européen raccourcit. Il ne tombe plus jusqu’aux chevilles comme auparavant (fig. 40 et 43). Progressivement, il se fait aussi plus près du corps. Les manches et le haut de la cotte hardie des chasseurs au faucon de la Tour de la Garde-robe, au palais des Papes, en sont une illustration (fig. 46). La ceinture commence à souligner la silhouette. Ces modifications vont donner naissance à un costume masculin court et ajusté au corps dont les premières manifestations datent des années 1330 - 13401414. Un changement important intervient alors pour la ceinture et bon nombre d’accessoires tels que les boutons, lacets et agrafes. Ces évolutions dans la coupe, bien que s’étalant sur plusieurs dizaines d’années, s’imposent rapidement par rapport aux modifications antérieures. Toutefois, en révélant le corps, elles déclenchent de violentes critiques1415. Le vêtement de dessus raccourcit également, prenant le nom de jaque ou de pourpoint et les manches se 1412 De nombreux exemples sont donnés dans Mane 2004 et Mane 2006. Legrand et al. 1991, p. 47. 1414 Piponnier 1989 ; Margaret 2009, p. 97. 1415 Ibid., p. 97. 1413 237 3. Approche croisée du mobilier archéologique portent de plus en plus serrées1416. O. Blanc perçoit dans ce nouveau costume le résultat d’une insistance sur les jointures du corps et sur un travail de découpe du tissu. Le vêtement compartimente, la silhouette n’a plus cet aspect global, parfois massif, évasé du haut vers le bas1417. La ceinture devient beaucoup plus visible et joue un rôle important dans le découpage du corps. Elle constitue un axe horizontal de symétrie ou de dissymétrie. Portée sur les hanches, elle sépare le corps en deux moitiés égales et se substitue à la morphologie pour en désigner la ligne médiane. À la taille, elle marque la jointure du vêtement et structure l’anatomie. Elle crée « l’amorce d’un mouvement qui dynamise la silhouette »1418. La position d’une bourse, d’une dague, etc., décalée par rapport à l’axe vertical du corps, contribue à l’animation de la tenue et apporte une touche d’individualisation dans un habillement relativement uniforme et standardisé1419. La première illustration retrouvée de ce costume court et ajusté pour la Provence est une miniature en marge d’un manuscrit, figure datée vers 1378 - 1383 d’un homme vu de profil tenant un encadrement (fig. 45). Le pourpoint vert, bombé à hauteur du buste, est boutonné de haut en bas sur le devant et au-dessous des manches sur les avant-bras. Une ceinture, posée sur les hanches, soutient une courte épée. Au revers de la reliure d’un registre notarial marseillais de 1388 (fig. 48), un notaire a dessiné un homme à la silhouette considérablement marquée : le bombement du buste est excessif ainsi que la minceur de la taille par rapport à l’importance des hanches. Une large ceinture, posée sur celles-ci, est décorée de croix. Une observation minutieuse montre que la ceinture se compose d’une suite de carrés : Est-ce l’interprétation d’une ceinture métallique à charnières ? Également nommé demi-ceint1420, particulièrement large, placée bas sur les hanches, cet accessoire est assez couramment porté par les nobles français par-dessus le pourpoint dans le dernier tiers du XIVe siècle. Il se substitue dans les années 1370 à la ceinture de cuir ornée d’une bourse et pourvue d’une dague des années précédentes1421. Dans l’iconographie, la ceinture à plaques métalliques articulées est souvent l’attribut des soldats (fig. 62)1422, mais aussi des civils 1416 La terminologie des pièces vestimentaires n’est pas toujours bien définie même parmi les auteurs actuels. Au sujet du pourpoint, on peut se reporter à O. Blanc 2011 pour un aperçu des problèmes que pose l’emploi de ce vocable. 1417 Blanc 1990, p. 190. Blanc 1997, p. 27. 1418 Blanc 1990, p. 182. Se reporter également à Blanc 1997, p. 184. 1419 Blanc 1990, p. 182 ; Blanc 1997, p. 88. 1420 Se reporter au sous-chapitre précédent. 1421 Beaulieu 1989, p. 260. 1422 S. Zingraff fait également cette constatation dans son corpus iconographique d’Italie du Nord (Zingraff 2014, p. 459. 238 3. Approche croisée du mobilier archéologique (fig. 69) jusque tard dans le XVe siècle1423. Les exagérations de la représentation marseillaise ne traduisent-elles pas la surprise du dessinateur, étonné par les formes du corps ainsi mises en valeur ? Le rembourrage du pourpoint – le panseron – à hauteur de la poitrine est courant, hérité de celui porté par les militaires, parfois sous l’armure lorsqu’ils en disposent, pour amortir les coups1424. La large ceinture, disposée très bas, souligne le côté court du vêtement qui a pu paraître indécent. Un texte satirique français du milieu du XIVe siècle le souligne : Ke trop dessus le cul se chaingnent1425. Le pourpoint est un peu plus long pour les figures masculines des fresques de Sorgues, datées de la fin du XIVe siècle (fig. 51, B et C). Les hommes, de jeunes galants ou des chasseurs, y apparaissent avec une ceinture sur les hanches. Des grisailles avignonnaises de la fin du XIVe siècle, du Livre de chasse de Gaston Phébus, montrent des chasseurs préparant des appâts (fig. 49) et d’autres chassant le sanglier à l’arbalète (fig. 50). Certains sont vêtus d’un pourpoint ceinturé sur les hanches. La ceinture est plus large pour les arbalétriers et donc plus solide pour soutenir le carquois et le croc pour tendre l’arbalète. D’autres personnages ont une cotte plus ample s’arrêtant au-dessus des genoux et une ceinture les serrant à la taille de telle façon qu’un pli du vêtement la recouvre. Elle rappelle celle qui vêt l’ouvrier du Virgile de Pétrarque (fig. 20). Ces images confirment que certains travailleurs en extérieur pouvaient porter les deux types de costumes dans le sudest de la France. Les enluminures de l’arlésien Bertrand Boysset, réalisées pour son traité d’arpentage en 14061426, l’attestent également. On y voit les arpenteurs (ex : fig. 54 et 57) porter le pourpoint rembourré boutonné tout du long sur le devant ainsi qu’à hauteur des avant-bras, avec une ceinture sur les hanches ou à la taille. Est-il possible qu’il ait octroyé aux membres de sa profession, dont on sait qu’il est conscient de l’importance et fier de son rôle1427, un costume d’un statut social plus élevé ? Cela ne semble pas être le cas comme le montre d’autres peintures évoquées un peu plus loin. Dans une série de vignettes (fig. 53), Bertrand Boysset reçoit de Dieu les outils de son métier et l’enseignement pour s’en servir. Lorsque l’arpenteur obtient les outils ou lorsqu’il écoute l’enseignement (fig. 53, A, C, D et F), il est toujours vêtu d’une robe non ceinturée, boutonnée à hauteur du buste, parfois à larges manches tombantes. Il est représenté humble comme les pénitents ou comme bon nombre de commanditaires dans la peinture provençale. Lorsqu’il met en pratique son 1423 M. Métais observe une ceinture métallique sur un donateur dans un tableau toscan de la seconde moitié du XVe siècle (Métais 1997, p. 43, p. 53). 1424 Blanc 1990, p. 477. 1425 Langfors 1913, p. 160, vers 39. 1426 Elles sont publiées dans Bertrand 1985. 1427 Gauthier 1985, p. 12. 239 3. Approche croisée du mobilier archéologique apprentissage (fig. 53, B, E), il est habillé d’un pourpoint mi-long ceinturé à la taille, boutonné sur le devant et pourvu de manches plus serrées. Mettre une ceinture, c’est se disposer pour agir. Pour les gens de métier moins établis dans l’échelle sociale que lui-même, peut-être le pourpoint est-il le seul costume (fig. 56) ? Les dessins de ce bourgeois arlésien traduisent aussi une vision de la société. Son traité d’arpentage est, dit-il, fortement inspiré par un livre sur le même sujet rédigé par maître Arnaud de Villeneuve, médecin catalan et grand érudit vivant sous le règne du roi Robert1428. Sans doute au courant des codes iconographiques en usage pour représenter les personnes munies d’un savoir, il figure le maître dans une robe longue lors d’une scène d’enseignement (fig. 55)1429. Le vêtement ne diffère cependant du pourpoint que par la longueur de tissu puisqu’il porte le même boutonnage aux bras, sur le devant jusqu’aux cuisses, et qu’il provoque un bombement du torse comme il est visible sur un autre dessin. Le pourpoint mi-long semble être pour Boysset le costume ordinaire, ou du moins celui qu’il convient de porter. Il ne représente pas de personnages vêtus d’une cotte courte, cotte qui doit cependant être toujours en usage pour une large part de la population1430. Pénétré de l’importance de son travail, Boysset souhaite que son traité soit jugé à sa juste valeur par le roi et les arlésiens et l’exprime dans une double page (fig. 52). Sur l’une d’elles, le roi René, siégeant sur son trône, déclare l’accepter au nom de tous. Il est approuvé par les nobles. Leurs vêtements et celui du roi sont longs, sans boutonnage, avec un buste bombé et des manches étroites. Tous portent une ceinture sur les hanches. Des conseillers élus leur font face et approuvent également, tout comme le représentant du peuple arlésien. Ce dernier possède un vêtement long, signe de son statut hiérarchique ou de sa sagesse, un chapeau particulier et tient un phylactère exprimant la pensée du peuple. Le reste de la population et les conseillers forment une foule de personnages habillés d’un pourpoint à manches tombantes, ceinturé sur les hanches, boutonné sur le devant et aux avant-bras. En résumé, la distinction de statut est apportée par la longueur du vêtement, l’absence de boutonnage et de manches tombantes, alors que le positionnement de la ceinture et le rembourrage du buste apparaissent comme des caractéristiques vestimentaires communes. D’après O. Blanc, dans le Nord de la France, les années 1410 sont marquées par la disparition du rembourrage du buste. Une série de plis disposés sur le devant et le dos du vêtement, maintenus à la taille par une ceinture, le remplace1431. La robe mi-longue se généralise progressivement et le port de la 1428 Gauthier 1985, p. 12. Sur laquestion du paraître universitaire médiéval, voir Destemberg 2008. 1430 Voir par exemple les figures de paysans dans Mane 2004 et Mane 2006. 1431 Beaulieu 1989, p. 261-262. 1429 240 3. Approche croisée du mobilier archéologique houppelande s’impose à la fin du XIVe siècle dans la noblesse : le pourpoint ne sera bientôt plus porté que par les bourreaux et les artisans1432. Ce constat, valable pour l’Europe du Nord, ne l’est pas pour l’Italie où le pourpoint reste à la mode tout au long du XVe siècle1433. Cette proximité a certainement influencé le costume provençal. Le dessin de Bertrand Boysset pourrait illustrer le moment où la noblesse abandonne pendant quelques temps le costume court et ajusté pour un autre plus long mais toujours ajusté, conservant ainsi quelques éléments de la mode antérieure. D’après O. Blanc, autour de 1400, la noblesse française ne porte plus la ceinture sur les hanches, mais de nouveau à la taille, même sur un pourpoint1434. Le père et le fils Spiefami (fig. 58), représentés vers 1425 dans l’église Notre-Damedes-Doms, sont tous deux habillés d’une robe mi-longue dont les plis tubulaires sont fixés à la taille par la ceinture. Un personnage dans l’assistance du Couronnement de la Vierge d’Enguerrand Quarton (fig. 59), un demi-siècle plus tard, possède sur sa robe des plis plus larges qui s’évasent. La ceinture, par conséquent, amplifie la finesse de la taille et le bombement naturel du buste. Cette mise en évidence de la morphologie se perçoit distinctement sur un faucheur habillé « noblement » dans une enluminure aixoise des années 1460 - 1470 (fig. 67) et de façon encore plus flagrante sur les jeunes hommes figurés lors de La remise du prix, dans le Livre des Tournois illustré par Barthélémy d’Eyck (fig. 65). Les tournoyeurs, qui portent encore le pourpoint, se distinguent nettement par leur mise des compagnons qui escortent la reine et ses suivantes. Ces derniers, vêtus d’une houppelande rouge ont la taille ceinturée. Ce vêtement, ample par sa coupe, ne souligne pas la taille ; ce rôle est donc dévolu à la ceinture, « seule marque qui crée un rapport vertical entre les segments corporels ainsi isolés »1435. La houppelande s’observe encore sur deux personnages masculins de la Déposition de Croix de Barbentane datée de la fin du XVe siècle (fig. 69). Pour l’un, la ceinture est de cuir avec une bourse dans l’axe du corps qui souligne sa verticalité ; pour l’autre, elle est métallique et à charnière. Dans un panneau peint par Josse Lieferinxe en 1497 - 1498 (fig. 73), la robe est une nouvelle fois ceinte à la taille, avec une bourse sur le côté. Dans d’autres œuvres des années 1510 et 1520, les personnages masculins portent une robe mi-longue, ceinturée à la taille, dont les manches sont tombantes ou étroites (fig. 76 et 78). La robe longue et ample du roi mage agenouillé dans le retable du maître autel 1432 Se reporter également à Blanc 1990, p. 469 Boucher 1965, 2008², p. 170. 1434 Blanc 1997, p. 84. 1435 Blanc 1990, p. 184. 1433 241 3. Approche croisée du mobilier archéologique de l’église Saint-Jean-Baptiste de Villars-sur-Var dans les Alpes-Maritimes (fig. 77) est serrée à la taille par une ceinture à pendants, dispositif qui apparaît aux alentours de 14001436. Qu’en est-il du costume chez les artisans et chez ceux qui travaillent en extérieur aux alentours de 1500 ? L’iconographie de Provence ne l’illustre pas, mais O. Blanc a montré que le costume du bourreau s’y apparentait souvent. Parmi les bourreaux flagellant le Christ peints par Jean Canavesio à Notre-Dame-des-Fontaines à La Brigue dans les Alpes-Maritimes, en 1492 (fig. 71 et 72), l’un porte une sorte de pourpoint et les autres sont vêtus de cottes courtes. Un bourreau a relevé sa cotte jusqu’à la ceinture pour plus d’aisance, révélant le bas de sa chemise. Il s’agit encore de pourpoints, certains ceinturés, qui habillent les bourreaux du cycle de saint Sébastien de la fin du XVe siècle à Roure dans le même département (fig. 435 et 436), du retable du martyr de saint Elme à La Brigue (fig. 439) ou de la Décollation de saint Jean-Baptiste peinture provençale du début du XVIe siècle conservée au musée du Petit Palais à Avignon. Dans la documentation iconographique d’Europe de l’Ouest rassemblée par P. Mane, la cotte courte est le vêtement usuel chez les paysans1437. L’iconographie du XVIe siècle en Provence, passée le premier quart du siècle, se prête mal à une analyse sur la place de la ceinture dans le costume masculin. La quasi-totalité de la production est maintenant religieuse et les commanditaires, lorsqu’ils apparaissent, sont engoncés dans un ample manteau1438. Le dernier témoin exploitable est le Retable de la famille Grilhet daté de 1547. Le fils y apparaît vêtu d’un pourpoint (fig. 81), la ceinture disposée sur la taille, tombant vers l’avant et épousant les courbes du corps. Dans les cours françaises, sous l’influence des modes espagnoles, le pourpoint revient progressivement à la mode à la fin du XVe siècle. Du fait de la coupe du vêtement, à partir du milieu de la première moitié du XVIe siècle, la ceinture tombe effectivement vers l’avant. Cette forme de pourpoint, malgré de nombreuses variations, reste en usage dans la noblesse et la bourgeoisie d’Europe de l’Ouest jusqu’au début du XVIIe siècle1439. Après ce long développement sur le costume masculin à partir du début du XIVe siècle, il convient de s’intéresser au costume féminin, beaucoup moins marqué par des changements dans la coupe du vêtement. Il est une constante, la robe reste longue tout au long 1436 Se reporter par exemple à Van Buren et Wieck 2011, p. 101, n° E 55. Mane 2004 et Mane 2006. 1438 La peinture provençale entre 1530 et 1620 souffre d’un déficit d’étude, conséquence d’un désintérêt pour la peinture religieuse de cette époque marquée par les conflits. Pour un premier état des lieux on se reportera à Léonelli et al. 1987. 1439 Se reporter à Boucher 1965, 2008² (p. 181-218) pour des illustrations de ce pourpoint à ceinture penchée vers l’avant. L’auteur ne fait pas mention de cette caractéristique. 1437 242 3. Approche croisée du mobilier archéologique de la période d’étude et bien au-delà, mais l’ajustement qui s’observe dans le costume masculin se retrouve également du côté féminin. La robe met « en valeur la finesse du buste et des bras, rejetant la masse vestimentaire à la base du corps et, dans une moindre mesure, dans la coiffure »1440. Le vêtement met ainsi en évidence les parties du corps sièges du désir : le visage, la poitrine, le ventre. Un déhanchement, creusant la taille, ainsi que la disposition de la ceinture peuvent accentuer cet effet. D’après Olivier de La Marche, dans le Le Parement et triumphe des dames, la ceinture est la meilleure de ses parures : Ainsi le point qui clost du corps l’habit C’est la ceinture dont dame se doit ceindre La ceinture la personne embellit C’est la parure qui plus fort anoblit1441. Les fresques italiennes du milieu du XIVe siècle de la chapelle Saint-Martial au palais des Papes (fig. 47) figurent des femmes dans des robes longues, évasées vers le bas, sans ceinture. Elles sont ceinturées sur les hanches sur les fresques de Sorgues datées de la fin du siècle (fig. 51) : la ceinture est fermée à hauteur d’un médaillon duquel, dans un cas, s’échappe une portion tombante. Il pourrait s’agir de demi-ceints, ceintures closes par agrafage, dispositif qui apparaît dans les années 1360 dans les textes1442, dans les années 1370 dans l’iconographie1443. Dans le dernier tiers du XIVe siècle, des ceintures orfévrées ceignent régulièrement les hanches des hommes de la noblesse, mais aussi celles des femmes. Elles apparaissent dans les textes sous le nom de « ceinture » ou de « demi-ceint ». Elles sont alors souvent entièrement métalliques, constituées de maillons reliés par des charnières, et se ferment par différents systèmes d’agrafage. Le type à maillons métalliques est commun aux deux sexes jusque dans le XVe siècle1444. Certaines figures féminines royales portent un surcot ouvert latéralement laissant poindre cet accessoire (fig. 60). Ce vêtement reste en usage au moins jusqu’au milieu 1440 Blanc 1997, p. 151. Trepperel Veuve et Jehannot (Édit.) 1520, 1870², chapitre XVI. 1442 Moranvillé 1903-1905, n° 3558, 3560, etc. On revient ultérieurement plus en détail sur ces ceintures. 1443 La première représentation assurée est de 1371 : dans l’enluminure représentant l’enlumineur Vaudetar offrant sa « Bible historiale » à Charles V (Van Buren et Wieck 2011, p. 69, n° F 25), l’artiste porte par-dessus son pourpoint une ceinture métallique à charnières qui ne peut se fermer que par agrafage. Cependant, le doute subsiste pour une enluminure des environs de 1358 (Van Buren et Wieck 2011, p. 63, n° F17a-d). 1444 L’inventaire de 1474 des biens de la comtesse de Montpensier signale un demy ceynt garny d’or a charnyere (Boislisle 1880, p. 276) et M. Métais observe une ceinture entièrement métallique sur une donatrice dans une peinture toscane réalisée vers 1360 (Métais 1997, p. 43, pl. 44). 1441 243 3. Approche croisée du mobilier archéologique de la seconde moitié du XVe siècle (fig. 68), mais la ceinture n’est pas toujours portée. Après la fin du XIVe siècle, dans le costume féminin, la ceinture devient beaucoup plus fine et n’est, semble-t-il, plus métallique. S. Zingraff note l’apparition vers 1320-1330 dans l’iconographie d’Italie du Nord de ceintures portées haut sous la poitrine1445. Mais, c’est à partir de la la fin du XIVe siècle que ce port se développe. Disposée au-dessous des seins, sur une houppelande ou sur une robe, la ceinture connaît un grand succès jusqu’à la fin du XVe siècle et perdure au début du siècle suivant (fig. 61, 63 à 67). Elle se ferme généralement dans le dos, parfois sur le côté ou sur le devant. Cette ceinture souligne les courbes du corps féminin et par son positionnement accentue la dissymétrie du corps. Elle est, dans l’iconographie, souvent très large pour les dames de la haute noblesse (ex : fig. 67 et 68), plus étroite pour celles de moindre condition. Dans une enluminure du manuscrit français de la Vraye histoire des seigneurs de Grave, une vignette représente la belle Ydorye comptant ses malheurs à sa maîtresse Edea (fig. 61). Tout sépare la dame de compagnie de son amie plus élevée socialement : la coupe du vêtement, la coiffe mais aussi la largeur de la ceinture portée sous la poitrine. Il pourrait s’agir aussi d’un moyen iconographique adopté par le peintre pour permettre la distinction entre les deux femmes. Dans la fresque figurant la famille Spiefami à la cathédrale Notre-Dame des Doms (fig. 58), l’une des filles possède la même ceinture, relativement étroite, que la mère mais, à la différence de cette dernière, aucune section ne pend longuement. Peut-être retombe-t-elle du côté opposé. La courroie, disposée sous la poitrine, s’allonge parfois jusqu’à toucher terre, parfois jusqu’aux hanches, mais se porte aussi très courte, peu ou pas pendante, apparemment sans qu’il existe une variation avec le temps. Le choix semble relever du domaine de la personnalisation de l’accessoire. Si l’iconographie provençale n’offre aucune indication du degré de diffusion de la mode décrite ci-dessus au sein de la population, il est néanmoins attesté que la ceinture serrée à la taille ne cesse pas d’être portée. Elle est figurée sur une arlésienne en 1406 dans le traité de Bertrand Boysset (fig. 56), sur une servante au vêtement actualisé, contrairement aux autres figures du tableau, dans un retable de Josse Lieferinxe daté vers 1500 (fig. 70), sur une femme âgée en robe verte dans le Prêche de la Madeleine de l’atelier d’Antoine Ronzen vers 1510 - 1515 (fig. 74). Vers le milieu du XVe siècle, un demi-ceint fermant au moyen d’un crochet s’insérant dans les maillons d’une chaîne apparaît, mais il reste relativement peu fréquent dans l’iconographie de l’Europe occidentale (fig. 80 et 82). Il est généralement porté mollement sur 1445 Zingraff 2014, p. 456. 244 3. Approche croisée du mobilier archéologique les hanches ainsi que le rappelle Olivier de La Marche dans Le Parement et triumphe des dames : Le demy ceingt ne doit le corps estraindre Mais soustenir les faictz et supporter Des misteres que Dame doit porter … Le ceingt soustient les menus utensilles Et les utilz dont dames sont garnies A les servir comme femme subtilles1446 Parfois, la chaîne de fixation est remplacée par un anneau. Le demi-ceint apparaît dans l’iconographie provençale à l’extrême fin du XVe siècle, étroitement serré à la taille d’une sainte Marguerite (fig. 75), mais les archives provençales en confirment un usage antérieur. À partir du milieu du XVIe siècle, il est probable que ce type de ceinture se diffuse dans la population provençale ainsi que le montrent les inventaires de marchandises, déjà mentionnés, d’Adrien Moret et Claude Moulard. Au même moment, cette ceinture devient beaucoup plus courante dans l’iconographie de l’Europe occidentale (fig. 79 et 81). Elle prend alors la forme d’une longue chaîne terminée à une extrémité par un crochet, avec une section largement pendante. Le terme jaseran attesté en Provence à partir de la fin du XVIe siècle pourrait lui correspondre1447. Le développement de cette nouvelle forme de ceinture est suivi au XVIe siècle de celui du baleinage dans le corsage, usage destiné à accentuer la finesse de la taille et à mouler le buste1448. De par la présence des hanches, le corset pointe vers le bas, et la chaîne du demi-ceint suit ce mouvement. Cette orientation a-t-elle inspiré le costume masculin (fig. 81) pour lequel il a déjà été souligné cette caractéristique ? Avant d’en terminer avec l’iconographie du costume civil, il est nécessaire d’évoquer les ceintures fermées par un nœud, postérieures au XIIIe siècle. Dans l’iconographie provençale, le nœud n’apparaît généralement que sur des personnages mythologiques ou divins, sur des saints (fig. 83 et 84) ou sur des bourreaux (fig. 85). Peut-être est-il utilisé pour souligner l’intemporalité des personnages et, dans le cas des bourreaux, pour souligner l’ignominie de leurs actes en les assimilant à des étrangers. Ils portent d’ailleurs parfois une sorte de turban. Dans l’épisode du Portement de Croix de Simone Martini, de nombreux membres de l’assistance, des civils ou des militaires, sont vêtus de manière étrange et 1446 Trepperel Veuve et Jehannot (Édit.) 1520, 1870², chapitre IX. Se reporter au sous-chapitre précédent. 1448 Legrand et al. 1991, p. 50. 1447 245 3. Approche croisée du mobilier archéologique fantasque. On y retrouve notamment des enfants avec des ceintures nouées (fig. 86). Au contraire, les personnages saints y sont vêtus de long et sans ostentation. Cette opposition les met en valeur. Aucun document n’atteste formellement de la fermeture de la ceinture par nouage dans la société provençale. Dans le reste de l’iconographie européenne, il reste exceptionnel sur le costume civil. 3.1.1.4. La ceinture dans le costume militaire La fonction protectrice de la ceinture en fait un élément de l’armement de la foi, par essence un équipement de combat. Dans l’histoire de Barlaam et Josaphat, version christianisée et tardive de l’histoire du Bouddha, le saint ermite Barlaam enseigne au jeune prince Josaphat la façon de lutter contre le mal : « Prépare-toi de façon à être bien armé des armes de l’esprit, et ceins tes reins de la ceinture de vérité, e senh tos nombels en veritat. Mets la cuirasse de droiture, chausse tes pieds de façon à pouvoir suivre les saints Évangiles, et tiens à la main le bouclier de la foi. Arme-toi bien afin de pouvoir combattre le prince de ce monde »1449. Ce passage est emprunté à l’Épitre de saint Paul aux Éphésiens (6, 14 à 17). Dans l’Ordene de chevalerie, poème en langue d’oïl du milieu du XIIIe siècle, un chevalier français prisonnier de Saladin est contraint de lui révéler le sens symbolique de chaque étape de l’adoubement : la ceinture blanche que revêt le postulant est destinée à le préserver de la luxure1450. À la fin du XIIIe siècle, dans son traité de chevalerie, le majorquain Raymond Lulle indique que l’écuyer est ceint de l’épée par le chevalier pour signifier chasteté et justice. Le chevalier est par les armes un défenseur de la foi catholique comme le clerc l’est par la parole. Selon l’auteur, tout chevalier ne respectant les vertus théologales (foi, espérance, charité) et cardinales (justice, prudence, force, tempérance) devrait être désarmé publiquement et sa ceinture coupée par derrière1451. Cette cérémonie serait une sorte d’adoubement inversé. La ceinture militaire est un emblème visible, elle proclame la force et les pouvoirs dont est investi celui qui la porte. Le fourreau retenant l’épée, arme dont la symbolique est particulièrement forte1452, y est suspendu. Dans la littérature médiévale du second Moyen Âge, le chevalier est idéalisé : être adoubé, c’est ceindre l’épée – espasa cener peut-on lire 1449 Nelli et Lavaud 2000², t ? 2, p. 1132. Busby (édit.) 1983. 1451 Gifreu 1991, II, 35, p. 42 et VI, 4, p. 64. 1452 On consultera à ce sujet le catalogue de l’exposition L’épée, usages, mythes et symboles qui s’est déroulée en 2011 au Musée national du Moyen Âge à Paris (Épée 2011). 1450 246 3. Approche croisée du mobilier archéologique dans le Roman de Flamenca (vers 1240 - vers 1250)1453 – ce qui équivaut donc normalement à suivre les règles et vertus de la chevalerie. Le troubadour Bertrand Carbonel ne s’y trompe pas lorsqu’il critique le comte de Berre dans le sirventès qu’il lui adresse à la fin du XIIIe siècle1454. Il commence son chant non sans ironie : En l’honneur du plus vaillant qui ait porté la ceinture militaire, Al pus valen que anc portes sentura1455. La ceinture militaire fut un temps l’apanage des nobles et des chevaliers. Cependant, au cours du XIIIe siècle, des classes bourgeoises enrichies par le commerce émergent et cherchent à s’octroyer les distinctions et le prestige de la noblesse. Cette évolution de la société rend nécessaire, dans le comté de Provence, un rappel à l’ordre de Charles II en 1294. Il défend aux non nobles de recevoir la ceinture militaire et à quiconque de la leur remettre, sous-entendu par adoubement, sous peine de 100 marcs d’argent1456. Non loin de là, en 1298, dans la sénéchaussée de Beaucaire, appartenant au royaume de France, il est certifié qu’il n’existe aucune interdiction au fait que les bourgeois puissent posséder et arborer des signes militaires et donc porter la ceinture militaire, impune singulum militare assumere et signa militaria habere et portare1457. La ceinture revêt une signification particulière pour le soldat, l’épée ou d’autres armes offensives telles que les couteaux de guerre1458, signes de son état1459 y sont suspendues. Progressivement, dans la chevalerie, la ceinture militaire va perdre sa signification et à la fin du XVe siècle elle ne sera plus remise lors de l’adoubement1460. Sans doute l’influence décroissante de la chevalerie dans les batailles et par là-même dans la société ne sont-elles pas étrangères à la disparition de symboliques si fortes. La mention de la ceinture militaire se retrouve dans quelques lignes de comptes concernant les dépenses de la chambre apostolique d’Avignon et relatives à la fabrication de 1453 Nelli et Lavaud 2000², vers 890 et 7294. Un sirventès est un poème moral ou satirique inspiré le plus souvent de l’actualité politique. 1455 Édité par P. Meyer (1871, p. 57). Ce troubadour est actif entre 1280 et 1300 environ. 1456 Papon 1777-1786, t. 3, p. XXXVIII, pièce XXV. 1457 Document transcrit par V. Gay à l’article ceinture (1887, t. 1). 1458 Dans le roman de Jaufre, vers 7468-7472 : Jaufre après avoir vêtu un haubert sous son surcot vermeil mit à la ceinture un couteau à fine lame et à pointe dure, un coutel mes a la centura/ab prim taill et ap poncha dura (Nelli et Lavaud 2002²). D’après un miracle survenu en juin 1379, un chevalier tombé à l’eau alors qu’il passait d’un navire à un autre invoqua Urbain V alors qu’il s’enfonçait dans la mer et ne dut la vie sauve qu’à l’intervention du bienheureux pape. Il portait alors son harnais de guerre d’un total de 150 livres, à savoir un jupon, une tunique de fer, une jaquette de velours, un bassinet lacé et attaché, des brassières et des gantelets, une épée et un couteau à la ceinture, ense et cultello cinctis (Albanes 1897, n° 37). 1459 Dans l’iconographie, le type de ceinture peut être caractéristique d’un rang social : dans certaines images, la ceinture orfévrée permet de différencier les gens d’armes de noble origine des simples soldats ou des écuyers (Blanc 1990, p. 513, 539-540). 1460 Flori 1998, p. 232. 1454 247 3. Approche croisée du mobilier archéologique l’épée d’honneur remise par le pape le 25 décembre. Innocent VI semble être l’initiateur de ce rituel de remise de l’épée, accompagnée d’un couvre-chef, destiné à récompenser un brillant fait d’armes ou un personnage ayant mené une importante négociation diplomatique. Selon les années et les récipiendaires, la dépense est plus ou moins importante et la ceinture n’est pas toujours décrite. Il est cependant probable que sa qualité ne descende pas en dessous d’un certain seuil eu égard au rang des bénéficiaires, prioritairement des rois, ducs et comtes. Pour le noël de 1355, la ceinture de soie est munita de auro et argento et entièrement esmaltatum1461, toujours de soie et munie de pièces d’argent deux ans plus tard1462. En 1364, elle est garnie d’argent doré et émaillé1463, simplement d’argent pour le noël de 1365, d’argent doré et émaillé en 1366 (esmalhatum)1464, d’argent doré en 13671465, non décrite en 13721466, recouverte de cinq marcs et 18 deniers d’argent en 1373 pour une valeur de 40 florins de chambre ou 46 florins 2/3 de Provence1467. En 1368, l’inventaire du trésor apostolique d’Avignon signale une épée cum pomello jaspidis cum zona munita argento deaurato qui devait être destinée à cet événement1468. La correspondance de la boutique avignonnaise de la compagnie Datini pour la période 1363 - 1371 fait état de nombreuses demandes d’envoi de boucles pour courroie d’épée (coregia da spada) adressées à la succursale milanaise et d’une à celle de Gênes en 13701469. Un peu plus de 338 grosses de boucles dont 60 en provenance de Gênes, toujours « rondes » lorsque la forme est précisée, peuvent être comptabilisées. Une lettre isolée de 1385, adressée à l’établissement de Milan sollicite la fourniture de 18 grosses et deux douzaines d’autres boucles1470. Il est peu probable que la totalité de ces marchandises ait été livrée, les envois se faisant certainement selon les disponibilités. Certaines requêtes ont donc pu être réitérées ultérieurement. Même si cela n’est pas toujours spécifié, ces boucles sont probablement presque toutes en fer et le plus souvent étamées pour une meilleure résistance à la corrosion. Une vingtaine d’exemplaires en alliage cuivreux sont commandés lors de l’achat de lots de fourniments d’épée comprenant entre autres un anneau (anella), probablement pour la suspension de l’épée à une lanière, et une boucle (fibbia) sans doute pour son attache au 1461 Schäfer 1914, p. 576. Ibid., p. 642. 1463 Schäfer 1937, p. 57. 1464 Müntz 1889, p. 408-409. 1465 Schäfer 1937, p. 213. 1466 Ibid., p. 386. 1467 Ibid., p. 439. 1468 Müntz 1990, p. 399. 1469 Frangioni 2002, p. 110, 120, 124, 126, 128, 129, 133, 136, 138, 145, 146, 148, 150, 155, 164 1470 Ibid., p. 170. 1462 248 3. Approche croisée du mobilier archéologique moyen de courroies à la ceinture (fig. 100)1471. En 1367, huit grosses de petites « boucles » pour épée ne doivent pas comporter d’ardillon (sanza ardigloni), très certainement pour un système particulier d’attache de l’arme1472. Au moins trois tailles différentes sont commandées et elles pourraient correspondre aux trois prix rencontrés pour la grosse de boucles : 9 sous pour les plus petites, 11 sous pour celles de taille moyenne, de loin les plus courantes, 15 sous la grosse pour les plus grandes1473. Des panoplies d’archer comprenant le carquois, des flèches, une bourse (borse) et une ceinture (cinture) sont demandées auprès de la succursale florentine en 13671474. Dans les comptes de la mercerie de Carpentras, la sentura per armar ou d’armar – pour attacher l’épée ? – n’est fournie que durant l’année 1397 avec un prix entre 2 sous 6 deniers et 5 sous1475 Un document daté du 15 juillet 1405 énumère des vêtements, des armes et de la vaisselle orfévrée vendus à Marseille par un parent (consanguineus), du nom de Constantin Paléologue, de l’imperatorum constantinopolitani Manuel II1476. Il y est notamment mentionné une dague couverte d’argent doré sur la poignée (manubrium) ainsi que les deux courroies (corregiae) qui permettaient son attache à la ceinture. En 1447, un cordonnier livre à la cour du roi René deux baudriers pour saindre, pour les deux petiz mores1477. Cinq ans plus tard, un armurier vend au roi René une épée avec son fourreau et ses courroyes de fixations1478. L’inventaire après-décès du noble arlésien Alexis Caysse en 1456 fait mention d’une épée avec fourreau et ceinture avec garniture d’argent, corrigia cum guarnimento argentato1479. En 1457, huit baudreyers et sept porchiens d’Espaigne à long fer1480, peut-être des ceintures militaires, sont signalées dans l’inventaire du château de Tarascon. Le mot français porchien1481 qui désigne une ceinture est issu du latin classique porceo « éloigner, retenir ». Le fer correspond peut-être à la chape ou au mordant. En mai 1471 Ibid., p. 110, 120. Ibid., p. 166. 1473 Par deux fois, il est commandé dix grosses de boucles rondes plus grandes que celles d’épée et à la suite six grosses de boucles circulaires pour épée. Nous avons supposé qu’il fallait comprendre qu’il s’agissait de boucles plus grandes que celles d’ordinaire (Frangioni 2002, p. 110, 164). 1474 Frangioni 2002, p. 107. 1475 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 36 v°, 142 r° (par deux fois), 160 r°, 199 r°, 245 r°, 253 v°, 272 v°. 1476 AD BDR Marseille, 351 E 224, f° 36 r° - 36 v°. 1477 Arnaud d’Agnel 1908, n° 752. 1478 Ibid., n° 1134. Le roi René est alors hors de Provence. 1479 Feracci 1976, p. 123. 1480 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2441. 1481 Il se retrouve avec les graphies Porceint, Porcheint, Pourcheint, Purceint dans le Dictionnaire de l’ancienne langue française de F. Godefroy (1885-1902). 1472 249 3. Approche croisée du mobilier archéologique 1548, Pierre Guérin, fourbisseur d’Aix, vend pour 22 écus d’or au soleil à Esprit de Sabran, seigneur de Soliers, une malhe dict jacques de malhe avec ses manches, une espee argentee, dague du mesmes et seinture de vellous1482. Quatre ans plus tard, le capitaine Gabriel Grilhe, écuyer d’Arles, reconnaît être redevable de 8 écus sur l’achat d’une épée, d’une senture de vellours et d’une arquebuse1483. Pierre Guérin n’est pas seulement artisan mais également revendeur d’articles de guerre et il est légitime de penser que les ceintures ainsi vendues sont destinées à l’équipement militaire. En février 1451, l’armurier Thomassin de Baigneux est payé 20 sous pour avoir fourbi et garni une épée dorée à boucles d’acier que le roi René offre au sieur de La Tour1484. Au même moment, une autre boucle avec le bout d’icelle – le mordant ? – pour épée du prix de 5 sous, ainsi que trois grandes boucles pour la fixation d’un heaume et une petite pour la targe, pour la somme de 10 sous, sont fournies par maître Fremin coutelier d’Avignon. Il est en effet chargé de forger le harnois d’un heaume et de peindre, de dorer et de graver l’ensemble de l’équipement1485. Il existe différentes façons de fixer le fourreau de l’épée à la ceinture (fig. 100), sur la robe mi-longue que portent souvent les soldats pour l’ensemble du bas Moyen Âge (fig. 40, 91 à 94, 96 et 97)1486. Des lanières peuvent être enroulées autour du fourreau et, ensuite, être raccordées au ceinturon avec une boucle (fig. 100, B). Ce système est adopté par un soldat du Reniement de Pierre peint par Jean Canavesio en 1492 (fig. 96), sur le saint Michel de Josse Lieferinxe daté de la fin du XVe siècle (fig. 99) où une des extrémités de la courroie ne tient qu’en passant au travers d’une fente. Le détail paraît assez peu réaliste et cette figuration ne constitue sans doute pas un témoignage fiable, l’armure présente comportant par ailleurs des caractéristiques imaginaires. Tout aussi improbable est la fixation des épées sur les cavaliers dans un dessin de Bertrand Boysset illustrant le Roman d’Arles : elles sont plantées au bas du tabard (fig. 92). Le retable de Thouzon (fig. 97) illustre un autre mode de fixation. Des courroies attachées de manière indéterminée au fourreau, sont reliées à une autre lanière enroulée autour des reins du soldat. Une boucle assure la liaison d’un côté, un anneau de l’autre : trois courroies terminées par un mordant à crochet viennent s’y attacher. Dans une scène des fresques peintes par Jean Canavesio à La Brigue (fig. 95), un bourreau porte un cimeterre fixé à la ceinture à l’aide, semble-t-il, d’un annelet d’où partent deux lanières en 1482 AD BDR Aix, 308 E 1088, f° 168 v° - 169 r°. AD BDR Aix, 308 E 1099, f° 892 v° - 893 r°. 1484 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1110. 1485 Ibid., n° 1108. 1486 On peut se reporter, pour une illustration de la variété des modes de fixation de l’épée au ceinturon, à Tavard 1977 et à Glosek et Lawrinowicz 2006. 1483 250 3. Approche croisée du mobilier archéologique direction de la ceinture. Le chapeau très particulier et l’arme d’origine musulmane ont été ajoutés par l’artiste pour faire du bourreau un être à part, un étranger. Le mode d’attache, très peu stable, paraît également imaginaire. Un constat similaire est établi pour un bourreau du Couronnement d’épines (fig. 72) dont l’épée est simplement passée dans la ceinture. Sur d’autres figures, le mode de fixation reste invisible car caché par le corps (fig. 91 et 93) ou parce qu’il n’a pas été représenté par l’artiste (fig. 94). La ceinture peut également avoir une fonction active dans l’armement. Dans les régions méridionales de l’Europe, à la fin du XIIe siècle ou, plus sûrement au début du XIIIe siècle, apparaissent des arbalètes avec un étrier couplé à un crochet de ceinture1487 pour faciliter le bandage de la corde (fig. 50 et 98)1488. Les inventaires de châteaux provençaux mentionnent régulièrement une ceinture à laquelle se rattache un croc. Au château de Nice, en 1333, des croci disgarniti cum corrigii et sine maneti sont répertoriés dans un inventaire1489. En 1365, les cent crocchi avec buone fibbie e manette, per tirare balestri, demandés à Montpellier par la boutique Avignonnaise de F. Datini doivent coûter aux environs de 2 florins la douzaine. Dans l’estimation des biens du château de Vaucluse, établi en 1414, il est noté unum bandierum bonum cum talhola – ce mot se rapporte à une pièce de tissu – au milieu de plusieurs arbalètes1490. En 1427, au château de Chateaurenard, deux sainst en toalholes, donc en tissu, sont consignés après la mention d’arbalètes1491. O. Blanc remarque que dans les Grandes Chroniques de France, les arbalétriers portent une ceinture textile torsadée nouée autour des hanches. Elle l’interprète comme une mise en évidence que ces soldats sont perçus comme étant de condition inférieure1492. Au vu de la documentation provençale, peut-être conviendrait-il de revoir cette interprétation ? L’inventaire après-décès d’un notaire aixois rapporte en 1437 l’existence de deux arbalètes de bois avec deux ceintures (senchae). En 1449, un emprunteur met en gages une balista ac unum senchum1493. Au château de Boulbon, le notaire signale, en 1451, un baudrier album munitum croquo et bloca, munie d’un croc et d’une boucle, et un autre sine bloca, cum uno croc, modici valoris1494. Cinq ans plus tard, l’inventaire après-décès des biens des laboureurs arlésiens Pierre et 1487 Serdon 2005, p. 178. Se reporter à Petr Žákovský (2011a, p. 130, fig. 21) pour un exemplaire découvert anciennement en Moravie. 1489 Pécout (dir.) 2008, p. 253. 1490 Labande 1912a, p. 60. 1491 Duprat 1913, p. 152. 1492 Blanc 1990, p. 522. 1493 Malaussena 1969, p. 225. 1494 Mourret 1912, p. 102 1488 251 3. Approche croisée du mobilier archéologique Jacques Dieulefais indique une balista dassier cum… talhola et unum carquel1495. Toutefois, les mentions les plus explicites sont les six senhs ou senchs baliste énumérés lors d’un inventaire du mobilier du château de Tarascon en 14571496, ou bien encore les xaincts à bander l’arbaleste1497, d’un coût de 6 gros pièce en 14781498, de 1 florin un an plus tard1499, achetées pour le duc de Calabre, fils du roi René. Ils servaient peut-être pour des arbalètes de chasse. À noter qu’il existe également des sainctures de cuir avec un crocp pour tenir la bride du cheval. Quatre exemplaires de ces ceintures sont acquis à Lyon pour le roi René en 1476, à raison d’environ 3,3 gros la pièce1500. Cet accessoire permettait sans doute d’avoir les mains libres pour manier les armes. 3.1.1.5. La ceinture dans le costume clérical La ceinture est pour le moine et le clerc le symbole de la chasteté – elle étouffe les élans de la chair à leur naissance1501 – et le rappel du vœu qu’il a formulé lors de son ordination. Le prêtre se le rappelle lorsqu’il dit, en se serrant la ceinture sur les reins : ceignezmoi, Seigneur, de la ceinture de pureté, et éteignez en moi toute convoitise, et tout plaisir désordonné, afin que je sois honoré de la vertu de continence et de chasteté1502. Sous forme d’un cordon, la ceinture représente la corde avec laquelle fut attaché Jésus à la colonne, lorsqu’on le flagella, les verges avec lesquelles Pilate fit battre Jésus et la ceinture avec laquelle il fut conduit au Calvaire1503. Les deux petits cordons qui pendent à la ceinture du côté droit symbolisent l’oraison et le jeûne qui seuls permettent de chasser le démon et ses tentations (Marc 9, 28) ainsi que la double chasteté de l’âme et du corps1504. D’une manière générale, la ceinture figure le discernement des vertus et garde le prêtre contre la dissipation de la vie spirituelle1505. Elle constitue avec les vêtements et les autres accessoires revêtus, « les armes dont le pontife ou le prêtre doit être armé pour détruire les embûches spirituelles 1495 Feracci 1976, p. 122. Arnaud d’Agnel 1908, n° 2444. 1497 Ibid., n° 1197, 1201, 1208, 1209, 1235, 1237. Les 27 et 28 janvier 1478, deux exemplaires de xainct (1197, 1201) sans la mention « à bander l’arbalète » sont achetés avec des arbalètes. 1498 Ibid., n° 1209. 1499 Ibid., n° 1235. 1500 Ibid., n° 2302. 1501 Barthélémy (édit.) 1854, t. 1, p. 229-230. 1502 Le Marcant 1694, p. 197-198. 1503 Barthélémy (édit.) 1854, t. 1, p. 228 et 231. 1504 Ibid., p. 229 1505 Le Marcant 1694, p. 197-198. 1496 252 3. Approche croisée du mobilier archéologique que lui tend le diable »1506. L’histoire de Barlaam et Josaphat précédemment mentionnée en est une évocation littéraire. Il n’est donc pas étonnant que sainte Marthe se serve d’une ceinture pour soumettre la Tarasque (fig. 87) et que saint Bernard l’utilise pour maîtriser le diable (fig. 88). Que ce soit dans les inventaires d’église et de chapelle, les testaments ou lors de dons, la ceinture se retrouve régulièrement au milieu des vêtements liturgiques1507. En 1333, l’inventaire du château de Castellane mentionne par exemple une sentura sacerdotalum1508. La ceinture est parsemée d’argent (argenteus) dans le legs du prévôt de Marseille, Pierre Brémond, à son diocèse en 12141509, composée de soie verte et blanche dans celui d’un prieur du diocèse de Fréjus au profit de l’Église de Marseille en 13341510. En 1348, elles sont de cuir dans l’inventaire des biens du prévôt toulonnais Geoffroi de Roquemaillère1511 et d’argent doré dans celui de Paul de Sade, évêque de Marseille1512. Les comptes de la chambre apostolique d’Avignon signalent de nombreuses ceintures à fonction liturgique. En 1317, une zona presbyteri et une ceinture de soie blanche sont achetées pour l’autel (pro altari)1513, en 1321, neuf autres en soie dont quatre de couleur rouge et sept centurae de filo presbiterali1514. La liste ne s’arrête pas là puisque, de 1323 à 1332, presque une quarantaine de ceintures dont deux de filo sont acquises à cet effet, réparées, parfois offertes1515. Sans doute font-elles également partie des trois indumentae sacerdotala completa1516 données à des prêtres du diocèse ou acquises pour un usage interne en 1323 et 1325. Des ceintures sont citées dans des assortiments cédés à un monastère en 1329, à une église d’Avignon en 1331 et également la 1506 Barthélémy (édit.) 1854, t. 1, p. 215 En 1314, Jean Gasqui, évêque de Marseille lègue à son Église une alba, amictu, stola et manipulo, atque zona… (Albanes et Chevalier 1899, pièce 514). En 1410, le testament du cardinal Pierre Girard attribue à l’Église de Marseille quoddam vestimentum quod fieri fecimus pro nobis cum casula de panno rubeo deaurato, munitum camittu, alba, zona, manipulo ac stola et omnibus aliis necessariis (Albanes et Chevalier 1920, pièce 1674). L’inventaire du château des Baux-de-Provence mené en 1426 après la mort d’Elipde d’Avelin comprend de nombreux ceintz d’usage liturgique dont certaines armoyes des armes des Baux et de Villars (Barthélémy 1877, p. 137 et 138). 1508 Una sentura sacerdotalis de cirico (Pécout (dir.) 2011, p. 458). 1509 Albanes et Chevalier 1899, pièce 1141. 1510 Ibid., pièce 488. 1511 Albanes et Chevalier 1911, pièce 1602, deux exemplaires. 1512 Albanes 1899, pièce 686. 1513 Schäfer 1911, p. 242 et 389. 1514 Ibid., p. 248 et 249. 1515 Ibid., p. 251, 252, 253, 254, 256, 258, 259, 810, 812, 813. 1516 L’inventaire des ornements de l’autel Saint-Marc au palais de Villeneuve dans les AlpesMaritimes, en 1297, contient unum indumentum sacerdotalum (AD BDR Aix, B 1036, f° 41 r° 41 v°). 1507 253 3. Approche croisée du mobilier archéologique même année à un hôpital et trois monastères de la cité papale1517. En 1345 et 1346, les chapelains du pape reçoivent quatre ceintures de fil (zona filum) pour des aubes coûtant 5 sous et deux ceintures de soie rouge pesant 5 onces et demie et valant 2 florins 3 gros ½1518. Le vêtement ceinturé n’est spécifié que dans trois cas : pour cinq aubes en 1331 et 13451519, pour dix-neuf amicts en 1353 lors d’un envoi de vêtements aux officiants d’un hospice de pauvres d’Avignon1520. Le pape Clément VII se procure, en 1387, une zona pontificalis, clairement distincte dans les comptes de deux autres ceintures de soie acquises pour 10 florins 8 sous. En soie blanche et tissée d’or, d’un poids de 16 onces, celle-ci a coûté 17 florins 4 sous. Un second exemplaire de même prix est commandé au brodeur Arnaldo de Rivoli : il est choisi dans une soie de couleur azur mêlée de fil d’or (de serico azuro mixto cum auro)1521. Ces riches accessoires étaient-ils portés lors des cérémonies officielles et des offices divins ? En 1391, l’inventaire des biens de Jean Casse énumère une zona de filo parmi des vêtements et accessoires liturgiques qui devaient appartenir au prieuré de Sainte-Catherine dont Jean Casse était en charge des intérêts temporels1522. Ces ceintures ne semblent pas avoir comporté de boucles, pourtant des peintures italiennes en figurent sur les vêtements ecclésiastiques (fig. 119). Cet accessoire n’est pas essentiel dans le costume des clercs ; l’iconographie le confirme par une représentation relativement rare (fig. 101). Il peut être remplacé par un cordon notamment dans les ordres religieux où la rigueur de la pauvreté sert de ligne de conduite (fig. 102)1523. La béguine marseillaise sainte Douceline tenia sench son cors destrechamens d’una corda nozada rapporte Philippine de Porcellet aux alentours de 13001524. Quelques décennies plus tard, en 1369 et 1370, des moines du monastère bénédictin de Montpellier et des moniales du couvent sainte Catherine d’Avignon reçoivent respectivement 22 et 24 cordonus sive singulus coûtant de 20 à 22 deniers chaque1525. En 1457, l’inventaire du château de Tarascon enregistre unum 1517 Schäfer 1911, p. 811, 812, 814. Schäfer 1914, p. 302 et 338. 1519 Schäfer 1911, p. 813 ; Schäfer 1914, p. 302. 1520 Schäfer 1914, p. 526. 1521 Müntz 1899, p. 25 et 386. 1522 Villard 1907, p. 116. 1523 Dans l’inventaire de la chapelle du château de Vaucluse en 1414 : Item, unum indumentum sacerdotale listanum1523. Item, unam albam bonam. Item, unam stollam rubeam et blavam. Item, unum cordonum. Item, unum amit. Item, unum manipulum listatum (Labande 1912a, p. 58). 1524 Elle tenait son corps étroitement ceint d’une corde nouée (Nelli et Lavaud 2000², p. 980). 1525 Schäfer 1937, p. 289. 1518 254 3. Approche croisée du mobilier archéologique revestus (costume) ad celebrandum missam comprenant la panoplie complète ainsi qu’unum cordonum1526. 3.1.1.6. Usages des boucles et anneaux hors de la ceinture dans le costume civil et militaire Hors de la ceinture, les boucles se retrouvent sur des accessoires comme la chaussure (fig. 103 et 104) ou le soleret, la pièce d’armure qui protège le pied (fig. 106)1527. Un usage dans la chaussure semble devenir commun, en Angleterre, à partir de la seconde moitié du XIVe siècle si l’on en juge par les découvertes faites à York1528 et à Londres1529. Dans le sudest de la France, les restes de chaussure retrouvés ne permettent pas de définir les modes d’attache. Toutefois, une ordonnance de Raimond d’Agout datée de 1348, dont l’unique exemplaire est conservé aux archives municipales de Brignoles1530, prouve que les boucles de chaussure étaient déjà relativement courantes au milieu du XIVe siècle. Promulguée à la suite de l’assemblée des États Généraux du 23 août 1348, la loi évoquée était destinée à être appliquée dans toute la Provence. Le texte pouvait être adapté aux réalités du marché local par les autorités municipales, ce qui n’a été fait à Brignoles que pour quelques articles. Il énumère une centaine de produits, généralement manufacturés, des services et indique pour chacun un prix maximal. L’objectif avoué était de limiter la hausse des prix consécutive à l’épidémie de peste de 1348. Cependant, R. Braid n’a trouvé aucune amende relative à cette ordonnance dans les registres des clavaires de la seconde moitié du XIVe siècle, Brignoles inclus. En outre, dans certaines communes comme Marseille, l’ordonnance fut suspendue1531. Ce document liste trois sortes de semelles (solis) et treize types de chaussures (sotularis). Ces dernières sont dites forces, subtiles ou traditi ou n’ont aucun qualificatif. Elles sont en tissu, dans diverses qualités de cuir, pour homme, pour femme ou pour enfant. Les chaussures d’homme sont les seules pour lesquelles il est précisé qu’elles peuvent être fermées avec une 1526 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2444. Se reporter aussi à une Circoncision du Christ peinte par un peintre de Salsbourg en 1435, conservé à Karlsruhe en Allemagne (Kühnel 1982, fig. 11, n° 2) 1528 Mould et al. 2003, p. 3333-3335. 1529 Grew et De Neergard 2001², p. 75 et fig. 110. 1530 AC Brignoles, AA 504 et DR 14. 1531 Braid 2008, p. 373. 1527 255 3. Approche croisée du mobilier archéologique ou deux fivellae lotono vel corrigia1532. Le prix total est compris entre 2 sous 6 deniers et 5 sous. Des commandes de boucles (fibie) de chaussure de type pianelle1533 apparaissent dans la correspondance commerciale émanant de l’établissement d’Avignon de la compagnie Datini et adressée à la succursale milanaise entre 1365 et 1369, pour un total de 21,5 grosses1534, auprès des boutiques de Gênes et Florence en 1371 pour respectivement 21 et 25 grosses1535. Ces boucles sont à double fenêtre et il est précisé, lors de la première correspondance qu’elles doivent être carrées. Lorsque le matériau est indiqué, il s’agit toujours d’un alliage cuivreux (ottone) parfois étamé. En 1369, les marchands souhaitent que le prix atteigne au moins 27 sous la grosse ; en 1371, les boucles génoises doivent être pour femme. En 1367, il est attendu de Milan une grosse de boucles rondes pour « bottes » (stivale)1536. Des mailles (maglia, maglieta) pour faire des boucles ou des bouclettes (fibiette) de c(i)abatte, que A. Antonini1537 traduit par savate, font également l’objet de commandes auprès de Milan ou de Gênes. Et, en 1363, quatre paires de ciabatte di fero pour grand pied sont demandées auprès de correspondants florentins1538. Or, le gisant d’Antoine de Comis (fig. 106) sculpté dans la toute fin du XVe siècle illustre le fait que les protections métalliques de pied pouvaient être serrées au moyen de boucles. Les bouclettes demandées par les marchands italiens d’Avignon sont acquises par millier ou par carreau (quadrella), unité de mesure que L. Frangioni ne définit pas mais qui correspond peut-être à un bras ou un pied au cube1539, et sont apprêtées dans la boutique au moyen de tenailles1540. Le carreau doit coûter 42 sous en 1367, 36 ou 38 sous en 1369. En 1365, Florence doit fournir cinquante mille petites mailles. En 1367 et 1369, 40 carreaux et douze ou quinze mille de ces mailles en fer, du moins lorsque le matériau est précisé, sont requises auprès des associés milanais. En 1371, 1532 Le compte de 1470 de l’argentier du duc de Bourgogne Charles le Téméraire enregistre l’achat de dix paires de bloucques et bloucquettes d’argent dorees pour des chaussures (Bessey et al. 2008, n° 2222, 2272, 2328, 2356, 2373, 2377, 2391). Il n’est pas précisé à quel type de chaussures elles devaient s’adapter, mais une ligne de compte rapporte l’acquisition de patins de bois à courroie de cuir tanné (Bessey et al. 2008, n° 2391). 1533 Le terme pianella équivaut à mule ou pantoufle dans le dictionnaire de A. Antonini (1770). 1534 Frangioni 2002, p. 126, 129, 134, 158. 1535 Ibid., p. 149 et 152. 1536 Ibid., p. 126. 1537 Antonini 1770. 1538 Frangioni 2002, p. 101. 1539 Cette hypothèse est fondée sur une analogie avec le bras ou le pied carré, unités de superficie de l’Ancien Régime. 1540 Frangioni 2002, p. 82. 256 3. Approche croisée du mobilier archéologique cent mille mailles sont commandées à Gênes, et en 1385 et 1394, des lettres isolées contiennent respectivement des demandes auprès de Milan pour 30 carreaux et cinquante mille exemplaires d’une part et six carreaux de mailles de fer d’autre part1541. Ces quantités sont beaucoup trop importantes pour que ces mailles aient été seulement utilisées comme boucles de chaussures. L’hypothèse la plus plausible est que, pour une large part, elles aient servi à la confection de protections de mailles entrelacées ou mailles treslies. Des camails de fer cuivré (camagli di ferro ottonati) sont commandés à Milan par la succursale avignonnaise de la compagnie Datini à la fin des années 13601542. En mars 1366, l’établissement d’Avignon leur envoie une requête concernant l’envoi de deux cents carreaux d’acier (quadrelli d’acciaio) pour faire des mailles très fines (per fornire malgla finisimi)1543, en 1394, de deux carreaux de mailles d’acier (quarella di maglia d’acaio) concurremment avec trois brassées de mailles en alliage cuivreux de trois sortes différentes (bracia di malla d’ottone di 3 malglie)1544. À plusieurs reprises, il est spécifié que les mailles peuvent être « vieilles » et elles sont même parfois préférées. Étant donné les quantités en jeu, il semble douteux qu’il puisse s’agir de bouclettes de chaussures récupérées. En conséquence, les annelets proviennent très certainement du dépeçage d’anciennes protections de maille. Toutefois, il est régulièrement précisé que les mailles sont destinées à faire des boucles de chaussures : auquel cas, elles ne devaient pas encore être munies d’ardillon. Quelquefois cependant, le rédacteur omet le mot annelet et seuls prévalent les appellations de boucles et bouclettes. Entre 1363 et 1370, un lot formé par un minimum de 214 pièces de fil de fer (pesi di filo di ferro)1545 d’au moins trois diamètres différents est requis par l’établissement avignonnais de la compagnie Datini auprès de sa succursale milanaise. Environ 159 d’entre elles sont destinées à la fabrication d’ardillons (ardiglioni) dont au moins 99 pour des bouclettes per cabatte, per fibiette di cabatieri1546. Une lettre isolée datée de 1385, toujours à destination de Milan, demande l’envoi de 30 pièces de fils de fer pour ardilgliare1547. En 1365, la quantité n’est pas indiquée et, en 1371, c’est une balle de ces fils de fer qui est attendue, chaque pièce devant atteindre 56 onces 9 gros. La fabrication des bouclettes de chaussure devait se faire dans la boutique 1541 Ibid., p. 170, 173. Ibid., p. 133. 1543 Ibid., p. 165. 1544 Ibid., p. 173. 1545 Ibid., p. 131, 132 1546 Ibid., p. 131, 146 1547 Ibid., p. 171. 1542 257 3. Approche croisée du mobilier archéologique d’Avignon, en fonction de la demande. Le prix souhaité pour la pièce de fil de fer s’élève à environ 11,5 sous en 1369. En dehors de cette documentation, des boucles de chaussures sont mentionnées à la fin du XIVe siècle dans les sources écrites provençales : en 1397, un marchand italien établi à Avignon cède deux boucleti argenti pour des chaussures (sotularis) appartenant au pape Benoît XIII1548. En 1396 - 1397, une mercerie de Carpentras vend un peu moins de 25 centaines de fuvellas de sabatas petites (petitas) à 1 sou 6 deniers la centaine, moyennes (megans) à 1 sou 9 deniers le cent, grandes (grans) à 2 sous la centaine. Pour quelques fuvellas ou fuvelletas, il n’est pas précisé qu’elles sont pour chaussure, mais leur prix de vente à 2 sous la centaine laisse peu de place au doute. Il en est de même pour des fuvellas de dona à 2 sous le cent1549. Un savetier en achète le 2 octobre 1396 une centaine en même temps que du tissu de courtine1550. Le 15 octobre de l’année suivante, la boutique se fournit en boucles de chaussures : elle acquiert 2500 exemplaires pour treize sous, soit 6,24 deniers la centaine1551. Pour un prix de vente à la clientèle de 2 sous la centaine, la marge de distribution de la mercerie est donc d’un facteur 2,85. À peu de choses près, l’approvisionnement de la boutique correspond au chiffre des ventes consignées sur l’ensemble du compte. Toujours concernant le pied, la boucle ferme parfois les lanières permettant l’ajustement des éperons1552. Dans le troisième quart du XIVe siècle, la filiale de la compagnie Datini à Avignon commande aux succursales de Florence, de Milan ou de Gênes la fourniture de plusieurs centaines d’éperons étamés (stangnati) à courroies rivetées (a choregie sprangante) et à boucles doubles (fibie dopie), c’est-à-dire à double fenêtre, parfois accompagnées d’un mordant (mordente)1553. Dans quelques lettres, les marchands réclament des éperons sans courroie ou à courroie non rivetée (sanza guernimento di spranghe alle choregie) car ils disposent déjà des éléments nécessaires dans leur magasin1554. Il est d’ailleurs parfois requis des fourniments d’éperon, comme des courroies avec boucle et autres garnitures dont le métal peut être spécifié : en fer ou en alliage cuivreux1555. En 1370, une demande est formulée à la succursale de Gênes, pour la livraison de deux grosses de petites boucles doubles frustres, c’est-à-dire à deux fenêtres, et deux douzaines de boucles d’éperon 1548 Müntz 1889, p. 410. Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 139 v°, 275 r°. 1550 Ibid., f° 58 v°. 1551 Ibid., f° 280 v°. 1552 Se reporter au chapitre 3.1.1.4. 1553 Frangioni 2002, p. 101, 120, 125, 155, 161. 1554 Ibid., p. 120, 125, 139. 1555 Ibid., p. 130, 131, 137, 142, 143 et 162. 1549 258 3. Approche croisée du mobilier archéologique sans autre spécification1556. Quelques missives précisent aussi que la courroie doit être large et simple1557, large à la mode de Nîmes1558, être cloutée de fer étamé1559. L’éperon à la mode de Nîmes possède une petite molette1560 et l’établissement d’Avignon ne limite pas son approvisionnement à Milan puisqu’il entretient, en 1368, des rapports commerciaux avec maître Gachi, éperonnier de la ville gardoise1561. Cependant, les quantités concernées sont faibles en comparaison de celles relatives aux éperons à la mode de Paris, acquises, dans un premier temps, auprès de correspondants parisiens1562 puis, très rapidement, auprès des succursales de Milan et Gênes1563. L’éperonnier Jean de Laboulaie, en 1451, remet des courroies neuves à des éperons du roi René, alors que ce dernier est en Anjou1564. D’après la correspondance commerciale des années 1363 - 1371, des boucles d’étrier isolées, destinées à fermer les courroies ajustant ces étriers sont commandées à la succursale de Milan1565 – une soixantaine de grosses – et exceptionnellement à celle de Gênes1566 – douze grosses –. En 1385 et 1394, l’établissement de Milan est une nouvelle fois sollicité1567. Le matériau n’est pas indiqué, mais le fer paraît probable lorsqu’il est précisé que les boucles doivent être étamées. En effet, dans les lettres envoyées par l’établissement avignonnais, presque tous les objets offrant ce type de couverte sont en fer. Il en existe au moins trois tailles, la plus grande étant un peu moins commune. En 1371, les boucles doivent coûter 20 sous la grosse lorsqu’elles sont petites, 24 sous la grosse lorsqu’elles sont de taille moyenne1568. En 1370, deux grosses de petites boucles étamées d’étrier sans ardillon sont demandées à Gênes1569. Elles étaient sans doute destinées à la fermeture de bourses et similaires à celles commandées à cet effet en 1371 auprès de la succursale milanaise1570. Les pièces d’armure ou de vêtement défensif telles que le casque, la jaque d’arme, la cuirasse, les bras d’armure, les cuissards et jambières, les chaussures de plates nécessitent 1556 Ibid., p. 127. Ibid., p. 131 1558 Ibid., p. 120. 1559 Ibid., p. 141 : 50 miglia di bozete di ferre istagniate da chiavelare choreggie di sproni. 1560 Ibid., p. 41-42. 1561 Ibid., p. 131. 1562 Ibid., p. 108, 111 1563 Ibid., p. 125, 127, 138, 141, 145, 146, 149, 150. 1564 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2238. 1565 Frangioni 2002, p. 110, 124, 150, 155, 156, 165 1566 Ibid., p. 145, 146. 1567 Ibid., p. 170, 173. 1568 Ibid., p. 150. 1569 Ibid., p. 146. 1570 Ibid., p. 151. 1557 259 3. Approche croisée du mobilier archéologique également l’usage de boucles (fig. 105 et 106). Ces dernières sont également employées pour le réglage de sangles servant au port du bouclier (fig. 107 et 108). En juin 1479, deux boucles sont acquises pour assurer la fixation de deux cabassets, une sorte de casque, envoyés aux roys de Bonne et de Bougie 1571 . Dans la correspondance de la boutique de F. Datini à Avignon, pour la période 1363 - 1371, la succursale de Milan s’inscrit encore une fois comme le centre principal d’approvisionnement. Il est même le seul pour la fourniture des boucles nécessaires à la fermeture des jaques1572 : un habillement de guerre en forme de blouse, muni de manches, composé de plusieurs épaisseurs de toile, éventuellement renforcé de mailles et autres pièces de métal1573. Trois requêtes sont formulées pour l’envoi de ces boucles, entre 1365 et 1367, pour un total de deux grosses et demie. Elles sont en fer étamé, de trois tailles différentes, à double fenêtre et sans doute carrées comme cela est précisé en 1367. La première demande est accompagnée d’un dessin, sur un morceau de papier, à l’échelle de la taille intermédiaire, al modo vi mandiamo disengnata inn uno pocho di foglio sarà in questa1574. À cette occasion, il est précisé que les mordants ou chapes (puntale) seront carrés et fixés (?) par trois rivets circulaires forés. Les boucles de cuirasses – l’armure de torse composée de plusieurs pièces d’acier cloutées sur un support en cuir1575 – sont mentionnées dans trois lettres adressées à Milan. En 1363, sont demandées douze grosses de boucles daratali étamées1576 à rouleau (mulinelo) au prix de 4 sous la grosse et en 1367, douze grosses de boucles deratali1577. Dans une lettre isolée de 1385, deux grosses de petites boucles à chape sont requises1578. Les boucles pour bras d’armure – la configuration de ces pièces de protection est très variée1579 – font l’objet d’un approvisionnement constant. Entre 1363 et 1371, 159 grosses de boucles de brassières sont commandées à Milan1580 et 40 grosses à Gênes en 13701581. Des lettres de 1385 et 1394 demandent également la fourniture de quinze grosses à l’établissement milanais1582. Lorsque le matériau est précisé il s’agit de fer, parfois 1571 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1048. Frangioni 2002, p. 164, 165. 1573 Buttin 1971, p. 407-408. 1574 Frangioni 2002, p. 164. 1575 Buttin 1971, p. 400. 1576 La signification de ce mot n’a pu être trouvée. 1577 Frangioni 2002, p. 124, 155. 1578 Ibid., p. 170. 1579 Se reporter à Butin 1971, p. 395. 1580 Frangioni 2002, p. 120, 124, 129, 133, 140, 141, 147, 155, 163, 164, 165 1581 Ibid., p. 146. 1582 Ibid., p. 170, 173. 1572 260 3. Approche croisée du mobilier archéologique étamé, dans un cas, d’un alliage cuivreux1583. En 1363, il est précisé que les boucles doivent être carrées et à rouleau1584. Par la suite, la forme de la boucle n’est plus indiquée, mais le rouleau est régulièrement mentionné. En 1394, les boucles en fer doivent disposer d’une chape (capa). Le prix de ces accessoires n’est mentionné que deux fois. En 1368, la grosse de petites boucles de fer à rouleau est fixée à 10 sous1585, et en 1369, les mêmes boucles dites deratali doivent coûter 4 sous la grosse1586. Deux tailles, moyennes et petites, sont attestées, mais des variations dans la conformation des petites semblent avoir existé car certaines sont dites plus légères, d’autres plus communes1587. D’après une commande de 50 paires de bras d’armure en fer datée de 1365, les boucles étaient disposées au hauteur du bras et au coude, chon una fibbia al braccio e al gomito1588. Les boucles destinées à fixer les jambières, de trois tailles, sont probablement toutes en fer étamé1589. Celles de taille moyenne sont les plus habituelles dans les commandes avec un total de 23 grosses, puis celles de petites tailles avec 15 grosses et enfin celles de grandes tailles avec seulement 4 grosses. Six grosses de boucles feregiate1590 sont de taille indéterminée1591. Le cuissard (cosciotte) nécessite l’emploi d’anneaux (anelli) particuliers avec un pivot (ghanghero), ou une vertevelle (vertavella). Le mot c(h)osciotte, absent du dictionnaire de A. Antonini1592, est sans aucun doute dérivé du mot coscia, la cuisse. Un passage d’une lettre datée de 1369 à destination de Milan achève de convaincre : elle rapporte la demande d’une grosse d’anneaux en alliage à base de cuivre à vertevelle pour mettre à des harnais de jambe, ad arnesi di ghanba1593. Ces anneaux, qualifiés une fois d’annelets (anelleti) sont vendus à la grosse, ou à la centaine ou au millier. Un glissement progressif est observé sur la nature du matériau lors des commandes. Les objets sont, tout au début, exclusivement en fer et, à la fin, en alliage de base cuivre. En 1363, les trois grosses demandées sont étamées et suggèrent une production en fer1594. En 1365, 3 800 exemplaires sont en fer et 200 en alliage cuivreux1595, puis en 1366, les 300 anneaux sont en 1583 Ibid., p. 155. Ibid., p. 155. 1585 Ibid., p. 129. 1586 Ibid., p. 133. 1587 Ibid., p. 120 et 129. 1588 Ibid., p. 163. 1589 Ibid., p. 129, 133, 140, 141. 1590 Le sens de ce terme n’a pu être trouvé. 1591 Frangioni 2002, p. 141. 1592 Antonini 1770. 1593 Frangioni 2002, p. 134. 1594 Ibid., p. 157. 1595 Ibid., p. 158. 1584 261 3. Approche croisée du mobilier archéologique alliage à base de cuivre avec le pivot et une bague en fer1596. En 1367, 200 sont en matériau cuivreux, 100 en fer bruni (bruniti)1597 et ils comportent une chopetta. En 1369 et 1370, deux grosses d’anneaux à vertevelle et une grosse d’anneaux à pivot à 28 sous sont en ottone1598. Des commandes concernant deux grosses de petites boucles étamées à rouleau en 1365 et 1366 auprès des établissements de Milan et de Florence et deux grosses d’anneaux à vertevelle en 1385 à celui de Milan, sans spécification quant à leur utilisation future ont été relevées dans les lettres1599. Un emploi dans l’armure ou dans le harnachement est très probable. La capitale lombarde doit également fournir entre 1365 et 1371, une grosse de petits anneaux moitié moins grands que ceux de courtine, bien soudés et limés (salde et limate), vingt mille grandes boucles rondes bien fermées, une grosse de très belles boucles rondes étamées larges de trois doigts ou plus, dix grosses de boucles de fer rondes à 9 sous la grosse, six grosses de boucles frustres à double fenêtre, certaines utilisées pour « couvrir » (per choprire)1600. Certaines furent-elles utilisées dans le costume ? En 1369, une grosse d’anneaux de chosceroni en alliage cuivreux et en 1394 sept grosses de boucles de giluoli doivent être envoyées par Milan. Ces termes n’ayant pu être traduits, l’usage de ces boucles reste actuellement indéterminé. La fermeture d’une escarcelle ou d’une bourse réclame aussi des anneaux et des boucles. La boutique de F. Datini à Avignon commande à cet effet, en 1370 à Gênes et en 1371 à Milan, de petites boucles étamées identiques à celles permettant l’attache des étriers1601 et, en 1385 et 1394, des boucles pour escarcelles1602. À cette dernière date, elles sont à double fenêtre. Les boucles permettent également d’ajuster la longueur d’une bandoulière ou aident au maintien des chausses par la jarretière1603. La jarretière, de l’ordre du même nom établi par le roi d’Angleterre Édouard III en 1348, apparaît sur l’insigne et arbore une boucle comme moyen de fermeture. Ce cordon enserrait les jambières de l’armure d’après S. Malaguzzi et ce fut très probablement la raison de ce choix comme symbole de la fraternité unissant les chevaliers au souverain1604. La boucle qui le clôt fixe le lien et affirme d’autant plus cette union. 1596 Ibid., p. 110. Ibid., p. 166. 1598 Ibid., p. 134, 140, 141. 1599 Ibid., p. 115, 162, 170. 1600 Ibid., p. 110, 118, 128, 132, 150, 165. 1601 Ibid., p. 146, 151. 1602 Ibid., p. 170 et 173. 1603 Viollet-le-Duc 1872-1875, t. 4, p. 4 et Enlart 1916, p. 271. 1604 Malaguzzi 2008, p. 208. 1597 262 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.1.1.7. Boucles et anneaux dans le harnachement Hors du costume, le harnachement des équidés est très certainement le plus grand consommateur de boucles et anneaux (fig. 121)1605. La correspondance commerciale de la boutique de F. Datini est, sur ce point, révélatrice. Plusieurs types de courroie y sont référencés : la cinghia, la sopracinghia, la fascia, la choreggia, la cinghiuoli. Toutes doivent répondre à des fonctions bien spécifiques mais celles-ci ne sont pas actuellement déterminées. Seuls les rênes (c(h)avezina), le licol (chavestro) et la courroie soutenant la croupière (possole) sont identifiés d’un point de vue terminologique. Les plus citées des sangles à la spécificité indéfinie sont regroupées sous la dénomination cinghia et concernent les chevaux de selle – les palefrois –, les chevaux de guerre, de chasse ou de tournois – les coursiers et roncins –. Ces courroies peuvent être simples ou doubles, c’est-à-dire fourrées, à la catalane (alla chatenala), en toile ou couvertes de soie à quatre ou six coutures. Le matériau de la plupart des boucles et anneaux de courroie n’est pas précisé. Lorsque l’information est donnée, ces accessoires sont en fer, fer étamé, ou simplement dits étamés. La forme est rarement indiquée, mais les quelques informations existantes attestent d’une assez grande diversité de configurations. Quelques exemplaires de boucles sont dits frustes, étroits, d’autres grands ou petits, avec un gros ardillon à traverse (?), chon ardiglione grosso a li[s]ta. Les boucles de sangle soutenant la croupière, référencées dans des lettres isolées à destination de Milan en date de 1385 et 1394, sont crantées (gradi). Il existe aussi des anneaux de petite taille, cités comme boucle dépourvue d’ardillon (sanza ardiglione) ; ils disposent d’un rouleau (mulinello). Certains d’entre eux sont requis pour fonctionner avec des courroies doubles, per mettere a cinghie doppie. Certaines qualités très spécifiques de boucles identifiables par des marques d’atelier sont demandées en 1363 auprès des fournisseurs florentins : deux douzaines marquées d’un B (a B), une autre douzaine marquée d’un archer (ad archetti). D’après cette documentation commerciale, les boucles à rouleau sont employées dans la fixation des pièces d’armure et des sangles de harnachement. Quelques ouvrages du XIXe siècle éclairent sur l’usage de ces objets. L’emploi de ces boucles est préconisé pour le serrage de la presque totalité des sangles de harnais dans l’Aide-mémoire portatif à l’usage des officiers d’artillerie édité en 18311606. Les auteurs anonymes du Guide sur la manière de 1605 1606 Frangioni 2002, p. 104, 110, 118, 120, 121, 124, 126, 127, etc. Aide-mémoire 1831, p. 74. 263 3. Approche croisée du mobilier archéologique harnacher, charger et atteler les chevaux de trait paru en 1839 expliquent que ces boucles doivent être placées dans les parties du harnais qui demandent à être fortement serrées1607. Le serrage de la selle du cheval de bât doit être renouvelé après la première heure de marche afin d’éviter les blessures de l’animal rappelle l’Aide-mémoire1608. Selon un artisan actuel fabricant des selles et des harnais, les boucles à rouleau sont plus faciles à régler et les courroies restent ainsi à plat dans la boucle et ne cassent pas à la pliure1609. Lors du serrage, la courroie ne frotte pas contre le cadre. Dans la correspondance de la compagnie Datini, les courroies de type fascia sont clairement distinguées des lanières de type choreggia. En 1363, il est requis six douzaines de fascie pour coursier sans choreggia. Elles semblent, par contre, similaires à celles de type surcourroie (sopracinghia) – ou surfaix ?1610 –, car en 1366, les deux termes sont employés de manière concomitante : 10 dozine di fascie cioè sopracinghie da chavallo larghe. Trois ans plus tard, des boucles étamées de « sur-courroies » sont pour moitié avec rouleau, et pour l’autre moitié « pour mettre la courroie », da mettere la choregia. La signification du terme cinghiuoli est problématique. Il n’existe pas dans le dictionnaire de A. Antonini1611, dans lequel on retrouve les mots cinghia, sangle, et cingolo, ceinture, ceinturon. La traduction par « courroie » a été choisie pour plusieurs raisons. D’une part, en 1366, des boucles de grande taille, « comme celles des étriers », étamées et à rouleau sont destinées à des courroies de mule de somme (mala da soma), mais surtout, de nombreuses boucles de sopracinghia comportent un rouleau, caractéristique absente des boucles de ceinture ou de ceinturon, mais présente sur de nombreux types de boucles de harnachement. Les boucles de sur-courroies sont les seules pour lesquelles la largeur est parfois précisée : deux ou trois doigts. À de nombreux spécimens de ces boucles est associé le mot deratale dont la signification est inconnue. Ces boucles sont très demandées, le prix qu’il en est souhaité, souvent précisé, varie entre 10 sous et 48 sous la grosse avec de nombreuses valeurs intermédiaires échelonnées pour la plupart avec un écart de deux, trois ou quatre sous1612. Elles sont commandées aux succursales milanaises et génoises de la compagnie Datini. A contrario, aucune échelle de prix n’est mentionnée pour les boucles des autres courroies indéfinies qui 1607 Guide 1839, p. 17. Aide-mémoire 1831, p. 73. 1609 www.guichard-sellier.fr/bat%20R/harnais%20de%20bat.htm (consulté le 20 novembre 2014). 1610 Dans le roman de Flamenca (entre 1240 et 1250), les comtes de Rodez et de Champagne s’assènent de tels coups lors d’un tournoi qu’ils en font craquer leurs rênes, sangles (senglas), selles et surfaix à fortes boucles (fivellas) (Nelli et Lavaud 2000², vers 8005-8006). 1611 Antonini 1770. 1612 Il y a au total une douzaine de valeurs : 10, 12, 14, 18, 20, 24, 26, 32, 35, 38, 40, 48 sous. 1608 264 3. Approche croisée du mobilier archéologique doivent être approvisionnées par Milan et Florence. En 1369, les petits anneaux de fer pour fourniment de roncin doivent peser 1 livre la grosse, soit environ 2,6 gros l’unité. Pour la période 1363 - 1371 et l’année 1385, un total de 36 baggie1613 et presque 213 grosses de boucles sont commandées. Les boucles pour courroies de types cinghiuoli sont seulement comptées à la grosse, les autres boucles pour courroies d’usage indéfini sont dénombrées en baggie, en douzaine et exceptionnellement en grosse. Les anneaux sont chiffrés en grosse : la fourniture de 134 grosses est ainsi sollicitée pour la période 1367 - 1369 et l’année 1394. La mise en place du licol nécessite des anneaux que la boutique d’Avignon de la compagnie Datini cherche à se procurer à plusieurs reprises1614. Il en existe au moins trois variétés. Certains anneaux sont à double fenêtre (anelli dopie) – deux grosses –, d’autres sont prolongés par un tornetto (tourillon ?) – seize douzaines – ou comportent un touret (voltoio) c’est-à-dire la chaînette du mors où s’attachent les rênes – trente douzaines. Ces précisions apparaissent seulement lors des deux premières missives envoyées à Milan, en 1363 et 1366. Les quelques 5 grosses et deux douzaines d’anneaux commandées à Milan et exceptionnellement Gênes jusqu’en 1371 et pour 1385 contenaient peut-être un panachage de ces divers modèles. Dans quelques cas, il est précisé que les anneaux doivent être étamés ou en fer, de petite ou grande taille, de deux sortes différentes. En 1366, des anneaux étamés sont souhaités à 6 sous la grosse. Pour attacher la têtière, des boucles sont également requises. Une soixantaine de grosses sont commandées en 1367 et 1368, quatre grosses en 1394. Elles sont en 1368, petites, étamées, d’un coût de 7 sous la grosse. La différence de quantité réclamée entre les anneaux et les boucles qui, étant donné la conformation d’un licol, devraient être beaucoup plus nombreuses, s’explique peut-être par un approvisionnement local. Pour la période 1363 - 1371, un total de 260 grosses de boucles de rênes est commandé à Milan par l’établissement Datini d’Avignon1615. En 1385 et 1394, des lots de 36 et 24 grosses sont réclamées1616. Il est indiqué pour certaines qu’elles doivent être étamées, en fer, de forme carrée. Les plus petites coûtent 7 sous la grosse, les moyennes 8 sous et les plus grandes 9 sous la grosse. En 1368, l’envoi de deux douzaines de fausses grandes brides (briglioni) avec anneau et section entortillée (fila tortiglate) est sollicité1617. Pour la selle, il est encore demandé à Milan quatre grosses d’anneaux étamés avec pivot (ghanghero) en 1363 et 200 unités en 1394, trois ou six grosses de grandes boucles étamées dont deux grosses entre 1613 La nature de cette unité de masse ou de nombre n’est pas connue. Frangioni 2002, p. 111, 121, 124, 127, 129, 139, 156, 164, 165, 166, 170, 173. 1615 Ibid, p. 125, 133, 136, 138, 150, 153. 1616 Ibid, p. 170 et 173. 1617 Ibid, p. 129. 1614 265 3. Approche croisée du mobilier archéologique 36 et 48 sous chacune en 1365, et en 1367, une grosse d’anneaux à vertevelle et deux grosses d’anneaux identiques à ceux des étriers1618. Quelques sangles de harnachement, fayssa de rosin, sont vendues par une boutique de mercerie de Carpentras entre mai et juillet 1397 au prix de 2 sous, mais il n’est pas précisé si elles disposent d’une boucle1619. Les comptes du roi René et de son fils révèlent également quelques achats de boucles et anneaux. Des boucles, parfois dites en lacton, sont ainsi acquises pour du harnachement1620, un harnois1621, des boucles de licol1622. En 1452, des anneaux sont achetés pour des harnais de chevaux1623. Le « harnais » des chiens apparaît de façon beaucoup plus anecdotique. La boutique de Datini à Avignon commande à trois reprises, en 1366 et 1367 à Milan et en 1371 à Gênes, un total de 22 douzaines de boucles en fer ou en alliage cuivreux, parfois étamées, pour des laisses1624. En 1366, les colliers de lévriers demandés à Milan se ferment par un système composé de deux chapes recevant les extrémités de la lanière et reliées par un anneau : 1 dozina di ferri cioè una malglia chon uno anello e 2 ciappe da fare chollare da levriere sanza fibbia1625. En 1396, la mercerie de Carpentras vend deux fuvellas de laysa à 1 sou 3 deniers pièce1626, et l’année suivante une laisse de lévrier (layssa de levrier) d’un prix inconnu1627 et un collier de chien (coble de chien) pour 3 sous 6 deniers1628. Un chien couché au pied du gisant de Philippe de Morvillier mort en 1438 (fig. 120), des chiens représentés sur la tapisserie de la Tenture de la chasse à la licorne réalisée entre 1480 et 15101629 et dans le Portrait de Jacquemyne Buuck peint en 1551 par Pieter Pourbus1630 ou d’autres animaux1631 sont figurés avec un anneau fixé au collier qui permet l’attache de la laisse. 1618 Ibid, p. 130, 157, 159, 173. Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882. La précision de rossin n’apparaît qu’une seule fois mais le prix étant le même lors des autres transactions, il est probable que le produit soit le même. 1620 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1242, n° 2280 (hors de Provence). 1621 Ibid., n° 2280 (hors de Provence). 1622 Ibid., n° 2250 (hors de Provence). 1623 Ibid., n° 2261. 1624 Frangioni 2002, p. 110, 149, 165. 1625 Ibid, p. 110. 1626 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 55 r°. P. Pansier lit par erreur leissa (1929, p. 157). 1627 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 144 v°. 1628 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 174 r°. 1629 Cette œuvre est conservée au Metropolitan Museum of Art de New York. 1630 Willemsen et Ernst 2012, p. 76, fig. 81a. Tableau conservé au Groeningemuseum de Bruges. 1631 Se reporter à Willemsen et Ernst 2012, p. 80-81, fig. 88 et 89. 1619 266 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.1.1.8. Boucles et anneaux hors du costume et du harnachement De nombreux anneaux sont employés dans le cadre de l’ameublement ou de la construction. Plusieurs centaines d’exemplaires sont mentionnés dans les comptes de la chambre apostolique d’Avignon au XIVe siècle. Ils sont essentiellement voués à la suspension de courtines et autres parements de tissu1632, parfois qualifiés de cuprum, de ferrum mais plus souvent de lotonum, c’est-à-dire en alliage cuivreux. Dans les sources écrites, quelques spécimens sont acquis pour réparer un bassin en alliage cuivreux1633, pour une balance à peser le bois1634, six exemplaires pour servir d’entrave à un prisonnier turc1635, pour des travaux de serrurerie1636, pour suspendre une tête de lit1637. Leur prix, relativement bas, est compris entre 1 et 3 sous. Les balles du mercier Pierre Gilles qui avec Pierre Cambafort fraudent le péage d’Aix en avril 1343, contenaient quatre « grosses » douzaines d’anneaux de laiton (anuli de lotono)1638 dont la fonction n’est pas précisée. Dans sa correspondance commerciale, l’établissement avignonnais de la compagnie Datini demande régulièrement aux succursales milanaises et génoises l’envoi d’anneaux de courtine d’au moins trois tailles différentes, en alliage cuivreux – certains avec une excroissance qualifiée de châtaigne (chastangna)1639 – ou en fer, parfois étamé1640. En 1369, les anneaux commandés à Milan doivent coûter 12 sous la grosse1641. La même boutique sollicite l’envoi en 1370 auprès de ses fournisseurs florentins et milanais de six grosses de boucles à rouleau (mulinello) en fer de deux tailles différentes pour 1632 Plus de 220 anelli pro cortinis domini nostri en 1317 (Schäfer 1911, p. 202, 391), plus d’une centaine entre 1320 et 1322 (Schäfer 1911, p. 201, 402, 418), plus de 1450 entre 1342 et 1347 (Schäfer 1914, p. 212, 222, 275, 303, 339, 373, 427, 547, 671, 674, 727), plusieurs dizaines sans doute entre 1364 et 1375 (Schäfer 1937, p. 122, 123, 165). 1633 Le coût est de 12deniers avec la main d’œuvre (Schäfer 1911, p. 522, année 1331). 1634 Schäfer 1914, p. 563, année 1354. 1635 En 1348 : Pro 6 anulis positis in tibiis Turchorum 18 s. (Schäfer 1914, p. 380). 1636 Pro 3 anulis et 1 sarralha posita in porta, ubi iacent capellani, 18 d. (Schäfer 1914, p. 149, 1341) ; Pro 2 anulis ad tirandum dictam portam, uno interius et altero exterius 4 (Ibid., p. 593, 1355) ; Pro 6 anulis cum 12 vertevellis dicte cathedre de mandato mag. Rostagni 1 fl. (Ibid., p. 627, 1356) ; Pro magno anulo in porta, ubi sunt racemi, 2 s. ; Pro anulo in cellario iuxta puteum 12 d. ; Pro 2 anulis in porta parvi tinelli 2 s. (Ibid., p. 690, 1357) ; Pro anulo in porta servientium armorum 12 d., pro 2 magnis anulis in porta ferrea 6 s., pro 2 aliis pro buticularia 2 s. (Ibid., p. 723, 1358) ; Pro 1 anulo pro clavibus usseriorum (Ibid., p. 739, 1359) ; Pro 4 anulis ferri positis in armariis camere secrete 4 gross. (Schäfer 1937, p. 297, 1370). 1637 Schäfer 1914, p. 671. 1638 Annexe 8, doc. 18. 1639 Frangioni 2002, p. 110. 1640 Ibid, p. 110, 124, 126, 127, 133, 134, 138, 140, 141, 144, 146, 150, 161, 164, 170, 173. Il y eut pour la période 1463 - 1471 la commande d’un peu plus de 610 grosses d’anneaux de courtine tous types confondus, mais tous n’ont sans doute pas été livrés. 1641 Frangioni 2002, p. 138. 267 3. Approche croisée du mobilier archéologique des courroies assurant la fermeture de livres1642. Des registres de comptes de la commune d’Avignon ou de la comptabilité de l’Hôpital Saint-Lazare à Marseille, déjà signalés, sont maintenus clos par des lanières réunies par une boucle quadrangulaire en fer (fig. 29). En 1396 et 1397, une boutique de mercerie de Carpentras vend 45 fuvellas de cortina entre 9 et 12 deniers la douzaine1643, et une petite sangle pour la fermeture des balles de marchandises, une sentura de bala petita, à 1 sou 6 deniers1644. Des boucles font l’objet d’achats dans les comptes du roi René et de son fils, pour servir sur un chariot1645, ou pour être, avec des courroies, fixées sur des malles1646. Des anneaux sont requis pour servir dans le cadre du fonctionnement de poulies, à raison d’un patac la pièce en 14531647. En 1575, un millier d’anneaux de laiton de courtine est apprécié à 3 sous et demi le cent1648. Généralement, dans les sources textuelles, une claire distinction existe entre les anneaux et les boucles. Quelques exceptions peuvent néanmoins être relevées : en 1453, des boucles sont acquises pour attacher des rideaux1649, en 1478, un compte du duc de Calabre mentionne l’achat pour 6 gros de douze grans anneaux ou boucle de laeton pour la voile d’un bateau1650 et vingt ans plus tard, à l’occasion de l’arrivée du duc César Borgia, la ville d’Avignon règle la dépense de fil pour coudre les boucles supportant une tapisserie1651. 1642 Ibid, p. 143, 147. Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 17 r°, 130 v°, 169 v°. 1644 Ibid., f° 53 r°. 1645 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2353. 1646 Ibid., n° 1122 (hors de Provence), 2624. 1647 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2484. 1648 Annexe 8, doc. 26. 1649 Arnaud d’Agnel 1908, n° 17. Le roi René est hors de Provence. 1650 Ibid., n° 451. 1651 Bayle 1888, p. 158. 1643 268 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.1.2. Décrire et dessiner les accessoires de la ceinture Dans le dessin archéologique, il est d’usage d’orienter les objets selon un critère fonctionnel. Le dessin de l’avers d’une boucle doit donc être tel que la pointe de l’ardillon est orientée vers la gauche et le côté lanière vers la droite. Partant du même principe, le côté libre de l’anneau est orienté vers la gauche alors que le coté lanière l’est vers la droite. Pour la chape, objet qui peut faire la liaison entre la boucle ou l’anneau et la lanière, on retient la même idée avec la connection à la boucle ou l’anneau coté gauche et la liaison avec la lanière côté droit. (fig. 109). Le problème est moins simple pour le mordant puisque celui-ci, placé au bout de la lanière, peut être laissé pendant ou être retenu par des passants. L’idéal est de l’agencer selon la même orientation que la chape et la boucle, donc horizontalement, afin de faciliter les comparaisons entre chapes et mordants car ils présentent souvent beaucoup de similitudes. Assez logiquement, la prise de dimension doit être conditionnée par la fonctionnalité des artefacts. Ainsi, par convention, la longueur, par exemple d’une boucle, n’est pas toujours la plus grande dimension et la longueur et la largeur des objets précités doit correspondre à la longueur et à la largeur de la courroie sur laquelle ils furent disposés (fig. 109). Ce raisonnement est plus difficile à étendre aux appliques car le sens de leur disposition est loin d’être toujours évident selon les types. Par convention, il est considéré que la plus grande dimension équivaut à la longueur. La multiplicité des fonctions possibles ainsi que les phénomènes de mode ont eu pour résultat une très grande diversité des formes des accessoires, des lanières de cuir ou textiles et de leur ornementation. La terminologie proposée dans la suite de cette étude en tient compte tout en définissant une base commune pour la description. Les courroies peuvent être parsemées d’appliques à vocation décorative. Fréquemment, elles sont complétées par un anneau ou une boucle dont la fixation peut s’effectuer de quatre manières : - par enroulement de la lanière autour d’une portion du cadre (fig. 110, A), - par l’intermédiaire d’une tôle mobile appelée chape qui réceptionne l’extrémité de la lanière (fig. 110, B), - grâce à une chape intégrée, sorte de plaque métallique solidaire du cadre de l’anneau ou de la boucle (fig. 110, C). - au moyen d’une chape composite, assemblage de tôles et d’une partie intégrée au cadre de la boucle (fig. 110, D). 269 3. Approche croisée du mobilier archéologique L’extrémité de la lanière opposée à la boucle peut comporter un mordant (fig. 109), objet sans autre fonction que décorative et protectrice. Le terme plaques-boucles utilisé pour désigner les chapes des boucles mérovingiennes est souvent repris dans les publications archéologiques pour désigner les boucles à chape intégrée du second Moyen Âge. Il est pourtant inadéquat. D’une part, la majorité des plaques-boucles du haut Moyen Âge sont indépendantes de la boucle. D’autre part, pour le second Moyen Âge, certaines chapes se rattachent non pas à des boucles mais à des anneaux. En outre, le mode de fixation des plaques-boucles et des chapes intégrées diffère. Les premières disposent d’ergots perforés fixés au revers de la lanière par le passage d’un cordon textile ou en cuir (fig. 111). Pour les secondes, la fixation est assurée au moyen de rivets aux extrémités matées (fig. 110, B et C). Tout concourt donc à adopter le terme chape pour les exemplaires du second Moyen Âge et de l’époque moderne, quel que soit leur aspect. 270 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.1.3. Les boucles et anneaux 3.1.3.1. Méthode de classification et terminologie descriptive Différencier un anneau d’une boucle n’est pas toujours aisé si l’ardillon est absent : celui-ci peut être perdu, avoir disparu à cause de la corrosion ou n’avoir jamais existé. En outre, le travail d’identification de l’archéologue se complique lorsque le cadre de l’artefact apparaît dépourvu de particularités significatives : Et enoja-m eno-m sap bo Et j’ai de l’ennui, car cela ne me plaît guère, De sella, quan crolon l’arço, D’une selle dont les arçons bougent, E fivella ses ardaillo, Et d’une boucle sans ardillon ; E malvaitz hom dins’sa maiso Et d’un mauvais homme dans sa maison, Car no di fai s’enoi no Car il ne dit et ne fait rien que de désagréable1652. Le cadre représente le « squelette » de l’anneau ou de la boucle (fig. 113) et il peut comporter différents indices susceptibles d’éclairer l’archéologue : un rétrécissement et/ou un amincissement pour réceptionner le nœud de l’ardillon, une encoche ou dépression pour recevoir le bout de celui-ci (fig. 112, A). L’ardillon est communément constitué de trois parties. La première s’enroule autour d’une portion de la boucle pour s’y fixer : c’est le nœud. La deuxième partie, allongée, est appelée corps ou tige et se termine par la troisième nommée pointe ou bout. Cette dernière traverse la lanière et assure la fixation (fig. 112, B). Un spécimen particulier, la traverse-ardillon est formée d’un corps et d’une pointe montés sur une tige qui tourne dans des cavités aménagées dans le cadre de la boucle (fig. 112, B). Un ardillon en fer, dont l’existence peut encore se révéler par des traces d’oxydation très localisées, équipait parfois les boucles en alliage cuivreux ou en métal blanc. De nombreuses formes de cadre sont ordinairement interprétées comme spécifiques aux boucles. L’identification est cependant loin d’être toujours évidente, que ce soit pour les cadres quadrangulaires, semi-ovales ou à plus forte raison pour les cadres circulaires ou ovales, lorsqu’ils sont homogènes. Certains anneaux ont, de fait, fonctionné au sein de systèmes d’agrafage. G. Egan et F. Pritchard ont proposé une reconstitution pour un type dit à 1652 Extrait d’un poème du Moine de Montaudon transcrit dans R Nelli et R. Lavaud 2002, p. 822, strophe 9. 271 3. Approche croisée du mobilier archéologique clapet (fig. 112, C)1653, modifié ici très légèrement afin de correspondre à des objets provençaux. D’autres, encore, ont été employés comme passants. Parmi ceux-ci (fig. 112, D), trois types se distinguent : les passants à ergots internes, ceux avec un rivet intégré, ceux avec un rivet traversant. Par conséquent, quand un objet suscite un questionnement, il conviendrait de le classer en tant que boucle seulement si l’ardillon est conservé ou si sa présence passée peut être démontrée. Les anneaux et boucles en alliage à base de cuivre ou en matériau blanc sont habituellement fabriqués par la fonte, et ceux en fer par martelage. Toutefois, il existe des anneaux et boucles confectionnés par assemblage de plusieurs pièces métalliques en alliage cuivreux et parfois en fer. Il s’agit des boucles composites pour lesquelles des montages à deux, trois, quatre ou cinq pièces sont répertoriés (fig. 112, E). À l’exception des anneaux circulaires ou ovales, le cadre se décompose en plusieurs parties : les traverses (fig. 113) délimitées par leurs inflexions. La qualification et le nombre de traverses varient en fonction de la structure de la boucle ou de l’anneau. Les traverses délimitent une ou des fenêtres (fig. 113, A), dont la forme ne correspond pas forcément à celle du cadre : le cadre peut être rectangulaire et la fenêtre semi-ovale (fig. 113, B). Il existe une terminologie spécifique pour décrire la configuration des boucles et anneaux selon la forme du cadre et le nombre de fenêtres (fig. 114 A et B). Il convient, à ce stade, de ne pas prendre en compte les excroissances, moulures, incisions, rétrécissements, élargissements et amincissements du cadre. Pour les anneaux et boucles, la fenêtre est le premier déterminant de la classification typologique, avant les caractéristiques du cadre. Ce point de vue accepté, certaines formes sont réunies sous un même groupe : il en est ainsi des fenêtres circulaires et ovales et des fenêtres carrées ou rectangulaires au vu de la multiplicité des stades intermédiaires existants. L’examen du mobilier conforte cette analyse pour les boucles dont le cadre est à double fenêtre symétrique circulaire ou ovale (fig. 114 B). Il est, par contre, plus aisé de distinguer les fenêtres subcirculaires ou « subovales » des fenêtres semi-ovales (fig. 114 A). Le replat du cadre est pour les premiers particulièrement réduit et sa longueur inférieure au tiers de la largeur du cadre. Pour les seconds, elle est supérieure aux deux tiers. Les traverses d’une boucle peuvent comporter des spécificités quant à leur constitution, leur forme et leur décoration. Il paraît opportun de les différencier par une qualification (fig. 115). Pour un artefact au cadre à fenêtre unique semi-ovale, la traverse 1653 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 116, fig. 76. 272 3. Approche croisée du mobilier archéologique proximale, autour de laquelle s’enroulent la lanière ou la chape et parfois le nœud de l’ardillon, est dissociée de la traverse distale qui lui est opposée. Cette dernière, dans le cas d’une boucle, est destinée à réceptionner la pointe de l’ardillon. Les termes « proximal » et « distal » sont ordinairement utilisés lors de descriptions anatomiques et ils sont ici employés par analogie. En anatomie, le terme proximal est définit comme désignant ce « qui est le plus rapproché d’une insertion, ou du centre du corps »1654. Il semble donc logique qu’il s’applique à la traverse réceptionnant la lanière. Par extension, il existe pour les boucles à double fenêtre une fenêtre distale et une fenêtre proximale. Aux deux types de traverses décrites ci-dessus s’ajoutent les traverses latérales reconnues à partir du moment où il est dénombré au moins quatre traverses, et les traverses internes, spécifiques aux boucles ou anneaux à double fenêtre. La traverse interne, par opposition aux traverses externes qui l’entourent, est celle qui reçoit alors le nœud de l’ardillon et parfois également la chape ou la lanière. Pour plus de précision, il est possible de la nommer médiane lorsqu’elle conduit à la constitution de deux fenêtres de longueur similaire. Dans le cas d’un cadre circulaire, elle peut être appelée diamétrale. Si les fenêtres n’ont pas la même longueur, elle est dite excentrée. L’ornementation d’un anneau ou d’une boucle sera le plus souvent localisée sur la traverse distale, parfois également sur les traverses latérales et, pour quelques types de boucles à double fenêtre, sur la traverse interne, mais jamais sur la traverse proximale, car elle accueille la chape ou la lanière. Les fermaux font cependant exception car leur mode de fixation est identique à celui d’une broche actuelle. La traverse proximale, presque toujours droite, peut se distinguer par de multiples particularités. Par exemple, il n’est pas rare qu’elle présente une section circulaire ou ovale pour un cadre à double fenêtre asymétrique. Pour la plupart des anneaux et boucles à double fenêtre, le profil est plat, mais certains types présentent un profil concave, convexe ou angulaire (fig. 116). L’avers est aisément définissable lorsqu’une ornementation est conservée – habituellement sur la face visible –, quand un ardillon est encore en place, ou lorsque des caractéristiques de constitution existent tels que des dépressions, retraits ou amincissements pour le nœud et la pointe de l’ardillon. Une fois la forme de la fenêtre et du cadre définie, l’attention se porte sur la configuration des traverses. Dans certains artefacts destinés au harnachement, la traverse distale d’un anneau peut être mobile afin de limiter les frottements et donc une usure prématurée de la lanière (fig. 117). 1654 Dictionnaire culturel en langue française sous la direction d’Alain Rey (2005). 273 3. Approche croisée du mobilier archéologique La traverse proximale arbore parfois des talons externes et/ou internes (fig. 117), c’est-à-dire un ou des décrochements dans le cadre. Elle peut être élargie, amincie, rétrécie partiellement ou en totalité, recevoir des ergots externes ou internes. Une portion du cadre, à la fois amincie et rétrécie, est qualifiée de réduite. Il paraît concevable que la plupart des anneaux avec ergots internes marqués aient eu une fonction de passant, la lanière support circulant entre les ergots et la traverse proximale. Quelques rares exemplaires comportent cependant un ardillon ou une encoche distale. Les ergots externes ont un rôle décoratif. Ils sont appelés ergots proximaux lorsqu’ils se situent aux extrémités de la traverse proximale, dans l’axe de la boucle. Ils ne doivent pas être confondus avec l’amorce d’une fenêtre proximale cassée. Une excroissance se remarque au milieu de la traverse distale de nombreux artefacts : cet ergot distal triangulaire, arrondi ou quadrangulaire, est d’ordinaire couplé avec une dépression ou encoche destinée à recevoir le bout d’un ardillon. Quelques passants présentent également un ergot sur la traverse distale, cet ergot est généralement en fort relief sur les deux faces et sans dépression. D’autres moulures telles que denticules, bosses et digitations se rencontrent fréquemment (fig. 117). Les premières sont une petite dentelure triangulaire en relief, les secondes des reliefs bombés alternant entre l’ovale et le quadrangulaire, les dernières des formes ovales concaves. Des incisions gravées ou obtenues par ciselure, des coups de poinçon et de lime sur le cadre ou un éventuel rouleau peuvent, en outre, avoir un rôle ornemental. Le rouleau est une tôle enroulée qu’on rencontre parfois sur la traverse distale (fig. 117). Il est souvent mobile, plus rarement fixe. Il n’est pas toujours possible de déterminer si un rouleau a perdu sa mobilité à cause de l’oxydation ou s’il fut, dès l’origine, brasé au cadre ou retenu par celui-ci. La traverse qui réceptionne le rouleau est, pour les objets en alliage cuivreux, toujours réduite. Certaines boucles comportent latéralement des œillet(s) circulaires (fig. 117) ou quadrangulaires permettant le passage de fines lanières ou de lacets utilisés pour la suspension d’objets à la ceinture. 3.1.3.2. Typologie des boucles et anneaux L’observation de l’évolution de la configuration des anneaux et boucles conduit à les classer en 23 types différents établis selon des critères de forme géométrique, d’ornementation 274 3. Approche croisée du mobilier archéologique et d’association avec d’autres éléments. Cette étude n’intègre pas les crochets à anneau1655 et les anneaux à excroissance rivetée1656 permettant la liaison du mors avec les rênes des équidés. Il est également ignoré les anneaux en forme de huit appelés « panurge »1657, les anneaux à crochet pour la suspension d’objets dans la maison1658, les anneaux coulissants de moraillons1659 et quelques autres anneaux utilisés en serrurerie1660. Ces objets très spécifiques sont particulièrement bien reconnaissables et n’ont pas lieu d’être pris en compte dans le cadre d’une analyse sur les accessoires du costume. À ces exceptions près, l’étude inclut tous les anneaux et boucles mis au jour en Provence, indépendamment de leur forme, de leur matériau, de leur dimension et de leur fonction, prouvée, suggérée ou à l’état d’hypothèse. Dans le cadre de chaque type, selon les informations disponibles, une démarche d’analyse de la fonction des objets est menée. Elle cherche à différencier, par exemple, selon les formes ou les dimensions, en prenant en compte les découvertes en contexte funéraire et en interrogeant les sources iconographiques, les anneaux et boucles propres au harnachement de ceux utilisés dans le costume. Les deux premiers groupes de la typologie présentée (A et B) rassemblent les anneaux et boucles circulaires en alliage cuivreux ou en fer. Un traitement statistique des diamètres des objets du corpus, indépendamment de la datation stratigraphique, a mis en évidence des variations de données importantes (fig. 127 à 129). L’aspect temporel n’a pas, en effet, été pris en compte car les artefacts issus de contexte moderne ou contemporain ne représentent qu’une infime partie du mobilier. En outre, une part conséquente de ces artefacts « plus récents » a été trouvée en position secondaire : la plupart d’entre eux proviennent des remblais établis au XVIIIe siècle dans l’église Saint-Blaise d’Arles, à partir de couches archéologiques beaucoup plus anciennes. Considérer les seuls anneaux et boucles provenant de contextes du second Moyen Âge convenablement datés en rejetant, de ce fait, tous les artefacts découverts hors stratigraphie ou mis au jour, par exemple, sur les sites de la rue Banasterie, de la rue Carreterie et de la place de la Principale à Avignon aurait réduit le corpus des trois cinquièmes. Il en a été fait l’essai, mais si les grandes lignes restaient les mêmes, le discours perdait en précision. L’option choisie s’appuie sur le fait que la très grande majorité des 1655 Des exemplaires sont visibles dans Clark 2004² (p. 48, n° 2) et Vich et Žákovský 2012 (p. 99, n° 67, fig. 1, n° 1) 1656 Se reporter par exemple à Mitchell et Hansen 2001 (p. 343). 1657 Des pièces sont visibles dans Démians d’Archimbaud 1980 (pl. 431, n° 2). 1658 Se reporter aux spécimens anglais publiés dans Egan (dir.) 2010 (p. 62-64), et les comparer avec un crochet trouvé au castrum Saint-Jean de Rougiers (Démians d’Archimbaud 1980, pl. 456, n° 6). 1659 Voir par exemple Démians d’Archimbaud 1980 (pl. 456, n° 1 à 3, 7 et 8). 1660 Des exemples sont illustrés dans Démians d’Archimbaud 1980 (pl. 457). 275 3. Approche croisée du mobilier archéologique anneaux et boucles du corpus, même si la datation stratigraphique est inconnue ou n’est pas de première qualité, a très probablement été confectionnée durant le second Moyen Âge. Un tri plus sélectif du mobilier pourra être envisagé dans le futur lorsque le corpus s’y prêtera. Les résultats obtenus par l’analyse statistique amènent à privilégier une scission du corpus en fonction du diamètre des objets. Pour des raisons qui sont explicitées dans l’étude typologique des annelets et anneaux, les anneaux d’un diamètre inférieur à 1,7 cm sont considérés comme des annelets ou des bouclettes, ceux d’une dimension égale ou supérieure à cette valeur sont désignés comme des anneaux ou des boucles. Dans le reste de la typologie, les anneaux sans ardillon, qu’ils en soient exempts ou qu’ils l’aient perdu, sont toujours rassemblés avec les boucles. Dans le cas présent, les annelets et anneaux circulaires (type A) ont été séparés des bouclettes et des boucles circulaires (type B) pour une meilleure lisibilité. Les types C à J rassemblent différents types d’anneaux et boucles à fenêtre semi-ovale qui se distinguent les uns des autres par les caractéristiques de leur cadre. Les exemplaires au cadre régulier, c’est-à-dire sans ergot distal – les ergots proximaux et latéraux étant acceptés – sans excroissance décorative, ou bien encore sans élargissement ou épaississement notable du cadre ont été classés dans le type C. Le type D réunit les spécimens dont la traverse distale affiche un élargissement progressif. Les anneaux et boucles présentant une ou plusieurs moulures sur le cadre sont classés dans le type E. Il n’est pas pris en compte le bourrelet qui peut dans quelques rares cas souligner le contour de l’encoche distale sans saillir véritablement du bord externe de la traverse distale. Cette caractéristique d’aspect (ex : fig. 213, n° 2) n’est pas considérée comme un élément déterminant dans la typologie. Les artefacts des types C, D et F à H peuvent donc l’arborer sans que cela interfère avec leur classement typologique. Les anneaux et boucles à barre sur la traverse distale appartiennent au type F. Les types G et H rassemblent des objets ayant une fenêtre semi-ovale au tracé particulier. Le premier regroupe des exemplaires à fenêtre lyriforme – en forme de lyre –, le deuxième ceux dont le bord interne de la traverse distale forme une accolade. Quelques très rares anneaux et boucles à barre dont un spécimen du corpus (fig. 206, n° 3) ont, quant à eux, une fenêtre en forme d’accolade. Il a été fait le choix, dans cette étude, de les relier au type F. La classification détaillée des anneaux et boucles à fenêtre semi-ovale au sein des types qui viennent d’être énoncés a été élaborée en fonction de plusieurs critères : le rapport entre la largeur et la longueur de l’objet, la zone offrant la plus grande largeur, la forme intrinsèque de la traverse distale, la présence d’ergots proximaux, latéraux, internes ou distaux ou d’autres moulures sur la traverse distale et éventuellement l’aspect de ces moulures, l’existence de talons, le matériau et la nature composite du cadre. Ces différents critères ne 276 3. Approche croisée du mobilier archéologique peuvent être appliqués selon un ordre déterminé et homogène d’un type à l’autre. En effet, les recherches menées montrent que tel élément mis en évidence dans un type n’a pas forcément de signification dans un autre type. Les raisons en sont évoquées dans la synthèse de cette typologie. Deux règles générales ont toutefois été respectées tout au long de l’étude : la nature du matériau n’intervient que pour les sous-types de rang 2 (ex : C1a et C1b) ; la nature composite d’un anneau ou d’une boucle conduit à la création d’un sous-type de rang 1 (ex : C8). La méthode de fabrication des boucles composites rend régulièrement obligatoire la mise en place de talons. Or, l’absence ou la présence de talons s’observe sur tous les autres anneaux et boucles formés d’une seule pièce. Les boucles composites ont, en outre, très souvent des caractéristiques de configuration originales qui ne se rencontrent sur aucun autre type d’artefact du corpus. À la lumière de ces observations, il apparaît qu’il n’était pas souhaitable de considérer le facteur « composite » comme un élément secondaire de la typologie. Cinq autres types concernent également les anneaux et boucles à fenêtre unique. Le type I est associé aux exemplaires à fenêtre polylobée, le type J aux spécimens à fenêtre angulaire. Les exemplaires à fenêtre en T – aux traverses parfois curvilignes – sont regroupés dans le type K, les spécimens dont la traverse proximale comporte ou a comporté un rivet traversant ou intégré dans le type L. Le cas particulier des anneaux en U est l’objet du type M. Les anneaux et boucles à double fenêtre sont rassemblés dans les types N à Q selon la forme géométrique des fenêtres : semi-ovales outrepassées (type N), semi-ovales non outrepassées (type O), angulaires symétriques (type P), asymétriques (type Q). Les artefacts avec un rivet traversant ou intégré au cadre, à l’image des exemplaires à fenêtre unique de type L, appartiennent au type R. Les anneaux et boucles décrits jusqu’à présent peuvent comporter une chape amovible ou, dans quelques rares cas, brasée au cadre (ex : J8a). Pour les objets des quatre types suivants, la chape est intégrée au cadre. Ils ont été différenciés non pas en fonction de la configuration de la fenêtre, mais selon les caractéristiques de la chape intégrée. Les spécimens dont la chape se fixait à la lanière au moyen de rivet(s) traversant(s) sont réunis dans le type S. Si le(s) rivet(s) sont intégrés à la chape, les pièces sont de type T. La partie proximale de la chape des exemplaires de type U se termine en forme de crochet. Les pièces de type V possèdent une chape en forme de fourreau dans lequel la lanière de cuir ou de tissu s’insérait. Le dernier groupement de la typologie, le type W, rassemble les anneaux et boucles à fenêtres opposées. Il s’agit d’objets composés d’un corps plat ou ovoïde prolongé par un anneau ou une boucle à chaque extrémité. 277 3. Approche croisée du mobilier archéologique La typologie proposée permet de classer la presque totalité des anneaux et boucles des XIe - XVIe siècles de la bibliographie pour l’Europe de l’Ouest puisque, à l’exception de quelques pièces relatives au harnachement, à la serrurerie ou à l’ameublement et précédemment mentionnées, seules les exemplaires à triple fenêtre y échappent1661 du fait de leur absence des contextes provençaux. Les boucles du corpus conservent encore parfois leur ardillon. Lorsque celui-ci présente un intérêt particulier et notamment une ornementation, il est simplement décrit mais sa présence ne génère pas un sous-type particulier dans la typologie des anneaux et boucles. De même, l’examen des chapes amovibles est ici réduit au minimum, une étude typologique leur étant également consacrée. Une carte de répartition (fig. 118) localisant la totalité des éléments de comparaison employés permet de pondérer les résultats de notre étude. Les anneaux et boucles référencés par I. Fingerlin1662 n’ont pas été systématiquement mentionnés dans notre travail. La provenance de la très grande majorité de ces objets conservés dans des musées ou des collections privées n’est pas connue, ce qui limite très fortement leur apport à l’étude. Les ensembles de mobilier étudiés ne comportaient pas de déchets ou de rebuts de fabrication relatifs aux anneaux et boucles et ce quel que soit le matériau et les procédés mis en œuvre : fonderie ou déformation plastique. Deux fragments de conduit ont bien été observés mais rien ne permet d’affirmer qu’ils sont relatifs à la fonte d’anneaux ou de boucles. Un premier fragment en alliage cuivreux appartient à un niveau d’égalisation de sol de zone de circulation daté vers 1309/1315 - vers 1345 du site du castrum Saint-Jean à Rougiers (fig. 123, n° 1). Le second, en matériau blanc, est issu d’une couche de dépotoir du dernier tiers du XIVe siècle du site du jardin ouest du Petit Palais d’Avignon (fig. 123, n° 2). Notons que la fonte peut avoir été effectuée dans des moules en pierre (fig. 124) - l’empreinte est alors gravée dans les valves - ou dans des moules en terre cuite (fig. 125). Dans ce cas l’empreinte a été obtenue avec un modèle en cire fondue et évacué du moule lors d’une chauffe préalable. La fonte dans des moules en pierre est particulièrement adaptée aux matériaux blancs car la température de coulée est relativement basse. Au contraire, la température de coulée des alliages cuivreux est plus élevée ; peu de pierres sont susceptibles 1661 Se reporter par exemple au catalogue d’exposition Un village médiéval en Bas-Berry, Moulins-surCéphons (Querrien (dir.) 1990, p. 36, n° 12) pour un exemplaire en fer daté du XIIIe siècle, à Azuar Ruiz 1985 (p. 103) pour un spécimen des XIIIe - XIVe siècles mis au jour au castillo de la Torre Grossa à Jijona dans la province d’Alicante en Espagne. 1662 Fingerlin 1971. 278 3. Approche croisée du mobilier archéologique de résister à la fonte et donc de ne pas éclater1663. La fonte dans des moules en terre cuite est plus onéreuse du fait de l’utilisation de cire. Type A : Annelet et anneau circulaire ou ovale (fig. 130 à 133) Les annelets et anneaux circulaires ou ovales, de par leur forme simple, répondent à de multiples besoins dans le costume civil (fig. 119 et 122) ou militaire1664, le harnachement des animaux domestiques (fig. 120 et 121), l’ameublement, la construction, sur les bateaux, etc. De nombreux exemples ont été produits précédemment à travers les sources textuelles et l’iconographie. L’archéologie fournit d’autres références : des anneaux retenus par une paumelle1665 ont pu être insérés dans une maçonnerie et servir de point d’attache à un animal, ou être fixés au travers d’un panneau de bois pour être utilisés comme poignées ; d’autres entrent dans le cadre du fonctionnement d’un moraillon à auberon1666, ils sont parfois constitutifs de mors de filet1667 ou ils ont pu aider à suspendre des articles divers à une poutre, à la paroi d’un mur1668. Les quelques anneaux provençaux rattachés à un crochet, à une paumelle, ayant servi de maillons de chaîne ou ayant fonctionné dans la serrurerie n’ont pas été intégrés au corpus. De nombreux anneaux du corpus ont pu perdre leur ardillon, mais comment le mettre en évidence s’ils ne présentent sur leur cadre aucun amincissement, aucune dépression témoignant de la réception du nœud ou de la pointe de cet ardillon, s’ils n’affichent aucune trace d’oxyde qui, par sa disposition et son emplacement conduirait à attester de l’ardillon manquant ? Par conséquent, le type A regroupe tous les objets au cadre circulaire ou ovale 1663 Communication personnelle de N. Thomas. Des anneaux suspendus au ceinturon permettent la suspension d’une arme (Tavard 1977, p. 93). 1665 Des exemplaires ont été retrouvés par exemple hors stratigraphie au castrum de Montpaon à Fontvieille dans les Bouches-du-Rhône (donnée inédite), au village médiéval de l’Ortolo (fin XIIIe début XVIe siècle) en Corse du sud (Comiti 1996, p. 28), au castrum de Durfort dans le Tarn (Vidaillet et Pousthomis 1996, p. 195, fig. 154, n° 12), dans une couche d’abandon de la première moitié du XVe siècle sur le site de Montagliano à Collalto Sabino dans la province de Rieti en Italie (Caillaud 1991, p. 522, fig. 28, n° 14). 1666 Se reporter par exemple à Linlaud 2009, p. 170-172 pour l’étude de ce mobilier relatif à la serrurerie découvert sur le castrum d’Andone en Charente. 1667 Voir par exemple Clark 2004², p. 50, n° 3 pour un individu londonien de la seconde moitié du XIVe siècle. 1668 Des crochets retenant un anneau mis au jour à Rougiers pourraient être interprétés dans ce sens (Démians d’Archimbaud 1980, p. 480, pl. 457, n° 4 à 6). 1664 279 3. Approche croisée du mobilier archéologique qui sont dépourvus de ces caractéristiques. Les annelets à rivet, propres aux protections de mailles n’ont pas été incorporés à l’étude1669. Le mobilier du corpus intègre des petits anneaux circulaires en alliage cuivreux sans rivet, de moins de 1,7 cm de diamètre, répondant à de multiples usages. Ils peuvent être employés dans le cadre de bouclettes (types B1 et B2), de chaînettes (fig. 496), de maille treslie (fig. 126). À la lueur de la documentation textuelle et de l’iconographie rassemblée, consultable dans le chapitre 3.1.3, l’emploi le plus fréquent des annelets en alliage cuivreux au cadre uni, connus en Provence par plusieurs centaines d’exemplaires, semble avoir été celui d’œillet de vêtement (fig. 456 à 458). Sur le plan régional, les fouilles menées à l’abbaye de Montmajour ont fourni un fragment de maille treslie dans lequel chaque annelet en alliage cuivreux, confectionné avec un fil au cadre de section bombé à l’avers et plat au revers (type A1b), est relié à quatre autres. Entièrement étamé, cet artefact provient d’un remblai de construction établi aux XVe/XVIe - XVIIe siècles (fig. 126, n° 1). Les fragments d’assemblages avec des annelets en alliage cuivreux, fabriqués avec un fil de section circulaire, aux extrémités aplaties et traversées par un rivet en fer pour la fermeture ne sont pas très courants en Provence1670. Ils n’entrent pas dans le cadre de cette étude. En voici un rapide inventaire : une strate de datation inconnue de la Place de la Principale à Avignon a fourni quatre annelets reliés entre eux (fig. 126, n° 3), un contexte de l’Impasse de l’Oratoire à Avignon daté de la deuxième moitié du XIVe siècle a livré huit annelets, chacun relié à trois autres (fig. 126, n° 2), une couche remaniée de surface du jardin ouest du Petit Palais d’Avignon et une sépulture – ou son comblement – dans la nef de la cathédrale de Digne (XIVe - XVIe siècles) ont chacun fourni un annelet. Toujours dans le jardin ouest du Petit Palais, des annelets en fer rivetés (fig. 126, n° 4) ont été découverts dans une couche de dépotoir des années 1365 - 1375. Au castrum de Montpaon, un annelet identique a été mis au jour dans un remblai d’installation de sol du milieu XIIIe - début XIVe siècle (fig. 126, n° 5) et, à Rougiers, plusieurs fragments d’assemblages d’annelets à rivet, liés à quatre autres, ont 1669 On peut se reporter par exemple à un ensemble de quatre annelets en alliage cuivreux avec rivet, de 0,8 cm de diamètre, découverts dans une phase datée entre 1370 et 1455 du site du château de Threave dans le Dumfries and Galloway au Royaume-Uni (Caldwell 1981, p. 107, n° 20). 1670 Hors de Provence, on peut citer un fragment de protection de mailles (fin XIVe siècle - 1505) au Castellu de Baricci, Sartène (Comiti 1996, p. 20) et un maillon isolé (XIVe - XVe siècle) sur le site du village médiéval de l’Ortolo en Corse (Comiti 1996, p. 20, 24), un autre maillon accosté de deux annelets sans fermeture par rivet (N.D.S.) au château de Peyrepertuse à Duilhac-sous-Peyrepertuse dans l’Aude (Barrère 2000, p. 231). En Italie, un maillon provient d’une phase d’occupation de la seconde moitié du XIIIe siècle du site de la Crypta Balbi à Rome (Sfligiotti 1990, p. 548), trois autres du château de Montaldo di Mondovì dans la province de Coni (Cortelazzo et Lebole di Gangi 1991, p. 209-210). 280 3. Approche croisée du mobilier archéologique été retrouvés dans le dernier niveau d’occupation ou d’abandon du logis seigneurial, vers 1345 - vers 13601671. La correspondance de la compagnie Datini montre que les dizaines de milliers d’annelets commandés aux succursales italiennes pouvaient aussi bien servir à la fabrication de boucles de chaussures qu’à celle de protections de mailles1672. Une fois reçu à la boutique d’Avignon, un même annelet peut donc être destiné à des fonctions très différentes. Les caractéristiques de ces annelets ne sont pas renseignées dans les lettres mais est-il possible de les deviner ? Un cadre de section circulaire s’observe pour les mailles en alliage cuivreux ou en fer d’armement défensif et pourrait en être caractéristique. En effet, l’artisan ferme les annelets en rapprochant les extrémités avec une pince, ou en rivetant l’emplacement des extrémités superposées et aplaties. Si le fil à partir duquel travaille l’artisan est de section circulaire, cette section circulaire est conservée dans le premier cas et sur une très large portion dans le deuxième cas. Une cotte de mailles, par exemple, nécessite plusieurs milliers d’annelets que l’artisan va assembler aussi rapidement que possible. Les annelets en fer du corpus (type A2) au cadre de section quadrangulaire aux angles arrondis demandent, pour leur fabrication, un travail de déformation plastique au marteau plus important. Il n’y a pas de raison particulière pour que l’artisan travaille son fil ou ses anneaux dans ce sens et il ne peut évidemment le faire une fois l’annelet mis en place. La connaissance précise de la section du cadre des annelets se révèle donc très importante. Les annelets en fer au cadre de section quadrangulaire aux angles arrondis du corpus (type A2), tous fermés, ont par conséquent une fonction autre que celle de protection de mailles. Cependant, a-t-il été produit des annelets fermés en fer au cadre entièrement de section circulaire comme ce fut le cas de beaucoup d’anneaux en fer ? Dans le corpus, l’ensemble des exemplaires au cadre de section circulaire a un diamètre supérieur à 2 cm. S’il se révélait qu’il a existé des annelets fermés en fer mesurant moins de 1,7 cm avec un tel cadre, la réflexion qui vient d’être développée s’en trouverait notablement modifiée. Hormis lorsque du tissu est conservé sur les anneaux ou quand ceux-ci sont encore reliés les uns aux autres, confirmer les usages évoqués pour les pièces étudiées s’avère bien difficile. Pour garder une cohérence dans l’étude, il a été fait le choix de cataloguer ensemble, 1671 Données inédites. Se reporter au chapitre 3.1.1.2. Il convient d’être prudent quant à l’identification de la fonction des bouclettes : G. Egan identifie en tant que déchets de fabrication de bouclettes de chaussure, des annelets et des fils en alliage cuivreux mis au jour sur un site londonien (Egan 2005, p. 146, n° 772 à 774). Ces artefacts ne permettent pas à mon avis d’argumenter dans ce sens. 1672 281 3. Approche croisée du mobilier archéologique dans ce chapitre, tous les annelets en fer ou en alliage cuivreux ne faisant pas partie de mailles treslies ou de fragments de chaînettes plutôt que de séparer les annelets dont l’oxydation a permis la préservation du tissu. Pour assurer la correspondance avec la typologie des œillets, la numérotation typologique des annelets en alliage cuivreux et en fer est la même que celle des œillets de type annelet (types A1 et A2). Les annelets au cadre uni sont donc scindés en deux sous-types : le matériau est un alliage cuivreux (sous-type A1) ou du fer (sous-type A2). Dans le type A1, les objets fabriqués avec un fil de section quadrangulaire sont classés en A1a, ceux avec un fil bombé à l’avers et plat au revers en A1b, ceux avec un fil de section circulaire en A1c. Les spécimens au cadre de section circulaire qui pourraient avoir été obtenus par la fonte appartiennent au sous-type A1d. Les sous-types A3 et A4 contiennent les anneaux au cadre uni, en alliage cuivreux pour l’un, en fer pour l’autre, les sous-types A5 et A6 regroupent respectivement les anneaux au cadre uni en matériau blanc et en os. Les anneaux comportant une ornementation ont été reportés dans le sous-type A7. Le traitement statistique, jusqu’à 5 cm, du diamètre des annelets et des anneaux en alliage cuivreux ou en fer du corpus (fig. 127 et 129) laisse apparaître une césure à 1,7 cm de diamètre quel que soit le matériau : la fréquence des anneaux en fer est bien moindre que celle des annelets, celle des anneaux en alliage cuivreux augmente sensiblement. La ventilation des bouclettes et boucles en fonction du diamètre (fig. 128 et 129) confirme l’intérêt de cette valeur de 1,7 cm : une forte concentration de bouclettes en fer ou en alliage cuivreux s’observe en-dessous de cette limite. Les bouclettes en alliage cuivreux (type B1) sont en moyenne légèrement plus petites que celles en fer (type B2). Lorsque le diamètre est mis en correspondance avec la forme du cadre, il ressort une très forte proportion d’annelets de type A1a pour les valeurs comprises entre 0,8 et 1 cm avec un pic à 0,9 cm. Très largement majoritaires sur ces valeurs, ils deviennent moins présents que les annelets de type A2 pour les diamètres supérieurs. Ceci traduit sans doute des fonctions différentes. Les diamètres des types A1b et A1c se concentrent sur un intervalle compris entre 0,7 et 1,2 cm alors que ceux du type A1d s’étalent jusqu’à 1,5 cm. Les dimensions extrêmes des œillets de type annelet du corpus ou de la bibliographie sur lesquels ont été découverts des restes de tissu ou de cuir sont de 0,7 et 1,2 cm. Cependant, l’anneau des œillets à torsades peut atteindre 2 cm dans sa plus grande largeur. Qu’il soit retrouvé dans le futur des œillets de type annelet dont le diamètre soit supérieur à 1,2 cm voire peut-être même 1,6 cm paraît envisageable. La valeur limite de 1,7 cm ne préjuge pas totalement de la fonction des objets et un anneau ou une boucle de 1,6 cm de diamètre peut avoir eu le même usage qu’un anneau ou une boucle de 1,8 cm. 282 3. Approche croisée du mobilier archéologique D’autres remarques peuvent être avancées au regard des graphiques réalisés. Les boucles en matériau blanc (type B5) sont par exemple plus petites que les anneaux de même matériau (type A5). La distribution des anneaux en fer (type A4) est assez homogène alors que celle des exemplaires en alliage cuivreux (type A3) connaît un pic entre 2,1 et 2,5 cm de diamètre (fig. 127). Même si le nombre de boucles en alliage cuivreux est quelque peu limité, le même phénomène ne s’observe pas pour celles-ci. Elles sont en moyenne d’une dimension plus élevée. La plupart des anneaux circulaires de type A3 n’ont probablement jamais comporté d’ardillon. La répartition des données pour les bouclettes en fer (type B2) se rapproche de celle des annelets en fer (type A2), ce qui peut laisser penser que de nombreux annelets en fer ont perdu leur ardillon. Les bouclettes du corpus de type B1 ont toutes un cadre de section ovoïde, elles ne peuvent donc pas être mises en parallèle avec les annelets des types A1a et A1b, ni même avec ceux du type A1c car les exemplaires du corpus ou de la bibliographie ont un cadre fermé très probablement obtenu par la fonte. Les annelets des types A1a, A1b et A1c n’ont donc très probablement jamais comporté d’ardillon. Concernant les annelets de type A1d qui se distinguent des bouclettes de type B1 par la présence d’un ardillon sur ces dernières, quelques spécimens peuvent être des bouclettes ayant perdu cet ardillon. Indirectement, le faible nombre d’annelets de type A1d prouve que peu de bouclettes de type B1 sont été dépossédées de leur ardillon. Ce constat est intéressant car il est ordinairement très difficile d’évaluer la part des boucles dont l’ardillon ne s’est pas conservé. Il est possible que les dimensions des artefacts et la meilleure résistance des alliages cuivreux à la corrosion que le fer aient eu une incidence. Nous nous garderons d’appliquer le cas des objets de types A et B au reste du corpus. De nombreux autres facteurs tels que l’emploi des objets, le type d’ardillon, la nature du contexte d’enfouissement, le hasard des fouilles, etc., sont à prendre en compte. Les données du corpus concernant les anneaux et boucles des types A6 et B6 sont encore trop peu nombreuses (fig. 129), même en y intégrant les rares spécimens de la bibliographie, pour conduire à des observations fiables. Type A1 : Annelet circulaire ou ovale uni en alliage cuivreux (fig. 130, n° 1 à 28) Les annelets fabriqués avec un fil de section quadrangulaire ont été classés dans le sous-type A1a, ceux avec un fil bombé à l’avers et plat au revers dans le sous-type A1b, ceux avec un fil de section circulaire dans le sous-type A1c. Les objets dont le cadre de section circulaire a été obtenu par la fonte appartiennent au sous-type A1d. Les formes A1c et A1d 283 3. Approche croisée du mobilier archéologique sont connues dès l’époque romaine1673 mais il n’a pas été possible avec la documentation rassemblée d’établir un lien avec le second Moyen Âge. Seize objets en mauvais état de conservation n’ont pu être inclus dans les sous-types constitués. Type A1a : Annelet circulaire ou ovale uni, en alliage cuivreux, confectionné avec un fil de section quadrangulaire (fig. 130, n° 1 à 18) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : douze objets dans des sépultures datées entre le XIVe et le XVIe siècle dont dix dans une seule inhumation ; un spécimen dans une sépulture du XVIIe siècle. Bouches-du-Rhône  Cathédrale Saint-Sauveur, Aix-en-Provence : un spécimen, remblai du XVIIe XVIIIe siècle.  Église Saint-Blaise, Arles : quarante artefacts, remblais du XVIIIe siècle.  Site inconnu, Arles : s.n. 5, contexte inconnu.  Castrum de Montpaon, Fontvieille : 2010-264, remblai de la première moitié du XIVe siècle.  Château d’Hauture, Fos-sur-Mer : trois individus, comblement de fossé de la seconde moitié du XVIe siècle.  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : couches de destruction postérieures au milieu du XIVe siècle.  Château des Baux, Les Baux-de-Provence : n° 274 B à D, remblai, XIVe siècle.  Quartier de la maison Lhere, Les Baux-de-Provence : n° 163, remplissage de silo, XIVe siècle ; n° 301, niveau inférieur de remplissage de trou de poteau, Moyen Âge ou Époque moderne.  Castrum de La Quille, Le Puy-Sainte-Réparade : n° 8, NDS.  Alcazar, Marseille : n° 95, sol de fin XIIe - début XIIIe siècle ; n° 97 du comblement d’une fosse de fin XIIIe - début XIVe siècle, n° 63, comblement de fosse de la 1ère moitié ou du milieu du XIVe siècle. 1673  Collège Vieux-Port, Marseille : un exemplaire d’un remblai moderne.  Église abbatiale Saint-Victor, Marseille : un annelet, H.S. Crummy (dir.) 2001, n° 1860. 284 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Espace Bargemon, Marseille : un annelet en provenance d’un curage de four du XIIe siècle.  Esplanade de la Major, Marseille : un objet d’un remblai d’installation de sépulture daté de 1720.  Les Pistoles, Marseille : deux artefacts H.S. ou NDS.  Place Villeneuve-Bargemon, Marseille : deux annelets H.S. ou de datation inconnue.  Place du Général de Gaulle, Marseille : un annelet ?, vers 1290 - 1320.  Puget III, Marseille : n° 113, tombe d’adulte du XIIIe siècle.  Quartier Sainte-Barbe, Marseille : un spécimen, XVIIe siècle.  Tunnel de la Major, Marseille : un exemplaire d’une sépulture du XIIIe siècle, deux autres de datation inconnue. Var  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : trente-neuf spécimens de contextes inconnus.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 278, couche de dépotoir, milieu XIIIe s. - vers 1285 ; n° 1215, sol intérieur de grotte, vers 1309/15 - vers 1345. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : huit objets H.S. ou NDS, un annelet d’un possible contexte de la première moitié du XIVe siècle, un artefact d’un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle,  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : un annelet dans un contexte de démolition daté vers 1365, deux exemplaires issus du dépotoir daté vers 1365 - vers 1400, un objet dans le comblement d’une tranchée de fondation datée de 1491 - 1496, un spécimen H.S.  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-90 et 91, comblement de puits, vers 1380 - 1430 ; neuf artefacts, datations inconnues.  Rue Banasterie, Avignon : soixante-dix-sept objets, datations inconnues.  Rue Carreterie, Avignon : quatorze spécimens, datations inconnues.  Rue du Limas, Avignon : deux exemplaires, datations inconnues. Gard  Cloître de l’abbaye de Saint-Gilles-du-Gard : un artefact dans une sépulture féminine, milieu XVe - milieu XVIIe siècle. 285 3. Approche croisée du mobilier archéologique Treize annelets circulaires au cadre plat de section quadrangulaire en alliage cuivreux, en provenance de fouilles réalisées sur le site du baptistère de Saint-Maximin-la-SainteBaume, ont conservé d’importants vestiges de textile couvrant la moitié ou les trois-quarts de leur surface. Il s’agit très probablement d’œillets. D’autres annelets du type sont connus sur un fragment de chaînette (fig. 496). La recherche du mode opératoire nécessaire à la fabrication de ces objets a engendré un questionnement. L’observation des artefacts montre que leur cadre est inégal, que ce soit en épaisseur ou en largeur, et qu’il est souvent marqué par des angulations sur la rive externe. Le rendu très irrégulier de ces objets permet de rejeter, comme mode de fabrication, la fonte ainsi que la découpe à l’emporte-pièce. Comment expliquer l’arrondi des bords, perceptible sur quelques spécimens, ou la section qui, pour une même pièce, peut en des endroits différents être rectangulaire ou trapézoïdale ? Assurément, ces annelets ont été confectionnés par le martelage rapide et sans recherche d’esthétisme d’un fil de métal de section probablement quadrangulaire autour d’un mandrin fixé dans un tas ou dans une enclume. Ceci explique l’aspect circulaire de la rive interne, l’aspect angulaire de la rive externe et la démarcation parfois visible sur le cadre (fig. 130, n° 10 et 11), résultat d’une brasure imparfaite. À noter que l’annelet n° 166 du Quartier Sainte-Barbe (fig. 130, n° 14), découvert dans un contexte du XVIIe siècle, ainsi que le n° 278 de Rougiers (non figuré) présentent de fortes traces de limage. Le dernier montre également un reflux latéral du métal conséquence d’un martelage final des deux faces à des fins d’égalisation. Quelques exemplaires ont été relevés, isolés dans une sépulture : peut-être ont-ils été apportés lors du comblement ou ont-ils participé à la fixation d’une pièce de vêtement ou celle d’un linceul. Les annelets les plus anciens du corpus proviennent d’un curage de four du XIIe siècle et d’un sol de la fin du XIIe et du début du XIIIe siècle. De nombreux artefacts ont été également mis au jour en contexte moderne, certainement en position résiduelle, notamment dans les remblais de l’église Saint-Blaise. Ils résultent du prélèvement de terres sépulcrales bouleversées par les aménagements modernes. Cependant, ces remblais comprennent également du matériel datable de l’époque moderne. Seize objets de type A1a et les fragments de onze autres ont été découverts à hauteur de l’épaule gauche d’un squelette d’adolescent (douze/quinze ans) et sous le bassin d’un enfant de neuf ans, dans une fosse commune du bas Moyen Âge à San Vito dans la province de Pordenone en Italie1674. Il est vraisemblable qu’ils 1674 Amici 1986, p. 253. 286 3. Approche croisée du mobilier archéologique participaient à la fixation de pièces de vêtement. D’autres annelets ont été répertoriés hors de sépultures dans l’est de l’Espagne, le sud de la France et le nord de l’Italie1675. L’ensemble des éléments chronologiques disponibles permettent de proposer une datation typologique s’étalant entre le début du XIIe siècle et le début du XVIe siècle quel que soit le diamètre. Type A1b : Annelet circulaire ou ovale uni, en alliage cuivreux, confectionné avec un fil bombé à l’avers, plat au revers (fig. 130, n° 19 et 20) Bouches-du-Rhône  Château des Baux-de-Provence : n° 274 A, remblai du XIVe siècle, n° 683, contexte de la seconde moitié ou de la fin du XIVe siècle.  Le Cirque, Arles : n° CIR 89, datation inconnue. Ces annelets en alliage cuivreux ont été confectionnés à partir d’un fil bombé sur le dessus, plat au revers, enroulé sur lui-même. L’enroulement du fil a probablement été réalisé à l’aide d’une pince. Une quinzaine de ces artefacts, avec la face supérieure parfois triangulaire, ont également été retrouvés au château d’Apcher en Lozère dont les contextes fouillés sont datés entre le XIVe et le XVIIe siècle1676. Un fragment de mailles treslie découvert à Montmajour (fig. 126, n° 1) présente des mailles de type A3. Bien qu’il n’ait pas été retrouvé 1675 France, Aude : un artefact de 0,9 cm de diamètre, XIIIe - XVe siècle, château de Montséret (Immel et Lapeyre 1982, p. 15 ; quatre spécimens entre 0,85 et 1,3 cm de diamètre, N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 231, fig. 151, n° 11 à 13) ; un individu de 1 cm de diamètre, NDS, La Cauna, Belvis (Sacchi et Barrère 2006, p. 122) ; un annelet de 1 cm de diamètre, deuxième moitié du XIIIe siècle ?, Grotte de Canecaude, Villardonnel (Sacchi et Barrère 2006, p. 119). Corse : deux objets de 0,9 cm et 1,1/1,2 cm de diamètre, site occupé entre la fin du XIIIe et le début XVIe siècle, village médiéval, Ortolo (Comiti 1996, p. 43). Lozère : 144 exemplaires, contextes variés situés entre le XIVe et le XVIIe siècle ?, château d’Apcher (étude en cours). PyrénéesOrientales : un annelet de 1 cm de diamètre, remblai moderne, église Notre-Dame de l’Assomption, Saintes-Maries-la-Mer (Crozier et Bénézet 2009, pl. 5). Italie, Province de Coni : deux annelets de 0,65 et 0,75 cm de diamètre, contexte inconnu, château, Montaldo di Mondovì (Cortelazzo et Lebole di gangi 1991, p. 209-210). Province de Grosseto : un artefact de 1,4 cm de diamètre, XIVe siècle, Castel di Pietra, Gavorrano (Belli 2002, p. 152). Province de Pavie : un exemplaire de 1,4 cm de diamètre, chantier de construction d’une cathédrale, vers 1100, Torre Civica, Pavie (Ward-Perkins 1978a, p. 99, n° 33). Espagne, Province d’Alicante : un spécimen de 1 cm de diamètre, XIIIe - XIVe siècle, Castillo de la Torre Grossa, Jijona (Azuar Ruiz 1985, p. 101) ; 1676 La stratigraphie, en cours d’analyse, est à situer d’après l’étude céramique entre le XIVe et le XVIIe siècle. Une première approche du mobilier découvert jusqu’en 2011 sur le site d’Apcher avait été réalisée pour le rapport de cette année : Thuaudet 2011a et Thuaudet 2011b. Le corpus s’est depuis enrichi et certaines interprétations ont été revues. 287 3. Approche croisée du mobilier archéologique de restes textiles sur les annelets du corpus, une fonction en tant qu’œillet est malgré tout concevable. Les annelets du type A1b sont absents de la bibliographie de comparaison. Peutêtre est-ce la conséquence d’un manque d’attention porté aux petits anneaux ? Type A1c : Annelet circulaire ou ovale uni, en alliage cuivreux, confectionné avec un fil de section circulaire (fig. 130, n° 21 et 22) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 53, C à E, caveau des XIVe - XVe siècles. Bouches-du-Rhône  Château des Baux-de-Provence : n° 749, remblai du XIVe siècle.  Église Saint-Blaise, Arles : SBL XX-60, remblai du XVIIIe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2534, sol de zone de circulation, vers 1370/75 vers 1415/20. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 483 de la seconde moitié du XIVe siècle, n° 488, H.S.  Petit palais, jardin ouest : n° 1266, effondrement d’un four à cloche, fin XVIIe début XVIIIe siècle.  Rue Racine, Avignon : n° 15 et 17, couche de dépotoir vers 1530 - 1540. Neuf annelets en alliage cuivreux ont été fabriqués avec un fil de section circulaire enroulé sur lui-même à l’aide d’une pince. Des annelets de ce type entrent dans la composition de chaînettes (fig. 496). D’autres ont été utilisés en tant qu’œillet comme le prouve sans doute la présence de traces de tissu sur la moitié de deux anneaux découverts Rue Racine à Avignon. Avec les données rassemblées, une datation typologique située entre la première moitié du XIVe siècle et la première moitié du XVIe siècle peut être envisagée1677. 1677 France, Aude : un annelet, XIIIe - XIVe siècle, château de Montséret (Immel et Lapeyre 1984, p. 15) ; quatre objets, N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 231) ; Corse : un exemplaire, première moitié du XIVe siècle, Mugliunaccia, Olmi-Capella (Istria 1996, p. 37) ; Lozère : 33 individus dont 1 doré, contextes variés situés entre le XIVe et le XVIIe siècle ?, château d’Apcher (étude en cours). Meurthe-et-Moselle : deux annelets, d x d cadre = 1 x 0,2 288 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type A1d : Annelet circulaire ou ovale uni, en alliage cuivreux, confectionné par la fonte et au cadre de section circulaire (fig. 130, n° 23 à 28) Bouches-du-Rhône  Cathédrale Saint-Sauveur, Aix-en-Provence : n° 14 et 136, remblais du XVIIe siècle.  Église Saint-Blaise, Arles : cinq individus, remblais du XVIIIe siècle.  Castrum de Montpaon, Fontvieille : n° L13/32, H.S.  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : B5600955, couche de destruction postérieure au milieu du XIVe siècle.  Château des Baux, Les Baux-de-Provence : n° 697, couche d’occupation du début du XVIe siècle.  Église abbatiale Saint-Victor, Marseille : n° 688, remblai du XVIIe siècle.  Place du Général de Gaulle, Marseille : n° 158, contexte daté vers 1290 - 1320. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2640, sol de zone de circulation, vers 1370/75 vers 1415/20 ; n° 1806, H.S.  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : 94-151, contexte inconnu. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 481 du troisième quart du XIVe siècle, n° 484 et 1018 du troisième tiers du XIVe siècle.  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-303, datation inconnue.  Rue Banasterie, Avignon : n° 317, 366 et 584, datation inconnue.  Rue Racine, Avignon : n° 16 et 18, couches de dépotoir datées vers 1530 - 1540. Ces annelets circulaires ou ovales à section circulaire paraissent avoir été obtenus par la fonte. Ils ne portent aucune trace de la jonction des deux extrémités d’un fil, étape qui aurait provoqué un aplatissement du cadre. Certes, tout artisan peut retravailler cette portion cm, remblais d’abandon et de destruction, XVIe - XVIIe siècle, maison forte des Armoises, Richardménil (Guarascio et Giuliato 2007, p. 173, fig. 114) ; Tarn : un spécimen, sépulture de datation inconnue, château de Montaigut, Gissac (Hibon et al. 2002, p. 144). 289 3. Approche croisée du mobilier archéologique d’une manière soignée afin que le cadre retrouve une section arrondie mais une telle opération nécessite une dépense en temps qui ne semble pas se justifier pour ce genre d’objets. Un exemplaire du corpus porte des stries parallèles qui pourraient correspondre aux mors d’une pince1678, un deuxième montre d’importantes traces de limage1679, un troisième comprend une ligne irrégulière creuse, conséquence possible d’un problème lié à l’échappement des gaz lors de la fonte (fig. 130, n° 27). La fabrication d’annelets par la fonte est attestée à Nottingham au Royaume-Uni par un fragment de moule en pierre gravé de six empreintes pour des pièces d’environ 1 cm de diamètre. Ce morceau fut retrouvé dans un remblai amené vers 1600 dans une cave mais il est très probablement antérieur1680. À Magdebourg dans le land de Saxe-Anhalt en Allemagne, plusieurs éléments de moule en pierre du bas Moyen Âge portent des empreintes multiples d’annelets d’environ 0,7 à environ 1 cm de diamètre1681. Ces annelets ont pu être employés en tant qu’œillets ou, avec un ardillon disparu, comme bouclette de chaussure. Cette dernière hypothèse est la plus probable pour les quelques individus d’un diamètre supérieur ou égal à 1,2 cm, en tenant compte de la distribution du diamètre des bouclettes de type B1 (fig. 127 et 128). Les éléments du corpus et de la bibliographie1682 datés stratigraphiquement permettent d’avancer une datation typologique allant du début du XIVe siècle jusqu’au moins la première moitié du XVIe siècle. 1678 Église Saint-Blaise, Arles, XX-62, remblai d’aménagement du XVIIIe siècle, d = 0,7 cm. Castrum de Rougiers, n° 2640, vers 1370/75 - vers 1415/20. 1680 MacCormick 1996, p. 108, fig. 4. 1681 Berger 2006, p. 50, fig. 6-34, A ; p. 171, 175, 178. 1682 France, Aude : deux annelets (?) de 0,85 et 0,9 cm de diamètre, N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 231, fig. 151, n° 9 et 10). Lozère : 22 exemplaires, contextes variés situés entre le XIVe et le XVIIe siècle ?, château d’Apcher (étude en cours). Marne : un spécimen de 1,8 cm, datation inconnue, Église de Saint-Hilaire-sur-Moivre, Le Fresne-surMoivre (Lusse et al. 1997, p. 84). Italie, Province de Coni : six objets de 0,6 à 0,7 cm, datation inconnue, château de Montaldo di Mondovì (Cortelazzo et Lebole di Gangi 1991, p. 209-210). Province de Gênes : un œillet de 0,8 cm, vers 1340 - 1472, San Silvestro, Gênes (Andrews 1978, p. 196, n° 68). Province La Spezia : un annelet de 1,5 cm de diamètre, XIIIe - XIVe siècle, Monte Zigagno, Zigagno (Gambaro 1990, p. 402). Province de Lecce : un spécimen de 0,95 cm de diamètre, XIVe - XVe siècle, Roca (Lombardi 2008, p. 416). Province de Pise : un artefact de 1,6 cm de diamètre, NDS, Castello di Ripafratta, San Giuliano Terme (Amici 1989, p. 468). Province de Pistoia : un annelet de 1,3 cm (n° 3769), fin XIVe – début XVe siècle, un possible exemplaire de 1,4 cm de diamètre (n° 3762), fin XIVe - milieu XVIe siècle, Palais des Vescovi, Pistoia (Vannini 1985a, p. 659). Espagne, Province d’Alicante : deux objets de 0,8 à 0,9 cm, XIIIe - XIVe siècle, Castillo de la Torre Grossa, Jijona (Azuar Ruiz 1985, p. 101). Royaume-Uni, Londres : une pièce, d = 1,3 cm, vers 1330 - vers 1380, un spécimen, d = 1,5 cm, vers 1400 - vers 1450 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 58, n° 41 et 50). 1679 290 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type A2 : Annelet circulaire ou ovale uni, en fer (fig. 130, n° 29 à 33) Alpes-de-Haute-Provence  Église Saint-Mary, Forcalquier : n° 2007-1, ossuaire de fin XIVe - début XVe siècle. Bouches-du-Rhône  Place du Général de Gaulle, Marseille : n° 901, contexte daté vers 1320 - vers 1360.  Montée des Porcelets, Fos-sur-Mer : B4698810, contexte de datation inconnue.  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : B5699913, niveau perturbé des XIVe - XVe siècles ; B5600952, sol de la fin du XIVe siècle ou d’Époque moderne.  Château, Les Baux-de-Provence : n° 670, deuxième moitié ou fin du XIVe siècle Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : treize objets datés vers 1309/1315 - vers 1345 à vers 1370/1375 - vers 1415/1420.  Cadrix, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 305, niveau de cour du XIVe siècle. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : 26 annelets, couches de dépotoir datées vers 1365 - vers 1400 ; 1 artefact, comblement de tranchée de fondation de mur datée de 1491 - 1496.  Place de la Principale, Avignon : 1996-92, comblement de puits, vers 1380 - 1430.  Rue Banasterie, Avignon : douze artefacts, contexte de datation inconnue. Les annelets en fer du corpus ont été réalisés à partir d’un fil de fer de section quadrangulaire aux angles arrondis ou d’un fil de fer devenu quadrangulaire lors de sa déformation plastique au marteau. La jonction des extrémités du fil est indécelable. Beaucoup d’objets n’offrent pas un bon état de conservation et il ne peut être vérifié l’aspect du cadre. Quelques exemplaires comportent peut-être un cadre de section circulaire. Il a déjà été expliqué l’importance d’un relevé précis de la section des annelets. La bibliographie réunie ne contient pas d’annelet circulaire au cadre de section quadrangulaire. Deux raisons peuvent être évoquées : la section des annelets n’est pas toujours renseignée ; certains artefacts ont fait l’objet d’un relevé imprécis éventuellement reproduit sur le 291 3. Approche croisée du mobilier archéologique dessin1683. Il faut reconnaître que seule une observation très fine de ce mobilier de si petite dimension permet de faire la distinction entre un cadre de section circulaire et un cadre de section quadrangulaire aux angles arrondis. Les sections des annelets et des bouclettes en fer dessinés dans la publication de Rougiers étaient ainsi toutes erronées. Si une imprécision aussi mineure mais pourtant riche de conséquences a pu se glisser dans une publication de cette qualité, il n’est pas improbable que la même erreur ait été commise dans bon nombre d’autres éléments bibliographiques. Une autre limite est inhérente à la corrosion qui recouvre ces objets et qui peut empêcher de bien reconnaître la forme de leur section. Les contextes archéologiques provençaux n’éclairent pas sur la fonction des annelets en fer du corpus. Un seul exemplaire provient d’un contexte funéraire : un ossuaire de fin XIVe - début XVe siècle dans l’église Saint-Mary à Forcalquier (n° 1). En Italie, deux annelets en fer de 1,6 cm de diamètre de section inconnue, liés par l’oxydation, sont issus d’une sépulture du XVIe siècle à Santa Maria della Strada à Taurisano dans la Province de Lecce, en Italie1684. Toutefois, la position de ces objets par rapport au corps n’est pas renseignée. Quelques-uns de ces annelets ont pu perdre leur ardillon, or, deux bouclettes en fer de type B2 (2010-7 et 8) ont été relevées à hauteur des pieds dans une sépulture (XIIe - milieu XVIIe siècle) du cloître de Saint-Gilles-du-Gard. Lors de fouilles à Londres, quelques annelets en fer, parfois étamés, ont été retrouvés sur des chaussures tout comme des bouclettes en fer de même dimension1685. À d’autres exemplaires était rattaché un fragment de lanière de cuir, peut-être celle d’une patte de fixation de la chaussure. Les annelets et bouclettes retrouvés sur une chaussure mesurent entre 1 et 1,55 cm de diamètre. La moitié des anneaux et bouclettes du catalogue de G. Egan et F. Pritchard, tous datés entre vers 1270 - vers 1350 et vers 1400 vers 1450, font 1,5 cm de diamètre et il ne se remarque pas de distinction selon qu’il s’agit d’un annelet ou d’une bouclette. Cette similitude dans les dimensions a déjà été remarquée pour les objets du corpus (fig. 127 et 128). Il est donc probable qu’une partie des annelets sont des bouclettes ayant perdu leur ardillon et qu’ils ont été employés pour la fermeture des chaussures. Un emploi des annelets en fer en tant qu’œillets reste possible pour les individus les plus petits, d’un diamètre similaire aux annelets en alliage cuivreux de type A1a et A1c sur 1683 Sur le site de Monte Zignago à Zignago dans la province La Spezia, un annelet de 1,5/1,6 cm de diamètre d’un contexte des XIIIe - XIVe siècles, est dit avoir une section circulaire, mais sur le dessin elle apparaît globalement quadrangulaire (Gambaro 1990, p. 406). 1684 Lapadula 2005, p. 200. 1685 Les annelets retrouvés sur des chaussures sont les numéros 67, 74, 99 et 190 issus de contextes datés de la deuxième moitié du XIVe siècle et de la première moitié du XVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 59-63 ; voir aussi Grew et De Neergaard 2001², fig. 110, n° c). 292 3. Approche croisée du mobilier archéologique lesquels ont été conservés des restes de textile. Peut-être cette distinction entre deux fonctions est-elle la raison de la chute du nombre d’exemplaires à 1,1 cm de diamètre, qui apparaît comme une limite entre deux zones de concentration du mobilier ? Type A3 : Anneau circulaire ou ovale uni, en alliage cuivreux (fig. 131) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 194, tranchée de fondation du XIIIe siècle ; n° 154 C, contexte postérieur au XVe siècle ; n° 701 de datation inconnue ; n° 494, 843 et 951, H.S. Bouches-du-Rhône  Cathédrale Saint-Sauveur, Aix-en-Provence : n° 201, H.S.  La Seds, Aix-en-Provence : n° 9, sol de la première moitié du XIVe siècle.  Les Thermes, Aix-en-Provence : n° 94 et 95, remblai et sépulture d’époque contemporaine.  Mignet, Aix-en-Provence : n° 9 de datation inconnue.  Minimes Dalmas, Aix-en-Provence, n° 2 et 3 de datation inconnue.  Musée Granet, Aix-en-Provence, n° 2 et 3, couche de terre végétale de la seconde moitié du XVIIe siècle.  Abbaye de Montmajour, Arles : n° 21, remblai des XIIIe - XIVe siècles.  Église Saint-Blaise, Arles : dix-huit exemplaires, remblai d’aménagement du XVIIIe siècle.  Nécropole de Saint-Honorat, Arles : n° 7, couche d’ossements dans un caveau des XIVe - XVIe siècles.  Site inconnu, Arles : n° ZZZ 3.  Château d’Hauture, Fos-sur-Mer : B569569, B5695610, B5695511, B5695513 et B5695535, remblais de fossé de la seconde moitié du XVIe siècle.  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : B5699911, couche de destruction/récupération de matériaux des XVe - XVIe siècles.  Château, Les Baux-de-Provence : n° 375, remblai du XIVe siècle ; n° 47, comblement de fosse médiévale ou moderne.  Alcazar, Marseille : n° 71, 90, 97 et 118, contextes datés de fin XIIIe - début XIVe siècle ; n° 110 d’un remblai du XIVe siècle ; n° 12, comblement de fosse vers 1720 293 3. Approche croisée du mobilier archéologique - 1730.  Avenue Vaudoyer, Marseille : n° 45, remblai du début du XVe siècle.  Église Saint-Victor, Marseille : n° 682, remblai du XVIIe siècle ; n° 88, remblai du XVIIIe siècle ; s.n. 2, remplissage du XIXe siècle d’un caveau.  Espace Bargemon, Marseille : n° 16, contexte du troisième quart du XIXe siècle.  Esplanade Major, Marseille : n° 2 et 3, dépotoir du XIXe siècle, n° 1, NDS.  Hôtel Dieu, Marseille : n° 10, couche de détritus de la fin du XVIIIe siècle ; n° 13, comblement de la seconde moitié du XIXe siècle ; n° 12, NDS.  Îlot 24 N, Marseille : n° 2, H.S.  Îlot 55, Marseille : n° 184, remblai des XIIIe - XIVe siècles ; n° 796, H.S.  Îlot 61-62 N, Marseille : n° 146, remblai du milieu du XVIe siècle, n° 771, Époque moderne.  Lazaret, Marseille : n° 1, calade du XIXe siècle.  Place du Général de Gaulle, Marseille : n° 157, troisième quart du XIIIe siècle ; n° 130, vers 1290 - 1320 ; n° 133, XVIIIe siècle.  Place Villeneuve-Bargemon, Marseille : n° s. n 3 à 4 de datation inconnue ; n° 6 et 7, comblement de puits des XIVe - XVe siècles.  Quartier Sainte-Barbe, Marseille : n° 143, remblai du second quart/milieu XIVe fin XIVe - XVe siècle ; n° 15, remblai, fin XIVe - XVe siècle ; n° 114, contexte du XVIIe siècle.  R.H.I. Bon-Jésus, Marseille : n° 2, comblement moderne ou contemporain.  Saint-Laurent, Marseille : n° 8, H.S.  Tunnel de la Major, Marseille : n° 22, remblai du début du XIVe siècle ; n° 21, remblai du XIXe siècle ; n° 32, datation inconnue.  Vieille Major, Marseille : n° 52 et 54, niveau d’abandon de caveau du XVIIIe XIXe siècle ; n° 53, comblement de puits d’époque contemporaine.  Chapelle de la plaine de la Grande Bastide, Saint-Paul-lès-Durance : n° 142, strate du XIVe siècle. Var  Castrum de Sainte-Madeleine, La Môle : n° 1, second tiers XIVe - au plus tard 1400.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : 30 objets depuis le second quart du XIIIe siècle jusqu’à la fin du XIVe - début du XVe siècle ; 1 objet N.D.S. 294 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 93-17, contexte inconnu.  Cadrix, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 424, couche du XIIe - XIIIe siècle ; n° 252 et 264, sol du second tiers du XIVe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : 22 anneaux depuis la première moitié du XIVe siècle jusqu’au XVIIIe siècle, onze objets sans élément de datation stratigraphique disponible, onze autres H.S.  Palais des Papes, jardins orientaux : n° 71, vers 1400 - 1410.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : quatre objets provenant de couches d’occupation ou de destruction de bâtiments entre la fin du XIIIe siècle et vers 1365 ; 40 individus issus de couches d’un dépotoir utilisé vers 1365 - vers 1400 ; un anneau d’un comblement de tranchée d’installation de mur daté vers 1481 ; un artefact trouvé dans des terres de jardin du XVe siècle ; deux individus de contextes modernes ; deux objets H.S.  Place de la Principale, Avignon : treize anneaux de datation inconnue.  Rue Banasterie, Avignon : cinq artefacts de datation inconnue.  Rue Carreterie, Avignon : six individus de datation inconnue.  Rue du Limas, Avignon : quatre objets de datation inconnue. Gard  Cloître, Saint-Gilles-du-Gard : 2010-1, extérieur du col du fémur gauche d’un squelette masculin, XIIe - milieu XVIIe siècle ; 2010-6, sur le côté gauche du bassin d’un squelette masculin, XIIe - milieu XVIIe siècle ; 2010-61, sol en terre antérieur à 1630 ; 2010-2 à 4, remblai moderne postérieur au dernier quart du XVIIIe siècle. Certains anneaux de ce type ont vraisemblablement perdu leur ardillon, mais aucune modulation du cadre ou traces d’oxydation particulière ne le prouve. D’autres, de petite taille, sont peut-être des bagues, mais n’ayant pas été retrouvés à hauteur de la main d’un squelette, il est impossible de le confirmer. La section du cadre des anneaux circulaires ou ovales en alliage cuivreux du type A3 est généralement circulaire ou ovale, parfois aplatie. Quelques exemplaires sont pourvus d’une section losangique1686, hexagonale1687, bombée du côté de la 1686 Petit Palais, Avignon, n° 581, sol dans une maison, fin XIIIe siècle - 1365. 1687 Place de la Principale, Avignon, n° 1995-44, contexte de datation inconnue. 295 3. Approche croisée du mobilier archéologique rive externe et triangulaire du côté de la rive interne (fig. 131, n° 10)1688. Trois anneaux au cadre de section losangique ont été découverts dans l’occupation des XIIIe - XIVe siècles du château de la Torre Grossa à Jijona dans la province d’Alicante en Espagne1689 et un exemplaire dans l’abandon d’un cimetière paléochrétien à Agrigente en Italie1690. Il est peu probable que la forme de la section des anneaux ait eu une incidence sur la datation. Sur deux objets du corpus apparaissent d’évidentes traces d’une fabrication par la fonte : en effet, les deux empreintes du moule n’étaient pas parfaitement superposées1691. Beaucoup d’autres spécimens présentent des traces de limage et parfois une rive interne biseautée. Des amincissements localisés, parfois disposés symétriquement par rapport au centre de l’anneau caractérisent des artefacts et résultent peut-être du frottement d’autres pièces métalliques. Un groupe de seize moitiés d’anneaux, pour la plupart découverts dans des niveaux du XIVe siècle des sites du castrum Saint-Jean à Rougiers et de l’Impasse de l’Oratoire à Avignon, se distingue par des traces de fracture aux extrémités (fig. 134, A). La grande majorité de ces éléments ne sont pas issus de sites ou de niveaux ayant livré des déchets de la métallurgie du cuivre et de ses alliages. La volonté de briser ces objets pour qu’ils rentrent dans un creuset pour refonte ne peut donc, à priori, être retenue. Ces fractures sont peut-être le résultat d’une tension trop forte dans un assemblage métallique. Trois anneaux du corpus ont été répertoriés en contexte funéraire. Un exemplaire (n° 13), dont la position n’est pas renseignée, provient d’une sépulture du site de l’Abreuvoir Saint-Michel (fin XIIe - XIVe siècle) à Châteauvert dans le Var. Deux autres furent découverts en association avec une boucle en alliage cuivreux de type B3 au sein de deux inhumations en coffre d’hommes adultes âgés entre 30 et 50 ans sur le site du cloître de Saint-Gilles-du-Gard (XIIe - milieu XVIIe siècle). Dans la première sépulture, l’anneau (2010-1) était placé à hauteur du col du fémur gauche et la boucle dans l’espace inter fémoral (2010-9) avec une « lame en fer »1692. Une pierre à aiguiser, dont la position n’est pas connue, provient du même contexte. Dans la seconde sépulture, l’anneau (2010-6) est installé sur le côté gauche du bassin et la boucle (2010-5) sur le côté droit. Une coquille Saint-Jacques (2010-74) est 1688 Autres objets dans ce cas : Castrum de Rougiers, n° 2360, vers 1370/1375 - vers 1415/1420 ; Place de la Principale, Avignon, n° 1995-73, H.S. 1689 d = env. 2 cm (Azuar Ruiz 1985, p. 101, n° 7084 à 7086). 1690 d x e = 3,5 x 0,8 cm (Cavallaro 2007, p. 276). 1691 Ce sont les objets n° 10 (remblai dépotoir de la fin du XVIIIe siècle) et 12 (N.D.S.) du site de l’Hôtel Dieu à Marseille. 1692 Cet objet n’a pas été retrouvé lors de l’étude du mobilier. 296 3. Approche croisée du mobilier archéologique signalée sous le coude droit. Quel était la fonction de cet anneau et de cette boucle ? Leur localisation à hauteur du bassin permet d’envisager qu’ils étaient associés à la ceinture et la présence d’une possible lame de couteau et d’une pierre à aiguiser dans la première sépulture consolide cette hypothèse. La boucle assurait sans doute la fermeture de la ceinture alors que l’anneau servait peut-être à suspendre des objets à celle-ci. Un anneau recouvert de tissu est issu d’une sépulture non datée dans la nef de la Priorale Saint-Pierre à Souvigny dans l’Allier1693. À Bourges dans le Cher, au cimetière SaintMartin-des-Champs, deux anneaux et une boucle semi-ovale de type C6a en alliage cuivreux ont été mis au jour dans la région du bassin d’un défunt inhumé entre le XIIIe siècle et le XVe siècle1694. Ils sont à rapprocher de deux anneaux en fer (type A4) et d’une boucle en fer (type B4) relevés à hauteur du bassin d’un corps enterré durant cette période sur le même site1695. Dans l’église Saint-Georges d’Hermance, dans le canton de Genève en Suisse, un anneau et une boucle circulaire en alliage cuivreux, de même diamètre, se trouvaient ensemble hors de toute sépulture mais couverts de fragments de toile1696. Dans la cathédrale Santa Reparata de Florence, une tombe du second tiers du XIVe siècle a livré quatre boucles circulaires de type B3 fonctionnant par deux et deux anneaux en alliage à base de cuivre1697. Un fragment de lanière de cuir est encore rattaché à l’une de ces boucles et l’un de ces anneaux. Le positionnement de ces artefacts les uns par rapport aux autres n’étant pas connu, l’emploi de ces objets ne peut être déduit. Des anneaux en alliage cuivreux figuraient également près de squelettes dans une fosse commune à San Vito dans la province de Pordenone en Italie, dont un au voisinage du bassin d’un corps1698. Plus à l’est, en Croatie, dans le cimetière du second Moyen Âge et d’Époque moderne de Saint-Saviour à Vrh Rika dans le comitat de SplitDalmatie, plusieurs sépultures ont fourni des anneaux circulaires. Une tombe contenait ainsi un anneau circulaire cuivreux et une boucle en fer1699, une deuxième une probable petite boucle en fer et deux anneaux en alliage cuivreux analogues1700, une troisième, deux anneaux circulaires cuivreux de diamètre similaire1701. 1693 d = 2,4 cm (Chabrier 2008, p. 20, n° 1670). Anneaux : d = 1,9 et 2 cm ; Boucle : L x l = 3,85 x 3,8 cm (Maçon et al. 2010, p. 72). 1695 Maçon et al. 2010, p. 68. 1696 Anneau et boucle : d = 4 cm (Bonnet 1973, p. 85 et 90, n° 13). 1697 Anneaux : d = 2,6 cm ; Boucles : d = 3,6 cm et 4,6 cm (Buerger 1975, p. 208). 1698 d = 3,1 cm, 3,1 cm et 3,2 cm (Amici 1986, p. 252). 1699 Anneau : d = 3,3 cm ; Boucle : d = 2,8 cm (Petrinec 1996, p. 44). 1700 Boucle : dimensions inconnues ; Anneaux : 3,3 et 3,4 cm (Ibid., p. 85). 1701 d = 4,1 et 4,4 cm (Ibid., p. 85). 1694 297 3. Approche croisée du mobilier archéologique Le nombre de sépultures ayant livré l’association d’un ou deux anneaux en alliage cuivreux ou en fer avec une ou plusieurs boucles en alliage à base de cuivre ou en fer, quoique restreint par rapport au nombre de sépultures ne livrant pas ce type de mobilier, est particulièrement notable. On peut se référer aux types A4, B3 et B4 pour d’autres exemples de combinaisons. Dans le cas d’une boucle en association avec un ou deux anneaux, la boucle a pu servir à fermer la ceinture et les anneaux à assurer la suspension d’objets à la ceinture. Proposer une reconstitution du fonctionnement de ces objets dans le cadre d’une ceinture à laquelle ils ont très certainement appartenu paraît toutefois difficile. Les données archéologiques ouvrent des perspectives intéressantes sur l’étude de la ceinture médiévale et permettent de fournir un résultat plus avancé que celui obtenu par la simple illustration iconographique. Type A4 : Anneau circulaire ou ovale uni, en fer (fig. 132) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 1137, inhumation en caveau des XIVe - XVe siècles ; n° 1131, ossuaire des XIIIe - XIVe siècles, n° 94 d’un remblai des XVIIe - XVIIIe siècles. Bouches-du-Rhône  Castrum de Montpaon, Fontvieille : n° 2010-3 et 2010-128, remblai et arasement de mur de fin XIVe - début XVe siècle ; n° 2009-85, remblai superficiel et humus, NDS ; L3/8 à L3/10 et L15/44, H.S.  Château d’Hauture, Fos-sur-Mer : B469372, sépulture d’un jeune adulte (femme ?), des XIe - XIIe siècles.  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : B 4601920, sol du XIVe siècle, B4600925, couche de destruction postérieure au milieu du XIVe siècle.  Chapelle Saint-Martin, Gémenos : n° 4, H.S.  Château des Baux, Les Baux-de-Provence : n° 292, remblai du XIVe siècle.  Place du Général de Gaulle, Marseille : n° 29, vers 1320 - vers 1360 ; n° 30, vers 1360 - vers 1370 ou légèrement postérieure ; n° 31, XVIe - XVIIe siècle ; n° 32 et 33, première moitié du XVIIIe siècle.  Chapelle de la plaine de la Grande Bastide, Saint-Paul-lès-Durance : n° 200, contexte du XIVe siècle. 298 3. Approche croisée du mobilier archéologique Var  Grotte C, Baudinard : n° 1, bas Moyen Âge ?  Castrum de Marsens, Le Muy : n° 11, XIVe - début XVe siècle.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : 35 anneaux depuis vers 1285 - vers 1309/1315 jusque vers 1370/1375 - 1415/1420 ; 1 individu, N.D.S.  Cadrix, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 231, comblement de silo du XIIe - fin XIIIe siècle ; n° 118 et 373, sols du second tiers du XIVe siècle. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 341, destruction de maisons datée vers 1365 ; n° 933, 1121, 1156, 1190, 1344, 1346, 1415, 1464 et 2435, couches de dépotoir vers 1365 - vers 1400.  Place de la Principale, Avignon : n° 1995-7 et 13, H.S.  Rue Banasterie, Avignon : n° 622, contexte de datation inconnue.  Prieuré Saint-Symphorien, Bonnieux : n° 1 et 2, niveau de la première moitié du XIVe siècle. Gard  Cloître de l’abbaye, Saint-Gilles-du-Gard : 2010- 33, comblement de fosse, XIIe milieu XVIIe siècle. Les anneaux circulaires ou ovales en fer du corpus peuvent être de section circulaire, ovale, quadrangulaire, quadrangulaire aux angles arrondis, bombée sur le dessus et plate au revers. Ces artefacts ont été produits par le martelage d’une tige de fer dont les extrémités aplaties furent soudées comme le montre un exemplaire dont la soudure a été révélée par l’oxydation (fig. 132, n° 9). Ils ne présentent aucune trace d’étamage, mais celui-ci a pu disparaître. Il est encore en place sur un spécimen mis au jour sur le site High Street A à Southampton dans un contexte de la deuxième moitié du XIIIe siècle1702. L’étamage est fréquent pour les anneaux et boucles en fer du harnachement ou de l’armement défensif dans les comptes de la compagnie Datini car il permet de protéger le métal de l’oxydation. Les anneaux en fer, connus depuis les débuts de la métallurgie du fer, ne sont pas datables 1702 d = 5,1 cm (Harvey et al. 1975, p. 279, fig. 251, n° 2012). 299 3. Approche croisée du mobilier archéologique typologiquement. Quelques exemplaires ovales très allongés sont probablement des maillons de chaîne ou des éléments de joug ou de harnachement1703. Trois anneaux du corpus ont été retrouvés dans des sépultures : une tombe rupestre à coffrage du XIe ou XIIe siècle contenant une jeune femme adulte sur le site du château d’Hauture à Fos-sur-Mer (B469372), une sépulture d’homme adulte datée entre la fin du XIIe siècle et le XIVe siècle sur le site de Bagatelle/Abreuvoir Saint-Michel à Châteauvert, une inhumation du XIVe ou du XVe siècle dans un caveau de la cathédrale Notre-Dame-du-Bourg à Digne (n° 1137). La position de ces objets n’est malheureusement pas renseignée. C’est aussi le cas pour un anneau recouvert de fragments textiles provenant d’une sépulture du début du XVIe siècle à Santa Maria della Strada à Taurisano dans la province de Lecce1704, d’un anneau et d’une boucle en fer pour une sépulture du cimetière du second Moyen Âge et d’Époque moderne de Saint Saviour à Vrh Rika dans le comitat de Split-Dalmatie en Croatie1705. Dans le cimetière Saint-Martin-des-Champs, à Bourges dans le Cher, deux anneaux et une boucle en fer ont été répertoriés à hauteur du bassin d’un défunt inhumé entre le XIIIe siècle et le XVe siècle1706. En Suisse, dans l’église Saint-Georges dans le canton de Genève, un corps enseveli durant le second Moyen Âge ou l’Époque moderne présentait un anneau en fer sur le bassin. Deux boucles en fer étaient également incluses dans la même sépulture1707. Dans une sépulture du village minier médiéval de Brandes-en-Oisans (XIIe milieu XIVe siècle) à l’Alpe d’Huez en Isère, un grand anneau auquel reste fixé un fragment de paumelle fut relevé sur le squelette1708. Il fut probablement apporté lors du comblement. De nombreux cas de combinaison d’anneaux circulaires cuivreux ou en fer avec des boucles en fer ou en alliage cuivreux dans des sépultures, situés dans la région du bassin lorsque la 1703 On peut se reporter par exemple à l’anneau fragmentaire mis au jour dans un contexte du XIVe siècle du site de la Grange du Mont à Charny en Côte-d’Or (Beck 1989, p. 68), aux deux anneaux entiers (L x l = 0,9 x 2,15 cm et 0,8 x 2,9 cm) provenant d’un bâtiment occupée vers 1560 - vers 1580 sur le site de La Cisterne à Cabrières dans l’Hérault (Paya 1991, p. 59) et les comparer au fragment de chaînette (maillon : L x l = 2,4 x 0,9 cm) mis au jour dans un contexte du XIVe siècle au castel di Pietra à Gavorrano dans la province de Grosseto en Italie (Belli 2002, p. 156). Les dimensions des quatre anneaux entiers (entre 2 de 3,7 cm de long pour 6,7 à 10,8 cm de large) des XIIIe, XIVe et XVe siècles fournis par la fouille de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 162-163) vont dans le sens d’une autre utilisation. Quelques-uns ont pu perdre leur ardillon : ils seraient alors à rapprocher des boucles des IXe et Xe siècles révélées par les fouilles de Blois dans le Loir-et-Cher (Aubourg et Josset 2003, p. 210). 1704 d = 4,6 cm (Lapadula 2005, p. 199). 1705 Anneau : d = 3,3 cm ; Boucle : d = 3 cm (Petrinec 1996, p. 80). 1706 Anneaux : d = 3,7 et 4,2 cm ; Boucle : d = 2,8 cm (Maçon et al. 2010, p. 68). 1707 Anneau : d = 3,3 cm ; Boucles : d = 5 et 5,1 cm (Bonnet et al. 1973, p. 91, n° 83). 1708 d = 7,4 cm (Bailly-Maître 1983, p. 99, 135-136). 300 3. Approche croisée du mobilier archéologique position est connue, ont déjà été signalés dans les types A3, B3 et B4 : la boucle est peut-être utilisée pour fermer la ceinture et le ou les anneaux pour la suspension des objets. Type A5 : Anneau circulaire ou ovale uni, en matériau blanc (fig. 133, n° 1 et 2) Bouches-du-Rhône  Castrum de Montpaon, Fontvieille : L5/37, H.S. Var  Bagatelle/Abreuvoir Saint-Michel, Châteauvert : n° 13, sépulture de jeune adulte, fin XIIe - XIVe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 495, contexte du premier tiers du XIVe siècle ; n° 374 B, H.S. Ces quatre exemplaires d’anneaux en matériau blanc, au cadre de section circulaire ou ovale sont des objets assez fragiles qui ne peuvent donc convenir à toutes les fonctions. Certains ont pu posséder un ardillon et appartenir au type B5 des boucles. Les anneaux en matériau blanc sont rarement notés dans la bibliographie. Un exemplaire a été retrouvé dans une phase de la seconde moitié du XVe siècle et de la première moitié du XVIe siècle du site de Wharram dans le Yorkshire du Nord au Royaume-Uni1709. Un autre provient d’un contexte de milieu XVIe - milieu XVIIe siècle du site de Bedern foundry à York1710. Une trentaine appartient à des contextes londoniens du XIVe siècle et de la première moitié du XVIe siècle1711. Ces objets qui mesurent pour la plupart entre 1,4 et 1,6 cm de diamètre paraissent avoir été employés entre le début du XIVe siècle et le milieu du XVIe siècle. 1709 Anneau entier, d = 1,9 cm (Goodall 1979b, p. 114). Objet entier, d = 1,8 cm (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, fig. 1465, n° 13420). 1711 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 68, p. 62-63, p. 69, n° 268) ; deux spécimens entiers, L x l = 1,6 x 1,4 et 1,6 x 1,3 cm, première moitié XVIe siècle, un artefact entier, d = 1,5 cm, céramique datée vers 1450 – vers 1550 et vers 1600 – vers 1700 (Egan 2005, p. 34). 1710 301 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type A6 : Anneau circulaire ou ovale uni, en matière dure d’origine animale (fig. 133, n° 3 à 10)1712 Alpes-de-Haute-Provence  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : n° B10601920, couche de destruction postérieure au milieu du XIVe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 41, contexte du milieu du XIVe siècle.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 199, 1105, 1197, 1410 et 2017, couches de dépotoir vers 1365 - vers 1400.  Rue Banasterie, Avignon : n° 546, contexte de datation inconnue. Ces huit anneaux en os ont un diamètre compris entre 1,5 et 4 cm. Le cadre est de section circulaire ou ovale ou aplati sur l’une ou ses deux faces. Ces objets ont été obtenus par tournage depuis les deux côtés principaux dans une plaquette en os. Pour un exemplaire (fig. 133, n° 9), l’artisan a travaillé à partir d’une plaquette de matière de qualité moins homogène comme le montre la présence localisée de matière spongieuse et des différences d’épaisseur liées peut-être à des enlèvements de cette matière. Ces variations dans l’épaisseur ne semblent pas, en effet, liées à une usure par frottements. Un annelet de 1 cm de diamètre est issu d’une phase datée vers 1472 - vers 1500 du site de San Silvestro à Gênes en Italie1713. Des anneaux et annelets en os, entre 1,3 et 1,9 cm de diamètre, ont été retrouvés en Suisse, au château du Vieux Wartburg dans le canton d’Aargau occupé durant les XIIIe - XIVe siècles et les quinze premières années du quinzième siècle1714. Ils sont interprétés en tant que perles. Sur le site de Gungling, à Grosbliederstroff en Moselle, un anneau de 1,7 cm de diamètre provient d’un comblement de fosse daté des IXe XIIe siècles1715. Dans le même département, une fouille sur le site d’une ancienne église à Bliesbruck a révélé deux anneaux en os de 1,7 et 1,8 cm de diamètre datés entre le XIVe siècle et 17721716. À Strasbourg, dix-neuf anneaux au diamètre compris en 0,6 et 2,2 cm ont été 1712 L’analyse technique a été réalisée par M.-A. Chazottes, doctorante au LA3M, dont le domaine de recherche porte sur l’artisanat des matières dures d’origines animales. 1713 Andrews 1978, p. 192, n° 21. 1714 Meyer 1974, p. 100, n° E1, E2, E4 et E5. 1715 Peytremann et Frauciel 2006, p. 84, fig. 23. 1716 Vianney et al. 2012, p. 135, EGL 83-5 et EGL 103-1. 302 3. Approche croisée du mobilier archéologique récupérés dans des couches de dépotoir d’ateliers de travail de l’os datées entre les années 1420 et 14801717. Un emploi en tant qu’œillet de vêtement est envisagé. La fabrication et l’emploi d’anneaux en os est attestée d’après les données disponibles depuis le XIIe siècle jusqu’au XVe siècle. Type A7 : Anneau circulaire ou ovale décoré, en alliage cuivreux ou en fer (fig. 133, n° 11 à 13) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2517, sol de zone de circulation, vers 1370/1375 - vers 1415/1420 Vaucluse  Place de la Principale, Avignon : n° 16 et 170, datation inconnue. Les trois pièces du corpus sont en alliage cuivreux. L’anneau de Rougiers est décoré de trois groupes de lignes obtenues par impression (fig. 133, n° 11 ; fig. 134, C) et les deux exemplaires d’Avignon (fig. 133, n° 12 et 13) comportent des bossettes réparties régulièrement sur le cadre. Aucun élément de comparaison n’a pu être trouvé. Type B : Bouclette et boucle circulaire ou ovale (fig. 135 à 142) Les fonctions possibles des boucles et bouclettes circulaires ou ovales ne sont pas moins étendues que celle des anneaux et annelets, que ce soit dans le cadre ou hors du costume. De nombreux exemples ont déjà été donnés lors de l’étude des sources textuelles et iconographiques : boucle pour chaussure, pour « botte », pour braies, pour ceinturon d’épée, pour ceinture (fig. 119, 122), etc. Une fonction qui n’a pu être abordée jusque là est celle de fermail. Les anneaux et les boucles circulaires ou ovales employés comme fermaux sont généralement facilement identifiables car ils présentent une ornementation sur toute la surface avers de l’objet (fig. 495). Si ces objets avaient été utilisés en tant que boucle de ceinture, la lanière aurait recouvert une partie du décor dont la mise en place aurait été superflue. Toutefois, des spécimens au cadre uni apparaissent dans l’iconographie (fig. 495) sans qu’il soit toujours évident de trancher entre figuration schématisée et d’après nature. Il devient 1717 Maire 1990, p. 85. 303 3. Approche croisée du mobilier archéologique alors difficile de les distinguer des boucles de ceinture circulaires. Un rétrécissement localisé du cadre, régulièrement combiné avec un amincissement est visible la plupart du temps sur les fermaux circulaires. De même, beaucoup de leurs ardillons ont un bout épointé. Faut-il pour autant interpréter toutes les boucles au cadre uni présentant ces caractéristiques comme des fermaux ? Il semble qu’il faille se garder de le faire : - une boucle ovale découverte à Londres, de la deuxième moitié du XIVe siècle, et retenant un fragment de lanière de cuir, est marquée par la présence d’une restriction du cadre dans laquelle est logé l’ardillon terminé en pointe1718, - un ardillon en pointe est figuré sur une boucle circulaire fermant la ceinture d’un saint Augustin peint par Giovanni di Paolo vers 1470 - vers 1476 (fig. 119). La classification des boucles et bouclettes a été faite de telle sorte que les sous-types B1 à B6 trouvent leurs homologues, l’ardillon en moins, parmi les anneaux et annelets des sous-types A1 à A6. Les bouclettes circulaires ou ovales au cadre uni en alliage cuivreux sont donc classées dans le sous-type B1, celles en fer dans le sous-type B2. Les boucles en alliage cuivreux, quant à elles, appartiennent au sous-type B3 et les spécimens en fer au sous-type B4. Les sous-types B5 et B6 regroupent respectivement les boucles en matériau blanc et les boucles en matière dure d’origine animale. Les boucles des sous-types B7 à B11, en alliage cuivreux ou en fer, présentent une caractéristique de configuration qui permet de distinguer la zone du cadre sur laquelle le nœud de l’ardillon s’enroule ou sur laquelle la pointe de l’ardillon repose. Cette particularité peut se manifester pour le nœud de l’ardillon par une diminution progressive des dimensions du cadre, son amincissement et/ou son retrait localisé (fig. 112, A), un replat limité de l’arrondi de la boucle, pour la réception de l’ardillon, par une encoche et/ou des moulures décoratives. L’observation des boucles confirme que la principale zone concernée est celle qui accueille le nœud de l’ardillon. Dans le corpus et dans la bibliographie, quelques rares cadres de boucles présentent comme unique spécificité une encoche ou dépression pour la pointe de l’ardillon. Ces objets ont été rassemblés dans le sous-type B7. Le sous-type B8 regroupe les boucles avec des moulures marquant la zone de réception du bout de l’ardillon. Les autres sous-types ont été distingués selon les caractéristiques de la portion du cadre qui réceptionne ou réceptionnait le nœud de l’ardillon : le sous-type B9 réunit les exemplaires présentant une diminution progressive des dimensions du cadre, le sous-type B10 comprend les individus comportant un replat localisé. Ces objets n’ont pas été classés en tant que boucle semi-ovale 1718 Egan et Pritchard (dir.) 2002², n° 39. 304 3. Approche croisée du mobilier archéologique car le replat est limité dans son étendue et la forme du cadre reste particulièrement proche de l’ovale. Le sous-type B11 rassemble les spécimens comportant un amincissement et/ou un retrait localisé et dans le sous-type B12 se trouve un type de boucle confectionné à partir d’un fil. Une possible boucle de type B9, B10 ou B11 ferme la ceinture de la Vierge dans une Vierge à l’Enfant peut-être produite à Salzbourg vers 1510-1515 (fig. 160). Type B1 : Bouclette circulaire ou ovale unie, en alliage cuivreux (fig. 135, n° 1 à 13) Alpes-de-Haute-Provence  Avenue sainte Douceline, Digne : n° 1 et 2, contexte de datation inconnue.  Église Saint-Mary, Forcalquier : n° 2005-2, sépulture datée au plus tard du XIVe siècle. Bouches-du-Rhône  Notre-Dame-de-la-La Seds, Aix-en-Provence : n° 3, fin XIIe - XIVe siècle ?  Minimes Dalmas, Aix-en-Provence : n° 1, en attente du rapport.  Château, Les Baux-de-Provence : n° 682, seconde moitié ou fin du XIVe siècle.  Alcazar, Marseille : n° 74 découvert dans le creusement d’une tranchée d’épierrement de fin XIIIe - début XIVe siècle ; n° 68 d’une couche de démolition de la première moitié du XIVe siècle ; n° 88 retrouvé lors d’un décapage à la pelle mécanique.  Place du Général de Gaulle, Marseille : n° 159, contexte du XVIIe ou XVIIIe siècle.  Quartier Sainte-Barbe, Marseille : n° 564, contexte du milieu/seconde moitié XIIIe - fin XIIIe/début XIVe siècle.  Castrum de La Quille, Le Puy-Sainte-Réparade : n° 2, NDS.  Motte de la Plaine de la Grande Bastide, Saint-Paul-lès-Durance : n° 514, couche de la première moitié du XIIIe siècle. Var  Place Formigé, Fréjus : n° 5, contexte inconnu.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 726, couche d’abandon, vers 1370/1375 - vers 1415/1420 ; s.n. 4, H.S. 305 3. Approche croisée du mobilier archéologique Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1127 et 1128, H.S. Les bouclettes circulaires ou ovales en alliage cuivreux mesurent entre 1 et 1,6 cm de diamètre. Elles possèdent un ardillon confectionné dans un fil du même matériau sauf pour deux exemplaires pour lesquels il est en fer (fig. 135, n° 12)1719. Un bourrelet caractéristique de la jonction des deux faces d’un moule est visible sur le cadre d’un objet de Rougiers (fig. 135, n° 13). Le recours à la fonte comme procédé de fabrication pour le cadre des autres spécimens du corpus peut également être envisagé. De forme circulaire ou ovale pour les bouclettes provençales, le cadre adopte aussi, dans la bibliographie, une forme bombée sur le dessus et plate au-dessous1720. Un retrait du bord externe – pour le nœud d’un ardillon ? – est visible sur un exemplaire de King’s Lynn dans le comté de Norfolk au Royaume-Uni1721. Dans une fosse commune du bas Moyen Âge à San Vito, dans la province de Pordenone en Italie, une bouclette à cadre en alliage cuivreux mais à ardillon en fer a été retrouvée près du crâne d’un squelette1722. De par sa position, il est probable qu’elle ait appartenu à un autre corps. À Forcalquier et à Châteauvert, une bouclette provient également d’une sépulture. C’est aussi le cas pour un spécimen relevé à hauteur des deux pieds superposés d’un corps inhumé au XVIIIe siècle dans l’église Saint-Laurent de Grenoble en Isère. La bouclette a pu servir au serrage d’un lien dans la zone des pieds et assurer ainsi la fermeture d’un linceul, mais son emploi en tant que boucle de chaussure ne peut pas être totalement écarté1723. La correspondance de la compagnie Datini enregistre la demande de fourniture de plusieurs milliers d’annelets ou bouclettes pour chaussure, mais lorsque le matériau est précisé, il s’agit de pièces en fer. Des brassées de mailles cuivreuses sont aussi demandées sans que leur destination soit définie1724. Une fonction de bon nombre de bouclettes en alliage cuivreux dans la fixation des chaussures semble relativement probable. 1719 Le deuxième artefact est le n° 16 du site de l’Abreuvoir Saint-Michel à Châteauvert (Var). Croatie, comitat de Split-Dalmatie : une bouclette au cadre bombé à l’avers, plat au revers (1,3 cm), sépulture du second Moyen Âge ou d’époque moderne, cimetière de Saint-Saviour, Vrh Rika (Petrinec 1996, p. 19). 1721 Une bouclette (1,4 cm), XIIIe siècle, Marks and Spencer, Surrey street, King’s Lynn (Geddes et Carter 1977, p. 287, n° 4). 1722 d = 1,5 cm, (Amici 1986, p. 253). 1723 d = 1,3 cm, (Burille 1996, p. 57 ; Colardelle 1999, t. 2, p. 30 ; Colardelle 2008, p. 346). 1724 Se reporter au chapitre 3.1.1.6. 1720 306 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les données provençales et de la bibliographie pour ce type d’artefact semblent aller dans le sens d’une datation typologique réduite aux XIIIe et XIVe siècles1725. La bouclette de l’église Saint-Laurent de Grenoble, malgré son positionnement au pied d’un corps, ou bien encore celle découverte dans un contexte du XVIIe ou XVIIIe siècle sur le site de la place du Général de Gaulle à Marseille pourraient être, de ce fait, en position résiduelle. Type B2 : Bouclette circulaire ou ovale unie, en fer (fig. 135, n° 14 à 28) Bouches-du-Rhône  Castrum de Notre-Dame du château, Allauch : n° 1, site des XIIIe - XVIe siècles.  Castrum de Montpaon, Fontvieille : L3/22 et L3/23, collection Delaire (H.S.).  Château des Baux, Les Baux-de-Provence : n° 271 (trois exemplaires), remblai, n° 694, contexte du XIVe siècle Gard  Cloître de l’abbaye, Saint-Gilles-du-Gard : 2010-7 et 8, à hauteur des pieds d’un corps de femme adulte, XIIe - milieu XVIIe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 864, niveau de destruction cendreux, n° 3240, 1725 France, Aude : un objet, d = 1,25 cm, N.D.S., Château de Peyrepertuse, Duilhac-sousPeyrepertuse (Barrère 2000, p. 220, 222) ; Bas-Rhin : au moins trois exemplaires ouverts, XVe - XVIe siècle château d’Ortenbourg (Rieb et Salch 1973, n° 350a à c) ; Cher : un individu complet, d = 1,3 cm, occupation extérieure/dépotoir, première moitié XIVe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 110, n° 2470) ; Hérault : objet complet, d = 1,2 cm, niveau d’effondrement de bâtiment, XIVe siècle, castrum de Neyran, Saint-Gervais-sur-Mare (Thuaudet et Rouleau 2010, pl. 2, n° 16) ; Isère : quatre exemplaires, d = 1,2 et 1,2 et 1,3 et 1,5 cm, fin XIIe – milieu XIVe siècle, Brandes-en-Oisans, l’Alpe d’Huez (Bailly-Maître 1983, p. 99, 135-136). Italie, province de Grosseto : deux spécimens, d = 1,5 et 1,5 cm, XIVe siècle, Castel di Pietra, Gavorrano (Belli 2002, p. 152) ; province de La Spezia : un artefact, d = 1,3 cm, XIIIe - XIVe siècle, Monte Zignago, Zignago (Gambaro 1990, p. 395) ; province de Pesaro et Urbino : un objet, d = 1,6 cm, XIIe - XVIe siècle, château de Monte Copiolo, Montecopiolo (Ermeti et al. 2008, p. 165) ; province de Pise : un individu complet, d = 1,55 cm, siège du site en 1496-1498, monastère de San Michele Arcangelo alla Verruca, Vicopisano (Dadà 2005, fig. 6, n° 47) ; province de Savone : cinq bouclettes, d = 1,3 cm, XIIe - première moitié XIIIe siècle, une bouclette, d = 1,7 cm, première moitié XIIIe siècle, Place et couvent de Santa Caterina, Finale Ligure (Palazzi et Parodi 2003, p. 232) ; un artefact, d = 1,2 cm, Castel Delfino (1206 - 1223), Pontinvrea (Milanese 1982, p. 90) ; trois exemplaires, d = 1,6 cm, H.S., Quartier San Domenico al Priamàr, Savone (Viara 1996, p. 384) ; province de Udine : trois bouclettes, d = 1,4 cm pour l’un d’eux, second Moyen Âge, château de Zuccola, Cividale del Friuli (Favia 1992, p. 270) ; un objet, d = 1,2 cm, XVIe siècle mais la céramique du contexte est datée entre le XIIIe siècle et le XVe siècle, Castello della Motta di Savorgnano, Povoletto (Piuzzi et al. 2003, p. 98). Royaume-Uni, Londres : trois exemplaires, d = 9,5 et 1,25 et 1,4 cm, vers 1270 - vers 1350 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 57, n° 27 à 29). 307 3. Approche croisée du mobilier archéologique sol de zone de circulation, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 456, couche d’occupation, n° 1718, sol intérieur de grotte, n° 3586, couche de dépotoir associée à de l’effondrement, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 228 et 2852, sols de bâtiment, n° 258, couche d’abandon, n° 1344 et 3124, couches de dépotoir, vers 1370/1375 vers 1415/1420.  Cadrix, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 310 et 322, niveaux de cour du XIVe siècle ; n° 312 et 380, H.S.  Cour de Justice, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 356-14-13, contexte inconnu. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1417, contexte du deuxième tiers du XIVe siècle.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 806 et 2786, niveaux de destruction de maisons daté vers 1365 ; n° 1016, 1697, 1987, 2581 et 2597 couches de dépotoir vers 1365 - vers 1400.  Place de la Principale, Avignon : n° 1995-4 et 5, H.S.  Rue Banasterie, Avignon : n° 215, contexte de datation inconnue ; n° 211 et 212, H.S.  Rue Carreterie, Avignon : n° 226 et 227, contexte de datation inconnue. Les bouclettes du corpus, d’une dimension comprise entre 1 et 1,6 cm de diamètre, ont été confectionnées avec un fil de fer de section circulaire ou quadrangulaire (fig. 135, n° 28) dont les extrémités furent jointes. Le cadre est de forme circulaire comme pour la plupart des exemplaires de la bibliographie. À Rome, sur le site de la Crypta Balbi, un niveau de la première moitié du XVe siècle a livré un exemplaire de forme ovale1726. La fonction de ces bouclettes est sans doute variée, mais un emploi dans la chaussure est attesté par la correspondance de la compagnie Datini. Il est aussi évoqué par les découvertes archéologiques : une sépulture dans le cloître de Saint-Gilles-du-Gard présentait deux bouclettes (2010-7 et 8) à hauteur des pieds, l’une avait glissé sous le pied gauche. À Londres, de nombreuses bouclettes en fer, parfois étamées, ont été observées sur des restes de 1726 Sfligiotti 1990, p. 543. 308 3. Approche croisée du mobilier archéologique chaussures en cuir1727. Les données du corpus et de la bibliographie rassemblée permettent de proposer une datation typologique correspondant aux XIIIe - XVe siècles1728. Type B3 : Boucle circulaire ou ovale unie, en alliage cuivreux (fig. 136 à 138) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 1107, remplissage de fosse des XIVe - XVIe siècles ; n° 1130, ossuaire des XIIIe - XIVe siècles ; n° 1135, remplissage de caveau des XIIIe - XIVe siècles ; n° 678, comblement de fosse, XIVe - XVIe siècle ; n° 1198, H.S. Bouches-du-Rhône  Musée Granet, Aix-en-Provence : n° 1, comblement de petite fosse dépotoir de la seconde moitié du XVIe siècle.  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL XX-36, remblai du XVIIIe siècle.  Nécropole de Saint-Honorat, Arles : n° 13 et 14, même couche d’ossements de caveau des XIVe - XVIe siècles.  Site inconnu, Arles : FAN 92.00.2269, H.S. 1727 Grew et De Neergaard 2001², fig. 110, n° c ; Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 60-63. France, Ariège : deux bouclettes, d = 1,2 et 1,3 cm, contexte inconnu, château de Montségur (Czeski 1981, p. 198). Côte d’Or : un exemplaire, d = 1,5 cm, sol de l’étage d’une maison au moment de sa destruction, occupation XIIIe - début XVe siècle, Dracy, Baubigny (Piponnier 1975a, p. 78). Italie, province d’Arezzo : seize individus, d = 1,5 cm pour quatre d’entre eux, fin XIVe - milieu XVe siècle, quatre objets de niveaux postérieurs, Rocca Ricciarda, Loro Ciuffana (Lucarini 2009, p. 285, fig. LXVII) ; province de Coni : un artefact, d = 1,3 cm, datation inconnue, château de Montaldo di Mondovì (Cortelazo et Lebole di Gangi 1991, p. 223) ; province de Grosseto : trente-trois bouclettes, d = 1,2 et 1,4 et 1,4 cm pour trois spécimens, dépotoir, XIVe siècle, Castel di Pietra, Gavorrano (Belli 2002, p. 151) ; province La Spezia : un exemplaire, d = 1,4 cm, fin XIIe - début XIVe siècle, Monte Zignago, Zignago (Giardi 1985, p. 230) ; province de Pistoia : une bouclette, d = 1,5 cm, fin XIVe milieu XIXe siècle, un artefact, d = 1,4 cm, fin XIVe - milieu XVIe siècle, Palais des Vescovi, Pistoia (Vannini 1985, p. 657, n° 3743 et 3762) ; province de Pordenone : une pièce complète, d = 1,3 cm, castello, Montereale Valcellina (Piuzzi 1987, p. 146, n° 30) ; province de Udine : trois individus, d = env. 1,4 cm ?, second Moyen Âge, datation inconnue, Castello di Zuccola, Cividale del Friuli (Favia 1992, p. 270). Royaume-Uni, Buckinghamshire : un spécimen, d = 1,4 cm, sol pavé d’un bâtiment, seconde moitié XIIIe siècle - deuxième moitié XVe siècle, Woughton village, Milton Keynes (Woodfield et al. 1994, p. 131, n° 6) ; Londres : nombreux exemplaires parfois étamés mesurant entre 1 et 1,6 cm de diamètre, datations comprises entre vers 1270 - vers 1350 et vers 1400 - vers 1450 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 59-63 ; Somerset : une bouclette, d = 1,4 cm, remblai postérieur à la fin du XVIIe siècle, présence d’une occupation du second Moyen Âge antérieurement, Chantry Priests’ House, Farleigh, Hungerford Castle (Miles et Saunders 1975, p. 194, fig. 75, n° 91) ; Yorkshire du Nord : quatre artefacts, tous de d = 1,5 cm, occupation, seconde moitié XVe - première moitié XVIe siècle, un spécimen au cadre ouvert, d = 1,5 cm, phase d’abandon et de récupération de matériaux, première moitié XVIe - XXe siècle, habitat médiéval de Wharram (Goodall et Ellis 1979, p. 121). 1728 309 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Alcazar, Marseille : n° 94, niveau d’incendie du milieu du XIVe siècle.  Collège Vieux-Port, Marseille : n° 2, moderne.  Place du Général de Gaulle, Marseille : n° 131, vers 1290 - 1320. Gard  Cloître, Saint-Gilles-du-Gard : n° 2010-5 et 2010-9, sur deux squelettes masculins du XIIe - milieu XVIIe siècle. Var  Bagatelle/Abreuvoir Saint-Michel, Châteauvert : n° 16, sépulture d’homme adulte, fin XIIe - XIVe siècle.  La Gayole, La Celle : n° 1 à 3, sépultures découvertes fortuitement, XIVe siècle ?  Castrum de Sainte-Madeleine, La Môle : n° 2, second tiers du XIVe - au plus tard 1400.  Castrum de Marsens, Le Muy : n° 10, couche de destruction de fin XIVe - début XVe siècle ; n° 25, déblais du cimetière du XIIIe - début XVe siècle.  Château, Ollioules : n° 2, couche de la seconde moitié du XIIIe siècle.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 37, comblement de dépression, ardillon n° 840, décombres, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 8, couche d’occupation, n° 58, sol de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 1984, sol de bâtiment, n° 2221, couche de dépotoir, vers 1370/1375 - vers 1415/1420.  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : 93-42, 94-251, 96-30, contexte perdu. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1129, premier tiers du XIVe siècle ; n° 1132 et 1133, seconde moitié du XIVe siècle ; n° 1130, datation inconnue ; n° 1134, H.S.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1595, dépotoir daté vers 1350 - vers 1365 ; n° 1223, H.S.  Rue Banasterie, Avignon : n° 112 et 512, contexte de datation inconnue.  Rue Carreterie, Avignon : n° 296 à 298, contexte de datation inconnue. Ces boucles circulaires ou légèrement ovales, au cadre circulaire ou ovale, semblent pour leur majeure partie avoir été obtenues par la fonte. Un artefact avignonnais présente bien deux extrémités disjointes, mais elles résultent d’une cassure du cadre (fig. 136, n° 1). À l’exception d’un exemplaire dont la tige devient concave à l’endroit de la zone de repos de 310 3. Approche croisée du mobilier archéologique la traverse distale (fig. 137, n° 4), les ardillons n’offrent pas de spécificités particulières : la plupart ont été confectionnés dans une tôle épaisse, mais quelques exemplaires sont de section circulaire ou ovale. Ils sont en alliage cuivreux et, pour quatre spécimens, en fer (fig. 136, n° 9 ; fig. 137, n° 3)1729. Des ardillons en fer sur un cadre en alliage à base de cuivre sont signalés pour une boucle ovale issue de la très courte occupation du site de la Maison forte de Naux (dernier tiers du XIVe siècle) à Colayrac-Saint-Cirq dans le Lot-et-Garonne1730, pour deux boucles circulaires imprégnée de textile provenant d’une couche de dépotoir de la deuxième moitié du XVIe siècle dans des latrines au château de Blandy-les-Tours en Seine-etMarne1731 et pour une boucle circulaire du castello di Monte Copiolo (XIIe - XVIe siècles) à Montecopiolo dans la province de Pesaro et Urbino en Italie1732. Sur un peu moins de la moitié des boucles du corpus, l’ardillon porte un décor inscrit à la jonction entre le corps et le nœud, au début du nœud ou dans un cas un peu avant sa pointe (fig. 137, n° 6). L’ornementation consiste en une ou plusieurs lignes incisées (fig. 137, n° 1, 2, 5 et 6) ou bien en des cannelures en relief positif (fig. 137, n° 7). Pour ce dernier objet, un gradin marque le début de la courbure du nœud de l’ardillon. Un groupe de boucles arbore sur son ardillon une croix de saint André. Elle peut être gravée sur une protubérance quadrangulaire (fig. 138, n° 2), incisée et entourée par deux points obtenus au poinçon et deux encoches triangulaires, le tout encadré par des lignes incisées (fig. 138, n° 8 et 9), agrémentée de deux ou quatre points, le motif entier étant réalisé avec un seul poinçon de forme adaptée (fig. 138, n° 1, 4 à 7 ; fig. 134, B). Alors que la plupart des autres motifs décoratifs constatés sur les ardillons se rencontrent sur toutes sortes de boucles – leur étude est, de fait, reportée dans le sous-chapitre sur les ardillons –, la croix de saint André complétée ou non par des points est, pour la période d’étude, une ornementation spécifique aux boucles circulaires en alliage cuivreux dans l’arc méditerranéen. Auparavant, ce motif encadré de lignes transversales apparaît sur l’ardillon d’une boucle découverte dans une sépulture mérovingienne d’un cimetière à Lunel-Viel dans l’Hérault1733. Dans l’église Saint-Michel de Trino dans la province de Verceil dans le nord-ouest de l’Italie, la croix est garnie de quatre points ou encoches jouant le rôle de points et limitée par deux 1729 Il faut y ajouter le n° 37 (vers 1309/1315 - vers 1345) du site du Castrum de Rougiers et le n° 16 (fin XIIe - XIVe siècle) du site de l’Abreuvoir Saint-Michel à Châteauvert. 1730 L x l = 1,75 x 2,35 cm (Ballarin et al. 2007, p. 133). 1731 d = 2,4 et 3,2 cm (Coste 2006a, p. 120, pl. 75, n° 8 et 13). 1732 d = 2,95 cm, (Ermeti et al. 2008, p. 165). 1733 Stutz 2003, p. 38, pl. 7, n° 167. 311 3. Approche croisée du mobilier archéologique traits. La boucle appartient à une sépulture datée de la fin du Xe siècle ou du XIe siècle1734. En Corse, dans le village médiéval de l’Ortolo, daté entre la fin du XIIIe siècle et le début du XVIe siècle, un ardillon isolé arbore une croix de saint André assez grossière gravée entre deux lignes1735. Sur le site de Monte Zigagno à Zigagno dans la province de La Spezia, les fouilles ont mis au jour un fragment d’ardillon avec une croix et deux points imprimés encadrés par des lignes incisées1736. Dans le corpus, les boucles de Notre-Dame-du-Bourg de Digne (fig. 138, n° 8 et 9) proviennent d’une couche de caveau des XIVe - XVe siècles et l’exemplaire de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (fig. 138, n° 2) est issu d’un contexte du site du baptistère, sans doute une sépulture ou un remblai de zone funéraire. D’autres boucles du corpus avec un ardillon simple ou décoré ont été répertoriées en contexte funéraire. C’est le cas d’une boucle (n° 16) à l’ardillon en fer sans ornementation découvert dans une sépulture du site de l’Abreuvoir Saint-Michel à Châteauvert, d’un exemplaire provenant de déblais du cimetière du Castrum de Marsens au Muy (fig. 136, n° 3). Deux autres boucles en alliage cuivreux en connexion partielle (n° 13 et 14) ont été retrouvées à hauteur d’un bassin dans un caveau de la nécropole de Saint-Honorat à Arles. Elles devaient fermer une ceinture tout comme deux autres spécimens découverts en association avec des anneaux en alliage cuivreux de type A3 dans deux inhumations en coffre d’hommes adultes âgés entre 30 et 50 ans sur le site du cloître de Saint-Gilles-du-Gard (XIIe - milieu XVIIe siècle). Dans une première sépulture l’anneau (2010-1) a été retrouvé à hauteur du col du fémur gauche et la boucle dans l’espace inter fémoral (2010-9) avec une « lame en fer »1737. Du même contexte provient une pierre à aiguiser dont la position n’est pas connue. Dans la deuxième sépulture, la boucle (2010-5) est disposée sur le côté droit du bassin et l’anneau (2010-6) sur le côté gauche de celui-ci. Une coquille Saint-Jacques (2010-74) est signalée sous le coude droit. La boucle assurait sans doute la fermeture de la ceinture alors que l’anneau permettait peut-être la suspension d’objets à la ceinture. Ces deux sépultures ont déjà été évoquées lors de l’étude des anneaux du type A3. Cette proportion, particulièrement notable, de boucles découvertes en contexte funéraire mérite d’être signalée. Le même phénomène s’observe dans la bibliographie. Dans une sépulture des IXe - Xe siècles dans l’église Saint-Simon de Vodnjan dans le comitat d’Istrie en Croatie, deux boucles 1734 d boucle = 5,1 cm, L ardillon = 4,8 cm (Lebole di Gangi 1989, p. 143 ; Lebole di Gangi 1999, p. 409). 1735 Comiti 1996, p 4. 1736 Gambaro 1990, p. 404. 1737 Cet objet n’a pas été retrouvé lors de l’étude du mobilier. 312 3. Approche croisée du mobilier archéologique étaient situées de part et d’autres des hanches1738. D’autres exemplaires ont été retrouvés dans une sépulture des XIIIe - XIVe siècles du cimetière de l’église de Rigny-Ussé en Indre-etLoire1739, deux avec des restes de cuir dans le cimetière médiéval et moderne de l’église de Saint-Hilaire-sur-Moivre à Le Fresne-sur-Moivre dans la Marne1740, deux parmi des sépultures médiévales et modernes dans l’église Saint-Georges d’Hermance dans le canton de Genève en Suisse1741, deux autres dans un ossuaire (début XVe - fin XVIIIe siècle) de l’église Santa Maria del Mastro à Gerace dans la province de Reggio Calabria en Italie1742. Dans la cathédrale Santa Reparata de Florence, une tombe du second tiers du XIVe siècle a livré quatre boucles circulaires en alliage cuivreux et deux anneaux de type A3. À l’une de ces boucles et à l’un de ces anneaux est encore attaché un fragment de lanière de cuir1743. Les anneaux sont de même dimension et les boucles fonctionnent par deux. Le positionnement de ces artefacts les uns par rapport aux autres n’étant pas connu, il est bien difficile de reconstituer l’emploi de ces objets. Deux boucles circulaires ont été relevées dans la sépulture de l’évêque Otton II mort en 1406 et inhumé habillé dans la cathédrale Saint-Petri-Dom à Brême. Disposées à hauteur du bassin, elles appartenaient vraisemblablement à une ceinture1744. La localisation est identique pour une pièce relevée sur le bassin d’une femme de 30 à 35 ans enterrée dans la première moitié ou le milieu du XIVe siècle sur le site d’Austin Friars à Leicester au Royaume-Uni1745. Il est notable que dans une grande part de ces sépultures, il ait été retrouvé plusieurs boucles de dimensions similaires. Nos réflexions sur les assemblages d’anneaux et boucles dans les sépultures ayant été exprimées lors de la discussion relative au type A3, elles ne seront pas répétées ici. Les boucles circulaires en alliage cuivreux, totalement indatables du point de vue typologique, sont absentes du corpus des objets mérovingiens dans la moitié sud de la Gaule de F. Stutz1746 qui est en très grande partie fondé sur le résultat des fouilles de sépultures. Ce constat associé aux recherches bibliographiques pour cette période confirme une disparition presque totale de ces objets en contexte funéraire. Les boucles en alliage cuivreux sont également absentes des sépultures modernes et contemporaines provençales telles que celles 1738 d = 4,5 et 4,8 cm (Terrier et al. 2008, p. 233). Un seul objet dessiné, d = 3,75 cm (Poirot et al. 1992, p. 159, n° 134). 1740 d = 4 et 4,1 cm (Lusse et al. 1997, p. 86, fig. 28, c et f). 1741 d = 4 et 4 cm (Bonnet 1973, p. 90 ; n° 13 et 21). 1742 d = 3,6 et 3,75 cm (Lebole di Gangi 1993, p. 48). 1743 Anneaux : d = 2,6 cm ; Boucle : d = 4,6 et 3,6 cm (Buerger 1975, p. 208). 1744 d = 2,5 et 2,6 cm (Brandt 1976, fig. 15, n° 2 et 3). 1745 d = 2,55/2,9 cm, (Clay 1981, n° 24). 1746 Stutz 2003. 1739 313 3. Approche croisée du mobilier archéologique fouillées dans la cathédrale Notre-Dame-du-Bourg de Digne, sur le site des Thermes à Aixen-Provence, ou dans le carré Saint-Jacques à La Ciotat1747, ou bien encore dans la bibliographie de comparaison rassemblée. Les boucles circulaires en alliage de base cuivre sont donc attestées dans les sépultures et, par extension dans le costume des vivants, la plupart du temps pour la ceinture, entre le Xe et le XVe siècle. Type B4 : Boucle circulaire ou ovale unie, en fer (fig. 139) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 322, à hauteur de la taille d’un squelette d’adulte inhumé au XVIIe siècle ou XVIIIe siècle ; n° 379, dans une sépulture d’adulte du XVIIe ou XVIIIe siècle. Bouches-du-Rhône  Castrum de Montpaon, Fontvieille : n° L3/11 et L3/12, H.S.  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : B4600923, couche de destruction postérieure au milieu du XIVe siècle. Gard  Maison des Chevaliers, Pont-Saint-Esprit : n° 61, remblai de fin première moitié XIVe siècle ; n° 60, remblai du XVe siècle.  Cloître, Saint-Gilles-du-Gard : n° 2010-32, comblement de fosse, XIIe - milieu XVIIe siècle. Var  La Gayole, La Celle : n° 5, couche du XIe - XIIe siècle ; n° 4, près d’une sépulture d’adulte de fin XIIIe - milieu XIVe siècle.  Castrum de Sainte-Madeleine, La Môle : n° 3, second tiers su XIVe siècle - au plus tard 1400.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3782, sol de bâtiment, milieu XIIIe - vers 1285 ; n° 1538, sol de bâtiment, n° 2374, couche de dépotoir, n° 3370, niveau d’occupation, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 1354 et 1355, sol de bâtiment, n° 2255, couche de dépotoir, vers 1370/1375 - vers 1415/1420.  1747 Cour de Justice, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 96-491, contexte inconnu. Richier (dir.) 2011. 314 3. Approche croisée du mobilier archéologique Vaucluse  Prieuré Saint-Symphorien, Bonnieux : n° 3, première moitié du XIVe siècle.  Petit Palais, Avignon : n° 2781, couche de dépotoir datée vers 1365 - vers 1400.  Rue Banasterie, Avignon : n° 536, contexte inconnu. Les boucles circulaires ou ovales en fer sont des objets qui ne peuvent être datés du point de vue typologique. Les cadres des exemplaires du corpus sont de section circulaire, quadrangulaire ou quadrangulaire aux angles arrondis. Un unique ardillon est décoré d’une ligne bombée à la jonction entre le nœud et la tige (fig. 139, n° 1). Un autre a été confectionné avec un fragment de tôle qui n’était vraisemblablement pas prévu à cet effet (fig. 139, n° 5). Aucune des boucles du corpus n’a conservé de chape. Un tel élément, à l’état fragmentaire, s’observe semble-t-il sur un spécimen mis au jour au castrum d’Andone (vers 936 - vers 1028) à Villejoubert en Charente1748. La chape est de type A2a sur des boucles ovales trouvées dans un remblai du XIe siècle et un dépotoir du dernier quart XVe - premier quart XVIe siècle dans le château de Tours en Indre-et-Loire1749. Il est possible que les pièces tardives soient résiduelles. La chape est de type A1a pour une boucle issue d’un niveau du XIIe ou XIIIe siècle de l’opération archéologique menée 16-22 Coppergate à York1750. G. Egan et F. Pritchard proposent que des boucles en fer de type B4 aient été utilisées pour la fermeture des chaussures, mais cela n’est pas prouvé par des découvertes archéologiques1751. Un emploi dans le costume est cependant illustré par l’archéologie. Une boucle du corpus fut localisée près d’une sépulture d’adulte de fin XIIIe - milieu XIVe siècle sur le site de La Gayole à La Celle. Deux autres furent retrouvées dans des sépultures du XVIIe siècle ou du XVIIIe siècle de la cathédrale Notre-Dame-du-Bourg de Digne et l’une d’elle était disposée à hauteur de la taille d’un adulte. En Isère, une boucle en fer provient d’une inhumation de la deuxième moitié du XIIe siècle ou du début du XIIIe siècle dans l’église Saint-Laurent de Grenoble1752. À Le Fresne-sur-Moivre dans la Marne, l’église du village déserté de Saint-Hilaire-sur-Moivre a livré une boucle en fer recouverte de 1748 Boucle : l x l = 2,1/2,3 cm (Bourgeois 2009, p. 235, n° 1670) Boucle complète avec chape, Boucle : L x l = 3,8 x 6 cm, Chape : L x l = 3,8 x 3,4 cm, remblai du e XI siècle ; boucle complète avec chape, Boucle : L x l = 3 x 4,9 cm, Chape : L x l = 3,3 x 2,7 cm, remblai du XIe siècle ; boucles complètes avec chape, Boucle : L x l = 1,1 x 1,75 cm et 1,25 x 2,7 cm, Chape : L x l = 1,2 x 1,15 et 1,6 x 1,45 cm, dépotoir, dernier quart XVe - premier quart XVIe siècle (Motteau (dir.) 1991, n° 89, 90, 95, 96). 1750 Boucle : L x l = 2,5 x 1,4 cm ; Chape : L x l = 4,7 x 2 cm (Ottaway et Rogers 2002, n° 12659). 1751 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 61-62, n° 90-98, 111-112. 1752 d = 3,6 cm (Colardelle 1999, t. 2, p. 17 ; Colardelle 2008, p. 287). 1749 315 3. Approche croisée du mobilier archéologique fragments textiles disposée sur les épiphyses proximales des fémurs dans une sépulture datée par C14 entre 971 et 10231753. Cette boucle peut provenir d’une ceinture de même qu’un autre exemplaire avec deux anneaux en fer dans la zone du bassin d’un défunt enseveli au XIIIe siècle ou au XIVe siècle1754 dans le cimetière Saint-Martin-des-Champs à Bourges dans le Cher, ou des spécimens recueillis sur le bassin de trois sujets enterrés à une date inconnue dans l’église Saint-Georges d’Hermance dans le canton de Genève1755. Sur ce même site, une tombe a révélé la présence d’un anneau en fer à hauteur du bassin et deux boucles circulaires en fer en position inconnue1756. À Tournai dans la province du Hainaut en Belgique, une sépulture des XVe - XVIe siècles à l’emplacement d’une ancienne église sous la place SaintPierre comportait deux boucles de type B4, une boucle de type D2 et des appliques des types G et M11757. Outre-manche, sur le site d’Austin Friars à Leicester, une pièce corrodée fut relevée sur le bassin d’un homme de 35-45 ans décédé dans la première moitié ou le milieu du XIVe siècle1758. Sur le site d’une villa romaine à Ovindoli dans la province de L’Aquila en Italie, un spécimen a été trouvé avec une boucle quadrangulaire à traverse distale élargie (type J2) sur le bassin d’un corps qui pourrait avoir été enterré aux XIVe - XVe siècles1759. Toujours dans cette province, sur le site de Piana San Marco à Castel del Monte, la fouille de deux sépultures a fourni pour chacune une boucle1760. En Reggio Calabria, une boucle en fer est issue d’un ossuaire qui a fonctionné entre le début du XVe siècle et la fin du XVIIIe siècle dans l’église Santa Maria del Mastro à Gerace1761. Plus à l’est, en Croatie, dans le cimetière du second Moyen Âge et d’époque moderne de Saint-Saviour à Vrh Rika dans le comitat de Split-Dalmatie, une ou deux boucles furent répertoriées au sein de plusieurs sépultures1762. Deux tombes contenaient deux boucles en fer de dimensions similaires1763, deux autres, un anneau circulaire en alliage cuivreux ou en fer et une boucle en fer1764, et une cinquième tombe, une probable petite boucle en fer et deux anneaux en alliage cuivreux de 1753 d = 4,3 cm (Lusse et al. 1997, p. 46-47). Boucle : d = 2,8 cm ; Anneaux : d = 3,7 et 4,2 cm (Maçon et al. 2010, p. 68). 1755 d = 2,4 cm, 5,5 cm et 6 cm (Bonnet 1973, p. 92, n° 84, 104 et 105). 1756 Anneau : d = 3,3 cm ; boucles : d = 5 et 5,1 cm (Ibid. 1973, p. 91-92, n° 83). 1757 Boucles de type B4 : d = 6 cm (Verslype 1999a, p. 177, n° 2 à 4). 1758 d = 3,4/3,6 cm (Clay 1981, n° 65). 1759 d = 5,1 cm (Redi et Malandra 2003, p. 399, fig. 6, n° 1). 1760 d = 2,5 et 3,5 cm (Redi et Iovenitti 2006, p. 319). 1761 d = 4,05/4,2 cm (Lebole di Gangi 1993, p. 468). 1762 Petrinec 1996, p. 50, 51, etc. 1763 d = 3,3 cm et 3,4 cm (Ibid., p. 60-63). 1764 Anneaux : d = 3,3 cm ; Boucle : 2,8 cm et 3 cm (Ibid., p. 44, 80). 1754 316 3. Approche croisée du mobilier archéologique dimensions analogues1765. Cette énumération illustre que de nombreuses sépultures contiennent plusieurs boucles parfois de dimensions similaires et atteste de plusieurs cas d’associations de boucles et d’anneaux : ce fait s’observe également pour les types A3, A4 et B3. On se reportera au type A3 pour nos commentaires sur les assemblages d’anneaux et boucles en contexte sépulcral. Type B5 : Boucle circulaire ou ovale unie, en matériau blanc (fig. 140, n° 1 à 4) Alpes-de-Haute-Provence  Église du hameau de Villevieille, Ganagobie : n° 1, remblai moderne constitué à partir des niveaux bouleversés des XIIIe - XVe siècles. Bouches-du-Rhône  Castrum de Notre-Dame du Château, Allauch : n° 1, XIIIe - XVIe siècles.  Castrum de Montpaon, Fontvieille : L3/24 et L13/37, H.S. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 326, sol d’occupation, vers 1345 - vers 1360 ; n° 2569, sol de zone de circulation, vers 1360 - vers 1370/1375. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 286, contexte du deuxième tiers du XIVe siècle ; n° 492, contexte de la seconde moitié du XIVe siècle ? Les boucles provençales en matériau blanc sont circulaires ou légèrement ovales, avec un cadre de section circulaire ou ovale. Elles mesurent entre 1,3 et 1,5 cm de diamètre et conservent ou présentent la trace d’un ardillon en fer sous la forme d’un fil. Certaines furent employées pour la fixation des chaussures1766. Dans la bibliographie, la plupart des boucles du type B5 sont de petite dimension. Elles comportent ou ont très certainement comporté un ardillon en fer. Trois exemplaires circulaires ont été retrouvés au château de Montségur (N.D.S.) en Ariège1767, une cinquantaine appartient à des contextes londoniens du XIVe siècle à la première moitié du 1765 Boucle : dimensions inconnues ; Anneaux : d = 3,3 et 3,4 cm (Petrinec 1996, p. 84). Grew et De Neergaard 2001², fig. 110, n° a et b. 1767 d = 1,5 cm, 1,6 et 1,85 cm (Czeski 1981, p. 198, n° 79/67 et 48/67). 1766 317 3. Approche croisée du mobilier archéologique XVIe siècle1768. Un individu fragmentaire provient d’un niveau de la seconde moitié du XVIe siècle de la fouille réalisée 46-54 Fishergate à York1769. Une boucle de bien plus grand diamètre – environ 3,2 cm – fut ramassée hors stratigraphie dans le village médiéval de Goltho dans le Lincolnshire. Elle conserve des traces d’oxyde de fer à l’emplacement de l’ardillon disparu1770. Un sous-type absent du corpus se caractérise par une forme ovale très allongée que l’ardillon en fer traverse dans sa plus grande dimension : il est relevé au château de Montségur1771 et dans un contexte de la première moitié du XVe siècle à Wharram dans le Yorkshire du Nord1772.La datation typologique proposée pour les boucles de type B5 s’étend du milieu du XIVe siècle à la première moitié du XVIe siècle. Type B6 : Boucle circulaire ou ovale, en matière dure d’origine animale (fig. 140, n° 5)1773 Vaucluse  Petit Palais, Avignon : n° 389, couche de dépotoir vers 1365 - vers 1400. Cette unique boucle en os au cadre de section ovale, obtenue par tournage depuis les deux faces principales, conserve un ardillon en fer, très oxydé, dont la pointe venait se loger dans une incision en V. Il est possible que le nœud de l’ardillon soit logé dans une encoche du cadre afin d’être immobilisé à l’opposé de la réception de la pointe, mais l’oxydation ne permet pas de le vérifier. Une bouclette en os de 1,9 cm de diamètre, au cadre de section ovale, avec un fragment d’ardillon en fer (N.D.S.), a été découverte au château du Vieux Wartburg dans le canton d’Aargau en Suisse1774. 1768 Nombreux artefacts entre 1,35 et 1,6 cm de diamètre (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 62-63) ; Boucle complète, d = 1,5 cm ; artefact complet, L x l = 1,5 x 1,4 cm, l’un des objets est en position résiduelle dans un niveau de la deuxième moitié du XVIIe siècle (Egan 2005, p. 34, n° 71 et 75). 1769 Pièce incomplète, d = 1,7 cm (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, fig. 1465, n° 15281). 1770 Objet incomplet (Goodall et al. 1975, p. 96, fig. 45, n° 42). 1771 Artefact complet, L x l = 1 x 1,9 cm (Czeski 1981, p. 198, n° 29/67). 1772 Objet complet, L x l = 1 x 1,9 cm (Goodall 1979b, p. 115, n° 17). 1773 L’analyse technique de ces objets a été réalisée par M.-A. Chazottes, doctorante au LA3M. À paraître dans Chazottes et Thuaudet 2015. 1774 Meyer 1974, p. 100, n° E 3. 318 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type B7 : Boucle circulaire ou ovale, à encoche pour la pointe de l’ardillon (fig. 140, n° 6 et 7) Bouches-du-Rhône  Place du Général de Gaulle, Marseille : n° 162, vers 1320 - vers 1360. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 111, foyer, vers 1345 - vers 1360. La seule caractéristique particulière du cadre de ces deux boucles est la présence d’une encoche ou dépression marquant le point de réception de la pointe de l’ardillon. Un artefact est en fer (fig. 140, n° 6), l’autre en alliage cuivreux (fig. 140, n° 7). Ce type de boucle se rencontre au château de Peyrepertuse (N.D.S.) dans la commune de Duilhac dans l’Aude avec une pièce en alliage cuivreux1775. D’autres exemplaires ont été retrouvés en Italie : un objet en fer au cadre ovale d’un contexte de la fin du XIIIe siècle ou du début du XIVe siècle sur le site de Monte Zigagno à Zigagno dans la province de La Spezia1776 ; un artefact en alliage cuivreux issu d’un niveau de destruction daté de 1338 sur le site de Brucato dans la province de Palerme en Italie1777. Type B8 : Boucle circulaire ou ovale, à moulure(s) en zone distale (fig. 140, n° 8) Gard  Maison des chevaliers, Pont-Saint-Esprit : n° 64, remblai du XIVe siècle. Cette boucle ovale comporte deux ergots en partie distale qui délimitent une zone au sein de laquelle le bout de l’ardillon en tôle vient se poser. Aucun élément analogue n’a été retrouvé dans la bibliographie étudiée, mais à Londres, une opération archéologique a fourni une boucle circulaire avec un ergot distal en forme de tête animale1778. Elle provient d’une phase datée de la deuxième moitié du XIVe siècle. 1775 d = 3,8 cm (Barrère 2000, p. 222). l x l = 6,6 x 7,3 cm (Giardi 1985, p. 227). 1777 d = 3,6 cm (Pesez (dir.) 1984, p. 534, n° 13.3.36) 1778 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 65, n° 212. 1776 319 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type B9 : Boucle circulaire ou ovale, à affinement progressif du cadre pour le nœud de l’ardillon (fig. 140, n° 9 à 15) Bouches-du-Rhône  Hospice de la Vieille Charité, Marseille : n° 1, remblai du XIVe ou XVe siècle.  Tunnel de la Major, Marseille : n° 41, infiltration d’Époque moderne dans une couche du deuxième quart VIe - fin VIe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1424 et 3617, couches de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 1966, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420 ; n° 1410, N.D.S. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 510, contexte de datation inconnue. Les six boucles de ce type, en fer ou en alliage cuivreux (fig. 140, n° 11 et 12), avec parfois des traces de dorure (fig. 140, n° 12), possèdent un cadre dont l’épaisseur et souvent également la largeur s’amenuise jusque dans la zone d’enroulement de l’ardillon sur la traverse proximale. Une septième boucle en alliage cuivreux (fig. 140, n° 15), déformée, mise au jour dans un niveau du VIe siècle, immédiatement placé au-dessous d’un autre d’Époque moderne, peut très probablement être ajoutée à cet ensemble. L’axe oblique de la section de son cadre par rapport au plan de la boucle1779 la rapproche de quelques exemplaires de type B11 (fig. 141, n° 14 à 17 ; fig. 142, n° 2). Trois objets de Rougiers comportent des particularités de configuration notables : une encoche pour la pointe de l’ardillon (fig. 140, n° 9) éventuellement entourée de dépressions décoratives (fig. 140, n° 10 et 14). Une boucle ovale découverte dans les remblais funéraires (non datés) de l’église Saint-Georges d’Hermance dans le canton de Genève en Suisse1780 appartient à ce type. 1779 Dans la suite du texte, ces traverses seront dites de section oblique pour ne pas complexifier le propos. 1780 L x l = 2,7 x 3,2 cm (Bonnet 1973, p. 91, n° 99). 320 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type B10 : Boucle circulaire ou ovale, à replat pour le nœud de l’ardillon (fig. 141, n° 1 à 4) Bouches-du-Rhône  Avenue Vaudoyer, Marseille : n° 45, remblai du début du XIVe siècle.  Place du Général de Gaulle, Marseille : n° 1070, contexte postérieur à 1370. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 137, sol de circulation extérieure, deuxième quart du XIIIe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1126, H.S. Quatre boucles en alliage cuivreux du corpus comportent un replat, plus ou moins marqué, de la rive externe et très souvent aussi de la rive interne pour délimiter la zone où s’enroule le nœud de l’ardillon. Cette portion peut être moins large et moins épaisse que le reste du cadre. Le replat doit être inférieur à la moitié de la largeur totale de l’artefact. L’objet trouvé sur le site de l’Impasse de l’Oratoire arbore une encoche pour la pointe de l’ardillon, ardillon dont il reste un fragment, et conserve sa chape de type B1b décorée de deux lignes de zigzags (fig. 141, n° 4). Une partie des éléments de comparaison retrouvés dans la bibliographie n’est pas datée par la stratigraphie. Certains spécimens comportent une zone aplatie où le cadre est affiné : c’est le cas d’une boucle en fer qui provient du site du Trou Carol (H.S.) à Montségur en Ariège1781, d’un autre objet en fer ramassé en prospection sur le site de l’Esquerda à Roda de Ter dans la province de Barcelone en Espagne1782, d’un exemplaire en alliage cuivreux issu du château de Montaldo di Mondovì dans la province de Coni en Italie1783. Sur le site d’un village médiéval à Goltho, dans le Lincolnshire au Royaume-Uni, le cadre de la boucle en alliage à base de cuivre retrouvée hors stratigraphie ne présente pas d’angulation marquée pour signaler le replat1784, caractéristique partagée par un objet marseillais (fig. 141, n° 3). Il en est peut-être de même pour une boucle ovale à chape de type A2c mise au jour dans le 1781 L x l = 3,3 x 3,7 cm (Dagain et Laffont 1975, p. 9). L x l = 2,8 x 2,7 cm (Ollich 1976, p. 516 ; Bolos et al. 1981, p. 154, n° 77). 1783 L x l = 3,9 x 4,1 cm Cortelazzo et Lebole di Gangi 1991, p. 223). 1784 Boucle : L x l = 4, 05 x 4,65 cm ; Chape : L mini x l = 6,8 x 0,8 cm (Goodall et al. 1975, p. 91, fig. 43, n° 16). 1782 321 3. Approche croisée du mobilier archéologique dépotoir – XIIe - XIIIe siècle avec traces d’activités ponctuelles ultérieures – du château de Sachuidic dans la commune de Forni di Sopra dans la province d’Udine1785 et pour un exemplaire non daté retrouvé sur le bassin d’un individu dans l’église Saint-Georges d’Hermance dans le canton de Genève en Suisse1786. La chape de type A1a qui recouvre le cadre ne permet pas d’examiner la forme de cette partie de la boucle et les descriptions n’apportent aucune précision. Une boucle en alliage d’étain et de plomb de type B10, avec une encoche distale, a été ramassée hors stratigraphie sur un site londonien1787. Type B11 : Boucle circulaire ou ovale, à retrait localisé du cadre pour le nœud de l’ardillon (fig. 141, n° 5 à 17 et fig. 142, n° 1 à 10) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne : n° 766 A, tranchée de fondation de l’église du XIIIe siècle.  Route nationale 85, Sisteron : n° 2, caveau, remplissage du début du XVe siècle ? Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL XX-197, H.S.  Castrum de Montpaon, Fontvieille : n° L3/13 et L13/33, H.S.  Alcazar, Marseille : n° 100, terres de jardin scellant les structures médiévales.  Îlot 55, Marseille : n° 804, H.S. Var  Sous-ville, Correns : n° 1, H.S.  Abbaye, La Celle : n° 1, remblai, XIIIe - XIVe siècle.  Abbaye, Le Thoronet : n° 1 et 2, remblais après abandon d’un bâtiment, XIVe siècle.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 946, sol de bâtiment, fin XIIe - première moitié XIIIe siècle ; n° 440, sol de zone de circulation, second quart du XIIIe siècle ; n° 357, sol de la chapelle, milieu XIIIe siècle - vers 1285 ; n° 1744, remblai pour l’installation d’un sol, vers 1285 - vers 1309/1315 ; n° 491 et 3446, sols de 1785 L x l = 1,9 x 1,6 cm (Vignola 2008, p. 86, 90, pl. 12, n° 9). Boucle complète avec chape, Boucle : L x l = 1,9 x 2,25 cm, Chape : L x l = 4,5 x 2,1 cm (Bonnet 1973, p. 91, n° 197). 1787 L x l = 3,1 x 2,9 cm, boucle ayant fait l’objet d’une analyse de composition (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 68, n° 269). 1786 322 3. Approche croisée du mobilier archéologique bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 1915 et 2699, sols de bâtiment, n° 2264, couche de dépotoir, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Vaucluse  Rue Carreterie, Avignon : n° 299 à 301, contexte inconnu. Ces boucles en alliage cuivreux ou en fer (fig. 142, n° 8), avec parfois des traces de dorure (fig. 141, n° 8, 16 et 17 ; fig. 142, n° 1 et 10) comportent pour certaines un ardillon ou un reste d’ardillon en fer (fig. 141, n° 11 et 13). Le retrait localisé du cadre peut prendre la forme d’un rétrécissement plus ou moins marqué. Le bord externe du cadre de plusieurs exemplaires s’incurve (fig. 141, n° 5, 6, 8, 9), parfois d’une manière à peine perceptible (fig. 141, n° 7), d’autres présentent une encoche aux angles plus marqués (fig. 141, n° 10 à 13). Quelques spécimens possèdent également, pour la réception du bout de l’ardillon, une encoche (fig. 141, n° 8 à 11, 13) éventuellement encadrée de traits incisés (fig. 141, n° 8). Sur le site de L’Esquerda à Roda de Ter dans la province de Barcelone1788, une prospection a livré une boucle ovale qui offre certaines similitudes avec l’exemplaire décoré de Rougiers (fig. 141, n° 8). Des boucles au cadre rétréci depuis le bord externe ont été découvertes dans un dépotoir de berge des XIIe - XVIe siècles sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher1789, hors stratigraphie sur le site de la maison forte des Armoises à Richardménil en Meurthe-et-Moselle1790. D’autres exemplaires ont été mis au jour en Suisse et en Italie. Ainsi, une sépulture – non datée – de l’église Saint-Georges d’Hermance dans le canton de Genève a livré une boucle plate au cadre de section ovale et à encoche dans la bordure externe du cadre ainsi qu’un anneau circulaire de diamètre identique1791. Dans le hameau de San Giorgio à Brignano-Frascata, dans la province d’Alexandrie en Italie, une boucle en fer ramassée hors contexte comporte un retrait de la rive externe du cadre pour marquer l’emplacement du nœud de l’ardillon1792. Un exemplaire en fer du XIIIe siècle avec un rétrécissement analogue a été retrouvé dans le village minier de Staré Hory à Jihlava dans la région de Vysočina en République Tchèque1793. Un groupe de boucles du corpus aux traverses de section oblique possède un retrait aminci et parfois rétréci (fig. 141, n° 14 à 17 ; fig. 142, n° 1 et 2). Il en est de même pour un 1788 L x l = 2,2 x 2,1 cm (Ollich 1976, p. 508 ; Bolos et al. 1981, p. 149, n° 65). d = 2 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 163, n° 2520) 1790 d = 2,6 cm (Guarascio et Giuliato 2007, p. 173, fig. 114, n° 459-CA-5037). 1791 d = 4,8 cm (Bonnet 1973, p. 71, 90). 1792 d = 5,4 cm (Deodato 1993, fig. 118, n° 11). 1793 Hrubý et Zimola 2008, p. 169. 1789 323 3. Approche croisée du mobilier archéologique ensemble d’exemplaires assez plats au cadre de section quadrangulaire, arrondie ou ovale (fig. 142, n° 3 à 5). Le cadre est dit réduit pour cinq autres boucles du corpus dont une en fer (fig. 142, n° 6 à 10). Des boucles au cadre réduit sont signalées ailleurs en France et au Royaume-Uni1794. Parmi celles-ci, une boucle ovale cuivreuse, présentant une encoche pour la pointe de l’ardillon, provient du comblement d’une sépulture établie entre le XIIe et le XVe siècle dans le cimetière de l’église de Rigny-Ussé en Indre-et-Loire1795. En Isère, dans l’église SaintLaurent de Grenoble, une boucle ovale, à ergot distal et à bord externe parsemé de picots, a été relevée à hauteur du pied gauche d’un corps inhumé entre les environs de 1320 et le premier tiers du XVe siècle1796. Un autre objet, avec une cannelure à la jonction entre le nœud et la tige de l’ardillon, provient du site de Torrs Warren, à Glenluce dans le Wigtownshire1797. Sur le site du château de Rumney dans le South Glamorgan au Royaume-Uni, une boucle au cadre de section circulaire comporte une traverse réduite dont le rétrécissement se fait à partir du bord externe du cadre. Elle est issue d’un contexte daté entre 1270 et vers 12951798. Pour terminer, il convient de mentionner un possible exemplaire de boucle en fer de type B11 ramassé anciennement au château de Montségur1799. Une représentation du saint évêque Augustin peinte dans les années 1470/1475 en Italie (fig. 119) illustre peut-être l’emploi d’un de ces artefacts. La boucle circulaire figurée possède un ardillon pointu dont le nœud, si l’on part du principe que l’artiste a voulu décrire scrupuleusement un objet réel, est nécessairement disposé dans un retrait du cadre. Cependant, rien ne prouve que l’artiste ait eu un tel souci de vraisemblance. Les éléments de datation à disposition conduisent à proposer une datation typologique du type B11 s’étendant entre le début du XIIIe siècle et le début du XVe siècle. 1794 France, Indre-et-Loire : deux boucles complètes, d = 1,6 cm, XIIIe - première moitié XIVe siècle, d = 2,8 cm, remblai, XVe - XVIe siècle, Tours (Motteau (dir.) 1991, n° 102 et 103). Royaume-Uni, Hampshire : pièce complète dorée, d = 1,7 cm, XIVe siècle, Assize Courts South, Winchester (Hinton 1990f, p. 523, n° 1239) ; objet complet au cadre oblique, d = 1,2 cm, XIVe siècle, Brook Street, Winchester (Hinton 1990f, p. 523, n° 1241) ; pièce entière, d = 4,5 cm, travaux dans le cimétière, vers 1885 - 1886, Cathedral Green (Hinton 1990f, p. 524, n° 1250) ; Oxfordshire : artefact complet, d = 2,05 cm, deuxième moitié du XIIIe siècle, château de Deddington (Jope et al. 1959, p. 269, fig. 95, n° 2) ; Yorkshire du Nord : exemplaire entier, d = 4 cm, seconde moitié XIIIe - seconde moitié XIVe siècle, village médiéval de Wharram (Goodall 1979a, p. 108). 1795 L x l = 2,2 x 2,3 cm (Poirot et al. 1992, p. 159). 1796 L x l x e = 4,3 x 3,9 x 0,5 cm (Colardelle 1999, t. 2, p. 34 ; Colardelle 2008, p. 302). 1797 d = 2 cm (Ibid., p. 269, fig. 95, n° 1). 1798 d = 2,5 cm (Lloyd-Fern et Sell 1992, p. 141, fig. 10, n° 19). 1799 L x l = 3,5 x 4 cm (Dagain et Laffont 1975, p. 12, TC/75). 324 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type B12 : Boucle circulaire ou ovale confectionnée avec un fil (fig. 142, n° 11 et 12) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2086, couche de dépotoir, vers 1345 - vers 1360. Vaucluse  Hôtel de Brion, Avignon : n° 1, H.S. Ces deux boucles comportent un cadre confectionné avec un fil dont les extrémités n’ont pas été brasées l’une à l’autre. Le cadre est donc ouvert. Une longue chape recouvre les extrémités du fil. Une perforation circulaire permet le passage d’un ardillon fabriqué luimême avec un fil. La chape de type B2c ou B4b est décorée de zigzags sur ses bords longitudinaux et, en bordure proximale, taillée d’une accolade par limage (fig. 142, n° 12), ou découpée ou limée de façon à obtenir un arc de cercle (fig. 142, n° 11). Elle est le support d’une ou deux appliques embouties de type D2b maintenues par rivetage. Ces rivets fixaient également la chape à l’extrémité de la courroie. Le revers de la chape de l’artefact de Rougiers (fig. 142, n° 12) arbore une découpe de la tôle peu soignée, sans doute parce que cette face n’était pas destinée à être vue. Les bords y sont irréguliers et la largeur moins importante qu’à l’avers. Les bords de la chape de la partie avers et revers ont été limés dans la zone distale pour égaliser la tôle. L’objet varois a été retrouvé dans le même contexte qu’un mordant de type B4 avec une applique de type D2b (fig. 288, n° 16). Une boucle à chape de type A2c trouvée hors stratigraphie place de la Comédie à Metz pourrait appartenir au type B121800. Le mode de confection du cadre n’est toutefois pas précisé. Récupérée au tamisage, elle est attribuée à la deuxième moitié du XVe siècle, ce qui paraît peu probable étant donné les caractéristiques de l’applique de type D2b qui décore la chape. Cet artefact est sans doute attribuable au XIVe siècle. 1800 Boucle complète, Boucle : L x l = 2,55 x 2,9 cm, Chape : L x l = 6,5 x 1,4 cm (Goedert et al. (dir.) 1996, p. 122, n° 176 ; Vivre au Moyen Âge 1998, p. 263). 325 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type C : Anneau ou boucle semi-ovale à cadre régulier (fig. 178 à 183) Les anneaux et boucles au cadre semi-ovale régulier, ne comprenant donc pas d’ergot distal – les ergots proximaux et latéraux étant acceptés –, ne présentant pas d’excroissance décorative, d’élargissement ou d’épaississement notable du cadre se révèlent particulièrement nombreux. Ils comportent très exceptionnellement une réduction localisée au milieu du cadre pour la réception de l’ardillon. Les spécimens à la traverse proximale réduite sont attribuables au haut Moyen Âge. À l’exception des exemplaires comportant des talons, ces objets ne peuvent être classés que selon leur longueur, leur largeur et la zone où s’observe la plus grande largeur de l’anneau ou de la boucle : leur moitié proximale ou leur moitié distale. La ventilation des artefacts sans talons dans la typologie dépend donc de deux données quantitatives et d’une donnée qualitative. La réalisation d’un graphique prenant en compte ces caractéristiques est apparue nécessaire pour aider à l’aménagement des types. Ce travail a été réalisé autant pour les objets du corpus que pour les éléments de comparaison disponibles dans la bibliographie et datés par le contexte archéologique à partir du XIe siècle, début de la période d’étude. Les artefacts de datation stratigraphique antérieure n’ont pas donc été intégrés à ces graphiques. Lorsque les données seront suffisamment nombreuses, il conviendra si nécessaire d’affiner les résultats en fonction de la chronologie et de l’origine géographique des objets référencés. Le traitement statistique des anneaux et boucles sans talons conduit donc à distinguer dans un premier temps les spécimens semi-ovales sans talons selon qu’ils soient outrepassés dans leur moitié proximale (sous-types C1 à C3) ou distale (sous-types C4 à C6). Dans un second temps, les objets ont été classés en fonction du rapport longueur/largeur de leur cadre : une valeur inférieure à 0,70 ou 0,78 pour les sous-types C1 et C4, entre 0,70 ou 0,78 et 1 pour les sous-types C2 et C5, supérieure à 1 pour les sous-types C3 et C6. Par conséquent, certains artefacts du type C3 ont un aspect proche d’objets des groupes C2 et C6 et ceux du type C4 une forme voisine de ceux des groupes C1 et C5, etc. L’accumulation des données et la prise en compte de nouveaux critères tels que des mesures d’angle permettront peut-être dans le futur d’affiner le classement proposé. Les boucles avec talons d’une seule pièce ont été classées dans le sous-type C7 et les exemplaires composites dans le sous-type C8. Ces objets sont généralement de petite taille et de dimensions assez homogènes. La présence de talons a pour conséquence de rendre impossible la présence d’un outrepassement du cadre dans la moitié proximale. Ces 326 3. Approche croisée du mobilier archéologique particularités ont conduit à privilégier un classement à part entière de ces artefacts plutôt qu’un classement en tant que sous-types des groupes C1 à C6. Une difficulté inhérente à la nature des données réside dans la fixation des seuils qui permettent de passer d’une catégorie à une autre. La plupart des anneaux et boucles ont été vraisemblablement réalisés par des artisans spécialisés, à partir d’un gabarit, comme il apparaît dans les lettres de la compagnie Datini, mais ce gabarit n’est sans doute pas défini au millimètre près, surtout pour les objets en fer. En outre, ces modèles ont très certainement varié d’un artisan à l’autre et peut-être plus encore entre les artisans travaillant des alliages cuivreux et ceux travaillant du fer. Le processus de fonte permet une plus grande régularité dans la fabrication des objets en alliage cuivreux. Cependant, il faut aussi compter avec la diversité des approvisionnements et avec la possibilité d’une production ponctuelle et opportuniste pour répondre à un besoin isolé. Définir les seuils entre chaque type n’est donc pas chose aisée et relève actuellement d’une certaine part d’arbitraire. Ainsi, les types C1 à C3 et C4 à C6 sont déterminés en fonction de la zone concernée par la largeur maximale de la boucle : moitié proximale ou moitié distale. Le choix peut se révéler difficile pour quelques exemplaires où la partie centrale est concernée. Pour le rapport longueur/largeur, des limites ont été fixées à 1, à 0,78 et à 0,70. Le seuil de 1 sépare les artefacts plus longs que larges de ceux qui sont plus larges que longs. Le seuil de 0,78 a été mis en place lors de l’élaboration des graphiques des données provençales (fig. 176 et 177) : une distinction semble s’opérer entre les larges anneaux et boucles en fer (type C1b) et ceux un peu moins larges et donc plus petits (type C2b). Cette observation est moins flagrante dans le corpus de comparaison (fig. 177) où s’impose toutefois une forte proportion d’objets avec un rapport aux environs de 0,80. Le graphique des données provençales (fig.176) met également en évidence que pour les objets en alliage cuivreux, la distribution des objets incite plutôt à considérer des limites du rapport longueur/largeur égales à 0,70 et 1. Pour les types C1a, C2a et C5a, il a donc été appliqué une limite de 0,70 et non 0,78. Le graphique concernant les anneaux et boucles du corpus (fig. 176) montre très clairement, sous la forme d’une ligne pointillée – de formule y = -3x + 11,5 – une séparation quasi totale entre les exemplaires en alliage cuivreux (C1a, C2a, C5a) et ceux en fer (C1b, C2b, C3, C4, C5b) pour les types C1 à C5. La limite précédemment évoquée n’est plus aussi apparente avec les objets de la bibliographie (fig. 177). Est-ce la conséquence d’un corpus de comparaison moins homogène géographiquement et chronologiquement que le corpus provençal ? L’effet de source joue indéniablement un rôle important et il convient donc de 327 3. Approche croisée du mobilier archéologique rester très prudent pour l’interprétation de ces résultats. Il s’observe, cependant, pour ces objets de comparaison, que les anneaux et boucles en alliage cuivreux des types C1, C2 et C5 sont presque tous concentrés en-dessous de cette limite. Quant aux objets en fer, ils restent pour la plupart situés au-dessus de cette ligne pointillée. Dans le type C, le fer est de loin le métal le plus courant, mais dans les autres types d’anneaux et boucles à fenêtre semi-ovale, souvent décorés (types D à I), l’alliage cuivreux est un matériau extrêmement majoritaire. Or, ces objets sont usuellement interprétés comme des accessoires du costume et plus particulièrement de la ceinture. Tous ces éléments montrent à l’évidence que des fonctions différentes étaient généralement attribuées aux anneaux et boucles des types C1 à C5 selon leur matériau et que peu d’artefacts en fer étaient utilisés dans le costume. Le constat est à nuancer pour les exemplaires de type C6 étant donné que les quelques spécimens en alliage cuivreux (C6a), relativement regroupés sur les graphiques (fig. 176 et 177), sont bien situés au-dessus de la ligne pointillée. Ceci n’est pas anodin car quelques grandes boucles du type C6 s’observent sur le costume dans l’iconographie (fig. 148, 151 à 154) alors qu’aucune grande boucle des types C1 à C5 n’a pu être relevée. Le fer est toujours majoritaire pour le type C6 mais la possibilité d’un emploi dans le costume semble plus forte pour les pièces dans ce matériau. Au contraire, presque aucun spécimen des types C3 et C4, tous en fer que ce soit dans le corpus provençal ou dans la bibliographie, ne se situe endessous de la ligne pointillée. Des anneaux ou boucles à talons avec ergots proximaux identiques ou comparables aux boucles en alliage cuivreux du castell de Mata (XIIIe - XVe siècles ?) à Mataró1801 dans la province de Barcelone en Espagne ne figurent pas ici. Le corpus provençal ne contient de même aucun spécimen sans talons avec ergots proximaux d’un aspect proche de l’artefact retrouvé au castell del Far (XIIIe - première moitié XVe siècle) à Llinars del Vallès dans la province de Barcelone1802 ou de celui issu d’un contexte de la première moitié du XIIIe siècle du site de la Crypta Balbi à Rome1803. D’autres sous-types sont également absents des fouilles archéologiques provençales : un anneau à encoche distale au cadre régulier fut découvert au château de Montségur (N.D.S.) en Ariège1804, au château de Mataplana (XIe - XVe siècles) à Gombrèn, un anneau à fenêtre semi-ovale en fer possédant une traverse distale mobile a été 1801 Boucles complètes, L x l = 1,45 x 1,95 et 2,25 x 2,6 cm (Bolos et al. 1981, p. 136-137, n° 45 et 46). 1802 Boucle entière, L x l = 1,5 x 2,2 cm (Bolos et al. 1981, p. 112, pl. 3, n° 5 ; Monreal et Barrachina 1983, p. 259, fig. 115, m 1055). 1803 Boucle incomplète, L x l = 1,8 x 2,05 cm (Sfligiotti 1990, p. 543, n° 735). 1804 Objet entier, L x l = 1,9 x 1,7 cm (Sarret 1984, p. 122, n° 13/78). 328 3. Approche croisée du mobilier archéologique répertorié1805. Lors d’une opération archéologique dans la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher, un remblai de construction issu de démolition, de la seconde moitié du XIVe siècle, a fourni un anneau à fenêtre semi-ovale à ergots internes dont la traverse distale comporte en son centre un disque plat transversal à l’axe du cadre1806. L’iconographie foisonne en figuration de boucles à fenêtre semi-ovale mais il est rare de pouvoir les rattacher à un type : parfois, effectivement, l’objet n’est qu’ébauché (fig. 143), parfois, seule une portion du cadre est exposée (ex : fig. 144, 146, 147) et la lanière cache l’autre. Privilégiant le message pictural d’une œuvre, le peintre ou le sculpteur se soucie rarement de représenter les accessoires choisis de façon scrupuleuse. Distinguer, par exemple, si une chape figurée est mobile ou intégrée à la boucle s’avère donc pour le moins ardu (ex : fig. 145, 149, 150). Quelques représentations permettent toutefois un rapprochement avec le mobilier archéologique. Type C1 : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, sans talons, au cadre régulier très large, outrepassé dans la moitié proximale (fig. 178 ; fig. 179, n° 1 à 6) Ces anneaux et boucles sans talons outrepassés dans leur moitié proximale ont été scindés en deux sous-types selon qu’ils sont en alliage cuivreux (sous-type C1a) avec un rapport longueur/largeur inférieur à 0,70 ou en fer (sous-type C1b) avec un rapport longueur/largeur inférieur à 0,78. Type C1a : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale en alliage cuivreux, sans talons, au cadre régulier très large, outrepassé dans la moitié proximale (fig. 178, n° 1 à 3) Bouches-du-Rhône  16 boulevard de la République, Aix-en-Provence : n° 5, comblement de fosse d’Époque moderne.  Place du Général de Gaulle, Marseille : n° 889, contexte daté vers 1230 - vers 1250. 1805 1806 Anneau entier, L x l = 3,5 x 3,5 cm (Marugan et Sancho 1994, p. 81, n° 37). Exemplaire entier, L x l = 2,5 x 2,5 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 124, n° 170). 329 3. Approche croisée du mobilier archéologique Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1092, datation inconnue. Ces anneaux et boucles ont été confectionnés par la fonte. Le cadre très large, au rapport longueur/largeur inférieur à 0,70, est outrepassé dans la moitié proximale. Un exemplaire du corpus comporte une encoche pour réceptionner la pointe de l’ardillon (fig. 178, n° 3), un autre conserve son ardillon (fig. 178, n° 1). La traverse distale d’un anneau s’épaissit légèrement en direction de son centre (fig. 178, n° 2). Au castell del Far à Llinars del Vallès dans la province de Barcelone, une boucle avec ardillon et chape en alliage cuivreux a été retrouvée dans un contexte daté entre le XIIIe siècle et la première moitié du XVe siècle1807. De ce même site est issue également une boucle complète qui ne présente pas de chape1808. À York au Royaume-Uni, un niveau des XIIIe XVIe siècles a fourni un possible anneau fragmentaire de type C1a1809. Dans le Comté du Sussex de l’Est, une boucle avec une chape de type A3f découpée d’une fente pour l’ardillon, perdu, provient du comblement d’une fosse daté vers 1300 sur le site de Welsh croft à Pevensey1810. À Londres, des opérations archéologiques ont mis au jour deux artefacts, l’un de la deuxième moitié du XIVe siècle avec de légers talons internes et une encoche distale, l’autre de la première moitié du siècle suivant1811. Il est difficile de proposer avec les données rassemblées une datation stratigraphique fiable, mais une utilisation durant les deux derniers tiers du XIIIe siècle, le XIVe siècle et le début du XVe siècle paraît assez probable. 1807 Objet complet, Boucle : L x l = 1,4 x 2,7 cm, Chape : L x l = 1,55 x 2,2 cm (Bolos et al. 1981, p. 112, pl. 3, n° 6 ; Monreal et Barrachina 1983, p. 259, fig. 115, m 1056). 1808 Exemplaire complet, L x l = 1,3 x 1,9 cm (Bolos et al. 1981, p. 110, n° 1 ; Monreal et Barrachina 1983, fig. 115, m 1051). 1809 Objet fragmentaire, L x l = 1,5 x 2,85 cm, 46-54 Fishergate, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, fig. 1468, n° 15185). 1810 Artefact entier, Boucle : L x l = 1,7 x 4,1 cm, Chape : L x l = 3,6 x 3,5 cm (Dulley 1967, p. 228, n° 9). 1811 Spécimen entier, L x l = 2,2 x 3,85 cm, deuxième moitié XIVe siècle ; anneau entier, L x l = 2,3 x 3,6 cm, première moitié XVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 90, n° 390 et 393). 330 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type C1b : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale en fer, sans talons, au cadre régulier très large, outrepassé dans la moitié proximale (fig. 178, n° 4 à 13 ; fig. 179, n° 1 à 6) Alpes-de-Haute-Provence  Quartier de la maison Lhere : n° 296, strate du premier quart ou de la première moitié du XIVe siècle. Bouches-du-Rhône  Castrum de Montpaon, Fontvieille : L3/1 à L3/3, L3/5, L6/2, L15/4 à L15/6, L15/28, L15/93, H.S.  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : B460095 et B4601931, sols du XIVe siècle ; B4600930, couche de destruction du XIVe siècle ; B4600924, couche de destruction postérieure au milieu du XIVe siècle.  Chapelle Saint-Martin, Gémenos : n° 3, H.S.  Les Trois Tours, Le Paradou : n° 1 à 6, H.S.  Château des Baux, Les Baux-de-Provence : n° 374 C et D, remblai du XIVe siècle.  Place du Général de Gaulle, Marseille : n° 2392, vers 1320 - vers 1360 ; n° 2050, vers 1360 - vers 1370. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3184, comblement naturel du rocher, milieu XIIIe siècle - vers 1285 ; n° 855, niveau de destruction cendreux, n° 3667 et 3693, sols de bâtiment, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 109, foyer, n° 403, sol de bâtiment, n° 2094 et 3042, couches de dépotoir, vers 1345 - vers 1360 ; n° 2368 et 3325, couches de dépotoir, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 209, 1547 et 1868, sols de bâtiment, n° 2257, 2290 et 2309, couches de dépotoir, vers 1370/1375 - vers 1415/1420 ; n° 1502, N.D.S. Vaucluse  Prieuré Saint-Symphorien, Bonnieux : n° 4 et 5, niveau de la première moitié du XIVe siècle. Ces anneaux et boucles particulièrement larges ont un rapport longueur/largeur inférieur à 0,78. Leur élargissement maximal se mesure dans la moitié proximale du cadre. Ils ont été obtenus à partir d’une tige de fer. Les extrémités de celle-ci n’ont pas toujours été 331 3. Approche croisée du mobilier archéologique soudées l’une à l’autre (fig. 178, n° 7) ou parfois, elles se sont désolidarisées (fig. 178, n° 11)1812 comme pour celle d’un anneau entier provenant du village médiéval corse de l’Ortolo1813. Les ardillons, lorsqu’ils sont conservés, sont de section quadrangulaire. Un artefact du site du Castrum de Montpaon se distingue par la présence d’une tige enroulée autour de la traverse proximale (fig. 179, n° 1). Sa fonction n’a pu être établie. Une boucle de Rougiers (fig. 179, n° 5) possède une dépression pour recevoir le bout de l’ardillon. Des couples d’incisions l’encadrent. Les anneaux et boucles provençaux ne comportent aucun amincissement ou rétrécissement sur la traverse proximale pour signaler la zone sur laquelle était ou aurait pu être disposé un ardillon. De même, aucune chape n’est présente. La bibliographie fournit toutefois des contre-exemples. Lors de fouilles sur le site de la Maison de la Magie à Blois, plusieurs boucles semi-ovales très larges, dont trois avec un passant quadrangulaire en fer superposé (type J1b), conservent une chape en fer de type A2b ou indéterminée qui retient le tout. Elles ont été retrouvées dans des fosses-dépotoir datées de fin VIIIe - première moitié IXe siècle et des IXe - Xe siècles1814. La mise au jour, en Croatie, de sépultures des IXe et Xe siècles ayant livré des boucles de type C2b avec un passant de même configuration permet de proposer une utilisation dans la ceinture1815. Sur le site de Monte Zignago à Zignago dans la province de La Spezia en Italie, une boucle dont l’ardillon a disparu comporte une réduction localisée au milieu du cadre pour recevoir le nœud de l’ardillon1816. Dans la province de Rome, à Allumiere, sur le site de Cencelle, il a été retrouvé dans un niveau daté du début XIVe siècle au milieu du XIVe siècle une boucle à laquelle est rattachée une chape en fer de type A1a découpée d’une fente pour un ardillon manquant1817. Enfin, une boucle complète avec chape en alliage cuivreux de type A2b à deux rivets en fer est issue d’une phase datée vers 1270 - vers 13501818. 1812 Il en est probablement de même pour la boucle n° 5 du site du prieuré Saint-Symphorien de Bonnieux. 1813 Anneau entier, L x l = 1,7 x 2,6 cm, fin XIIIe - début XVIe siècle, village médiéval, Ortolo (Comiti 1996, p. 44). 1814 Qautre boucles complètes ou entières avec chapes dont trois avec passant (Aubourg et Josset 2003, p. 210, n° 117 à 121). 1815 Petrinec 2012, p. 75-76, n° 9 ; p. 81, n° 23 ; p. 85-86, n° 39. Se reporter au type C2b pour plus de précisions. 1816 Anneau entier, L x l = 4 x 7,3 cm, fin XIIIe - début XIVe siècle, Monte Zignago, Zignago (Gambaro 1990, p. 389) ; 1817 Boucle incomplète avec chape, Boucle : L x l = 1,5 x 4,5 cm ; Chape : L x l = 4,5 x 3,7 cm, Cencelle, Allumiere (Bouvet 1999, p. 65, n° 172). 1818 Artefact complet, Boucle : L x l = 3 x 4,2 cm, Chape : L x l = 2,9 x 2, cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 94, n° 422). 332 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les boucles de type C1b, parfois étamées pour les protéger de l’oxydation, sont particulièrement courantes1819. Elles sont usuellement interprétées comme servant pour le 1819 France, Aisne : un artefact complet, L x l = 4,7 x 7 cm, première moitié XVe siècle, La Cologne, Hargicourt (Bayard et Mantel 1989, p. 167) ; Aude : une boucle complète, L x l = 4,3 x 8 cm, datation non précisée, castrum de Cabaret, Lastours (Barrère 1999, p. 839, fig. 9, n° 3) ; Cantal : un anneau entier, L x l = 3,1 x 4 cm, XIe - début XIIIe siècle, Puy de Menoire, Menet (Fournier et al. 2001, p. 98, 99, 100) ; Charente : quatre anneaux et une boucle, L x l = 5,4 x 8,5 cm et 4,2 x 6,1 cm et (boucle) 6,1 x 7,9 cm et 5,8 x 7,8 et 5,9 x 7,4 cm, vers 936 - vers 1028, castrum d’Andone, Villejoubert (Bourgeois 2009, p. 233, n° 1637, 1638, 1640, 1641, 1643) ; Charente-Maritime : un objet incomplet, L x l = 4 x 6,7 cm, dépotoir de la deuxième moitié du XIVe siècle et de la première moitié du XVe siècle, jardins du Carmel, La Rochelle (Berthon (dir.) 2013, p. 65, n° 78) ; Gers : une boucle complète, L x l = 3,8 x 5,1 cm, vers 1170 - vers 1250, Corné, L’Isle-Bouzon (Lassure 1995, p. 537, pl. 415, n° 9) ; HauteSavoie : une boucle complète, L x l = 4 x 7 cm, couche de démolition du début XVIe siècle, château de Vuache, Vulbens (Raynaud 1993, p. 93) ; Hérault : un exemplaire fragmentaire, L x l = 1,6 x env. 2,8 cm, un anneau entier, L x l = 4,4 x 6,1 cm, maison occupée vers 1560 - vers 1580, La Cisterne, Cabrières (Paya 1991, p. 59) ; un anneau entier, L x l = 4,8 x 6,5 cm, N.D.S., La Cisterne, Cabrières (Schneider 1993, p. 57) ; un anneau entier, L x l = 3,7 x 5,1 cm, XIIe - XIVe siècle, castrum de Ventajou, Félines-Minervois (Loppe 2005-2006, p. 333) ; Ille-et-Vilaine : un spécimen complet, L x l = 3,8 x 5,3 cm, niveau d’incendie, fin XIVe - première moitié XVe siècle, Bastion du Solidor, SaintMalo (Langouet (dir.) 1983, p. 126) ; Indre-et-Loire : une boucle complète, L x l = 2,8 x 3,9 cm, N.D.S., Cimetière de l’Église de Rigny, Rigny-Ussé (Poirot et al. 1992, p. 159) ; Isère : une boucle complète, L x l = 3,5 x 4,9 cm, sépulture, XIIIe - XIVe siècle, Brandes-en-Oisans, L’Alpe d’Huez (Bailly-Maître 1983, p. 99-100, n° 104) ; un anneau entier, L x l = 3,8 x 6,9 cm, un objet complet, L x l = 5 x 8,4 cm, première moitié XIe siècle, Colletière, Charavines-les-Bains (Colardelle et Verdle 1993, p. 212) ; Maine-et-Loire : une boucle complète et un anneau entier, L x l = 2,4 x 3,4 cm et 2,2 x 3,7 cm, silos, IXe - Xe siècle, une boucle complète, L x l = 4,1 x 5,7 cm, silo, XIe siècle, Les Murailles, Distré (Legros 2012a, n° 163 à 165) ; Meurthe-et-Moselle : un anneau entier et une boucle incomplète, L x l = 1,5 x 2,2 et 3,2 x 5 cm, démolition et abandon, XVIe - XVIIe siècle, maison forte des Armoises, Richardménil (Guarascio et Giuliato 2007, p. 160, fig. 101, n° 459-CA-5320, 459-CAD034) ; Moselle : un objet fragmentaire, L x l = 2,5 x 5 cm, niveau d’utilisation de caniveau, XIVe siècle, Gungling, Grosbliederstroff (Peytremann et Frauciel 2006, p. 98, fig. 35) ; Pas-de-Calais : une boucle complète, L x l = 2,7 x 3,9 cm, rivière La Ternoise près du château de Grigny (Dilly et al. 1999, p. 121) ; Pyrénées-Orientales : une boucle incomplète, L x l = 6,2 x 9 cm, un anneau entier, L x l = 7,5 x 10,5 cm, habitations, première moitié XIVe siècle, village médiéval, Vilarnau (Passarius et al. 2008, p. 424) ; Tarn : une boucle complète, L x l = 5,6 x 10,2 cm, XIVe siècle, Le Castlar, Durfort (Archéologie 1990, p. 262, n° 573). Italie, province de Livourne : un anneau entier, L x l = 10,7 x 15,8 cm, Forge, fin XIIIe - XIVe siècle, Mont Serra, Rio nell’Elba (Martin 1994, p. 241, fig. 9, n° 6) ; province de Palerme : une pièce entière, L x l = 3,3 x 4,9 cm, sursol de maison du premier tiers du XIVe siècle, village médiéval de Brucato (Pesez (dir.) 1984, p. 534, n° 13.3.29) ; province de Reggio di Calabria : une boucle complète, L x l = 3,8 x 5,8 cm, ossuaire, début XVe - fin XVIIIe siècle, Santa Maria del Mastro, Gerace (Lebole di Gangi 1993, p. 470) ; province de La Spezia : un anneau fragmentaire, L x l = 4,1 x 4,4 cm, datation inconnue, un anneau entier, L x l = 2,7 x 3,6 cm, fin XIIIe début XIVe siècle, Monte Zignago, Zignago (Cabona et al. 1978, pl. XIII, n° 59 ; Giardi 1985, p. 226, n° 11) ; province de Udine : un artefact complet, L x l = 2,3 x 4,1 cm, XVIe siècle mais la céramique est datée entre le XIIIe siècle et le XVe siècle, château de la motte de Savorgnano, Povoletto (Piuzzi et al. 2003, p. 98) ; province de Verceil : un objet entier, L x l = 3 x 6,6 cm, contexte du cloître, première moitié XVe - troisième quart XVe siècle, Monastère de la Visitation, Verceil (Deodato 1996, p. 267). Suisse, canton d’Argovie : deux boucles complètes, L x l = 3,1 x 5,8 cm et 3,7 x 5,3 cm, deux anneaux entiers, L x l = 3,4 x 5,3 et 6,3 x 8,4 cm, occupation du château durant les XIIIe - XIVe siècles et les quinze premières années du quinzième siècle, château du Vieux Wartburg (Meyer 1974, p. 95, n° C 163) ; Royaume-Uni, Aberdeenshire : un anneau entier, L x l = 4 x 6,2 cm, occupation, première moitié XIIIe - milieu/seconde moitié XVe siècle, village médiéval, Rattray (Goodall 1993, 333 3. Approche croisée du mobilier archéologique harnachement des équidés : un mors mis au jour à Londres présente un anneau à chaque extrémité1820 ; un étrier en fer avec sa courroie de suspension en cuir réglée par une boucle de type C1b a été retrouvé dans un niveau du premier tiers du XIIIe siècle sur le site de Billingsgate lorry Park à Londres. La boucle a conservé son ardillon et présente la particularité d’avoir une traverse proximale concave1821. Un musée du comitat de Csongrad en Hongrie conserve un éperon attribué aux XVe - XVIe siècles dont un des œillets est traversé par la chape à crochet de type E d’une boucle en fer1822. Néanmoins, de nombreux spécimens de petites ou moyennes dimensions ont très certainement pu être utilisés dans le costume : un exemplaire clôt le ceinturon de Bolko Ier, duc de Świdnica, sur son monument funéraire (1300 - 1317) actuellement conservé dans le musée des Piast à Krzeszów en Pologne1823. La date d’apparition de ces anneaux et boucles – antiquité romaine ou haut Moyen Âge ? – ne peut être confirmée avec la documentation réunie. Leur emploi perdure encore actuellement. p. 185, fig. 37, n° 139) ; Dumfries and Galloway : une boucle complète, L x l = 2,5 x 3,8 cm, 1000/1050 - 1250/1300, Whithorn et Saint-Ninian (Nicholson 1998b, p. 420, fig. 10.99, n° 44.6), une boucle complète étamée, L x l = 1,6 x 2,6 cm, 1250/1300 - 1600 (Nicholson 1998b, p. 420, fig. 10.99, n° 44.15) ; Lincolnshire : une boucle complète, L x l = 3,2 x 5,2, chemin d’une maison occupée entre la seconde moitié du XIIIe siècle et la première moitié du XIVe siècle, une boucle complète, L x l = 3,6 x 4,7 cm, fossé de bornage, N.D.S., habitat médiéval, Goltho (Goodall et al. 1975, p. 89, fig. 41, n° 115 et 117) ; Londres : Individu complet, L x l = 1,9 x 2,4 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 90, n° 396) ; un objet complet avec traces d’étamage, L x l = 3,8 x 7,3 cm, vers 1270 - vers 1350 un individu entier avec traces d’étamage, L x l = 4,4 x 6,2 cm, deuxième moitié XIVe siècle, une boucle incomplète, L x l = 3,5 x 6,5 cm, deuxième moitié XIVe siècle, un anneau entier avec traces d’étamage, L x l = 3,9 x 6,4 cm, première moitié du XVe siècle, un exemplaire complet, L x l = 4 x 7,6 cm, première moitié du XVe siècle, un spécimen complet avec traces d’étamage, fragment de lanière de cuir, L x l = 4,1 x 7,3 cm, H.S. (Clark 2004, p. 55, 57, n° 17, 18, 19, 21, 22, 23) ; Worcestershire : un anneau entier (L x l = 3,6 x 5,6 cm), XIIe siècle au plus tard, Bordesley abbey, Redditch (Goodall 1993, p. 178, fig. 79, n° IR 283) ; Yorkshire du Nord : un objet complet, L x l = 4,3 x 5,8 cm, XVIIe XVIIIe siècle, un anneau entier, L x l = 3,9 x 5,3 cm, XIIe - XIIIe siècle, 16-22 Coppergate, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, fig. 1468, n° 12662 et 12672). Espagne, province de Barcelone : une boucle complète, L x l = 6,2 x 9,4 cm, cinq anneaux entier, L x l = 4 x 6,1 cm et 6,2 x 9,4 cm et 7 x 9,5 cm et 7 x 10,3 cm [erreur dans le texte] et 7,6 x 11,7 cm, XIIIe - première moitié XVe siècle, Castell del Far, Llinars del Vallès (Bolos et al. 1981, p. 130-134, n° 36 à 40 ; Monreal et Barrachina 1983, p. 271, fig. 129, m 1192) ; une boucle complète, L x l = 6,25 x 8,75 cm, XIVe - XVe siècle, Domus d’Olivet, Canovelles (Pujades et Subiranas 2000, fig. 3). Croatie, Comitat de Split-Dalmatie : un anneau entier, H.S., cimetière du second Moyen Âge et d’époque moderne de Saint Saviour, Vrh Rika (Petrinec 1996, p. 123, n° 106). 1820 Anneaux entiers : L x l = 3 x 5,4 cm (Medieval catalogue 1954, p. 84). 1821 Objet complet, L x l = 2,4 x 3,4 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 93, fig. 58 ; Clark 2004², p. 57, n° 24 ; p. 71, n° 82). 1822 Boucle complète, dimensions approximatives, Boucle : L x l = 2,55 x 4,5 cm ; Chape : L x l = 4,7 x 3,7 cm (Sára 2012, p. 112). 1823 Glosek et Lawrinowicz 2006, p. 150, fig. 2. 334 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type C2 : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, sans talons, au cadre régulier et large, outrepassé dans la moitié proximale (fig. 179) Ces anneaux et boucles sans talons outrepassés dans leur moitié proximale ont été scindés en deux sous-types selon qu’ils sont en alliage cuivreux (sous-type C2a) avec un rapport longueur/largeur compris entre 0,70 et 1 ou en fer (sous-type C2b) avec un rapport longueur/largeur compris entre 0,78 et 1. Ces anneaux et boucles sont indatables typologiquement. La traverse distale des objets de type C2 est généralement bien arrondie mais le milieu de la traverse se révèle relativement anguleux sur quelques spécimens en fer retrouvés dans le Gers, sur le site du village déserté de Corné (vers 1170 - vers 1250) à L’Isle-Bouzon1824. L’angle est fortement marqué sur un objet en alliage cuivreux ramassé au quartier de Bézaudin à Arengosse dans les Landes, artefact dont la traverse distale est gravée de plusieurs ensembles de chevrons imbriqués1825. Son ardillon est également gravé d’une ligne de chevrons et sa chape de type A2a incisée de motifs complexes. Ce sous-type est absent des contextes provençaux pour le moment. Notons la découverte à Londres, dans un contexte de la seconde moitié du XIVe siècle, d’un anneau en alliage d’étain et de plomb avec un probable fragment de chape de type B2a1826. Type C2a : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale en alliage cuivreux, sans talons, au cadre régulier et large, outrepassé dans la moitié proximale (fig. 179, n° 7 à 14) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne : n° 194, tranchée de fondation du XIIIe siècle ; n° 79, remblai d’installation de sépultures des XVIIe et XVIIIe siècles. Var  Place Formigé, Fréjus : n° 7, sépulture établie entre la fin du XIIe siècle et 1748. 1824 Cinq boucles complètes, L x l = 2,9 x 3,4 cm et 3,2 x 3,4 cm et 4,2 x 5,1 cm et 4,4 x 5,1 cm et 5,2 x 5,8 cm (Lassure 1995, p. 537, pl. 425, 1, 2, 6 à 8 ; De Toulouse 1989, p. 268 ; Archéologie 1990, p. 262, n° 569). 1825 Boucle complète, Boucle : L x l = 4,3 x 4,65 cm, Chape : L x l = 3,25 x 2,8 cm (Barrouquère et al. 2003, p. 140, fig. 12, E). 1826 Exemplaire entier, Boucle : L x l = 1,25 x 1,5 cm ; Chape : L x l mini = 2,3 x 1,7 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 94, n° 423). 335 3. Approche croisée du mobilier archéologique Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1098 et 1099, contextes du deuxième tiers du XIVe siècle.  Petit palais, jardin ouest, Avignon : n° 1752, couche de dépotoir vers 1365 - vers 1400.  Place de la Principale, Avignon : n° 1995-38 et 1996-239, contextes de datation inconnue. Ces anneaux ou boucles en alliage cuivreux comportent un cadre régulier et large, étendu dans sa moitié proximale. Deux boucles conservent un ardillon obtenu par martelage (fig. 179, n° 9 et 10), une troisième possède une encoche pour recevoir la pointe d’un ardillon (fig. 179, n° 12). Quelques artefacts au moins attestent d’une fabrication par le martelage d’une tige dont les extrémités furent réunies par brasage (fig. 179, n° 8 à 10). La fonte paraît probable pour les autres objets. Les boucles semi-ovales en alliage cuivreux présentées ici diffèrent de la plupart des boucles semi-ovales reconnues du haut Moyen Âge : ces dernières affichent une réduction très marquée du cadre pour la traverse proximale1827. Quelques rares exemplaires d’époque mérovingienne sont toutefois analogues aux spécimens du corpus1828, mais la plupart sont issus de niveaux du second Moyen Âge1829. Une chape est encore en position sur plusieurs boucles : elle est de type A2b pour un exemplaire mis au jour dans un contexte des XIe - XIIe siècles sur le site de la résidence aristocratique rurale de Montbaron à Levroux dans l’Indre1830. Une boucle incomplète à chape de type A2c provient d’une strate du XVIe siècle du château du Haut-Barr à Saverne dans le 1827 Se reporter par exemple à Stutz 2003, pl. 1 à 7 Voir par exemple Stutz 2003, pl. 7, n° 179. 1829 France, Cher : pièce entière, L x l = 2,1 x 2,9 cm, passe mécanique, XVIe - XVIIIe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2012, p. 118, n° 237) ; Côte d’Or : une boucle complète (L x l = 1,7 x 2 cm), maison occupée entre le XIIIe siècle et le début du XVe siècle, village médiéval de Dracy, Baubigny (Piponnier 1975a, p. 78) ; Isère : un anneau fragmentaire (L x l = 3 x 4,2 cm), Xe - première moitié XIe siècle, Église Saint-Laurent, Grenoble (Colardelle 1999, t. 2, p. 26 ; Colardelle 2008, p. 238). Espagne, province de Barcelone : boucle incomplète, L x l = 2,3 x 2,7 cm, Arc de Triomphe (XIIIe - XVIIIe siècle), Barcelone (Parra Alé 2010a, p. 131, n° 11, second rang à droite). Royaume-Uni, Londres : objet entier avec encoche distale, L x l = 1,5 x 1,7 cm, deuxième moitié du XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 90, n° 388). 1830 Objet complet, Boucle : L x l = 1,25 x 1,75 cm ; Chape : L x l = 2,1 x 1,4 cm (Querrien et Blanchard 2004, p. 123). 1828 336 3. Approche croisée du mobilier archéologique Bas-Rhin1831. À Prague, la fouille d’un niveau d’incendie de 1541 d’une fonderie a fourni un exemplaire à chape de type A2a1832. Sur un très petit spécimen londonien en alliage cuivreux daté vers 1330 - vers 1380, il ne reste qu’un petit fragment de chape de type B sur la traverse proximale1833. L’ardillon a été fabriqué à partir d’un fil. Le cadre de quelques autres artefacts britanniques comportent une encoche distale et éventuellement un ardillon décoré1834. Des exemplaires à la traverse distale ornementée ont été également rencontrés : un spécimen avec des dépressions obliques sur celle-ci a été mis au jour dans un niveau médiéval perturbé sur le site de Walton à Milton Keynes dans le Buckinghamshire1835. Au château du Haut-Barr à Saverne dans le Bas-Rhin, le cadre d’une boucle à chape de type A2c du XVIe siècle a été obtenu avec un fil torsadé1836. Type C2b : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale en fer, sans talons, au cadre régulier et large, outrepassé dans la moitié proximale (fig. 180, n° 1 à 7) Alpes-de-Haute-Provence  La Moutte, Allemagne-en-Provence : n° 45, deuxième moitié Xe - 1105/1110.  Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne : n° 338, caveau des XVIIe - XVIIIe siècles. Bouches-du-Rhône  Castrum de Montpaon, Fontvieille : n° L3/4, H.S.  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : B4600931, sol du XIVe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 757 et 2198, foyers, milieu XIIIe siècle - vers 1285 ; n° 1972, sol de bâtiment, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 1377, N.D.S. 1831 Boucle incomplète avec chape, Boucle : L x l = 1,3 x 1,75 cm, Chape : L x l = 2,15 x 1,05 cm (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 452, n° 3.131) 1832 Boucle complète, Boucle : L x l = 1,7 x 2,4 cm, Chape : L x l = 4,9 x 1,4 cm (Žegklitz et al. 1988a, tabl. 3, n° 4). 1833 Spécimen complet, L x l = 1,3 x 1,5 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 94, n° 420). 1834 Camartenshire : pièce fragmentaire, L x l = 1,7 x 2,05 cm, tranchée de récupération de mur avec de la céramique du XVIIe siècle, abbaye des franciscains, Carmarthen (Brennan 2001, n° 3) ; Londres : boucle complète avec ardillon à cannelure, L x l = 3,3 x 3,9 cm, deuxième moitié XIVe siècle ; individu incomplet, L x l = 2 x 2,7 cm, première moitié XVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 90, n° 391 et 392). 1835 Artefact entier, L x l = 2,8 x 3,2 cm (Goodall et al. 1994, p. 70, fig. 35, n° 1). 1836 Une pièce complète, Boucle : L x l = 1,55 x 2,05 cm, Chape : L x l = 2,9 x 1,25 cm (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 452, n° 3.131). 337 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les boucles de ce type sont relativement courantes. Parmi les exemplaires du corpus, un seul arbore une ornementation formée par un couple de traits incisés placés de part et d’autre de l’encoche distale (fig. 180, n° 7), décoration déjà observée sur une boucle en fer de type C1b (fig. 179, n° 5). Aucun spécimen du corpus ne conserve de traces d’étamage mais il en a été remarqué sur des boucles au Royaume-Uni1837. Une chape en fer de type A1a ou A2a pouvait parfois être attachée au cadre : c’est le cas de deux boucles dans la bibliographie1838. Un anneau découvert dans le comblement d’une fosse-dépotoir sur le site de la Maison de la Magie à Blois1839 comporte une chape de type C sans découpe pour le passage d’un ardillon. Cet anneau a dû servir de passe-courroie dans le harnachement des équidés ou éventuellement être utilisé pour la suspension d’une arme. Dans diverses localités croates, des sépultures datées des IXe et Xe siècles ont fourni des boucles avec des passants de même forme retenus par une chape en fer1840. Ces éléments employés dans la ceinture peuvent être mis en parallèle avec les boucles des types C1 et C4 retrouvées dans des dépotoirs sur le site de la maison de la Magie à Blois1841. Quelques boucles de type C3b ont été retrouvées dans des sépultures en France et en Italie mais leur localisation par rapport au squelette n’est pas renseignée1842. Ces anneaux et boucles, connus depuis au moins le haut Moyen Âge, sont toujours employés de nos jours1843. 1837 Comté de Dumfries and Galloway : une boucle complète, L x l = 2 x 2 cm, 1250/1300 1600, Whithorn et Saint-Ninian, Galloway (Nicholson 1998b, p. 420, fig. 10.99, n° 44.7) ; Southampton : une boucle complète, L x l = 5,5 x 6,5 cm, vers 1300, High Street C, Southampton (Harvey et al. 1975, p. 279, fig. 251, n° 2006). 1838 France, Loir-et-Cher : une boucle complète avec chape en fer de type A2a, Boucle : L x l = 2,4 x 2,8 cm, Chape : L x l = 3 x 1,6 cm, fosse-dépotoir, IXe - Xe siècle, Maison de la Magie, Blois (Aubourg et Josset 2000, p. 156, n° 261 ; Aubourg et Josset 2003, p. 210, n° 123) ; Royaume-Uni, comté d’Hampshire : un anneau entier avec chape en fer de type A1a, Boucle : L x l = 3,6 x 4,8 cm, Chape : L x l = 4,5 x 3,6 cm, comblement de rigole, fin XVe - début XVIe siècle, Château, Portchester (Hinton 1977a, p. 201, n° 55). 1839 Loir-et-Cher : un anneau entier dont l’ardillon a disparu avec chape en fer sans fente pour l’ardillon, Boucle : L x l = 2,1 x 3,8 cm, Chape : L x l = 2,1 x 2,1 cm, fosse-dépotoir, IXe - Xe siècle, Maison de la Magie, Blois (Aubourg et Josset 2000, p. 156, n° 265 [dimensions incorrectes] ; Aubourg et Josset 2003, p. 210, n° 108). 1840 Petrinec 2012, p. 75-76, n° 9, deux assemblages complets, boucles : L x l = 2,3 x 2,9 et 2,7 x 3,1 cm, Passant : L x l = 2,4 x 2,8 cm, Chape : L x l = 3,6 x 1,7 cm et 3 x 1,7 cm, sépulture, IXe - Xe siècle, Sv. Mihovil, Proložac ; p. 81, n° 23, L x l = 2,6 x 3,2 cm, la chape est fragmentaire, IXe ou Xe siècle, sépulture, Sv. Petar, Muć Gornji ; p. 85-86, n° 39, deux ensembles, boucle : L x l = 2,2 x 2,5 cm, Chape : L x l = 2,8 x 1,5 cm et 2,8 x 1, passant : L x l = 2,2 x 2,8 cm, Chape : L x l = 2,8 x 1,6 cm. 1841 Aubourg et Josset 2000, p. 155, n° 255 à 257 ; Aubourg et Josset 2003, p. 210, n° 117 à 119. 1842 France, Indre-et-Loire : une boucle complète (L x l = 3,8 x 4,1 cm), sépulture, Moyen Âge, cimetière de l’église de Rigny-Ussé (Poirot et al. 1992, p. 159) ; Isère : deux boucles complètes (L x l = 3,6 x 4,1 cm et 6 x 6,2 cm) avec une légère déformation d’une portion de la traverse distale pour 338 3. Approche croisée du mobilier archéologique l’une, sépultures, une boucle complète (3,6 x 4,3 cm), XIIIe - XIVe siècle, Brandes-en-Oisans, L’Alpe d’Huez (Bailly-Maître 1983, p. 100, 135-136, n° 69, 88 et 108) ; Italie, province de L’Aquila : une boucle complète (L x l = 2,9 x 2,8 cm), sépulture, XIIIe - XVIIIe siècle ?, Piana San Marco, Castel del Monte (Redi et Iovenitti 2006, p. 319, n° 4.1). 1843 France, Ariège : deux anneaux entier (L x l 4,1 x 4,4 cm et 4 x 4,6 cm), N.D.S., Château de Montségur, Montségur (Sarret 1980, p. 116-119 ; Sarret 1981c, p. 128, n° 31/69) ; Aveyron : un anneau entier (L x l = 3,1 x 3,6 cm), habitat paysan, XVIIIe siècle ?, Abri du Roc Troué, SainteEulalie-de-Cernon (Maury et Frayssenge 1992, p. 154) ; Calvados : une pièce, L x l = 3,2 x 4,4 cm, milieu XIVe siècle, Saint-Vaast-sur-Seulles (Halbout et al. 1987, p. 183, n° 702) ; Charente : deux anneaux, L x l = 4,7 x 5,5 cm et 5,9 x 7,4 cm, vers 936 - vers 1028, castrum d’Andone, Villejoubert (Bourgeois 2009, p. 233, n° 1639 et 1642) ; Charente-Maritime : un objet complet, L x l = 3 x 3,7 cm, dépotoir des XVIIIe - XIXe siècles, jardins du Carmel, La Rochelle (Berthon (dir.) 2013, p. 66, n° 80) ; Cher : un exemplaire complet, L x l = 5,6 x 5,8 cm, occupation extérieure, XIIe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 163, n° 4115) ; Côtes-d’Armor : un anneau entier (L x l = 1,6 x 1,85 cm), occupation viking, Xe siècle, Le Camp de Peran, Pledran (Nicolardot et Guigon 1991, p. 138) ; Gers : deux boucles complètes et une incomplète (L x l = 2,8 x 3,2 cm et 3,3 x 4,1 cm et 4,4 x 5,4 cm), vers 1170 - vers 1250, Corné, L’Isle-Bouzon (Lassure 1995, p. 537, pl. 424, 3 à 5; De Toulouse 1989, p. 268) ; Haut-Rhin : un artefact complet, L x l = 4 x 3,2 cm, cabane, vers 650, un objet incomplet, L x l = 1,5 x 2,7 cm, cabane, VIIIe - IXe siècle, Leibersheim, Riedisheim (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 405, n° 2.16) ; Indre : une boucle complète (L x l = 2,3 x 2,25 cm), bâtiment, fin XIIe - début XIIIe siècle, Montbaron, Levroux (Querrien et Blanchard 2004, p. 123, n° 3) ; Isère : une boucle complète (3,6 x 4,3 cm), XIIIe - XIVe siècle, Brandes-en-Oisans, L’Alpe d’Huez (Bailly-Maître 1983, p. 100, 135-136, n° 69, 88 et 108) ; Tarn : une boucle complète (L x l = 4,3 x 5,3 cm), deuxième moitié XIIe siècle - première moitié XIIIe siècle, Château de Montaigut, Gissac (Hensel et al. 1970a, fig. 27, n° 13) ; Pas-de-Calais : un anneau complet (L x l = 2,9 x 3,7 cm), fin XIIe - début XIIIe à 1640, château de Grigny (Dilly et al. 1999, p. 121, n° 4.40). Italie, province de Grosseto : un anneau entier (L x l = 6,2 x 8 cm), fin XIIIe - XIVe siècle, un anneau entier (L x l = 2,8 x 3,7 cm), XIVe siècle, Castel di Pietra, Gavorrano (Belli 2002, p. 151) ; province de L’Aquila : une boucle complète (L x l = 3,2 x 4 cm), XIVe - XVe siècle ?, villa romaine, Ovindoli (Redi et Malandra 2003, p. 399, fig. 6, n° 3) ; province La Spezia : un anneau entier (L x l = 5,3 x 6,2 cm), fin XIIIe début XIVe siècle, Monte Zignago, Zignago (Giardi 1985, p. 226, n° 11) ; province de Livourne : un anneau entier (L x l = 4,1 x 5,1 cm), forge, fin XIIIe - XIVe siècle, Mont Serra, Rio nell’Elba (Martin 1994, p. 241, fig. 9, n° 7) ; province de Palerme : une pièce entière, L x l = 3,7 x 4,4 cm, destruction de murs datée de 1338, village médiéval de Brucato (Pesez (dir.) 1984, p. 534, n° 13.3.30) ; province de Pesaro et Urbino : une boucle complète (L x l = 3,4 x 4,2 cm), XIIe - XIIIe siècle, château de Monte Copiolo, Montecopiolo (Ermeti et al. 2008, p. 165, pl. 2, n° 2) ; province de Pise : un individu entier et un autre complet, L x l = 4,5 x 5 et 3,6 x 4,6 cm, vers 1260 - première moitié XVe siècle, monastère de San Michele Arcangelo alla Verruca, Vicopisano (Dadà 2005, fig. 5, n° 21) ; province de Savone : une boucle complète (L x l = 2,5 x 2,8 cm), sépulture, fin IVe - début VIIe siècle, Le Priamàr, Savone (Viara 2001, p. 449, n° 1579) ; province de Udine : un anneau entier (L x l = 5 x 6,4 cm), XIIIe - début XIVe siècle, château de la motte de Savorgnano, Povoletto (Piuzzi et al. 2003, p. 67) ; une boucle complète, L x l = 2,5 x 2,6 cm, une boucle incomplète (L x l = 4,6 x 5,8 cm), dépotoir des XIIe - XIIIe siècles avec traces d’activités ponctuelles ultérieures, château de Sachuidic, Forni di Sopra (Vignola 2008, p. 86, 90, pl. 11, n° 2) ; Royaume-Uni, Cardiff : une boucle complète, L x l = 5,2 x 5,8 cm, post. 1270 - vers 1295, Rumney castle (Lloyd-Fern et Sell 1992, p. 136, n° 32, fig. 16) ; Hampshire : une boucle complète, L x l = 9,3 x 10,7 cm, XIIIe siècle, Château, Portchester (Hinton 1977a, p. 201, n° 52) ; Dumfries and Galloway : une boucle complète, un anneau entier, avant 730, Whithorn et Saint-Ninian, Galloway (Nicholson 1998b, p. 420, fig. 10.99, n° 44.1 et 2) ; une boucle complète, L x l = 1,9 x 2,2 cm, 1455 - 1640, château de Threave (Caldwell 1981, p. 116, n° 117, fig. 12) ; Lincolnshire : un anneau entier, L x l = 2,8 x 3,4 cm, H.S., habitat médiéval, Goltho (Goodall et al. 1975, p. 89, fig. 41, n° 116) ; York : un objet complet, L x l = 3,2 x 3,8 cm, XVIe XIXe siècle, 16-22 Coppergate, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, fig. 1468, n° 12663). Espagne, province de Barcelone : un anneau entier, L x l = 4,3 x 5,2 cm, une boucle complète dont l’ardillon a 339 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type C3 : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale sans talons, au cadre régulier et long, outrepassé dans la moitié proximale (fig. 180, n° 8 et 9) Bouches-du-Rhône  Castrum de Montpaon, Fontvieille : L15/44, H.S. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 160, sol de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375. Ces deux anneaux ou boucles en fer ont un cadre long outrepassé dans la moitié définie comme étant proximale. La section du cadre est ovale (fig. 180, n° 8) ou quadrangulaire avec une portion de section ovale correspondant à la traverse proximale (fig. 180, n° 9). À l’exception d’une pièce au contexte non daté en provenance du castell de Sant Miquel de la Vall à Aransìs dans la province de Lleida en Espagne1844, dans la bibliographie, les objets de ce type, connus depuis l’Antiquité romaine1845, présentent une rapport longueur/largeur plus faible et donc une traverse distale plus arrondie1846. Ils sont particulièrement proches des objets de type C6b. disparu dans la deuxième publication, L x l = 4,5 x 5,7 cm, XIIIe - première moitié XVe siècle, Castell del Far, Llinars del Vallès (Bolos et al. 1981, p. 128, n° 33 et 34 ; Monreal et Barrachina 1983, fig. 129, m 1185) ; province de Lleida : un anneau entier (L x l = 3,1 x 3,5 cm), N.D.S., castell de Sant Miquel de la Vall, Aransìs (Bolos et al. 1981, p. 161-163, n° 89). 1844 Pièce entière, L x l = 7,1 x 5 cm (Bolos et al. 1981, p. 158, n° 81). 1845 Se reporter par exemple à Raynaud 1983, p. 146 pour un objet nîmois (entre 357 et 360/365) et à Feugère et al. 1992, n° 180 pour un artefact (20 à 30 ap. J.C.) trouvé à Aulnay. 1846 France, Côte d’Or : une boucle complète, L x l = 4,9 x 4,3 cm, sol de l’étage de la maison VIII, XIIIe - début XVe siècle, Dracy, Baubigny (Piponnier 1975a, p. 78) ; Drôme : deux boucles complètes, L x l = 5,4 x 4,7 et 4,2 x 3,8 cm, remblai des XIIIe - XIVe siècles, Baume, Châteauneuf-sur-Isère (Rolland 2006, p. 423, n° 82 et 83) ; Lot-et-Garonne : un anneau entier, L x l = 2,6 x 2,3 cm, dernier tiers XIVe siècle, maison forte de Naux, Colayrac-Saint-Cirq (Ballarin et al. 2007). Espagne, province de Barcelone : cinq anneaux entiers, L x l = 5,4 x 4,6 cm et 5,8 x 5,2 cm et 6,4 x 4,6 cm et 6,5 x 4,8 cm et 6,5 x 5 cm, XIIIe - première moitié XVe siècle, Castell del Far, Llinars del vallès (Bolos et al. 1981, p. 123-127, n° 26 à 29, 31 ; Monreal et Barrachina 1983, p. 271, fig. 129, m 1208) ; province de Lleida : un anneau entier, L x l = 7,1 x 5 cm, datation inconnue, castell de Sant Miquel de la Vall, Aransìs (Bolos et al. 1981, p. 167, n° 95). Royaume-Uni, Lincolnshire : Un anneau entier, L x l = 4,8 x 4,4 cm, H.S., village médiéval, Goltho (Goodall et al. 1975, p. 89 et fig. 41, n° 114). 340 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type C4 : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, sans talons, au cadre régulier très large, outrepassé dans la moitié distale (fig. 181, n° 1 et 2) Bouches-du-Rhône  Castrum de Montpaon, Fontvieille : L5/29, H.S.  Château des Baux, Les Baux-de-Provence : n° 719, contexte de datation inconnue. Les objets de ce type, élargis dans la moitié distale, en fer, ont un rapport longueur/largeur inférieur à 0,78. De nombreux éléments analogues ont été découverts dans des contextes des XIVe, XVe et XVIe siècles1847. À Blois, deux boucles semi-ovales très larges avec passant quadrangulaire en fer superposé, pourvues d’une chape en fer retenant le tout, proviennent de dépotoirs datés des IXe - Xe siècles1848. Elles peuvent être mises en parallèle avec des boucles de type C2b, avec passant superposé également maintenu par la chape, mises au jour en Croatie, dans des sépultures des IXe et Xe siècles sur différents sites1849. Les fouilles londoniennes ont fourni 1847 France, Corse : une boucle complète (L x l = 2,7 x 3,7 cm), seconde moitié XIIIe siècle début/milieu XIVe siècle, Mugliunaccia, Olmi-Capella (Istria 2000, p. 495) ; Italie, province de Gênes : un anneau entier (L x l = 3,1 x 4,9 cm), possiblement dernière décennie XIVe - première décennie XVe siècle, Monte Lecco, Gênes (Fossati et Mannoni 1975, p. 49) ; province de L’Aquila : un anneau entier (L x l = 3,4 x 4,6 cm), sépulture, XIVe - XVe siècle ?, villa romaine, Ovindoli (Redi et Malandra 2003, p. 399, fig. 6, n° 10) province de Lucques : une boucle complète (L x l = 3,4 x 4,9 cm), travaux du XVIIIe siècle ayant bouleversé l’occupation antérieure, N.D.S., château de Gorfigliano, Minucciano (Gobbato 2000, p. 168) ; province de Pise : une boucle incomplète (L x l = 2,4 x 3,6 cm), XIIIe - XVIe siècle, castello di Ripafratta, San Giuliano Terme (Amici 1989, p. 470) ; province de Rieti : un anneau entier (L x l = 2,6 x 3,7 cm), couche d’humus, postérieur au XIVe siècle, Montagliano, Collalto Sabino (Caillaud 1991, p. 521, fig. 28, n° 5) ; province de Udine : une boucle complète (L x l = 3,5 x 4,9 cm), XVIe siècle, château de la motte de Savorgnano, Povoletto (Piuzzi et al. 2003, p. 98) ; Royaume-Uni, Southampton : une boucle complète (L x l = 2,7 x 3,7 cm), vers 1550 - vers 1560, Cuckoo Lane D (Harvey et al. 1975, p. 289, fig. 258, n° 2124). Espagne, province de Barcelone : quatre anneaux entiers (L x l = 2,8 x 4,7 cm et 5,5 x 7,1 et 5,8 x 9,4 et 6 x 8,5), XIIIe - première moitié XVe siècle, Castell del Far, Llinars del Vallès (Bolos et al. 1981, p. 134136 ; Monreal et Barrachina 1983, p. 271, fig. 129, m. 1196). 1848 Boucle : L x l = 2,9 x 4,9 cm, Passant : L x l = 2,1 x 4,25 cm, Chape : L x l = 2,9 x 3,5 cm / Boucle : L x l = 2,5 x 4,5 cm, Passant : L x l = 2,6 x 3,65 cm, Chape : L x l = 3 x 3,5 cm (Aubourg et Josset 2000, p. 155, n° 256 et 257 ; Aubourg et Josset 2003, p. 210, n° 117 et 119). 1849 Petrinec 2012, p. 75-76, n° 9, deux assemblages complets, boucles : L x l = 2,3 x 2,9 et 2,7 x 3,1 cm, Passant : L x l = 2,4 x 2,8 cm, Chape : L x l = 3,6 x 1,7 cm et 3 x 1,7 cm sépulture, IXe - Xe siècle, Sv. Mihovil, Proložac ; p. 81, n° 23, (L x l = 2,6 x 3,2 cm), la chape est fragmentaire, IXe ou Xe siècle, sépulture, Sv. Petar, Muć Gornji ; p. 85-86, n° 39, deux ensembles, boucle : L x l = 2,2 x 2,5 cm, Chape : L x l = 2,8 x 1,5 cm et 2,8 x 1, passant : L x l = 2,2 x 2,8 cm, Chape : L x l = 2,8 x 1,6 cm. 341 3. Approche croisée du mobilier archéologique deux spécimens en fer du type C4 : un anneau asymétrique daté vers 1530 - vers 15501850, une boucle avec traces d’étamage appartenant à une phase de la première moitié du XVe siècle. Elle se différencie par une fenêtre presque quadrangulaire. La traverse distale est marquée de couples d’incisions décoratives dont certaines encadrant la zone de repos de l’ardillon1851. Dans la bibliographie, trois boucles se distinguent par une traverse proximale concave : la première fut retrouvée sur le site du château de Montségur (N.D.S.) en Ariège1852, la deuxième, dans une sépulture (N.D.S.) dans l’église Santa Maria della Strada à Taurisano dans la province de Lecce en Italie1853, la troisième, étamée, dans un niveau daté vers 1550 à Southampton1854. L’aspect général de l’objet italien, pratiquement rectangulaire et à traverse distale élargie, est particulièrement proche de celui de l’artefact ariégeois qui ne possède qu’un ardillon, contre deux pour la boucle italienne. Type C5 : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, sans talons, au cadre régulier et large, outrepassé dans la moitié distale (fig. 181, n° 3 à 14) Ces anneaux et boucles sans talon, outrepassés dans leur moitié distale, ont été scindés en deux sous-types selon qu’ils sont en alliage cuivreux (sous-type C5a) avec un rapport longueur/largeur compris entre 0,70 et 1 ou en fer (sous-type C5b) avec un rapport longueur/largeur compris entre 0,78 et 1. Type C5a : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale en alliage cuivreux, sans talons, au cadre régulier et large, outrepassé dans la moitié distale (fig. 181, n° 3 à 6) Bouches-du-Rhône  Quartier Sainte-Barbe, Marseille : n° 156, second quart - milieu XIVe siècle. Vaucluse  Petit Palais, Avignon : n° 1582, couche de dépotoir datée entre vers 1365 et vers 1850 Anneau entier, vers 1530 – vers 1550, L x l = 2,4 x 3,4 cm, Abbots Lane (Egan 2005, n° 97 [numéros de figures décalés]) 1851 Objet complet, L x l = 2,9 x 4,9 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 92, n° 415). 1852 Artefact complet, L x l = 4,6 x 6,8 cm (Sarret 1980, p. 118 ; Sarret 1981c, p. 127-129, n° 112/65). 1853 Boucle incomplète - il manque un morceau du deuxième ardillon -, L x l = 4,6 x 8,9 cm (Lapadula 2005, p. 199). 1854 Exemplaire complet, L x l = 4,25 x 6,5 cm, High Street C (Harvey et al. 1975, p. 287, fig. 257, n° 2101). 342 3. Approche croisée du mobilier archéologique 1400 ; n° 522, H.S.  Rue Carreterie, Avignon : n° 302, contexte inconnu. Les quatre anneaux ou boucles du corpus, issus de la fonte, comportent un cadre régulier outrepassé dans la moitié distale. Une chape fragmentaire et un ardillon confectionné dans un fil, le tout en alliage cuivreux, équipent un exemplaire avignonnais (fig. 181, n° 3). Deux objets du corpus arborent des lignes incisées à la lime de part et d’autre de la zone de réception du bout de l’ardillon (fig. 181, n° 5 et 6), qui, dans un cas, est pourvue d’une encoche triangulaire (fig. 181, n° 6). Ce genre d’ornementation se remarque aussi sur une boucle de type C6a mise au jour dans une sépulture des XVIe - XVIIIe siècles dans le cimetière de l’église de Rigny-Ussé en Indre-et-Loire1855. Son ardillon, décoré de deux incisions à la jonction entre le nœud et la tige, se rapproche de celui qui est présent sur un spécimen du corpus et sur lequel elles ont été obtenues à la lime (fig. 181, n° 6). Les entailles sont au nombre de trois pour l’ardillon d’une boucle de type C6a datée de la première moitié du XIVe siècle à Southampton au Royaume-Uni1856. Les objets appartenant au type C5a ne sont pas très nombreux dans la bibliographie : un exemplaire complet a été trouvé dans un contexte probablement daté du XIVe siècle lors d’une opération archéologique à Southampton1857. Type C5b : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale en fer, sans talons, au cadre régulier et large, outrepassé dans la moitié distale (fig. 181, n° 7 à 14) Bouches-du-Rhône  Castrum de Montpaon, Fontvieille : L3/6, H.S.  Chapelle Saint-Martin, Gémenos : n° 2, remblai de fin XIIIe - début XIVe siècle.  Château des Baux, Les Baux-de-Provence : n° 374 B, remblai du XIVe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3720, couche de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 2559, sol de zone de circulation, n° 2820, couche de dépotoir, n° 3573, 1855 Spécimen complet, L x l = 4,7 x 3,7 cm (Poirot et al. 1992, p. 159). Une boucle complète, L x l = 3,8 x 2,3 cm, High Street C, Southampton (Harvey et al. 1975, p. 257, fig. 241, n° 1746). 1857 Artefact complet, L x l = 2,2 x 2,8 cm (Harvey et al. 1975, p. 258, n° 1758). 1856 343 3. Approche croisée du mobilier archéologique couche de dépotoir associée à de l’effondrement, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 1117, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420 ; n° s.n.3, H.S.  Route D 24, Le Clos E 508, Rougiers : n° 2, H.S. Le cadre de ces anneaux et boucles en fer est outrepassé dans la moitié distale et leur rapport longueur/largeur est supérieur ou égal à 0,78 et inférieur à 1. Une encoche distale est visible sur une boucle de Rougiers (fig. 181, n° 13). Elle est aussi signalée sur le cadre d’un anneau issu d’un contexte des XIIIe - XIVe siècles du site de Monte Zignago à Zignago dans la province de La Spezia en Italie1858. Une chape en fer de type A1d avec une fente pour un ardillon en fer est fixée à une petite boucle retrouvée sur la motte castrale du Châtelard (trois premiers quarts du XIe siècle) à Chirens en Isère1859. Sa petite taille conduit les archéologues à envisager un emploi en tant que boucle assurant la fixation d’une lanière pour l’attache d’un éperon. La plupart du temps, la lanière était directement enroulée autour de la traverse proximale : une pièce presque trapézoïdale avec fragment de lanière de cuir est issue de l’abandon d’un moulin dans la seconde moitié du XIIIe siècle fouillé lors de la fouille de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher1860. Sur un individu londonien avec traces d’étamage daté de la deuxième moitié du XIVe siècle, un rivet en fer avec une contre-rivure de même matériau traversait la courroie de cuir pour la fixation1861. L’élargissement important de la pièce de cuir à la sortie de la boucle rend une utilisation dans le costume peu probable. Connus depuis l’Antiquité romaine, parfois étamés, les anneaux et boucles de type C5b étaient relativement fréquents dans la période d’étude1862. 1858 Un anneau entier, L x l = 3,6 x 4,2 cm (Gambaro 1990, p. 402) Une boucle complète (L x l = 2 x 2,2 cm) avec chape en fer (L x l = 3 x 1,1 cm) (Mazard et al. 1993, p. 338). 1860 Pièce incomplète, L x l = 2 x 2,5 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 115, n° 4589). 1861 Exemplaire complet, L x l = env. 2,2 x 2,5 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 92, n° 406). 1862 France, Bouches-du-Rhône : une boucle complète, L x l = 3,2 x 3,4 cm, deuxième moitié du IIe siècle, La Tamberlette, Alleins (Feugère et Pillard 1999, p. 25, fig. 2, n° 6) ; Gard : une boucle complète, L x l = 5,9 x 6,2 cm, fosse, entre 357 et 360-365, Route de Beaucaire, Nîmes (Raynaud 1983, p. 146) ; Maine-et-Loire : un anneau entier, L x l = 4 x 4,6 cm, silo, IXe - Xe siècle, Les Murailles, Distré (Legros 2012a, n° 162) ; Oise : une pièce entière, L x l = 3,05 x 3,8 cm, ferme du XIVe siècle, hameau du Bellé, Neuilly-en-Thelle (Legros 2001, n° 103). Italie, province de La Spezia : un anneau fragmentaire, L x l = 2,2 x 2,4 cm, XIIIe - XIVe siècle, Monte Zignago, Zignago (Gambaro 1990, p. 395, n° 45) ; province de Pise : une boucle incomplète, L x l = 2,2 x 2,1 cm, XIIIe - XVIe siècle, castello di Ripafratta, San Giuliano Terme (Amici 1989, p. 470) ; province de Rome : une boucle complète, L x l = 4,4 x 4,5 cm ; dimensions données par l’auteur incorrectes), un exemplaire incomplet, L x l = 3,5 x 4,2 cm, Cencelle, Allumiere (Bouvet 1999, p. 65). Royaume-Uni, Dumfries and Galloway (Écosse) : un anneau entier, L x l = 2 x 2,1 cm, vers 845/1000 - vers 1050, Whithorn et Saint-Ninian, Galloway (Nicholson 1998b, p. 420, fig. 10.99, n° 44.5) ; Londres : artefact complet avec traces d’étamage, L x l = 2,45 x 2,7 cm, vers 1400 - vers 1450, Londres (Egan et 1859 344 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type C6 : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, sans talons, au cadre régulier long, outrepassé dans la moitié distale (fig. 182, n° 1 à 5) Ces anneaux et boucles sans talons outrepassés dans leur moitié distale, dont le rapport longueur/largeur est supérieur à 1 ont été scindés en deux sous-types selon qu’ils sont en alliage cuivreux (sous-type C6a) ou en fer (sous-type C6b). Des boucles de type C6 ou proches de celles du type C6 s’observent dans l’iconographie du XVe siècle (fig. 148, 152, 153 à 154). L’une d’elles possède un ergot distal qui la rapproche du type E (fig. 154). Type C6a : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale en alliage cuivreux, sans talons, au cadre régulier long, outrepassé dans la moitié distale (fig. 182, n° 1) Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 679, couche de dépotoir datée vers 1365 vers 1400. Cet anneau a un cadre plus long que large, relativement régulier, dont la largeur maximale est située dans la moitié distale. Des boucles analogues ont été mises au jour à l’abbaye de l’Escaladieu (N.D.S.) à Bonnemazon dans les Hautes-Pyrénées1863 et dans une sépulture des XIIIe - XVe siècles dans le cimetière de Saint-Martin-des-Champs à Bourges dans le Cher1864. Cette dernière était accompagnée de deux anneaux de type A3 à hauteur du bassin du squelette. Sur un autre exemplaire, mis au jour dans une sépulture du cimetière de l’église de Rigny-Ussé en Indre-et-Loire, des incisions décoratives sont visibles de part et d’autre de la zone de réception de la pointe de l’ardillon. Sa position par rapport au défunt Pritchard (dir.) 2002², p. 92, n° 409) ; spécimen complet avec traces d’étamage, L x l = 2,8 x 3,5 cm, vers 1530 - vers 1550, objet complet, L x l = 3,2 x 4 cm, 1500 - vers 1700, Abbots Lane, Londres (Egan 2005, n° 96 et 99 [numéros de figures décalés -1]). Espagne, province de Barcelone : une boucle incomplète, L x l = 3,9 x 4,1 cm, un anneau entier, L x l = 3,9 x 4,1 cm, XIIIe - première moitié XVe siècle, Castell del Far, Llinars del Vallès (Bolos et al. 1981, p. 121-123, n° 24 et 25 ; Monreal et Barrachina 1983, p. 271, fig. 129, m 1201). 1863 Un artefact entier, L x l = 3,05 x 2,5 cm (Platt (dir.) 1971, p. 38). 1864 Une boucle complète (L x l = 3,85 x 3,8 cm) avec deux anneaux (d = 1,9 et 2 cm), Maçon et al. 2010, p. 68. 345 3. Approche croisée du mobilier archéologique inhumé entre le XVIe siècle et le XVIIIe siècle n’est pas connue1865. L’ardillon arbore également deux incisions à la base de la tige. Les incisions sont au nombre de trois à Southampton au Royaume-Uni, sur l’ardillon d’un spécimen daté de la première moitié du XIVe siècle1866. D’un niveau de la deuxième moitié du XIVe siècle à Londres provient une boucle avec une encoche distale1867. À Baubigny en Côte-d’Or, un anneau issu du village médiéval de Dracy (XIIIe - début XVe siècle), à traverse proximale rétrécie se démarque par une forme presque trapézoïdale1868. Des boucles de type C6a apparaissent dans un catalogue de matériel de harnachement daté de 19001869. Type C6b : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale en fer, sans talons, au cadre régulier long, outrepassé dans la moitié distale (fig. 182, n° 2 à 5) Bouches-du-Rhône  18, rue des Magnans, Aix-en-Provence : n° 3, sol du XIVe siècle.  Castrum de Montpaon, Fontvieille : L3/7, H.S. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 4198, sol intérieur de grotte, vers 1309/1315 vers 1345. Gard  Cloître, Saint-Gilles-du-Gard : n° 2010-10, sépulture, XIIe - milieu XVIIe siècle. Ces anneaux et boucles sans talons, plus longs que larges, et au cadre relativement régulier, dont la largeur maximale est située au milieu ou dans la moitié distale de la boucle sont en fer. L’état de bon nombre d’exemplaires ne permet pas, d’une part, d’affirmer l’existence d’une encoche sur la traverse distale pour réceptionner la pointe de l’ardillon comme c’est le cas pour un spécimen de Rougiers (fig. 182, n° 5), ni de savoir d’autre part, s’ils étaient étamés ainsi qu’ils le sont pour deux anneaux retrouvés dans l’habitat médiéval de 1865 Une boucle complète, L x l = 4,7 x 3,7 cm (Poirot 1992, p. 159, n° 141). Une boucle complète, L x l = 3,8 x 2,3 cm, High Street C, Southampton (Harvey et al. 1975, p. 257, fig. 241, n° 1746). 1867 Objet entier, L x l = 3,95 x 3,5 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 89, n° 389). 1868 Un anneau entier, L x l = 3,5 x 4,4 cm (Bourgogne 1987, p. 153). 1869 Le catalogue de la maison E.D. & P de Paris daté de 1900 en montre de nombreux exemplaires : des extraits disponibles sur www.attelage-patrimoine.com/article-harnais-en-1900-une-bouclerie-auxcents-visages-58244468.html. 1866 346 3. Approche croisée du mobilier archéologique Goltho dans le Lincolnshire1870. L’objet de Rougiers susmentionné comporte des dépressions obtenues par application d’un instrument fin sur les portions latérales de la traverse distale. Le plus petit exemplaire anglais connu est beaucoup plus outrepassé près de l’extrémité distale que les spécimens du corpus. C’est aussi le cas d’anneaux et boucles, avec parfois des traces d’étamage, retrouvés dans le sud de la France, en Italie et à Londres1871. Certains exemplaires comportent une encoche distale. Assez souvent, le cadre est relativement longiligne et la plus grande largeur s’observe aux environs du milieu de la longueur1872. La présence d’une chape 1870 Une boucle entière, L x l = 4 x 3,6 cm, bâtiment abandonné dans la seconde moitié du XIVe siècle ou la première moitié du XVe siècle, un anneau entier, L x l = 4,8 x 4,4 cm, H.S. (Goodall et al. 1975, p. 89, fig. 11, n° 111 et 112). 1871 France, Ariège : un anneau entier, L x l = 5,4 x 4,3 cm, N.D.S., château de Montségur, Montségur (Sarret 1980, p. 116-119 ; Sarret 1981c, p. 128, n° 51/73) ; Aude : une boucle complète, L x l = 3,8 x 3 cm, N.D.S., Château de Peyrepertuse, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Bayrou 2000d, p. 211) ; Drôme : une boucle complète, L x l = 5,4 x 4,2 cm, remblai des XIIIe - XIVe siècles, Baume, Châteauneuf-surIsère (Rolland 2006, p. 423, n° 85). Italie, province d’Udine : une boucle complète, L x l = 1,8 x 1,5 cm, dépotoir des XIIe - XIIIe siècles avec traces d’activités ponctuelles ultérieures, Sachuidic Castle, Forni di Sopra (Vignola 2008, p. 86, 90, tav. 11, n° 5). Royaume-Uni, Londres : objet incomplet avec traces d’étamage, L x l = 4,3 x 3,3 cm, vers 1270 - vers 1350, artefact entier avec traces d’étamage, L x l = 2,5 x 2,2 cm, vers 1350 - vers 1400, exemplaire incomplet avec encoche distale et courroie de cuir, L x l = 2,5 x 2,2 cm, vers 1350 - vers 1400, spécimen entier avec encoche distale et traces d’étamage, L x l = 2,4 x 2,3 cm, vers 1350 - vers 1400 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 92, n° 398, 401 à 403) ; Scottish Borders : une boucle complète, L x l = 4,25 x 3,2 cm, une pièce fragmentaire, L x l = 4,5 x 4,25 cm, vers 1559 - vers 1875, abbaye de Jedburgh (Caldwell 1995b, p. 91, n° 107 à 108). 1872 France, Ariège : un anneau entier, L x l = 5,5 x 4,1 cm, château de Montségur, Montségur (Sarret 1980, p. 116-119 ; Sarret 1981c, p. 128, n° 32/71) ; Charente : une boucle, L x l = 2,1 x 1,8 cm, vers 936 - vers 1028, castrum d’Andone, Villejoubert (Bourgeois 2009, p. 235, n° 1669) ; Charentemaritime : un exemplaire complet, L x l = 5,8 x 4,2 cm, démolition de bâtiment, XIVe siècle, jardins du Carmel, La Rochelle (Berthon (dir.) 2013, p. 65, n° 79) ; Isère : une boucle complète, L x l = 4,9 x 3,9 cm, XIIIe - XIVe siècle, village minier de Brandes-en-Oisans, L’Alpe d’Huez (Bailly-Maître et Bruno Dupraz 1994, p. 128) ; Marne : une boucle complète, L x l = 4,4 x 4,1 cm, cimetière, église de Saint-Hilaire-sur-Moivre, village déserté, antérieur au XVIIIe siècle, Le Fresne-sur-Moivre (Lusse et al. 1997, p. 86). Italie, province de Palerme : une pièce entière, L x l = 5,3 x 4,5 cm, sol de maison du milieu du XIVe siècle, village médiéval de Brucato (Pesez (dir.) 1984, p. 534, n° 13.3.28) ; province de Sienne : un anneau entier, L x l = 2,1 x 1,9 cm, N.D.S., Miranduolo, Chiusdino (Ceppatelli 2008, p. 423, fig. 187, n° 12). Espagne, province de Barcelone : un anneau complet, L x l = 3,4 x 2,9 cm, H.S, L’Esquerda, Roda de Ter (Ollich 1976, p. 515, n° 20 ; Bolos et al. 1981, p. 154, n° 75) ; une boucle complète, L x l = 5,25 x 4,65 cm, datation inconnue, castell de Sacama, Olesa de Montserrat (Bolos et al. 1981, p. 171-172, n° 103) ; une boucle complète, L x l = 5,3 x 4,5 cm, un anneau entier, L x l = 3,6 x 3,2 cm, XIIIe - première moitié XVe siècle, Castell del Far, Llinars del Vallès (Bolos et al. 1981, p. 121-123, n° 22 et 23 ; Monreal et Barrachina 1983, p. 271, fig. 129, m 1201). Royaume-Uni, Aberdeenshire : une boucle complète, L x l = 3,6 x 3,1 cm, occupation, première moitié XIVe - milieu/seconde moitié XVe siècle, village médiéval, Rattray (Goodall 1993, p. 185, fig. 37, n° 140) ; Cardiff : un anneau entier, L x l = 4,6 x 3,6 cm, post. 1270 - début XIVe siècle, Rumney castle (Lloyd-Fern et Sell 1992, p. 136, n° 33, fig. 16) ; Lincolnshire : un anneau entier, L x l = 4,5 x 4,1 cm, village médiéval, H.S., Goltho (Goodall et al. 1975, p. 89, fig. 11, n° 113) ; Londres : objet incomplet, L x l = 4,3 x 3,3 cm, vers 1270 - vers 1350, exemplaire complet avec traces d’étamage et cadre ouvert, L x l = 3,6 x 3,4 cm, vers 1330 - vers 1380 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 92, n° 398, 400) ; Yorkshire du Nord : boucle complète, L x l = 5,8 x 4,3 cm, XVIIe XVIIIe siècle, 16-22 Coppergate, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. ) 347 3. Approche croisée du mobilier archéologique de type A1a, en fer, n’est signalée que pour une boucle corse issue d’un contexte de la fin du XVe siècle ou du début du XVIe siècle dans un bâtiment du village médiéval de l’Ortolo1873. La lanière était sans soute le plus souvent enroulée autour de la traverse proximale ainsi qu’il apparaît sur un artefact londonien1874. Une unique boucle provient d’une sépulture, datée des XIIIe - XIVe siècles, révélée lors des fouilles au village minier de Brandes-en-Oisans à L’Alpe d’Huez en Isère1875. Il est probable que les anneaux et boucles du type C6 aient été employés durant l’antiquité et le soient encore actuellement. Type C7 : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale à talons, au cadre régulier, d’une seule pièce (fig. 182, n° 6 à 14 ; fig. 183, n° 1 à 2) Bouches-du-Rhône  Château d’Hauture, Fos-sur-Mer : n° B569552, remblai de la deuxième moitié du XVIe siècle.  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : n° B5600927, couche de destruction du XIVe siècle  Place du Général de Gaulle, Marseille : n° 53, vers 1320 - vers 1360. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 102, foyer, vers 1345 - vers 1360. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1104, comblement de tranchée de fondation du premier tiers du XIVe siècle ; n° 1096, comblement de fosse du deuxième tiers du XIVe siècle ; n° 1100, deuxième moitié du XIVe siècle.  Quartier de la Balance, Avignon : n° 4 ; H.S.  Rue Carreterie, Avignon : n° 303 à 305, datation inconnue. Les anneaux et boucles à talons de ce groupe sont tous en alliage cuivreux, de petite dimension et plus larges que longs. Les exemplaires en fer sont très rares dans la bibliographie. Quatre objets du corpus comportent une encoche pour réceptionner la pointe de l’ardillon (fig. 182, n° 6, 13, 14 ; fig. 183, n° 1) mais seuls deux ardillons sont conservés : un 1873 Une boucle complète (L x l = 6,1 x 5,6 cm) avec sa chape en fer (L x l = 4,6 x 4,3 cm), maison VII (Comiti 1996, p. 22-23). 1874 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 92, n° 402, déjà cité. 1875 Une boucle complète, L x l = 5,2 x 3,9 cm (Bailly-Maître 1983, p. 100, n° 47). 348 3. Approche croisée du mobilier archéologique fil de section circulaire dans un cas (fig. 182, n° 7), une tôle pour l’autre (fig. 182, n° 8). La traverse proximale peut être mise en évidence par un amincissement du cadre (fig. 182, n° 6, 8, 12, 13), ou un léger épaississement après une diminution progressive de la profondeur du cadre (fig. 182, n° 14). Une chape de type A2b (fig. 182, n° 14) ou A2c (fig. 183, n° 2) ornée de zigzags ou de type A1b et décorée d’un relief embouti (fig. 183, n° 1) est parfois en place. Quelques objets du corpus, avec ou sans encoche distale, ont un rapport longueur/largeur inférieur ou égal à 0,71876. Parmi ceux-ci, une boucle issue d’un dépotoir de fin XIIe - première moitié XIIIe siècle sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher1877 et deux boucles (H.S.) abandonnées sur le site de l’Esquerda à Roda de Ter dans la province de Barcelone1878 comportent une chape de type A4a. L’un des objets espagnols comprend trois incisions parallèles sur la traverse distale, dans la zone de réception du bout de l’ardillon. Le deuxième en arbore quatre. À Tournai dans la province de Hainaut en Belgique, une boucle avec encoche distale comportant une chape de type A2b a été trouvée associée à un trésor monétaire daté entre 1192 et 1203 à l’emplacement d’une ancienne église sur la place Saint-Pierre1879. Des anneaux et boucles moins larges analogues à certains objets du corpus (ex : fig. 182, n° 10 et 11 ; fig. 183, n° 2) proviennent de France et d’Espagne1880. Une pièce issue de l’occupation de la première moitié du XIVe siècle d’une maison fouillée lors de l’opération de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher conserve une chape de type C2 sans 1876 Il faut rajouter aux objets qui suivent une pièce, aux dimensions précises inconnues, provenant d’un site indéterminé du Calvados ou de Seine-Maritime (Vivre au Moyen Âge 2002, notices 186 et 187). France, Aude : artefact complet avec encoche distale et ardillon en fil, L x l = 1,5 x 2,1 cm, château de Peyrepertuse (N.D.S.), Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 219, fig. 146, n° 12) ; Ariège : anneau entier, L x l = 1,9 x 3 cm, N.D.S., château de Montségur, Montségur (Czeski 1981, p. 197, n° 3/67 et 48/70) ; Gers : pièce entière avec encoche distale, L x l = 1,7 x 2,9 cm, village déserté de Corné (vers 1170 - 1250), L’Isle-Bouzon (Lassure 1995, p. 504, fig. 407, n° 5). RoyaumeUni, Yorkshire du Nord : Anneau entier, L x l = 2,9 x 4,5 cm, seconde moitié XVe - première moitié XVIe siècle, habitat médiéval de Wharram (Goodall et Ellis 1979, p. 121, n° 76). 1877 Boucle complète avec chape, Boucle : L x l = 1,5 x 3,1 cm, Chape : L x l = 1,8 x 2,5 cm, (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 113, n° 2541). 1878 Objet entiers, Boucle : L x l = 1,8 x 3 cm, Chape : L x l = 3,9 x 2,1 cm ; Boucle : L x l = 1,9 x 3,5 cm, Chape : L x l = 4,1 x 3 cm (Bolos et al. 1981, p. 144-145, n° 56 et 57 ; Ollich 1976, p. 510, n° 5 et 6). 1879 Artefact complet, Boucle : L x l = 1,2 x 2 cm, Chape : L x l = 2,2 x 1,6 cm (Dewit et al. 1999, p. 171, n° 1). 1880 France, Ariège : un anneau entier, L x l = 1,8 x 2,4 cm, N.D.S., château de Montségur, Montségur (Czeski 1981, p. 198, n° 3/67 et 84b/72) ; Jura : un anneau entier, L x l = 1,4 x 2,1 cm, XIIIe - XIVe siècle, château de Pymont, Villeneuve-sous-Pymont (Jeanjacquot 1993, p. 105, fig. 63, n° 1933). Espagne, province de Barcelone : une boucle complète (L x l = 1,65 x 1,9 cm) XIIIe - première moitié XVe siècle, Castell del Far, Llinars del Vallès (Bolos et al. 1981, p. 111, n° 3 ; Monreal et Barrachina 1983, p. 271, fig. 115, m 1053). 349 3. Approche croisée du mobilier archéologique retraits latéraux1881. Un dépotoir du XIVe siècle sur la motte de Montamar à Saint-Yrieix-leDéjalat en Corrèze a fourni un exemplaire avec une encoche distale1882. Une autre boucle trouvée sans son ardillon dans un niveau du XIVe siècle au castell de Sant Miquel de la Vall à Aransís dans la province de Barcelone1883, possède un aspect très proche de deux objets provençaux (fig. 182, n° 12 et 13). D’autres artefacts sont parfois presque aussi longs que larges (fig. 183, n° 1) comme deux objets issus d’une phase du XVe - début XVIe siècle au château de la motte de Savorgnano à Povoletto dans la province d’Udine1884, et d’un habitat du second Moyen Âge (H.S.) au château de Montségur1885. Le dernier spécimen possède une encoche distale pour le bout de l’ardillon. Beaucoup plus au nord, à Metz en Moselle, une pièce en fer du type C7 comporte une chape à crochet de type E rattachée à un éperon1886. Une boucle en fer avec chape de même type, dont le crochet passe au travers de l’œillet d’un éperon, a été découverte dans le comitat de Csongrad en Hongrie. Elle est attribuée au XIVe siècle1887. Les fouilles du site du 14-16 rue Delayant à La Rochelle en Charente-Maritime ont fourni, dans un remblai des XVIIe - XVIIIe siècles, une boucle en alliage cuivreux à chape de type A2b, avec possibles traces d’une couverte blanche, dont une partie du bord externe de la traverse distale est chanfreiné1888. Deux boucles en alliage cuivreux à encoche distale et ergots proximaux ont été relevées au castell de Mata (XIIIe - XVe siècles ?) à Mataró dans la province de Barcelone1889. Cette caractéristique de configuration est assez rare pour des boucles non composites du type C. Une boucle de type C7 est représentée à l’extrémité de la ceinture de la Vierge dans un Couronnement de la Vierge peint vers 1502 - 1503 (fig. 155). Les données disponibles permettent de proposer une datation typologique commençant vers 1200 et s’étendant jusqu’au XVe siècle et peut-être le début du XVIe siècle, avec une très forte concentration de l’utilisation sur le XIVe siècle. 1881 Artefact entier, boucle : L x l = 1,8 x 2,4 cm, Chape : L x l = 2,7 x 1,1 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 116, n° 2465). 1882 Un anneau entier, L x l = 2,2 x 2,5 cm (Antignac et Lombard 1982, p. 92) 1883 Exemplaire entier, L x l = 2,2 x 2,5 cm (Bolos 1981, p. 158, n° 82). 1884 Un anneau entier, L x l = 1,6 x 1,65 cm (Piuzzi et al. 2003, p. 79). 1885 Spécimen entier, L x l = 1,4 x 1,45 cm (Czeski 1981, p. 198). 1886 Artefact complet, dimensions inconnues, place de la Comédie (Vivre au Moyen Âge 1998, p. 197). 1887 Boucle complète, dimensions précises inconnues (Sára 2012, p. 126-127). 1888 Boucle incomplète, boucle : L x l = 1,6 x 2,2 cm ; Chape : L mini x l = 2,15 x 1,4 cm (Berthon (dir.) 2013, p. 63, n° 69). 1889 Deux objets complets, L x l = 1,45 x 1,95 cm et 2,25 x 2,6 cm (Bolos et al. 1981, p. 136-137, n° 45 et 46). 350 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type C8 : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale à talons, au cadre composite régulier (fig. 183, n° 3 à 15 ; fig. 184, n° 1 et 2) Les anneaux et boucles du type C8 ont été subdivisés en quatre sous-types selon que la traverse proximale accueille ou ait pu accueillir un ardillon (sous-type C8a), qu’elle n’ait jamais reçu d’ardillon (sous-type C8b), que la boucle ait fonctionné dans le cadre d’un dispositif d’agrafage (sous-type C8c), ou peut-être ait été utilisée comme passant grâce à des ergots proximaux (sous-C8d). Les objets de type C8 présentent beaucoup de similitudes avec les artefacts des types F4 et J8. Les pièces de type C8 ne doivent pas être confondues avec des boucles romaines composites dont les extrémités de la traverse distale sont terminées par des anneaux réceptionnant la traverse proximale1890. Type C8a : Anneau ou boucle composite à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, à talons (fig. 183, n° 3 à 13) Var  Cour de justice, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 356-14-02, remblai, deuxième quart XIVe siècle - XVIIe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1212, deuxième quart du XIVe siècle ; n° 1296 A, deuxième moitié XIVe siècle.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1118, 1228, 2697, couche de dépotoir datée vers 1365 - vers 1400.  Rue Carreterie, Avignon : n° 188, 306, 308 309, contexte de datation inconnue.  Puits près du théâtre antique, Orange : n° 1, comblement de puits de la première moitié du XIVe siècle. Les anneaux et boucles de ce type présentent une construction homogène. Leur cadre comporte une tige aux extrémités matées pour traverse proximale et une tôle courbe pour 1890 Se reporter à Bertrand 2004 (fig. 2, n° 7 et 8) pour des artefacts trouvés au sanctuaire du Gué-deSciaux à Antigny dans la Vienne. 351 3. Approche croisée du mobilier archéologique traverse distale. La traverse distale de l’artefact de Saint-Maximin (fig. 183, n° 13) se distingue par son mode de fabrication : la tôle a été pliée en portefeuille sur toute sa longueur pour obtenir un cadre plus épais. Une fine fissure visible sur l’avers de la traverse le confirme. Le cadre des artefacts du corpus est en alliage cuivreux mais un exemplaire comporte des traces d’une traverse proximale en fer (fig. 183, n° 3). Quatre boucles arborent un chanfrein partiel du bord supérieur externe de la traverse distale très certainement obtenu par limage même s’il n’en reste souvent plus de traces : il est limité à une surélévation sur le premier objet (fig. 183, n° 10), il évite la région de l’encoche distale pour le deuxième (fig. 183, n° 8), il ne s’étend que sur un tiers du cadre pour le troisième (fig. 183, n° 12). Enfin, sur la boucle de Saint-Maximin, le chanfrein du bord supérieur externe de la traverse distale s’arrête aux talons et celui du bord inférieur interne cesse avant le recourbement latéral de la traverse (fig. 183, n° 13). La majorité des objets du corpus ont conservé leur chape de type A1a, A1b, A2b ou A2d et tous devaient probablement en être pourvus. Certains anneaux sans ardillon ont pu appartenir aux types C8b et C8c. Des restes de tissu sont conservés sur un artefact (fig. 183, n° 8). L’ardillon, quand il est en place, est parfois un fil en alliage cuivreux (fig. 183, n° 5, 11) ou en fer (fig. 183, n° 7, 8 et 12), parfois une tôle en alliage à base de cuivre (fig. 183, n° 13). Une encoche distale, obtenue vraisemblablement par limage même s’il n’en reste pas de traces, s’observe dans trois cas (fig. 183, n° 7, 8 et 13). D’une manière générale, la fixation de la chape à la courroie par un rivet unique en alliage cuivreux, parfois en fer (fig. 183, n° 12), est la plus courante. Deux (fig. 183, n° 11) ou trois rivets (fig. 183, n° 13) prennent place quand la chape de chape A2b ou A3d s’élargit. Un objet ramassé en surface d’un grand établissement romain au lieu-dit l’Oratoire à Saint-Hippolyte-de-Montaigut dans le Gard se distingue par un cadre issu de fonte dont les extrémités sont perforées pour le passage d’une fine tige1891. La plupart des anneaux et boucles de type C8a ont un ardillon en alliage cuivreux1892, plus rarement en fer1893, et une chape de type A1b ou B1b parfois décorée de lignes 1891 Objet entier, L x l x e max = 2,1 x 2,2 x 0,47 cm (collection particulière). France, Hérault : boucle incomplète à chape de type A1b, Boucle : L x l x p = 1,15 x 1,25 x 0,3 cm, Chape : L x l = 2,8 x 0,7 cm, dépotoir, XIIIe - XIVe siècle, verrerie forestière de La Seube, Claret (Lambert 1983, p. 211, fig. 49, n° 11) ; Moselle : boucle entière avec chape incomplète de type B, Boucle : L x l x p = 2 x 1,6 x 0,55 cm, Chape : L mini x l = 1,5 x 0,8 cm (dimensions fausses dans le texte), remblai, XIIIe - XIVe siècle, habitat déserté de Gungling, Grosbliederstroff (Peytremann et Frauciel 2006, p. 95, fig. 35, n° 2254.37) ; Nord : artefact incomplet, n° 5, Boucle : L x l x p = 1,3 x 1,35 x 0,6 cm, Chape : L x l = 2,75 x 1,3 cm ; spécimen complet, n° 6, Boucle : L x l x p = 1,8 x 1,8 x 0,45 cm, Chape : L x l = 3,4 x 1,35 cm, seconde moitié XIVe siècle ; exemplaire complet, n° 9, Boucle 1892 352 3. Approche croisée du mobilier archéologique transversales à l’axe de la chape. Une surélévation de la bordure supérieure externe vraisemblablement chanfreinée de la traverse distale est visible sur une boucle abandonnée dans un dépotoir des XIIIe - XIVe siècles de la verrerie forestière de La Seube à Claret dans l’Hérault1894. La boucle de type C8a est liée à une chape de type A1b, fixée à l’extrémité d’une ceinture de cuir complète décorée notamment d’appliques de type M2 découverte dans un contexte de la seconde moitié du XVe siècle à Dodrecht en Zélande aux Pays-Bas1895. La chape étroite de type A2d d’un exemplaire (N.D.S.) issu du site de Lion Walk à Colchester dans l’Essex1896 présente deux rivets à tête bombée disposés sur sa longueur. Ils sont placés cette fois en partie proximale de la chape de type A2b très ornementée d’une boucle assez large avec encoche distale provenant d’un niveau du XIIIe siècle du palais almohade de Alcáçova de Silves à Castelo de Silves dans la province de Faro au Portugal1897. Cette chape, outre de nombreuses gravures géométriques et des découpes triangulaires du bord proximal, est ajourée : une fenêtre à trois arcs laisse voir une tôle découpée d’une forme ondulée qui pourrait représenter un petit personnage. Un rivet en assure la fixation. Les éléments de datation disponibles permettent de proposer une datation typologique couvrant la fin du XIIIe siècle et le XIVe siècle. Type C8b : Anneau composite à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, sans ardillon, à talons (fig. 183, n° 14) Vaucluse  Rue Carreterie, Avignon : n° 307, contexte de datation inconnue. : L x l x p = 1,6 x 1,35 x 0,45 cm, Chape : L x l = 2,7 x 1,1 cm ; objet complet, n° 11, Boucle : L x l x p = 1,55 x 1,6 x 0,35 cm, Chape : L x l = 2,35 x 1,2 cm ; artefact fragmentaire, n° 12, Boucle : L x l x p = 1,3 x 1,55 x 0,35 cm, Chape : L x l = 1,4 x 1,6 cm, XVe siècle, toutes les chapes sont de type A1b, habitat médiéval de la rue Mongat, Douai (Louis et al. 1998, p. 61, 64) ; Seine-Maritime : exemplaire incomplet avec chape de type B1b, Boucle : L x l = 1,45 x 1,65 cm, Chape : L x l = 3,1 x 1 cm, H.S., conservé au Musée de Meaux (Dupond et al. 1992, p. 96, n° 8). 1893 France, Cher : individu incomplet (traverse proximale en fer) à chape de type A1b, Boucle : l x l = 1,7 x 2,1 cm, Chape : L x l = 4,7 x 1,5 cm, démolition incendiée de maison, seconde moitié XIVe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 111, n° 14). 1894 Pièce complète, Boucle : L x l x p = 1,7 x 2,45 x 0,3 cm, Chape : L x l = 4 x 1,85 cm (Lambert 1983, p. 211, fig. 49, n° 9). 1895 Exemplaire complet, dimensions précises inconnues (Willemsen et Ernst 2014, fig. 2). 1896 Artefact complet, Boucle : L x l = 1,3 x 1,9 cm, Chape : L x l = 4,3 x 1 cm (Crummy (dir.) 2001, p. 51, n° 1813). 1897 Objet complet, Boucle : L x l = 1,7 x 2,7 cm, Chape : L x l = 7,4 x 1,8 cm (Gomes 2001, n° 245) 353 3. Approche croisée du mobilier archéologique Ce type ne peut être reconnu que si la chape de l’artefact est encore présente. De construction identique aux boucles du type C8a, l’objet du corpus possède cependant une chape de type C1a, donc sans fente ou perforation pour le passage d’un ardillon. Peut-être la ceinture était-elle fermée par un nœud après passage d’une extrémité dans l’anneau ? Il est également envisageable que cet artefact ait fonctionné dans le cadre d’un dispositif d’agrafage. L’anneau avignonnais est attribuable au XIVe siècle étant donné la datation du mobilier des types C8b et C8c. Il présente des points communs avec le type J8b. Type C8c : Anneau composite à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, à talons et à clapet proximal (fig. 184, n° 1 et 2) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3633, couche de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 262, couche d’occupation, vers 1360 - vers 1370/1375. Les deux artefacts du type C8c ont été fabriqués de la même façon que les anneaux et boucles des types C8a et C8b. L’encoche distale a été réalisée par limage. L’un des objets (fig. 184, n° 2) comporte un chanfrein partiel du bord supérieur externe de la traverse distale, limité à une surélévation et obtenu par limage (fig. 185, n° 2). Pour un spécimen de Rougiers (fig. 184, n° 1), la partie saillante d’une tôle décorée de segments incisés s’enroule autour de la traverse proximale à l’emplacement occupé normalement par l’ardillon. Si l’on en juge par la largeur de la fente découpant la chape (fig. 184, n° 2), l’autre pièce de Rougiers a vraisemblablement dû être pareillement équipée. Contrairement au clapet distal des boucles de type F4c qui joue un rôle dans la fixation par agrafage de la ceinture (fig. 112, C ; fig. 209, n° 1 à 4), le clapet proximal représenté ici est seulement décoratif. La nature de l’élément mâle qui fonctionnait avec les deux objets étudiés ici reste indéterminée. L’étude des chapes, dont une est de type A1c, est réalisée dans le chapitre consacré à la typologie des chapes. La fouille de la rue Mongat à Douai dans le Nord a livré un exemplaire du type C8c dans un niveau de la deuxième moitié du XIVe siècle1898. Des guillochis ornent le clapet 1898 Objet complet, Boucle : L x l = 1,35 x 1,5 cm, Chape : L x l = 3,1 x 1 cm (Louis et al. 1998, p. 61, n° 4). 354 3. Approche croisée du mobilier archéologique proximal. La chape est de type A1b. Il peut être proposé, pour le type C8c, avec les informations actuellement disponibles une datation typologique dans le XIVe siècle. Type C8d : Anneau composite à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, à talons, à ergots proximaux recourbés (fig. 184, n° 3 et 4) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : SBL XX-156, remblai du XVIIIe siècle. Vaucluse  Rue Carreterie, Avignon : n° 32, datation inconnue. Ces deux objets en alliage cuivreux sont constitués d’une tôle courbe ayant le rôle de traverse distale dont les extrémités sont traversées par les excroissances cylindriques d’une plaquette (fig. 184, n° 3), ou par un fil en alliage cuivreux (fig. 184, n° 4). Le fil, préalablement inséré à l’intérieur d’une tôle enroulée ou rouleau, voit ses deux bouts émergeant du rouleau être recourbés pour maintenir en place la traverse distale. Un anneau analogue à la pièce d’Avignon mais au cadre quadrangulaire provient d’une phase datée du milieu XIVe - première moitié XVe siècle du site du college of the Vicars Choral à York1899. Ces artefacts sont très probablement des passants, la lanière support se glissant entre l’espace formé par les ergots recourbés et la traverse proximale. La fenêtre réceptionnait le bout de la courroie. Le type C8d, probablement attribuable au XIVe siècle comme la plupart des objets du type C8, est à rapprocher du type J8c. Type D : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, à traverse distale élargie (fig. 186 à 200) Les anneaux et boucles du type D présentent un élargissement sur une partie ou la totalité de leur traverse distale. La traverse proximale est donc singulièrement moins large que la traverse distale. Le classement typologique se fonde sur l’ampleur de l’élargissement de la traverse distale, sur la présence de talons, d’un rouleau, d’ergots internes ou proximaux, d’œillets. 1899 Artefact complet, L x l = 1,2 x 1,1 cm (Ottaway et Rogers 2002, fig. 1477, n° 14389). 355 3. Approche croisée du mobilier archéologique En effet, au-delà de ces critères évidents, la très grande majorité des artefacts ne possède aucune caractéristique de configuration réellement distinctive. La section des diverses parties du cadre apparaît des plus variées, l’ampleur de l’élargissement affectant la traverse distale et sa répartition sur la partie du cadre concernée s’avèrent des plus changeants. En outre, le traitement statistique des pièces archéologiques du corpus et de la bibliographie n’apporte rien de probant quelles que soient les données prises en compte. Ces difficultés rendent le classement des anneaux et boucles de type D particulièrement difficile. Actuellement, six sous-types sont distingués. Les exemplaires avec un élargissement prédominant au centre de la traverse distale appartiennent au sous-type D1. Les deux soustypes suivants rassemblent les spécimens avec un élargissement progressif de la traverse distale, sans ou avec talons (D2 et D3). Le sous-type D4 regroupe les artefacts avec une largeur uniforme de la traverse distale, le sous-type D5 les objets comportant un rouleau, le sous-type D6 les pièces avec des œillets. Tous les objets du corpus du type D sont en fer ou en alliage cuivreux mais d’autres furent fabriqués dans des matériaux précieux comme l’illustre, sans doute, la découverte répertoriée à Brandes-en-Oisans (XIIe - milieu XIVe siècle) à L’Alpe d’Huez en Isère1900 d’un fragment de traverse distale en alliage d’argent affichant une encoche entourée d’une moulure. Type D1 : Anneau ou boucle semi-ovale, à élargissement prédominant du centre de la traverse distale (fig. 186, n° 1 à 8) Bouches-du-Rhône  18 rue des Magnans, Aix-en-Provence : n° 1, sol du XIVe siècle.  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL XX-97, remblai du XVIIIe siècle.  Quartier Sainte-Barbe, Marseille : n° 196, fin XIIIe - début XIVe siècle ; n° 11, remblai, fin XIVe - XVe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1213, contexte du deuxième tiers du XIVe siècle ; n° 1090, décapage pelle mécanique, N.D.S. 1900  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-114, datation inconnue.  Rue Philonarde, Avignon : n° 6, dépotoir du deuxième quart du XIVe siècle. Objet fragmentaire, l = 5,9 cm (Bailly-Maître 1983, p. 98, n° 77-438) 356 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les quelques boucles rassemblées ici ont une traverse distale dont l’élargissement est prédominant en son centre. Étant donné la diversité d’aspect des artefacts du corpus et le faible nombre d’éléments de comparaison, il a paru prématuré de les différencier dans des sous-types. Quatre groupes d’objets ont été constitués. Une boucle avignonnaise complète (fig. 186, n° 8), de petite taille, au contexte de datation inconnue appartient au premier groupe. Deux petites encoches agrémentent la jonction entre la traverse proximale et la traverse distale. La chape de type A1a est décorée de traits incisés parallèles en partie distale et de deux découpes profondes en forme de triangle en bordure proximale qui ont entaillé la partie revers de la chape sur son avers ordinairement masqué. Un unique rivet en fer assurait la fixation sur la lanière. L’ardillon est une tige de métal. La zone d’élargissement de la traverse distale est encore plus réduite sur une bouclette à talons trouvée dans le comblement d’une fosse des XVIe et XVIIe siècles rue Delayant à La Rochelle en Charente-Maritime1901. Son cadre conserve des traces d’une couverte blanche et une légère entaille du bord distal de la traverse proximale qui marque l’emplacement du nœud de l’ardillon. Le deuxième groupe comprend deux objets (fig. 186, n° 1 et 2) ayant perdu leur ardillon. De l’un des objets, il ne reste qu’une portion de la traverse distale, à l’inverse de l’autre spécimen qui possède une traverse distale quelque peu déformée. Le centre de la traverse distale de ces deux boucles comporte une encoche issue de la fonte encadrée de chaque côté de deux lignes incisées. Un objet analogue a été retrouvé dans le Gers, sur le site du village médiéval de Corné (vers 1170 - vers 1250) à L’Isle-Bouzon1902. Ses dimensions sont identiques à l’objet marseillais (fig. 186, n° 1). Un exemplaire découvert à Pamiers offrirait également un parallèle exact avec celui de Corné1903. Un autre mis au jour dans l’établissement hospitalier de La Salvetat de Serres (XIIe - XIVe (?) siècles ?) à Lavelanet de Comminges en Haute-Garonne est un peu plus petit1904. Les incisions sont au nombre de trois de chaque côté. En Espagne, le castillo de la Torre Grossa à Jijona dans la province d’Alicante a fourni une pièce des XIIIe - XIVe siècles dont l’encoche est semble-t-il encadrée d’une moulure1905. À Barcelone, deux exemplaires dont un avec une chape de type A4a, présentent également des incisions au centre de la traverse distale. Ils ont été retrouvés sur le 1901 Exemplaire entier, L x l = 1 x 1,2 cm (Berthon (dir) 2013, p. 58, n° 68). Objet entier, L x l = 3,5 x 5,2 cm (Lassure 1995, p. 504, fig. 407, n° 3). 1903 Cité par J. Lassure (1995, p. 504), fouille F. Veyssière. 1904 Artefact entier, L x l = 3,4 x 4,8 cm (Manière 1977, p. 220-221, fig. 23, n° 7). 1905 Spécimen entier, L x l = 3,7 x 4,8 cm (Azuar Ruiz 1985, p. 103, n° 204/7053). 1902 357 3. Approche croisée du mobilier archéologique site de l’Arc de Triomphe (XIIIe - XVIIIe siècles)1906. Il est ardu avec ces quelques éléments, dont la plupart ont une datation stratigraphique imprécise, de proposer une datation typologique rigoureuse. Cependant, il semble pouvoir être avancé pour le moment le XIIIe siècle et peut-être le début du XIVe siècle. En effet, l’objet du quartier Sainte-Barbe (fig. 186, n° 1), provenant d’un remblai de fin XIVe - XVe siècle, ne se trouve peut-être pas en position primaire de dépôt. Quant à l’artefact d’Avignon (fig. 186, n° 2), il a été découvert sur un site dont l’occupation commencée à la fin du XIIIe siècle, s’est pleinement développée au XIVe siècle. Le groupe suivant compte quatre boucles de petites dimensions plus longues que larges (fig. 186, n° 4 à 7) dont une présente une encoche distale issue de la fonte pour la réception du bout de l’ardillon. La traverse proximale est amincie. Un fragment d’ardillon est conservé sur deux exemplaires : c’est une tige de section quadrangulaire pour l’un (fig. 186, n° 4), un fil de section circulaire pour l’autre (fig. 186, n° 7). Ce dernier est en place dans la fente prévue à cet effet dans une chape de type A1b possédant un seul rivet de fixation. La fouille du cloître du groupe épiscopal d’Autun en Saône-et-Loire a fourni une pièce datée des XIIIe - XIVe siècles relative à ce groupe avec un ardillon de type fil et une chape de type A1b1907. Des objets découverts dans une ferme du XIVe siècle au « Bellé » à Neuilly-enThelle dans l’Oise1908 et au château d’Épinal dans les Vosges sont assignables à cet ensemble1909. Ces bouclettes sont attribuables dans l’état actuel des données au XIVe siècle. Le dernier groupe ne comprend qu’une seule boucle (fig. 186, n° 3), du deuxième quart du XIVe siècle, aussi large que longue, avec un ardillon plat. Sa traverse proximale débordante n’a pas été complètement ébarbée. Le centre de la traverse distale est orné de cinq incisions en éventail. Un objet dont la traverse distale est relativement ressemblante provient de dégagements archéologiques réalisés sur le site du château de Montségur (N.D.S.) en Ariège en 19841910. Néanmoins, elle comporte ce qui semble être deux grands ergots proximaux Quelques autres anneaux et boucles de type D1 de la bibliographie ne sont pas strictement assimilables à l’un des groupes sus-cités. Un spécimen en fer découvert sur le site 1906 Artefact entier, Boucle : L x l = 1,9 x 3,6 cm, Chape : L x l = 3,3 x 2,7 cm ; individu fragmentaire, dimensions inconnues (Parra Alé 2010a, p. 130, n° 10). 1907 Pièce complète, Boucle : L x l = 1,55 x 1,45 cm, Chape : L x l = 1,85 x 0,95 cm (Bourgogne 1987, p. 98, n° 135). 1908 Exemplaire entier, L x l = 1,8 x 1,65 cm (Legros 2001, n° 97). 1909 Boucle complète, L x l = 1,65 x 1,35 cm (Kraemer 2002, p. 244, pl. 15, n° 7). 1910 Boucle complète, L x l = 2,5 x 1,8 cm (Czeski 1990, p. 391). 358 3. Approche croisée du mobilier archéologique de Puy de Menoire (XIe - début XIIIe siècle ?) à Menet dans le Cantal présente une forme proche des pièces de type B6 et un léger élargissement de la traverse distale1911. Celui-ci a été perforé sans qu’il soit possible de savoir si cette ouverture est d’origine ou liée à un changement d’emploi au cours de la « vie » de l’objet. Une collection particulière belge conserve une boucle avec un élargissement distal très développé. Sa chape de type A2b est bordée d’un quadrillage gravé avec au centre une créature fabuleuse à longue queue créée par ajourage1912. Elle est datée stylistiquement vers 1210 par les auteurs du Corpus des émaux méridionaux qui y voient une production des ateliers de Limoges. Trois pièces en alliage cuivreux trouvées sur le site du village médiéval de Corné (vers 1170 - vers 1250) à l’IsleBouzon dans le Gers ont une forme à peu près similaire aux bouclettes du troisième groupe (fig. 186, n° 4 à 7). Elles s’en distinguent par leurs dimensions – elles sont deux fois plus grandes –, les incisions et moulures décoratives de leur cadre, et leur chape de type D1. Une dernière boucle fut mise au jour dans un contexte de la deuxième moitié du XIIIe siècle, en association avec une épée, sur le site de Cuckoo Lane A à Southampton au Royaume-Uni. De grande largeur, elle possède des talons, un élargissement de la traverse distale assez réduit, et une chape de type A4. Elle présente des parallèles avec des plaques funéraires britanniques en alliage cuivreux d’après Y. Harvey1913. Type D2 : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, sans talons, à élargissement progressif de la traverse distale (fig. 186, n° 9 à 20 ; fig. 187 à 197 ; fig. 198, n° 1) Les anneaux et boucles en alliage cuivreux à fenêtre semi-ovale sans talons à traverse distale à élargissement progressif sont connus par quelques rares exemplaires pour l’époque mérovingienne1914. Toutefois, aucune continuité n’est attestée dans l’utilisation de ces objets jusqu’au second Moyen Âge. Les difficultés de classement du mobilier qui viennent d’être évoquées ont conduit à distinguer au sein des types D2 et D3 un groupe α (alpha) rassemblant des objets définis comme ayant des caractères communs. Dans le type D2, le groupe α rassemble 38 objets. Aucun artefact du corpus du type D3 ne peut être intégré au groupe α. 1911 Anneau complet, L x l = 4,65 x 4,05 cm (Fournier et al. 2001, p. 98 à 100). Boucle complète, Boucle : L x l = 3,5 x 4,7 cm ; Chape : L x l = 4,8 x 4,5 cm (Gauthier at al. 2011, CD-Rom, fiche VII A, n° 4). 1913 Boucle complète, Boucle : L x l = 2,7 x 7,35 cm ; Chape : L x l = 1,4 x 3,3 cm (Harvey et al. 1975, p. 281, fig. 252, n° 2021). 1914 Par exemple Scapula 1975, fig. 66, s. 780 ; Stutz 2003, pl. 1, n° 23 et 24 1912 359 3. Approche croisée du mobilier archéologique Comme il en existe néanmoins dans la bibliographie, l’analyse de l’ornementation spécifique de ces spécimens a été menée avec celle du type D2. Une ceinture à boucle de type D2 avec une chape à excroissances fleuronnées ou tréflées est peinte sur une page du Bréviaire de Jean d’Ambroise enluminé après 1481 (fig. 159). - Anneaux et boucles en alliage cuivreux, groupe α Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL 92.02.23, H.S.  Estoublon, Fontvieille : n° 1, H.S.  Château d’Hauture, Fos-sur-Mer : n° B569374, tranchée de fondation d’une tombe, XIVe siècle.  Chapelle Saint-Martin, Gémenos : n° 1, H.S.  Les Pistoles, Marseille : n° 419, sol de cuisine, première moitié XIIIe - début XIVe siècle.  Place du Général de Gaulle, Marseille : n° 1069, contexte postérieur à 1370.  Quartier Sainte-Barbe, Marseille : n° 123, deuxième quart - milieu XIVe siècle.  Les Plaines, Peyrolles : n° 1, H.S. Var  Grand Abri de la Place, Baudinard : n° 1, H.S.  Place Formigé, Fréjus : n° 6, sépulture, fin XIIe siècle - 1748.  Castrum de Marsens, Le Muy : n° 24, déblais du cimetière, XIIIe - début XVe siècle.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 79, foyer, n° 103, foyer, n° 1395, sol intérieur de grotte, n° 2453 et 2454, couche de dépotoir, vers 1345 - vers 1360 ; n° 51, 1203, 1578, 3447, sols de bâtiment, n° 2388, couche de dépotoir, n° 3560, couche de dépotoir associée à de l’effondrement de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 208, 1820, 1821, 1835, 1962, sols de bâtiment, n° 2224 et 2361, couche de dépotoir, vers 1370/1375 - vers 1415/1420.  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 94-234, contexte inconnu. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1074, H.S. ; n° 1083, datation inconnue.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 273, comblement de tranchée de fondation, 360 3. Approche croisée du mobilier archéologique 1491 - 1496.  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-129, datation inconnue.  Rue de la Banasterie, Avignon : n° 355, datation inconnue ; n° 48, H.S.  Rue Carreterie, Avignon : n° 310 à 315, contextes inconnus. Les trente-huit anneaux et boucles en alliage cuivreux de ce groupe répertoriés dans la région d’étude comportent une traverse distale qui s’élargit progressivement vers son centre. Ces objets présentent un profil plat car l’épaisseur de la traverse proximale est à peu près identique à celle de la traverse distale. Leurs dimensions sont très variables : le plus petit ne dépasse pas 1,5 cm de long et 1,8 cm de large (fig. 186, n° 11) alors que le plus grand atteint 5,1 cm de long et 7,5 cm de large (fig. 189, n° 5). Certains artefacts sont particulièrement larges (ex : fig. 187, n° 5 et 6), d’autres beaucoup plus ramassés (fig. 187, n° 1 à 3), mais tous sont plus larges que longs. Sur deux d’entre eux, une encoche réalisée à la lime sur la traverse proximale marque l’emplacement de la base de l’ardillon (fig. 187, n° 1 et 14). Ordinairement, le revers de la traverse distale est bombé (ex : fig. 186, n° 13 ; fig. 187, n° 1, 7, 10). Hormis pour quelques spécimens (fig. 186, n° 12, 14, 16, 17 ; fig. 187, n° 12), une dépression issue de la fonte, retouchée ou obtenue à la lime (fig. 188, n° 1) indique sur la traverse distale la place réservée au bout de l’ardillon. De fortes traces de lime s’observent régulièrement sur ces boucles (fig. 185, n° 1). Les spécimens les plus grands sont souvent décorés par ciselure et par poinçonnage. L’ampleur de leur traverse se prête particulièrement bien à l’élaboration d’une ornementation parfois complexe faite de zigzags (fig. 188, n° 4 à 6)1915, de pampres végétaux (fig. 189, n° 1 à 5), d’oiseaux stylisés (fig. 189, n° 6). Pour les deux derniers décors évoqués, l’intérieur du motif, délimité par des traits incisés, apparaît en réserve sur un fond travaillé d’un rendu ocellé obtenu avec un poinçon circulaire creux en son centre. À l’opposé, une boucle de petite taille du corpus est ornée de points creux produits par poinçonnage (fig. 185, n° 3 ; fig. 187, n° 2). De nombreuses boucles du groupe α, sans ou avec talons (types D2 et D3), ont été mises au jour dans le sud de la France et en Angleterre (fig. 190 à 195), mais il n’apparaît le plus souvent dans la bibliographie que des exemplaires de moyennes ou de grandes dimensions, sans doute parce que la particularité et la richesse du décor qui orne régulièrement leur surface ont attiré l’attention. En effet, seuls six spécimens à la surface unie 1915 La boucle découverte à Estoublon et signalée par G. Démians d’Archimbaud (1980b, p. 498) comporterait des zigzags. 361 3. Approche croisée du mobilier archéologique sont ainsi signalés dans la bibliographie (ex : fig. 190, n° 1 à 3) dont trois, trouvés au Gué de Bazacle à Toulouse, inachevés1916. Deux d’entre eux sont encore réunis par un canal de coulée. Les motifs recensés sur la traverse distale de ces anneaux et boucles sont des plus diversifiés. Ils sont disposés symétriquement par rapport à l’encoche distale et le fond est toujours couvert d’ocelles pour mettre en évidence les formes. Il s’y trouve des triangles quadrillés incisés (fig. 190, n° 4) ou remplis de zigzags (fig. 190, n° 5), des motifs constitués d’ocelles (fig. 190, n° 6 à 11). Des boucles sont agrémentées de pampres végétaux (fig. 191, n° 1 à 5)1917. Sur un spécimen de Narbonnes (fig. 192, n° 4), la tige d’un pampre végétal cloisonne chaque moitié de la traverse distale en différentes zones comportant chacune un fragment de feuille sur un fond de cercles poinçonnés. Deux groupes d’objets comportent des pampres végétaux de part et d’autres de plantes stylisées placées en terre. Dans un premier groupe, les pampres et les plantes sont très schématisées (fig. 190, n° 12 à 14 ; fig. 191, n° 6 à 10 ; fig. 195, n° 1). Sur un individu londonien (fig. 191, n° 9), les incisions qui délimitent ordinairement les motifs sont absentes et un poinçonnage délimite à lui seul la plante. Le pampre végétal est évoqué par une ligne courbe d’ocelles. Les plantes – parfois au nombre de quatre – sont un peu plus réalistes pour le deuxième ensemble (fig. 192, n° 1 à 3 et 5). Des oiseaux très stylisés (fig. 193, n° 1 à 8) analogues à des exemplaires de Rougiers (fig. 189, n° 1 à 5) apparaissent sur plusieurs pièces. Ils sont plus naturalistes sur d’autres boucles où ils partagent l’espace avec des plantes (fig. 193, n° 10 et 11 ; fig. 194, n° 2) ou avec des valves de coquillage (fig. 194, n° 1). L’ornementation de ce dernier spécimen est d’une grande finesse. Les oiseaux, aux courbes harmonieuses, sont représentés dans des attitudes naturalistes et se tiennent sur ou à côté de pampres végétaux. Ils encadrent deux zones décorées par des valves de coquillage dont ils sont séparés par une frise décorative constituée de trois petites étoiles incisées. Sur une boucle ariégeoise, les oiseaux sont figurés tout en longueur et en train de marcher ou de courir (fig. 193, n° 9). Un exemplaire provenant de Dordogne est décoré de caissons remplis de trois ocelles, d’un pampre végétal, d’une tête de lion présentée par un avant-bras (fig. 195, n° 2). Dans l’un des caissons, un avant-bras est mordu par l’animal. Des lettres de l’alphabet voire des messages religieux peuvent également apparaître sur les boucles : un A incisé de chaque côté de l’encoche distale est séparé d’un 1916 Dimensions des pièces : L x l = 1,95 x 2,75 cm (Aujourd’hui 1981, n° 205 ; Archéologie 1990, p. 277, n° 601). 1917 On peut y rajouter un artefact entier (?) mis au jour dans le hameau de Neujon à Monségur en Gironde (cité par G. Démians d’Archimbaud 1980, p. 498). 362 3. Approche croisée du mobilier archéologique pampre végétal par une barre verticale sur un artefact conservé dans une collection privée (fig. 194, n° 3). L’invocation +AVE M(ARIA) G(RATIA) P(LENA) est inscrite sur un spécimen ariégeois (fig. 194, n° 4). Pour ces objets, toujours sans chape, une datation du haut Moyen Âge a longtemps été avancée : C. Barrière-Flavy voyait dans leur ornementation – elle rappellerait les jardins du paradis – l’influence de l’art byzantin mais se refusait à fixer une période de production même si le fait qu’il les ait inclus dans son étude sur les sépultures barbares du Midi et de l’Ouest de la France montre à l’évidence qu’une datation pour le haut Moyen Âge avait sa préférence1918. E. James en 1977 les considérait encore comme des objets mérovingiens et interprétait les oiseaux comme des paons et les plantes comme des plants de vigne, faisant ainsi référence aux mosaïques ravennates1919. Il a fallu les fouilles du castrum Saint-Jean pour que la datation de ces accessoires du costume soit reculée à la fin du Moyen Âge. Actuellement, le XIVe siècle semble s’imposer. Quant aux décors animaliers ou humains, ils sont bien plus probablement le reflet d’une esthétique courtoise que l’on retrouve également sur des objets des types F2b et F2c. La diffusion du groupe α se concentre dans le sud de la France et le long des façades maritimes sud et est de l’Angleterre (fig. 190, n° 7 à 13 ; fig. 191, 7 à 9 ; fig. 193, n° 5, 6 et 8 ; fig. 196). Les productions du groupe α sont à l’évidence l’œuvre d’ateliers du sud de la France. Un atelier ayant réalisé des pièces sans décor est attesté dans la région de Toulouse par les découvertes du Gué du Bazacle. Il a pu également fabriquer des exemplaires décorés. Une diffusion encore plus restreinte à l’échelle géographique se constate pour les artefacts des types F2b et F2c avec lesquels les boucles du groupe α ont des points communs : présence régulière du fond d’ocelles, figurations d’oiseaux, de plantes et de lettres. Si les boucles de ces deux derniers types ont une configuration très particulière qui ne se rencontre nulle part ailleurs, les exemplaires du type D2α partent d’une base commune qui a donné lieu à de nombreuses variantes ainsi que l’illustre l’analyse des autres objets du type D2. Les analyses de composition réalisées sur quinze boucles du groupe α trouvées sur le site du castrum Saint-Jean à Rougiers1920 révèlent que la plupart de ces pièces sont en bronze au plomb. Deux spécimens sont en bronze, un exemplaire est en laiton rouge et un dernier en laiton rouge au plomb. La teneur en étain est toujours élevée (entre 4,8 et 13,2 %). Parmi les artefacts en bronze au plomb, deux groupes ont été constitués selon la teneur en plomb : entre 1918 Barrière-Flavy 1892, p. 85, 89. James 1977, p. 401-403. 1920 Se reporter à l’annexe 2. 1919 363 3. Approche croisée du mobilier archéologique 4,5 et 8,4 % pour l’un, entre 12,5 et 15,1 % pour l’autre. Bien qu’aucune variation de la teneur en plomb en fonction de la datation du contexte n’ait pu être mise en évidence, il est possible que ces deux groupes soient le résultat de la production de plusieurs ateliers contemporains. Ceux-ci se fournissaient très probablement en étain provenant des îles britanniques et ayant voyagé par voie maritime, puis fluviale en remontant la Garonne. Un parcours terrestre pouvait être nécessaire en fonction de la localisation du ou des ateliers. Des relations commerciales avec l’Angleterre se faisaient très certainement dans les deux sens ; des boucles de type D2α isolées ou montées sur des ceintures ont probablement été exportées dans cette région. Ces produits ont peut-être été ensuite copiés par des ateliers locaux mais cette hypothèse est incertaine car dans ce cas la diffusion ne se retreindrait pas aux zones portuaires ou proches de la mer. Les deux pièces connues au nord de la France ont pu être amenées depuis l’Angleterre. - Anneaux et boucles en alliage cuivreux, autres boucles (fig. 197, n° 1 à 8) Bouches-du-Rhône  Château d’Hauture, Fos-sur-Mer : n° B569376, remblai sur des sépultures, XIVe XVe siècle.  Îlot 24 N, Marseille : n° 35, N.D.S. Var  Cadrix, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 336, H.S.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3602, couche de dépotoir associée à de l’effondrement de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1080, deuxième moitié du XIVe siècle.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1098, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400.  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-129, datation inconnue.  Rue Banasterie, Avignon : n° 541, datation inconnue Ainsi qu’il a été souligné précédemment, la diversité morphologique des anneaux et boucles de type D2 est si importante qu’il n’a pas été possible d’arriver à une division plus précise en sous-types. Aucun schéma d’évolution des caractéristiques morphologiques n’a, 364 3. Approche croisée du mobilier archéologique pour le moment, pu être mis en évidence malgré de nombreuses tentatives d’organisation. La bibliographie rapporte de très nombreuses pièces attribuables au type D2. Nous avons fait le choix d’opérer une sélection parmi ces pièces, en essayant de faire apparaître cette diversité, sans aboutir à une longue liste d’objets sans forcément de liens avec les artefacts du corpus. Les anneaux et boucles du corpus sont de formes variées. Certains sont relativement trapus (fig. 197, n° 3 à 6), un autre est plus long que large (fig. 197, n° 2). La traverse distale d’une pièce retrouvée à Cadrix est incisée de sept lignes parallèles (fig. 197, n° 3), celle d’une boucle de Rougiers (fig. 185, n° 4 ; 197, n° 7) est ornée des lettres A E M, peut-être pour A(V)E M(ARIA). Des fragments de palmettes encadrent l’inscription. Ce motif est du même type que celui qui décore les boucles du groupe α du type D2 et peut donc y être assimilé. Des anneaux et boucles de type D2 assez proches des pièces du type α, ont été retrouvés un peu partout en Europe de l’Ouest. Parmi ceux-ci, deux pièces presque identiques provenant du castell du Buriac (N.D.S.) à Cabrera de Mar et du castell del Far (XIIIe - milieu XVe siècle) à Llinars del Vallès dans la province de Barcelone en Espagne se distinguent par la présence d’ergots latéraux1921. La traverse distale de la première est ornée de chevrons superposés, l’espace entre les chevrons étant peut-être couvert d’ocelles (?). Au quartier de Bézaudin à Arengosse dans les Landes, un objet avec une progression de l’élargissement de la traverse distale assez brutale a été ramassé lors d’une prospection1922. Deux incisions encadrent la zone de réception du bout de l’ardillon. D’une fouille Londonienne provient une boucle appartenant à une phase de la deuxième moitié du XIVe siècle1923. Cet objet, assez proche des exemplaires du groupe α, présente une chape de type A3b. Toujours à Londres, un artefact voisin d’un exemplaire du groupe α (fig. 187, n° 1) a été retrouvé dans un niveau du deuxième tiers du XIIIe siècle. Il comprend dans la zone de réception du bout de l’ardillon quatre dépressions parallèles à l’axe de l’objet1924. L’épaississement du cadre en direction du centre de la traverse distale ne permet cependant pas de l’intégrer dans ce groupe. Sur le site de Wharram dans le Yorkshire du Nord, un contexte d’abandon postérieur au XVe siècle a fourni un spécimen dont les extrémités de la traverse proximale s’élargissent au détriment de la fenêtre1925. 1921 Pièce entière, L x l = 2,8 x 3,7 cm (Farell et al. 2000, p 252). Artefact incomplet, L x l = 2,8 x 3,85 cm (Barrouquère et al. 2003, p. 140, fig. 12, A). 1923 Boucle entière, Boucle : L x l = 1,7 x 2 cm, Chape : L x l = 3,3 x 1,3 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 68, n° 262). 1924 Spécimen fragmentaire, L x l = 1,4 x 1,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 68, n° 260). 1925 Exemplaire entier, L x l = 2,5 x 3,2 cm (Goodall 1979b, p. 112, n° 71). 1922 365 3. Approche croisée du mobilier archéologique Dans la bibliographie, quelques objets comportent une encoche distale placée dans une surélévation quadrangulaire sur le cadre. Un artefact avec traces de dorure (N.D.S.) mis au jour au castrum de Cabaret à Lastours dans l’Aude présente cette caractéristique d’aspect1926. Il rappelle un exemplaire trouvé à Avignon (fig. 198, n° 8) avec une moulure autour de l’encoche distale, mais sa traverse proximale est loin d’être aussi marquée. Une opération archéologique à Nogara dans la province de Vérone en Italie a fourni une pièce très large avec un bloc quadrangulaire sur lequel repose le bout de l’ardillon1927. Le contexte de découverte est daté des XIe - XIIIe siècles. La fouille d’une sépulture sur la Plaza Biscós (XIe - XVIe siècle) à Jaca dans la province de Huesca en Espagne a procuré un artefact analogue à un objet avignonnais (fig. 197, n° 1)1928 : outre sa forme, la section du cadre est également globalement triangulaire avec un côté bombé. La traverse distale des anneaux et boucles du type D2 peut être de section oblique ou en partie oblique. La section est totalement oblique pour un artefact londonien daté de la deuxième moitié du XIVe siècle1929, en arc-de-cercle et moulurée pour une pièce avec chape de type A2b datée vers 1280 - vers 1380 provenant du site de Barker Lane à King’s Lynn dans le comté de Norfolk au Royaume-Uni1930. Le cas du fragment de traverse distale mis au jour hors stratigraphie sur le site de Sorta à Serradell dans la province de Lleida en Espagne est particulièrement intéressant1931. Le tiers proximal de la largeur est oblique, les deux autres tiers sont plats. La surface plane est incisée d’une ligne de chevrons, l’espace entre les chevrons et le bord distal est couvert d’ocelles. Une boucle sans talons avec encoche distale découverte dans le village abandonné de Dracy (XIIIe - début XVe siècle) en Côte-d’Or présente une traverse distale avec la même forme1932. Beaucoup d’exemplaires de petite taille, généralement plus larges que longs, possèdent une traverse distale particulièrement épaisse et même de section ovoïde1933 : c’est le cas pour un objet trouvé dans un contexte des XVe - XVIIe siècles au château de Penamacor dans le 1926 Boucle complète, L x l = 3,65 x 4,3 cm (Barrère 1999, p. 823, fig. 1, n° 5). Exemplaire complet, L x l = 3 x 4,3 cm (Possenti 2001, p. 498, fig. 9, n° 3). 1928 Spécimen complet, L x l = 3,9 x 5,1 cm (Justes Floría et Domingo Martínez 2007, p. 332, fig. 38). 1929 Objet incomplet, L x l = env. 4,8 x env. 7 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 68, n° 264). 1930 Artefact complet, Boucle : L x l x h = 1,8 x 3 x 0,75 cm, Chape : L x l = 3 x 2,3 cm (Geddes et Carter 1977, p. 287, n° 9). 1931 Objet fragmentaire, l = 4,6 cm (Bolos et al. 1981, p. 172-173, n° 104). 1932 Anneau entier, L x l = 6,15 x 10,55 cm (Bourgogne 1987, p. 153). 1933 C’est peut-être le cas pour un objet trouvé en Belgique mais dont il n’est connu qu’une photo : spécimen entier, première moitié du XVIe siècle, L x l = 3,6 x 3,25 cm, Bouvignes, rue Genard/porte Chevalier (Thomas et al. (dir). 2014, p. 105, n° 159). 1927 366 3. Approche croisée du mobilier archéologique district de Castelo Branco au Portugal1934, pour un individu trapu issu d’un probable contexte du XVIe siècle du site de Wacher E4 à Southampton1935. Sur le site de Brandes-en-Oisans (XIIe - milieu XIVe siècle) à l’Alpe d’Huez en Isère, la fouille a fourni un artefact à la traverse distale de section losangique avec encoche distale1936. De ce même site provient un spécimen trapu dont la traverse distale de section ovoïde est semble-t-il couverte de cannelures1937. Deux exemplaires très larges dont un avec chape de type A2b ont été découverts en Italie lors de fouilles à la Crypta Balbi à Rome, dans une phase de la deuxième moitié du XIVe siècle et du début du XVe siècle1938. Le fourreau de l’épée du Sacre des rois de France comporte une boucle en or à traverse distale épaisse et ovoïde (fig. 156). Les extrémités de la traverse proximale à laquelle est liée une chape de type A4a sont grenetés. La datation typologique resserrée de cette boucle au deuxième tiers du XIIIe siècle proposée par I. Fingerlin est faiblement fondée1939. Terminons avec un objet mis au jour dans un niveau des XIIIe - XIVe siècles au village médiéval de Dracy à Baubigny en Côte-d’Or. Le centre de la traverse distale est réduit pour marquer le point de repos du bout de l’ardillon1940. Cette particularité de configuration n’a pas de parallèle dans le corpus comme dans la bibliographie. Les boucles de type D2 en alliage cuivreux dans leur ensemble sont attestées actuellement depuis le deuxième tiers du XIIIe siècle. Elles ont vraisemblablement continué à être produites jusqu’au XVe siècle inclus. - Anneaux et boucles en fer (fig. 197, n° 9 à 15 ; fig. 198, n° 1) Bouches-du-Rhône  18 rue des Magnans, Aix-en-Provence : n° 2, XIVe siècle.  Les Trois Tours, Le Paradou : n° 7, H.S.  Place du Général de Gaulle, Marseille : n° 2433, vers 1320 - vers 1360. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 700, sol de réserve ou d’abri pour bétail, vers 1934 Exemplaire incomplet, L x l = 2,1 x 2,35 cm (Silvério et al. 2004, p. 492, fig. 28, CPI3C2). Individu entier, L x l = 2,7 x 2,2 cm (Harvey et al. 1975, p. 262, fig. 243, n° 1800). 1936 Pièce complète, L x l = 2,6 x 3,7 cm (Bailly-Maître 1983, p. 98, n° 166). 1937 Artefact entier, L x l = 1,95 x 2,3 cm (Bailly-Maître et Bruno Dupraz 1994, p. 128). 1938 Anneau entier, L x l = 3,3 x 4,5 cm, boucle complète, Boucle : L x l = 2 x 4,4 cm, Chape : L x l = 2,7 x 3,6 cm (Sfligiotti 1990, p. 543). 1939 Fingerlin 1971, n° 383. 1940 Spécimen entier, L x l = 1,45 x 2,1 cm (Abramowicz et al. 1970, fig. 102, n° 8). 1935 367 3. Approche croisée du mobilier archéologique 1309/1315 - vers 1345 ; n° 531, couche de destruction ou d’abandon, n° 2175 et 2475, couches de dépotoir, vers 1345 - vers 1360 ; n° 3592, couche de dépotoir associée à de l’effondrement de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 2258, couche de dépotoir, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. La forme des anneaux et boucles en fer du type D2 semble aussi variée que celle des exemplaires en alliage cuivreux. Le cadre est toujours plus large que long ou aussi large que long (fig. 198, n° 1), outrepassé au milieu ou dans la partie distale du cadre. La traverse distale est de section quadrangulaire, semi-ovale ou ovoïde. Dans les circonstances présentes, rien ne permet de classer ces objets en sous-types. La bibliographie comprend de nombreux exemplaires du type D2. Certains sont analogues à une pièce aixoise (fig. 197, n° 10) qui peut presque être rattachée au type B10. Un spécimen se situait à hauteur de la taille d’un sujet âgé d’une cinquantaine d’années qui pourrait avoir été inhumé au XIVe ou XVe siècle sur le site de la Tour Saint-Laurent à Oze dans les Hautes-Alpes1941. Une boucle assez proche est également originaire d’une sépulture des XIVe - XVe siècles sur l’emplacement d’une villa romaine à Ovindoli dans la province de L’Aquila en Italie1942. Du site de Rocca Ricciarda à Loro Ciuffana dans la province d’Arezzo, provient un spécimen avec chape de type indéterminé issu d’un niveau de fin XIVe - milieu XVe siècle1943. Une pièce à la traverse proximale plus longue a été ramassée en prospection sur le site de l’Esquerda à Roda de Ter dans la province de Barcelone en Espagne1944. Une autre de même forme, découverte lors de fouilles au village déserté de Rattray dans l’Aberdeenshire au Royaume-Uni, est datée entre la première moitié du XIVe siècle et la première moitié du XVIe siècle1945. Les anneaux et boucles de plus grande largeur sont à rapprocher, pour la plupart, d’une pièce avignonnaise (fig. 197, n° 13). C’est le cas d’un objet mis au jour sur le site de Miranduolo (contexte inconnu) à Chiusdino dans la province de Sienne1946, d’un individu retrouvé dans un niveau des XIIIe - XIVe siècles au château de Friedberg à Meilen dans le 1941 Pièce complète, L x l = 3,7 x 4,7 cm (Bonnefoi 1969, p. 30). Exemplaire complet, L x l = 3,9 x 4,6 cm (Redi et Malandra 2003, p. 399, fig. 6, n° 4). 1943 Objet complet, Boucle : L x l = 3,9 x 4,2 cm, Chape : L x l = 2,6 x 2 cm (Lucarini 2009, p. 285, n° 3096). 1944 Anneau entier, L x l = 3,5 x 3,6 cm (Ollich 1976, p. 516, n° 22 ; Bolos et al. 1981, p. 156, n° 78). 1945 Pièce fragmentaire, L x l = 2,6 x 3 cm (Goodall 1993, p. 185, fig. 37, n° 143). 1946 Objet entier, L x l = 3,35 x 4,6 cm (Ceppatelli 2008, p. 423, fig. 187, n° 9). 1942 368 3. Approche croisée du mobilier archéologique canton de Zürich en Suisse1947. Leur traverse distale est de section ovoïde. Un artefact avec traverse distale à section quadrangulaire arrondie a été découvert sur le fémur droit d’un corps des XIVe - XVIe siècles dans le cimetière du prieuré de Pill à Milford Haven dans le comté de Pembrokeshire au Royaume-Uni1948. Il est interprété comme ayant servi à fermer un linceul. Des boucles étamées avec une traverse distale moins élargie sont issues de niveaux londoniens datés vers 1270 - vers 13501949. La plus grande comporte six incisions sur la traverse distale pour réceptionner le bout de l’ardillon. En Belgique, à Tournai dans la province du Hainaut, sous la place Saint-Pierre, la fouille d’une sépulture des XVe - XVIe siècles parmi les vestiges d’une ancienne église a fourni une large boucle en fer dont l’ardillon traverse une applique en alliage cuivreux de type M11950. Deux boucles en fer de type B4, une autre applique de type M1, une applique de type G et des fragments d’une bourse en cuir proviennent de cette inhumation. Tous ces anneaux et boucles sont outrepassés dans la moitié proximale du cadre. Une boucle outrepassée dans la moitié distale, analogue à une pièce de Rougiers (fig. 197, n° 11) fut trouvée dans un remblai de construction de la fin du XIIe ou de la première moitié du XIIIe siècle lors de fouille de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher1951. Le corpus provençal comprend une série de trois objets assez trapus (fig. 197, n° 14 et 15 ; fig. 198, n° 1) qui offrent une certaine ressemblance avec un individu en alliage cuivreux (fig. 197, n° 8). L’exemplaire du corpus le plus long (fig. 198, n° 1) comporte une encoche distale. Un objet de ce type sans encoche distale fut ramassé anciennement au château de Montségur (N.D.S.) dans l’Ariège1952. Une autre pièce avec des incisions pour la réception du bout de l’ardillon a été mis au jour sur le site des jardins du Carmel à La Rochelle en Charente-Maritime, dans un comblement de tranchée d’installation de mur du XVIIe siècle avec du mobilier des XIIIe - XVIIe siècles1953. Des artefacts analogues aux deux autres spécimens trapus du corpus proviennent d’un remblai contenant du mobilier du VIe au XIVe siècle sur le site de la Collina di San Pietro à Castel San Pietro dans le canton du Tessin en Suisse1954, d’un niveau du XIVe siècle du château de Montaldo di Mondovì dans la province 1947 Boucle entière, L x l = 2,4 x 3,4 cm (Müller et al. 1981, p. 36, fig. 20, n° 43). Artefact fragmentaire, L x l = 4,3 x 6,1 cm (Ludlow et al. 2002, p. 74). 1949 Deux spécimens complets, L x l = 3,6 x 2,8 cm et 3,2 x 4,2 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 92, n° 397 et 399). 1950 Boucle complète, L x l = 4 x 7,7 cm (Verslype 1999a, p. 177, n° 3). 1951 Individu complet, dimensions précises inconnues (Fondrillon et Marot 2013, p. 163, n° 3976). 1952 Boucle complète, L x l = 5,1 x 4,6 cm (Dagain et Laffont 1975, p. 13). 1953 Individu fragmentaire, L x l = 5,5 x 4,9 cm (Berthon (dir) 2013, p. 67, n° 81). 1954 Spécimen entier, L x l = 2,85 x 3,8 cm (De Marchi 1996, p. 195). 1948 369 3. Approche croisée du mobilier archéologique de Coni. Ce dernier comporte une traverse distale losangique1955. Deux autres individus sont issus d’un remblai et d’un dépotoir de fin XIIe - première moitié XIIIe siècle du site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher1956. Deux artefacts londoniens n’ont pu trouver d’analogies avec des spécimens provençaux : une très petite boucle avec une traverse distale de section oblique, à encoche distale, peu outrepassée, provenant d’un contexte du premier tiers du XIIIe siècle1957 ; un objet issu d’un niveau de la deuxième moitié du XIVe siècle particulièrement large avec la traverse distale plate et un fragment de lanière en cuir1958. D’après les données actuellement disponibles, les boucles en fer du type D2 sont connues depuis le début du XIIIe siècle et semblent avoir perduré jusqu’au XVe siècle inclus. Type D3 : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, à talons, à élargissement progressif de la traverse distale (fig. 198, n° 2 à 15 ; fig. 199, n° 1 à 5) - Anneau ou boucle semi-ovale en alliage cuivreux, à élargissement progressif de la traverse distale, sans ergots (fig. 198, n° 2 à 15 ; fig. 199, n° 1 à 3) Alpes-de-Haute-Provence  Avenue Sainte Douceline, Digne : n° 5, tranchée de fondation de mur, datation inconnue.  Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne : n° 320, remblai des XVIIe - XVIIIe siècles. Bouches-du-Rhône  Les Thermes, Aix-en-Provence : n° 2, niveau d’Époque moderne.  Notre-Dame de la Seds, Aix-en-Provence : n° 8 et 10, sols de la première moitié du XIVe siècle ; n° 1, sondage, fin XIIe - XIVe siècle ?  Îlot 55, Marseille : n° 122, H.S. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 627, sol intérieur de grotte, vers 1345 - vers 1955 Artefact incomplet, L x l = 2,3 x 2,6 cm (Cortelazzo et Lebole di Gangi 1991, p. 223, fig. 130, n° 5). 1956 Boucle complète, L x l = 3,55 x 5,2 cm ; Anneau fragmentaire, L x l = 4,4 x 5,4 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 163, n° 2921 et 4420). 1957 Pièce complète, L x l = 1,7 x 1,7 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 90, n° 395). 1958 Objet complet, L x l = 4,2 x 8,7 cm (Clark 2004², p. 57, n° 20). 370 3. Approche croisée du mobilier archéologique 1360.  Cadrix, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 285, niveau de cour du XIVe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1075, deuxième tiers XIVe siècle ; n° 1076, troisième tiers XIVe siècle ; n° 1091, première moitié XIVe siècle.  Place de la Principale, Avignon : n° 1995-36, datation inconnue.  Rue Banasterie, Avignon : n° 47, H.S.  Rue Carreterie, Avignon : n° 313 à 315, contexte inconnu. Tout comme les anneaux et boucles du type D2, les exemplaires du type D3 présentent une grande variété d’aspects dans leurs formes et dimensions. Pour les mêmes raisons que lors de l’étude des anneaux et boucles en alliage cuivreux du type D2 n’appartenant pas au groupe α, il a été procédé à un choix parmi les éléments de comparaison. Les artefacts du corpus sont en alliage cuivreux et ont été obtenus par la fonte. De fortes traces de lime s’observent parfois (fig. 198, n° 6, 7 ; fig. 199, n° 1). Dans un cas, le limage, particulièrement intensif, a pratiquement fait disparaître l’encoche distale. Les talons participent de la mise en évidence de la traverse proximale. Ils sont parfois accompagnés par une réduction du cadre (fig. 198, n° 4, 11, 15), par un ressaut associé à une modification de la forme de la section (fig. 199, n° 2 et 3). L’ardillon est un fil en alliage cuivreux (fig. 198, n° 6), une tige en fer (fig. 198, n° 3 et 4), une tôle en alliage cuivreux (fig. 198, n° 8 et 13 ; fig. 199, n° 2). L’emplacement du nœud de l’ardillon est marqué sur une pièce par un aplatissement localisé au milieu des deux faces principales de la traverse proximale (fig. 198, n° 4). L’encoche distale peut être entourée d’une légère moulure (fig. 198, n° 14 et 15). Deux objets arborent des incisions décoratives sur leur traverse distale (fig. 198, n° 9 et 11). Elles sont disposées sur les deux faces pour l’un d’eux (fig. 198, n° 9). Malgré leur très faible profondeur, cause de leur altération progressive, les incisions conservent des traces de la dorure qui recouvrait cette probable boucle. Une autre pièce du corpus se caractérise par une ornementation identique sur ses deux faces, mais cette fois-ci créée par la fonte (fig. 198, n° 10). Une chape de type A2b ou A3f est encore en place pour deux boucles (fig. 198, n° 4 et 15). La bibliographie abonde en éléments de comparaison. Tous ou presque comportent une encoche distale. Quelques-uns appartiennent au groupe α et présentent des talons plus ou 371 3. Approche croisée du mobilier archéologique moins apparents (ex : fig. 190, n° 1 et 4 ; 192, n° 5 ; fig. 194, n° 1). Ils ont déjà fait l’objet d’une description lors de l’étude du type D2. Malgré une grande diversité de configurations, des parallèles existent avec des pièces du corpus. Des exemplaires analogues à deux individus avignonnais à la traverse proximale courte (fig. 198, n° 6 et 7), certains avec chape de type A1b ou B1b, ont été trouvés dans le Tarn dans un contexte des XIIe et XIIIe siècles au château de Montaigut à Gissac1959, au Troclar (XIIe - XIVe siècles ?) à Lagrave1960, dans un niveau de la première moitié - milieu XIVe siècle au castrum du Castlar à Durfort1961, dans une couche de terre des XIe - XIIIe siècles perturbée dans la grotte 3 du ruisseau de l’église à Saint-Jean-de-Minervois dans l’Hérault1962, dans le village médiéval de Dracy (XIIIe - début XVe siècle) à Baubigny en Côte-d’Or1963. Un autre individu à la traverse proximale réduite est issu de remblais contenant du mobilier daté entre le VIe siècle et le XIVe siècle, sur le site de la collina di San Pietro à Castel di San Pietro dans le canton du Tessin en Suisse1964. La fenêtre de ces différents objets est peu développée à l’inverse d’une boucle avec chape de type A3f découverte dans une strate du XIIe siècle au hameau de Finalborgo à Finale Ligure dans la province de Savone en Italie1965. Elle serait de forme quasi circulaire si une traverse proximale ne l’interrompait pas. Les pièces proches d’exemplaires aixois et dignois (fig. 198, n° 4 et 5) possèdent une traverse proximale plus longue. C’est le cas pour plusieurs objets, éventuellement avec chape de type A2b, des deux côtés des Pyrénées et au Royaume-Uni1966. Sont également concernés une boucle avec chape de type A2b provenant de l’utilisation de latrines dans la première 1959 Individu fragmentaire, L x l = 2,1 x 2,5 cm (Hensel et al. 1970a, fig. 30, n° 3). Objet entier, L x l = 2,65 x 3,5 cm (Pousthomis-Dalle et al. 1998, p. 51, fig. 28, n° 1). 1961 Pièce entière, Boucle : L x l = 2 x 2,5 cm, Chape : L x l = 5,15 x 2,1 cm (Archéologie 1990, p. 217, n° 434 ; ajout à la datation, Vidaillet et Pousthomis 1996, p. 177). 1962 Exemplaire entier avec chape de type A1b, Boucle : L x l = 2,15 x 2,6 cm, Chape : L x l = 6,55 x 1,4 cm (Lauriol 1962, p. 30, fig. 4, n° 12). 1963 Anneau entier, L x l = 3,4 x 4,05 cm (Bourgogne 1987, p. 153). 1964 Spécimen entier, L x l = 1,8 x 2,3 cm (De Marchi 1996, p. 195, fig. 1, n° 9). 1965 Pièce entière, Boucle : L x l = 2,75 x 2,9 cm, Chape : L x l = 3,3 x 1,7 cm (Palazzi et Parodi 2003, p. 232). 1966 France, Ariège : artefact entier, L x l = 1,55 x 2,35 cm, château de Montségur (XIIIe - XIVe siècle) (Czeski 1981, p. 197) ; Pyrénées-Orientales : boucle complète, L x l = 3,25 x 4,2 cm, objet entier, 1,3 x 1,7 cm, première moitié du XIVe siècle, village médiéval de Vilarnau (Passarius et al. 2008, p. 424, fig. 40, n° 12 et 14) ; Tarn : un anneau entier avec chape de type A2b, Boucle : L x l = 1,25 x 1,8 cm, Chape : L x l = 1,4 x 1,2 cm, Le Castlar, Durfort (Archéologie 1990, p. 215, n° 426). Espagne, province d’Álava : exemplaire complet à traverse distale réduite, dimensions inconnues, contexte inconnu, Túnel de San Adrián (Trabajos 1985, p. 116 et 117, n° C.1.4) ; province de Barcelone : trois anneaux entiers avec encoche distale et un fragment d’ardillon pour l’un d’eux, dimensions inconnues, couvent de Sant Agustí (XIIIe - XXe siècle), Barcelone (Gea i Bullich 2009 ; Parra 2009 b). Royaume-Uni, Grand Londres : artefact entier, L x l = 1,5 x 1,6 cm, dernier tiers du XIIIe siècle - première moitié du XIVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 69, n° 274). 1960 372 3. Approche croisée du mobilier archéologique moitié du XVIe siècle au château de Blandy-les-Tours en Seine-et-Marne1967, un spécimen à traverse proximale réduite avec chape de type A5 découvert dans un sol daté entre la deuxième moitié du XIIIe siècle et la deuxième moitié du XVe siècle au village médiéval de Woughton à Milton Keynes dans le Buckinghamshire au Royaume-Uni1968. À Londres, une boucle complète issue d’une phase de la deuxième moitié du XIIe siècle possède une chape de type A2b1969. Une pièce extraite d’un niveau de la maison forte de Naux à Colayrac-SaintCirq en Lot-et-Garonne, occupée seulement dans le dernier tiers du XIVe siècle1970, se distingue par la très grande largeur de son cadre et la faible largeur de sa traverse distale. Beaucoup d’objets avec une traverse distale plus élargie sont similaires à deux artefacts figurés, l’un aixois et l’autre avignonnais (fig. 198, n° 3 et 8). Un spécimen a été retrouvé sur le site de l’Arc de Triomphe (XIIIe - XVIIIe siècles) à Barcelone1971. Il retient une chape de type A4a. Toujours dans cette ville, lors de la fouille du passage de Circumval lació 1b, un niveau d’Époque moderne a fourni un artefact complet1972. Un peu plus au nord, en Midi-Pyrénées, une opération archéologique place de Verdun à Tarbes a livré une boucle avec chape de type A2b1973. Sur le site de Corné (vers 1170 - vers 1250) à l’Isle-Bouzon dans le Gers, les fouilles ont permis la mise au jour d’un exemplaire à traverse proximale réduite à chape de type A4a dorée et émaillée1974. Au Royaume-Uni, cette forme de cadre se rencontre pour plusieurs objets1975 au cadre parfois plus large1976. Parmi ceux-ci un artefact provenant du site de la villa romaine de Rockbourne à Fordingbridge dans le comté d’Hampshire1977 et 1967 Spécimen complet, Boucle : L x l = 3, 1 x 2,7 cm, Chape : L x l = 2 x 1,6 cm (Castille 2006, p. 115, fig. 71, n° 11). 1968 Anneau entier avec chape, Boucle, L x l = 1,9 x 2,8 cm, Chape : L x l = 4,1 x 2,4 cm (Woodfield et al. 1994, p. 131, n° 4). 1969 Spécimen complet, Boucle : L x l = 1,3 x 1,8 cm, Chape : L x l = 1,7 x 1,55 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 74, n° 303). 1970 Exemplaire entier, L x l = 3,8 x 6,5 cm (Ballarin et al. 2007, p. 132). 1971 Boucle incomplète, Boucle, L x l = 1,5 x 1,9 cm, Chape : L x l = 1,6 x 1,5 cm (Parra Alé 2010a, p. 131, n° 11). 1972 Dimensions inconnues (Parra 2009a, p. 213). 1973 Artefact entier, dimensions inconnues (Barrère 1994, p. 66-67). 1974 Objet entier, Boucle : L x l = 1,75 x 2,1 cm, Chape : L x l = 2,7 x 1,8 cm (Archéologie 1990, p. 209-210, n° 398 ; Lassure 1995, p. 505, fig. 407, n° 7). 1975 Royaume-Uni, Yorkshire du Nord : Individu entier, L x l = 2,2 x 2,8 cm, occupation ou d’abandon, deuxième moitié XVe - première moitié XVIe siècle, habitat médiéval, Wharram (Goodall 1979a, p. 108, n° 6) ; Boucle complète, L x l = 4,8 x 6,4 cm, remblais de destruction, deuxième moitié XVe - première moitié XVIe siècle, motte d’East Haddlesey, Knottingley (Goodall 1973, p. 93, fig. 36, n° 15). 1976 Royaume-Uni, Grand Londres : Individu entier, L x l = 1,45 x 2,6 cm, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 69, n° 277). 1977 Boucle complète, Boucle : L x l = 1,4 x 2,15 cm, Chape : L x l = 2,4 x 1,7 cm (Cherry 1981b, pl. XXXII, fig. e). 373 3. Approche croisée du mobilier archéologique un objet conservé au Musée national d’Écosse1978 conservent une chape de type A2b avec un décor embouti figurant le couronnement de la Vierge. Une autre boucle avec chape de type A3b est issue d’un contexte londonien du deuxième tiers du XIIIe siècle1979. La boucle et la traverse distale sont considérablement plus étendues (ex : fig. 198, n° 12) pour l’exemplaire sans chape signalé dans une sépulture (XIe - XVIe siècle) sur le site de la Plaza Biscós à Jaca dans la province de Huesca en Espagne1980, pour le spécimen avec chape de type A2b emboutie d’un fauconnier à cheval ramassé à l’emplacement du fanum de la Fajole à Recoules-Prévinquières dans l’Aveyron1981. La zone de réception du bout de l’ardillon est marquée par cinq incisions sur une boucle avec chape de type A2a mise au jour anciennement dans la chapelle des Gicons à Saint-Disdier dans les Hautes-Alpes1982. Des boucles en alliage cuivreux munies d’une encoche distale et observant un rétrécissement et amincissement progressif jusqu’à la traverse proximale proviennent du castell del Far (XIIIe - première moitié XVe siècle) à Llinars del Vallès dans la province de Barcelone1983. L’une d’elles est gravée d’une croix de Saint-André insérée dans un cadre de part et d’autre de l’encoche distale1984. Des lignes incisées délimitant d’autres lignes incisées sont visibles sur un objet avec chape de type A4a trouvé en prospection sur le site de l’Esquerda à Roda de Ter dans la même province espagnole1985. À Barcelone, la traverse distale d’un spécimen est entaillée de lignes sur une grande partie de sa longueur. Seule la zone de repos de l’ardillon, marquée de traits dans l’axe de l’objet, en est préservée1986. La traverse distale est de section oblique, ajourée et à reliefs de quadrupèdes pour deux boucles. L’une d’elles est issue du village minier de Brandes-en-Oisans (XIIe - milieu 1978 Objet entier, Boucle : L x l = 1 x 2 cm, Chape : L x l = 2,25 x 1,6 cm (Boughton et Egan 2009, fig. 6d). 1979 Exemplaire incomplet, Boucle : L x l = 1,6 x 2,1 cm, Chape : L x l = 4,3 x 1,5 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 74, n° 304). 1980 Objet complet, L x l = 3,5 x 5,7 cm (Justes Floría et Domingo Martínez 2007, p. 332, fig. 35). 1981 Boucle complète, Boucle : L x l = 1,6 x 3,3 cm, Chape : L x l = 3 x 2,6 cm (Parures 1990, p. 123, n° 212). 1982 Spécimen complet, Boucle : L x l = 2,4 x 4 cm, Chape : L x l = 2,5 x 2,4 cm (Vallauri 1969, fichier papier). 1983 Boucle complète, L x l = 1,4 x 1,9 cm ; boucle complète, L x l = 2,5 x 3,4 cm ; boucle entière avec encoche distale, L x l = 2,9 x 4,8 cm (Bolos et al. 1981, p. 110-111, n° 2, p. 114, n° 8, p. 114-115, n° 10 ; Monreal et Barrachina 1983, p. 260, fig. 115, m. 1052, 1058, fig. 116, m. 1060). 1984 Spécimen entier, L x l = 1,2 x 3 cm (Bolos et al. 1981, p. 115, n° 7 ; Monreal et Barrachina 1983, p. 260, fig. 115, m. 1057). 1985 Artefact entier, Boucle : L x l = 1,8 x 3,2 cm, Chape : L x l = 4,8 x 1,7 cm (Ollich 1976, p. 509 ; Bolos et al. 1981, p. 143, n° 55). 1986 Artefact entier, XIIIe - XVIIIe siècle, L x l = 1,4 x 2,5 cm (Parra Alé 2010a, p. 130). 374 3. Approche croisée du mobilier archéologique XIVe siècle) à L’Alpe d’Huez en Isère1987. L’autre, avec une chape de type A4a dont l’ajourage fait apparaître un homme et une femme de part et d’autre de « l’Arbre de Vie », provient de l’occupation du château d’Épinal (vers 1250 - vers 1650) dans les Vosges1988. Dans l’Aude, l’encoche distale de la boucle à chape de type A4a est encadrée par deux têtes stylisées1989. Une boucle en alliage cuivreux gardant des traces d’une couverte blanche, comportant une chape de type A2b, a été découverte dans une fosse non datée dans la ville de Rhuddlan dans le Denbighshire au Royaume-Uni1990. Sa traverse distale arbore un décor issu de fonte très particulier. La traverse proximale est amincie. La traverse distale n’est pas le seul élément d’appréciation. La traverse proximale d’une boucle (H.S. ?) provenant de l’abbaye de l’Escaladieu à Bonnemazon dans les HautesPyrénées1991 est similaire à des objets du corpus (fig. 199, n° 2 et 3). Quelques artefacts du type D3 ont été produits en fer ainsi que l’atteste des exemplaires londoniens étamés, dont un à chape analogue au type A3b enserrant un fragment de cuir plus large que la chape, datés du premier tiers du XIIIe siècle et du dernier tiers du XIIIe siècle ou de la première moitié du XIVe siècle1992. Les anneaux et boucles en alliage cuivreux de type D3 sans ergots paraissent pouvoir être attribuées d’après les données rassemblées à une période comprise entre la seconde moitié du XIIe siècle et la première moitié du XVIe siècle. - Boucle semi-ovale en alliage cuivreux, à élargissement progressif de la traverse distale, à ergots proximaux (fig. 199, n° 4 et 5) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1084, milieu XIVe siècle.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 375, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. 1987 Pièce entière, L x l = 1,7 x 2,3 cm (Bailly-Maître et Bruno Dupraz 1994, p. 128). Artefact entier, L x l x h = 2,4 x 3,6 x 0,7/1,8 cm, Chape : L x l = 3,3 x 2,3 cm (Kraemer 2002, pl. 15, n° 16). 1989 Exemplaire entier, Boucle : L x l = 1,6 x 2,55 cm, Chape : L x l = 1,95 x 2,05 cm (Barrère 1999, p. 822, fig. 1, n° 4). 1990 Anneau entier, Boucle : L x l = 1,5 x 2,3 cm, Chape : L x l = 2,2 x 1,6 cm (Quinnell et al. 1994, p. 165, fig. 16.1, n° 3). 1991 Boucle entière, L x l = 3,55 x 5,85 cm (Platt (dir.) 1971, p. 38, fig. 15, n° 20). 1992 Exemplaire complet, L x l = 1,8 x 2,8 cm ; Spécimen complet en fer, L x l = 1,5 x 1,65 cm ; Objet complet avec chape, Boucle : L x l = 1,4 x 1,8 cm, Chape : L x l = 3,2 x 1,3 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 70, n° 272 et 278, p. 75, n° 305). 1988 375 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les deux objets en alliage cuivreux de ce type possèdent des talons plus ou moins marqués ; leur profil est plat et, outre une traverse distale à élargissement progressif portant une encoche pour le bout de l’ardillon, elles comportent deux ergots proximaux. La rive externe de ces derniers est dans la continuité de la traverse distale pour l’exemplaire du Petit Palais d’Avignon (fig. 199, n° 5). Cette caractéristique se retrouve sur une pièce en fer (vers 1250/1300 - vers 1600) sans encoche distale mise au jour lors d’une fouille dans la cité monastique de Whithorn et Saint Ninian dans le comté de Dumfries et Galloway au Royaume-Uni1993. Le plus souvent, dans la bibliographie de comparaison, la traverse distale comporte une encoche et un angle s’observe entre les ergots et la rive externe de cette traverse (fig. 199, n° 4)1994. Un exemplaire appartenant à une phase de la deuxième moitié du XVe siècle et de la première moitié du XVIe siècle de fouilles effectuées à Wharram dans le Yorkshire du Nord au Royaume-Uni arbore des dépressions issues de la fonte disposées en forme d’éventail sur la traverse distale1995. Dans la province de Barcelone en Espagne, le site du castell del Far à Llinars del Vallès a fourni un objet d’aspect différent : les deux ergots proximaux sont disposés aux extrémités de la traverse proximale outrepassée1996. Au Royaume-Uni, plusieurs exemplaires en alliage cuivreux avec encoche distale possèdent des ergots proximaux en forme de crochet. Une pièce provient d’un niveau d’abandon de la deuxième moitié du XIVe siècle et de la première moitié du XVe siècle du site de l’abbaye de Bordesley à Redditch dans le Worcestershire au Royaume-Uni1997, deux autres sont issus de niveaux londoniens de la deuxième moitié du XIVe siècle1998, un quatrième spécimen est conservé au British Museum de Londres1999. Un dernier artefact avec des traces de dorure a été retrouvé dans une tranchée de récupération de mur des XVIe - XVIIe 1993 Anneau incomplet, L x l = 1,8 x 2 cm (Nicholson 1998b, p. 420, fig. 10.99, n° 44.9). France, Corse-du-Sud : boucle complète, L x l = 3,2 x 4,4 cm, XIVe - XVe siècle, village médiéval, Ortolo (Comiti 1996, p. 41). Espagne, province de Barcelone : boucle complète, L x l = 3,8 x 5,7 cm, castell del Far (XIIIe - première moitié XVe siècle), Llinars del Vallès (Bolos et al. 1981, p. 116, n° 13 ; Monreal et Barrachina 1983, p. 259, fig. 116, m. 1063) ; spécimen entier, L x l = 1,7 x 2,65 cm, datation inconnue, castell de Sacama, Olesa de Montserrat (Bolos et al. 1981, p. 168, n° 98). 1995 Exemplaire entier, L x l = 2,55 x 3 cm (Goodall 1979a, p. 108, n° 4). Royaume-Uni, Yorkshire du Nord : individu entier avec encoche distale, L x l = 3,35 x 2,8 cm, postérieur au milieu du XVIIe siècle, College of the Vicars Choral, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, fig. 1466, n° 14304). 1996 Boucle incomplète, N.D.S., L x l = 2,7 x 4 cm (Bolos et al. 1981, p. 111, n° 4 ; Monreal et Barrachina 1983, p. 259, fig. 116, m 1054). 1997 Boucle entière, L x l = 4 x 4 cm (Astill 1993a, p. 194, fig. 88, n° CA 122). 1998 Deux objets complets, L x l = 3 x 3,2 cm et 3,3 x 3,4 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 72, n° 284 et 285). 1999 Exemplaire complet, L x l = 3,3 x 2,5 cm (Fingerlin 1971, p. 392, n° 257) ; spécimen complet, L x l = 3,4 x 2,6 cm (Fingerlin 1971, p. 392, n° 257 ; p. 399, n° 293 ; London Museum, pl. LXXVI, n° 6). 1994 376 3. Approche croisée du mobilier archéologique siècles contenant de la céramique du XIIIe siècle sur le site de Viking Hall à Waltham Abbey dans l’Essex2000. Les éléments de comparaison sont encore peu nombreux et d’une grande diversité morphologique. Les anneaux et boucles du type D3 avec ergots proximaux paraissent pouvoir être attribués aux XIVe et XVe siècles. Type D4 : Boucle semi-ovale à largeur uniforme de la traverse distale (fig. 199, n° 6 à 10) Les boucles semi-ovales à largeur uniforme de la traverse distale ont été scindées en trois sous-types selon qu’elles soient en alliage à base de cuivre (sous-type D4a) ou en fer (sous-type D4b) sans ergots, en alliage cuivreux et avec ergots internes (sous-type D4c). Il a été produit des anneaux et boucles de type D4a avec des ergots proximaux2001. Type D4a : Boucle semi-ovale en alliage cuivreux, à largeur uniforme de la traverse distale (fig. 199, n° 6 et 7) Bouches-du-Rhône  Les Thermes, Aix-en-Provence : n° 1, niveau de jardin d’Époque moderne ou contemporaine. Var  Le Château, Chateauvert : n° 1, H.S. Ces deux boucles, au cadre de section quadrangulaire, ont une traverse distale de largeur constante plus étendue que la traverse proximale. Celle-ci peut aussi être réduite (fig. 199, n° 6). Le cadre de l’objet de Châteauvert est décoré par incision d’une frise de chevrons dans un cadre (fig. 199, n° 7). Dans la bibliographie, la plupart des pièces sont beaucoup plus larges que longues. C’est le cas de trois exemplaires avec talons trouvés à Londres2002, dans la vallée de San 2000 Anneau entier, L x l = 3,4 x 4 cm (Huggins 1976, p. 115, fig. 41, n° 6). France, Loire : un anneau entier avec chape de type A2a, Boucle : L x l = 1,7 x 2,1 cm, Chape : L x l = 1,5 x 2,5 cm, XVe siècle, château d’Essertines, Essertines-Basses (Maccari-Poisson 1992, p. 149) ; Tarn : un anneau entier, L x l = 2,5 x 3,3 cm, zone de cimetière, N.D.S., Saint-Vincent d’Arnhac, Lautrec (Bordenave et Vialelle 1973, p. 160). 2002 Objet entier, L x l = 1,5 x 2,8 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 69, n° 271). 2001 377 3. Approche croisée du mobilier archéologique Adrián en Espagne2003 et au castrum de Ventajou à Félines-Minervois dans l’Hérault2004. Ce dernier conserve un ardillon décoré d’une cannelure et, tout comme un objet provenant du site de l’Arc de Triomphe (XIIIe - XVIIIe siècles) à Barcelone, possède une traverse proximale réduite. L’exemplaire espagnol, beaucoup moins large, comporte des dépressions obliques sur la traverse distale2005. Des boucles outrepassées dans la moitié distale, sans talons, avec chape de type E dont le crochet passe au travers de l’œillet d’un éperon sont datées par la configuration des éperons, découverts à Bergame en Italie, des années 1430 - 14502006. Type D4b : Boucle semi-ovale en fer, à largeur uniforme de la traverse distale (fig. 199, n° 8 à 10) Bouches-du-Rhône  Quartier de la maison Lhere, Les Baux-de-Provence : n° 296, couche d’abandon, premier quart du XIVe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1809, sol de zone de circulation extérieure, vers 1345 - vers 1360 ; n° 3259, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Les boucles en fer à traverse distale de largeur uniforme et plus large que la traverse proximale sont plus courantes que celles en alliage cuivreux dans la bibliographie et la plupart sont des exemplaires de grande taille qui présentent de fortes analogies avec les boucles de type C. Une grande diversité morphologique existe pour les boucles de ce type et, peut-être sera-t-il possible à l’avenir de scinder le type D4b en plusieurs autres sous-types : certains spécimens sont plus ou moins larges et outrepassés près de la traverse proximale2007, d’autres 2003 Espagne, province d’Álava : exemplaire complet à traverse distale réduite, dimensions inconnues, contexte inconnu, Túnel de San Adrián (Trabajos 1985, p. 116 et 117, n° C.1.4). 2004 Boucle complète, L x l = 2,3 x 4,15 cm (Loppe 2006, p. 38, n° 2). 2005 Individu fragmentaire, Dimensions inconnues (Parra Alé 2010a, p. 131, n° 11, en bas à gauche). 2006 Artefacts complets, Dimensions inconnues (Probst 2007, p. 29-30) 2007 France, Calvados : une pièce complète, L x l = 4,6 x 6,1 cm, milieu XIVe siècle, Saint-Vaast-surSeulles (Halbout et al. 1987, p. 183, n° 699) ; un individu entier, L x l = 5 x 5 cm, XIe siècle, Motte d’Olivet (?), Grimbosq (Halbout et al. 1987, p. 183, n° 700) ; Côte d’Or : une boucle complète, L x l = 5 x 7,8 cm, Xe - XIe siècle, Le Verger, Saint-Romain (Association 1975, p. 91 ; Bourgogne 1987, p. 176, n° 441) ; Ille-et-Villaine : un anneau entier, L x l = 4,7 x 5,5 cm, niveau d’incendie, fin XIVe première moitié XVe siècle, bastion du Solidor, Saint-Malo (Langouet (dir.) 1983, p. 126) ; Indre-etLoire : une boucle incomplète, L x l = 3,8 x 5,3 cm, remblai, XVe siècle, cimetière de l’église de Rigny, Rigny-Ussé (Poirot et al. 1992, p. 159) ; Royaume-Uni, South Glamorgan : un anneau fragmentaire, L x l = 1,3 x 1,6 cm, post. 1270 - vers 1295, château de Rumney (Lloyd-Fern et Sell 378 3. Approche croisée du mobilier archéologique également larges et outrepassés vers le milieu de la traverse proximale2008 peuvent avoir une dépression distale pour la réception du bout de l’ardillon2009 comme un exemplaire du corpus (fig. 199, n° 10) ou une traverse distale de section oblique2010. Une boucle de Rougiers avec traverse proximale réduite (fig. 199, n° 8) est analogue aux spécimens en alliage cuivreux du type D4a. Une datation typologique correspondant aux XIe - XVIe siècles peut être proposée compte tenu des données rassemblées. Type D4c : Boucle semi-ovale en alliage cuivreux, à largeur uniforme de la traverse distale, à ergots internes (fig. 200, n° 1 et 2) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1095, deuxième tiers XIVe siècle ; n° 1086, XVIe siècle. Ces deux objets du site de l’Impasse de l’Oratoire à Avignon sont d’aspect analogue. Leur cadre est outrepassé dans la moitié distale de la boucle et ils comportent une encoche pour la réception du bout de l’ardillon. La fonte du plus grand individu (fig. 200, n° 1) n’a pas été parfaitement maitrisée : les deux empreintes n’étaient pas tout à fait identiques. Le décalage qui en a résulté est encore apparent malgré les coups de lime : un gradin s’observe distinctement sur une des faces de la traverse proximale et une ligne creuse tout du long du bord distal de la traverse distale. Le décalage entre les deux empreintes se perçoit également très bien à l’intérieur de la fenêtre. Les deux faces de la boucle comportent une encoche distale ; l’une est plus excentrée. Cette curiosité s’explique-t-elle par une malfaçon sur la face originellement prévue comme la face avers et la réalisation d’une autre par limage sur la face opposée ? Un polissage a sans doute été effectué sur ce travail car aucune trace de lime n’est actuellement visible à cet emplacement. 1992, p. 141, n° 4, fig. 19) ; Yorkshire du Nord : un anneau entier, L x l = 3,3 x 5 cm, première moitié XVe siècle, habitat médiéval, Wharram (Goodall et Ellis 1979, p. 121). 2008 Italie, province de Pesaro et Urbino : une boucle complète, L x l = 7,6 x 9,3 cm, XVIe siècle, castello di Monte Copiolo, Montecopiolo (Ermeti et al. 2008, p. 165). 2009 France, Hérault : un anneau entier, L x l = 2,8 x 4,4 cm, XIIe - XIVe siècle, castrum de Ventajou, Félines-Minervois (Loppe 2006, p. 333). 2010 France, Somme : une boucle complète, L x l = 5,4 x 6,3 cm, XIVe siècle, Château, Boves (Legros 2012b, p. 96, n° 21, fig. 1). 379 3. Approche croisée du mobilier archéologique Un objet analogue à encoche distale au cadre régulier, donc sans élargissement de la traverse distale, fut découvert au château de Montségur (N.D.S.) en Ariège2011. La présence de cette encoche tend à identifier ces objets en tant que boucles et non comme des passants de courroie ainsi que les anneaux à ergots internes sont souvent identifiés. Il n’est pas impossible, toutefois, que cette encoche ait été purement décorative. Type D5 : Boucle semi-ovale à élargissement progressif de la traverse distale et à rouleau (fig. 200, n° 3 et 4) Var  Prieuré des Mounesteirets 2, Pontevès : n° 1, H.S. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1102, N.D.S. Les deux boucles en alliage cuivreux du corpus, l’une avec talons, l’autre sans, ont une traverse proximale réduite et une traverse distale qui s’élargit progressivement vers son centre, lequel est occupé par un rouleau, c’est-à-dire une tôle enroulée autour d’une réduction localisée de la traverse distale2012. Dans un premier cas (fig. 200, n° 3), le rouleau a été confectionné dans une tôle épaisse emboutie en forme de bilboquet comporte une rainure ménagée pour recevoir le bout de l’ardillon. Dans le deuxième cas (fig. 200, n° 4), le rouleau cylindrique très légèrement plus étroit en son centre a été décoré par gravure de traits incisés, exécutés ou complétés après son enroulement comme l’atteste la continuité d’un trait sur les bords réunis du cylindre. Ce rétrécissement du diamètre et le trait central marquent la zone de réception du bout de l’ardillon. Des traces de limage sont visibles sur le cadre de la boucle. Les boucles sans talons analogues à l’objet d’Avignon (fig. 200, n° 4), plus larges que longues ou plus longues que larges sont courantes en Europe de l’Ouest2013. Quelques-unes ont perdu leur rouleau2014. Il est encore en place et en alliage cuivreux sur une boucle en fer 2011 Objet entier, L x l = 1,9 x 1,7 cm (Sarret 1984, p. 122, n° 13/78). Se reporter au chapitre 3.1.1.7 pour une explication sur l’intérêt du rouleau. 2013 Pièce au rouleau vierge de tout décor, France, Seine-Saint-Denis : boucle incomplète, L x l = 1,55 x 1,8 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B.2, fig. 56, n° 36). 2014 France, Aude : artefact fragmentaire, L x l = 2,45 x 2,85 cm, château de Peyrepertuse (N.D.S.), Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 219, fig. 146, n° 20) ; Calvados ou Seine-Maritime : objet incomplet à ardillon en fil, dimensions inconnues, site précis inconnu (Vivre au Moyen Âge 2002, notices 186 et 187) ; Cher : boucle incomplète à ardillon en fil, L x l = 3 x 3,1 cm, comblement/abandon de moulin, seconde moitié XIIIe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et 2012 380 3. Approche croisée du mobilier archéologique mise au jour dans une ferme du XIVe siècle au « Bellé » à Neuilly-en-Thelle dans l’Oise2015. Des lignes – obtenues par emboutissage ? – encadrent une rainure centrale sur le rouleau d’une pièce en alliage cuivreux trouvée dans un remblai du XIIIe siècle (?) du site de la Place de la Victoire à Tours2016. Les lignes ont été incisées pour plusieurs spécimens conservés au musée de Meaux en Seine-Maritime2017 ou découverts sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher2018. Les contextes de ces derniers sont un remblai d’incendie d’une maison de la seconde moitié du XIIIe siècle et un remblai de sol de rue des XIIe - XIVe siècles. Le rouleau ne comporte que la rainure centrale sur un autre objet de ce site issu d’une occupation de la seconde moitié du XIVe siècle d’une maison2019. Une boucle en argent à rouleau rayé rattachée à une chape de type A5 a été retrouvée accompagnée de vingt-cinq appliques en argent dans un trésor exhumé à Graz dans la province de Styrie en Autriche2020. À Londres, un exemplaire en alliage à base de cuivre, avec talons et traces de dorure, conserve un étroit rouleau avec, en son centre, une dépression encadrée de part et d’autre par deux files de dents de loup opposées par la base2021. Le niveau est attribué à la deuxième moitié du XIIe siècle : une datation très haute assez surprenante. Une datation typologique correspondant à la fin du XIIe siècle et aux XIIIe et XIVe siècles est retenue sur la base des données rassemblées. Type D6 : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, à œillets (fig. 200, n° 5 à 7) Bouches-du-Rhône  Place du Général de Gaulle, Marseille : n° 1066, H.S. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3655, couche de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345. Marot (dir.) 2013, p. 115, n° 4679) ; Tarn : anneau entier, L x l = 2,3 x 2 cm, XIVe siècle, Le Castlar, Durfort (Archéologie 1990, p. 215, n° 425). Royaume-Uni, Grand Londres : spécimen fragmentaire, L x l = 1,5 x 1,7 cm, seconde moitié XIVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 72, n° 286). 2015 Boucle fragmentaire, L x l = 2,7 x 2 cm (Legros 2001, n° 98). 2016 Artefact complet, L x l = 1,9 x 2,1 cm (Motteau (dir.) 1991, n° 97). 2017 Exemplaire fragmentaire, L x l = 3,05 x 3 cm (Dupond et al. 1992, p. 96, n° 13) 2018 Objet entier, L x l = 2,2 x 2,7 cm, individu incomplet, L x l = 2,1 x 2,2 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 114, n° 2514, p. 118, n° 238). 2019 Exemplaire entier, L x l = 3 x 3,2 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 118, n° 221). 2020 Objet complet, Boucle : L x l = 1,6 x 1,6 cm ; Chape : L x l = 5,7 x 1,2 cm, datation semble-t-il typologique proposée : troisième tiers XIVe siècle (Fingerlin 1971, cat. n° 97). 2021 Pièce fragmentaire, L x l = 1,3 x 1,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 68, n° 270). 381 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 94-256, contexte inconnu. Ces trois boucles à fenêtre semi-ovale, plus longues que larges, les œillets non pris en compte, sont outrepassées dans leur moitié proximale (fig. 200, n° 6) ou dans leur moitié distale (fig. 200, n° 5 et 7). Deux d’entre elles comportent trois œillets et un exemplaire orienté en sens inverse n’en possède que deux (fig. 200, n° 7). Cet objet est une boucle pour gaucher. C’est la seule boucle pour laquelle une telle orientation fonctionnelle peut être mise en évidence car elle n’est pas symétrique dans le sens de la longueur à cause de la présence des œillets. Les œillets permettaient la suspension de lacets retenant des objets divers : bourse, couteau, paire de ciseaux ou autres. Une encoche distale pour recevoir la pointe de l’ardillon est visible sur l’objet de Rougiers (fig. 200, n° 6) - des traces de lime semblent l’avoir façonnée - et celui de Saint-Maximin (fig. 200, n° 7) où elle est issue de la fonte comme les couples d’encoches qui ornent sa traverse distale. Type E : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, à traverse distale moulurée (fig. 201 à 203 ; fig. 204, n° 1 à 9) Les anneaux et boucles à fenêtre semi-ovale à traverse distale moulurée ont été divisés en cinq groupes selon l’ornementation de cette traverse. Les exemplaires possédant un ergot distal simple appartiennent au sous-type E1, ceux pour lesquels il est décoré ont été regroupés dans le sous-type E2. Il s’entend par ergot distal la partie saillante (ou une saillie) de la rive externe disposée au milieu de la traverse distale. Les boucles à fenêtre semi-ovale équipées d’une encoche distale moulurée non débordante sont intégrées aux types C et D. Les objets dont la zone de réception de l’ardillon est encadrée par des moulures ont été rassemblés dans le sous-type E3. Le sous-type E4 réunit les nombreux spécimens arborant des moulures alignées sur une grande partie de leur traverse distale. Enfin, ceux qui possèdent un rouleau encadré de bosses constituent le sous-type E5. Type E1 : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, à ergot distal simple (fig. 201 ; fig. 202, n° 1 à 4) Trois sous-types ont été distingués en fonction des dimensions de l’objet et de la présence de talons. Les exemplaires larges sans talons ont été regroupés dans le sous-type 382 3. Approche croisée du mobilier archéologique E1a, ceux avec talons dans le sous-type E1b et un spécimen sans talons et long appartient au sous-type E1c. Les objets du corpus sont tous en alliage cuivreux et constitués d’une seule pièce mais il a aussi existé des spécimens composites2022 ainsi que des boucles en fer à ergot distal simple sans talons2023 ou avec talons2024. Celles-ci ont été usitées entre la deuxième moitié du XIIe siècle et le XIVe siècle. L’ergot des objets provençaux est généralement triangulaire, souvent légèrement arrondi à son extrémité, parfois jusqu’à être curvilinéaire, mais il se rencontre aussi, par exemple, des ergots quadrangulaires : dans l’église Saint-Georges d’Hermance dans le canton de Genève en Suisse, une boucle en alliage cuivreux dite « argentée » avec ergot quadrangulaire et ardillon en fil a été retrouvée sur le bassin d’un sujet (N.D.S.), avec des fragments de la ceinture en cuir et son mordant de type A2025. Une boucle non ébarbée à ergots internes provient du site d’un atelier métallurgique parisien, rue Mongelas, travaillant le cuivre et ses alliages dans le second quart du XIVe siècle2026. Les boucles de type E1 sont rares dans l’iconographie. Un exemplaire a pu être repéré à la ceinture de la Vierge dans une Vierge à l’Enfant peinte par le maître de Valverde dans le dernier tiers du XVe siècle (fig. 158). La datation de l’œuvre est cependant largement postérieure à la fin de la période d’utilisation proposée des pièces de type E1, la fin du XIVe siècle. La documentation archéologique est suffisamment importante pour que nous pensions que la représentation de la boucle n’a pas été faite d’après un objet contemporain de la date d’exécution de la peinture ou qu’elle a été imaginée par l’artiste. 2022 Royaume-Uni, Leicestershire : boucle incomplète avec chape de type A2a ou A2b, Boucle : L x l = 1,65 x 2,6 cm, Chape : L x l = 4,5 x 2,15 cm, bassin d’un homme de 23 à 35 ans, XIVe siècle, Austin Friars, Leicester (Clay 1981, n° 31). 2023 France, Aude : une boucle complète, L x l = 2,8 x 3,5 cm, N.D.S ., château de Peyrepertuse, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Bayrou 2000d, p. 211) ; Corse : une boucle entière, L x l = 2,5 x 3,2 cm, sol, première moitié XIVe siècle, castellu de Cotone, Bastia (Istria 1993a, p. 18 ; Istria 1994, p. 92 ; Comiti 1996, ill. 9) ; Gers : une boucle complète, L x l = 3,8 x 3,6 cm, une boucle fragmentaire, vers 1170 - vers 1250 (Lassure 1995, p. 536, fig. 425, n° 3 et 4). Italie, province de Udine : une boucle entière, L x l = 2,15 x 3,3 cm, Castello di Zuccola, Cividale del Friuli (Favia 1992, p. 270, n° 39) ; Suisse, canton d’Argovie : deux boucles entières, L x l = 4,4 x 6,3 cm et 3,7 x 6 cm, XIIIe siècle 1515, château du Vieux Wartburg (Meyer 1974, p. 95, n° C 167 et C 168). Royaume-Uni, Londres : un objet complet avec traces d’étamage, L x l = 4,7 x 7,1 cm, deuxième moitié XIIe siècle, artefact incomplet, L x l = 5,7 x 7,3 cm, deuxième moitié XIIe siècle, spécimen entier, L x l = 4,4 x 6,4 cm, vers 1270 - vers 1350, une pièce complète, L x l = 4,3 x 7,2 cm, deuxième moitié XIVe siècle (Clark 2004², p. 55, n° 14 à 16, 26) ; Danemark, région de Sjælland : une boucle entière, L x l = 3,5 x 6,1 cm, maison, datation inconnue, Hejninge, Slagelse (Steensberg 1986, p. 70, fig. 60). 2024 Italie, province de Pistoia : une boucle entière, L x l = 4,5 x 6,7 cm, milieu XIXe siècle (résiduel), palais des Vescovi, Pistoia (Vannini 1985, p. 655, n° 3706). 2025 Boucle complète : L x l = 4,9 x 6,9 cm (Bonnet 1973, p. 71, 91, n° 110). 2026 Objet incomplet, L x l = 2,1 x 2,1 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B.1, fig. 19, n° 133). 383 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type E1a : Anneau ou boucle large à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, sans talons, à ergot distal simple triangulaire ou arrondi (fig. 201, n° 1 à 5) Bouches-du-Rhône  Alcazar, Marseille : n° 91, couche d’incendie du milieu du XIVe siècle. Var  Castrum de Marsens, Le Muy : n° 26, déblais du cimetière ; XIIIe - début XVe siècle.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3363, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1105, premier tiers XIVe siècle.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1498, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Toutes ces boucles ont une traverse distale plus large que la traverse proximale. Celleci est mise en évidence par un retrait, parfois associé à un amincissement (fig. 201, n° 3) qui peut être localisé (fig. 201, n° 1 et 5). L’ergot distal est entaillé dans trois cas par une encoche qui marque d’autant plus la zone de réception du bout de l’ardillon (fig. 201, n° 1, 2 et 5). Cette encoche ne se discerne ni sur un objet provenant du site de l’Oratoire dont l’oxydation a rongé la surface (fig. 201, n° 3), ni sur un spécimen trouvé au castrum Saint-Jean qui est à l’évidence un raté de fonte sur lequel s’observent de fortes traces de limage (fig. 201, n° 4 ; fig. 210, n° 1). Cette opération n’a pas gommé toutes les imperfections. L’artefact conserve une chape incomplète de type B1b décorée de zigzags. La perforation visible en partie proximale permettait le passage d’un ardillon de type fil comme celui encore présent sur une boucle d’Avignon (fig. 201, n° 5) sur laquelle apparaissent également des traces de limage. Les deux plus petites boucles (fig. 201, n° 1 et 2) trouvent leur reflet sur le site de l’abbaye de Bordesley à Redditch dans le Worcestershire avec un exemplaire sans ardillon muni d’un ergot assez long2027. Un spécimen, légèrement plus grand, a été mis au jour dans un 2027 Spécimen entier, L x l = 1,6 x 1,4 cm (Astill 1993a, p. 194, fig. 89, n° CA 256). 384 3. Approche croisée du mobilier archéologique tas d’huîtres du XVe siècle sur le site de Viking Hall à Waltham Abbey dans l’Essex2028 et un deuxième dans un contexte daté vers 1455 - vers 1460 sur le site du château de Threave dans le Dumfries and Galloway au Royaume-Uni2029. Des artefacts de plus grande taille proviennent du castello di Zuccola à Cividale del Friuli dans la province d’Udine en Italie2030, d’une verrerie médiévale (XIIIe - XIVe siècle) au lieu-dit La Seube à Claret dans l’Hérault. L’objet de ce dernier lieu a conservé un fragment d’ardillon en fer et une chape de type A1b décorée, en partie distale, de deux croix de Saint-André alignées dans la largeur et limitées par des lignes parallèles2031. Au Royaume-Uni, sur le site d’Austin Friars à Leicester, une pièce assez large à chape de type A2b a été retrouvée sur le bassin d’un jeune homme d’environ 21 ans inhumé dans la première moitié ou le milieu du XIVe siècle2032. Les boucles, à fenêtre semi-ovale en alliage cuivreux large, sans talons, à ergot distal simple triangulaire ou arrondi, qu’il convient de rapprocher des pièces de type E1b, paraissent pouvoir être datées de la seconde moitié du XIIIe siècle et du XIVe siècle. Type E1b : Anneau ou boucle large à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, à talons, à ergot distal simple triangulaire ou arrondi (fig. 201, n° 6 à 21 ; fig. 202, n° 1 à 3) Bouches-du-Rhône  Cour de l’Archevêché, Aix-en-Provence : n° 2, datation inconnue.  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL 92.02.27, H.S.  Alcazar, Marseille : n° 93, surface pavée d’une rue, fin XIIIe - début XIVe siècle.  Place du Général de Gaulle, Marseille : n° 59, niveau postérieur à 1370.  Quartier Sainte-Barbe, Marseille : n° 193, fin XIIIe - début XIVe siècle ; n° 302, deuxième quart - milieu XIVe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 311, sol de zone extérieure, fin XIIe - première moitié XIIIe siècle ; n° 3784, sol de bâtiment, milieu XIIIe siècle - vers 1285 ; n° 892, décombres, n° 907, niveau de destruction cendreux, vers 1309/1315 - vers 2028 Pièce entière, L x l = 1,6 x 2,1 cm (Huggins 1976, p. 115, fig. 41, n° 8). Artefact entier, L x l = 1,9 x 2,1 cm (Caldwell 1981, p. 109, n° 37, fig. 10). 2030 Objet entier, L x l = 2 x 2,4 cm (Favia 1992, p. 270, n° 38). 2031 Exemplaire incomplet : L x l = 1,8 x 2,3 cm, Chape : L x l = 1,2 x 4,4 cm (Lambert 1983, p. 211, fig. 49, n° 10). 2032 Individu complet, Boucle : L x l = 1,35 x 2,8 cm, Chape : L x l = 2,75 x 2,4 cm (Clay 1981, n° 25). 2029 385 3. Approche croisée du mobilier archéologique 1345 ; n° 3354, pallier d’entrée, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 2222, couche de dépotoir, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Vaucluse  Prieuré Saint-Symphorien, Bonnieux : n° 8, début XIVe siècle.  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1073, deuxième tiers XIVe siècle ; n° 1107, deuxième moitié XIVe siècle ; n° 1093, 1108, troisième tiers XIVe siècle ; n° 1079, XVe siècle ?, contient de la céramique des XIIIe - XVe siècles ; n° 1082, Époque moderne ? Les dix-neuf anneaux ou boucles du type E1b se distinguent des exemplaires du type E1a par la présence de talons. Des traces de lime sont souvent visibles. Les objets comportent une encoche au milieu de l’ergot distal pour réceptionner le bout de l’ardillon et, à l’exception de cinq exemplaires, une traverse proximale réduite. Sur ces cinq objets, trois ont un amincissement légèrement progressif de la traverse proximale (fig. 202, n° 1 à 3), un quatrième une encoche issue, semble-t-il, de la fonte (fig. 201, n° 17) et le dernier ne reprend aucune de ces caractéristiques (fig. 201, n° 18). L’ardillon, rarement conservé, est un fil d’alliage cuivreux (fig. 201, n° 12) ou de fer (fig. 202, n° 1) ou également une tige épaisse en fer pour deux objets plus frustres (fig. 202, n° 2 et 3). Généralement, il devait être constitué d’un fil au vu de la largeur de l’encoche distale, même si cette caractéristique ne constitue pas une preuve formelle. Des chapes de type A2b sont encore en place sur deux pièces (fig. 201, n° 21 ; fig. 202, n° 1). La fenêtre de deux objets est légèrement en accolade (fig. 201, n° 11 et 21). Cette caractéristique, qui peut être due à une déformation du cadre, n’est pas suffisamment prononcée pour conduire à un classement dans le type H. Les spécimens de type E1b sont relativement courants dans la bibliographie2033. Parmi eux, un individu du nord-ouest de la France se distingue par sa taille trois fois supérieure aux petits objets provençaux et sa traverse proximale de section ovoïde réduite2034. Beaucoup 2033 France, Hérault : un objet fragmentaire, L x l = 1,9 x 2,3 cm, XIIIe - XIVe siècle, La Seube, Claret (Lambert 1983, p. 211, fig. 49, n° 13) ; Indre : un individu fragmentaire, L x l = 1,25 x 1,55 cm, N.D.S., Montbaron, Levroux (Querrien et Blanchard 2004, p. 123). Espagne, province de Barcelone : une boucle complète à ardillon en fil, L x l = 1,55 x 2,15 cm, N.D.S., castellot de Viver, Viver i Serrateix (Bolos et al. 1981, p. 175, n° 108). Royaume-Uni, Carmarthenshire : une pièce entière, L x l = 1,8 x 2,25 cm, sol de mortier, milieu XIIIe - milieu XIVe siècle, abbaye des franciscains, Carmarthen (Brennan 2001, n° 1). 2034 Spécimen entier, dimensions précises inconnues, provient d’un site du Calvados ou de SeineMaritime (Vivre au Moyen Âge 2002, notices 186 et 187). 386 3. Approche croisée du mobilier archéologique d’anneaux et boucles comportent une chape2035. Au Gué de Bazacle à Toulouse en HauteGaronne, une pièce avec chape de type A4a se rapproche par sa forme d’un objet large et fin du corpus (fig. 202, n° 1)2036. Une boucle à ergot distal, traverse proximale réduite et ergots proximaux, possède encore une chape de type A4a décorée par gravure2037. Elle a été ramassée lors d’une prospection sur le site de l’Esquerda à Roda de Ter dans la province de Barcelone en Espagne. Dans la ville de Barcelone même, une boucle analogue, c’est-à-dire avec ergots proximaux, avec un ardillon en tôle mais sans chape provient du site de l’Arc de Triomphe (XIIIe - XVIIIe siècle)2038. À Londres, les fouilles ont mis au jour onze exemplaires d’anneaux et boucles, certains avec traces d’une couverte blanche, dont sept avec une chape de type A1b, B1a ou A4 dans des niveaux situés entre vers 1270 - vers 1350 et la première moitié du XVe siècle2039. Huit d’entre eux appartiennent à la deuxième moitié du XIVe siècle et un seul à la première moitié du XVe siècle. Pour une pièce, des ergots latéraux sont disposés à la jonction de la traverse proximale et de la traverse distale. L’ergot distal offre un aspect légèrement bombé sur un objet, à l’image d’un artefact du corpus de type E1a (fig. 201, n° 5). Parmi les boucles londoniennes, un spécimen de la deuxième moitié du XIVe siècle, particulièrement large (L x l = 1,9 x 6,2 cm), à chape de type A4, peut être rapproché des anneaux et boucles 2035 France, Aube : pièce complète avec chape de type A4a, Boucle : L x l = 1,7 x 2,2 cm, Chape : L x l = 3,8 x 1,6 cm, époque moderne, place des Halles, Troyes (Lenoble et al. 1997, p. 98, fig. 90, n° 4) ; Royaume-Uni, Hampshire : exemplaire complet avec chape de type A1b, Boucle : L x l = 2,2 x 2,7 cm ; Chape : L x l = 2,95 x 1,6 cm, milieu XVIe siècle, démolition de l’église Saint-Pancras, Brook Street, Winchester (Hinton 1990f, p. 522, n° 1212) ; Yorkshire : un artefact incomplet avec chape de type A1b, Boucle : L x l = 1,25 x 1,6 cm, Chape : L x l = 1,6 x 1,15 cm, milieu du XIVe siècle, College of the Vicars Choral, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, fig. 1466, n° 14300). 2036 Un anneau entier, Boucle : L x l = 1,8 x 2,3 cm, Chape : L x l = 4,85 x 1,85 cm (Archéologie 1990, p. 216, n° 430). 2037 Une boucle entière, Boucle : L x l = 2 x 2,6 cm, Chape : L x l = 4,3 x 1,8 cm (Ollich 1976, p. 510 ; Bolos et al. 1981, p. 145, n° 58). 2038 Une boucle entière, dimensions inconnues (Parra Alé 2010a, p. 131, n° 11, troisième rang à droite). 2039 Un objet entier, L x l = 1,8 x 2,1 cm ; artefact fragmentaire ; boucle incomplète, L x l = vers 1,7 x vers 2,6 cm ; exemplaire complet, L x l = 2,2 x 2,7 cm ; spécimen complet, L x l = 2,6 x 3,3 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 70, n° 279 à 283) ; individu entier avec chape de type A1b, Boucle : L x l = 1,3 x 1,1 cm, Chape : L x l = 1,7 x 1 cm ; objet entier à chape de type B1a, Boucle : L x l = 1,2 x 1,6 cm, Chape : L x l = 1,4 x 0,6 cm ; boucle entière avec chape de type A1b, Boucle : L x l = 1,25 x 1,3 cm, Chape : L x l = 2,1 x 0,8 cm ; exemplaire complet avec chape de type A1b, Boucle : L x l = 1,3 x 1,5cm, Chape : L x l = 1,8 x 1,1 cm ; spécimen entier avec chape de type B1a, Boucle : L x l = 1,8 x 2,1 cm, Chape : L x l = 1,8 x 1,1 cm ; individu entier avec chape de type A4, Boucle : L x l = 1,9 x 6,2 cm, Chape : L x l = 2,4 x 5,5 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 74, n° 306 à 311). 387 3. Approche croisée du mobilier archéologique des types F3b et F3c. C’est aussi le cas d’un individu italien de fin XIIIe - début XIVe siècle provenant du site de Monte Zigagno à Zigagno dans la province de La Spezia2040. La diffusion des artefacts de type E1b s’est faite jusqu’au Danemark puisque sur le site de Hejninge à Slagelse dans la région de Sjælland, un exemplaire à chape de type A3a fut retrouvé dans un niveau daté vers 1300 d’une ferme2041. Quelques pièces de la bibliographie ont été retrouvées sur des corps : une boucle avec chape de type A2a se situait sur la tête du fémur gauche d’un sujet inhumé à une époque non précisée dans l’église Saint-Georges d’Hermance dans le canton de Genève en Suisse2042 ; une boucle avec chape de type A fut découverte sur le bassin d’un immature enseveli dans la première moitié ou le milieu du XIVe siècle à Austin Friars à Leicester2043. La fabrication des anneaux et boucles du type E1b est attestée à Toulouse : deux anneaux, non ébarbés, réunis par un canal de coulée, ont été retrouvés dans le lit de la Garonne au Gué de Bazacle à Toulouse2044. À Paris, rue Mongelas, la fouille d’un atelier métallurgique du second quart du XIVe siècle a fourni une pièce brute de fonderie2045. Une boucle complète avec chape de type A1b retrouvée sur ce même site dans un niveau de l’atelier pourrait y avoir été fabriquée2046. Les données disponibles conduisent à proposer une datation typologique s’étendant sur les trois derniers quarts du XIIIe siècle et le XIVe siècle. Type E1c : Anneau ou boucle long à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, sans talons, à ergot distal simple triangulaire ou arrondi (fig. 202, n° 4) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 167, sépulture des XIVe - XVIe siècles. 2040 Anneau entier, L x l = 2,2 x 5 cm (Giardi 1985, p. 234-235, n° 42). Une boucle complète, Boucle : L x l = 1,6 x 2,15 cm, Chape : L x l = 3,65 x 1,15 cm (Steensberg 1986, p. 66, fig. 45). 2042 Un artefact complet, Boucle : L x l = 2 x 3,3 cm, Chape : L x l = 2,8 x 2,3 cm (Bonnet 1973, p. 9091). 2043 Boucle complète, Boucle : L x l = 1,8 x 2,5 cm, Chape : L x l = 2,6 x 1,9 cm (Clay 1981, n° 26). 2044 Dimensions pour chaque anneau : L x l = 1,2 x 1,5 cm (Aujourd’hui 1981, n° 204 ; Archéologie 1990, p. 277, n° 603) 2045 Objet entier, L x l = 1,65 x 1,55 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B.1, fig. 19, n° 187). 2046 Boucle complète, Boucle : L x l = 1,8 x 1,6 cm ; Chape : L x l = 9,5 x 0,6 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B.1, fig. 19, n° 186, 188, 189). 2041 388 3. Approche croisée du mobilier archéologique Cet objet plus long que large, sans talons, est légèrement outrepassé dans sa partie proximale. Son ergot distal comporte une encoche terminée par une dépression circulaire. L’ardillon est de section quadrangulaire arrondie. Aucun élément de comparaison n’a pu être trouvé. L’objet peut sans doute être attribué au XIVe siècle étant donné la datation des types E1a et E1b. Type E2 : Boucle à fenêtre semi-ovale, à ergot distal mouluré (fig. 202, n° 5 à 11) Des sous-types se distinguent en fonction de la présence de talons, d’ergots proximaux et du processus de fabrication de l’objet. Les exemplaires obtenus par la fonte appartiennent aux sous-types E2a à E2c, le spécimen fabriqué par assemblage de plusieurs pièces a été classé dans le sous-type E2d. Au sein des sous-types E2a à E2c, le sous-type E2a rassemble les artefacts sans talons, les sous-types E2b et E2c, ceux avec talons et avec respectivement un ergot distal bosselé ou un ergot distal denticulé. Tous les exemplaires du type E2 du corpus ou signalés dans la bibliographie sont en alliage à base de cuivre. Un fragment d’ergot distal de fin XIIe - première moitié XIIIe siècle trouvé au castrum Saint-Jean à Rougiers (fig. 264, n° 3) a probablement appartenu à une boucle de type E2a ou E2b. Type E2a : Anneau ou boucle large à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, sans talons, à ergot distal mouluré (fig. 202, n° 5 à 7) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1106, milieu XIVe siècle.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1281, comblement de tranchée de fondation, 1491 - 1496.  Rue Carreterie, Avignon : n° 336, contexte inconnu. Ces trois boucles sans talons comportent un ergot distal entouré de deux moulures latérales. L’une d’elles à chape de type B1b présente de fortes traces de limage (fig. 202, n°5), une autre des aplatissements de la traverse distale (fig. 202, n° 6). Cet objet n’a pu être observé : que les plats soient issus de fonte paraît plus que probable mais ne peut donc être affirmé. Un ardillon en fil de fort diamètre est encore en place sur un des sujets. Un fil passé 389 3. Approche croisée du mobilier archéologique au travers de la chape et enroulé autour de la traverse proximale joint les deux morceaux d’une patte de chape de type A cassée lors de l’utilisation de la boucle du Petit Palais (fig. 202, n° 7). La boucle de l’Impasse de l’Oratoire (fig. 202, n° 5) est assez proche d’une boucle, avec ardillon en fil, issue d’un remblai contenant de la céramique du XIVe siècle sur le site de la collina di San Pietro à Castel San Pietro dans le canton du Tessin en Suisse2047. Les talons internes de l’objet sont un peu plus accentués. Une pièce provenant d’un remblai de démolition d’une maison de la première moitié du XIVe siècle du site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher2048 présente également une certaine ressemblance. L’artefact d’Avignon connaît également des analogies avec des boucles avec talons mises au jour au château de Montségur (N.D.S.) en Ariège2049 et au castrum de Ventajou (XIIe - XIVe siècle) à FélinesMinervois dans l’Hérault2050. Sur le site de la maison forte de Naux à Colayrac-Saint-Cirq en Lot-et-Garonne, occupée dans le dernier tiers du XIVe siècle, a été retrouvée une boucle comportant trois moulures en éventail et des moulures ou aplatissements à la jonction de la traverse proximale et de la traverse distale2051. Sa chape de type A est incomplète. Une dernière boucle, héraultaise, avec fragment d’ardillon en fer, provenant d’un dépotoir (XIIIe XIVe siècle) sur le site de la verrerie de La Seube à Claret, a conservé sa chape de type A1b. Elle pourrait appartenir au type E2a, mais le dessin, singulièrement, figure une extrémité de la traverse distale sans talons et l’autre avec talons2052. Les boucles du type E2a paraissent pouvoir être datées de la seconde moitié du XIIIe siècle et du XIVe siècle. Type E2b : Anneau ou boucle large à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, à talons, à ergot distal bosselé (fig. 202, n° 8 et 9) Bouches-du-Rhône  Le Castelet, Fontvieille : n° CAS 78.00.7, remblais avec matériel du XIVe siècle et des XVIe- XVIIe siècles. Var 2047 Boucle complète, L x l = 1,65 x 2,2 cm (De Marchi 1996, p. 195). Pièce entière, L x l = 1,9 x 2,1 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 116, n° 189). 2049 Artefact fragmentaire, L x l = 2 x 2,5 cm (Czeski 1981, p. 198). 2050 Objet entier, L x l = 1,95 x 2,75 cm (Loppe 2006, p. 338). 2051 Exemplaire entier avec fragment de chape, Boucle : L x l = 2,1 x 2,4 cm, Chape : l = 1,9 cm (Ballarin et al. 2007, p. 132, m 67). 2052 Boucle incomplète, Boucle : L x l = 1,85 x 2,45 cm, Chape : L x l = 3,3 x 1,55 cm (Lambert 1983, p. 211, fig. 49, n° 12). 2048 390 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1601, sol de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375. La plus grande boucle semi-ovale à ergot distal bosselé, à talons, comporte une chape de type A3d animée d’un décor complexe créé par des zigzags, de courts segments et de rares lignes courbes gravés. Il apparaît ainsi en réserve des formes de chevrons et des formes en amande alignées et séparées latéralement par des lignes vierges. Quelques zigzags et segments mal placés ont été en partie effacés, probablement à l’aide d’un burin à bout rond pour écraser le métal sans laisser de traces. Ces repentirs ont été omis du dessin principal et figurés dans les agrandissements. Trois rivets à tête plate et matée disposés le long du bord proximal assuraient la fixation sur la lanière. L’épaisseur de la tôle de la chape est plus importante à l’endroit de la charnière. L’exemplaire varois (fig. 202, n° 9) dispose encore d’un ardillon en fil. L’ergot distal comporte une encoche pour le repos de la pointe de l’ardillon. Une boucle de type E2b mais aux moulures analogues à un exemplaire avignonnais de type E2a (fig. 202, n° 5) a été mise au jour au château de Montségur (N.D.S.) en Ariège2053, une deuxième au castrum de Ventajou (XIIe - XIVe siècle) à Félines-Minervois dans l’Hérault2054. En Seine-et-Marne, un site de la ville de Meaux a livré un objet à l’ergot distal encadré par deux petites cannelures2055. Des objets similaires avec chape de type A3 proviennent de la fouille d’une rivière en contrebas du château de Grigny (fin XIIe - début XIIIe siècle à 1640) dans le Pas-de-Calais2056 et de la ville de Trèves dans le land de Rhénanie-Palatinat en Allemagne2057. L’ergot distal du spécimen ramassé dans le cimetière du village déserté de Saint-Hilaire-sur-Moivre (antérieur au XVIIIe siècle) à Le-Fresne-surMoivre dans la Marne comporte cinq petites cannelures disposées en éventail2058. Des incisions agencées en éventail sont visibles sur l’ergot distal d’une pièce découverte à York dans un contexte du milieu du XIIIe siècle2059. Le type E2b peut être daté actuellement de la seconde moitié du XIIIe siècle et du XIVe siècle. 2053 Objet fragmentaire, L x l = 2 x 2,5 cm (Czeski 1981, p. 198). Pièce entière, L x l = 1,95 x 2,75 cm (Loppe 2006, p. 338). 2055 Spécimen entier, L x l = 1,8 x 2,55 cm (Dupond et al. 1992, p. 96, n° 7). 2056 Objet entier, Dimensions inconnues (Dilly et al. 1999, p. 126, n° 5.5). 2057 Boucle complète, Boucle : L x l = 1,85 x 2,55 cm, Chape : L x l = 2,55 x 1,9 cm, datation stratigraphique (?) des XIIIe - XIVe siècles (Vivre au Moyen Âge 1998, p. 265, n° b). 2058 Exemplaire entier, L x l = 1,65 x 2,25 cm (Lusse et al. 1997, p. 86). 2059 Boucle incomplète, L x l = 2,2 x 2,55 x cm (Ottaway et Rogers 2002, n° 14297). 2054 391 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type E2c : Anneau ou boucle large à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, à talons, à ergot distal denticulé (fig. 202, n° 10) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1101, deuxième tiers XIVe siècle. Cette boucle de type E2c se distingue des boucles du type E2b par la forme denticulée des moulures de l’ergot distal. La traverse distale présente un arrondi régulier. L’ergot distal est composé de trois moulures ; celle du centre est un peu plus saillante et accueille une dépression pour recevoir le bout de l’ardillon. La traverse proximale de section circulaire est réduite. Une boucle analogue et de dimensions similaires, avec un ergot distal denticulé, a été anciennement ramassée au château de Montségur (N.D.S.) dans l’Ariège2060. Type E2d : Anneau ou boucle large composite à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, à talons, à ergot distal mouluré (fig. 202, n° 11) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL 82.I.1.38, remblai du XVIIIe siècle Bien que retrouvé dans un remblai tardif, la période de datation à proposer pour cet artefact arlésien est vraisemblablement le XIVe siècle comme la presque totalité des boucles de type E2. L’objet est incomplet mais une extrémité de la traverse distale conserve l’amorce d’une ouverture circulaire très certainement destinée au passage de la tige métallique servant de traverse proximale. L’ergot distal mouluré comporte une encoche. Type E3 : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, à traverse distale à moulures d’encadrement du repos de l’ardillon (fig. 203, n° 1 à 7) Plusieurs sous-types de boucles du type E3 ont été signalés mais seuls deux d’entre eux sont attestés en Provence : des objets à denticules d’encadrement (sous-type E3a), des exemplaires à bosses externes d’encadrement (sous-type E3b) qu’il convient de distinguer 2060 Boucle entière, L x l = 3,7 x 3,9 cm (Dagain et Laffont 1975, p. 14, n° TC/73). 392 3. Approche croisée du mobilier archéologique d’artefacts à bosses et denticules d’encadrement non encore répertoriés en Provence2061. Les éléments de comparaison sont rares et, pour cette étude, aucune distinction n’est faite en fonction de la présence ou l’absence de talons. Type E3a : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, à traverse distale à denticules d’encadrement du repos de l’ardillon (fig. 203, n° 1 à 4) Bouches-du-Rhône  Cour de l’Archevêché, Aix-en-Provence : n° 1, N.D.S. Gard  Collège Eugène Vigne, Beaucaire : n° 1229-82, sol de terre battue dans un bâtiment du XIVe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 170, sol de bâtiment, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 3466, sol de bâtiment, vers 1345 - vers 1360. La traverse distale de ces quatre boucles à talons comporte un replat orné de deux denticules qui saillent légèrement du bord externe et encadrent une dépression destinée à recevoir le bout de l’ardillon. La traverse proximale est réduite. L’ardillon, présent sur une boucle de Rougiers (fig. 203, n° 3), est confectionné dans un fil épointé en alliage cuivreux. Le décor de la chape de type A2d ou A3b diffère selon les artefacts : une ligne centrale et ondulée de zigzags (fig. 203, n° 1), deux rangées latérales de traits et de triangles incisés soulignant les bordures (fig. 203, n° 3), une frise de chevrons en réserve sur un fond garni, dans le sens de la longueur, par des alignements parallèles de points poinçonnés (fig. 203, n° 4). Cette dernière chape conserve des traces d’étamage ou d’argenture. Une perforation située au milieu ou en partie distale de ces chapes semble avoir permis la fixation d’une applique comme il apparaît sur une chape isolée du castrum Saint-Jean datée vers 1360 - vers 1370/1375 avec couverte en argent (fig. 273, n° 15) dont le décor gravé s’apparente à celui de la chape de la boucle n° 3466 de ce site (fig. 203, n° 3). Ceci est d’autant plus plausible que, pour deux chapes de boucles du type E3 (fig. 203, n° 1 et 4), l’écart entre les deux moitiés de 2061 Ce type est assez fréquent. Se reporter par exemple aux pièces à chape de type A4a et A5 mentionnées dans Lenoble et al. 1997 (p. 66, fig. 57, n° 3), Piuzzi 1998 (p. 283), Egan et Pritchard (dir.) 2002² (p. 76, n° 313), Fondrillon et Marot 2013 (p. 115, n° 4409). 393 3. Approche croisée du mobilier archéologique la tôle est inexistant ou trop peu important pour permettre le passage d’une courroie. Le perçage de la chape s’est fait du revers vers l’avers pour les deux parties de la chape de la boucle aixoise (fig. 203, n° 1) et a déjeté de la matière qui n’a pas été enlevée. Une boucle complète de même aspect que les objets du corpus, avec ardillon en fil et chape de type A5, provient du site du château de Montségur (N.D.S.) en Ariège2062. Plus à l’est, dans l’Aude, au château de Peyrepertuse (N.D.S.) à Duilhac-sous-Peyrepertuse, une boucle entière quelque peu différente a été mise au jour et affiche deux denticules assez éloignés de l’encoche distale2063. Les quelques artefacts de type E3a connus actuellement dans le sud de la France permettent de proposer une datation typologique dans les trois premiers quarts du XIVe siècle. Type E3b : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, à traverse distale à bosses externes d’encadrement du repos de l’ardillon (fig. 203, n° 5 à 7) Bouches-du-Rhône  Castrum de Montpaon, Fontvieille : n° L13/31, H.S.  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : n° B5600945, couche d’abandon, postérieur milieu XIVe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1216, troisième tiers XIVe siècle. Les boucles du type E3b se caractérisent par deux bosses disposées sur le bord externe de la traverse distale. Un exemplaire du site de l’Impasse de l’Oratoire (fig. 203, n° 5) a conservé un fragment de chape de type A décorée en bordure de deux alignements de dents de loups opposées par la base. Les bosses de la traverse distale encadrent une zone incisée de trois lignes parallèles. Les bosses de plusieurs objets de la bibliographie sont beaucoup plus resserrées au milieu de la traverse distale et ressortent à la fois de la bordure externe du cadre et à l’intérieur de la fenêtre. Trois exemplaires sans talons datés de la première moitié du XIVe siècle ou récupérés H.S. ont été découvertes lors de la fouille de la ZAC Avaricum à Bourges 2062 Individu complet, Boucle : L x l = 1,55 x 2,15 cm, Chape : L x l = 4,3 x 1,25 cm (Rapport 1974, p. 64 ; Czeski 1981, p. 197, n° 37/74). 2063 Anneau entier, L x l = 1,55 x 2,55 cm (Barrère 2000, p. 219). 394 3. Approche croisée du mobilier archéologique dans le Cher2064. Deux d’entre eux sont outrepassés près de la traverse distale. Des boucles à talons avec chape ou possible chape de type A5 proviennent d’un contexte des XIIIe - XIVe siècles du Palais ducal de Fécamp en Seine-Maritime2065, de la démolition du milieu du XVIe siècle de l’église Saint Pancras à Winchester au Royaume-Uni2066. Des boucles dont la traverse distale comporte simplement deux bosses très éloignées l’une de l’autre existent aussi : un artefact à talons et ergots proximaux issu d’un contexte de fin XIIIe - XIVe siècle du site de Roca à Melendugno dans la province de Lecce en Italie2067, un spécimen en mauvais état avec chape de type A6 sur le site de San Stefano (XIIIe - XIVe siècle) à Casalbordino dans la province de Chieti2068, une boucle sans talons provenant d’une couche de détritus du milieu du XIIIe siècle sur le site du Priamàr à Savone2069, un exemplaire avec chape de type A2b trouvé dans le comblement d’un fossé daté des Xe - XIIIe siècles sur le site de Rhuddlan dans le Denbighshire2070. Les éléments de datation disponibles conduisent à proposer une datation typologique s’étalant entre la seconde moitié du XIIIe siècle et la fin du XIVe siècle. Type E4 : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, à traverse distale à moulures dispersées (fig. 203, n° 8 à 16 ; fig. 204, n° 1 à 5) Les boucles à fenêtre semi-ovale à traverse distale à moulures dispersées ont été scindées en quatre sous-types, selon les caractéristiques propres aux moulures. Les exemplaires à motif de dentelures appartiennent au sous-type E4a, ceux avec des bosses au sous-type E4b, ceux avec bosses et denticules au sous-type E4c. Certains spécimens pourvus de bosses très saillantes forment le sous-type E4d. Quelques autres sous-types absents du corpus provençal sont attestés par ailleurs. À titre d’exemple, des artefacts présentent une 2064 Exemplaire entier, L x l = 2 x 2,5 cm, occupation extérieure de la première moitié du XIVe siècle d’un atelier métallurgique, individu entier, L x l = 1,9 x 2 cm, remblai de construction issu de démolition, première moitié XIVe siècle, objet fragmentaire, L x l = 2,1 x 2,1 cm, H.S. (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 116-118, n° 2466, 5162, 2578). 2065 Artefact complet avec chape de type A5, Boucle : L x l = 1,3 x 1,7 cm, Chape : L x l = 2,85 x 1,15 cm (Renoux 1987, p. 36). 2066 Artefact entier avec possible chape de type A5, Boucle : L x l = 2,5 x 3,4 cm ; Chape : L cons. x l = 3,9 x 2,3 cm, site de Brook Street (Hinton 1990f, p. 522, n° 1214). 2067 Boucle entière, L x l = 1,8 x 1,9 cm (Lombardi 2008, p. 416, n° 136). 2068 Pièce complète, Boucle : L x l = 2,1 x 2,8 cm, Chape : L x l = 6,75 x 2,15 cm (Tulipani 2001, p. 332, fig. 9, n° 15). 2069 Spécimen entier, L x l = 1,2 x 1 cm (Viara 2001, p 449, n° 1578). 2070 Boucle incomplète, Boucle : L x l = 1,6 x 2,2 cm, Chape : L x l = 2,6 x 1,5 cm (Quinnell et al. 1994, p. 165, n° 2, fig. 16.1). 395 3. Approche croisée du mobilier archéologique moulure triangulaire centrale destinée à accueillir le bout de l’ardillon, au sein de deux denticules et/ou de bosses2071, pour d’autres l’ensemble du bord externe de la traverse distale est bosselé2072. Quelques artefacts des types E4b à E5 sont particulièrement proches des anneaux et boucles de type F2a, l’alignement des moulures formant souvent une barre. Intégrer ces objets au type F eut été possible mais cela conduisait à les séparer des exemplaires où les moulures sont plus distinctement individualisées les unes par rapport aux autres. Au vu du mobilier présent dans la bibliographie, fixer une frontière nette entre ces différents stades s’est révélé hasardeux2073. Type E4a : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, à traverse distale à dentelure (fig. 203, n° 8 à 10) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL 92.02.29, H.S. Vaucluse  Rue Carreterie, Avignon : n° 334 et 335, contextes inconnus. Trois boucles à fenêtre semi-ovale, à talons, au bord extérieur de la traverse distale parfois anguleux, comportent des moulures sous forme d’une dentelure au centre de la traverse distale. La traverse proximale de l’exemplaire le plus grand est amincie (fig. 203, n° 8). Les deux objets plus petits, d’une forme très proche, avec leurs ergots proximaux, leur côté inférieur du cadre anguleux, leurs moulures analogues, conservent pour le premier un fragment de chape probablement de type B (fig. 203, n° 9) et pour le deuxième un ardillon en fil (fig. 203, n° 10). Les surfaces de l’objet arlésien (fig. 203, n° 9) sont parcourues de profondes traces de lime. Une boucle avec chape de type B2c à décor gravé, sans talons et sans ergots proximaux, à la dentelure très profonde, provient du château de Montségur 2071 Par exemple Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 72, 74, n° 295, 297, 300. France, Hautes-Alpes : boucle complète avec chape de type A2a, Boucle : L x l = 3,3 x 4,4 cm ; Chape : L x l = 2,55 x 2,1 cm, H.S., chapelle des Gicons, Saint-Disdier (Fichier Lucy Vallauri 1969) ; Hérault : boucle complète avec chape de type A4a, Boucle : L x l = 1,7 x 2,05 cm ; Chape : L x l = 2,8 x 2,35 cm, H.S., Rue de la Fontaine-du-Pila, Montpellier (Mobilier métallique 2010, p. 293). 2073 S’il n’avait été tenu compte que du seul corpus provençal cette distinction serait apparue évidente. C’est ici un exemple parmi d’autres de l’importance que peut avoir l’effet de sources dans le cadre d’une typologie des anneaux et boucles pour la période considérée. Toute étude de ce genre doit bénéficier d’une solide bibliographie. 2072 396 3. Approche croisée du mobilier archéologique (N.D.S.) en Ariège2074. Un autre élément de comparaison, découvert dans un épandage de restes de boucherie de la première moitié du XVe siècle – avec des éléments de mobilier du XIVe et du début du XVe siècle – sur le site des Jardins du Carmel à La Rochelle en CharenteMaritime, présente un fragment d’ardillon en fil et un fragment de chape de type A2075. Ces boucles sont, du point de vue typologique, probablement à dater du XIVe siècle. Type E4b : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, à traverse distale à bosses (fig. 203, n° 11 à 14) Alpes-de-Haute-Provence  Avenue Sainte-Douceline, Digne : n° 4, sol, première moitié XIVe siècle. Bouches-du-Rhône  Château de l’Hauture, Fos-sur-Mer : n° B569375, H.S.  Place Villeneuve-Bargemon, Marseille : n° 14, comblement de puits, XIVe - XVe siècles. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1097, N.D.S. Les boucles à fenêtre semi-ovale, avec ou sans talons, à traverse distale à bossettes du corpus comportent de quatre à six bossettes au centre de la traverse distale. L’ardillon est un fil en alliage cuivreux (fig. 203, n° 11 et 13) ou en fer (fig. 203, n° 12). La traverse proximale peut être amincie (fig. 203, n° 12). Dans la bibliographie, le nombre maximum de bossettes est de quatre. Trois exemplaires à trois bossettes resserrées au centre de la traverse distale, l’un fragmentaire, l’autre complet, avec talons, sont issus de contextes du XIIIe siècle du village minier de Staré Hory à Jihlava dans la région de Vysočina en République Tchèque2076. Un autre spécimen à trois bossettes resserrées, semble-t-il sans talons, allongé, avec chape de type A2d, est connu par les fouilles menées au château de Pymont (XIIIe - XVe siècles) à Villeneuve-sous-Pymont 2074 Boucle entière, Boucle : L x l = 1,55 x 1,65 cm, Chape : L x l = 2,75 x 0,95 cm (Czeski 1981, p. 197, n° 189/72). 2075 Objet incomplet, Boucle : L x l = 2,3 x 2,3 cm (Berthon (dir.) 2013, p. 56-57, n° 54). 2076 Pièce entière, L x l = 2,3 x 3,6 cm ; Boucle fragmentaire, l = 3,4 cm (Hrubý et Zimola 2008, p. 169). 397 3. Approche croisée du mobilier archéologique dans le Jura2077. La pièce mise au jour au château d’Épinal (vers 1250 - vers 1650) dans les Vosges n’a pas de talons2078. Des boucles sans talons à traverse distale à quatre bossettes sont répertoriés par ailleurs2079. Parmi celles-ci, certaines ont une chape et un ardillon en fil. La fouille d’un remblai funéraire daté entre le milieu du XIe siècle et le premier tiers ou quart du XIIIe siècle sur le site du Duomo à Venzone dans la province d’Udine en a fourni une avec chape incomplète de type A2080. Une deuxième provient d’une sépulture d’adulte des XIIe - XIIIe siècles au castello di Monte Copiolo à Montecopiolo dans la province de Pesaro et Urbino en Italie2081. La chape est de type B1a. Les boucles avec talons à quatre bossettes sur la traverse distale, avec parfois une chape de type B1b, sont tout aussi courantes que celles sans talons2082. Un rare spécimen en argent a été découvert lors des fouilles au castello della motta di Savorgnano à Povoletto dans la province d’Udine : les bossettes sont parfaitement distinctes les unes des autres, celles des extrémités étant hachurées, et l’ardillon est orné d’une excroissance centrale. La chape de type A4a et le mordant de type D4 sont finement ciselés d’un motif répétitif. L’objet est issu d’une couche d’abandon du XVIe siècle contenant de la céramique des XIe - XIIIe siècles2083. Une boucle à talons dont la traverse distale comporte quatre bossettes resserrées tout comme les boucles à trois bossettes provient du village médiéval de Dracy à Baubigny en Côte-d’Or, d’un niveau du XIIIe siècle ou du XIVe siècle2084. Trois pièces sont recensées sur des sites londoniens : une première datée du deuxième tiers du XIIIe siècle présente une encoche sur la 2077 Boucle entière : L x l = env. 1,9 x env. 1,6 cm, Chape : env. 4,1 x env. 0,9 cm (Jeanjacquot 1993, p. 105, fig. 63, n° 1921). 2078 Anneau entier, L x l = 2 x 2 cm (Kraemer 2002, pl. 15, n° 6). 2079 France, Doubs : objet entier, datation stratigraphique inconnue, L x l = 2,1 x 2,4 cm, Montbéliard (Fuhrer 2000, p. 118, fig. 94, n° 13). Isère : Spécimen entier, L x l = 1,8 x 2,3 cm, XIIe - milieu XIVe siècle, village minier de Brandes, L’Alpe d’Huez (Bailly-Maître 1983, p. 95, n° 134, p. 135 ; BaillyMaître et Bruno-Dupraz 1994, p. 128) ; Loire : Exemplaire entier, L x l = 1,8 x 2,2 cm, XIIIe siècle, château d’Essertines, Essertines-Basses (Cuisenier (dir.) 1987, p. 90, n° 146). 2080 Exemplaire complet avec chape de type A, Boucle : L x l = 1,75 x 2,05 cm, Chape : L x l = 7 x 1,15 cm (Piuzzi 1998, p. 283, fig. 6). 2081 Boucle complète avec chape de type B1a, Boucle : L x l = 1,5 x 1,5 cm, Chape : L x l = 2,8 x 0,9 cm (Ermeti et al. 2008, p. 165). 2082 France, Bas-Rhin : un spécimen avec chape de type B1b, Boucle : L x l = 1,5 x 1,7 cm, Chape : L x l = 3,2 x 1 cm, vers 1300 - vers 1320, château d’Ortenbourg (Rieb et Salch 1973, n° 342). Italie, province d’Udine : artefact entier, L x l = 1,95 x 2,2 cm, prospection, castello di Zuccola, Cividale del Friuli (Favia 1992, p. 270, n° 41). Royaume-Uni, Essex : individu entier, L x l = 1,9 x 2,45 cm, 1211 - 1306, King John’s hunting lodge, Writtle (Rahtz 1969, p. 91, fig. 51, n° 129). 2083 Boucle complète avec chape, Boucle : L x l = 1,4 x 2,2 cm, Chape : L x l = 8,8 x 1,25 cm (Piuzzi 1998, p. 282-284, fig. 5 ; Piuzzi et al. 2003, p. 98 ; Piuzzi 2003, p. 175). 2084 Objet entier, L x l = 1,65 x 1,7 cm (Abramowicz et al. 1970, fig. 102, n° 6). 398 3. Approche croisée du mobilier archéologique traverse proximale pour le nœud de l’ardillon2085, une deuxième de la seconde moitié du XIVe siècle conserve une chape probablement de type A52086, la dernière avec traverse proximale réduite appartient à un contexte de la première moitié du XVe siècle mais elle pourrait être résiduelle2087. La fabrication de boucles du type E4b est attestée à Magdebourg dans le land de SaxeAnhalt en Allemagne par la découverte d’une valve de moule en pierre gravée d’un exemplaire à plusieurs bossettes2088. Les boucles du type E4b sont particulièrement nombreuses et d’une large diffusion géographique. Peut-être est-ce la figuration d’un tel objet qui ferme la ceinture d’une sainte martyre sculptée vers 1328 - 1329 pour la clôture d’une chapelle de la collégiale de Mantes (fig. 163). Cette boucle clôt de toute évidence le ceinturon d’Henri IV Prawy sur son monument funéraire (vers 1300) dans l’église Sainte-Croix de Varsovie en Pologne2089. Le type E4b semble pouvoir être daté des XIIIe et XIVe siècles. Type E4c : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, à traverse distale à bosses et denticules (fig. 203, n° 15 à 16 ; fig. 204, n° 1 et 2) Bouches du Rhône  Site inconnu, Fontvieille : n° 1, H.S. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 203, foyer, fin XIIe - première moitié XIIIe siècle Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1085, premier tiers XIVe siècle ; n° 1094, deuxième tiers XIVe siècle. Ces anneaux et boucles provençaux, avec (fig. 203, n° 15 et 16) ou sans talons (fig. 204, n° 1 et 2), comportent deux bosses encadrant des denticules sur la traverse distale. 2085 Spécimen entier, L x l = 1,55 x 2,15 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 72, n° 292). Artefact entier, Boucle : L x l = 1,6 x 2,3 cm, Chape : L x l = env. 3,6 x 1,6 cm, Billingsgate lorry Park, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 76, n° 318). 2087 Objet entier, L x l = 1,75 x 2,1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 74, n° 302). 2088 L x l = 2,2 x 3,2 cm (Berger 2006, p. 50, fig. 6-34, I). 2089 Glosek et Lawrinowicz 2006, p. 150, fig. 2. 2086 399 3. Approche croisée du mobilier archéologique Leur ardillon est formé par une tôle épaisse. La boucle du castrum Saint-Jean (fig. 203, n° 16) porte des traces de dorure et sa chape de type A5 est profondément creusée pour faire apparaître deux fleurs de lys opposées par la base de part et d’autre d’un rivet à tête bouletée. Quatre autres rivets à tête bouletée ornent les angles de la chape tout en assurant pour deux d’entre eux la fixation de la chape sur la lanière. Un objet analogue à ceux du corpus, avec talons, a été découvert hors stratigraphie au château de Montaigut à Gissac dans le Tarn2090, deux autres dans des occupations de la première moitié du XIVe siècle d’une maison et d’un atelier métallurgique fouillés sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher2091. Un individu avec ardillon en fil et chape d’une variante du type A3 est conservé au Musée archéologique de Turin2092. À Londres, un exemplaire avec des traces d’étamage provient d’une phase de la deuxième moitié du XIIe siècle2093, ce qui en fait l’artefact le plus ancien du type E4. Ces objets à traverse distale à denticules entre bosses en coin ont été associés à des anneaux et boucles à talons présentant une alternance de denticules et de bosses entre les bosses en coin. La distinction entre bosses et denticules est souvent difficile à percevoir. Découvertes sur l’actuel territoire français, au Royaume-Uni et même jusqu’au Danemark, ces pièces sont parfois associées à une chape de type A4a, B3 ou B52094. À cette forme appartiennent également deux artefacts retrouvés pour l’un dans un niveau de la deuxième moitié du XIVe siècle au prieuré de Marnans en Isère, pour l’autre dans une sépulture 2090 Objet entier, L x l = 1,75 x 2,3 cm (Hensel et al. 1970a, fig. 2, n° 5). Exemplaires entiers, L x l = 1,9 x 2,3 et 1,7 x 1,8 cm (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 117, n° 2524 et 2531). 2092 Boucle complète, Boucle : L x l = 1,6 x 1,9 cm, Chape : L x l = 5,7 x 1,4cm (Fingerlin 1971, fig. 99, n° 532 ; Piuzzi 1998, p. 283, fig. 8). 2093 Boucle complète, L x l = 1,4 x 1,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 76, n° 312). 2094 France, Ariège : Un anneau entier avec chape de type B3, Boucle : L x l = 1,95 x 2,6 cm, Chape : L x l = 3,7 x 1,5 cm, château de Montségur (Archéologie 1990, p. 216, n° 432) ; Seine-et-Marne : un individu complet avec chape de type A4a, Boucle : L x l = 1,8 x 2,3 cm, Chape : L x l = 5,55 x 1,45 cm, site inconnu, Meaux (Dupond et al. 1992, p. 96, n° 3) ; Somme : une pièce entière, L x l = 1,8 x 2,2 cm, niveau du XVe ou XVIe siècle, Château de Boves (Legros 2012b, p. 103, n° 50, fig. 5). Royaume-Uni, Aberdeenshire : un spécimen entier, L x l = 4,05 x 6,1 cm, H.S., Virginia Street, Aberdeen (Goodall 1982, p. 186, n° 53) ; Lincolnshire : un exemplaire entier, L x l = 2,25 x 2,9 cm, antérieur à fin XIVe siècle, habitat médiéval, Goltho (Goodall et al. 1975, p. 91, fig. 43, n° 8) ; Londres : un artefact incomplet avec chape de type B5, Boucle : L x l = 1,4 x 1,65 cm, Chape : L x l = 3,2 x 1,1 cm, dernier tiers XIIIe-début XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 76, n° 314) ; Yorkshire du Nord : un individu entier, L x l = 2,3 x 2,75 cm, seconde moitié XVe - première moitié XVIe siècle, Bedern foundry, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, fig. 1466, n° 13337), un objet entier avec chape de type B, Boucle : L x l = 2,3 x 2,75 cm, Chape : l = 1,75 cm, datation inconnue, Wharram (Goodall 1979a, p. 108, n° 5). Danemark, région de Sjælland : une pièce entière, L x l = 2,5 x 4 cm, ferme du second Moyen Âge et d’époque moderne sur le site de Hejninge, Slagelse (Steensberg 1986, tav. 5, n° 7) 2091 400 3. Approche croisée du mobilier archéologique antérieure à 1302 de la cathédrale Santa Reparata à Florence. Le premier spécimen, sans talons, a conservé une chape de type A3 ou A4 décorée de zigzags en bordure2095. Le deuxième, en or, avec ardillon de section pyramidale, possède une chape en or niellé de type A5 figurant un animal fabuleux dont la queue se termine par des pampres végétaux, le tout dans un encadrement de traits incisés. Les cinq rivets de la chape, des excroissances à hauteur des talons et les deux bosses les plus extérieures de la traverse distale sont décorés de petits cercles incisés. Un anneau de type Q – utilisé comme passant ? –, deux appliques de type K et un mordant de type C au décor identique à celui de la chape accompagnaient l’objet italien2096. Une pièce particulièrement large (L x l = 2,5 x 5,7 cm) au contexte non phasé fut découvert lors de la fouille du site du College of the Vicars Choral à York2097. Un dernier exemplaire appartenant à une collection privée à Fribourg en Allemagne se distingue par son modelé et sa chape de type A4a ajourée2098. La barre extrêmement ornementée comporte une encoche distale creusée dans une bosse et encadrée de part et d’autre d’un denticule, d’une bosse et d’une bosse en forme de tête animale. Le bout de l’ardillon, particulièrement travaillé, arbore également une tête animale stylisée. En 1980, I. Fingerlin date stylistiquement la boucle et la chape de la première moitié du XIIIe siècle et situe la production en Basse-Saxe2099. Les boucles de type E4c sont à rapprocher des boucles de type E4b et E4d ainsi que d’autres modèles de la bibliographie absents du corpus provençal, notamment les spécimens à traverse distale à denticules2100. Une boucle de type E4c est semble-t-il représenté à la ceinture d’une Vierge à l’Enfant trônante en bois recouvert d’argent sculptée à Toulouse dans les dernières décennies du XIIIe siècle ou au début du XIVe siècle (fig. 166). Les éléments de comparaison disponibles permettent de proposer une datation typologique s’étendant entre la fin du XIIe siècle et le XIVe siècle. 2095 Artefact entier, Boucle : L x l = 2,3 x 2,75 cm, Chape : l = 1,75 cm (Colardelle et al. 1983, p. 88). Boucle complète, dimensions inconnues (Buerger 1975, p. 206). 2097 Individu entier (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, fig. 1466, n° 14306). 2098 Objet complet avec chape, Boucle : L x l = 2,75 x 5,35 cm, Chape : L x l = 4,95 x 4,35 cm (Fingerlin 1980, fig. 1). 2099 Fingerlin 1980. 2100 On ne doit pas les confondre avec les anneaux et boucles à traverse distale à dentelure (type E4a). France, Nord : une boucle complète avec chape, Boucle : L x l = 1,5 x 2,1 cm, Chape : L x l = 3,6 x 1,2 cm, XIVe - première moitié XVe siècle, Rue Mongat, Douai (Louis et al. 1998, p. 61, n° 2) ; République Tchèque, région de Vysočina : deux boucles entières, L x l = 2,2 x 3,95 et 2,15 x 3,7 cm, XIIIe siècle, village minier de Staré Hory, Jihlava (Hrubý et Zimola 2008, p. 169) ; RoyaumeUni, Londres : objet entier, L x l = 1,7 x 1,8 cm, vers 1270 - vers 1350 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 73, n° 294). 2096 401 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type E4d : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, à traverse distale à bosses d’encadrement très saillantes (fig. 204, n° 3 à 5) Var  Abbaye, La Celle : n° 3, remblai du XIe siècle (intrusif). Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 355, premier tiers XIVe siècle, n° 1081, remblai de datation inconnue. Les bosses encadrant la rangée de moulures sur la traverse distale des boucles des types E4b et E4c sont souvent légèrement plus saillantes que les autres moulures mais cela ne semble pas devoir prêter à conséquence du point de vue typologique. Les trois boucles du corpus rassemblées dans le type E4d affichent, quant à elles, des bosses obliques fortement marquées de part et d’autre d’un alignement de denticules et/ou de bosses. L’ardillon est une tige en fer sur une boucle (fig. 204, n° 4), une tôle en alliage cuivreux sur une deuxième (fig. 204, n° 3). Cette dernière comporte une chape de type A1b très oxydée. Des exemplaires analogues à bosses encadrant des denticules, avec2101 ou sans talons2102, sont signalés dans la bibliographie. Un spécimen appartenant aux collections du musée archéologique de Strasbourg conserve une chape de type A4a avec un décor gravé2103. La chape est du même type et également le support d’un décor incisé pour une boucle à traverse distale à bosses et denticules alternés provenant du castrum de Neyran à SaintGervais-sur-Mare dans l’Hérault2104. Les bosses de la traverse distale sont ovoïdes pour un objet avec chape de type A2b retrouvé au château de Montségur (N.D.S.) en Ariège2105. En Meurthe-et-Moselle, un artefact, issu d’un remblai de destruction et de démolition des XVIe XVIIe siècles de la maison forte des Armoises à Richardménil, présente une bosse centrale 2101 France, Côte d’Or : boucle entière, L x l = 2,1 x 2,6 cm, XIVe siècle, Grange du Mont, Charny (Beck 1989, p. 72, n° 82 ; Bourgogne 1987, p. 141, n° 383). Royaume-Uni, Grand Londres : objet entier, L x l = 1,6 x 1,9 cm, vers 1330 - vers 1370, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 72, n° 289) ; Yorkshire du Nord : artefact complet à ardillon en fil, L x l = 2,3 x 2,35 cm, milieu XIIIe siècle, College of the Vicars Choral, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, fig. 1466, n° 14295). 2102 France, Aude : objet entier, L x l = 1,8 x 1,95 cm, château de Peyrepertuse (N.D.S.), Duilhacsous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 219). 2103 Spécimen entier, Boucle : L x l = 1,3 x 1,35 cm, Chape : L x l = 3,4 x 0,95 cm (Fingerlin 1971, fig. 42, n° 482 ; Piuzzi 1998, p. 283, fig. 7). 2104 Exemplaire entier, Chape : L x l x e max = 1,8 x 2,3 x 0,51 cm, Chape : L x l x e tôle = 3,6 x 1,75 x 0,07 cm (Thuaudet et Rouleau 2010, pl. 2, n° 2). 2105 Boucle entière, Boucle : L x l = 2 x 2,05 cm, Chape : L x l = 3,05 x 1,3 cm (Rapport 1975, p. 56 ; Czeski 1981, p. 197). 402 3. Approche croisée du mobilier archéologique entaillée d’une encoche distale agrémentée de part et d’autre de denticules et de bosses aux deux extrémités2106. Le site est occupé depuis le XIVe siècle. En Italie dans la commune de Giuggianello, sur le site du village médiéval de Quattro Macine, une boucle à talons et ardillon en fer, pourvue d’une chape de type A2b décorée de lignes de dents de loup opposées par la base a été relevée avec des appliques de type M2 et P3 et un mordant de type D4 à hauteur du bassin d’une jeune fille âgée entre 7 et 9 ans2107. Une datation C14 fournit un intervalle à deux sigmas entre 1318 et 1431. La traverse distale de la boucle est parcourue de dépressions qui font apparaître des denticules pouvant être issues de la fonte. L’une des deux bosses obliques, manquante, peut avoir disparu lors de l’ébarbage. À Londres, des fouilles ont révélé, dans un niveau de la deuxième moitié du XIVe siècle, un objet dont les moulures sont, du centre vers les extrémités, des cannelures, des bosses et enfin des bosses en angle2108. Des boucles de type E4d s’observent sur quatre ceintures figurées à la taille de Vierges à l’Enfant en ivoire produites à la fin du XIIIe siècle ou au début du XIVe siècle dans l’Île de France et dans le Toulousain (fig. 162, 164, 165). Ces données, associées aux datations archéologiques du mobilier du type E4d et à des similitudes morphologiques avec les types E4b et E4c dont le type E4d pourrait être une variante, permettent de proposer une datation typologique entre le milieu du XIIIe siècle et le XIVe siècle. Type E5 : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, à traverse distale à rouleau et à bosses (fig. 204, n° 6 à 9) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL 92.04.09, H.S.  Castrum de La Quille, Le Puy Sainte-Réparade : n° 3, H.S. Var  Le Château, Châteauvert : n° 2, H.S.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 288, couche de dépotoir, milieu XIIIe siècle vers 1285. 2106 Artefact entier, L x l = 2,6 x 2,8 cm (Guarascio et Giuliato 2007, p. 164, fig. 105, n° 459-CA5065) 2107 Boucle incomplète, la même sépulture a fourni une boucle d’oreille et des sertis en verre, Boucle : L x l = 1,5 x 2,4 cm, Chape : L x l = 7,4 x 1,4 cm (Arthur et al. 2007, p. 299). 2108 Exemplaire entier, L x l = 2,1 x 3,65 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 74, n° 299). 403 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les quatre exemplaires du corpus, à talons et à traverse proximale restreinte, comportent une traverse distale avec deux bosses à ses extrémités encadrant une zone réduite autour de laquelle prend place un rouleau2109. Un ardillon de section quadrangulaire est conservé de façon fragmentaire (fig. 204, n° 8) ou dans son intégralité sur une boucle de Rougiers (fig. 204, n° 6). Deux cannelures ornent la jonction entre le nœud et la tige. Lorsqu’il est encore en place, le rouleau est une tôle dont la surface peut rester unie (fig. 204, n° 6), être décorée par six traits incisés parallèles (fig. 204, n° 8) ou par une dépression centrale, obtenue par à-coups avec un outil à bout rond, marquant le lieu de réception de l’extrémité de l’ardillon (fig. 204, n° 9). Le rouleau est statique pour le spécimen arlésien (fig. 204, n° 8). Cette boucle retient une chape de type A5 traversée par cinq rivets à tête circulaire aplatie. Une grande portion du revers de la chape est manquante. L’avers est décoré de zigzags imparfaitement encadrés par des couples de lignes parallèles. Ces lignes ont été ajoutées à une ornementation initiale : est-ce suite à un repentir et à un changement dans le schéma décoratif ? La surcharge du motif d’origine pourrait s’expliquer ainsi. Une applique de type M1 à ajours circulaires découpée au moyen d’un ciseau ou de cisailles, ainsi que l’attestent certains angles dans le contour, est fixée par un rivet au milieu de la chape. Des bossettes s’élèvent des bandes en creux d’un motif réalisé par impression depuis la face avers. L’emplacement de l’applique était prévu dès l’origine ainsi que le prouvent l’arrêt des zigzags avant le bord de l’applique. Les cinq perforations ont été effectuées après la mise en place du décor, mais avant le repli de la tôle autour de la traverse proximale : les barbes présentes à l’avers comme au revers de la chape sont tournées vers l’intérieur. Dans le cas contraire, elles seraient orientées dans le même sens. Pour une parfaite superposition des perforations entre l’avers et le revers de la chape, l’artisan a pu se servir d’un « gabarit ». La présence de cinq rivets ne se justifie pas, la fixation étant assurée par les deux rivets proximaux : les deux rivets distaux ne sont là que pour créer une symétrie par rapport au rivet de l’applique. La chape de type A incomplète de l’artefact du Puy-Sainte-Réparade (fig. 204, n° 7) a une patte de fixation cassée, elle a été refixée au cours de l’utilisation de l’objet au moyen d’un fil en alliage cuivreux passant au travers de la tôle. Les boucles du type E5 sont abondantes dans la bibliographie2110. En France, les exemplaires les plus proches du point de vue morphologique ont été trouvés au château de 2109 Se reporter au chapitre 3.1.1.7 pour une explication sur l’intérêt du rouleau. Deux objets incomplets – le rouleau est manquant – dont un à ardillon en fil, aux dimensions inconnues, proviennent d’un site indéterminé du Calvados ou de Seine-Maritime (Vivre au Moyen Âge 2002, notices 186 et 187). 2110 404 3. Approche croisée du mobilier archéologique Peyrepertuse (N.D.S.) à Duilhac-sous-Peyrepertuse dans l’Aude2111, dans le village minier de Brandes-en-Oisans (XIIe - début XIVe siècle) en Isère2112 et dans une ferme du XIVe siècle au hameau du Bellé à Neuilly-en-Thelle en Picardie2113. Le premier spécimen conserve un ardillon de type fil et un rouleau avec une dépression centrale. Au deuxième est encore rattaché un fragment de chape incomplète de type A ; le troisième présente un ardillon de type fil et arbore des dépressions parallèles à l’axe de la boucle – obtenues par emboutissage – sur toute la longueur du rouleau. Une pièce au rouleau gravé de telles lignes provient d’un niveau du XVe ou du XVIe siècle du château d’Ortenbourg dans le Bas-Rhin2114. En Seine-SaintDenis, la fouille d’un site non mentionné a fourni une pièce assez longue, dont le rouleau ne s’est pas conservé, aux bosses plutôt réduites. Le contexte de découverte est daté de la seconde moitié du XIVe siècle et du premier quart du XVe siècle2115. En Allemagne, à Trèves dans le land de Rhénanie-Palatinat, une boucle aux ergots incisés de trois traits parallèles, au rouleau manquant, à ardillon de type fil, conserve une chape de type A52116. Outre-manche, à Londres, ont été mis au jour six spécimens datés pour les plus anciens – avec un ardillon en fil de fer – du premier tiers du XIIIe siècle, pour les plus récents de la deuxième moitié du XIVe siècle2117. Les bosses sont particulièrement réduites sur un artefact avec chape de type A2b et ardillon en fil en alliage cuivreux2118. Un autre sujet, avec chape de type B4, possède un rouleau gravé de lignes parallèles orientées dans l’axe de la boucle2119. Un rouleau incisé d’un quadrillage, encadré par des cannelures puis par les bosses aux extrémités, est visible sur une pièce. Un fragment de lanière de cuir est traversé par l’ardillon à cannelure décorative2120. Du site du College of the Vicars Choral à York provient une boucle à ardillon en fil et rouleau décoré de « lignes incisées ou de points obtenus au 2111 Un artefact entier, L x l = 2,05 x 2,65 cm (Barrère 2000, p. 219). Un objet entier, Boucle : L x l = 2,1 x 2,4 cm, Chape : L mini x l = 2,65 x 1,2 cm (Bailly 1983, p. 94, n° 204 ; Bailly et Bruno Dupraz 1994, p. 128). 2113 Une pièce entière, L x l = 2,6 x 2 cm (Archéologie en Picardie 1999, p. 3 ; Legros 2001, n° 102). 2114 Exemplaire entier, L x l = 2,1 x 1,95 cm (Rieb et Salch 1973, n° 345). 2115 Artefact entier, L x l = 1,65 x 1,4 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B.2, fig. 61, n° 55). 2116 Spécimen entier, Boucle : L x l = 2,3 x 3,8 cm, Chape : L x l = 4,5 x 2,4 cm (Vivre au Moyen Âge 1998, p. 267, n° c). 2117 N° 288, individu complet, Boucle : L x l = 1,7 x 1,8 cm, premier tiers XIVe siècle ; n° 298, objet entier, Boucle : L x l = 1,9 x 2,05 cm, deuxième moitié XIVe siècle ; n° 301, artefact entier, L x l = env. 2,5 x env. 3,5 cm, deuxième moitié XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 72-74). Les trois autres exemplaires sont cités dans les notes suivantes. 2118 Spécimen complet, Boucle : L x l = 1,7 x 2,2 cm, Chape : L x l = 2,4 x 1,7 cm, vers 1200 - vers 1230 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 76, n° 315). 2119 Pièce entière, Boucle : L x l = 1,85 x 2,5 cm, Chape : L x l = 2,4 x 1,7 cm, vers 1270 - vers 1350 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 76, n° 317). 2120 Objet complet, Boucle : L x l = 2,1 x 3,65 cm, peut-être vers 1230 - vers 1260 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 72, n° 293). 2112 405 3. Approche croisée du mobilier archéologique poinçon ». Cet exemplaire est en position résiduelle dans un niveau postérieur à la première moitié du XVIIe siècle2121. D’autres objets, éventuellement avec une chape de type A5, ont les extrémités des traverses latérales droites ou relativement droites2122 et peuvent présenter des incisions ou des cannelures sur leur rouleau2123, une dépression centrale sur le rouleau2124 complétée de lignes incisées2125. Un individu italien dont le rouleau a disparu arbore des incisions sur les parties courbes de la traverse distale et sur les coins. Il est issu d’un niveau de fin XIIIe - début XIVe siècle sur le site de Monte Zignago à Zignago dans la province de La Spezia2126. Au Royaume-Uni, un exemplaire avec fragment d’ardillon en fer a été mis au jour dans un contexte daté entre la première moitié du XIVe siècle et la première moitié du XVIe siècle dans le village déserté de Rattray dans l’Aberdeenshire2127. Sa chape en alliage cuivreux de type A1b, plus étroite au revers, conserve un rivet en fer pour la fixation. Sur un autre spécimen (N.D.S.) retrouvé dans la ville de Rhuddlan dans le Denbighshire au RoyaumeUni2128, la chape très incomplète était de type B ou C. Des boucles sans talons externes mais à talons internes proviennent du château de Peyrepertuse (N.D.S.) dans l’Aude2129, du château de Pymont (XIIIe - XIVe siècle) à Villeneuve-sous-Pymont dans le Jura2130. 2121 Boucle complète, L x l = 1,9 x 2,05 cm (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, fig. 1466, n° 14303). France, Haute-Garonne : anneau entier avec chape de type A5, Boucle : L x l = 1,65 x 1,7 cm, Chape : L x l = 6 x 1 cm, Gué de Bazacle, Toulouse (Archéologie 1990, p. 216, n° 431). 2123 France, Landes : boucle entière, L x l = 2,2 x 2,3 cm, H.S., quartier de Bézaudin, Arengosse (Barrouquère et al. 2003, p. 140, fig. 12, C). Royaume-Uni, Yorkshire du Nord : individu entier, L x l = 2 x 2,15 cm, abandon postérieur au XVe siècle, village médiéval de Wharram (Goodall 1979a, p. 112). 2124 France, Aude : artefact fragmentaire, l = 2 cm, château de Peyrepertuse (N.D.S.) (Barrère 2000, p. 219, fig. 146, n° 18) ; Oise : pièce entière avec chape de type A5, Boucle : L x l = 1,75 x 1,55 cm, Chape : L x l = 4,2 x 1,1 cm, ferme du XIVe siècle au « Bellé », Neuilly-en-Thelle (Legros 2001, n° 100). 2125 France, Cher : spécimen complet avec chape de type A5, Boucle : L x l = 1,9 x 1,6 cm, Chape : L x l = 3,7 x 1,1 cm, remblai de construction, seconde moitié XIVe siècle, exemplaire complet avec chape de type A5, Boucle : L x l = 1,9 x 1,6 cm, Chape : L x l = 3,7 x 1,2 cm, démolition/récupération de maison, première moitié XIVe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 117, n° 21 et 2546). Royaume-Uni, Yorkshire du Nord : individu complet avec chape de type A5, Boucle : L x l = 2,05 x 2,15 cm, Chape : L x l = 3,95 x 1,55 cm, milieu/seconde moitié XIIIe siècle, College of the Vicars choral, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, fig. 1466, n° 14298). 2126 Artefact entier, L x l = 2 x 2,2 cm (Giardi 1985, p. 233, n° 38). 2127 Boucle : 1,4 x 1,5 cm, Chape : L x l = 2,3 x 1,2 cm (Goodall A. 1993, p. 189, fig. 40, n° 189). 2128 Un artefact entier avec petit fragment de chape, L x l = 1,3 x 1,2 cm (Quinnell et al. 1994, p. 165, n° 4, fig. 16.1). 2129 Un artefact entier, L x l = 1,7 x 1,9 cm (Barrère 2000, p. 219, fig ; 146, n° 14). 2130 Deux boucles entières, n° 1924, L x l = 1,9 x 2,2 cm ; n° 1925, L x l = 2,2 x 2,5 cm (Jeanjacquot 1993, p. 105, fig. 63, n° 1924). 2122 406 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les éléments bibliographiques rassemblés permettent de proposer pour le type E5, quelles que soit les variantes morphologiques, une datation typologique s’étendant entre le début du XIIIe siècle et la fin du XIVe siècle. Type F : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale à barre (fig. 204, n° 10 à 14 ; fig. 205 à 209) Les anneaux et boucles à fenêtre semi-ovale à barre ont été divisés en trois sous-types selon la forme de la barre : ovale (sous-type F1), rectangulaire (F2) ou trapézoïdale (F3). Type F1 : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, à barre ovale (fig. 204, n° 10 à 14) Les exemplaires en alliage cuivreux sont classés dans le type sous-F1a, ceux en fer dans le sous-type F1b. Type F1a : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, à barre ovale (fig. 204, n° 10) Bouches-du-Rhône  Tunnel de la Major, Marseille : n° 6, remblai d’Époque moderne ou contemporaine. Dans le corpus comme dans la bibliographie, quelques anneaux et boucles à fenêtre semi-ovale comportent une barre d’aspect plutôt arrondi. Celle de l’exemplaire du Tunnel de la Major saille relativement peu de la traverse distale. Sur un spécimen découvert au château de Peyrepertuse (N.D.S.), elle est à peine plus débordante mais comporte une encoche distale2131. Pour ces deux objets, il n’est conservé que la traverse distale. L’absence de talons comme sur un sujet provenant de Monte Zigagno (XIIIe - XIVe siècle) à Zigagno dans la province de La Spezia2132 reste hypothétique. La barre est plus développée sur un artefact à chape de type A5 issu d’une couche du XIVe siècle dans un bâtiment de Dracy, à Baubigny en 2131 2132 Spécimen fragmentaire et déformé avec traces de dorure (Barrère 2000, p. 219). Artefact entier, L x l = 1,45 x 1,45 cm (Gambaro 1990, p. 401, n° 69). 407 3. Approche croisée du mobilier archéologique Côte d’Or2133. Toutefois, la barre ne comporte par d’excroissances latérales. Une extension plus importante s’observe sur une boucle à chape de type A2a ramassée au Castell de Voltrera à Abrera dans la province de Barcelone en Espagne2134, sur du mobilier anglais, par exemple sur un objet trouvé sur le site de Saint Marks Station, à Lincoln dans le Lincolnshire au Royaume-Uni2135. Sa chape de type A1b est décorée d’un écu émaillé creusé dans l’épaisseur de la tôle. Une barre longue et saillante s’observe sur une boucle avec chape de type D2, avec traces d’étamage, mises au jour sur le site de Swan Lane à Londres dans un contexte daté entre vers 1270 - vers 1350. Elle possède une encoche distale et une traverse proximale amincie2136. Ces caractéristiques se retrouvent sur les modèles produits dans des moules en terre cuite à usage unique dans un atelier métallurgique travaillant les alliages de cuivre et le fer à Pise, entre le début du XIIIe siècle et sa probable destruction en 1406 lors de l’invasion florentine2137. Type F1b : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, en fer, à barre ovale (fig. 204, n° 11 à 14) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 268, comblement de silo, milieu XIIIe - vers 1285 ; n° 1777, remblai pour l’installation d’un sol, vers 1285 - vers 1309/1315 ; n° 2803, sol de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 1640, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Les quatre anneaux et boucles en fer du type F1b comportent une barre de section ovoïde et de forte épaisseur. Des dépressions longilignes décoratives soulignent et encadrent la zone de réception de l’ardillon sur deux exemplaires (fig. 204, n° 11 et 14). Une pièce ne comprend qu’une encoche distale (fig. 204, n° 13). Le n° 268 du site du castrum Saint-Jean a conservé des fragments d’une chape en fer de type A (fig. 204, n° 11). La barre des pièces 2133 Boucle complète avec chape, Boucle : L x l = 2 x 1,95 cm, Chape : L x l = 4,35 x 1,45 cm (Abramowicz et al. 1970, fig. 102, n° 9 ; Bourgogne 1987, p. 153, n° 312). 2134 Pièce complète, Boucle : L x l = 1,6 x 2,1 cm, Chape : L x l = 2,05 x 1,4 cm (Bolos et al. 1981, p. 178, n° 114). 2135 Exemplaire incomplet, Boucle : L x l = 2,2 x 2,45 cm, Chape : L x l = 4 x 1,75 cm (Cherry 1981b, p. 368). 2136 Un objet entier en alliage cuivreux, Boucle : L x l = 2,3 x 2,2 cm, Chape : L x l = 3 x 1,3 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 76, n° 316). 2137 Ducci et al. 2010, p. 337, fig. 4. 408 3. Approche croisée du mobilier archéologique provençales est relativement peu saillante. Elle l’est un peu plus pour une pièce avec chape de type A3b, à barre ornée de dépressions parallèles, issue d’un contexte daté entre vers 1270 vers 1350 du site de Swan Lane à Londres 2138. Une datation typologique correspondant à la seconde moitié du XIIIe siècle et au XIVe siècle est retenue compte tenu des données actuellement disponibles. Type F2 : Anneau et boucle à fenêtre semi-ovale, à barre quadrangulaire (fig. 205 ; fig. 206, n° 1 à 6) Les anneaux et boucles du type F2 sont classés en trois sous-types selon le développement de la barre. Les exemplaires dont la barre est clairement disjointe de la traverse distale appartiennent au sous-type F2a ; les types sous-F2b et F2c correspondent à des spécimens pour lesquels cette différenciation ne peut être faite. Le sous-type F2c répertorie les objets avec un « crénelage » sur la barre. Type F2a : Anneau et boucle à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, à barre quadrangulaire distincte de la traverse distale (fig. 205 ; fig. 206, n° 1 à 4) Bouches-du-Rhône  Route du Tholonet, Aix-en-Provence : n° 1, H.S.  Plaine de la Crau, Eyguières : n° 1, H.S.  Castrum de Montpaon, Fontvieille : n° L13/30, H.S. Var  Castrum de Paracol, Le Val : n° 11, H.S  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 618, foyer, n° 668, couche de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 3207, couche de dépotoir, 3596, couche de dépotoir associée à de l’effondrement de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 1680 et 1689, sols de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1217, troisième tiers XIVe siècle ; n° 1289, 2138 Un objet entier en fer, Boucle : L x l = 1,5 x 1,5 cm, Chape : L x l = 2,2 x 1,1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 76, n° 319). 409 3. Approche croisée du mobilier archéologique H.S.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 119 et 413, couche de dépotoir datée vers 1365 - vers 1400 ; n° 179, H.S.  65, place de Cabassole, Avignon : n° 4, H.S. Seize boucles du corpus ont été intégrées au type F2a. Elles sont toutes en alliage cuivreux – conservent parfois de la dorure (fig. 205, n° 6, 8 à 10 ; fig. 206, n° 2 et 4) – et possèdent une barre plus ou moins dégagée de la traverse distale : il existe souvent un décrochement entre la traverse distale et la barre (ex : fig. 205, n° 8). Cependant, ce point de configuration plus ou moins prononcé, se révèle parfois même inexistant (fig. 206, n° 1 et 2). La section de la barre est très diversifiée sans qu’il y ait de limite évidente entre les exemplaires pour laquelle elle est quadrangulaire et ceux pour laquelle elle est ovoïde. Quatre boucles possèdent une barre oblique par rapport au plan du cadre (fig. 205, n° 2 et 4 ; fig. 206, n° 2, 4). La barre peut comporter une encoche distale (fig. 205, n° 1, 4, 7, 11 ; fig. 206, n° 4), être décorée de quelques incisions parallèles (fig. 205, n° 5) marquant et encadrant la zone de réception du bout de l’ardillon (fig. 205, n° 6 ; fig. 206, n° 1). Une simple ligne ondulée peut traverser la barre (fig. 206, n° 4). Le motif incisé est parfois plus complexe : un ensemble de rectangles (fig. 205, n° 12), des chevrons (fig. 205, n° 2), des rinceaux (fig. 205, n° 9) ; des ocelles obtenus avec un poinçon circulaire creux peuvent être ajoutés à des chevrons (fig. 206, n° 2), à des losanges qu’ils garnissent ou dont ils font ressortir l’uniformité (fig. 205, n° 3 et 10). Ces ocelles ornaient à eux seuls la surface de la barre d’une boucle de Rougiers sur laquelle ils étaient disposés en croix (fig. 205, n° 8). Une boucle mis au jour à Avignon (fig. 206, n° 1) est recouverte d’une dure couche d’oxydes qui ne permet pas d’en détailler l’ornementation. Il se pourrait que trois dépressions ou incisions longilignes aient ornées la barre. Une chape de type A4a, A5 ou A6 à quatre, cinq ou six perforations pour rivets à tige repliée au revers est encore en place sur quatre boucles, sur une cinquième, la chape est cassée à hauteur des premières perforations (fig. 205, n° 3, 4, 6, 10 ; fig. 206, n° 2). Pour un dernier objet, la chape de type D1 issue de fonte est terminée par une rosace à six pétales séparés par des dépressions (fig. 206, n° 4). Une étude minutieuse des chapes est menée dans la typologie consacrée à ces objets. Les boucles de type F2a en alliage cuivreux – elles présentent régulièrement des traces de dorure – sont courantes dans le sud de la France et le Nord de l’Espagne. Une chape de 410 3. Approche croisée du mobilier archéologique type A4a, A5 ou A6 aux rivets à tige repliée au revers est souvent en place2139. Elle est de type A3d pour une boucle ramassée en prospection au quartier de Bézaudin à Arengosse dans les Landes2140. Dans la bibliographie, la barre de quelques individus en alliage cuivreux, tout en restant distincte de la traverse distale, est très peu développée. C’est le cas pour un objet en fer à chape de type A2a découvert au château de Peyrepertuse (N.D.S.) à Duilhac-sousPeyrepertuse dans l’Aude2141, pour un individu en alliage cuivreux à chape de type A incomplète originaire du château de Montségur (N.D.S.) dans l’Ariège2142. Une troisième pièce en alliage cuivreux à couverte blanche à chape de type A1b fut retrouvée dans un niveau daté vers 1250/1300 - 1600 à l’emplacement de la cité monastique de Whithorn and Saint Ninian dans le Dumfries and Galloway au Royaume-Uni2143. À Winchester, un artefact a été trouvé en position résiduelle dans un niveau de milieu XVIIIe - XIXe siècle sur le site de Brook Street2144. Des dépressions parallèles orientées dans l’axe de la boucle décorent la traverse distale. Les boucles de type F2a en fer sont exceptionnelles : outre l’exemplaire audois déjà cité, un artefact en fer, avec barre de grande taille et ardillon de même matériau (N.D.S.), a été retrouvé au castrum de Cabaret à Lastours dans l’Aude2145. Quelques spécimens de la bibliographie en alliage cuivreux sont d’une largeur comparable à celle des plus grands artefacts provençaux (fig. 205, n° 5, 9 et 10)2146. La 2139 Quelques objets au cadre sans décor : France, Ariège : boucle complète avec chape de type A5, Boucle : L x l = 1,65 x 2,1 cm, Chape : L x l = 3,3 x 1,75 cm, XIIIe - XIVe siècle, château de Montségur (Sarret 1973, p. 32 ; Archéologie 1990, p. 209, n° 395, n° 116/73) ; Haute-Garonne : boucle entière avec chape de type A4a, Boucle : L x l = 1,55 x 2,1 cm, Chape : L x l = 2,65 x 1,75 cm, H.S., Vieille Toulouse, Toulouse (Fouet et Savès 1971, p. 78) ; Espagne, province de Barcelone : exemplaire entier avec encoche distale, L x l = 2,2 x 3,3 cm, XIIIe - XVIIIe siècle, Arc de Triomphe, Barcelone (Parra Alé 2010a, p. 131, n° 11) ; province de Guipuscoa : spécimen complet à encoche distale à chape de type A4a, Boucle : L x l = 1,8 x 2,2 cm, Chape : L x l = 3,6 x 1,5 cm, contexte inconnu, hermitage San Martin de Iraurgi, Azkoitia (Urteaga Artigas 1994, p. 209) ; province de Huesca : objet complet avec encoche distale, L x l = 2,7 x 4,8 cm, tombe, XIe - XVIe siècle, Plaza Biscós, Jaca (Justes Floría et Domingo Martínez 2007, p. 332, fig. 35). 2140 Landes : objet complet, Boucle : L x l = 2,2 x 4 cm, Chape : L x l = 2,75 x 3,2 cm, H.S., quartier de Bézaudin, Arengosse (Barrouquère et al. 2003, p. 140, fig. 12, F). 2141 Spécimen complet, Boucle : L x l = 1,5 x 2,15 cm, Chape : L x l = 2,2 x 3 cm (Bayrou 2000d, p. 211). 2142 Exemplaire entier, Boucle : L x l = 1,5 x 2,15 cm, Chape : L x l = 2,75 x 2 cm (Czeski 1981, p. 197). 2143 Artefact complet, Boucle, L x l = 1,2 x 1,3 cm, Chape : L x l = 2,5 x 1 cm (Nicholson 1998a, p. 371, fig. 10.57, n° 18). 2144 Boucle entière, Boucle : L x l = 2 x 2,9 cm, milieu XVIIIe - XIXe siècle, Lower Brook Street, Winchester (Hinton 1990f, p. 523, n° 1221). 2145 Exemplaire complet, L x l = 2,9 x 4,15 cm (Barrère 1999, p. 839, fig. 10, n° 6). 411 3. Approche croisée du mobilier archéologique traverse distale est presque toujours ornée. La décoration en est variée et peut reprendre des motifs déjà connus dans le corpus comme trois ou quatre incisions au milieu de la barre (fig. 205, n° 6)2147, des carrés ou rectangles (fig. 205, n° 12)2148, des ocelles arrangés en une croix de part et d’autre de l’encoche distale (fig. 205, n° 8)2149. La barre de la traverse distale d’un exemplaire issu du château de Montségur (N.D.S) est incisée d’un alignement de chevrons, la portion entre les traits et le bord distal de la barre étant remplie de lignes parallèles à ce bord2150. Elles sont remplacées par des ocelles sur un objet du corpus (fig. 206, n° 2). Les entrelacs sur fond d’ocelles visibles sur la barre d’un objet découvert au Gué du Bazacle (H.S.) à Toulouse en Haute-Garonne2151 et les entrelacs sur la barre d’un artefact ramassé au Mas de Vilosiu à Cercs dans la province de Barcelone2152 rappellent les entrelacs décorant une boucle en provenance d’Aix-en-Provence (fig. 205, n° 9). Absent du corpus, mais attesté par plusieurs exemplaires, le motif de deux feuilles placées de chaque côté d’incisions marquant le repos du bout de l’ardillon se retrouve de part et d’autre des Pyrénées2153. Sur d’autres barres avec ou sans encoche distale, l’ornementation 2146 France, Gers : objet fragmentaire avec dorure, l = 5,1 cm, village médiéval de Corné (vers 1170 vers 1250), L’Isle-Bouzon (Lassure 1995, p. 505, fig. 407, n° 6) ; Landes : objet complet, Boucle : L x l = 2,2 x 4 cm, Chape : L x l = 2,75 x 3,2 cm, H.S., quartier de Bézaudin, Arengosse (Barrouquère et al. 2003, p. 140, fig. 12, F). 2147 France, Aude : boucle entière dorée (trois incisions) et chape de type A4a et applique de type D5 rivetée sur la chape, Boucle : L x l = 2,1 x 2,4 cm ; Chape : L x l = 5,1 x 2,25 cm, H.S., domaine de la Métairie Grande, Carcassonne (Barruol 1969, p. 382 ; Monod et Rancoule 1969, fig. 1, n° 20) ; boucle entière avec dorure (quatre petites incisions en bordure distale), L x l = 1,55 x 2,65 cm, N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 217-218, fig. 146, n° 5). Espagne, province de Castellón : objet fragmentaire à trois incisions, L x l = 2,15 x 2,5 cm, Castellot de Viver, Viver (Bolos et al. 1981, p. 176, n° 109). 2148 Fragment de traverse distale avec dorure, l = 2 cm (Barrère 2000, p. 218, fig. 146, n° 8). 2149 France, Ariège : Objet complet à chape de type A6, Boucle : L x l = 1,8 x 2 cm, Chape : L recons. x l = 3,5 x 1,8 cm, château de Montségur, XIIIe - XIVe siècle (Czeski 1981, p. 197, n° 34/76 ; Archéologie 1990, p. 209, n° 396) ; Aude : Individu fragmentaire, L x l = 1,55 x 2,15 cm, château de Peyrepertuse (N.D.S.), Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 218, fig. 146, n° 6). 2150 Artefact entier, L x l = 2,1 x 2,3 cm (Czeski 1981, p. 197, n° 145/67). 2151 Boucle entière à chape de type A4a, Boucle : L x l = 2,15 x 2,7 cm, Chape : L x l = 3,8 x 2,15 cm (Aujourd’hui 1981, n° 425 ; Archéologie 1990, p. 211, n° 404). 2152 Objet entier, L x l = 2 x 2,05 cm (Bolos et al. 1981, p. 174, n° 107). 2153 France, Ariège : une boucle complète avec chape de type A4a dorée, Boucle : L x l = 1,7 x 1,95 cm, Chape : L x l = 3 x 1,6 cm ; un exemplaire entier avec chape doré de type A4a, Boucle : L x l = 1,8 x 2,1 cm, Chape : L x l = 3,3 x 1,7 cm ; trois boucles entières dont deux avec dorure, L x l = 1,7 x 2,4 et 1,95 x 2,45 et 2 x 2,6 cm, N.D.S., château de Montségur (Sarret 1973, p. 32 ; Czeski 1981, p. 197, n° 85/72, 115/73 ; Sarret 1984, p. 122, n° 3/78 ; Archéologie 1990, n° 390 et 391) ; Aude : spécimen entier avec dorure avec chape de type A6, Boucle : L x l = 1,85 x 2,15 cm, Chape : L x l = 3,45 x 1,7 cm, N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 218, fig. 146, n° 2). Espagne, province de Barcelone : Objet entier, L x l = 1,8 x 2,3 cm, XIIIe - XVIIIe siècle, Arc de Triomphe, Barcelone (Parra Alé 2010a, p. 130, n° 10). 412 3. Approche croisée du mobilier archéologique tient en des losanges et des demi-losanges séparés par des ocelles2154, en deux coups d’un poinçon en forme de rosette à huit segments2155, en quatre coups d’un poinçon cruciforme2156 ou en six coups d’un poinçon en forme de couronne (?)2157, en un quadrillage oblique encadré2158, en dépressions et incisions diverses2159 parfois émaillées comme pour la chape2160. Une boucle du château de Montségur est décorée de deux lignes superposées de triangles rayés et les portions latérales de la traverse distale sont couvertes d’incisions parallèles limitées par un cadre2161. La boucle du castrum de Montpaon (fig. 206, n° 3) présente la particularité d’avoir une fenêtre en accolade incomplète – la pointe de l’accolade manque. La barre est décorée de chaque côté de l’encoche distale de trois incisions parallèles aux longs côtés de la barre. Ce motif se retrouve sur un exemplaire de type E4 issu du château de Montségur (N.D.S.)2162. Le bord distal de la barre est également ondulé de façon symétrique. Pour un objet à chape de type A2b en provenance du site de Corné (vers 1170 - vers 1250)2163 et pour un autre conservé au London Museum2164, à chaque élargissement maximal correspond un bombement. Il se pourrait qu’il en soit de même pour l’artefact de Montségur, le dessin n’étant pas des plus 2154 France, Hautes-Alpes : artefact incomplet avec chape de type A5, Boucle : l = 3,2 cm, Chape : L x l = 3,2 x 2,2 cm, H.S., prieuré Saint-Laurent, Barret-sur-Méouge (Estienne 2001, p. 44, fig. 27). 2155 Espagne, province de Castellón : exemplaire entier avec chape de type A6 et dorure sur les deux pièces, Boucle : L x l = 2 x 2,9 cm, Chape : L x l = 4 x 2,2 cm, Chape : L x l = 3,9 x 3,2 cm, contexte inconnu, castillo de l’Alcudia, Fanzara (Delaporte et López Bravo 2011, p. 127, pl. 1, n° 7). 2156 France, Tarn : boucle entière avec chape de type A4a, Boucle : L x l = 1,6 x 2 cm, Chape : L x l = 2,6 x 1,4 cm, XIIIe - milieu XIVe siècle, Le Castlar, Durfort (Archéologie 1990, p. 211, n° 403 ; Vidaillet et Pousthomis 1996). 2157 Espagne, province de Huesca : spécimen complet à chape de type A4a, Boucle : L x l = 2,2 x 4,9 cm, Chape : L x l = 4,1 x 4,2 cm, tombe, XIe - XVIe siècle, Plaza Biscós, Jaca (Justes Floría et Domingo Martínez 2007, p. 332, fig. 36). 2158 Espagne, province de Castellón : artefact entier avec chape de type A4a, dorure sur la chape et la boucle, Boucle : L x l = 2,5 x 3,5 cm, Chape : L x l = 3,9 x 3,2 cm, contexte inconnu, 16 rue Saint Jean, Burriana (Delaporte et López Bravo 2011, p. 127, pl. 1, n° 6). 2159 France, Isère : un individu entier, Boucle : L x l = 2,5 x 2,75 cm, Chape : L x l = 3,2 x 1,8 cm (Bailly-Maître et Bruno Dupraz 1994, p. 128). Espagne, province d’Álava : exemplaire complet, dimensions inconnues, contexte inconnu, Túnel de San Adrián (Trabajos 1985, p. 116 et 117, n° C.1.4). 2160 France, Aude : boucle entière dorée avec chape de type A4a, L x l = 1,85 x 2,15 cm, Chape : L x l = 4,8 x 1,7 cm, N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 218, fig. 146, n° 7). 2161 Artefact entier, L x l = 2,1 x 3,2 cm (Czeski 1981, p. 197, n° 36/57 ; Archéologie 1990, p. 209, n° 394). Un objet de provenance inconnue conservé au musée Toulouse-Lautrec à Albi pourait avoir une barre décorée de la même manière (Archéologie 1990, p. 209, n° 393). 2162 Spécimen complet, L x l = 1,9 x 2,1 cm (Czeski 1981, p. 197, n° 109/72). 2163 Boucle entière avec dorure, Boucle : L x l = 2,25 x 2,25 cm, Chape : L x l = 3,3 x 2,2 cm (Lassure 1995, p. 506, fig. 407, n° 8 ; Archéologie 1990, p. 210, n° 399). 2164 Spécimen complet avec traces de dorure, L x l = 2,6 x 3,9 cm (Fingerlin 1980, fig. 2). 413 3. Approche croisée du mobilier archéologique précis. Ces quelques comparaisons ne font que témoigner du lien intime existant entre certains anneaux et boucles de type E4 et des exemplaires de type F2a. Les boucles du type F2a sont presque exclusivement localisées dans le sud de la France et le nord-est de l’Espagne. Au dossier archéologique doit être ajouté la boucle de ceinture ceignant la taille de la reine de Saba, datée du second quart ou du milieu du XIIIe siècle, conservée au musée Borély à Marseille (fig. 39). L’ensemble des données rassemblées permettent de proposer une datation typologique correspondant aux trois derniers quarts du XIIIe siècle et au XIVe siècle. Les spécimens du type F2b sont particulièrement proches des spécimens du type F2a et sont très vraisemblablement le résultat de variations morphologiques initiées par les artisans du métal. Type F2b : Anneau et boucle à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, à barre quadrangulaire fondue avec la traverse distale (fig. 206, n° 5) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1214, N.D.S. Cette boucle à encoche distale sur sa barre plate, se distingue des objets du type F2a par l’absence de différenciation entre la traverse distale et la barre. Cet ensemble est décoré de lignes profondément incisées par à-coups sur un artefact daté du milieu ou de la deuxième moitié du XIVe siècle issu du site de Hèche à Caussade dans le Tarn-et-Garonne (fig. 195, n° 5)2165. Sur un exemplaire conservé au musée Toulouse-Lautrec à Albi (fig. 195, n° 4)2166 et sur un spécimen à la fenêtre en accolade incomplète – la pointe de l’accolade manque – provenant du lieu-dit Coustou-Rous (H.S.) à L’Isle-sur-Tarn dans le Tarn (fig. 195, n° 6)2167 , un couple d’oiseaux affrontés aux ailes déployées apparaît. Sur le premier objet, un fond d’ocelles a été obtenu avec un poinçon creux en son centre. Sur une boucle de l’ancienne collection H. R. D’Allemagne figurent les têtes de trois-quarts d’un couple qui se regarde : l’homme est coiffé d’un capuchon, les cheveux de la femme semblent être tressés en une 2165 Boucle entière, L x l = 2,9 x 2,9 cm (Archéologie 1990, p. 220, n° 450). Artefact entier, L x l = 3,3 x 3,6 cm (Ibid., p. 220, n° 451). 2167 Individu entier, L x l = 4,5 x 4,5 cm (Gaillac 1883, p. 268 ; Archéologie 1990, p. 220, n° 449). 2166 414 3. Approche croisée du mobilier archéologique spirale sur les oreilles (fig. 195, n° 7)2168. L’image de ce couple est à mettre en rapport avec l’esthétique courtoise. Les anneaux et boucles du type F2b, probables héritiers de variations morphologiques expérimentées sur le type F2a, ont une semblable parenté avec les exemplaires du type F2c et une diffusion géographique aussi restreinte et pareillement localisée. Ces objets ont sans doute été produits par les mêmes ateliers du sud de la France. L’ornementation de certains spécimens présente des analogies avec des objets du groupe α des types D2 et D3 dont la distribution s’est majoritairement cantonnée au sud de la France et par voie commerciale aux façades maritimes sud et est de l’Angleterre (fig. 196). Ces rapprochements conduisent à proposer une datation typologique pour le XIVe siècle, peut-être le milieu et la seconde moitié du siècle. Type F2c : Anneau et boucle à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, à barre quadrangulaire crénelée fondue avec la traverse distale (fig. 206, n° 6 et 7) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1486, couche de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345. Vaucluse  Rue Philonarde, Avignon : n° 8, dépotoir dans une fosse, début XIVe siècle. Ces deux exemplaires particulièrement proches du type F2b arborent un « crénelage » sur la barre de la traverse distale. Cet ornement s’impose peut-être comme un rappel des fortifications médiévales ainsi qu’il apparaît sur certaines appliques (fig. 357, n° 10). Les merlons les plus externes sont souvent rehaussés de « tourelles ». Les merlons et tourelles des objets du corpus et de la bibliographie sont tous marqués par une dépression longitudinale plus ou moins visible. La barre de la traverse distale est entaillée d’une encoche pour la réception du bout de l’ardillon. Deux plantes, chacune dans un cadre épousant la forme de la boucle ont été gravées sur l’exemplaire de Rougiers (fig. 206, n° 7). Elles sont mises en valeur par un poinçonnage d’ocelles obtenu à l’aide d’un poinçon creux en son centre. Un 2168 Exemplaire entier, L x l = 3,2 x 3,1 cm (Allemagne 1928, pl. 34, n° 8 ; Fingerlin 1971, cat. 386, fig. 327). 415 3. Approche croisée du mobilier archéologique individu à quatre merlons sans décor gravé est issu d’un dépotoir d’un site avignonnais (fig. 206, n° 6). Un autre spécimen à quatre merlons, vierge de toute ornementation, provient du site du Gué de Bazacle (H.S.) à Toulouse en Haute-Garonne (fig. 195, n° 3)2169. Du même lieu est issue une boucle à cinq merlons avec tourelles latérales. L’encoche distale se prolonge sur le merlon central. Des signes géométriques sont figurés sur la barre plate (fig. 195, n° 10)2170. Dans le Tarn, au castrum de Durfort au Castlar, la boucle ne comprend que quatre merlons et des tourelles latérales. Elle arbore les lettres V et V en réserve sur un fond d’ocelles délimité par des traits incisés (fig. 195, n° 11). Les lettres A et V apparaissent de la même manière sur un exemplaire à quatre merlons et tourelles latérales conservé au musée du Bargello à Florence (fig. 195, n° 8)2171, sur un spécimen à trois merlons ayant appartenu à la collection Enlart (fig. 195, n° 9)2172. Pour le premier, l’ardillon plat décoré de chevrons est réceptionné par une encoche distale ; pour l’autre, le merlon central marque la zone de réception du bout de l’ardillon. Les lettres observées sur ces boucles ne peuvent pas correspondre aux initiales de leur propriétaire car elles sont redondantes. Peut-être font-elles référence à des paroles courtoises. Il a précédemment été remarqué que la parenté morphologique entres les anneaux et boucles des types F2b et F2c ainsi qu’une correspondance dans leurs zones de distribution pouvaient se rattacher à une fabrication et production de ces deux types par des ateliers du sud de la France. Tout comme pour les artefacts du type F2b, des pièces du type F2c présentent quelques parallèles du point de vue morphologique avec des objets du groupe α des types D2 et D3 dont la distribution s’est majoritairement cantonnée au sud de la France (fig. 196). Ces rapprochements conduisent à proposer une datation typologique pour le XIVe siècle, peut-être le milieu et la première moitié du siècle. Type F3 : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, à barre trapézoïdale (fig. 206, n° 8 à 10 ; fig. 207, n° 1 à 6) Les anneaux et boucles du type F3 répertoriés, fabriqués par la fonte, issus jusqu’à présent de contextes du XIVe siècle, sont classées en quatre sous-types. Le premier regroupe 2169 Spécimen entier, L x l = 2,2 x 2,2 cm (Archéologie 1990, p. 220, n° 452). Boucle entière, L x l = 5,4 x 4,8 cm (Ibid., p. 220, n° 448). 2171 Artefact complet, L x l = 3,5 x 3,2 cm (Fingerlin 1971, cat. 78, fig. 326 et 384). 2172 Individu complet, L x l = 3,4 x 3,6 cm (Enlart 1916, p. 287, fig. 305 ; Fingerlin 1971, cat. 412, fig. 328). 2170 416 3. Approche croisée du mobilier archéologique les exemplaires sans ergots (F3a), les deux suivants rassemblent les spécimens à ergots distaux simples (F3b) et à ergots distaux moulurés (F3c). Le dernier (F3d) contient les objets à ergots internes sans ergots distaux. Bien que la traverse distale ait disparu (fig. 264, n° 10), un fragment d’anneau ou de boucle mis au jour dans un contexte du XIVe siècle sur le site de Cadrix à Saint-Maximin est attribuable au type F3. À l’exception du sous-type F3d pour lequel les exemplaires bien datés sont suffisamment nombreux pour que soit proposé une première datation typologique, le XIVe siècle, les autres sous-types ne sont connus que par une ou deux pièces, au contexte toutefois le plus souvent daté. Un emploi dans le XIVe siècle de l’ensemble des pièces du type F3 paraît probable étant donné leur relative unité morphologique. Type F3a : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, très large, à talons, à barre trapézoïdale sans ergot (fig. 206, n° 8) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 353, N.D.S. Cette boucle à fenêtre semi-ovale en alliage cuivreux très large possède une barre sans ergot. La jonction entre le nœud et la tige de l’ardillon est entourée aux trois-quarts d’un fil en alliage à base de cuivre. Un fragment de chape de type A est encore en place. Type F3b : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, très large, à talons, à barre trapézoïdale à ergots distaux simples (fig. 206, n° 9 et 10) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1651, sol intérieur de grotte, n° 3726, couche de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345. Ces deux très larges boucles du castrum Saint-Jean avec talons comportent une barre de section trapézoïdale à deux ergots distaux avec une dépression au sein de chacun des ergots pour la réception du bout d’un ardillon. La boucle la plus grande est entamée par de profondes traces de lime. Elle a conservé une chape de type B6 traversée par deux perforations en partie distale pour le passage des ardillons et par deux autres en partie proximale pour le passage des 417 3. Approche croisée du mobilier archéologique rivets fixant la chape sur la courroie. La chape est ornée en bordure d’un motif estampé de triangles imbriqués garnis de rayures. Des rayures parallèles de nature inconnue dans l’axe de la chape – liées à la restauration ? – parsèment sa surface. Type F3c : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, très large, à talons, à barre trapézoïdale à ergots distaux moulurés (fig. 207, n° 1 et 2) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 776, niveau d’abandon et d’effondrement, n° 2531, couche de dépotoir, vers 1370/1375 - vers 1415/1420 Le type F3c contient deux boucles qui se distinguent des objets du type F3b par la présence de deux ergots distaux moulurés avec une dépression centrale pour le repos du bout de l’ardillon. Ces artefacts ne connaissent pas pour le moment d’éléments de comparaison dans la bibliographie. Type F3d : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, très large, à talons, à barre trapézoïdale à ergots internes (fig. 207, n° 3 à 6) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 83, sol de zone de circulation extérieure, et 3628/3642, couche de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 3595, couche de dépotoir associée à de l’effondrement, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 1834, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Ces quatre très larges boucles et fragments de boucles en alliage cuivreux, à talons, à ergots internes, ont une barre de section trapézoïdale. De profondes traces de lime s’observent sur les ergots internes et d’autres plus légères sur la traverse distale. Un sol de la première moitié ou du milieu du XIVe siècle du castellu de Corvo à Viggianello en Corse a livré un exemplaire analogue ayant conservé ses trois ardillons2173. Sur le site de Monte Zignago à 2173 Artefact complet, L x l = 2,7 x 10 cm (Istria 1993b, p. 11-12, fig. 16 ; Comiti 1996, ill. 13, fig. 16). 418 3. Approche croisée du mobilier archéologique Zignago dans la province de la Spezia en Italie, un contexte des XIIIe - XIVe siècles a fourni un spécimen du même type sans ardillons2174. Légèrement différent, un artefact issu d’un niveau de la première moitié du XIVe siècle au castellu de Cotone à Bastia en Corse arbore une barre de section circulaire2175. Type F4 : Anneau ou boucle à fenêtre semi-ovale composite, à talons, à barre (fig. 207, n° 7 à 13 ; fig. 208 à 209) Les anneaux et boucles du type F4 ont été divisés en trois sous-types selon que la traverse proximale ait accueilli ou ait pu accueillir un ardillon (sous-type F4a), qu’elle n’en ait jamais reçu (sous-type F4b), ou que la boucle ait fonctionné dans le cadre d’un dispositif d’agrafage (sous-type F4c). Les objets de type F4 présentent des similitudes avec les artefacts des types C8 et J8. Type F4a : Boucle composite à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, à talons, à barre (fig. 207, n° 7 à 13 ; fig. 208, n° 1 à 9) Bouches-du-Rhône  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : n° B569993, XIVe - XVe siècle. Var  Bagatelle/Abreuvoir Saint-Michel, Châteauvert : n° 1, bassin d’une femme adulte, n° 12, bassin d’une femme adulte, n° 22, adulte de sexe indéterminé, fin XIIe XIVe siècle.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3764, sol de bâtiment, milieu XIIIe siècle - vers 1285 ; n° 182 F, 433 et 2187, sol de bâtiment, n° 869, niveau de destruction cendreux, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 1450, sol intérieur de grotte avec foyer, n° 2164, couche de dépotoir, vers 1345 - vers 1360 ; n° 2387, couche de dépotoir, n° 3603, couche de dépotoir associée à de l’effondrement d’un bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 2305, couche de dépotoir, n° 3097, sol de zone de circulation, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Vaucluse 2174 Exemplaire entier, L x l = 2,8 x 7,5 cm (Gambaro 1990, p. 405, n° 98). Spécimen entier, L x l = 3,25 x 10,05 cm (Istria 1993, p. 17-18 ; Istria 1994, p. 92 ; Comiti 1996, ill. 9, n° 8). 2175 419 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1088, premier tiers XIVe siècle. Les boucles composites en alliage cuivreux de ce type sont confectionnées à partir de deux tôles disposées de chant et traversées aux deux extrémités par des tiges de section circulaire dont les bouts sont matés. Une tôle enroulée est préalablement insérée autour de la tige en position distale (fig. 112, E). Ses côtés sont brasés aux tôles latérales. Les pseudorouleaux peuvent rester vierges de toute ornementation (ex : fig. 207, n° 7, 8 et 11), être décorés d’incisions (fig. 207, n° 9, 12 et 13 ; fig. 208, n° 3, 4 et 8 ; fig. 210, n° 3) ou de quadrillages obliques (fig. 208, n° 6 et 9). Sur les deux pseudo-rouleaux présentant un quadrillage oblique, une dépression en zone centrale dépourvue de gravure marque la zone de réception de la pointe de l’ardillon (fig. 208, n° 6 et 9). Les tiges du cadre des boucles sont en fer (fig. 207, n° 7 et 8 ; fig. 208, n° 1 à 5, 7, 8) ou en alliage cuivreux. Quelques artefacts conservent une ou deux cupules embouties cachant la jonction des tiges avec les tôles (fig. 207, n° 8 ; fig. 208, n° 1, 5 et 7). Elles étaient sans doute disposées aux quatre points d’assemblage. Une boucle fragmentaire de type indéterminé en présente une encore en place (fig. 264, n° 12). Lorsqu’il est conservé, l’ardillon a été confectionné dans un fil en alliage cuivreux. Les chapes conservées sont des types A1b, B1a et B2a, décorées par découpe, par gravure, par abrasion. Quelques-unes ont gardé des tôles de renfort (fig. 207, n° 10 ; fig. 208, n° 1 et 2) ou des traces de brasure attestant qu’elles en avaient (fig. 207, n° 9, fig. 208, n° 3, 4 et 7). Une étude minutieuse de ces chapes est menée dans la typologie consacrée à ces objets. Deux de ces boucles, à chape de type B1a, ont été retrouvées dans des sépultures à Châteauvert, sur le bassin de femmes adultes, avec des appliques de type D2a, P1a ou AB2 et un mordant de type D5. L’une d’elles comportait en outre un mordant de type D3. Toujours à Châteauvert, une troisième boucle à chape de type B1a fut découverte dans la sépulture d’un adulte de sexe indéterminé avec un anneau de type M (fig. 224, n° 11) et dix appliques de type P1a. Les boucles de type F4a pourraient bien avoir été fabriquées dans le sud de la France car rares sont les découvertes hors de cette région. Un exemplaire avec un fragment d’ardillon de type tige, sans sa chape, provient d’un site non identifié de Meaux en Seine-etMarne2176. Des cupules embouties sont brasées sur la jonction de la tige distale et des traverses latérales. Le pseudo-rouleau est décoré de chevrons de part et d’autres d’une dépression centrale. Le décor semble être continu à la jonction des bords de la tôle. 2176 Boucle incomplète, L x l = 2,45 x 2,15 cm (Dupond et al. 1992, p. 96, n° 2). 420 3. Approche croisée du mobilier archéologique Une datation typologique s’étalant sur la deuxième moitié du XIIIe siècle et le XIVe siècle est envisagée compte tenu des données rassemblées. Type F4b : Anneau composite à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, à talons, à barre (fig. 208, n° 10) Var  Bagatelle/Abreuvoir Saint-Michel, Châteauvert : n° 11, bassin d’un individu, fin XIIe - XIVe siècle. Ce type ne peut être reconnu que si la chape est encore présente. Cet objet de construction identique aux boucles du type F4a possède une chape de type C4b, donc sans fente ou perforation pour le passage d’un ardillon. Il est possible que la ceinture ait été fermée par un nœud après passage d’une extrémité dans l’anneau. Il est également envisageable que cet artefact ait fonctionné dans le cadre d’un dispositif d’agrafage. Un emploi dans le courant du XIVe siècle est très probable. Type F4c : Anneau composite à fenêtre semi-ovale, en alliage cuivreux, à talons, à barre et à clapet distal (fig. 209, n° 1 à 5) Var  Église vieille, Correns : n° 1, H.S.  Le Castellas, Forcalqueiret : n° 1, XIIe - XIVe siècle.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 901 A, niveau de destruction cendreux, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 2563, sol de zone de circulation, vers 1360 - vers 1370/1375. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1292, fin XVe - début XVIe siècle. Ces cinq anneaux de dispositif d’agrafage du type F4c (fig. 112, C) sont constitués de deux tôles courbes dont les extrémités sont perforées pour le passage de deux tiges. La tige distale sert de support à un clapet en tôle décoré d’incisions. La tige proximale reçoit la chape mobile ou dans trois cas non mobile (fig. 209, n° 2, 4 et 5). Une chape de type C1c (fig. 209, 421 3. Approche croisée du mobilier archéologique n° 1), C2c (fig. 209, n° 4), C4b (fig. 209, n° 5) ou de type C mais de sous-type indéterminé (fig. 209, n° 2) est en place sur la plupart des pièces. Les caractéristiques décrites pour le cadre des pièces découvertes en Provence sont les mêmes pour deux exemplaires à chape de type C1c et C4b trouvés anciennement dans la chapelle des Gicons à Saint-Disdier dans les Hautes-Alpes2177, pour un spécimen à chape de type C2 issu de la brève occupation de la maison fort de Naux (dernier tiers XIVe siècle) à Colayrac-Saint-Cirq en Lot-et-Garonne2178. Un anneau du type F4c provient d’un niveau d’occupation d’une maison daté vers 1300 sur le site de Hejninge à Slagelse dans la région de Sjælland au Danemark2179. Le cadre semble n’être constitué que de deux pièces : une tôle disposée de chant est pliée en U et ses extrémités traversées par une tige autour de laquelle est enroulé un bord du clapet distal. La chape de type C2 sans retraits latéraux n’est pas mobile. Le clapet distal comporte un petit ergot sur son bord interne. Cette caractéristique se retrouve sur le clapet distal d’anneaux à chape de type C1b, C1c ou C2a n’appartenant pas au sous-type F4c car leur cadre est entièrement obtenu par la fonte. Des anneaux de cette forme proviennent d’un sol de la fin du XIVe siècle ou du début du XVe siècle du site du Petit château à Concarneau dans le Finistère2180, de contextes londoniens datés entre le dernier tiers XIIIe - première moitié XIVe siècle et la première moitié du XVe siècle2181. Les anneaux de type F4c ont très probablement fonctionné avec des terminaisons de courroie de type F (fig. 294, n° 1 et 2) : le bord interne du clapet distal s’introduisait entre l’applique étroite et la tôle plate (fig. 112, C). Lorsque le clapet comporte un ergot, il semble que seule cette partie s’engageait dans le dispositif ; une zone amincie de l’applique étroite pouvait le recevoir2182. 2177 Boucle complète avec chape, Boucle : 1,8 x 2,5 cm ; Chape : L x l = 5,9 x 2,1 cm (Fichier Lucy Vallauri 1969). 2178 Boucle incomplète (manque le clapet distal) avec chape, Boucle : L x l = 1,5 x 1,95 cm ; Chape : L x l = 5,2 x 1,3 cm (Ballarin et al. 2007, p. 132). 2179 Un anneau complet avec chape de type C1b, Boucle : L x l = 1,8 x 1,2 cm, Chape : L x l = 3,6 x 0,85 cm ; un anneau complet avec chape de type C4b, Boucle : L x l = 2,2 x 2,8 cm ; Chape : L x l = 7,1 x 2 cm (Steensberg 1986, p. 66, fig. 44). 2180 Individu entier à chape de type C1c, Boucle : L x l = 1,6 x 1,7 cm, Chape : L x l = 2,9 x 1 cm (Tournier 2003, p. 215). 2181 Objets avec chape des types C1b et C2a (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 116-120, n° 551 à 559, 569). 2182 Une terminaison de courroie de type F avec une applique de ce type fut trouvée à Londres dans un contexte de la seconde moitié du XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002, n° 738). 422 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les anneaux du type F4c présentent quelques analogies avec les anneaux de dispositif d’agrafage du type C8c. Une datation typologique correspondant au XIVe siècle peut être retenue avec les données actuellement disponibles. Type F5 : boucle à fenêtre semi-ovale à barre rivetée (fig. 209, n° 6) Bouches-du-Rhône  Quartier Sainte-Barbe, Marseille : n° 858, milieu XIIIe - début XIVe siècle. Cette boucle semi-ovale en alliage cuivreux, à talons, comporte une traverse distale à barre avec quatre rivets. Elle présente à l’avers comme au revers des restes de dorure. Les portions latérales de la traverse distale ont reçu des coups obliques de lime. La barre de la traverse distale est décorée, de chaque côté de l’encoche distale, de coups d’un poinçon quadrangulaire aux angles arrondis alignés pour former des zigzags superposés. La « plaquette » en forme de papillon qui prolonge la barre est ornée d'une fleur à quatre pétales d'où s'échappent quatre tiges. Les pétales sont issus de fonte et un poinçon à bout circulaire a permis de les couvrir d’ocelles. Un poinçon à pointe quadrangulaire aux angles arrondis a été utilisé pour les tiges. Quatre rivets à tête bouletée passent au travers de la « plaquette » et devaient permettre la fixation d’une courroie. Les tiges des rivets ont été sectionnées. L'ardillon est décoré d'une dépression sur toute sa longueur. Il n’est conservé de la chape de type A4a que la partie avers et une petite portion de la partie revers. L’avers de la chape, qui présente des traces de dorure, comprend quatre perforations pour le rivetage qui, si on en juge par leur diamètre, devaient accueillir des rivets bouletés. À l’intérieur d’un encadrement formé par deux lignes incisées, s’inscrit une ligne de points quadrangulaires aux angles arrondis alignés en zigzag. Des incisions sont visibles de chaque côté de l'encoche distale de la chape. Cette boucle au profil très particulier devait permettre de fixer deux ou trois courroies utilisées peut-être pour l’attache du fourreau d’une arme. Type G : Anneau ou boucle à fenêtre lyriforme (fig. 211) La boucle de ces fenêtres est dite lyriforme car elle rappelle l’aspect traditionnel de ces instruments de musique. Quatre sous-types ont été créés. Les deux premiers rassemblent les objets plus larges que longs sans ergot distal (sous-type G1) ou avec ergot distal (sous-type 423 3. Approche croisée du mobilier archéologique G2). Les deux autres regroupent des artefacts plus longs que larges sans ergot distal (soustype G3) ou avec ergot distal (sous-type G4). Une petite majorité des exemplaires plus larges que longs du corpus ou de la bibliographie sont en fer. Cependant, il a été produit, tout du moins en Espagne, des spécimens en alliage à base de cuivre d’une seule pièce plus larges que longs avec une bordure externe du cadre semi-ovale et une fenêtre en accolade incomplète2183. Une pièce issue de la brève occupation dans le dernier tiers du XIVe siècle de la maison forte de Naux à Colayrac-Saint-Cirq en Lot-et-Garonne comporte des ergots internes et une traverse distale à ergot distal arrondi et bosses en coin2184. Un contexte du XVIe siècle au château de Rathsamhausen à Ottrott dans le Bas-Rhin a livré un anneau composite à fenêtre analogue avec une chape sans fente ou perforation distale et repliée en anneau2185. Les anneaux et boucles plus longs que larges, quant à eux, sont presque exclusivement en alliage cuivreux2186. Les trois spécimens plus longs que larges du corpus ne sont pas vraiment représentatifs de la grande diversité des modèles rencontrés dans la documentation : un exemplaire au tracé homogène a été retrouvé en position résiduelle dans un remblai de la deuxième moitié du XVIIIe siècle ou de la première moitié du XIXe siècle sur le site du Priamàr à Savone en Italie2187 ; une pièce lyriforme avec l’extrémité distale de la fenêtre en accolade, non datée, a été découverte au château de Castelo Branco au Portugal2188. De petites boucles plus longues que larges de cette forme sont figurées sur des lanières permettant la fixation des pièces de l’armure d’un bourreau dans la Crucifixion du Parlement de Paris 2183 Aucun anneau ou boucle plus large que long du corpus ne comprend une bordure externe du cadre semi-ovale et une fenêtre en accolade. En Espagne, au castell del Far à Llinars del Vallès dans la province de Barcelone, trois boucles fragmentaires ou complètes en alliage cuivreux à encoche distale et à ergots proximaux possèdent cette forme (L x l = 3,35 x 5,5 et 3,55 x 5,7 et 4,1 x 7 et 4,55 x 7,3 cm). Le site est occupé entre le XIIIe siècle et la première moitié du XVe siècle (Bolos et al. 1981, p. 115-116, n° 11, 12, 14, 15 ; Monreal et Barrachina 1983, p. 259, fig. 116, m. 1061, 1062, 1064). Une boucle fragmentaire de ce groupe (L x l = 3,2 x 5,6 cm) provient du site du castell de Mata (XIIIe - XVe siècle ?) à Mataró dans la province de Barcelone (Bolos et al. 1981, p. 139, n° 48), une autre (L x l = 3,7 x 5,55 cm) du site de la torre de Quimberga à Sallent dans la province de Huesca (Bolos et al. 1981, p. 142-143, n° 54). 2184 Boucle entière, Boucle : L x l = 1,8 x 2,35 cm (Ballarin et al. 2007, p. 132). Elle a été retrouvée à proximité d’une chape de type C4b qui ne lui était cependant probablement pas associée. Ce type de chape ne s’observe normalement que sur des anneaux composites. 2185 Anneau avec chape complète, Boucle : L x l = 1,6 x 1,95 cm ; chape : L x l = 4,25 x 0,85 cm (Rieb et Salch 1973, n° 347). 2186 Un exemplaire cuivreux. Un contexte du milieu du XIVe siècle d’une fouille dans la commune de Saint-Vaast-sur-Seulles dans le Calvados a fourni un rare exemplaire en fer de 3,4 cm de long sur 2,4 cm de large (Halbout et al. 1987, p. 184, n° 704). 2187 Boucle entière, L x l = 3,1 x 1,9 cm (Viara 2001, p. 449, n° 1581). 2188 Artefact entier, L x l = 3 x 2,5 cm (Boavida 2011, p. 19). 424 3. Approche croisée du mobilier archéologique peinte vers 1449-1454 et attribuée à André d’Ypres (fig. 161). Le catalogue d’I. Fingerlin répertorie de nombreuses boucles en argent doré conservées dans les collections des musées d’Europe occidentale. Elles sont plus longues que larges2189 ou plus larges que longues2190 mais peu d’entre elles offrent des similitudes avec les anneaux et boucles du corpus. Type G1 : Anneau ou boucle à fenêtre lyriforme large, sans ergot distal (fig. 211, n° 1 à 5) Ces anneaux et boucles plus larges que longs sont scindés en deux sous-types : ceux sans aucun ergot (sous-type G1a), ceux avec des ergots internes (sous-type G1b). Type G1a : Anneau ou boucle large à fenêtre lyriforme, en fer, sans ergots (fig. 211, n° 1 et 2) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3547, couche de dépotoir associée à de l’effondrement d’un bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 2612, sol de zone de circulation, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Ces deux boucles en fer ne présentent aucun ergot distal ou interne. Plus larges que longues, ces boucles ont leur traverse distale qui s’épaissit et s’élargit vers le centre. Elles comportent une encoche distale réalisée par percussion, comme on peut en juger par le refoulement du métal. Des motifs gravés l’encadrent : de petites lignes parallèles superposées à une ligne transversale (fig. 211, n° 1), un quadrillage oblique (fig. 211, n° 2). Un contexte des premières décennies du XVe siècle à l’abbaye de San Salvatore à Vaiano dans la province de Prato a livré un objet en fer analogue mais l’oxydation ne permet pas de détailler un éventuel décor2191. Un exemplaire en fer plus long que large, au cadre de largeur uniforme, est issu du château de Peyrepertuse (N.D.S.) à Duilhac-sous-Peyrepertuse dans l’Aude2192. Il semblerait que l’ardillon soit positionné en sens inverse des spécimens du corpus. À Castel del Monte dans la province de L’Aquila en Italie, un objet à la traverse 2189 Fingerlin 1971, p. 163-169, cat. p. 308, n° 3 ; p. 318-319, n° 36 et 37 ; p. 348-350, n° 98 ; p. 376, n° 172 ; p. 453, n° 471 ; p. 457, n° 489. 2190 Fingerlin 1971, p. 163-169, cat. p. 350-352, n° 99 et 100 ; p. 422, n° 361 ; p. 453-454, n° 472. 2191 Boucle complète, L x l = 5 x 8 cm (Francovitch et Vannini 1976, p. 97). 2192 Artefact complet, L x l = 7,65 x 7,4 cm (Bayrou 2000d, p. 207). 425 3. Approche croisée du mobilier archéologique distale particulièrement massive a été découvert dans une sépulture datée entre le XIIIe et le XVIIIe siècle sur le site de Piana San Marco2193. En Croatie dans le comitat de Split-Dalmatie, de nombreuses boucles en fer du type G1a, plus larges que longues, ont été répertoriées sur des corps dans le cimetière de Saint-Saviour à Vrh Rika2194. Quelques-unes d’entre elles ont deux2195 ou trois ardillons2196. Dans le comitat de Zadar, à Kula Atlagića, une boucle en fer avec un seul ardillon provient d’une sépulture du XIIIe siècle2197. Plus au nord, en République Tchèque, un exemplaire sans son ardillon a été ramassé hors stratigraphie au lieu-dit Nova Sidla dans le district de Svitavy2198. Type G1b : Anneau ou boucle large à fenêtre lyriforme, en fer, à ergots internes (fig. 211, n° 3 à 5) Bouches-du-Rhône  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : n° B4601911, sol de la première moitié du XIIIe siècle.  Chapelle de la plaine de la Grande Bastide, Saint-Paul-lès-Durance : n° 126 A, XIVe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2096, couche de dépotoir, vers 1345 - vers 1360 ; n° 3498, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Toutes ces boucles en fer comportent un ergot interne à l’endroit d’un changement d’orientation dans le tracé de la traverse distale. Celle-ci s’élargit et souvent s’épaissit sensiblement en son centre. Un artefact de Rougiers – non figuré – et l’exemplaire de Fos-surMer (fig. 211, n° 5) affichent une profonde encoche distale. La traverse proximale de ce dernier, tout comme celle d’un autre spécimen de Rougiers (fig. 211, n° 4), est incurvée vers l’intérieur. 2193 Objet incomplet, L x l = 3,55 x 4,8 cm (Redi et Iovenitti 2006, p. 319, n° 4.2). Un spécimen incomplet, L x l = 4,4 x 7,7 cm ; une boucle fragmentaire, dimensions inconnues ; un artefact complet, dimensions inconnues (Petrinec 1996, p. 33, 60, 77). 2195 Un exemplaire complet dans une sépulture, L x l = 4,1 x 6,4 cm ; une boucle complète d’un contexte inconnu, L x l = 3,5 x 5,8 cm (Petrinec 1996, p. 44, 122-123, n° 105). 2196 Un objet complet, dimensions inconnues (Petrinec 1996, p. 60). 2197 Individu complet, L x l = 3,1 x 4,6 cm (Perinec 2000, p. 225, n° 6). 2198 Artefact entier, L x l = 5,8 x 8,2 cm (Vich et Žákovský 2012, p. 98, n° 59, fig. 3, n° 9). 2194 426 3. Approche croisée du mobilier archéologique Des objets en fer du type G1b ont été mis au jour dans le cimetière de Saint-Saviour à Vrh Rika dans le comitat de Split-Dalmatie en Croatie. Un spécimen aux ergots prononcés est issu d’un contexte inconnu2199, un deuxième aux ergots peu proéminents possède deux ardillons et provient d’une sépulture2200. Type G2 : Anneau ou boucle large à fenêtre lyriforme, en fer, à ergot distal (fig. 211 n° 6) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 317, couche d’occupation ou déblais, vers 1309/1315 - vers 1345. Cet unique spécimen en fer possède un ergot distal très arrondi au milieu d’une traverse distale qui s’épaissit vers son centre. Sur le site du village médiéval de Dracy à Baubigny en Côte d’Or, une boucle analogue avec un ergot distal un peu plus proéminent et creusé d’une encoche, est issue d’un bâtiment occupé entre la fin XIIIe/début XIVe siècle et le milieu du XIVe siècle2201. Type G3 : Anneau ou boucle long composite, à fenêtre lyriforme (fig. 211, n° 7) Vaucluse  5 rue Gaston Saporta, rue de l’École, Aix-en-Provence : n° 1, datation inconnue. La boucle aixoise est constituée d’une tôle en alliage cuivreux ayant le rôle de traverse distale qui s’élargit puis s’amincit jusqu’à la légère torsade du centre de la traverse. Les extrémités étaient traversées par une tige en fer dont il ne reste que quelques traces. Une boucle composite plus longue que large à traverse proximale en fer a été mise au jour lors de l’élargissement d’un chemin au hameau d’Irougne dans la commune d’Ilonse dans les AlpesMaritimes2202. Une utilisation du type G3 dans le courant du XIVe siècle semble probable. 2199 Un objet complet, L x l = 2,7 x 4 cm (Petrinec 1996, p. 123, n° 107). Un exemplaire complet, L x l = 3 x 4,3 cm (Petrinec 1996, p. 58). 2201 Boucle incomplète, L x l = 8,4 x 11,4 cm (Piponnier 1975b, p. 159). 2202 Dimensions inconnues (Blanc 2008, p. 153-154). 2200 427 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type G4 : Anneau ou boucle long, à fenêtre lyriforme, à ergot distal (fig. 211, n° 8 et 9) Vaucluse  Rue Banasterie, Avignon : n° 31, datation inconnue ; n° 599, H.S. Les deux objets en alliage cuivreux du type G4 du corpus ont été obtenus par la fonte. L’un d’eux est particulièrement déformé et l’une des jonctions entre la traverse distale et la traverse proximale est cassée (fig. 211, n° 9). Le deuxième exemplaire (fig. 211, n° 8) comporte deux ergots latéraux et un ergot distal en forme de chapeau chinois. Un reste d’ardillon en alliage cuivreux est enroulé autour de la traverse proximale. Des boucles en argent doré conservées au Musée fur Kulturgerschichte und Kunstgewebe de Graz dans la province de Styrie en Autriche2203 et dans une collection particulière connue à Strasbourg en 19052204 comportent les types d’ergot distal et d’ergot interne visibles sur les artefacts du corpus. Nous pouvons également signaler une grande boucle à fenêtre de type G4 au cadre très ornementé mais à chape intégrée découvert lors des fouilles de l’hôpital St. Mary Magdalen à Partney dans le Lincolnshire. Elle provient d’un remblai daté entre la deuxième moitié du XIIIe siècle et la deuxième moitié du XVe siècle2205. Le type G4 a probablement été produit durant tout ou partie du XIVe siècle. Type H : Anneau ou boucle à fenêtre en accolade (fig. 212 et 213) Ce type regroupe les anneaux et boucles dont la forme de la fenêtre rappelle celle d’une accolade à l’exception de quelques rares spécimens du corpus (fig. 206, n° 3) ou de la bibliographie comportant une barre (type F) car cette forme de fenêtre n’a qu’une importance mineure pour ces objets. Intégrer ces derniers au type H aurait eu pour résultat de les éloigner de groupes d’artefacts avec lesquels ils présentent plus d’analogies. Quatre critères sont reconnus pour la classification à l’intérieur de ce type : l’aspect complet ou incomplet – la pointe manque – de l’accolade, le rapport entre la largeur et la 2203 Fingerlin 1971, p. 348, n° 98. Ibid., p. 458, n° 491. 2205 Boucle complète, « Boucle » : L x l = 5,4 x 4,03 cm ; « Chape » : L x l = 2,7 x 2,05 cm (Crummy 2010, p. 133, SF 98). 2204 428 3. Approche croisée du mobilier archéologique longueur de l’objet, la présence de talons, la nature composite ou non de l’objet. Actuellement, seuls des exemplaires plus larges que longs ont été inventoriés dans le corpus mais des plus longs que larges existent aussi dans la bibliographie2206. Les spécimens d’une seule pièce et sans talons appartiennent au sous-type H1, ceux avec talons au sous-type H2. Les anneaux et boucles à fenêtre en accolade composites sont classés dans le sous-type H3. Aucun exemplaire du corpus ne comporte d’ergot distal, mais il s’en rencontre dans la bibliographie2207. Quelques boucles à fenêtre en accolade incomplète s’observent dans de l’iconographie hors de Provence. La plupart des boucles sont très larges. Elles ferment la ceinture d’hommes (fig. 167, 171, 173) et de femmes (fig. 168, 169, 174) – et plus anecdotiquement le collier d’une licorne (fig. 170) – dans des représentations datées entre les années 1320/1325 et vers 15002208. Chez les hommes, la fixation de la ceinture se fait sur le devant du corps, sur les hanches ou à la taille. Dans le costume féminin, ce type de boucle est généralement plus large et semble avoir été spécialement utilisé lorsque la ceinture est placée sous la poitrine (fig. 174), hormis sur une statue de la Vierge de la fin du premier tiers du XIVe siècle où elle siège à la taille (fig. 169). Rappelons que le port de la ceinture sous la poitrine est apparu à la fin du XIVe siècle et a perduré jusqu’au début du XVIe siècle2209. Des boucles de type H ferment des sangles retenant la besace d’un bourreau sur une fresque à Notre-Dame-desFontaines (fig. 172). La chape et le mordant associés aux boucles répertoriées dans l’iconographie (fig. 171, 174 et 175) comportent des caractéristiques analogues aux chapes et mordants retrouvés sur des artefacts mis au jour dans la cathédrale Notre-Dame du Bourg à Digne (fig. 212, n° 9 et 10 ; fig. 213, n° 5). Nous y reviendrons au moment de l’étude de la typologie des chapes et de celle des mordants. 2206 Se reporter à Fingerlin 1971, Goedert et al. (dir.) 1996, p. 122, n° 178. France, Tarn-et-Garonne : artefact entier, L x l = 1,7 x 2,3 cm, milieu - deuxième moitié XIVe siècle, Hèche, Caussade (Archéologie 1990, p 216, n° 428). Allemagne, land de RhénaniePalatinat : une boucle complète avec chape de type A2b, Boucle : L x l = 1,1 x 2 cm, Chape : L x l = 2,15 x 1,55 cm, Trèves (Vivre au Moyen Âge 1998, p. 265, n° a). 2208 Il n’est ici présenté qu’un échantillon de ces images. 2209 Se reporter au chapitre 3.1.1.3 au sujet de la ceinture féminine dans l’iconographie. 2207 429 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type H1 : Anneau ou boucle large à fenêtre en accolade incomplète, sans talons (fig. 212, n° 1 à 3) Bouches-du-Rhône  Église abbatiale Saint-Victor, Marseille : n° 625, contexte inconnu. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 344, comblement de silo, vers 1285 - vers 1309/1315 ; n° 3620, couche de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345. Deux de ces trois boucles en alliage cuivreux ont été obtenues par fonte (fig. 212, n° 1 et 2). Une encoche distale encadrée par une légère moulure est visible sur un exemplaire trouvé à Rougiers (fig. 212, n° 2). Sa traverse proximale est moins large que sa traverse distale. Un autre artefact issu du même site comporte un ardillon présentant une cannelure à l’endroit de la jonction entre le nœud et la tige (fig. 212, n° 1). Le bout de l’ardillon est recourbé. Cet objet en cuivre, dont le cadre est réduit au point d’attache du nœud de l’ardillon, conserve des traces de dorure au mercure2210 sur l’ardillon et sur la boucle. Le cadre de section losangique de l’exemplaire marseillais (fig. 212, n° 3) est ouvert au milieu de la traverse proximale. Ces caractéristiques se rencontrent sur un spécimen en alliage cuivreux issu d’une inhumation de la deuxième moitié du IVe siècle du cimetière de Marteville, dans l’Aisne2211. Il se pourrait que l’objet marseillais remonte à la fondation de l’église SaintVictor au IVe siècle. Les boucles de type H1, connues depuis l’époque romaine, sont encore utilisées au haut Moyen Âge2212. R. Legoux et ses collègues font se terminer l’emploi de ce type à la fin du Ve siècle ou au premier tiers du VIe siècle. Cependant, il est probable qu’il y ait eu une permanence d’utilisation jusqu’au bas Moyen Âge. Sept anneaux et boucles en fer, sans ardillon, pour certains à chape de type A2a ou C2, ont été relevés dans des niveaux datés entre la fin du VIIIe siècle et le Xe siècle sur le site de la maison de la Magie à Blois dans le Loir-et- 2210 Détermination par analyse de composition, se reporter à l’annexe 2. Loizel et Coquelle 1977, p. 172, fig. 53 ter, p. 179, fig. 84, p. 180, fig. 85 et 88, boucles en alliage cuivreux dans des inhumations de la deuxième moitié du IVe siècle. 2212 Se reporter à Scapula 1975, fig. 66, t. 798, à Stutz 2003, p. 49, pl. 12, n° 246 à 248, à Legoux 2009 et al., type 105 pour des objets provenant du territoire français. Sur le site de la Crypta Balbi à Rome, une boucle en matériau blanc à chape de type indéterminé provenant d’un niveau de remblai du XXe siècle est attribuée par C. d’Ercole à la période longobarde (Ercole 1985, p. 582, n° 1052, fig. XCIV). 2211 430 3. Approche croisée du mobilier archéologique Cher2213. À l’Isle-Aumont dans l’Aube, le comblement d’un silo dans un habitat a livré une boucle en alliage cuivreux à traverse proximale amincie. Deux dépressions encadrent la zone de réception du bout de l’ardillon2214. J. Scapula date l’occupation des IXe - Xe siècles mais certains objets sont à l’évidence des XIe - XIIIe siècles2215. En Isère, une sépulture datée vers 1220 - vers 1320, fouillée dans l’église Saint-Laurent de Grenoble, a fourni un spécimen en fer à la traverse proximale réduite2216. Le cadre est relativement homogène pour une pièce en fer issue d’une ferme du XIVe siècle au hameau du Bellé à Neuilly-en-Thelle dans l’Oise2217. Une autre boucle en fer, à chape de type A2b, provient de la surface du site du château – des XIIIe - XVe siècles ? – de Montereale Valcellina dans la province de Pordenone en Italie2218. Les boucles de type H1, en fer comme en alliage cuivreux, pourraient avoir cessé d’être utilisées au XIVe siècle, peut-être dans la première moitié. Type H2 : Anneau ou boucle large à fenêtre en accolade incomplète, à talons (fig. 212, n° 4 à 10 ; fig. 213, n° 1) Les boucles du type H2 sont classées en deux sous-types selon qu’elles sont en alliage cuivreux (H2a) ou en fer (H2b). Type H2a : Anneau ou boucle large, en alliage cuivreux, à fenêtre en accolade incomplète, à talons (fig. 212, n° 4 à 10) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne : n° 161 A, remblai des XIVe - XVIe siècles ; n° 326 A, caveau des XIVe - XVIe siècles ; n° 427 A, H.S. Bouches-du-Rhône  Castrum des Baux : Le Terras, Les Baux-de-Provence : n° 699, niveau d’occupation du début du XVIe siècle. 2213 Objet entiers (Aubourg et Josset 2003, p. 210). Scapula 1975, fig. 106, objet au centre à gauche, dimensions inconnues. 2215 Scapula 1975, fig. 105, épingles à droite, les deux appliques à gauche de la grande applique centrale, la boucle à double fenêtre semi-ovale. 2216 Boucle incomplète, L x l x e = 6,2 x 3,6 x 0,7 cm (Colardelle 1999, t. 6, p. 8 ; Colardelle 2008, p. 295). 2217 Un anneau, L x l = 4,1 x 2,5 cm (Legros 2001, n° 105). 2218 Artefact complet, Boucle : L x l = env. 1,6 x 2,3 cm, Chape : L x l = env. 1,8 x env. 1,1 cm (Piuzzi 1987, p. 144, n° 13). 2214 431 3. Approche croisée du mobilier archéologique Var  Abbaye, La Celle : n° 2, sol des XIIIe - XIVe siècles.  Cadrix, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 423, remblai de terrasse du XVIe siècle. Vaucluse  Place de la Principale, Avignon : n° 1995-165, datation inconnue. Ces boucles à talons du type H2a sont toutes très larges et ont une traverse proximale de moindre largeur. Elle est également parfois réduite. Des ocelles (fig. 212, n° 8) ou un motif de fleurs à six pétales obtenus à l’aide d’un poinçon (fig. 212, n° 10 ; fig. 210, n° 2) sont visibles sur la traverse distale. Celle-ci adopte souvent une section oblique. Un ardillon en tôle est conservé dans deux cas (fig. 212, n° 9 et 10). Des chapes de type A2b ou A4a sont encore fixées à la plupart de ces objets. Deux boucles avec chape (fig. 212, n° 9 et 10) ont été retrouvées avec leur mordant de type A2a et D6 et dans un cas avec une applique de type B7. Une étude approfondie de ces différents éléments est menée dans le cadre de leurs typologies respectives. Le catalogue d’I. Fingerlin répertorie différentes boucles de type H2b conservées dans des musées. L’une d’elles appartenant au British Museum arbore sur la traverse distale des fleurs à six pétales poinçonnées2219. Une boucle de type H2b à chape d’une variante du type A2 a été retrouvée dans une fosse non datée du village médiéval de Condorcet dans la Drôme2220. L’exemplaire conservé au musée de Meaux, sans chape, avec un ergot distal à dépression, comporte des chevrons incisés sur la traverse distale2221. En Suisse, le comblement d’un trou de poteau non daté dans l’église Saint-Georges d’Hermance dans le canton de Genève a fourni un exemplaire à traverse distale incurvée poinçonnée de fleurs à cinq pétales2222. Une encoche distale est perceptible sur un objet découvert dans un ossuaire (début XVe - fin XVIIIe siècle) dans l’église Santa Maria del Mastro à Gerace dans la province de Reggio Calabria2223. Elle est entourée de cannelures qui saillent de la rive externe sur un spécimen daté vers 1340 - 1404 mis au jour dans l’église San Silvestro de Gênes en Italie2224. 2219 (Fingerlin 1971, p. 197 et n° cat. 246). Individu complet, Boucle : L x l = 1,25 x 3 cm, Chape : L x l = 4,35 x 2,4 cm (Hensel 1970b, fig. 121, n° 14). 2221 Spécimen entier, L x l = 2,45 x 4,5 cm (Dupond et al. 1992, p. 96, n° 10). 2222 Artefact complet, L x l = 2,8 x 9,5 cm (Bonnet 1973, p. 90). 2223 Exemplaire entier, L x l = env. 2,5 x env. 4,65 cm (Lebole di Gangi 1993, p. 468, fig. 4, n° 7). 2224 Objet incomplet, L x l = 2 x 2,5 cm (Andrews 1978, p. 194, n° 30). 2220 432 3. Approche croisée du mobilier archéologique Une grande boucle à chape de type A7 a été retrouvée dans un niveau de la seconde moitié du XVe siècle à Bruges dans le province de Flandre-occidentale en Belgique2225. Au vu des données archéologiques et iconographiques (fig. 212, n° 9 et 10 ; fig. 213, n° 5), il est proposé pour le type H2a une datation typologique s’étendant du XIVe au XVIe siècle avec une restriction aux XVe et XVIe siècles pour les plus grandes pièces. Type H2b : Anneau ou boucle large, en fer, à fenêtre en accolade incomplète, à talons (fig. 213, n° 1) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3001, couche de dépotoir, vers 1345 - vers 1360. La surface de la traverse distale de cette boucle à talons est parsemée d’incisions. Trois d’entre elles, plus longues, marquent la zone de repos du bout de l’ardillon. Le cadre s’amincit régulièrement depuis le milieu de la traverse distale jusqu’à la traverse proximale. Une chape courte de type A3e avec trois rivets à tête bombée est encore en place. Type H3 : Anneau ou boucle large composite, à fenêtre en accolade incomplète (fig. 213, n° 2 à 5) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne : n° 35, sépulture de femme des XIVe XVIe siècles ; n° 164, remblai des XIVe - XVIe siècles ; n° 210 A, remblai des XVIIe - XVIIIe siècles ; n° 675, H.S. Trois de ces boucles (fig. 213, n° 2, 4, 5) sont constituées d’une tige ou d’une tôle épaisse ayant le rôle de traverse distale qui s’amincit au fur et à mesure qu’elle s’élargit. L’élargissement maximal est atteint à l’endroit de la partie centrale de la traverse, torsadée. Les extrémités de cette tige ou tôle sont brasées sur une tige de section circulaire faisant fonction de traverse proximale (fig. 213, n° 2 et 5) ou sur des douilles qui recevaient cette tige 2225 Pièce complète, Boucle : L x l = 3 x 9,2 cm ; Chape : L x l = 7,4 x 4,8 cm (Willemsen et Ernst 2014, fig. 118). 433 3. Approche croisée du mobilier archéologique (fig. 213, n° 4). Ces douilles, fabriquées en enroulant une tôle, retiennent encore des fragments de la traverse proximale. Le dernier objet, déformé (fig. 213, n° 3), est composé de deux tiges de section circulaire, les extrémités quadrangulaires de celle constituant la traverse distale étant brasés sur la traverse proximale. Une grande partie de la traverse distale est encore recouverte par une tôle épaisse décorée de six impressions longilignes dans et autour de la zone de réception du bout de l’ardillon. L’ardillon est sur trois des objets fabriqué dans une tôle (fig. 213, n° 2, 3, 5). Il traverse l’œillet d’une lanière de cuir dans un cas (fig. 213, n° 2). Une chape de type A7 est conservée pour un artefact (fig. 213, n° 5). Une description précise de cet objet constitué d’un assemblage de trois tôles est disponible dans le chapitre de la typologie des chapes. Les boucles du type H3 du corpus ont été découvertes lors des fouilles à la cathédrale Notre-Dame-du-Bourg de Digne. Seule l’une d’entre elles (fig. 213, n° 5) provient d’une sépulture, celle d’une femme de 30/59 ans ayant également livré une boucle d’oreille en or. La chape de la boucle, particulièrement travaillée, affiche des restes d’émail. Le port des boucles d’oreille ne réapparaît hors de l’Italie méridionale et du sud de l’Espagne qu’au XVIe siècle. Il est mentionné dans les sources provençales à partir de la fin du XVIe siècle2226. Par conséquent, une datation de cette sépulture pour la deuxième moitié du XVIe siècle, ou du moins pour le XVIe siècle, semble pouvoir être proposée. La personne inhumée était très certainement une personne de la noblesse ou de la haute bourgeoisie. La datation typologique proposée est la même que celle du type H2a. Type I : Anneau ou boucle à fenêtre polylobée (fig. 213, n° 6) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1211, comblement de fosse du premier tiers du XIVe siècle. Cette boucle à fenêtre à trois lobes ou tréflée comporte une encoche distale pour la réception de la pointe de l’ardillon. La traverse proximale est amincie. Une boucle à fenêtre à trois lobes en alliage cuivreux, avec un ergot externe disposé à l’angle de chaque lobe, et un 2226 Se reporter au chapitre 3.4.4. 434 3. Approche croisée du mobilier archéologique ergot distal particulièrement long, provient d’un niveau de la deuxième moitié du XIVe siècle du site de Cencelle à Allumiere dans la province de Rome en Italie2227. Type J : Anneau ou boucle à fenêtre angulaire (fig. 220 à 223 ; fig. 224, n° 1 et 2) Les anneaux et boucles du type J sont scindés en dix sous-types élaborés selon le nombre de côtés, la configuration de la traverse distale, la présence ou non d’un rouleau, d’ergots internes ou externes. Les exemplaires au cadre globalement régulier sont regroupés dans le sous-type J1, ceux avec une traverse distale très aplatie ou moulurée dans les soustypes J2 et J3. La présence d’ergots internes ou proximaux est spécifique aux spécimens des sous-types J4 et J5. Le sous-type J6 rassemble les objets avec un rouleau, le sous-type J7 ceux dont la traverse distale est mobile. Ces artefacts, composites puisque constitués de deux pièces, sont distincts des individus du sous-type J8 dont le cadre est fixe. Les deux derniers sous-types concernent les anneaux et boucles pentagonaux (J9) et hexagonaux (J10). Les anneaux et boucles de type J1 sont particulièrement courants dans l’iconographie, que ce soit dans le cadre de la ceinture civile (fig. 214, 216, 218) ou militaire (fig. 217), ou bien encore pour serrer la sangle de transport d’une mallette de voyage (fig. 215). La fenêtre est tout aussi souvent rectangulaire que trapézoïdale, avec ou sans chape2228. Type J1 : Anneau ou boucle à fenêtre quadrangulaire régulière (fig. 220, n° 1 à 10) Il est entendu par « cadre régulier » une épaisseur et une largeur globalement homogènes tout le long du cadre même si la traverse distale est souvent un peu plus large et épaisse. Les anneaux et boucles de type J1 ont été classés en quatre sous-types selon deux critères : le matériau constitutif et la forme de la fenêtre. Les exemplaires à fenêtre carrée ou rectangulaire sont regroupés dans le sous-type J1a s’ils sont en alliage à base de cuivre, dans le sous-type J1b s’ils sont en fer. À fenêtre trapézoïdale et en alliage cuivreux ou en fer, ils appartiennent respectivement aux sous-types J1c et J1d. 2227 Boucle entière, L x l = 3,5 x 3 cm (Bouvet 1999, p. 66, n° 176) Une boucle rectangulaire avec chape et appliques sur la courroie apparaît au bout d’une ceinture enveloppant l’épée engainée de Ladislas Jagellon sur son monument funèbre (1421 - 1450 ?) dans la cathédrale du Wawel à Cracovie (Glosek et Lawrinowicz 2006, p. 151, fig. 11). 2228 435 3. Approche croisée du mobilier archéologique Lorsque l’artefact ne comporte pas d’ardillon, il est souvent difficile d’identifier son orientation, c’est-à-dire de déterminer quelles sont les traverses proximale et distale. De même, différencier une fenêtre quadrangulaire d’une fenêtre trapézoïdale n’est pas toujours aisé, la configuration des objets n’étant pas forcément celle d’une parfaire figure géométrique. Notons l’absence, en Provence, d’anneau ou boucle à fenêtre trapézoïdale à traverse distale incurvée vers l’intérieur de la fenêtre2229. Type J1a : Anneau ou boucle à fenêtre rectangulaire régulière, en alliage cuivreux (fig. 220, n° 1 et 2) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1295, première moitié du XIVe siècle.  Petit Palais, Avignon : n° 2207, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Les anneaux et boucles en alliage cuivreux sont beaucoup moins fréquents que ceux en fer et d’une manière générale plus petits. Au haut Moyen Âge, les boucles peuvent comporter un retrait localisé du cadre marquant la zone autour de laquelle s’enroule la base de l’ardillon2230. Cette caractéristique disparaît par la suite. Les deux objets provençaux (fig. 220, n° 1 et 2) ont un cadre de section quadrangulaire et l’un d’eux comporte encore une chape très oxydée dont il est impossible d’identifier le type précis. Un fragment d’ardillon de section circulaire est visible. L’ardillon des boucles du type J1a pouvait être en fer2231. 2229 Espagne, province de Barcelone : artefact complet en alliage cuivreux, L x l = 1,15 x 1,1 cm, atelier de verrier, deuxième ou troisième quart du XIVe siècle, Galzeran, Sant Fost de Campsentelles (Oliver Castaños 1989, p. 402). Royaume-Uni, Dumfries and Galloway : objet incomplet en alliage cuivreux, L x l = 3,2 x 1,8 cm, vers 1455 – vers 1640, château de Threave (Caldwell 1981, p. 109, fig. 10, n° 36). 2230 Quelques exemples antiques, Sud de la France : plusieurs pièces mérovingiennes (Stutz 2003, pl. 14 et 15). Italie, province de Bergame : un artefact, nécropole de la via San Cherico, Bogare (Ghiroldi 2007, p. 58). Suisse, canton du Valais : un objet, mérovingien, Sous-le-Scex, Sion (Antonini 2002, p. 331). Croatie, comitat d’Istrie : une boucle incomplète avec chape analogue au type A2a, sépulture, fin VIe - deuxième moitié VIIe siècle, nécropole de Mèizza, Pinguente (Torcellan 1986, pl. 20, n° 11). 2231 Royaume-Uni, Lincolsnhire : une boucle complète, L x l = 1,7 x 2,7 cm, H.S., village médiéval, Goltho (Goodall et al. 1975, fig. 43, n° 11, p. 91). 436 3. Approche croisée du mobilier archéologique Parmi les anneaux et boucles de ce type repérés dans la bibliographie2232, il convient de mentionner quelques spécimens remarquables. Parmi eux, une boucle du site de La Mothe à Pineulh, légèrement trapézoïdale, aux traverses latérales parcourues d’incisions obliques parallèles. La chape de type D1 comporte une partie circulaire gravée d’un motif animalier. Le site est occupé entre la fin du Xe siècle et le XIIIe siècle2233. Une autre boucle issue du site de Corné (vers 1170 - vers 1250) à L’Isle-Bouzon dans le Gers2234 a perdu son ardillon et son cadre est gravé de zigzag. La boucle et la chape de type D1 conservent des traces de dorure. Le petit exemplaire à ardillon en fil provenant d’un dépotoir des XVIe - XVIIe siècles sur le site de l’église Sainte-Marie de Duilhac-sous-Peyrepertuse dans l’Aude possède une chape de type A2b2235. L’ardillon en tôle est encore en place sur des boucles anglaises2236. Toujours au Royaume-Uni, une fouille à Copthall Avenue à Londres a livré, dans un contexte de la première moitié du XIVe siècle, un fragment de valve de moule à anneaux et boucles quadrangulaires en terre cuite. Cinq modèles ont été identifiés dont quatre appartenant au type J1a. L’un des anneaux produit comportait sur la traverse distale deux dépressions parallèles encadrant la zone de réception du bout de l’ardillon. Les empreintes dans le moule ont été obtenues en pressant un original entre des couches de terre humide2237. Type J1b : Anneau ou boucle à fenêtre rectangulaire régulière, en fer (fig. 220, n° 3 à 6) Alpes-de-Haute-Provence  La Citadelle, Forcalquier : n° 1, silo des Xe - XIIe siècles. Bouches-du-Rhône  Castrum de Montpaon, Fontvieille : n° L15/43, H.S. 2232 Exemple d’époque contemporaine : France, Alpes-Maritimes : une boucle mise au jour dans des remblais datés entre le XVIIe siècle et le début du XIXe siècle d’après le mobilier (Thuaudet 2013, fig. 1, n° 5). 2233 Pièce entière, dimensions inconnues (Prodéo et al. 2006, fig. 4). 2234 France, Gers : Objet complet, Boucle : L x l = 3,2 x 3,1 cm, Chape : L x l = 3,85 x 2,35 cm, vers 1170 - vers 1250 (Lassure 1995, p. 509, fig. 411, n° 2). 2235 Artefact complet mais cassé, Boucle : L x l = 1,7 x 1,55 cm, Chape : L x l = 3 x 1,65 cm (Bayrou et al. 1991, p. 75). 2236 Royaume-Uni, Hampshire : boucle complète, L x l = 1,2 x 2,05 cm, fin XVe – début XVIe siècle, château de Portchester (Hinton 1977b, p. 204, n° 76) ; objet complet, L x l = 1,7 x 3 cm, deuxième moitié du XIVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 95, n° 425). 2237 Quatre empreintes, L x l = 1,65 x 1,9 cm ; L x l = 1,45 x 2,8 cm ; L x l = 2 x 2,3 cm ; L x l = 1,95 x 2,25 cm (Armitage et al. 1981, n° A, B et D). 437 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Motte de la plaine de la Grande Bastide, Saint-Paul-lès-Durance : n° 82, première moitié XIIIe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3372, niveau d’occupation, vers 1360 - vers 1370/1375. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 2425, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Les anneaux et boucles en fer sont indatables du point de vue typologique2238. Ils sont souvent plus larges que longs et de section quadrangulaire. Pour quelques spécimens, le rapport longueur/largeur est inférieur à 0,52239. Dans la bibliographie de comparaison, l’ardillon est régulièrement conservé mais aucun artefact n’a été découvert avec une chape indépendante. Des traces d’étamage s’observent parfois2240. Des couches de dépotoir des IXe Xe siècles à Blois dans le Loir-et-Cher ont fourni deux boucles semi-ovales de type C4 avec 2238 Quelques exemples antiques ou du premier Moyen Âge : France, Bas-Rhin : un anneau, VIIIe siècle, cabane 17, Ensisheim (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 409, n° 2.30) ; Bouches-du-Rhône : boucle en fer, deuxième moitié du IIe siècle, Alleins (Feugère et Pillard 1999, p. 25, fig. 2, n° 6) ; un anneau et une boucle, antiquité tardive, quartier maison de Lhere, Les Baux-de-Provence (inédit, n° 704) ; Charente : nombreux anneaux et boucles, occupation du site entre vers 936 et vers 1028, castrum d’Andone, Villejoubert (Bourgeois 2009, p. 233, n° 1628 à 1631, p. 235, n° 1665), Suisse, canton du Valais : deux boucles, mérovingien, Sous-le-Scex, Sion (Antonini 2002, p. 330, T. 445, fer, p. 331, SSS 2697). Croatie, comitat d’Istrie : deux objets, sépultures, fin VIe - deuxième moitié VIIe siècle, nécropole de Mèizza, Pinguente (Torcellan 1986, pl. 10, n° 13, pl. 17, n° 18). Espagne, Alt Empordà : une boucle plus longue que large, seconde moitié VIIe - premier quart VIIIe siècle, castrum del Puig, Roses (El castrum 2003, fig. 55). Des exemples d’époque contemporaine : France, AlpesMaritimes : deux boucles mises au jour dans des remblais datés entre le XVIIe siècle et le début du XIXe siècle d’après le mobilier (Thuaudet 2013, fig. 1, n° 6 et 7). Monténégro : deux anneaux provenant de l’uniforme ou de l’équipement de soldats, guerre entre les monténégrins et les armées turques, fin XIXe siècle, Stari Bar, Bar (Gelichi 2008a, p. 70, fig. 2.6.10, n° 3801/1 et 2024/3). 2239 France, Charente : deux boucles complètes, L x l = 5,4 x 10,5 cm et 3 x 6,1 cm, castrum d’Andone (vers 936 - vers 1028), Villejoubert (Bourgeois 2009, p. 233, n° 1632 et 1633) ; Gers : un anneau fragmentaire, L x l = 2,4 x 5,3 cm, vers 1170 - vers 1250, Corné, L’Isle-Bouzon (Lassure 1995, p. 531, fig. 423, n° 1). Croatie, Comitat de Split-Dalmatie : un exemplaire complet, dimensions inconnues mais rapport de 0,35, sépulture 1008, bas moyen Âge ou époque moderne, cimetière de saint-Saviour, Vrh Rika (Petrinec 1996, p. 97). Royaume-Uni, Hampshire : une boucle complète, L x l = 5,3 x 12,1 cm, datation non renseignée, château, Portchester (Hinton 1977a, p. 201). 2240 Quatre exemplaires dont au moins un complet, L x l = 1,9 x 2,8 cm, première moitié XIVe siècle, L x l = 2,7 x 2,1 et 1,5 x 2,45 et 3 x 4 cm, deuxième moitié XIVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 95, n° 429 à 431, 433). 438 3. Approche croisée du mobilier archéologique passant quadrangulaire de type J1b retenu par la chape de la boucle2241. Sur le site de l’Îlot Gabriel-Péri à Limoges en Haute-Vienne, un artefact conserve deux fragments de goupille fendue. Une utilisation de ce dernier objet dans le bâtiment ou l’ameublement est probable2242. Type J1c : Anneau ou boucle à fenêtre trapézoïdale régulière, en alliage cuivreux (fig. 220, n° 7 à 9) Bouches-du-Rhône  Alcazar, Marseille : n° 13, vers 1720 - vers 1730. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1215, deuxième tiers XIVe ou milieu XIVe siècle.  Palais des Papes, salle de théologie, Avignon : n° 41, remblai de type dépotoir, fin XIVe - XVIe siècle. Deux de ces trois objets en alliage cuivreux sont plus larges que longs. Le troisième (fig. 220, n° 8), plus long que large, est décoré de groupes d’incisions parallèles sur les deux faces de son cadre. La traverse proximale est légèrement amincie depuis la face principale. L’artefact le plus grand (fig. 220, n° 7) comporte une dépression longitudinale entourée de deux bosses. Sa traverse latérale gauche est en partie aplatie et déformée. Deux artefacts analogues à l’une des pièces d’Avignon (fig. 220, n° 9), à ardillon en fer, ont été trouvés au castell del Far (XIIIe - première moitié XVe siècle) à Llinars del Vallès dans la province de Barcelone en Espagne2243. Deux autres dont un avec un fragment d’ardillon en alliage cuivreux proviennent d’un niveau du dernier quart du XIVe siècle et du premier quart du XVe siècle du site de Cuckoo Lane B à Southampton au Royaume-Uni2244. Des objets plus larges furent découverts dans l’abbaye de Jedburgh dans les Scottish 2241 Boucle : L x l = 2,9 x 4,9 cm, Passant : L x l = 2,1 x 4,25 cm, Chape : L x l = 2,9 x 3,5 cm / Boucle : L x l = 2,5 x 4,5 cm, Passant : L x l = 2,6 x 3,65 cm, Chape : L x l = 3 x 3,5 cm (Aubourg et Josset 2000, p. 155, n° 256 et 257 ; Aubourg et Josset 2003, p. 210, n° 117 et 119). 2242 Un objet entier, L x l = 7,6 x 9 cm, fosse du milieu du XVIe siècle (Lombard et al. 1987, pl. VI, n° 2). 2243 Deux boucles incomplètes, L x l = 2,2 x 2,4 cm et 1,5 x 1,7 cm (Bolos et al. 1981, n° 18 et 19 ; Monreal et Barrachina 1983, p. 260, fig. 117). 2244 Un anneau entier, L x l = 1,55 x 2,1 cm ; un artefact incomplet, L x l = 1,4 x 1,95 cm (Harvey et al. 1975, p. 257-258, fig. 241, n° 1752 et 1759). 439 3. Approche croisée du mobilier archéologique Borders2245 et à Londres2246, respectivement dans une phase d’occupation datée vers 1138 vers 1300 et un niveau de la deuxième moitié du XIVe siècle. Le spécimen écossais conserve une chape de type A2b. Dans le Hampshire à Winchester, une boucle dorée et émaillée de bleu a été récupérée sur le site de Brook street2247. Des anneaux plus longs que larges ont été fournis par la fouille de la Casale Laurentino (VIIIe - XVIIIe siècle) à Rome2248, par une opération archéologique sur le site d’une maison du village médiéval de Wythemail à Orlingbury dans le Northamptonshire2249. La traverse distale de l’objet italien est trois fois plus allongée que la traverse proximale. Le cadre de l’anneau anglais, à l’exception de la traverse proximale, est incisé de lignes obliques parallèles. Il a été trouvé dans un contexte de la deuxième moitié du XIIIe siècle ou peut-être de la première moitié du XIVe siècle. Un exemplaire à encoche distale non daté trouvé sur le site du College of the Vicars Choral à York possède une chape incomplète de type A2250. Parmi les trois pièces londoniennes plus longues que larges datées de la deuxième moitié du XIVe siècle et pour l’une de la première moitié du XVe siècle, la plus récente arbore une réduction localisée du centre de la traverse proximale et une encoche distale2251. Une première boucle à chape de type A5 conservée au musée de Meaux en Seine-etMarne2252 et une deuxième, à chape de type A, issue du village minier de Brande-en-Oisans (XIIe – milieu XIVe siècle) à L’Alpe d’Huez en Isère2253 illustrent la distinction parfois difficile entre les exemplaires du type J1c et ceux du type C6a. Les anneaux et boucles de type J1a sont courants aux XIVe et XVe siècles. La question de leur date d’apparition reste posée. Le contexte de la pièce de Jedburgh n’est pas daté avec précision mais la seconde moitié du XIIIe siècle peut être envisagée étant donné ce qui vient d’être remarqué. Une perduration durant l’Époque moderne est peut-être envisageable mais il 2245 Boucle complète, Boucle : L x l = 1,5 x 3,1 cm, Chape : L x l = 1,1 x 1,75 cm (Caldwell 1995a, p. 86, n° 43). 2246 Objet complet à encoche distale et avec ardillon fil, L x l = 1,6 x 2,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 99, n° 463). 2247 Artefact entier, L x l = 1,5 x 2,8 cm (Hinton 1990f, p. 523, n° 1226). 2248 Objet entier, dimensions inconnues (Mazzucato 1979, p. 79, fig. 54). 2249 Un anneau entier, L x l = 3,25 x 2,75 cm (Hurst et Hurst 1969, p. 199, n° 7). 2250 Boucle complète, L x l = 1,55 x 1,15 cm, Chape : L x l = 2 x 0,6 cm (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2894, n° 14324). 2251 Deux pièces entières, L x l = 1,9 x 1,75 et 5,4 x 4,8 cm, deuxième moitié XIVe siècle, un individu entier, L x l = 2,8 x 1,9 cm, première moitié XVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 101, n° 462, 464, 465). 2252 Objet entier avec chape, Boucle : L x l = 2,2 x 2,6 cm, Chape : L x l = 3,7 x 1,95 cm (Dupond et al. 1992, p. 95, n° 6). 2253 Artefact entier avec chape, Boucle : L x l = 2,1 x 2,4 cm, Chape : L x l = 3,6 x 1,55 cm (BaillyMaître M.-C. 1983, p. 95, pl. I-9, n° 1 ; Bailly-Maître et Bruno-Dupraz 1994, p. 128). 440 3. Approche croisée du mobilier archéologique est nécessaire de la vérifier par un dépouillement plus important de la bibliographie relative aux fouilles modernes et contemporaines. Type J1d : Anneau ou boucle à fenêtre trapézoïdale régulière, en fer (fig. 220, n° 10) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1, pallier d’entrée, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 1639, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420 Vaucluse  Rue Banasterie, Avignon : n° 251, datation inconnue. Les trois artefacts du corpus sont plus larges que longs. L’un d’eux, celui d’Avignon, en très mauvais état de conservation, comporte un ardillon. Dans la bibliographie, les exemplaires plus larges que longs2254 sont aussi nombreux que ceux qui sont plus longs que larges2255. Parmi ces derniers, quelques-uns comportent une encoche distale2256 et éventuellement un possible fragment de chape avec des traces d’une couverte blanche2257. Les variations de dimension traduisent certainement des fonctions différentes. Une fonction dans la fixation des pièces d’armement défensif est illustrée par un exemplaire londonien à encoche 2254 France, Charente : une boucle complète, L x l = 5,1 x 7 cm, vers 936 - vers 1028, plutôt fin de l’occupation du site, castrum d’Andone, Villejoubert (Bourgeois 2009, p. 233, n° 1625) ; Gers : un spécimen complet, L x l = 3,4 x 5,5 cm, vers 1170 – vers 1250, Corné, L’Isle-Bouzon (Lassure 1995, p. 532, fig. 423, n° 2) ; Indre : un exemplaire entier, L x l = 4,75 x 5,5 cm, XIe - début XIIIe siècle, Montbaron, Levroux (Querrien et Blanchard 2004, p. 123) ; Isère : un objet incomplet, L x l = 4,9 x 6,9 cm, un artefact complet, L x l = 6,4 x 8,2 cm, première moitié XIe siècle, Colletière, Charavinesles-Bains (Colardelle et Verdle 1993, p. 212). Italie, province de Coni : un spécimen complet, L x l = 2,45 x 3,2 cm, XIVe siècle, château de Montaldo di Mondovì (Cortelazzo et Lebole di Gangi 1991, p. 223-224, fig. 130, n° 3). 2255 France, Aisne : un anneau entier, L x l = 5,6 x 4,6 cm, deuxième moitié XVe siècle, La Cologne, Hargicourt (Bayard et Mantel 1989, p. 175) ; Ariège : une boucle, L x l = 6,6 x 6,8 cm, N.D.S., château de Montségur (Sarret 1980, p. 118, n° 45/71 ; Sarret 1981c, p. 127-129 ; Archéologie 1990, p. 262, n° 572) ; Meurthe-et-Moselle : un individu entier, L x l = 5,2 x 4,2 cm, N.D.S., maison forte des Armoises, Richardménil (Guarascio et Giuliato 2007, p. 162, fig. 103, n° 459-CA-5347). Italie, province de Gênes : un artefact entier, L x l = 4,3 x 4,1 cm, H.S. mais activité d’un atelier de verrier entre la dernière décennie du XIVe siècle et la première décennie du XVe siècle, Monte Lecco, Gênes (Fossati et Mannoni 1975, p. 55). 2256 Italie, province de Rome : une boucle entière, L x l = 6,2 x 4,65 cm, Crypta Balbi, Rome (Sfligiotti 1990, p. 540). 2257 Royaume-Uni, Carmarthenshire : anneau entier, L x l = 5,85 x 5 cm, dépôt de débris de bâtiments, seconde moitié XVIe - XVIIe siècle, abbaye des franciscains, Carmarthen (Brennan 2001, n° 125). 441 3. Approche croisée du mobilier archéologique distale dont la chape de type A1 est rivetée à une plate d’armure. Le contexte stratigraphique est daté de la première moitié du XVIe siècle2258. Des boucles plus larges que longues sont fixées, au moyen de tôles de fer rivetées, à l’avers d’un plastron, d’une dossière et d’une épaulière découverts près du village de Brodek u Přerova en République Tchèque. Ces protections défensives sont estimées de la deuxième moitié du XIVe et de la première moitié du siècle suivant2259. La documentation rassemblée actuellement permet d’envisager une apparition du type J1d au début du XIe siècle et une poursuite de son utilisation jusque durant l’Époque moderne et très probablement jusqu’à nos jours. Type J2 : Anneau ou boucle à fenêtre rectangulaire ou trapézoïdale, à traverse distale élargie (fig. 221, n° 1) Bouches-du-Rhône  Castrum de Montpaon, Fontvieille : n° L15/9, H.S. Cette boucle en fer possède un cadre très plat et une traverse distale élargie. Elle ne connaît pas d’élément analogue dans la bibliographie rassemblée. Une boucle à la traverse distale épaissie et élargie fut trouvée avec une boucle de type B4 sur un squelette qui pourrait avoir été inhumé aux XIVe - XVe siècles sur le site d’une villa romaine à Ovindoli dans la province de L’Aquila en Italie2260. Des boucles à fenêtre rectangulaire ou trapézoïdale en alliage cuivreux, parfois à ardillon en fer, au cadre à la traverse distale élargie, à chape de type A1b, A2b, A2d ou B1b, sont connues au RoyaumeUni, mais leurs caractéristiques sont relativement éloignées2261. D’aspect un peu plus proche est une boucle londonienne à chape de type A1a étamée datée de la deuxième moitié du XVe siècle ou de la première moitié du XVIe siècle2262. 2258 Boucle complète, Boucle : L x l = 1,4 x 2,9 cm, Chape : L x l = 12,9 x 2,3 cm (Egan 2005, n° 1086). 2259 Žákovský Petr 2009, fig. 3, n° 1, fig. 4, n° 3, fig. 13, n° 1, fig. 15, n ° 4, fig. 17, n° 1. 2260 d = 5,1 cm (Redi et Malandra 2003, p. 399, fig. 6, n° 1). 2261 Royaume-Uni, Grand Londres : six boucles entières ou complètes à chape de type A1b, A2b, A2d ou B1b, deuxième moitié du XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 96-97, n° 434 à 439) ; Yorkshire du Nord : deux objets entiers ou complets dont un à chape de type A, seconde moitié XVIe siècle et époque contemporaine, 46-54 Fishergate, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2894, n° 15187 et 15188). 2262 Objet complet, Boucle : L x l = 1,4 x 2 cm, Chape : L x l = 3,2 x 2,1 cm (Egan 2005, p. 36, n° 105). 442 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type J3 : Anneau ou boucle à fenêtre rectangulaire ou trapézoïdale, à traverse distale moulurée (fig. 221, n° 2 à 4) Bouches-du-Rhône  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1848, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1434, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400.  Rue Carreterie, Avignon : n° 330, contexte inconnu. Ces trois pièces sont toutes en alliage cuivreux. La boucle du castrum Saint-Jean (fig. 221, n° 4) et celle du Petit Palais (fig. 221, n° 3) possèdent une fenêtre trapézoïdale qui comporte trois bosses, une à la jonction de la traverse distale avec chaque traverse latérale et la dernière au centre de la traverse distale. La bosse centrale de l’artefact varois possède une encoche pour la réception du bout de l’ardillon. Une boucle similaire à ce spécimen, aux bosses quadrillées et avec chape de type A4a, provient d’un niveau de fin XIIIe/début XIVe - milieu XIVe siècle d’un bâtiment du village médiéval de Dracy à Baubigny en Côte-d’Or2263. D’un contexte des XIIIe - XIVe siècles du même site est issu une boucle plus longue, aux bosses sans quadrillage, ayant conservé son ardillon2264. Des coups d’un poinçon circulaire sont visibles sur les bosses d’un fragment de fenêtre quadrangulaire issu du village minier de Brandes (XIIe - milieu XIVe siècle) à L’Alpe d’Huez en Isère2265. Les entailles sont ordonnées à la façon des nervures d’une feuille. L’anneau du site du château de Rumney dans le South Glamorgan au Royaume-Uni arbore, outre les trois bosses de la traverse distale, une bosse à la jonction entre la traverse proximale et les traverses latérales2266. Il appartient à une strate datée entre vers 1270 et vers 1295. 2263 Boucle entière avec chape, Boucle : L x l = 2 x 3,35 cm, Chape : L x l = 3,3 x 1,7 cm (Abramowicz et al. 1970, fig. 210, n° 10 ; Piponnier 1975 b, p. 159, fig. 11, n° 6). 2264 Boucle complète, L x l = 2,1 x 2,1 cm (Abramowicz et al. 1970, fig. 102, n° 7). 2265 Anneau fragmentaire, L cons. x l recons. = 2,7 x 3,4 cm (Bailly-Maître 1983, p. 97, n° 464). 2266 Artefact entier, L x l = 2,2 x 2,7 cm (Lloyd-Fern et Sell 1992, p. 141, n° 3, fig. 19). 443 3. Approche croisée du mobilier archéologique D’autres formes d’anneaux et boucles moulurés en fer ou en alliage cuivreux se rencontrent dans la bibliographie ou dans le corpus. Les plus simples ont un ergot distal2267, d’autres plus complexes ont une traverse distale dentelée2268, bosselée (fig. 221, n° 2)2269, un cadre garni d’une bosse à chaque angle et un ergot distal2270, les traverses distale et latérales couvertes de denticules2271. La production d’anneaux et boucles de type J3 semble s’être concentrée entre la fin du XIIIe siècle et le XIVe siècle. Cette datation ne constitue pas une réelle datation typologique puisque les nombreuses formes présentées méritent d’être classées dans des sous-types distincts, ce qui ne peut être fait pour le moment faute de documentation suffisante. Type J4 : Anneau ou boucle à fenêtre rectangulaire ou trapézoïdale, à ergots internes (fig. 221, n° 5 à 7) Bouches-du-Rhône  Castrum de la Quille, Le Puy-Sainte-Réparade : n° 4, N.D.S. Var  Castrum d’Amphoux, Fox-Amphoux : n° 2, H.S.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3794, comblement de silo, deuxième quart du XIIIe siècle. Les trois exemplaires du corpus comportent une fenêtre trapézoïdale avec des ergots internes. Un massif quadrangulaire visible sur les deux faces des anneaux marque le centre de la traverse distale. Ce massif quadrangulaire est visible sur quelques spécimens 2267 France, Côte d’Or : boucle complète en alliage cuivreux, L x l = 1,5 x 2,3 cm, XIVe siècle, village déserté de Dracy, Baubigny (Cuisenier (dir.) 1987, p. 91) ; Royaume-Uni, Hampshire : artefact doré entier avec possible traces d’un ardillon en fer, avec chape de type A2, Boucle : 3,1 x 2,5 cm ; Chape : L x l = 2,8 x 1,9 cm, milieu XIIIe siècle, Brook street, Winchester (Hinton 1990f, p. 514, n° 1122) ; Suisse, canton d’Argovie : pièce entière en fer avec ergot distal à encoche, L x l = 4,8 x 7,3 cm, XIIIe siècle - 1515, château du Vieux Wartburg (Meyer 1974, p. 95, n° C 170). 2268 Meurthe-et-Moselle : objet entier en alliage cuivreux, L x l = 1,6 x 1,1 cm, terre noire humifère après abandon des XVIe - XVIIe siècles, maison forte des Armoises, Richardménil (Guarascio et Giuliato 2007, p. 164, fig. 106, n° 459-CA-5059). 2269 Un fragment de valve de moule en pierre gravé d’une empreinte de boucle à fenêtre rectangulaire à bossettes en bordure du cadre fut découvert à Magdebourg dans le land de Saxe-Anhalt en Allemagne, L x l = 2,7 x 2,95 cm (Berger 2006, p. 50, fig. 6-34, D). 2270 Royaume-Uni, Yorkshire du Nord : artefact entier, L x l = 1,5 x 5,7 cm, époque moderne, 16-22 Coppergate, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2894, n° 12895). 2271 Indre-et-Loire : objet fragmentaire, L x l = 1,7 x 4,4 cm, second/troisième quart XIVe siècle, site du château (Motteau (dir.) 1991, n° 91). 444 3. Approche croisée du mobilier archéologique trapézoïdaux2272, rectangulaires2273 ou presque rectangulaires2274 dans la bibliographie. Le massif peut être également ovale et bombé2275, plat, ovoïde et transversal à l’axe du cadre2276. Un contexte des années 1250/1300 - 1600 au complexe abbatial de Whithorn et Saint-Ninian dans le Dumfries and Galloway a fourni un anneau dont le massif en forme de demi-ballon de rugby est couvert d’un quadrillage2277. Le massif distal est remplacé par des denticules encadrant le centre de la traverse distale sur un anneau anglais2278. Sur de nombreux autres objets à fenêtre trapézoïdale2279 ou rectangulaire2280 la traverse distale est totalement vierge. Celle-ci est très incurvée vers l’extérieur pour un individu 2272 France, Ariège : une pièce entière, L x l = 1,7 x 2,4 cm, N.D.S., château de Montségur (Archéologie 1990, p. 206, n° 378) ; Isère : un spécimen entier, L x l = 1,3 x 1,9 cm, village minier de Brandes (XIIe - milieu XIVe siècle), L’Alpe d’Huez (Bailly-Maître 1983, p. 97, n° 425). RoyaumeUni, Aberdeenshire : un exemplaire entier, L x l = 2 x 2,25 cm, première moitié XIIIe - première moitié XVIe siècle, village déserté de Rattray (Goodall A. 1993, p. 189, fig. 40, n° 187) ; Yorkshire du Nord : un artefact entier, L x l = 2 x 2,65 cm, première moitié XIVe siècle, college of the Vicars Choral, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2903, n° 14378) ; Norfolk : un individu entier, L x l = 1,9 x 2,2 cm, vers 1280 - vers 1380, Barker Lane, King’s Lynn (Geddes et Carter 1977, p. 287, n° 13). 2273 France, Nord : un anneau entier, L x l = 1,9 x 2,3 cm, deuxième moitié du XIVe siècle, rue Mongat, Douai (Louis et al. 1998, p. 64, n° 14). 2274 Royaume-Uni, Dumfries and Galloway : artefact entier, L x l = 1,6 x 2,1 cm, vers 1250/1300 vers 1600, complexe abbatial de Whithorn et Saint-Ninian (Nicholson 1998a, p. 371, fig. 10.57, n° 9). 2275 Royaume-Uni, Yorkshire du Nord : pièce à fenêtre rectangulaire fragmentaire, L x l = 2,15 x 3,1 cm, seconde moitié XIIIe siècle, college of the Vicars Choral, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2903, n° 14377). 2276 Exemplaire entier, L x l = 2 x 2,5 cm, démolition d’atelier métallurgiste, seconde moitié XIVe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 124, n° 2487). 2277 Artefact entier, L x l = 1,7 x 1,9 cm (Nicholson 1998a, p. 371, fig. 10.57, n° 11). 2278 Objet entier, L x l = 1,6 x 2,5 cm, première moitié du XIVe siècle, High Street C, Southampton (Harvey et al. 1975, p. 255, fig. 240, n° 1725). Un autre anneau à ergots internes provient d’un niveau du XIIIe siècle ou de la première moitié du XIVe siècle du site de Cuckoo Lane A dans la même ville, mais sa traverse distale a disparu (Ibid., p. 257, fig. 241, n° 1736). 2279 France, Ariège : une pièce entière, L x l = 1,9 x 2,3 cm, un anneau entier, L x l = 2,1 x 3,9 cm, château de Montségur (Czeski 1981, p. 197, n° 1/72 et 16/76) ; Cher : spécimen entier, L x l = 1,5 x 2 cm, remblai de construction de maison, fin XIIe - première moitié XIIIe siècle, un exemplaire entier, L x l = 2 x 2,9 cm, dépotoir, seconde moitié XIIIe siècle, un artefact entier, L x l = 1,9 x 2,2 cm, occupation d’une tannerie, première moitié XIVe siècle, une pièce entière, L x l = 2 x 2,4 cm, dépotoir, première moitié XIVe siècle, un anneau entier, L x l = 1,4 x 1,6 cm, remblai de construction issu de démolition, seconde moitié XIVe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 123-124, n° 2526, 1518, 179, 228, 169) ; Côte-d’Or : un exemplaire entier, L x l = 1,6 x 2 cm, XIIIe siècle, château, Saint-Romain (Bourgogne 1987, p. 185, n° 509) ; Isère : trois artefacts entiers, L x l = 1,4 x 2,2 cm et 1,6 x 2,9 et 1,5 x 2,1 cm, village minier de Brandes (XIIe - milieu XIVe siècle), L’Alpe d’Huez (Bailly-Maître 1983, p. 95-96, n° 217, 338 et 459 ; Bailly-Maître et Bruno Dupraz 1994, p. 128) ; une pièce entière, L x l = 2,3 x 4,55 cm, N.D.S., château de Bressieux (Girard et Lafond 2009, p. 167, n° 207, n° 6) ; Jura : un anneau entier, L x l = 1,8 x 2,3 cm, XIIIe - XVe siècle, château de Pymont, Villeneuve-sous-Pymont (Jeanjacquot 1993, p. 105, fig. 63, n° 1934) ; Paris : un individu entier, L x l = 1,8 x 1,8 cm, remblai, XVe - XVIIIe siècle, couvent et monastère de l’Ave Maria (Bouëtiez de Kerorguen 1996, p. 163, fig. 6, n° 11) ; Vosges : une pièce ?, L x l = 2,4 x 3,2 cm, remblai, vers 1500 - vers 1650, château d’Épinal (Kraemer 2002, p. 244). Royaume-Uni, Scottish Borders : une pièce entière, L x l = 1,85 x 2,95 cm, perturbation moderne, abbaye de Jedburgh 445 3. Approche croisée du mobilier archéologique anglais2281, vers l’intérieur et le cadre est doré pour une pièce de Côte d’Or2282. Dans ce même département, sur le site du village médiéval de Dracy à Baubigny, une boucle à fenêtre trapézoïdale comporte encore un fragment d’ardillon en fer2283. D’une fouille dans la rue Mongat à Douai dans le Nord provient un exemplaire avec une chape de type B2b. La perforation circulaire en partie distale de la chape atteste d’un ardillon disparu. La traverse distale ne comporte pas de massif quadrangulaire mais un très léger ergot en son centre et deux autres à la jonction avec les traverses latérales2284. Les anneaux ou boucles à fenêtre quadrangulaire à ergots internes, avec ou sans massif sur la traverse distale, semblent être contemporains et attribuables à une période comprise entre le premier ou le deuxième quart du XIIIe siècle et le XIVe siècle. Les objets présentant un massif distal ne comportent jamais d’ardillon dans l’état actuel des données. Une fonction en tant que passant est très probable. Type J5 : Anneau ou boucle à fenêtre rectangulaire ou trapézoïdale, à ergots proximaux (fig. 221, n° 8 et 9) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1151 et 1152, H.S. Ces deux anneaux ne connaissent aucun élément similaire dans la bibliographie. Ils proviennent tous deux d’un site ayant subi une très forte occupation entre la fin du XIIIe siècle et la fin du siècle suivant. Il ne peut être écarté, toutefois, qu’ils aient pu être déposés lors des aménagements modernes, cependant très réduits. (Caldwell 1995a, p. 84, n° 14 et 15) ; Yorkshire du Nord : un spécimen entier, L x l = 1,25 x 1,3 cm, milieu - deuxième moitié XIIIe siècle, un artefact entier, L x l = 2 x 2,7 cm, milieu XIVe - première moitié XVe siècle, college of the Vicars Choral, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2903, n° 14379). République Tchèque, district de Jihlava : un objet entier, L x l = 2,2 x 4,45 cm, XIIIe siècle, village minier de Staré Hory, Jihlava (Hrubý et Zimola 2008, p. 169). 2280 Aude : un individu entier, L x l = 1,6 x 2,45 cm, château de Peyrepertuse (N.D.S.), Duilhac-sousPeyrepertuse (Bayrou 2000 d, p. 211, fig. 143, n° 5). 2281 Royaume-Uni, Denbighshire : un individu entier, L x l = 1,5 x 2,3 cm, trou de poteau de datation incertaine, Xe - XIIe siècle ou plus tardif ?, Rhuddlan (Quinnell et al. 1994, p. 165, n° 1, fig. 16.1). 2282 Côte d’Or : un exemplaire entier, L x l = 2 x 2,2 cm, XIVe siècle, Grange du Mont, Charny (Beck 1989, p. 72, n° 80). 2283 Pièce incomplète, L x l = 1,8 x 1,9 cm (Bourgogne 1987, p. 153). 2284 Anneau entier, Boucle : L x l = 2,1 x 3 cm, Chape : L x l = 4 x 1,8 cm (Louis et al. 1998, p. 61, n° 3). 446 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type J6 : Anneau ou boucle à fenêtre rectangulaire ou trapézoïdale, à rouleau (fig. 221, n° 10 à 14) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1775, remblai pour l’installation d’un sol, vers 1285 - vers 1309/1315 ; n° 3410, sol de zone de circulation, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 2729, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420.  Cadrix, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 376, H.S. Vaucluse  Palais des Papes, salle de théologie, Avignon : n° 40, fin XIVe - XVIe siècle. L’ensemble des exemplaires du type J6 du corpus est en fer. La fenêtre est rectangulaire ou légèrement trapézoïdale. Le rouleau est une tôle de fer unie, décorée d’incisions dans un cas (fig. 221, n° 10) : une à chaque extrémité du rouleau, deux autres aux environs de son centre. Un ardillon est conservé pour deux objets (fig. 221, n° 12 et 13) mais aucune chape n’est présente de même que pour les artefacts référencés dans la bibliographie. Dans la documentation, l’ardillon des boucles est souvent conservé. Les fenêtres rectangulaires2285 et trapézoïdales en fer sont presque toujours plus larges que longues. Pour cette dernière forme, le rouleau peut être disposé autour de la traverse la plus courte et l’ardillon sur la traverse la plus longue2286. Pour d’autres artefacts, la traverse la plus longue, réduite, réceptionne le rouleau : c’est le cas pour un objet londonien à chape analogue au type 2285 France, Ariège : un individu complet, L x l = 6,6 x 5,8 cm, N.D.S., château de Montségur (Sarret 1980, p. 116 ; Sarret 1981 c, p. 127 ; Archéologie 1990, p. 262, n° 571). Gers : une boucle complète, L x l = 4,2 x 5,5 cm, vers 1170 - vers 1250, Corné, l’Isle-Bouzon (Lassure 1995, p. 532, fig. 423, n° 4 ; Archéologie 1990, p. 261, n° 566) ; Pas-de-Calais : deux objets complets, L x l = 2,9 x 3,8 cm et 3,8 x 5,5 cm, N.D.S., château, Grigny (Dilly et al. 1999, p. 121, fig. 4.40). Italie, province de Grossetto : un artefact complet, L x l = 1,75 x 2,5 cm, XIVe siècle, castell di Pietra, Gavorrano (Belli 2002, p. 151). Suisse, canton du Tessin : deux pièces complètes, L x l = 2,4 x 3 cm et 2,5 x 3 cm, N.D.S. (la datation proposée est typologique), castel Grande, Bellinzona (Meyer 1976, p. 86, n° K 62 et 63). Royaume-Uni, Londres : une boucle complète avec traces d’étamage, Boucle : L x l = 1,3 x 1,3 cm, Chape : L x l = 2 x 1 cm, deuxième moitié du XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 95, n° 432). 2286 Italie, province de Grosseto : un individu complet, L x l = 8,4 x 9,4 cm, fin XIVe siècle, castel di Pietra, Gavorrano (Belli 2002, p. 151) ; province de Pesaro et Urbino : un objet complet, L x l = 3,45 x 5,3 cm, XIIe - XIIIe siècle Castello di Monte Copiolo, Montecopiolo (Ermeti et al. 2008, p. 165). Royaume-Uni, Londres : un exemplaire incomplet, L x l = 5,6 x 4,6 cm, Abbots Lane, Londres (Egan 2005, p. 36, n° 109) ; Yorkshire du Nord : une boucle complète, L x l = 3,7 x 4,45 cm, niveau de destruction, deuxième moitié XVe siècle - première moitié XVIe siècle, Moated house de East Haddlesey, Knottingley (Goodall 1973, p. 93, fig. 37, n° 22). 447 3. Approche croisée du mobilier archéologique A2c2287, pour un exemplaire italien au cadre plus long que large dont la traverse proximale est également réduite2288. Un autre spécimen italien possède un cadre régulier2289. Une courroie de cuir est encore attachée à une boucle en fer retrouvée dans le comblement d’abandon de la seconde moitié du XIIIe siècle d’un moulin sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher2290. Le cadre plat est analogue à une pièce du corpus de type J7 (fig. 222, n° 2). Quatre grands anneaux et boucles en fer, avec traces d’étamage, du second Moyen Âge, trouvés à Londres, sont interprétés par J. Clark comme étant relatifs au harnachement des équidés. Ils proviennent de contextes datés vers 1270 - vers 1350 et vers 1350 - vers 1400 pour le plus récent2291. Celui-ci et un spécimen plus ancien comportent des ensembles de deux ou trois rainures incrustées d’étain en plusieurs points du cadre. Ces décorations se rencontrent aussi sur le rouleau de la pièce la plus vieille, enroulé autour de la traverse distale réduite. Il en est peut-être de même pour les trois autres pièces, lesquelles n’ont pas été dessinées. Les anneaux et boucles en fer du type J6 sont connus au moins depuis le début du XIIIe siècle. Les spécimens en alliage cuivreux sont moins courants que ceux en fer. Peut-être sontils apparus un peu plus tardivement que les exemplaires en fer, comme cela se remarque parfois pour d’autres types, mais ceci ne peut actuellement être prouvé. Le cadre de quelques boucles est homogène2292 mais, ordinairement, la traverse distale est rétrécie2293 ou réduite2294 et parfois également la traverse proximale. Un fragment d’anneau retrouvé dans un niveau des 2287 Royaume-Uni, Grand Londres : une boucle complète avec traces d’étamage, Boucle : L x l = 1,3 x 1,3 cm, Chape : L x l = 2 x 1 cm, vers 1270 - vers 1350, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 95, n° 440). 2288 Italie, province de Rome : une pièce complète, L x l = 7,8 x 5,7 cm, deuxième moitié XIVe début XVe siècle, Crypta Balbi, Rome (Sfligiotti 1990, p. 540). 2289 Italie, province de Pérouse : un artefact complet, L x l = 2,2 x 5,1 cm, deuxième moitié XVe siècle - 1502, Rocca posteriore, Gubbio (Whitehouse 1976, p. 265). 2290 Spécimen complet, L x l = 3,3 x 3,3 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 115-116, n° 2511). 2291 Royaume-Uni, Londres : une boucle complète, L x l = 6,3 x 7 cm, un anneau incomplet, L x l = 6,5 x 8,9 cm, un anneau entier, L x l = 5,9 x 7,2 cm, vers 1270 - vers 1350, Swan Lane Car Park, Londres ; un anneau fragmentaire, L x l = 6,3 x 6,9 cm, vers 1350 - vers 1400, Billingsgate lorry Park, Londres (Clark 2004², p. 57, n° 35 à 38). 2292 France, Jura : un anneau entier (L x l = 1,8 x 1,8 cm), XIIIe - XVe siècle, château de Pymont, Villeneuve-sous-Pymont (Jeanjacquot 1993, p. 105, fig. 63, n° 1923). Italie, province de Udine : XVIe siècle avec matériel céramique XIe - XIIIe siècle jusque peut-être début XIVe siècle, castello della motta di Savorgnano, Povoletto (Piuzzi et al. 2003, p. 98, n° 222). 2293 Royaume-Uni, Londres : Boucle complète, L x l = 2 x 1,95 cm, deuxième moitié du XVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 95, n° 426). 2294 Espagne, province de Barcelone : Individu complet, L x l = 2,8 x 3,7 cm, N.D.S. (trouvé avec de la céramique du XVe siècle), castell de Burriac, Cabrera de Mar (Farell et al. 2000, p. 252). 448 3. Approche croisée du mobilier archéologique XIVe - XVe siècles lors d’une fouille rue Mongat à Douai dans le Nord2295 et un objet provenant d’un contexte de la première moitié du XIVe siècle du site du College of the vicars choral à York2296 présentent ces deux caractéristiques. Le rouleau de l’artefact français est parcouru de lignes en creux parallèles à l’axe de l’objet. Une boucle issue d’une phase datée entre vers 1550 et vers 1589 de l’occupation du site de San Silvestro à Gênes en Italie comporte en sus des talons2297. Cette caractéristique est unique dans la bibliographie rassemblée. Les anneaux et boucles à rouleau en fer ou en alliage cuivreux sont encore employés actuellement. Certains individus en alliage à base de cuivre ont un cadre dont l’aspect de la surface est sans aucun défaut et une section des traverses parfaitement circulaire. Ces caractéristiques sont typiques des productions de la fin de l’Époque moderne et de l’époque contemporaine. En Provence, un spécimen a été ramassé lors de travaux le long de la D 24 au lieu-dit Le Clos à Rougiers2298. Des exemplaires du type J6 à mulinello (Toscan) pourraient avoir été mentionnés dans la correspondance de la succursale d’Avignon de la compagnie Datini : ils sont commandés de 1363 à 1370 aux filiales de Milan, Florence ou Gênes, et destinés à la fixation de protections d’avant-bras d’armure, de courroies de harnachement ou de livres2299. Les pièces de type J6 sont préconisées dans le serrage de la presque totalité des sangles de harnais dans l’Aide-mémoire portatif à l’usage des officiers d’artillerie édité en 18312300 et dans le Guide sur la manière de harnacher, charger et atteler les chevaux de trait paru en 18392301. Le serrage de la selle du cheval de bât doit être renouvelé après la première heure de marche afin d’éviter les blessures de l’animal rappelle l’Aide-mémoire2302 et les boucles de type J6 doivent être fortement serrées commente le Guide. Un fabricant actuel de selles et de harnais explique que les boucles à rouleau sont plus faciles à régler et que les courroies restent ainsi à plat dans la boucle et ne cassent pas à la pliure2303. 2295 L x l = 1,85 x 3,4 cm (Louis et al. 1998, p. 64, n° 7). Artefact entier, L x l = 1,55 x 1,5 cm (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2894, n° 14319). 2297 Boucle complète, L x l = 3,5 x 3,9 cm (Andrews 1978, p. 194, n° 33). 2298 Anneau entier, L x l x d cadre x d rouleau = 2,7 x 6,4 x 0,41 x 0,6/ 0,8 cm, objet inédit hors stratigraphie. 2299 Frangioni 2002, p. 101, 110, 115, 120, 126, 129, 133, 139, 147, 148, 155, 162, 164, 165. 2300 Aide-mémoire 1831, p. 74. 2301 Guide 1839, p. 17. 2302 Aide-mémoire 1831, p. 73. 2303 www.guichard-sellier.fr/bat%20R/harnais%20de%20bat.htm (consulté le 20 novembre 2014). 2296 449 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type J7 : Anneau ou boucle à fenêtre rectangulaire ou trapézoïdale, à traverse distale mobile (fig. 222, n° 1 à 4) Bouches-du-Rhône  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : n° B460097, « couche d’occupation » du XIVe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 36, sol de bâtiment, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 2439, couche de dépotoir, vers 1345 - vers 1360 ; n° 3149, sol de zone de circulation, vers 1360 - vers 1370/1375. Les quatre exemplaires provençaux en fer sont constitués de deux pièces : une traverse distale mobile et un cadre en U de section quadrangulaire. La traverse distale mobile peut être de section circulaire aux bords convexes (fig. 222, n° 1, 3 et 4) ou quadrangulaire et droite (fig. 222, n° 2), avec dans deux cas un rétrécissement central réceptionnant le bout de l’ardillon (fig. 222, n° 2 et 3). Lorsque la traverse distale est de section quadrangulaire, les extrémités sont circulaires de façon à pouvoir pivoter. Les deux extrémités de la traverse distale passent dans un œillet pratiqué dans chaque traverse latérale et sont éventuellement matées. L’ouverture dans les traverses latérales a été réalisée en enroulant la tôle de fer (fig. 222, n° 3) ou en perçant le métal avec un poinçon (fig. 222, n° 3). Le montage de la traverse distale est différent pour deux exemplaires (fig. 222, n° 1 et 4) puisque les extrémités de la traverse distale sont réceptionnées dans de petites cavités des traverses latérales. Des incisions ornent l’avers des œillets (fig. 222, n° 2) ou la traverse distale de plusieurs spécimens (fig. 222, n° 1 et 2). L’anneau provenant de Fos-sur-Mer et la boucle de Rougiers la plus ancienne (fig. 222, n° 3 et 4) présentent une largeur relativement régulière tout comme la grande majorité des anneaux et boucles de type J7 reconnus dans la bibliographie rassemblée. Un autre artefact retrouvé à Rougiers se particularise par des ergots internes (fig. 222, n° 1). L’épaisseur du cadre augmente progressivement de la traverse proximale à l’extrémité distale sur trois objets provençaux (fig. 222, n° 1, 3, 4). Ceci n’est pas la norme puisque pour de nombreux éléments de la bibliographie l’épaisseur reste identique jusqu’aux œillets ou n’augmente que sur une section. Plusieurs solutions ont été imaginées afin que la traverse distale mobile à bords droits reste en place : les extrémités de la traverse s’adaptent à des œillets d’un plus faible diamètre 450 3. Approche croisée du mobilier archéologique (fig. 222, n° 2)2304, des massifs bombés ou plats – parfois coniques aux XIe et XIIe siècles, plus ou moins coniques au XIIIe siècle – terminent les extrémités de la traverse distale après leur passage au travers des œillets (fig. 222, n° 3) obtenus par poinçonnage2305 ou par enroulement2306. Dans de nombreux cas, le dessin ou la photo ne permet pas de déterminer la solution retenue2307. Une boucle incomplète datée vers 1270 - vers 1350 mise au jour à 2304 Se référer par exemple à une boucle avec traces d’étamage issue d’un contexte londonien daté vers 1270 - vers 1350 et présentant une restriction au milieu de la traverse distale de section circulaire à bords droits (Clark 2004², p. 57, n° 30). 2305 Royaume-Uni, Lincolsnhire : une boucle complète, L x l = 6,4 x 4,6 cm, phase II, village médiéval, Goltho (Goodall et al. 1975, p. 89, fig. 41, n° 121) ; Southampton : un anneau entier avec traces d’étamage, L x l = 3,4 x 3,7 cm, XIe - XIIe siècle, Wacher B2, Southampton (Harvey et al. 1975, p. 277, fig. 250, n° 1973). 2306 France, Calvados : une pièce entière, L x l = 5,5 x 7,6 cm, première moitié XIe siècle, motte d’Olivet (?), Grimbosq (Halbout et al. 1987, p. 184, n° 707) ; Gers : une anneau entier, L x l x l totale = 4,9 x 5 x 6,4 cm, une boucle complète, L x l x l totale = 3,9 x 4 x 5,6 cm, un anneau entier, L x l x l totale = 5 x 5,5 x 6,9 cm, vers 1170 - vers 1250, village de Corné, l’Isle-Bouzon (Lassure 1995, p. 533, pl. 423, n° 3 et 6, pl. 424, n° 1 ; De Toulouse 1989, p. 268-269, n° 373 et 374 ; Archéologie 1990, p. 261, n° 567) ; Isère : un artefact complet avec traverse distale de section quadrangulaire à extrémités coniques, L x l x l totale = 6 x 7,4 x 9,6 cm, première moitié XIe siècle, Colletière, Charavines-les-Bains (Colardelle et Verdle 1993, p. 212) ; Manche : un spécimen complet, L x l = 5,5 x 7,5 cm, XIIe siècle, Cherbourg (Halbout et al. 1987, p. 184, n° 708) ; Somme : une boucle complète avec traverse distale de section quadrangulaire (?) aux extrémités coniques, L x l total = 5,9 x 7,1 cm, deuxième moitié du XIe siècle, une boucle complète avec traverse distale de section quadrangulaire (?) aux extrémités coniques ou bombées, L x l = 6,6 x 7,6 cm, XIIIe siècle, château de Boves (Legros 2012b, p. 96, fig. 1, n° 19 et 20). Royaume-Uni, Dumfries and Galloway : un artefact complet, L x l = 5 x 8,3 cm, un objet incomplet, L x l = 5,7 x 6,9 cm, 1370 - 1455, château de Threave (Caldwell 1981, p. 112, fig. 11, n° 90 et 91) ; Yorkshire du Nord : un objet entier avec traces d’étamage, L x l = 5,2 x 4,6 cm, première moitié XIIe siècle, un artefact complet aux traverses latérales gravées de quatre lignes incisées obliques, L x l = 6 x 5,1 cm, seconde moitié XIIe siècle, plusieurs fragments datés des XIe - XIIe siècles, de la seconde moitié du XIIe siècle, du milieu XIVe - milieu XVIe siècle, du milieu du XVe siècle, 16-22 Coppergate, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2894, n° 12689, 12691 à 12695). 2307 France, Calvados : un anneau entier aux extrémités coniques, dimensions inconnues, vers 1150 1204, château, Rubercy (Les châteaux normands 1987, p. 53) ; Charente : quatre boucles, L x l = 5,9 x 8,9 cm et 6,7 x 10 cm et 4,7 x 9,4 cm et 5,6 x 8,8 cm, vers 936 - vers 1028, castrum d’Andone, Villejoubert (Bourgeois 2009, p. 234, n° 1649 à 1651) ; Charente-Maritime : un exemplaire complet, L x l = 5,1 x 7 cm, sol de la deuxième moitié du XIIIe siècle et de la première moitié du XIVe siècle, Jardins du Carmel, La Rochelle (Berthon (dir.) 2013, p. 65, n° 77). Italie, province de Coni : fragment de traverse distale mobile à extrémités coniques, L cons. x d = 6,8 x 0,9 cm, datation du contexte inconnue, château, Montaldo di Mondovì (Cortelazzo et Lebole di Gangi 1991, fig. 130, n° 13) ; province de Lucques : un individu complet avec traverse distale de section quadrangulaire, L x l = 3,74 x 4,4 cm, première moitié XIe siècle, château de Gorfigliano, Minucciano (Gobbato 2000, p. 168). Espagne, Alt Empordà : une boucle complète, dimensions inconnues, seconde moitié VIIe premier quart VIIIe siècle, castrum del Puig, Roses (El castrum 2003, p. 84, fig. 121, n° 28). Royaume-Uni, Dumfries and Galloway : un anneau entier, L x l = 4,4 x 4,4 cm, 1250/1300 - 1600 ?, complexe abbatial, Whithorn et Saint-Ninian (Nicholson 1998b, p. 420, fig. 10.99, n° 44.13). 451 3. Approche croisée du mobilier archéologique Londres, à œillets poinçonnés, dont la traverse distale a disparue, possède une chape de type A2b2308. Dans la bibliographie, lorsque les bords de la traverse distale sont convexes, la différence d’épaisseur suffit en elle-même pour la tenir en place (fig. 222, n° 3). Une pièce découverte sur le site de Miranduolo à Chiusdino dans la province de Sienne en Italie, dans un contexte daté entre le deuxième quart du XIe siècle et la première moitié du XIIe siècle, possède une traverse distale mobile de section circulaire aux bords très convexes avec une restriction centrale pour la réception du bout de l’ardillon2309. Une boucle du site de Corné à l’Isle-Bouzon (vers 1270 - vers 1350), à traverse distale de section circulaire aux extrémités matées, est la seule mise au jour avec une chape, de type A1d2310. Un groupe d’anneaux et de boucles auquel appartient la plus grande boucle de Rougiers (fig. 222, n° 2) se distingue par des traverses latérales très aplaties. L’artefact possède une traverse distale plus épaisse. Cette caractéristique se retrouve sur deux boucles à traverse distale de section circulaire à bords convexes dans la bibliographie : un objet dans une phase de dépotoir de la deuxième moitié du XVIe siècle dans des latrines du château de Blandy-les-Tours en Seine-et-Marne2311, une boucle londonienne appartenant à une phase datée vers 1270 - vers 13502312. L’œillet est semble-t-il obtenu par enroulement du métal dans le premier cas, par percement dans le deuxième cas. Pour d’autres boucles, à traverse distale de section circulaire ou quadrangulaire à bords droits, la traverse proximale est d’une épaisseur similaire à celle des traverses latérales. C’est le cas d’un exemplaire normand, d’une pièce suisse et de plusieurs spécimens anglais, dont une pièce londonienne aux traverses latérales gravées de petits traits parallèles, retrouvés dans des contextes de la fin du Moyen Âge2313. Un autre artefact londonien présentant ces éléments de forme se distingue par une 2308 Un artefact incomplet, boucle : L x l = 1,6 x 1,7 cm, Chape : L x l = 3,1 x 1,8 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 97, n° 441). 2309 Italie, province de Sienne : un anneau entier, L x l = 3,4 x 5,1 cm, deuxième quart du XIe première moitié du XIIe siècle, Miranduolo, Chiusdino (Ceppatelli 2008, p. 419, 423, fig. 187, n° 10). 2310 France, Gers : une boucle complète, Boucle : L x l = 3,1 x 3,1 cm, Chape : L x l = 3 x 1,7 cm, vers 1170 - vers 1250, village de Corné, l’Isle-Bouzon (Lassure 1995, p. 533, pl. 424, n° 2) ; 2311 Un individu complet, L x l = 6 x 7,5 cm (Coste 2006a, p. 124, fig. 79, n° 2 ; cat. p. 179). 2312 Une boucle complète avec traces d’étamage, L x l = 4,2 x 4,1 cm, vers 1270 - vers 1350 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 95, n° 428 ; Clark 2004², p. 57, n° 29). 2313 France, Calvados : une boucle complète, L x l = 7,1 x 9,4 cm, milieu XIVe siècle, Saint-Vaastsur-Seulles (Halbout et al. 1987, p. 185, n° 709). Suisse, canton d’Argovie : un anneau fragmentaire à traverse de section circulaire aux extrémités réduites, L x l = 6,5 x 8,7 cm, XIIIe siècle - vers 1515, château du Vieux Wartburg (Meyer 1974, p. 95, n° C 162). Royaume-Uni, Carmarthenshire : une boucle incomplète, à œillets poinçonnés, L x l = 6 x 6,75 cm, débris de bâtiment, XVIe siècle, abbaye des franciscains, Carmarthen (Brennan 2001, n° 124) ; Cardiff : un exemplaire entier à traverse distale de section circulaire à extrémités coniques ou bombées, L x l = 5,8 x 6,2 cm, un spécimen complet à 452 3. Approche croisée du mobilier archéologique jonction entre les traverses latérales et proximale assez arrondie qui pourrait presque le classer dans les anneaux et boucles de type C2314. Dans le cas d’un anneau mis au jour au château de Mataplana (XIe - XVe siècles) à Gombrèn dans la province de Gérone en Espagne, la fenêtre ne peut plus être considérée comme quadrangulaire, elle est semi-ovale2315. Les anneaux et boucles de type J7 ne sont pas exclusivement en fer puisqu’une bouclette en alliage cuivreux au cadre gravé de traits parallèles obliques, à ardillon en fer, provient du village déserté de Corné à l’Isle-Bouzon dans le Gers2316. Sa traverse distale mobile de section circulaire à bords droits est terminée par des renflements. La boucle et la chape de type D1 conservent des traces de dorure. Les anneaux et boucles du type J7, connus au moins depuis le haut Moyen Âge en Espagne, depuis les environs de l’an Mil sur l’actuel territoire français, sont relativement courants en contexte archéologique. Leur emploi perdure jusqu’au XVIe siècle, mais ils sont beaucoup moins fréquents passé la première moitié du XIVe siècle. Les exemplaires en fer sont souvent interprétés comme des éléments de harnachement et plus particulièrement comme des boucles de sous-ventrière, la traverse mobile facilitant l’ajustement des sangles. Type J8 : Anneau ou boucle composite, à fenêtre rectangulaire ou trapézoïdale, sans traverse mobile (fig. 222, n° 5 à 8) Les anneaux et boucles du type J8 sont subdivisés en trois sous-types selon que la traverse proximale accueille ou ait pu accueillir un ardillon (sous-type J8a), qu’elle n’ait jamais reçu d’ardillon (sous-type J8b), que l’objet ait pu être utilisé comme passant grâce à des ergots proximaux (J8c). Les objets de type J8 présentent beaucoup de similitudes avec les artefacts des types C8 et F4 datés pour la plupart du XIVe siècle. On peut noter l’absence de traverse de section circulaire aux extrémités matées ?, L x l = 7 x 6,3 cm, post. 1270 - vers 1295, Rumney castle (Lloyd-Fern et Sell 1992, p. 136, fig. 16, n° 30) ; Essex : une pièce complète, à œillets poinçonnés, à traverse de section circulaire aux extrémités bombées, L x l = 5,6 x 6,9 cm, niveau de destruction (1425 - 1521), King John’s hunting lodge, Writtle (Rahtz 1969, p. 85, fig. 47, n° 54) ; Londres : un spécimen complet avec traces d’étamage, à œillets poinçonnés, à traverse de section quadrangulaire aux extrémités réduites, L x l = 5,7 x 7,5 cm, vers 1270 - vers 1350, Londres (Clark 2004², p. 57, n° 31). 2314 Un exemplaire complet, L x l = 5,2 x 6,9 cm, deuxième moitié du XIVe siècle, Londres (Clark 2004², p. 57, n° 32). 2315 Anneau entier, L x l = 3,5 x 3,5 cm (Marugan et Sancho 1994, p. 81, n° 37). 2316 Boucle incomplète avec chape complète, Boucle : L x l x l totale = 2,8 x 2,4 x 3,3, Chape : L x l = 3,1 x 1,6 cm (Lassure 1995, p. 508-509, fig. 409, n° 3). 453 3. Approche croisée du mobilier archéologique découverte, en Provence, jusqu’à présent, d’anneaux de type J8 ayant fonctionnés dans le cadre d’un dispositif d’agrafage tels que ceux des types C8c et F4c. De tels accessoires, à fenêtre trapézoïdale, furent mis au jour dans un foyer (fin XVe/début XVIe - début XVIIe siècle) d’un bâtiment à l’emplacement du cimetière de l’église de Rigny à Rigny-Ussé en Indre-et-Loire2317, à La Tour Saint-Laurent à Oze dans les HautesAlpes, sur le bassin d’une femme âgée de 20 à 25 ans inhumée au bas Moyen Âge2318, à proximité d’une sépulture du Ve siècle à Százhalombatta en Hongrie2319. Le clapet distal de ces deux derniers spécimens est décoré de zigzags et leur chape est respectivement de type C1a et C2. Des découvertes d’anneaux à fenêtre quadrangulaire furent faites au RoyaumeUni, dans des niveaux de la seconde moitié du XIVe siècle et de la première moitié du XVe siècle à Londres2320, dans un contexte postérieur au XVe siècle, Surrey street à King’s Lynn dans le comté de Norfolk2321, au château de Caergwrle (N.D.S.) dans le comté de Flintshire2322. Le clapet distal est parfois gravé, de même que la chape de type C1a, C1c ou C2. Type J8a : Anneau ou boucle composite, à fenêtre rectangulaire ou trapézoïdale, en alliage cuivreux, sans traverse mobile (fig. 222, n° 5 et 6) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1290, N.D.S.  Puits près du théâtre antique, Orange : n° 2, comblement de puits de la première moitié du XIVe siècle. 2317 Anneau complet à chape de type C (disposition des rivets inconnue), Boucle : L x l = 1,95 x 2,05 cm, Chape : L x l = 3,85 x 1,5 cm (Poirot et al. 1992, p. 159). 2318 Un objet complet à chape de type C1a, Boucle : L x l = 1,35 x 1,9 cm ; Chape : L x l = 3 x 1,05 cm, XIe - XIVe siècle (Bonnefoi 1969, p. 25). 2319 Pièce complète à chape de type C2, Boucle : L x l = 1,6 x 2,2 cm ; Chape : L x l = 6,15 x 1,25 cm (Kovács 2004, p. 130, fig. 5, n° 1). 2320 Boucle complète avec chape de type C2, Boucle : L x l = 1,4 x 1,7 cm ; Chape : L x l = 2,2 x 1,4 cm, boucle complète avec chape de type C1c, Boucle : L x l = 1,25 x 1,15 cm ; Chape : L x l = 1,6 x 1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 117, 119, n° 565 et 566) 2321 Exemplaire complet, L x l = 1,3 x 1,7 cm ; tôle : L x l = 0,8 x 1,7 cm (Geddes et Carter 1977, p. 287, n° 15). 2322 Spécimen complet avec chape de type C1a, Boucle : L x l = 1,3 x 0,9 cm, Chape : L x l = 1,7 x 0,6 cm (Courtney 1994, p. 114, fig. 15, n° 11). 454 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les anneaux et boucles du type J8a présentent des similitudes avec les exemplaires des types C8a et F4a. Les deux objets du corpus, en alliage cuivreux, font état de légères différences. Celles-ci n’ont, actuellement, pas conduit à les distinguer dans des sous-types car les éléments de comparaison sont particulièrement diversifiés. La pièce d’Avignon (fig. 222, n° 5) est constituée d’une tige, enfilée dans un pseudorouleau, dont les extrémités sont matées au revers des extrémités d’une tôle pliée en U. Les bords latéraux du pseudo-rouleau sont probablement brasés aux faces internes de cette plaque de métal. La chape de type B1a est brasée sur la circonférence de la traverse proximale. Un petit fragment d’ardillon en fer est conservé. Un premier objet au cadre de construction identique provient d’un site normand2323, un deuxième d’un sol de milieu XIIIe - milieu XIVe siècle du site de l’abbaye des franciscains à Carmarthen dans le Carmarthenshire au Royaume-Uni2324. L’anneau d’Orange, trapézoïdal (fig. 222, n° 6), est d’une fabrication similaire à l’objet d’Avignon, mais il comporte une barre de section pentagonale en lieu et place de la tige couverte d’un rouleau. Une barre isolée trouvée hors stratigraphie au castrum Saint-Jean de Rougiers est de section pentagonale. Un anneau analogue, avec une traverse distale de même section, fut découvert dans un contexte des XIIIe - XVIIe siècles rue Mongat à Douai dans le Nord2325. Au château d’Ortenbourg dans le Bas-Rhin, la traverse distale est une plaque pratiquement plate et décorée. La pièce à chape de type A2a appartient à un niveau du XVIe siècle2326. Il existe aussi des boucles en fer avec une traverse distale de section circulaire. Les sites italiens du castello di Zuccola à Cividale del Friuli dans la province d’Udine en Italie2327 et de Monte Zigagno à Zigagno dans la province de La Spezia2328 ont livré chacun un exemplaire à fenêtre légèrement trapézoïdale. Le premier (N.D.S.) conserve une chape de type A2b, le deuxième est daté des XIIIe - XIVe siècles. 2323 Objet complet avec un ardillon en tôle, dimensions précises inconnues, provient d’un site du Calvados ou de Seine-Maritime (Vivre au Moyen Âge 2002, notices 186 et 187). 2324 Un artefact fragmentaire, L x l = 1,6 x 1,6 cm (Brennan 2001, n° 8). 2325 Anneau entier, L x l = 1,4 x 1,85 cm (Louis et al. 1998, p. 64, n° 23). 2326 Exemplaire complet, Boucle : L x l = 2,1 x 2,1 cm, Chape : L x l = 1,9 x 1,5 cm (Rieb et Salch 1973, n° 346). 2327 Pièce entière, Boucle : L x l = 4,5 x 1,7 cm, Chape : L x l = 1,75 x 1,3 cm (Favia 1992, p. 272, n° 43). 2328 Boucle complète, L x l = 2,1 x 2 cm (Gambaro 1990, p. 395, n° 44). 455 3. Approche croisée du mobilier archéologique D’autres artefacts ont perdu leur traverse distale : c’est le cas d’une boucle à chape incomplète de type B provenant du Troclar (XIIe - XIVe siècle) à Lagrave dans le Tarn2329, d’un anneau des XIIIe - XVe siècles découvert au château de Pymont à Villeneuve-sousPymont dans le Jura2330, d’une boucle à chape de type B de la première moitié du XIVe siècle retrouvée sur le site de High street A à Southampton2331. Un anneau incomplet issu du château de Peyrepertuse (N.D.S.) à Duilhac-sous-Peyrepertuse dans l’Aude se démarque par la présence d’une découpe en V un peu avant les extrémités de la tôle en U2332. Tous ces objets avaient la chape brasée sur le cadre. Du fait de l’absence de traverse distale, il n’est pas certain que ces exemplaires appartiennent au type J8a. Ils pourraient avoir possédé une tige couverte d’un clapet distal comme pour les anneaux de dispositif d’agrafage du type F4c. Type J8b : Anneau composite, à fenêtre rectangulaire ou trapézoïdale, en alliage cuivreux, sans traverse mobile (fig. 222, n° 7) Var  Château d’Ollioules, Ollioules : n° 3, remblai daté au plus tôt de la fin du XVe siècle (résiduel). La confection de cet artefact est identique à l’objet avignonnais du type J8a (fig. 222, n° 5). La chape de type C3, sans fente ou perforation pour un ardillon, est brasée autour de la traverse proximale. Ce type ne peut être reconnu que si la chape est encore présente. L’absence d’ardillon implique sans doute une fermeture par nouage ou par agrafage. Type J8c : Anneau composite, à fenêtre rectangulaire ou trapézoïdale, en alliage cuivreux, sans traverse mobile, à ergots proximaux recourbés (fig. 222, n° 8) Bouches-du-Rhône  Castrum de la Quille, Le Puy-Sainte-Réparade : n° 5, N.D.S. 2329 Individu fragmentaire, Boucle : L x l = 2,1 x 1,4 cm, Chape : L x l = 2,4 x 1,25 cm (PousthomisDalle et al. 1998, p. 51, fig. 28, n° 2). 2330 Spécimen fragmentaire, L x l = 1,8 x 1,9 cm (Jeanjacquot 1993, p. 105, fig. 63, n° 1926). 2331 Artefact fragmentaire avec chape dont le nombre de rivet n’est pas connu, Boucle : L x l = 2,5 x 1,6 cm, Chape : L x l = 1,6 x 1,5 cm (Harvey et al. 1975, p. 257, fig. 241, n° 1741). 2332 Cadre incomplet, L x l = 2,3 x 1,7 cm (Barrère 2000, p. 219). 456 3. Approche croisée du mobilier archéologique Cet anneau est constitué d’une barre dont les extrémités sont prolongées par des rivets brasés au revers d’une tôle qui forme un anneau presque fermé. Les ergots proximaux repliés devaient permettre de fixer cet objet sur une courroie pour une fonction de passant. Cette caractéristique se retrouve sur les artefacts du type C8d. Quatre petits anneaux de type J8c à fenêtre rectangulaire ou trapézoïdale sont issus de contextes datés entre le milieu du XIVe siècle et la première moitié du XVe siècle du site du College of the vicars choral de York au Royaume-Uni2333. Type J9 : Anneau ou boucle à fenêtre pentagonale (fig. 223, n° 1) Gard  Maison des Chevaliers, Pont-Saint-Esprit : n° 59, « couche d’occupation » du milieu du XIVe siècle. L’anneau gardois en fer présente un ardillon en tôle. Les anneaux et boucles pentagonaux en fer sont un peu plus courants en Italie, mais il s’en rencontre également en Croatie et au Royaume-Uni2334. Une boucle en fer issue d’un niveau de la fin du XIVe siècle du Castel di Pietra à Gavorrano dans la province de Grosseto en Italie, conserve un fragment de chape de type indéterminé2335. En Croatie, une boucle fut retrouvée dans une sépulture du bas Moyen Âge ou d’Époque moderne du cimetière de Saint-Saviour à Vrh Rika2336. Les anneaux et boucles en alliage cuivreux sont un peu plus nombreux. L’exemplaire le plus ancien fut mis au jour sur le site de Corné (vers 1170 - vers 1250) à l’Isle-Bouzon dans 2333 Deux exemplaires entiers à fenêtre trapézoïdale, L x l = 1,5 x 1,3 cm et 1,45 x 1,7 cm ; un individu entier à fenêtre quadrangulaire, L x l = 1,2 x 1,1 cm (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2903, n° 14388 à 14391). 2334 Italie, province de Grosseto : une pièce complète, L x l = 2,65 x 3,5 cm, XIVe siècle, Castel di Pietra, Gavorrano (Belli 2002, p. 151) ; province de Pesaro et Urbino : une boucle complète, L x l = 2,45 x 3 cm, castello di Monte Copiolo à Montecopiolo (Ermeti et al. 2008, p. 165) ; province de Rome : un anneau entier, L x l = 3,2 x 3,9 cm, sol, fin XIIIe - début XIVe siècle , village médiéval de Cencelle, Allumiere (Bouvet 1999, p. 65-66). Royaume-Uni, Southampton : un artefact complet, L x l = 3,1 x 4,4 cm, XIVe - XVe siècle, Cuckoo Lane D, Southampton (Harvey et al. 1975, p. 285, fig. 255, n° 2070) ; Yorkshire du Nord : un anneau entier, L x l = 3,1 x 3,2 cm, milieu XVIe - milieu XVIIe siècle, Berdern foundry, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, fig. 1469, n° 13273). 2335 Une boucle complète, Boucle : L x l = 1,65 x 1,7 cm, Chape : l = 1,45 cm (Belli 2002, p. 151). 2336 Un objet complet, dimensions inconnues (Petrinec 1996, t. 901). 457 3. Approche croisée du mobilier archéologique le Gers2337. Le sommet distal du pentagone est prolongé par un ergot avec encoche pour la réception d’un ardillon en fer, actuellement incomplet. Une ligne ondée incisée parcourt la bordure externe du cadre. La chape de type D1 est complète. La pièce des XIIIe - XIVe siècles à chape de type A1b mise au jour à Villeneuve-sous-Pymont dans le Jura se différencie par la présence d’un clapet proximal en lieu et place de l’ardillon2338. Elle devait faire partie d’un système d’agrafage2339. Le modèle retrouvé dans un bâtiment de ferme du XVIIe siècle au « Bellé » à Neuilly-en-Thelle dans l’Oise est plus long que large, la chape de type A1b permettait le passage d’un ardillon2340. La construction se superpose à une ferme du XIVe siècle, l’objet est donc peut-être antérieur au XVIIe siècle. Les éléments de datation disponibles, quelle que soit le matériau, sont pour le moment encore peu nombreux. Une utilisation entre le XIIIe et le XVIIe siècle est suggérée provisoirement. Type J10 : Anneau ou boucle à fenêtre hexagonale (fig. 223, n° 2 et 3) Bouches-du-Rhône  Castrum de Montpaon, Fontvieille : n° L15/45, H.S.  Îlot 24 N, Marseille : n° 535, N.D.S. Les deux boucles hexagonales du corpus sont en fer avec des traverses de section quadrangulaire. L’une des traverses d’un exemplaire retrouvé hors stratigraphie sur le site de Torrs Warren à Glenluce dans le comté de Dumfries and Galloway au Royaume-Uni est de section circulaire2341. Un ardillon a pu y être enroulé. De la céramique de la deuxième moitié du XIIIe siècle et de la première moitié du XIVe siècle a été ramassée dans les environs. Dans les Hautes-Alpes, à la chapelle des Gicons à Saint-Disdier, des dégagements anciens ont livré une boucle en alliage cuivreux dont la traverse distale est entaillée de quatre lignes creuses. 2337 Une boucle incomplète avec chape, L x l = 3,05 x 3,3 cm, Chape : L x l = 3,45 x 2,25 cm (Lassure 1995, p. 505, fig. 410, n° 2). 2338 Un exemplaire complet, Boucle : L x l = 1,6 x 1,35 cm, Chape : L x l = 2,1 x 0,7 cm (Jeanjacquot 1993, p. 105, fig. 70, n° 1922) 2339 Se reporter au type C8c. 2340 Une pièce entière, Boucle : L x l = 2,15 x 1,7 cm, Chape : L x l = 2,2 x 0,9 cm (Legros 2001, n° 166). 2341 Un anneau entier, L x l = 2,55 x 3,45 cm (Jope et al. 1959, p. 269). 458 3. Approche croisée du mobilier archéologique Une chape incomplète de type B est encore en place2342. Quelques autres accessoires du costume découverts sur le site sont assez caractéristiques du XIVe siècle. Beaucoup plus à l’est, en Bulgarie, du plateau de Choumen dans l’oblast de Choumen, provient une boucle en alliage à base de cuivre à chape de type A6. La traverse distale est moulurée de denticules et de bosses à l’image des anneaux et boucles semi-ovales de type E4c datées des XIIIe et XIVe siècles2343. Type K : Anneau ou boucle en T (fig. 223, n° 4 à 6 ; fig. 224, n° 1 et 2) Bouches-du-Rhône  Castrum de Montpaon, Fontvieille : n° L15/7, L15/8 et L15/42, H.S. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1980, sol de bâtiment, fin XIIe - première moitié XIIIe siècle ; n° 535, couche de destruction ou d’abandon, vers 1345 - vers 1360 ; n° 159, sol de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375. Vaucluse  Petit Palais, Avignon : n° 1970, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Les anneaux et boucles en fer du type K rappellent par leur forme celle d’un T. La traverse proximale est la partie la plus longue du cadre. Deux traverses latérales plus ou moins coudées rejoignent une traverse distale droite (fig. 223, n° 5, 6 ; fig. 224, n° 1)2344 ou arrondie 2342 Un objet entier avec chape, Boucle : L x l = 2,2 x 2,3 cm, Chape : L cons. x l = 2,6 x 1,1 cm (Fichier Lucy Vallauri 1969). 2343 Une boucle complète avec chape, Boucle : L x l = 3,2 x 3,7 cm, Chape : L x l = 12,7 x 3 cm (Doncheva 2006). 2344 France, Calvados : une pièce complète, L x l = 6,7 x 9,7 cm, milieu XIVe siècle, Saint-Vaast-surSeulles (Halbout et al. 1987, p. 185, n° 710) ; Corse : un individu entier, L x l = 7 x 9,1 cm, fin XIIIe début XVIe siècle, village médiéval, Ortolo (Comiti 1996, p. 23) ; Côtes-d’Armor : un objet entier, L x l = 5,85 x 6,95 cm, occupation viking du Xe siècle, camp de Peran, Pledran (Nicolardot et Guigon 1991, p. 146) ; Hérault : une boucle complète, L x l = 7,1 x 16,5 cm, couche d’occupation d’une maison de fin XIIIe - début XIVe siècle, Les Fabres, Saint-Félix-de-l’Héras (Mareau et Cauvy 1993, p. 54) ; Lot-et-Garonne : un spécimen entier, L x l = 4,15 x 6,2 cm, , maison forte de Naux (dernier tiers XIVe siècle), Colayrac-Saint-Circq (Ballarin et al. 2007, p. 133) ; Pyrénées-Orientales : un artefact entier, L x l = 5,6 x 10,45 cm, première moitié XIVe siècle, village médiéval, Vilarnau (Passarius et al. 2008, p. 424). Italie, province de Grosseto : un anneau entier, L x l = 7,1 x 11,6 cm, XIVe siècle, castel di Pietra, Gavorrano (Belli 2002, p. 151) ; province de Rome : un exemplaire, L x l = 5,7 x 9,7 cm, fin XIIe - début XIIIe siècle, Crypta Balbi, Rome (Sfligiotti 1990, p. 540) ; une pièce entière, L x l = 5 x 8 cm, deuxième moitié XIVe siècle, Cencelle, Allumiere (Bouvet 1999, p. 50). 459 3. Approche croisée du mobilier archéologique (fig. 223, n° 4 ; fig. 224, n° 2)2345 mais la distinction entre les deux n’est pas toujours évidente2346. Ces anneaux et boucles sont particulièrement courants dans la bibliographie. Quelques-uns d’entre eux conservent un fragment de lanière de cuir attaché autour de la traverse proximale : c’est le cas de deux individus londoniens dont un avec traces d’étamage datés vers 1270 - vers 1350 et vers 1330 - vers 13802347. Ces anneaux ne comportaient pas d’ardillon du fait de l’absence de perforation dans le cuir. Leur traverse distale est arrondie. La section du cadre des anneaux et boucles du type K est ordinairement rectangulaire. Des portions des traverses latérales d’un artefact découvert dans un niveau de fin XIIe - début XIIIe siècle sur le site de la crypta Balbi à Rome ont des angles coupés sur la face avers. Dans quelques autres cas, la traverse distale est de section circulaire (fig. 223, n° 5)2348, peut-être parce qu’elle a comporté un rouleau (fig. 223, n° 6) disparu qui devait pouvoir tourner aisément. Une boucle retrouvée au château de Montségur (N.D.S.) en Ariège2349 et des anneaux londoniens datés vers 1270 - vers 1350 et vers 1350 - vers 1400 conservent un rouleau en fer2350. Des traces d’étamage s’observent sur le cadre de deux artefacts anglais. 2345 France, Ille-et-Villaine : un anneau entier, L x l = 9,3 x 9,65 cm, couche d’incendie, fin XIVe première moitié XVe siècle, bastion du Solidor, Saint-Malo (Langouet (dir.) 1993, p. 122). Italie, province de Coni : un anneau déformé, L x l = 5,1 x 8,2 cm, datation inconnue, château, Montaldo di Mondovì (Cortelazzo et Lebole di Gangi 1991, p. 223). Royaume-Uni, Denbighshire: un individu entier avec traces d’une couverte blanche, L x l = 5,6 x 6,8 cm, vers 1280, Rhuddlan (Goodall et Ellis 1994, p. 185-186, fig. 17.7, n° 102) ; Dumfries and Galloway : un spécimen entier déformé, L x l = 5,8 x 5,4 cm, vers 1450 - vers 1520, Abbaye cistercienne, Dundrennan (Dunn 2011, p. 44, n° 25) ; Grand Londres : un objet entier, L x l = 7,3 x 5 cm, vers 1270 - vers 1350, un artefact complet et étamé avec lanière de cuir sans perforation pour l’ardillon, L x l = 5,5 x 8,8 cm, vers 1330 - vers 1380, une pièce complète avec lanière de cuir sans perforation pour l’ardillon, L x l = 5 x 7 cm, H.S., Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 61, n° 48 à 50). 2346 France, Corse : un individu entier, L x l = 7 x 9,2 cm, fin XIIIe - début XVIe siècle, village médiéval, Ortolo (Comiti 1996, p. 23). Espagne, province de Barcelone : sept anneaux entiers mais un seul reproduit, L x l = 7 x 8,7 à 7,5 x 11,5 cm, XIIIe - première moitié XVe siècle, Castell del Far, Llinars del Vallès (Monreal et Barrachina 1983, p. 250, fig. 100, m. 1173) ; 2347 Se reporter deux notes au-dessus (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 61, n° 49 et 50). 2348 Italie, province de Pise : un anneau entier, L x l = 5,6 x 8 cm, XIIIe - XVIe siècle, castello di Ripafratta, San Giuliano Terme (Amici 1989, p. 473). Royaume-Uni, Yorkshire du Nord : un anneau fragmentaire, L x l = 6 x 10,5 cm, H.S., moated house de East Haddlesey, Knottingley (Goodall 1973, p. 93, fig. 36, n° 13). 2349 Une boucle complète, L x l = 6,7 x 8,8 cm (Sarret 1980, p. 116 ; Sarret 1981 c, p. 127-129 ; Archéologie 1990, p. 262, n° 572). 2350 Un anneau déformé avec traces d’étamage, L x l = env. 4 x 7 cm, un exemplaire entier, L x l = 7,7 x 9,3 cm, un spécimen entier avec traces d’étamage, L x l = 4,5 x 7,6 cm (Clark 2004², p. 59, n° 39, 44, 46). 460 3. Approche croisée du mobilier archéologique Dans la bibliographie sont référencées quelques pièces qui comportent une traverse distale mobile2351. À Londres, trois boucles ont été découvertes dans des niveaux datés du dernier tiers XIIIe - première moitié XIVe siècle, de la deuxième moitié du XIVe siècle et hors stratigraphie. Cette dernière conservait des traces d’étamage. L’exemplaire le plus ancien et celui hors contexte ont une traverse distale de section octogonale dont les extrémités sont réduites pour passer au travers des œillets obtenus par poinçonnage. La section de la traverse distale de l’autre objet n’est pas connue mais une ligne creuse marque la réception de la pointe de l’ardillon2352. Une dernière pièce en fer, de petite taille, récupérée lors de sondages par F. Benoît en 1964 dans l’ancienne cathédrale Sainte-Marie à Nice dans les Alpes-Maritimes, se différencie par une courbure vers l’extérieur de la traverse proximale2353. Le mobilier retrouvé avec cet artefact est principalement datable du XVIIIe siècle et du tout début du XIXe siècle. Les anneaux en T ont peut-être pu servir à suspendre une arme à la ceinture. La fouille de l’occupation viking du camp de Peran (Xe siècle) à Pledran dans les Côtes-d’Armor a livré une épée accompagnée d’un anneau du type K2354. Les bords du cadre sont pratiquement jointifs en partie distale – la forme de l’anneau rappelle celle d’un cintre - et constituent ainsi un nœud auquel un lien du fourreau pouvait se fixer. Deux anneaux aux angles un peu moins arrondis ont été retrouvés avec des pièces de harnachement de cheval, des étriers et des éperons dans une sépulture masculine viking sur le site de Chapel Hill à Balladoole sur l’île de Man2355. Ils auraient permis la fixation des lanières de suspension des étriers à la selle. De part la différence de largeur des traverses, ces anneaux et boucles permettent la liaison de deux courroies de tailles différentes, caractéristique fort utile dans le harnachement. Elles permettraient par exemple de relier la courroie de selle à la sous-ventrière. Des boucles à triple fenêtre au tracé comparable sont proposées au tout début du XXe siècle dans des catalogues spécialisés dans ce type de fourniture2356. 2351 France, Charente-Maritime : un anneau entier (identifié par radiographie), L x l = 4,6 x 7,9 cm, sol, XIVe - première moitié XVe siècle, jardins du Carmel, La Rochelle (Berthon (dir.) 2013, p. 65, n° 76). Royaume-Uni, Dumfries and Galloway : une boucle complète, L x l = 6,2 x 10 cm, deuxième moitié XIIIe - XVIe siècle, complexe abbatial de Whithorn et Saint Ninian (Nicholson 1998b, p. 420, fig. 10.99, n° 44.14) ; Yorkshire du Nord : pièce fragmentaire, L = 5,1 cm, milieu XIVe siècle, College of the Vicars Choral (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2894, n° 14099). 2352 Une boucle complète, L x l = 6,2 x 10 cm, un objet entier, L x l = 5,3 x 6,1 cm, un exemplaire complet, L x l = 6,2 x 11 cm (Clark 2004², p. 59 et 61, n° 40, 41 et 47). 2353 Exemplaire entier, L x l = 3 x 4,7 cm (Thuaudet 2014, p. 267, fig. 1, n° 1). 2354 Anneau entier, L x l = 9,1 x 10,3 cm (Nicolardot et Guigon 1991, p. 143-146). 2355 Objets entiers, L x l = 5,9 x 7,5 et 5,8 x 7,8 cm (Bersu et Wilson 1966, p. 32-33). 2356 Clark 2004², p. 59, fig. 44. 461 3. Approche croisée du mobilier archéologique Une utilisation pour la fixation des pièces d’armure est attestée par des découvertes : un anneau en T retenu par la traverse distale à un plastron au moyen d’une languette soudée fut mis au jour avec d’autres pièces d’armement défensif près du village de Brodek u Přerova dans le district de Přerov en République Tchèque. Par comparaison, ces éléments sont datés de la deuxième moitié du XIVe siècle et de la première moitié du XVe siècle. Au lieu-dit Herbede à Witten dans le land de Rhénanie-du-Nord Westphalie, un pectoral fut découvert avec un anneau en T attaché de la même manière. Les éléments de comparaison donnés sont datés de la deuxième moitié du XIVe siècle2357. Dans ces deux cas, la lanière de cuir s’enroulait autour de la plus longue traverse. Type L : Anneau à fenêtre unique à rivet (fig. 224, n° 3 à 9) Il existe deux catégories d’anneaux à fenêtre unique à rivet : avec un rivet intégré, et dans ce cas les anneaux sont entièrement issus de fonte ; ou avec un rivet traversant. Seule la première catégorie est actuellement attestée en Provence. Les artefacts à rivet traversant comportent une perforation en travers de la traverse proximale qui permet le passage d’un rivet. Au contraire des anneaux à rivet intégré dont le rivet est extérieur à la fenêtre, le rivet des anneaux à rivet traversant saille à l’intérieur de la fenêtre au travers de laquelle passait la lanière que le rivet fixait à l’anneau. Les anneaux à fenêtre unique à rivet sont usuellement interprétés comme des passants : un anneau fixé ou passé autour d’une courroie et dont la fonction est de recevoir et de maintenir l’extrémité de la courroie passant dans la boucle. Cette identification est confirmée par une pièce de type L2 conservée sur une ceinture2358, par une variante du type L2 en place sur une lanière de fixation d’éperon2359 et par un anneau à fenêtre rectangulaire à rivet traversant sur une protection de poignet pour archer2360. Les anneaux à rivet intégré du corpus ont été scindés en trois sous-types selon la forme de la fenêtre : semi-ovale (sous-type L1), quadrangulaire (sous-type L2), pentagonale (sous- 2357 Deux anneaux entiers, dimensions inconnues (Žákovský 2009, fig. 3, n° 1, fig. 16, n° 1). Egan et Pritchard (dir.) 2002², fig. 138. 2359 Ibid., fig. 69. 2360 Ibid., fig. 143. 2358 462 3. Approche croisée du mobilier archéologique type L3). Il a existé des anneaux à fenêtre circulaire2361. Des anneaux à fenêtre semi-ovale à ergot distal ont été mis au jour à York au Royaume-Uni2362. Les anneaux à rivet traversant sont moins fréquents que ceux à rivet intégré. À Londres, des strates de la deuxième moitié du XIVe siècle ont fourni des anneaux rectangulaires à rivet traversant2363. Un exemplaire composite fut récupéré anciennement dans la chapelle des Gicons à Saint-Disdier dans les Hautes-Alpes2364. Il est constitué d’une tige ayant le rôle de traverse distale, décorée de motifs incisés (?), et dont les extrémités sont prolongées par des rivets intégrés. Ces derniers passent au travers des extrémités d’une tôle pliée en forme de U. Un rivet traverse la base de cette tôle. Il comporte à l’intérieur de l’anneau une contre-rivure quadrangulaire. Toujours outre-manche, des anneaux pentagonaux ont été découverts dans des contextes attribuables au XIVe siècle2365. Type L1 : Anneau à fenêtre semi-ovale à rivet intégré (fig. 224, n° 3 à 6) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3640, couche de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1220, deuxième quart du XIVe siècle ; n° 1221, postérieur à la fin du XVIe siècle.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1445, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Tous les exemplaires de ce type, en alliage cuivreux, comportent un rivet de section 2361 France, Côte d’Or : une pièce, Anneau : d = 1,55 cm ; Rivet : L x l = 0,4 x 0,4 cm, XIVe siècle, Grange du Mont, Charny (Beck 1989, p. 73, n° 98). 2362 Quatre pièce appartiennent à des contextes de milieu XIVe - première moitié XVe siècle (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 3119, n° 14384 à 14387). 2363 Deux objet complets (avec le rivet), Anneau : L x l = 1,2 x 1,1 et 1,6 x 2 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 231, n° 1248 et 1249). 2364 Un anneau complet, L x l = 1,9 x 2,1 cm (Fichier Lucy Vallauri 1969). 2365 Dumfries et Galloway : un spécimen entier (sans le rivet), L x l = 1,8 x 2,4 cm, première moitié XIVe siècle, cité monastique de Whithorn and Saint Ninian (Nicholson 1998a, p. 371, fig. 10.57, n° 19) ; Grand Londres : un exemplaire complet (avec rivet), Anneau : L x l = 1,1 x 1,5 cm, vers 1270 - vers 1350, trois pièces complètes, Anneau : L x l = 1,3 x 1,4 et 1,4 x 2 et 1,3 x 1,9 cm, deuxième moitié du XIVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 231, n° 1250 à 1253) ; un anneau complet, L x l = 1,7 x 2,3 cm, vers 1370 - vers 1425, Northolt Manor, Northolt (Hurst 1961, p. 293, fig. 76, n° 26). 463 3. Approche croisée du mobilier archéologique circulaire, parfois moins épais que le cadre (fig. 224, n° 3). L’extrémité du rivet d’un spécimen d’Avignon est matée et comporte une contre-rivure quadrangulaire en tôle (fig. 224, n° 4). Le cadre est d’épaisseur et de largeur relativement homogène pour trois objets même si l’un d’eux est d’apparence frustre (fig. 224, n° 3). Le quatrième objet (fig. 224, n° 6), déformé, comporte un élargissement du milieu de la traverse distale, transversal au cadre, décoré d’une étoile à six branches, en creux, issue de fonte. Une même « étoile » assure la distinction des pétales d’une fleur disposée de la même façon que pour l’objet précédent, sur une pièce issue de l’occupation de la seconde moitié du XIVe siècle d’un bâtiment fouillé lors d’une opération dans la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher2366. Les anneaux à fenêtre semi-ovale à rivet intégré ne sont pas particulièrement courants. Il en fut mis au jour un exemplaire dans un contexte des XIIIe - XIVe siècles au château de Pymont à Villeneuve-sous-Pymont dans le Jura2367, un spécimen à contre-rivure circulaire dans un niveau des XIVe - XVe siècles rue Mongat à Douai dans le Nord2368, mais également six pièces dont une avec contre-rivure quadrangulaire dans des strates du XIVe siècle à Londres2369. À York, les opérations archéologiques ont fourni un artefact de la première moitié du XIVe siècle et deux autres non ébarbés de la seconde moitié du siècle précédent2370. Une datation typologique correspondant au XIVe siècle est avancée dans l’état actuel des données. Type L2 : Anneau à fenêtre quadrangulaire à rivet intégré (fig. 224, n° 7 et 8) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1222, N.D.S.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 212, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. 2366 Pièce entière, L x l = 2,2 x 2,7 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 125, n° 225). Exemplaire complet, Anneau : L x l = 1,2 x 1,2 cm ; Rivet : L x d = 0,3 x 0,2 cm (Jeanjacquot 1993, p. 105, fig. 63, n° 1932). 2368 Spécimen complet, Anneau : L x l = 1,6 x 3,25 cm ; Rivet : L x l = 0,65 x 0,45 cm (Louis et al. 1998, p. 67, n° 53). 2369 Six artefacts, Anneau : L x l = 1/1,15 x 1,2/1,7 cm ; Rivet : L x l = 0,2/0,3 x 0,2/0,35 cm, quatre objets datés vers 1270 - vers 1350, un objet daté vers 1350 - vers 1400, un objet H.S. (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 230, n° 1229 à 1234). 2370 Deux pièces entières, Anneau : L x l = 1,1 x 1,25 cm, Rivet : L x l = 0,65 x 0,2 cm, seconde moitié XIIIe siècle, Anneau : L x l = 1,15 x 1,6 cm, Rivet : L x l = 0,3 x 0,2 cm, première moitié XIVe siècle, college of the vicars choral (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2903, n° 14381, 14382). 2367 464 3. Approche croisée du mobilier archéologique Ces deux anneaux en alliage à base de cuivre sont rectangulaires, plus larges que longs, et comportent une contre-rivure en tôle à l’extrémité de leur rivet intégré de section circulaire. Des anneaux du type L2 à fenêtre rectangulaire ou trapézoïdale, certains avec une contre-rivure circulaire ou rectangulaire, ont été localisés au Royaume-Uni dans un niveau de la première moitié du XIVe siècle du complexe monastique de Whithorn and Saint Ninian dans le Dumfries et Galloway2371, dans des contextes du dernier tiers XIIIe - première moitié XIVe siècle et de la deuxième moitié du XIVe siècle à Londres2372. Parmi ceux-ci, il se remarque un ensemble de cinq anneaux à fenêtre trapézoïdale encore jointifs après l’opération de fonte de l’alliage2373. Un contexte du milieu du XIVe siècle du site du College of the vicars choral de York a fourni un spécimen à fenêtre trapézoïdale2374. Tout comme pour le type L1, il est proposé une datation du type L2 dans le XIVe siècle. Type L3 : Anneau à fenêtre pentagonale à rivet intégré (fig. 224, n° 9) Var  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 852, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Cet anneau en alliage cuivreux au cadre pentagonal de section quadrangulaire comporte un rivet intégré de section circulaire. Un exemplaire de ce type fut trouvé dans un remblai de construction issu de démolition de la seconde moitié du XIVe siècle lors de la fouille de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher2375. Deux autres proviennent d’un contexte de la seconde moitié du XIVe siècle ou du premier quart du XVe siècle d’un site fouillé à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis2376, d’un niveau du milieu XIVe/deuxième moitié 2371 Objet complet, Anneau : L x l = 1 x 1,2 cm ; Rivet : L x l = 0,3 x 0,2 cm (Nicholson 1998a, p. 371, fig. 10.57, n° 20) 2372 Un anneau fragmentaire, onze anneaux complets dont deux avec contre-rivure quadrangulaire et un avec une contre-rivure circulaire, Anneau : L x l = entre 1 et 1,4 x 1,2/2,3 cm ; Rivet : L x d = 0,2/0,4 x 0,25/0,5 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 230, n° 1236 à 1247). 2373 Cinq pièces complètes accolées, Anneau : L x l = 1,2/1,3 x 1,4/1,45 cm ; Rivet : L x d = 0,5/0,8 cm x 0,3/0,35 cm, vers 1270 - vers 1350 (Armitage et al. 1981d ; Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 230, n° 1235). 2374 Objet fragmentaire, L x l = 1,25 x 1,15 cm (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 3119, n° 14383). 2375 Exemplaire complet, L x l = 1,9 x 1,8 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 125, n° 167). 2376 Pièce incomplète, L cons. x l = 1,5 x 2 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B.2, fig. 60, n° 53). 465 3. Approche croisée du mobilier archéologique XIVe - première moitié XVe siècle à l’abbaye de Bordesley à Redditch dans le Worcestershire au Royaume-Uni2377. Une datation typologique dans la seconde moitié du XIVe siècle peut être avancée. Type M : Anneau ou boucle à cadre en U (fig. 224, n° 10 à 13) Il existe plusieurs sortes d’anneaux ou boucles en U. Les plus simples ont exactement la forme de cette lettre et fonctionnent de la même façon que les autres boucles à simple fenêtre (fig. 219, A). Un ardillon et une chape de type A s’enroulent autour de la traverse de droite. Le bout de l’ardillon repose sur la barre de gauche2378. L’ardillon est remplacé par un clapet proximal sur une variante2379. Aucun artefact de ce genre n’est actuellement connu provenant de fouilles effectuées en Provence. Un troisième type, attesté régionalement, comporte une fenêtre rectangulaire à l’intérieur du U (fig. 219, B). Les deux derniers types n’ont pas fait l’objet jusqu’à maintenant de trouvailles en Provence. Dans l’un (fig. 219, C), la traverse distale de la fenêtre est incomplète et se réduit à deux ergots opposés2380, dans l’autre (fig. 219, D), la barre droite du U est prolongée par des ergots proximaux2381. Les anneaux à fenêtre ou à ergots externes ont vraisemblablement eu le rôle de passant. En effet, l’inventaire des joyaux de Louis Ier, duc d’Anjou, dressé en 1360-1368, mentionne une ceinture orfévrée avec près de la boucle un passant en forme de crochet « pour soustenir la ceinture, quant l’en la ceinte »2382. I. Fingerlin, n’ayant pas connaissance de l’existence d’autres types de passants, avait interprété l’ensemble des mentions écrites de passants relevées par ses soins dans la documentation française comme désignant des objets du type M2383. Les anneaux à ergots proximaux (fig. 219, D) n’ont pas pu servir de passant : peut-être ont-ils été employés dans le cadre d’une ceinture fermant au moyen d’un ardillon ? Var  Bagatelle/Abreuvoir Saint-Michel, Châteauvert: n° 23, sépulture d’adulte, fin XIIe - XIVe siècle. 2377 Artefact complet, Anneau : L x l = 1 x 1,25 cm ; Rivet : L x l = 0,3 x 0,2 cm (Astill 1993a, p. 194, fig. 88, n° CA 254). 2378 Fingerlin 1971, cat. n° 14, 66, 150, 335, 465, 547. 2379 Descatoire (dir.) 2007, p. 77, n° 41. Se reporter au type C8c pour un exemple de clapet proximal. 2380 Fingerlin 1971, cat. n° 157et 158. 2381 Ibid., n° cat. 360. 2382 Moranvillé 1903-1905, t. 3, n° 3559. 2383 Fingerlin 1971, p. 104. 466 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Castrum d’Amphoux, Fox-Amphoux : n° 1, H.S.  Nécropole d’Ascau, Correns : n° 1, H.S.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 993, sol de bâtiment, milieu XIIIe siècle - vers 1285. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1420, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Les objets du corpus, en alliage cuivreux, comportent une courte fenêtre quadrangulaire à l’intérieur du U. La barre de gauche est oblique pour les quatre pièces qui l’ont conservée (fig. 224, n° 10 à 12 et non figuré). Elle est terminée par une excroissance dont la ressemblance avec une tête animale est accentuée par une dépression figurant la gueule (fig. 224, n° 10 et 11). Deux petits ergots apparaissent à la base du U de l’artefact de Rougiers : il s’agit des restes des canaux de fonte. Une applique de type P1a est coincée dans l’anneau de Châteauvert (fig. 224, n° 11). Celui-ci fut découvert dans une sépulture avec une boucle de type F4a à chape de type B1a. L’anneau d’Avignon (fig. 224, n° 13) est adapté à une courroie beaucoup plus large. Des objets comparables aux deux plus petits objets provençaux proviennent d’un remblai du premier tiers du XIVe siècle du site de Brucato à Termini Imerese dans la province de Palerme2384, d’un niveau de la seconde moitié du XIIIe siècle et des premières décennies du XIVe siècle du site de Santa Caterina à Finale Ligure dans la province de Savone en Italie2385. Une tête animale apparaît dans l’excroissance de ce dernier spécimen. Plus à l’est, à Tuzla en Bosnie, une pièce en argent doré de type J, à ergot distal, mise au jour avec une ceinture, dans une sépulture, arbore une barre en forme de personnage féminin2386. La barre des autres types d’anneaux et boucles de type M présente souvent une figuration élaborée lorsque l’objet est en argent ou en argent doré. Elle peut prendre la forme d’un monstre éventuellement à tête de femme, d’un chien, d’une figure féminine tenant un instrument de musique, d’un petit animal ou de fleurs de lys2387. Nombre de ces artefacts sont 2384 Pièce fragmentaire, l’excroissance manque, L x l = 1,7 x 1,7 cm (Pesez (dir.) 1984, p. 533, n° 13.3.21). 2385 Objet complet, L x l = 2,05 x 2,9 cm (Palazzi et Parodi 2003, p. 232). 2386 La sépulture fut explorée au début du XXe siècle. I. Fingerlin (1970, cat. n° 21) attribua à la ceinture et à ses pièces métalliques, sans réelle argumentation, une datation dans les dernières années du XIVe siècle. 2387 Fingerlin 1971, n° 14, 21, 66, 150, 157, 158, 335, 360, 465, 547. 467 3. Approche croisée du mobilier archéologique conservés dans des musées et leur provenance n’est pas toujours connue2388 : certains appartiennent aux trésors alsaciens de Colmar, déposé en 13492389, d’Erfurt, enseveli en 1347 ou 13482390, de la ville de Chalcis dans le district d’Eubée en Grèce2391, d’autres ont été retrouvés dans une sépulture du cimetière de Saint-Saviour à Vrh Rika dans le comitat de Split-Dalmatie en Croatie2392. Les données archéologiques et textuelles disponibles conduisent à proposer une datation typologique des anneaux et boucles en U couvrant la deuxième moitié du XIIIe siècle et le XIVe siècle. Type N : Anneau ou boucle à double fenêtre semi-ovale symétrique non outrepassée (fig. 232 et 233) Les anneaux et boucles de type N sont classées en trois sous-types selon leur profil. Les exemplaires convexes appartiennent au sous-type N1, ceux au profil plat au sous-type N2 et les exemplaires concaves au sous-type N3. Aucun anneau ou boucle provençal n’est composite, mais il en existe par ailleurs2393. Le classement des pièces du corpus et de la bibliographie selon le diamètre et le type (fig. 230) est particulièrement éloquent : les exemplaires du type N1 mesurent tous entre 1,6 et 2 cm de diamètre et ceux du type N2c entre 1,9 et 2,4 cm de diamètre. Pour les types N2a/d et N3a/c, il s’observe une concentration d’objets entre 1,6 et 2 cm, voire jusqu’à 2,4 cm pour les types N2a/d. Les anneaux et boucles en fer des types N2b et N3b offrent une distribution homogène sans agrégation particulière. Le décalage entre le pic de concentration des spécimens de type N2c et ceux des types N1, N2a/d et N3a/c s’explique par une épaisseur des traverses plus importante pour les artefacts en matériau blanc afin de compenser la moindre résistance du métal ou de l’alliage. De fait, les traverses sont deux fois plus massives que celles des anneaux et boucles en alliage cuivreux – en moyenne 0,4 contre 0,2 cm – alors que la largeur des fenêtres est la même. L’utilisation des boucles de type N de petites tailles pour 2388 Fingerlin 1971, n° 14 (musée de Baden-Baden), 66 (musée d’art de Cleveland), 335 (Metropolitan Museum of Art de New-York), 547 (collection A. Figdor à Vienne). 2389 Fingerlin 1971, cat. n° 360 ; Descatoire (dir.) 2007 p. 76, n° 40. 2390 Descatoire (dir.) 2007, p. 77, n° 41. 2391 Fingerlin 1971, cat. n° 150, 157, 158. 2392 Fingerlin 1971, cat. n° 465 ; Petrinec 1996, p. 104. 2393 Une boucle complète de ce type (L x l = 2,3 x 1,85 cm) trouvée à York est issue d’un contexte postérieur à la première moitié du XVIIe siècle (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2895, n° 14327). Il faut peut-être y ajouter un fragment trouvé dans un niveau de milieu XVe - première moitié XVIIe siècle (n° 14326). 468 3. Approche croisée du mobilier archéologique la fixation des chaussures est illustrée par l’iconographie et l’archéologie2394. Il est tentant de considérer que les pièces en alliage cuivreux d’un diamètre supérieur à 2 cm et les exemplaires en matériau blanc mesurant plus de 2,4 cm de diamètre ont plutôt eu une fonction dans le serrage de la ceinture par exemple (fig. 225) et ceux de plus petite taille dans la fixation des chaussures. Il convient toutefois d’éviter tout excès de généralisation de telles interprétations dans l’état actuel des données. Les constatations quant à la distribution des artefacts des types N2 et N3 en alliage cuivreux paraissent suffisamment établies pour qu’il soit réalisé une distinction selon la taille : les sous-types N2a et N3a rassemblent les objets de petite taille alors que les sous-types N2d et N3c regroupent les objets au diamètre supérieur ou égal à 2,1 cm. Il n’a pour l’instant pas été tenu compte de la décoration des traverses dans la typologie. Type N1 : Anneau ou boucle convexe, à double fenêtre semi-ovale symétrique non outrepassée (fig. 232, n° 1 à 4) Bouches-du-Rhône  Abbaye de Montmajour, Arles : n° 10, remblai de construction des XVe/XVIe XVIIe siècles.  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL 92.02.24, SBL 92.02.31, H.S. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1135, N.D.S.  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-45 à 48 et 151, datation inconnue.  65, place de Cabassole, Cavaillon : n° 3, H.S.  Rue Grivolas, Avignon : n° 2, datation inconnue. Les onze artefacts du corpus du type N1 sont tous en alliage cuivreux. Lorsque l’ardillon, toujours en fer, est absent, le profil convexe du cadre se remarque grâce à la présence d’une encoche au milieu de la face avers de la traverse distale pour réceptionner la base de l’ardillon. Un exemplaire avec cette encoche a été trouvé lors du décapage initial d’un 2394 Une boucle de type N aux dimensions et au profil non renseignés fut trouvée sur une chaussure dans un contexte du XVIe siècle lors de la fouille de la rue du Grand Cerf à Meaux en Seine-et-Marne (La Baume et Montembault 1992, p. 164 et 165 ; voir aussi page 48). Des boucles de type N2c sont conservées sur des chaussures londoniennes de la première moitié ou du milieu du XVe siècle (Grew et De Neergaard 2001², fig. 110, n° d et e). 469 3. Approche croisée du mobilier archéologique site des Xe - XIe siècles au lieu-dit Vignarets à Upie dans la Drôme2395. Le spécimen découvert dans un remblai des XVIe - XVIIe siècles 14-16 rue Delayant à La Rochelle en Charente-Maritime conserve un ardillon en fer2396. Les objets de type N1 n’ont sans doute pas été employés pour la fixation des chaussures car leur morphologie ne s’adapte pas à celle du cou de pied. Bien que les éléments datés soient des plus réduits, il est peu probable que l’objet issu du décapage du site des Vignarets date de l’occupation des Xe - XIe siècles. Sur la base de la datation des autres sous-types du type N, l’apparition du sous-type N1 ne paraît pas pouvoir être antérieure à la seconde moitié du XIIIe siècle. L’emploi de ces anneaux et boucles a pu perdurer jusqu’au XVIe ou XVIIe siècle. Type N2 : Anneau ou boucle droite, à double fenêtre semi-ovale symétrique non outrepassée (fig. 232, n° 5 à 19 ; fig. 233, n° 1 à 10) Les anneaux et boucles au profil droit à double fenêtre semi-ovale symétrique non outrepassée sont répartis en quatre sous-types selon la nature du matériau et leur taille : alliage cuivreux (sous-types N2a et N2d), fer (sous-type N2b), matériau blanc (sous-type N2c). Les pièces en alliage à base de cuivre d’un diamètre supérieur ou égal à 2,1 cm sont rassemblées dans le sous-type N2d, celles d’une taille inférieure dans le sous-type N2a. Les boucles à profil droit sont bien plus nombreuses que celles à profil convexe (type N1) ou concave (type N3). Les anneaux et boucles du corpus et la quasi-totalité de ceux de la bibliographie sont pratiquement circulaires, mais une production de pièces beaucoup plus longues que larges a existé2397. Des boucles à chape de type A4a de la seconde moitié du XIIIe siècle trouvées au castello della Motta di Savognano à Povoletto dans la province d’Udine en Italie arborent des globules bombés séparés par des étoiles incisées sur l’avers et une ondulation de la rive externe du cadre2398. 2395 Un anneau entier, d x e cadre = 1,9 x 0,3 cm (Rolland 2006, p. 423, n° 81). Une boucle incomplète, d = 1,8 cm (Berthon (dir.) 2013, p. 57, n° 67). 2397 France, Bar-Rhin : objet entier au cadre profondément entaillé de lignes obliques, L x l = 2 x 1,35 cm, XVIe siècle, château du Haut-Barr, Saverne (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 452, n° 3.131) ; Royaume-Uni, Hampshisre : pièce entière avec le cadre d’une fenêtre entaillé de lignes obliques, L x l = 3 x 1,6 cm, seconde moitié XIIIe - première moitié XIVe siècle, Brook street, Winchester (Hinton 1990f, p. 517, n° 1147). 2398 Boucle : d = 7,4 cm, Chape : L x l = 7,8 x 5,2 cm et Boucle : d = 5,6 cm, Chape : L x l = 5 x 3 cm (Piuzzi 1998, p. 281-282, 285, fig. 1 ; Piuzzi et al. 2003, p. 98 ; Piuzzi 2003, p. 175) 2396 470 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type N2a : Anneau ou boucle droite, à double fenêtre semi-ovale symétrique non outrepassée, en alliage cuivreux, de petite taille (fig. 232, n° 5 à 11) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL 82.I.1.62, remblai du XVIIIe siècle.  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : B5600939, contexte des XIVe - XVe siècles. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1140, N.D.S.  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-164 à 168, 219, 299 à 301, datation inconnue.  Rue Banasterie, Avignon : n° 394, datation inconnue.  Rue Carreterie, Avignon : n° 23, 331 à 333, datation inconnue.  65, place de Cabassole, Cavaillon : n° 6, H.S. Dix-neuf pièces de moins de 2,1 cm appartiennent au type N2a. Une encoche est souvent visible au milieu de la traverse médiane lorsque l’ardillon en fer est absent ou décalé (fig. 232, n° 5, 9, 10, 11). Cette caractéristique est bien moins courante dans la bibliographie2399. L’ardillon y est également plus souvent en alliage cuivreux2400 qu’en fer2401. 2399 Anneaux et boucles avec une encoche sur la traverse médiane : France, Cher : spécimen entier, d = 1,9 cm, démolition, XVIIe - XXe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 112, n° 2511) ; Gers : anneau entier, d = 1,8 cm, vers 1170 - vers 1250, Corné, L’Isle-Bouzon (Lassure 1995, p. 514, fig. 413, n° 2) ; Hautes-Pyrénées : artefact entier, dimensions inconnues, XVe XVIe siècle, place de Verdun, Tarbes (Barrère 1994, p. 66-67) ; Haute-Savoie : objet entier, d = 2 cm, couche de démolition des XVIe - XVIIe siècles, château de Vuache, Vulbens (Raynaud 1993, p. 100). Suisse, canton de Genève : pièce entière, d = 1,8 cm, N.D.S., église Saint-Georges, Hermance (Bonnet 1973, p. 91). Anneaux et boucles sans encoche sur la traverse médiane : France, Bas-Rhin : exemplaire entier, dimensions inconnues, fin XVe - XVIe siècle, Hohenfels, Dambach-Neunhoffen (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 450, n° 3.120) ; Corse : anneau entier, d = 1,35 cm, spécimen entier, d = 1,85 cm, deuxième moitié XVe - début XVIe siècle, village médiéval de l’Ortolo, l’Ortolo (Comiti 1996, p. 43) ; artefact fragmentaire, d = 1,75 cm, fin XIVe siècle - 1505, castellu de Baricci, Sartène (Comiti 1996, p. 43) ; Hérault : exemplaire fragmentaire, d = 0,8 cm (erreur de dimensionnement du dessin ?), individu entier, d = 2,05 cm, occupation de maison, vers 1560 - vers 1580, La Cisterne, Cabrières (Paya 1991, p. 59, n° 64 et 66). Espagne, province de Barcelone : individu entier, dimensions inconnues, XIVe - XXe siècle, couvent de Sant Agustí, Barcelone (Parra 2009a, p. 208 ; Gea i Bullich 2009). Royaume-Uni, Londres, spécimen entier, d = 1,6 cm, vers 1550 - vers 1600, Abbots Lane, Londres (Egan 2005, p. 34, n° 76). 2400 France, Bas-Rhin : exemplaire entier, dimensions inconnues, fin XVe - XVIe siècle, Hohenfels, Dambach-Neunhoffen (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 450, n° 3.120) ; spécimen complet, d = 1,8 cm, non daté, ancienne abbatiale, Marmoutier (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 474, n° 4.26) ; Oise : artefact incomplet, d = 1,7 cm, ferme du XIVe siècle, Le Bellé, Neuilly-en-Thelle (Legros 2001, n° 99) ; 471 3. Approche croisée du mobilier archéologique Un anneau de type N2a non ébarbé, bombé à l’avers et plat au revers, fut trouvé en position résiduelle dans le comblement d’une fosse datée de 1704-1705 fouillée rue Mongelas à Paris. Il est à mettre en relation avec l’activité d’un atelier métallurgique du cuivre et de ses alliages à cet endroit dans le second quart du XIVe siècle2402. La fabrication d’objets de ce type est attestée à Magdebourg dans le land de Saxe-Anhalt en Allemagne par une valve de moule gravée d’une empreinte de 1,8 cm de diamètre2403. Le type N2a est vraisemblablement en usage entre le milieu du XIIIe siècle et le XVIe siècle. Type N2b : Anneau ou boucle droite, à double fenêtre semi-ovale symétrique non outrepassée, en fer (fig. 232, n° 12 à 15) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 134, pied droit du corps d’un homme adulte inhumé aux XVIIe - XVIIIe siècles. Var  Castrum de Marsens, Le Muy : n° 27, déblais du cimetière, XIIIe - début XVe siècle. Vaucluse  Palais des Papes, salle de théologie, Avignon : n° 39, remblais, fin XIVe - XVIe siècle.  Château de l’Hers, Châteauneuf-du-Pape : n° 2, H.S. Tous les objets du corpus comportent un ardillon (fig. 232, n° 12 et 13) ou un fragment d’ardillon (fig. 232, n° 14 et 15). Les anneaux et boucles du type N2b sont en boucle complète, d = 1,8 cm, XVIe - début XVIIIe siècle, ferme de « La Plaine d’Herneuse », Verberie (Legros 2012c, p. 260, n° 27) ; Localisation précise inconnue : dimensions inconnues, XIIIe - XVe siècle, dans le Calvados ou en Seine-Maritime (Vivre au Moyen Âge 2002, notice 186 ou 187). Italie, province de Coni : boucle complète, d = 1,9/2 cm, N.D.S., château Montaldo di Mondovì (Cortelazzo et Lebole di Gangi 1991, p. 225, fig. 130, n° 16) ; Royaume-Uni, Hampshire : artefact incomplet, d = 2 cm, non phasé, Brook street site C, Winchester (Hinton 1990f, p. 526, n° 1260). 2401 France, Aude : artefact incomplet, d = 1,9 cm, un objet non représenté, N.D.S. castrum de Cabaret, Lastours (Gardel et al. 1999, p. 300 et 301) ; Indre : objet incomplet « avec traces de l’ardillon sur la barre centrale », d = 2,2 cm, XIVe - XVe siècle, motte de Moulins-sur-Céphons (Querrien (dir.) 1990, p. 42, n° 29). 2402 Objet entier, L x l = 1,95 x 1,8 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B.1, fig. 19, n° 184). 2403 Berger 2006, p. 50, n° 6-34, B. 472 3. Approche croisée du mobilier archéologique moyenne d’un plus grand diamètre que les autres sous-types du type N2404. Une chape de type A1e est encore rattachée à la traverse médiane d’une boucle dignoise (fig. 232, n° 15). La chape est fragmentaire pour une boucle italienne trouvée dans un ossuaire (début XVe - fin XVIIIe siècle) dans l’église Santa Maria del Mastro à Gerace dans la province de Reggio Calabria2405. Quelques variétés morphologiques s’observent dans la bibliographie. Une pièce non datée avec une excroissance au milieu de la traverse distale fut trouvée sur le site de Walton à Milton Keynes dans le Buckinghamshire2406. D’autres objets ont un cadre plat parcouru de lignes concentriques gravées2407 ou de files concentriques de triangles poinçonnés2408. Ce dernier traitement est inédit pour le fer. Un autre artefact londonien, de la seconde moitié du XVIIe siècle, possède un cadre ovale et non plus circulaire2409. Type N2c : Anneau ou boucle droite, à double fenêtre semi-ovale symétrique non outrepassée, en matériau blanc (fig. 232, n° 16 à 19) Var  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL 92.02.28, H.S. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1138, deuxième tiers du XIVe siècle ? ; n° 1136 et 1137, H.S.  Palais des Papes, jardins orientaux, Avignon : n° 14, vers 1400 - vers 1410. 2404 France, Bas-Rhin : anneau entier, d = 3/3,1 cm, XVe - XVIe siècle, château d’Ortenbourg (Rieb et Salch 1973, n° 352). Italie, province de Grosseto : objet complet, d = 3,5 cm, H.S., Castel di Pietra, Gavorrano (Belli 2002, p. 152) ; province de L’Aquila : exemplaire complet, d = 5/5,1 cm, sépulture, villa romaine, Ovindoli (Redi et Malandra 2003, p. 399, fig. 6, n° 9). Royaume-Uni, Buckinghamshire : boucle complète, L x l = 3,8 x 4,3 cm, N.D.S., Walton, Milton Keynes (Goodall et al. 1994, p. 71, n° 11) ; Londres : pièce entière, d = 5,7 cm, vers 1530 - vers 1550, artefact entier, d = 1,6 cm, vers 1530 – vers 1570, Abbots Lane, Londres (Egan 2005, p. 34, n° 80) ; Yorkshire du Nord : spécimen entier, d = 4,9 cm, niveaux de destruction, seconde moitié XVe - première moitié XVIe siècle, moated house of Esat Haddlesey, Knottingley (Goodall 1973, p. 93, fig. 37, n° 25). 2405 Boucle complète, Boucle : L x l = 6,2 x 5,6 cm, Chape : l = 4,2 cm (Lebole di Gangi 1993, p. 470). 2406 Anneau entier, L x l = 3,8 x 3,5 cm (Goodall et al. 1994, p. 71, n° 17). 2407 Italie, province de Rieti : artefact complet, d = 7,2 cm, XVe siècle ou antérieur, château de Macchiatimone, Pescorocchiano (Beavitt et al. 1993, p. 444, fig. 19, n° 12). 2408 Royaume-Uni, Londres : Boucle incomplète, d = 4,8 cm, seconde moitié XVe - première moitié XVIe siècle (Egan 2005, p. 34, n° 78). 2409 Anneau entier, L x l = 2,4 x 2,5 cm, Abbots Lane (Egan 2005, p. 35, n° 83). 473 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les objets du corpus sont tous ornés. Le plus simple ne comporte qu’un simple gradin (fig. 232, n° 18). Le bas du gradin est décoré de petites perles pour les autres pièces (fig. 232, n° 16, 17, 19). Trois d’entre elles comportent sur le haut du gradin des bossettes circulaires (fig. 232, n° 17) ou obliques (fig. 232, n° 16 ; un exemplaire non illustré). Le revers est généralement vierge de tout décor. Un gradin s’observe cependant sur deux spécimens avignonnais (fig. 232, n° 16; un exemplaire non illustré). L’artefact arlésien possède une encoche au milieu de la traverse médiane et une légère encoche distale pour la réception de la pointe de l’ardillon. Des traces d’un ardillon en fer se remarquent sur trois pièces dont deux sont ici figurées (fig. 232, n° 16 et 17). Quarante-cinq pièces dont cinq non décorées ont été trouvées à Londres dans des contextes de la première moitié du XVe siècle. Certaines ont conservé un ardillon en fer ou un fragment de courroie en cuir autour de la traverse médiane2410. Seuls deux individus ornés retrouvés sur des chaussures sont dessinés : l’un arbore des bossettes obliques, l’autre est similaire à l’objet arlésien (fig. 232, n° 19). Deux autres objets londoniens provenant de niveaux de la première moitié du XVIe présentent le même décor2411. Type N2d : Anneau ou boucle droite, à double fenêtre semi-ovale symétrique non outrepassée, en alliage cuivreux, de grande taille (fig. 232, n° 20 et 21 ; fig. 233, n° 1 à 7) Bouches-du-Rhône  16, boulevard de la République, Aix-en-Provence : n° 3, contexte d’Époque moderne.  Thermes de Constantin, Arles : n° 2, H.S.  Église abbatiale Saint-Victor, Marseille : n° 125, remblai du XVIIIe siècle.  Îlot 55, Marseille : n° 752, N.D.S. Vaucluse  Hôtel de Brion, Avignon : n° 6, H.S.  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-130 et 218, datation inconnue.  Rue Carreterie, Avignon : n° 329, datation inconnue. 2410 d = 2,0 à 2,4 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 66-67, n° 215 à 259 ; Gew et De Neergaard 2001², fig. 110, n° d et e). 2411 Exemplaires entiers, d anneaux = 2,2 cm, Abbots Lane (Egan 2005, p. 34, n° 81 et 82). 474 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Château de l’Hers, Châteauneuf-du-Pape : n° 1, H.S. Les pièces du type N2d mesurent 2,1 cm ou plus de diamètre2412. L’ardillon est en alliage cuivreux (fig. 233, n° 5 et 7) ou en fer (fig. 232, n° 21). Le matériau de celui de l’anneau de la rue Carreterie est inconnu (fig. 233, n° 4). Cet exemplaire se différencie par une traverse médiane rendue distincte du reste du cadre, à l’image de ce qui s’observe pour un objet de la première moitié du XVIIe siècle au cadre de section triangulaire mis au jour sur le site de High street A à Southampton au Royaume-Uni2413. La lanière de cuir ou de tissu à laquelle était fixée la boucle pouvait être directement enroulée autour de la traverse médiane : un objet londonien provenant d’un contexte du dernier quart du XVIIe siècle, à traverse médiane distincte du cadre, à l’ardillon portant des traces d’une couverte noire, conserve un fragment de courroie de cuir2414. Dans la bibliographie comme dans le corpus, quelques spécimens possèdent encore une chape. Un exemplaire de Marseille à ardillon en fer (fig. 232, n° 21) et un objet issu de l’habitat médiéval de Goltho dans le Lincolnshire2415 comportent des chapes de type A8a et A1d. La chape de l’artefact provençal comporte un rivet à contre-rivure intégrée. La boucle anglaise fut trouvée dans une « avant-tranchée » de maisons occupées dans la seconde moitié du XIIe ou dans la première moitié du XIIIe siècle. Ses traverses distale et proximale sont de section oblique. L’ensemble des traverses sont de section oblique pour un individu trouvé à l’abbaye de Bordesley à Redditch dans le Worcestershire et daté entre la seconde moitié du XIIe siècle et la première moitié du XIVe siècle2416. La chape est de type A2a pour une pièce à ardillon en fer mise au jour dans une réoccupation de la seconde moitié du XVe siècle et de la première moitié du XVIe siècle des thermes gallo-romains de Bliesbruck en Moselle2417. Le cadre de deux artefacts du corpus est ornementé de dépressions obliques semble-t-il issues de fonte (fig. 233, n° 7) ou de pastilles ovales (fig. 233, n° 6). Il est plat et orné de l’inscription O MATER DEI MEMANTOR MEI ORA P[RO ME]+ soit O Mère de Dieu 2412 France, Deux-Sèvres : individu entier, d = 2,2 cm, remblai du XVe siècle, église et cimetière du Saint-Sépulcre, Parthenay (Fourteau Bardaji 1989, p. 35, n° 13011-1). Italie, province de Reggio Calabria : objet entier, d = 3,9/4 cm, ossuaire, début XVe - fin XVIIIe siècle, Santa Maria del Mastro, Gerace (Lebole di Gangi 1993, p. 468, fig. 4, n° 5). 2413 Royaume-Uni : objet entier, d = 3,1 cm, première moitié XVIIe siècle, High street A, Southampton (Harvey et al. 1975, p. 264, fig. 244, n° 1812). 2414 Objet complet, d = 3 cm (Egan 2005, p. 34, n° 77). 2415 Anneau entier, Boucle : L x l = 2,7 x 2,55 cm, Chape : L x l = 2,5 x 1,65 cm (Goodall et al. 1975, p. 91, fig. 43, n° 7). 2416 Boucle incomplète, d = 2,3 cm (Astill 1993a, p. 194, fig. 88, CA 288). 2417 Boucle complète, boucle : d = 3 cm ; chape : L x l = 1,35 x 1,95 cm (Clemens et Petit 1995, p. 77). 475 3. Approche croisée du mobilier archéologique souviens-toi de moi prie (pour moi) pour un objet conservé aux musées de la Cour d’Or de Metz et daté typologiquement du XVe siècle2418. Le cadre d’une pièce découverte dans une maison datée vers 1560 - vers 1580 du site de la Cisterne à Cabrières dans l’Hérault est également plat2419. Une boucle de type N2d est figurée, dans le groupe sculpté du Puits de Moïse à la Chartreuse de Champmol, sur la ceinture du prophète Daniel sculpté par Claus Sluter et son atelier de 1403 à 1404 (fig. 225). Le type N2d peut être daté d’une période comprise entre la première moitié du XIIIe siècle et la fin du XVIIe siècle. Type N3 : Anneau ou boucle concave, à double fenêtre semi-ovale symétrique non outrepassée (fig. fig. 233, n° 8 à 11 ; fig. 234, n° 1) Les objets du type N3 sont classés dans les sous-types N3a ou N3c lorsqu’ils sont en alliage cuivreux, dans le sous-type N3b s’ils sont en fer. Les pièces en alliage cuivreux d’un diamètre supérieur ou égal à 2,1 cm sont rassemblées dans le sous-type N3c, celles d’une taille inférieure dans le sous-type N3a. Le profil concave des anneaux et boucles de type N3 est bien adapté à la forme du cou de pied, et donc à un usage dans la chaussure. Type N3a : Anneau ou boucle concave, à double fenêtre semi-ovale symétrique non outrepassée, en alliage cuivreux, de petite taille (fig. 233, n° 8 à 11) Bouches-du-Rhône  16, boulevard de la République, Aix-en-Provence : n° 2, contexte d’Époque moderne.  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : n° B5601913, comblement de tranchée de récupération de mur du XIVe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1142 A et B, deuxième moitié XIVe siècle ; n° 1141, XVIIIe siècle ? avec céramique du XIVe siècle.  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-49 et 134, datation inconnue. 2418 Artefact complet, d = 3,9 cm (Vivre au Moyen Âge 1998, p. 265). France, Hérault : spécimen entier, d = 2,1 cm, occupation de maison, vers 1560 - vers 1580, La Cisterne, Cabrières (Paya 1991, p. 59, n° 244). 2419 476 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Rue Racine, Avignon : n° 34, contexte daté vers 1530 - vers 1540. Exactement comme pour les anneaux et boucles des types N1 et N2a, quelques exemplaires dans le corpus (fig. 233, n° 8, 9, 11) ainsi que dans la bibliographie comportent une encoche2420 ou un rétrécissement de la traverse médiane2421. Le plus souvent, hors de Provence, la traverse médiane ne possède pas cette caractéristique2422. Il est possible qu’un ardillon la soustraie parfois aux regards (fig. 233, n° 10)2423. L’ardillon, lorsqu’il est conservé, est toujours en fer. Le type N3a peut être daté entre la seconde moitié du XIVe siècle et le XVIIe siècle. Type N3b : Anneau ou boucle concave, à double fenêtre semi-ovale symétrique non outrepassée, en fer (fig. 234, n° 1) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 175, sépulture d’un adulte inhumé aux XIVe - XVe siècles. Cette boucle en fer, concave, est remarquable par ses dimensions. Les traverses distale et proximale de section oblique se rejoignent à l’endroit de l’insertion d’une traverse médiane de section circulaire. Une chape de type A4b en ailes de papillon assurait la liaison entre la 2420 France, Aude : trois spécimens entiers, d = 1,6 et 1,7 et 1,75 cm, N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 223, fig. 147, n° 23, 24, 29) ; Haute-Pyrénées : exemplaire entier, dimensions inconnues, XVe - XVIe siècle, place de Vardun, Tarbes (Barrère 1994, p. 66-67). 2421 France, Alpes-Maritimes : anneau entier, d = 1,9 cm, remblai, milieu XVIe - deuxième moitié XVIe siècle, Porte Pairolière, Nice (Thuaudet 2010e, pl. 4, n° 22). 2422 France, Haute-Savoie : pièce entière, d = 2 cm, couche de démolition, XVIe - XVIIe siècle, château de Vuache, Vulbens (Raynaud 1993, p. 100) ; Meurthe-et-Moselle : deux boucles complètes, d = 2 cm, remblais d’abandon et de destruction, XVIe - XVIIe siècle, maison forte des Armoises, Richardménil (Guarascio et Giuliato 2007, p. 165, fig. 106) ; Seine-et-Marne : artefact entier concave ?, d = 2 cm, utilisation de latrines, deuxième moitié XVIe siècle, château de Blandy-les-Tours (Coste 2006a, p. 120, fig. 75, n° 5) ; une boucle complète, d = 1,9 cm, site inconnu, Meaux (Dupond et al. 1992, p. 96, n° 19). Espagne, province de Barcelone : anneau entier, L x l = 2,5 x 2,3 cm, XIIIe XVIIIe siècle, Arc de Triomphe, Barcelone (Parra Alé 2010a, p. 131, n° 11). 2423 France, Aude : boucle complète, d = 1,7 cm, N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhac-sousPeyrepertuse (Barrère 2000, p. 223, fig. 147, n° 28) ; Cher : spécimen complet, d = 1,9 cm, démolition, XVIIe - XXe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 112, n° 2512) ; Isère : objet incomplet avec probable fragment d’ardillon en fer, d = 1,85 cm, remplissage de sépulture, XVIIIe siècle, église Saint-Laurent, Grenoble (Colardelle 1999, t. 2, p. 6 ; Colardelle 2008, p. 346). 477 3. Approche croisée du mobilier archéologique boucle et la lanière. Il a été relevé des traces de dorure sur le cadre. Des objets très différents ont été relevés dans la bibliographie anglaise : un exemplaire de petite taille similaire à bon nombre de spécimens du type N3a (fig. 233, n° 8 à 11)2424, une pièce particulièrement trapue2425. Type N3c : Anneau ou boucle concave, à double fenêtre semi-ovale symétrique non outrepassée, en alliage cuivreux, de grande taille (fig. 233, n° 12 à 14) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL 92.02.19, H.S.  Tunnel de la Major, Marseille : n° 28, comblement de tranchée de fondation en 1606. Vaucluse  Rue du Limas, Avignon : n° 270, contexte inconnu. Ces trois pièces légèrement concaves, de grande taille, sont en alliage cuivreux. L’ardillon était en fer pour un artefact (fig. 233, n° 12) ; son matériau est inconnu pour une pièce avignonnaise (fig. 233, n° 14). Type O : Anneau ou boucle à double fenêtre ovale ou semi-ovale outrepassée symétrique (fig. 234, n° 2 à 10, fig. 235 à 237) Les anneaux et boucles du type O possèdent deux fenêtres ovales ou semi-ovales outrepassées et symétriques. La présence ou non des critères suivants : cadre régulier, avec élargissement localisé, avec moulures, avec œillet(s), permet d’établir la typologie. L’élargissement progressif des traverses proximale et distale, très souvent limité, n’a pas semblé avoir d’impact sur la datation des objets et n’a pas été pris en compte. Le sous-type O1 rassemble les anneaux et boucles aux traverses proximale et distale dites régulières, c’est-à-dire sans l’un des critères mentionnés ci-dessus. Le sous-type O2 2424 Royaume-Uni, Buckinghamshire : L x l = 2,5 x 2,6 cm, non datée, Walton, Milton Keynes (Goodall et al. 1994, p. 71, n° 10). 2425 Royaume-Uni, Southampton : Boucle incomplète, l = 4,75 cm, probablement XVIe siècle, Maitland Muller 2, Southampton (Harvey et al. 1975, p. 87, fig. 257, n° 2197). 478 3. Approche croisée du mobilier archéologique regroupe les artefacts avec un élargissement localisé des traverses externes. Les spécimens ayant les traverses proximale et distale couvertes de moulures sont classés dans le sous-type O3. Le sous-type O4 retient les exemplaires avec un ou des œillets. Il se constate dans le corpus l’absence notable des anneaux et boucles plus longs que larges avec une barre sur les traverses externes2426. Celles-ci peuvent être ornées de denticules et/ou de bosses2427. Peu surprenant est au contraire le défaut des boucles à double fenêtre en accolade incomplète2428 ou à traverse médiane rajoutée2429 dont la majorité des formes est plus récente que la période d’étude. Les opérations archéologiques londoniennes ont livré quelques modèles de la fin du Moyen Âge de ces deux types ainsi que des formes peu ordinaires dont des pièces à double fenêtre trilobée2430. 2426 Exemples, France, Charente-Maritime : objet entier avec chape de type A2a, Boucle : L x l = 2,95 x 2,9 cm, Chape : L x l = 2,1 x 1,6 cm, dépotoir des XVIe - XVIIe siècles, 14-16 rue Delayant, La Rochelle (Berthon (dir.) 2013, p. 60, n° 62). Espagne, province de Barcelone : anneau entier, L x l = 2,9 x 4,1 cm, environs de Mataró (Bolos et al. 1981, p. 140, n° 51). Italie, province de Gênes : artefact entier avec chape de type A1a, Boucle : L x l = 4,25 x 4,7 cm ; Chape : L x l = 4,1 x 3,1 cm, dernières décennies XIVe - seconde moitié XVe siècle, castello di Molassana, Gênes (Bazzuro et al. 1974, p. 37, n° 83) ; province de Udine : boucle entière en fer avec chape de type A (nombre de rivets inconnu), Boucle : L x l = 4,1 x 4,7 cm ; Chape : L x l = 2,5 x 3,4 cm (Piuzzi et al. 2003, p. 98, n° 225). Royaume-Uni, Grand Londres : une pièce entière en alliage cuivreux avec chape de type A1, Boucle : L x l = 1,4 x 1,1 cm, Chape : L x l = 1,65 x 0,6 cm ; une pièce entière avec chape de type A1, Boucle : L x l = 1,55 x 1,1 cm, Chape : L x l = 1,8 x 0,5 cm, deuxième moitié du XIVe siècle, un spécimen entier avec chape de type A1, Boucle : L x l = 1,55 x 1,4 cm, Chape : L x l = 1,6 x 0,8 cm, deuxième moitié du XIVe siècle, boucle en fer complète avec chape de type A2a, Boucle : L x l = 3,1 x 3,1 cm, Chape : L x l = 1,8 x 1,8 cm, première moitié du XVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 88, n° 382, 383, 385, 461) ; Hampshire : artefact entier avec fragment de chape de type A, L x l = 3,3 x 3,9 cm, H.S., Brook street, Winchester (Hinton 1990f, p. 526, n° 1261) ; Yorkshire du Nord : boucle incomplète à couverte blanche avec chape de type A (nombre de rivets non renseigné), Boucle : L x l = 1,5 x 0,9 cm, Chape : L x l = 1,1 x 0,65 cm, première moitié XIVe siècle, College of the Vicars choral, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2895, n° 14325). 2427 France, Charente-Maritime : boucle complète avec chape de type A1a, Boucle : L x l = 1,8 x 0,9 cm, Chape : L x l = 2,7 x 0,9 cm, remblais contemporain contenant du mobilier du XIIIe au XIXe siècle, Jardins du Carmel, La Rochelle (Berthon (dir.) 2013, p. 57, n° 57). Italie, province d’Udine : spécimen complet avec une seule barre (!), laquelle est moulurée, L x l = 3,25 x 2 cm, castello di Zuccola (XIIIe - XIVe siècle), Cividale del Friuli (Favia 1992, p. 272, n° 42). Belgique, province de Namur : pièce complète, L x l = 2,5 x 2 cm, première moitié du XVe siècle ?, rue Cousot/parking des Oblats, Dinant (Thomas et al. (dir.) 2014, p. 105, n° 157). Royaume-Uni, Grand Londres : un exemplaire complet au cadre et à la chape de type A1a étamée, Boucle : L x l = 1,7 x 1,1 cm, Chape : L x l = 2,1 x 1 cm, deuxième moitié du XIVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 88, n° 384). 2428 Pour des exemples dans le sud-est de la France : à Nice (Thuaudet 2013, p. 267, fig. 1, n° 11), à Marseille (Thuaudet et Chazottes 2014, p. 303, fig. 239, n° 7 et 8). 2429 France, Charente-Maritime : pièce fragmentaire avec traverse médiane en fer rajoutée, L x l = 2,2 x 1,9 cm, comblement de fosse vers 1675 - vers 1750, rue du Duc, La Rochelle (Berthon (dir.) 2013, p. 62, n° 72) ; Royaume-Uni, Grand Londres : objet en étain (analyse de composition) avec chape de type D, Boucle : L x l = 2,5 x 1,7 cm, Chape : L x l = 2,1 x 0,9 cm, dernier quart XVIIe siècle (Egan 2005, p. 38, n° 121). 2430 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 102, n° 343-345, 377, 473 et 475. 479 3. Approche croisée du mobilier archéologique L’iconographie renseigne sur l’utilisation d’une boucle de type O1 pour la ceinture, de boucles à double fenêtres en accolade incomplète pour la fixation de la sangle d’une sacoche (fig. 229) mais aussi de la ceinture (fig. 226 et 228). Des armures attestent de l’emploi de boucles de type O1b pour la fixation des différentes protections (fig. 227). Type O1 : Anneau ou boucle régulier à double fenêtre ovale ou semi-ovale outrepassée symétrique (fig. 234 et 235) Les anneaux et boucles du type O1 sont distingués selon la présence de moulures dans la continuité de la traverse médiane et le matériau. Le profil des objets ne paraît pas être un caractère suffisamment significatif avec les données actuellement recensées. Les sous-types O1a à O1c regroupent les exemplaires sans moulures médianes : ils sont scindés en trois soustypes selon qu’ils sont en alliage cuivreux (sous-type O1a), en fer (sous-type O1b), en matériau blanc (sous-type O1c). Le sous-type O1d rassemble les anneaux et boucles en alliage cuivreux avec moulures médianes. Des anneaux et boucles composites plus longs que larges sont illustrés par des fouilles à York2431 et à Londres2432. Ils sont constitués d’une première tige en alliage cuivreux aux extrémités aplaties superposées formant les traverses externes. La zone de contact des extrémités et le milieu de la tige sont traversés par une deuxième tige en fer servant de traverse médiane. La pièce londonienne fut retrouvée dans un contexte de la deuxième moitié du XVIe siècle, celle de York en position résiduelle dans un niveau du XXe siècle. Les artefacts plus larges que longs sont absents du corpus bien qu’ils soient nombreux dans la bibliographie. Les fouilles archéologiques en Europe de l’Ouest ont livré des spécimens en alliage cuivreux2433 ou en fer2434, parfois avec une encoche distale2435 ou des 2431 L x l = 3,35 x 2,6 cm (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2895, n° 15191) Anneau entier, L x l = 2,1 x 1,7 cm (Egan 2005, p. 35, n° 87). 2433 France, Landes : objet fragmentaire, L rest. x l = 4 x 4,65 cm, quartier de Bézaudin, Arengosse (Barrouquère et al. 2003, p. 140, fig. 12, D) ; Haute-Garonne : boucle complète, L x l = 2,4 x 2,5 cm, H.S., Vieille-Toulouse, Toulouse (Sarret 1983, p. 118, n° 9 ; Fouet et Savès 1971, fig. 26). RoyaumeUni, Southampton : artefact fragmentaire, L restituée x l = 1,4 x 3,8 cm, 1550 - 1650, Cuckoo Lane D (Harvey et al. 1975, p. 265, fig. 244, n° 1860). 2434 Italie, province de Pordenone : pièce entière, L x l = 3,5 x 4,5 cm, H.S. (site occupé entre le XIIIe et le XVe siècle), Château, Montereale Valcellina (Piuzzi 1987, p. 144, n° 11). Royaume-Uni, Grand Londres : boucle complète étamée, L x l = 3,8 x 5,15 cm, vers 1270 - vers 1350, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 86, n° 46). 2435 Royaume-Uni, Lincolnshire : pièce fragmentaire, L x l = 6,15 x 6,2 cm, seconde moitié XIVe première moitié XVe siècle, forge, habitat médiéval, Gotho (Goodall et al. 1975, fig. 43, n° 20). 2432 480 3. Approche croisée du mobilier archéologique moulures dans l’axe de la traverse médiane2436. Un anneau au cadre régulier non ébarbé retrouvé au Gué de Bazacle à Toulouse en Haute-Garonne atteste vraisemblablement d’une fabrication de ce modèle dans la cité languedocienne2437. Un individu découvert dans un niveau londonien de la première moitié du XVe siècle, arbore de profondes incisions obliques sur les traverses externes2438. Le contexte d’une grande partie des pièces de la bibliographie est malheureusement inconnu ou non daté. Cependant, les exemplaires dont la datation stratigraphique est renseignée attestent de l’apparition de cette forme au cours de la première moitié du XIVe siècle. Peu après, il se constate une réduction du rapport longueur/largeur des objets du type O1a. L’emploi des anneaux et boucles plus larges que longs, même si cela n’est pas entièrement confirmé, a probablement augmenté au XVIIe siècle : en effet, à ce moment, le rapport longueur/largeur des objets des types O1a, O1b et O1c est descendu en moyenne autour de 1,1. La distribution des anneaux et boucles de type O1 du corpus et de la bibliographie selon leurs dimensions (fig. 231) montre une répartition hétérogène des objets du type O1a. Un regroupement s’observe entre 1,7 et 2,7 cm de long et 1,9 à 2,4 cm de large. Il présente des points communs avec la distribution des artefacts de types O1c/O3f – rassemblés ici car de configuration proches – mais la taille de ces derniers n’est pas plus grande que celle des spécimens en alliage cuivreux contrairement à ce qui s’observait au sein du type N. Le type O1d, qui ne se distingue du type O1a que par la présence de moulures médianes, et le type O1b proposent une distribution relativement homogène. D’une manière générale, les anneaux et boucles en alliage cuivreux et en matériau blanc du costume sont majoritairement de petites dimensions. L’établissement d’un sous-type basé sur la taille doit donc être fondé sur bien plus qu’une relative concentration de valeurs. Aucune distinction n’a donc été faite à ce stade selon la taille des pièces du type O1a car les résultats ne sont pas aussi tranchés que pour le type N. Toutefois, les variations des dimensions marquent vraisemblablement des différences dans l’emploi de ces accessoires métalliques. 2436 Royaume-Uni, Southampton : boucle complète L x l = 2,3 x 2,35 cm, vers 1550 - 1650, Cuckoo Lane D, (Harvey et al. 1975, p. 265, fig. 244, n° 1858). 2437 L x l = 2,9 x 3,1 cm (Archéologie 1990, p. 277, n° 602). 2438 Anneau entier, L x l = 4 x 4,3 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 82, n° 342). 481 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type O1a : Anneau ou boucle régulier, à double fenêtre ovale ou semi-ovale outrepassée symétrique, sans moulures médianes, en alliage cuivreux (fig. 234, n° 2 à 10) Bouches-du-Rhône  Tunnel de la Major, Marseille : n° 26, N.D.S. Var  Colline de Belle Femme, Hyères : n° 1, H.S. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1159, H.S. ; n° 1169, N.D.S.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1308, niveau de destruction de maison, vers 1365 ; n° 1845, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400.  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-169 et 298, datation inconnue.  Rue Carreterie, Avignon : n° 328, contexte inconnu. Ces objets en alliage cuivreux plus longs que larges et de dimensions variables peuvent comporter un ardillon en fer (fig. 234, n° 4) ou en alliage cuivreux (fig. 234, n° 5 à 7 et 9) dont la base est enroulée sur une traverse médiane sans encoche, éventuellement réduite (fig. 234, n° 5). Ils sont le plus souvent de profil plat2439, parfois concave2440 ou angulaire2441. 2439 France, Bas-Rhin : exemplaire incomplet, dimensions inconnues, fin XVe - XVIe siècle, Hohenfels, Dambach-Neunhoffen (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 450, n° 3.120) ; Calvados : plusieurs artefacts parmi quinze, L x l = entre 2,2 et 1,7 cm x entre 1,6 et 1,2 cm, XIIIe - XVe siècle, Caen et Grentheville (Vivre au Moyen Âge 2002, p. 212) ; Charente-Maritime : spécimen fragmentaire, L recons. x l = 3,1 x 2,3 cm, terre de jardin du XVIe siècle ?, Jardin du Carmel, La Rochelle (Berthon (dir.) 2013, p. 57, n° 59) ; Cher : exemplaire entier, L x l = 2,2 x 1,4 cm, comblement de latrines, seconde moitié XIVe - XVe siècle, individu avec fragment d’ardillon en fer, L x l = 2 x 1,2 cm, occupation de maison, XVe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 112, n° 203) ; Haute-Vienne : objet entier, L x l = 2,1 x 1,95 cm, dépotoir dans une galerie souterraine, XVIe siècle, ancien « faubourg Manigne », Limoges (Lombard et al. 1986, p. 114) ; Indre : deux pièces entières, L x l = 2,2 x 1,4 cm et 2,1 x 1,4 cm, XIVe - XVe siècle, motte de Moulins-sur-Céphons (Querrien (dir.) 1990, p. 44, n° 30 et 31) ; Paris : exemplaire incomplet, L x l = 2,35 x 1,6 cm, XVe XVIIIe siècle, couvent et monastère de l’Ave Maria (Bouëtiez de Kerorguen 1996, p. 163, fig. 6, n° 12) ; Pas-de-Calais : spécimen complet, L x l = 3,6 x 2,6 cm, XVe siècle, rue du Fier du Ciel, Conchil-le-Temple (Legros 2011, n° 63) ; Seine-et-Marne : individu entier, L x l = 2,5 x 2 cm, rejet non sanitaire dans des latrines, première moitié XVIe siècle, anneau entier à peine ébarbé sur un côté, L x l = 2 x 1,5 cm, latrines utilisées en tant que dépotoir, seconde moitié XVIe siècle, château de Blandy-les-Tours (Castille 2006, fig. 71, n° 7, fig. 75, n° 1) ; exemplaire incomplet, L x l = 2,3 x 1,65 cm, conservé au musée de Meaux (Dupond et al. 1992, p. 96, n° 17) ; Seine-Maritime : spécimen entier, L x l = 2,2 x 1,55 cm, fin du Moyen Âge, Palais ducal, Fécamp (Renoux 1987, p. 36) ; plusieurs artefacts parmi quinze, L x l = entre 2,2 et 1,7 cm x entre 1,6 et 1,2 cm, XIIIe - XVe siècle, Harfleur (Vivre au Moyen Âge 2002, p. 212) ; Seine-Saint-Denis : anneau entier, L x l = 2,25 x 1,55 cm ; 2,25 482 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les traverses sont généralement vierges de toute ornementation. Il existe quelques exceptions : une encoche se remarque sur la seule traverse distale d’individus anglais2442. Un exemplaire du corpus arbore des incisions au milieu de ses traverses distale et proximale (fig. 234, n° 9). Cette caractéristique se retrouve sur des pièces de la bibliographie2443. D’autres anneaux et boucles ont le cadre orné par fonte de palmettes et x 1,6 cm ; 2,15 x 1,5 cm ; 2,25 x 1,55 cm, seconde moitié XIVe siècle - premier quart XVe siècle, site non reneigné, Saint-Denis (Thomas 2009, t. 3, annexe B.2, fig. 59 et 60, n° 47 à 52) ; Vosges : objet entier, L x l = 3,65 x 3,5 cm, vers 1250 - vers 1650, château d’Épinal (Kraemer 2002, p. 244, pl. 15, n° 15). Italie, province de Coni : artefact entier, L x l = 2,7 x 1,9 cm, XVIe siècle, château de Montaldo di Mondovì (Cortelazzo et Lebole di Gangi 1991, p. 225) ; province de Pise : objet fragmentaire, L x l = 2,15 x 1,45 cm, fréquentation sporadique entre le XVIe et le XIXe siècle, monastère de San Michele Arcangelo alla Verruca, Vicopisano (Dadà 2005, fig. 5, n° 21). Croatie, comitat de Split-Dalmatie : exemplaire fragmentaire, L recons x l = 2,4 x 1,9 cm, sépulture du bas Moyen Âge ou d’époque moderne, Cimetière de Saint Saviour, Vrh Rika (Petrinec 1996, p. 107, n° f). Belgique, province de Namur : boucle complète avec ardillon fil, L x l = 2 x 1,5 cm, XIIIe - XIVe siècle, rue Genard/porte Chevalier, Bouvignes (Thomas et al. (dir). 2014, p. 105, n° 158). RoyaumeUni, Carmarthenshire : individu entier, L x l = 2,55 x 2,2 cm, destruction de bâtiment, époque moderne, abbaye des franciscains, Carmarthen (Brennan 2001, n° 5) ; Grand Londres : quatre exemplaires entiers, L x l = 2,2 x 1,5 et 2,2 x 1,5 cm, 2,3 x 1,6 et 2,1 x 1,8 cm, première moitié du XVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 82, n° 338 à 341) ; spécimen entier, L x l = 2,3 x 1,9 cm, vers 1480 - vers 1550, Gund and Shot Wharf, Londres (Egan 2005, p. 35, n° 84) ; objet entier, L x l = 2,5 x 1,5 cm, seconde moitié XVe - première moitié XVIe siècle, Abbots Lane, Londres (Egan 2005, p. 35, n° 85) ; Hampshire : boucle entière, L x l = 4,3 x 3,4 cm, occupation de bâtiment, XVe XVIe ( ?) siècle, Brook Street C, Winchester (Hinton 1990f, p. 521, n° 1206) ; Lincolnshire : pièce fragmentaire, L x l = 6 x 5,7 cm, seconde moitié XIVe - première moitié XVe siècle, forge, habitat médiéval, Gotho (Goodall et al. 1975, fig. 43, n° 19) ; Southampton : artefact incomplet, L x l = 2,6 x 2,2 cm, probablement XVIe siècle, Maitland Muller 2, Southampton (Harvey et al. 1975, p. 260, fig. 243, n° 1789). 2440 France, Charente-Maritime : spécimen entier, L x l = 1,7 x 1,2 cm, dépotoir des XVIe - XVIIe siècles, artefact complet, L x l = 3,3 x 2,7 cm, remblai des XVIe - XVIIe siècles avec mobilier du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle, artefact entier, L x l = 2 x 1,8 cm, comblement de fosse des XVIIe XVIIIe siècles, 14-16 rue Delayant, La Rochelle (Berthon (dir.) 2013, p. 62, n° 63, 66, 70) ; Côtesd’Armor : exemplaire entier, L x l = 2,25 x 1,8 cm, H.S., motte castrale du Vieux Poirier, Kermoroc’h (Langouet et Faguet 1985, p. 76). Royaume-Uni, Grand Londres : un spécimen entier, L x l = 2,2 x 1,5 cm, première moitié du XVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 82, n° 337) Philippines : plusieurs pièces de fabrication européenne, dimensions non précisées, naufrage en 1600, épave du San Diego (Le San Diego 1994, p. 161). 2441 Royaume-Uni, Grand Londres : un spécimen complet, L x l = 3,4 x 2,5 cm, deuxième moitié du XIVe siècle, deux spécimens entiers, L x l = 2,2 x 1,4 et 2,2 x 1,45 cm, première moitié du XVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 82, n° 333, 335, 336) 2442 Royaume-Uni, Buckinghamshire : objet entier, L x l = 3,5 x 2,8 cm, sol non daté, Walton, Milton Keynes (Goodall et al. 1994, p. 70, n° 5). Grand Londres : artefact complet étamé, ardillon en fer, L x l = 3,3 x 2,5 cm, deuxième moitié du XIVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 82, n° 332) 2443 Royaume-Uni, Buckinghamshire : objet entier, L x l = 3,25 x 2,85 cm, plancher d’une grange, XIVe - XVe siècle ?, Simpson Barn, Milton Keynes (Woodfield et Mynard 1994, p. 172, fig. 92, n° 2) ; Carmarthenshire : spécimen entier, L x l = 4 x 3,7 cm, H.S., abbaye des franciscains, Carmarthen (Brennan 2001, n° 6) ; Hampshisre : artefact doré avec chape de type A1, Boucle : L x l = 3,9 x 3,5 cm, Chape : L x l = 2,4 x 1,9 cm, seconde moitié XVe - première moitié XVIe siècle, Cathedral Green, 483 3. Approche croisée du mobilier archéologique d’arabesques2444. Ces motifs semblent apparaître sur ces objets à l’extrême fin du XVIe siècle. Un artefact avignonnais comporte des traces de dorure (fig. 234, n° 10). Une tôle est attachée à une de ses traverses et porte à son extrémité un rivet traversant qui permettait l’attache – la suspension ? – de l’accessoire. Une chape de type E (fig. 234, n° 6) ou A (fig. 234, n° 7 et 9) est encore en place sur des artefacts du corpus. Elle est de type A1a pour un artefact mis au jour lors de la fouille d’une maison à Brignano-Frascata dans la province d’Alexandrie en Italie2445, de type A1a pour une pièce londonienne du dernier tiers du XIIIe siècle ou de la première moitié du XIVe siècle2446. Des restes de cuir sur des spécimens trouvés dans le Nord de la France2447 et de tissu sur des objets italiens2448 attestent d’un enroulement direct de la lanière autour de la traverse médiane. Une valve de moule en pierre gravée d’un anneau du type O1a provient de Magdebourg dans le land de Saxe-Anhalt en Allemagne2449. Les éléments de datation disponibles conduisent à proposer une datation de ces anneaux et boucles s’étendant au minimum entre le XIVe siècle et le XVIIe siècle2450. Winchester (Hinton 1990f, p. 521, n° 1209). Philippines : plusieurs pièces de fabrication européenne, dimensions non précisées, naufrage en 1600, épave du San Diego (Le San Diego 1994, p. 161). 2444 Philippines : plusieurs pièces de fabrication européenne, dimensions non précisées, naufrage en 1600, épave du San Diego (Le San Diego 1994, p. 161). 2445 Objet incomplet, datation inconnue, Boucle : L x l = 1,6 x 3 cm, Chape : L x l = 2,1 x 1,6 cm (Subbrizio 1993, fig. 181, n° 11). 2446 Artefact complet à ardillon en fer, Boucle : L x l = 1,95 x 1,2 cm, Chape : L x l = 1,6 x 0,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 88, n° 381). 2447 France, Seine-et-Marne : exemplaire entier, L x l = 2,45 x 1,6 cm, spécimen entier, L x l = 3,4 x 2,8 cm, utilisation de latrines, première moitié XVIe siècle, château de Blandy-les-Tours (Castille 2006, p. 71, n° 8 et 9) 2448 Italie, province de Lecce : objet complet, bas Moyen Âge, dimensions précises inconnues, San Stefano, Garlate (Maspero 2002, p. 220, fig. 8). 2449 Empreinte : L x l = 1,85 x 1,2 cm (Berger 2006, p. 50, fig. 6.34, E ; p. 178, n° 291). 2450 Un possible anneau de type O1a appartient à une phase d’occupation datée vers 1138 - vers 1154 du site de Cathedral Green à Winchester (Hinton 1990f, p. 514, n° 1108). Il en reste une fenêtre semiovale largement outrepassée et l’éventuelle amorce d’une seconde fenêtre. L’identification est donc incertaine. Il faut aussi tenir compte des spécificités du mobilier anglo-saxon dont bon nombre de pièces sont absentes du continent. 484 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type O1b : Anneau ou boucle régulier, à double fenêtre ovale ou semi-ovale outrepassée symétrique, sans moulures médianes, en fer (fig. 235, n° 1) Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 996, tranchée de 1960 (résiduel). L’unique spécimen provençal de ce sous-type, légèrement déformé, a conservé son ardillon. Dans la bibliographie, une majorité d’anneaux et boucles du type O1b a un profil droit2451. La présence d’un décor gravé, comme des zigzags, est exceptionnelle2452. Les objets possèdent éventuellement une chape de type A1a lorsqu’elle est clairement identifiable2453. Parmi ceux-ci, une boucle retrouvée sur le site de Corné (vers 1170 - vers 1250) à L’IsleBouzon dans le Gers se singularise par sa très grande taille2454. Une pièce londonienne au profil concave de la deuxième moitié du XIVe siècle arbore une encoche distale2455. La plupart des exemplaires concaves connus ont été retrouvés avec des éperons : un spécimen 2451 France, Aisne : exemplaire complet, L x l = 2,35 x 2,35 cm, première moitié XVe siècle, La Cologne, Hargicourt (Bayard et Mantel 1989, p. 167) ; Charente : un objet fragmentaire, L x l = 3,9 x 2,1 cm, fin de l’occupation du site (occupation entre vers 936 et vers 1028 ou activités postérieures à l’abandon), castrum d’Andone (Bourgeois 2009, p. 235, n° 1674) ; Oise : exemplaire complet, L x l = 2,5 x 2,1 cm, bâtiment de ferme du XVIIe siècle, Le Bellé, Neuilly-en-Thelle (Legros 2001, n° 165). Royaume-Uni, Buckinghamshire : artefact fragmentaire, L x l = 2,4 x 2,2 cm, sol pavé dans le bâtiment 4 occupé de la seconde moitié du XIIIe siècle à la seconde moitié du XVe siècle, Woughton village, Milton Keynes (Woodfield et al. 1994, p. 131, n° 7). États-Unis, État du Maine : spécimen fragmentaire, L x l = 2,6 x 2,5 cm, 1635 - 1654, Fort Pentagouet, Castine (Faulkner et Faulkner 1989, p. 251, n° 9.2c). 2452 Royaume-Uni, Grand Londres : anneau entier, L x l = 5,4 x 4,8 cm, deuxième moitié du XIVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 86, n° 348). 2453 France, Charente : objet incomplet avec chape de type A1a, Boucle : L x l = 3,6 x 2,2 cm, Chape : L x l = 3,3 x 1,3 cm, fin de l’occupation du site (occupation entre vers 936 et vers 1028), individu fragmentaire avec chape à l’état de fragment, boucle : L x l = 3,7 x 1,9 cm, postérieur à 1028, castrum d’Andone (Bourgeois 2009, p. 235, n° 1672 et 1673) ; Cher : boucle complète, L x l = 3,7 x 2,5 cm, Chape : L x l = 3 x 1,9 cm, occupation extérieure/dépotoir, deuxième moitié du XIIIe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 164, n° 4197) ; Hérault : anneau entier, L x l = 1,95 x 1,45 cm, maison, vers 1560 - vers 1580, La Cisterne, Cabrières (Paya 1991, p. 59). Italie, province de Lecce : exemplaire incomplet avec chape de type indéterminé, Boucle : L mini x l = 3,8 x 3,5 cm, Chape : L x l = 3,8 x 2 cm, tombe, début XVIe siècle, Santa Maria della Strada, Taurisano (Lapadula 2005, p. 199, n° 1). États-Unis, État du Maine : spécimen fragmentaire avec fragment de chape de type B (?), Boucle : L recons. x l = 3,35 x 3,15 cm, 1635 - 1654, Fort Pentagouet, Castine (Faulkner et Faulkner 1989, p. 251, n° 9.2b). 2454 Boucle complète, L x l = 11,1 x 3,9 cm (Lassure 1995, p. 537-538, fig. 426, n° 4). 2455 Anneau entier au profil concave avec traverse médiane distincte, L x l = 4,3 x 3,4 cm, deuxième moitié du XIVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 86, n° 347). 485 3. Approche croisée du mobilier archéologique (H.S.) provenant de Nova Sidla dans le district de Svitavy en République Tchèque2456, une pièce avec chape de type E mise au jour au château de Peyrepertuse (XIIe – XVIIIe siècle) à Duilhac-sous-Peyrepertuse dans l’Aude. Dans ce dernier cas, l’éperon serait datable du XVIIe siècle d’après un rapprochement avec un tableau2457. D’autres boucles concaves avec ou sans chape de type A1a découvertes dans l’habitat de Colletière (première moitié XIe siècle) à Charavines-les-Bains en Isère sont mises en relation avec des éperons2458. Une datation assez large, entre le début du XIe siècle et le XVIIe siècle est actuellement proposée. Les exemplaires les plus anciens sont beaucoup plus larges que longs ; l’écart entre largeur et longueur est beaucoup plus réduit du XVe au XVIIe siècle. Cette tendance s’observe également parmi les objets du type O1d. Type O1c : Anneau ou boucle régulier, à double fenêtre ovale ou semi-ovale outrepassée symétrique, sans moulures médianes, en matériau blanc (fig. 235, n° 2 à 5) Bouches-du-Rhône  Castrum de Montpaon, Fontvieille : n° 2011-1, remblai d’installation de sol, milieu XIIIe - début XIVe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1139, N.D.S. ; n° 1143 A et B, H.S. Le corpus contient deux exemplaires assurés et deux possibles spécimens, retrouvés incomplets (fig. 235, n° 2 et 3). Le cadre peut arborer une encoche distale (fig. 236, n° 4 et 5) et la traverse médiane une encoche en son centre (fig. 235, n° 5). Des restes d’oxydes ou de tige de fer attestent de la présence passée d’un ardillon en fer (fig. 235, n° 3 à 5). Hors de Provence, les découvertes sont peu communes. Des niveaux de latrine de la première moitié du XVIe siècle au château de Blandy-les-Tours en Seine-et-Marne ont fourni 2456 Objet complet, L x l = 3,1 x 2,3 cm (Vich et Žákovský 2012, p. 99, n° 17, fig. 1, n° 5). Pièce complète, Boucle : L x l = 2,6 x 2,2 cm, Chape : L x l = 1,9 x 1,2 cm (Bayrou 2000d, p. 207). 2458 Artefact complet, Boucle : L x l = 3,8 x 2 cm, Chape : L x l = 3,25 x 1,1 cm, objet complet, Boucle : L x l = 3,45 x 2 cm, Chape : L x l = 2,8 x 1,2 cm, specimen complet, Boucle : L x l = 3,5 x 1,7 cm (Colardelle et Verdle 1993, p. 214, fig. 11 et 12). 2457 486 3. Approche croisée du mobilier archéologique deux exemplaires avec des restes d’un ardillon en fer2459. À Londres, vingt-huit pièces dont plusieurs ayant conservé leur ardillon en fer proviennent de niveaux datés de la deuxième moitié du XIVe siècle à la première moitié du XVIe siècle. Un individu issu d’un contexte des années 1630 - 1650 est probablement résiduel2460. Les artefacts du type O1c sont à mettre en parallèle avec ceux du type O3f. Les éléments à disposition sont en faveur d’une datation comprise entre vers 1300 et la première moitié du XVIe siècle. Type O1d : Anneau ou boucle régulier, à double fenêtre ovale ou semi-ovale outrepassée symétrique, à moulures médianes, en alliage cuivreux (fig. 235, n° 6 à 13) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL 92.02.25, H.S.  Site inconnu, Arles : n° FAN 92.00.2270, H.S.  Les Costes Chaudes, Beaurecueil : n° 1, H.S.  Hôtel Dieu, Marseille : n° 1, comblement de four de bronzier du début du XVIIe siècle ? Var  Place Formigé, Fréjus : n° 1, 2 et 4, remblais, fin XIIe siècle - 1748 ; n° 3, sépulture du XVIe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1170, XVIe siècle. Les anneaux et boucles du type O1d, parfois concaves (fig. 235, n° 13)2461, se distinguent des exemplaires de type O1a par la présence d’ergots dans la continuité de la traverse médiane. Celle-ci supportait un ardillon en alliage cuivreux (fig. 235, n° 7, 9 à 11) ou en fer (fig. 235, n° 6 et 12). Un amincissement localisé (fig. 235, n° 4) ou une dépression 2459 Objet complet, L x l = 2,6 x 2 cm, rejet non sanitaire dans des latrines, L x l = 2,5 x 1,8 cm, utilisation de latrines (Coste 2006a, p. 120, fig. 75, n° 3 et 4). 2460 Nombreux exemplaires complets, incomplets, entiers ou fragmentaires (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 87, n° 350 à 374 ; Egan 2005, p. 35, n° 92 à 94). 2461 France, Seine-et-Marne : objet complet conservé au musée de Meaux, L x l = 4,6 x 2,9 cm (Dupond et al. 1992, p. 96, n° 20). Espagne, province de Barcelone : un individu, dimensions inconnues, datation inconnue, 4-6 Carrer del Sotstinent Navarro (Parra 2009b, p. 228). 487 3. Approche croisée du mobilier archéologique (fig. 235, n° 13) sur la traverse médiane, destiné à la base de l’ardillon, ou sur la traverse distale, pour sa pointe (fig. 235, n° 9 et 10)2462, est parfois visible : une pièce avec encoche distale trouvée en Côte-d’Or est dorée2463. Un décor végétalisant tracé au poinçon2464, des nervures issues de fonte2465, des incisions doubles au centre des traverses distale et proximale2466 s’observent sur le cadre de quelques anneaux et boucles, l’une avec chape de type A2c. Les traverses, vierges de toute ornementation, sont de section oblique sur une pièce anglaise2467. Un léger bandeau est visible en bordure de chacune des fenêtres d’un spécimen du corpus (fig. 235, n° 12). La courroie de cuir ou de tissu se fixait directement sur la boucle2468 ou par l’intermédiaire d’une chape (fig. 235, n° 10 ; une pièce non figurée)2469 : celle d’une pièce anglaise est de type A1a2470. Il a existé des boucles en fer de même forme que celles du type O1d2471. Les plus anciens exemplaires du type O1d sont beaucoup plus longs que larges. Il en fut mis au jour un spécimen dans le remblaiement d’un silo comportant des restes de 2462 France, Bas-Rhin : un exemplaire déformé, L mini x l = 1,2 x 1,4 cm, XVe ou XVIe siècle, château d’Ortenbourg (Rieb et Salch 1973, n° 351). Espagne, province de Barcelone : artefact entier, L x l = 2,35 x 2 cm, N.D.S., Castell de Voltrera, Abrera (Bolos et al. 1981, p. 179, n° 115). RoyaumeUni, Grand Londres : spécimen entier, L x l = 2,1 x 2 cm, vers 1500 - vers 1550, Abbots Lane, Londres (Egan 2005, p. 35, n° 86). 2463 Objet complet doré à ardillon en fer, L x l = 3,2 x 2,6 cm, datation inconnue mais le site est occupé aux Xe - XIe siècles puis aux XIVe - XVe siècles, Le Verger, Saint-Romain (Bourgogne 1987, p. 176, n° 436). 2464 France, Pas-de-Calais : spécimen complet, L x l = 4,5 x 4,3 cm, rivière La Ternoise à proximité d’un château occupé de fin XIIe - début XIIIe siècle à 1640, Grigny (Dilly et al. 1999, p. 128, n° 4.50). 2465 Royaume-Uni, Southampton : exemplaire complet avec chape de type A2c, Boucle : L x l = 3,4 x 3,1 cm, Chape : L x l = 3,1 x 1,6 cm, possiblement seconde moitié du XIVe siècle, Wacher C1, Southampton (Harvey et al. 1975, p. 258, fig. 242, n° 1775). La datation de cet objet semble plus tardive que la datation stratigraphique proposée. 2466 Philippines : une à deux pièces de fabrication européenne, dimensions non précisées, bateau coulé en 1600, épave du San Diego (Le San Diego 1994, p. 161). 2467 Royaume-Uni, Buckinghamshire : artefact entier, L x l = 3,2 x 2 cm, sol dans le bâtiment 3 occupé de la seconde moitié du XIIIe siècle à la seconde moitié du XVe siècle, Woughton village, Milton Keynes (Woodfield et al. 1994, p. 130, n° 1). 2468 France, Pas-de-Calais : objet complet, L x l = 2,9 x 1,6 cm, rivière La Ternoise à proximité d’un château occupé de fin XIIe - début XIIIe siècle à 1640, Grigny (Dilly et al. 1999, p. 128, n° 5.19). Royaume-Uni, Hampshire : pièce complète avec encoche distale sur une des deux traverses distales, L x l = 4,2 x 4,9 cm, sépulture, première moitié - milieu XIVe siècle, Cathédral Green, Winchester (Hinton 1990f, p. 517, n° 1152). 2469 Boucle avec chape de type indéterminé, Italie, province de Reggio Calabria : exemplaire entier, Boucle : L x l = 3,2 x 2,55 cm, Chape : L x l = 3,15 x 2,6 cm, ossuaire, début XVe - fin XVIIIe siècle, Santa Maria del Mastro, Gerace (Lebole di Gangi 1993, p. 468, fig. 4, n° 13). 2470 Royaume-Uni, Grand Londres : objet entier, Boucle : L x l = 1,7 x 1,2 cm, Chape : L x l = 1,8 x 0,7 cm, vers 1270 - vers 1350, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 88, n° 380). 2471 Royaume-Uni, Lincolnshire : spécimen complet, L x l = 4,6 x 4,4 cm, à l’étage de la maison 17 probablement désertée dans la seconde moitié du XIVe ou la première moitié du XVe siècle, habitat médiéval, Goltho (Goodall et al. 1975, fig. 41, n° 118, p. 89). 488 3. Approche croisée du mobilier archéologique « fragments de sol de cabane en argile demi-cuite », lors de la fouille d’un camp retranché « viking » à l’Isle-Aumont dans l’Aube que J. Scapula date des IXe - Xe siècles2472. Parmi le mobilier découvert ailleurs sur ce site, il se retrouve des épingles et des appliques de ceinture attribuables aux XIe, XIIe et XIIIe siècles ce qui contredit la datation restreinte avancée par l’auteur. La boucle pourrait dater du XIIIe siècle, peut-être de la fin du siècle. La fouille du Jardin des Carmels à La Rochelle en Charente-Maritime a également fourni une pièce très large provenant d’un foyer du XIVe siècle avec de la céramique de la fin du XIIIe siècle et du début du XIVe siècle2473. Les anneaux et boucles du type O1d ont un grand succès du XVe au XVIIe siècle2474, le rapport longueur/largeur est alors un peu plus réduit. Cette tendance s’observe également dans le type O1b. Dans le type O1d, les fenêtres peuvent être très peu outrepassées comme l’illustrent la plupart des exemplaires du corpus (fig. 235, n° 6 à 12). Cette caractéristique ne semble pas antérieure au XVIe siècle. En conclusion, une datation typologique correspondant aux XIIIe - XVIIe siècles peut être retenue dans l’état actuel des données. Type O2 : Anneau ou boucle à double fenêtre ovale ou semi-ovale outrepassée symétrique, à élargissements localisés (fig. 236, n° 1 à 6) Bouches-du-Rhône  Site inconnu, Arles : n° FAN 92.00.2284, H.S.  Alcazar, Marseille : n° 52, remblai daté vers 1750. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1665, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 2472 Boucle incomplète, dimensions précises inconnues (Scapula 1975, fig. 105, p. 200). Exemplaire complet, L x l = 1,9 x 1 cm (Berthon (dir.) 2013, p. 57, n° 56). 2474 France, Alpes-Maritimes : pièce complète, L x l = 3 x 2,6 cm, remblai funéraire, XIIIe - XVIe siècle ?, Notre-Dame d’Avignonet, Mandelieu-La Napoule (Fixot (dir.) 1990, p. 41, fig. 14) ; anneau entier, L x l = 2,8 x 2,8 cm, H.S., colline du château, Nice (Thuaudet 2013, p. 267, fig. 1, n° 12) ; Aude : objet incomplet avec ardillon en fer, L x l = 2,85 x 2,45 cm, dépotoir, XVIe - XVIIe siècle, église Sainte-Marie, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Bayrou et al. 1991, p. 75) ; Bas-Rhin : spécimen entier, L x l = 3 x 2,5 cm, XVe ou XVIe siècle, château d’Ortenbourg (Rieb et Salch 1973, n° 353) ; Hérault : spécimen fragmentaire, L recons. x l = 3,5 x 3,5 cm, N.D.S., La Cisterne, Cabrières (Schneider 1993, p. 57). Italie, province de Reggio Calabria : pièce entière, L x l = 3,9 x 3,2 cm, osssuaire, début XVe - fin XVIIIe siècle, Santa Maria del Mastro, Gerace (Lebole di Gangi 1993, p. 468, fig. 4, n° 11). Royaume-Uni, Buckinghamshire : objet complet, L x l = 2,2 x 1,8 cm, plancher d’une grange, XIVe - XVe siècle ?, Simpson Barn, Milton Keynes (Woodfield et Mynard 1994, p. 172, fig. 92, n° 3) ; Grand Londres : pièce entière, L x l = 2,1 x 1,7 cm, vers 1650 - vers 1700, Abbots Lane, Londres (Egan 2005, p. 35, n° 89). 2473 489 3. Approche croisée du mobilier archéologique 1415/1420.  Cadrix, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 161, couche d’humus postérieure au deuxième tiers du XIVe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1160, H.S.  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-228, datation inconnue. Cinq des six exemplaires du corpus sont en alliage cuivreux, éventuellement avec un ardillon en fer (fig. 236, n° 1). Le dernier spécimen est en fer, tout comme sa chape de type E (fig. 236, n° 3). Le profil est plat (fig. 236, n° 5 et 6) ou concave (fig. 236, n° 1 à 4). Un artefact se distingue par l’aspect losangique du cadre de chacune des fenêtres (fig. 236, n° 6). Dans la bibliographie, le plus souvent, les anneaux et boucles en alliage cuivreux ou en fer2475, avec ou sans chape de type E12476, ne comportent pas de moulures médianes : une seule pièce conservée au musée de Meaux en arbore2477. Les fouilles archéologiques à Londres ont livré une boucle en alliage à base de cuivre datée de la deuxième moitié du XIVe siècle avec un retrait au milieu de la traverse médiane destiné à la base de l’ardillon et des traverses externes gravées de traits et de zigzags2478. Une boucle plus large que longue et de très grande dimension fut trouvée dans un contexte de la seconde moitié du XIVe siècle ou du premier quart du XVe siècle à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis2479. La documentation illustre une utilisation des anneaux et boucles du type O2 durant le XIVe siècle mais l’information disponible pour cette étude n’est pas suffisante pour proposer une datation typologique fiable. 2475 France, Charente-maritime : spécimen fragmentaire, L rest. x l = 4,6 x 2,5 cm, terre de jardin du XVIe siècle, Jardins du Carmel, La Rochelle (Berthon (dir.) 2013, p. 57, n° 60) ; Isère : anneau entier en fer, L x l = 2,9 x 1,8 cm, XIIe - milieu XIVe siècle, village minier de Brandes-en-Oisans, Alpesd’Huez (Bailly-Maître 1983, p. 113, n° 72) ; Seine-et-Marne : objet entier, L x l = 2,4 x 1,3 cm, utilisation de latrines, fin XIVe - début XVe siècle, château de Blandy-les-Tours (Coste 2006, p. 120, fig. 75, n° 2). Suisse, canton d’Argovie : exemplaire fragmentaire, L x l = 4,2 x 3,9 cm, XIIIe siècle 1515, château du Vieux Wartburg (Meyer 1974, p. 98, n° D 17). Royaume-Uni, Dumfries and Galloway : pièce incomplète, L x l = 1,7 x 1,1 cm, 1250/1300 - 1600, complexe abbatial de Whithorn and Saint Ninian (Nicholson 1998a, p. 371, fig. 10.57, n° 10). 2476 Croatie, comitat de Split-Dalmatie : artefact entier, Boucle : L x l = 3,5 x 1,5 cm, Chape : L x l = 2 x 0,9 cm, bas Moyen Âge et époque moderne, Cimetière de Saint Saviour, Vrh Rika (Petrinec 1996, p. 123, n° 110) 2477 Boucle complète conservée au musée de Meaux, L x l = 4,5 x 2,8 cm (Dupond et al. 1992, p. 96, n° 9). 2478 Spécimen incomplet, L x l = 7,6 x 6,7 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 82, n° 334). 2479 Pièce entière, L x l = 4,6 x 6,6 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B.2, fig. 59, n° 47). 490 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type O3 : Anneau ou boucle à double fenêtre ovale ou semi-ovale outrepassée symétrique, moulurée (fig. 236, n° 7 à 9 ; fig. 237, n° 1 à 12) Les anneaux et boucles du type O3 sont regroupés en huit sous-types selon le modèle de moulure, la configuration des fenêtres et le matériau. Les pièces à ergots distaux sont classées dans les sous-types O3a à O3d. Il est distingué les objets plus longs que larges en alliage cuivreux (O3a) ou en fer (O3b), des spécimens plus larges que longs (O3c) à fenêtre semi-ovale simple et des individus à fenêtres en accolade complète (O3d). Les fouilles provençales n’ont pas fourni de spécimens en matériau blanc2480. Tous ces anneaux et boucles arborent deux ergots, mais il existe également la possibilité d’un unique ergot creusé d’une encoche pour la traverse distale2481. Des pièces de ce genre en matériau blanc ont été retrouvées sur des chaussures2482. Les anneaux et boucles provençaux aux traverses cordées sont classés dans le soustype O3e, ceux aux traverses distales bordées de perles dans le sous-type O3f. Le sous-type O3g contient les artefacts aux traverses moulurées de denticules et de bosses et le sous-type O3h, un artefact plus large que long aux traverses distales digitées. D’autres sous-types plus longs que larges à moulures, illustrés par des pièces françaises et suisses, arborent des traverses externes avec des moulures d’encadrement du repos de l’ardillon2483, avec une bordure dentelée2484 ou couvertes de denticules2485 ou de 2480 Italie, province de Toscane : un objet incomplet, L x l = 2,55 x 1,6 cm, vers 1340 à 1380, sépulture, cathédrale Santa Reparata, Florence (Buerger 1975, p. 208). 2481 Italie, province de Pise : artefact en alliage cuivreux entier, L x l = 2,6 x 1,8 cm, XIIIe - XVIe siècle, castello di Ripafratta, San Giulano Terme (Amici 1989, p. 470) ; province de Toscane : deux exemplaires incomplets ou fragmentaires en matériau blanc, L x l = 2,55 x 1,6 cm, vers 1340 à 1380, sépulture, cathédrale Santa Reparata, Florence (Buerger 1975, p. 208). Royaume-Uni, Grand Londres : pièce entière en matériau blanc, L x l = 2,5 x 2,1 cm, première moitié du XVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 87, n° 375). 2482 Royaume-Uni, Grand Londres : une boucle complète légèrement concave en matériau blanc à ardillon en fer, L x l = 2,2 x 1,5 cm, un spécimen entier angulaire en matériau blanc, L x l = 2,15 x 1,6 cm, première moitié/milieu XVe siècle (Grew et De Neergaard 2001², fig. 110, n° g et h) 2483 France, Charente-Maritime : boucle complète, L x l = 2,4 x 1,8 cm, terre de jardin du XVIe siècle ?, Jardins du Carmel, La Rochelle (Berthon (dir.) 2013, p. 57, n° 58). 2484 France, Meurthe-et-Moselle : objet complet, L x l = 2,2 x 1,6 cm, XVIe - XVIIe siècle, maison forte des Armoises, Richardménil (Guarascio et Giuliato 2007, p. 164, fig. 105, n° 459-CA-5061). 2485 Suisse, canton du Tessin : exemplaire entier, L x l = 3,35 x 3 cm, remblais contenant du mobilier du VIe siècle au XIVe siècle environ, Collina di San Pietro, Castel di San Pietro (De Marchi 1996, p. 195, fig. 1, n° 12). 491 3. Approche croisée du mobilier archéologique bosses2486. Parmi les objets plus larges que longs, il est illustré des exemplaires au bord externe des traverses proximale et distale ondulé2487 ou garni d’un ergot2488. Type O3a : Anneau ou boucle long, à double fenêtre ovale ou semi-ovale outrepassée symétrique, en alliage cuivreux, à ergots distaux (fig. 236, n° 7) Vaucluse  Forteresse, Mornas : n° 1, comblement de la crypte de la chapelle, probablement XVe - XVIIe siècle. La forteresse de Mornas a livré un objet en alliage cuivreux au cadre décoré par la fonte d’arabesques et de motifs végétaux. Ce type d’ornementation, attesté sur des anneaux et boucles de type O retrouvés dans l’épave du San Diego coulé en 1600 au large des Philippines2489, n’est vraisemblablement pas antérieur à la fin du XVIe siècle. Les ergots distaux sont décorés d’une rosette. Deux pièces avec ce même motif sur les ergots distaux, mais avec des moulures médianes, furent retrouvées au château de Grigny (fin XIIe - début XIIIe siècle à 1640) dans le Pas-de-Calais2490, et sur le site d’Abbots Lane à Londres2491. Ce dernier objet est issu d’un niveau du dernier quart du XVIIe siècle mais il pourrait être plus ancien d’au moins un siècle d’après l’auteur. Le spécimen provençal arbore un grènetis sur la rive externe du cadre. Un rivet en fer au bout de la chape de type A8b permettait la fixation sur la courroie de cuir ou de tissu. La plupart des pièces en alliage cuivreux de la bibliographie sont de configuration simple : un cadre uni avec un ergot triangulaire ou arrondi au milieu des traverses proximale 2486 France, Charente-Maritime : objet entier, L x l = 3,6 x 3,1 cm, comblement de fosse vers 1675 vers 1750 avec mobilier du début du XVIIIe siècle, rue du Duc, La Rochelle (Berthon (dir.) 2013, p. 62, n° 73). Italie, province de Pavie : Anneau entier, L x l = 1,6 x 1,3 cm, XVIIIe siècle, Torre Civica, Pavie (Ward-Perkins 1978b, p. 132). 2487 Royaume-Uni, Leicestershire : spécimen complet avec fragment de chape de type A, L x l = 2,65 x 3 cm, bassin d’un corps inhumé au XVe siècle, Austin Friars, Leicester (Clay 1981, n° 32). 2488 France, Haut-Rhin : Pièce entière, L x l = 6,2 x 7,7 cm, XVIe siècle, Butenheim, Petit-Landau (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 450, n° 3.121). 2489 Le San Diego 1994, p. 161. 2490 Pièce entière, L x l = 3,7 x 2,7 cm (Dilly et al. 1989, p. 127, n° 5.10). 2491 Pièce entière avec restes d’une couverte noire, L x l = 4,2 x 2,8 cm (Egan 2005, p. 35, n° 88). 492 3. Approche croisée du mobilier archéologique et distale2492. La traverse médiane peut comporter une encoche pour la base de l’ardillon2493, être prolongée par des moulures2494. Une dissimilitude s’observe parfois entre l’ergot de la traverse proximale et celui de la traverse distale : le second peut comporter une encoche2495, il peut être plus long et d’un aspect différent2496. La présence d’une chape est rarement mentionnée : elle est de type A1a pour un objet londonien au profil angulaire de la deuxième moitié du XIVe siècle2497. Il comporte des moulures médianes, une encoche sur l’un des ergots distaux et des traces d’étamage sur le cadre et la chape. D’après les données disponibles, les anneaux et boucles de type O3a apparaissent dans la seconde moitié du XIVe siècle et ont probablement perduré au moins jusque durant le XVIIe siècle. Type O3b : Anneau ou boucle long, à double fenêtre ovale ou semi-ovale outrepassée symétrique, en fer, à ergots distaux (fig. 236, n° 8) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3122, couche de dépotoir, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Cet objet en fer possède une traverse médiane réduite et un petit massif au milieu de la traverse distale pour marquer le repos de l’ardillon. Il est possible qu’un ergot identique ait été 2492 Objets certains, Italie, province de Pesaro et Urbino : exemplaire entier, L x l = 1,65 x 1,45 cm, XVe siècle, castello di Monte Copiolo, Montecopiolo (Ermeti et al. 2008, p. 165) ; Objets possibles, Italie, province de Pise : pièce fragmentaire, L x l = 2,4 x 2,2 cm, XIIIe - XVIe siècle, castello di Ripafratta, San Giulano Terme (Amici 1989, p. 470) ; province de Pistoia : objet fragmentaire, L x l = 2,6 x 2,3 cm, fin XIVe - milieu XVIe siècle, Palais des Vescovi, Pistoia (Vannini 1985a, p. 659, n° 3762). 2493 France, Charente-Maritime : pièce fragmentaire, L rest. x l = 1,7 x 1,5 cm, XVIe - XVIIe siècle, 14-16 Rue Delayant, La Rochelle (Berthon (dir.) 2013, p. 58, n° 64). 2494 Italie, province de Pise : spécimen entier, L x l = 4 x 4 cm, XIIIe - XVIe siècle, castello di Ripafratta, San Giulano Terme (Amici 1989, p. 470). Royaume-Uni, Aberdeenshire : artefact complet déformé à ardillon en fer, Boucle : L x l = 1,4 x 1,5 cm, Chape : L x l = 2,3 x 1,2 cm, 1ère moitié XIVe - milieu/2nde moitié XVe siècle, village déserté de Rattray (Goodall 1993, p. 189, fig. 40, n° 192). 2495 France, Aude : individu entier, L x l = 2,2 x 1,8 cm, XIIIe - XVe siècle, château de Montséret (Immel et Lapeyre 1984, p. 14). 2496 Italie, province de Pise : exemplaire entier, L x l = 2,8 x 2,2 cm, castello di Ripafratta, San Giuliano Terme (Amici 1989, p. 470) ; province de Rome : objet entier, L x l = 2,9 x 2,3 cm, Crypta Balbi, Rome (Sfligiotti 1990, p. 544). 2497 Exemplaire incomplet, Boucle : L x l = 3,2 x 2,1 cm, Chape : L x l = 3,1 x 1,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 89, n° 386). 493 3. Approche croisée du mobilier archéologique présent de façon symétrique au milieu de la traverse proximale. Quelques spécimens en fer du type O3b assez tardifs dans le XIVe siècle sont connus dans la bibliographie2498. Type O3c : Anneau ou boucle large, à double fenêtre ovale ou semi-ovale outrepassée symétrique, en alliage cuivreux, à ergots distaux (fig. 236, n° 9) Vaucluse  Rue Banasterie, Avignon : n° 587, H.S. L’artefact d’Avignon, incomplet et concave, dont l’ergot mouluré possède deux ouvertures circulaires, pourrait appartenir à la fin de la période d’étude. Suite à la disparition de la traverse médiane originelle, une tôle en alliage cuivreux actuellement incomplète fut rivetée au cadre. Type O3d : Anneau ou boucle long, à double fenêtre en accolade complète outrepassée symétrique, en alliage cuivreux, à ergots distaux (fig. 236, n° 10) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1168, N.D.S. Cette pièce avignonnaise sans contexte datant présente des fenêtres en accolade complète – à distinguer des fenêtres en accolade incomplète des types H1 à H3 –, aux traverses obliques. Les ergots sont pointus. L’appartenance de cet artefact à la période d’étude est plausible étant donné la découverte dans un niveau de fin XIVe - milieu XVIe siècle du palais des Viscovi à Pistoia en Italie d’une boucle aux fenêtres ayant cette configuration. La traverse médiane, de section circulaire, est également réduite. Un ensemble de moulures est localisé aux jonctions de la 2498 Suisse, canton d’Argovie : boucle complète en fer, L x l = 4 x 2,9 cm, XIIIe siècle - 1515, château du Vieux Wartburg (Meyer 1974, p. 95, n° C 174). Royaume-Uni, Grand Londres : artefact fragmentaire légèrement convexe, L x l = 5,7 x 5,5 cm, deuxième moitié XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 86, n° 349). 494 3. Approche croisée du mobilier archéologique traverse médiane avec le cadre2499. Des objets en alliage cuivreux et en fer à fenêtres en accolade complète ont été mis au jour à proximité du château de Grigny : l’ergot est fleurdelisé2500. Les ergots sont moulurés de façon plus complexe sur un exemplaire issu d’un contexte du XVIIIe siècle de la Crypta Balbi à Rome2501. Type O3e : Anneau ou boucle long, à double fenêtre ovale ou semi-ovale outrepassée symétrique, en alliage cuivreux, aux traverses externes cordées (fig. 237, n° 1) Var  Roquefeuille, Pourrières : n° 1, verrerie médiévale des XVIe - XVIIIe siècles. Quelques artefacts en alliage cuivreux, certains avec un ardillon en fer, arborent des traverses proximale et distale cordées, parfois un ardillon en alliage cuivreux ou en fer2502. Les renseignements sont trop peu nombreux pour proposer une datation typologique fiable, mais une production au moins durant les XVe et XVIe siècles semble établie. Type O3f : Anneau ou boucle long, à double fenêtre ovale ou semi-ovale outrepassée symétrique, en matériau blanc, aux traverses externes bordées de perles (fig. 237, n° 2 à 6) Bouches-du-Rhône  Place Villeneuve-Bargemon, Marseille : n° 17, comblement de puits des XIVe XVe siècles. 2499 Artefact fragmentaire, L recons. x l = 6,4 x 4,4 cm (Vannini 1985, p. 660, n° 3761). France, Pas-de-Calais : objet en alliage cuivreux entier, L x l = 5,1 x 3,5 cm, individu en fer entier, L x l = 5,9 x 5,3 cm, site occupé de fin XIIe - début XIIIe siècle à 1640, château de Grigny (Dilly et al. 1999, p. 123, n° 4.53 et 4.54). 2501 Anneau entier, L x l = 4,9 x 3,2 cm (D’Ercole 1985, p. 582, n° 1051, fig. XCIV). 2502 France, Seine-et-Marne : objet entier avec fragment de cuir sur la traverse médiane, L x l = 3,9 x 3,1 cm, utilisation de latrines, fin XIVe - début XVe siècle, château de Blandy-les-Tours (Castille 2006, p. 115, fig. 71, n° 10). Italie, province de Lecce : boucle complète à ardillon en fer, L x l = 4,2 x 3,2 cm, sépulture, XVIe siècle, Santa Maria della Strada, Taurisano (Lapadula 2005, p. 199, n° 2) ; province de Reggio Calabria : exemplaire entier, L x l = 4,9 x 4,05 cm, artefact complet, Boucle : L x l = 3,3 x 2,7 cm, Chape : L x l = 2,9 x 1,35 cm, ossuaire, début XVe - fin XVIIIe siècle, Santa Maria del Mastro, Gerace (Lebole di Gangi 1993, p. 468, fig. 4, n° 10, 12). Royaume-Uni, Yorkshire du Nord : boucle complète à ardillon en fer, L x l = 1,6 x 1,25 cm, non phasé, college of the Vicars choral, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2895, n° 14328). 2500 495 3. Approche croisée du mobilier archéologique Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1144, XVIe siècle ou postérieur ; n° 1145 à 1148, N.D.S. Le corpus contient cinq exemplaires arborant une file de petites bosses en relief en bordure, au bas d’un gradin (fig. 237, n° 2 à 6). La traverse médiane possède parfois une encoche (fig. 237, n° 5). L’ardillon, conservé pour un individu, est en fer (fig. 237, n° 3). Une pièce similaire en plomb provient d’un contexte londonien de la seconde moitié du XVIe siècle2503. On ne peut que constater une fabrication probable du modèle O3f au moins durant les XVe et XVIe siècles. Type O3g : Anneau ou boucle long, à double fenêtre ovale ou semi-ovale outrepassée symétrique, en alliage cuivreux, aux traverses externes à denticules et bosses en coin (fig. 237, n° 7 à 11) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL XX-196, H.S. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1162, N.D.S. ; n° 1157 et 1161, H.S.  Place de la Principale, Avignon : n° 1995-47, datation inconnue.  Rue Carreterie, Avignon : n° 327, datation inconnue. Les traverses proximale et distale des objets du corpus comportent un ergot distal entouré de denticules et de bossettes en coin. Un ardillon en fer ou des traces d’ardillon en fer s’observent sur plusieurs exemplaires (fig. 237, n° 7, 9, pièce non figurée). Des artefacts similaires furent trouvés en Italie : un premier exemplaire au castello di Ripafratta (XIIIe XVIe siècle) à San Giuliano Terme dans la province de Pise2504, un deuxième avec ardillon en fer dans une phase d’occupation datée entre vers 1260 et la première moitié du XVe siècle du monastère de San Michele Arcangelo alla Verruca à Vicopisano dans la même région2505, un 2503 L’objet du site de Trig Lane dessiné dans Egan et Pritchard (dir.) 2002² (p. 87, n° 376) paraît être le même que dans Grew et De Neergaard 2001² (fig. 110, n° f). La qualité des dessins de cette dernière publication semble être plus que discutable. 2504 Pièce fragmentaire, L x l = 2,6 x 1,8 cm (Amici 1989, p. 470). 2505 Boucle complète, L x l = 2,3 x 1,6 cm (Dadà 2005, fig. 5, n° 19). 496 3. Approche croisée du mobilier archéologique troisième dans un contexte de fin XIVe - milieu XVIe siècle du palais des Vescovi à Pistoia dans la province du même nom2506. La pièce de Pistoia, avec fragment d’ardillon en fer, présente de petites dépressions dans les bosses en coin à l’image d’un objet arlésien (fig. 237, n° 10). La production des anneaux et boucles du type O3g pourrait être italienne ou provençale. Elle est actuellement difficile à fixer dans le temps avec les données disponibles. Type O3h : Anneau ou boucle large, à double fenêtre ovale ou semi-ovale outrepassée symétrique, en alliage cuivreux, à digitations (fig. 237, n° 12) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 172, sépulture d’adulte des XIVe XVIe siècles. Cette boucle de profil concave présente des traverses distale et proximale plates et droites sur les trois quarts de leur étendue avec une série de digitations poinçonnées d’un motif de rosace (fig. 238). Les traverses sont curvilignes sur un artefact aux digitations gravées d’incisions, à chape indéterminée, mis au jour dans une phase des années 1670 - 1674 du Fort Pentagouet à Castine dans l’état du Maine aux États-Unis2507. Type O4 : Anneau ou boucle long, à double fenêtre ovale ou semi-ovale outrepassée symétrique, à œillet(s) (fig. 237, n° 13 et 14) Bouches-du-Rhône  La Seds, Aix-en-Provence : n° 7, recharge de sol de la deuxième moitié du XIIIe siècle.  Hôtel Dieu, Marseille : n° 6, comblement de tranchée de fondation d’Époque moderne. 2506 2507 Objet entier, L x l = 2,5 x 1,6 cm (Vannini 1985, p. 469, fig. 195, p. 659, n° 3762). Objet entier, L x l = 3,8 x 3,85 cm (Faulkner et Faulkner 1989, p. 251). 497 3. Approche croisée du mobilier archéologique La pièce aixoise (fig. 237, n° 13), en partie fondue, a sans doute perdu un de ses deux œillets – les petites ouvertures circulaires sont interprétées comme telles – qui apparaissent tous deux sur l’objet marseillais (fig. 237, n° 14). Celui-ci, également déformé – il est maintenant concave –, conserve des traces de dorure. La présence d’un œillet de part et d’autre de la traverse médiane permettait sans doute la suspension quelle que soit l’orientation de la boucle. La bibliographie rassemblée n’a pas fourni d’objets similaires. Les anneaux et boucles à œillets qui y apparaissent sont très différents et de datation plus tardive : ils comprennent une excroissance percée dans l’axe de la traverse médiane2508 que peut traverser un crochet avec une partie rivetée2509 par exemple à une lanière, et ont été employés à la suspension du fourreau d’une arme. Type P : Anneau ou boucle à double fenêtre angulaire symétrique (fig. 246 à 248) Cinq sous-types d’anneaux et boucles de type P ont été définis en fonction de la forme du cadre, de la présence ou non de moulures. Les objets au cadre « régulier » appartiennent au sous-type P1. Le sous-type P2 rassemble les spécimens au cadre composite et les sous-types P3 et P4 contiennent les artefacts d’une seule pièce avec un cadre aux caractéristiques particulières. D’autres groupes de ce genre pourraient être créés en fonction de l’évolution des connaissances. Le sous-type P5 regroupe les individus avec des moulures sur le cadre. Les éléments du corpus et de la bibliographie n’étant pas suffisamment nombreux, il n’a pas été tenu compte du profil des anneaux et boucles pour définir la typologie. Parmi les formes absentes de Provence, citons des artefacts britanniques possédant des angles du cadre obliques2510, ou découpés d’un angle droit2511, certains accompagnés d’une 2508 Quelques exemples : France, Aude : objet entier en fer, L x l x l totale = 2,85 x 2,25 x 2,7 cm, N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Bayrou 2000 d, p. 207) ; Pas-de-Calais : spécimen entier, L x l = 2,9 x 3,6 cm, H.S., site occupé entre fin XIIe - début XIIIe siècle et 1640, château de Grigny (Dilly et al. 1999, p. 123, n° 4.52). Italie, province de Pesaro et Urbino : artefact entier en fer, L x l x l totale = 2,85 x 2,55 x 3,35 cm, XVe siècle, castello di Monte Copiolo, Montecopiolo (Ermeti et al. 2008, p. 165). Philippines : quatre exemplaires entiers en alliage cuivreux, dimensions inconnues, 1600, naufrage du San Diego (Le San Diego 1994, p. 161) 2509 Se reporter à Dilly et al. 1999, p. 123, 4.55). 2510 Dumfries and Galloway : boucle complète, L x l = 2 x 1,5 cm, H.S., château de Threave (Caldwell 1981, p. 109, n° 47, fig. 10) ; Grand Londres : individu complet, L x l = 3,2 x 3,5 cm, spécimen entier, première moitié du XVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 97, n° 449). 2511 Grand Londres : anneau entier, L x l = 2 x 1,4 cm, H.S., spécimen entier avec chape de type A2a, Boucle : L x l = 2,7 x 3 cm, Chape : L x l = 2,4 x 1,7 cm, première moitié XVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 99, n° 451 et 459). 498 3. Approche croisée du mobilier archéologique chape de type A2a. L’un d’eux est de profil concave à traverse proximale et distale renversées2512. Aucun objet à double fenêtre pentagonale n’est également enregistré pour la Provence2513. De même il en est absent un modèle, connu au Royaume-Uni, de boucle à double fenêtre quadrangulaire symétrique en alliage cuivreux comportant un œillet, dans l’axe de la traverse médiane, parallèlement au cadre2514 ou transversalement à celui-ci2515. Il est régulièrement figuré des boucles à double fenêtre rectangulaire dans l’iconographie. Certaines, analogues aux types P1a ou P1b, sont presque carrées (fig. 239 et 240) mais la plupart sont rectangulaires, plus larges que longues (fig. 243) et donc à rapprocher du type P1e, ou plus longues que larges (fig. 241 et 242). Ces dernières, contrairement aux autres, ne servent pas à fermer la ceinture mais la courroie d’une aumônière (fig. 241 et 242). Une boucle plus longue que large aux fenêtres concaves est à rapprocher des pièces du type P3 (fig. 244). Type P1 : Anneau ou boucle régulier, à double fenêtre quadrangulaire symétrique (fig. 246 ; fig. 247, n° 1 à 5) Les critères préposés à la classification des anneaux et boucles du type P1 sont la forme des fenêtres – carrée/rectangulaire ou trapézoïdale –, le rapport longueur/largeur et le matériau constitutif. Les sous-types P1a à P1d rassemblent les exemplaires à double fenêtre carrée ou rectangulaire, le sous-type P1e, ceux à double fenêtre trapézoïdale2516. Les anneaux et boucles à fenêtre carrée ou rectangulaire en alliage cuivreux plus longs que larges sont classés dans le sous-type P1a, ceux plus larges que longs dans le sous-type P1d. Les sous2512 Grand Londres : boucle complète étamée avec chape de type A2a, Boucle : L x l = 2,7 x 2,1 cm, Chape : L x l = 1,8 x 1,4 cm, première moitié XVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 99, n° 458). 2513 Il en est connu un spécimen concave à chape de type A1a à York ; Boucle entière avec chape, Boucle : L x l = 4,9 x 2,8 cm, Chape : L x l = 4,7 x 2 cm, milieu XIVe - milieu XVIe siècle (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2895, n° 12660). 2514 Royaume-Uni, Grand Londres : pièce entière, L x l = 3,3 x 3 cm, deuxième moitié du XIVe siècle, artefact incomplet avec chape de type A2a et deux appliques de type A2 sur une courroie, Boucle : L x l = 3,7 x 3,8 cm, Chape : L x l = 2,4 x 2 cm, deuxième moitié du XIVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 99, n° 446 et 457). Peut-être faut-il y ajouter une boucle incomplète (L x l = 3,4 x 3,2 cm) mise au jour dans un contexte qui pourrait appartenir au XIVe siècle sur le site de Cuckoo Lane B à Southampton (Harvey et al. 1975, p. 255, fig. 240, n° 1733). Elle présente sur un côté une excroissance quadrangulaire pleine à la jonction entre la traverse médiane et les traverses latérales. Est-ce une référence aux exemplaires pour lesquels cette excroissance est ouverte ? 2515 Royaume-Uni, Scottish Borders : objet entier, L x l x l avec œillet = 3,45 x 4,2 x cm, vers 1559 vers 1875, Abbaye de Jedburgh (Caldwell 1995a, p. 86, n° 42). 2516 Les boucles modernes et contemporaines à double fenêtre trapézoïdale aux traverses distales concaves n’y sont pas comprises (ex : Hinton 1990f, p. 526, n° 1259). 499 3. Approche croisée du mobilier archéologique types P1b et P1c contiennent respectivement les spécimens plus longs que larges en fer et en matériau blanc. La ventilation des dimensions des anneaux et boucles du corpus et de la bibliographie (fig. 253) met en évidence une distribution des objets en fonction des sous-types à peu près analogue à celle constatée pour le type O1, à ceci près qu’un artefact en matériau blanc (P1c) blanc (P1c) est au-delà du seuil mis en évidence pour le type O1 et indiqué par la ligne pointillée. Il a donc été adopté la même argumentation pour ne pas scinder les artefacts en alliage cuivreux en sous-types distincts selon leurs dimensions. Les pièces du type P1b ont en moyenne un rapport longueur/largeur plus élevé que celui des types P1a, P1c et P1e. Le corpus provençal ne contient pas d’anneau ou boucle en fer à double fenêtre trapézoïdale. Ils sont d’ailleurs très rares dans la bibliographie puisque le seul exemple relevé fut retrouvé au castrum d’Andone, dans un niveau postérieur à l’abandon du castrum en 10282517 et probablement à mettre en relation avec les traces sporadiques d’occupations ultérieures. Type P1a : Anneau ou boucle long et régulier, à double fenêtre carrée ou rectangulaire symétrique, en alliage cuivreux (fig. 246, n° 1 à 8) Bouches-du-Rhône  La Grassie, Aix-en-Provence : n° 1, H.S. Var  Villa d’Ascaou, Correns : n° 7, H.S. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1167, XVIe siècle ; n° 1155, H.S.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 2348, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400.  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-29, datation inconnue.  Rue Racine, Avignon : n° 32 et 33, couche de dépotoir vers 1530 - 1540. Sept petits anneaux ou boucles en alliage cuivreux sont répertoriés pour la Provence. Leur profil est droit ou concave. Certains conservent un ardillon ou un fragment d’ardillon en fer (fig. 246, n° 3) ou en alliage cuivreux (fig. 246, n° 4). Un exemplaire de grande dimension 2517 Objet entier, L x l = 3,9 x 2,4 cm (Bourgeois 2009, p. 235, n° 1676). 500 3. Approche croisée du mobilier archéologique (fig. 246, n° 8) au cadre mince relevé en bordure extérieure de la traverse distale conserve un ardillon en fil métallique et une chape de type A1a. Des objets analogues aux petites boucles, au profil plat, parfois avec un ardillon en fer, sont issus de sites français, italiens et britanniques2518. Un exemplaire français issu d’un comblement de latrines de la deuxième moitié du XVIe siècle du château de Blandy-les-Tours en Seine-et-Marne, à une époque où elles sont utilisées en tant que dépotoir, se distingue par son profil convexe et des traces de dorure2519. Un individu suisse issu du castel Grande (N.D.S.) à Bellinzona dans le canton du Tessin comporte de multiples petites encoches décoratives en bordure intérieure et extérieure des traverses externes2520. L’armure de fabrication milanaise de Wolf Dietrich von Raitenau présente une ceinture en cuir, non utilitaire semble-t-il, fermée par un spécimen concave (fig. 227). Des chaussures issues d’un contexte de la première moitié/milieu du XVe siècle d’un site londonien conservent des boucles de type P1a, l’une de profil droit, l’autre de profil concave2521. Les boucles commandées par la succursale d’Avignon de la compagnie Datini aux filiales italiennes entre 1365 et 1371 pourraient être de type P1a2522. La pièce la plus proche de la grande boucle d’Avignon (fig. 246, n° 8) provient d’un contexte du milieu du XVIe siècle du palais des Vescovi à Pistoia en Italie2523 : son cadre est plat. À Gênes, les fouilles de l’église San Silvestro ont fourni un grand individu carré avec un 2518 France, Cher : individu complet à ardillon en fer, L x l = 2 x 1,8 cm, comblement d’abandon de puits, XVe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 111-112, n° 173) ; Meurthe-et-Moselle : artefact incomplet, L x l = 2,5 x 1,8 cm, remblai d’abandon et de destruction, XVIe - XVIIe siècle, maison forte des Armoises, Richardménil (Guarascio et Giuliato 2007, p. 164, fig. 105, n° 459-CA-5062) ; Italie, province de Rome : exemplaire entier, L x l = 1,7 x 1,5 cm, première moitié XVe siècle, Crypta Balbi, Rome (Sfligiotti 1990, p. 544) ; province de Udine : anneau entier, L x l = 1,9 x 1,7 cm, Castello di Zuccola (XIIIe - XIVe siècle), Cividale del Friuli (Favia 1992, p. 270, n° 37). Royaume-Uni, Dumfries et Galloway : spécimen entier avec traces d’un ardillon en fer, L x l = 2,3 x 1,9 cm, 1250/1300 - 1600, cité monastique de Whithorn and Saint Ninian (Nicholson 1998a, p. 371, fig. 10.57, n° 17) ; Grand Londres : individu entier avec encoche distale, L x l = 1,7 x 1,5 cm, deuxième moitié du XIVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 97, n° 444) ; pièce entière, L x l = 1,7 x 1,5 cm, seconde moitié XVIe siècle, Abbots Lane, Londres (Egan 2005, p. 38, n° 112). Southampton : artefact fragmentaire, L x l = 2,1 x 1,8 cm, vers 1375 - 1425, Cuckoo Lane B, Southampton (Harvey et al. 1975, p. 257, fig. 241, n° 1753). 2519 Pièce complète, L x l = 1,6 x 1,6 cm (Coste 2006a, p. 120, fig. 75, n° 6). 2520 Possible individu fragmentaire, L x l = 2,7 x 2,4 cm, les datations proposées sont typologiques (Meyer 1976, p. 86, n° L5) 2521 Anneau entier, L x l = 2,05 x 1,8 cm (Grew et De Neergaard 2001, fig. 110, i) ; objet entier de profil concave, L x l = 2,1 x 1,8 cm, deuxième moitié du XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 97, n° 448). 2522 Frangioni 2002, p. 126, 129, 134, 149, 152, 158. 2523 Anneau entier, L x l = 2,5 x 2,1 cm (Vannini 1985, p. 656, n° 3793). 501 3. Approche croisée du mobilier archéologique ardillon en fer. Son contexte est daté vers 1472 - vers 15002524. Les opérations archéologiques londoniennes ont conduit à la découverte d’un objet d’assez grande dimension au cadre régulier dans une strate datée vers 1270 - vers 13702525. La production d’anneaux et boucles à double fenêtre de type P1a est attestée en Allemagne par une empreinte sur une valve de moule en pierre du bas Moyen Âge trouvée à Magdebourg dans le land de Saxe-Anhalt2526. L’iconographie figure des bouclettes de type P1a fermant la courroie d’une aumônière dans des représentations de la seconde moitié du XVe siècle et du début du siècle suivant (fig. 241 et 242). Les éléments de datation disponibles attestent d’un emploi des anneaux et boucles du type P1a de la seconde moitié du XIVe siècle à la première moitié du XVIe siècle. Type P1b : Anneau ou boucle long et régulier, à double fenêtre carrée ou rectangulaire symétrique, en fer (n° 246, n° 9) Alpes-de-Haute-Provence  Motte, Niozelles : n° 4, dernier quart du Xe siècle. Le cadre de la pièce au profil droit trouvée à Niozelles est particulièrement fin. Deux pièces de type P1b dont une avec une chape de type A1d ont été retrouvées à Biskupija près de Knin en Croatie. Elles permettaient la fixation d’éperons à pointe attribuables d’après M. Petrinec à la seconde moitié du VIIIe siècle et à la première moitié du IXe siècle2527. Un objet avec une chape de type A1a provient du site des Xe - XIe siècles du Verger à SaintRomain en Côte d’Or2528. Des artefacts aux dimensions comparables, certains avec une bordure externe du cadre dentelée, employés pour réunir les liens fixés aux œillets des éperons et attribués au XIe siècle sont issus de sépultures fouillées sur des sites du comitat de Split-Dalmatie en Croatie2529. Une chape de type A1a est identifiable dans un cas. D’autres 2524 Boucle complète, L x l = 3,4 x 3,4 cm (Andrews 1978, p. 194, n° 32). Exemplaire entier, L x l = 3,3 x 2,85 cm, vers 1270 - vers 1370 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 97, n° 442). 2526 Empreinte, L x l = 2,9 x 1,95 cm (Berger 2006, p. 50, n° 6-34, H). 2527 Une boucle incomplète avec chape de type A1d et une boucle complète avec chape de type indéterminé, dimensions inconnues (Petrinec 2006, fig. 1). 2528 Objet complet en fer, Boucle, L x l = 4,4 x 1,7 cm, Chape : L x l = 2,9 x 1,25 cm (Bourgogne 1987, p. 176, n° 437). 2529 Deux objets incomplets avec chape, Boucles : L x l = 3,3 x 2 cm et 3,8 x 2 cm, Chape de type A1a qui est complète : L x l = 3,2 x 1,1 cm ; deux artefacts complets et incomplets avec chape de type A 2525 502 3. Approche croisée du mobilier archéologique anneaux et boucles en fer au cadre régulier, plus longs que larges2530, parfois convexes2531, ont été découverts en France et en Italie dans des contextes plus tardifs. Ce type est encore employé actuellement. Type P1c : Anneau ou boucle long et régulier, à double fenêtre carrée ou rectangulaire symétrique, en matériau blanc (n° 246, n° 10) Bouches-du-Rhône  Castrum de Montpaon, Fontvieille : n° 2008-28, couche de démolition, milieu - fin XVIe siècle. Le cadre de l’objet fontvieillois est de section triangulaire. Les quatre anneaux et boucles au cadre plutôt fin ou massif mis au jour lors de fouilles à Londres, hors stratigraphie ou dans des contextes de la première moitié du XVe siècle, sont assez différents2532. L’un d’eux arbore une réduction du centre de la traverse médiane, un autre un ardillon en fer. Type P1d : Anneau ou boucle large et régulier, à double fenêtre carrée ou rectangulaire symétrique, en alliage cuivreux (fig. 246, n° 11, fig. 247, n° 1 et 2) Var  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 94-230, datation inconnue. (nombre de rivets indéterminé), Boucles : L x l = 3 x 1,8 cm, Chape : L x l = 1,7 x 1 cm et 2,8 x 1 cm (Petrinec 2012, p. 88, n° 48, p. 90, n° 54). 2530 France, Indre-et-Loire : exemplaire complet, L x l = 3,25 x 2,3 cm, tranchée de récupération de mur, XIXe siècle, cimetière de l’église de Rigny, Rigny-Ussé (Poirot et al. 1992, p. 159). Italie, province de Pise : artefact complet, L x l = 4,6 x 3,2 cm, XIIIe - XVIe siècle, castello di Ripafratta, San Giuliano Terme (Amici 1989, p. 470) ; province de Pordenone : boucle complète, L x l = 1,85 x 1,75 cm, XIIIe - XVe siècle ?, château, Montereale Valcellina (Piuzzi 1987, p. 144, n° 12) ; province de Reggio Calabria : anneau entier, L x l = 5,3 x 4,6 cm, ossuaire, début XVe - fin XVIIIe siècle, Santa Maria del Mastro, Gerace (Lebole di Gangi 1993, p. 470). Royaume-Uni, Grand Londres : spécimen entier, Boucle, L x l = 2,6 x 2,6 cm, Chape : L x l = 1,7 x 1,7 cm, première moitié du XVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 99, n° 460). 2531 Italie, province de Reggio Calabria : spécimen incomplet, L x l = 4,2 x 3 cm, ossuaire, début XVe - fin XVIIIe siècle, Santa Maria del Mastro, Gerace (Lebole di Gangi 1993, p. 470). 2532 Artefact complet à ardillon en fer, L x l = 1,9 x 1,9 cm, deux objets entiers dont un avec une réduction du centre de la traverse médiane, L x l = 2,2 x 2,2 cm, pièce entière, L x l = 1,7 x 1,4 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 99, n° 452 à 454, 456). 503 3. Approche croisée du mobilier archéologique Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1150, postérieur à la fin du XVIe siècle.  Château de l’Hers, Châteauneuf-du-Pape : n° 3, H.S. Les trois boucles du corpus en alliage à base de cuivre de ce groupe sont plus larges que longues et ont conservé leur ardillon en tôle. Un léger rétrécissement de la largeur de la traverse médiane accueille le nœud de l’ardillon pour l’objet avignonnais, au profil concave (fig. 246, n° 11). Les traverses externes du spécimen en tôle de Saint-Maximin sont décorées de quatre lignes de zigzags d’où s’échappent de petits segments également en zigzags (fig. 247, n° 2). Un fragment de chape reste attaché à l’objet. Les angles du cadre sont obliques pour cette pièce ainsi que pour le spécimen de Châteauneuf-du-Pape (fig. 247, n° 1). De petits exemplaires en alliage cuivreux du type P1d conservant éventuellement un ardillon en fer ou en alliage cuivreux ont été trouvés un peu partout en Europe de l’Ouest2533. L’un d’eux est de profil concave2534. Une boucle de même profil mais en fer, datée du milieu du XIVe siècle, provient d’une fouille réalisée à Saint-Vaast-sur-Seulles dans le Calvados2535. En Italie, un grand anneau convexe aux traverses externes plates, antérieur au XVIe siècle, est issu du château de Macchiatimone à Pescorocchiano dans la province de Rieti2536. L’habitat médiéval de Goltho dans le Lincolnshire a fourni des artefacts en fer beaucoup plus larges que longs2537. Les anneaux et boucles plus larges que longs de grande taille au cadre régulier semblent relativement récents. Les éléments de datation disponibles pour le type P1d sont en faveur d’une datation typologique centrée sur le XVe siècle et la première moitié du XVIe siècle avec une apparition, au moins pour les spécimens en fer au milieu du XIVe siècle. Cette hypothèse de datation est similaire à celle proposée pour le type P1a. 2533 France, Bas-Rhin : objet complet, L x l = 1,7 x 2,05 cm, XVe ou XVIe siècle, château de Rathsamhausen, Ottrott (Rieb et Salch 1973, n° 354). Portugal, district de Castelo Branco : anneau entier au cadre de section losangique, L x l = 1,25 x 2,6 cm, objet moderne ou contemporain ?, château de Castelo Branco (Boavida 2011, p. 18). Royaume-Uni, Dumfries and Galloway : spécimen incomplet avec fragment d’ardillon en alliage cuivreux, L x l = 2,3 x 3,4 cm, vers 1250/1300 - 1600, abbaye de Whithorn et Saint Ninian (Nicholson 1998b, p. 420, fig. 10.99, n° 44.11). 2534 France, Aude : boucle complète, L x l = 1,75 x 1,9 cm, château de Peyrepertuse (N.D.S.), Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 223). 2535 Pièce incomplète, L x l = 5,1 x 7,8 cm (Halbout et al. 1987, p. 185, n° 711). 2536 Artefact entier, L x l = 6,8 x 11,8 cm (Beavitt et al. 1993, p. 444, fig. 19, n° 11). 2537 Boucle complète, L x l = 6,8 x 3,4 cm, H.S. ; objet fragmentaire avec traces d’une couverte, L x l = 6,6 x 4,8 cm, H.S., habitat médiéval, Goltho (Goodall et al. 1975, p. 89, fig. 41, n° 119 et 120). 504 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type P1e : Anneau ou boucle long et régulier, à double fenêtre trapézoïdale symétrique, en alliage cuivreux (fig. 247, n° 3 à 5) Bouches-du-Rhône  16 boulevard de la République, Aix-en-Provence : n° 1, Époque moderne.  Église Saint-Blaise, Arles : SBL XX-195, H.S. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1154, H.S. Les anneaux et boucles à double fenêtre trapézoïdale sont moins courants que ceux à double fenêtre carrée ou rectangulaire (type P1a). Les fenêtres des petites pièces du corpus ne sont que très légèrement trapézoïdales. La plus longue (fig. 247, n° 3) comporte des moulures médianes, la plus petite (fig. 247, n° 4), au profil concave, un décor issu de la fonte constitué de lignes creuses et d’angles coupés. L’ardillon est orné de trois cannelures. La chape est de type A2b. L’ardillon de la plus grande boucle (fig. 247, n° 5), concave et dorée à l’avers, est décoré d’une moulure à la jonction entre le nœud et la tige. Le cadre est bombé côté externe, droit côté interne. Une légère dépression marque la réception de la pointe de l’ardillon. Un petit spécimen sans moulures médianes fut découvert dans un dépotoir de fin XVe XVIe siècle du château de Hohenfels à Dambach-Neunhoffen dans le Bas-Rhin2538, un autre, concave et avec un léger gradin mettant en évidence les traverses distale et proximale, provient d’un contexte de la première moitié du XVe siècle du site de la Crypta Balbi à Rome2539. Toujours en Italie, un fragment de petite boucle avec moulures médianes issu d’un niveau de fin XIVe - milieu XVIe siècle de la fouille du palais des Vescovi à Pistoia2540 pourrait être attribué au type P1e. Des moulures médianes s’observent également sur un artefact découvert dans une strate des XIVe - XVe siècles du château de Bressieux en Isère2541, sur une pièce londonienne à chape incomplète de type A retrouvée dans un contexte de la seconde moitié du XVIIe siècle à Londres2542. Des anneaux de grande dimension furent mis au jour dans un niveau de la première moitié du XVe siècle du site de Bedern Foundry à York2543 2538 Pièce complète, dimensions précises inconnues (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 450, n° 3.120). Spécimen entier, L x l = 1,7 x 1,8 cm (Sfligiotti 1990, p. 544). 2540 Exemplaire fragmentaire, L recons. x l = 2,1 x 1,5 cm (Vannini 1985, p. 659 et 662, n° 3762). 2541 Boucle entière, L x l = 1,95 x 1,95 cm (Girard et Lafond 2009, p. 165, fig. 207, n° 3). 2542 Artefact fragmentaire, L x l = 2,4 x 2 cm (Egan 2005, p. 38, n° 119). 2543 Artefact entier, Boucle : L x l = 4,4 x 3 cm, Chape : L x l = 4,3 x 2 cm (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2895, n° 13270). 2539 505 3. Approche croisée du mobilier archéologique et hors stratigraphie au château de Threave dans le Dumfries and Galloway au RoyaumeUni2544. Le premier arbore des moulures médianes et des moulures d’encadrement du repos de l’ardillon. Une chape incomplète de type A lui est encore attachée. Les éléments précis de datation sont trop peu nombreux pour permettre une datation typologique fiable. Cependant, la période d’utilisation est probablement contemporaine de celle des types P1a et P1d. Type P2 : Anneau ou boucle composite à double fenêtre quadrangulaire symétrique (fig. 247, n° 6 à 11) Les anneaux et boucles composites plus larges que longs du corpus sont scindés en deux groupes en fonction de leur procédé de fabrication. Les exemplaires confectionnés à partir de cinq éléments métalliques appartiennent au sous-type P2a, ceux obtenus à partir de deux éléments sont rassemblés dans le sous-type P2b. La section des éléments employés est spécifiée dans l’énoncé des types afin de ne pas y inclure des objets dont le cadre est de morphologie différente. On remarquera l’absence d’anneaux et boucles composites plus longs que larges dans le corpus. Pour le bas Moyen Âge, il en existe quelques rares exemplaires à cinq éléments2545 dont l’aspect est analogue aux pièces du type P4. La plupart des artefacts de ce type est datée de la seconde moitié du XVIIe siècle, du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle2546 et ne peut pas être confondue avec la production antérieure. En Hongrie, une grande boucle conservée dans un musée du comitat de Csongrad2547 présente un profil concave et des traverses proximale et distale plates et droites. Une chape de type E terminée par un crochet la 2544 Anneau entier, L x l = 3,8 x 3,2 cm (Caldwell 1981, p. 109, n° 38, fig. 10). France, Bas-Rhin : spécimen complet à chape de type A2c, Boucle : L x l = 2,2 x 0,9 cm, Chape : L x l = 3,3 x 0,6 cm, XIVe - XVe siècle, château de Rathsamhausen, Ottrott (Rieb et Salch 1973, n° 343). Royaume-Uni, Aberdeenshire : individu fragmentaire, L x l = 1,6 x 1,3 cm, première moitié XIIIe – seconde moitié XIIIe/première moitié XIVe siècle, village déserté de Rattray (Goodall 1993, p. 189, fig. 40, n° 190). 2546 Pour la Provence, des exemples niçois ont été publiés dans Thuaudet 2013, fig. 1, n° 8 et 9 et des spécimens marseillais dans Suviéri et De Boisséson 2001 (p. 223, n° 162) et Thuaudet et Chazottes 2014 (fig. 239, n° 11). Hors des Provence, on peut se reporter à Lebole di Gangi 1993 (p. 470), à Egan 2005 (p. 38, n° 120), à Doré 2008. La boucle issue d’un niveau des XIVe - XVe siècles du château d’Ortenbourg et celle d’un niveau du XVIe siècle du château de Rathsamhausen à Ottrott dans le BasRhin sont intrusives (Rieb et Salch 1973, n° 355 et 356). Les caractéristiques de leur cadre et de leur chape ne laissent aucun doute. 2547 Objet complet, approximativement L x l = 5 x 2,5 cm (Sára 2012, p. 101-102). 2545 506 3. Approche croisée du mobilier archéologique retient à l’un des œillets d’un éperon à molette attribué à la fin du XVIe siècle ou au XVIIe siècle. Type P2a : Anneau ou boucle large composite, en cinq pièces à double fenêtre carrée ou rectangulaire symétrique, en alliage cuivreux, aux traverses externes plates (fig. 247, n° 6 et 7) Var  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 96-532a, contexte inconnu. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1153, contexte de fin XIVe - XVe siècle. Ces deux pièces, à ardillon en fer (fig. 247, n° 6) ou en alliage cuivreux (fig. 247, n° 7), sont fabriquées par assemblage de quatre languettes longilignes formant les traverses externes et d’une tige aux extrémités aplaties brasées au revers des traverses latérales et servant de traverse médiane. Les languettes sont fixées par brasage (fig. 232, n° 6) ou par brasage et rivetage (fig. 247, n° 7). Il s’observe des traces de limage pour enlever le surplus de brasure. Un décor de volutes obtenu à l’aide d’un poinçon à pointe conique, en partie effacé, est visible sur les traverses proximale et distale de l’objet varois (fig. 247, n° 7) qui a conservé une chape de type A3c fragmentée. Le profil concave à traverses proximale et distale renversées de l’artefact avignonnais (fig. 247, n° 6) n’est pas courant : il s’observe sur quelques anneaux et boucles en fer ou en alliage cuivreux de types différents, plus longs que larges, aux traverses très larges2548. Type P2b : Anneau ou boucle large composite, en deux pièces à double fenêtre carrée ou rectangulaire symétrique, en alliage cuivreux, aux traverses de section ovoïde (fig. 247, n° 8 à 11) Bouches-du-Rhône  Le Castellas, Rognac : n° 1, cimetière du castrum, H.S. 2548 Italie, province de Pise : objet entier, L x l = 3,7 x 3,2 cm, XIIIe - XVIe siècle, castello di Ripafratta, San Giuliano Terme (Amici 1989, p. 470). Suisse, canton de Genève : artefact complet, L x l = 4,5 x 3,1 cm, N.D.S., église Saint-Georges, Hermance (Bonnet 1973, p. 90, n° 73). 507 3. Approche croisée du mobilier archéologique Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1288, H.S. Éléments de comparaison postérieurs au XVIe siècle : Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 185, remblai des XVIIe - XVIIIe siècles. Var  Baptistère, Saint-Maximin : n° 93-18, contexte inconnu. Les quatre spécimens provençaux étudiés ici, à chape de type A au sous-type indéterminé, ont été confectionnés à partir d’un cadre issu de fonte (fig. 247, n° 10 et 11) ou obtenu par repli d’une tige (fig. 247, n° 8). Dans le premier cas, la tige en alliage cuivreux (fig. 247, n° 10) ou en fer (fig. 247, n° 11) de la traverse médiane est insérée grâce à des ouvertures pratiquées dans les traverses latérales. Ses extrémités sont ensuite matées. Cette configuration est postérieure au XVIe siècle2549. Dans le deuxième cas, des renfoncements accueillent les bouts de la traverse médiane au moment de la mise en forme du cadre. Ce montage pourrait être celui ayant permis l’obtention d’une boucle à chape de type A2a montée sur une ceinture en cuir décorée notamment d’appliques de type Q3 récupérée à hauteur du bassin d’un sujet féminin d’une quarantaine d’années inhumé au bas Moyen Âge ou au début de l’Époque moderne à la Tour Saint-Laurent à Oze dans les Hautes-Alpes. J. Hubert et G. Démians d’Archimbaud supposent qu’il s’agit d’un objet sinon de fabrication du moins d’inspiration italienne2550. Le mode de fabrication de la boucle de Rognac (fig. 247, n° 9) n’est pas connu, l’objet n’ayant pu être observé et la seule reproduction photographique connue n’est pas de très bonne qualité. Il a été retrouvé avec une chape, peut-être de type A3c, et un mordant indéterminé. La forme des appliques nous paraît datable du XVe siècle. L’absence de contexte stratigraphique ne permet pas d’être assuré de l’appartenance des deux artefacts provençaux à la période d’étude. 2549 Cette manière de mettre en place la traverse médiane ne s’observe, parmi les artefacts datés par la stratigraphie, que sur des spécimens postérieurs au XVIe siècle. Se reporter à l’introduction du type P et plus particulièrement au passage sur les boucles composites plus longues que larges. 2550 Ceinture complète, Boucle : L x l = 3,8 x 3,05 cm ; Chape : L x l = 2,2 x 3 cm (Bonnefoi 1969, p. 30). 508 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type P3 : Anneau ou boucle à double fenêtre quadrangulaire symétrique, aux traverses latérales concaves (fig. 248, n° 1 à 3) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne : n° 186, remblai des XIVe - XVIe siècles. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2808, N.D.S. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1149, contexte du XIVe siècle ? Parmi les anneaux et boucles à double fenêtre quadrangulaire symétrique, la configuration concave des traverses latérales est spécifique à certaines formes plus larges que longues ou aussi larges que longues. Les traverses proximale et distale des exemplaires du corpus sont aussi très légèrement concaves. Les fenêtres sont trapézoïdales (fig. 248, n° 1), à peine trapézoïdales (fig. 248, n° 2) ou rectangulaires (fig. 248, n° 3). Les angles du cadre de la boucle de Digne sont obliques (fig. 248, n° 1). Sa chape fragmentaire de type A retient des fragments de cuir. Un morceau de lanière de cuir percé de trois œillets passe au travers de la boucle. Des traces circulaires autour des œillets trahissent la présence passées d’appliques circulaires à œillet (type B). Des spécimens très proches de l’artefact aixois furent mis au jour sur plusieurs sites britanniques : deux pièces dans des contextes londoniens de la deuxième moitié du XIVe siècle et de la première moitié du XVe siècle2551, une troisième non datée par la stratigraphie sur le site de Walton à Milton Keynes dans le Buckinghamshire2552. Les traverses externes portent un décor gravé de lignes inclinées qui, pour le plus ancien objet londonien et pour l’artefact de Milton Keynes sont inscrites entre deux lignes formant un cadre. Un autre individu londonien au cadre décoré de chevrons comporte des moulures aux angles du cadre. Son contexte est daté de la première moitié du XVe siècle2553. Un exemplaire en os plus long 2551 Exemplaire entier, L x l = 4,1 x 4,2 cm, deuxième moitié du XIVe siècle, spécimen entier, L x l = 4,3 x 4,3 cm, première moitié du XVe siècle (Egan et Prichard 2002², p. 97 et 99, n° 447 et 450). 2552 Anneau entier, L x l = 4,2 x 4,2 cm (Goodall et al. 1994, p. 70, n° 2). 2553 Spécimen incomplet, L x l = 5,8 x 7 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 102, n° 471). 509 3. Approche croisée du mobilier archéologique que large aux bords concaves, décoré au ciseau, avec une traverse interne métallique retenant un ardillon en os, est connu par un catalogue de vente de la société Sotheby’s2554. Aux quelques éléments de datation disponibles, il convient de rajouter une enluminure française du XVe siècle figurant une boucle de ceinture plus longue que large aux traverses externes concaves (fig. 243). Il est approprié de considérer avec prudence la datation typologique proposée : seconde moitié du XIVe - première moitié du XVe siècle. Type P4 : Anneau ou boucle à double fenêtre quadrangulaire, à traverses proximale, médiane et distale ovoïdes (fig. 248, n° 4 et 5) Vaucluse  Place de la Principale, Avignon : n° 1995-1, datation inconnue ; n° 1995-71, H.S. Ces objets en alliage cuivreux, issus de fonte, comportent des traverses proximale, médiane et distale de section ovoïde dont le diamètre est inférieur à l’épaisseur des traverses latérales qui sont de section quadrangulaire. L’avers du cadre est ondulé. Une pièce (fig. 248, n° 4) ayant conservé son ardillon en fer arbore une encoche au milieu des traverses proximale et distale. Un artefact aux caractéristiques analogues à l’exemplaire le plus grand (fig. 248, n° 5), mais plus large que long, provient d’un comblement de creusement des XVIe - XVIIe siècles fouillé Rue Delayant à La Rochelle en Charente-Maritime2555. Le spécimen plus long que large retrouvé dans un contexte de la fin du XIVe ou du début du XVe siècle du village médiéval de l’Ortolo en Corse du Sud possède la plupart des caractéristiques énoncées pour les objets provençaux2556. Il se distingue par son profil plat. La fouille du castello di Ripafratta (XIIIe - XVIe siècle) à San Giuliano Terme dans la province de Pise a fourni un individu en fer – au profil plat ? – dont les traverses proximale, médiane et peut-être également distale – l’objet est oxydé à cet endroit – sont de section ovoïdes2557. Le cadre est beaucoup moins épais et légèrement ondulé pour un artefact découvert dans une fosse du milieu du XVIe siècle dans l’Îlot Gabriel-Péri à Limoges2558. Un couple de 2554 Boucle complète, L x l = 4,3 x 3 cm (Boucles 1981, p. 22, n° 27) Individu entier, L x l = 2,9 x 3,2 cm (Berthon (dir.) 2013, p. 58, n° 65). 2556 Artefact fragmentaire, L recons. x l = 2,8 x 2 cm (Comiti 1996, p. 42). 2557 Objet complet, L x l = 4,6 x 3,2 cm (Amici 1989, p. 470). 2558 Pièce incomplète, Boucle : L x l = 3,75 x 3,8 cm, Chape : L x l = 2,65 x 1,85 cm (Lombard et al. 1987, pl. V, n° 10). 2555 510 3. Approche croisée du mobilier archéologique moulures encadre, sur la traverse distale, la réception de l’ardillon incomplet en fer. La traverse proximale est manquante. Une chape de type A4a est en place. Un motif cordé décore les traverses proximale et distale d’un anneau au profil ondulé retrouvé dans un contexte moderne du site de Passeig de Circumval, lació 1b, à Barcelone2559. Sur une pièce avec traces d’une couverte blanche de la seconde moitié du XIVe siècle ou de la première moitié du XVe siècle mise au jour à l’abbaye de Bordesley à Redditch dans le Worcestershire, les traverses proximale et distale sont formées d’un alignement de trois segments en forme de bilboquet : le plus petit est disposé au centre et réceptionne sur la traverse distale la pointe de l’ardillon2560. Cette partie en forme de bilboquet se retrouve au milieu des traverses d’un artefact retrouvé à Southampton et daté par la stratigraphie des années 1550 - 1650. Elle est encadrée par des segments renflés2561. D’après le dessin publié par A. Goodall dans son étude du mobilier en alliage cuivreux du village déserté de Rattray dans l’Aberdeenshire, une pièce d’aspect analogue à la petite boucle provençale (fig. 248, n° 4), découverte dans un contexte de première moitié du XIIIe – seconde moitié du XIIIe/première moitié du XIVe siècle, comporte un cadre composite2562. Les traverses proximale et distale seraient en fer, mais il n’est pas montré de traverse médiane. L’objet étant recouvert d’oxydes de fer, les restes de cette partie du cadre ont pu échapper à l’observation. Type P5 : Anneau ou boucle à double fenêtre quadrangulaire moulurée symétrique (fig. 248, n° 6 à 13) Trois sous-types d’anneaux et boucles au cadre mouluré sont attestés en Provence, tous plus longs que larges : les uns ont des fenêtres carrées ou rectangulaires et un ergot quadrangulaire plus ou moins arrondi (sous-type P5a), d’autres des fenêtres trapézoïdales, des moulures médianes et un ergot triangulaire (sous-type P5b), un individu isolé des moulures non débordantes (sous-type P5c). Malgré les différences de configuration, ils sont tous de petite taille, ont possédé un ardillon en fer et ont un profil plat, même si quelques pièces sont légèrement déformées. Par ailleurs, ils sont presque inexistants dans la bibliographie. 2559 Anneau entier, dimensions inconnues (Parra 2009a). Boucle complète, L x l = 4,5 x 3,9 cm (Astill 1993a, p. 194, fig. 88, n° CA 121). 2561 Exemplaire fragmentaire, L restituée x l = 4,5 x 4,65 cm, site de Cuckoo Lane B (Harvey et al. 1975, p. 265, fig. 244, n° 1857). 2562 Spécimen fragmentaire, Boucle : L x l = 1,6 x 1,3 cm (Goodall 1993, p. 189, fig. 40, n° 190). 2560 511 3. Approche croisée du mobilier archéologique D’autres types sont illustrés par la bibliographie. Les plus simples arborent des denticules sur les traverses proximale et distale2563, des bosses non débordantes2564, une suite de bosses et de denticules2565 ou un trèfle à chaque extrémité des traverses externes2566. Au Royaume-Uni, plusieurs boucles à double fenêtre rectangulaire ou trapézoïdale avec des moulures médianes présentent un élargissement triangulaire de la traverse distale2567 éventuellement complété par des excroissances aux angles2568. Outre-Atlantique, des fouilles sur le site de Winslow dans le Massachusetts, ont mis au jour un exemplaire à double fenêtre trapézoïdale avec des excroissances losangiques aux angles et des couples de bossettes dans l’axe de la traverse médiane et au milieu des traverses proximale et distale. Il est daté de la seconde moitié du XVIIe siècle2569. Aucun objet plus large que long du corpus provençal n’arbore un cadre mouluré, mais dans la bibliographie, un individu italien concave arbore des bosses d’encadrement au milieu des traverses proximale et distale2570. Des exemplaires londoniens concaves sont décorés d’un crénelage sur les traverses proximale et distale plates2571 ou seulement la traverse distale2572. Sur d’autres objets, ces traverses sont cordées2573 ou incisées de lignes obliques2574. 2563 France, Aude : spécimen concave, L x l = 1,9 x 1,8 cm, Château de Peyrepertuse, Duilhac-sousPeyrepertuse (Barrère 2000, p. 223). Italie, province de Pise : individu convexe complet, L x l = 2,4 x 2,3 cm, XIIIe - XVIe siècle, castello di Ripafratta, San Giuliano Terme (Amici 1989, p. 470). 2564 France, Isère : boucle complète, L x l = 2,2 x 2,05 cm, seconde moitié du XIVe siècle, prieuré, Marnans (Colardelle et al. 1983, p. 88, n° 4). 2565 France, Pas-de-Calais : exemplaire entier, L x l = 1,9 x 1,1 cm, château, Grigny (Dilly et al. 1999, p. 127, n° 5.11). 2566 Exemplaire entier, L x l = 2,65 x 2,25 cm, deuxième moitié du XVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 99, n° 455). 2567 Essex : artefact incomplet avec fragment d’ardillon en fer, L x l = 4 x 2,2 cm, vers 100/125 - vers 300 (infiltré), Balkerne Lane, Colchester (Crummy (dir.) 2001, p. 51, n° 1819, fig. 51). 2568 Carmarthenshire : boucle incomplète à double fenêtre trapézoïdale, datée typologiquement de la seconde moitié du XVIIe siècle, L recons. x l = 5,55 x 4,9 cm, abbaye des franciscains, Carmarthen (Brennan 2001, n° 9). 2569 Pièce entière, dimensions inconnues (Beaudry et al. 2003, p. 167, fig. 10) 2570 Italie, province de Rome : Individu fragmentaire, L x l = 2,6 x 4,1 cm, première moitié XVe siècle, crypta Balbi, Rome (Sfligiotti 1990, p. 544, n° 742). 2571 Individu entier, L x l = 2,6 x 3,4 cm, vers 1270 - vers 1350, (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 97, n° 443). 2572 Pièce entière avec traces d’étamage, L x l = 3,5 x 3,9 cm (erreur dans la prise de dimensions), première moitié XVIe siècle, Abbots Lane, Londres (Egan 2005, p. 37-38, n° 111). 2573 Artefact complet en fer, L x l = 3,1 x 6,1 cm (erreur dans la prise de dimensions), vers 1530 - vers 1570, Abbots Lane, Londres (Egan 2005, p. 38, n° 118). 2574 Anneau entier, L x l = 1,9 x 2 cm (Egan 2005, p. 38, n° 113). 512 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type P5a : Anneau ou boucle long, à double fenêtre carrée ou rectangulaire, en alliage cuivreux, à ergot distal (fig. 248, n° 6 à 8) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1163 et 1164, niveaux de la deuxième moitié du XIVe siècle.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 227, niveau de destruction de maisons daté vers 1365. Les trois boucles de ce type, à ardillon en fer, présentent des traverses latérales légèrement concaves. Un ergot distal quadrangulaire est disposé au milieu de la traverse distale. Un fragment d’anneau de ce type, de plus grande taille, avec une encoche sur l’ergot quadrangulaire fut trouvée hors stratigraphie sur le site de l’abbaye des franciscains à Carmarthen dans le Carmarthenshire au Royaume-Uni2575. Type P5b : Anneau ou boucle long, à double fenêtre trapézoïdale, en alliage cuivreux, à ergot distal (fig. 248, n° 9 à 12) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL 82.I.1.67 et SBL XX-1, remblais du XVIIIe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1165, niveau de la seconde moitié du XIVe siècle.  Rue Banasterie, Avignon : n° 333, datation inconnue. Ces artefacts possèdent des moulures médianes, c’est-à-dire disposées aux extrémités de la traverse médiane. Trois des quatre spécimens provençaux comportent un ergot distal triangulaire et deux d’entre eux une encoche sur celui-ci (fig. 248, n° 10 et 12). Le dernier objet (fig. 248, n° 9) est associé à ce type en raison de l’aspect du fragment de cadre conservé qui est analogue à ceux des autres pièces. Il subsiste sur cet individu de nombreuses barbes et l’amorce du canal de fonte au milieu de la traverse proximale. Un ardillon en fer ou des traces 2575 Artefact fragmentaire, L recons. x l = 4,05 x 2,4 cm (Brennan 2001, n° 7). 513 3. Approche croisée du mobilier archéologique d’un ardillon en fer s’observent sur deux exemplaires (fig. 248, n° 10 et 11). Les deux éléments de comparaison trouvés dans la bibliographie proviennent d’un contexte de fin XIVe - milieu XIXe siècle du site du palais de Vescovi à Pistoia2576 et d’une phase datée entre vers 1260 et la première moitié du XVe siècle du monastère de San Michele Arcangelo alla Verruca à Vicopisano dans la province de Pise en Italie2577. Le second conserve un fragment d’ardillon en fer. Type P5c : Anneau ou boucle long, à double fenêtre trapézoïdale, en alliage cuivreux, à moulures internes (fig. 248, n° 13) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1166, premier tiers du XIVe siècle. Cette pièce au profil plat à fragment d’ardillon en fer comporte des moulures en relief sur la totalité des traverses externes. Elles ne débordent pas à l’extérieur du cadre comme pour une pièce londonienne au modelé différent, à chape de type A2a, mise au jour dans un niveau du dernier quart du XVIIe siècle2578. Type Q : Boucle à double fenêtre asymétrique (fig. 249 et 250, fig. 251, n° 1 à 3) Les anneaux et boucles du type Q ont été classés en neuf sous-types. Les caractères retenus sont la forme géométrique des fenêtres, la présence d’un élargissement de la traverse distale, de moulures ou d’une barre sur cette traverse, l’existence d’une traverse-ardillon. Le sous-type Q1 comprend les exemplaires à double fenêtre circulaire ou ovale, les sous-types Q2 et Q3, les spécimens à double fenêtre semi-ovale, les sous-types Q4 à Q7 les objets dont l’une des fenêtres est semi-ovale et l’autre quadrangulaire, les sous-types Q8 et Q9 les artefacts à double fenêtre asymétrique quadrangulaire. Les pièces avec un élargissement du cadre appartiennent au sous-type Q5, celles avec des moulures sur la traverse distale aux soustypes Q2 et Q6. Les anneaux et boucles à traverse distale avec une barre appartiennent au sous-type Q7. Le sous-type Q9 rassemble les boucles à traverse-ardillon. 2576 Spécimen incomplet à ardillon en fer, L x l = 2,4 x 1,5 cm, fin XIVe - milieu XIXe siècle (Vannini 1985, p. 469, fig. 195, p. 656, n° 3746). 2577 Objet fragmentaire, L recons x l = 2,8 x 2 cm (Dadà 2005, fig. 5, n° 20). 2578 Pièce complète, Boucle : L x l = 2,1 x 1,7 cm, Chape : L x l = 2,7 x 1,3 cm (Egan 2005, p. 38, n° 115). 514 3. Approche croisée du mobilier archéologique La courroie peut se mettre sur la traverse interne ou beaucoup plus fréquemment sur la traverse proximale. Cette spécificité n’a pas eu lieu d’être considérée dans la typologie, tous les objets étudiés d’un même sous-type ne comportant qu’un seul des deux modes de fixation. Les seuls artefacts pour lesquels il apparaît que la chape ou la courroie s’attachait à la traverse interne sont ceux des sous-types Q4b et Q5. Habituellement, parmi les anneaux et boucles à double fenêtre asymétrique, l’une semi-ovale, l’autre quadrangulaire, la fenêtre proximale est celle qui est quadrangulaire et la fenêtre distale celle qui est semi-ovale. Au sein des exemplaires à double fenêtre asymétrique quadrangulaire, la plus petite est généralement la fenêtre proximale. En conséquence, ces agencements ne sont pas spécifiés pour ne pas compliquer inutilement la dénomination des types. Cependant, la bibliographie rapporte quelques exceptions qui, dans le cadre de cette typologie, s’il advenait qu’il en soit trouvé en Provence, seraient classées comme sous-types de deuxième rang. Il conviendrait alors de spécifier pour ces artefacts la disposition des fenêtres2579. L’absence dans le corpus d’anneaux et de boucles à double fenêtre semi-ovale asymétrique à traverse distale à barre – ils ont une réduction du milieu de la traverse médiane –, parfois à chape de type C2a ou C4, est plutôt surprenante tant ses objets sont courants dans le Midi de la France et le nord-est de l’Espagne2580. Ils sont de la même famille que les 2579 Une boucle londonienne à chape de type A1a fixée à la traverse interne, en alliage cuivreux avec traces d’une couverte blanche, issue d’un contexte de la première moitié du XIVe siècle, présente une fenêtre proximale semi-ovale et une fenêtre distale quadrangulaire à rouleau (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 94, n° 424). 2580 France, Aude : pièce complète, L x l = 3,1 x 2,45 cm, XIIIe - XVe siècle, château, Montséret (Immel et Lapeyre 1984, p. 14) ; individu entier, L x l = 3,4 x 2,9 cm, N.D.S., castrum de Cabaret, Lastours (Gardel et al. 1999, p. 300) ; Ariège : objet fragmentaire, L x l = 3,55 x 2,9 cm, artefact fragmentaire, l = 2,1 cm, pièce entière avec chape, L x l = 3 x 2,45 cm, boucle entière avec chape de type C4, Boucle : L x l = 3,15 x 2,25 cm ; Chape : L x l = 3,1 x 2,3 cm, N.D.S., château de Montségur (Czeski 1981, p. 198, n° 28/72, 125/73 ; Czeski 1990, p. 391 ; Archéologie 1990, p. 212, n° 410) ; Gers : quatre pièces fragmentaires dorées, L x l = 3,1 x 2,5 cm et 2,7 x 2,9 cm et 3,2 x 2,6 cm et 3 x 2,7 cm, une pièce incomplète, L x l = 2,3 x 2 cm, Corné (vers 1170 - vers 1250), L’Isle-Bouzon (Lassure 1995, fig. 412, n° 9 à 12 ; fig. 413, n° 1) ; Haute-Garonne : spécimen entier, L x l = 3 x 2,5 cm, H.S., gué de Bazacle, Toulouse (Archéologie 1990, p. 212, n° 409) ; Tarn : exemplaire fragmentaire, l = 2,55 cm, milieu XIIIe (?) - XVe siècle, spécimen entier, L x l = 3,35 x 3,05 cm, H.S., individu entier, L x l = 2,9 x 2,95 cm, H.S., château de Montaigut, Gissac (Hensel et al. 1970a, fig. 30, n° 7, 8, 10) ; objet entier avec chape de type C4, Boucle : L x l = 3,7 x 3 cm, Chape : L x l = 5,7 x 3 cm, XIIIe siècle, souterrain de La Bauthe-Haute, Teyssode (Archéologie 1990, p. 214, n° 419) ; une pièce entière, L x l = 3,5 x 2,9 cm, un individu entier avec chape de type C4, Boucle : L x l = 2,8 x 2,3 cm, Chape : L x l = 2,2 x 2,1 cm, site inconnu, objets conservés au musée Raymond-Lafage de Lislesur-Tarn (Archéologie 1990, p. 212, n° 411 et 412). Espagne, province de Barcelone : artefact entier, L x l = 2,8 x 3,8 cm, castell del Far (XIIIe - première moitié XVe siècle), Llinars del Vallès (Bolos et al. 1981, n° 17 ; Monreal et Barrachina 1983, p. 260, fig. 118) ; individu entier, L x l = 2,2 x 2,1 cm, exemplaire entier, L x l = 2,8 x 2 cm, datation inconnue, castell de Sacama, Olesa de Montserrat 515 3. Approche croisée du mobilier archéologique exemplaires des types Q2 et Q3. Certains comportent des fenêtres outrepassées et des moulures dans la continuité de la traverse interne. Dans la même région languedocienne ont été trouvées des boucles à double fenêtre rectangulaire asymétrique à barre moulurée2581. Le milieu de la traverse interne est également réduit. Le classement de ces exemplaires dans le type Q pourrait paraître incorrect car les fenêtres ont des formes géométriques similaires. Toutefois, elles n’ont jamais les mêmes dimensions même si les écarts sont de quelques millimètres. Cet argument seul n’est cependant pas suffisant car les différences ne sont pas flagrantes. La localisation du point de fixation de la chape ou de la courroie consolide l’hypothèse de classement. Pour l’ensemble des anneaux et boucles de type P, la chape ou la courroie s’enroule autour de la traverse médiane alors que pour le type Q, elle peut s’attacher à la traverse médiane ou, comme pour les objets languedociens cités, à la traverse proximale. Le site du château de Hohenfels offre un autre exemple de boucle à double fenêtre rectangulaire asymétrique. Cette fois le cadre est rectangulaire et la traverse excentrée comporte une réduction localisée en son milieu2582. Le corpus provençal est pauvre en exemplaires à double fenêtre trapézoïdale asymétrique. Il en existe dans la bibliographie avec une réduction du milieu de la traverse excentrée et un rouleau distal2583 ou des excroissances aux angles et au milieu de la traverse distale2584. Un individu en or arbore le motif d’une applique de type K sur sa traverse distale. Il a été retrouvé dans une tombe antérieure à 1302 dans la cathédrale Santa Reparata de Florence avec une boucle de type E4c à chape de type A5, deux appliques de type K et un mordant de type A2585. Il se pourrait que l’anneau, dont les traverses proximales et excentrées sont de section quadrangulaire, ait été utilisé en tant que passant. D’autres spécimens à double (Bolos et al. 1981, p. 169, n° 100 et 101) ; province de Lleida : anneau fragmentaire, L cons. x l = 1,9 x 2,9 cm, première moitié du XIVe siècle, castell de Sant Miquel de la Vall, Aransìs (Bolos et al. 1981, p. 158, n° 81). 2581 France, Ariège : spécimen entier, L x l = 3,6 x 2,8 cm, château de Montségur (Archéologie 1990, p. 213, n° 417) ; objet entier doré avec chape de type C2a, remblai d’abandon, première moitié XIIIe siècle, castrum de Montaillou (Cazes 2006, fig. 8a) ; Aude : pièce entière avec chape de type C2b, Boucle : L x l = 3,5 x 3,1 cm, Chape : L x l = 5,65 x 2,6 cm, objet entier, L x l = 3,25 x 2,65 cm, N.D.S., castrum de Cabaret, Lastours (Barrère 1999, p. 824, fig. 1, n° 3) ; Tarn : exemplaire entier, L x l = 2,8 x 2,3 cm, château de de Montaigut, Gissac (Hensel et al. 1970a, fig. 2, n° 10) ; individu entier doré, L x l = 2,7 x 1,2 cm, Le Castlar (XIIIe - XIVe siècle), Durfort, (Archéologie 1990, p. 213, n° 418). 2582 Boucle complète, dimensions inconnues, fin XVe - XVIe siècle (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 450, n° 3.120). 2583 Anneaux entiers, L x l = 2,1 x 1,9 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 101, n° 467 et 468). 2584 Artefact entier, L x l = 7,25 x 4,45 cm, première moitié XVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 101, n° 470). 2585 Anneau entier, dimensions inconnues (Buerger 1975, p. 206). 516 3. Approche croisée du mobilier archéologique fenêtre trapézoïdale en alliage cuivreux sont composites et constitués de trois éléments : les extrémités de la barre servant de traverse distale et celles de la tige utilisée comme traverse excentrée traversent une tôle ayant le rôle des traverses proximale et latérale2586. Mentionnons également une boucle au contexte inconnu mise au jour à Bâle avec une fenêtre distale rectangulaire et une fenêtre proximale trapézoïdale dont les points de jonction des traverses, sauf aux extrémités de la traverse interne, son décorés de pastilles2587. Une chape de type E terminée par un crochet relie cette boucle à l’œillet d’un éperon à stimulus pyramidal attribuable au Moyen Âge central. Quelques rares anneaux et boucles à double fenêtre asymétriques sont typiques des périodes très récentes. Citons un grand anneau au cadre semi-ovale à traverse excentrée mis au jour hors stratigraphie au château d’Hauture à Fos-sur-Mer, dont la section du cadre parfaitement circulaire est typique des procédés industriels2588. D’autres spécimens sont cités ci-après lors de la description détaillée des sous-types du type Q. Type Q1 : Anneau ou boucle à double fenêtre circulaire ou ovale asymétrique (fig. 249, n° 1) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1655, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Les traverses externes de cet anneau à double fenêtre ovale asymétrique au profil angulaire comportent un bosselage. L’épaisseur de la traverse excentrée est moindre que pour le reste du cadre. Sa largeur diminue en direction de son centre. Des traces de dorure s’observent sur toutes les faces de la boucle. 2586 France, Nord : exemplaire entier, L x l = 1,25 x 1,6 cm, XVe siècle, Rue Mongat, Douai (Louis et al. 1998, p. 64, n° 22). Royaume-Uni, Aberdeenshire : spécimen entier, L x l = 3,3 x 2,05 cm, abandon/destruction, milieu/seconde moitié XVe siècle - ?, village déserté, Rattray (Goodall 1993, p. 189, fig. 40, n° 192). 2587 Boucle complète, L x l = 3,2 x 1,9 cm (Koch 1982, p. 78, fig. 16). 2588 Numéro d’inventaire B567151 du dépôt de Fos-sur-Mer. 517 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type Q2 : Anneau ou boucle à double fenêtre semi-ovale asymétrique régulière (fig. 249, n° 2) Var  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 94-52, contexte inconnu. Cet objet comporte deux fenêtres semi-ovales asymétriques séparées par une traverse excentrée amincie et réduite en son centre pour recevoir la base de l’ardillon. Un décor gravé de zigzags cantonnés par deux lignes se développe de part et d’autre jusqu’aux moulures excentrées. Dans la bibliographie, les lignes sont remplacées par des dépressions issues de la fonte. Une encoche munie de talons, droite pour recevoir une chape ou la courroie, est réduite. Les boucles ayant cette configuration sont nombreuses dans le Midi de la France2589. Toutefois, le cadre comporte rarement un décor gravé : un exemplaire découvert sur le site de Corné (vers 1170 - vers 1250) à L’Isle-Bouzon dans le Gers présente des rangées de petits triangles poinçonnés sur les traverses excentrée et distales2590. Sa fenêtre distale est en accolade incomplète. Les artisans de Limoges ont produit à la fin du XIIe siècle et dans la première moitié du XIIIe siècle de nombreuses boucles dorées ou dorées et émaillées à fenêtre semi-ovale simple ou en accolade incomplète à chape de type C2b émaillée et parfois ajourée. I. Fingerlin et les deux premiers tomes du Corpus des émaux méridionaux répertorient huit exemplaires conservés dans des musées ou collections particulières à Arras2591, à Paris2592, en 2589 France, Aude : artefact complet, L x l = 3,5 x 3,05 cm, H.S., abri près de la Grotte de l’Œil, Puilaurens (Sacchi et Barrère 2006, p. 119, 122) ; Ariège : boucle complète, L x l = 3,05 x 2,6 cm, N.D.S. château, Montségur (Czeski 1990, p. 392, n° 4 T 83) ; Gers : pièce complète, L x l = 2,3 x 3 cm, vers 1170 - vers 1250, Corné, L’Isle-Bouzon (Lassure 1995, p. 511, fig. 412, n° 4). HauteGaronne : individu complet, dimensions inconnues, Vieille-Toulouse, Toulouse (Fouet et Savès 1971, fig. 25) ; Hautes-Pyrénées : spécimen entier plus large que long, dimensions inconnues, place de Verdun, Tarbes (Barrère 1994, p. 66-67) ; Hérault : objet entier, L x l = 2,8 x 2,25 cm, niveau de dépotoir, milieu XIIIe - début XIVe siècle, castrum de Neyran, Saint-Gervais-sur-Mare (Thuaudet et Rouleau 2010, pl. 2, n° 4) ; Tarn : artefact entier, L x l = 2,5 x 2,5 cm, Le Castlar (XIIIe - XIVe siècle), Durfort (Archéologie 1990, p. 213, n° 414) ; pièce entière, L x l = 2,8 x 2,5 cm, H.S., château de Montaigut, Gissac (Hensel et al. 1970a, fig. 2, n° 9) ; exemplaire complet, L x l = 2,05 x 2,25 cm, trouvé avec de la « céramique grise », l’objet est attribué par erreur à l’époque carolingienne, SaintVincent-d’Arnhac, Lautrec (Bordenave et Vialelle 1973, p. 160). 2590 Boucle complète, L x l = 2,4 x 2,8 cm (Archéologie 1990, p. 213, n° 413 ; Lassure 1995, p. 511, fig. 412, n° 3). 2591 Boucle complète, Boucle : L x l = 2,55 x 3,65 cm, Chape : L x l = 2,95 x 3,15 cm, Musée municipal d’Arras (Fingerlin 1971, p. 36, 38, 41, 42, fig. 9, p. 37, n° cat. 12 ; Gauthier et al. 2011, CDRom, VII A, n° 2). 2592 Exemplaire fragmentaire, dimensions précises inconnues, ancienne collection Beurdeley (Fingerlin 1971, p. 38, fig. 16, n° cat. 390). 518 3. Approche croisée du mobilier archéologique Allemagne2593, en Belgique2594, à Rotterdam aux Pays-Bas2595, en Autriche2596. Le comblement d’une fosse mal datée au castellas de Cabrilles à Lautrec dans le Tarn a livré un spécimen doré et émaillé de blanc et de bleu nuit2597. Deux autres cas d’association d’une boucle de type Q2 avec une chape ont été relevées. La chape de type C3 est gravée de zigzags cantonnés entre des lignes pour une pièce (H.S.) issue du château de Montaigut à Gissac dans le Tarn2598. De type C2b elle est émaillée en champlevé d’un griffon pour un accessoire doré qui pourrait provenir du site de La Borie Blanque à Saint-Rome-de-Tarn dans l’Aveyron2599. Une chape de type C à la forme singulière est attachée autour de la traverse proximale d’une boucle à ardillon en fer issue du château de Foix en Ariège : son aspect et son décor gravé rappellent la configuration d’une vielle à archet2600. Sa terminaison circulaire à cinq perforations est analogue à celle d’une boucle à chape intégrée de type S3d (fig. 257, n° 1). Un sous-type d’anneau et de boucle légèrement différent, pour lequel aucun objet n’a été actuellement trouvé en Provence, se rencontre régulièrement dans le Midi de la France2601. Le cadre des fenêtres n’est pas outrepassé et les traverses excentrées ne sont pas prolongées par des moulures. Des dépressions soulignent cependant la traverse excentrée et la traverse 2593 Individu fragmentaire avec chape entière, dimensions inconnues (Gauthier at al. 2011, CD-Rom, VII A, n° 25). 2594 Boucle complète avec chape entière, dimensions inconnues, rivière La Sambre (Fingerlin 1971, p. 36, 38, 41, fig. 11, n° cat 552) ; Objet entier, Boucle : L x l = 3 x 4,1 cm, Chape : L x l = 3,4 x 3,5 cm, collection particulière (Fingerlin 1971, p. 38, 41, fig. 10, p. 37, n° cat. 556 ; Gauthier at al. 2011, CD-Rom, VII A, n° 3) ; Spécimen entier, Boucle : L x l = 2,95 x 4,15 cm, Chape : L x l = 3,8 x 3,7 cm, Musées Royaux d’Art et d’Histoire (Fingerlin 1971, p. 36, 38, 41, 42, fig. 8, n° cat. 34) 2595 Pièce entière, Boucle : L x l = 2,55 x 4,7 cm, Chape : L x l = 4,5 x 4,3 cm, Musée Boymans-van Beuningen, Rotterdam (Fingerlin 1971, p. 40, fig. 18, p. 39, cat. 450 ; Gauthier at al. 2011, CD-Rom, VII A, n° 20). 2596 Boucle complète, Boucle : L x l = 3,35 x 5,3 cm, Chape : L x l = 5,15 x 5,3 cm, Österreichisches Museum für Angewandte Kunst, Vienne (D’Allemagne 1928, t. 1, pl. XXXV, fig. 15 ; Fingerlin 1971, fig. 559, p. 464, n° 540 ; Gauthier at al. 2011, CD-Rom, VII A, n° 22). 2597 Exemplaire entier, L x l = 3,6 x 3,8 cm, trouvé avec de la « céramique grise » dans un silo, l’objet est attribué par erreur à l’époque carolingienne, castellas de Cabrilles, Lautrec (Bordenave et Vialelle 1973, p. 49). 2598 Individu entier avec chape de type C3, Boucle : L x l = 2,65 x 3 cm, Chape : L x l = 4,25 x 2,45 cm, H.S., château de Montaigut, Gissac (Hensel et al. 1970a, fig. 2, n° 12). 2599 Individu complet, Boucle : L x l = 3,6 x 3,15 cm, Chape : L x l = 5,85 x 2,95 cm (Parures 1990, p. 122, n° 211). 2600 France, Ariège : objet incomplet, Boucle : L x l = 4 x 2,5 cm, Chape : L x l = 7,5 x 2,4 cm, XIIe XIIIe siècle d’après la céramique, château de Foix (Carme 2006). 2601 France, Aude : spécimen entier, L x l = 2,5 x 1,7 cm, N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhacsous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 217, fig. 146, n° 1) ; pièce fragmentaire, N.D.S., castrum de Cabaret, Lastours (Barrère 1999, p. 825, fig. 1, n° 9) ; Ariège : artefact entier, L x l = 2,7 x 1,9 cm, N.D.S. château, Montségur (Czeski 1981, p. 198, n° 145/72) ; Hérault : objet entier, L x l = 2,3 x 2,9 cm, XIIe - XIVe siècle, castrum de Ventajou, Félines-Minervois (Loppe 2005-2006, p. 338). 519 3. Approche croisée du mobilier archéologique distale comporte une encoche pour la réception du bout de l’ardillon. Un individu mis au jour sur le site de Corné (vers 1170 - vers 1250) à L’Isle-Bouzon dans le Gers arbore des triangles quadrillés incisés sur sa traverse distale2602. Du castrum de Cabaret (N.D.S.) à Lastours dans l’Aude provient un exemplaire avec chape de type C42603. Ce type de chape est également fixé à un artefact doré issu du site du castrum du Castlar (XIIIe - XIVe siècles) à Durfort dans le Tarn2604. Une boucle à ardillon en fer trouvée sur la grève de la Loire à Tours en Indre-etLoire appartient également à ce sous-type2605. Le milieu de la traverse excentrée ne comporte qu’un léger rétrécissement pour la base de l’ardillon. Cette découverte ne contredit pas l’hypothèse d’une production dans le Midi. D’autres formes illustrées par des objets isolés ont été trouvées hors de France. Il s’agit d’artefacts au cadre des fenêtres outrepassé sans moulures excentrées et sauf exception sans réduction du cadre au milieu de la traverse excentrée. Une pièce à chape de type A a été mise au jour sur le site de Miranduolo à Chiusdino dans la province de Sienne. Elle appartient à un niveau daté entre le troisième quart du XIIIe siècle et vers 13332606. Le spécimen découvert dans une couche de démolition du milieu du XVIe siècle de la Porte Pairolière de Nice présente des ergots latéraux dans la continuité de la traverse proximale2607. Ces ergots apparaissent aussi sur une boucle issue d’un niveau de destruction de la seconde moitié du XVe siècle et de la première moitié du XVIe siècle de la motte d’East Haddlesey à Knottingley dans le Yorkshire du Nord2608. Le modelé de la boucle est cependant assez différent. La fouille d’une sépulture sur le site de Velikij à Posada en Pologne a fourni un individu aux fenêtres outrepassées, à fenêtre distale en accolade complète, à ergots proximaux. Le style de cet objet est totalement différent des artefacts d’Europe de l’Ouest. Le lot mobilier auquel il appartient est attribué aux Xe - XIIe siècles2609. Cependant, la présence d’une épingle à tête enroulée de type A1a étend la datation au minimum jusqu’au début du XIIIe siècle. D’une sépulture de la nécropole de Mèizza (fin du VIe - deuxième moitié du VIIe 2602 France, Gers : artefact fragmentaire, L x l = 3,1 x 3,2 cm, vers 1170 - vers 1250, Corné, L’IsleBouzon (Lassure 1995, p. 511, fig. 412, n° 7). 2603 Exemplaire entier, Boucle : L x l = 2,55 x 2,1 cm, Chape : L x l = 3,15 x 1,95 cm, N.D.S. (Barrère 1999, p. 825, fig. 1, n° 10). 2604 Spécimen entier, Boucle : L x l = 2,4 x 1,6 cm, Chape : L x l = 2,6 x 1,5 cm, première moitié milieu XIVe siècle (Archéologie 1990, p. 212, n° 408). 2605 Boucle incomplète, L x l = 2,6 x 2 cm (Motteau (dir.) 1991, n° 98). 2606 Artefact complet, Boucle : L x l = 4,35 x 2,95 cm, Chape : L x l = 1,75 x 1,4 cm (Ceppatelli 2008, p. 419, fig. 187, n° 7). 2607 Pièce entière, L x l = 3,7 x 3,5 cm (Thuaudet 2010e, pl. 4, n° 23). 2608 Boucle incomplète avec ardillon en fer, L x l = 7,3 x 5 cm (Goodall 1973, p. 93, fig. 36, n° 16). 2609 Exemplaire entier, L x l = 3 x 2,8 cm (Tarasov 1991, fig. 6, n° 10). 520 3. Approche croisée du mobilier archéologique siècle) dans le comitat d’Istrie en Croatie provient une boucle à ergots proximaux avec un retrait au milieu de la traverse interne. Elle est interprétée comme étant une boucle de chaussure2610. Cette identification a été également formulée pour un exemplaire sans ergots proximaux mais à ergots médians en crochets retrouvé sur le même site2611. Bien que le mobilier mis au jour dans le Midi de la France soit abondant, les datations stratigraphiques sont trop peu précises pour permettre de percevoir l’évolution de caractères dans la configuration des anneaux et boucles des formes provençales de type Q2. Une date d’apparition à la fin du XIIe siècle ou au début du XIIIe siècle ne peut être écartée. Il est possible que ces objets n’aient pas été produits au-delà de la fin du XIIIe siècle. Type Q3 : Anneau ou boucle à double fenêtre semi-ovale asymétrique moulurée (fig. 249, n° 3) Les anneaux et boucles dont la traverse distale arbore une décoration autre qu’un ergot distal ont été peu fréquents : le seul exemplaire relevé dans la bibliographie possède trois bosses au milieu de la traverse2612. Anneau ou boucle à double fenêtre semi-ovale asymétrique à ergot distal Vaucluse  Rue Grivolas, Avignon : n° 6, contexte de datation inconnue. Du point de vue de la configuration, cet artefact diffère du type Q2 par la présence d’un ergot distal et par l’absence de moulures excentrées. Des dépressions soulignent ici également la traverse excentrée et les talons. Un fragment d’ardillon en alliage cuivreux est enroulé autour de la traverse excentrée. Dans la bibliographie, les talons et la traverse excentrée sont toujours mis en évidence. L’ergot de l’objet provençal est assez éloigné de celui de la plupart des artefacts, parfois dorés, mis au jour dans le Midi de la France2613. Il est en effet long, entouré d’une moulure, 2610 L x l = 3,1 x 2,85 cm (Torcellan 1986, pl. 27, n° 3). L x l = 2,5 x 2,25 cm (Torcellan 1986, pl. 24, n° 4). 2612 Espagne, province de Barcelone : objet entier, Boucle : L x l = 1,55 x 1,7 cm ; Chape : L x l = 2,7 x 1,8 cm, XIIIe siècle d’après le mobilier archéologique, église de Sant Pau de Riu-sec, Sabadell (Bolos et al. 1981, p. 158, n° 97) 2613 France, Ariège : artefact fragmentaire, L x l = 4,5 x 3,9 cm, N.D.S., château de Montségur (Czeski 1981, p. 198, n° 26/74) ; Aude : exemplaire entier, L = 4,5 x 4,15 cm, attribué par erreur au 2611 521 3. Approche croisée du mobilier archéologique très débordant et comporte une encoche distale. Une pièce de Montségur (N.D.S.) arbore des zigzags incisés sur la bordure interne des fenêtres sauf à l’endroit de la traverse proximale. Des ocelles poinçonnés encadrent l’ergot distal2614. Une chape de type C4 est enroulée autour de la traverse proximale d’une boucle mise au jour dans une phase de construction du troisième tiers du XIIIe siècle du castrum de Montaillou en Ariège. Les deux éléments conservent des traces de dorure2615. Un autre exemplaire du site de Corné (vers 1170 - vers 1250) à L’Isle-Bouzon dans le Gers présente un ergot distal beaucoup plus réduit, entouré d’une moulure et creusé d’une encoche2616. Le site de Velikij à Posada en Pologne a déjà été mentionné dans le cadre de l’étude du type Q2. Un individu aux fenêtres outrepassées, à moulures excentrées, à ergots proximaux, est issu d’une sépulture fouillée en ce lieu2617. Le décor du cadre ne connaît pas de similitude avec les exemplaires d’Europe de l’Ouest. Les anneaux et boucles du type Q3 sont, selon toute vraisemblance, attribuables à la même période que les exemplaires du type Q2, soit au XIIIe siècle. Type Q4 : Anneau ou boucle à double fenêtre asymétrique régulière, l’une semiovale, l’autre quadrangulaire (fig. 249, n° 4 à 7) Deux sous-types sont distingués parmi les objets provençaux en fonction du matériau et de la configuration des fenêtres. Le sous-type Q4a rassemble les exemplaires larges et réguliers à double fenêtre asymétrique en alliage cuivreux, l’une semi-ovale outrepassée, l’autre carrée ou rectangulaire. Le sous-type Q4b regroupe les spécimens longs et réguliers à double fenêtre asymétrique en fer, l’une semi-ovale outrepassée, l’autre trapézoïdale. De nombreux autres sous-types à fenêtre distale outrepassée n’ont pas actuellement fait l’objet de trouvailles dans le territoire provençal. L’établissement hospitalier de La Salvetat de Serre (XIIe - XIVe siècle ?) à Lavelanet de Comminges en Haute-Garonne a livré une large boucle en fer dont les fenêtres s’intègrent dans un cadre semi-ovale2618. Les types haut Moyen Âge, provenance inconnue (Monod et Rancoule 1969, fig. 1, n° 5), cet objet est-il le même que celui décrit par F. Sarret en 1983 (p. 117, n° 6, non dessiné) ? ; pièce entière avec traces de dorure à l’avers, L x l = 4,25 x 3,85 cm, N.D.S., castrum de Cabaret, Lastours (Barrère 1999, p. 824825, fig. 1, n° 7) ; Gers : exemplaire fragmentaire, L x l = 3,5 x 4,6 cm, vers 1170 - vers 1250, village déserté de Corné, L’Isle-Bouzon (Lassure 1995, p. 510, fig. 412, n° 1) ; Haute-Garonne : spécimen complet, L x l = 4 x 3,5 cm, H.S., Gué de Bazacle, Toulouse (Archéologie 1990, p. 213, n° 415). 2614 Objet entier, L x l = 3,9 x 3,5 cm (Archéologie 1990, p. 212, n° 416, 36T79) ; 2615 Spécimen entier (Cazes 2006, p. 330, fig. 8c). 2616 Individu entier, L x l = 3,4 x 3 cm (Lassure 1995, p. 511, fig. 412, n° 2). 2617 Exemplaire entier, L x l = 4,55 x 3,45 cm (Tarasov 1991, fig. 6, n° 9). 2618 Exemplaire complet, L x l = 3,4 x 5,4 cm (Manière 1977, p. 220-221, n° 8). 522 3. Approche croisée du mobilier archéologique plus longs que larges en fer sont plus nombreux que ceux qui sont plus larges que longs. Une pièce au profil angulaire, au cadre de la fenêtre distale outrepassé, trouvée au château de Boves dans la Somme, est interprétée comme une boucle de fixation d’éperon. Son contexte, daté du XIVe siècle, contient de la céramique du XIIe siècle2619. Une boucle angulaire d’aspect identique, comportant une chape de type E terminée par un crochet attaché à l’œillet d’un éperon est issue d’un site du comitat de Csongrad en Hongrie 2620. L’éperon est attribué aux XVe - XVIe siècles. Des boucles en fer à chape incomplète de type A étaient positionnées sur le bassin de corps inhumés dans la première moitié ou le milieu du XIVe siècle dans un cimetière du site d’Austin Friars à Leicester au Royaume-Uni2621. La fenêtre distale est outrepassée pour un de ces objets, l’autre, dont le cadre est bombé à la réception des extrémités de la traverse excentrée, présente une orientation inhabituelle : la fenêtre proximale est semi-ovale et la fenêtre distale est rectangulaire. Une boucle ayant ce même agencement, à chape de type E, fut découverte dans un niveau de la première moitié du XVIe siècle sur le site d’Abbots Lane à Londres2622. Une découverte intéressante fut faite sur le fémur d’un individu inhumé entre le VIe et le VIIIe siècle sur le site de Vico III Lanusei à Cagliari en Sardaigne. La boucle à fenêtre distale ovale outrepassée, à fenêtre proximale trapézoïdale dans un cadre rectangulaire, comporte un ardillon à pointe recourbée installé sur la traverse proximale et non sur la traverse interne comme attendu2623. Une armure du XVIe siècle conservée au château de Cheverny dans le Loir-et-Cher conserve, pour la fixation des différentes pièces de protection, des boucles dont la fenêtre distale est outrepassée (fig. 245). Une tôle rivetée à une pièce d’armure s’enroule autour de la traverse médiane. Des exemplaires en alliages cuivreux sans fenêtre outrepassée sont également attestés pour le second Moyen Âge. Des spécimens sans moulures médianes furent trouvés au Royaume-Uni2624. Un individu en alliage cuivreux et doré avec un ardillon en fer et des 2619 Objet entier, L x l total = 3,8 x 2,7 cm (Legros 2012b, p. 97, n° 26, fig. 2). Pièce incomplète, Boucle : L x l = très approximativement 5,7 x 3 cm (Sára 2012, p. 93). 2621 Boucle complète à l’orientation inversée, Boucle, L x l = 2,9 x 2,3 cm, Chape : L x l = 2,05 x 1,5 cm, sur le bassin d’une adolescente de 15 à 16 ans, artefact incomplet, Boucle : L x l = 4,7 x 3,5 cm, Chape : L x l = 4,35 x 1,8 cm en fer, sur le bassin d’un adulte de 35 à 45 ans (Clay 1981, n° 66 et 67). 2622 Pièce complète, dimensions inconnues (Egan 2005, p. 36, n° 104). 2623 Exemplaire complet, dimensions inconnues (Martorelli et Mareddu 2006, p. 256). 2624 Royaume-Uni, Buckinghamshire : objet incomplet, L x l = 2,9 x 2,05 cm, sol occupé de la seconde moitié du XIIIe siècle à la seconde moitié du XVe siècle, Woughton village, Milton Keynes (Woodfield et al. 1994, p. 131, n° 2) ; Hampshire : pièce entière convexe avec incisions sur le cadre 2620 523 3. Approche croisée du mobilier archéologique moulures dans l’axe de la traverse interne provient du nord-ouest de la France2625. La fenêtre distale est en accolade incomplète sur un objet belge2626. Les anneaux et boucles en alliage cuivreux à double fenêtre asymétrique de type Q4 se rencontrent jusque durant l’Époque moderne ainsi que l’illustre une boucle angulaire, avec ardillon en fer, avec une cannelure sur les traverses externes2627. Une boucle nîmoise à la traverse proximale rétrécie comporte une chape de type ancre caractéristique d’une période comprise entre le milieu du XVIIe siècle et le début du XIXe siècle2628. Cet objet n’est pas vraiment différent des artefacts plus anciens, ce qui laisse augurer de certaines difficultés quant à de futures propositions de datation typologique. Type Q4a : Anneau ou boucle large et régulier, à double fenêtre asymétrique, en alliage cuivreux, l’une semi-ovale outrepassée, l’autre carrée ou rectangulaire (fig. 249, n° 4 à 6) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1158, H.S.  Rue Carreterie, Avignon : n° 325 et 326, contexte inconnu. Les trois objets du corpus au cadre de la fenêtre outrepassé sont beaucoup plus larges que longs : leur rapport longueur/largeur est inférieur à 0,7. De fortes traces de limage s’observent sur la traverse distale de la pièce de l’Impasse de l’Oratoire (fig. 249, n° 6). Des objets d’aspect voisin ont été trouvés au Royaume-Uni. La fenêtre distale des anneaux et boucles est cependant beaucoup plus outrepassée que celle des exemplaires provençaux : c’est le cas d’un possible spécimen, fragmentaire, provenant d’un dépotoir du XVe - milieu XVIe siècle du site de l’abbaye des franciscains à Carmarthen dans le Carmarthenshire2629. Un groupe d’artefacts britanniques se différencie par son rapport et restes d’un ardillon en fer, L x l = 3,4 x 1,6 cm, construction d’une motte castrale, vers 1071, Castle yard, Winchester (Hinton 1990f, p. 512, n° 1103). 2625 France, Calvados ou Seine-Maritime : boucle complète, dimensions inconnues, XIIIe - XVe siècle, site précis non renseigné (Vivre au Moyen Âge 2002, p. 211, notices 186 et 187). 2626 Belgique, province de Namur : spécimen incomplet, L x l = 2,7 x 2,3 cm, XIVe - XVe siècle, rue Cousot/parking des Oblats, Dinant (Thomas et al. (dir.) 2014, p. 105, n° 156). 2627 France, Somme : accessoire complet, L x l = 2 x 1,6 cm, XVIe siècle, château de Boves (Legros 2012b, p. 103, n° 51, fig. 5). 2628 France, Gard : artefact incomplet, Boucle : L x l = 2,8 x 2 cm, Chape : L x l = 2,35 x 1,3 cm, postérieur à 600, Z.A.C. des Halles, Nîmes (Feugère et Manniez 1993, p. 293, n° 442). 2629 Artefact fragmentaire, L x l = 1,35 x 3,25 cm (Brennan 2001, n° 4). 524 3. Approche croisée du mobilier archéologique longueur/largeur compris entre 0,77 et 0,93, par la présence d’un ergot distal et d’une traverse excentrée avec un bord distal renflé interrompu en son milieu par un rétrécissement du cadre. Il marque l’emplacement de l’ardillon2630. Sur une variante, le centre de la traverse excentrée est réduit2631. En République tchèque, dans le district de Svitavy, le site de Nova Sidla a fourni un grand anneau en fer (H.S.) qui est très probablement plus à mettre en relation avec les anneaux et boucles de type G1a qu’avec ceux de type Q4a2632. La datation typologique des objets provençaux est difficile à fixer car les éléments de comparaison trouvés, bien que d’aspect proche, n’appartiennent pas au même sous-type. Type Q4b : Anneau ou boucle long et régulier, à double fenêtre asymétrique, en fer, l’une semi-ovale outrepassée, l’autre trapézoïdale (fig. 249, n° 7) Bouches-du-Rhône  Château des Baux, Les Baux-de-Provence : n° 374 C, remblai du XIVe siècle. Cette pièce en fer légèrement angulaire à double fenêtre asymétrique, l’une semiovale, l’autre trapézoïdale, conserve sur la traverse interne une chape de type E terminée par un crochet. Les seuls éléments de comparaison disponibles sont des boucles, à chape de type A1a s’attachant sur la traverse interne, identifiées comme servant à la fixation des éperons, découvertes sur le site de Colletière (première moitié du XIe siècle) à Charavines-les-Bains en Isère2633. Il n’est pas impossible que la boucle provençale remonte au XIe siècle puisque les sources textuelles attestent d’un premier château en 960, lequel connaît un agrandissement conséquent aux XIIe et XIIIe siècles2634. 2630 Royaume-Uni, Grand Londres : spécimen entier, L x l = 2,85 x 3,55 cm, première moitié XVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 102, n° 472) ; Lincolnshire : objet entier, L x l = 2,8 x 3,6 cm, seconde moitié XIIIe - seconde moitié XVe siècle, Hospital of St Mary Magdalen, Partney (Crummy 2010, p. 133, fig. 17, n° SF 100). 2631 Exemplaire entier, L x l = 2,4 x 2,6 cm, conservé au Museum of London (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 103) 2632 République Tchèque, district de Svitavy : artefact entier, L x l = 6,2 x 8 cm, H.S., aire de Nova Sidla (Vich et Žákovský 2012, p. 98, n° 48, fig. 3, n° 8). 2633 Deux boucles complètes, Boucle : L x l = 2,85 x 2,1 cm, Chape : L x l = 3,3 x 1 cm et Boucle : L x l = 3,05 x 2,1 cm, Chape : L x l = 3,4 x 1,1 cm (Colardelle et Verdle 1993, p. 214, fig 11 et 12). 2634 Maufras 1988 ; Maufras 2006, p. 166. 525 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type Q5 : Anneau ou boucle long et régulier, à double fenêtre asymétrique, l’une semi-ovale, l’autre carrée ou rectangulaire (fig. 249, n° 8 à 10) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1172, XVIe siècle ou postérieur ; n° 1156, N.D.S.  Rue Banasterie, Avignon : n° 25, contexte de datation inconnue. Ces boucles à ardillon en fer au profil concave ou plat comportent une traverse distale à élargissement progressif (fig. 249, n° 9 et 10) ou localisé (fig. 249, n° 8). La traverse interne est mise en évidence par des moulures en V (fig. 249, n° 8) ou par un ressaut du cadre (fig. 249, n° 9 et 10). Le cadre des plus petites pièces comporte de nombreuses moulures (fig. 249, n° 9) ou dépressions (fig. 249, n° 10) décoratives. Le plus grand artefact arbore un rouleau autour de la traverse proximale. Sa face avers est dorée. La chape ou la courroie s’enroulait sur la traverse interne des artefacts provençaux. Les caractéristiques de configuration des deux petites boucles du corpus s’observent sur un exemplaire trouvé dans un niveau de destruction daté de 1613 de la maison forte des Armoises à Richardménil en Meurthe-et-Moselle. L’objet est très vraisemblablement un témoin de l’occupation des années 1547 - 16132635. Un exemplaire déjà signalé de type Q4 à ardillon en fer issu d’un niveau du XVIe siècle du château de Boves dans la Somme comporte une cannelure sur les traverses externes2636. Cette cannelure rappelle le décor d’un spécimen du corpus (fig. 249, n° 9). Ces quelques éléments de comparaison semblent aller dans le sens d’une datation relativement tardive des boucles du corpus. Un dernier artefact se doit d’être signalé bien qu’il soit d’un sous-type différent des individus provençaux. Il comporte une réduction localisée du milieu de la traverse excentrée, laquelle est prolongée par des moulures2637. Ces caractéristiques ont été déjà été rencontrées dans le cadre de l’étude des anneaux et boucles des types Q2 et Q3. Les quelques boucles de type Q5 répertoriées sont actuellement attribuables au XVIe siècle. 2635 Objet entier, L x l = 4,8 x 4,2 cm (Guarascio et Giuliato 2007, p. 165, fig. 106, n° 459-CA-5060). France, Somme : accessoire complet, L x l = 2 x 1,6 cm, XVIe siècle, château de Boves (Legros 2012b, p. 103, n° 51, fig. 5). 2637 France, Bas-Rhin : pièce incomplète, dimensions inconnues, fin XVe - XVIe siècle, château de Hohenfels, Dambach-Neunhoffen (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 450, n° 3.120) 2636 526 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type Q6 : Anneau ou boucle composite à double fenêtre asymétrique, l’une semiovale, l’autre quadrangulaire, à ergot distal (fig. 249, n° 11 à 13 ; fig. 250, n° 1 à 4) Deux sous-types ont été constitués pour le type Q6 en fonction des caractéristiques des moulures. Les pièces à ergot distal appartiennent au sous-type Q6a, celles avec des dentelures au sous-type Q6b. Type Q6a : Anneau ou boucle composite en alliage cuivreux, à double fenêtre asymétrique, l’une semi-ovale, l’autre quadrangulaire, à ergot distal (fig. 249, n° 11 à 13) Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 496, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400 ; n° 523, H.S.  Rue Carreterie, Avignon : n° 323, contexte inconnu. Les trois pièces présentées ici sont de configurations différentes mais, du fait de l’absence d’éléments de comparaison, leur analyse a été combinée pour ne pas segmenter inutilement le propos. Ces objets possèdent un cadre pour partie issu de fonte et une traverse proximale en alliage cuivreux sous la forme d’une tige passée au travers d’ouvertures circulaires dans les traverses latérales. Un exemplaire (fig. 249, n° 13) possède également une traverse excentrée sous la forme d’une tige rapportée. Une autre pièce conserve une chape de type C2a. Type Q6b : Anneau ou boucle composite en alliage cuivreux, à double fenêtre asymétrique, l’une semi-ovale, l’autre quadrangulaire, à traverse distale dentelée (fig. 250, n° 1 à 5) Var  Bagatelle/Abreuvoir Saint-Michel, Châteauvert : n° 25, déblais, fin XIIe - XIVe siècle.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 842, décombres, vers 1309/1315 - vers 1345 ; 527 3. Approche croisée du mobilier archéologique n° 3315, couche de dépotoir, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 1623, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420.  Le Bastidon, Sillans-la-Cascade : n° 1, H.S. Les objets provençaux comportent un cadre issu de fonte et une traverse proximale constituée d’une tige en alliage cuivreux ou en fer (fig. 250, n° 3 et 5) passée au travers d’ouvertures circulaires pratiquées dans les traverses latérales de la fenêtre proximale. Tous possèdent une encoche au milieu de la traverse excentrée. La chape est de type C1b lorsqu’elle est conservée. La traverse distale de trois pièces (fig. 250, n° 1, 3 et 5) comporte un élargissement triangulaire du cadre avec encoche pour la réception de la pointe de l’ardillon, entouré par deux moulures dentelées. Sur les deux autres artefacts provençaux (fig. 250, n° 2 et 4), la traverse distale est ornée de trois moulures dentelées avec un denticule ; le denticule central comporte dans un cas (fig. 250, n° 2) une encoche et les deux denticules latéraux sont voisins d’une légère dépression. La bibliographie n’a pas fourni d’objets analogues, mais il existe d’autres types de décoration moulurée. La traverse distale d’un individu concave conservé au musée de Meaux en Seine-et-Marne est décorée par des denticules sur presque toute sa surface2638. Une pièce espagnole au profil angulaire trouvée au castell del Far (XIIIe - première moitié XVe siècle) à Llinars del Vallès dans la province de Barcelone présente un bosselage de la rive externe de la traverse distale. La traverse proximale est incurvée vers l’intérieur de la fenêtre proximale2639. À Londres, deux pièces à fenêtre trapézoïdale ont été mises au jour dans des contextes datés vers 1630 - vers 1650, sans doute en position résiduelle. Elles comportent des bosses2640 ou des denticules2641 au milieu des traverses distales. Type Q7 : Anneau ou boucle à double fenêtre asymétrique, l’une semi-ovale, l’autre quadrangulaire, à traverse distale à barre (fig. 250, n° 6) Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 240, niveau de dépotoir, vers 1350 - vers 1365. 2638 Individu entier, L x l = 2,15 x 1,8 cm (Dupond et al. 1992, p. 96, n° 18). Pièce complète, L x l = 3,4 x 2,7 cm (Bolos et al. 1981, p. 118, n° 16 ; Monreal et Barrachina 1983, p. 259, fig. 119). 2640 Exemplaire entier, L x l = 1,8 x 1,4 cm, vers 1630 - vers 1650 (Egan 2005, p. 35, n° 100) 2641 Spécimen entier, L x l = 1,8 x 1,5 cm, vers 1630 - vers 1650 (Egan 2005, p. 35, n° 101) 2639 528 3. Approche croisée du mobilier archéologique L’artefact d’Avignon, à double fenêtre asymétrique, l’une semi-ovale, l’autre quadrangulaire, comporte une barre sur sa traverse distale. Le cadre de la fenêtre distale est outrepassé. La traverse proximale est manquante. Type Q8 : Anneau ou boucle à double fenêtre asymétrique quadrangulaire (fig. 250, n° 7) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL XX-2, remblai du XVIIIe siècle. L’unique objet provençal du type Q8 est en os2642. L’objet ne présente aucune trace d’outil sur sa face supérieure en raison d’un polissage poussé qui n’a pas enlevé la totalité de la matière spongieuse. Les fenêtres ont été créées par un sciage dont les traces subsistent. D’autres sillons de sciage, obliques, sont visibles sur la face inférieure. Ils sont très certainement un reliquat du façonnage, soit lors de la création de la plaquette dans laquelle la boucle a été taillée, soit lors d’un désépaississement ultérieur de la pièce. Aucun anneau ou boucle dans ce matériau n’est signalé dans la bibliographie. Des exemplaires en alliage cuivreux à double fenêtre rectangulaire2643 ou trapézoïdale2644 sont connus. Un spécimen londonien à fenêtres rectangulaires se distingue par son cadre orienté dans le sens contraire du sens usuel ; par conséquent la fenêtre distale est plus petite que la fenêtre proximale. Il conserve un ardillon en fer et fut trouvé dans un contexte de la première moitié du XVe siècle2645. Un autre individu londonien découvert dans un niveau des deux derniers tiers du XIVe siècle comporte une fenêtre distale dix fois plus longue que la proximale et une réduction du milieu de la traverse excentrée2646. À York, les fouilles 2642 L’analyse technique de cet objet a été réalisée par M.-A. Chazottes, doctorante au LA3M. À paraître dans Chazottes et Thuaudet 2015. 2643 France, Indre-et-Loire : artefact entier, L x l = 2 x 2,2 cm, remblai des XVe - XVIe siècles, Tours (Motteau (dir.) 1991, n° 99). 2644 France, Ariège : objet entier, L x l = 1,15 x 1,15 cm, N.D.S., château de Montségur (Czeski 1981, p. 195, 197, n° 60/67) ; Isère : pièce fragmentaire, L x l = 1,9 x 3,4 cm, XIIe - milieu XIVe siècle, Brandes-en-Oisans, Alpe d’Huez (Bailly-Maître 1983, p. 96, pl. I-9, n° 11). Italie, province de Palerme : exemplaire entier, L x l = 2,4 x 3,9 cm, remblai associé à de la destruction daté de 1338, village médiéval de Brucato (Pesez (dir.) 1984, p. 533, n° 13.3.22). 2645 Spécimen complet, L x l = 2,1 x 2,05 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 101, n° 469). 2646 Individu complet, L x l = 5,8 x 4,2 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002, p. 101, n° 466). 529 3. Approche croisée du mobilier archéologique archéologiques ont révélé une boucle à rouleau datée de la première moitié du XVe siècle2647. La traverse interne est rétrécie en son centre. Ces quelques éléments de comparaison permettent d’envisager une datation de l’objet arlésien de la fin du Moyen Âge. Type Q9 : Boucle à double fenêtre asymétrique, à traverse-ardillon (fig. 251, n° 1 à 3) Les boucles du type Q9 sont scindées en deux sous-types selon qu’elles ont une traverse distale fixe (sous-type Q9a) ou mobile (sous-type Q9b). Tous les exemplaires du corpus sont en fer mais il en a existé en alliage cuivreux de petite taille. Le cadre de ces pièces est rectangulaire et comporte deux excroissances percées d’œillets réceptionnant les extrémités de la traverse-ardillon2648. Les traverses-ardillons ne se rencontrent que sur des boucles de type Q92649. Un autre sous-type comporte un bras en U pour la suspension d’objets qui part de l’axe de la traverse excentrée et dépasse la traverse distale en position fermée2650. Du site de l’abbaye des franciscains à Carmarthen dans le Carmarthenshire provient une boucle au cadre rectangulaire à traverse-ardillons excentrée. Les ardillons sont au nombre de trois. Retrouvée hors stratigraphie, elle est attribuée à la seconde moitié du XVIIIe siècle par D. Brennan2651. Type Q9a : Boucle à double fenêtre asymétrique en fer, à traverse-ardillon et traverse distale fixe (fig. 251, n° 1) Bouches-du-Rhône  Château de Castillon, Fontvieille : n° 3, H.S. 2647 Pièce complète, L x l = 2,15 x 1,85 cm (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2893, n° 13345). Quelques exemples : France, Pas-de-Calais : boucle complète, avec le bras : L x l = 3,2 x 3,8 cm, cadre L x l = 2,7 x 1,2 cm, château (fin XIIe/début XIIIe siècle à 1640), Grigny (Dilly et al. 1999, p. 126). Royaume-Uni, Grand Londres : artefact entier, L x l = 2 x 1,6 cm, seconde moitié du XIVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 97, n° 445) ; Boucle complète, L x l = 1,9 x 1,35 cm, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 97, annexé au n° 445). 2649 Traverses-ardillons isolées : France, Charente : deux ardillons isolés, occupation, vers 936 - vers 1028, deux ardillons isolés, contexte inconnu, castrum d’Andone, Villejoubert (Bourgeois 2009, p. 235, n° 1659 à 1662). 2650 Royaume-Uni, Grand Londres : Objets entiers, L x l = 2,7 x 1,6 cm, première moitié XVIe siècle, L x l = 2,8 x 1,6 cm, deuxième moitié XVIe siècle (Egan 2005, p. 37-38, n° 116 et 117). 2651 Boucle complète, L x l = 2,75 x 5,85 cm (Brennan 2001, n° 10). 2648 530 3. Approche croisée du mobilier archéologique Cette boucle en fer au cadre de profil triangulaire, ouvert au milieu de la traverse proximale, comporte deux excroissances triangulaires creusées d’un logement pour recevoir les extrémités de la traverse-ardillon. De telles boucles en fer ont été mises au jour en France au castrum de Cabaret (N.D.S.) à Lastours dans l’Aude2652, dans un comblement d’abandon de silo du XIIe siècle sur le site de la Baume à Châteauneuf-sur-Isère dans la Drôme2653, au village déserté de Corné (vers 1170 - vers 1250) à l’Isle-Bouzon dans le Gers2654, dans un niveau de la première moitié du XIIIe siècle de l’habitat rural de Pech de Bonal à Fontanes dans le Lot2655. En Italie, une pièce (N.D.S.) est issue du site de Miranduolo à Chiusdino dans la province de Sienne2656. La bibliographie étudiée tendrait à restreindre l’emploi des boucles de type Q9a à la fin du XIIe siècle et à la première moitié du XIIIe siècle, mais les éléments de datation sont encore trop peu nombreux pour que cette hypothèse puisse être considérée comme fiable. Type Q9b : Boucle à double fenêtre asymétrique en fer, à traverse-ardillon et traverse distale mobile (fig. 251, n° 2 et 3) Bouches-du-Rhône  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : n° B4600929, postérieur au milieu du XIVe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2295, couche de dépotoir, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Les deux artefacts du corpus comportent une traverse-ardillon dont les extrémités sont réceptionnées dans des logements aménagés dans des excroissances des traverses latérales. Le bout de l’ardillon repose sur une traverse distale mobile de section ovoïde. Ses extrémités sont reçues dans des logements du cadre dans un cas (fig. 251, n° 2), par des œillets obtenus par 2652 Pièce complète, L x l = 4,7 x 7 cm (Barrère 1999, p. 839, fig. 9, n° 2). Exemplaire complet, L x l = 3,5 x 3,7 cm (Rolland 2006, p. 423, n° 84). 2654 Artefact complet, L x l = 4 x 5,7 cm (Archéologie 1990, p. 261, n° 568 ; Lassure 1995, p. 534-535, fig. 424, n° 6). 2655 Une boucle complète et un objet entier, L x l = 3,8 x 5,5 cm et 4,1 x 5,5 cm, une traverse-ardillon fragmentaire isolée (Boudartchouk et al. 1998, p. 78). 2656 Spécimen complet, L x l = 3,15 x 2,95 cm (Ceppatelli 2008, p. 423, fig. 187, n° 11). 2653 531 3. Approche croisée du mobilier archéologique poinçonnage dans l’autre cas (fig. 251, n° 3). Le diamètre de la traverse distale est supérieur à celui des œillets ce qui permet de la maintenir en place. La traverse proximale des objets provençaux est curviligne (fig. 251, n° 2) ou droite et plate (fig. 251, n° 3). Dans la bibliographie, les logements réceptionnant la traverse-ardillon sont parfois perforés. L’occupation du castrum d’Andone (vers 936 - vers 1028) à Villejoubert en Charente a fourni des artefacts à traverse proximale droite. Le cadre est rectangulaire ou trapézoïdal. La traverse distale passe au travers des traverses latérales, elle est maintenue en position par ses extrémités coniques2657. Dans un cas au moins l’œillet est formé par enroulement des extrémités des traverses latérales2658. Une boucle complète au cadre rectangulaire à traverse proximale droite, à traverse-ardillon réceptionnée par des concavités dans les traverses latérales et à la traverse distale aux extrémités matées provient du site de Corné (vers 1170 - vers 1250) à L’Isle-Bouzon dans le Gers2659. Le cimetière médiéval et moderne de Saint-Saviour à Vrh Rika dans le comitat de Split-Dalmatie en Croatie2660 a livré une boucle (H.S.) au cadre lyriforme2661. La traverse distale ne semble pas passer au travers des traverses latérales. Un individu non dessiné a été trouvé dans un contexte des XVe - XVIe siècles d’une fouille dans la rue Coppergate à York2662. Il existe beaucoup de points communs entre les anneaux et boucles de type J7 et les boucles de type Q9b. Les éléments de datation disponibles attestent d’un usage du présent type entre les environs de l’an Mil et la fin du XIVe siècle ou le début du siècle suivant. Type R : Anneau à double fenêtre à rivet (fig. 251, n° 4) Bouches-du-Rhône  Quartier Sainte-Barbe, Marseille : n° 57, milieu - seconde moitié XIIIe/fin XIIIe début XIVe siècle. Cet objet unique est constitué d’une tôle plate, repliée en V à l’endroit de la traverse distale. La traverse médiane est une tige de section quadrangulaire aux extrémités circulaires 2657 Spécimen complet, L x l = 7,3 x 7,8 cm, pièce fragmentaire, L x l = 5,7 x 9 cm, quatre traversesardillons isolées (Bourgeois 2009, p. 235, n° 1653 et 1654). 2658 Exemplaire complet, L x l = 7,6 x 10 cm (Bourgeois 2009, p. 235, n° 1655). 2659 Artefact complet, L x l = 4,3 x 4,6 cm (Lassure 1995, pl. 423, n° 5). 2660 Boucle complète, L x l = 7 x 5,7 cm (Petrinec 1996, p. 122, n° 104) 2661 Se reporter au type G. 2662 Objet étamé à l’intégrité inconnue, L x l = 6,3 x 4,7 cm (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2894, n° 12690). 532 3. Approche croisée du mobilier archéologique matées au revers de la tôle. Un rivet intégré à la traverse médiane permettait la fixation sur la courroie. Type S : Anneau ou boucle à chape intégrée à rivet(s) traversant(s) (fig. 255 et 256, fig. 257, n° 1 à 3) Il a été trouvé en Provence cinq catégories de boucles à chape intégrée à rivet(s) traversant(s) définis par les critères suivants : la forme géométrique de la fenêtre, la présence ou l’absence de moulures ou d’une barre sur la traverse distale, l’existence de perforations pour des rivets non seulement sur la chape mais également sur le cadre de la boucle. Les exemplaires à fenêtre circulaire, ovale ou semi-ovale avec un cadre de la boucle régulier sont classés dans le sous-type S1, ceux avec des moulures ou avec une barre sur la traverse distale respectivement dans les sous-types S2 et S3. Le sous-type S4 comprend les spécimens à fenêtre quadrangulaire régulière. Une boucle avec des perforations sur son cadre qui pourraient correspondre à l’emplacement de rivets appartient au sous-type S5. Parmi les modèles absents du corpus provençal, signalons des boucles à fenêtre rectangulaire et ergot distal avec une chape tréflée2663 ou quadrangulaire2664, un individu à fenêtre pratiquement rectangulaire à rouleau distal gravé de lignes parallèles2665, un spécimen à fenêtre semi-ovale à élargissement réduit de la traverse distale2666, un exemplaire à fenêtre semi-ovale à traverse distale élargie oblique par rapport au plan de la boucle. Des signes gravés ornent la traverse distale et des coups d’un poinçon triangulaire la chape en partie concave de cet artefact atypique découvert dans le plancher des XIVe - XVe siècle (?) d’une grange du site de Simpson Barn à Milton Keynes dans le Buckinghamshire2667. 2663 Artefact complet, Boucle : L x l = 2,55 x 2,5cm, Chape : L x l = 2,5 x 2 cm, remblai du XIIe siècle, château du Haut-Barr, Saverne (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 451, n° 3.122). 2664 France, Pas-de-Calais : exemplaire entier, Boucle : L x l = 1,55 x 2 cm, Chape : L x l = 4,6 x 3,2 cm, XIIIe siècle, îlot Sainte-Agnès, Arras (Barbieux (dir.) 1993, p. 8). Italie, province de Rome : Objet entier, Boucle : L x l = 2,3 x 3,4 cm, Chape : L x l = 3,8 x 3 cm, première moitié XIVe siècle, Crypta Balbi, Rome (Sfligiotti 1990, p. 543-544). 2665 Spécimen entier avec traces d’étamage, Boucle : L x l = 1,3 x 1,25 cm, Chape : L x l = 2 x 0,8 cm, vers 1270 - vers 1350 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 108, n° 483). 2666 Objet entier doré dont la chape est gravée de chevrons, décoration interprétée par J.-P. Sarret comme étant relative aux armes des Lévis, famille qui occupa le château ; Il est plus vraisemblable que ce motif n’ait aucun lien avec cette famille et n’ait été que simplement décoratif, Boucle : L x l = 1,75 x 1,7 cm, Chape : L x l = 2,95 x 1,3 cm, château de Montségur, Ariège (Czeski 1981, p. 197, n° 12/69 ; Sarret 1980, p. 59). 2667 Exemplaire entier, Boucle : L x l = 1,7 x 2,2 cm, Chape : L x l = 7 x 2,2 cm (Woodfield et Mynard 1994, p. 172, fig. 92, n° 1). 533 3. Approche croisée du mobilier archéologique Certains petits objets qui ne doivent pas être confondus avec les artefacts de type S1a ou S3a ont pu être employés pour la fixation des éperons à l’image d’une boucle en fer à fenêtre trapézoïdale et chape à deux rivets plus longue que large mise au jour à Londres dans un niveau du deuxième tiers du XIVe siècle2668. Une courroie de cuir passant au travers d’un œillet quadrangulaire de l’éperon s’y attachait. Trois pièces analogues en fer à fenêtre ovale ou à fenêtre trapézoïdale à rouleau sont issues de niveaux londoniens datés vers 1270 - vers 13502669. Du comblement d’une fosse de la seconde moitié du XIIe siècle et de la première moitié du XIIIe siècle du château de Montaigut à Gissac dans le Tarn est issu un petit artefact en alliage cuivreux à fenêtre circulaire avec une seule perforation pour la fixation de la chape en partie proximale2670. Type S1 : Boucle à fenêtre circulaire, ovale ou semi-ovale au cadre régulier, à chape intégrée à rivet(s) traversant(s) (fig. 255, n° 1 à 7) Les critères choisis pour la classification au sein du type S1 sont la configuration de la fenêtre, celle de la chape et le matériau. Le sous-type S1a regroupe les exemplaires à fenêtre circulaire ou ovale à chape régulière, les sous-types S1b et S1c les spécimens en alliage cuivreux et en fer se distinguant par une fenêtre semi-ovale allongée. Une boucle avec une chape en forme de coquillage appartient au sous-type S1d. Les boucles en alliage cuivreux de type S1 sont rares hors de Provence. Le corpus n’offre qu’un petit aperçu de la variété morphologique des boucles de type S1. Hors de Provence, plusieurs fouilles ont fourni des artefacts en fer à fenêtre semi-ovale très large avec une chape terminée par une excroissance perforée pour le passage d’un unique rivet de fixation2671. Un individu en fer découvert dans un moulin abandonné dans la 2668 Artefact complet avec traces d’étamage sur une extrémité de lanière de cuir, Boucle : L x l = 1 x 1,15 cm, Chape : L x l = 1,2 x 0,8 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 108, n° 487 ; Clark 2004², p. 133-134, n° 323, p. 150, n° 377). 2669 Exemplaires complets avec traces d’étamage sur une extrémité de lanière de cuir, Boucle : L x l = 1,15 x 1,2 cm, Chape : L x l = 2 x 0,8 cm et Boucle : L x l = 1,1 x 1,35 cm, Chape : L x l = 1,4 x 0,75 cm et Boucle : L x l = 1,3 x 1,45 cm, Chape : L x l = 1,35 x 0,65 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 108, n° 483, 484 et 486 ; Clark 2004², p. 150, n° 373, 374 et 376). 2670 Objet entier, Boucle : L x l = 0,7 x 1,45 cm, Chape : L x l = 1,5 x 0,8 cm (Hensel et al. 1970a, fig. 29, n° 1). 2671 France, Gers : spécimen complet, Boucle : L x l = 2,7 x 3,7 cm, Chape : L x l = 3 x 1,6 cm, Corné (vers 1170 - vers 1250), L’Isle-Bouzon (Lassure 1995, p. 538, fig. 426, n° 2) ; Indre : objet incomplet, Boucle : L x l = 1,3 x 1,9 cm, Chape : L x l = 2,1 x 2,7 cm, XIe - XIIe siècle, résidence aristocratique rurale de Montbaron, Levroux (Querrien et Blanchard 2004, p. 123). Royaume-Uni, Yorkshire du Nord : boucle incomplète avec couverte blanche, Boucle : L x l = 1,55 x 3,05 cm, Chape : L cons. x l 534 3. Approche croisée du mobilier archéologique deuxième moitié du XIIIe siècle sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher présente une fenêtre ovale plus large que longue et une chape un peu plus large que longue traversée par deux rivets disposés sur la largeur2672. Une boucle analogue en alliage cuivreux provient du comblement d’une fosse de la seconde moitié du XIIe siècle et de la première moitié du XIIIe siècle du château de Montaigut à Gissac dans le Tarn2673. Type S1a : Boucle à fenêtre circulaire ou ovale au cadre régulier, en alliage cuivreux, à chape intégrée longue et régulière à rivet(s) traversant(s) (fig. 255, n° 1 à 4) Bouches-du-Rhône  Quartier Sainte-Barbe, Marseille : n° 162, contexte de l’antiquité tardive (intrusif). Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2450, couche de dépotoir, vers 1345 - vers 1360 ; n° 3444, sol de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 3223, comblement de silo, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Les boucles à chape intégrée de type S1a comportent une fenêtre circulaire ou ovale et une longue chape avec une perforation circulaire pour le passage d’un ardillon en fil métallique ainsi que deux autres perforations alignées dans l’axe de la chape pour la fixation par rivetage. Les perforations ont été obtenues par poinçonnage depuis l’avers des objets. Un décor de zigzags orne les longs côtés de trois des exemplaires. L’un d’eux conserve des traces de dorure (fig. 255, n° 3), un autre des restes d’une couverte blanche (fig. 255, n° 4). Une prospection sur le site du château de Montaigut à Gissac dans le Tarn a livré une pièce à fenêtre circulaire dont la chape à rivet unique est décorée par gravure et par creusement dans le métal de ce qui pourrait être la figuration d’un édifice religieux2674. Les creux étaient sans doute émaillés. = 1,9 x 1,1 cm, niveau de destruction de la seconde moitié du XVe ou de la première moitié du XVIe siècle, maison fortifiée de East Haddlesey, Knottingley (Goodall 1973, p. 93, fig. 37, n° 23). 2672 Individu complet à ardillon en fil, Boucle : L x l = 2 x 2,3 cm, Chape : L x l = 1,8 x 1,9 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 164, n° 4551). 2673 Artefact entier, Boucle : L x l = 1,85 x 2,78 cm, Chape : L x l = 1,9 x 1,9 cm (Hensel et al. 1970a, fig. 29, n° 2). 2674 Pièce entière, Boucle : L x l = 1,05 x 1,5 cm, Chape : L x l = 2,3 x 1 cm (Hensel et al. 1970a, fig. 2, n° 6). 535 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les éléments de datation actuellement disponibles sont centrés sur le milieu et la seconde moitié du XIVe siècle. Cet intervalle chronologique réduit est-il la conséquence d’une production limitée dans le temps ou le résultat du hasard de données archéologiques trop peu nombreuses ? La datation des objets provençaux des types S2c, S3a et S3b, proches du point de vue de l’aspect des objets du type S1a, incite à privilégier la seconde hypothèse. Type S1b : Boucle à fenêtre semi-ovale allongée au cadre régulier, en alliage cuivreux, à chape intégrée à rivet(s) traversant(s) (fig. 255, n° 5) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3391, comblement de silo, vers 1309/1315 vers 1345. La traverse distale de cet exemplaire à fenêtre allongée comporte une encoche distale issue de la fonte. Deux perforations circulaires obtenues par poinçonnage depuis l’avers accueillaient pour l’une un ardillon, pour l’autre un rivet. La chape est ornée de deux séries obliques et parallèles de coups d’un poinçon circulaire (fig. 252, n° 2). Des traces de dorure s’observent sur le dessus de l’objet. Une boucle du type S1b est issue d’un sol du premier tiers du XIVe siècle d’une maison du village médiéval de Brucato dans la province de Palerme en Italie2675. Sa chape, complète, ne comporte qu’une seule perforation pour un rivet. Un « anneau » circulaire ménagé à l’intérieur de la fenêtre permettait le passage de la tige d’un ardillon. Type S1c : Boucle à fenêtre semi-ovale allongée au cadre régulier, en fer, à chape intégrée à rivet(s) traversant(s) (fig. 255, n° 6) Bouches-du-Rhône  Chapelle Saint-Martin, Gémenos : n° 5, H.S. La configuration du cadre de la boucle de Gémenos est analogue à l’exemplaire de Rougiers du type S1b. Le cadre de sa fenêtre semi-ovale allongée est plus épais que large. 2675 Objet entier interprété par erreur comme une clef à poussoir, Boucle : L x l = 1,5 x 0,85 cm, Chape : L x l = 1,5 x 1,5 cm (Pesez (dir.) 1984, p. 512, n° 13.1.17). 536 3. Approche croisée du mobilier archéologique Deux perforations circulaires et le début d’une troisième en partie proximale de la chape ont été exécutées par poinçonnage. La plus grande recevait un ardillon de section circulaire, les deux autres permettaient la fixation sur la courroie. Type S1d : Boucle à fenêtre semi-ovale au cadre régulier, en alliage cuivreux, à chape intégrée en forme de coquillage à rivet(s) traversant(s) (fig. 255, n° 7) Bouches-du-Rhône  Vieux village, Jouques : n° 1, comblement de silo du XIVe siècle. La fouille du comblement d’un silo du XIVe siècle dans le centre historique de Jouques a livré une pièce unique en son genre. Elle possède une fenêtre semi-ovale et une perforation circulaire traversée par un ardillon en fil. La chape en forme de coquillage est gravée de lignes obliques ou curvilignes qui, pour la plupart, figurent les oreilles et les côtes de la coquille. Sept perforations circulaires obtenues par poinçonnage depuis l’avers permettaient le passage des rivets de fixation. Type S2 : Boucle à fenêtre circulaire, ovale ou semi-ovale à traverse distale moulurée, à chape intégrée à rivet(s) traversant(s) (fig. 255, n° 8 à 12) Les boucles à fenêtre circulaire, ovale ou semi-ovale à traverse distale moulurée, à chape intégrée à rivet(s) traversant(s) du corpus sont scindées en trois sous-types selon le type de moulure arboré par la traverse distale et le matériau constitutif de la boucle. Les exemplaires à ergot distal sont classés dans les sous-types S2a et S2b selon qu’ils sont en alliage cuivreux ou en fer, ceux en alliage cuivreux avec des bosses dans le sous-type S2c. Les boucles provençales de type S2a sont de plus grandes dimensions que les petites bouclettes découvertes en Eure-et-Loir, dans le comblement d’une fosse de la seconde moitié du XIVe siècle ou du début du XVe siècle au prieuré de Nottonville2676, et hors stratigraphie à Lutzelbourg ou à Phalsbourg en Moselle2677. Ces petits objets ont pu servir entre autres à la 2676 Spécimen entier, Boucle : L x l = 1,15 x 0,6 cm, Chape : L x l = 0,75 x 0,55 cm (Racinet (dir.) 2006, p. 484, n° 14). 2677 Objet complet, Boucle : L x l = 1,6 x 1,7 cm, Chape : L x l = 1,1 x 1 cm (Rieb et Salch 1973, n° 358). 537 3. Approche croisée du mobilier archéologique fixation des éperons d’après les similitudes qu’ils présentent avec un exemplaire londonien à fenêtre trapézoïdale du deuxième tiers du XIVe siècle en place sur un éperon2678. Des bouclettes de type S2 à ergot distal appartenant au monde anglo-saxon, très différentes des exemplaires du corpus, ont été mises au jour dans des contextes des Xe et XIe siècles à Winchester dans le Hampshire2679. Type S2a : Boucle à fenêtre circulaire, ovale ou semi-ovale, en alliage cuivreux, de grande taille, à ergot distal, à chape intégrée à rivet(s) traversant(s) (fig. 255, n° 8 et 9) Vaucluse  RHI Philonarde, Avignon : n° 11, deuxième quart XIVe siècle.  Rue Carreterie, Avignon : n° 324, datation inconnue. Les boucles provençales comportent une fenêtre ovale et un ergot distal plus ou moins prononcé, éventuellement creusé d’une encoche (fig. 255, n° 8), encadré dans un cas par des moulures adjacentes (fig. 255, n° 9). La chape comporte une perforation circulaire pour un ardillon de type fil et deux autres pour la fixation par rivetage. L’utilisation d’un poinçon depuis la face avers a permis leur réalisation. Un exemplaire du type S2a a été découvert au château de Montségur en Ariège dont l’occupation est essentiellement centrée sur les XIIIe - XIVe siècles. La chape ne comporte que deux ouvertures circulaires, une pour l’ardillon et une autre pour l’attache disposée au milieu d’une excroissance quadrangulaire crénelée en partie proximale2680. Type S2b : Boucle à fenêtre circulaire, ovale ou semi-ovale, en fer, de grande taille, à ergot distal, à chape intégrée à rivet(s) traversant(s) (fig. 255, n° 10) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3025, couche de dépotoir, vers 1345 - vers 2678 Objet déjà cité précédemment (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 108, n° 487 ; Clark 2004², p. 133134, n° 323). 2679 Hinton 1990f, n° 1098, 110, 1106. 2680 Artefact entier, Boucle : L x l = 1,6 x 1,2 cm, Chape : L x l = 2 x 1,1 cm (Czeski 1981, p. 197). 538 3. Approche croisée du mobilier archéologique 1360. Cette boucle en fer possède, tout comme les spécimens du type S2a, une fenêtre ovale et un ergot distal. La chape comporte une perforation circulaire pour un ardillon de type fil et une autre pour la fixation par rivetage. Toutes deux ont été obtenues par poinçonnage depuis la face avers. Type S2c : Boucle à fenêtre circulaire, ovale ou semi-ovale, en alliage cuivreux, à traverse distale moulurée de bosses, à chape intégrée à rivet(s) traversant(s) (fig. 255, n° 11 et 12) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 41, remblai, fin XIIe - première moitié XIIIe siècle ; n° 281, couche de dépotoir, milieu XIIIe siècle - vers 1285. Les deux objets du castrum Saint-Jean de Rougiers possèdent une fenêtre semi-ovale à traverse distale moulurée avec trois bosses. Celles-ci sont beaucoup plus lisibles sur l’exemplaire le plus ancien (fig. 255, n°12), également le plus complet puisqu’il a conservé toute la longueur de sa chape. Les perforations ont été réalisées depuis la face avers. La fouille du site de San Stefano à Casalbordino dans la province de Chieti en Italie a fourni un fragment d’artefact daté des XIIIe - XIVe siècles2681. Il n’en est gardé que la boucle, un fragment d’ardillon en fil et le début de la chape. La traverse distale est ornée de quatre bosses. Type S3 : Boucle à fenêtre circulaire, ovale ou semi-ovale à traverse distale à barre, à chape intégrée à rivet(s) traversant(s) (fig. 255, n° 13 et 14 ; fig. 256 ; fig. 257, n° 1) Les boucles du type S3 sont classées en quatre sous-types selon la morphologie de la chape et le matériau constitutif. Les sous-types S3a et S3b regroupent respectivement les exemplaires en alliage cuivreux et en fer à chape intégrée large. Les spécimens à chape intégrée réduite et moulurée appartiennent au sous-type S3c. Ils doivent être distingués des 2681 Fragment d’objet, Boucle : L x l = 1,8 x 2 cm (Tulipani 2001, p. 322, fig. 9, n° 17). 539 3. Approche croisée du mobilier archéologique boucles à chape intégrée réduite sans moulures, à deux perforations pour la fixation, dont des individus ont été découverts lors des fouilles du village médiéval de Brandes en Oisans (XIIe milieu XIVe siècle) à l’Alpe d’Huez en Isère2682, d’un site (intrusif) au hameau d’Andrazza à Forni di Sopra dans la province de Udine2683 et du quartier San Domenico al Priamàr (H.S.) à Savone en Italie2684. Le sous-type S3d contient une boucle présentant une excroissance circulaire en partie proximale de la chape. Des éléments assez semblables aux boucles de type S3c sont présents dans la bibliographie mais s’en distinguent par des points de détail. Par exemple, la traverse distale est élargie et perforée pour un exemplaire découvert dans un contexte daté entre la seconde moitié du XIIe siècle et la première moitié du XIVe siècle, sur le site de l’abbaye de Bordesley à Redditch dans le Worcestershire2685. Des artefacts mis au jour dans un niveau du XVe siècle à York2686 et dans le village déserté de Rattray dans l’Aberdeenshire, occupé entre la première moitié du XIIIe siècle et le milieu/seconde moitié XVe siècle2687, se différencient par l’absence de barre sur la traverse distale. Les exemplaires du corpus des différents sous-types du type S3 pourraient avoir été fabriqués régionalement étant donné leur nombre relativement important et l’absence presque totale d’éléments de comparaison hors de l’arc méditerranéen. Type S3a : Boucle à fenêtre circulaire, ovale ou semi-ovale, en alliage cuivreux, à traverse distale à barre, à chape intégrée large à rivet(s) traversant(s) (fig. 255, n° 13 et 14 ; fig. 256, n° 1 à 7) Bouches-du-Rhône  Notre-Dame-de-la-Seds, Aix-en-Provence : n° 4, fin XIIe - XIVe siècle.  Castrum de la Quille, Le Puy-Sainte-Réparade : n° 6, N.D.S. 2682 Artefact complet, Boucle : L x l = 1,1 x 1,45 cm, Chape : L x l = 4,9 x 0,9 cm (Bailly et Bruno Dupraz 1994, p. 128 ; Bailly-Maître 1983, p. 97, n° 450). 2683 Pièce entière, Boucle : L x l = cm, Chape : L x l = cm, elle serait datée des VIe - VIIe siècles ce que contredit sa morphologie (Cagnana 2008, p. 219, fig. 163). 2684 Spécimen complet, Boucle complète, Boucle : L x l = 1,3 x 1,3 cm, Chape : L x l = 3,5 x 0,6 cm (Viara 1996, p. 384). 2685 Individu entier, Boucle : L x l = 1,6 x 1,4 cm, Chape : L x l = 4,8 x 0,8 cm (Astill 1993a, p. 194, fig. 89, n° CA 297). 2686 Individu entier, Boucle : L x l = 1,15 x 1,5 cm, Chape : L x l = 3,6 x 0,45/1,15 cm (Ottaways et Rogers (dir.) 2002, p. 2890, n° 13336). 2687 Artefact incomplet, Boucle : L x l = 1,2 x 1,5 cm, Chape : L cons. x l max = 1,1 x 0,75 cm (Goodall 1993, p. 189, fig. 40, n° 188). 540 3. Approche croisée du mobilier archéologique Var  Abbaye du Thoronet, Le Thoronet : n° 4, remblai de la seconde moitié du XIVe siècle ; n° 5, remblai du XIVe siècle.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 758, sol de bâtiment, fin XIIe - première moitié XIIIe siècle ; n° 3017, couche de dépotoir, vers 1345 - vers 1360 ; n° 809, sol d de bâtiment, n° 1679 et 2344, couche de dépotoir, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Ces neuf pièces en alliage cuivreux présentent une traverse distale à barre vierge de tout décor (fig. 255, n° 14 ; fig. 256, n° 7), entaillée en son milieu d’une (fig. 256, n° 5) ou plusieurs encoches (fig. 255, n° 13) issues de la fonte ou ornée par poinçonnage d’ocelles (fig. 256, n° 4 et 6) ou d’ocelles pointées (fig. 256, n° 2 et 3). Sur une pièce particulièrement abîmée, la barre semble avoir arboré des dépressions circulaires (fig. 256, n° 1). La chape est décorée par gravure de lignes (fig. 255, n° 13) ou de zigzags en bordure (fig. 254 ; fig. 255, n° 14 ; fig. 256, n° 2, 3, 6 et 7), d’un motif d’entrelacs entre deux lignes parallèles (fig. 256, n° 3). Des traces de dorure s’observent sur plusieurs exemplaires (fig. 255, n° 13 ; fig. 256, n° 3 et 5). La perforation nécessaire à la mise en place de l’ardillon, réalisée depuis la face avers, circulaire ou quadrangulaire selon le poinçon utilisé, est adaptée à la section de l’ardillon. Un ardillon en fil de fer (fig. 255, n° 13) ou plat, en alliage cuivreux et décoré d’une cannelure (fig. 256, n° 2 et 3) est conservé dans quelques cas. La fixation sur la lanière se fait le plus souvent grâce à deux ou cinq rivets à tête bouletée insérés dans des ouvertures circulaires obtenues par poinçonnage. Le premier cas est récurent parmi les boucles à chape intégrée de type S, le deuxième cas est spécifique aux boucles du type S3a. Un spécimen se différencie par la présence d’un alignement de découpes circulaires et quadrangulaires le long de l’axe de la chape (fig. 256, n°4). Cette particularité n’a pas d’explication pour le moment. Une boucle à ardillon en fil, à traverse distale décorée d’encoches en son milieu, à chape ornée par poinçonnage (?), provient du château de Montségur en Ariège, majoritairement occupé aux XIIIe - XIVe siècles2688. L’attache sur la courroie se faisait semble-t-il au moyen de deux rivets. Un objet convexe à traverse distale à barre unie et ardillon en fil mis au jour dans un niveau des XIIIe - XIVe siècles du château de Bressieux en Isère se distingue par sa chape2689. Celle-ci comporte deux excroissances latérales en partie 2688 Boucle complète, Boucle : L x l = 1,9 x 1,75 cm, Chape : L x l = 2,7 x 1,05 cm (Czeski 1981, p. 197, n° 46/66). 2689 Artefact incomplet, Boucle : L x l = 3,05 x 4,05 cm, Chape : L x l = 9,4 x 3,1 cm (Girard et Lafond 2009, p. 165, fig. 207, n° 1) 541 3. Approche croisée du mobilier archéologique distale traversées par des rivets et une excroissance au bout de la partie proximale, également occupée par un rivet, et terminée par une pointe triangulaire. La chape des individus provençaux est relativement longue, celle d’un spécimen mis au jour à York est plus courte et particulièrement large2690. La datation des artefacts du corpus, des éléments de comparaison et le rapprochement qui peut être fait avec les anneaux et boucles de type F2 incite à proposer une datation typologique correspondant au XIIIe siècle et aux trois premiers quarts du XIVe siècle. Type S3b : Boucle à fenêtre circulaire, ovale ou semi-ovale, en fer, à traverse distale à barre, à chape intégrée large à rivet(s) traversant(s) (fig. 256, n° 8) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 300, sol de zone extérieure, fin XIIe - première moitié XIIIe siècle. Cette boucle en fer est analogue aux boucles en alliage cuivreux du type S2b. Elle conserve deux des probables trois perforations qu’elle comportait à l’origine et certainement réalisées depuis l'avers par poinçonnage. L’une d’entre elles est occupée par un reste d’ardillon en fil. La troisième perforation devait être disposée en partie proximale de la chape, portion de l’objet qui a disparu. Un rivet à tête bouletée et à longue tige est encore en place. Type S3c : Boucle à fenêtre circulaire, ovale ou semi-ovale, en alliage cuivreux, à traverse distale à barre, à chape intégrée réduite moulurée à rivet(s) traversant(s) (fig. 256, n° 9 et 10) Bouches-du-Rhône  Abbaye de Silvacane, La Roque-d’Anthéron : n° 1, sol de la deuxième moitié du XIIIe siècle.  Alcazar, Marseille : n° 11, comblement de fosse du milieu - deuxième moitié XVIIe siècle. 2690 Pièce entière, Boucle : L x l = 2,8 x 3,05 cm, Chape : L x l = 2,85 x 2,3 cm (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2890, n° 14307). 542 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les boucles provençales du type S3c se distinguent par leur chape intégrée bombée de faible largeur marquée à l’endroit des ouvertures circulaires issues de la fonte par des élargissements décorés de cannelures. La traverse distale de la fenêtre est ornée d’incisions parallèles. Des rivets massifs éventuellement associés à une contre-rivure (fig. 256, n° 10) assuraient la fixation. Une pièce analogue dorée provient d’un contexte du XIIIe siècle du château de Montaldo di Mondovì dans la province de Coni en Italie2691. Les boucles de type S3c sont probablement attribuables au seul XIIIe siècle. Type S3d : Boucle à fenêtre circulaire, ovale ou semi-ovale, en alliage cuivreux, à traverse distale à barre, à chape intégrée à rivet(s) traversant(s) à appendice circulaire (fig. 257, n° 1) Bouches-du-Rhône  Le Castelet, Fontvieille : n° 78.00.11, niveau de la fin du Moyen Âge ou du début de l’Époque moderne. Cet objet unique en son genre possède une fenêtre semi-ovale à barre ornée de quatre rangs de coups d’un poinçon circulaire bombé disposés symétriquement par rapport à une dépression en V issue de la fonte marquant la zone de réception de la pointe de l’ardillon. La chape, originellement décorée le long de tous ses bords de zigzags, comporte une portion rectangulaire traversée de quatre ouvertures circulaires pour le passage de rivets et d’une ouverture quadrangulaire pour un ardillon de même section. Une excroissance circulaire reliée au reste de la chape par une jonction de plus faible largeur, comporte quatre ouvertures circulaires qui devaient être traversées par des rivets. Il est possible que les deux zones de fixation de la chape aient été employées pour l’attache de deux courroies différentes. Toutes les perforations ont été réalisées depuis l’avers avec un poinçon. Une boucle de type Q2 issue du château de Foix en Ariège conserve une chape en tôle mobile dont la forme est analogue à la boucle à chape intégrée fontvieilloise. Trois perforations sont visibles sur la partie « quadrangulaire » et cinq sur la partie circulaire. Son 2691 Exemplaire complet, Boucle : L x l = 1,4 x 1,25 cm, Chape : L x l = 3,6 x 0,7 cm (Cortelazzo et Lebole di Gangi 1991, p. 225, fig. 130, n° 1). 543 3. Approche croisée du mobilier archéologique contexte est daté par la céramique des XIIe - XIIIe siècles2692. La datation typologique proposée pour les boucles du type Q2, pour les boucles à fenêtre semi-ovale à barre de type F2a ainsi que les boucles à chape intégrée des types S3a et S3b incite à proposer une datation de l’artefact provençal de type S3d au XIIIe siècle. Type S4 : Boucle à fenêtre angulaire au cadre régulier, à chape intégrée à rivet(s) traversant(s) (fig. 257, n° 2) Var  Château d’Ollioules, Ollioules : n° 4, deuxième moitié XIIIe siècle. La boucle d’Ollioules, incomplète, comporte une fenêtre trapézoïdale et une chape fragmentaire qui conserve une ouverture quadrangulaire pour le passage d’un ardillon. L’ouverture fut sans doute obtenue par poinçonnage. L’aspect fragmentaire de sa chape rend les comparaisons typologiques compliquées. L’objet est en tout cas de plus grande dimension qu’une bouclette en fer à fenêtre trapézoïdale, à deux rivets de fixation, mise au jour à Londres dans un niveau du deuxième tiers du XIVe siècle. Elle était en place au bout d’une courroie de cuir participant à la fixation d’un éperon2693. Il n’est pas impossible que l’extension manquante de la chape de l’artefact varois devienne étroite, tout comme celle des boucles de type S3c2694. Des fouilles dans la ville de Magdebourg dans le land de Saxe-Anhalt en Allemagne ont permis la découverte de valves de moules en pierre portant l’empreinte de boucles à fenêtre angulaire à chape intégrée2695. Aucune ouverture n’apparaît pour les rivets et l’une d’elles n’en présente pas pour l’ardillon. La plupart des perforations étaient dont réalisées 2692 Objet incomplet, Boucle : L x l = 4 x 2,5 cm, Chape : L x l = 7,5 x 2,4 cm (Carme 2006). Artefact complet avec traces d’étamae sur une extrémité de lanière de cuir, Boucle : L x l = 1 x 1,15 cm, Chape : L x l = 1,2 x 0,8 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 108, n° 487 ; Clark 2004², p. 133-134, n° 323). 2694 Quelques exemples avec cette forme de chape, Royaume-Uni, Carmarthenshire : spécimen entier, Boucle : L x l = 1,1 x 1,55 cm, Chape : L x l = 3 x 0,6 cm, H.S., Llangeler (Redknap et Lodwick 2006, p. 294, fig. 7, b) ; Yorkshire du Nord : un exemplaire en alliage cuivreux, Boucle : L x l = 1,35 x 2,4 cm, Chape : L x l = 2,45 x 0,65/1,95 cm, milieu XIIIe siècle, un objet fragmentaire en fer, Boucle : L x l = 2,45 x 0,95 cm, Chape : l = 0,4/1 cm, XIIIe - XIVe siècle, un artefact fragmentaire en fer, boucle : l = 1,45 cm, première moitié XIVe siècle, York (Ottaways et Rogers (dir.) 2002, p. 2890, n° 12696, 12883, 14104). 2695 Empreinte A, Boucle : L x l = 1,2 x 1,6 cm, Chape : L x l = 3,3 x 0,55 cm ; Empreinte C, Boucle : L x l = 1,3 x 1,8 cm, Chape : L x l = 2,5 x 1,15 cm (Berger 2006, p. 50, fig. 6-35, A et C). 2693 544 3. Approche croisée du mobilier archéologique après la fonte par poinçonnage ainsi qu’il a été mis en évidence pour la plupart des artefacts de type S. Type S5 : Boucle à chape intégrée, à boucle et à chape à rivet(s) traversant(s) (fig. 257, n° 3) Bouches-du-Rhône  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 194, sol de bâtiment, fin XIIe - première moitié XIIIe siècle. Cet objet en tôle à fenêtre ovale au cadre festonné comporte une chape intégrée munie en partie distale d’une encoche rectangulaire prolongée en partie centrale par une petite découpe quadrangulaire. La languette ainsi générée a pu réceptionner la base de l’ardillon. Des perforations circulaires obtenues par poinçonnage depuis l’avers sont localisées en bordure des deux grands côtés de la chape, qui conserve des traces de dorure, et sur le cadre de la boucle. La chape est décorée par gravure de zigzags en bordure et en son centre du motif d’une façade d’église à trois vaisseaux. L’usage de cet accessoire est incertain. Les ouvertures sur le cadre ont-elles eu une utilité ou sont-elles uniquement ornementales ? Elles sont semble-t-il décoratives sur une boucle à fenêtre semi-ovale de morphologie totalement différente trouvée, dans un contexte daté entre la seconde moitié du XIIe siècle et la première moitié du XIVe siècle, sur le site de l’abbaye de Bordesley à Redditch dans le Worcestershire qui arbore une traverse élargie avec cinq ouvertures circulaires. Aucune n’est occupée par un rivet, au contraire des deux perforations circulaires situées au milieu d’excroissances de la chape étroite2696. Cependant, le parallèle n’est pas certain avec l’exemplaire provençal dont les perforations de la chape sont situées sur les côtés, dans la continuité de celles du cadre de la boucle. Type T : Boucle à chape intégrée à rivet intégré (fig. 257, n° 4 à 8) La grande diversité des objets du corpus et de la bibliographie ne permet pas de proposer pour le moment de classification plus détaillée des objets du type T. 2696 Individu entier, Boucle : L x l = 1,6 x 1,4 cm, Chape : L x l = 4,8 x 0,8 cm (Astill 1993a, p. 194, fig. 89, n° CA 297). 545 3. Approche croisée du mobilier archéologique Bouches-du-Rhône  Place du Général de Gaule, Marseille : n° 15, fin XVIIe - début XVIIIe siècle. Var  Place du Général de Gaule : n° 15, fin XVIIe - début XVIIIe siècle.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 196 A, sol de bâtiment, fin XIIe - première moitié XIIIe siècle ; n° 1751, remblai pour l’installation d’un sol, vers 1285 - vers 1309/1315.  Cadrix, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 3, sol du deuxième tiers du XIVe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1103, H.S. Les boucles à chape intégrée à rivet intégré du corpus, en alliage cuivreux (fig. 257, n° 4 à 6 et 8) ou en fer (fig. 257, n° 7), ont un cadre à fenêtre ovale dont la traverse distale peut être entaillée d’une encoche pour la réception du bout de l’ardillon (fig. 257, n° 5) parfois surmontée d’un ergot (fig. 257, n° 6). Le cadre d’une pièce varoise est orné de moulures issues de la fonte (fig. 252, n° 1), tout comme le motif en arêtes de poisson visible sur sa chape (fig. 257, n° 6). Sur d’autres artefacts, des ocelles réalisés avec un poinçon (fig. 257, n° 5) ou une croix gravée dans un rectangle (fig. 257, n° 8) sont visibles. L’ardillon est un fil (fig. 257, n° 6, 8) ou une tige en fer (fig. 257, n° 4) qui passe à travers une ouverture circulaire. Celle-ci fut réalisée par perforation sur les trois spécimens où ses bords restent visibles (fig. 257, n° 5, 6 et 8). Une boucle trouvée sur le site de Cadrix ne possédait pas d’ardillon (fig. 257, n° 7). Le rivet intégré est disposé au revers de la partie proximale de la boucle. Une contre-rivure peut avoir été ajoutée pour une meilleure fixation sur la courroie (fig. 257, n° 4). Dans la bibliographie, les boucles à chape intégrée à rivet intégré sont presque toujours de petite taille. Des bouclettes à fenêtre semi-ovale à chape étroite ont été découvertes lors de la fouille de l’Arc de Triomphe à Barcelone dans un contexte de datation non précisée2697. La traverse proximale est incurvée vers l’intérieur de la fenêtre. L’une de ces pièces possède une chape rectangulaire découpée d’encoches sur sa bordure, l’autre une chape 2697 Objet entier, dimensions inconnues, artefact entier, Boucle : L x l = 2 x 1,4 cm, Chape : L x l = 1,6 x 0,4 cm (Parra Alé 2010a, p. 132, n° 14). 546 3. Approche croisée du mobilier archéologique étroite et longue à l’image de l’artefact marseillais (fig. 257, n° 8). Toujours en Espagne, un spécimen trouvé au castillo de la Torre Grossa (XIIIe - XIVe siècle) à Jijona dans la province d’Alicante se démarque par sa chape circulaire à excroissances latérales qui reprend la forme et le décor de l’écu d’une applique de type D8 avec laquelle elle fut mise au jour2698. Dans les Hautes-Pyrénées, à Tarbes, la fouille de la place de Verdun (XIIIe - XVIe siècle) a fourni un exemplaire présentant un élargissement à l’endroit de la perforation de l’ardillon comme pour une boucle découverte au castrum de Rougiers (fig. 257, n° 6)2699. Le site de Corné (vers 1170 - vers 1250) à L’Isle-Bouzon dans le Gers a livré quatre pièces avec ou sans possibilité d’ardillon à chape circulaire ou allongée2700. Les boucles à fenêtre ovale avec un ergot distal ne sont pas moins nombreuses que celles qui n’en possèdent pas. Deux exemplaires ont été trouvés sur le site du village médiéval de Corné (vers 1170 - vers 1250) à l’Isle-Bouzon dans le Gers2701. Une pièce en fer dont la partie proximale de la chape est de forme circulaire est issue d’un contexte du XIVe siècle de la motte de Gironville à Ambronay dans l’Ain2702. La chape de l’artefact en alliage cuivreux découvert hors contexte lors de la fouille du couvent et monastère de l’Ave Maria à Paris présente une extrémité en amande2703. La chape est quadrangulaire et l’ergot distal comporte une encoche pour un individu issu d’une couche des XIIe - XIIIe siècles du château de SaintRomain en Côte-d’Or2704. Deux exemplaires londoniens au cadre à encoche distale et à chape ovale ou trapézoïdale proviennent respectivement d’un niveau du premier tiers du XIIIe siècle et d’un contexte daté vers 1270 - vers 13502705. Une contre-rivure polygonale est visible au 2698 Individu entier, Boucle : L x l = 1,7 x 2,3 cm, Chape : L x l = 2,15 x 1,6 cm (Azuar Ruiz 1985, p. 103). 2699 Spécimen entier, dimensions inconnues (Barrère 1994, p. 66-67). 2700 Objet entier sans possibilité d’ardillon, Boucle : L x l = 1,1 x 0,9 cm, Chape : L x l = 0,7 x 0,65 cm, exemplaire complet, Boucle : L x l = 1,5 x 1,8 cm, Chape : L x l = 1,5 x 1,1 cm, specimen entier sans possibilité d’ardillon, Boucle : Boucle : L x l = 1,2 x 1,2 cm, Chape : L x l = 0,8 x 0,9 cm, artefact incomplet, Boucle : L x l = 1,5 x 1,5 cm, Chape : L x l = 1,5 x 0,8 cm (Lassure 1995, p. 576577, fig. 468, n° 2, 3, 5 et 6). 2701 Boucle incomplète, Boucle : L x l = 1,7 x 1,5 cm, Chape : L x l = 1,3 x 1 cm, pièce incomplète, Boucle : L x l = 1,95 x 1,6 cm, Chape : L x l = 1,25 x 0,85 cm (Lassure 1995, p. 577, fig. 468, n° 3 et 4). 2702 Spécimen complet, Boucle : L x l = 1,45 x 1,5 cm, Chape : L x l = 1,8 x 1,2 cm (Châteaux de terre 1987, p. 69). 2703 Exemplaire entier, Boucle : L x l = 2,4 x 2,4 cm, Chape : L x l = 2,7 x 1,5 cm (Bouëtiez de Kerorguen 1996, p. 163, fig. 6, n° 4). 2704 Boucle complète, Boucle : L x l = 1,6 x 1,65 cm, Chape : L x l = 1,4 x 0,9 cm (Bourgogne 1987, p. 185, n° 512). 2705 Pièce entière à chape ovale sur une extrémité de courroie de cuir, Boucle : L x l = 1,2 x 1,4 cm, Chape : L x l = 1,15 x 0,55 cm ; artefact entier à chape quadrangulaire, Boucle : L x l = 1,15 x 1,35 547 3. Approche croisée du mobilier archéologique revers de la courroie de cuir sur laquelle l’objet à chape ovale en alliage cuivreux est fixé. L’artefact en fer à chape quadrangulaire conserve des traces d’une couverte blanche. La traverse distale est susceptible de recevoir d’autres types de moulures qu’un simple ergot distal. Elle comporte deux bosses en coin sur une pièce en alliage cuivreux avec contrerivure en tôle trouvée en prospection sur le site de L’Esquerda à Roda de Ter dans la province de Barcelone en Espagne2706. Quelques boucles à fenêtre quadrangulaire ont été produites. La fenêtre est trapézoïdale sur un exemplaire en alliage à base de cuivre avec une chape à extrémité bilobée provenant du castrum de Ventajou à Félines-Minervois dans l’Hérault2707. Un spécimen en fer londonien avec traces d’étamage daté vers 1270 - vers 1350, à chape quadrangulaire, se distingue par sa traverse distale incurvée vers l’extérieur2708. Toujours outre-manche, dans le Dumfries and Galloway, les opérations archéologiques menées dans le complexe abbatial de Whithorn et Saint-Ninian ont révélé un objet en fer étamé à fenêtre quadrangulaire dont la partie proximale de la chape, gravée d’un X est circulaire2709. Les éléments de datation disponibles conduisent à envisager une datation typologique correspondant au XIIIe siècle et à la première moitié du XIVe siècle. Type U : Anneau et boucle à chape intégrée à crochet (fig. 258, n° 1 à 3) Bouches-du-Rhône  Site inconnu, Fontvieille : n° 1, H.S. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3484, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1123, N.D.S. cm, Chape : L x l = 1,8 x 1,55 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 106, n° 482 ; Clark 2004², p. 136137, n° 326 ; p. 150, n° 372). 2706 Objet entier, Boucle : L x l = 1,5 x 2,1 cm, Chape : L x l = 2 x 1,25 cm (Ollich 1976, p. 514, n° 16 ; Bolos et al. 1981, p. 151, n° 59). 2707 Exemplaire entier, Boucle : L x l = 1,6 x 1,75 cm, Chape : L x l = 1,55 x 1,45 cm (Loppe 2006, p. 337). 2708 Artefact entier avec traces d’étamage, Boucle : L x l = 1,4 x 1,3 cm, Chape : L x l = 1,05 x 0,8 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 108, n° 485 ; Clark 2004², p. 150, n° 375). 2709 Boucle complète, Boucle : L x l = 2,6 x 1,3 cm, Chape : L x l = 1,4 x 1 cm, vers 1250/1300 - 1600 (Nicholson 1998b, p. 420, fig. 10.99, n° 44.8). 548 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les trois boucles du corpus en alliage cuivreux (fig. 258, n° 1) ou en fer (fig. 258, n° 2 et 3) ont une fenêtre semi-ovale. La fenêtre de l’exemplaire de Rougiers est en accolade complète et le cadre comporte un ergot distal (fig. 258, n° 3). Sa chape est décorée de cannelures et d’un point en relief. La traverse distale de la pièce d’Avignon, à fenêtre lyriforme, présente une barre et une encoche issue de la fonte (fig. 258, n° 1). L’ardillon arbore une cannelure décorative à la jonction entre le nœud et la tige. Les pièces en fer comportent une perforation circulaire pour le passage de l’ardillon. L’ouverture quadrangulaire du spécimen en alliage cuivreux est issue de la fonte (fig. 258, n° 1). La chape des anneaux et boucles du type U est terminée par un crochet qui s’enroule toujours vers l’avers. Il s’insère souvent dans un des œillets d’un éperon. L’objet participe ainsi, associé à des agrafes à double crochet inversé (type D, fig. 258, n° 2, 3 et 5), ou à une agrafe à crochet et anneau (fig. 258, n° 4) à la fixation des éperons. La même fonction est mise en évidence par les découvertes archéologiques pour la chape mobile de type E, à crochet terminal. Il n’est pas improbable que certaines pièces du type U comme celle d’Avignon (fig. 258, n° 1), beaucoup plus massive que les autres, aient été employées à l’attache du fourreau au ceinturon, le crochet passant au travers de l’œillet d’une boucle de type D6 ou O4 ou au travers d’un œillet du fourreau. Les artefacts du corpus ne comportent qu’une seule ouverture en partie proximale de la chape, pour l’ardillon. Cette option s’observe sur une boucle en fer à chape triangulaire issue d’une phase datée entre 1425 et 1521 de l’occupation du King John’s hunting lodge à Writtle dans l’Essex au Royaume-Uni2710. Sa traverse distale est incurvée vers l’intérieur de la fenêtre. Une boucle en fer londonienne, au cadre à encoche distale, à ergots latéraux, possède une chape circulaire concave. Son contexte est daté de la seconde moitié du XIVe siècle2711. Ordinairement, la chape comporte deux perforations, l’une pour l’ardillon, l’autre pour un rivet. Le musée des Beaux-arts de Carcassonne conserve une boucle en alliage cuivreux à encoche distale dont la chape angulaire est gravée d’un quadrillage oblique et, sur fond de guillochis, d’un écu à la croix émaillée de rouge2712. Le château de Peyrepertuse (XVIIe - 2710 Boucle complète, Boucle : L x l = 2,8 x 4,4 cm, Chape : L x l x p = 5 x 3 x 2 cm (Rahtz 1969, p. 85, fig. 47, n° 56). 2711 Spécimen entier, Boucle : L x l = 1,35 x 2,25 cm, Chape : L x l = 2,4 x 1 cm (Clark 2004², p. 150, n° 378). 2712 Exemplaire fragmentaire, Boucle : L x l = 2,8 x 3,1 cm, Chape : L rest. x l = 3 x 1,95 cm (Stutz 1983, p. 117, n° 5) 549 3. Approche croisée du mobilier archéologique XVIIIe siècle) à Duilhac-sous-Peyrepertuse dans l’Aude2713 et celui du château du Vieux Wartburg (XIIIe siècle - 1515) dans le canton d’Aargau en Suisse2714, ont livré des pièces très semblables. La première est en alliage cuivreux, la seconde est en fer. Toutes deux ont une fenêtre semi-ovale large et une chape décorée par gravure dont les bords ont une ondulation très particulière. Les bords de la chape sont également ondulés pour un objet des XIIIe - XIVe siècles du château de Pymont dans le Jura et dont la traverse distale arbore une barre2715. Des exemplaires en fer à traverse distale à barre proviennent du castell de Mata (XIIIe - XVe siècle ?) à Mataró dans la province de Barcelone2716 et du château de Montségur en Ariège2717. La traverse distale d’un spécimen en fer découvert dans la ville de Rhuddlan dans le Denbighshire au Royaume-Uni est moulurée de bosses. Son contexte est daté des XIVe XVe siècles, mais l’éperon à molette sur lequel il a été retrouvé est attribué au XIIIe siècle par les auteurs de l’étude2718. Deux perforations pour rivet traversent la chape afin de permettre une fermeture du crochet. Ce mode de fixation s’observe également sur l’objet ariégeois mais avec un seul rivet. À Londres, deux boucles à fenêtre semi-ovale en fer, avec un rivet ne traversant que la chape, ont été récupérées encore fixées à des éperons à molette dans des contextes de la seconde moitié du XIVe siècle2719. La bibliographie de comparaison atteste de l’existence de pièces de type U à fenêtre trapézoïdale. Deux exemplaires en fer furent mis au jour rattachés à un éperon à molette, l’un dans un foyer du milieu/seconde moitié du XIVe siècle du site de la Bénèche à Caussade dans le Tarn-et-Garonne2720, l’autre dans un niveau londonien de la première moitié du XVe siècle2721. J. Clark date l’éperon anglais des environs de 1400. 2713 Pièce fragmentaire, Boucle : L x l = 1,9 x 2,55 cm, Chape : L cons. x l = 3,7 x 1,9 cm (Barrère 2000, p. 219). 2714 Artefact fragmentaire, Boucle : L x l = 2,2 x 3,4 cm, Chape : L cons. x l = 4,55 x 2,5 cm (Meyer 1974, p. 95, n° C 173). 2715 Objet fragmentaire, Boucle : L x l = 1,8 x 1,9 cm, Chape : L x l = 3,5 x 1,4 cm (Jeanjacquot 1993, p. 108, fig. 70, n° 1935). 2716 Boucle fragmentaire Boucle : L x l = 1,95 x 2,4 cm, Chape : L mini x l = 3,3 x 1,5 cm (Bolos et al. 1981, p. 140, 142, n° 53). 2717 Spécimen complet, Boucle : L x l = 1,4 x 1,5 cm, Chape : L x l = 3,3 x 0,8 cm (Sarret 1980, p. 115-116 ; Sarret 1981c, p. 127). 2718 Spécimen incomplet, Boucle : L x l = 1,3 x 1,4 cm, Chape : L mini x l = 1,7 x 0,9 cm (Goodall et Ellis 1994, p. 188, fig. 17.7, n° 137). 2719 Artefact incomplet, Boucle : L x l = 1,55 x 2,2 cm, Chape : L x l = 3 x 1,9 cm ; objet fragmentaire, Boucle : L x l = 1,9 x 1,8 cm, Chape : L x l = 2,7 x 1,3 cm (Clark 2004², p. 137, n° 330 ; p. 139, n° 337). 2720 Exemplaire entier, dimensions inconnues (Archéologie 1990, p. 264, n° 581). 2721 Pièce complète, Boucle : L x l = 1,4 x 1,9 cm, Chape : L x l = 2,7 x 1,4 cm (Clark 2004², p. 142, n° 142) 550 3. Approche croisée du mobilier archéologique L’emploi des anneaux et boucles de type U est actuellement considéré de la seconde moitié du XIIe siècle aux environs de 1400. Type V : Anneau ou boucle à chape intégrée en fourreau (fig. 258, n° 6 et 7 ; fig. 259) Les anneaux et boucles à chape intégrée en fourreau sont divisés en trois sous-types selon la configuration de la chape. Les exemplaires à chape intégrée en fourreau sans rivets sont regroupés dans le sous-type V1. Ceux qui comportent des rivets appartiennent au soustype V2 s’ils sont en une seule pièce, au sous-type V3 si la chape est composite. Type V1 : Anneau ou boucle à chape intégrée en fourreau, sans rivet(s) (fig. 258, n° 6) Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 92, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Cette boucle en alliage cuivreux à fenêtre semi-ovale à chape en fourreau sans rivet comporte un ergot distal. L’ardillon, fabriqué à partir d’une tige épaisse, traverse la chape grâce à une ouverture circulaire probablement issue de la fonte. Le bord proximal de la chape est dentelé. Un coup de marteau est visible à l’avers. La courroie était maintenue en place par cet écrasement du métal. Le résultat est assez peu esthétique. La fonte de ce type de boucle est relativement complexe puisqu’elle nécessite au moins trois valves : une pour chaque face et une troisième pour l’intérieur du fourreau (fig. 262, n° A). Type V2 : Anneau ou boucle à chape en fourreau en une pièce, à rivet(s) traversant(s) (fig. 259)2722 Des boucles métalliques en alliage cuivreux de ce type ont pu être produites. Un exemplaire en argent appartient au trésor de Münster probablement enfoui lors de la peste du milieu du XIVe siècle2723. Les anneaux et boucles du corpus sont tous en os. 2722 L’analyse technique de ces objets a été réalisée par M.-A. Chazottes, doctorante au LA3M. À paraître dans Chazottes et Thuaudet 2015. 551 3. Approche croisée du mobilier archéologique Bouches-du-Rhône  Collège Mignet, Aix-en-Provence : n° 25, contexte de fin XIIIe - début XIVe siècle ; n° 20 et 22, comblement de chenal servant de sol de fin XIIIe - première moitié XIVe siècle ; n° 18, comblement de silo de la première moitié du XIVe siècle ; n° 23 et 24, comblement de fosse de la première moitié du XIVe siècle ; n° 19, remblai de la première moitié du XIVe siècle ; n° 21 comblement de tranchée d’épierrement du troisième tiers du XIVe siècle.  Saint-Laurent, Marseille : n° 182, contexte des XIIIe - XIVe siècles. Vaucluse  RHI Philonarde, Avignon : n° 1, fosse dépotoir du début du XIVe siècle.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1704, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Les boucles de type V2 du corpus, complètes ou fragmentaires, toutes en os, sont au nombre de onze. La plus simple (fig. 259, n° 1) possède une chape sans décor. Une fente a été aménagée dans son épaisseur à partir du bord proximal pour recevoir l’extrémité de la lanière de cuir ou de textile. Cette dernière était maintenue au moyen de rivets passant au travers de deux perforations circulaires. Il ne reste de la boucle qu’une amorce du cadre, ce qui ne permet pas d’en connaître la morphologie. Une entaille pourrait avoir accueilli un ardillon mais il ne subsiste pas de trace d’un axe autour duquel celui-ci aurait pu s’enrouler. Trois autres boucles à fenêtre semi-ovale à ergot distal (fig. 259, n° 2, 6 et 11) trouvées sur le site de Mignet sont quasiment complètes et d’une excellente qualité de conservation. Ces éléments de ceinture sont décorés aussi bien pour la boucle que pour la chape, mais l’ornementation, bien que présentant des points communs, diffère pour chacun des objets. L’ergot distal est mis en évidence par un retrait du bord extérieur du cadre et présente dans deux cas une encoche pour réceptionner l’ardillon (fig. 259, n° 3, 6 et 11). Le bord externe de l’ergot est alors creusé d’entailles parallèles. Sur une des pièces (fig. 259, n° 11), l’ornementation de la chape, distribuée sur trois zones, est exclusivement composée de lignes incisées perpendiculaires aux bords et parallèles entre elles2724. La tige métallique qui traversait la boucle dans sa largeur et permettait de 2723 2724 Tegethoff 2002, p. 29, n° 32. Les traces sont verticales ou horizontales par rapport à l’axe longitudinal de l’objet. 552 3. Approche croisée du mobilier archéologique maintenir en place l’ardillon a disparu tout comme ce dernier. La traverse distale de la boucle est fracturée en un endroit. L’une des boucles (fig. 259, n° 6) conserve un fragment d’ardillon en alliage à base de cuivre. Il est maintenu par une traverse en fer qui passe dans une ouverture aménagée dans la largeur de l’objet. Le mors de la chape ainsi que les deux perforations qui maintenaient la boucle à l’extrémité de la lanière ne sont que très partiellement conservés. La chape est ornée d’un décor incisé réparti sur trois zones. À l’endroit de la partie distale de la chape, une croix encadrée de quatre incisions est inscrite dans un losange incisé. Ces motifs sont eux-mêmes insérés dans un losange en épargne. Des lignes parallèles perpendiculaires au grand axe de la chape entourent le motif et se prolongent sur la boucle. Au milieu de la chape, un motif de méandres en épargne est limité de part et d’autre par deux lignes. En partie proximale, des lignes parallèles se devinent. Deux chapes presque complètes, avec l’amorce de la boucle, découvertes sur le même site, présentent un décor similaire (fig. 259, n° 7 et 8). L’une d’elle, un peu plus massive, a conservé ses deux rivets en alliage cuivreux (fig. 259, n° 8). Sur la deuxième, il ne reste la trace que de l’une des deux perforations (fig. 259, n° 7). Une troisième chape, mise au jour Rue Philonarde à Avignon (fig. 259, n° 9), a perdu une portion de sa partie proximale qui conserve un décor formé par des lignes incisées verticales, où se logent deux perforations, et par des lignes obliques. Deux autres registres de lignes incisées prennent place à l’endroit ou à proximité de l’ardillon en fer incomplet : des lignes verticales pour l’un, des lignes horizontales encadrées de lignes verticales pour l’autre. Une tige en fer disposée dans une perforation traverse la boucle dans sa largeur et maintient l’ardillon en place. Un autre très probable élément de boucle à chape intégrée a été découvert à Avignon dans le dépotoir du jardin ouest du Petit Palais. Il ne subsiste de cette boucle incomplète (fig. 259, n° 3) qu’un fragment de traverse distale avec son ergot triangulaire entaillé débordant du cadre. Ce morceau présente de fortes similitudes avec une boucle du site de Mignet (fig. 259, n° 6). Un autre objet (fig. 259, n° 2), déjà partiellement décrit plus haut, en provenance du site de Mignet présente une fenêtre qui n’a jamais comporté d’ardillon. L’observation attentive de la portion circulaire au contact de la chape révèle l’absence de cassure et donc de traverse proximale. La fermeture se faisait très certainement par nouage. L’extrémité distale de la boucle est ornée d’une tête animale stylisée dont se perçoivent distinctement les yeux et le museau. Des incisions parallèles semblent figurer des poils, peut-être une crinière. La fenêtre de cette boucle prend la forme d’une fenêtre architecturale gothique, impression 553 3. Approche croisée du mobilier archéologique renforcée par l’évidement du cadre de part et d’autres de l’arc central outrepassé, que l’on peut mettre en parallèle avec les compartiments ajourés des fenêtres bâties. Des baies trilobées similaires se retrouvent dans l’ornementation d’objets en os ou en métal. Par exemple, des plaquettes à décor architectural gothique miniaturisé peut-être destinées à orner des coffrets2725, ont été découvertes au palais des Papes (fig. 260, n° 5). Elles sont, d’après A. Hartmann-Virnich2726, datables du XIVe siècle, peut-être de sa première moitié. Les chapes de boucles composites en alliage cuivreux de type F4a et F4b sont parfois ajourées de telles fenêtres. La chape intégrée de l’objet aixois (fig. 260, n° 2) se divise en deux parties articulées au moyen d’une charnière pivotant autour d’une tige en alliage de base cuivre. L’avers de la première partie de la chape est orné de trois registres séparés par des incisions parallèles perpendiculaires à l’axe. Le premier registre est composé de stries horizontales parallèles entre elles, le deuxième de trois petites croix de Saint-André et le troisième, de deux croix de Saint-André plus grandes. À l’avers comme au revers, la charnière de la chape est recouverte d’incisions parallèles. Les incisions sont au revers encadrées de deux lignes disposées dans la largeur. L’avers de la seconde partie de la chape figure, dans un cadre, un animal couché non identifié, aux longues oreilles et à la queue recourbée vers l’avant de l’animal. Un animal identique se rencontre sur deux autres boucles en os à chape intégrée plus courte dont la fenêtre pourrait avoir été hexagonale (fig. 259, n° 4 et 5)2727. Découvertes sur le site de Mignet, les boucles arborent cette représentation dans un cadre à fond uni (fig. 259, n° 4) ou à fond quadrillé (fig. 259, n° 5). Toutes deux présentent une bande creuse entre deux lignes en relief et un registre de lignes parallèles gravées entre la fenêtre de la boucle et le panneau animalier. L’extrémité proximale de la chape est fendue pour l’insertion de l’extrémité de la courroie, laquelle était retenue par deux rivets. Ils sont en fer sur l’une des deux boucles. Le bord distal est découpé par un petit triangle de chaque côté d’un cercle. Ces boucles devaient se clore par agrafage ou plus probablement par nouage ainsi que l’indique l’absence de traverse pour la réception de la base de l’ardillon. De nombreuses boucles en os de type V2 dont certaines avec un ardillon en os en place sont issues de couches d’un dépotoir établi dans le secteur du Marais-vert à Strasbourg 2725 Gagnière 1985, p. 65. Information aimablement communiquée par A. Hartmann-Virnich, professeur, Aix-Marseille Université, CNRS, LA3M, UMR 7298. 2727 Ces deux objets n’ont pu être observés de visu. 2726 554 3. Approche croisée du mobilier archéologique entre vers 1420 et vers 1480 (fig. 260, n° 7)2728. L’opération archéologique de la Rue du Kiosque à Douai a livré une pièce (fig. 260, n° 4) de la seconde moitié du XIVe siècle2729. Lors de la fouille du village médiéval de Goltho dans le Lincolnshire au Royaume-Uni2730, une première boucle à ardillon en fer (fig. 260, n° 1)2731 a été découverte hors stratigraphie et une deuxième avec ardillon de même métal (fig. 260, n° 2)2732 a été ramassée sur le sol pavé d’une maison abandonnée dans la seconde moitié du XIVe siècle ou dans la première moitié du XVe siècle. Toujours outre-manche, une opération archéologique à l’abbaye de Jedburgh dans les Scottish Borders au Royaume-Uni a fourni un exemplaire à ardillons en « os » du XIIe siècle dont la couleur ocrée fait dire à J. Higgitt qu’elle est en corne (fig. 260, n° 6)2733. Cette identification demande à être vérifiée. La corne, composée de kératine, se conserve très mal en contexte archéologique sauf en milieu anaérobie2734. La collection Victor Gay contenait une boucle à fenêtre rectangulaire à chape intégrée en os, datée stylistiquement de la fin du XVe siècle par I. Fingerlin (fig. 260, n° 8). Elle est localisée, en 1971, dans une collection privée à Dublin2735. Un dernier artefact fragmentaire à ardillon en os (fig. 260, n° 3) est connu par un catalogue de vente de la société Sotheby’s2736. Ces objets ont une fenêtre semi-ovale ou quadrangulaire. Le cadre peut comporter une encoche distale (fig. 260, n° 1 et 2), être cannelé (fig. 260, n° 6), comporter des arabesques (fig. 260, n° 8). La plupart possèdent une chape courte comparable à celle du site de SaintLaurent à Marseille (fig. 259, n° 1) et fendue dans son épaisseur pour l’insertion de la lanière. La chape des artefacts strasbourgeois (fig. 260, n° 7) est d’une longueur analogue à la majorité des pièces provençales. Les chapes suffisamment complètes présentent deux trous de rivets. Une des chapes à ses perforations occupées par des rivets en fer (fig. 260, n° 3), une autre conserve un rivet en alliage cuivreux (fig. 260, n° 4). Le décor, généralement simple, consiste en des lignes incisées perpendiculaires et/ou parallèles à l’axe longitudinal qui forment parfois un cadre soulignant le bord de la chape. Une tête de Christ gravée en taille d’épargne est visible sur l’objet de la collection V. Gay (fig. 260, n° 8). La fixation de l’ardillon en os est assurée par une tige métallique qui traverse l’objet dans sa largeur. 2728 Maire 1990. L totale rest. x L chape x l chape = 3,8 x 3,4 x 2 cm (Chaoui-Derieux 2010, p. 67, fig. 9). 2730 Goodall et al. 1975, p. 77, fig. 36, n° 4 et 5. 2731 Boucle : L x l x e = 2,4 x 2,6 x 1,2 cm, Chape : L cons. x l x e = 2,8 x 2,2 x 1,05 cm. 2732 Boucle : L x l x e = 3,1 x 3,8 x 0,9 cm, Chape : L x l x e = 4,1 x 2,7 x 0,95 cm. 2733 L totale x l totale x e max = 2,7 x 2 x 1 cm (Higgitt 1995, p. 84) 2734 Par exemple, des épingles antiques en corne ont été découvertes sur un site toulousain, conservées par leur emprisonnement dans une gangue de métal (Poplin 1992, p. 361). 2735 Objet entier, dimensions précises non renseignées (Fingerlin 1971, cat. 72). 2736 L x l x e = 3 x 0,9 x 0,6 cm (Boucles 1981, p. 27, n° 36). 2729 555 3. Approche croisée du mobilier archéologique La plupart des accessoires du corpus sont relativement similaires et ont très certainement été réalisés de façon analogue. Seules la boucle de Saint-Laurent (fig. 259, n° 1) et la chape de la Rue Philonarde (fig. 259, n° 9) présentent encore des traces de fabrication, et notamment des stries de sciage oblique, visibles en lumière rasante. Quant aux autres objets, le polissage a été suffisamment soigné pour ne laisser subsister aucune trace d’outil. L’homogénéité dans les dimensions et notamment l’épaisseur des artefacts suppose l’utilisation d’os long avec une importante épaisseur de matière compacte sur toute sa longueur. L’emploi de métapodes de bovinés apparaît donc très probable. L’artisan fend la diaphyse en deux puis taille les portions obtenues sous forme de plaquettes rectangulaires, de section quadrangulaire. La concavité du canal médullaire n’est pas toujours éliminée et elle reste encore visible sur trois artéfacts (fig. 259, n° 6, 9 et 11). Une fois la chape réalisée, la boucle est façonnée et il convient de procéder aux finitions de l’objet : taille des différents éléments du mors – dans un premier temps, exécution des perforations, création d’une fente puis insertion des rivets – et sculpture du décor très certainement à l’aide d’un ciseau pour un travail par enlèvement de matière. Les opérations archéologiques menées dans la Rue Mignet ont concerné la proximité immédiate ou la périphérie de l’enceinte du couvent des Dominicaines de Notre-Dame-deNazareth. La qualité de vie des moniales y était particulièrement élevée comme en témoigne la verrerie2737 ainsi que la céramique étudiée qui était de bonne qualité, parfois luxueuse, et des importations répertoriées en provenance d’Espagne et de Syrie2738. Collectées dans ou à proximité du couvent des Dominicaines, parfois dans leurs déchets, les boucles à chape intégrée du site – auxquelles doit être adjoint une pièce d’Avignon – sont attribuables à la première moitié, et peut-être plus précisément au début du XIVe siècle. Les artefacts aixois furent très certainement portés par les moniales. L’hypothèse de leur utilisation par des laïcs chargés du fonctionnement du monastère apparaît peu plausible étant donné le nombre d’objets retrouvés. Les ceintures féminines à pièces en os ont pu constituer un accessoire spécifiquement féminin jusqu'au début de l’époque moderne : le tarif de péage d’Avignon de 1582 signale que la ceincture de femme dosse est redevable d’une taxe de 1 sou par pièce. L’ornementation assez recherchée ne connaît qu’assez peu d’équivalent dans les accessoires de la ceinture en métal non précieux. Sans être luxueux, ces éléments fabriqués en os sont les témoins d’une certaine qualité de vie. Ils furent sans doute peu nombreux et produits en faible 2737 Information aimablement communiquée par L. Vallauri, Ingénieur de recherche, CNRS, LA3M, UMR 7298. 2738 Richarté 1991. 556 3. Approche croisée du mobilier archéologique quantité, pour une classe de la population assez aisée. Il n’est pas impossible que la réalisation de ces objets ait participé d’une mode. En effet, bien qu’il soit encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives, le XIVe siècle s’inscrit, tout au moins en Provence – peut-être aussi à une plus large échelle géographique et en dépit d’éléments de comparaison encore peu nombreux – comme une période marquante quant à la fabrication d’accessoires de la ceinture en os. Les boucles en os de type V2 du corpus et de la bibliographie sont attestées entre le XIIe et le XVe siècle, mais il faut compter avec l’existence de nombreux sous-types dont la datation détaillée ne peut pas toujours être entreprise à l’heure actuelle. Type V3 : Anneau ou boucle à chape en fourreau composite, à rivet(s) traversant(s) (fig. 258, n° 7) Bouches-du-Rhône  Abbaye du Thoronet, Le Thoronet : n° 3, couche d’occupation de la forge, XIIIe siècle. La chape de cet objet à fenêtre quadrangulaire à ergot distal à encoche est très particulière. Elle est en effet traversée aux angles par quatre trous circulaires, sans doute pour la fixation par rivetage, et de deux ajours de fonction inconnue – pour alléger l’accessoire ? Une ouverture circulaire entre les deux ajours permettait le passage de l’ardillon. Il est possible que la courroie ait été enserrée entre deux longues tôles de métal dont la partie distale était rivetée à la chape (fig. 262, n° B). Un tel système n’est pas sans rappeler celui des boucles de type « Forked Spacers » connues outre-manche, mais dont les tôles ne sont pas rivetées à la partie inamovible de la chape mais brasées à celle-ci2739. Une boucle en fer similaire à l’artefact provençal provient du château de Rascino, dont l’occupation est très mal 2739 Quelques exemples : Royaume-Uni, Dumfries and Galloway : un artefact, 1250/1300 - 1600, Whithorn et Saint-Ninian (Nicholson 1998b, p. 420, fig. 10.57, n° 12) ; Essex : un spécimen, destruction, vers 1540, Viking Hall, Waltham Abbey (Huggins 1976, p. 115, fig. 41, n° 7) ; Grand Londres : nombreux exemplaires datés de la seconde moitié du XIVe siècle et de la première moitié du siècle suivant, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 78-82) ; Lincolnshire : deux pièces, H.S. et seconde moitié XIIIe - première moitié XIVe siècle, habitat médiéval, Goltho (Goodall et al. 1975, fig. 43, n° 9 et 10) ; un objet, XIIIe siècle, Riselhome, Lincoln (Thompson 1960, p. 106, n° 1) ; Yorkshire du Nord : six individus, de milieu XIVe - première moitié XVe siècle à milieu XVIe milieu XVIIe siècle, York (Ottaways et Rogers (dir.) 2002, p. 2890, n° 13338-13341, 14310, 14705). Il en existe une variante avec une charnière au milieu de la chape : se reporter à Goodall 1973 (p. 93, fig. 36, n° 14) et Hinton 1977b (p. 204). 557 3. Approche croisée du mobilier archéologique datée, à Siamignano dans la province de Rieti2740. Elle fut retrouvée dans une couche contenant une monnaie du XIVe siècle. La correspondance presque parfaite avec la boucle du Thoronet et la spécificité de configuration de ces deux spécimens incite à les considérer comme contemporains. Type W : Anneau ou boucle à fenêtres opposées (fig. 261, n° 1 et 2) Les objets provençaux du type W appartiennent à deux sous-types différents : l’un comporte un anneau et une boucle dont les fenêtres analogues disposées de part et d’autre d’un corps central se trouvent dans des plans angulairement très proches (et que par extension on qualifiera de même plan) (sous-type W1), l’autre comporte deux anneaux à fenêtres analogues opposées se situant dans des plans perpendiculaires (sous-type W2). Notons qu’il existe des objets constitués de deux « fenêtres » opposées d’un genre différent. Une découverte hors contexte à Marchwood dans le Hampshire, en Angleterre l’illustre : l’artefact est constitué d’un long anneau ovale traversant la petite « fenêtre » ovale de deux individus de type W. Cette ouverture est pratiquée à une extrémité d’un corps, plat ou de section ovoïde, terminé à l’autre extrémité par un anneau semi-ovale. Un ardillon factice traverse en partie la fenêtre d’un de ces deux individus2741. Type W1 : Anneau-boucle à fenêtres analogues opposées sur le même plan (fig. 261, n° 1) Bouches-du-Rhône  16 boulevard de la République, Aix-en-Provence : n° 4, contexte d’Époque moderne. Cet objet en alliage à base de cuivre est composé d’un corps plat prolongé à chaque extrémité par un anneau à fenêtre ovale dont la traverse distale présente une excroissance triangulaire. Une des excroissances est entaillée par une encoche obtenue par la fonte. Elle recevait un ardillon en fer dont il reste encore un fragment. Ainsi que l’illustrent les objets de comparaison tirés de la bibliographie, les deux petites ouvertures circulaires du corps plat 2740 Artefact entier, Boucle : L x l = 2,7 x 4,1 cm, Chape : L x l = 3 x 3,7 cm (Beavitt et al. 1993, p. 444, fig. 11, n° 5). 2741 Pièces entières, L assemblage = 10,2 cm (Collins 2009, fig. 2b). 558 3. Approche croisée du mobilier archéologique permettaient le passage de rivets. Les artefacts de type W1 comportent donc d’un côté une boucle et de l’autre un anneau. Les anneaux-boucles de type W1 n’ont été reconnus dans la bibliographie étudiée qu’en trois circonstances et proviennent d’endroits éloignés les uns des autres : un spécimen en alliage cuivreux est issu du castell del Far (XIIIe - première moitié XVe siècle) à Llinars del Vallès dans la province de Barcelone2742, un autre en fer provient du château de Grigny (fin XIIe - début XIIIe siècle à 1640) dans le Pas-de-Calais2743, huit autres dont sept en fer – la plupart avec traces d’étamage – ont été mis au jour sur les sites de Swan Lane et de Billingsgate lorry Park à Londres, dans des contextes datés vers 1270 - vers 1350 et de la seconde moitié du XIVe siècle2744. Six des exemplaires en fer ont des fenêtres ovales ou semiovales au cadre régulier, l’un d’eux arbore une encoche distale. Un autre individu n’est pas achevé, le contour des traverses distales est irrégulier et les trois perforations du corps plat n’ont pas été réalisées : elles ont été marquées au poinçon depuis l’une des faces. Une encoche distale est visible sur l’individu du Nord de la France et la pièce espagnole, couverte de dorure. Ceux-ci ainsi qu’un des objets en fer et celui en alliage cuivreux de Londres comportent une traverse distale à barre. Le corps plat des accessoires de type W1 compte deux ou trois ouvertures circulaires, l’une pour l’ardillon, l’autre ou les autres pour le rivetage. L’anneau est parfois relevé comme sur l’exemplaire provençal. Un artefact londonien fragmentaire étamé daté vers 1270 - vers 1350, à fenêtre ovale allongée avec une encoche distale, se distingue par la présence d’un rivet intégré en lieu et place du rivet traversant2745. Ces anneaux-boucles semblent avoir servi à connecter deux courroies en étant fixés à une troisième par rivetage. Un emploi dans la fixation du fourreau d’une arme paraît plausible. Une production durant le XIVe siècle est attestée mais un emploi légèrement antérieur ou postérieur ne peut être rejeté. Type W2 : Anneau de liaison à fenêtres analogues opposées perpendiculaires (fig. 261, n° 2) Vaucluse 2742 Objet entier, L totale x l = 7,6 x 3,6 cm (Monreal et Barrachina 1983, p. 271, fig. 128, m 1220). Individu entier, L totale x l = 4,1 x 1,8 cm (Dilly et al. 1999, p. 126). 2744 Trois exemplaires complets, trois entiers, un fragmentaire, un inachevé, L totale x l = entre 4,7 x 1,7 cm et 6,4 x 2,5 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², n° 488, 490 à 496). 2745 Spécimen fragmentaire, L cons. x l = 3 x 1,4 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², n° 489). 2743 559 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 999, deuxième moitié XIVe siècle. Cette pièce dorée comporte deux anneaux ovales transversaux reliés par un corps de section circulaire décoré d’une rainure. Un objet doré à fenêtres circulaires et corps quadrangulaire massif fut trouvé au castell del Far (XIIIe - première moitié XVe siècle) à Llinars del Vallès dans la province de Barcelone2746. Une attache de bride ou d’attelage passe au travers d’un des anneaux. Une utilisation dans le costume militaire ne peut être totalement écartée. Anneaux et boucles de type indéterminé (fig. 263 et 264) L’intégrité des anneaux et boucles en alliage cuivreux dont il est ici présenté les plus significatifs n’est pas suffisante pour permettre une identification précise du type. Certains objets ne sont peut-être pas non plus des anneaux et boucles : la question est ainsi posée pour différents fragments (fig. 263, n° 1 à 4). Pour d’autres, l’absence d’une partie importante du cadre ou l’état de minéralisation, bien que certaines caractéristiques telles que la présence d’un ergot distal (fig. 264, n° 1 à 3) ou d’un décor mouluré (fig. 263, n° 5) ou incisé (fig. 264, n° 9) soient visibles, ne permet pas le classement. Dans le cas des pièces à ergot distal, le cadre comportait-il par exemple des talons externes, des ergots proximaux ? Pour d’autres, la traverse distale comportait-elle des moulures, était-elle élargie ? Pour quelques objets à double fenêtre (fig. 264, n° 13 et 17), quelle était la configuration de la fenêtre manquante ? Parmi les fragments d’anneaux et boucles composites (fig. 264, n° 12, 14 à 16), un artefact découvert à Fréjus (fig. 264, n° 12) possède des particularités notables. Il ne reste du cadre de la boucle que la traverse proximale et les extrémités de la traverse distale qu’elle traverse. Les extrémités étaient recouvertes par des cupules dont il n’en reste qu’une en place. Cette particularité se retrouve sur des pièces de type F4a (fig. 208, n° 1, 5, 7). La traverse proximale traverse la chape de type D2 obtenue par la fonte grâce à une ouverture pratiquée transversalement. La partie distale est échancrée pour recevoir l’ardillon, lequel prend la forme d'une tige qui au sortir de l'échancrure de la chape s'élargit et s'épaissit. Quatre rainures issues de fonte ornent l’avers de la chape. Un pan incliné fait la jonction avec la partie proximale. La bordure de cette zone est arrondie sur l’avers. Un rivet intégré assurait l’attache sur une courroie de tissu ou de cuir. 2746 Exemplaire entier, dimensions inconnues (Monreal et Barrachina 1983, p. 260, fig. 127, m. 1287). 560 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.1.3.3. Les ardillons La configuration des ardillons n’est pas particulièrement diversifiée et n’a pas ou peu évolué au cours de la période d’étude. L’identification des techniques de fabrication est loin d’être toujours aisée pour les ardillons en alliage cuivreux (ex : fig. 265, n° 3 à 21) au contraire de ceux en fer, souvent confectionnés par déformation plastique au marteau (ex : fig. 266, n° 1 à 5). Dans quelques cas, l’ardillon est obtenu avec du fil de fer ou d’alliage cuivreux de section circulaire simplement coupé (ex : fig. 265, n° 1 et 2), ou une tôle en alliage cuivreux (ex : fig. 265, n° 15 à 21). Peut-être a-t-il été parfois employé du fil de filière de section quadrangulaire, mais cela ne peut être prouvé sans analyse métallographique. Des valves de moules en pierre mis au jour à Magdebourg dans le land de Saxe-Anhalt en Allemagne attestent d’une production par la fonte d’ardillons très spécifiques pour des fermaux2747. Une découverte de grand intérêt a été faite récemment sur le site de l’Académie à Perpignan : quatre ardillons de section quadrangulaire de petite taille (2,5 à 2,6 cm de long) ont été retrouvés liés les uns aux autres et non ébarbés2748. Ils prouvent à l’évidence la possibilité de fabriquer des ardillons par la fonte pour des boucles et non pour des fermaux. En effet, leur forme ne se rencontre pas sur les fermaux. L’analyse des ardillons établit que le type utilisé peut varier selon les types de boucles. Les traverses-ardillons, par exemple, sont spécifiques aux boucles de type Q9. Pour cette raison, il n’en est pas fait de commentaire ici. Pour quelques modèles de boucles, le seul type d’ardillon employé est en fil de section circulaire ou quadrangulaire arrondi. C’est le cas pour les bouclettes circulaires en alliage cuivreux (type B1) pour lesquelles il est en alliage cuivreux (fig. 135, n° 1 à 11), exceptionnellement en fer (fig. 135, n° 12). L’ardillon des bouclettes circulaires en fer (type B2, fig. 135, n° 14 à 28) est toujours en fil de fer tout comme celui des boucles circulaires en matériau blanc (type B5, fig. 140, n° 1 à 4). L’ardillon en fil est le seul à être utilisé pour les boucles des types B12 (fig. 142, n° 11 et 12) et F4a (fig. 207, n° 7 à 9 ; fig. 208, n° 1 à 9), celles-ci comportant régulièrement une chape de type B adaptée à la morphologie de l’ardillon. Quoique son usage ne soit plus exclusif, il est encore fréquent sur les pièces des types E (fig. 201, n° 5, 12 ; fig. 202, n° 7 et 10 ; fig. 203, n° 3, 10, 11, 13), S (fig. 255, n° 7, 10, 13) et T (fig. 257, n° 6 et 8) même si pour nombre de 2747 2748 Berger 2006. Étude en cours par l’auteur. La datation du contexte stratigraphique n’est pas encore connue. 561 3. Approche croisée du mobilier archéologique boucles il n’a pas été conservé. L’aspect circulaire de la perforation dans la chape intégrée de la plupart des boucles de type S et T – même si elle peut être occupée par un ardillon travaillé au marteau (fig. 256, n° 9 et 10) – et les éléments de comparaison déjà signalés lors de l’étude typologique appuient ces observations. Dans le corpus provençal comme dans la bibliographie, un ardillon en fil en alliage à base de cuivre est présent sur quelques spécimens de boucles cuivreuses des types B10 (fig. 141, n° 4), C5a (fig. 181, n° 3), C7 (fig. 182, n° 7), D1 (fig. 186, n° 4 et 7), D3 (fig. 198, n° 6), E2c (fig. 202, n° 10) et P1a (fig. 246, n° 8). Ces attestations sont anecdotiques, l’ardillon étant presque toujours confectionné dans une tôle ou dans une tige martelée. Il n’est pas rare qu’une boucle en alliage cuivreux comporte un ardillon en fer. Ceci est particulièrement courant dans le corpus comme dans la bibliographie pour les boucles des types N1 (fig. 232, n° 4), N2a (fig. 232, n° 6 à 10), N2c (fig. 232, n° 16), N2d (fig. 232, n° 21), N3a (fig. 233, n° 9 à 11), O3g (fig. 237, n° 9), P5a à P5c (fig. 248, n° 6 à 8, 10, 11, 13) et Q5 (fig. 249, n° 8 à 10). Parmi les autres types du corpus où les ardillons en fer sont moins fréquents, les boucles des types C8a (fig. 183, n° 7, 8, 12) et E1b (fig. 202, n° 1 à 3) sont les plus concernées. La mise en place d’un ardillon en alliage cuivreux sur une boucle en fer n’est illustrée que par un objet dont le nœud retient un fragment de traverse (fig. 265, n° 9). L’extrémité des ardillons travaillés par déformation au marteau est parfois recourbée (fig. 141, n° 17 ; fig. 142, n° 10, fig. 212, n° 1). Cette caractéristique est particulièrement courante au haut Moyen Âge2749 et devient beaucoup moins fréquente à mesure que l’on s’avance dans la période d’étude. La pointe de trois spécimens (fig. 265, n° 6 et 7) dont un est encore en place sur une boucle de type B3 (fig. 137, n° 4) est « creusée » d’une concavité qui permet une parfaite adaptation au profil du cadre. Des ardillons en tôle, peut-être spécifiques aux boucles de type B3, présentent un épaississement du bout de la tige (fig. 138, n° 4 à 6 ; fig. 265, n° 20 et 21). L’un d’eux présente une très petite dépression irrégulière à l’avers (fig. 265, n° 21). La même chose s’observe au revers d’un autre ardillon (fig. 265, n° 14). Il semble que cette caractéristique soit liée à un martelage latéral de chaque côté de la tige qui a déjeté la matière et provoqué un bourrelet sur les bords. Les ardillons comportent éventuellement des éléments décoratifs sous la forme d’incisions, de cannelures, de moulures, d’impressions. Pour la période d’étude, les ardillons 2749 Se reporter par exemple à Stutz 2003 (pl. 1 à 56) et à Aubourg et Josset 2003 (p. 210, n° 113 à 116). 562 3. Approche croisée du mobilier archéologique décorés ne sont pas spécifiques à un ou plusieurs types de boucles hormis les ardillons ornés d’une croix de saint André qui ne se rencontrent que sur des boucles de type B3 (fig. 138). L’étude de ces ardillons particuliers est donc faite lors de l’analyse de ces boucles. Il n’est traité ci-après que des décors présents sur les ardillons du corpus, décors pour lesquels il est également signalé des éléments de comparaison relevés dans la bibliographie. Aucune mention ne sera faite des autres types de décors existants. Les ardillons avec dépression(s) transversale(s) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 678, comblement de fosse, XIVe XVIe siècle, n° 1198, H.S. Bouches-du-Rhône  Site inconnu, Eyguières : n° 1, H.S.  Puget III, Marseille : n° 28, comblement de tranchée de fondation de mur, XIIe – début XIIIe siècle.  Quartier Sainte-Barbe, Marseille : n° 156, second quart - milieu XIVe siècle. Gard  Cloître, Saint-Gilles-du-Gard : n° 2010-9, sépulture masculine, XIIe - milieu XVIIe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 618, foyer, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 406, comblement structurel du four, vers 1345 - vers 1360. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1133, seconde moitié XIVe siècle.  Rue Carreterie, Avignon : n° 314, datation inconnue. La plupart de ces ardillons arborent une ou plusieurs rainures transversales à l’axe de l’ardillon à la jonction du nœud et de la tige ou dans la première moitié de la tige (fig. 266, n° 8 et 13)2750. Le mode d’obtention de ces rainures est difficile à appréhender : elles ont pu 2750 France, Gers : ardillon isolé avec deux incisions et ardillon isolé doré avec « plusieurs » incisions, village médiéval de Corné, L’Isle-Bouzon (Lassure 1995, p. 519, fig. 416, n° 5 ; fig. 419, n° 7) ; Isère : ardillon isolé avec deux incisions, remplissage d’une sépulture de la seconde moitié du Ve siècle, église Saint-Laurent, Grenoble (Colardelle 1999, t. 2, p. 45 ; Colardelle 2008, p. 138-139). 563 3. Approche croisée du mobilier archéologique être obtenues directement par la fonte, à coups de lime ou avec un ciseau percuté. Une unique rainure est visible au début de la tige en alliage cuivreux de l’ardillon d’une boucle de même composition de type F2a (fig. 205, n° 12). Les rainures sont au nombre de deux pour des pièces en alliage cuivreux disposées sur des boucles de même matériau des types B3 (fig. 137, n° 2), C5a (fig. 181, n° 6), E4c2751, F2a (fig. 205, n° 10), F92752, Q22753, au nombre de trois sur l’ardillon de boucles des types B3 (fig. 137, n° 7) et C6a2754 et sur l’ardillon de fermaux en or2755, au nombre de quatre avec des boucles des types B32756 et D3 (fig. 198, n° 8), au nombre de quatre et disposées sur un massif pour une boucle de type B32757. Un individu arbore trois dépressions réalisées sur un épaississement de l’ardillon séparé du nœud par un gradin (fig. 137, n° 5). Plusieurs ardillons isolés mis au jour au château de Peyrepertuse (N.D.S.) à Duilhacsous-Peyrepertuse dans l’Aude comportent deux dépressions espacées l’une de l’autre dans la première moitié de la tige2758. Ce type de décor est également visible sur les ardillons d’une boucle de type Q2 trouvée au château de Montségur (N.D.S.) dans l’Ariège2759 et d’une boucle de type F2a issue du même site. Les dépressions y sont au nombre de trois pour ce dernier objet2760 comme sur un ardillon découvert (H.S.) au château de Castelo Branco dans le district du même nom au Portugal2761. Un ardillon de boucle de type B3 se distingue des ardillons étudiés précédemment par la présence d’une unique dépression à proximité de la pointe (fig. 137, n° 6). Portugal, district de Castelo Branco : ardillon avec une incision, H.S., château, Castelo Branco (Boavida 2011, p. 18). 2751 Royaume-Uni, Grand Londres : pièce complète, vers 1150 - vers 1200 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 76, n° 312). 2752 Suisse, canton de Genève : boucle complète, remblais funéraires, église Saint-Georges, Hermance (Bonnet 1973, p. 91). 2753 France, Aude : objet complet, H.S., abri près de la Grotte de l’Œil, Puilaurens (Sacchi et Barrère 2006, p. 119, 122). 2754 Royaume-Uni, Southampton : boucle complète, première moitié XIVe siècle, High Street C, Southampton (Harvey et al. 1975, p. 257, fig. 241, n° 1746). 2755 Deux fermaux en or, l’un appartenant au trésor de Colmar et attribué au deuxième quart du XIVe siècle, l’autre à la collection du Metropolitan museum of Art de New York et daté des années 1340 1349, comportent trois rainures probablement obtenues par impression (Descatoire (dir.) 2007, p. 69 et 71, n° 29 et 33). 2756 Italie, province de Verceil : spécimen complet, fin Xe - XIe siècle, église San Michele, Trino (Lebole di Gangi 1999, p. 409). 2757 Royaume-Uni, Hampshire : boucle complète, d = 4,6 cm, seconde moitié XIVe - première moitié e XV siècle, Cathedral Green (Hinton 1990f, p. 524, n° 1245). 2758 Deux exemplaires entiers et un possible fragment, N.D.S. (Barrère 2000, p. 222, fig. 147, n° 13, 14 et 15). 2759 Boucle complète (Czeski 1990, p. 392). 2760 Pièce complète (Czeski 1981, p. 197 ; Archéologie 1990, p. 209, n° 396). 2761 Ardillon entier (Boavida 2011, p. 18). 564 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les ardillons avec dépression(s) diverse(s) Vaucluse  Rue Carreterie, Avignon : n° 113 et 298, datation inconnue.  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-160, datation inconnue. Le décor présent sur les ardillons ne consiste pas toujours en dépressions transversales. L’ardillon de boucles des types B3 (fig. 137, n° 1) et C2b2762 arbore ainsi des incisions disposées en zigzags. Un ardillon isolé du corpus comporte une spirale enroulée autour de sa tige (fig. 266, n° 14). Un autre ardillon ramassé sur le site du village médiéval de Corné (vers 1170 - vers 1266) à L’Isle-Bouzon dans le Gers présente deux petites dépressions sur un épaississement de la tige mis en exergue par des gradins2763. Le site de la rue de la Carreterie à Avignon a fourni un ardillon décoré au moyen d’une lime ainsi que le montrent les traces laissées par l’outil : le motif est constitué d’un losange en épargne encadré par deux lignes creuses et de deux triangles allongés (fig. 266, n° 15). Quatre paires de triangles, probablement obtenus par limage, sont visibles sur l’ardillon en tôle d’une boucle de type D3 issu de débris de destruction de seconde moitié XVe - première moitié XVIe siècle de la maison fortifiée d’East Haddlesey à Knottingley dans le Yorkshire du Nord au RoyaumeUni2764. Les ardillons avec cannelure(s) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 766 A, tranchée de fondation de l’église du XIIIe siècle. Bouches-du-Rhône  16 boulevard de la République, Aix-en-Provence : n° 1, contexte moderne.  Notre-Dame-de-la-Seds, Aix-en-Provence : n° 4, fin XIIe - XIVe siècle ? 2762 France, Landes : boucle complète ramassée en prospection, quartier de Bézaudin, Arengosse (Barrouquère et al. 2003, p. 140, fig. 12, E). 2763 Ardillon entier (Lassure 1995, p. 519, fig. 416, n° 6). 2764 Boucle complète (Goodall 1973, p. 93, fig. 36, n° 15). 565 3. Approche croisée du mobilier archéologique Var  Sous-ville, Correns : n° 1, H.S.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 288, couche de dépotoir, n° 610, sol d’occupation extérieure, milieu XIIIe siècle - vers 1285 ; n° 2094, couche de dépotoir, vers 1345 - vers 1360 ; n° 1538, sol de bâtiment, vers 1360 – vers 1370/1375 ; n° 809, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420.  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 93-42. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 250, deuxième tiers XIVe siècle ; n° 1217, troisième tiers XIVe siècle ; n° 349, dernier quart XIVe siècle ; n° 1123, 1154, n° 1289, H.S. Les ardillons avec une seule cannelure (fig. 266, n° 9 et 10)2765 à l’amorce de la tige se retrouvent sur des boucles en alliage cuivreux des types B3 (fig. 137, n° 4)2766, B11 (fig. 142, n° 1 et 10)2767, C2a2768, C6a2769, D22770, D32771, d’une variante du type E32772, sur des pièces 2765 France, Aude : ardillon entier, N.D.S., château de Peyrepertuse (N.D.S.), Duilhac-sousPeyrepertuse (Barrère 2000, p. 223, fig. 147, n° 20) ; ardillon entier, N.D.S., castrum de Cabaret, Lastours (Barrère 1999, p. 823, fig. 1, n° 8). Royaume-Uni, Worcestershire : ardillon entier, seconde moitié XIIe - première moitié XIVe siècle, ardillon entier, seconde moitié XIVe - première moitié XVe siècle, Bordesley abbey, Redditch (Astill 1993a, p. 194, 196, fig. 89, n° CA 263 et 125) ; Lincolnshire : ardillon fragmentaire, H.S., habitat médiéval, Goltho (Goodall et al. 1975, p. 93, fig. 43, n° 17). 2766 France, Calvados ou Seine-Maritime : boucle complète, site précis inconnu (Vivre au Moyen Âge 2002, p. 211, notice 186-187). Italie, province de Reggio Calabria : boucle complète, ossuaire, début XVe - fin XVIIIe siècle, Santa Maria del Mastro, Gerace (Lebole di Gangi 1993, p. 468). Royaume-Uni, Southampton : boucle complète, seconde moitié du XIVe siècle, Cuckoo Lane D, Southampton (Harvey et al. 1975, p. 260, fig. 242, n° 1776) ; Yorkshire du Nord : exemplaire complet, seconde moitié XVe - première moitié XVIe siècle, village médiéval de Wharram (Goodall 1979a, p. 108). 2767 Royaume-Uni, Wigtownshire : boucle complète, H.S., Genoch, Glenluce (Jope et al. 1959, p. 269, fig. 95, n° 1). 2768 Royaume-Uni, Grand Londres : pièce complète, vers 1350 - vers 1400 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 90, n° 391). 2769 France, Indre-et-Loire : pièce complète, sépulture (objet en place), XVIe - XVIIIe siècle, cimetière de l’église de Rigny, Rigny-Ussé (Poirot et al. 1992, p. 159). 2770 France, Aude : spécimen complet, N.D.S., castrum de Cabaret, Lastours (Barrère 1999, p. 823, fig. 1, n° 5). 2771 Royaume-Uni, Grand Londres : boucle complète, vers 1150 - vers 1200 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 74, n° 303). 2772 Royaume-Uni, Grand Londres : pièce complète, vers 1200 - vers 1230 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 74, n° 313). 566 3. Approche croisée du mobilier archéologique des types F2a (fig. 205, n° 7 et 11)2773, O1d2774, P1e (fig. 247, n° 5), S3a (fig. 256, n° 2 et 3), Q à traverse distale à barre2775, U (fig. 258, n° 1)2776 et sur des boucles en fer de type B4 (fig. 139, n° 1) et C1b (fig. 179, n° 5). L’ardillon des fermaux peut comporter une unique cannelure2777. Deux cannelures sont visibles sur l’ardillon d’une boucle de type E5 (fig. 204, n° 6), trois sur celui de boucles des types P2778, P1a2779 et P1e (fig. 247, n° 3) et cinq sur un ardillon isolé (fig. 266, n° 12). Les quatre cannelures d’un ardillon italien sont disposées sur un épaississement de la tige mis en valeur par un gradin du côté du nœud2780. Un ardillon isolé avec cannelure au milieu de la tige a été découvert sur le site du village médiéval de Corné à L’Isle-Bouzon dans le Gers2781. Les ardillons avec massif(s) Var  Place Formigé, Fréjus : n° 8, remblai funéraire, fin XIIe siècle - 1748. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1123, H.S.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 587, sol de maison, fin XIIIe siècle - vers 1265. La morphologie des trois ardillons en alliage cuivreux regroupés ici est assez diversifiée. L’objet du site du jardin ouest du Petit Palais d’Avignon comporte un massif quadrangulaire à l’amorce de sa tige (fig. 266, n° 11). Deux petits massifs rectangulaires sont 2773 France, Landes : boucle complète, H.S., quartier de Bézaudin, Arengosse (Barrouquère et al. 2003, p. 140, fig. 12, F). 2774 Royaume-Uni, Hampshire : boucle complète, sépulture, première moitié - milieu XIVe siècle, Cathédral Green, Winchester (Hinton 1990f, p. 517, n° 1152). 2775 France, Gers : objet complet, vers 1170 - vers 1250, Corné, L’Isle-Bouzon (Lassure 1995, p. 514, fig. 411, n° 1 ; fig. 413, n° 1). 2776 Royaume-Uni : boucle complète conservée à l’Ashmolean Museum (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 79). 2777 Objet en or daté typologiquement de la première moitié du XIVe siècle, conservé au Musée national du Moyen Âge (Descatoire (dir.) 2007, p. 73, n° 35) ; pièce en or du trésor de Münster attribuée à la première moitié du XIVe siècle (Tegethoff 2002, p. 18, n° 17). 2778 Grand Londres : boucle complète, première moitié XVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 99, n° 458). 2779 Royaume-Uni, Grand Londres : pièce complète, vers 1400 - vers 1450 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 100, n° 458). 2780 Italie, province de Rome : ardillon entier seconde moitié XIVe - début XVe siècle, Crypta Balbi, Rome (Sfligiotti 1990, p. 544). 2781 Ardillon entier (Lassure 1995, p. 520, fig. 416, n° 8). 567 3. Approche croisée du mobilier archéologique espacés au début de la tige d’un ardillon appartenant à une boucle de type B3 issue des remblais funéraires de l’église Saint-Georges à Hermance dans le canton de Genève en Suisse2782. La tige de l’ardillon d’une boucle de type U du corpus (fig. 258, n° 1), déjà mentionné de par la présence d’une cannelure, possède un élargissement de la première moitié de la tige. Il rappelle celui d’un ardillon en fer sur une boucle en fer de type J1b trouvée dans un contexte des IXe - Xe siècles sur le site de la maison de la Magie à Blois en Loir-et-Cher2783. L’ardillon en forme de croix du corpus (fig. 266, n° 7) connaît deux parallèles à nœud ouvert : un exemplaire disposé sur une boucle de type C8a, datée de la seconde moitié du XIVe siècle, mise au jour lors de fouilles rue Mongat à Douai dans le Nord2784 ; un objet isolé provenant d’un niveau de seconde moitié XIIIe - première moitié XIVe siècle du site de Brook street à Winchester dans le Hampshire2785. Autres ardillons décorés Bouches-du-Rhône  Quartier Sainte-Barbe, Marseille : n° 858, milieu/seconde moitié XIIIe - fin XIIIe/début XIVe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 353, N.D.S. L’ardillon d’une boucle marseillaise de type F5 (fig. 209, n° 6), dorée, comporte une ligne creuse régulière à l’avers sur toute la longueur de sa tige. Un fragment de fil est enroulé autour d’une moitié de la circonférence de l’ardillon d’une boucle avignonnaise de type F3a (fig. 206, n° 8). 3.1.3.4. Synthèse L’étude typologique a mis en évidence la très grande diversité des anneaux et boucles du corpus. Ils ont en effet été regroupés en 172 types. Ce nombre, intimement lié aux choix 2782 Boucle complète (Bonnet 1973, p. 90) Objet complet (Aubourg et Josset 2003, p. 210, n° 111). 2784 Boucle complète (Louis et al. 1998, p. 64, n° 6). 2785 Ardillon entier (Hinton 1990d, p. 517, n° 1146). 2783 568 3. Approche croisée du mobilier archéologique opérés pour le classement typologique, aurait pu être légèrement augmenté si la documentation archéologique avait permis une approche plus complète des types D2 et D3. Le nombre d’objets du corpus et d’éléments de comparaison par type ainsi que la qualité des contextes et des datations stratigraphiques peuvent limiter la portée des hypothèses de datation typologique proposées. Par conséquent, les datations proposées dans la figure 267 sont pour certaines typologiques, lorsque les données sont suffisamment nombreuses et fiables, pour d’autres, elles ne sont que la figuration graphique des dates d’attestation des objets des types concernés, une fois ôtées les pièces que nous supposons en position résiduelle. Il faut également compter avec l’imprécision relative des datations fondées sur l’étude de la céramique. Nous avons élaboré plusieurs figures (fig. 268 à 270) pour faciliter l’analyse de l’évolution typologique. Du fait des limites qui viennent d’être évoquées, les données présentées dans ces tableaux doivent être considérées comme des ordres de grandeur. Les figures 268 et 270 ont été établies à partir des données fournies par le tableau récapitulatif de la figure 267. Elles indiquent, pour chaque demi-siècle et en fonction du paramètre choisi – matériaux ou type(s) d’objets – le nombre total de types et sous-types pour lesquels une datation très probable ou probable d’objets est associée à ce demi-siècle. Le comptage s’est effectué de la manière suivante : si l’intervalle de temps est inférieur au quart de siècle, il n’est pas pris en compte pour le demi-siècle correspondant (ex : première moitié XIVe siècle, type E2c), si le type ou le sous-type est attesté à l’heure actuelle sur moins d’un demi-siècle, il est attribué au demi-siècle sur lequel il s’étend le plus (ex : seconde moitié XIVe siècle, type H2b). Les données disponibles pour les périodes antérieures (avant 1000) et postérieures (après 1600) à la période d’étude ne sont pas représentatives de la diversité des anneaux et boucles de ces époques. Elles illustrent seulement l’antériorité ou la perduration des types connus en Provence pour la période étudiée. Dans le tableau 270, les types ayant des caractéristiques morphologiques communes (ex : types A et B) ou proches (ex : types E et F) et des datations typologiques globalement semblables ont été rassemblés. D’autre part, des types peu fréquents ont été associés (ex : types L et M) ou réunis avec d’autres (ex : type R avec le type Q) plus courants en prenant la précaution de vérifier que ces associations ne modifiaient pas les conclusions qui pouvaient être tirées de l’analyse de chaque type. L’objectif est de parvenir à un seuil à partir duquel les chiffres prennent du sens et où une vision globalisée permet de comprendre l’évolution de la fréquence des types étudiés au cours du temps. 569 3. Approche croisée du mobilier archéologique Concernant la figure 269, il a été un temps envisagé d’y intégrer un indice proposant un coefficient de diversité typologique : nombre d’objets/nombre de sous-types. Il s’est avéré que les choix typologiques réalisés au cours de l’étude et notamment la constitution ou non de sous-types selon le nombre d’éléments du corpus et d’éléments de comparaison et la qualité de leur datation stratigraphique ont un trop grand impact sur les résultats. Cette idée a donc été abandonnée. Les anneaux et boucles en alliage cuivreux représentent un peu moins des trois quarts des pièces du corpus (fig. 269). Une augmentation importante de la diversité typologique de ces objets se constate au cours du XIIIe siècle (fig. 268) – les prémisses s’en perçoivent durant la seconde moitié ou la fin du XIIe siècle – mais elle est particulièrement impressionnante au début du XIVe siècle puisque la diversité typologique est dix fois plus forte qu’au XIIe siècle et trois à quatre fois plus élevée qu’au XIIIe siècle. La variété diminue tout aussi brusquement au XVe siècle qu’elle avait augmenté au XIIIe siècle. Des données archéologiques et bibliographiques laissent penser que l’appauvrissement typologique ne s’inverse vraisemblablement qu’au milieu du XVIIe siècle2786. Le mouvement constaté pour les anneaux et boucles en alliage cuivreux est bien plus atténué pour les objets en fer. Ces derniers représentent un peu moins du quart du corpus et leur diversité typologique est beaucoup moins importante. Ce dernier point s’explique sans doute par une moindre utilisation des anneaux et boucles en fer dans le costume, emploi qui occasionne le plus de diversité morphologique de par ses impératifs décoratifs. A contrario, le harnachement pour lequel sont employés beaucoup de ces objets demande principalement des pièces aux formes fonctionnelles. Il n’y a pas de nécessité à ce que leur aspect évolue : les anneaux et boucles en fer des types A, B et C correspondent à une écrasante majorité des 2786 De nouvelles formes de boucles à double fenêtre apparaissent au milieu du XVIIe siècle. Elles sont employées à la ceinture, sur les chaussures, au col, au chapeau. Elles perdurent jusque vers les années 1830 (se reporter à Doré 2008). À Marseille, des pièces ont été trouvées dans un niveau du début du XVIIIe siècle sur le site de la place du Général de Gaule (Suviéri 1998, p. 46 ; Suviéri et De Boisséson 2001, p. 223), dans des remblais datés vers 1750 du site de l’Alcazar, en contexte intrusif dans un remblai des Ve - VIe siècles de la Place des Pistoles, dans un dépôt de latrine de la fin du XVIIe siècle sur le site de la place Villeneuve-Bargemon, dans un remblai d’installation de sépultures daté de 1720 du site de l’Esplanade de la Major (Thuaudet et Chazottes 2014, p. 303-304) ou hors contexte dans le port de Pomègues (Goury 1994, p. 45, 48). D’autres exemplaires proviennent du comblement d’une fosse à la fin du XVIIe ou au début du XVIIIe siècle dans une cave et dans un remblai de cave des XVIe - XVIIIe siècles à Jouques dans les Bouches-du-Rhône (Meyer 1987, p. 41 ; Meyer 2006, p. 79), d’un remblai des XVIIIe - XIXe siècles du château de Vernègues dans les Bouches-du-Rhône (Scmit 2001, p. 19), du site d’une verrerie des XVIe - XVIIIe siècles au lieu-dit Roquefeuille à Pourrières dans le Var (Foy et al. 1984, fig. 40 à 48), du site de la Vice-Gérence (N.D.S.) à Avignon (Keyser 1992, p. 87). 570 3. Approche croisée du mobilier archéologique pièces en fer du corpus. Le plus faible nombre d’anneaux et boucles en fer dans le corpus s’explique sans doute en partie par une fréquence évidemment moindre des équidés par rapport à la population humaine. Les phénomènes de recyclage du métal peuvent aussi être évoqués, mais les alliages cuivreux étant autant concernés que le fer, cette piste ne peut fournir, a priori, d’explication. Les objets en matériau blanc et en os sont connus chacun par un peu plus d’une vingtaine d’exemplaires (fig. 269). Plus que pour le fer et le cuivre et ses alliage, leur distribution est très variable au sein des types. D’après les données archéologiques, les anneaux et boucles en matériau blanc semblent avoir été prioritairement employés dans la fixation de la chaussure. Leur apparition et leur développement semble coïncider avec celui de la fixation des chaussures au moyen de boucles. Leur disparition presque complète après le début du XVIe siècle s’explique probablement par leur remplacement par des exemplaires en alliage cuivreux puisque cette fonction ne va pas cesser de se populariser et devient un enjeu important de la mode du milieu du XVIIe siècle au début du XIXe siècle2787. Les anneaux et boucles en os sont peu fréquents tout autant du point de vue de la diversité typologique que du nombre. Les exemplaires semi-luxueux de type V2 trouvés sur le site du Collège Mignet à Aix-en-Provence étaient très vraisemblablement portés par des moniales. La plupart des accessoires du corpus en alliage cuivreux ont été fabriqués par la fonte, procédé qui permet une fabrication rapide et en quantité importante, ce qui est une des explications à leur fréquence élevée. Le résultat de la fonte n’est pas toujours de grande qualité, et même sur les pièces les plus « décoratives » il n’a pas toujours semblé nécessaire aux artisans de faire disparaître la retouche par limage, de temps à autre très apparent. Le travail par déformation plastique du fer est plutôt coûteux en temps et le résultat est moins esthétique qu’avec les alliages cuivreux. Toutefois, le matériau est d’un prix moins élevé2788. Le coût et la facilité de fabrication ne sont pas seuls à entrer en ligne de compte puisque un peu plus d’une soixantaine d’anneaux et de boucles composites en alliage cuivreux ont été étudiés dans le corpus. Les procédés de fabrication sont parfois relativement complexes mais le rendu particulier de ces objets semble avoir eu du succès. Nous discuterons à nouveau de ce point avant la synthèse générale du chapitre, après l’étude des chapes et des mordants. L’apparence visuelle est un point important : moulures issues de la fonte, gravure, poinçonnage, dorure, étamage ou argenture, émaillage contribuent avec la couleur même du 2787 2788 Allemagne 1928, t. 1, p. 47-50, Whitehead 2003, Doré 2008. Se reporter au chapitre 2.6. 571 3. Approche croisée du mobilier archéologique matériau à l’individualisation des productions. Dans le corpus, la dorure se rencontre presque exclusivement sur des artefacts en alliage cuivreux – la seule exception est une boucle en fer de type N3b (fig. 234, n° 1) – des types B à W avec une préférence assez marquée pour les sous-types B11 et F2a et le type S. Seize des vingt-sept pièces portant des traces de dorure appartiennent à ces types. La dorure devait pratiquement être la norme dans les ateliers de production de ces objets si l’on prend en compte que cette couverte a vraisemblablement disparu dans de nombreux cas. Cette hypothèse est d’autant plus probable que des analyses de composition réalisées sur des accessoires du costume du site du castrum Saint-Jean à Rougiers ont révélé d’une part, que la dorure n’est présente que sur des objets en cuivre non allié, d’autre part, que les artefacts en cuivre non allié sont également connus dans d’autres alliages à base de cuivre2789. La composition des autres artefacts en alliage cuivreux provenant de ce site montre que le matériau a une couleur dorée qui rend l’emploi de la dorure inutile. Par contre, l’étamage et l’argenture sont attestés sur des artefacts en cuivre non allié et en alliage cuivreux. Une unique boucle en alliage cuivreux de type S1a (fig. 255, n° 4) comporte des restes d’une couverte blanche : argenture ou étamage. L’émaillage est absent du cadre des anneaux et boucles retrouvés en Provence mais était présent sur des chapes (fig. 276, n° 2 et 3). La couleur argentée des matériaux blancs peut avoir incité à les utiliser malgré leur fragilité. Des motifs gravés ou poinçonnés se rencontrent régulièrement. Pour les pièces en alliage cuivreux, les décors incisés prennent le plus souvent la forme de lignes parallèles ou disposées en éventail sur le pourtour du cadre (fig. 133, n° 11 ; fig. 198, n° 9 ; fig. 220, n° 8) ou pour marquer (fig. 186, n° 3 ; fig. 197, n° 3 ; fig. 203, n° 5 ; fig. 234, n° 9) ou encadrer (fig. 141, n° 8 ; fig. 181, n° 5 et 6 ; fig. 186, n° 1 et 2 ; fig. 198, n° 11) le repos de l’ardillon. Le motif est plus complexe pour un exemplaire de type D4a qui arbore sur sa traverse distale un ensemble de lignes disposées en zigzags dans un cadre (fig. 199, n° 7), pour un objet de type P1d dont les traverses externes sont incisées de courbes de zigzags (fig. 247, n° 2) et pour un spécimen de type Q2 comportant sur la traverse interne des zigzags entre deux lignes (fig. 249, n° 2). Un décor gravé s’observe aussi sur quelques boucles en fer : lignes (fig. 213, n° 1) ou couples de lignes (fig. 179, n° 5) sur l’ensemble de la traverse distale, couples de lignes encadrant le repos de l’ardillon (fig. 180, n° 7), quadrillage au milieu de la traverse distale (fig. 211, n° 1 et 2), incisions parallèles aux extrémités des traverses latérales (fig. 222, n° 2) ou sur la traverse distale mobile (fig. 222, n° 1). 2789 Se reporter à l’annexe 2. 572 3. Approche croisée du mobilier archéologique Le rouleau des anneaux et boucles en alliage cuivreux issus de la fonte (fig. 200, n° 4 ; fig. 204, n° 8) ou composites (fig. 207, n° 9, 12 et 13 ; fig. 208, n° 3, 4, 6, 8, 9), ou bien encore le clapet proximal (fig. 184, n° 1) et distal (fig. 209, n° 1 à 4) d’objets composites fonctionnant dans le cadre d’un système d’agrafage sont souvent porteurs d’une ornementation gravée. Le rouleau des pièces en fer est bien plus rarement décoré (fig. 221, n° 10). Des dépressions obtenues par impression s’observent sur une boucle en alliage cuivreux de type H3 (fig. 213, n° 3), sur des boucles en fer des types B9 (fig. 140, n° 10 et 14) et F1b (fig. 204, n° 11 et 14). Différents types de poinçon ont été employés pour l’ornementation des anneaux et boucles en alliage cuivreux. Le plus simple est conique (fig. 247, n° 7 ; fig. 257, n° 1), les plus complexes permettent l’obtention d’ocelles (fig. 212, n° 8 ; fig. 256, n° 2 à 4, 6), de fleurs (fig. 212, n° 10) ou de rosaces (fig. 237, n° 12). La gravure et le poinçonnage, avec l’emploi de poinçons à pointe quadrangulaire bombée ou à pointe conique, ont participé à l’élaboration d’un décor relativement complexe sur une boucle de type F5 (fig. 209, n° 6). Les motifs de gravure et d’ocelles, éventuellement associés, sont relativement courants sur les anneaux et boucles du groupe α du type D2 (fig. 187 à 195, 196) et du type F2 (fig. 205 et 206) où ils constituent parfois des motifs complexes. Ceux-ci peuvent être figuratifs pour les pièces du type D2. Les ocelles seuls apparaissent sur la traverse distale de la plupart des pièces du type S3a (fig. 256). Il n’est pas inintéressant de constater qu’une production dans le sud de la France est proposée pour ces trois types. Il est difficile de proposer une zone de production pour les anneaux et boucles car la plupart des types sont attestés sur de larges espaces géographiques. Ceci tient aux échanges commerciaux à longue distance et à la copie des objets par les autres ateliers. Toutefois, les données archéologiques permettent dans certains cas d’observer une diffusion plus restreinte de certains types d’objets. Les anneaux et boucles de type D2/D3α sont ainsi originellement produits dans le sud de la France, commercialisés en Angleterre et peut-être ensuite copiés par les ateliers locaux. Les pièces de type F2a n’ont été retrouvées que dans le sud de la France et le Nord de l’Espagne, celles de type F2b et c dans le sud de la France, celles de type F3 en Provence, en Corse et en Italie du Nord. Les boucles des types S1 et S3a à S3d sont très majoritairement localisées en Provence et quelques pièces ont été retrouvées en Ariège et en Italie. Les exemplaires de type S découverts sur le site du castrum Saint-Jean à Rougiers 573 3. Approche croisée du mobilier archéologique étaient tous en cuivre non allié2790. Les anneaux et boucles de type D2/D3α et ceux du type F pourraient bien avoir été fabriqués par les mêmes ateliers. En effet, les objets de type F2b et F2c, dont le décor offre parfois des analogies avec les artefacts de type D2/D3α, semblent être le résultat d’une évolution de la forme des boucles de type F2a. La figure 268 montre que la proportion de types d’anneaux et boucles en alliage cuivreux est inférieure à celle en fer durant les XIe - XIIe siècles. Les anneaux et boucles en fer des types A, B et C correspondent à plus de la moitié des objets en fer en usage lors de cette période dans la zone d’étude. Ce constat est semble-t-il également valable pour les VIIIe - Xe siècles d’après le peu de documentation disponible sur cette époque2791. D’une manière générale, les objets en alliage cuivreux sont relativement rares. Il y a donc eu depuis la fin de l’époque mérovingienne, durant laquelle les anneaux et boucles en alliage cuivreux étaient fréquents2792, et jusqu’au XIIe siècle, une faible utilisation des alliages cuivreux dans le costume et plus largement dans la production métallurgique. Pour autant – nous ne tiendrons pas compte des anneaux et boucles en métaux précieux, absents du corpus – les anneaux et boucles en alliage cuivreux ne paraissent pas avoir été remplacés, ou alors à petite échelle, par des exemplaires en fer. Nous avons déjà signalé l’augmentation sensible de la diversité typologique des pièces en alliage cuivreux au XIIIe siècle. Les XIe et XIIe siècles marquent en Europe de l’Ouest le début d’un essor économique qui atteint son apogée au milieu de la seconde moitié du XIIIe siècle2793 et qui se traduit entre autres par une amplification de la recherche et de l’exploitation des minerais2794. Les disponibilités en matériaux précieux et l’accroissement des richesses semblent s’être traduits dans le costume ainsi que l’illustrent une augmentation sensible du nombre de règlements somptuaires en Castille, en Provence et en Italie dans la seconde moitié du XIIIe siècle2795. L’augmentation constatée de la diversité typologique et du nombre d’anneaux et boucles en fer et en alliage cuivreux, dont la plupart ont été employés dans le costume, est probablement une traduction de l’embellie économique. 2790 Se reporter à l’annexe 2. Les fouilles majeures pour cette période sont celles du promontoire du château de Blois (Loir-etCher) dont le mobilier des VIIIe - XIe siècles a été publié par V. Aubourg et D. Josset (2000 et 2003), du village de Charavines à Colletières (Isère) occupé dans la première moitié du XIe siècle (Colardelle et Verdle 1993) et du castrum d’Andone occupé autour de l’an Mil (Bourgeois (dir.) 2009). Pour la Provence, les travaux de D. Mouton (2008), toujours en cours, sont incontournables. 2792 La thèse de V. Stutz (2003), quoique centrée sur le mobilier du costume mérovingien, ce qui conduit à une surreprésentation du mobilier en alliage cuivreux, illustre toute de même cette fréquence. 2793 Bois 2000, p. 55-63. 2794 Se reporter au chapitre 2.6. 2795 Se reporter à l’annexe 7, chapitre 1.1.1. 2791 574 3. Approche croisée du mobilier archéologique Ces accessoires du costume en matériau de peu de valeur deviennent des objets de mode au sein de la population. Il est difficile de juger jusqu’à quel point cette tendance doit également à la diffusion de l’usage de la ceinture. Les difficultés économiques observées au XIVe siècle ne freinent pas, bien au contraire, la faveur dans laquelle sont les accessoires du costume, et, plus largement, le goût pour l’embellissement du costume. La chute brutale de la diversité typologique aux XVe et XVIe siècles ne paraît pas devoir être attribuée à des évènements économiques. Elle pourrait être liée à des évolutions dans le costume, par exemple à un déplacement de l’intérêt vers une autre partie du costume, mais l’interrogation de l’iconographie n’a pas permis d’argumenter ce point. Entre autres problèmes, il est particulièrement difficile de se faire une idée de la fréquence de l’utilisation des boucles de ceinture dans une iconographie provençale assez restreinte, ou dans une iconographie ouest européenne extrêmement foisonnante. On peut cependant remarquer dans les sources d’archives provençales et dans l’iconographie européenne la diffusion de plus en plus importante à partir du milieu du XVIe siècle de la ceinture se fermant par agrafage dans le costume féminin2796. Cette évolution a pu accentuer le phénomène mais n’en est sans doute pas à l’origine et ne concerne qu’assez peu les hommes. Les raisons de la désaffection pour les anneaux et boucles métalliques sont donc encore à rechercher. L’évolution des centres d’intérêts de la recherche archéologique constitue un biais à prendre en compte ; pendant longtemps, il y a eu une certaine focalisation sur la fin du Moyen Âge. L’évolution constatée pour les anneaux et boucles en alliage cuivreux et en fer connaît des variations dans le détail des types. Elle est par exemple moins prononcée pour les configurations les plus simples (types A, B, J et K) et beaucoup plus accentuée pour les pièces des types E et F. Les anneaux et boucles à double fenêtre asymétrique (type Q) ou à simple fenêtre à chape intégrée (types S à V) ont un succès plus précoce. Il est plus tardif pour les objets à double fenêtre symétrique (types N à P) qui, sous des aspects différents de ceux connus pour la période d’étude, ont un immense succès à partir du XVIIe siècle d’après les découvertes archéologiques, les collections privées et l’iconographie2797. Les anneaux et boucles à simple fenêtre sans chape intégrée (types A à M) totalisent 85,7 % des pièces du corpus, mais la proportion tombe à 27 % sans les anneaux et boucles 2796 Se reporter aux chapitres 3.1.1.2 et 3.1.1.4. Les mordants utilisés dans l’agrafage des ceintures sont étudiés dans l’étude typologique des mordants. 2797 Concernant le mobilier métallique, se reporter à Allemagne 1928, t. 1, p. 47-50, Whitehead 2003 et Doré 2008. 575 3. Approche croisée du mobilier archéologique circulaires. En comparaison, les objets à double fenêtre (types N à R) correspondent à 11 % des artefacts et ceux à simple fenêtre et chape intégrée (types S à V) à 3,2 %. Les anneaux et boucles circulaires ou ovales (types A et B) ont une place prépondérante dans le corpus puisqu’ils totalisent 58,7 % des pièces étudiées (fig. 269) mais seulement 22 sous-types des 173 établis. Seuls 39 anneaux et boucles appartenant aux soustypes A7 et B7 à B12, n’ont pas un cadre homogène, que ce soit à cause de moulures décoratives ou de détails de configuration spécifiques à la présence d’un ardillon. L’aspect particulièrement simple des pièces des sous-types A1 à A6 et B1 à B6 est adapté à une multitude d’utilisations dans et hors du costume ce qui peut expliquer leur succès depuis l’Antiquité. Toutefois, l’emploi d’annelets dans le cadre de chaînettes ou d’œillets de vêtements – les annelets typiques des protections de maille n’ont pas été intégrés au corpus – nécessite de nombreux exemplaires, occasionnant une surreprésentation. En outre, quelquesuns des objets appartenant aux sous-types A1d et A2 ont pu perdre leur ardillon. Les annelets des sous-types A1 et A2 sont au nombre de 356, soit 50,6 % des anneaux du type A. Les bouclettes des sous-types B1 et B2 répertoriées sont 54 soit 32,5 % des exemplaires du type B. Nombre d’entre elles ont sans doute servi à la fixation des chaussures. Les anneaux et boucles des sous-types A3, A4, B3 et B4 sont régulièrement retrouvés à hauteur du bassin dans les sépultures entre le Xe et le XVe siècle, généralement associés et de dimensions similaires. Ils complétaient probablement la ceinture. Dans le cas de l’association d’une boucle et d’un anneau, la boucle a pu assurer la fermeture de la courroie et l’anneau permettre la suspension d’objets. Sur d’autres corps, furent trouvés deux anneaux ou deux boucles, deux anneaux et une boucle, etc. La reconstitution du fonctionnement de ces objets dans le cadre de la ceinture est difficile en l’état actuel des données recensées et d’autres hypothèses sont envisageables. Les anneaux et boucles à fenêtre semi-ovale (types C à I) représentent 23,3 % des objets du corpus. Le fer tient une place mineure au sein des types D à I qui totalisent 14,7 % du corpus alors qu’il est majoritaire dans le type C. Au sein même de ce type, le traitement statistique des dimensions des anneaux et boucles en alliage cuivreux et en fer montre que des fonctions différentes étaient probablement réservées aux anneaux et boucles des types C1 à C5 selon leur matériau constitutif et que peu d’artefacts en fer à fenêtre semi-ovale étaient utilisés dans le costume. Les dimensions de la plupart des pièces en fer du type C conviennent à des sangles de grande largeur, telles celles employées dans le harnachement. Quelques rares découvertes archéologiques l’illustrent. Il est également notable que les anneaux et boucles en fer du type C sont connus depuis fort longtemps, traduisant une continuité de configuration 576 3. Approche croisée du mobilier archéologique qui trouve certainement son explication à travers des fonctions ne connaissant pas de variations liées aux nécessités de la mode. Ceci n’interdit cependant pas un usage dans le costume de certaines pièces en fer ni de certaines pièces en alliage cuivreux dans le harnachement. Les dimensions d’un anneau ou d’une boucle ne sont pas un facteur déterminant à lui seul dans l’attribution d’une fonction. De nombreux exemplaires de types à fenêtre semiovale, rectangulaire, à double fenêtre sont d’une grande taille mais ont très certainement été employés à la fermeture de la ceinture comme l’illustre parfois l’iconographie. Seule une conjonction de facteurs comme dans le cas du type C soutient la proposition d’un usage majoritaire, mais non exclusif. Un traitement statistique des anneaux et boucles de type N en fonction de leur diamètre et de leur matériau (fig. 230) a conduit à l’établissement d’une distinction typologique selon la taille des pièces. Elle est fondée sur la constatation que des exemplaires de petite taille ont été employés pour la chaussure. Ce type d’analyse montre cependant des limites : la plupart des anneaux et boucles du corpus sont en effet de petite taille. Que cherche-t-on ? S’il s’agit de mettre en évidence que les petites pièces sont majoritaires, il n’est nul besoin de faire de distinction typologique, le traitement statistique du corpus suffit. S’il s’agit de démontrer en se fondant sur des données archéologiques et éventuellement iconographiques qu’une concentration d’objets d’un certain type ayant une taille précise peut avoir eu, préférentiellement, telle ou telle fonction, alors la distinction typologique peut se justifier. Toutefois, il est nécessaire de retenir que ceci ne fournit qu’une tendance et non des certitudes et ne peut se généraliser. Ainsi, la conformation des pièces du type N1 n’est pas particulièrement adaptée à un emploi dans la chaussure. L’étude statistique des pièces des sous-types O1 (fig. 231) et P1 (fig. 253) n’a pas conduit à une distinction typologique fondée sur les dimensions, les résultats n’ayant pas paru suffisamment significatifs. Citons un autre exemple : les artefacts des types E1a et E1b (fig. 201 ; fig. 202, n° 1 à 3) sont de petite taille à une écrasante majorité. Ceci ne signifie pas pour autant qu’ils furent employés dans la chaussure, mais peut-être en liaison avec les ceintures étroites qui semblent avoir été très courantes durant la période d’étude. La plupart des anneaux et boucles, notamment ceux qui sont composites ou avec une chape décorée, ont très certainement été employés à la fermeture de la ceinture. Cette fonction est attestée par des découvertes archéologiques ou par l’iconographie pour les boucles des types B3, B4, C2b, C7, E1b, E4b, E4d, H, J1, M, N2d, O1, P1a ou P1b, P1e, P3 et Q4, utilisation qui n’était pas toujours exclusive d’après l’iconographie ainsi que l’illustrent des 577 3. Approche croisée du mobilier archéologique boucles des types H (fig. 172) ou O (fig. 229) fermant une sacoche ou besace, une pièce de type J1 (fig. 215) sur la sangle de transport d’une mallette de voyage, de type P1a sur une aumônière (fig. 241 et 242). Des fouilles archéologiques à Blois dans le Loir-et-Cher et en Croatie ont fourni des anneaux des types C2b et J1b employés comme passant. La fonction de passant est usuellement considérée pour les anneaux avec ergots internes. Elle est assurée ou très probable pour les pièces des types C8d, J8c, L1 à L3, les artefacts de type J4 à massif distal, certains modèles de type M (fig. 219, n° B et C). Elle est envisageable pour les anneaux de type D4c même s’ils comportent une encoche distale, laquelle n’est peut-être que décorative. Elle est peu probable pour les objets du type F3d et pour ceux du type G1b dont un exemplaire issu de la bibliographie conserve un ardillon. La fixation des pièces d’armement défensif peut être assurée au moyen d’anneaux et boucles des types J1d, J6, K, O1b et Q4 (fig. 245) immobilisés par une chape rivetée sur une pièce d’armure. Le type K permit, au moins chez les vikings, la suspension du fourreau de l’épée. Peut-être les artefacts des types D6, F5 et O4 y participaient-ils également ? L’étude a mis en évidence dans le corpus et dans la bibliographie une certaine variété des boucles employées pour la fixation des éperons. Des pièces de type C1b, C7, D4a, O1b, P2, de variantes des types Q et Q4b présentent une chape dont le crochet terminal (type E) s’insère dans un œillet circulaire – quadrangulaire pour une pièce du Moyen Âge central – de l’éperon2798. Il est fort probable que les boucles du corpus des types O1a, O2 et Q4b à chape de type E aient été pareillement utilisées. L’un des œillets circulaires de l’éperon peut aussi accueillir le crochet d’une boucle à chape intégrée de type U (fig. 258, n° 2 et 3). Des agrafes à crochet (type C) ou à double crochet inversé (type D) complètent le dispositif de fixation. Des boucles de type S à chape intégrée, de type O1b ou S4 sans chape ou de type P1b avec chape de type A1a ou A1c peuvent réunir les liens fixés aux œillets des éperons. Il a déjà été fait mention que la majeure partie des anneaux et boucles en fer des types C1b, C2b, C3, C4 et C5b ont sans doute été utilisés dans le harnachement. Cet usage devait être majoritaire pour les pièces du type K, qui permettent la liaison de deux courroies de tailles différentes, et pour celles des types J6, J7 et Q9. D’autres types en alliage cuivreux ou en fer ont sans doute servi à l’occasion. Il est ordinairement difficile d’attribuer l’utilisation d’un type ou d’un groupe d’objets à un sexe. Des ceintures pour femme, pour homme, pour garçonnet ou fillette sont parfois 2798 Les œillets quadrangulaires, lorsqu’ils sont présents, paraissent avoir été destinés à accueillir les sangles de fixation. 578 3. Approche croisée du mobilier archéologique mentionnées dans les sources écrites2799 mais rien ne permet de les mettre en parallèle avec le mobilier. Dans quelques cas, une identification peut être raisonnablement proposée. La nature du site de découverte indique que les anneaux et boucles en os de type V2 trouvés sur le site du Collège Mignet à Aix-en-Provence (fig. 259, n° 2, 4 à 8, 10 et 11) étaient très vraisemblablement portés par des moniales. La mise au jour d’une boucle d’oreille en or dans la sépulture d’un adulte des XIVe - XVIe siècles contenant une boucle de type H3 à chape de type A7 (fig. 213, n° 5) montre que le défunt était une femme. Or, les boucles de type H des ceintures féminines sont, dans l’iconographie, particulièrement larges2800. Il pourrait être proposé que les pièces les plus larges aient appartenu à des ceintures de femme. Peut-être estce le cas des pièces de type D2/D3α les plus larges. La fouille d’un cimetière sur le site de Bagatelle/Abreuvoir Saint-Michel (fin XIIe - XIVe siècle) à Châteauvert a livré dans deux tombes de femmes adultes un ensemble d’éléments de ceinture en alliage cuivreux contenant mordant, appliques et boucle composite de type F4a à chape de type B2a (fig. 207, n° 8 et 10). Une autre sépulture féminine sur le site de la Tour Saint-Laurent (XIe - XIVe siècle) à Oze dans les Hautes-Alpes a fourni une boucle composite de type J à chape de type C1a. Ces quelques éléments sont trop peu nombreux pour engendrer une quelconque certitude, mais peut-être les anneaux et boucles composites en alliage cuivreux ont-ils été préférentiellement utilisés par les femmes. 2799 2800 Se reporter au chapitre 3.1.1.2. Se reporter à l’introduction du type H. 579 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.1.4. Les chapes La courroie de cuir ou de tissu peut s’enrouler directement autour de la traverse proximale ou interne de l’anneau ou de la boucle (fig. 110, n° A). Cependant, un élément métallique fait souvent la liaison : la chape. Elle peut être intégrée à l’anneau ou à la boucle (fig. 110, n° C), partiellement intégrée, c’est-à-dire composite (fig. 110, n° D), ou constituer une pièce indépendante (fig. 110, n° B). Les chapes intégrées et partiellement intégrées (fig. 258, n° 7) ont été étudiées en même temps que les boucles. Les chapes mobiles sont analysées dans ce chapitre. 3.1.4.1. Terminologie descriptive La description des caractéristiques des chapes nécessite l’emploi d’un vocabulaire adapté (fig. 271). La partie distale de la chape est la plus proche de l’anneau ou boucle auquel elle est liée. Elle comprend notamment la charnière et parfois des rivets. La partie proximale est opposée à la partie distale. Elle est ordinairement le siège de la plupart des rivets. Le bord distal de la chape peut être découpé d’une fente ou d’une perforation circulaire ou quadrangulaire pour le passage d’un ardillon. Les charnons ou pattes sont les portions de la charnière qui encadrent la fente distale. Des retraits latéraux apparaissent lorsque la chape, et donc la courroie de cuir ou de tissu, est plus large que la boucle. Plusieurs motifs de décoration reviennent régulièrement : les zigzags obtenus par gravure (fig. 202, n° 8), les files de dents de loup opposées par la base et réalisées avec un poinçon triangulaire (fig. 275, n° 9). Lorsque ces motifs s’étendent en bordure des quatre côtés de la chape, nous utilisons le terme de cadre complet, de cadre incomplet s’il ne concerne que les bords latéraux et le bord proximal. Il est appelé bande un couple de traits gravés encadrant un espace vierge de faible largeur. 3.1.4.2. Typologie des chapes L’analyse des caractéristiques des chapes du corpus a conduit à les diviser en cinq grands types. Les exemplaires à rivet(s) traversant sont classés dans les types A à C : le type A regroupe les pièces à fente distale pour le passage de l’ardillon, le type B les exemplaires à perforation distale pour la même utilisation, le type C les spécimens sans découpe pour 580 3. Approche croisée du mobilier archéologique l’ardillon. Quelques chapes à rivet intégré sont rassemblées dans le type D. Le type E intègre les artefacts terminés par un crochet. Les caractéristiques prises en compte pour l’établissement de la typologie détaillée au sein des types génériques qui viennent d’être définis sont le nombre de rivets, la disposition des rivets, le matériau de la chape, la présence ou non de retraits latéraux, la forme des retraits latéraux, la forme générale de la chape – rectangulaire, aux longs côtés concaves, avec excroissance, etc. Du fait des critères choisis pour l’étude typologique, l’iconographie n’est pas d’une grande aide, car elle ne permet pas de détailler les caractéristiques techniques : ces objets y apparaissent presque toujours quadrangulaires (ex : fig. 108) ou adoptent des formes qui n’ont pas d’équivalences dans le mobilier archéologique (fig. 150, 157, 173). Dans quelques cas, un ou deux points peuvent figurer les rivets de fixation (ex : fig. 42, 43, 151). Des chapes fixées à des boucles de type H (fig. 175) ou probablement de type H (fig. 174) figurées sur des peintures du milieu ou de la fin du XVe siècle (fig. 171) offrent cependant quelques analogies du point de vue de la largeur et de la découpe du bord proximal avec des pièces de type A2a et A7 du corpus également liées à des boucles de type H (fig. 212, n° 9 et 10 ; fig. 213, n° 5). Type A : Chape à fente pour l’ardillon, à rivet(s) traversant Les chapes de type A sont classées en huit sous-types établis en fonction du nombre de rivets traversant et de la configuration de la chape. Les sous-types A1 à A5 regroupent les exemplaires ayant de 1 à 5 rivets et confectionnés à partir d’une unique tôle pliée en deux et au sein de laquelle la lanière de cuir ou de tissu vient s’insérer. Le sous-type A6 réunit les chapes de ce modèle à six rivets et plus. Les chapes fabriquées avec plusieurs tôles, dites composites, appartiennent au sous-type A7. Le sous-type A8 rassemble les chapes en tôle ou en forme de plaquette qui étaient rivetées sur le dessus de la courroie. Type A1 : Chape à fente distale et à unique rivet traversant Les chapes à fente pour l’ardillon à unique rivet traversant sont scindées en quatre sous-types établis selon les critères suivants : forme de la chape, présence ou absence de retraits latéraux, disposition des rivets. Les deux premiers sous-types rassemblent les chapes quadrangulaires avec (A1b) ou sans retraits latéraux (A1a) pour s’adapter au cadre. Le troisième (A1c) comprend les chapes à retraits latéraux dont la partie proximale est arrondie 581 3. Approche croisée du mobilier archéologique et le quatrième (A1d) celles possédant une excroissance proximale traversée par le rivet de fixation. Toutes les chapes de type A1 recensées dans le corpus sont en alliage cuivreux. Le rivet est toujours disposé au milieu de la largeur de la chape, en partie proximale. Mentionnons l’existence à Winchester d’une chape sans retraits, arrondie en partie proximale, attachée à une boucle de type O1a. L’objet est issu d’un niveau de seconde moitié XVe - première moitié XVIe siècle2801. De Londres provient une boucle de type J1d dont la chape à corps ovale est traversée par un unique rivet à large tête aplatie qui la fixe à une plate d’armure. Elle a été relevée dans un contexte stratigraphique de la première moitié du XVIe siècle2802. Type A1a : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, à fente distale, sans retraits latéraux et à unique rivet traversant (fig. 183, n° 12 ; fig. 186, n° 8 ; fig. 246, n° 8 ; fig. 273, n° 1) Bouches-du-Rhône  Quartier Sainte-Barbe, Marseille : n° 197, fin XIIIe - début XIVe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1167, XVIe siècle.  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-114, datation inconnue.  Puits près du théâtre antique, Orange : n° 1, comblement de puits, première moitié XIVe siècle. Cette chape s’observe sur des boucles en alliage cuivreux des types B42803, B102804, C8a (fig. 183, n° 12), D1 (fig. 186, n° 8), J22805, O1a2806, O1d2807, O3a2808, P1a (fig. 246, 2801 Royaume-Uni, Hampshisre : artefact doré avec chape de type A1, Chape : L x l = 2,4 x 1,9 cm, seconde moitié XVe - première moitié XVIe siècle, Cathedral Green, Winchester (Hinton 1990f, p. 521, n° 1209). 2802 Boucle complète, Boucle : L x l = 1,4 x 2,9 cm, Chape : L x l = 12,9 x 2,3 cm (Egan 2005, p. 194195, n° 1086). 2803 Royaume-Uni, Yorkshire du Nord : boucle avec chape complète, Chape : L x l = 4,7 x 2 cm, e XII - XIIIe siècle, 16-22 Coppergate, York (Ottaway et Rogers 2002, n° 12659). 2804 Suisse, canton de Genève : boucle avec chape complète, chape : L x l = 4,5 x 2,1 cm, sur le bassin d’un corps, N.D.S., église Saint-Georges, Hermance (Bonnet 1973, p. 91, n° 107). 2805 Royaume-Uni, Grand Londres : boucle avec chape incomplète, chape : L x l = 2,1 x 1,3 cm, seconde moitié XVe - première moitié XVIe siècle (Egan 2005, p. 36, n° 105). 2806 Italie, province d’Alexandrie : chape presque complète, L x l = 2,1 x 1,6 cm, H.S., Brignano Frascata (Subbrizio 1993, fig. 181, n° 11). Royaume-Uni, Grand Londres : boucle avec chape 582 3. Approche croisée du mobilier archéologique n° 8) et sur des variantes des types O2809, P2810 et Q2811. Des chapes en fer d’aspect analogue au type A1a sont attestées sur des boucles des types C1b2812, C2b2813, C6b2814, O1b2815, P1b2816, Q4b2817, d’une variante du type O2818. Une chape de type A1a est visible sur une boucle romaine mise au jour au sanctuaire du Gué-de-Sciaux à Antigny dans la Vienne2819. Quelques chapes sont décorées. Un spécimen provençal isolé, qui conserve une traverse proximale de boucle composite (fig. 273, n° 1), présente une encoche en bordure proximale. La chape découverte place de la Principale (fig. 186, n° 8) est traversée d’un rivet en fer et arbore des lignes incisées en partie distale et deux encoches triangulaires en bordure proximale. La partie interne de la moitié revers de la chape a été entaillée par l’outil. La même complète, chape : L x l = 1,6 x 0,6 cm, dernier tiers XIIIe - première moitié XIVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 88, n° 381). 2807 Royaume-Uni, Grand Londres : boucle avec chape complète, chape : L x l = 1,8 x 0,7 cm, vers 1270 - vers 1350, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 88, n° 380). 2808 Royaume-Uni, Grand Londres : boucle avec chape complète, Boucle : L x l = 3,2 x 2,1 cm, Chape : L x l = 3,1 x 1,6 cm, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 89, n° 386). 2809 France, Charente-Maritime : boucle avec chape, chape : L x l = 2,7 x 0,9 cm, remblais contemporain contenant du mobilier du XIIIe au XIXe siècle, Jardins du Carmel, La Rochelle (Berthon (dir.) 2013, p. 57, n° 57). Royaume-Uni, Grand Londres : boucles avec chape complètes, Chape : L x l = 1,65 x 0,6 cm et 1,8 x 0,5 cm, deuxième moitié du XIVe siècle, Chape : L x l = 1,6 x 0,8 cm, deuxième moitié du XIVe siècle, Chape : L x l = 2,1 x 1 cm, seconde moitié du XIVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 88, n° 382 à 385). 2810 Royaume-Uni, Yorkshire du Nord : Boucle avec chape complète, Chape : L x l = 4,7 x 2 cm, milieu XIVe - milieu XVIe siècle, 16-22 Coppergate, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2895, n° 12660). 2811 Royaume-Uni, Grand Londres : boucle avec chape complète, chape : L x l = 1,7 x 1 cm, Billingsgate lorry Park, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 94, n° 424). 2812 Italie, province de Rome : boucle avec chape complète, chape : L x l = 4,5 x 3,7 cm, début XIVe milieu XVe siècle, Cencelle, Allumiere (Bouvet 1999, p. 65-66, n° 172). 2813 Royaume-Uni, Hampshire : boucle avec chape incomplète, chape : L x l = 4,5 x 3,6, comblement de rigole, fin XVe - début XVIe siècle, château de Portchester (Hinton 1977a, p. 201, n° 55). 2814 France, Corse : boucle avec chape complète, chape : L x l = 4,6 x 4,3 cm, fin XVe - début XVIe siècle, bâtiment, village médiéval de l’Ortolo (Comiti 1996, p. 22-23). 2815 France, Isère : boucle avec sa chape complète en fer, chape : L x l = 3,25 x 1,1 cm, boucle complète avec probable chape de type A1a complète (?), chape : L x l = 2,8 x 1,2 cm, première moitié du XIe siècle, Colletière, Charavines-les-Bains (Colardelle et Verdle 1993, p. 214, fig. 11 et 12) ; Charente : boucle avec chape complète, chape : L x l = 3,3 x 1,3 cm, fin de l’occupation du site (occupation entre vers 936 et vers 1028), castrum d’Andone (Bourgeois 2009, p. 235, n° 1672). 2816 France, Côte d’Or : boucle avec chape complète, chape : L x l = 2,9 x 1,25 cm, Le Verger (Xe e XI siècle), Saint-Romain (Bourgogne 1987, p. 176, n° 437). Croatie, comitat de Split-Dalmatie : Boucle avec chape complète, Chape : L x l = 3,2 x 1,1 cm, éperon attribué au XIe siècle (Petrinec 2012, p. 88, n° 48) 2817 France, Isère : boucles avec leur chape presque complète en fer, chapes : L x l = 3,4 x 1,1 et 3,3 x 1,1 cm, première moitié du XIe siècle, Colletière, Charavines-les-Bains (Colardelle et Verdle 1993, p. 214, fig. 13 et 14). 2818 Italie, province de Gênes : boucle avec chape incomplète, chape : L x l = 4,1 x 3,1 cm, dernières décennies XIVe - second quart XVe siècle, castello di Molassana, Gênes (Bazzuro et al. 1974, p. 37, n° 83). 2819 Bertrand 2004, fig. 2, n° 7. 583 3. Approche croisée du mobilier archéologique chose s’observe à l’endroit des deux encoches triangulaires sur la chape d’une boucle de type B10 mise au jour sur le bassin d’un corps dans l’église Saint-Georges d’Hermance dans le canton de Genève en Suisse2820. Elle comporte en outre, le long des grands côtés, une possible ligne de dents de loup. Une chape avec les bords extérieurs des charnons coupés en biais, issue d’un contexte de la deuxième moitié du XIVe siècle à Londres, arbore des lignes incisées en éventail depuis le bord proximal et trois autres lignes orientées selon le petit axe à intervalles irréguliers sur l’ensemble de la chape2821. Deux incisions droites partent du bord proximal de la chape d’une boucle anglaise de type B4. Le milieu des bords latéraux est découpé d’un carré2822. Des chapes présentent un décor incisé en bordure des côtés. C’est une ligne droite gravée le long des grands côtés pour une chape à rivet en fer trouvée à Orange (fig. 183, n° 12), une ligne de zigzags près des bords proximaux et latéraux pour une pièce issue de l’occupation de la première moitié du XIIIe siècle de l’habitat rural de Pech de Bonal à Fontanes dans le Lot2823. Deux lignes de zigzags le long des grands côtés et des encoches en bordure des côtés latéraux et proximaux ornent la chape trapézoïdale – elle s’élargit vers l’extrémité proximale – d’une boucle française en alliage cuivreux variante du type O2824. Le décor incisé peut être cantonné à une petite partie de la chape. Un spécimen isolé provenant d’un contexte de la seconde moitié du XVe siècle ou du XVIe siècle du site de Brook Street à Winchester dans le Hampshire est gravé d’un quadrillage oblique en partie proximale. Le bord proximal est découpé d’un arc de cercle2825. L’avers d’une pièce trouvée dans une phase de la seconde moitié du XVe siècle ou de la première moitié du XVIe siècle de l’habitat médiéval de Wharram dans le Yorkshire arbore en partie distale une ligne de segments perpendiculaires à l’axe de la chape, obtenus au repoussé depuis le revers, avant le pliage de la tôle constituant la chape2826. Autrement plus complexe est l’ornementation d’une chape en alliage cuivreux de boucle composite, dont il reste la traverse proximale et l’ardillon, mise au jour place de Verdun à Tarbes dans les Hautes-Pyrénées2827. Une tôle aux bords découpés et ajourée de rosaces, gravée de zigzags, est fixée sur l’avers de la chape. Le rivet en partie proximale est à 2820 Objet déjà cité. Objet précédemment mentionné. 2822 Objet déjà cité. 2823 Chape fragmentée, L x l 4,45 x 2,3 cm (Boudartchouk et al. 1998, p. 79, fig. 11, n° 6). 2824 Objet déjà cité. 2825 Moitié de chape, L x l = 2,9 x 0,8 cm (Hinton 1990f, p. 522, n° 1215). 2826 Chape complète, L x l = 2,05 x 1,45 cm (Goodall 1979a, p. 111, n° 20). 2827 Chape presque complète, dimensions inconnues, datation inconnue (Barrère 1994, p. 66-67). 2821 584 3. Approche croisée du mobilier archéologique tête bombée. Un rivet bombé informe occupe la perforation d’une chape isolée trouvée dans une ferme du XIVe siècle au hameau du Bellé à Neuilly-en-Thelle dans l’Oise2828. En l’état des données disponibles, les chapes de type A1a apparaissent aux alentours de l’an Mil et paraissent perdurer jusqu’à la fin du XVe ou le début du XVIe siècle. Type A1b : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, à fente distale, à retraits latéraux droits ou obliques et à unique rivet traversant (fig. 183, 1, 6 et 8 ; fig. 186, n° 7 ; fig. 204, n° 3 ; fig. 208, n° 9 ; fig. 273, n° 2 à 5) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL XX-5, remblai du XVIIIe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3718, couche de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 2164, couche de dépotoir, vers 1345 - vers 1360. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 355, premier tiers XIVe siècle ; n° 1177, première moitié XIVe siècle ? ; n° 1212, second quart XIVe siècle ; n° 1213, second tiers XIVe siècle.  Petit Palais, jardin ouest : n° 1324, niveau de destruction de maisons, vers 1365 ; n° 2697, couche de dépotoir, vers 1365 - 1400.  Rue Carreterie, Avignon : n° 304, contexte inconnu. Une petite majorité des pièces retrouvées ne comporte aucun décor (ex : fig. 273, n° 2 à 4)2829, mais dans quelques cas, la partie conservée de la chape est sans doute la partie revers, laquelle n’a pas lieu d’être décorée. Une chape de type A1b est présente sur des boucles en 2828 Chape isolée complète, L x l = 2,4 x 0,8 cm (Legros 2001, n° 108). France, Charente-Maritime : chape incomplète, L x l = 3,3 x 1,8 cm, dépotoir, XVIe - XVIIe siècle, 14-16 rue Delayant, La Rochelle (Berthon (dir.) 2013, p. 69, n° 90). Royaume-Uni, Carmarthenshire : chape incomplète retenant un fragment du cadre de la boucle et du cuir, L x l = 2 x 1,2 cm, abbaye des franciscains, Carmarthen (Brennan 2001, n° 12) ; Lincolnshire : chape fragmentaire isolée, L x l = 2,15 x 1,9 cm, H.S., habitat médiéval, Goltho (Goodall et al. 1975, p. 91, fig. 43, n° 13) ; Northamptonshire : chape incomplète, L x l = 3,25 x 1,9 cm, occupation de la seconde moitié du XIIIe siècle d’un bâtiment, Wythemail, Orlingbury (Hurst et Hurst 1969, p. 199, n° 5) ; Yorkshire du Nord : chape incomplète (avec couverte blanche ?), L x l = 2 x 0,9 cm, abandon, première moitié XVIe - XXe siècle, habitat médiéval de Wharram (Goodall 1979a, p. 112). 2829 585 3. Approche croisée du mobilier archéologique alliage cuivreux des types C7 (fig. 183, n° 1)2830, C8a (fig. 183, n° 6 et 8)2831, D1 (fig. 186, n° 7)2832, D32833, E1a2834, E1b2835, E2a2836, E4d (fig. 204, n° 3), E52837, F1a2838, F2a2839, F4a (fig. 208, n° 9), J22840 et J92841. Une boucle de type J9 issue du château de Pymont (XIIIe XIVe siècle) à Villeneuve-sous-Pymont dans le Jura possède une chape de type A1b dont la fente distale permet l’attache du clapet distal2842. Le rivet de fixation comporte une longue 2830 France, Charente-Maritime : boucle avec chape incomplète, L mini x l = 2,15 x 1,4 cm, 14-16, rue Delayant, La Rochelle (Berthon (dir.) 2013, p. 63, n° 69). 2831 France, Cher : boucle à chape complète, Chape : L x l = 4,7 x 1,5 cm, démolition suite à l’iincendie d’un bâtiment, seconde moitié XIVe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 111, n° 14) ; Hérault : une boucle avec chape complète, chape : L x l = 4 x 1,85 cm, verrerie médiévale (XIIIe - XVe siècle), La Seube, Claret (Lambert 1983, p. 211, fig. 49, n° 9) ; Nord : trois boucles avec chape complète, chape : L x l = 2,75 x 1,3 et 3,1 x 1 et 3,4 x 1,35 cm, seconde moitié XIVe siècle, rue Mongat, Douai (Louis et al. 1998, p. 64, n° 4 à 6) ; trois boucles avec chape complète, chape : L x l = 1,4 x 1,6 et 2,35 x 1,2 et 2,7 x 1,1 cm, XVe siècle, rue Mongat, Douai (Louis et al. 1998, p. 64, n° 9, 11 et 12). Pays-Bas, province de Zélande : exemplaire complet, dimensions précises inconnues, seconde moitié du XVe siècle (Willemsen et Ernst 2014, fig. 2). 2832 France, Saône-et-Loire : boucle avec chape complète, Chape : L x l = 1,85 x 0,95 cm, XIIIe XIVe siècle, cloître du groupe épiscopal, Autun (Bourgogne 1987, p. 98, n° 135). 2833 France, Hérault : boucle avec chape complète, chape : L x l = 6,55 x 1,4 cm, XIe - XIIIe siècle, Grotte 3 du ruisseau de l’église, Saint-Jean-de-Minervois (Lauriol 1962, p. 30, fig. 4, n° 12). 2834 France, Hérault : boucle avec chape complète, chape : L x l = 4,4 x 1,2 cm, verrerie médiévale (XIIIe - XVe siècle), La Seube, Claret (Lambert 1983, p. 211, fig. 49, n° 10). 2835 France, Paris : boucle avec chape incomplète, Chape : L x l = 9,5 x 0,6 cm, second quart du XIVe siècle, atelier métallurgique, Paris (Thomas 2009, t. 3, annexe B.1, fig. 19, n° 186, 188, 189). Royaume-Uni, Grand Londres : boucle avec chape complète, Chape : L x l = 1,7 x 1 cm, vers 1270 vers 1350, boucle avec chape complète, chape : L x l = 2,1 x 0,8 cm, boucle avec chape complète, Chape : L x l = 1,8 x 1,1 cm, toutes deux seconde moitié XIVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 306 à 311, n° 306, 308 et 309) ; Hampshire : exemplaire avec chape de type A1b, Chape : L x l = 2,95 x 1,6 cm, milieu XVIe siècle, démolition de l’église Saint-Pancras, Brook Street, Winchester (Hinton 1990f, p. 522, n° 1212) ; Yorkshire du Nord : boucle avec chape incomplète, Chape : L x l = 1,6 x 1,15 cm, milieu du XIVe siècle, College of the Vicars Choral, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, fig. 1466, n° 14300). 2836 France, Hérault : boucle avec chape incomplète, chape : L x l = 3,3 x 1,55 cm, verrerie médiévale (XIIIe - XVe siècle), La Seube, Claret (Lambert 1983, p. 211, fig. 49, n° 12). 2837 Royaume-Uni, Aberdeenshire : boucle avec chape complète, chape : L x l = 2,3 x 1,2 cm, première moitié XIVe - première moitié XVIe siècle, village médiéval de Rattray (Goodall A. 1993, p. 189, fig. 40, n° 189). 2838 Royaume-Uni, Lincolnshire : boucle avec chape complète, chape : L x l = 4 x 1,75 cm, N.D.S., Saint Marks Station, Lincoln (Cherry 1981b, p. 368). 2839 Royaume-Uni, Dumfries and Galloway : boucle avec chape complète (décor illisible), Chape : L x l = 2,5 x 1 cm, vers 1250/1300 – 1600, cité monastique de Whithorn and Saint Ninian (Nicholson 1998a, p. 371, fig. 10.57, n° 18). 2840 Royaume-Uni, Grand Londres : boucles avec chapes complètes, chapes : L x l = 2,5 x 0,95 cm et 2,4 x 1,7 cm et 3,2 x 1,5 cm et 3,1 x 1,8 cm, seconde moitié XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 96-97, n° 434, 437 à 439) 2841 France, Oise : boucle avec chape complète, Chape : L x l = 2,2 x 0,9 cm, bâtiment de ferme du XVIIe siècle au « Bellé » (au-dessus d’une ferme du XIVe siècle), Neuilly-en-Thelle (Legros 2001, n° 166). 2842 Anneau avec chape complète, Chape : L x l = 2,1 x 0,7 cm (Jeanjacquot 1993, p. 105, fig. 70, n° 1922) 586 3. Approche croisée du mobilier archéologique tige et une tête plate de grand diamètre sur une chape isolée trouvée à Avignon (fig. 273, n° 3). La bordure proximale de la chape peut être découpée de deux triangles (fig. 183, n° 8 ; fig. 273, n° 5)2843, d’une accolade incomplète (fig. 208, n° 9). Il est visible dans ce dernier cas que la découpe a été faite après repli de la tôle, l’instrument ayant légèrement entaillé le bord proximal de l’avers de la chape, plus court. L’exécution des deux triangles taillés dans l’épaisseur de la tôle a occasionné un affaissement localisé. La plupart des chapes ont un décor gravé. Il peut accompagner une découpe de la bordure proximale. Deux triangles réalisés après pliage entaillent ainsi la bordure proximale d’une chape, gravée de zigzags le long des grands côtés, et trouvée sur le site de la Hèche (milieu - seconde moitié XIVe siècle) à Caussade dans le Tarn-et-Garonne2844. Une ligne court le long des grands côtés de la chape d’une boucle de type E1b trouvée à Paris par ailleurs découpée d’un triangle en bordure proximale2845. Sur plusieurs boucles de la bibliographie de type C8a, deux lignes parallèles transversales à l’axe de la chape encadrent le rivet et/ou séparent les pattes de la charnière du reste de la chape. Les extrémités proximales de la chape sont dans plusieurs cas découpées d’un arc de cercle, d’un ou deux triangles, d’un ou deux arcs de cercle sommés d’un cercle2846. L’extrémité proximale de deux chapes de boucles londoniennes de type J2 a été entaillée d’un arc de cercle. Une des deux chapes arbore un cercle gravé au compas et cinq perforations inscrites dans un autre cercle incisé2847. Une découpe en arc de cercle accompagne en partie proximale une ligne de zigzags gravée pardessus le rivet de la chape d’une boucle de type E1b mise au jour à Winchester2848. L’ornementation d’une chape retrouvée en position sur une boucle de type C8a dans un niveau de la seconde moitié du XVe siècle à Dordrecht dans la province de Zélande aux PaysBas ne consiste qu’en deux découpes triangulaires du bord proximal de la chape2849. Une chape incomplète du corpus présente le long de ses grands côtés (fig. 273, n° 5) une file de dents de loup en parallèle d’une ligne. Les dents de loup ont été obtenues avec un poinçon à pointe triangulaire et les lignes droites par coups successifs d’un poinçon. Des 2843 France, Saône-et-Loire : boucle de type D1 avec chape complète déjà mentionnée (Bourgogne 1987, p. 98, n° 135). 2844 Chape complète, L x l = 5 x 1,3 cm (Archéologie 1990, p. 216, n° 429). 2845 Boucle avec chape incomplète signalée précédemment (Thomas 2009, t. 3, annexe B.1, fig. 19, n° 186, 188, 189) 2846 Chapes sur boucles de type C8a déjà citées. 2847 Objets déjà cités. 2848 Artefact mentionné précédemment. 2849 Pièce déjà mentionnée. 587 3. Approche croisée du mobilier archéologique restes de zigzags sont visibles en partie proximale de la chape d’une variante du type E2 trouvée à Londres2850. La chape d’une boucle de type E1 découverte à La Seube à Claret dans l’Hérault arbore, à peu près au centre de la chape, deux croix de saint André alignées dans la largeur et limitées par des lignes parallèles2851. Au château de Peyrepertuse à Duilhac-sousPeyrepertuse dans l’Aude, une chape isolée (N.D.S.) est gravée d’entrelacs angulaires sur un fond rayé transversalement et encadré, sur les longs côtés, par deux lignes2852. Une autre chape isolée, trouvée dans la Ternoise près du château de Grigny (fin XIIe - début XIIIe siècle à 1640) dans le Pas-de-Calais, présente un motif constitué de coups d’un poinçon, de zigzags, de traits droits2853. Dans la bibliographie consultée, il est répertorié une seule chape de type A1b avec un renfort. Elle est gravée à l’avers, le long des grands côtés d’une bande de triangles imbriqués alternativement rayés et nus. Elle est liée à une boucle de type C8a2854. L’emboutissage, ainsi qu’il apparaît sur une pièce du corpus (fig. 183, n° 1), est exceptionnel sur les chapes de type A1b. L’émaillage n’est guère plus courant : un écu émaillé au champlevé est visible sur une chape de boucle anglaise de type F1a2855. Une datation typologique correspondant à la seconde moitié du XIIIe siècle, au XIVe siècle et probablement au XVe siècle peut être retenue avec les données actuellement rassemblées. Type A1c : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, à fente distale, à retraits latéraux triangulaires et à unique rivet traversant (fig. 184, n° 2) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3633, couche de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345. La chape d’une boucle de type C8c (fig. 184, n° 2) issue du castrum Saint-Jean de Rougiers comporte des retraits latéraux triangulaires pour s’adapter à la configuration du 2850 Exemplaire déjà cité. Objet déjà cité. 2852 Chape complète, L x l = 4,9 x 1,2 cm (Barrère 2000, p. 222). 2853 Chape complète, L x l = 3,4 x 1,5 cm (Dilly et al. 1999, p. 126, n° 5.6). 2854 France, Cher : objet déjà cité, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 111, n° 14). 2855 Objet déjà cité. 2851 588 3. Approche croisée du mobilier archéologique cadre de la boucle. La chape arbore un motif de fenêtre à oculus également observable sur des chapes des types B (ex : fig. 275, n° 10) et C (fig. 276, n° 4) : des incisions encadrent un ajour quadrangulaire surmonté d’une perforation circulaire. La parenté avec la fenêtre en architecture est évidente. Un débordement de la gravure sur le cadre de la boucle laisse penser que cette opération est postérieure au pliage de la chape et donc à sa découpe (fig. 272, n° 3). Plusieurs indices prouvent que la découpe de la fenêtre a été faite après l’établissement de la gravure. Celle-ci provoque un amincissement localisé du support. Or, au moment de la création de la fenêtre, l’outil de l’ouvrier, en recoupant une des incisions, a provoqué la déformation du matériau dans le sens de la force exercée, donc son affaissement (fig. 272, n° 1). L’opération de découpe de la fenêtre a été réalisée en deux fois : dans un premier temps depuis la partie revers (fig. 272, n° 2), ensuite depuis la partie avers (fig. 272, n° 1) ainsi que le montrent de fines irrégularités. La partie supérieure et circulaire de la baie est le résultat de l’utilisation d’un poinçon à bout rond, opération également postérieure à la gravure. Ensuite, un poinçon effilé a été appliqué dans les deux sens, pour réaliser le percement. Comme en atteste une barbe écrasée encore présente (fig. 272, n° 1), l’outil a été apposé en dernier sur la partie avers. La partie centrale de la chape de l’objet de Rougiers n° 3633 présente, en bordure, des pans coupés probablement réalisés par poinçonnage, après pliage, comme en témoigne l’entame sur la moitié revers de la chape (fig. 272, n° 4). Les bords latéraux et proximaux superposés de la chape ont été égalisés à la lime après pliage. Le processus de fabrication qui vient d’être décrit a peut-être également été mis en œuvre pour la chape d’une boucle de type C8c du site du castrum Saint-Jean à Rougiers qui n’a pu être retrouvée (fig. 184, n° 1). Type A1d : Chape arrondie en partie proximale en alliage cuivreux, à fente distale, sans retraits latéraux et à unique rivet traversant (fig. 273, n° 6 et 7) Bouches-du-Rhône  Place de la Providence, Marseille : n° 1, remblai de démolition, seconde moitié XIIe - première moitié XIIIe siècle. Vaucluse  Forteresse de Mornas, Mornas : n° 2, comblement de four, probablement XVe XVIIe siècle. 589 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les chapes du type A1d se différencient des pièces précédentes par la partie proximale arrondie de la chape. La pièce varoise (fig. 273, n° 7) est probablement en position résiduelle. Un objet ayant cette configuration est en place sur une boucle ovale trouvée dans un niveau daté vers 700 sur le site du complexe abbatial de Whithorn et Saint-Ninian dans le Dumfries and Galloway au Royaume-Uni2856. Les chapes en alliage cuivreux de type A1d présentent des similitudes avec les chapes arrondies en partie proximale de type A3f pour lesquelles une datation correspondant à la fin du XIIe siècle et au XIIIe siècle est proposée en l’état actuel des données. Les artefacts en fer d’aspect similaire à celui du type A1d sont plus nombreux dans la bibliographie. Un spécimen en fer fixé à une boucle de type P1b permettait la fixation d’un éperon, attribuable d’après M. Petrinec à la seconde moitié du VIIIe siècle et à la première moitié du IXe siècle. L’ensemble fut découvert à Biskupija près de Knin en Croatie2857. D’autres exemplaires en fer sont conservés sur une boucle de type C5b en provenance de la motte castrale du Châtelard (vers 1000 - vers 1075) à Chirens en Isère2858 et sur une pièce de type J7 trouvée sur le site du village de Corné (vers 1170 - vers 1250) à L’Isle-Bouzon dans le Gers2859. Type A1e : Chape à excroissance en partie proximale en fer, à fente distale, sans retraits latéraux et à unique rivet traversant (fig. 232, n° 15) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 134, pied droit d’un homme adulte inhumé aux XVIIe - XVIIIe siècles. La chape de cette boucle très oxydée en fer de type N2b comporte une excroissance terminale que traverse un rivet dont il ne reste que la tête bombée. L’objet date bien de l’époque moderne. F. Doré attribue à ce type un emploi de la fin du XVIIe siècle au milieu du XVIIIe siècle2860. Cependant des chapes à excroissance en partie proximale ont existé auparavant : un spécimen en alliage cuivreux analogue à l’exemplaire du corpus mais à 2856 Chape complète, L x l = 2 x 1,2 cm (Nicholson 1998a, p. 371, fig. 10.57, n° 2). Boucle avec chape complète, dimensions inconnues (Petrinec 2006, fig. 1). 2858 Chape : L x l = 3 x 1,1 cm (Mazard et Colardelle et al. 1993, p. 338). 2859 Chape : L x l = 3 x 1,7 cm (Lassure 1995, p. 534, pl. 424, n° 2). 2860 Doré 2008, p. 17. 2857 590 3. Approche croisée du mobilier archéologique extrémité triangulaire, mis en place sur une boucle de type N2d de même matériau, a été découvert dans une « avant-tranchée » de maisons, occupées dans la seconde moitié du XIIe ou dans la première moitié du XIIIe siècle, de l’habitat médiéval de Goltho dans le Lincolnshire2861. L’objet est interprété comme ayant été utilisé à la fixation des éperons. Type A2 : Chape à fente distale et à deux rivets traversant Les critères établis pour la classification des chapes du type A2 sont, comme pour le type A1, la forme de la chape, la présence ou l’absence de retraits latéraux, la disposition des rivets. Les chapes du corpus sont toutes en alliage cuivreux et quadrangulaires. Les exemplaires à deux rivets traversant alignés dans la largeur de la chape sont classés dans les sous-types A2a et A2b selon qu’ils ne présentent pas de retraits latéraux ou en possèdent. Cette dernière distinction a été reprise pour l’établissement des sous-types A2c et A2d regroupant les spécimens dont les rivets sont alignés dans la longueur. Quatre formes de chapes répertoriées dans la bibliographie sont absentes du corpus. La première est illustrée par une chape à retraits latéraux, à extrémité proximale arrondie et à deux rivets alignés dans la longueur de la chape, décorée en bordure, hormis le long du côté distal, d’une suite d’arcs de cercle incisés. Elle a été trouvée liée à une boucle de type H2a dans le comblement d’une fosse non datée dans un village médiéval (N.D.S.) à Condorcet dans la Drôme2862. La deuxième forme est représentée par une chape semi-ovale isolée à deux rivets alignés dans la largeur retrouvée dans une sépulture du IXe siècle dans l’église SaintLaurent à Grenoble en Isère2863. La troisième est illustrée par une pièce pratiquement triangulaire comportant deux rivets alignés dans la longueur, attachée à une boucle de type D2, récupérée dans un contexte du XVIe siècle au château d’Ortenbourg dans le Bas-Rhin2864. La dernière forme est illustrée par un objet doré à retraits latéraux à corps quadrangulaire gravé d’un quadrillage oblique prolongé par une excroissance feuillagée. Les deux rivets sont alignés dans la longueur. La chape est enroulée autour du cadre d’une boucle de type J3 provenant d’une phase du milieu du XIIIe siècle de l’occupation du site de Brook street à Winchester dans le Hampshire2865. 2861 Chape complète, L x l = 2,5 x 1,65 cm (Goodall et al. 1975, p. 91, fig. 43, n° 7). Boucle avec chape complète, chape : L x l = 4,35 x 2,4 cm (Hensel 1970b, fig. 121, n° 14). 2863 Moitié de chape, L x l = 2,2 x 2,8 cm (Colardelle 1999, t. 2, p. 28 ; Colardelle 2008, p. 229). 2864 Boucle avec chape complète, chape : L x l = 2,1 x 1,4 cm (Rieb et Salch 1973, n° 379). 2865 Artefact entier avec possible traces d’un ardillon en fer, Chape : L x l = 2,8 x 1,9 cm (Hinton 1990f, p. 514, n° 1122). 2862 591 3. Approche croisée du mobilier archéologique Des chapes de type A2 sont figurées sur des boucles des types C1, C8 et J8 dans une peinture nurembergeoise datée vers 1560 réalisée par un artiste anonyme (fig. 614). Les rivets sont alignés dans la largeur mais il n’est pas possible de voir si les chapes ont des retraits latéraux. Leur matériau est peut-être du fer ou du bronze d’après la couleur. La datation de l’œuvre correspond à peu près à la fin de l’utilisation proposée actuellement pour les chapes des types A2a à A2c. Type A2a : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, à fente distale, sans retraits latéraux et à deux rivets traversant alignés dans la largeur (fig. 273, n° 8) Bouches-du-Rhône  Château des Baux, Les Baux-de-Provence : n° 628, couche de dépotoir, 1631 - fin second quart XVIIe siècle. Des chapes de type A2a (fig. 273, n° 8)2866 ont été répertoriées dans la bibliographie sur des boucles en alliage cuivreux des types C2a2867, D32868, E1b2869, F1a2870, J8a2871, N2d2872, P2b2873, sur des variantes des types C22874, D42875, E42876, O2877, P2878 et P52879. Des 2866 France, Charente-Maritime : chape isolée sans ornementation, L x l = 2,3 x 2,4 cm, remblai, XVIe - XVIIe siècle, 14-16 rue Delayant, La Rochelle (Berthon (dir.) 203, p. 69, n° 89). 2867 République Tchèque : boucle avec chape complète, chape : L x l = 4,9 x 1,4 cm, niveau d’incendie de 1541 d’une fonderie, Prague (Žegklitz et al. 1988, tabl. 3, n° 4). 2868 France, Hautes-Alpes : boucle avec chape incomplète, chape : L x l = 2,5 x 2,4 cm, H.S., chapelle des Gicons, Saint-Disdier (Fichier Lucy Vallauri 1969). 2869 Suisse, canton de Genève : boucle avec chape complète, chape : L x l = 2,8 x 2,3 cm, sur la tête du fémur gauche d’un corps, ND.S., église Saint-Georges, Hermance (Bonnet 1973, p. 90-91, n° 74). 2870 Espagne, province de Barcelone : boucle avec chape complète, Chape : L x l = 2,05 x 1,4 cm, N.D.S., Castell de Voltrera, Abrera (Bolos et al. 1981, p. 178, n° 114). 2871 France, Bas-Rhin : boucle avec chape complète, chape : L x l = 1,9 x 1,5 cm, XVIe siècle, château d’Ortenbourg (Rieb et Salch 1973, n° 346). 2872 France, Moselle : boucle avec chape complète, chape : L x l = 1,35 x 1,95 cm, réoccupation, seconde moitié XVe - première moitié XVIe siècle, thermes gallo-romains, Bliesbruck (Clemens et Petit 1995, p. 77). 2873 France, Hautes-Alpes : boucle avec chape complète, chape : L x l = 2,2 x 3 cm, bassin d’un adulte de sexe féminin, nécropole de la Tour Saint-Laurent (XIe - XIVe siècle), Oze (Bonnefoi 1969, p. 30). 2874 France, Landes : boucle avec chape complète, chape : L x l = 3,25 x 2,8 cm, prospection, quartier de Bézaudin, Arengosse (Barrouquère et al. 2003, p. 140, fig. 12, E). 2875 France, Loire : boucle avec chape complète, chape : L x l = 1,5 x 2,5 cm, XVe siècle, château d’Essertines, Essertines-Basses (Maccari-Poisson 1992, p. 149). 592 3. Approche croisée du mobilier archéologique chapes en fer du même modèle que le type A2a sont attestées sur des boucles en fer des types B42880, C2b2881, P1b2882 et des pièces analogues aux artefacts des types F2a2883 et H12884. Une découpe ornementale de la bordure proximale n’est enregistrée que pour deux spécimens : elle est en arc de cercle pour un exemplaire rattaché à une boucle de type E1b2885, en accolade incomplète pour un individu fixé à une boucle de type P52886. Elle est complétée dans ce dernier cas par deux incisions obliques. Une décoration complexe par gravure est visible sur la chape d’une boucle de type C2a et sur un spécimen appartenant à une variante du type C22887. L’ornementation est beaucoup plus classique sur une chape isolée découverte dans un niveau d’occupation daté entre le XIIIe et le début du XVe siècle d’une maison du village médiéval de Dracy à Baubigny en Côte-d’Or2888. Entre deux lignes de zigzags disposées le long des grands côtés prennent place des segments de zigzags orientés en zigzags. Un motif cordé gravé est disposé selon le petit axe en partie proximale de la chape d’une boucle de type J8a2889. Un cadre complet formé de deux lignes incisées s’observe sur la 2876 France, Hautes-Alpes : boucle dont le bord extérieure de la traverse distale est bossselé avec chape complète, chape : L x l = 2,55 x 2,1 cm, H.S., chapelle des Gicons, Saint-Disdier (Fichier Lucy Vallauri 1969). 2877 France, Charente-Maritime : boucle avec chape complète, chape : L x l = 2,1 x 1,6 cm, dépotoir des XVIe - XVIIe siècles, 14-16 rue Delayant, La Rochelle (Berthon (dir.) 2013, p. 60, n° 62). Royaume-Uni, Museum of London : boucle avec chape complète, L x l = env. 1,8 x 2,6 cm, H.S., Londres ? (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 84). 2878 Royaume-Uni, Grand Londres : boucle avec chape incomplète, chape : L x l = 2,4 x 2 cm, deuxième moitié du XIVe siècle, boucle avec chape complète étamée, chape : L x l = 1,8 x 1,4 cm, première moitié XVe siècle, boucle avec chape complète, chape : L x l = 2,4 x 1,7 cm, première moitié XVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 99, n° 457 à 459). 2879 Royaume-Uni, Grand Londres : boucle avec chape complète, chape : L x l = 2,7 x 1,3 cm, dernier quart XVIIe siècle, Abbots lane, Londres (Egan 2005, p. 38, n° 115). 2880 France, Indre-et-Loire : boucles avec chape complète, chape : L x l = 3,8 x 3,4 cm et 3,3 x 2,7 cm, remblai du XIe siècle, boucles avec chape complète, chape : L x l = 1,2 x 1,15 et 1,6 x 1,45 cm, dépotoir, dernier quart XVe - premier quart XVIe siècle, château, Tours (Motteau (dir.) 1991, n° 89, 90, 95 et 96). 2881 France, Loir-et-Cher : boucle avec chape complète, chape : L x l = 3 x 1,6 cm, comblement de fosse dépotoir, IXe - Xe siècle, Maison de la Magie, Blois (Aubourg et Josset 2003, p. 210, n° 123). 2882 Royaume-Uni, Grand Londres : boucle avec chape incomplète, chape : L x l = 1,7 x 1,7 cm, première moitié du XVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 99, n° 460). 2883 France, Aude : boucle avec chape complète, chape : L x l = 3 x 1,5 cm, château de Peyrepertuse (N.D.S.), Duilhac-sous-Peyrepertuse (Bayrou 2000d, p. 211, fig. 143, n° 1). 2884 France, Loir-et-Cher : boucle avec chape incomplète, chape : L x l = 3 x 3,15 cm, comblement de fosse dépotoir, IXe - Xe siècle, Maison de la Magie, Blois (Aubourg et Josset 2003, p. 210, n° 122). 2885 Objet déjà cité. 2886 Objet déjà cité. 2887 Objets mentionnés précédemment. 2888 Chape incomplète, L x l = 6,9 x 1,7 cm (Piponnier 1975a, p. 78). 2889 Objet déjà cité. 593 3. Approche croisée du mobilier archéologique chape d’une boucle de type F1a2890. L’estampage a permis, sur la chape d’une boucle d’une variante du type O, l’obtention des lettres gothiques ANG en réserve sur un fond guilloché entre deux bandes de lignes et de points en relief2891. Les initiales A A – chaque lettre étant placée dans un cadre – apparaissent sur un fond similaire sur la chape d’une boucle de type P2b montée sur une ceinture en cuir décorée d’appliques de type Q32892. J. Hubert et G. Démians d’Archimbaud supposent qu’il s’agit d’un objet sinon de fabrication du moins d’inspiration italienne2893. Les plus anciennes chapes de type A2a actuellement répertoriées proviennent de nécropoles des VIe et VIIe siècles à Pinguente dans le comitat d’Istrie en Croatie, près de la frontière italienne2894. Elles sont vierges de décor et sont liées à des boucles ovales ou semiovales à traverse proximale réduite et à une boucle rectangulaire. Il n’est pas improbable, même si les chapes de type A sont exceptionnelles au haut Moyen Âge, qu’il en ait existé en Provence à cette époque, d’autant plus que le type A2b est connu dans la région. Les chapes de type A2a ont continué d’être utilisées semble-t-il jusque durant la première moitié du XVIe siècle. Type A2b : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, à fente distale, à retraits latéraux et à deux rivets traversant alignés dans la largeur (fig. 182, n° 14 ; fig. 183, n° 11 ; fig. 198, n° 4 ; fig. 201, n° 21 ; fig. 202, n° 1 ; fig. 212, n° 6, 9 et 10 ; fig. 247, n° 3 ; fig. 264, n° 8 ; fig. 273, n° 9 et 10) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 161 A, remblai funéraire des XIVe XVIe siècles ; n° 326 A, caveau des XIVe - XVIe siècles ; n° 427 A, décapage de surface, N.D.S. Bouches-du-Rhône  La Seds, Aix-en-Provence : n° 1, fin XIIe - XIVe siècle. 2890 Objet déjà cité. Objet mentionné précédemment. 2892 Objet déjà cité. 2893 Bonnefoi 1969, p. 30. 2894 Torcellan 1986, pl. 2, n° 6 et 8, pl. 20, n° 11, pl. 21, n° 10). 2891 594 3. Approche croisée du mobilier archéologique Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 311, sol de zone extérieure, fin XIIe - première moitié XIIIe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1104, premier tiers XIVe siècle ; n° 1089, seconde moitié XIVe siècle ; n° 1093, troisième tiers XIVe siècle ; n° 79, N.D.S. ; n° 1154, H.S.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1360, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400.  Rue Carreterie, Avignon : n° 309, contexte inconnu. Des chapes quadrangulaires à retraits latéraux, à fente distale et à deux perforations pour rivet en partie proximale (ex : fig. 273, n° 9 et 10), sont identifiables sur des boucles des types C2a2895, C7 (fig. 182, n° 14)2896, C8a (fig. 183, n° 11)2897, D12898, D22899, D3 (fig. 198, n° 4)2900, E1b (fig. 201, n° 21 ; fig. 202, n° 1)2901, E3b2902, E4d2903, E52904, F2a2905, H2a 2895 France, Indre : boucle avec chape complète, chape : L x l = 2,1 x 1,4 cm, XIe - XIIe siècle, Montbaron, Levroux (Querrien et Blanchard 2004, p. 123). 2896 Belgique, province du Hainaut : boucle avec chape complète, Chape : L x l = 2,2 x 1,6 cm, trésor monétaire daté entre 1192 et 1203, église sous la place Saint-Pierre, Tournai (Dewit et al. 1999, p. 171, n° 1). 2897 Portugal, province de Faro : boucle avec chape complète, Chape : L x l = 7,4 x 1,8 cm, XIIIe siècle, palais almohade de Alcáçova de Silves, Castelo de Silves (Gomes 2001, n° 245). 2898 Collection particulière belge : boucle avec chape complète, Chape : L x l = 4,8 x 4,5 cm (Gauthier at al. 2011, CD-Rom, fiche VII A, n° 4). 2899 Italie, province de Rome : boucle avec chape complète, chape : L x l = 2,7 x 3,6 cm, seconde moitié XIVe - début XVe siècle, Crypta Balbi, Rome (Sfligiotti 1990, p. 544). Royaume-Uni, Norfolk : boucle avec chape complète, chape : L x l = 3 x 2,3 cm, vers 1280 - vers 1380, Barker Lane, King’s Lynn (Geddes et Carter 1977, p. 287, n° 9). 2900 France, Aveyron : boucle avec chape complète, Chape : L x l = 3 x 2,6 cm, peut-être le fanum de la Fajole à Recoules-Prévinquières (Parures 1990, p. 123, n° 212) ; Hautes-Pyrénées : boucle avec chape presque complète, dimensions inconnues, XIIIe - XIVe siècle, place de Verdun, Tarbes (Barrère 1994, p. 66-67) ; Tarn : boucle avec chape complète, chape : L x l = 1,4 x 1,2 cm, Le Castlar, Durfort (Archéologie 1990, p. 215, n° 426) ; Seine-et-Marne : boucle avec chape complète, Chape : 2,25 x 2,4 cm, Musée de Meaux (Dupond et al. 1992, p. 93, n° 15) ; boucle avec chape complète, chape : L x l = 2 x 1,6 cm, utilisation de latrines, première moitié XVIe siècle, château de Blandy-lesTours (Castille 2006, p. 115, fig. 71, n° 11). Espagne, province d’Álava : boucle avec chape complète, dimensions inconnues, contexte inconnu, Túnel de San Adrián (Trabajos 1985, p. 116 et 117, n° C.1.4). Royaume-Uni, Denbighshire : boucle avec chape complète avec traces de couverte blanche, chape : L x l = 2,2 x 1,6 cm, comblement de fosse, N.D.S., Rhuddlan (Quinnell et al. 1994, p. 165, fig. 16.1, n° 3) ; Grand Londres : boucle avec chape complète, chape : L x l = 1,7 x 1,55 cm, deuxième moitié XIIe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 74, n° 303) ; Hampshire : boucle avec chape complète, chape : L x l = 2,4 x 1,7 cm, N.D.S., villa romaine de Rockbourne, Fordingbridge (Cherry 1981b, pl. XXXII, fig. e). 595 3. Approche croisée du mobilier archéologique (fig. 212, n° 6, 9 et 10), J1a2906, J1c2907, P1e (fig. 247, n° 3), de variantes des types E2908, H2909 et O2910. Des boucles en fer des types C1b2911, H12912, J72913 et J8a2914 proposent également une chape de même aspect que le type A2b. Les chapes de type A2b sont d’une grande ancienneté. Connues semble-t-il depuis l’époque romaine2915, elles sont attestées au haut Moyen Âge en Provence ainsi que 2901 Espagne, province de Barcelone : boucle avec chape complète, chape : L x l = 4,3 x 1,8 cm, prospection, L’Esquerda, Roda de Ter (Ollich 1976, p. 510). Royaume-Uni, Leicestershire : boucle avec chape complète, Chape : L x l = 2,75 x 2,4 cm, bassin d’un jeune homme d’environ 21 ans inhumé dans la première moitié ou le milieu du XIVe siècle, Austin Friars, Leicester (Clay 1981, n° 25). 2902 Royaume-Uni, Denbighshire : boucle avec chape complète, L x l = 2,6 x 1,5 cm, pas de datation disponible, Rhuddlan (Quinell et al. 1994, p. 165, n° 2, fig. 16.1). 2903 France, Ariège : boucle avec chape complète, chape : L x l = 3,05 x 1,3 cm, château de Montségur (N.D.S.), Ariège (Rapport 1975, p. 56 ; Czeski 1981, p. 197, n° 8/75). Italie, province de Lecce : boucle avec chape complète, chape : L x l = 7,4 x 1,4 cm, bassin d’un corps de jeune fille (7 à 9 ans), l’identification du sexe est proposée par la découverte d’une boucle d’oreille, datation C14 à deux sigmas entre 1318 et 1431, village médiéval de Quattro Macine, Giuggianello (Arthur et al. 2007, p. 299). 2904 Royaume-Uni, Grand Londres : boucle avec chape incomplète, chape : L x l = 2,4 x 1,7 cm, vers 1200 - vers 1230, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 76, n° 315). 2905 France, Gers : boucle avec chape complète dorée, chape : L x l = 3,3 x 2,2 cm, village de Corné (vers 1170 - vers 1250), L’Isle-Bouzon (Lassure 1995, p. 506, fig. 407, n° 8 ; Archéologie 1990, p. 210, n° 399). 2906 France, Aude : boucle avec chape complète, chape : L x l = 3 x 1,65 cm, dépotoir des XVIe XVIIe siècles, Église Sainte-Marie, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Bayrou et al. 1991, p. 75). 2907 Royaume-Uni, Scottish Borders : boucle avec chape complète, Chape : L x l = 1,1 x 1,75 cm, vers 1138 - vers 1300, abbaye de Jedburgh (Caldwell 1995a, p. 86, n° 43). 2908 Royaume-Uni, comté de Suffolk : boucle avec chape complète, chape : L x l = 2,75 x 1,9 cm, N.D.S., Moreton Hall, Bury Saint Edmunds (Cherry 1981b, pl. XXXII, fig. c). 2909 Allemagne, land de Rhénanie-Palatinat : boucle avec chape complète, Boucle : L x l = 1,1 x 2 cm, Chape : L x l = 2,15 x 1,55 cm, Trèves (Vivre au Moyen Âge 1998, p. 265, n° a). 2910 Royaume-Uni, Grand Londres : Boucle avec chape complète, Chape : L x l = 1,8 x 1,8 cm, première moitié du XVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 88, n° 461) 2911 France, Loir-et-Cher : quatre boucles avec chape complète plus large que longue, comblement de fosse dépotoir, fin VIIIe - première moitié IXe siècle et IXe - Xe siècle, Maison de la Magie, Blois (Aubourg et Josset 2003, p. 210, n° 117 à 120). Royaume-Uni, Grand Londres : boucle avec chape complète, chape : L x l = 2,9 x 2, cm, vers 1270 - vers 1350, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 94, n° 422). 2912 Italie, province de Pordenone : boucle avec chape complète, chape : L x l = env. 1,8 x env. 1,1 cm, XIIIe - XVe siècle ?, château, Montereale Valcellina (Piuzzi 1987, p. 144, n° 13). 2913 Royaume-Uni, Grand Londres : boucle avec chape complète, chape : L x l = 3,1 x 1,8 cm, vers 1270 - vers 1350 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 97, n° 441). 2914 Italie, province d’Udine : boucle avec chape complète, chape : L x l = 1,75 x 1,3 cm, castello di Zuccola, Cividale del Friuli (Favia 1992, p. 272, n° 43). 2915 Une chape presque complète en alliage cuivreux plus large que longue (L x l = env. 3 x env. 4,1 cm), ornementée de « rangs perlés » et aux pattes de la charnière cannelées, est conservée sur une boucle antique à fenêtre semi-ovale moulurée en possession du musée d’Abbeville dans la Somme. Sa datation typologique est de la seconde moitié du IVe siècle (Bullinger 1969, n° 3). 596 3. Approche croisée du mobilier archéologique l’indiquent deux boucles à fenêtre quadrangulaire à traverse proximale réduite, trouvées à Marseille, dont la chape est encore en place2916. Quelques chapes du second Moyen Âge conservent des traces de dorure (fig. 201, n° 21). Deux exemplaires britanniques présentent encore une couverte blanche – étamage ou argenture2917. L’ornementation gravée est extrêmement courante : citons un cadre complet constitué d’une ligne incisée2918, de deux files de dents de loup opposées par la base (fig. 264, n° 8 ; fig. 273, n° 10)2919, de zigzags (fig. 182, n° 14)2920, de zigzags encadrant un losange de zigzags broché d’une croix de même2921, de deux lignes limitant un quadrillage oblique (fig. 201, n° 21). Une chape du corpus est gravée de lignes le long des bords latéraux et d’une ligne ondulée au centre (fig. 183, n° 11), une autre ne comporte que de simples croix de saint André encadrées sur les charnons (fig. 202, n° 1). Des chapes présentent un décor incisé notablement plus complexe. Une pièce espagnole comporte un canevas de bandes obliques vierges limitées par des lignes incisées sur un fond d’incisions parallèles transversales à l’axe de la chape2922. Un exemplaire avec dorure mis au jour dans le Tarn est orné de deux courtes lignes de zigzags se croisant en leur centre, dans un cadre de rectangles profondément incisés contenant de petites croix ou une frise de grecques alternant avec des rectangles de segments parallèles. Les charnons sont gravés d’une croix de saint André dans un carré2923. Le maintien de la chape sur la boucle, disparue, s’effectuait par un enroulement complet des charnons autour de la traverse proximale. La chape ne comporte donc qu’une seule épaisseur de tôle. En Belgique, il a été trouvé, associée à un trésor monétaire daté entre 1192 et 1203 dans une ancienne église démolie sous la place 2916 Se reporter à Stutz 2003 (pl. 39, n° 590). Des boucles semi-ovales et ovales à chape de type A2b ont été découvertes dans diverses nécropoles des VIe et VIIe siècles à Pinguente dans le comitat d’Istrie dans l’extrême nord-ouest de la Croatie (Torcellan 1986, pl. 2, n° 7, pl. 3, n° 5). 2917 Royaume-Uni, Denbighshire : chape complète avec traces de couverte blanche, L x l = 3,2 x 2,3 cm, datation inconnue, boucle de type D3 à chape complète avec traces de couverte blanche, déjà mentionnée (Quinell et al. 1994, p. 165, n° 3 et 5, fig. 16.1). 2918 Italie, province de Rome : boucle de type D2 avec chape complète déjà citée (Sfligiotti 1990, p. 544). 2919 France, Tarn : chape complète, L x l = 2,6 x 1,1 cm, seconde moitié XIIe siècle - première moitié XIIIe siècle, château de Montaigut, Gissac (Hensel et al. 1970a, fig. 30, n° 4). Grand Londres : boucle de type D3 avec chape complète, déjà signalée (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 74, n° 303). 2920 Le décor gravé est en partie effacé. 2921 France, Indre : boucle de type C2a avec chape complète déjà mentionnée (Querrien et Blanchard 2004, p. 123) 2922 Espagne, province de Barcelone : chape incomplète, L mini x l = 6,3 x 1,3 cm, L’Esquerda, Roda de Ter (Ollich 1976, p. 516, n° 10 ; Bolos et al. 1981, p. 148, n° 62). 2923 France, Tarn : objet entier, chape : L x l = 2,7 x 1,2 cm, Le Castlar (XIIIe - XIVe siècle), Durfort (Archéologie 1990, p. 210, n° 400). 597 3. Approche croisée du mobilier archéologique Saint-Pierre à Tournai, une boucle de type C7 dont la chape est gravée de quatre ovales rayonnants depuis le milieu de la chape, sur un fond de lignes obliques, dans un cadre complet composé de lignes2924. Le décor gravé peut être accompagné d’une découpe du bord proximal. Celui-ci est entaillé d’un petit triangle sur une chape dont le champ est orné d’un cadre complet formé de deux lignes qui enclot des entrelacs. Cette pièce appartient à une boucle de type E1b2925. Une boucle de type E4d conserve une chape ornée d’un motif constitué de files de dents de loup opposées par la base et dont le bord proximal est découpé de deux triangles2926. Les triangles sont au nombre de trois sur un morceau de chape isolé qui présente des zigzags le long des bords latéraux ; ces zigzags encadrent un zigzag de zigzags2927. Une chape complète est ornée de trois lignes parallèles, orientées transversalement à l’axe de l’objet, près des rivets et est découpée d’un demi-cercle2928. Quelques chapes n’ont pas de décor gravé mais seulement des découpes. La chape d’une boucle ariégeoise de type E4d est entaillée en bordure proximale de deux triangles, et entre eux d’un cercle presque complet2929. La découpe de ce cercle est si large que les deux perforations pour rivet sont presque rejetées en partie centrale de la chape. Une chape espagnole isolée, très large, est découpée de deux arcs de cercle entourés de triangles2930. La bordure proximale de la chape d’une boucle anglaise de type E1b est découpée d’un pique entouré par deux arcs de cercle2931. Une chape incomplète du corpus fixée à une boucle de type H2a (fig. 212, n° 6) présente deux ajours en forme de croissant au milieu de la chape. Deux triangles étaient découpés à partir du bord proximal. La partie distale est ornée de trois « sabliers » quadrillés. Ils paraissent avoir été obtenus avec un poinçon triangulaire. Un fragment de cuir de la ceinture est actuellement conservé. Il a entraîné, par une rétraction liée au dessèchement, un morceau de la chape. 2924 Boucle avec chape complète précédemment mentionnée (Dewit et al. 1999, p. 171, n° 1). Espagne, province de Barcelone : boucle avec chape complète déjà citée (Ollich 1976, p. 510). 2926 Italie, province de Lecce : boucle avec chape complète déjà citée (Arthur et al. 2007, p. 299). 2927 France, Côte d’Or : chape incomplète, L cons. x l = 3,65 x 1,25 cm, sol de l’étage d’un bâtiment, XIIIe - début XVe siècle, village médiéval de Dracy, Baubigny (Piponnier 1975a, p. 78). 2928 France, Nord : chape complète, L x l = 4,85 x 1,45 cm, N.D.S., rue Mongat (XIIIe - XVIIe siècle), Douai (Louis et al. 1998, p. 61, n° 1). 2929 France, Ariège : boucle de type E4d avec chape complète déjà mentionnée (Rapport 1975, p. 56 ; Czeski 1981, p. 197, n° 8/75) 2930 Espagne, province de Barcelone : chape incomplète, dimensions inconnues, entre le XIVe et le XIXe siècle, couvent de Sant Agustí, Barcelone (Parra 2009b, Gea i Bullich 2009) 2931 Royaume-Uni, Leicestershire : boucle avec chape complète précédemment citée (Clay 1981, n° 25). 2925 598 3. Approche croisée du mobilier archéologique Un ajour en forme de fenêtre d’architecture à arc trilobé apparaît au milieu d’une chape à retraits latéraux triangulaires découverte dans un niveau du XIIIe siècle du palais almohade d’Alcáçova de Silves à Castelo de Silves dans la province de Faro au Portugal2932. Elle est à mettre en parallèle avec les chapes des types A1c, B1c, C1c, C2c, C4b. La chape portugaise, attachée à une boucle de type C8a, est décorée par gravure de motifs géométriques complexes. Son bord proximal est découpé de deux triangles. Une petite tôle en forme de personnage stylisé, maintenue par un rivet sous la base de la fenêtre, est disposée de telle façon que le personnage apparaît dans la fenêtre. Un travail d’ajourage du centre de la chape d’une boucle de type D1 a produit une créature fantastique à longue queue, assez sommaire. Elle est placée dans un cadre quadrillé. L’objet, attribué à une production des environs de 1210 des ateliers de Limoges dans le Corpus des émaux méridionaux, appartient à une collection particulière belge2933. D’autres techniques comme l’emboutissage ou l’impression au moyen d’un poinçon sont mises en œuvres pour les chapes de type A2b. L’utilisation d’un poinçon paraît probable pour les deux motifs de rosace d’une chape isolée avec traces de dorure. Ils sont enclot par un cadre complet que la reproduction photographique disponible ne permet pas de définir précisément. L’objet fut trouvé dans la vallée du Túnel de San Adrián dans la province d’Álava en Espagne2934. L’avers de la chape de deux boucles du corpus de type H2a (fig. 212, n° 9 et 10) a été travaillé au repoussé pour faire apparaître un motif cordé, une bande bombée et dans un cas des « côtes » de coquillages. La chape la plus complète est ajourée de croissants. Les motifs visibles sur ces deux chapes se retrouvent sur les mordants retrouvés dans les mêmes contextes. Place de Verdun à Tarbes, une opération archéologique a conduit à la découverte d’une boucle de type D3, dans un contexte des XIIIe - XIVe siècles, dont la bordure proximale de la chape est découpée de deux cercles et du champ embouti ou repoussé d’un écu dans un ovale. L’écu ne comporte actuellement aucun décor2935. Peut-être était-il émaillé ? Dans l’Aveyron, une boucle de type D3, peut-être ramassée au fanum de la Fajole à RecoulesPrévinquières, conserve une chape au décor embouti et gravé figurant un fauconnier à cheval : « le personnage, coiffé selon une mode en usage au XIIIe siècle, porte une cotte ou un surcot recouvert d’un manteau agrafé sur l’épaule gauche. Sur son poignet gauche, protégé par un 2932 Boucle avec chape complète déjà citée (Gomes 2001, n° 245) Boucle avec chape complète déjà citée (Gauthier at al. 2011, CD-Rom, fiche VII A, n° 4). 2934 Chape incomplète, dimensions inconnues (Trabajos 1985, p. 116 et 117, n° C.1.4). 2935 Boucle avec chape presque complète précédemment mentionnée (Barrère 1994, p. 66-67). 2933 599 3. Approche croisée du mobilier archéologique gant dont les lacets dont figurés, est posé un oiseau de proie dressé (gerfaut, faucon, autour ou épervier…). L’équipement est également rendu avec précision »2936. Une chape provenant d’un site archéologique à Rhuddlan dans le comté de Denbighshire au Royaume-Uni est décorée d’une bordure de zigzags et d’un bombement au centre2937. Toujours par emboutissage, il a été figuré un lion sur deux chapes britanniques. Sur l’une d’elles, portant des traces de dorure, issue d’un niveau du premier tiers du XIIIe siècle d’un site londonien, l’animal marche avec la tête tournée vers l’arrière. Le fond est « habillé » de coups de poinçon2938. La deuxième chape appartient à une collection particulière. Les pattes avant du lion sont levées et le fond est nu2939. La technique du repoussé pourrait avoir été utilisée pour faire apparaître un cadre et des lignes en relief sur une chape isolée trouvée dans un niveau de la première moitié du XVIe siècle sur le site d’Abbots Lane à Londres2940. Son bord proximal est festonné. D’autres techniques encore, comme la fonte, ont été mises en œuvre : un groupe d’une dizaine de chapes britanniques au décor issu de fonte et ciselé, se caractérise par une figuration inspirée de la sculpture médiévale dans laquelle se retrouve le Christ trônant entre deux anges tenant des couronnes au-dessus de sa tête, le Christ trônant entouré de rinceaux végétaux et tenant un oiseau de la main gauche, un animal à écailles, une plante entourée d’oiseaux2941. D. Boughton et G. Egan les datent du XIIe siècle et de la première moitié du XIIIe siècle2942. Deux exemplaires sont en place sur une boucle de type D3 et sur une variante du type E2943. L’émaillage s’observe ou se devine sur des chapes de la bibliographie. Une chape isolée avec traces de dorure découverte sur le site du village médiéval de Corné (vers 1170 vers 1250) à L’Isle-Bouzon en Ariège présente sur sa partie centrale un quadrillage de zigzags. Il est encadré par des triangles profondément creusés, probables réceptacles pour de l’émail. Des lignes de pointillés obtenus avec un poinçon conique occupent l’espace libre 2936 Boucle avec chape complète déjà citée (Parures 1990, p. 123, n° 212). Boucle avec chape complète déjà citée (Quinell et al. 1994, p. 165, n° 2, fig. 16.1). 2938 Chape complète, L x l = 2,4 x 1,7 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 112, n° 500). 2939 Chape complète, L x l = 2,4 x 1,8 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 111, figure non numérotée). 2940 Chape complète, L x l = 2,8 x 1,8 cm (Egan 2005, p. 39, n° 125). 2941 Dimensions comprises entre 2,4 x 1,7 et 3,45 x 2,15 cm. Un spécimen en place sur une boucle de type D3 trouvée à Fordingbridge (objet déjà cité) et un autre sur une boucle de type E (artefact déjà signalé). Se reporter à Cherry 1981b, p. 368 ; Burnett 2009, fig. 6b ; Williams 2009, fig. 6a ; Boughton et Egan 2009, fig. 6c. 2942 Boughton et Egan 2009, p. 344. 2943 Boucles avec chapes complètes précédemment citées (Cherry 1981b, pl. XXXII, fig. c et e). 2937 600 3. Approche croisée du mobilier archéologique entre les triangles et se prolongent sous forme de lignes parallèles en bordure des charnons2944. Du même site provient une boucle de type F2a dont la chape est gravée en son centre d’un château stylisé encadré sur trois côtés par des cartouches profondément creusés sur lesquels se détachent des motifs cruciformes2945. Les ateliers de Limoges ont produit des chapes émaillées de type A2b même si elles sont beaucoup moins fréquentes que celles de type C2b. Un exemplaire trouvé dans un niveau du XIIIe siècle Rue d’Amiens à Arras dans le Pas-de-Calais figure un guerrier agenouillé, apparaissant en réserve sur un fond émaillé bleu, tenant d’une main une épée levée et de l’autre un écu à émail vert2946. La tête du personnage en fort relief correspond à une applique à tige intégrée rivetée. Une ligne de zigzags court sur chaque côté de la chape. Le bord de la chape et la tête du guerrier sont dorés. Une pièce similaire appartient à une collection particulière. Elle est datée stylistiquement vers 1200 par les auteurs du corpus des émaux méridionaux2947. Découverte à Trèves en Allemagne, dans un contexte des XIIIe - XIVe siècles, une chape reliée à une boucle de type H à ergot distal est creusée pour laisser apparaître un quadrupède ailé couché2948. Le fond rayé était très probablement émaillé. Au Royaume-Uni, les fouilles du site de Barker Lane à King’s Lynn dans le comté de Norfolk ont fourni une chape trouvée dans un niveau de la seconde moitié du XIIIe siècle dont le motif doré et émaillé de bleu en champlevé n’est plus reconnaissable2949. D’un contexte daté vers 1280 - vers 1380 de ce site provient une chape entaillée de chevrons qui étaient peut-être remplis d’émail tout comme les entailles visibles sur la traverse distale de la boucle de type D22950. Le fond des incisions est rayé pour probablement faciliter l’adhérence de l’émail. La chape comporte un cadre complet constitué de zigzags près des bords latéraux, de possibles coups de poinçon près des bords proximal et distal. D’un contexte du XIIIe siècle d’un site dans Surrey Street dans la même ville provient une chape avec figure d’un centaure doré sur un fond rayé pour accueillir de l’émail. Des initiales sont gravées au revers2951. Plus au sud à Londres, une chape est creusée de façon à 2944 Moitié de chape, L x l = 3,9 x 2,8 cm (Archéologie 1990, p. 209, n° 397 ; Lassure 1995, p. 506, fig. 407, n° 9, fig. 408, n° 2). 2945 Objet déjà mentionné. 2946 Chape incomplète, L x l = 3,3 x 2,7 cm (Barbieux (dir.) 1993, p. 15). 2947 Gauthier at al. 2011, CD-Rom, VII A, n° 8. 2948 Boucle avec chape complète déjà mentionnée (Vivre au Moyen Âge 1998, p. 265, n° a). 2949 Chape incomplète, L cons. x l = 2,8 x 2,3 cm (Geddes et Carter 1977, p. 287, n° 8). 2950 Artefact déjà cité. 2951 Chape complète, L x l = 2,7 x 1,9 cm (Geddes et Carter 1977, p. 287, n° 7). 601 3. Approche croisée du mobilier archéologique laisser apparaître en réserve un oiseau fabuleux2952. L’émail de cette pièce, trouvée en position résiduelle dans un niveau de la première moitié du XVe siècle, a disparu. Les données disponibles sur l’émaillage des chapes font remonter sa datation au XIIIe siècle. Les chapes de type A2b sont attestées depuis l’antiquité romaine en Europe de l’ouest, depuis le haut Moyen Âge au moins en Provence. Elles semblent perdurer jusque durant la première moitié du XVIe siècle. Type A2c : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, à fente distale, sans retraits latéraux et à deux rivets traversant alignés dans la longueur (fig. 183, n° 2) Vaucluse  Rue Carreterie, Avignon : n° 305, datation inconnue. Le spécimen avignonnais n’est conservé qu’à l’état fragmentaire sur une boucle de type C7. Il reste une portion de la partie revers de la chape, les deux perforations dont une est occupée par un rivet et un fragment de la partie avers décoré de zigzags. Une chape en fer analogue au type A2c est attachée à une boucle de type J6 trouvée à Londres2953. Les fouilles au château d’Épinal (vers 1250 - vers 1650) dans les Vosges2954, au château du Haut-Barr à Saverne dans le Bas-Rhin2955 et sur le site d’Abbots Lane à Londres2956 ont chacun fourni une chape en alliage cuivreux sans retraits et sans décor qui se rétrécit vers l’extrémité proximale. L’exemplaire alsacien, attaché à une chape de type C2a, provient d’un contexte du XVIe siècle et la pièce anglaise appartient à un niveau de la seconde moitié du XVe siècle et de la première moitié du XVIe siècle. Une longue chape de type A2c s’observe sur une boucle de type B10 mise au jour dans le dépotoir – XIIe - XIIIe siècle avec traces d’activités ponctuelles ultérieures – du château de Sachuidic dans la commune de Forni di Sopra dans la province d’Udine en Italie2957. 2952 Moitié de chape, L x l = 2,6 x 2,1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 113, n° 530). Boucle complète avec chape à traces d’une couverte blanche, chape : L x l = 2 x 1 cm, vers 1270 vers 1350, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 95, n° 440). 2954 Chape complète, L x l = 2 x 1,35 cm (Kraemer 2002, pl. 15, n° 11). 2955 Boucle incomplète avec chape, Chape : L x l = 2,15 x 1,05 cm (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 452, n° 3.131) 2956 Chape complète, L x l = 3 x 1,3 cm (Egan 2005, p. 38, n° 122). 2957 Boucle avec chape complète, Chape : L mini x l = 6,8 x 0,8 cm (Vignola 2008, p. 86, 90, pl. 12, n° 9). 2953 602 3. Approche croisée du mobilier archéologique L’extrémité proximale de la chape est découpée d’un triangle. Deux triangles entaillent la bordure proximale de la chape d’une boucle de type C2a issue d’un contexte du XVIe siècle du château de Haut-Barr. Les bords latéraux, porteurs d’une ornementation illisible sur la reproduction photographique publiée, sont découpés d’un arc de cercle près de la charnière2958. Une boucle de type O1d découverte dans un niveau, possiblement datable de la seconde moitié du XIVe siècle d’après les auteurs, du site de Wacher C1 à Southampton comporte une chape dont l’extrémité proximale est tréflée2959. Plusieurs chapes du corpus et de la bibliographie proposent une ornementation basée sur l’emploi de motifs architecturaux. C’est aussi le cas d’une longue chape attachée à une boucle d’une variante de type P2, mise au jour dans un contexte des XIVe - XVe siècles au château de Rathsamhausen à Ottrott dans le Bas-Rhin. Une fenêtre avec arc en plein cintre y est gravée2960. Une applique de type D2b figurant un personnage dans une arcature, fixée par l’un des deux rivets, orne la chape d’une probable boucle de type B12. Des lignes de zigzags courent le long des grands côtés. L’objet a été récupéré lors d’un tamisage sur le site de la Place de la Comédie à Metz2961. Les chapes de type A2c pourraient être apparues durant le XIIIe siècle, peut-être la seconde moitié, et ont probablement continué à être employées jusqu’au XVIe siècle. Une disparition au cours de la première moitié du XVIe siècle peut être avancée comme pour les types A2a et A2b. Type A2d : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, à fente distale, à retraits latéraux et à deux rivets traversant alignés dans la longueur (fig. 203, n° 1 et 4 ; fig. 273, n° 11 et 12) Bouches-du-Rhône  Cour de l’Archevêché, Aix-en-Provence : n° 1, N.D.S. Gard  Collège Eugène Vigne, Beaucaire : n° 1229-82, sol du XIVe siècle dans un 2958 Boucle avec chape complète, Chape : L x l = 2,9 x 1,25 cm (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 452, n° 3.131). 2959 Boucle avec chape complète, Chape : L x l = 3,1 x 1,6 cm (Harvey et al. 1975, p. 258, fig. 242, n° 1775). La datation de cet objet semble plus tardive que la datation stratigraphique proposée. 2960 Boucle avec chape complète, Chape : L x l = 3,3 x 0,6 cm (Rieb et Salch 1973, n° 343). 2961 Boucle avec chape complète, Chape : L x l = 6,5 x 1,4 cm (Goedert et al. (dir.) 1996, p. 122, n° 176 ; Vivre au Moyen Âge 1998, p. 263). 603 3. Approche croisée du mobilier archéologique bâtiment. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3650, couche de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 2751, couche de dépotoir, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Vaucluse  Rue Carreterie, Avignon : n° 308, datation inconnue. Une chape de type A2d est visible dans le corpus et dans la bibliographie sur des boucles en alliage cuivreux des types C8a (fig. 183, n° 10)2962, E3a (fig. 203, n° 1 et 4) et E4b2963. La surface de la chape pouvait être recouverte d’étamage ou d’argenture2964, ornée par gravure ou poinçonnage. Une ligne ondulée de zigzags (fig. 203, n° 1), des lignes de coups d’un poinçon quadrangulaire2965, une frise de chevrons réservés sur un fond rempli de files parallèles de points alignés dans le sens de la longueur (fig. 203, n° 4)2966 orne l’avers de quelques pièces. La composition décorative est plus complexe sur une autre chape du corpus (fig. 183, n° 10) : elle associe incisions, ajour de fenêtre architecturé laissant apparaître une forme ondulée en tôle maintenue par un rivet. Un ornement en tôle a probablement été disposé dans l’ouverture quadrangulaire d’un fragment d’avers ou de revers de chape mis au jour à Rougiers (fig. 273, n° 12). Il apparaît clairement sur plusieurs chapes du corpus que le rivet intérieur traversait l’ensemble de la chape (fig. 183, n° 10 ; fig. 203, n° 1 et 4) mais pas la lanière de cuir ou de textile. Celle-ci était insérée entre le cinquième et la moitié de la longueur de la chape. L’extrémité distale de la chape peut être découpée d’un arc de cercle (fig. 183, n° 10 ; fig. 273, n° 12) ou de trois triangles (fig. 273, n° 11). 2962 Royaume-Uni, Essex : boucle avec chape complète, chape : L x l = 4,3 x 1 cm, N.D.S., Lion Walk, Colchester (Crummy (dir.) 2001, p. 51, n° 1813). 2963 France, Jura : boucle avec chape complète, chape : env. 4,1 x env. 0,9 cm, château de Pymont (XIIIe - XVe siècle), Villeneuve-sous-Pymont (Jeanjacquot 1993, p. 105, fig. 63, n° 1921). 2964 Royaume-Uni, Yorkshire du Nord : chape incomplète à couverte blanche, L x l = 2,5 x 1,05 cm, seconde moitié XIIIe - seconde moitié XIVe siècle, habitat médiéval, Wharram (Goodall 1979a, p. 111, n° 22). 2965 Moitié de chape avec couverte blanche, chape : L x l = 5,65 x 1,1 cm, antérieur à 1439 (Miles et Saunders 1975, p. 194, fig. 75, n° 92). 2966 Une frise de chevrons sur un fond de lignes obliques, assez ressemblante, est gravée sur une chape incomplète de type A3b (L x l = 5,5 x 1,15 cm) ramassée au castell de Mata (XIIIe - XVe siècle ?) à Mataró dans la province de Barcelone (Bolos et al. 1981, p. 139, n° 48) 604 3. Approche croisée du mobilier archéologique Le rivet proximal de la chape d’une pièce trouvée à Beaucaire (fig. 203, n° 4) a été fabriqué à partir d’une tôle enroulée aux extrémités martelées. Il s’agit probablement d’une réparation. Les données disponibles ne permettent pas actuellement de proposer une utilisation du type A2d en dehors du XIVe siècle. Type A3 : Chape à fente distale et à trois rivets traversant Les chapes à trois rivets traversant du corpus sont scindées en six sous-types établis selon l’aspect de la chape, la présence ou non de retraits latéraux, l’emplacement des rivets et le matériau. Les deux premiers sous-types regroupent les chapes quadrangulaires en alliage cuivreux à deux rivets en partie proximale sans (A3a) ou avec retraits latéraux (A3b), les trois suivants les chapes quadrangulaires avec trois rivets alignés en partie proximale, en alliage cuivreux et sans (A3c) ou avec retraits latéraux (A3d), en fer et avec retraits latéraux (A3e). Le sous-type A3f contient les chapes arrondies en partie proximale dont un des trois rivets traverse cette partie. Pour la période d’étude, d’autres sous-types en alliage cuivreux n’ont pour le moment pas été retrouvés en Provence. Le Musée archéologique de Strasbourg conserve une boucle de type E4c à chape quadrangulaire décorée le long des grands côtés de zigzags limités intérieurement par une ligne et dont les trois rivets sont alignés sur la longueur de la pièce2967. Une chape quadrangulaire sur une boucle de type F2a trouvée au village minier de Brandesen-Oisans (XIIe - milieu XIVe siècle) à L’Alpe d’Huez en Isère2968, une autre sur une boucle de type E2b provenant du site du château de Grigny (vers 1250 - vers 1650) dans le Pas-deCalais2969 et une chape isolée triangulaire dorée (H.S.) découverte sur le site de l’abbaye des franciscains à Carmarthen dans le Carmarthenshire au Royaume-Uni2970 comportent un rivet en partie proximale et deux rivets en partie distale. Le rivet proximal du spécimen isérois, particulièrement massif, pourrait avoir été rajouté lors d’une réparation ; celui de l’exemplaire britannique ne traversait par le revers de la chape, beaucoup plus court. 2967 Boucle avec chape complète, chape : L x l = 5,7 x 1,4 cm (Fingerlin 1971, fig. 42, n° 482 ; Piuzzi 1998, p. 283, fig. 7). 2968 Boucle avec chape complète, chape : L x l = 3,2 x 1,8 cm (Bailly-Maître et Bruno Dupraz 1994, p. 128). 2969 Boucle avec chape complète, dimensions inconnues (Dilly et al. 1999, p. 126, n° 5.5). 2970 Chape incomplète, L x l = 2,9 x 3,55 cm (Brennan 2001, n° 11). 605 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les rivets sont encore au nombre de trois sur la chape d’une boucle de type E2b, mise au jour à Trèves dans le land de Rhénanie-Palatinat en Allemagne, à charnière hexagonale prolongée par un corps ovoïde décoré d’un griffon par emboutissage2971. Deux rivets sont localisés en partie proximale, le dernier près de la fente distale. Type A3a : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, à fente distale, sans retraits latéraux et à trois rivets traversant dont deux en partie proximale (fig. 273, n° 13) Bouches-du-Rhône  Abbaye de Montmajour, Arles : n° 13, remblai, XVe/XVIe - XVIIe siècle. L’une des trois perforations de la chape arlésienne est occupée par un reste de rivet en fer. L’extrémité proximale est ondulée. Cette ondulation est différente entre les parties avers et revers, ce qui atteste très certainement d’une découpe décorative antérieure au pliage de la chape. Une chape isolée provient d’un niveau de la seconde moitié du XIIIe siècle de la grotte de Canecaude à Villardonnel dans l’Aude2972. Un exemplaire décoré de pointillés formant un motif de triangles, en place sur une boucle de type E1b, est issu d’un contexte possiblement daté du XIIIe siècle d’une ferme au lieu-dit Hejninge à Slagelse dans la région de Sjælland au Danemark2973. Une seule des trois perforations de la chape est à peu près bien centrée. Les deux autres, une en partie proximale et l’autre en partie centrale, sont décalées vers l’un des longs côtés. Il se pourrait que deux rivets aient été ajoutés pour renforcer la fixation et que la chape ait été originellement de type A1a. 2971 Boucle avec chape complète, chape : L x l = 2,55 x 1,9 cm, datation stratigraphique (?) des XIIIe XIVe siècles (Vivre au Moyen Âge 1998, p. 265, n° b). 2972 Moitié de chape, L x l = 4,4 x 1,5 cm (Sacchi et Barrère 2006, p. 119, 122). 2973 Boucle avec chape complète, chape : L x l = 3,65 x 1,15 cm (Steensberg 1986, p. 66, fig. 45). 606 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type A3b : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, à fente distale, à retraits latéraux et à trois rivets traversant dont deux en partie proximale (fig. 203, n° 3 ; fig. 273, n° 14 et 15) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 976, couche de dépotoir avec des éléments de destruction, milieu XIIIe - vers 1285 ; n° 3466, sol de bâtiment, vers 1345 - vers 1360 ; n° 982, foyer ?, vers 1360 - vers 1370/1375. Dans le corpus et dans la bibliographie, des boucles des types D22974, D32975, E3a (fig. 203, n° 3), conservent une chape de type A3a. Des boucles londoniennes en fer des types D32976 et F1b2977 comportent une chape à l’aspect identique. La largeur de la chape de la première boucle devient plus étroite en direction de son extrémité proximale. Elle présente des traces d’étamage comme peut-être une chape isolée issue d’un niveau daté vers 1138 vers 1300 de l’abbaye de Jedburgh dans les Scottish Borders2978. La chape de la boucle de type F1b conserve des rivets à tête bombée. Une ligne gravée fait le tour de la chape en alliage cuivreux d’une boucle londonienne de type D3 du deuxième tiers du XIIIe siècle2979. Des lignes parallèles, droites le long des grands côtés, incurvées en partie proximale pour suivre la découpe en arc de cercle apparaissent sur une pièce du corpus (fig. 273, n° 14). La chape d’une autre boucle londonienne de la seconde moitié du XIVe siècle de type D2 laisse apparaître une ligne de zigzags en partie effacée le long d’un grand côté2980. Une frise de chevrons sur un fond de lignes obliques est gravé sur une chape ramassée au castell de Mata (XIIIe - XVe siècles ?) à 2974 Royaume-Uni, Grand Londres : boucle avec chape complète, chape : L x l = 3,3 x 1,3 cm, seconde moitié XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 68, n° 262). 2975 Royaume-Uni, Grand Londres : boucle avec chape incomplète, chape : L x l = 4,3 x 1,5 cm, deuxième tiers XIIIe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 74, n° 304). 2976 Boucle avec chape complète retenant un fragment de cuir, chape : L x l = 3,2 x 1,3 cm, vers 1270 vers 1350 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 75, n° 305). 2977 Boucle avec chape complète, chape : L x l = 2,2 x 1,1 cm, vers 1270 - vers 1350 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 76, n° 319). 2978 Royaume-Uni, Yorkshire : moitié de chape, L x l = 4,7 x 2,15 cm, seconde moitié XIIIe - seconde moitié XIVe siècle, habitat médiéval de Wharram (Caldwell 1995a, p. 86, n° 47). 2979 Boucle avec chape incomplète signalée précédemment (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 74, n° 304). 2980 Boucle avec chape complète, chape : L x l = 3,3 x 1,3 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 68, n° 262). 607 3. Approche croisée du mobilier archéologique Mataró dans la province de Barcelone2981. Ce motif rappelle celui qui est visible sur un spécimen du type A2d trouvé à Beaucaire (fig. 203, n° 4). Une des chapes du castrum Saint-Jean est ornée à l’avers de deux rangées latérales de traits alternant avec des triangles découpés, réalisés à la lime (fig. 203, n° 3 ; fig. 277, n° 2), et limitées côté interne par une ligne incisée. Il manque le bord proximal de la chape. Il comportait vraisemblablement en son centre une incision triangulaire à la lime comme celle qui apparaît sur une chape analogue (fig. 273, n° 15), avec un rivet en position, qui a conservé une applique rivetée de type O2d. L’avers et le revers de la chape ainsi que l’applique sont recouverts d’une pellicule d’un amalgame d’argent et de mercure2982. Contrairement à la dorure au mercure déjà pratiquée dans l’antiquité romaine, l’argenture au mercure ne serait pas antérieure au haut Moyen Âge en Europe2983. Les données actuelles permettent d’avancer une datation typologique s’étendant du deuxième tiers du XIIIe siècle jusqu’à la fin du XIVe siècle. Type A3c : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, à fente distale, sans retraits latéraux et à trois rivets traversant alignés dans la largeur (fig. 247, n° 7 et 9) Var  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 96-532a, contexte inconnu. Les trois perforations de cette large chape sans retraits latéraux, fragmentée et incomplète, qui était fixée à une boucle de type P2a (fig. 247, n° 7), sont disposées le long du bord proximal. Il se pourrait qu’une boucle mise au jour anciennement à Rognac ait pu avoir une chape de type A3c avec un décor embouti (fig. 247, n° 9). Une très large chape découverte à l’emplacement du castell de Sacama à Olesa de Montserrat dans la province de Barcelone est décorée de lettres gothiques encadrées sur trois côtés par une bande constituée de points entre deux lignes2984. 2981 Chape incomplète, L x l = 5,5 x 1,15 cm (Bolos et al. 1981, p. 139, n° 48). Détermination par analyse de composition, se reporter à l’annexe 2. 2983 La Niece 1990, p. 108-109. 2984 Chape incomplète, L x l = 1,8 x 4,7 cm (Bolos et al. 1981, p. 171, n° 102). 2982 608 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type A3d : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, à fente distale, à retraits latéraux et à trois rivets traversant alignés dans la largeur (fig. 183, n° 13 ; fig. 202, n° 8) Bouches-du-Rhône  Le Castelet, Fontvieille : n° CAS 78.00.7, fin Moyen Âge - début Époque moderne. Var  Cour de justice, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 356-14-02, remblai, seconde moitié XIVe - XVIIe siècle. Les pièces de ce sous-type se différencient du sous-type précédent par la présence de retraits latéraux. Les deux chapes du corpus ont une ornementation complexe. La partie revers de la chape varoise (fig. 183, n° 13) est plus courte et plus fine que l’avers. La chape est disposée sur une boucle de type C8a. Elle comporte un décor imprimé depuis l'avers (fig. 277, n° 5), à l'aide de poinçons, de rinceaux végétaux et d’animaux fantastiques au long cou regardant vers l’arrière et dont les queues se terminent par des rinceaux végétaux, le tout encadré par des files de perles ou points en relief positif. L’avers de l’exemplaire du Castelet, enroulé autour de la traverse proximale d’une boucle de type E2b (fig. 202, n° 8), est animé d’un décor complexe créé par des zigzags, de courts segments et de rares lignes courbes gravés. Il apparaît en réserve des formes de chevrons et des formes en amande alignées et séparées latéralement par des lignes vierges. Quelques zigzags et segments mal placés ont été en partie effacés, probablement à l’aide d’un burin à bout rond pour écraser le métal sans laisser de traces. Ces repentirs ont été omis du dessin principal mais figurés dans les agrandissements et indiqués par des flèches. Trois rivets à tête plate et matée disposés le long du bord proximal assuraient la fixation sur la lanière. L’épaisseur de la tôle de la chape est plus importante à l’endroit de la charnière pour une meilleure solidité. 609 3. Approche croisée du mobilier archéologique Une chape de type A3d, attachée à une boucle de type F2a, a été ramassée lors d’une prospection au quartier de Bézaudin à Arengosse dans les Landes. La face avers est emboutie depuis l’avers d’un écu à deux fasces2985. Type A3e : Chape quadrangulaire en fer, à fente distale, à retraits latéraux et à trois rivets traversant alignés dans la largeur (fig. 213, n° 1) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3001, couche de dépotoir, vers 1345 - vers 1360. Une boucle en fer du corpus de type H2b conserve une partie d’une chape quadrangulaire à retraits latéraux, à fente distale et à trois rivets traversant alignés dans la largeur. Type A3f : Chape arrondie en partie proximale en alliage cuivreux, à fente distale, à retraits latéraux et à trois rivets traversant dont un en partie proximale (fig. 198, n° 15) Vaucluse  Avenue Sainte Douceline, Digne : n° 5, tranchée de fondation de mur, datation inconnue. Cette chape (fig. 198, n° 15) comporte une perforation pour rivet dans la partie proximale arrondie et deux autres perforations près des pattes de la charnière. Elle est décorée en bordure de lignes gravées. Elle est disposée sur une boucle de type D3, comme une chape vierge de toute ornementation mise au jour dans un contexte du XIIe siècle dans le hameau de Finalborgo à Finale Ligure dans la province de Savone en Italie2986. Le milieu de l’arrondi est interrompu par une légère pointe pour la chape d’une boucle de type D3 provenant d’un remblai de construction de fin XIIe - première moitié XIIIe siècle fouillé sur le site de la ZAC 2985 Boucle à chape complète, chape : L x l = 2,75 x 3,2 cm (Barrouquère et al. 2003, p. 140, fig. 12, F). Une fasce est une partition héraldique correspondant à un rectangle orienté dans la largeur de l’écu (Wenzler 2002, p. 120). 2986 Boucle avec chape complète, chape : L x l = 3,3 x 1,7 cm (Palazzi et Parodi 2003, p. 232). 610 3. Approche croisée du mobilier archéologique Avaricum à Bourges dans le Cher2987. En Angleterre, dans le Comté du Sussex de l’Est, une boucle de type C1a avec une chape de type A3f provient du comblement d’une fosse daté vers 1300 sur le site de Welsh Croft à Pevensey2988. Les quelques données disponibles sur les chapes de type A3f sont en faveur d’une datation relativement haute, du XIIe siècle – peut-être la fin de ce siècle – jusqu’à la fin du XIIIe siècle. Type A4 : Chape à fente distale et à quatre rivets traversant Seuls deux sous-types du type A4 ont pu être mis en évidence pour la région d’étude. Le sous-type A4a concerne les chapes quadrangulaires en alliage cuivreux à retraits latéraux, à fente distale et à quatre rivets traversant alignés transversalement à la chape deux par deux. Le sous-type A4b comprend une boucle en fer à chape en ailes de papillon sans retraits latéraux. Parmi les variétés existantes dans la bibliographie de comparaison, on peut citer une chape en alliage cuivreux à quatre rivets alignés dans la largeur sur des boucles des types D12989 et E1b2990, une chape à corps circulaire à quatre rivets alignés transversalement deux par deux2991, morphologie qui n’est pas sans rappeler une chape de type A3 trouvée en Allemagne à Trèves et déjà mentionnée. Les fouilles de l’église Saint-Pierre-des-Cuisine à Toulouse ont fourni une boucle mérovingienne en fer, à fenêtre semi-ovale, à traverse proximale réduite comportant une chape en fer similaire au type A4a et recouverte d’une feuille d’argent2992. 2987 Boucle avec chape complète, chape : L x l = 2,4 x 2,2 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 112, n° 2528). 2988 Artefact entier, Boucle : L x l = 1,7 x 4,1 cm, Chape : L x l = 3,6 x 3,5 cm (Dulley 1967, p. 228, n° 9). 2989 Royaume-Uni, Southampton : objet fragmentaire, Boucle : L x l = 2,7 x 7,35 cm ; Chape : L x l = 1,4 x 3,3 cm, Cuckoo Lane A, Southampton (Harvey et al. 1975, p. 281, fig. 252, n° 2021). 2990 Royaume-Uni, Grand Londres : boucle avec chape complète avec traces d’une couverte blanche, chape : L x l = 2,4 x 5,5 cm, seconde moitié XIVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 74, n° 311). 2991 France, Ariège : moitié de chape dorée à écu aux armes des comtes de Toulouse émaillée de rouge, L x l = 3,9 x 3,7 cm, ND.S., château de Montségur (Sarret 1980, p. 57 ; Sarret 1981b, p. 104 ; Archéologie 1990, p. 207, n° 385). 2992 Catalo 1988, p. 66. 611 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type A4a : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, à fente distale, à retraits latéraux et à quatre rivets traversant alignés transversalement deux par deux (fig. 205, n° 6 ; fig. 209, n° 6 ; fig. 212, n° 5 ; fig. 274, n° 1) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL 82.I.1.73, remblai du XVIIIe siècle.  Quartier Sainte-Barbe, Marseille : n° 858, milieu/seconde moitié XIIIe siècle - fin XIIIe/début XIVe siècle. Var  Abbaye de La Celle, La Celle : n° 2, sol des XIIIe - XIVe siècles. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 119, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Les chapes de type A4a2993 sont attestées sur des boucles en alliage cuivreux des types C7 (fig. 156)2994, D12995, D32996, E1b2997, E4b2998, E4c2999, E4d3000, F2a (fig. 205, n° 6)3001, F5 2993 Morceaux de chape isolés sans décor : France, Aude : moitié de chape, L x l = 3,7 x 1,6 cm, château de Peyrepertuse (N.D.S.), Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 222) ; Côte d’Or : moitié de chape, L x l = 4,7 x 1,5 cm, XIVe siècle, Grange du Mont, Charny (Beck 1989, p. 72) ; Nord : chape incomplète avec fragment de traverse, L x l = 4,8 x 1,3 cm, XVe siècle, rue Mongat, Douai (Louis et al. 1998, p. 64, n° 10). Espagne, province d’Alicante : morceau de chape, L mini x l = 3 x 1,25 cm, XIIIe - XIVe siècle, castillo de la Torre Grossa, Jijona (Azuar Ruiz 1985, p. 103) ; province de Barcelone : moitié de chape, L x l = 2,3 x 1,8 cm, XIIIe - XVIIIe siècle, Arc de Triomphe, Barcelone (Parra Alé 2010a, p. 130, n° 9, deuxième rang à droite). 2994 France, Cher : boucle avec chape complète, chape : L x l = 1,8 x 2,5 cm, dépotoir, fin XIIe première moitié XIIIe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 113, n° 2541). Espagne, province de Barcelone : boucles avec chape complète, chape : L x l = 3,9 x 2,1 cm et 4,1 x 3 cm, H.S., L’Esquerda, Roda de Ter (Bolos et al. 1981, p. 144-145, n° 56 et 57 ; Ollich 1976, p. 510, n° 5 et 6). 2995 Espagne, province de Barcelone : boucle avec chape presque complète, chape : L x l = 3,3 x 2,7 cm, Arc de Triomphe (XIIIe - XVIIIe siècle), Barcelone (Parra Alé 2010a, p. 130, n° 10). RoyaumeUni, Southampton : Boucle avec chape incomplète, chape : L x l = 2,8 x 6,6 cm, seconde moitié XIIIe siècle (Harvey et al. 1975, p. 281, fig. 252, n° 2021). 2996 France, Aude : boucle avec chape complète dorée et émaillée, chape : L x l = 1,95 x 2,05 cm, N.D.S., castrum de Cabaret, Lastours (Barrère 1999, p. 822, fig. 1, n° 4) ; Cher : boucle avec chape presque complète, chape : L x l = 2,6 x 1,6 cm, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot 2013, p. 113, n° 2559) ; Gers : boucle avec chape incomplète, chape : L x l = 2,7 x 1,8 cm, Corné (vers 1170 - vers 1250), L’Isle-Bouzon (Archéologie 1990, p. 209-210, n° 398 ; Lassure 1995, p. 505, fig. 407, n° 7). Espagne, province de Barcelone : boucle avec chape complète, chape : L x l = 4,8 x 1,7 cm, 612 3. Approche croisée du mobilier archéologique (fig. 209, n° 6), H2a (fig. 212, n° 5), J33002, P43003, des variantes des types E33004 et N23005. Les rivets sont disposés aux quatre coins de la chape. Dans quelques cas, la localisation des rivets distaux près de la charnière ne permettait pas leur utilisation dans la fixation de la chape sur la lanière. La plupart des rivets ont une tête bombée aux dimensions hétérogènes et une H.S., L’Esquerda, Roda de Ter (Ollich 1976, p. 509 ; Bolos et al. 1981, p. 143, n° 55) ; boucle avec chape incomplète, chape : L x l = 1,6 x 1,5 cm, Arc de Triomphe (XIIIe - XVIIIe siècle), Barcelone (Parra Alé 2010a, p. 131, n° 11). 2997 France, Aube : boucle avec chape complète, chape : L x l = 3,8 x 1,6 cm, époque moderne, Place des Halles, Troyes (Lenoble et al. 1997, p. 98, fig. 90, n° 4). Haute-Garonne : boucle avec chape complète, chape : L x l = 4,85 x 1,85 cm, H.S., Gué de Bazacle (Archéologie 1990, p. 216, n° 430). 2998 Italie, province d’Udine : boucle avec chape complète en argent, chape : L x l = 8,8 x 1,25 cm, couche d’abandon du XVIe siècle contenant de la céramique des XIe - XIIIe siècles, castello della motta di Savorgnano, Povoletto (Piuzzi 1998, p. 282-284, fig. 5 ; Piuzzi et al. 2003, p. 98 ; Piuzzi 2003, p. 175). 2999 France, Seine-et-Marne : boucle avec chape complète, Chape : L x l = 5,55 x 1,45 cm, musée de Meaux (Dupond et al. 1992, p. 96, n° 3). Allemagne : boucle avec chape incomplète, chape : L x l = 4,95 x 4,35 cm, l’objet aurait été produit en Basse-Saxe dans la première moitié du XIIIe siècle d’après l’analyse de I. Fingerlin (Fingerlin 1980, fig. 1). 3000 Boucle avec chape complète, chape : L x l = 3,4 x 0,95 cm, objet conservé au musée archéologique de Turin (Piuzzi 1998, p. 283, fig. 8). 3001 France, Ariège : boucles avec chape complètes dorées, L x l = 3 x 1,6 cm et 3,3 x 1,7 cm, N.D.S., château de Montségur (Sarret 1973, p. 32 ; Archéologie 1990, p. 208, n° 390 et 391) ; Aude : boucle entière dorée (trois incisions) et chape de type A4a et applique de type D5 rivetée sur la chape, chape : L x l = 5,1 x 2,25 cm, H.S., domaine de la Métairie Grande, Carcassonne (Barruol 1969, p. 382 ; Monod et Rancoule 1969, fig. 1, n° 20) ; boucle avec chape complète dorée et émaillée, chape : L x l = 4,8 x 1,7 cm, N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 218, fig. 146, n° 7) ; Haute-Garonne : boucle avec chape complète, chape : L x l = 3,8 x 2,15 cm, H.S., Gué de Bazacle, Toulouse (Aujourd’hui 1981, n° 425 ; Archéologie 1990, p. 211, n° 404) ; boucle avec chape complète, chape : L x l = 2,65 x 1,75 cm, H.S., site antique de Vieille-Toulouse, Toulouse (Fouet et Savès 1971, p. 78) ; Tarn : boucle entière avec chape, Boucle : L x l = 1,6 x 2 cm, Chape : L x l = 2,6 x 1,4 cm, XIIIe - milieu XIVe siècle, Le Castlar, Durfort (Archéologie 1990, p. 211, n° 403 ; Vidaillet et Pousthomis 1996). Espagne, province de Castellón : boucle avec chape presque complète dorée, chape : L x l = 3,9 x 3,2 cm, contexte inconnu, 16 rue Saint Jean, Burriana (Delaporte et López Bravo 2011, p. 127, pl. 1, n° 6) ; province de Guipuscoa : Boucle avec chape complète, chape : L x l = 3,6 x 1,5 cm, contexte inconnu, hermitage San Martin de Iraurgi, Azkoitia (Urteaga Artigas 1994, p. 209) ; province de Huesca : boucle avec chape complète, Chape : L x l = 4,1 x 4,2 cm, tombe, XIe XVIe siècle, Plaza Biscós, Jaca (Justes Floría et Domingo Martínez 2007, p. 332, fig. 36). 3002 France, Côte-d’Or : boucle avec chape incomplète, chape : L x l = 3,3 x 1,7 cm, phase de fin XIIe/début XIVe - milieu XVe siècle, village médiéval de Dracy, Baubigny (Abramowicz et al. 1970, fig. 210, n° 10 ; Piponnier 1975 b, p. 159, fig. 11, n° 6). 3003 France, Haute-Vienne : boucle avec chape complète, chape : L x l = 2,65 x 1,85 cm, comblement de fosse, milieu du XVIe siècle, Îlot Gabriel-Péri à Limoges (Lombard et al. 1987, pl. V, n° 10). 3004 France, Hérault : boucle avec chape incomplète, chape : L x l = 2,8 x 2,35 cm, H.S., Rue de la Fontaine-du-Pila, Montpellier (Mobilier métallique 2010, p. 293). Royaume-Uni, Grand Londres : boucle avec chape complète, chape : L x l = 1,4 x 1,8 cm, vers 1200 - vers 1230, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 76, n° 313). Hongrie, Musée national : boucle avec chape complète en argent, chape : L x l = 5,4 x 2,35 cm (Piuzzi 1998, p. 283). 3005 Deux boucles avec chape complète, chape : L x l = 7,8 x 5,2 cm et 5 x 3 cm (Piuzzi 1998, p. 281282, 285, fig. 1 ; Piuzzi et al. 2003, p. 98 ; Piuzzi 2003, p. 175) 613 3. Approche croisée du mobilier archéologique longue tige repliée au revers de la chape. Les chapes comportent souvent des rivets décoratifs à tête en relief. L’ornementation gravée est très courante sur les chapes de type A4a3006. Les décors de lignes droites, courbes ou ondulées ne donnent pas toujours un motif identifiable3007. La complexité est très variable : cela peut être de simples zigzags sur la charnière d’une chape appartenant à une boucle de type C73008, un motif complexe de rosace sur la chape trapézoïdale d’une boucle associée au type E33009, une scène de combat entre chevaliers gravée sur la chape d’une boucle en argent d’une variante du type E33010, un motif répétitif ciselé sur la chape en argent d’une boucle de type E4b3011. La gravure peut être accompagnée de découpes d’un ou de plusieurs bords de la chape. La chape d’une boucle de type E1b3012 et une moitié de chape isolée3013 sont ainsi entaillées d’un arc de cercle en partie proximale et décorées d’un cadre partiel constitué d’une ligne incisée limitant intérieurement une ligne de zigzags. La découpe est triangulaire et le cadre partiel est tracé par des zigzags pour une chape avec fragment de boucle3014. A contrario, la 3006 Spécimen au décor illisible : France, Côte-d’Or : boucle de type J3 avec chape incomplète, chape : L x l = 3,3 x 1,7 cm, occupation de bâtiment, fin XIIIe/début XIVe - milieu XIVe siècle, village de Dracy, Baubigny (Abramowicz et al. 1970 ; Piponnier 1975b, p. 159, fig. 11, n° 6) ; Isère : chape incomplète, L x l = 2,7 x 2,9 cm, XIIe - milieu XIVe siècle, Brandes-en-Oisans, Alpe-d’Huez (BaillyMaître 1983, p. 94, pl. I-9, n° 3). 3007 France, Ariège : chape complète, L x l = 2,9 x 2,05 cm, N.D.S., château de Montségur (Czeski 1981, p. 195, 197 ; Rapport 1975, p. 56, n° 92/75) ; Aude : morceau de chape, L x l = 3,9 x 1,8 cm, château de Peyrepertuse (XIIIe - XVIIIe siècle), Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 222). Espagne, province de Barcelone : chape incomplète, L x l = 4 x 4,2 cm, H.S., mas de Vilosiu, Cercs (Bolos et al. 1981, p. 173, n° 106). Royaume-Uni, Wharram : chape presque complète, L x l = 4,55 x 1,45 cm, milieu XVe - première moitié XVIe siècle, habitat médiéval, Wharram (Goodall 1979a, p. 112). 3008 France, Cher : boucle avec chape complète, chape : L x l = 1,8 x 2,5 cm, dépotoir, fin XIIe première moitié XIIIe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 113, n° 2541). 3009 France, Hérault : boucle avec chape incomplète, chape : L x l = 2,8 x 2,35 cm, H.S., Rue de la Fontaine-du-Pila, Montpellier (Mobilier métallique 2010, p. 293). 3010 Hongrie, Musée national : boucle avec chape complète, Chape : L x l = 5,4 x 2,35 cm (Fingerlin 1971, p. 321, n° 45 ; Piuzzi 1998, p. 283). 3011 Italie, province d’Udine : boucle avec chape complète en argent, Chape : L x l = 8,8 x 1,25 cm, couche d’abandon du XVIe siècle contenant de la céramique des XIe - XIIIe siècles, castello della motta di Savorgnano, Povoletto (Piuzzi 1998, p. 282-284, fig. 5 ; Piuzzi et al. 2003, p. 98 ; Piuzzi 2003, p. 175). 3012 France, Aube : boucle avec chape complète, chape : L x l = 3,8 x 1,6 cm, époque moderne, place des Halles, Troyes (Lenoble et al. 1997, p. 98, fig. 90, n° 4). 3013 France, Jura : moitié de chape, L x l = 4,1 x 1,4 cm, château de Pymont (XIIIe - XVe siècle), Villeneuve-sous-Pymont (Jeanjacquot 1993, p. 105, fig. 63, n° 1939). 3014 France, Seine-Saint-Denis : chape complète, L x l = 3,55 x 1,4 cm, seconde moitié XIVe premier quart XVe siècle, site non mentionné, Saint-Denis (Thomas 2009, t. 3, annexe B.2, fig. 55, n° 32). 614 3. Approche croisée du mobilier archéologique chape d’une boucle de type E1b3015 est vierge d’incisions mais son bord proximal est entaillé d’un demi-cercle entouré par deux petits triangles. Un triangle a été découpé sur une chape isolée du corpus (fig. 274, n° 1). Il est courant que les côtés proximaux et latéraux soient décorés par la gravure. L’ornementation peut s’étendre sur la charnière : trois lignes incisées sur les pattes de la charnière et un cadre partiel à deux lignes apparaissent sur un fragment de chape3016, un cadre partiel formé de deux files de dents de loup opposées par la base sont visibles sur un autre spécimen3017. Au centre de ce dernier, une petite perforation circulaire constitue le centre d’un motif de cercles obtenus au compas et de points ronds obtenus par poinçonnage. La chape d’une boucle de type C7 comporte un cadre complet composé d’une ligne incisée et de files de dents de loup opposées par la base3018, celle de pièces des types D3 et F2a une ligne incisée limitant intérieurement des zigzags3019. Le cadre à dents de loup se retrouve sur une moitié de chape dorée comportant en son centre un écu gravé inscrit dans un losange incisé3020, sur une chape de boucle de type E4d où il encadre une ondulation de deux files parallèles de dents de loup3021. Le cadre à zigzags entoure un écu gravé sur deux chapes dorées isolées3022, la gravure d’une valve de coquillage sur un spécimen doré attaché à une boucle de type F2a3023. Avec des zigzags, mais sans ligne incisée, le cadre enclot un entrelacs 3015 Haute-Garonne : boucle avec chape complète, Chape : L x l = 4,85 x 1,85 cm, H.S., Gué de Bazacle (Archéologie 1990, p. 216, n° 430). 3016 Royaume-Uni, Grand Londres : moitié de chape, L x l = 4 x 1,6 cm, second tiers XIIIe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 112, n° 503). 3017 Royaume-Uni, Grand Londres : moitié de chape, L x l = 4,1 x 2 cm, vers 1270 - vers 1350, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 112, n° 508). 3018 Espagne, province de Barcelone : boucle avec chape complète, Chape : L x l = 4,1 x 3 cm, H.S., L’Esquerda, Roda de Ter (Ollich 1976, p. 510, n° 6). 3019 France, Aude : boucle avec chape complète, chape : L x l = 1,95 x 2,05 cm, N.D.S., Castrum de Cabaret, Lastours (Barrère 1999, p. 822, fig. 1, n° 4) ; Haute-Garonne : boucle avec chape complète, chape : L x l = 3,8 x 2,15 cm, H.S., Gué de Bazacle, Toulouse (Aujourd’hui 1981, n° 425 ; Archéologie 1990, p. 211, n° 404). 3020 France, Tarn : moitié de chape dorée, L x l = 4,4 x 3,75 cm, H.S., château de Montaigut (Hensel et al. 1970a, fig. 2, n° 1). 3021 Italie : boucle avec chape complète, chape : L x l = 3,4 x 0,95 cm, objet conservé au musée archéologique de Turin (Fingerlin 1971, fig. 99, n° 532 ; Piuzzi 1998, p. 283, fig. 8). 3022 France, Ariège : moitié de chape dorée, XIIIe siècle, castrum de Montaillou (Cazes 2006, fig. 8d) ; moitié de chape dorée, L x l = 3,9 x 2,9 cm, N.D.S., château de Montségur (Sarret 1980, p. 61; Sarret 1981b, p. 105 ; Archéologie 1990, p. 208, n° 389). 3023 Espagne, province de Castellón : boucle avec chape presque complète dorée, chape : L x l = 3,9 x 3,2 cm, contexte inconnu, 16 rue Saint Jean, Burriana (Delaporte et López Bravo 2011, p. 127, pl. 1, n° 6) 615 3. Approche croisée du mobilier archéologique d’ocelles traversant une chape en son milieu3024. Un décor de dents de loup ou de lignes droites parallèles peut se prolonger sur la charnière. Les chapes d’une boucle de type D1 et de deux boucles de type F2a sont ornées d’un motif en réserve – lion, fleur de lys – sur un fond de points ou d’ocelles dans un rectangle ou un losange lui-même inscrit dans un double rectangle de lignes droites ou de deux files de dents de loup opposées par la base3025. Chaque patte de la charnière comporte deux lignes droites ou lignes pointillées. La bordure des chapes est, pour deux pièces, entaillée de triangles probablement obtenus à la lime. Trois autres chapes comportent en leur centre pour l’une, une zone circulaire emboutie avec une fleur de lys3026, pour une autre, un probable motif de roc d’échiquier sur fond de grènetis dans un cercle3027, pour la dernière un château inscrit dans un cercle gravé lui-même dans un cadre quadrangulaire gravé3028. Les deux derniers motifs ont pu être obtenus par impression. La chape d’une boucle de type E4c conservée au musée de Meaux en Seine-et-Marne comporte les lettres OBRAE (?) en relief. Aucune précision n’est donnée quant à la manière dont elles ont été obtenues3029. C’est probablement par impression qu’a été réalisé sur quatre chapes isolées, un lion à la patte antérieure droite levée dans un cercle3030. Sur deux d’entre elles, il est compris dans un cadre partiel composé de deux files de dents de loup opposées par la base3031 ou dans un cadre complet formé d’une ligne incisée3032. La figure léonine rappelle les deux lions affrontés, reliés par leur patte antérieure droite levée, visibles sur une applique de type D5 3024 France, Ariège : chape complète, L x l = 4,1 x 1,7 cm, N.D.S., château de Montségur (Archéologie 1990, p. 211, n° 405). 3025 France, Ariège : boucles de type F2a avec chape complètes dorées entaillées en bordure, L x l = 3 x 1,6 cm et 3,3 x 1,7 cm, N.D.S., château de Montségur (Sarret 1973, p. 32 ; Archéologie 1990, p. 208, n° 390 et 391). Espagne, province de Barcelone : boucle avec chape presque complète, chape : L x l = 3,3 x 2,7 cm, Arc de Triomphe (XIIIe - XVIIIe siècle), Barcelone (Parra Alé 2010a, p. 130, n° 10). 3026 France, Hautes-Pyrénées : moitié de chape, dimensions inconnues, place de Verdun, Tarbes (Barrère 1994, p. 66-67). 3027 Tarn : boucle entière avec chape, Boucle : L x l = 1,6 x 2 cm, Chape : L x l = 2,6 x 1,4 cm, XIIIe milieu XIVe siècle, Le Castlar, Durfort (Archéologie 1990, p. 211, n° 403 ; Vidaillet et Pousthomis 1996). 3028 Espagne, province de Huesca : boucle avec chape complète mentionnée précédemment (Justes Floría et Domingo Martínez 2007, p. 332, fig. 36). 3029 France, Seine-et-Marne : objet déjà cité, la description qui est faite de l’artefact ne précise pas le procédé employé (Dupond et al. 1992, p. 96, n° 3) 3030 France, Ariège : probable fragment de chape de type A4a, L x l = 2,8 x 2 cm, N.D.S., château de Montségur (Archéologie 1990, p. 208-209, n° 392). Espagne, province de Barcelone : chape incomplète peut-être dorée, L x l = 3 x 1,6 cm, H.S., L’Equerda, Roda de Ter (Bolos et al. 1981, n° 68). 3031 Espagne, province de Barcelone : chape incomplète, L x l = 3,9 x 2,3 cm, H.S., L’Equerda, Roda de Ter (Ollich 1976, p. 511 ; Bolos et al. 1981, n° 60). 3032 Espagne, province de Barcelone : boucle avec chape complète dorée, chape : L x l = 3,5 x 3,8 cm, H.S., mas de Vilosiu, Cercs (Bolos et al. 1981, p. 173, n° 105). 616 3. Approche croisée du mobilier archéologique rivetée sur la chape d’une boucle de type F2a3033. Ce décor s’observe sur d’autres appliques de type D5 retrouvées isolées. La gravure et la découpe pour ajourage permettent l’obtention d’un oiseau fabuleux, sorte de griffon dont la queue se transforme en une liane, pour la chape d’une boucle très ornementée de type E4c. I. Fingerlin propose une production en Basse-Saxe dans la première moitié du XIIIe siècle3034. Ces mêmes procédés sont mis en œuvre pour la chape d’une boucle de type D3 provenant de l’occupation du château d’Épinal (vers 1250 vers 1650) dans les Vosges. Il y est figuré un homme et une femme de part et d’autre de « l’Arbre de Vie » dans un cadre de zigzags3035. La traverse distale de la boucle est le siège d’une ornementation ajourée issue de fonte comportant trois quadrupèdes. Des exemples précédents ont mis en évidence que les motifs en réserve peuvent être obtenus par poinçonnage/impression ou par emboutissage. Ils sont également réalisables par gravure. Sur une chape de boucle du type E3, un réseau serré de zigzags laisse apparaître deux croix pattées3036. L’émaillage n’est attesté que sur deux pièces également dorées, dans la bibliographie rassemblée : une chape appartenant à une boucle de type D33037, une autre enroulée autour du cadre d’une boucle de type F2a3038. Pour la première, quatre croix aux bras losangiques en réserve sont disposées dans un losange au fond creux qui était rempli d’un émail de couleur indéterminé. La restauration a mis en évidence qu’il se superposait à la dorure en cet endroit. Quelques traces attestent d’un cadre complet incisé dont la nature précise reste inconnue. Le deuxième exemplaire comporte, dans un cadre complet constitué de deux lignes gravées, un quadrillage oblique incisé encadré par des creux losangiques émaillés de bleu limités sur les longs côtés par des creux ovales émaillés de rouge. L’émaillage paraît très probable pour une 3033 France, Aude : chape complète, dimensions inconnues, H.S., Domaine de la Métairie Grande, Carcassonne (Barruol 1969, p. 382). 3034 Collection particulière, boucle avec chape incomplète, chape : L x l = 4,95 x 4,35 cm (Fingerlin 1980, fig. 1). 3035 Artefact entier, L x l x h = 2,4 x 3,6 x 0,7/1,8 cm, Chape : L x l = 3,3 x 2,3 cm (Kraemer 2002, pl. 15, n° 16). 3036 Royaume-Uni, Grand Londres : boucle avec chape complète, chape : L x l = 1,4 x 1,8 cm, premier tiers XIIIe s., Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 76, n° 313). 3037 France, Gers : boucle avec chape incomplète, chape : L x l = 2,7 x 1,8 cm, Corné (vers 1170 vers 1250), L’Isle-Bouzon (Archéologie 1990, p. 209-210, n° 398 ; Lassure 1995, p. 505, fig. 407, n° 7). 3038 France, Aude : boucle avec chape complète, chape : L x l = 4,8 x 1,7 cm, château de Peyrepertuse (XIIIe - XVIIIe siècle), Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 218). 617 3. Approche croisée du mobilier archéologique chape de boucle de type F2a trouvée en Espagne dont une mauvaise reproduction photographique laisse apparaître des écus écartelés3039 pour certains profondément creusés3040. Il est possible de proposer avec les données rassemblées et en tenant compte de la datation typologique des boucles associées un emploi des chapes de type A4a depuis le début du XIIIe siècle jusqu’au moins la première moitié du XVIe siècle. Type A4b : Chape en ailes de papillon, en fer, à fente distale, sans retraits latéraux et à quatre rivets traversant (fig. 234, n° 1) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 175, sépulture d’un adulte âgé, XIVe - XVIe siècle. La morphologie de cette chape en fer, fixée à une boucle de type N3b, est très particulière. Elle rappelle les ailes d’un papillon. Chaque aile comporte deux perforations pour la fixation de la courroie. Des traces de dorure ont été relevées sur le cadre de la boucle. La chape était très certainement elle-même dorée. Type A5 : Chape à fente distale et à cinq rivets traversant (fig. 203, n° 16 ; fig. 204, n° 8 ; fig. 205, n° 3 et 4 ; fig. 274, n° 2 et 3) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL 92.04.09, H.S. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 196 C, sol de bâtiment, n° 203, foyer, fin XIIe première moitié XIIIe siècle ; n° 1028, comblement de silo, milieu XIIIe - vers 1285 ; n° 3596, couche de dépotoir associée à de l’effondrement, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 1680, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. 3039 L’écartelé est une partition héraldique correspondant à une division en quatre quartiers égaux (Wenzler 2002, p. 115). 3040 Espagne, province de Guipúzcoa : boucle avec chape complète, chape : L x l = 3,6 x 1,5 cm, contexte inconnu, hermitage San Martin de Iraurgi, Azkoitia (Urteaga Artigas 1994, p. 209). 618 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les chapes à retraits latéraux en alliage cuivreux de type A5 (ex : fig. 274, n° 2 et 3)3041 s’observent sur des boucles en alliage cuivreux des types D33042, D53043, E3a3044, E3b3045, E4b3046, E4c (fig. 203, n° 16)3047, E5 (fig. 204, n° 8)3048, F1a3049, F2a (fig. 205, n° 3 et 4)3050, J1c3051 et de variantes des types E33052, E43053. 3041 Morceaux de chape isolés sans décor : France, Aude : moitié de chape, L x l = 5,3 x 1,3 cm, château de Peyrepertuse (N.D.S.), Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 222) ; moitié de chape, L x l = 3,65 x 2 cm, dépotoir des XVIe - XVIIe siècles, église Sainte-Marie, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Bayrou et al. 1991, p. 75) ; Drôme : moitié de chape, L x l = 3,8 x 3 cm, niveau de cour, XIIIe - XIVe siècle, Baume, Châteauneuf-sur-Isère (Rolland 2006, p. 426, n° 99) ; Haute-Savoie : chape complète, L x l = 4,1 x 2 cm, couche de démolition, XVIe siècle, château de Vuache, Vulbens (Raynaud 1993, p. 100). Morceaux de chape isolé au décor indéfini, Isère : morceau de chape, L x l = 4,4 x 1,4 cm, XIIe - milieu XIVe siècle, Brandes-en-Oisans, Alpe d’Huez (Bailly-Maître 1983, p. 104, pl. I-14, n° 10 ; Bailly-Maître et Bruno Dupraz 1994, p. 128) ; Oise : chape incomplète avec reste d’un décor incisé sur au moins trois côtés, chape : L x l = 3,7 x 1,6 cm ferme du XIVe siècle, hameau du « Bellé », Neuilly-en-Thelle (Legros 2001, n° 107). 3042 Royaume-Uni, Buckinghamshire : boucle avec chape incomplète, chape : L x l = 4,1 x 2,4 cm, sol dans un bâtiment occupé de la seconde moitié du XIIIe siècle à la seconde moitié du XVe siècle, Woughton village, Milton Keynes (Woodfield et al. 1994, p. 131, n° 4). 3043 Autriche, Styrie : boucle avec chape complète, Chape : L x l = 5,7 x 1,2 cm, datation semble-t-il typologique proposée : troisième tiers XIVe siècle (Fingerlin 1971, cat. n° 97). 3044 France, Ariège : boucle avec chape incomplète, chape : L x l = 4,3 x 1,25 cm, N.D.S., château de Montségur (Rapport 1974, p. 64 ; Czeski 1981, p. 197, n° 37/74). 3045 France, Seine-Maritime : boucle avec chape complète, Chape : L x l = 2,85 x 1,15 cm, XIIIe XIVe siècle, palais ducal, Fécamp (Renoux 1987, p. 36). Royaume-Uni, Hampshire : boucle avec chape incomplète probablement de type A5, Chape : L cons. x l = 3,9 x 2,3 cm, milieu XVIe siècle, démolition de l’église Saint-Pancras, Brook Street, Winchester (Hinton 1990f, p. 522, n° 1214). 3046 Royaume-Uni, Grand Londres : boucle avec chape incomplète, Chape : L x l = env. 3,6 x 1,6 cm, vers 1350 - vers 1400, Billingsgate lorry Park, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 76, n° 318). 3047 Italie, province de Florence : boucle avec chape complète, dimensions inconnues, sépulture antérieure à 1302, cathédrale Santa Reparata, Florence (Buerger 1975, p. 206). 3048 France, Cher : boucle avec chape complète, chape : L x l = 3,7 x 1,1 cm, remblai de construction, seconde moitié XIVe siècle, boucle avec chape complète, chape : L x l = 3,7 x 1,2 cm, démolition/récupération de maison, première moitié XIVe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 117, n° 21 et 2546) ; Haute-Garonne : boucle avec chape complète, chape : L x l = 6 x 1 cm, N.D.S., Gué de Bazacle, Toulouse (Archéologie 1990, p. 216, n° 431) ; Oise : boucle avec chape complète, chape : L x l = 4,2 x 1,1 cm, ferme du XIVe siècle au « Bellé », Neuilly-enThelle (Legros 2001, n° 100). Royaume-Uni, Yorkshire du Nord : boucle avec chape complète, chape : L x l = 3,95 x 1,55 cm, milieu/seconde moitié XIIIe siècle, College of the Vicars choral, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, fig. 1466, n° 14298). Allemagne, Trèves : boucle avec chape complète, chape : L x l = 4,5 x 2,4 cm, XIIIe - XIVe siècle, Trèves (Vivre au Moyen Âge 1998, p. 267, n° c). 3049 France, Côte d’Or : boucle avec chape complète, chape : L x l = 4,35 x 1,45 cm, phase du XIVe siècle, Dracy, Baubigny (Abramowicz et al. 1970, fig. 102, n° 9 ; Bourgogne 1987, p. 153, n° 312). 3050 France, Ariège : boucle avec chape presque complète, chape : L x l = 3,3 x 1,75 cm, N.D.S., château de Montségur (Sarret 1973, p. 32 ; Archéologie 1990, p. 209, n° 395, n° 116/73) ; HautesAlpes : boucle avec chape incomplète, chape : L x l = 3,2 x 2,2 cm, H.S., prieuré Saint-Laurent, Barret-sur-Méouge (Estienne 2001, p. 44, fig. 27). 3051 France, Seine-et-Marne : boucle avec chape complète, chape : L x l = 3,7 x 1,95 cm, Musée de Meaux (Dupond et al. 1992, p. 95, n° 6). 619 3. Approche croisée du mobilier archéologique La partie revers de la chape est de temps à autre plus courte que la partie avers (fig. 183, n° 3 et 4). Quatre rivets sont invariablement disposés aux angles et le dernier en position centrale. Seuls les deux rivets proximaux et le rivet central assuraient la fixation de la chape sur la lanière. Plus encore que pour les chapes de type A4a, le rivet des chapes de type A5 est un objet décoratif. La plupart des rivets ont une tête bombée aux dimensions hétérogènes et une longue tige repliée au revers de la chape. Une chape attachée à une boucle de type D33054 présente la particularité de comporter en son centre un rivet à tête quadrangulaire plate incisée d’une croix alors que les rivets des angles sont à tête bombée. Les chapes de type A5, comme celles de type A4a, sont souvent décorées d’un cadre partiel. Cela peut être une ligne droite incisée3055, deux lignes de tirets (fig. 274, n° 2 ; fig. 277, n° 1), des zigzags3056 limités intérieurement par une ligne incisée3057, une ligne incisée limitant des stries3058, « un décor guilloché de triangles imbriqués en bordure »3059, ou plus fréquemment deux files de dents de loup opposées par la base3060 qui se prolongent 3052 France, Aube : boucle avec chape complète, chape : L x l = 3,4 x 1,95 cm, phase du XIVe siècle, place des Halles, Troyes (Lenoble et al. 1997, p. 66, fig. 57, n° 3) ; Cher : boucle avec chape presque complète, chape : L x l = 2,7 x 1,5 cm, dépotoir de boucherie, seconde moitié XIIIe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot 2013, p. 115, n° 4409). 3053 France, Nord : une boucle complète avec chape, chape : L x l = 3,6 x 1,2 cm, XIVe - première moitié XVe siècle, Rue Mongat, Douai (Louis et al. 1998, p. 61, n° 2). 3054 Objet déjà cité. 3055 Allemagne, Trèves : boucle de type E5 avec chape complète, objet déjà cité (Vivre au Moyen Âge 1998, p. 267, n° c). 3056 France, Isère : chape incomplète (il est probable que les zigzags de la bordure proximale aient disparu), L x l = 5 x 1,2 cm, Brandes-en-Oisans (XIIe - milieu XIVe siècle), Alpe d’Huez (BaillyMaître et Bruno Dupraz 1994, p. 128). Autriche, Styrie : boucle de type D5 avec chape complète déjà citée (Fingerlin 1971, cat. n° 97). 3057 France, Seine-Saint-Denis : chape complète, L x l = 5,25 x 1,2 cm, seconde moitié XIVe premier quart XVe siècle, site non renseigné, Saint-Denis (Thomas 2009, t. 3, annexe B.2, fig. 54, n° 28). Royaume-Uni, Grand Londres : boucle de type E4b avec chape complète, objet déjà cité (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 76, n° 318). Hampshire : boucle de type E3b avec chape incomplète mentionnée précédemment (Hinton 1990f, p. 522, n° 1214). 3058 France, Côte d’Or : chape incomplète, L cons. x l = 3 x 2,05 cm, XIVe siècle, Grange du Mont, Charny (Beck 1989, p. 72). 3059 France, Nord : boucle d’une variante du type E4 avec chape complète, objet déjà cité (Louis et al. 1998, p. 61, n° 2). 3060 France, Charente-Maritime : l’étendue exacte du décor sur ce morceau de chape reste indéterminée à cause de l’oxydation, L cons. x l = 3,3 x 1,8 cm, remblai, XVIe - XVIIe siècle, 14-16, rue Delayant, La Rochelle (Berthon (dir.) 2010, p. 69, n° 91) ; Côte d’Or : boucle de type F1a avec chape complète, objet déjà cité (Abramowicz et al. 1970, fig. 102, n° 9 ; Bourgogne 1987, p. 153, n° 312) ; Haute-Garonne : boucle de type E5 avec chape complète, objet déjà cité (Archéologie 1990, p. 216, n° 431). Royaume-Uni, Yorkshire du Nord : boucle de type E5 avec chape complète, objet déjà cité (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, fig. 1466, n° 14298). 620 3. Approche croisée du mobilier archéologique éventuellement sur les pattes de la charnière3061. Les dents de loup sont assez fréquentes sur la chape des boucles de type E5. La gravure peut se développer en un cadre complet : une ligne incisée pour une chape fragmentaire3062, des zigzags3063, une ligne incisée limitant intérieurement des zigzags (fig. 205, n° 3 et 4)3064. Une chape incomplète trouvée à Londres comporte un cadre complet formé d’une ligne incisée limitant des découpes triangulaires le long des bords latéraux et proximaux3065. L’avers d’une chape mise au jour en Seine-Maritime est décoré d’une bande « de petites lignes et de points » – des dents de loup ? – le long des deux bords latéraux et légèrement en arrière du bord proximal, lequel est découpé par une accolade incomplète3066. Les « lignes et points » constituent des courbes entre le bord proximal et la bande susdite. Le rivet central pouvait retenir une applique dont la fixation pouvait être consolidée par brasage (fig. 274, n° 2). Une applique de type M1 est encore visible sur une chape (fig. 204, n° 8) décorée par ailleurs de lignes courbes, droites et ondulées de zigzags que surchargent en partie de profondes lignes gravées en bordure. Ces droites ont-elles été ajoutées suite à un repentir ou à un changement de programme iconographique ? L’applique a été découpée imparfaitement au moyen d’un ciseau ou de cisaille ainsi que l’attestent certains angles dans le contour. Quatre ouvertures irrégulières ont été découpées dans les lobes. Elles sont entourées d’un motif de perles obtenu avec un poinçon apposé depuis le revers de l’applique. La tête des rivets est légèrement bombée. Une observation de l’espace entre l’avers et le revers de la chape révèle un repli vers l’intérieur de la chape des bords des perforations qui sont parfaitement superposées et qui, à travers les deux parties de l’objet, 3061 France, Aude : moitié de chape, L x l = 3,7 x 1,8 cm, château de Peyrepertuse (N.D.S.), Duilhacsous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 222, fig. 147, n° 6) ; Cher : boucles de type E5 avec chape complète, objets déjà cités (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 117, n° 21 et 2546) ; Oise : boucle de type E5 avec chape complète, objet déjà cité (Legros 2001, n° 100) ; Pas-de-Calais : moitié de chape, L x l = 3,9 x 1,7 cm, XVe siècle, Rue du Fier du Ciel, Conchil-le-Temple (Legros 2011, n° 64). 3062 France, Charente-Maritime : chape isolée, L x l = 3,3 x 1,8 cm, remblai, XVIe - XVIIe siècle, 1416, rue Delayant, La Rochelle (Berthon (dir.) 2013, p. 69, n° 92). 3063 Royaume-Uni, Grand Londres : chape complète, L x l = 3,5 x 1,2 cm, premier tiers XIIIe siècle, chape complète retenant un fragment de traverse proximale, L x l = 3,2 x 1,7 cm, vers 1270 - vers 1350, Billingsgate lorry Park, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 110, n° 499, p. 112, n° 505). 3064 France, Aube : boucle d’une variante du type E3 avec chape complète, objet déjà cité (Lenoble et al. 1997, p. 66, fig. 57, n° 3) ; Hautes-Alpes : boucle de type F2a avec chape incomplète, objet déjà cité (Estienne 2001, p. 44, fig. 27). 3065 Royaume-Uni, Grand Londres : chape incomplète, L x l = 3,5 x 1,7 cm, seconde moitié XIVe siècle, Billingsgate lorry Park, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 113, n° 522). 3066 Chape incomplète, L x l = 5,2 x 3,3 cm, fin du Moyen Âge, palais ducal, Fécamp (Renoux 1987, p. 37, n° 102). 621 3. Approche croisée du mobilier archéologique permettent le passage des rivets. Ceci montre que ces ouvertures ont été obtenues après pliage de la chape avec un poinçon appliqué depuis la face avers et depuis la face revers. L’ordre d’enchaînement de ces opérations ne peut être déterminé par l’observation visuelle. Une chape isolée3067 et une chape en place sur une boucle de type E3b3068 comportent en leur centre une applique végétale de type M2 maintenue par le rivet central, dans un cadre composé de deux files de dents de loup opposées par la base. Une applique en argent de type O2 est rivetée au centre de la chape de même matériau d’une boucle en argent de type D5 trouvée dans un trésor à Graz en Styrie3069. Elle était accompagnée de vingt-cinq appliques en argent de type K. Plusieurs pièces du Sud de la France comportent un décor creusé dans la tôle de métal et disposé de part et d’autre du rivet central : deux fleurs de lys opposées par la base (fig. 203, n° 16), deux rectangles au sein desquels apparaît en réserve un losange broché d’une croix3070. Les creux ont pu être émaillés comme il apparaît sur une chape au décor complexe découverte dans le Tarn : un cadre de zigzags limités intérieurement par une ligne incisée enclot une croix pattée gravée traversée par le rivet central et entourée de creusements en forme d’amande puis de creusements triangulaires émaillés3071. La couleur originelle des émaux n’a pu être renseignée, ayant été altérée par l’oxydation du cuivre. Peut-être en est-il de même d’une chape presque carrée à décor héraldique fait d’émail cloisonné et constitué d’un écu losangique inscrit dans un rectangle, le tout encadré de deux files de dents de loup opposées par la base et obtenues par poinçonnage3072 ? L’écu losangique, si tant est qu’il ne s’agit pas sur cette chape d’un motif purement décoratif, est ordinairement réservé aux femmes3073. Le nielle se substitue à l’émail sur la chape d’une boucle en or de type Q. Il laisse apparaître en réserve un animal fabuleux dont la queue se termine par des pampres végétaux, le tout dans un encadrement de traits parallèles incisés3074. 3067 France, Ariège : chape complète, L x l = 3,4 x 1,2 cm, château de Montségur (Archéologie 1990, p. 217, n° 433). 3068 Objet trouvé en Seine-Maritime déjà cité. 3069 Artefact précédemment mentionné. 3070 France, Ariège : boucle de type F2a avec chape presque complète, objet déjà cité (Sarret 1973, p. 32 ; Archéologie 1990, p. 209, n° 395, n° 116/73). 3071 France, Tarn : chape complète, L x l = 4,3 x 2,3 cm, Le Castlar (XIIIe - XIVe siècle), Durfort (Archéologie 1990, p. 211, n° 406). 3072 France, Isère : moitié de chape, L x l = 4,1 x 3,8 cm, XIIe - milieu XIVe siècle, Brandes-enOisans, Alpe d’Huez (Bailly-Maître 1983, p. 107, pl. I-16, n° 5 ; Bailly-Maître et Bruno Dupraz 1994, p. 128). 3073 Wenzler 2002, p. 14. 3074 Objet déjà cité. 622 3. Approche croisée du mobilier archéologique Le site du Monte Lato qui s’étend sur les communes de San Giuseppe Jato et San Cipirello dans la province de Palerme en Italie a fourni une boucle fragmentaire (datation inconnue) de type E dont la chape présente d’intéressantes caractéristiques3075. Il s’agit d’une tôle mal découpée dont les perforations pour la fixation par rivets ont été mal exécutées. Quatre perforations ont été placées aux quatre coins de la chape et la cinquième le long d’un grand côté. Les rivets conservés sont en tôle. L’un d’eux retient une languette ayant le rôle de patte de charnière. Le décor de la chape, de qualité médiocre, a été réalisé au moyen d’un poinçon conique appliqué depuis le revers et figure un X dans un cadre. Les bords des longs côtés comportent de fines incisions. Ce montage en tôle a vraisemblablement été réalisé pour remplacer une chape cassée. D’autres indices de réparation s’observent sur des chapes : une perforation supplémentaire rajoutée dans le cadre d’une réparation3076, de nouveaux rivets remplaçant les anciens rivets ayant disparus ou ayant été précédemment enlevés afin de pouvoir réutiliser la chape3077. Les données chronologiques actuelles permettent de proposer une apparition des chapes de type A5 au cours du premier tiers du XIIIe siècle et une perduration jusque durant la première moitié du XVIe siècle. Type A6 : Chape à fente distale et à nombreux rivets traversant (fig. 205, n° 10) Bouches-du-Rhône  Site inconnu dans la plaine de la Crau, Eyguières : n° 1, H.S. Les chapes en alliage cuivreux de type A6 du corpus ou répertoriées dans la bibliographie comportent des retraits latéraux et généralement six rivets, parfois huit, rarement sept, dix ou douze. Les rivets conservés sont presque toujours à tête fortement bombée, presque globulaire. La chape trouvée à Eyguières (fig. 189, n° 10) est gravée de quatre petites plantes reliées par leur pied, en réserve sur un fond d’ocelles obtenus avec un poinçon creux en son centre. Un cadre est constitué d’une ligne limitant intérieurement des zigzags. Les charnons 3075 Boucle avec chape presque complète, chape : L x l = 4,8 x 3,9 cm (Isler 1992, p. 120). France, Charente-Maritime : chape isolée déjà mentionnée (Berthon (dir.) 2013, p. 69, n° 92). 3077 Royaume-Uni, Grand Londres : chape complète déjà mentionnée (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 110, n° 499). 3076 623 3. Approche croisée du mobilier archéologique sont incisés d’une croix de saint André. Deux groupes de trois rivets à tête bouletée sont alignés en positions proximale et distale selon le petit axe de la chape. L’ornementation gravée et poinçonnée de la traverse distale de la boucle de type F2a rappelle celle de la chape. Sur la plupart des chapes à six3078 ou huit rivets mentionnées dans la bibliographie, les rivets sont alignés selon le petit axe de la chape en trois ou quatre rangées de deux : deux en position proximale, deux ou quatre en position centrale et deux en position distale. Ils laissent peu de place au décor gravé qui est pourtant parfois très développé. Une chape à six rivets trouvée au castillo de la Torre Grossa (XIIIe - XIVe siècle) à Jijona dans la province d’Alicante en Espagne présente un simple cadre de lignes gravées autour des rivets3079. Des entailles ont été réalisées le long des bordures latérales et proximale. Les charnons sont incisés de deux segments parallèles. Le décor qui s’étendait sur la chape à six rivets à la surface endommagée d’une boucle de type F2a découverte sur le site du château de Montségur (N.D.S.) en Ariège reste illisible3080. Une chape à six rivets provenant de ce site arbore deux losanges, eux-mêmes divisés en losanges, dont les contours sont constitués d’une succession d’ocelles obtenus avec un poinçon circulaire creux en son centre3081. Les ocelles forment deux piques3082 sur un fragment de chape trouvé au château de Montségur3083 et trois piques sur une chape à huit rivets issue du château de Peyrepertuse (N.D.S.) à Duilhac-sousPeyrepertuse dans l’Aude3084. Sur cette dernière pièce, les piques sont encadrés par une ligne ondulée incisée. Contrairement aux autres chapes précédemment décrites dont les rivets conservés ont une tête presque globulaire, les rivets de cet objet ont une tête plate, circulaire ou plus ou moins quadrangulaire, estampée sur le dessus d’un décor rayonnant. Deux piques apparaissent en réserve, sur un fond d’ocelles encadré par des lignes parallèles, sur la chape dorée à six rivets d’une boucle de type F2a mise au jour sur le même site3085. Au château de 3078 Chape isolée sans décor : Espagne, province de Castellón : chape à six rivets presque complète avec un rivet à tête aplatie en place, chape : L x l = 4,6 x 2,1 cm, castellot de Viver, Viver (Bolos et al. 1981, p. 176, n° 110). Chape isolée à décor indéterminé : Espagne, province de Barcelone : chape incomplète à six rivets au décor non décrit et non lisible sur la reproduction photographique, dimensions inconnues, Arc de Triomphe (XIIIe - XVIIIe siècle), Barcelone (Parra Alé 2010a, p. 131, n° 9). 3079 Chape complète, L x l = 4,4 x 1,8 cm (Azuar Ruiz 1985, p. 101, n° 203). 3080 Boucle avec chape incomplète, chape : L recons. x l = 3,5 x 1,8 cm, N.D.S., château de Montségur (Czeski 1981, p. 197, n° 34/76 ; Archéologie 1990, p. 209, n° 396) 3081 Chape incomplète, L x l = 3,6 x 1,55 cm (Dagain et Laffont 1975, p. 14). 3082 La forme est la même que sur les cartes à jouer. 3083 Morceau de chape, L cons. x l = 2,3 x 1,55 cm (Dagain et Laffont 1975, p. 14, n° TC/112). 3084 Chape incomplète, L x l = 4,9 x 1 cm (Barrère 2000, p. 218, fig. 146, n° 3). 3085 Boucle avec chape complète dorée, chape : L x l = 3,45 x 1,7 cm (Barrère 2000, p. 218, fig. 146, n° 2). 624 3. Approche croisée du mobilier archéologique Montségur, les fouilles ont fourni une chape à six rivets, aux motifs en réserve d’un petit arbre (?) et d’un oiseau délimités par des contours incisés sur un fond d’ocelles, dans un encadrement partiel constitué d’une ligne limitant intérieurement des zigzags3086. Du site castral de Peyrepertuse provient une chape dorée à dix rivets, alignés selon le petit axe de la chape : trois en position proximale, deux fois deux en position centrale, trois en position distale3087. Une mince bande au centre de la chape, laissée libre, entre les rivets centraux, est gravée d’un motif cordé, relevé d’ocelles, dans un rectangle incisé. Un cadre complet de zigzags entoure les rivets. Les quatre rivets disposés aux angles ont une tête en hélice au profil triangulaire. La chape pouvait comporter jusqu’à douze rivets. Une boucle de type F2a issue du castillo de l’Alcudia de Fanzara (contexte inconnu) à Burriana dans la province de Castellón en Espagne conserve une telle chape avec encore trois rivets à tête bouletée en place3088. Les rivets sont disposés en bordure de la chape : trois le long du bord proximal, trois autres avec la même orientation près de la charnière et deux groupes de trois rivets alignés le long des bords latéraux entre les deux ensembles précédents. Cette organisation constitue un cadre autour de deux rosettes poinçonnées – sur un fond greneté ou d’ocelles –, motif qui se retrouve également en deux exemplaires sur la traverse distale de la boucle. Toutes les chapes qui viennent d’être mentionnées ont en commun d’avoir été découvertes dans le Sud de la France et dans le Nord de l’Espagne, localisation similaire à celle des boucles de type F2a, sur lesquelles les chapes de type A6 encore attachées à une boucle sont fixées. Une grande majorité de décors des chapes présentent des similitudes, que ce soit les rivets à tête bouletée – ils jouent un rôle ornemental –, les figures ou l’utilisation d’un poinçon pour réaliser des ocelles. Or, la traverse distale des boucles de type F2a est souvent ornée d’ocelles et de motifs gravés, ce qui n’est pas particulièrement courant sur les boucles. Même s’il n’est pas possible de prouver que toutes les chapes isolées précédemment décrites étaient fixées à une boucle de type F2a, un lien fort, une origine géographique commune – au sens régional – paraît certain. Les données chronologiques disponibles pour la datation des chapes de type A6 sont relativement restreintes et peu précises : mais en raison du lien précédemment établi avec les 3086 Chape complète, L x l = 4,15 x 1,6 cm (Czeski 1981, p. 195, 197 ; Archéologie 1990, p. 215, n° 427). 3087 Chape incomplète, L x l = 3,5 x 1,7 cm (Barrère 2000, p. 218, fig. 146, n° 4). 3088 Boucle avec chape complète, chape : L x l = cm (Delaporte et López Bravo 2011, p. 127, pl. 1, n° 7). 625 3. Approche croisée du mobilier archéologique boucles de type F2a, une datation typologique analogue à celles-ci, c’est-à-dire les trois derniers quarts du XIIIe siècle et le XIVe siècle est retenue. Quelques chapes de type A6 n’appartiennent pas au fond évoqué. C’est le cas d’un spécimen à six perforations pour rivets : deux en position proximale, deux en position distale alignés selon le petit axe de la chape et deux autres placés entre ces deux groupes et alignés selon le grand axe. La chape est attachée à une boucle de type E3b issue d’une zone de cimetière des XIIIe - XIVe siècles du site de San Stefano à Casalbordino dans la province de Chieti en Italie3089. Découverte hors stratigraphie sur le plateau de Choumen dans l’oblast de Choumen en Bulgarie, une chape en argent doré, à sept rivets à tête bouletée, est liée à une boucle de type J10 en argent doré3090. Trois rivets situés en position proximale et trois autres en position distale sont rangés selon le petit axe de la chape. Le dernier rivet est localisé au centre de la chape. Celle-ci est ornée par ciselure et au repoussé de trois médaillons formés par un cercle greneté dans lesquels sont figurés un lion et une palmette à trois feuilles, un oiseau à tête humaine et une palme, un aigle et une palme. Les deux animaux et le monstre tournent la tête vers l’arrière. Une composition de palmettes remplit les espaces entre les médaillons. Une bande comportant une ligne de zigzags est disposée sur le bord proximal tout près des pattes de la charnière. Type A7 : Chape composite à fente distale et à rivets traversant (fig. 213, n° 5) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 35, sépulture d’une femme âgée entre 30 et 59 ans, XIVe - XVIe siècle. La chape à retraits latéraux et fente distale de la boucle de type H3 mise au jour à Digne est constituée de trois tôles. Une première tôle est enroulée autour de la traverse proximale. Ses bords latéraux et proximaux sont relevés vers l’intérieur. La partie revers mais également la partie avers, plus courte, sont traversées en partie distale par deux rivets qui maintiennent en place une deuxième tôle, à l’endroit d’un bandeau cordé. Cette deuxième tôle comporte en partie proximale un autre bandeau cordé terminé par des découpes triangulaires 3089 3090 Boucle avec chape complète, chape : L x l = 6,75 x 2,15 cm (Tulipani 2001, p. 332, fig. 9, n° 15). Boucle avec chape complète, chape : L x l = 12,7 x 3 cm (Doncheva 2006). 626 3. Approche croisée du mobilier archéologique dont les pointes sont enroulées. La courroie de cuir de la ceinture – dont il reste des fragments – était insérée entre le revers de la chape et la deuxième tôle. Trois rivets traversant le bandeau en position proximale ainsi que le revers de la chape maintenaient la lanière en position. Un total de cinq rivets assurait donc la fixation de la chape sur la lanière. Une troisième tôle, semi-cylindrique, est disposée entre les deux bandeaux de la deuxième tôle. Deux rivets traversent la deuxième et la troisième tôle ainsi qu’une languette de cuir disposée entre elles. Cette lanière rehausse le fond de la cavité et permet une moindre utilisation d’émail, peut-être originellement blanc mais actuellement teinté en vert par les oxydes, qui a été appliqué dans les ajours dentelés de la troisième tôle. Une chape composite sans retraits latéraux dont le nombre de rivets n’a pu être déterminé a été retrouvée dans un niveau de la seconde moitié du XVe siècle à Bruges dans la province de Flandres-occidentale en Belgique3091. Elle est enroulée autour de la traverse d’une boucle de type H2a. Au moins trois tôles ont été mises en œuvre. Même si le décor embouti et découpé, complexe, est différent de celui de l’artefact du corpus, l’organisation des tôles est semble-t-il identique. Des similitudes s’observent entres les chapes de type A7 et des représentations dans la peinture du milieu et de la seconde moitié du XVe siècle (fig. 174 et 175). Type A8 : Chape non mordante à fente distale et à unique rivet traversant Les chapes de type A8 sont scindées en deux sous-types. Le premier (A8a) regroupe les pièces qui s’enroulent autour de la traverse proximale ou interne, le deuxième (A8b) les artefacts ayant la forme d’une plaquette comportant des ouvertures circulaires à l’endroit de la charnière pour le passage du cadre de la boucle. Type A8a : Chape non mordante enroulée en alliage cuivreux, à fente distale et à unique rivet traversant (fig. 232, n° 21) Bouches-du-Rhône  Église abbatiale Saint-Victor, Marseille : n° 125, remblai du XVIIIe siècle. 3091 Boucle complète avec chape presque complète, Chape : L x = 4,8 x 7,4 cm (Willemsen et Ernst 2014, fig. 118). 627 3. Approche croisée du mobilier archéologique Une chape installée sur une boucle de type N2d s’élargit sur environ 1 cm de long en partie distale puis se réduit vers le bord proximal, arrondi. Le rivet en fer en partie proximale, d’un plus fort diamètre côté revers de la chape, comporte une contre-rivure circulaire bombée intégrée. La chape est formée de deux épaisseurs de tôle sur toute sa longueur. Type A8b : Chape non mordante de type plaquette en alliage cuivreux, à fente distale et à unique rivet traversant (fig. 236, n° 7) Vaucluse  Forteresse de Mornas, Mornas : n° 1, comblement de la crypte, probablement XVe - XVIIe siècle. Une boucle du corpus du type O3a conserve une chape ayant la forme d’une plaquette, traversée par un rivet à tête aplatie. Dans les environs de Newport sur l’île de Wight au Royaume-Uni a été ramassée une boucle en argent de type O à double fenêtre en accolade incomplète avec une chape de type A8b. Son rivet traversant comporte une contre-rivure intégrée. La boucle est datée stylistiquement du dernier quart du XVIIe siècle par G. Egan3092. Les chapes de type A8b paraissent avoir été fabriquées par la fonte. Type B : Chape à perforation pour l’ardillon, à rivet(s) traversant Les chapes de type B du corpus sont classées en plusieurs sous-types selon le nombre de rivets. Les pièces avec un seul rivet appartiennent au sous-type B1, celles avec deux et quatre rivets aux sous-types B2 et B4. Les sous-types B3 et B5 ne sont pas illustrés pour le moment par des artefacts correspondants trouvés en Provence. Cependant, il nous a semblé logique de conserver, comme pour les chapes des types A et C, une dénomination concordant avec le nombre de rivets, pour une compréhension plus aisée de la typologie. Quelques chapes oxydées ou fragments de chapes de la bibliographie peuvent être rattachés au type B. Ces pièces sont liées à une boucle de type C2a3093, C8a3094, J8a3095, 3092 Boucle avec chape complète, Chape : L x l = 2,9 x 1,05 cm (Egan 2008). Royaume-Uni, Grand Londres : boucle avec fragment de chape, vers 1330 - vers 1380, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 94, n° 420). 3093 628 3. Approche croisée du mobilier archéologique J103096. Une chape incomplète à perforation pour l’ardillon rattachée à une boucle de type E4c mise au jour dans l’habitat médiéval de Wharram dans le Yorkshire du Nord comporte deux rivets qui semblent avoir été rajoutés lors d’une réparation, peut-être pour réutiliser la chape alors cassée3097. Type B1 : Chape à perforation pour l’ardillon, à unique rivet traversant Trois sous-types sont distingués parmi les chapes du corpus de type B1, toutes quadrangulaires et en alliage cuivreux. Le premier sous-type (B1a) contient les chapes sans retraits latéraux, le deuxième (B1b) les exemplaires avec retraits latéraux droits ou obliques, le dernier (B1c) les artefacts à retraits latéraux triangulaires. Type B1a : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, à perforation pour l’ardillon, sans retraits latéraux et à unique rivet traversant (fig. 207, n° 7 à 9 ; fig. 208, n° 1 à 4, 7 ; fig. 222, n° 5 ; fig. 274, n° 4 à 13) Var  Bagatelle, Abreuvoir/Saint-Michel, Châteauvert : n° 1, sépulture de femme adulte, n° 12, sépulture de femme adulte, n° 22, sépulture d’adulte de sexe indéterminé, fin XIIe - XIVe siècle.  Castrum de Sainte-Madeleine, La Môle : n° 6 et 7, second tiers XIVe - fin troisième quart XIVe siècle.  Castrum de Marsens, Le Muy : n° 23, déblais du cimetière, XIIIe - début XVe siècle.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 433 et 2187, sols de bâtiment, n° 869 et 911 B, niveau de destruction cendreux, n° 2944, sol de de zone de circulation, n° 4284, sol de circulation extérieure, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 2138 et 3069, 3094 France, Moselle : boucle avec chape incomplète, Chape : L mini x l = 1,5 x 0,8 cm (dimensions fausses dans le texte), remblai, XIIIe - XIVe siècle, habitat déserté de Gungling, Grosbliederstroff (Peytremann et Frauciel 2006, p. 95, fig. 35, n° 2254.37) 3095 Royaume-Uni, Southampton : objet avec chape oxydée, Chape : L x l = 1,6 x 1,5 cm, première moitié du XIVe siècle, High Street A, Southampton (Harvey et al. 1975, p. 257, fig. 241, n° 1741). 3096 France, Hautes-Alpes : boucle avec chape incomplète incisé de couples de traits orientés dans la largeur de la chape, Chape : L cons. x l = 2,6 x 1,1 cm, H.S. (Fichier Lucy Vallauri 1969). 3097 Royaume-Uni, Yorkshire du Nord : boucle avec chape incomplète avec au moins deux rivets, Chape : l = 1,75 cm, datation inconnue, habitat médiéval, Wharram (Goodall 1979a, p. 108, n° 5). 629 3. Approche croisée du mobilier archéologique couches de dépotoir, vers 1345 - 1360 ; n° 3588, couche de dépotoir associée à de l’effondrement de bâtiment, n° 3779, remblai, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 2305, couche de dépotoir, n° 3097, sol de zone de circulation, vers 1370/1375 vers 1415/1420. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1088, premier tiers XIVe siècle ; n° 1290, N.D.S., n° 1126, H.S. Des chapes de type B1a sont conservées sur des boucles londoniennes vierges de décor des deux derniers tiers du XIVe siècle de type E1b3098, sur des boucles du corpus des types F4a (fig. 207, n° 7 à 9 ; fig. 208, n° 1 à 4, 7) et J8a (fig. 222, n° 5). Deux chapes provençales reliées à une boucle de type F4a proviennent de sépultures féminines à Châteauvert. Un mordant de type D5, un mordant de type D3, au moins trente-quatre appliques de type P1a et une bague de type A1c ont été trouvés avec l’un des corps. L’autre défunte était accompagnée d’un mordant de type D5, de trente appliques de type D2a et d’une applique de type AB2. Sur quelques chapes du corpus, un ardillon en fil d’alliage cuivreux (fig. 274, n° 6, 8, 10, 11 et 13) ou un fragment d’ardillon en fil de fer (fig. 222, n° 5) est en place. Plusieurs chapes retiennent tout ou partie d’un renfort (fig. 274, n° 6, 8, 10, 13). Pour une pièce (fig. 274, n° 7) des restes de la brasure blanche qui maintenait le renfort en place dans la chape sont conservés le long des grands côtés. Les ouvertures pour le passage de l’ardillon ont été obtenues par découpe et non par perforation. Un rivet à tête bouletée est visible sur une chape varoise (fig. 208, n° 4). Parmi les chapes et fragments de chape du corpus attribuables au type B1a, deux tôles sans décor gravé (fig. 274, n° 4 et 5) correspondent très probablement à des revers de chape. Elles sont cassées à l’endroit de la charnière, semble-t-il à cause de l’arrachement de l’ardillon. La partie proximale de l’une d’elles (fig. 274, n° 5) est découpée de deux triangles. L’absence d’ornementation gravée s’observe aussi pour un exemplaire lié à une boucle de type F4a dont la plus grande partie de la face avers est manquante (fig. 207, n° 7), et pour un spécimen brasé à une boucle de type J8a (fig. 222, n° 5). 3098 Boucles avec chape complète, Chape : L x l = 1,4 x 0,6 cm et 1,8 x 1,1 cm, vers 1330 - vers 1380 et seconde moitié XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002), n° 307 et 310). 630 3. Approche croisée du mobilier archéologique Sept chapes du corpus comportent un décor incisé accompagné d’un ou de plusieurs motifs circulaires avec une dépression centrale. Un exemplaire (fig. 274, n° 8) arbore trois motifs circulaires encadrés de traits obliques. De fines incisions orientées dans la largeur de la chape ont permis la mise en place du décor. Ces incisions préparatoires s’observent également sur les autres chapes à motif circulaire issues du castrum Saint-Jean à Rougiers (fig. 272, n° 6 ; fig. 278, n° 1, 3 et 7). Parmi elles, une pièce présente deux motifs circulaires (fig. 208, n° 2) : un premier est encadré de lignes obliques en partie proximale de la chape, un deuxième est disposé en partie centrale. Ce dernier motif recoupe une des incisions préparatoires à la mise en place des « sabliers » (fig. 278, n° 3). La moitié distale de la chape est gravée de deux ensembles de motifs disposés symétriquement : l’un d’eux consiste en deux triangles rayés et en trois incisions disposées en Y, l’autre en deux triangles rayés dont une pointe est prolongée par une ligne courbe accostée d’un trait. L’ensemble du décor est contenu entre des lignes disposées sur toute la longueur des longs côtés. Il en est de même pour cinq chapes ne comportant qu’un seul motif circulaire (fig. 207, n° 8 ; fig. 208, n° 1, 7 ; fig. 274, n° 9 et 11). La partie proximale est gravée de triangles tête-bêche formant deux « sabliers ». La moitié distale est incisée des ensembles de motifs précédemment décrits au milieu desquels sont intégrés deux autres motifs. Ceux-ci consistent en quatre traits obliques encadrant un long trait orienté dans la largeur de la chape et en deux rectangles rayés. Quelques variantes de détail existent : par exemple, dans un premier cas, un trait supplémentaire est disposé entre les deux rectangles (fig. 208, n° 10), dans un deuxième cas, il manque un segment fermant le rectangle (fig. 208, n° 7). Une chape avec une portion de la traverse proximale d’une boucle composite encore en place, trouvée dans un remblai de fin XVe - début XVIe siècle sur le site de la Porte Pairolière à Nice (fig. 275, n° 1), comporte un décor analogue aux pièces qui viennent d’êtres décrites. Le motif circulaire est réalisé avec un outil comportant une pointe circulaire légèrement conique qui laisse une profonde dépression centrale. Dans un cas, elle a perforé l’avers de la chape (fig. 278, n° 2) sans laisser de traces sur la partie intérieure du revers. Des rainures concentriques sont visibles à la loupe binoculaire aux endroits où un autre élément de l’outil a entaillé le métal (fig. 278, n° 2, 3 et 5) par rotation autour de la pointe centrale. Le bord extérieur du motif circulaire est généralement plus abrupt que le bord interne. Le motif circulaire est réalisé après la mise en place du décor de traits incisés ainsi que le montre l’absence du motif sur une chape du corpus (fig. 274, n° 10) et sur la chape niçoise mentionnée précédemment (fig. 275, n° 1) pour lesquelles il était vraisemblablement prévu qu’il soit mis en place. 631 3. Approche croisée du mobilier archéologique Six chapes présentent à la fois de la gravure et des ajours (fig. 207, n° 9 ; fig. 208, n° 3 et 4 ; fig. 274, n° 6, 12, 13). Il faut très probablement y ajouter une septième pièce (fig. 274, n° 7), incomplète, au vu des similitudes du décor gravé. La partie proximale de l’avers de quatre objets est gravé d’un losange, éventuellement subdivisé en quatre losanges (fig. 274, n° 7 et 13), inscrits dans un rectangle rayé. Un (fig. 207, n° 9) ou deux ajours (fig. 274, n° 12 et 13) en forme de fenêtre d’architecture occupent la plus grande partie du reste de la chape. Des « frontons » de chevrons (fig. 274, n° 12 et 13) ou des triangles rayés (fig. 207, n° 9) les surmontent. L’ornementation gravée et le ou les ajours sont différents pour deux artefacts (fig. 208, n° 3 et 4). Un quadrillage oblique occupe une portion de la partie proximale de la chape. Des lignes obliques entre deux bandes ou deux chevrons ornent l’espace entre la perforation pour l’ardillon et l’ajourage. De courtes bandes transversales sont gravées avant la découpe des ajours dans un cas (fig. 208, n° 3) comme pour une chape citée précédemment (fig. 207, n° 9). Le bord proximal de l’objet de Châteauvert est découpé d’un arc de cercle (fig. 208, n° 4). La nature de l’ajour et du décor gravé reste en grande partie inconnue pour une autre chape endommagée (fig. 274, n° 6) trouvée au castrum Saint-Jean à Rougiers. Une pièce mise au jour dans une couche remaniée en contrebas de la chapelle Sainte-Marie-de-Carnencaz à Fontès dans l’Hérault est découpée, côte-à-côte, de deux ajours longilignes aux extrémités arrondies3099. Elle retient un ardillon en alliage cuivreux avec une traverse proximale de boucle composite et comporte un rivet à tête bombée en fort relief. L’observation détaillée des objets a permis de mettre en évidence l’enchaînement des opérations de décoration. Elle commence par l’exécution des lignes de mise en place du décor le long des côtés longitudinaux et des lignes orientées dans la largeur de la chape. Notons que ces lignes peuvent également jouer un rôle décoratif lorsqu’elles sont profondément gravées. Ces traits sont suivis de l’exécution du reste du décor incisé (fig. 272, n° 5). Il est ensuite procédé à la réalisation du ou des motifs circulaires ou du ou des ajours. Il n’a pas été possible de déterminer si la décoration était faite avant ou après pliage de la tôle. La première possibilité semble la plus logique ; toutefois, c’est la deuxième qui a pu être mis en évidence pour une chape de type A1c (fig. 184, n° 2 ; fig. 272, n° 3 et 4). Quand la décoration est réalisée après pliage de la tôle, un support est sans doute préalablement inséré dans la chape pour éviter l’effet ressort de la charnière. De plus, aucune bavure de découpe ou trace de la pointe de l’outil employé pour le motif circulaire n’est visible sur la face interne du revers de 3099 Chape complète, Chape : L x l = 6,5 x 1,5 cm (Feugère 1983, p. 136). 632 3. Approche croisée du mobilier archéologique la chape. Dans tous les cas, un renfort est inséré dans la chape avant que ses bords ne soient limés (fig. 278, n° 4) pour les égaliser. Les chapes de type B1a n’ont été relevées pour le moment qu’en Provence et à Nice. Elles sont attribuables au XIVe siècle en l’état actuel des données. Type B1b : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, à perforation pour l’ardillon, à retraits latéraux droits ou obliques et à unique rivet traversant (fig. 141, n° 4 ; fig. 201, n° 4 ; fig. 202 ; n° 5 ; fig. 275, n° 2 à 4) Var  Le Castellas, Forcalqueiret : n° 2, XIIe - XIVe siècle ?  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1022, foyer, vers 1345 - 1360 ; n° 2805, sol de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 3363, sol de bâtiment, vers 1370/1375 vers 1415/1420.  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1106, milieu XIVe siècle ; n° 1126, H.S. Une chape de type B1b est encore liée à des boucles des types B10 (fig. 141, n° 4), C8a3100, D33101, E1a (fig. 201, n° 4), E2a (fig. 202, n° 5), E4b3102, J23103. La chape des spécimens du corpus ou répertoriés dans la bibliographie est le plus souvent décorée. Des fragments d’une pièce trouvée à Avignon (fig. 202, n° 5) aux retraits latéraux obliques ne présentent pas de décor, mais il se pourrait qu’ils correspondent à la partie revers de la chape. Pour une chape aux retraits latéraux obliques, liée à une boucle de type E4b issue d’un contexte daté vers 1300 - vers 1320 du château d’Ortenbourg dans le BasRhin, la décoration ne consiste qu’en une découpe triangulaire de la bordure proximale avers 3100 France, Seine-Maritime : boucle avec chape complète, Chape : L x l = 3,1 x 1 cm, conservée au Musée de Meaux (Dupond et al. 1992, p. 96, n° 8). 3101 France, Tarn : boucle avec chape complète, Chape : L x l = 5,15 x 2,1 cm, première moitié milieu XIVe siècle, castrum du Castlar, Durfort (Archéologie 1990, p. 217, n° 434 ; ajout à la datation, Vidaillet et Pousthomis 1996, p. 177). 3102 France, Bas-Rhin : boucle avec chape complète, Chape : L x l = 3,2 x 1 cm, vers 1300 - vers 1320, château d’Ortenbourg (Rieb et Salch 1973, n° 342). 3103 Royaume-Uni, Grand Londres : boucle avec chape incomplète, Chape : L mini x l = 2,6 x 0,9 cm, seconde moitié XIVe siècle ; boucle avec chape complète, L x l = 2,3 x 1,1 cm, seconde moitié XIVe siècle, Bilingsgate lorry Park, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 96, n° 435 et 436). 633 3. Approche croisée du mobilier archéologique de la chape3104. La partie revers est plus courte. Un arc de cercle entaille de façon sommaire la bordure proximale d’une chape sur courroie de cuir trouvée dans un niveau londonien de la seconde moitié du XIVe siècle3105. Deux artefacts mis au jour en Provence aux retraits latéraux obliques (fig. 141, n° 4) ou à angle droit (fig. 275, n° 3), à la bordure proximale éventuellement découpée d’un triangle (fig. 141, n° 4), sont gravés de deux lignes de zigzags. Les zigzags formaient vraisemblablement un cadre complet sur une chape trouvée incomplète (fig. 201, n° 4) ayant conservé l’amorce de la perforation circulaire nécessaire au passage du rivet. La perforation dédiée à l’ardillon est entourée par les zigzags, agencés en forme de chevron. Un avers de chape (fig. 275, n° 2) aux retraits latéraux à angle droit découvert au castrum Saint-Jean à Rougiers propose un décor gravé de deux lignes de zigzags encadrant un motif exclusivement constitué de zigzags au sein duquel apparaît en réserve un rinceau végétal avec ses feuilles. Le même motif se retrouve sur une chape de type B2c qui appartenait peut-être à l’origine au type B1b (fig. 275, n° 9). Des rinceaux végétaux délimités par des zigzags apparaissent sur deux fragments de chape ou de mordant (fig. 302, n° 17 et 18) et sur deux chapes de type C1b liées à des boucles de type Q6b (fig. 250, n° 2, 4). Les zigzags sont remplacés par des lignes courbes a sur un mordant de type B2a (fig. 288, n° 13). À l’endroit de la partie distale de la chape de Rougiers du type B1b, des traces d’arrachement attestent que l’ardillon passait bien au travers d’une perforation circulaire (fig. 275, n° 2). La dernière chape du corpus, en provenance du site du Castellas à Forcalqueiret, arbore une ornementation incisée analogue à celui de plusieurs pièces du type B1a (ex : fig. 274, n° 9 à 11). Elle en diffère cependant légèrement avec les carrés rayés remplacés par des triangles rayés si tant est que le dessin soit exact dans cette zone, l’oxydation ayant semble-t-il fait disparaître une partie du décor. La chape comporte des retraits latéraux obliques, un renfort et un rivet à tête bombée. Un contexte de la première moitié - milieu XIVe siècle au site du castrum du Castlar à Durfort dans le Tarn a fourni une boucle de type D3 et sa chape avec couverte « argentée », aux retraits obliques, décorée par gravure en partie proximale d’un losange, subdivisé en quatre losanges, inscrit dans un rectangle au fond parcouru de zigzags orientés dans la largeur de la chape3106. Ce motif rappelle celui qui est visible sur plusieurs chapes du corpus de type B1 (ex : fig. 274, n° 12 et 13) comportant des ajours en forme de fenêtre d’architecture. 3104 Objet mentionné précédemment. Royaume-Uni, Grand Londres : chape complète, Chape : L x l = 3,1 x 1,4 cm, Baynard House, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 112, n° 516). 3106 Objet déjà cité. 3105 634 3. Approche croisée du mobilier archéologique Tout comme les chapes de type B1a, les pièces de type B1b ne paraissent pas avoir connu une diffusion hors de Provence. Elles semblent pouvoir être datées du XIVe s. Type B1c : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, à perforation pour l’ardillon, à retraits latéraux triangulaires et à unique rivet traversant (fig. 275, n° 5 et 6) Var  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 94-253 B, contexte inconnu. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1554, terres de jardin, vers 1400. Ces deux chapes se distinguent du type précédent par leurs retraits latéraux concaves. L’une d’elles (fig. 275, n° 5) conserve un ardillon et un fragment de traverse proximale de boucle composite en fer, un rivet à tête bouletée en fort relief en alliage cuivreux. Son bord proximal est découpé d’une accolade. Un fragment d’ardillon en fer est aussi visible sur la deuxième chape (fig. 275, n° 6), laquelle comportait un renfort. L’ornementation incisée de l’avers est analogue au décor visible sur des chapes de type B1a (ex : fig. 274, n° 9 à 11). Les bords de la chape présentent des traces d’un limage réalisé après pliage de la tôle pour égaliser les côtés. L’artefact d’Avignon appartient à un niveau de jardin, daté vers 1400, mis en place après nivellement d’un dépotoir du dernier tiers du XIVe siècle. Il est vraisemblable que l’objet ait été abandonné durant cette période avant que son positionnement ne soit bouleversé. Type B2 : Chape à perforation pour l’ardillon, à deux rivets traversant Les chapes du type B2 sont divisées en trois sous-types déterminés selon la localisation des rivets et la présence ou non de retraits latéraux. Les pièces sans retraits latéraux à deux rivets traversant alignés dans la largeur sont classées dans le sous-type B2a. Une distinction a été opérée parmi les chapes dont les rivets sont alignés dans la longueur selon qu’elles ne présentent pas (B2b) ou comportent des retraits latéraux (B2c). 635 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type B2a : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, à perforation pour l’ardillon, sans retraits latéraux et à deux rivets traversant alignés dans la largeur (fig. 207, n° 10 ; fig. 275, n° 7) Var  Bagatelle/Abreuvoir Saint-Michel, Châteauvert : n° 1, bassin d’une femme adulte, fin XIIe - XIVe siècle. Vaucluse  Rue Banasterie, Avignon : n° 85, datation inconnue. La chape la plus large du corpus (fig. 275, n° 7) retient une tige en alliage cuivreux de boucle composite. La charnière est si intimement enroulée autour de cette tige qu’elle ne pouvait se mouvoir. Une perforation semi-ovale a été pratiquée pour le passage de l’ardillon. Deux ouvertures pour rivet sont disposées le long du bord proximal découpé de trois arcs de cercle. Deux arcs de cercle supplémentaires sont découpés dans les bords latéraux à proximité de la charnière. Le même ornement apparaît sur des chapes attachées à des boucles des types C1, C8 et J8 dans une peinture nurembergeoise nonyme datée de 1560 figurant un bouclier au travail (fig. 614). La chape la plus longue (fig. 207, n° 10), liée à une boucle de type F4a, possède un décor gravé et ajouré. Il est constitué de deux rangées de bandes de zigzags séparées par des bandes et de deux ajours en forme de fenêtre d’architecture surmontés de frontons constitués de chevrons. Un renfort a été inséré dans la chape. Il retient une plaque de verre peinte d’un homme et d’une femme dont les silhouettes apparaissent dans les ajours. Une boucle en matériau blanc de type C2 issue d’un contexte londonien de la seconde moitié du XIVe siècle retient un probable fragment de chape de type B2a3107. 3107 Boucle avec chape incomplète, Chape : L x l mini = 2,3 x 1,7 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 94, n° 423). 636 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type B2b : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, à perforation pour l’ardillon, sans retraits latéraux et à deux rivets traversant alignés dans la longueur (fig. 142, n° 11 ; fig. 275, n° 8) Vaucluse  Hôtel de Brion, jardin, Avignon : n° 1, H.S.  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1293, N.D.S. Ces deux objets quadrangulaires (fig. 142, n° 11 ; fig. 275, n° 8), sans retraits latéraux, ont deux rivets traversant alignés dans la longueur de la chape en partie proximale. L’un d’eux est associé à une boucle de type B12 et retient un fragment d’applique de type D2b. La pièce de l’Impasse de l’Oratoire (fig. 275, n° 8) conserve un fragment d’ardillon en fil d’alliage cuivreux et la traverse proximale en fer d’une boucle composite. La partie proximale de la chape est incisée de deux triangles. Une ligne de zigzags court le long des grands côtés. L’exemplaire issu du jardin de l’Hôtel de Brion (fig. 142, n° 11) comporte une ligne de zigzags le long des grands côtés. Une applique emboutie incomplète est retenue par le rivet central. Le rivet situé près du bord proximal, découpé d’un arc de cercle, devait traverser l’autre extrémité de l’applique. Le site de la Rue Mongat (XIIIe - XVIIIe siècle) à Douai dans le Nord a fourni une boucle de type J4 dont la chape sans ornementation présente l’un de ses deux rivets en position centrale3108. Type B2c : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, à perforation pour l’ardillon, à retraits latéraux et à deux rivets traversant alignés dans la longueur (fig. 275, n° 9) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 986, N.D.S. Cette chape quadrangulaire (fig. 275, n° 9) à perforation pour l’ardillon comporte deux retraits latéraux obliques et deux rivets traversant alignés dans la longueur de la chape en partie proximale. Deux lignes de zigzags encadrent un motif exclusivement constitué de 3108 Boucle avec chape complète, Chape : L x l = 4 x 1,8 cm (Louis et al. 1998, p. 61, n° 3). 637 3. Approche croisée du mobilier archéologique zigzags au sein duquel apparaît en réserve un rinceau végétal d’où partent des feuilles. Cet objet, très probablement attribuable au XIVe siècle, comporte, à l’exception de l’extrémité proximale, le même décor qu’une chape de type B1b issue d’un contexte daté vers 1360 - vers 1370/1375 (fig. 275, n° 2). La partie manquante pourrait être la conséquence de la cassure de l’objet à l’endroit d’un unique rivet initial de fixation. Des rinceaux végétaux délimités par des lignes courbes apparaissent sur un mordant de type B2a (fig. 288, n° 13). Ce sont des zigzags sur deux fragments de chape ou de mordant (fig. 302, n° 18) et sur deux chapes de type C1b liées à des boucles de type Q6b (fig. 250, n° 2, 4). Concernant la chape de type B2c du corpus, les deux perforations pour rivet assez grossières actuellement visibles ont pu être réalisées après que l’objet ait été cassé afin de prolonger son utilisation. Auparavant, l’objet appartenait sans doute au type B1b. Un exemplaire avec des retraits latéraux quadrangulaires fut trouvé avec une boucle de type E4a dans les habitats Nord-Ouest du château de Montségur en Ariège. La chape est semble-t-il ornée d’un cadre incomplet constitué d’une ligne incisée limitant intérieurement des zigzags3109. L’un des deux rivets est en position proximale, l’autre en position centrale. Une autre pièce, à retraits latéraux obliques, pourrait avoir été trouvée dans un contexte des XIIIe - XVe siècles au château de Pymont à Villeneuve-sous-Pymont dans le Jura3110. Incomplète, elle semble avoir comporté deux rivets alignés dans la longueur de la chape. Une ligne incisée court le long des grands côtés. 3109 3110 Boucle avec chape complète, Chape : L x l = 2,75 x 0,95 cm (Czeski 1981, p. 197, n° 189/72). Chape incomplète, L x l = 3,8 x 1,3 cm (Jeanjacquot 1993, p. 105, fig. 63, n° 1940). 638 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type B3 : Chape à perforation pour l’ardillon et à trois rivets traversant Les fouilles du château de Montségur (N.D.S.) dans l’Ariège ont livré une boucle de type E4c, à chape de type B3 à perforation circulaire et retraits latéraux dont deux des rivets sont positionnés en partie proximale et le troisième en partie distale3111. Deux files de dents de loup opposées par la base occupent les côtés latéraux et le côté proximal. Une chape du même modèle issue d’un contexte londonien du deuxième tiers du XIIIe siècle arbore trois rivets très irréguliers et massifs vraisemblablement ajoutés lors d’une réparation3112. Deux files de dents de loup opposées par la base, obtenues par poinçonnage, sont visibles le long des bords latéraux et ornaient peut-être également le bord proximal de la face avers, manquant. Le même motif est présent le long des bords latéraux d’une chape à perforation circulaire et à retraits latéraux de la seconde moitié du XIVe siècle découverte à Londres3113. Les trois rivets sont alignés dans la longueur de la chape. Leur longueur augmente en direction du bord proximal. À cet endroit, l’épaisseur de la lanière atteignait 0,6 cm. Type B4 : Chape à perforation pour l’ardillon, à quatre rivets traversant Le corpus comprend deux sous-types définis selon le positionnement des rivets. Le premier (B4a) contient une chape dont les quatre rivets traversant sont alignés deux par deux dans la largeur en partie proximale. Le second est attribué à une chape dont les quatre rivets sont alignés dans la longueur. Une boucle de type E5 issue d’un contexte londonien daté vers 1270 - vers 1350 conserve une chape à perforation circulaire à retraits latéraux dont deux des rivets sont positionnés dans la partie proximale de la chape et deux autres dans la partie distale3114. Une chape de même type provient d’une phase d’occupation immédiatement postérieure au milieu du XIVe siècle du village médiéval de Golto dans le Lincolnshire3115. 3111 Un anneau entier avec chape de type B3, Boucle : L x l = 1,95 x 2,6 cm, Chape : L x l = 3,7 x 1,5 cm, château de Montségur (Archéologie 1990, p. 216, n° 432) 3112 Chape incomplète, Chape : L x l = 3,1 x 1,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 112, n° 502). 3113 Chape complète (?), Chape : L x l = 4,4 x 1,05 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 112, n° 514). 3114 Boucle avec chape presque complète, Chape : L x l = 2,4 x 1,7 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 76, n° 317). 3115 Chape complète, L x l = 3 x 2,625 cm (Goodall et al. 1975, fig. 43, n° 12, p. 91). 639 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type B4a : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, à perforation pour l’ardillon, à retraits latéraux et à quatre rivets traversant alignés deux par deux dans la largeur en partie proximale (fig. 275, n° 10) Bouches-du-Rhône  Vieux village, Jouques : n° 2, comblement de silo, XIVe siècle. Le bord proximal de la chape de type B4a (fig. 275, n° 10), à perforation circulaire pour l’ardillon, est découpé d’un arc de cercle. Toujours du côté proximal sont gravés deux rangs de bandes disposées en zigzags. Une bande droite est intercalée. Deux arcs ajourés surmontés d’un losange participent à l’évocation d’une façade d’église. Deux rivets traversant la totalité de la chape retenaient sans doute des tôles embouties aux formes ondulées évoquant des personnages comme il en apparaît sur d’autres artefacts du corpus (fig. 208, n° 10, fig. 209, n° 2 et 5 ; fig. 276, n° 4). Toutefois, sur ces objets là, les arcs sont surmontés d’une rose – du point de vue architectural – en forme de cercle et avec cinq perforations ou en forme de quadrilobe et découpée. Les coins triangulaires entre les bandes latérales, la « façade » et le motif supérieur sont rayés. Une oxydation ferreuse dure n’a pas permis de reconnaître la totalité du décor de la partie distale, mais il semble, par comparaison avec les chapes précédemment évoquées, que ce décor consiste en deux rectangles divisés en trois triangles, agencés de façon à conserver la symétrie du décor de la chape. L’un des deux rivets qui maintenait les tôles embouties susmentionnées est en place. La gravure se prolonge sur sa tête. Type B4b : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, à perforation pour l’ardillon, à retraits latéraux et à quatre rivets traversant alignés dans la longueur (fig. 142, n° 12) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2086, couche de dépotoir, vers 1345 - vers 1360. Cette chape de grande longueur fut trouvée en position sur une boucle de type B12. La découpe de la partie revers est assez irrégulière. La perforation pour l’ardillon est circulaire et 640 3. Approche croisée du mobilier archéologique a été réalisée avec un poinçon depuis les deux faces ainsi que l’indique l’écrasement du métal. Les quatre rivets sont alignés dans la longueur de la chape. Ils retiennent des appliques de type D2b embouties et incomplètes figurant des animaux fabuleux. Des zigzags courent le long des bords latéraux. Deux arcs de cercle ont été découpés dans le bord proximal. Des traces de limage s’observent à cet endroit. Le rivet dont la position est la plus proche du bord proximal est plus long que les autres pour permettre le passage et la fixation de la lanière. Type B5 : Chape à perforation pour l’ardillon et à cinq rivets traversant Les chapes de ce type comportent cinq rivets traversant placés ainsi : deux en partie proximale, un en partie centrale, deux en partie distale. Les exemplaires répertoriés ont tous des retraits latéraux à angle droit. Une pièce de ce type, liée à une boucle d’une variante du type E, fut trouvée en position résiduelle dans le comblement d’une sépulture du XVIIIe siècle du cimetière de l’église de Rigny à Rigny-Ussé en Indre-et-Loire3116. La chape comporte une perforation quadrangulaire pour l’ardillon en fil, quatre des cinq rivets originels à tête bombée, un décor sous la forme d’un cadre partiel de dents de loup opposées par la base. Les fouilles réalisées à Londres ont fourni deux chapes à perforation circulaire pour l’ardillon. La plus longue des deux pièces provient d’un niveau daté vers 1270 - vers 13503117. L’avers est gravé d’un cadre complet constitué d’une ligne ondulée limitée intérieurement par une ligne droite. Les rivets ont une tête facettée en fort relief. La seconde chape fut retrouvée dans un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle3118. Son bord proximal a disparu. Les longs côtés sont décorés de deux files de dents de loup opposées par la base. Le rivet central retient une applique florale à six pétales de type M2. Type B6 : Chape à deux perforations pour l’ardillon et à deux rivets traversant (fig. 206, n° 10) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1651, sol intérieur de grotte, vers 1309/1315 - 3116 Boucle avec chape complete, Chape : L x l = 3,6 x 1,2 cm (Poirot et al. 1992, p. 159, n° 137). Boucle avec chape complète, Chape : L x l = 3,2 x 1,1 cm, dernier tiers XIIIe - début XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 76, n° 314). 3118 Chape incomplète, L x l = 3,3 x 1,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 76, n° 520). 3117 641 3. Approche croisée du mobilier archéologique vers 1345. Cette chape comporte deux perforations circulaires en partie distale pour le passage de deux ardillons dont la pointe reposait sur les ergots distaux du cadre de la boucle de type F3b. Elle est ornée en bordure d’un motif estampé de triangles imbriqués garnis de rayures. L’outil avec lequel est réalisée cette impression comporte six triangles imbriqués. La jonction de deux empreintes est visible à cause d’un léger décalage au milieu du motif qui court le long du bord proximal (fig. 277, n° 3). Type C : Chape sans découpe pour l’ardillon, à rivet(s) traversant Quatre types ont été distingués parmi les chapes du corpus en fonction du nombre de rivets. Le sous-type C1 contient les chapes avec un seul rivet traversant, le sous-type C2 les exemplaires avec deux rivets et ainsi de suite. Le corpus provençal ne contient pas de chapes avec cinq rivets ou plus, mais quelques exemplaires sont connus par la bibliographie. Une pièce à cinq rivets traversant sans retraits latéraux est issue du château de Pymont (XIIIe - XVe siècle) à Villeneuve-sous-Pymont dans le Jura. L’avers est incisé d’un cadre incomplet de dents de loup opposées par la base partiellement recouvert par une applique quadrangulaire à motif floral de type D2 rivetée au centre. La charnière est gravée d’une ligne de zigzags. La bordure proximale de la chape est découpée d’un arc de cercle3119. Les fouilles du château de Foix en Ariège ont conduit à la découverte d’une boucle de type Q2 dont la chape est pour le moins hors du commun. La configuration et le décor gravé de celle-ci imitent la forme d’une vielle à archet3120. La chape comporte une extension circulaire à cinq perforations, analogue à celle d’une boucle à chape intégrée de type S3d (fig. 257, n° 1). Le corps principal est traversé de trois rivets dont deux en position distale et l’autre près du départ de l’excroissance. L’artisan a tiré partie de la forme particulière de la chape, probablement adaptée à un usage très spécifique, pour l’interpréter au moyen de la décoration mise en place. Avant d’entrer dans le détail de la typologie des chapes de type C, il est nécessaire de s’attarder quelques instants sur les mordants en tôle des fermoirs de livre à extrémité distale 3119 Chape complète, L x l = 3,6 x 1,7 cm (Jeanjacquot 1993, p. 108, fig. 69, 70, n° 1996). France, Ariège : objet incomplet, Boucle : L x l = 4 x 2,5 cm, Chape : L x l = 7,5 x 2,4 cm, XIIe XIIIe siècle d’après la céramique, château de Foix (Carme 2006). 3120 642 3. Approche croisée du mobilier archéologique issue de la fonte présentés dans l’annexe 3. Ces mordants pourraient être confondus avec des chapes des types C1 et C2. Toutefois, quelques caractéristiques permettent de les identifier. La très grande majorité de ces objets en tôle ne dépasse pas 3 cm de long et 1,5 cm de large. Les retraits latéraux sont souvent obliques. La plupart des mordants ne sont pas décorés ou présentent simplement une découpe du bord proximal. Enfin, le décor gravé de ces mordants de fermoirs de livre, quand il est présent, est d’un type différent de celui des chapes. Type C1 : Chape sans découpe pour l’ardillon et à unique rivet traversant Les chapes de type C1 sont divisées en trois sous-types : le sous-type C1a pour les pièces sans retraits latéraux, le sous-type C1b pour les exemplaires avec retraits latéraux droits ou obliques, le sous-type C1c pour les spécimens avec retraits latéraux triangulaires. Type C1a : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, sans découpe pour l’ardillon, sans retraits latéraux et à unique rivet traversant (fig. 183, n° 14) Vaucluse  Rue Carreterie, Avignon : n° 307, contexte inconnu. Le corpus comprend une chape de type C1a sur un anneau de type C8b. La tôle est vierge de toute ornementation. La fouille de la sépulture d’une jeune femme de 20 à 25 ans au cimetière de la Tour Saint-Laurent (XIe - XIVe siècles) à Oze dans les Hautes-Alpes a livré un anneau de type J8 à fenêtre trapézoïdale à clapet distal3121. Il était localisé au tiers inférieur du fémur droit. Sa chape est ornée de zigzags laissant apparaître en réserve une fleur à quatre pétales encadrée par deux croix de saint André. D’un niveau de fin XVe - début XVIe siècle du site du château d’Épinal dans les Vosges provient une chape vierge de décor en position sur une boucle de type Q3122. D’autres exemplaires sont relevés sur une boucle de type O2 découverte dans une sépulture du bas Moyen Âge ou d’Époque moderne du cimetière de Saint Saviour à Vrh Rika 3121 3122 Anneau avec chape complète, Chape : L x l = 3 x 1,05 cm (Bonnefoi 1969, p. 25). Boucle avec chape complète, Chape : L x l = 2 x 1,2 cm (Kraemer 2002, p. 244, pl. 15, n° 14). 643 3. Approche croisée du mobilier archéologique dans le comitat de Split-Dalmatie en Croatie3123 et sur un anneau de type J8. Le clapet distal de cet objet mis au jour au château de Caergwrle (N.D.S.) dans le comté de North Wales au Royaume-Uni3124 est gravé d’un quadrillage, motif repris sur la charnière de la chape. La face avers de la bordure proximale de cette pièce est découpée d’un long triangle réalisé après pliage car la partie revers est entaillée. Une chape isolée issue d’un comblement de fosse de la seconde moitié XVe - première moitié XVIe siècle du site de l’abbaye des franciscains à Carmarthen dans le Carmarthenshire est entaillée de triangles le long du bord proximal et de la partie distale des bords latéraux. Ceux-ci sont découpés d’un arc-de-cercle à proximité de la charnière3125. Type C1b : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, sans découpe pour l’ardillon, à retraits latéraux droits ou obliques et à unique rivet traversant (fig. 250, n° 2, 4 et 5 ; fig. 275, n° 11 et 12) Var  Place Formigé, Fréjus : n° 42, XIVe siècle.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 842, décombres, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 3315, couche de dépotoir, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 1623 et 1991, sols de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Le sous-type C1b rassemble cinq chapes du corpus. Trois d’entre elles sont attachées à une boucle de type Q6b (fig. 250, n° 2, 4 et 5), les deux dernières sont isolées (fig. 275, n° 11 et 12). La chape de deux boucles de type Q6b (fig. 250, n° 2 et 4) présente la particularité d’être constituée de trois tôles : une tôle pour l’avers et une tôle pour le revers dont l’extrémité distale est brasée sur une tôle enroulée servant de charnière. Est-ce le résultat de réparations, ces objets comportant une faiblesse à l’endroit de la charnière ? Il est beaucoup plus probable que ceci soit le résultat du processus de fabrication. Il est d’ailleurs vraisemblable que deux tôles isolées du corpus (fig. 302, n° 17 et 18) aient appartenu à des chapes de ce type. Il n’apparaît pas d’utilité décorative ni fonctionnelle à cet arrangement. Au contraire, la chape ainsi constituée est moins solide que le modèle à deux tôles. 3123 Artefact avec chape complète, Chape : L x l = 2 x 0,9 cm (Petrinec 1996, p. 123, n° 110). Anneau avec chape complète, Chape : L x l = 1,7 x 0,6 cm (Courtney 1994, p. 114, fig. 15, n° 11). 3125 Chape complète, L x l = 1,55 x 1,3 cm (Brennan 2001, n° 16). 3124 644 3. Approche croisée du mobilier archéologique Deux spécimens du corpus conservent un renfort (fig. 250, n° 5, fig. 275, n° 11). Leur avers est gravé de lignes droites et obliques agencées d’une façon relativement ordonnée. Deux mordants de type D3 et E comportent un décor analogue (fig. 290, n° 7 ; fig. 293, n° 9). Il est observé pour ces quatre objets deux longues lignes gravées le long des grands côtés, deux autres lignes soulignant l’axe central, un quadrillage à une extrémité, des lignes obliques jointives ou pratiquement jointives à l’autre extrémité. Les deux chapes et l’un des mordants (fig. 290, n° 7) comportent en outre un motif de croix de saint André. Sur les autres chapes du corpus, l’avers est incisé d’arabesques en zigzags entre lignes latérales de zigzags (fig. 250, n° 2 et 4 ; fig. 277, n° 4) qui rappellent celles de chapes des types B1b et B2c (fig. 275, n° 2 et 9), d’une composition classique de triangles et de rectangles hachurés et d’un cercle creux pointé (fig. 275, n° 12) qui a déjà été mentionné lors de l’analyse du type B1. Les fouilles de l’abbaye de Bordesley à Redditch dans le Worcestershire ont fourni une chape isolée sans décor trouvée dans une couche de la première moitié/milieu XIVe siècle3126. Une découpe du bord proximal en arc-de cercle est visible pour trois chapes appartenant à des anneaux d’une variante du type F proche des boucles du type F4c. L’un de ces artefacts provient d’un contexte de la première moitié du XVe siècle du site de Swan Lane à Londres3127, les deux autres de contextes du site de Billingsgate lorry Park à Londres : un premier daté de la seconde moitié du XIVe siècle, un deuxième retrouvé hors stratigraphie3128. Quelques autres anneaux de même configuration avec chape de type C1b sans découpe proximale ont été découverts sur ce dernier site : une pièce sans décor de la seconde moitié du XIVe siècle3129, deux exemplaires à la chape aux bords latéraux biseautés3130. De cette opération archéologique sont également issus une boucle de type F, datée de la seconde moitié du XIVe siècle, à la traverse distale ornée d’une tête couronnée et à la chape gravée de 3126 Chape complète, L x l x e = 1,9 x 0,9 x 0,05 cm (Astill 1993a, p. 194, 196, fig. 89, n° CA 264). Anneau avec chape complète, Chape : L x l = 1,9 x 1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 117, n° 558). 3128 Anneau avec chape complète, Chape : L x l = 2,2 x 0,85 cm ; anneau avec chape complète, Chape : L x l = 2,6 x 1,3 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 117, n° 556, p. 119, n° 569). 3129 Anneau avec chape complète, Chape : L x l = 1,9 x 0,95 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 117, n° 555). 3130 Anneau avec chape complète, Chape : L x l = 2,2 x 1 cm, second tiers XIVe siècle, anneau avec chape complète, Chape : L x l = 3,2 x 0,6 cm, seconde moitié XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 117, n° 553, 554). 3127 645 3. Approche croisée du mobilier archéologique chevrons entre deux lignes3131, et une chape réparée de même datation3132. La charnière a été consolidée par rivetage d’une languette de métal réutilisée et gravée de zigzags. En l’état actuel des données, il peut être proposé une datation typologique des chapes de type C1b dans le XIVe siècle. Type C1c : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, sans découpe pour l’ardillon, à retraits latéraux triangulaires et à unique rivet traversant (fig. 209, n° 1 ; fig. 275, n° 13) Var  Castrum de Sainte-Madeleine, La Môle : n° 8, second tiers XIVe siècle - au plus tard 1400  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 901 A, niveau de destruction cendreux, vers 1309/1315 - vers 1345. L’une des deux chapes est rattachée à une boucle de type F4c (fig. 209, n° 1). Il ne reste de la partie avers que la charnière et le début du décor incisé. Un petit carré de tôle surmonté d’une petite tôle circulaire est brasé à l’intérieur de la chape. Sa fonction n’a pu être établie. L’avers de la deuxième chape est incisé de chevrons entrecroisés, d’ocelles et de bandes disposées en zigzags (fig. 275, n° 13). Un anneau de type F4c récupéré dans la chapelle des Gicons (H.S.) à Saint-Disdier dans les Hautes-Alpes présente une chape gravée et découpée d’ajours3133. Ce décor est pratiquement identique à celui d’une chape de type C2c du corpus (fig. 210, n° 5). Elle s’en distingue par la présence d’un quadrilobe découpé dans la tôle en lieu et place du cercle à cinq perforations et par l’absence de rayures dans les triangles. Les retraits latéraux de ces chapes sont découpés en triangle pour s’adapter au cadre d’anneaux de type F4c. Ils sont également découpés en triangle pour la chape d’un anneau de type F à clapet distal mise au jour sous un four domestique implanté à la fin du XIVe ou au début du XVe siècle au petit château de Concarneau dans le Finistère3134. La bordure proximale de la partie avers, plus longue que la partie revers, est découpée d’un triangle. Des 3131 Boucle avec chape complète, Chape : L x l = 3 x 1,45 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 120, n° 568). 3132 Chape réparée, Chape : L x l = 3,2 x 1,7 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 117, n° 562). 3133 Anneau avec chape complète, Chape : L x l = 5,9 x 2,1 cm (Vallauri 1969, fichier papier). 3134 Anneau avec chape complète, Chape : L x l = 2,9 x 1 cm (Tournier 2003, p. 215). 646 3. Approche croisée du mobilier archéologique arcs de cercle ont été entaillés à l’endroit de la charnière d’un anneau londonien de type J8 à clapet distal issu d’un niveau de la première moitié du XVe siècle3135. Type C2 : Chape sans découpe pour l’ardillon et à deux rivets traversant Les chapes en alliage cuivreux sans découpe pour l’ardillon à deux rivets traversant du corpus présentent des retraits latéraux. Les deux rivets sont alignés en position proximale selon le petit axe de la chape. Quelques différences dans l’aspect et les techniques décoratives permettent de distinguer trois sous-types. Les deux premiers concernent les spécimens à retraits latéraux droits ou obliques avec un décor émaillé (C2b) ou non (C2a). Le dernier (C2c) rassemble les objets avec retraits latéraux triangulaires. La bibliographie rassemblée enregistre l’existence de chapes sans retraits latéraux. Les chapes répertoriées les plus anciennes sont issues de fosses-dépotoirs datées entre la fin du VIIIe et le Xe siècle, fouillées sur le site de la Maison de la Magie à Blois dans le Loir-etCher3136. Elles sont liées à des boucles de type H1. Au château de Peyrepertuse (N.D.S.) à Duilhac-sous-Peyrepertuse dans l’Aude a été retrouvé un spécimen décoré par gravure de zigzags de diverses orientations3137. Sa bordure proximale est découpée de deux triangles et il conserve deux rivets en fer. Un autre exemplaire à la bordure proximale entaillée de triangles fut découvert dans une couche de destruction du XVIe siècle ou de la première moitié du XVIIe siècle sur le site de l’abbaye des franciscains à Carmarthen dans le Carmarthenshire au Royaume-Uni3138. Une pièce récoltée hors contexte à Százhalombatta en Hongrie est fixée à un anneau de type J8 à clapet distal. La bordure proximale est découpée de trois triangles prolongés par deux chevrons gravés. Le reste de la chape est incisé de croix, de bandes et de lignes dans des rectangles. La gravure, assez frustre, a été faite par à-coups3139. La bordure proximale ne présente pas d’entailles sur une chape isolée à renfort gravée d’un quadrillage de bandes obliques sur un fond rayé longitudinalement avec, au centre, une fleur ou rosace à six pétales sur fond rayé oblique, inscrite dans un cercle. Elle est issue du site d’Anteggi à 3135 Anneau avec chape complète, Chape : L x l = 1,6 x 1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 119, n° 566). 3136 L’identification est assurée pour la chape de deux boucles, elle est probable pour deux autres (Aubourg et Josset 2003, p. 210, n° 106 à 109). 3137 Chape complète, L x l = 3,9 x 1,6 cm (Barrère 2000, p. 219). 3138 Chape complète, L x l = 2,15 x 2,7 cm (Brennan 2001, n° 20). 3139 Anneau avec chape complète, Chape : L x l = 6,15 x 1,25 cm (Kovács 2004, p. 130, fig. 5, n° 1). 647 3. Approche croisée du mobilier archéologique Moneglia dans la province de La Spezia en Italie, occupé durant la fin du XIIIe siècle et la première moitié du XIVe siècle3140. Les chapes dont les rivets ont une orientation différente de celle précédemment décrite sont rares. Trois spécimens aux rivets alignés selon le grand axe de la chape sont actuellement recensés. Le premier, sans retraits latéraux, provient de l’occupation de la première moitié du XIVe siècle d’un bâtiment du site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher. Il appartient à un anneau de type C73141. Le deuxième, à retraits latéraux, est brasé à un anneau de type F4c découvert dans une ferme des alentours de 1300 au lieu-dit Hejninge à Slagelse dans la région de Sjælland au Danemark3142. Le dernier, incomplet, également à retraits latéraux et décoré par gravure de lignes disposées en zigzags dans un cadre de lignes, est en place sur un anneau de type J8 à clapet distal. Les deux rivets sont en fer3143. Type C2a : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, sans découpe pour l’ardillon, à retraits latéraux droits ou obliques et à deux rivets traversant alignés dans la largeur (fig. 249, n° 11) Vaucluse  Rue Carreterie, Avignon : n° 323, contexte inconnu. La chape du corpus ne présente aucun décor. Elle est rattachée à une boucle de type Q6a (fig. 249, n° 11). Un possible fragment de chape de type C2a provient de l’occupation de la première moitié du XIIIe siècle de l’habitat rural de Pech de Bonal à Fontanes dans le Lot3144. La chape d’une boucle de type Q issue d’un remblai d’abandon de la première moitié du XIIIe siècle du castrum de Montaillou en Ariège est gravée d’un cadre complet de deux lignes de tirets et d’une ligne pleine. Une lunule est découpée dans la bordure proximale arrondie de la chape aux bords très concaves – la largeur au centre est deux fois moins importante qu’aux 3140 Chape complète, L x l = 8,3 x 1,8 cm, le dessinateur a mal interprété le retour interne du renfort à l’intérieur de la chape (Cabona et al. 1976, p. 303). 3141 Anneau avec chape complète, Chape : L x l = 2,7 x 1,1 cm (Fondrillon et Marot 2013, p. 116, n° 2465). 3142 Anneau avec chape complète, Chape : L x l = 3,6 x 0,85 cm (Steensberg 1986, fig. 44, p. 82). 3143 Anneau avec chape incomplète, Chape : L x l = 2,2 x 1,4 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 117, 119, n° 565). 3144 Chape incomplète, L x l = 4 x 3 cm (Boudartchouk et al. 1998, p. 79). 648 3. Approche croisée du mobilier archéologique extrémités3145. Une découpe en arc de cercle s’observe en bordure proximale de la chape d’un anneau de type F à clapet distal retrouvé dans un contexte de la première moitié du XVe siècle à Londres3146. Les chapes de type C2a sont susceptibles d’être confondues avec la partie mordante de certains fermoirs de livre (fig ; 276, n° 1 ; annexe 3, fig. 29 et fig. 30, n° 1 à 4). Cependant quelques caractéristiques permettent le plus souvent de différencier le mordant de ces agrafes. Le mordant est généralement court, la charnière est parfois très étroite, le décor éventuel n’offre pas de similitude avec celui des chapes. Type C2b : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux émaillée, sans découpe pour l’ardillon, à retraits latéraux droits et à deux rivets traversant alignés dans la largeur (fig. 276, n° 2) Bouches-du-Rhône  Castelveyre, Saint-Mitre-les-Remparts : n° 1, H.S. Une chape du corpus, presque carrée, avec une ligne de zigzags le long de la charnière, a été creusée pour la mise en place d’émaux qui ne se sont pas conservés. Il apparaît en réserve « un personnage le buste de face, les jambes de profil, la droite ployée et portée en avant, la gauche portée en arrière ». Il « enjambe un dragon ployé en croissant dont la tête tournée de gauche est relevée la gueule ouverte. L’homme paraît coiffé d’un heaume ouvert à timbre carré. Il tient de sa main gauche un sabre courbé et brandit de la droite un bouclier allongé, en amande ». Cette forme de bouclier est courante sur les sceaux méridionaux du XIIe siècle rappelle A. Dumoulin3147. Une perforation à l’endroit de la tête permettait le passage d’une applique à rivet intégré qui figurait la tête du personnage. La scène de combat entre un homme et un dragon qui vient d’être décrite se retrouve, avec quelques différences de détail, sur une chape dorée et autrefois émaillée trouvée à Winchester au Royaume-Uni3148, sur un exemplaire autrefois doré et émaillé conservé à Liège en Belgique3149, sur une chape 3145 Boucle avec chape complète (Cazes 2006, fig. 8a). Aneau avec chape complète, Chape : L x l = 2,8 x 1,15 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 117, n° 559). 3147 Dumoulin 1964, p. 21-22, fig. 56. 3148 Gauthier at al. 2011, CD-Rom, VII A, n° 24. 3149 Ibid., VII A, n° 9. 3146 649 3. Approche croisée du mobilier archéologique dorée et émaillée conservée à Vänersborg en Suède3150. La tête de l’homme d’armes sur la pièce belge n’était pas figurée par une applique, elle a été obtenue par ciselage et gravure. Les auteurs du Corpus des émaux méridionaux la datent des années 1210 - 1220 alors que les spécimens à tête rajoutée, tel celui du corpus, sont attribués aux années 1200 - 1210. Ces chapes carrées ou légèrement plus longues que larges appartiennent à une production émaillée, parfois seulement ciselée et gravée, assez diversifiée. Cette production est originaire de Limoges et réalisée entre 1180 et 1220 selon les spécialistes susmentionnés. Ces produits se retrouvent en France, au Royaume-Uni, en Belgique, aux Pays-Bas, en Autriche, en Allemagne et en Suède3151. Ils figurent un cavalier à cheval, un homme d’arme juché sur un animal fantastique, des animaux fabuleux, des animaux combattants, des motifs végétaux ou géométriques, etc. Quelques chapes ont été retrouvées avec une boucle de type Q2. Les autres chapes émaillés de type C2 ne présentent pas la même homogénéité que les pièces de Limoges, tant pour les dimensions que pour le décor. Ces exemplaires ont tous été retrouvés dans le Sud de la France et pourraient avoir été fabriqués durant la seconde moitié ou la fin du XIIe siècle et la première moitié du XIIIe siècle. Leur datation est donc contemporaine des pièces de Limoges. La plupart des spécimens sont plus longs que larges. Un pillage dans les HautesPyrénées sur la motte d’Urac à Tarbes a révélé une chape émaillée de vert en champlevé, les parties en réserve figurant un aigle cantonné de chaque côté par deux personnages se faisant face et tenant un écu3152. La céramique récoltée est datée des XIIe - XIVe siècles. Dans l’Aude, la fouille du castrum de Cabaret (N.D.S.) à Lastours a livré une boucle d’une variante du type Q comportant une chape dorée et émaillée, aux bords latéraux concaves3153. Il y est représenté, sur un fond d’émail bleu, une tour crénelée à deux ouvertures pour chacun des deux étages inférieurs. Des quadrillages obliques séparent les différents étages. Des incisions, en partie sous forme de zigzags, encadrent le motif central. Sur d’autres chapes, ce n’est plus le fond qui est émaillé mais le motif : un griffon ailé regardant vers l’arrière sur l’avers d’une chape dorée attachée à une boucle de type Q2, peut-être mise au jour au lieu-dit La Borie Blanque à Saint-Rome-de-Tarn dans l’Aveyron3154. Deux moitiés de chape quadrangulaire 3150 Ibid., VII A, n° 21. Ibid., VII A, n° 1 à 3, 5 à 25 VIII C a, n° 1. Voir également Fingerlin 1971 (p. 36-41), Fingerlin 1980 (fig. 3 et 4) et Vivre au Moyen Âge 1998 (p. 125). 3152 Chape incomplète, L x l = 3,15 x 0,95 cm (Coquerel 1985, p. 184-185). 3153 Boucle avec chape complète, Chape : L x l = 5,65 x 2,6 cm (Barrère 1999, p. 824, fig. 1, n° 1). 3154 Individu complet, Boucle : L x l = 3,6 x 3,15 cm, Chape : L x l = 5,85 x 2,95 cm (Parures 1990, p. 122, n° 211). 3151 650 3. Approche croisée du mobilier archéologique sont issues du château de Montaigut à Gissac dans le Tarn, occupé durant la seconde moitié du XIIe siècle et la première moitié du XIIIe siècle. Elles sont figurées d’une aile stylisée sur un fond de zigzags et de dorure dans un cadre complet de deux lignes pointillés3155, d’un oiseau stylisé aux ailes déployées vu de dos3156. La couleur des émaux n’est pas renseignée. Non loin de là, dans le Gers, le site de Corné (vers 1170 - vers 1250) à L’Isle-Bouzon a fourni une moitié de chape creusée de trois lunules, disposées verticalement et alignées selon le grand axe, probablement émaillées à l’origine3157. Une chape émaillée plus large que longue a été mise au jour dans un remblai d’aménagement des XIIe - XIIIe siècles sur le site de la Baume à Châteauneuf-sur-Isère dans la Drôme. Deux croix de saint André en émail rouge sombre délimitent en se rejoignant des espaces remplis de triangles ondulés avec au centre un quadrilobe, émaillés de vert-bleu. Les perforations sont entourées d’un cercle de dorure. Un cadre complet d’incisions obliques parfois disposées en croix s’étend en bordure3158. Les pièces émaillées dites de Limoges ont directement influencé des productions d’une qualité un peu inférieure sans doute originaires du sud de la France. Nous proposons pour les chapes de type C2b une datation typologique correspondant à la fin du XIIe siècle et à la première moitié du XIIIe siècle. Type C2c : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, sans découpe pour l’ardillon, à retraits latéraux triangulaires et à deux rivets traversant alignés dans la largeur (fig. 209, n° 4) Var  Le Castellas, Forcalqueiret : n° 1, XIIe - XIVe siècle ? Un anneau du corpus appartenant au type F4c (fig. 209, n° 4) conserve une chape de type C2 à retraits latéraux triangulaires dont les deux rivets sont alignés en position proximale selon le petit axe de la chape. La décoration est entièrement gravée. Elle est constituée, sur plus de la moitié de sa longueur, de deux files de rectangles de bandes renfermant deux motifs alternés : une croix de saint André, un triangle rayé et deux triangles nus. La partie proximale 3155 Chape incomplète, L x l = 4,2 x 1,8 cm (Hensel et al. 1970a, fig. 27, n° 5). Chape incomplète, L x l = 3,2 x 1,6 cm (Hensel et al. 1970a, fig. 30, n° 2). 3157 Chape incomplète, L x l = 2,7 x 1,5 cm (Lassure 1995, p. 517, fig. 413, n° 10 ; fig. 415, n° 2 ; Archéologie 1990, p. 211-212, n° 407). 3158 Moitié de chape, L x l = 2,6 x 4 cm (Rolland 2006, p. 426, n° 101). 3156 651 3. Approche croisée du mobilier archéologique de la chape est incisée de bandes en zigzags entre bandes, d’un rectangle de bandes renfermant deux triangles rayés et cinq ocelles pointés. La courroie de cuir, dont il reste un fragment, n’était insérée que sur une faible longueur. Les retraits triangulaires, mais aussi l’enroulement de la charnière au plus près de la traverse proximale – ainsi que des soupçons de brasage de la charnière sur cette partie du cadre – empêchent toute rotation de la chape. Cette chape de type C2c est fort probablement attribuable au XIVe siècle comme les anneaux de type F4c. Type C3 : Chape sans découpe pour l’ardillon et à trois rivets traversant (fig. 222, n° 7) Var  Château d’Ollioules, Ollioules : n° 3, remblai au plus tôt de la fin du XVe siècle. La chape provençale de type C3 d’une boucle de type J8b est brasée autour de la traverse proximale. Le bord proximal de la chape, gravée de motifs non identifiables sur la reproduction photographique disponible, est découpé en partie avers et en partie revers de deux arcs-de-cercle. Trois rivets sont alignés dans la largeur de la chape. Les chapes de type C3 de la bibliographie ont une assez grande diversité d’aspect, mais aucune n’est comparable à l’exemplaire du corpus. Un remblai des XVe - XVIIe siècles dans le couvent et monastère de l’Ave Maria à Paris a livré une chape quadrangulaire sans retraits latéraux dont les trois rivets sont alignés dans la longueur, celui du milieu retenant une applique de type M3159. Des chapes à retraits latéraux, arrondies en partie proximale, avec deux rivets en position distale et un en position proximale sont connues au castrum de Cabaret (N.D.S.) à Lastours dans l’Aude3160 et au château de Montaigut à Gissac (H.S.) dans le Tarn3161. La chape tarnaise, décorée par gravure, est en position sur une boucle de type Q2. Une boucle à double fenêtre incomplète mise au jour au château d’Épinal (vers 1250 - vers 1650) dans les Vosges conserve une chape quadrangulaire à retraits latéraux dont deux des rivets sont en position proximale et le troisième en position distale3162. 3159 Chape complète, L x l = 4,6 x 1,4 cm, (Bouëtiez de Kerorguen 1996, p. 163, fig. 6, n° 20). Moitié de chape dorée, L x l = 6,9 x 2,4 cm (Barrère 1999, p. 826, fig. 2, n° 1) ; Tarn : boucle de type Q2 avec chape complète gravée, Chape : L x l = 4,25 x 2,45 cm, château de Montaigut (H.S.), Gissac (Hensel et al. 1970a, fig. 2, n° 12). 3161 Chape complète, Chape : L x l = 4,25 x 2,45 cm (Hensel et al. 1970a, fig. 2, n° 12). 3162 Boucle avec chape (incomplète ?), L x l = 4,1 x 2,1 cm (Kraemer 2002, pl. 15, n° 13). 3160 652 3. Approche croisée du mobilier archéologique La chape la plus intéressante a été ramassée près de l’enceinte du château de Faudon à Ancelle dans les Hautes-Alpes3163. Son décor incisé présente beaucoup de similitudes avec l’ornementation de plusieurs chapes du corpus. Il consiste, de la partie proximale vers la partie distale, en : bandes entre bandes en zigzag, ocelles obtenus au compas parmi des lignes obliques, bande, bandes obliques, triangle avec incisions diverses, deux bandes. En se fondant sur la datation typologique proposée pour les boucles liées à quelquesunes des chapes de type C3, un usage de ce modèle au cours des XIIIe et XIVe siècles est envisageable. Type C4 : Chape sans découpe pour l’ardillon et à quatre rivets traversant Les chapes de type C4 du corpus sont en alliage cuivreux et comportent toutes des retraits latéraux. Elles sont scindées en deux sous-types en fonction de la forme des retraits latéraux, du positionnement des rivets et de l’ornementation de la chape. Les pièces de soustype C4a comportent deux rivets disposés en partie proximale et deux autres en position distale. Elles sont émaillées. Pour le sous-type C4b, les quatre rivets sont en position proximale et les retraits latéraux sont triangulaires. Les chapes sont gravées et ajourées. Les chapes de type C4 sans décor sont rares. Le seul exemplaire actuellement connu dans la bibliographie consultée a été retrouvé hors stratigraphie à Londres. Il possède des retraits latéraux et six perforations pour rivet traversant, trois en partie proximale et trois en partie distale. Toutefois, deux des perforations, disposées dans l’axe central de la chape, encore occupées par un rivet à tête en relief, ont été rajoutées dans le cadre d’une réparation3164. Plusieurs chapes gravées de même morphologie que celles de type C4a, attribuables au XIIIe siècle d’après la décoration et surtout la typologie des boucles auxquelles elles sont liées, ont été découvertes dans le Midi de la France. Nous nous attarderons quelque peu sur ces objets qui, bien qu’absents du corpus, sont exclusivement localisés dans le Midi de la France. Rappelons que cette région a déjà été plusieurs fois mentionnée comme proposant des productions métalliques particulières, régulièrement localisées dans les fouilles réalisées en Provence. La localisation de la plupart des chapes du type C4a est d’ailleurs analogue à celles des chapes qui vont être décrites. 3163 3164 Chape complète, L x l = 8,6 x 1,4 cm (Manteyer 1908, p. 147). Chape complète, L x l = 3,6 x 1,8 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 117, n° 563). 653 3. Approche croisée du mobilier archéologique Une première chape, enroulée autour de la traverse proximale d’une boucle de type Q3, mise au jour dans une phase de construction du troisième tiers du XIIIe siècle du castrum de Montaillou en Ariège, comporte un quadrillage oblique en bordure des quatre côtés3165. Cette pièce est relativement longue. Des pièces plus courtes, décorées par gravure d’un végétal à trois feuilles en réserve sur un fond d’ocelles obtenus par poinçonnage, dans un cadre constitué d’une ligne incisée limitant intérieurement des zigzags, furent retrouvés au château de Montségur (N.D.S.) en Ariège3166, sur le site du Castlar (XIIIe - XIVe siècle) à Durfort dans le Tarn3167. Ces deux sites ont également fourni chacun une chape figurant une fleur de lys dans un médaillon avec un cadre complet constitué de deux lignes incisées. Le fond du médaillon est parsemé d’incisions aléatoires pour le spécimen tarnais3168, d’ocelles réalisés au poinçon sur l’artefact ariégeois. Pour ce dernier, lié à une boucle de type Q, un remplissage identique d’ocelles a été effectué entre le cercle et la bordure interne du cadre3169. Un décor indistinct mais à médaillon central se révèle sur la chape d’une autre boucle de type Q, de configuration analogue à la précédente, mise au jour à Lisle-sur-Tarn dans le Tarn3170. Pour toutes les chapes qui viennent d’être décrites, lorsqu’ils sont conservés, les rivets sont à tête bouletée. Les chapes sont également dorées ou ont été dorées. Il est probable qu’il en ait été de même pour la chape d’une boucle de type Q2, trouvée au castrum de Cabaret à Lastours dans l’Aude, gravée d’un écu parti – c’est-à-dire coupé verticalement en deux – à deux bandes d’un côté et à deux étoiles de l’autre. Un cadre complet de dents de loup opposées par la base complète la décoration3171. Le souterrain de la Bauthe-Haute à Teyssode dans le Tarn a livré une boucle de type Q similaire aux pièces tarnaises et ariégeoises susmentionnées avec une chape sur laquelle a été rivetée une applique quadrangulaire ajourée dorée de type D5 présentant un décor zoomorphe : un dragon et un lion à double queue3172. Des appliques ajourées d’inspiration similaire ont été trouvées en plusieurs endroits dans le Midi de la France3173. Elles ont pu également être fixées à des pièces de mobilier en bois. 3165 Boucle avec chape complète (Cazes 2006, fig. 8c). Chape complète, L x l = 4 x 2,2 cm (Archéologie 1990, p. 208, n° 388). 3167 Chape complète, L x l = 2,9 x 2,3 cm (Archéologie 1990, p. 210-211, n° 402). 3168 Chape complète, L x l = 2,9 x 2 cm (Archéologie 1990, p. 210, n° 401). 3169 Boucle avec chape complète, L x l = 3,1 x 2,3 cm (Archéologie 1990, p. 210-211, n° 402). 3170 Boucle avec chape complète, chape : L x l = 2,2 x 2,1 cm, site inconnu, objet conservé au musée Raymond-Lafarge de Lisle-sur-Tarn (Archéologie 1990, p. 212, n° 412). 3171 Boucle avec chape complète, Chape : L x l = 3,15 x 1,95 cm (Barrère 1999, p. 825, fig. 1, n° 10). 3172 Boucle avec chape complète, Chape : L x l = 5,7 x 3 cm, attribuée au XIIIe siècle par M. Barrère (Archéologie 1990, p. 214, n° 419). 3173 Archéologie 1990, p. 214 et 215, n° 421 et 422. 3166 654 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type C4a : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux émaillé, sans découpe pour l’ardillon, à retraits latéraux et à quatre rivets traversant, deux en partie proximale et deux en partie distale (fig. 276, n° 3) Var  Rue Baudin, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 239-14, H.S. La chape varoise (fig. 276, n° 3) comporte un cadre de deux lignes de pointillés obtenus au poinçon qui s’étendait très probablement sur les quatre côtés. Au centre, la figure d’un oiseau, complétée par gravure et poinçonnage, apparaît en réserve sur un fond creusé qui devait recevoir de l’émail (fig. 277, n° 6). La partie avers de la chape est plus épaisse que le revers pour permettre le creusement. Quatre perforations pour rivet, exécutées comme ordinairement depuis la face avers, sont situés de part et d’autre de l’animal. L’une d’elles est occupée par un rivet à tête bouletée. La fouille d’un silo comblé au milieu et dans la seconde moitié du XIIIe siècle à Lasbordes dans l’Aude a livré une moitié de chape comportant en son centre, sur un fond d’émail bleu, un animal d’aspect félin, tournant la tête vers l’arrière, au corps émaillé de zones rouges. Un oiseau est posé sur son échine et pique l’animal de son bec. Les contours de l’oiseau et du « félin » sont autant le résultat du creusement du métal pour l’émaillage que d’incisions. Un pointillé remplit pour partie le corps des deux animaux. Un cadre complet de deux lignes de pointillés entoure les figures et les perforations pour rivet. Des doubles lignes de pointillés alignées selon le grand axe de la chape décorent la charnière. Le site du village médiéval de Corné (vers 1170 - vers 1250) dans le Gers a fourni trois moitiés de chapes isolées de type C4a. La plus grande est décorée de trois creusements émaillés de bleu alignés selon le petit axe de la chape, et entre lesquels sont disposés des creusements obliques émaillés de rouge. Un cadre complet de pointillés devait en faire le tour. Deux rivets à tête bouletée sont encore en place3174. Une seconde pièce figure, en réserve sur un fond d’émail vert (?), deux lions affrontés dressés sur leurs pattes arrière, les pattes avant 3174 Moitié de chape, L x l = 5 x 2,5 cm (Lassure 1995, p. 516-517, fig. 413, n° 6, fig. 414, n° 2 ; Archéologie 1990, p. 207-208, n° 387). 655 3. Approche croisée du mobilier archéologique touchant celles du lion opposé. Elle comporte un cadre complet de lignes incisées3175. La dernière chape, abîmée par le feu, ne laisse plus voir grand-chose de son décor originel, très probablement émaillé3176. Plus à l’est, un dépotoir du site fortifié du Castlar (XIIIe - XIVe siècle) à Durfort dans le Tarn a livré une boucle de type Q2 dont la chape est décorée de six rectangles actuellement vides3177. Une dernière chape émaillée est issue de la démolition d’un bâtiment au cours du XIVe siècle sur le site des Jardins du Carmel à La Rochelle en Charente-Maritime3178. Un cadre complet constitué d’une ligne incisée enclot quatre rivets à tête bouletée et la figure d’une tour crénelée sur un sol figuré par un rectangle. Ce motif, creusé dans le métal, était émaillé. Les quelques données disponibles pour le type C4a, mises en parallèle avec les informations sur les chapes au décor émaillé d’aspect analogue des autres types du corpus, permettent de proposer une attribution au XIIIe siècle. Type C4b : Chape quadrangulaire en alliage cuivreux, sans découpe pour l’ardillon, à retraits latéraux triangulaires et à quatre rivets traversant en partie proximale (fig. 208, n° 10 ; fig. 209, n° 5 ; fig. 276, n° 4 et 5) Var  Bagatelle/Abreuvoir Saint-Michel, Châteauvert : n° 11, à hauteur du bassin d’un corps inhumé entre la fin du XIIe siècle et le XIVe siècle.  Église vieille, Correns : n° 1, H.S.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 901 C, niveau de destruction cendreux, n° 1019, sol de bâtiment, vers 1309/1315 - vers 1345. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1292, fin XVe - début XVIe s. 3175 Moitié de chape, L x l = 4 x 2,3 cm (Lassure 1995, p. 518, fig. 413, n° 8, fig. 415, n° 1). Moitié de chape, L x l = 4,1 x 2,4 cm (Lassure 1995, p. 517, fig. 413, n° 7). 3177 Spécimen entier, Anneau : L x l = 2,4 x 1,6 cm, Chape : L x l = 2,6 x 1,5 cm (Archéologie 1990, p. 212, n° 408). 3178 Chape complète, L x l = 3,3 x 1,8 cm (Berthon (dir.) 2013, p. 69, n° 85). 3176 656 3. Approche croisée du mobilier archéologique Quatre chapes du corpus appartiennent au type C4b. Deux d’entre elles sont disposées sur des anneaux de type F4b (fig. 208, n° 10) ou probablement de type F4c (fig. 209, n° 5). Les deux autres chapes sont isolées (fig. 276, n° 4 et 5). Une chape complète (fig. 276, n° 4) comporte un décor gravé et ajouré. Il commence en partie proximale par des bandes en zigzags entre bandes – des incisions pour la mise en place du décor (fig. 278, n° 7) –, se poursuit par la figuration d’une façade d’église : deux arcs découpés dans la tôle et inscrits dans un arc brisé (fig. 278, n° 6) sont surmontés d’une rose à quatre lobes découpée, inscrite dans un losange (fig. 278, n° 9). Des triangles rayés chapeautent le tout. La partie distale de la chape comporte un décor symétrique constitué de deux rectangles scindés en triangles nus ou rayés. Deux fines et courtes tôles embouties ont été rivetées (fig. 278, n° 6 et 7) pour laisser apparaître, à travers les baies architecturées, des formes ondulées évoquant des personnages ainsi qu’il a déjà été signalé pour le type C2c. Les rivets traversent la chape sur toute son épaisseur. Ils sont entamés par la gravure. L’artefact a fait l’objet d’une restauration poussée qui révèle une couleur rosée pour le métal des rivets et des tôles ondulées, dorée pour la tôle de chape. Ce contraste de couleurs peut avoir été volontaire. Des coups de lime entaillent le bord avers de la chape à l’endroit des ajours en forme de fenêtre. Les bords de la chape (fig. 278, n° 8) et spécialement le bord proximal découpé d’un arc de cercle ont été limés pour égalisation, après pliage. Il reste de la deuxième chape isolée du corpus (fig. 276, n° 5) la moitié revers, la charnière et une portion de la zone distale décorée de rectangles de bandes divisés en triangles. Les deux autres chapes du corpus comportent une ornementation similaire. Pour l’exemplaire associé à un anneau de type F4b (fig. 208, n° 10), les fenêtres sont de forme rectangulaire et surmontées d’un oculus. Le quadrilobe n’est plus inséré dans un losange mais dans un triangle et les deux triangles qui le surmontent ne sont plus rayés. La gravure se prolonge sur la tête des rivets. Le bord proximal est découpé de deux arcs de cercle. Des restes de cuir ont été notés à l’intérieur de la chape jusqu’au-dessus des perforations circulaires. Sur un autre spécimen (fig. 209, n° 5) découpé d’un arc de cercle en bordure proximale, les différences les plus notables tiennent en deux points : - l’ajour quadrilobé est remplacé par un cercle incisé irrégulier, ce qui traduit une réalisation sans l’aide d’un compas, et cinq perforations circulaires, - des croix de saint André apparaissent à la place des triangles. Un objet abîmé appartenant à un anneau de type F4c (fig. 209, n° 2) a pu arborer le même décor. L’ornement circulaire s’observe sur la chape fragmentaire de type C d’un 657 3. Approche croisée du mobilier archéologique anneau londonien du type F à clapet distal. Seul le point central traverse la tôle, les quatre autres ne font que l’entamer3179. L’objet appartient à une phase datée vers 1270 - vers 1350, de même qu’un artefact similaire dont l’ensemble de la chape de type C3 est traversée par cinq perforations disposées en croix. Néanmoins, sur cet individu, les perforations ne sont pas entourées d’un cercle incisé3180. Trois chapes de type C4b et un autre probable exemplaire sont connus par la bibliographie. L’objet dont le décor offre le plus de similitudes avec la pièce du castrum Saint-Jean décrite en premier lieu (fig. 276, n° 4) provient du Gué de Bazacle (N.D.S.) à Toulouse. Il retient une traverse proximale d’anneau composite3181. Les différences sont très minimes. L’occupation de la maison forte de Naux dans le dernier tiers du XIVe siècle à Colayrac-Saint-Cirq en Lot-et-Garonne a livré deux pièces. La première ne comporte qu’une grande croix de saint André gravée en partie distale et, à peu près au centre de la chape, deux baies découpées côte à côte. Elle a été trouvée à proximité d’un anneau de type G mais ne lui était probablement pas associé3182. La deuxième chape, enroulée autour de la traverse proximale d’un anneau de type F4c, comporte un décor gravé très proche de celui d’un des artefacts du castrum Saint-Jean (fig. 276, n° 4). Elle s’en distingue par ses triangles dont aucun n’est rayé3183. Bien que le dessin publié ne représente pas de têtes de rivets sous les ajours, leur présence est très probable. Ces rivets sont souvent difficiles à observer si la surface métallique n’est pas parfaitement nettoyée. Une dernière chape, attachée à un anneau de type F4c, provient de creusements anciens dans la chapelle des Gicons à Saint-Disdier dans les Hautes-Alpes3184. Son décor gravé et ajouré présente quelques différences avec la première chape du corpus décrite (fig. 276, n° 4). Les bandes en zigzags ne sont pas situées entre des bandes et la voûte des arcs est figurée par une perforation circulaire. Le quadrilobe est remplacé par un cercle incisé avec cinq perforations circulaires comme sur une autre chape du type C4b (fig. 209, n° 5). Enfin, les deux rectangles comprennent un décor symétrique composé d’un triangle rayé et d’un demi-disque rayé (fig. 276, n° 4). 3179 Anneau avec chape incomplète, Chape : L x l = 2,2 x 0,85 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 117, n° 551). 3180 Anneau avec chape complète, Chape : L x l = 3,6 x 1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 117, n° 552). 3181 Chape complète, L x l = 6,5 x 1,6 cm (Archéologie 1990, p. 218, n° 438). 3182 Chape complète, Chape : L x l = 4,7 x 1,2 cm (Ballarin et al. 2007, p. 132). 3183 Anneau avec chape incomplète, Chape : L x l = 5,2 x 1,3 cm (Ballarin et al. 2007, p. 132). 3184 Anneau complet avec chape de type C4b, Anneau : L x l = 2,2 x 2,8 cm ; Chape : L x l = 7,1 x 2 cm (Vallauri 1969, fichier papier) 658 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les chapes du type C4b sont attribuables au XIVe siècle, comme les anneaux de type F4c, qui ont probablement été parmi les seuls à en disposer. En effet, parmi les chapes de type C, uniquement celles qui furent trouvées sur ces anneaux comportent des retraits triangulaires, lesquels empêchent toute rotation de la chape. Du reste, la charnière de la chape épouse très intimement la traverse proximale de l’anneau et il se pourrait dans quelques cas qu’elle y soit brasée. Type D : Chape à fente distale et à rivet intégré Les chapes de type D, obtenues par la fonte, sont divisées en deux sous-types. Le premier (D1) rassemble les pièces qui s’enroulent autour de la traverse proximale ou interne, le deuxième (D2) les artefacts comportant des ouvertures circulaires à l’endroit de la charnière pour le passage du cadre de la boucle. Type D1 : Chape enroulée à fente distale et à unique rivet intégré (fig. 206, n° 4) Vaucluse  65, place de Cabassole, Cavaillon : n° 4, H.S. L’unique chape du corpus est attachée à une boucle de type F2a. Elle est composée d’une portion trapézoïdale prolongée par une rosace ou fleur à six pétales séparés par des dépressions issues de la fonte. La partie revers est plus courte et n’atteint pas le rivet intégré disposé sous la rosace. La chape, la boucle et l’ardillon sont encore dorés. Une prospection dans le quartier de Bézaudin à Arengosse dans les Landes a livré une chape avec une configuration similaire fixée à une boucle du type P à double-fenêtres symétrique pentagonale3185. La rosace est remplacée par une palmette. Une palmette décore également l’extrémité proximale de la chape dorée de plusieurs boucles en alliage cuivreux des types D13186, J1a3187, J73188 et J93189 trouvées sur le site du village médiéval de Corné 3185 Boucle avec chape complète, Chape : L x l = 3,15 x 1,25 cm (Barrouquère et al. 2003, p. 140, fig. 12, B). 3186 Boucles avec chape complète, Chape : L x l = 3 x 1,7 cm et 3,35 x 1,9 cm (Lassure 1995, p. 507508, fig. 409, n° 1 et 5 ; Archéologie 1990, p. 206, n° 377). 3187 Boucle avec chape complète, Chape : L x l = 3,85 x 2,6 cm (Lassure 1995, p. 509, fig. 411, n° 2). 659 3. Approche croisée du mobilier archéologique (vers 1170 - vers 1250) à L’Isle-Bouzon dans le Gers. De ce même site provient une boucle de type D1 l’extrémité proximale de la chape est décorée à l’avers par un disque3190. Une boucle de type J1a provenant du site de La Mothe à Pineulh, occupé entre la fin du Xe siècle et le XIIIe siècle, possède une chape dont la charnière est prolongée à l’avers par une étroite languette terminée par une excroissance circulaire. Au revers, la chape est trapézoïdale3191. Dans la moitié des cas précédemment cités, la partie revers de la chape n’atteint pas le rivet intégré : dans l’autre moitié, la partie revers est quadrangulaire et traversée par le rivet. Une chape d’une morphologie différente, liée à une boucle de type F1a, est issue d’un contexte daté vers 1270 - vers 1350 à Londres. Elle est de forme quadrangulaire, possède des retraits latéraux et un rivet interne qui ne traverse pas la partie revers de la chape3192. L’objet conserve des traces d’étamage. Type D2 : Chape de type plaquette à fente distale et à unique rivet intégré (fig. 264, n° 12) Var  Place Formigé, Fréjus : n° 8, remblai, fin XIIe siècle - 1748. Cette chape conserve un fragment du cadre d’une boucle composite et un morceau de l’ardillon. La traverse proximale passe au travers de la chape grâce à une ouverture obtenue par la fonte, comme les quatre rainures décoratives visibles en partie distale. Un pan incliné fait la jonction entre la charnière et la partie proximale. La bordure de cette zone est arrondie sur l’avers. Le rivet intégré a été produit en même temps que la chape. En se fondant sur la datation typologique des boucles composites dont des exemplaires ont été retrouvés avec une chape (fig. 284), il est possible de proposer un intervalle de temps probable au cours duquel l’artefact fréjussien fut utilisé. La largeur de la chape permet de rejeter les types de boucles composites P2a et P2b, la présence d’une fente pour l’ardillon de 3188 Boucle avec chape complète, Chape : L x l = 3,1 x 1,6 cm (Lassure 1995, p. 508-509, fig. 409, n° 3). 3189 Boucle avec chape complète, Chape : L x l = 3,45 x 2,25 cm (Lassure 1995, p. 505, fig. 410, n° 2). 3190 Boucle avec chape complète, Chape : L x l = 3,1 x 1,45 cm (Lassure 1995, p. 508, fig. 409, n° 2). 3191 Pièce entière, dimensions inconnues (Prodéo et al. 2006, fig. 4). 3192 Boucle avec chape complète, Chape : L x l = 3 x 1,3 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 76, n° 316). 660 3. Approche croisée du mobilier archéologique repousser les types Q6a et Q6b. Il reste les types C8a, F4a et H3, ce qui permet d’envisager une datation correspondant à la seconde moitié du XIIIe siècle et au XIVe siècle. Type E : Chape à fente pour l’ardillon et à crochet (fig. 234, n° 6 ; fig. 236, n° 3 ; fig. 249, n° 7) Bouches-du-Rhône  Château des Baux, Les Baux-de-Provence : n° 374 C, remblai, XIVe siècle. Var  Cadrix, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 161, couche d’humus, postérieur au second tiers du XIVe siècle. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1308, niveau de destruction de maisons, vers 1365. Le corpus comprend trois exemplaires du type E. Une première pièce en alliage cuivreux est attachée à une boucle de même matériau de type O1a (fig. 234, n° 6). Elle est composée d’un corps longiligne prolongé par une excroissance comportant six dépressions disposées en étoile qui ne présentent aucune trace de gravure. Un crochet termine l’objet à l’extrémité proximale. L’extrémité opposée, repliée autour de la traverse interne de la boucle, comporte une ouverture quadrangulaire sans traces de découpe. La chape paraît avoir été confectionnée par la fonte puis retravaillée et mise en place par déformation plastique au marteau. La partie revers de la chape est beaucoup plus courte que l’avers. Les deux autres chapes trouvées en Provence et leurs boucles sont en fer. L’une d’elles, à corps ovoïde, est fixée à une boucle de type O2 (fig. 236, n° 3). L’autre, à corps quadrangulaire, est attachée à une boucle de type Q4b (fig. 249, n° 7). Elles comportent toutes deux une charnière avec une encoche distale pour le passage de l’ardillon. La partie revers est, encore une fois, notablement plus courte. La radiographie d’une pièce en fer découverte dans un niveau de la première moitié du XVIe siècle sur le site d’Abbots Lane à Londres3193 révèle une boucle de type Q4 avec chape de type E à corps triangulaire. 3193 Pièce complète, dimensions inconnues (Egan 2005, p. 36, n° 104). 661 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les chapes de type E ont généralement été employées dans le cadre de la fixation des éperons ainsi que l’attestent de nombreux éléments bibliographiques. Leur crochet passe au travers d’un œillet. Les éperons sont presque toujours du type à molette. La seule exception répertoriée dans la bibliographie est une boucle en fer d’une variante du type Q mise au jour à Bâle dont la chape du type E est une simple languette quadrangulaire3194. Elle relie la boucle à l’œillet d’un éperon à stimulus pyramidal attribuable au Moyen Âge central. L’éperon comporte deux œillets quadrangulaires par branche. Une boucle composite en alliage cuivreux du type G issue d’un contexte du XVIe siècle au château de Rathsamhausen à Ottrott dans le Bas-Rhin a livré un anneau composite à fenêtre analogue dont la chape est une languette sans fente ou perforation pour l’ardillon, repliée en un long crochet, dont le bout est riveté en partie distale, au-dessous de la partie supérieure de la chape3195. Cette caractéristique rappelle des boucles du type U. Dans le corpus comme dans la bibliographie, la partie en crochet est clairement distincte du corps de la chape. Les branches d’éperons à molette en fer mis au jour au château de Peyrepertuse (N.D.S.) à Duilhac-sous-Peyrepertuse et lors des fouilles de la place de la Comédie à Metz en Moselle sont terminées par deux œillets circulaires. Une boucle en fer de type O1b à chape à corps triangulaire occupe l’un des œillets d’une branche de l’éperon audois3196. Les œillets de l’autre branche sont occupés par des agrafes à crochet en fer (type B). L’éperon est attribué au XVIIe siècle. Le spécimen mosellan est issu d’un contexte de la seconde moitié du XVe siècle. Une boucle en fer de type C7 à chape triangulaire est en position. Les trois autres œillets retiennent des agrafes à double crochet inversé en fer (type D)3197. Deux éperons en alliage cuivreux à deux œillets circulaires par branche trouvés à Bergame en Italie, datés, en fonction de leur configuration, des années 1430 - 1450, comportent chacun une boucle de type D4a à chape au corps triangulaire3198. Cet ensemble d’une boucle avec sa chape occupe l’un des œillets d’une branche. Les œillets circulaires de l’autre branche comportent des agrafes à double crochet inversé. Une sépulture du cimetière du bas Moyen Âge et d’Époque moderne de Saint Saviour à Vrh Rika dans le comitat de Split-Dalmatie en Croatie a livré deux éperons en fer dont les branches comportent un seul œillet. L’un d’eux est occupé par une agrafe à double crochet 3194 Boucle complète, L x l = 3,2 x 1,9 cm (Koch 1982, p. 78, fig. 16). Anneau avec chape complète, Anneau : L x l = 1,6 x 1,95 cm ; chape : L x l = 4,25 x 0,85 cm (Rieb et Salch 1973, n° 347). 3196 Boucle avec chape complète, chape : L x l = 1,9 x 1,2 cm (Bayrou 2000d, p. 207). 3197 Artefact complet, dimensions inconnues, place de la Comédie (Vivre au Moyen Âge 1998, p. 197). 3198 Artefacts complets, dimensions inconnues (Probst 2007, p. 29-30) 3195 662 3. Approche croisée du mobilier archéologique inversé, l’autre par une agrafe du même type et une chape de type E à corps quadrangulaire retenant un fragment de boucle3199. Deux éperons à molette en fer découverts dans le comitat de Csongrad en Hongrie comportent une chape en fer de type E à corps quadrangulaire associée à une boucle en fer de type C73200 ou P23201. Ils sont attribués respectivement au XIVe siècle, à la fin du XVIe siècle et au XVIIe siècle. Leurs branches sont terminées par un unique œillet. L’un des œillets est occupé par le crochet de la chape. L’éperon le plus récent comporte en outre une bande de métal reliant les œillets par l’intermédiaire d’un maillon. Une agrafe avec un ou deux crochets occupe le rivet opposé à celui de la boucle. Le musée de Csongrad conserve deux autres éperons attribués aux XVe et XVIe siècles comportant des chapes de type E. L’un d’eux possède un seul œillet et présente une boucle de type C1b à chape à crochet3202, le second deux œillets par branche dont un est occupé par la chape d’une boucle d’une variante du type Q43203. Les chapes de type E sont employées durant une longue période de temps, au moins depuis le Moyen Âge central jusqu’au XVIIe siècle. Il a existé deux principales formes de chapes : celles à corps quadrangulaire et celles à corps triangulaire. Un seul objet du corpus, à chape à corps quadrangulaire (fig. 249, n° 7), est relatif à un de ces deux types. Les deux autres exemplaires (fig. 234, n° 6 ; fig. 236, n° 3) présentent une configuration et des matériaux différents. La diversité du mobilier du corpus mais également de la bibliographie ne permet pas, pour le moment, de proposer une catégorisation plus fine en sous-types. Néanmoins, il semble que les chapes à corps quadrangulaires, avec un corps ovoïde (fig. 236, n° 3) ou avec une excroissance (fig. 234, n° 6) soient plus anciennes que les chapes à corps triangulaire, connues à partir du XVe siècle, et qui les remplaceraient. Cependant, les données disponibles sont peu nombreuses et les datations fondées sur la configuration des éperons, majoritaires. Or, ces hypothèses de datation contiennent un degré d’incertitude. Il est une autre limite, les artefacts issus d’Europe Centrale représentant une part importante des éléments de comparaison. Ces parallèles se justifient car ils font progresser la compréhension du mobilier, d’autant plus que les pièces considérées sont attribuées à la fin du Moyen Âge et 3199 Chapes complètes, dimensions précises inconnues (Petrinec 1996, p. 100) Boucle avec chape complète, chape : L x l = 4,7 x 3,7 cm (Sára 2012, p. 126-127). 3201 Objet complet, approximativement L x l = 5 x 2,5 cm (Sára 2012, p. 101-102). 3202 Boucle complète, dimensions approximatives, Boucle : L x l = 2,55 x 4,5 cm ; Chape : L x l = 4,7 x 3,7 cm (Sára 2012, p. 112). 3203 Pièce incomplète, Boucle : L x l = très approximativement 5,7 x 3 cm (Sára 2012, p. 93). 3200 663 3. Approche croisée du mobilier archéologique au début de l’Époque moderne, périodes où le mobilier métallique présente moins de différences avec celui d’Europe de l’Ouest. Toutefois, des particularismes ont pu exister. Les boucles à chape de type E appartiennent à un ensemble de pièces métalliques également composé d’agrafes à double crochet inversé (type D), d’agrafes à crochets (type B) et de boucles réunissant les différents liens en cuir. Sélection de chapes au type indéterminé (fig. 184, n° 1 ; fig. 203, n° 5 ; fig. 206, n° 2 ; fig. 276, n° 6 à 14) Bouches-du-Rhône  La Seds, Aix-en-Provence : n° 2, fin XIIe - XIVe siècle ?  Place du Général de Gaule, Marseille : n° 2003, vers 1360 - vers 1370. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2026, sol de bâtiment, n° 3621, couche de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 2835, couche de dépotoir ou fin de zone de circulation, vers 1345 - vers 1360 ; n° 262, couche d’occupation, n° 3441, sol de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 3087, sol de zone de circulation, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1238, premier tiers XIVe siècle ?, n° 1216, troisième tiers XIVe siècle.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 179, H.S.  Rue Carreterie, Avignon : n° 187, datation inconnue. Quelques chapes n’ont pu être classées parce que l’absence ou la présence de retraits latéraux ne peut être déterminée, ou parce que la fente ou la perforation destinée à l’ardillon n’est pas conservée. Parmi celles-ci se distingue un exemplaire à fente distale (fig. 276, n° 6) à deux perforations en partie proximale, avec un cadre complet de deux rangées de points obtenus par poinçonnage. Un autre spécimen (fig. 276, n° 7) comporte cinq perforations pour la fixation et un cadre complet ou incomplet de zigzags, en partie limité intérieurement par une ligne incisée. Un troisième objet (fig. 276, n° 8) comporte deux fragments de rivet en fer et arborait, semble-t-il, un cadre complet de dents de loup opposées par la base. La bordure proximale d’un quatrième artefact (fig. 276, n° 9) est découpée de deux triangles. 664 3. Approche croisée du mobilier archéologique D’autres chapes n’ont pu être attribuées à un type particulier du fait de la non détermination du nombre exact de rivets (ex : fig. 276, n° 10 et 11). Quelques pièces sont particulières : - une chape dont la probable excroissance proximale manque (fig. 276, n° 12), - une chape de type C à retraits latéraux et avec une perforation pour rivet décorée de zigzags (fig. 276, n° 13), - un exemplaire de type B avec un ardillon en fil, des traces de brasure pour la fixation d’un renfort dont il reste un fragment, et un fragment de l’avers gravé de quatre traits inscrits dans des rectangles (fig. 276, n° 14), - deux chapes à fente distale et retraits latéraux, l’une décorée de dents de loup opposées par la base le long des grands côtés (fig. 203, n° 5), l’autre de chevrons avec l’amorce de deux ajours (fig. 206, n° 2), - une chape à deux ajours, en forme de fenêtre d’architecture, sommés d’un « fronton » gravé composé de triangles rayés et de trois traits disposés en éventail (fig. 184, n° 1). 3.1.4.3. Synthèse Les chapes du corpus sont beaucoup moins nombreuses que les anneaux et les boucles. Elles ont également une plus faible diversité du point de vue morphologique mais celle-ci est largement compensée par la variété des décors. Nous renvoyons à la synthèse des anneaux et boucles pour ce qui est de l’aspect méthodologique des figures 280 à 283. La figure 284 a été élaborée en tenant compte de la bibliographie de comparaison. Les chapes et les anneaux et boucles qui n’ont pu être intégrés à un des types du corpus en sont absents. L’évolution de la diversité typologique des chapes est similaire à celle des anneaux et boucles (fig. 280 et 281), ce qui semble logique car les artefacts sont associés et les raisons évoquées au chapitre 3.1.3.4 pour les anneaux et boucles sont aussi valables pour les chapes. Il ne s’observe pas de différence en fonction des types génériques (fig. 281). Le type E est un cas particulier : le mobilier mériterait d’être classé en sous-types pour une analyse plus fine mais le nombre et la variété des élements de comparaison ne l’a pas permis. Les chapes du corpus sont presque toutes en alliage cuivreux. Le matériau de la chape correspond à celui de l’anneau ou de la boucle. Les analyses de composition réalisées sur des objets du site du castrum Saint-Jean à Rougiers montrent que ce constat est même applicable, 665 3. Approche croisée du mobilier archéologique pour les boucles composites, au type d’alliage3204. Les chapes des boucles composites sont de composition analogue aux tôles des boucles. Les différents éléments ont été découpés dans les mêmes tôles en bronze, en laiton rouge ou en laiton et assemblés par l’artisan dans son atelier. De plus, une boucle en cuivre non alliée de type F2a comporte une chape de même matériau. Les chapes sont essentiellement de type A, puis des types B et C et rarement des types D et E (fig. 282). La différence de fréquence entre les types A et B n’est pas surprenante : l’ouverture pour le passage de l’ardillon sur les chapes de type B ne convient la plupart du temps qu’à des ardillons en fil ou sous forme de fines tiges, formats qui ne sont pas les plus fréquents parmi les ardillons. Tous les ardillons en fil ne sont pas non plus associés à une chape de type B. Les boucles à double fenêtre ne comportent jamais de chape de type B (fig. 284). Le type C n’est utilisable que sur des anneaux à simple fenêtre et sur des anneaux ou boucles à double fenêtre. Sur ces dernières, la chape de type C est toujours placée sur la traverse proximale. Les chapes des types D et E conviennent à des usages particuliers, le rôle des exemplaires de type E étant de participer à la fixation des éperons. Jusqu’à présent, aucune chape de type D n’a été trouvée sur une boucle à double fenêtre (fig. 284). Quel que soit le type de la chape, celle des anneaux et boucles à double fenêtre est en moyenne plus courte que celle des anneaux et boucles à simple fenêtre. Quelques cas d’associations d’une chape avec un anneau ou une boucle sont particulièrement communs. Les chapes de type A2b sont relativement fréquentes sur les boucles de type D3 en matériau cuivreux, celles de type A5 sur des boucles de type E5. Le type A6 est courant sur des boucles de type F2a, les types C1 et C2b sur des anneaux et boucles respectivement des types Q6b et Q2. D’une manière générale, la chape des boucles du type F2a comporte au minimum quatre rivets presque toujours à tête bouletée. Les chapes à retraits latéraux sont plus nombreuses que les chapes sans retraits latéraux. Les chapes sans retraits latéraux de type A et notamment celles de type A1a sont presque exclusivement reliées à des boucles à simple fenêtre des types B et C, à des anneaux et boucles à double fenêtre des types O et P. Les chapes à retraits latéraux triangulaires (types A1c, B1c, C1c, C2c et C4b) ne s’observent que sur des chapes à simple fenêtre composites des types C8a, F4b et F4c. Une moitié des chapes n’est fixée qu’au moyen d’un unique rivet (fig. 283). Le nombre d’attestations diminue avec l’augmentation du nombre de rivets. La plupart des exemplaires à quatre rivets ou plus sont associés à des anneaux et boucles à simple fenêtre des 3204 Se reporter à l’annexe 2. 666 3. Approche croisée du mobilier archéologique types D, E, F et J. Les rivets à tête bouletée deviennent fréquents sur les objets ayant au moins quatre rivets et équipent presque exclusivement ceux ayant cinq rivets et plus3205. La chape n’est pas un objet nécessaire au fonctionnement d’un anneau ou d’une boucle. Elle ne permet pas non plus un renforcement de la liaison entre la courroie et l’anneau ou la boucle. Au contraire, la finesse de la tôle de la plupart des chapes offre une moins bonne solidité que l’enroulage simple de la courroie autour de la traverse proximale, médiane ou excentrée et sa fixation par rivetage ou par une solide couture. Elle est donc contre-indiquée lorsque les tensions auxquelles sont soumis les anneaux et les boucles sont fortes, par exemple dans un emploi en tant que sangle – pour fermer un ballot de marchandise, un coffre, etc. –, dans le harnachement des équidés, etc. Il n’est donc pas surprenant de constater son absence presque totale des anneaux et boucles des types A, B, C1 à C6, J6, J7, J9 à J10 et K. Ces pièces, souvent en fer, ont très probablement pour une grande partie d’entre elles été employées à des usages sous fortes contraintes. Les chapes en fer sont d’ailleurs extrèmement rares dans le corpus (fig. 280, 282 et 283) et restent peu fréquentes dans la bibliographie malgré une relative diversité typologique (fig. 284). Une majorité de chapes du corpus, quelle que soit leur largeur, comporte des retraits latéraux. Elles assurent la liaison d’une courroie plus large que la longueur du bord interne de la traverse proximale. Cependant, la largeur ainsi récupérée est généralement assez faible et ne se justifie pas pour une raison utilitaire. Cet élargissement de la chape n’a d’autre objectif que de conserver une largeur de courroie égale à celle de la longueur du bord externe de la traverse proximale et donc une continuité visuelle entre les différents éléments de la ceinture. La chape a donc une vocation essentiellement décorative. Cette ornementation peut également provenir du décor gravé, poinçonné, ajouré, doré, argenté, étamé ou émaillé qu’elle peut comporter. Nous reviendrons sur le décor des chapes dans un sous-chapitre dédié, après l’étude typologique des mordants, car ceux-ci peuvent arborer les mêmes motifs ornementaux. Les tensions que subissent les courroies ne sont pas la seule explication au faible nombre de chapes comparativement au nombre d’anneaux et de boucles. Certains types de ces derniers n’ont jamais comporté de chape (ex : types D2α, N1, N2a, N2c, N3a, O1c, O3f, O3g et P5) ou seulement de façon exceptionnelle (ex : type D3). Cette absence de chape était la norme pour de nombreuses formes d’anneaux et de boucles composites à simple fenêtre (types C8a et C8b, F4a à F4c, J8a et J8b). Aucun objet en matériau blanc du corpus ne comporte de chape. Cela tient peut-être à la fonction de ces artefacts qui ne justifie en effet 3205 Des chapes à plus de six rivets sont attestées dans la bibliographie. Se reporter au type A6 667 3. Approche croisée du mobilier archéologique pas toujours la présence d’une chape (fig. 215). D’après l’iconographie (fig. 103, 104, 106) et les découvertes archéologiques3206, les boucles de chaussures ou de soleret – la pièce d’armure protégeant le pied – ne comportent pas de chape. À moins d’être de petite taille, la chape, toujours plate dans le mobilier du corpus et de la bibliographie, est inadaptée à la forme du cou de pied. Cependant, nous nous garderons bien d’interpréter toutes les petites boucles comme ayant été utilisées à la fermeture des chaussures. L’iconographie et le mobilier illustrent l’usage de pièces de petit format pour la fixation de la ceinture (fig. 163), des pièces d’armure (fig. 105 et 245), des aumônières (fig. 242). Plusieurs fragments de courroies de cuir des XIVe et XVe siècles décorés d’appliques métalliques découverts à SaintDenis, dont plusieurs doivent avoir appartenu à des ceintures, ont une largeur qui ne dépasse pas le centimètre voire le demi-centimètre3207. L’absence de chape peut relever d’un choix esthétique : mettre en valeur l’aspect décoratif du tissu ou du cuir, focaliser le regard de l’observateur sur l’ornementation de l’anneau ou de la boucle. Peut-il être attribué une fonction spécifique aux anneaux et boucles avec chape? Dans l’iconographie consultée, les chapes n’apparaissent que sur des boucles de ceinture. Les anneaux avec chape sont par contre absents des représentations. 3206 3207 Se reporter à Mould et al. 2003 (p. 3333-3335) et à Grew et De Neergard 2001² (p. 75 et fig. 110). Leconte 2002, p. XXV et suivantes. 668 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.1.5. Les mordants et terminaisons de courroie Une courroie de cuir ou de tissu peut comporter à son extrémité une pièce nommée mordant ou terminaison de ceinture (fig. 109) qui, tout en ayant souvent un rôle décoratif, permet de la protéger de l’usure provoquée par les passages répétés à travers une boucle. 3.1.5.1. Terminologie descriptive Le mordant se distingue de la terminaison de courroie par sa constitution : il enserre le bout de la lanière alors que la terminaison de courroie est rivetée sur la face avers (fig. 285). Le mordant peut avoir un rôle fonctionnel dans la fermeture de la ceinture lorsqu’il est terminé par un crochet (fig. 80, 82 et 285). La terminaison de courroie a presque toujours cette utilité (ex : 112, D). L’extrémité distale du mordant ou de la terminaison de courroie est l’extrémité opposée à celle dite proximale, laquelle est la plus proche du centre de la lanière (fig. 109). Dans le cadre d’un mordant à charnière, nous employons les termes de partie mordante et de charnon pour décrire les deux bouts de ces objets. 3.1.5.2. Typologie des mordants et des terminaisons de courroie Les mordants et terminaisons de courroie sont classés en dix types établis en fonction de la technique de fabrication. Les types A à F rassemblent les pièces en tôle, les types G à I les exemplaires obtenus par la fonderie, le type J les spécimens fabriqués par des opérations de taille. Les mordants constitués d’une unique tôle pliée appartiennent au type A, ceux à deux tôles superposées au type B, les spécimens avec plus de deux tôles superposées au type C. Les mordants en coffret de tôle, c’est-à-dire dont les bords latéraux ne sont pas ouverts sont regroupés dans le type D. Le type E rassemble les mordants à charnière et le type F les terminaisons de courroie à applique. Les mordants issus de la fonte et ouverts latéralement appartiennent au type G, ceux en coffret au type H. Le type I contient les terminaisons de courroie fabriquées par fonderie. La bibliographie de comparaison illustre l’existence de mordants en fer d’une seule pièce ouverts latéralement comme pour le type F. Le site de Miranduolo à Chiusdino dans la province de Sienne en a fourni un exemplaire à peu près quadrangulaire, traversé de deux rivets alignés dans la largeur. La bordure proximale est découpée d’un arc de cercle. De 669 3. Approche croisée du mobilier archéologique multiples pointes s’échappent de l’excroissance distale3208. Un autre mordant en fer étamé à rivet unique provient d’un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle d’une fouille réalisée Queen Victoria Street à Londres. Les bords latéraux de la partie proximale sont creusés de demi-cupules. L’excroissance distale est en forme de gland et la coque est rayée. G. Egan et F. Pritchard supposent qu’il a été fabriqué par soudure de deux pièces en fer3209. Il est également possible que la fente accueillant la courroie ait été initiée avec un instrument tranchant. Pour d’autres mordants en fer, la mise en œuvre de deux tôles se voit parfaitement. Ils ont été classés dans le type B. Des mordants en alliage cuivreux alliant une pièce issue de la fonte et une ou deux tôles sont spécifiques aux îles britanniques3210. L’iconographie consultée ne permet pas de distinguer si l’extrémité des lanières comporte un mordant ou une terminaison de courroie. La typologie étant fondée sur les techniques de fabrication, l’iconographie est donc d’un faible secours. Quelques constatations ont cependant pu être émises au fil de la typologie et dans la synthèse de cette partie. Type A : Mordant à tôle unique pliée (fig. 287) Les mordants de type A sont fabriqués à partir d’une unique tôle pliée au milieu de sa longueur dans le sens de la largeur, ou dans le sens de la longueur au milieu de sa largeur. Le type A est subdivisé en trois sous-types, établis selon le nombre de rivets. Aucun exemplaire du corpus ne comporte quatre ou cinq rivets, mais la bibliographie en fournit des exemples, souvent décorés : quatre artefacts découverts au village médiéval de Brandes-en-Oisans à L’Alpe d’Huez en Isère3211, trois pièces issues du site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher3212, un spécimen provenant de l’église Saint-Georges à 3208 Artefact complet, L x l = 4,6 x 1,48 cm (Ceppatelli 2008, p. 423, fig. 187, n° 14). Mordant complet, L x l = 7,1 x 1,2 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 132, n° 607). 3210 Concernant ces objets, se reporter par exemple à Hurst 1961, p. 293, fig. 76, n° 25, Fingerlin 1971, p. 113-118, Goodall 1975, p. 91, fig. 43, n° 3, Goodall 1973, fig. 37, n° 4, Goodall 1979, p. 111, n° 18, Clay 1981, n° 29, Hinton 1990d, n° 1074, 1077, 1079, Nicholson 1998a, p. 373, Brennan 2001, n° 17 et 18, Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 140-146, n° 614, 648 à 691 ; Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2900-2902, Crummy 2010, p. 133, fig. 107, n° SF 105. 3211 Un exemplaire incomplet, L x l = 3 x 1,9 cm, deux objets complets à cinq rivets, L x l = 2,7 x 1,6 et 23,45 x 1,4 cm, artefact incomplet, L x l = 2,5 x 1,2 cm, XIIe - milieu XIVe siècle (Bailly-Maître 1983, p. 101, pl. 1-13, n° 1, 4 et 10 ; Bailly-Maître et Bruno Dupraz 1994, p. 128). 3212 Deux pièces à cinq rivets, L x l = 2,7 x 1,5 et 3,6 x 1,1 cm, dépotoir de boucherie, seconde moitié XIIIe siècle, objet à quatre rivets, L x l = 4,8 x 2 cm, démolition de bâtiment, seconde moitié XIVe siècle (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 121-122, n° 252, 2474 et 4410). 3209 670 3. Approche croisée du mobilier archéologique Hermance dans le canton de Genève en Suisse3213, un artefact mis au jour dans l’église Saint Pancrace à Winchester dans le Hampshire3214, dix objets trouvés à Londres3215. Pour ces derniers, en se basant sur l’absence de retraits latéraux et de fente ou d’ouverture pour l’ardillon, G. Egan et F. Pritchard proposent une identification comme mordants3216. Il est vrai que l’ensemble des chapes de type C du corpus ou de la bibliographie qui ont été étudiés ont des retraits latéraux. La plupart des pièces citées précédemment, ainsi que de nombreuses autres à un, deux ou trois rivets comportent une pliure arrondie qui d’après D. Mathis et A. Rajade est le résultat du pliage de la tôle atour d’une tige métallique retirée après l’opération3217. Cette hypothèse ne peut s’appliquer à la fabrication de tous les artefacts, l’arrondi de la pliure étant plus ou moins marqué. Du fait de cette diversité dans le degré de l’arrondi, il n’y a pas de distinction nette entre les pièces du corpus ou de la bibliographie n’en présentant pas et celles qui en comportent. La distinction entre mordants à pliure arrondie et mordants à pliure obtuse opérée par G. Egan et F. Pritchard3218 pour le mobilier londonien est donc loin d’être évidente. Notons qu’un mordant en or à cinq rivets traversant à tête grenetée a été trouvé dans une tombe antérieure à 1302 de la cathédrale Santa Reparata à Florence avec une boucle en or de type E4c à chape de type A5, un anneau à double fenêtre trapézoïdale de type Q – utilisé comme passant ? – et deux appliques de type K. La chape et le mordant sont découpés d’un arc de cercle en bordure proximale et leur face avers est niellée de façon à faire apparaître en réserve un animal fabuleux dont la queue est terminée par des pampres végétaux3219. Des incisions parallèles constituent un cadre complet. 3213 Mordant complet trouvé avec une boucle de type E1 et des morceaux de ceinture en cuir sur le bassin d’un squelette, L x l = 4,9 x 6,9 cm, datation inconnue (Bonnet 1973, p. 71, 91, n° 110). 3214 Spécimen à l’intégrité non renseignée, dimensions précises inconnues, seconde moitié XVe première moitié XVIe siècle (Hinton 1990e, p. 506, n° 1093). 3215 Deux exemplaires complet à quatre rivets, vers 1270 - vers 1350 et peut-être seconde moitié XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 159, n° 747 et 755), huit spécimens complets à cinq rivets, premier tiers XIIIe siècle à seconde moitié XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 158-159, n° 743, 745, 749 à 752, 754, 756). 3216 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 158. 3217 Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 121-122. 3218 Cette distinction n’est d’ailleurs pas toujours évidente dans leur catalogue. Il suffit de comparer les numéros 591, 592 et 594 aux numéros 743 à 758 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 127-129 ; 158159). 3219 Anneau avec chape complète, dimensions inconnues (Buerger 1975, p. 206). 671 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type A1 : Mordant à tôle unique pliée et à unique rivet traversant (fig. 287, n° 1 à 5) Les mordants en alliage cuivreux du type A1, comportant un unique rivet traversant, sont classés en quatre sous-types selon la direction du pliage et la forme du mordant. Les sous-types A1a et A1b rassemblent les artefacts dont la tôle est pliée dans la largeur, les soustypes A1c et A1d, ceux dont la tôle est pliée dans la longueur. Trois mordants en fer de configuration analogue aux exemplaires en alliage cuivreux de type A1a ont été trouvés à Londres sur des courroies de cuir. Le plus petit, à couverte blanche, est riveté à l’extrémité d’une languette de cuir issue d’un niveau de la première moitié et du milieu du XVe siècle. Cette fine courroie participait à la fermeture d’une chaussure3220. Les deux autres pièces, datées du dernier tiers XIIIe - première moitié XIVe siècle et vers 1330 - vers 1380, comportent un bombement à l’endroit de la pliure3221. La plus ancienne est décorée de sept incisions parallèles orientées selon le grand axe3222. Les fouilles londoniennes ont également fourni deux mordants rectangulaires dont les angles de l’extrémité distale furent coupés obliquement3223 et un mordant pratiquement triangulaire dont le plus grand côté est le bord distal3224. Ils appartiennent à des contextes de la première moitié du XVe siècle. Type A1a : Mordant quadrangulaire en alliage cuivreux, à tôle unique pliée dans la largeur et à unique rivet traversant (fig. 287, n° 1) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1047, premier tiers XIVe siècle. Cette pièce avignonnaise, quadrangulaire, est d’une configuration fort simple. Elle conserve des traces de tissu ou de cuir. Des mordants similaires sans décors ont été mis au jour sur le site de la maison forte de Naux à Colayrac-Saint-Cirq en Lot-et-Garonne, occupée dans le dernier tiers du XIVe 3220 Exemplaire complet, L x l = 1,4 x 0,5 cm (Grew et De Neergaard 2001², p. 75, fig. 110, n° j). Spécimen complet, L x l = 3,2 x 1,4 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002² (dir.), p. 127, n° 594). 3222 Artefact complet, L x l = 2,9 x 2,3 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002² (dir.), p. 129, n° 591). 3223 Objets complets, L x l = 1,5 x 0,9 et 1,9 x 0,95 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002² (dir.), p. 127, n° 585 et 587). 3224 Exemplaire complet, L x l = 2,1 x 2,2 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 127, n° 588). 3221 672 3. Approche croisée du mobilier archéologique siècle3225, dans un niveau du XIVe siècle rue Mongat à Douai dans le Nord3226, dans des contextes du XIIIe siècle au XVe siècle à Winchester dans le Hampshire3227, dans des contextes de la seconde moitié du XIVe siècle de sites londoniens3228. L’avers des bords de l’un des objets anglais est biseauté3229. Le site du château de Montségur en Ariège a livré un spécimen (N.D.S.) décoré de quatre petites incisions triangulaires sur le bord proximal3230. Une petite fente est pratiquée dans chaque grand côté à l’endroit de la pliure pour un exemplaire issu du comblement d’une sépulture datée vers 1275 - 1500 du site de la Motte Rouge à La Rochelle en CharenteMaritime3231. Type A1b : Mordant en alliage cuivreux à tôle unique pliée dans la largeur, aux bords sinueux et à unique rivet traversant (fig. 287, n° 2) Bouches-du-Rhône  Alcazar, Marseille : n° 106, couche de destruction, milieu XIVe siècle. Les bords de la tôle de l’objet de l’Alcazar sont découpés d’une façon relativement complexe. Des traces de cuir ou de tissu sont conservées à l’intérieur du mordant. Type A1c : Mordant en alliage cuivreux à tôle unique pliée dans la longueur, triangulaire en partie distale et à unique rivet traversant (fig. 287, n° 3 et 4) Gard  Cloître, Saint-Gilles : n° 2010-17, comblement de fosse, seconde moitié XVIIe - 3225 Pièce complète, L x l = 3,7 x 1,75 cm (Ballarin et al. 2007, p. 132). Mordant complet, L x l = 2,6 x 1,1 cm (Louis et al. 1998, p. 64, n° 15). 3227 Deux exemplaires à l’intégrité non renseignée, dimensions complètes inconnues, milieu - seconde moitié XIIIe siècle, XVe siècle, Brook Street ; spécimen à l’intégrité non renseignée, dimensions complètes inconnues, XIVe - XVe siècles, Brook Street (Hinton 1990e, p. 505-506, n° 1088, 1090, 1091) 3228 Cinq artefacts : L x l = 1,4 x 1,1 cm, 1,6 x 1,1 cm, 2,7 x 1,2 cm, 2,1 x 1,5 cm, 2 x 1,1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 126, n° 577, 579 à 581, 1182). 3229 Objet complet, L x l = 1,5 x 1,1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 126, n° 578). 3230 Spécimen complet, L x l = 4,65 x 1,9 cm (Czeski 1981d, p. 195, 197, n° 25/76). 3231 Exemplaire complet, L x l = 2,2 x 1,2 cm (Berthon (dir.) 2013, p. 70, n° 93). 3226 673 3. Approche croisée du mobilier archéologique première moitié XIXe siècle. Vaucluse  Prieuré Saint-Symphorien, Bonnieux : n° 10, réoccupation ou abandon du site, début XIVe siècle. Les deux pièces, avec leur excroissance triangulaire, ont une forme analogue à celle des mordants de type B1d (fig. 288, n° 7 à 9). Elles ont été fabriquées avec une tôle pliée dans le sens de la longueur mais découpée en partie proximale, à l’endroit de la pliure, afin de pouvoir réceptionner la lanière. Il est probable que cette découpe ait été exécutée après pliage. Le mordant trouvé à Saint-Gilles (fig. 287, n° 4) est décoré d’une ligne ondée ondulée et de trois traits incisés orientés dans la largeur. Les mordants de type A1c sont absents de la bibliographie rassemblée. Toutefois une forme proche, à extrémité distale droite ou légèrement arrondie a été mise au jour sur plusieurs sites. Un remblai des XVIe - XVIIe siècles fouillé lors de l’opération archéologique des 14-16 rue Delayant à La Rochelle en Charente-Maritime a ainsi livré un exemplaire découpé d’une accolade en bordure proximale et gravé de bandes agencées en zigzags un peu plus avant sur la tôle3232. La découpe est triangulaire pour un spécimen gravé de zigzags le long des grands côtés issu d’un contexte du XIVe siècle du complexe abbatial de Whithorn and Saint-Ninian dans le comté de Dumfries et Galloway au Royaume-Uni3233. De niveaux du XIVe siècle du site de Bedern foundry à York3234 et du site de Billingsgate lorry Park à Londres proviennent des pièces sans décoration3235. Type A1d : Mordant en alliage cuivreux à tôle unique pliée dans la longueur, avec une excroissance en partie distale et à unique rivet traversant (fig. 287, n° 5) Bouches-du-Rhône  Castrum de Montpaon, Fontvieille : n° L13/21, H.S. 3232 Objet complet, L x l = env. 5,5 x 1,2 cm (Berthon (dir.) 2013, p. 69, 70, n° 97). Mordant complet, L x l = 4,2 x 0,75 cm (Nicholson 1998a, p. 373, fig. 10.58, n° 7). 3234 Pièce complète, L x l = 6,45 x 1,25 cm (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2900, n° 13351) 3235 Une pièce incomplète, L cons. x l = 3,1 x 1,5 cm, vers 1270 - vers 1350, un objet complet, L x l = 4 x 0,7 cm, seconde moitié XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002² (dir.), p. 130, n° 603 et 604). 3233 674 3. Approche croisée du mobilier archéologique L’aspect de ce mordant présente des similitudes avec des exemplaires de type B1e (fig. 288, n° 11 et 12). Comme les spécimens des sous-types précédents, il est le résultat du pliage d’une tôle dans le sens de la longueur. La tôle est ouverte en partie proximale afin de pouvoir réceptionner la lanière. L’objet est gravé sur l’avers, entre des lignes placées le long des grands côtés, d’une ligne ondulée et d’une alternance de segments. Ce décor est interrompu par les découpes de l’excroissance distale en forme de pique. Une amorce de ces découpes paraît avoir été mise en place avant le pliage si l’on en juge par le tracé particulier d’un des longs côtés de la partie revers du mordant : l’artisan a mal jugé la largeur de tôle nécessaire à la partie revers ainsi que le besoin d’enlèvement final de métal après pliage. Un limage a permis d’égaliser en partie les bords du mordant. La partie proximale de la chape comporte une encoche, résultat d’une cassure, qui marquait probablement l’emplacement d’un premier rivet. La perforation pour rivet excentrée, située à proximité, pourrait être le résultat d’une réparation. Un mordant à extrémité distale triangulaire entaillée, porteur de trois lignes gravées orientées dans la largeur, découpé d’un triangle en bordure proximale a été retrouvé à Londres. Cette pièce appartient à un contexte de la seconde moitié du XIVe siècle3236. Type A2 : Mordant à tôle unique pliée, à deux rivets traversant (fig. 287, n° 6 à 10) Les mordants de type A2 sont classés en deux sous-types en fonction de la direction du pliage et de l’orientation des rivets. Le sous-type A2a regroupe les pièces pliées dans la largeur et dont les rivets sont alignés dans la largeur, le sous-type A2b, les exemplaires pliés dans la longueur, comportant une excroissance distale à tôles rapportées et dont les rivets sont alignés dans la longueur. Les fouilles archéologiques londoniennes ont livré deux mordants en fer décorés, dont un sur un fragment de lanière à motifs poinçonnés, à rivets alignés dans la largeur en partie proximale3237 et un mordant en fer à rivets alignés dans la longueur3238. Il a existé des 3236 Objet complet, L x l = 6,9 x 1,1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 130, n° 605). Exemplaire complet, L x l = 1,7 x 1,5 cm, seconde moitié XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 129, n° 595). 3238 Pièce presque complète, L x l = 3,3 x 3 cm, seconde moitié XIVe siècle, artefact complet sur lanière, L x l = 1,35 x 3,2 cm, London Museum (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 129, n° 596, non numéroté). 3237 675 3. Approche croisée du mobilier archéologique mordants en alliage cuivreux pliés dans la longueur et dont les rivets sont disposés dans la largeur en partie proximale3239. Type A2a : Mordant en alliage cuivreux à tôle unique pliée dans la largeur et à deux rivets traversant alignés dans la largeur (fig. 212, n° 9 ; fig. 287, n° 6 à 9) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 161 B, caveau des XIVe - XVIe siècles. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1176 et 1291, deuxième tiers XIVe siècle.  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-175, datation inconnue.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 848, comblement de la tranchée de fondation du mur, vers 1481. Les cinq mordants du corpus comportent deux perforations en partie proximale pour le passage de rivets. L’une d’elles retient des restes de tissu (fig. 287, n° 7). La bordure proximale peut être découpée de deux demi-ovales (fig. 287, n° 6), d’un trèfle (fig. 287, n° 8), d’une accolade complète (fig. 287, n° 9). Un ajour rappelant le fer d’une doloire a été découpé dans l’avers d’un mordant (fig. 287, n° 9). De profondes incisions obliques très certainement réalisées avant pliage sont visibles sur la pliure de la tôle. Les bords latéraux de l’avers sont tournés vers l’intérieur du mordant. Deux mordants de type D1 (fig. 290, n° 1 et 3) possèdent également cet ajour très particulier, la découpe proximale en forme d’accolade et les bords de la partie avers repliés vers l’intérieur. Les mordants de type A2a du corpus ainsi que ceux de la bibliographie comportent généralement une pliure plus ou moins arrondie. Une couche de comblement de caveau des XIVe - XVIe siècles a fourni trois pièces de ceinture ayant fonctionné ensemble : un mordant de type A2a et une boucle de type H2a à chape de type A2b (fig. 212, n° 9). Une applique de type B7 issue du même contexte appartenait sans doute à la même ceinture. Le mordant et la chape possèdent des 3239 France, Indre-et-Loire : mordant incomplet, L cons. x l = 3,2 x 2 cm, deuxième - troisième quart XIVe siècle, château de Tours, Tours (Motteau (dir.) 1991, n° 112/113, erreur de numérotation) 676 3. Approche croisée du mobilier archéologique caractéristiques ornementales similaires : des motifs emboutis de « côtes » de coquillage en bordure proximale, des ajours en forme de croissant séparés par des bossettes, un motif cordé. Les deux rivets de fixation sont en fer. Des similitudes s’observent entre ce mordant des pièces figurées dans l’iconographie du milieu et de la seconde moitié du XVe siècle (fig. 174 et 175). Le mordant du Petit Palais (fig. 287, n° 6) est à l’origine constitué d’une unique tôle, ce qui lui vaut d’être classé dans ce type. Une seconde tôle a été rajoutée pour remplacer la plus grande partie de l’avers du mordant lors d’une réparation. Elle surmonte un fragment de l’avers encore en place. Cette tôle n’est maintenue en position que par les deux rivets en fer dont l’un a conservé une tête en relief. Des mordants de type A2a sans ornementation ont été découverts en de nombreux endroits3240. Pour les exemplaires décorés, l’ornementation peut consister en une découpe du bord proximal. Elle prend la forme d’un petit triangle pour un spécimen retrouvé dans des niveaux correspondant au siège de 1496 - 1498 du site fortifié du château et du monastère de San Michele Arcangelo alla Verruca à Vicopisano dans la province de Pise en Italie3241. Le triangle s’étend à toute la largeur du mordant et sa pointe est prolongée par une incision sur un objet issu d’une couche de destruction datée vers 1540 du site de Viking Hall à Waltham Abbey dans l’Essex au Royaume-Uni3242. Les côtés latéraux et proximal de plusieurs artefacts britanniques sont décorés de files de dents de loup opposées par la base3243. Un cadre partiel d’une ligne apparaît sur un autre spécimen trouvé à Winchester3244. Du site de Brook Street 3240 France, Ariège : pièce complète, L x l = 1,3 x 0,85 cm, N.D.S., château de Montségur, Montségur (Czeski 1990b, p. 398, n° 105 T1 88) ; Aude : objet incomplet, L x l = 2,95 x 2,85 cm, dépotoir, XVIe - XVIIe siècles, église Sainte-Marie, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Bayrou et al. 1991, p. 75, n° 82 C1 M1) ; Nord : artefact complet, L x l = 2,9 x 1,4 cm, XIVe - XVe siècles, rue Mongat, Douai (Louis et al. 1998, p. 64, n° 21). Royaume-Uni, Carmarthenshire : spécimen complet, L x l = 2,65 x 2,4 cm, non stratifié, abbaye des franciscains, Carmarthen (Brennan 2001, n° 21) ; Grand Londres : exemplaire complet, L x l = 1,9 x 1,8/1,9 cm, seconde moitié du XIVe siècle, Billingsgate lorry Park, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 127, n° 583) ; Hampshire : spécimen à l’intégrité inconnue, dimensions complètes inconnues, démolition de bâtiment, milieu XIIIe siècle, Brook street, Winchester (Hinton 1990e, p. 505, n° 1087) ; 3241 Mordant complet, L x l = 3 x 2,5 cm (Dadà 2005, fig. 6, n° 35). 3242 Mordant complet, L x l = 1,6 x 1,1 cm (Huggins 1976, p. 115, fig. 41, n° 12). 3243 Grand Londres : pièce incomplète, L cons. x l = 1,2 x 1,2 cm, vers 1270 - vers 1350, Billingsgate lorry Park, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 160, n° 747) ; Hampshire : objet complet, L x l = 2,15 x 2,25 cm, occupation finale et démolition de bâtiment, XVe siècle, Brook street, Winchester (Hinton 1990e, p. 506, n° 1092) ; Yorkshire du Nord : spécimen complet avec rivets en fer, L x l = 2,9 x 1,5 cm, abandon avec récupération de matériaux, postérieur au XVe siècle, habitat médiéval, Wharram (Goodall 1979, p. 111, n° 19). 3244 Hampshire : objet complet, l = 4 cm, porche, seconde moitié XVe - première moitié XVIe siècle, Cathedral green, Winchester (Hinton 1990e, p. 506, n° 1094). 677 3. Approche croisée du mobilier archéologique est issu un mordant à décor embouti constitué d’un motif cordé à l’endroit de la pliure et de feuilles sur le reste de la partie avers. L’intérieur des feuilles est gravé de zigzags rappelant la forme de la feuille. L’artefact est en position résiduelle dans un niveau du XIXe siècle. Si l’on s’en tient à ces données, une datation typologique des mordants de type A2a entre le milieu du XIIIe siècle et la première moitié du XVIe siècle peut être retenue. Cependant, un artefact interprété comme un mordant par H. Hinton provient d’un contexte du XIe siècle du site de Cathedral Green à Winchester. Ses deux faces sont gravées d’une croix pattée inscrite dans un rectangle3245. Cet artefact semble être spécifique au monde anglo-saxon et n’a donc pas été intégré dans la datation typologique. Type A2b : Mordant en alliage cuivreux à tôle unique pliée dans la longueur, à extrémité distale à tôles rapportées et à deux rivets traversant alignés dans la longueur (fig. 287, n° 10) Var  Castrum de Saint-Jacques de Cagnosc, Gonfaron : n° 1, H.S. Le corps du mordant a été fabriqué avec une tôle pliée dans sa largeur, aux faces internes brasées sur les trois quarts de la longueur du mordant. Les bords ont été égalisés à la lime. La pliure a été incisée latéralement pour permettre le passage de la lanière. Celle-ci était maintenue par un unique rivet. Le deuxième rivet retient deux tôles épaisses quadrangulaires en extrémité distale. Une des faces du mordant révèle que l’artisan a mal évalué la largeur avant pliage. Le bout épaissi du mordant rappelle de petits ornements issus de la fonte ou de la déformation plastique sur plusieurs mordants de type B (fig. 288, n° 14) ou C (fig. 289, n° 11, 13 et 19). Un contexte de la première moitié du XVe siècle du site de Billingsgate lorry Park à Londres a fourni un mordant d’une largeur équivalente comportant une excroissance distale quadrangulaire3246. Comme pour l’artefact varois, deux petites tôles encadrant la tôle principale sont maintenues en place par un rivet. 3245 Hampshire : objet complet, L x l = 1 cm, seconde moitié XIe siècle, Cathedral green, Winchester (Hinton 1990e, p. 505, n° 1086). 3246 Pièce complète, L x l = 7,8 x 1,1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 130, n° 606). 678 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type A3 : Mordant à tôle unique pliée à trois rivets traversant (fig. 287, n° 11 à 13) Les mordants du type A3 sont divisés en deux sous-types selon la disposition des rivets. Le premier sous-type (A3a) concerne les pièces ayant deux rivets en partie proximale et le troisième en partie centrale ou distale, le deuxième (A3b), les exemplaires dont les trois rivets sont alignés dans la largeur de la chape en partie proximale. Les mordants à trois rivets traversant sont suffisamment rares pour qu’il paraisse utile se signaler un mordant à trois rivets traversant au positionnement non renseigné découvert lors des fouilles de l’église Saint-Pancrace à Winchester au Royaume-Uni3247. Type A3a : Mordant en alliage cuivreux à tôle unique pliée dans la largeur et à trois rivets traversant, dont deux en partie proximale (fig. 287, n° 11 et 12) Alpes-de-Haute-Provence  Immeuble Le Verdi, Digne : n° 1, effondrement d’étage de bâtiment, vers 1370. Var  Castrum de Paracol, Le Val : n° 4, H.S. Les deux mordants présentent deux perforations pour rivet en partie proximale et une perforation de même fonction en partie centrale ou distale. Pour un exemplaire, l’une des perforations n’a pas été prolongée sur la partie revers (fig. 287, n° 11). L’autre pièce arbore une ligne incisée le long des grands côtés et un léger bombement à l’endroit de la pliure (fig. 287, n° 12). Des traces d’une couverte de couleur argentée sont visibles sur la tête des rivets. Un mordant de ceinture (N.D.S.) avec des restes de cuir, gravé de zigzags le long des grands côtés, fut trouvé sur le site du château de Montségur en Ariège3248. 3247 Objet à l’intégrité et aux dimensions précises non renseignées, démolition, milieu XVIe siècle (sans doute résiduel) (Hinton 1990e, p. 506, n° 1095). 3248 Objet complet, L x l = 3,15 x 1,1 cm (Sarret 1984, p. 122). 679 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type A3b : Mordant en alliage cuivreux à tôle unique pliée dans la largeur et à trois rivets traversant alignés dans la largeur en partie proximale (fig. 287, n° 13) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1114, fond de tranchée, XVIIIe siècle ? Ce possible mordant, découvert en contexte résiduel avec de la céramique du premier tiers du XIVe siècle, comporte trois perforations pour le passage de rivets le long du bord proximal. La zone de pliage de la tôle est marquée par un bombement sur la face revers. La face avers, plate, conserve des traces d’une couverte de couleur argentée. Un possible mordant (fig. 287, n° 14) Vaucluse  Rue Carreterie, Avignon : n° 135, datation inconnue. Cet objet présente une tôle très épaisse insérée entre deux couches de cuir ou à l’intérieur d’une même lanière de cuir pliée. Un rivet à large tête légèrement bombée traverse le tout. La taille de la tête du rivet et l’épaisseur de la tôle n’offrent pas de parallèle avec les autres mordants du corpus ou de la bibliographie. L’identification en tant que mordant de l’artefact d’Avignon est hypothétique. Type B : Mordant à deux tôles superposées (fig. 288 ; fig. 289, n° 1 à 4) Les mordants du type B sont fabriqués par brasure de l’extrémité distale de deux tôles superposées. Ils sont regroupés en plusieurs sous-types établis selon le nombre de rivets. Les deux tôles constitutives de ces mordants sont identiques, ce qui suppose l’utilisation d’un gabarit et généralement un limage pour égaliser les bords. Le nombre de rivets observés sur les pièces du corpus ne dépasse pas quatre. Il existe cependant des mordants comportant un plus grand nombre de rivets. La fouille de l’église Saint-Georges d’Hermance dans le canton de Genève en Suisse a fourni un exemplaire composé d’une partie trapézoïdale traversée d’un rivet pour la fixation et d’une partie ovoïde 680 3. Approche croisée du mobilier archéologique avec quatre rivets dont trois retenant encore des perles en verre3249. Du village médiéval de Brandes-en-Oisans (XIIe - milieu XIVe siècle) à L’Alpe d’Huez en Isère provient un spécimen à cinq perforations pour rivets, l’une d’elles encore occupée par un rivet à tête bouletée. Le bord proximal est découpé d’un arc de cercle3250. Type B1 : Mordant à deux tôles superposées et à unique rivet traversant (fig. 288, n° 1 à 12) Cinq sous-types ont été déterminés en fonction de la forme du mordant et de la configuration de son extrémité distale. Les mordants ovoïdes appartiennent au sous-type B1a, les pièces quadrangulaires au sous-type B1b, les exemplaires quadrangulaires avec un arrondi en partie distale au sous-type B1c. Les sous-types B1d et B1e contiennent respectivement les mordants avec une extrémité triangulaire et ceux comportant une excroissance. Il n’a pu être intégré à ce classement un mordant en fer ovale découvert sur le site de la Grange du Mont (XIVe siècle) à Charny en Côte-d’Or3251. Quelques autres mordants en fer sont mentionnés en tant qu’éléments de comparaison. Type B1a : Mordant en alliage cuivreux ovoïde à deux tôles superposées et à unique rivet traversant (fig. 288, n° 1) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1231, fin XIVe siècle. Cet objet a été fabriqué avec deux tôles ovoïdes brasées en partie distale. Un unique rivet assurait la fixation. Des restes de tissu s’observent à l’intérieur du mordant. 3249 Mordant complet, L x l = 3,8 x 1,8 cm (Bonnet 1973, p. 91, n° 152) Objet incomplet décrit comme ayant été fabriqué à partir d’une tôle pliée mais le dessin montre le contraire, L x l = 4,9 x 1,2 cm (Bailly-Maître 1983, p. 102, pl. 1.13). 3251 Pièce complète, L x l = 3,9 x 1,85 cm (Beck 1989, p. 72, n° 83). 3250 681 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type B1b : Mordant en alliage cuivreux quadrangulaire à deux tôles superposées et à unique rivet traversant (fig. 288, n° 2) Bouches-du-Rhône  Alcazar, Marseille : n° 104, terres de jardin, fin XIVe - XVIIe siècle. Le mordant du corpus est doré sur sa face supérieure. Il conserve des fragments de tissu. Des lignes de zigzags courent le long des bords latéraux et proximal. Quelques traces permettent d’envisager qu’une ligne de zigzags ornait également le bord distal. Un fort rivet à large tête bombée et à contre-rivure circulaire plate est encore en place en partie proximale du mordant. Un mordant en alliage cuivreux de type B1b sans ornementation provient d’un dépotoir des XVIe - XVIIe siècles fouillé lors d’une opération au 14-16 rue Delayant à La Rochelle en Charente-Maritime3252. L’exemplaire mis au jour sur le site de Billingsgate lorry Park à Londres dans un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle est gravé de lignes curvilignes disposées dans des compartiments3253. Deux mordants quadrangulaires en fer étamés sont issus de niveaux du premier tiers du XIIIe siècle et vers 1330 - vers 1380 de sites londoniens3254. Le bord proximal du plus ancien est légèrement concave, le second comporte des lignes gravées et des encoches près du bord proximal. Type B1c : Mordant en alliage cuivreux à deux tôles superposées, arrondi en partie distale et à unique rivet traversant (fig. 288, n° 3 à 6) Bouches-du-Rhône  Collège Mignet, Aix-en-Provence : n° 2002-2, sol des premières décennies du XIVe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1046, premier tiers XIVe siècle ? ; n° 1043, dernier quart XIVe siècle.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 2448, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 3252 Mordant complet, L x l = 2,3 x 1 cm (Berthon (dir.) 2013, p. 70, n° 95). Pièce complète, L x l = 3,3 x 1,3 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 132, n° 610). 3254 Spécimens complets, L x l = 3,7 x 1,2 et 3 x 1,8 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 132, n° 612 et 613). 3253 682 3. Approche croisée du mobilier archéologique 1400. Les quatre mordants du type B1c sont arrondis en partie distale. Des restes de cuir sont conservés à l’intérieur de la pièce la plus petite (fig. 288, n° 3) et de l’exemplaire décoré (fig. 288, n° 6). Celui-ci est orné de trois ensembles de trois lignes parallèles orientées dans la largeur. Son bord proximal est découpé de deux triangles égalisés à la lime. Exceptionnellement, la découpe des triangles de la partie revers du mordant a été exécutée depuis le revers et non depuis l’avers. L’angle supérieur du bord de la partie distale est chanfreiné. Aucune trace de limage ne s’observe à cet endroit. De nombreux mordants avec ou sans décor gravé ont été mis au jour en contexte mérovingien dans le sud de la France3255. Cette ancienneté est également illustrée par des découvertes dans le nord de la France et au Royaume-Uni3256. Toutefois, pour le moment, il n’est pas possible de faire le lien entre ces pièces du haut Moyen Âge et les objets plus récents. Type B1d : Mordant en alliage cuivreux à deux tôles superposées, triangulaire en partie distale et à unique rivet traversant (fig. 288, n° 7 à 9) Bouches-du-Rhône  Castrum de Montpaon, Fontvieille : n° L13/35, H.S. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1592, sol de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375. Vaucluse  Rue Carreterie, Avignon : n° 337, contexte inconnu. Les mordants sont de forme quadrangulaire, triangulaire ou légèrement triangulaire. Ils comportent une extrémité distale triangulaire. Le bord proximal du mordant d’Avignon 3255 Se reporter à Stutz 2003, p. 112, pl. 39, n° 591, pl. 41, n° 629 à 635, 639. Par exemple, une pièce du VIe - premier quart VIIe siècle trouvée au château de Tours en Indre-etLoire (Motteau (dir.) 1991, n° 110), un objet antérieur à 730 provenant du complexe abbatial de Whithorn et Saint-Ninian dans le Dumfries and Galloway (Nicholson 1998a, p. 373, fig. 10.58, n° 2). 3256 683 3. Approche croisée du mobilier archéologique (fig. 288, n° 9) est découpé d’un triangle sommé d’un cercle. Il est intégré dans un décor gravé, de même que le rivet. Un objet d’une forme analogue à la pièce du castrum de Montpaon (fig. 288, n° 8) provient d’une fouille sur le site de Trainecourt (XIIIe - XVe siècles) à Grentheville dans le Calvados. Un long mordant de type B1d a été mis au jour en position résiduelle dans le comblement d’une tranchée effectué vers 1800 sur le site de l’ancienne abbaye de SaintMédard à Soissons. Son bord proximal est découpé de deux triangles. Une longue tôle emboutie figurant un personnage féminin à coiffure nattée sous une arcature est brasée sur la tôle avers. Un chien pourrait avoir été représenté aux pieds de la femme. Le culot supportant la figure et le gable du dais conduisent D. Defente à attribuer cette pièce à la seconde moitié du XVe siècle3257. Type B1e : Mordant en alliage cuivreux à deux tôles superposées, avec une excroissance en partie distale et à unique rivet traversant (fig. 288, n° 10 à 12) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 331, couche d’occupation ou déblais, vers 1309/1315 - vers 1345. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1045, XVIIIe siècle ?  Rue Carreterie, Avignon : n° 338, contexte inconnu. Les objets du type B1e se distinguent des artefacts précédents par leur excroissance en partie distale : un ergot, une avancée arrondie ou angulaire mise en évidence par des retraits en arc-de-cercle ou triangulaires. Une découpe de deux demi-cercles entaille le bord proximal d’une pièce à rivet à tête bombée découverte au castrum Saint-Jean (fig. 288, n° 10). Des traces de limage s’observent sur l’accolade. Le site de Trainecourt (XIIIe - XVe siècles) à Grentheville dans le Calvados a livré trois mordants de type B1e aux extrémités distales variées. L’un d’eux, découpé en bordure proximale d’une accolade limitée par des arcs de cercle gravés, comporte un ergot distal similaire à celui de l’objet de Rougiers (fig. 288, n° 10). Un autre est terminé par une 3257 Defente 1982. 684 3. Approche croisée du mobilier archéologique excroissance incisée en forme d’éventail. La longue extrémité distale du dernier artefact consiste en trois piques superposés, chacun gravé de deux lignes orientées dans la largeur3258. Plusieurs pièces en alliage cuivreux dont l’extrémité distale rappelle un trèfle sont mentionnées dans la bibliographie. Un premier exemplaire est issu d’un niveau de sol de maison de la première moitié - milieu XIVe siècle sur le site du castrum du Castlar à Durfort dans le Tarn3259. Il est gravé de quatre petites plantes stylisées à trois feuilles intégrées dans des triangles, motifs étalés sur presque toute la longueur du mordant. Un autre spécimen, mis au jour dans une récupération de mur du XVe siècle sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher3260, est entaillé de deux petits triangles en bordure proximale. Deux dépressions longitudinales traversent le mordant en son milieu dans la largeur. Un troisième objet, vierge de toute ornementation, provient d’une phase datée vers 1559 - vers 1875 du site de l’abbaye de Jedburgh dans les Scottish Borders au Royaume-Uni3261. Il était très certainement en position résiduelle. Des mordants en fer analogues aux pièces en alliage cuivreux de type B1e ont été mis au jour : un niveau du second quart du XIVe siècle sur le site du village médiéval de Verrucole à San Romano in Garfagnana dans la province de Lucques en Italie a fourni un exemplaire dont l’extrémité distale est tréflée3262. Type B2 : Mordant à deux tôles superposées et à deux rivets traversant (fig. 288, n° 13 à 14) Tous les mordants du type B2 du corpus ayant leurs deux rivets alignés dans la longueur, le classement typologique s’est appuyé uniquement sur la configuration de l’extrémité distale du mordant. Le sous-type B2a contient un mordant arrondi en partie distale, le sous-type B2b, un exemplaire à l’extrémité distale triangulaire, le sous-type B2c, un spécimen à excroissance à tôles rapportées. Il existe de nombreuses autres variations dans la configuration des mordants de type B2. Comme les pièces du corpus, plusieurs objets décrits dans la bibliographie consultée comportent deux rivets alignés dans la longueur. Un exemplaire issu de l’occupation de la fin 3258 Artefacts complets, dimensions inconnues (Vivre au Moyen Âge 2002, p. 213, notice 190). Pièce complète, L x l = 8,2 x 1 cm (Archéologie 1990, p. 217, n° 436 ; Vidaillet et Pousthomis 1996, p. 194, fig. 153, n° 1). 3260 Exemplaire complet, L x l = 4 x 0,7 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 122, n° 39). 3261 Mordant complet, L x l = 4,1 x 0,85 cm (Caldwell 1995, p. 85, n° 24). 3262 Exemplaire complet, L x l = 6,45 x 0,75 cm (Ciampoltrini et Notini 2000, p. 182). 3259 685 3. Approche croisée du mobilier archéologique du XIIIe siècle et du début du XIVe siècle d’un bâtiment du site des Fabres à Saint-Félix-del’Héras dans l’Hérault comporte une excroissance distale ayant la forme d’une languette, mais sans tôles rapportées3263. La bordure proximale est découpée d’un grand triangle. Des coups d’un poinçon circulaire font apparaître des losanges imbriqués dans un cadre presque complet d’une double ligne de ces points. Aucun décor gravé n’apparaît sur un long et étroit mordant à extrémité distale aux contours sinueux provenant d’une phase d’occupation de la première moitié du XVe siècle du village médiéval de Wharram dans le Yorkshire3264. D’une phase d’abandon avec récupération de matériaux postérieure au XVe siècle du même site est issu un spécimen dont l’extrémité distale évoque un gland. La partie correspondant à la coque est gravée d’un quadrillage oblique qui en rappelle l’aspect3265. Pour les artefacts britanniques, contrairement au mordant héraultais, les deux rivets ne sont pas cantonnés à la partie proximale, l’un d’eux traversant l’extrémité distale. Les mordants à deux rivets alignés dans la largeur en partie proximale ne sont pas moins fréquents. Une pièce sans décor, arrondie en partie distale, provient d’un niveau du dernier tiers ou de la première moitié du XIVe siècle sur le site de Swan Lane à Londres3266. Un objet analogue mais avec découpe en triangle de la bordure proximale est issu de la fouille de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher3267. L’extrémité distale présente une forme entre le triangle et l’arrondi pour un spécimen trouvé dans le cimetière de San Stefano (XIIIe - XIVe siècles) à Casalbordino dans la province de Chieti en Italie3268. Le musée Toulouse-Lautrec d’Albi conserve dans ses collections une pièce à excroissance distale aux contours sinueux. Le bord proximal est entaillé d’un triangle entouré de deux autres, plus petits. La tôle avers est gravée d’entrelacs sur fond rayé3269. Une ligne de zigzags limitée intérieurement par une ligne incisée est disposée le long des grands côtés d’un artefact à bordure proximale découpée d’un trèfle à feuilles triangulaires, à extrémité distale triangulaire. Il a été mis au jour à Londres dans un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle3270. 3263 Pièce complète, L x l = 5,1 x 1,5 cm (Mareau et Cauvy 1993, p. 45). Exemplaire incomplet, L x l = 5,2 x 0,65 cm (Goodall 1979, p. 111, n° 13). 3265 Artefact complet, L x l = 4 x 0,55 cm (Goodall 1979, p. 111, n° 14). 3266 Mordant complet, L x l = 1,9 x 1,1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 132, n° 609). 3267 France, Cher : Objet complet, L x l = 2,9 x 1,3 cm, dépotoir, première moitié XIVe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot 2013, p. 122, n° 501). 3268 Exemplaire complet, L x l = 7,9 x 1,9 cm (Tulipani 2001, p. 332, fig. 9, n° 15). 3269 Spécimen complet, L x l = 7,2 x 1,4 cm (Archéologie 1990, p. 217, n° 437). 3270 Pièce complète, L x l = 9,5 x 1,5 cm, Billingsgate lorry Park (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 132, n° 611). 3264 686 3. Approche croisée du mobilier archéologique Un mordant particulièrement notable, à deux rivets dans la largeur a été découvert dans un contexte du XVe siècle lors d’une fouille rue Carnot à Harfleur en Seine-Maritime3271. La face revers est gravée « d’un animal fantastique sur fond strié », la face avers est gravée et découpée de motifs architecturaux parmi lesquels se reconnaissent un pignon surmonté d’une décoration faîtière, des rosaces de diverses formes qui, par leur agencement, rappellent les façades des transepts d’église. L’objet est découpé d’un trèfle en bordure proximale et possède une extrémité distale arrondie et en fort relief. Type B2a : Mordant en alliage cuivreux à deux tôles superposées, arrondi en partie distale et à deux rivets traversant alignés dans la longueur (fig. 288, n° 13) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1049, troisième tiers XIVe siècle ? Le mordant d’Avignon comporte une extrémité distale arrondie. Il se rapproche par cette caractéristique des pièces de type B1c (fig. 288, n° 3 à 6). Les deux rivets en fer sont disposés dans la partie proximale de la chape. Un décor de lignes gravées délimite des pampres végétaux. Ce sont des zigzags sur deux fragments de chape ou de mordant (fig. 302, n° 18) et sur la chape de type C1b de deux boucles de type Q6b (fig. 250, n° 2 et 4). Les zigzags laissent apparaître le motif en réserve sur des chapes des types B1b (fig. 275, n° 2) et B2c (fig. 275, n° 9). Des restes de cuir ou de tissu sont conservés à l’intérieur du mordant dont la brasure de l’extrémité distale a disparu. Les fouilles de la rue Mongat à Douai dans le Nord ont fourni deux mordants avec un rivet en partie distale : un exemplaire non décoré (datation inconnue)3272 et une pièce (XIVe XVe siècles) dont l’extrémité distale présente une forme entre le triangle et l’arrondi3273. Son bord proximal est découpé d’un grand triangle. 3271 Exemplaire complet, L x l = 6,7 x 1,4 cm (Vivre au Moyen Âge 2002, n° 191). Objet complet, L x l = 4,8 x 0,5 cm (Louis et al. 1998, p. 64, n° 19). 3273 Pièce complète, L x l = 4,7 x 1,25 cm (Louis et al. 1998, p. 64, n° 20). 3272 687 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type B2b : Mordant en alliage cuivreux à deux tôles superposées, à excroissance à tôles rapportées et à deux rivets traversant alignés dans la longueur (fig. 288, n° 14) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2041, couche de dépotoir, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Le mordant présente deux petites tôles épaisses à vocation ornementale rapportées à l’endroit de l’extrémité distale. Un rivet traversant l’ensemble des quatre tôles les maintient en place. La fabrication a débuté par la découpe des tôles et très vraisemblablement des ajours en forme de fenêtre d’architecture. Ces ajours ont été exécutés pour les deux tôles principales. Une fois les deux tôles brasées en leur extrémité distale, un décor gravé a été apposé. Il consiste en lignes orientées dans la largeur du mordant et représentant l’assise de la fenêtre : deux lignes encadrant l’ajour, des lignes obliques figurant un fronton. La gravure est antérieure à la mise en place des tôles de l’extrémité distale. Les extrémités du rivet, la surface et les bords des quatre tôles de l’extrémité distale ont été limés (fig. 297, n° 4). Il semble que le but de l’artisan ait été d’aboutir à une certaine ressemblance avec les extrémités en forme de gland de mordants de type C (fig. 289, n° 11, 13 et 19) du corpus. Avant ou après la décoration, un limage des bords de la partie distale et des ajours a permis de les égaliser. Quatre coups de lime encadrant les ajours ont entaillé l’avers et en partie la tôle revers. Ce mordant présente de fortes similitudes avec un exemplaire de type B3 de même datation (fig. 288, n° 15). Un long et étroit mordant sans ajour, avec une tôle rapportée à l’excroissance distale, gravée d’un quadrillage oblique, a été retrouvé dans l’habitat médiéval de Goltho dans le Lincolnshire. Il provient de l’occupation du site au milieu du XIVe siècle3274. Type B3 : Mordant à deux tôles superposées et à trois rivets traversant (fig. 288, n° 15) Plusieurs sous-types de mordants, la plupart avec les rivets alignés dans la longueur, sont connus hors de Provence. Un premier sous-type avec cet agencement des rivets dans la longueur est illustré par un mordant pratiquement triangulaire découvert dans un niveau de la 3274 Mordant complet, L x l = 7,8 x 0,75 cm (Goodall 1975, p. 91, fig. 43, n° 4) 688 3. Approche croisée du mobilier archéologique deuxième moitié du XIIIe siècle du château d’Ortenbourg dans le Bas-Rhin. Le bord proximal et l’extrémité distale sont incisés de triangles ayant en partie entamé la tôle revers3275. Le deuxième sous-type est représenté par une pièce à l’extrémité distale arrondie issue d’un sondage au château de Montbrun à Lodève dans l’Hérault qui comporte une tôle avers dont le décor embouti est assez caractéristique de l’Époque moderne3276. Deux pièces correspondent à un troisième sous-type : deux de leurs rivets sont alignés dans la largeur en partie proximale, et le troisième est placé en partie distale avant une excroissance quadrangulaire. L’un des objets fut ramassé au château de Saint-Victor-la-Coste dans le Gard3277. Le bord proximal est découpé d’une accolade et les bords des grands côtés semblent mis en évidence par un gradin. Le second artefact, découvert dans un niveau du milieu XIVe - première moitié XVe siècle du site du College of the Vicars Choral à York, est vierge de tout décor3278. Un dernier objet, au décor embouti à volutes, arrondi, avec les trois rivets agencés comme pour le troisième soustype, issu d’un contexte de la première moitié du XVe siècle du château de Rathsamhausen à Ottrott dans le Bas-Rhin, rappelle certains mordants figurés dans l’iconographie du XVe siècle (fig. 98)3279. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 983, couche d’abandon, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Cette pièce incomplète, avec deux rivets conservés, possède de fortes similitudes avec le mordant de type B2c du corpus (fig. 288, n° 15). Elle devait comporter, comme ce dernier, une excroissance distale couverte de petites tôles rapportées. La présence d’un troisième rivet à cet endroit paraît suffisamment probable pour entraîner le classement de l’objet dans le type B3. Tout comme le mordant de type B2c, cet exemplaire arbore à l’avers des lignes gravées en partie proximale, orientées dans la largeur et des coups de lime de part et d’autre des ajours. Des traces de limage s’observent également sur les bords des ajours et sur le bord proximal (fig. 297, n° 3). Le limage été réalisé après superposition des tôles. Le spécimen du type B3 se distingue par une découpe du bord proximal en arc-de-cercle, par un rivet retenant 3275 Artefact complet, L x l = 5,8 x 1,3 cm (Rieb et Salch 1973, n° 339). Exemplaire complet, L x l = 3,15 x 1,05 cm (Delon 1992, p. 155). 3277 Spécimen complet, L x l = 3,45 x 1,3 cm, H.S. (Vallauri 1969, fichier papier). 3278 Objet complet, L x l = 2,4 x 1,2 cm (Ottaway et Rogers 2002, p. 2899, n° 14362). 3279 Pièce complète, L x l = 1,8 x 2,1 cm (Rieb et Salch 1973, n° 309). 3276 689 3. Approche croisée du mobilier archéologique un fragment de tôle qui passait au travers de l’ajour et était donc visible depuis les deux côtés du mordant. Cependant, le revers ne comporte pas de gravure. Un mordant trouvé dans la chapelle des Gicons à Saint-Disdier dans les Hautes-Alpes comporte de petites tôles rapportées à l’endroit d’une excroissance distale arrondie et retenues par un des trois rivets3280. Cette pièce dont les trois rivets sont alignés dans la longueur n’arbore ni ajours, ni découpe, ni gravure. Type B4 : Mordant à deux tôles superposées et à quatre rivets traversant (fig. 288, n° 16) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2087, couche de dépotoir, vers 1345 - vers 1360. Ce mordant comporte quatre perforations alignées, disposées sur toute sa longueur, pour le passage de rivets. Seul le rivet en position proximale permettait la fixation sur la ceinture. Une ligne de zigzags, au tracé délié, court le long des grands côtés. Ces gravures sont recoupées par les découpes triangulaires visibles en bordure proximale et en partie distale, lesquelles ont été réalisées après le brasage des deux tôles constitutives du mordant. L’angle de coupe du ciseau est oblique. Des coups de lime ont été appliqués après la découpe. Le mordant comportait deux appliques en tôle emboutie maintenues au moyen des quatre rivets. Il n’en reste qu’une de type D2b en place. Cette applique pourrait figurer un animal fabuleux. Une partie de la composition ornementale du mordant – les appliques embouties de type D2b encadrées par des zigzags – rappelle celle d’une chape de type B4 liée à une boucle de type B12 (fig. 142, n° 12) trouvée dans le même contexte que le mordant. Ces deux pièces devaient appartenir à la même ceinture. Une boucle de type B12 avec chape de type B2b ayant conservé une seule applique fragmentaire (fig. 142, n° 11) trouvée à Avignon est également à rapprocher du mordant varois. 3280 Mordant complet, L x l = 5,9 x 1,9 cm, H.S. (Vallauri 1969, fichier papier). 690 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type B, sous-type indéterminé (fig. 289, n° 1 à 4) Gard  Cloître, Saint-Gilles : n° 2010-11, sépulture, XIIe - milieu XVIIe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 991, couche d’abandon, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1048, premier tiers du XIVe siècle.  Rue Carreterie, Avignon : n° 279, datation inconnue. Quatre mordants incomplets dont le nombre de rivets n’est pas connu sont identifiés comme appartenant au type B. Ils ont une extrémité distale arrondie ou triangulaire. Deux d’entre eux sont décorés par gravure : traits incisés et points circulaires poinçonnés (fig. 289, n° 4), ligne de zigzags ondulée entre deux lignes de zigzags (fig. 289, n° 2). Type C : Mordant à multiples tôles superposées (fig. 289, n° 5 à 19) Les mordants de type C sont classés en cinq sous-types établis selon le nombre de rivets. Les pièces du corpus sont composées d’un assemblage de trois ou cinq tôles superposées. Les mordants de type C ne doivent pas être confondus avec des mordants de type G dont la plaque intermédiaire est issue de la fonte. Type C1 : Mordant à multiples tôles superposées et à unique rivet traversant (fig. 289, n° 5) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1029, fin XVe - début XVIe siècle. Les faces avers et revers de ce mordant à ergot terminal arrondi sont étamées ou argentées. La tôle intermédiaire est de très forte épaisseur. La bordure proximale est découpée d’une accolade. Cette découpe a probablement été réalisée avant la superposition des tôles puisque la bordure proximale de la tôle revers a été entaillée depuis sa face extérieure. À 691 3. Approche croisée du mobilier archéologique l’avers du mordant, la découpe est intégrée dans un motif gravé, antérieur à la mise en place du rivet puisque celui-ci interrompt deux des quatre lignes parallèles gravées, orientées dans la largeur. Des pièces d’une configuration légèrement différente sont signalées. La bordure proximale d’un objet mis au jour dans une ferme du XIVe siècle au hameau du Bellé à Neuilly-en-Thelle dans l’Oise est découpée d’un trèfle. Un trèfle de plus petite taille figure son extrémité distale3281. Celle-ci s’achève en triangle pour un artefact issu d’un niveau daté vers 1270 - vers 1350 du site de Billingsgate lorry Park à Londres3282. Type C2 : Mordant à multiples tôles superposées et à deux rivets traversant (fig. 289, n° 6 à 8) Les caractéristiques retenues pour la classification des mordants de type C2 sont la disposition des rivets et l’aspect de l’extrémité de la partie distale du mordant. Il a donc été distingué les exemplaires à excroissance en partie distale et à deux rivets traversant alignés dans la largeur (sous-type C2a) et un spécimen à extrémité triangulaire et à deux rivets traversant alignés dans la longueur (sous-type C2b). D’autres formes sont illustrées par la bibliographie. Les fouilles de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher en fournissent des exemples. Un premier mordant, récupéré hors stratigraphie, est composé d’une partie quadrangulaire – avec les deux rivets alignés dans la largeur (?) – qui reçoit l’extrémité de la lanière, et d’une partie ovoïde prolongée par le long ergot pentagonal de la tôle intermédiaire3283. Deux autres objets issus d’un niveau d’occupation de bâtiment de la première moitié du XIVe siècle3284 et d’un remblai de construction de la seconde moitié du siècle s’achèvent par un ergot arrondi3285. Le plus récent est découpé d’un triangle en bordure proximale. Les rivets sont, semble-t-il, alignés dans la longueur, l’un en partie proximale, l’autre en partie distale. Cet agencement des rivets associé à un ergot distal parfois pointu s’observe pour cinq exemplaires découverts sur le site de Billingsgate lorry Park à Londres, dans des contextes datés vers 1270 - vers 1350 et de la 3281 Exemplaire complet, L x l = 3,9 x 1,75 cm (Legros 2001, n° 106). Spécimen presque complet, L x l = 2,5 x 0,7 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 146, n° 692). 3283 Objet complet (?), L x l = 4,9 x 2,4 cm (Ibid., p. 123, n° 215). 3284 Intégrité inconnue, L x l = 3,1 x 1,3 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 123, n° 2722). 3285 Artefact incomplet, L x l = 2,8 x 1,2 cm (Ibid., p. 123, n° 166). 3282 692 3. Approche croisée du mobilier archéologique seconde moitié du XIVe siècle3286. Les quatre spécimens les plus récents sont découpés d’un grand arc de cercle en bordure proximale. D’une phase de la seconde moitié du XIVe siècle du même site londonien provient un mordant dont l’extrémité distale angulaire est recouverte d’une petite tôle rapportée incisée de triangles3287. Une ligne est incisée près des bords latéraux et en bordure distale du corps à proximité de l’excroissance distale. Le Museum of London conserve un mordant dont l’excroissance distale losangique est également incisée de triangles. Cependant, il ne présente pas de tôles rapportées. L’avers du corps est gravé de losanges et de triangles rayés3288. Type C2a : Mordant en alliage cuivreux à trois tôles superposées, à excroissance en partie distale et à deux rivets traversant alignés dans la largeur (fig. 289, n° 6 et 7) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1175, seconde moitié XIVe siècle.  Rue Carreterie, Avignon : n° 87, datation inconnue. Ces deux mordants sont chacun constitués de deux tôles enserrant une troisième tôle plus courte mais plus épaisse. Des restes de cuir (fig. 289, n° 6) ou de tissu (fig. 289, n° 7) ont été observés. La bordure proximale est, dans un cas, découpée de trois petits arcs de cercle (fig. 289, n° 7). Les objets comportent une excroissance terminale en partie distale : un pentagone (fig. 289, n° 6) ou un ergot arrondi (fig. 289, n° 7). Une pièce mise au jour dans un remblai de démolition de la seconde moitié du XIVe siècle sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher pourrait avoir une extrémité distale ayant une forme approchante de l’ergot arrondi. L’artefact, non dessiné, est décrit comme s’achevant par un « chevron convexe »3289. Les deux mordants du corpus sont relativement trapus. L’exemplaire mis au jour dans une ferme du lieu d’Hejninge à Slagelse dans la région de Sjælland au Danemark est longiligne. Le corps trapézoïdal – poinçonné de points ? – est terminé par une excroissance 3286 Pièces complètes, L x l = 2,5 x 1,2 et 2,2 x 1 et 3,1 x 1,3 et 3,2 x 1,3 et 3,4 x 1,7 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 148, n° 695 à 698, 701). 3287 Mordant complet, L x l = 4,3 x 1,1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 148, n° 703). 3288 Exemplaire complet, L x l = 4,2 x 0,9 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 148). 3289 Objet complet, L x l = 2,8 x 1,1 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 123, n° 272). 693 3. Approche croisée du mobilier archéologique aux bords ondés. Les archéologues ayant réalisé la découverte proposent sans certitude de dater l’occupation de la ferme du XIIIe siècle3290. Type C2b : Mordant en alliage cuivreux à trois tôles superposées, à extrémité triangulaire et à deux rivets traversant alignés dans la longueur (fig. 289, n° 8) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Victor, Marseille : n° 144, ossuaire, seconde moitié XIVe siècle. Les rivets en fer de ce mordant (fig. 289, n° 8), à corps triangulaire et extrémité distale triangulaire, sont alignés dans la longueur. Les parties distales des tôles n’ont semble-t-il pas été brasées et ne sont retenues que par le rivet. Il manque une portion de la partie proximale de la tôle du revers. Les opérations archéologiques à Londres ont livré deux mordants de type C2b. Leur corps est quadrangulaire et non triangulaire comme pour l’artefact du corpus. L’exemplaire le plus ancien (vers 1270 - vers 1350) est gravé à l’endroit des rivets d’un carré subdivisé en quatre carrés. La gravure entaille la tête des rivets. Le spécimen le plus récent (seconde moitié XIVe siècle) est vierge d’ornementation3291. Type C3 : Mordant à multiples tôles superposées et à trois rivets traversant (fig. 289, n° 9) Un contexte de la seconde moitié du XIVe siècle de la fouille du site de Billingsgate lorry Park à Londres a fourni un mordant à découpe en arc de cercle de la bordure proximale, terminé par un ergot en partie distale et dont l’un des trois rivets est localisé en partie distale. Les deux autres sont alignés dans la largeur en partie proximale3292. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1044, premier tiers XIVe siècle. 3290 Spécimen presque complet, L x l = 8,3 x 1,5 cm (Steensberg 1986, p. 11). Mordants complets, L x l = respectivement 3,3 x 0,7 et 1,7 x 1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 146, 148, n° 693 et 694). 3292 Spécimen complet, L x l = 2,6 x 1,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 148, n° 699). 3291 694 3. Approche croisée du mobilier archéologique Ce mordant comporte trois tôles intermédiaires entre les deux tôles principales. Son extrémité distale est terminée par un ergot arrondi. Trois perforations pour rivet sont alignées dans la largeur en partie proximale. Deux d’entre elles sont occupées par des rivets. Il est possible que la perforation centrale appartienne à un premier état, puis que l’artisan ait changé d’avis ou que les deux suivantes aient été ajoutées lors d’une réparation, pour une meilleure fixation. Il n’est donc pas certain que cet objet, qui retient des restes de tissu, appartienne au type C3. Type C4 : Mordant à multiples tôles superposées et à quatre rivets traversant (fig. 289, n° 10) Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 244, comblement de tranchée de fondation, 1491 - 1496. L’objet, vraisemblablement trouvé en position résiduelle – la tranchée est creusée dans un dépotoir du dernier tiers du XIVe siècle –, était constitué de trois tôles métalliques superposées. Il reste la tôle avers ou revers et la tôle intermédiaire. Deux rivets alignés dans la largeur en partie proximale traversaient les tôles avers et revers et l’extrémité de la courroie qui venait buter contre la tôle intermédiaire. Celle-ci et les deux autres tôles sont réunies en partie distale du mordant par deux rivets alignés dans la longueur. La bordure proximale du mordant est découpée d’une accolade. Son bord distal à ergot arrondi rappelle la forme d’une accolade. Un mordant à deux rivets alignés dans la largeur en partie proximale et aux deux autres alignés dans la longueur en partie distale provient d’un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle du site de Billingsgate lorry Park à Londres3293. Il est découpé d’un grand arc de cercle en partie proximale et se termine par une pointe en partie distale. 3293 Exemplaire complet, L x l = 2,6 x 1,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 148, n° 700). 695 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type C5 : Mordant à multiples tôles superposées et à cinq rivets traversant (fig. 289, n° 11) Bouches-du-Rhône  Château des Baux, Les Baux-de-Provence : n° 284, contexte du XIVe siècle. La pièce des Baux-de-Provence comporte une ornementation gravée et ajourée déjà rencontrée à plusieurs reprises parmi les chapes (fig. 288, n° 14) et mordants (ex : fig. 276, n° 24). Son bord proximal est découpé d’un arc de cercle. Un motif constitué d’une ligne de zigzags entre des lignes droites est gravé côté proximal, à proximité de deux ajours en forme de fenêtre d’architecture découpés dans la tôle supérieure. La tôle intermédiaire est évidée en son centre : elle est limitée aux grands côtés dans cette zone. Deux petites tôles embouties de forme ondulée, insérées entre la tôle inférieure et la tôle supérieure, fixées au moyen de rivets traversant les deux tôles et mis en place avant la gravure, évoquent des personnages. Des pans coupés réalisés à la lime, après montage, puisque la tôle intermédiaire est entamée, encadrent les ajours. Ceux-ci sont sommés de deux petits chevrons triangulaires inscrits dans un chevron de plus grande taille. L’ensemble constitue une sorte de fronton. Les triangles entre le grand chevron et le trapèze sont rayés. Ces rayures se retrouvent au-delà d’une bande. Les tôles du corps du mordant se prolongent en une excroissance sur laquelle viennent se fixer deux petites tôles. Elles sont gravées de croix de saint André évoquant les rainures de la coque d’un gland. Un rivet à peine visible à cause d’un limage fixe le tout. Comme d’ordinaire, les bords du mordant ont été limés à des fins d’égalisation. Une attention toute particulière a été portée à l’excroissance proximale pour arrondir le gland. Deux mordants londoniens à cinq rivets appartenant pour l’un à une phase de la seconde moitié du XIVe siècle et pour l’autre de la première moitié du XVe siècle présentent des similitudes avec l’objet du corpus3294. Ils comportent tous deux une extrémité distale en forme de gland. La coque du plus récent est cannelée. Un ajour en forme de fenêtre d’architecture à arc simple pour ce dernier ou à arc trilobé pour l’autre est découpé dans la tôle avers. La tôle intermédiaire est également évidée pour laisser le passage à une petite tôle ondulée qui, lorsqu’elle est complète, est terminée par une forme en amande quadrillée. Cette tôle évoque un pampre végétal surmonté par une fleur non éclose. La base de la tôle est 3294 Pièce incomplète, L cons. x l = 4,4 x 1,3 cm, seconde moitié XIVe siècle, mordant complet, première moitié XVe siècle, L x l = 5,7 x 1,5 cm, Trig Lane, Upper Thames Street (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 148-149, n° 704 et 705). 696 3. Approche croisée du mobilier archéologique insérée entre la tôle avers et la tôle intermédiaire. Elle est traversée par un rivet qui pénètre également les trois tôles principales. La tête du rivet est, pour une pièce, entaillée par une ornementation gravée composée d’une bande de croix de saint André orientée dans la largeur. La bordure proximale est découpée de deux arcs de cercle encadrant un arc de cercle prolongé par une incision profondément creusée dans le métal. Deux rivets sont alignés dans la largeur. La partie proximale de l’autre mordant est manquante mais sa partie distale est creusée pour faire apparaître une feuille sur un fond de lignes incisées. Un rivet est visible au milieu de la partie distale des deux mordants. L’excroissance en forme de gland reçoit deux petites tôles qui participent à la mise en relief. Un rivet assure à cet endroit la fixation des tôles entre elles3295. Un limage permet d’arrondir la forme obtenue. Type C, sous-type indéterminé (fig. 289, n° 12 à 19) Bouches-du-Rhône  Collège Mignet, Aix-en-Provence : n° 2002-5, sol, 1335 - milieu XIVe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1722, niveau de régularisation de sol, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 977, sol de zone de circulation extérieure ?, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 936, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400 ; n° 793, comblement de fosse, Époque moderne.  Rue Carreterie, Avignon : n° 115, 263 et 339, datation inconnue. Huit fragments de mordants constitués de trois tôles superposées n’ont pu être attribués à un des types précédemment définis. La tôle intermédiaire est ordinairement plus épaisse. L’interprétation d’un objet d’Avignon en tant que mordant n’est pas certaine (fig. 289, n° 12). Il présente à une de ses extrémités cassées une découpe incomplète prolongée par des traits agencés en un triangle. Deux exemplaires à extrémité distale arrondie (fig. 289, n° 15) ou triangulaire (fig. 289, n° 14) ne comportent pas ou plus de décor gravé. La bordure proximale d’un de ces deux objets est découpée de deux triangles (fig. 289, n° 15). 3295 Le rivet n’est pas formellement dessiné pour l’un des deux objets, mais il est plus que probable. Notons que sur l’autre mordant, le rivet retenant la tôle de l’ajour n’est pas dessiné bien qu’il soit visible sur une photo d’accompagnement. 697 3. Approche croisée du mobilier archéologique Un troisième spécimen (fig. 289, n° 13) est constitué de deux tôles dont l’excroissance distale est enserrée entre deux petites tôles maintenues par un rivet (fig. 297, n° 2). L’épaisseur ainsi obtenue a été limée pour obtenir la forme voulue. L’avers du mordant fragmentaire mis au jour sur le site du collège Mignet à Aix-enProvence (fig. 289, n° 17) est poinçonné de petits points formant une bande en zigzags entre deux bandes légèrement ondulées. L’amorce d’une excroissance distale est visible. Chaque ligne de points comporte le même nombre de points que celle qu’elle a en vis-à-vis, ce qui laisse soupçonner l’emploi d’un poinçon à deux pointes coniques3296. Un mordant issu de la fouille de la rue Carreterie à Avignon (fig. 289, n° 18) est orné de zigzags gravés limitant et laissant apparaître en réserve un motif d’entrelacs angulaire avec, entre les lacets, de petites « plantes » à quatre feuilles. L’excroissance distale est en forme de fleur de lys et comporte deux ouvertures circulaires. Les deux derniers mordants sont traversés par un ou deux rivets à tête bombée ou à tête bouletée retenant une applique de type A1 (fig. 289, n° 16) ou une applique de type AC gravée de zigzags (fig. 289, n° 19). Ces appliques ont été ajoutées après la décoration gravée de l’avers de la chape : un motif cordé angulaire délimité par des zigzags dans un double cadre de zigzags (fig. 289, n° 16), un cadre d’une seule ligne de longs zigzags (fig. 289, n° 19). Un petit massif mouluré rappelant un gland, gravé d’un quadrillage de lignes obliques figurant la coque du gland, est brasé sur l’extrémité distale d’un des deux mordants (fig. 289, n° 19). Type D : Mordant en coffret de tôles (fig. 290 à 292) Les mordants en coffret de tôles sont classés en six sous-types établis en fonction de leur constitution et de leur forme. Les exemplaires fabriqués à partir de deux tôles, arrondis en partie distale et ne comportant pas de crochet(s) terminaux, appartiennent au sous-type D1. Les sous-types D2 à D5 rassemblent les pièces composées de deux tôles et d’une languette latérale. Ils regroupent des mordants ovoïdes (sous-type D2), quadrangulaires (sous-type D3), arrondis en partie distale (sous-type D4) ou à excroissance distale (sous-type D5). Les mordants à deux tôles terminés par un ou plusieurs crochets sont réunis dans le sous-type D6. 3296 Une ligne comporte un point surnuméraire à cause d’une cassure oblique de la tôle qui a ôté son binôme. 698 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les fouilles londoniennes fournissent plusieurs types de mordants en coffret de tôles absents des contextes provençaux. Certains d’entre eux sont réalisés avec une tôle pliée dans la largeur ; les faces latérales sont constituées par des languettes dont la forme triangulaire s’adapte à la variation de l’espace entre l’avers et le revers3297. Un autre spécimen est constitué de deux tôles séparées par une languette latérale. Son extrémité est triangulaire3298. Un artefact à extrémité distale triangulaire (N.D.S.) provient du castell de Sant Miquel de la Vall à Aransìs dans la province de Lleida en Espagne3299. Quelques mordants à deux tôles à extrémité distale angulaire sont également connus. Un premier mordant rectangulaire provient d’une ferme détruite par le feu, occupée entre vers 1500 et vers 1640, au lieu-dit Hejninge à Slagelse dans la région de Sjælland au Danemark3300. Un rivet est disposé à chaque coin. Deux autres perforations de plus grande taille de fonction inconnue sont situées près des bords latéraux. L’avers de la tôle restante est gravé d’une suite de cinq jambages verticaux de lettres sur un fond de tirets. Un deuxième mordant rectangulaire a été récupéré hors stratigraphie sur le site de l’habitat médiéval de Goltho dans le Lincolnshire3301. Il est gravé d’une grande rosace réalisée avec un compas. Quatre mordants à extrémités angulaires ont été découverts à Londres. Parmi eux, un objet dont il ne reste que l’avers, sans rebord distal replié, gravé de cinq lignes obliques de zigzags, avec trois perforations pour rivets, deux alignées dans la largeur en partie proximale, une en partie distale. Son contexte est daté vers 1270 - vers 13503302. La disposition des rivets est la même pour une pièce des collections du Museum of London, découpée d’une accolade en bordure proximale et gravée de pampres végétaux3303. Les deux autres mordants londoniens comportent deux rivets alignés dans la largeur en partie proximale. Pour un exemplaire sans décor, du second tiers ou de la seconde moitié du XIVe siècle, l’extrémité distale est trapézoïdale3304. En cet endroit, la tôle avers se replie par-dessus la tôle revers. Le Museum of London conserve le quatrième mordant3305. Sa partie distale est triangulaire. Il est gravé de lignes courbes ou droites et des zigzags laissent apparaître en réserve de possibles motifs végétaux. Trois mordants en fer étamés ont été également mis au jour à Londres. Un 3297 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 130, n° 598 à 602. Ibid., p. 138, n° 640. 3299 Exemplaire complet, L x l = 5,5 x 1,1 cm (Bolos et al. 1981, p. 160, n° 84). 3300 Moitié avers, L x l = 4,85 x 5,05 cm (Steensberg 1986, p. 81). 3301 Artefact complet, L x l = 3,95 x 4 cm (Goodall 1975, p. 91, fig. 43, n° 5). 3302 Moitié de mordant, L x l = 3,8 x 2,8 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 135, n° 616). 3303 Mordant complet, L x l = 2,7 x 2,2 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 136). 3304 Avers de mordant, L x l = 4 x 3,7 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 135, n° 617). 3305 Pièce complète, L x l = 4,7 x 4,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 136). 3298 699 3. Approche croisée du mobilier archéologique exemplaire à deux tôles, ovoïde, avec quatre rivets assurant la fixation, est issu d’un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle3306. Deux spécimens à partie distale triangulaire, avec six et quatre rivets, sont datés respectivement vers 1330 - vers 1380 et de la seconde moitié du XIVe siècle3307. Type D1 : Mordant en coffret à deux tôles arrondi en partie distale, sans crochet(s) (fig. 290, n° 1 à 4) Gard  Maison des Chevaliers, Pont-Saint-Esprit : n° 58, couche d’aménagement moderne, Époque moderne. Vaucluse  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-236, datation inconnue.  Rue Carreterie, Avignon : n° 14, datation inconnue.  65, place de Cabassole, Cavaillon : n° 5, H.S. Les mordants en coffret à deux tôles du corpus sont constitués d’une tôle avers aux bords repliés et d’une tôle revers brasée sur les extrémités du rebord de la tôle avers. Leur extrémité distale est arrondie. Deux pièces de tailles différentes mais aux caractéristiques similaires ont été découvertes sur deux sites vauclusiens (fig. 290, n° 1 et 3). L’avers est ajouré d’un « fer de doloire » et le bord proximal crénelé. Un mordant de type A2a présente les mêmes caractéristiques (fig. 288, n° 10). Les bords de sa partie avers sont également retournés vers l’intérieur mais la pièce a été confectionnée à partir d’une seule tôle. Contrairement au plus petit (fig. 290, n° 1), le mordant le plus grand a conservé sa tôle revers plate (fig. 290, n° 3). Sa surface, abîmée par l’oxydation, ne laisse pas entrevoir de décor. L’avers de l’exemplaire le plus petit comporte un gradin le long des grands côtés (fig. 290, n° 1). Un ajour similaire à celui des pièces provençales est pratiqué dans l’avers d’un mordant de type D4 découpé de petits triangles en bordure proximale, découvert dans un niveau du début de l’Époque moderne à Londres3308. 3306 Exemplaires complets, L x l = 5 x 3,5 et 5,6 x 2,8 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 135, n° 620 et 621). 3307 Spécimen complet, d = 4,5 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 135, n° 622). 3308 Objet complet, L x l = 3,6 x 1,4 cm (Egan et Forsyth 1997, fig. 15.2). 700 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les fouilles de la rue Carreterie à Avignon (fig. 290, n° 2) ont fourni un grand mordant gravé à l’avers, sur fond rayé, d’un homme portant un casque décoré. Le bord proximal crénelé est orné de traits gravés disposés en éventail alternant avec des incisions profondes qui découpent le bord proximal. La tôle revers, plate, est gravée de quatre étoiles à six branches et comporte deux perforations. Deux perforations circulaires ont été réalisées dans les bords repliés de la tôle avers du mordant gardois (fig. 290, n° 4). Il est gravé d’un écu gironné au chef retrait3309. Un triangle sur deux et le chef retrait sont remplis de zigzags. La bordure proximale est découpée de façon à laisser apparaître des demi-ovales. La régularité des traits droits gravés est en faveur de l’utilisation d’une règle. L’aspect du revers n’est pas connu. Les fouilles de la Crypta Balbi à Rome3310 ont livré un mordant arrondi en partie distale avec deux perforations dans la tôle revers. L’objet italien, trouvé dans un contexte des années 1630 - 1700, est gravé d’un écu échiqueté dont une case sur deux est marquée de traits obliques parallèles. Des incisions et une encoche triangulaire décorent la partie proximale. L’avers est gravé d’un quadrillage oblique dont les cases sont ornées de trois incisions disposées en éventail. Le Museum of London conserve un avers de mordant assez large dont la bordure proximale est découpée de deux petits triangles encadrant un pique3311. Le pique est souligné par trois incisions qui en reprennent la forme. Sa pointe est prolongée par une incision. Une bande de motifs gravés qui pourraient évoquer des lettres est disposée le long des bords latéraux et distal. Au musée anglais appartient également un autre mordant décoré à l’avers d’un écu surmonté d’un crénelage dont les merlons sont gravés de traits disposés en éventail3312. Ce motif en éventail se retrouve au revers, à l’intérieur d’un quadrillage oblique. Deux perforations traversent la tôle revers en partie proximale. Les objets du corpus et les objets mentionnés jusqu’à présent en tant qu’éléments de comparaison constituent un ensemble qui peut paraître hétéroclite. Toutefois, certaines caractéristiques les rapprochent : le rapport des dimensions est assez homogène, des perforations de fonction inconnue sont présentes dans plusieurs cas, certaines pièces sont gravées d’un écu et la tôle revers, lorsqu’elle est observable, est décorée. 3309 Le chef retrait est une figure héraldique désignant une bande couvrant la partie supérieure de l’écu. (Wenzler 2002, p. 162, n° 82). Le gironné consiste en une découpe rayonnante de l’écu autour d’un point central (Ibid, p. 124). 3310 Mordant complet, L x l = 2,6 x 1,8 cm (D’Ercole 1985, p. 582, n° 1050, fig. XCIV). 3311 Moitié de mordant, L x l = 5,2 x 4,8 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 136). 3312 Objet presque complet, L x l = 4,3 x 3,3 cm (Fingerlin 1971, n° 398, n° 289). 701 3. Approche croisée du mobilier archéologique Des pièces plus allongées, toujours arrondies en partie distale, proviennent du castrum de Cabaret à Lastours dans l’Aude3313, d’un niveau de destruction de la seconde moitié du XVe siècle et de la première moitié du XVIe siècle d’une maison sur motte à East Haddlesey dans le Yorkshire3314. Il n’est conservé de l’exemplaire audois que la tôle avers, laquelle est gravée de petits triangles rayés le long des bords repliés. L’objet conserve des traces de dorure. Trois perforations pour rivet sont visibles près du bord proximal. Une quatrième perforation est localisée près du bord distal. Cet objet est-il un mordant de type B4, C4 ou D5 ? La bordure proximale du spécimen anglais est découpée de deux petits triangles encadrant un trèfle dont la feuille centrale est prolongée par une incision. Les deux rivets de la partie proximale sont situés de part et d’autre du trèfle, donc au milieu de la largeur. Deux autres rivets sont localisés près des bords latéraux, en partie centrale. Un cinquième rivet prend place près du bord distal. Aucune ouverture distale n’étant signalée, il semble bien que ce mordant appartienne au type D1 et non au type D5. Un mordant avec un unique rivet, décoré sur ses deux faces principales, provient d’un niveau de démolition du XVIe - première moitié XVIIe siècle de l’église Saint-Mary à Winchester. Il est porteur sur une face de l’inscription CHARNOK sur un fond rayé et, sur l’autre face de la figure de sainte Catherine, sous un arc, couronnée, tenant un livre, sa roue emblématique émergeant de sa robe. Les lettres T. C. sont gravées sous ses pieds. Les différents motifs de cette face sont placés sur un fond de zigzags. D. Hinton suppose que les initiales pourraient correspondre à un certain Thomas Charnok qui mourut à Winchester en 15263315. Les éléments de comparaison rassemblés nous conduisent à privilégier une attribution au début de l’Époque moderne pour les mordants de type D1, peut-être le XVIe siècle et le début du XVIIe siècle. Type D2 : Mordant en coffret ovoïde à languette(s) latérale(s) (fig. 290, n° 5 et 6) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1014, première moitié XIVe siècle ?, n° 1015, H.S. 3313 Moitié avers, L x l = 6,75 x 3,4 cm (Barrère 1999, p. 827-828, fig. 2, n° 17). Spécimen complet, L x l = 5,6 x 2,75 cm (Goodall 1973, p. 93, fig. 37, n° 1). 3315 Objet complet, L x l = 6 x 1,75 cm (Hinton 1990d, p. 504-505, n° 1082). 3314 702 3. Approche croisée du mobilier archéologique Ces deux mordants sont constitués de deux tôles circulaires brasées sur une languette placée de chant. La présence passée d’une languette est attestée pour l’exemplaire incomplet, par des traces de brasure le long des bords des faces internes des tôles. Un rivet plus ou moins massif assurait la fixation. Un fragment de mordant de type D2 provient du château de Peyrepertuse (N.D.S.) à Duilhac-sous-Peyrepertuse dans l’Aude. La tôle conservée est traversée par trois rivets disposés près des bords et à peu près équidistants les uns des autres. Un seul des rivets assurait la fixation du mordant sur la lanière. Type D3 : Mordant en coffret quadrangulaire à languette(s) latérale(s) (fig. 290, n° 7) Var  Bagatelle/Abreuvoir Saint-Michel, Châteauvert : n° 21, sépulture de femme adulte, fin XIIe - XIVe siècle. Cet objet est constitué de deux tôles de même format qui étaient réunies l’une à l’autre par un renfort brasé. Un fragment de tissu est conservé autour du rivet. La tôle avers est décorée de deux longues lignes gravées le long des grands côtés, de deux autres lignes soulignant l’axe central, de lignes obliques aux extrémités. De petits segments orientés dans la largeur ou dans la longueur du mordant parsèment sa surface à intervalles réguliers. Ce type de décor rappelle celui observé sur deux chapes de type C1b (fig. 250, n° 5, fig. 275, n° 11) et un mordant de type D4 (fig. 290, n° 8). L’objet du corpus fut mis au jour avec une boucle de type F4a à chape de type B1a, avec un mordant de type D5, au moins trente-quatre appliques de type P1a et une bague de type A1c. Des mordants de type D3, parfois très allongés, éventuellement décorés de files opposées de dents de loup le long des grand côtés, d’un motif abstrait de traits ou d’ocelles pointés3316 ont été mis au jour à Londres dans des niveaux datés entre le deuxième tiers du XIIIe siècle et la première moitié du XVe siècle. 3316 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 136, n° 623 à 629, 642. 703 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type D4 : Mordant en coffret arrondi en partie distale à languette(s) latérale(s) (fig. 290, n° 8) Vaucluse  166, rue Carreterie, Avignon : n° 1, couche de cendre, XIVe siècle. Deux appliques embouties de type D2b, en forme d’animal fabuleux à longue queue (fig. 290, n° 7), ont semble-t-il été brasées, et non rivetées, sur l’avers de ce mordant. Des appliques embouties s’observent également sur des chapes des types B2b et B4 appartenant à des boucles de type B12 (fig. 142, n° 11 et 12). La configuration du mordant laisse supposer qu’il n’a pas comporté d’excroissance distale mais un bout légèrement arrondi, comme sur quelques pièces de la bibliographie. La partie distale semble manquer puisqu’aucun rivet n’est observé. Cela peut aussi être le résultat de l’oxydation. Une étude de visu de cet objet eut été nécessaire mais l’objet n’a pu être retrouvé en dépôt archéologique. En Italie, la fouille du cimetière du village médiéval de Quattro Macine à Giuggianello dans la province de Lecce, a livré l’ensemble des accessoires métalliques d’une ceinture. Ils étaient positionnés sur le bassin du squelette d’une jeune fille de 7 à 9 ans3317 inhumée entre 1318 et 1431 d’après l’intervalle à deux sigmas d’une datation C14. Les éléments métalliques sont une boucle de type E4d à chape de type A2b, des appliques des types M2 et P3 et le mordant. Ce dernier comporte deux rivets alignés dans la largeur en partie proximale et deux triangles découpés dans la bordure proximale. Il est porteur d’une décoration gravée consistant en losanges et triangles rayés contenus dans des triangles et losanges nus. Les losanges sont alignés au milieu de la tôle avers, les triangles sont sur les côtés. Les éléments métalliques d’une deuxième ceinture, cette fois en argent, ont été mis au jour dans une couche d’abandon du XVIe siècle au castello della Motta di Savorgnano à Povoletto dans la province d’Udine3318. Ils consistent en une boucle de type E4b – ce type est attribué aux XIIIe et XIVe siècles – avec une chape de type A4a et en un mordant. Le mordant et la chape sont ciselés d’un même motif répétitif de demi-cercles rayés et de bossettes. 3317 Mordant complet, L x l = 8,5 x 1,4 cm (Arthur et al. 2008, p. 299). L’identification du sexe de l’individu est fondée sur la présence d’une boucle d’oreille. 3318 Artefact complet, L x l = 5,9 x 1,15 cm (Piuzzi 1998, p. 282-284, fig. 5 ; Piuzzi et al. 2003, p. 98 ; Piuzzi 2003, p. 175). 704 3. Approche croisée du mobilier archéologique Deux mordants à bouts ronds sont signalés sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher dans des contextes du XIVe siècle3319. Le plus petit, sans décor, est issu d’une occupation de bâtiment de la seconde moitié du XIVe siècle. Le plus grand appartient à une occupation de la première moitié du XIVe siècle. Sa bordure proximale est découpée d’un trilobe. Trois ajours en forme de quadrilobe ont été découpés au milieu des tôles avers et revers. Ils sont inscrits à l’avers dans des losanges délimités par des tirets. Des triangles en tirets occupent le reste de l’espace. Un mordant sans décor issu d’un niveau de comblement de fosse d’un l’atelier métallurgique du second quart du XIVe siècle rue Mongelas à Paris a fourni un petit mordant sans décor3320. Au Royaume-Uni, à Londres, un groupe d’une dizaine de pièces a été trouvé dans des contextes datés entre le deuxième tiers du XIIIe siècle et la seconde moitié du XIVe siècle3321. Ils comportent un ou deux rivets alignés dans la largeur en partie proximale. La pièce la plus ancienne et l’un des artefacts les plus récents sont poinçonnés le long des grands côtés de files de dents de loup opposées par la base3322. Les deux rivets d’un objet de la seconde moitié du XIVe siècle ont été remplacés en cours d’utilisation par un fil en alliage cuivreux traversant les deux perforations3323. Type D5 : Mordant en coffret rectangulaire à excroissance distale, à languette(s) latérale(s) (fig. 290, n° 9 à 11 ; fig. 291, n° 1 à 12) Bouches-du-Rhône  Place du Général de Gaule, Marseille : n° 1067, vers 1320 - vers 1360. Var  Bagatelle/Abreuvoir Saint-Michel, Châteauvert : n° 2 et 17, à hauteur du bassin de femmes adultes, fin XIIe - XIVe siècle.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1470, sol de zone de circulation et foyer, n° 1487, couche d’occupation avec déchets de cuisine, n° 2188, sol de bâtiment, 3319 Objets complets, L x l = 4,7 x 1 et 7,5 x 1,2 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 123, n° 231 et 2564. 3320 Pièce complète, L x l = 3,4 x 0,6 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B.1, fig. 21, n° 198-200) 3321 Objets non décrits dans la suite du commentaire : entre 1,9 x 0,9 et 3,1 x 0,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 136-138, n° 631 à 633, 635 à 638). 3322 Avers de mordant, L x l = 11,5 x 1,7 cm, deuxième tiers XIIIe siècle, artefact incomplet, seconde moitié XIVe siècle, L cons. x l = 3,7 x 1,7 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 136-138, n° 630 et 639). 3323 Exemplaire complet, L x l = 1,8 x 0,9 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 136-138, n° 634) 705 3. Approche croisée du mobilier archéologique n° 3713, couche de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 2973, sol de bâtiment, n° 3205, couche de dépotoir, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 1626 et 1895, sol de bâtiment, n° 2283, couche de dépotoir, vers 1370/1375 - vers 1415/1420 ; n° 3534, H.S. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 395, seconde moitié XIVe siècle.  Rue Carreterie, Avignon : n° 192, datation inconnue. Les mordants du type D5 sont constitués de deux tôles brasées sur une ou deux languettes disposées de chant. Dans le cas d’une unique languette, l’étroite bande de tôle comporte une pliure, matière à une excroissance distale (fig. 290, n° 11 ; fig. 291, n° 7 à 9). Lorsque les languettes sont au nombre de deux, elles se rejoignent dans la zone distale et traversent pour plusieurs d’entre elles une sorte de bouton composé de deux cupules embouties (fig. 291, n° 1 à 3). Il se peut que ces deux languettes résultent de la découpe de la pliure d’une languette unique. Un possible bouton de mordant provient du site de l’Impasse de l’Oratoire à Avignon (fig. 291, n° 6). Les cupules sont traversées par une tige, actuellement incomplète, qui a pu être fixée par brasure entre les deux tôles des faces principales du mordant, de la même façon que la tige couverte d’incisions obliques d’un mordant du castrum Saint-Jean à Rougiers (fig. 290, n° 10). Pour cette pièce, les deux languettes viennent buter contre la tige. À l’exception d’un probable fragment de tôle revers (fig. 291, n° 8) et d’un morceau de tôle avers surélevé au centre à deux rivets alignés dans la longueur (fig. 291, n° 12), l’avers des mordants est orné de décors gravés très diversifiés. Un cadre d’une à deux lignes incisées limite un décor abstrait de zigzags et de lignes parallèles orientées dans la largeur d’un exemplaire (fig. 290, n° 9). Des zigzags remplissent des triangles et des rectangles sur une autre pièce (fig. 290, n° 10). Les traits droits n’y sont aussi pas homogènes que d’habitude (ex : fig. 297, n° 7) : ils ont été obtenus par de petits coups successifs (fig. 297, n° 7). Un décor géométrique complexe fut mis en place sur un mordant à couverte blanche (fig. 290, n° 11). Une frise consistant en une bande en zigzags limitant d’un côté des traits parallèles et de l’autre deux courts segments est localisée le long des côtés latéraux. Des lignes obliques agencées en chevrons sont gravées entre des bandes orientées dans la largeur. D’autres bandes obliques encadrent le rivet. L’avers d’un mordant avec bouton (fig. 291, n° 2 ; fig. 297, n° 6) est incisé de triangles rayés disposés symétriquement, tout comme des segments obliques, de part et d’autre d’une ligne centrale. 706 3. Approche croisée du mobilier archéologique Deux mordants (fig. 291, n° 4 et 7) proposent un décor gravé analogue à celui de plusieurs chapes du corpus, notamment de type B1a (ex : fig. 274, n° 9 à 11). L’un des deux mordants a été retrouvé avec des fragments de ses renforts latéraux (fig. 291, n° 7). Le décor débute en partie distale par quatre triangles tête-bêche formant deux « sabliers » et un motif circulaire abrasé dans le métal. Il se poursuit avec deux triangles rayés et trois incisions disposées en Y, puis avec quatre traits obliques encadrant un long trait orienté dans la largeur de la chape. Deux rectangles rayés et deux triangles rayés, dont la pointe est prolongée par une ligne courbe accostée d’un trait, et encadrant un autre trait, sont visibles en partie proximale. L’ensemble du décor est contenu entre des lignes disposées sur toute la longueur des longs côtés. Deux fragments de mordants décorés de triangles rayés tête-bêche (fig. 291, n° 3 et 5 ; fig. 297, n° 5) ont pu appartenir à des pièces au décor similaire. Le mordant de Châteauvert (fig. 291, n° 7) a été mis au jour dans une sépulture féminine, à hauteur du bassin, avec une boucle de type F4a à chape de type B1a, un mordant de type D3, au moins trente-quatre appliques de type P1a et une bague de type A1c. Trois mordants (fig. 291, n° 9 à 11) comportent des ajours quadrangulaires associés à un même décor gravé consistant en traits obliques en partie distale, en deux triangles rayés tête-bêche accompagnés de croix en partie proximale. De petits segments ont été gravés le long des grands côtés. Une des trois pièces a conservé une plaque de verre peinte de deux personnages (fig. 291, n° 11), retenue par la languette latérale. Ce mordant a été trouvé avec une boucle de type F4a à chape de type B2a (fig. 207, n° 10) sur le bassin d’une femme inhumée entre la fin du XIIe siècle et le XIVe siècle. Un autre mordant de type D5 mis au jour dans un ossuaire du bas Moyen Âge dans l’église Notre-Dame d’Avinionet à Mandelieu-La Napoule dans les Alpes-Maritimes retient une plaque de verre. Aucun décor peint n’est signalé3324. Un seul rivet assurait le maintien de cet objet au bout d’une lanière. Il est gravé en partie proximale d’un losange, subdivisé en quatre losanges et inscrit dans un rectangle rayé. La partie distale est incisée de traits plus ou moins parallèles. La plus grande partie de la tôle avers est découpée de deux ajours quadrangulaires qui laissent apparaître la plaque de verre. Les mordants de type D5 paraissent être spécifiques au sud-est de la France et datables du XIVe siècle. 3324 Spécimen incomplet, L x l = 6,5 x 1,6 cm (Fixot (dir.) 1990, p. 41, fig. 11). 707 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type D6 : Mordant en coffret à deux tôles, à crochet(s) (fig. 212, n° 10 ; fig. 291, n° 13 à 17 ; fig. 292, n° 1 à 9) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne : n° 53 A et 326 B, comblement de caveau des XIVe - XVIe siècles ; n° 2, comblement de caveau des XVIIe - XVIIIe siècles. Bouches-du-Rhône  Château des Baux, Les Baux-de-Provence : n° 676, « niveau d’occupation » du XVIe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1654, N.D.S.  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 96-532 B, contexte inconnu. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1286, H.S.  Place de la Principale, Avignon : n° 1995-40, 1995-41, 1995-158, 1995-191 et 1996-238, datation inconnue.  Rue Banasterie, Avignon : n° 114 et 588, datation inconnue. Il est considéré trois fonctions possibles pour les mordants répertoriés sous le type D6. Premièrement, ils peuvent être interprétés comme des éléments de fermeture de ceintures par agrafage. Ce système d’agrafage nécessite deux mordants (fig. 75, 81, 82, 285), l’un retenant une, deux ou trois chaînettes, l’autre terminé par un, deux ou trois crochets venant s’attacher dans les maillons de la ou les chaînettes. Le catalogue d’I. Fingerlin en propose plusieurs exemplaires en alliage cuivreux ou en métal précieux conservés dans des musées de la moitié nord de l’Europe3325. Leur technique de fabrication est inconnue, l’auteur allemand ne s’étant pas intéressé à cet aspect du mobilier. Cependant, la plupart des pièces répertoriées dans son ouvrage paraissent avoir été fabriquées par la fonte et n’appartiennent donc pas au type D6. Deuxièmement, les mordants de type D6 ont pu n’avoir qu’une simple fonction décorative. Des objets du catalogue d’I. Fingerlin sont associés à des boucles de ceinture des types D2, G et H. Ils comportent un pendant décoratif au bout du mordant, souvent à l’extrémité d’une 3325 Par exemple, les objets n° 254 et 255, 334, 375, et 538. 708 3. Approche croisée du mobilier archéologique chaînette3326. Les comptes de Philippe le Hardi indiquent en 1405 que Marguerite de Flandres hérite de lui une chainture d’or sur I noir tissu faite a aneles tenant une perle et de neus, au bout pendant une flour de geneste 3327. La dernière fonction possible, la suspension, est illustrée par la ceinture de l’époux Spiefami dans une peinture murale peinte vers 1415 figurant la famille Spiefami et le Baptême du Christ dans la cathédrale Notre-Dame des Doms à Avignon (fig. 59). L’extrémité de la ceinture est terminée par un mordant comportant un crochet ou une chaînette et au bout duquel pend une dague. Les mordants du corpus sont constitués de deux tôles, exactement comme pour le type D1. Le cas général est le suivant : une tôle avers aux bords repliés, une tôle revers plate brasée sur les bords de la tôle avers. Cependant, pour au moins une pièce retenant des morceaux de cuir (fig. 292, n° 6), la tôle avers, décorée, est plate et la tôle revers est à bords repliés. Une découpe quadrangulaire dans le bord distal replié de la tôle avers permet le passage d’une languette en tôle, fixée par un rivet (ex : fig. 291, n° 17). Deux autres perforations pour rivet encadrent parfois la précédente (fig. 292, n° 3, 4 et 8). L’utilité des rivets traversant en partie distale n’est pas évidente. Peut-être est-ce le résultat de considérations esthétiques, de façon à offrir une certaine symétrie avec les rivets présents en partie proximale ? La fixation du mordant sur la courroie s’effectue au moyen de rivets en partie proximale ou centrale, au nombre de un ou deux. Les deux rivets en fer conservés sur une tôle avers de grande dimension (fig. 292, n° 7) ont peut-être été rajoutés lors d’une réparation ou d’un changement de courroie. Les rivets originels ont pu occuper deux autres perforations plus proches des bords. Deux mordants ont conservé un fragment de chaînette à maillons en U. Dans un cas (fig. 292, n° 3), le premier maillon s’enroule autour d’un petit anneau circulaire, lui-même retenu par le crochet fermé d’une languette traversant l’extrémité distale du mordant et rivetée. Dans l’autre cas (fig. 292, n° 1), l’extrémité du premier maillon traverse la tôle revers et ressort par la découpe quadrangulaire du bord distal de la tôle avers. Cette disposition n’est probablement pas celle prévue à l’origine. Les trois perforations situées dans l’axe de la découpe quadrangulaire devaient accueillir des rivets pour la fixation d’une languette similaire à celle précédemment décrite. Des oxydes de fer recouvrent deux des trois perforations susdites sur la face avers. 3326 3327 Fingerlin 1971, n° 99, 100, 174, 471, 546. Dehaisnes 1886, t. 2, p. 867. 709 3. Approche croisée du mobilier archéologique Trois mordants retiennent encore un fragment de languette (fig. 292, n° 2, 4 et 8). Il n’est pas possible de déterminer s’il s’agit d’une languette ayant retenu une chaînette ou un fragment de crochet dont la fonction est de s’attacher aux maillons. Trois autres mordants comportent ou comportaient un, deux ou trois crochets en fil terminés par une section aplatie les maintenant dans la perforation au travers de laquelle ils passent (fig. 212, n° 10 ; fig. 292, n° 5 et 6). Une chaînette s’accrochait à chacun de ces crochets. Trois pièces incomplètes ou en mauvais état de conservation ont été attribuées au type D6. Un morceau de fil s’échappe de l’extrémité distale d’un exemplaire très oxydé mais contenant un important morceau de tissu (fig. 291, n° 13). La présence d’un rivet en place (fig. 291, n° 16) ou d’une perforation pour rivet supposée et agrandie par l’oxydation (fig. 291, n° 14) est visible sur les deux autres spécimens. Une grande partie des mordants est décorée. Plusieurs le sont par gravure. Des rinceaux végétaux épousent les courbes de l’accolade découpée dans la bordure proximale d’un objet trouvé dans l’ancienne cathédrale de Digne (fig. 292, n° 4). Les contours du dessin sont profondément gravés. De fines incisions comblent certains espaces pour laisser apparaître le motif en réserve. Une plante à cinq feuilles sur fond de zigzags apparaît sur l’avers d’un mordant avec traces de dorure au mercure mis au jour à Londres dans un contexte de la première moitié du XVe siècle3328. Deux rivets en fer sont disposés en partie proximale, un troisième près du bord distal, dans l’axe de la découpe quadrangulaire qui permettait le passage d’une languette de tôle. La même disposition s’observe pour un mordant de même datation et issu du même site, gravé de triangles de zigzags inscrits dans un rectangle. Les rivets ont disparu. Des traces d’un tissu de soie ont été observées au revers de la tôle3329. Deux mordants avignonnais sont porteurs de lettres (fig. 292, n° 2 et 7). Sur un premier spécimen (fig. 292, n° 2), deux frises de triangles rayés et de bâtonnets encadrent l’inscription AVE sur un fond rayé. L’intérieur des lettres est vierge de gravure. Deux zones en bordure des parties proximale et distale sont couvertes de brasure. D’autres tôles recouvraient donc ces parties. Un avers de tôle mis au jour dans un contexte de fin XVe début XVIe siècle sur le site de la Porte Pairolière à Nice (fig. 292, n° 9) arbore le même décor et présente les mêmes zones couvertes de brasure. Le mot « Ave » était sans doute accompagné sur le mordant en vis-à-vis du mot « Maria » ou de son abréviation « MA » ainsi qu’il apparaît sur un mordant du corpus (fig. 292, n° 2). La surface métallique n’a pas le 3328 3329 Moitié avers, L x l = 1,4 x 1,8 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 135, n° 618). Moitié avers, L x l = 2,6 x 2,5 cm (Ibid., n° 619). 710 3. Approche croisée du mobilier archéologique même aspect en bordure du mordant et dans les lettres que dans l’espace entre les lettres et le cadre gravé (fig. 286). Elle réfléchit la lumière dans le premier cas, elle est mate dans le deuxième cas, faisant ressortir l’inscription de façon encore plus nette. L’avers de la bordure proximale est découpé de trois triangles. Une accolade à pointe prolongée par une incision triangulaire entaille le bord proximal d’un mordant découvert sur le même site que l’objet précédent (fig. 292, n° 8). Deux ouvertures circulaires ont été pratiquées en partie distale. La tôle est, en ces endroits, déjetée vers l’avers. Une autre technique, le poinçonnage, est employée dans le bord distal d’un mordant découvert dans l’ancienne cathédrale de Digne (fig. 292, n° 6). Chacun des huit triangles à quadrillage en relief qui y apparaît est le résultat d’une série de coups de poinçon. Les triangles sont organisés en un rang de quatre ensembles de deux triangles tête-bêche. L’emboutissage a été mis en œuvre pour trois mordants. Pour une tôle avers isolée (fig. 291, n° 15), le décor est limité à une bande orientée dans la largeur : quatre bossettes près du bord proximal, des cercles entourant des fleurs à quatre pétales dont les contours des pétales et le point central sont en relief. Un petit relief supplémentaire paraît être le résultat de coups d’un poinçon qui n’ont pas perforé la tôle. La perforation inachevée aurait dû fonctionner avec une autre perforation, complète cette fois-ci et réalisée du revers vers l’avers, en symétrie de l’axe longitudinal. Elle a été remplacée par une perforation, encore occupée par un rivet en fer, située à la jonction de deux cercles. Un deuxième mordant du corpus est porteur de motifs végétaux (fig. 292, n° 1), le dernier arbore un décor embouti sur ses deux faces (fig. 212, n° 10) : des fleurs à pétales ronds et triangulaires sur une face, un motif cordé accompagné de coups d’un poinçon en forme de fleurs à six pétales pentagonaux sur l’autre face. Cet objet a été retrouvé avec une boucle de type H2a à chape de type A incomplète. Le poinçonnage peut être associé à l’emboutissage et à la gravure. Il en résulte une ornementation assez complexe pour un spécimen du corpus (fig. 292, n° 3). Une fleur, peutêtre une tulipe, est évoquée au moyen d’un poinçon à deux pointes coniques. D'après la direction des points, l'outil a toujours été apposé dans la même direction : depuis le début de la tige ou des feuilles vers l'extrémité de la fleur ou des feuilles. Des zones du bord de la tôle avers sont abaissées – résultat d’un emboutissage – et l’extrémité proximale est découpée d’une accolade dont la pointe est prolongée par une profonde incision triangulaire. La languette est incisée d’un couple de lignes de part et d’autres de deux pans coupés semiovales. Un léger gradin sépare la partie décorée de celle qui est nue et comprend le crochet. 711 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les quelques données chronologiques disponibles conduisent à envisager un emploi des mordants de type D6 durant le XVe siècle et peut-être le début du XVIe siècle. Type E : Mordant en tôle à charnière (fig. 293) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 893, décombres, n° 3618, couche de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 412, sol de bâtiment, n° 3066, couche de dépotoir, vers 1345 - vers 1360 ; n° 3571, couche de dépotoir associée à de l’effondrement de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 3218, comblement de silo, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 2379, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400.  Rue Carreterie, Avignon : n° 26 et 340, datation inconnue. Les mordants du corpus de type E sont quadrangulaires. Ils comportent, à l’extrémité opposée aux rivets, deux charnons mâles ou un charnon femelle. Une tige ou une tôle enroulée sert d’axe de rotation. Dans un cas, cet axe a été conservé avec un fragment de charnon femelle (fig. 293, n° 8). La fixation sur la courroie s’effectue avec un ou deux rivets. Deux mordants conservent un renfort en U (fig. 293, n° 2 et 9). Aux exemplaires entiers ont été associés trois pièces incomplètes sans trace de charnon (fig. 293, n° 3, 5 et 6) mais arborant un décor similaire à certains spécimens du corpus et à la plupart des objets de la bibliographie. Les mordants à charnon femelle de type E ne peuvent pas être confondus avec les mordants des agrafes de livre à extrémité distale issue de la fonte étudiés dans l’annexe 3 (annexe 3, fig. 29 et fig. 30, n° 1 à 4), car le charnon femelle de ces derniers est généralement plus large et aux bords obliques. En outre, sauf cas exceptionnel, le mordant d’agrafe de livre est de très petite taille et le décor éventuel est totalement différent de celui des mordants de type E. L’identification des exemplaires à charnons mâles en tant que mordant de type E et non comme chape de type A tient à plusieurs facteurs : - la distance entre les charnons est beaucoup plus importante, 712 3. Approche croisée du mobilier archéologique - les objets considérés ne présentent pas de retraits latéraux triangulaires comme pour les chapes des boucles à clapet distal de type C1c (fig. 184, n° 1 et 2), - l’axe de rotation conservé sur un exemplaire (fig. 293, n° 8) est une tôle enroulée et non une tige comme s’il s’était agi d’une boucle composite. Si l’identification est correcte, force est de constater qu’aucun des cinq mordants complets trouvés en Provence n’est un élément terminal de ceinture puisqu’ils comportent à la fois un ou des charnons et une partie mordante. Une telle unanimité amène à penser que la plupart de ces mordants appartenaient à des charnières reliant deux courroies distinctes. On peut imaginer un tel dispositif au milieu d’une ceinture, par exemple dans le dos de la personne ou, peut-être plus probablement dans la longue partie pendante d’une ceinture, avec, dans ce cas, l’avantage que les personnages du décor sont disposés verticalement. Cependant, ainsi que l’illustrent plusieurs mordants de type D6 gravés du mot AVE (fig. 292, n° 7 et 9), des boucles des types D2α (ex : fig. 194), F2b et F2c (ex : fig. 195, n° 6 à 9), l’orientation des motifs dans un sens favorisant la lecture n’est pas un élément déterminant. D’autres mordants ont pu fonctionner avec un élément terminal en tôle qui ne s’est pas conservé ou qui, dans un état actuellement incomplet, ne permet pas l’identification. Les pièces provençales peuvent être subdivisées en trois groupes en fonction de leur décor. Au premier groupe appartiennent deux exemplaires décorés de figures géométriques gravées découverts au castrum Saint-Jean à Rougiers. L’un d’eux (fig. 293, n° 9 ; fig. 297, n° 8) est incisé d’un décor abstrait de lignes droites et obliques parfois si profondes qu’elles traversent la tôle. Ce type de décor rappelle celui qui est observé sur deux chapes de type C1b (fig. 250, n° 5, fig. 275, n° 11) et un mordant de type D3 (fig. 290, n° 8). Pour ces quatre objets, il se remarque deux longues lignes gravées le long des grands côtés, deux autres lignes soulignant l’axe central, un quadrillage à une extrémité, des lignes obliques jointives ou pratiquement jointives à l’autre extrémité. Le second mordant de type E du premier groupe (fig. 293, n° 8) est orné de rectangles obliques – l’évocation d’un motif cordé ? – sur un fond rayé encadré par des lignes s’étendant le long des bords latéraux. À ce premier groupe peut être rattaché un probable fragment de mordant à charnons mâles. Ce fragment possède une unique perforation pour la fixation et un décor géométrique gravé, endommagé, dans un cadre de lignes incisées. Il provient d’un contexte de seconde moitié XIVe - première moitié XVe siècle du site de Barker Lane à King’s Lynn dans le comté de Norfolk au Royaume-Uni3330. Signalons la découverte de plusieurs charnières complètes 3330 Objet incomplet, L cons. x l = 3,8 x 1,2 cm (Geddes et Carter 1977, p. 287, n° 10). 713 3. Approche croisée du mobilier archéologique aux mordants traversés par deux rivets alignés dans la largeur, retenant des fragments de cuir. Un premier ensemble de deux mordants sans décor a été récupéré hors stratigraphie lors des fouilles du complexe abbatial de Whithorn and Saint-Ninian dans le comté de Dumfries et Galloway au Royaume-Uni3331. Le bord proximal des mordants du second ensemble, trouvé à Londres dans une strate de la seconde moitié du XIVe siècle, est découpé d’un cercle presque complet encadré par deux arcs de cercle3332. Une incision a été pratiquée dans le prolongement d’un des arcs de cercle. Une sépulture de jeune femme adulte (20 à 25 ans) du cimetière de la Tour SaintLaurent à Oze dans les Hautes-Alpes a fourni un mordant un peu particulier, dont le décor est constitué de zones de zigzags limitées par des zigzags3333. Cette pièce, trouvée à hauteur du tiers inférieur du fémur gauche, est constituée de deux éléments : un élément terminal à extrémité distale arrondie, avec des charnons mâles à l’autre extrémité, et un élément proximal à charnon femelle incomplet. Le deuxième groupe rassemble quatre artefacts du corpus, dont le décor a été obtenu par impression (fig. 293, n° 1, 2, 3 et 7). Deux rivets sont localisés près du bord proximal pour le spécimen à charnon femelle. L’autre objet complet comporte trois perforations alignées dans la longueur. La perforation en partie mordante est probablement d’origine, les deux autres, plus grossières et d’un plus grand diamètre, ont sans doute été rajoutées postérieurement. La méthode de fabrication diffère de celle de la pièce précédente : la tôle décorée est ici brasée sur une plaque, découpée en partie mordant d’un trapèze destiné à réceptionner l’extrémité de la courroie. L’extrémité de la partie mordante est manquante. Cet exemplaire (fig. 293, n° 2) comporte le même décor à l’avers et au revers. Il est possible que la tôle ait bougé au cours de l’opération de martelage sur la matrice gravée, entraînant un décalage. La même opération a alors pu être réalisée sur l’autre face, qui est ainsi devenue la face principale. Sur les trois mordants les plus complets du second groupe est figurée une femme debout, de face, sur un fond quadrillé à l’intérieur d’une baguette d’encadrement. Sur les deux pièces où la figure est complète, le personnage aux bras levés est vêtu d’un long surcot aux manches étroites, boutonné sur le devant, au décolleté arrondi, collant au corps sur le buste et très ample à partir des hanches. La chevelure coiffée s’enroule sur les côtés dans un cas 3331 Un mordant complet et un mordant incomplet, L totale x L mordant x l = 2,8 x 1,6 x 1,5 cm (Nicholson 1998a, p. 373, fig. 10.58, n° 15). 3332 Ensemble complet, L totale x L mordant x l = 2,6 x 1,5 x 1,3 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 227, n° 1217). 3333 Exemplaire incomplet, L x l = 7 x 1,05 cm (Bonnefoi 1969, p. 25). 714 3. Approche croisée du mobilier archéologique (fig. 293, n° 1), elle est annelée et retombe sur les côtés dans l’autre cas (fig. 293, n° 2). Des manches de l’habit de l’une des figures s’échappe une bande de tissu tombant presque jusqu’aux pieds. Cet ornement vestimentaire est courant au XIVe siècle3334. Les figures féminines sont surmontées d’une rosace quadrilobée aux lobes contenant une fleur à six pétales ou d’un « dais » à fleurs à six pétales. Sur le mordant à charnons mâles (fig. 293, n° 2), une ligne de bossettes sous la figure féminine la sépare d’un demi-quadrilobe à fleur à six pétales et d’une étoile à huit rais dans un losange. Le même motif se retrouve sur un fragment de tôle isolé (fig. 293, n° 4), ce qui a conduit à son rapprochement avec ce groupe. Trois artefacts sont rassemblés dans le troisième groupe (fig. 293, n° 3, 5 et 6). La tôle, épaisse, a été creusée pour figurer en réserve de jeunes femmes vues de profil, toujours depuis la gauche, tenant soit un livre soit une tête de monstre, débout sous un arc, les pieds posés sur un massif quadrillé obliquement. Les creux ont été remplis d’émail rouge ou bleu. Les personnages sont vêtus d’une cotte à décolleté arrondi, moulante pour le buste et les bras, ample pour la moitié inférieure du corps. Une coiffe couvre leurs cheveux. Une ceinture en argent doré et émaillé à boucle de type M et chape à charnière appartenant au trésor d’Erfurt enfoui vers 1350, attribuée au second quart du XIVe siècle, a été mise au jour avec un mordant constitué de deux parties réunies par une charnière (fig. 309). De petites figures féminines et masculines tenant un animal ou un objet apparaissent sous des arcs gothiques sommés d’un quadrilobe3335. Six ensembles d’accessoires de la ceinture comprenant des mordants à charnière sont répertoriés dans le catalogue d’I. Fingerlin. Ces objets n’appartiennent pas au type E au sens où ils n’ont pas été fabriqués à partir d’une tôle. Ils sont ou ont été conservés au musée d’art de Cleveland, au British Museum de Londres, à Berlin, au musée d’archéologie croate de Split, au musée des arts appliqués de Vienne3336. L’ensemble des mordants est en argent doré, et pour deux exemplaires également émaillé. Dans deux cas, le mordant appartenait à une ceinture à boucle de type M et chape de type A2b3337, pour un troisième cas, à une boucle de type J3 à chape de type A3d3338. Les trois derniers numéros du catalogue correspondent à des objets isolés. Le 3334 Un exemple est visible parmi les femmes assistant au prêche de saint Jean-Baptiste au plafond de la chapelle Saint-Jean peint par Matteo Giovannetti entre 1346 et 1348 au palais des Papes à Avignon (Van Buren 2011, pl. 5, n° F10). 3335 Descatoire (dir.) 2007, p. 77, n° 41. 3336 Fingerlin 1971, n° 21, 66, 152, 153, 465, 543. 3337 Ibid., n° 66 (Cleveland) ; Fingerlin 1971, n° 465 et Petrinec 1996, p. 104-105 (provient d’une sépulture à Cetina en Croatie, conservé à Split). 3338 Fingerlin 1971, n° 21 (Berlin). 715 3. Approche croisée du mobilier archéologique British Museum conserve deux mordants de fin de ceinture3339 dont le plus complet est constitué de trois pièces à charnière : une partie distale avec des charnons mâles, une partie intermédiaire à charnon femelle aux deux extrémités, une partie proximale avec charnons mâles, et à l’autre extrémité, le mors pour réceptionner la courroie. L’avers et le revers des trois pièces sont découpés d’un arc trilobé sur colonnes torsadées laissant apparaître un homme de profil ou un oiseau gravés. L’arc est surmonté de trois petits arcs en plein cintre sous un grand arc. Les faces du deuxième mordant du British Museum sont découpées d’un arc brisé surmonté d’un autre arc brisé. La gravure d’un homme de profil est visible à l’intérieur du premier arc. La vraisemblance architecturale, extrêmement poussée, est rendue par l’adjonction de multiples détails observables dans l’architecture des églises. Les personnages et les oiseaux sont gravés sur une tôle intermédiaire. À un degré moindre, les ajours du mordant à charnons mâles de Vienne rappellent aussi l’architecture des églises : il s’y observe côte-à-côte un groupe de deux arcs en plein cintre sous un grand arc brisé3340. Les mordants de Cleveland, de Berlin et de Split, retrouvés avec une boucle, sont constitués de deux ou trois pièces reliées par des charnières. Sur une face du spécimen de Cleveland se retrouvent des scènes courtoises dans un cadre architectural constitué d’une multiplicité d’arcs. Sur l’autre face, des figures mi-hommes mi-bêtes sont ciselées. Des hommes et des femmes isolés, des couples se faisant face, des animaux fabuleux apparaissent sur les exemplaires de Berlin et de Split. Les mordants de type E ne doivent pas être confondus avec des plaques à charnières de ceintures entièrement métalliques que les sources archéologiques3341, textuelles3342 et iconographiques (ex : fig. 48, 62) attestent du second quart du XIVe siècle à la fin du XVe siècle. Il est très vraisemblable, au vu de la documentation, que les mordants de type E des deuxièmes et troisièmes groupes sont inspirés de pièces d’orfèvrerie. Les décors sont moins fins et moins élaborés que sur les pièces orfévrées et le motif architectural est réduit à 3339 Ibid., n° 152 et 153. Ibid., n° 543. 3341 Notons que des morceaux de ceinture métallique à plaques losangiques, polylobées ou circulaires à charnières en bronze doré et émaillé sont conservés par exemple au Victoria and Albert Museum à Londres (Fingerlin 1971, cat. n° 308), à la gallerie Parmeggiani à Reggio-Emillia (Ibid., cat. n° 449), en argent doré et émaillé dans le trésor de l’église saint Lazare à Madrid (Ibid., cat. n° 332). 3342 La plus ancienne mention textuelle est fournie par l’inventaire des meubles de la reine Jeanne de Boulogne qui enregistre trois tronçons d’une sainture d’or a charnieres, contenant XXIX charnieres avec la boucle et le mordant (Douët d’Arcq 1874, p. 54, n° 48). La ceinture en or d’une valeur de 800 florins que l’orfèvre Jacques Scalle exécute à la demande du roi René en 1479 pourrait en être un exemple (Arnaud d’Agnel 1908, n° 1066, 1073, 1074). 3340 716 3. Approche croisée du mobilier archéologique l’évocation d’une rosace (fig. 393, n° 1 et 2) ou à un arc en plein cintre (fig. 293, n° 3 et 6). Les données archéologiques actuelles permettent d’envisager un usage des mordants de type E au cours du XIVe siècle. Type F : Terminaison de courroie à applique (fig. 294, n° 1 et 2) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2018, sol de bâtiment, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 2567, sol de zone de circulation, vers 1360 - vers 1370/1375. Ces deux objets en alliage cuivreux sont constitués d’une applique étroite de type H3c ou d’une variante du type H3 obtenue par la fonte traversée par deux rivets à contre-rivure circulaire plate. Cette applique est associée à une tôle plate comprenant en partie proximale un troisième rivet à contre-rivure circulaire plate. Les longs côtés surbaissés de l’applique étroite sont porteurs de dépressions allongées (fig. 294, n° 1) ou gravés de zigzags (fig. 294, n° 2). Des artefacts similaires ont été trouvés dans un remblai daté entre 1525 et 1568 sur le site de la Motte Rouge à La Rochelle en Charente-Maritime3343, dans des niveaux de la seconde moitié du XIVe siècle et trois autres hors stratigraphie sur le site Billingsgate lorry park à Londres3344. L’extrémité distale des tôles plates est traversée par un ou deux rivets passant également au travers d’appliques d’une variante du type H33345, de type H3c3346, d’une forme proche du type H3c mais avec amincissement localisé3347 ou de type M13348. Un autre rivet est toujours localisé près du bord proximal. La tôle inférieure est généralement 3343 Se reporter quatre notes de bas de page plus loin. Pour cinq objets, il n’est conservé que la tôle inférieure (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 156-157, n° 732 à 742). 3345 Royaume-Uni, Grand Londres : applique complète, L totale x l totale = 1,4 x 1,1 cm, applique : L x l = 0,45 x 1,1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², n° 735). 3346 Royaume-Uni, Grand Londres : objet complet, L totale x l totale = 1,3 x 0,9 cm, applique : L x l = 0,3 x 0,9 cm ; Pièces complètes, L totale x l totale = 1,5 x 0,9 et 1,9 x 1,4 cm, applique : L x l = 0,35 x 1 et 0,35 x 1,5 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², n° 732, 734 et 737). 3347 France, Charente-Maritime : objet complet, L totale x l totale = 1,4 x 1,55 cm ; applique : L x l = 0,35 x 1,55 cm (Berthon (dir.) 2013, p. 70, n° 94). Royaume-Uni, Grand Londres : spécimen complet, L totale x l totale = 1,8 x 1,6 cm, applique : L x l = 0,5 x 1,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², n° 738). On peut y ajouter une applique isolée complète, L x l = 0,4 x 2 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², n° 1145). 3348 Royaume-Uni, Grand Londres : artefact complet, L totale x l totale = 1,9 x 0,9 cm, applique : L x l = 0,9 x 0,9 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², n° 733). 3344 717 3. Approche croisée du mobilier archéologique échancrée en partie proximale ou centrale puis arrondie en partie distale. Les contre-rivures sont circulaires et plates. G. Egan et F. Pritchard interprètent ces pièces comme des terminaisons de courroie3349 : elles auraient fonctionné avec des anneaux à clapet distal (fig. 112, C). Le bord interne du clapet distal s’introduisait entre l’applique étroite et la tôle plate. Lorsque le clapet comporte un ergot, il semble que seule cette partie s’engageait dans le dispositif ; une zone amincie de l’applique étroite pouvait le réceptionner3350. À Londres, les terminaisons ont rarement été retrouvées dans les mêmes contextes que les anneaux à clapet distal. Le constat est différent pour les artefacts mis au jour sur le site du castrum Saint-Jean à Rougiers : - la terminaison issue du contexte le plus récent (fig. 294, n° 2) et un anneau de type F4c (fig. 210, n° 3) ont été découverts dans un même niveau, - la seconde terminaison (fig. 294, n° 1) et le second anneau de type F4c proviennent de contextes de même datation fouillés dans des bâtiments voisins. Les données disponibles conduisent à envisager une datation typologique correspondant au XIVe siècle. Type G : Mordant issu de la fonte ouvert latéralement (fig. 294, n° 3) La partie mordante des pièces de type G est ouverte latéralement. L’extrémité de la courroie ne s’enfonce pas dans une portion en fourreau comme pour les types précédents ou en coffret comme pour le type H. Les mordants en alliage cuivreux de type G sont connus dans le sud de la France depuis l’époque mérovingienne3351. Ils sont allongés et terminés par une extrémité arrondie3352. Certains présentent un étranglement3353. Ces objets ne peuvent pas être confondus avec les pièces du bas Moyen Âge. D’après les données archéologiques actuellement disponibles, il ne paraît pas avoir été utilisé de modèles de mordant de type G dans le sud de la France entre la fin de l’époque mérovingienne et au moins le milieu du XIIe siècle. Un artefact très étroit terminé par une tête de serpent a été trouvé à l’emplacement du 3349 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 158. Une terminaison de courroie de type F avec une applique de ce type fut trouvée à Londres dans un contexte de la seconde moitié du XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002, n° 738). 3351 Avec des formes différentes, ils sont courants pendant la période anglo-saxonne au Royaume-Uni (ex : Hinton 1990c). 3352 Stutz 2003, pl. 41, n° 637, 641, 642. 3353 Ibid., pl. 41, n° 645 à 648. 3350 718 3. Approche croisée du mobilier archéologique village de Corné (vers 1170 - vers 1250) à l’Isle-Bouzon dans le Gers3354. Il est interprété comme un mordant de ceinture par J.-M. Lassure, mais sa faible largeur est étonnante pour une si haute époque. D’après les boucles et chapes contemporains, les courroies de cuir et de tissu de cette époque sont plus larges. Peut-être est-ce un élément décoratif de ceinture ou de harnachement riveté perpendiculairement à la courroie ? Les mordants en alliage cuivreux de type G de la bibliographie offrent une grande diversité d’aspects : une pièce longiligne à bout arrondi sans décor3355, un exemplaire quadrangulaire à excroissance distale évoquant un gland3356, un spécimen quadrangulaire en partie proximale, ovoïde en partie distale et terminé par un gland3357, des artefacts en alliage d’étain et de plomb de configurations variées3358. Aucun de ces objets, obtenus par la fonte, n’offre de similitudes avec le mordant du corpus. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 162, comblement de tranchée de fondation, 1491 - 1496. À l’extrémité proximale, deux rivets sont disposés de part et d’autre d’un renfoncement en arc de cercle. Du milieu de celui-ci, sur la face avers, partent trois encoches plus ou moins triangulaires. Deux ouvertures circulaires décoratives sont disposées au milieu de l’objet. L’extrémité distale du mordant est un massif aux facettes triangulaires. Bien que mis au jour dans le comblement d’une tranchée de fondation datée de 1491 - 1496, l’objet est très probablement résiduel. Il appartenait sans doute au dépotoir du dernier tiers du XIVe siècle dans lequel la tranchée a été creusée. Aucun objet similaire n’a pu être trouvé dans la bibliographie. Cependant, des artefacts en alliage cuivreux au décor plus évolué, conservés au Museum of London, offrent 3354 Objet complet, L x l = 4,9 x 0,8 cm (Lassure 1995, p. 521, fig. 416, n° 13). Pièce complète, L x l = 3,8 x 0,55 cm, château de Pymont, XIIIe - XIVe siècle, Villeneuve-sousPymont (Jeanjacquot 1993, p. 105, fig. 63, n° 1945). 3356 Royaume-Uni, Herefordshire : mordant incomplet, L cons. x l = 3,1 x 0,7 cm, seconde moitié XIIIe - première moitié XIVe siècle, Bewell House, Hereford (Shoesmith (dir.) 1985, fig. 4.8). 3357 Royaume-Uni, Lincolnshire : spécimen complet, L x l = 4,2 x 1,95 cm, H.S., village médiéval, Goltho, (Goodall 1975, p. 91, fig. 43, n° 2) 3358 Royaume-Uni, Grand Londres : objet incomplet, L cons. x l = 1,8 x 0,7 cm, seconde moitié XIVe siècle, exemplaire complet, L x l = 2,9 x 1,1 cm, H.S., Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 153154, n° 718 et 719). Musée de Londres : deux artefacts complets, L x l = 3,85 x 1,5 et 2,6 x 1,4 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 154). 3355 719 3. Approche croisée du mobilier archéologique quelques ressemblances3359. Tout comme le mordant d’Avignon, ils sont constitués d’une partie circulaire réceptionnant l’extrémité de la lanière et d’une partie distale à fioritures ornementales. Type H : Mordant en coffret issu de la fonte (fig. 294, n° 4 à 6) Bouches-du-Rhône  Castrum de Montpaon, Fontvieille : n° L6/1, H.S. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2022, sol de bâtiment, vers 1309/1315 - vers 1345. Vaucluse  R.H.I. Philonarde, Avignon : n° 3, remblai, milieu XIVe siècle. Deux des trois objets du type H sont en matériau blanc (fig. 294, n° 4 et 6). Ils sont allongés et leur fabrication a nécessité trois empreintes, comme pour les boucles de type V1 (voir fig. 262, A) : une empreinte en creux pour chaque face, une empreinte en relief pour l’intérieur du mordant. L’exemplaire le plus petit (fig. 294, n° 4), arrondi en partie distale, comporte un léger bombement terminal. La jonction des deux empreintes extérieures est visible à travers un léger ressaut. L’avers est décoré de légers reliefs figurant un animal fabuleux, une ligne et un chevron. Ces figures sont issues de la fonte. La lanière était maintenue par un rivet en fer dont il ne reste que des traces d’oxyde. Le spécimen de plus grande dimension (fig. 294, n° 6) est terminé par une excroissance distale ayant la forme d’un ergot. Il possède un rivet en fer. Le bord proximal du mordant n’a pas été conservé. Le dernier mordant du corpus est en alliage cuivreux (fig. 294, n° 5). De forme circulaire, bombé en son centre, il présente un rivet au milieu de l’ouverture longiligne utilisée pour le passage de la courroie. L’épaisseur de métal est à cet endroit de 1 à 1,5 mm. Le vide intérieur de l’objet épouse les formes extérieures. L’objet n’a donc pas pu être fabriqué avec un moule permanent, utilisable plusieurs fois. La technique de la fonte à la cire perdue fut très certainement employée. 3359 (Fingerlin 1971, n° 312 à 314). 720 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les mordants du corpus sont différents des exemplaires qui proviennent de la moitié nord de l’Europe pour des contextes de la seconde moitié du XIVe siècle et la première moitié du XVe siècle. Ce n’est pas le lieu d’en faire ici un inventaire descriptif, ces objets étant fort nombreux3360. Type I : Terminaison issue de la fonte sans mors (fig. 294, n° 7 à 12 ; fig. 295, n° 1 à 5) Trois sous-types ont été distingués en fonction de la configuration de la partie distale. Le premier (sous-type I1) rassemble des terminaisons de courroie globalement quadrangulaires terminées par un crochet, le second (sous-type I2) une terminaison à corps plat quadrangulaire et à excroissance distale, le dernier (sous-type I3) une terminaison à corps quadrangulaire concave et à crochet. Les objets des types I2 et I3 n’ayant pas de datation stratigraphique, leur appartenance à la période d’étude est incertaine. Un objet au corps terminé par un anneau, issu de la fonte, retenant un maillon en S a été trouvé sur le site d’Abbots Lane à Londres, dans un contexte daté par la céramique entre vers 1530 et vers 15703361. Nous n’avons pas intégré au type I1 plusieurs petits crochets en alliage cuivreux trouvés en Provence ou mentionnés dans la bibliographie et qui nous paraissent avoir un lien plus évident avec l’ameublement3362 ou avec une fixation par agrafage de pièces de vêtement3363. Type I1 : Terminaison de courroie issue de la fonte, à corps plat, à crochet (fig. 294, n° 7 à 12 ; fig. 295, n° 1 à 3) Bouches-du-Rhône  Site inconnu, Arles : n° FAN 92.00.1467, H.S.  Alcazar, Marseille : n° 113, comblement de tranchée, fin XIIIe - début XIVe s. 3360 Nous donnons ici un inventaire raisonné des publications qui en décrivent : France, Aisne : première moitié XVe siècle, La Cologne, Hargicourt (Bayard et Montel 1989, p. 167, n° 15-1) ; Pasde-Calais : XVe siècle, îlot Sainte-Agnès, Arras (Barbieux (dir.) 1993, p. 75, n° 274) ; Royaume-Uni, Grand Londres, seconde moitié XIVe - première moitié XVe siècle, Londres, (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 149-151, n° 706 à 717) ; Musées divers : Fingerlin 1971, nombreux exemplaires parmi les pages 128 à 148, se reporter à la figure 415 figurant un mordant dans une peinture du milieu du XVe siècle. 3361 Egan 2005, p. 41-42, n° 148. 3362 Se reporter par exemple à Archéologie 1990, p. 224, n° 471. 3363 Voir par exemple Rieb et salch 1973, n° 334 à 338. 721 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Église abbatiale Saint-Victor, Marseille : n° 134, remblai, XVIIIe siècle.  Puget, Marseille : n° s.n. 1, comblement de tranchée de fondation de mur, XIIe début XIIIe siècle. Gard  Collège Eugène Vigne, Beaucaire : n° 1024-13, nettoyage de surface de four, XIVe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 125, sol de bâtiment, milieu XIIIe siècle - vers 1285 ; n° 2038 et 2304, couche de dépotoir, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 2015, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Ces objets en alliage cuivreux sont composés d’un corps quadrangulaire ou triangulaire et terminé en motif de feuille (fig. 195, n° 3), prolongé sur un petit côté par une tige qui s’enroule en un crochet. Le corps peut être plus large que long (fig. 294, n° 7) ou plus long que large (fig. 294, n° 8 à 12 ; fig. 295, n° 1 et 2). L’extrémité de la tige se termine par un trèfle pour un exemplaire (fig. 294, n° 12), par un épaississement pour un autre spécimen (fig. 294, n° 1), par une zone aplatie et élargie pour un troisième (fig. 295, n° 3). La tige est cassée à l’endroit d’une perforation pour l’objet de Beaucaire (fig. 294, n° 10). Deux rivets traversant parfois à tête bouletée (fig. 294, n° 7 ; fig. 295, n° 1 à 3) ou un rivet intégré (fig. 294, n° 9) servent à la fixation. Le corps quadrangulaire peut comporter un décor sous forme d’un ajour cruciforme (fig. 295, n° 2), de zigzags gravés (fig. 294, n° 10), de deux rectangles d’ocelles contenant quatre cercles gravés remplis d’ocelles (fig. 294, n° 11), d’un écu à deux pals poinçonnés d’ocelles (fig. 294, n° 12 ; fig. 297, n° 1). Les traits incisés sur cette dernière pièce ont été obtenus par petits coups répétés. Trois pièces conservent des traces de dorure sur la plaque (fig. 294, n° 10 à 12). L’une d’elles en comporte également sur le trèfle de sa tige. La dorure de deux pièces a été faite par apposition d’un amalgame de mercure (fig. 294, n° 11 et 12). Des contre-rivures octogonales sont encore en place sur un exemplaire (fig. 295, n° 2). Des objets en fer analogues aux objets de type I1 ont été intégrés parmi les éléments de comparaison pour une meilleure compréhension. Plusieurs interprétations quant à la fonction des artefacts de type I1 sont possibles mais celle qui nous paraît la plus probable est 722 3. Approche croisée du mobilier archéologique celle de terminaison de courroie. Elle est prouvée par des découvertes archéologiques sur lesquelles nous allons revenir. La longueur de la plupart des objets est supérieure à la largeur de la majorité des boucles ce qui affaiblit l’hypothèse d’un emploi en tant qu’applique de suspension. Dans plusieurs cas, le crochet est assez ouvert ce qui faciliterait le vol des objets qui pourraient y être suspendus. Une utilisation en tant qu’élément d’agrafage pour la fermeture d’une ceinture peut être envisagée : le crochet pourrait traverser les maillons d’une chaînette (ex : fig. 81 et 82) comme pour les mordants de type D6. Placés à l’extrémité d’une courroie, ces crochets ont pu permettre la suspension du fourreau d’une arme. Peut-être est-ce des objets de ce type qui sont figurés à l’extrémité de plusieurs courroies permettant l’attache du fourreau de l’épée d’un soldat représenté dans le Retable de Thouzon peint vers 1410-1415 (fig. 97). L’identification des objets de type I1 en tant que terminaison de courroie, également formulée par G. Egan et F. Pritchard, est notamment fondée sur des objets londoniens retrouvés sur des extrémités de lanières de cuir. Ils sont dans deux cas constitués de deux fragments de cuir superposés. Un premier spécimen, doré au mercure, en alliage cuivreux, étroit et long, à deux rivets traversant à contre-rivure circulaire, comporte une cannelure à la jonction entre le crochet et le corps. Le crochet est retourné vers l’intérieur. L’objet appartient à un contexte daté vers 1270 - vers 13503364. Un deuxième exemplaire, en fer, est fixé par un unique rivet traversant au bout des deux fragments de cuir. Il est à rapprocher d’un artefact du corpus (fig. 294, n° 7). Les deux rivets intégrés d’une applique en fer de type H, bombée à l’avers comme les spécimens de type H3b, traversent l’autre extrémité de l’assemblage. Le fragment de cuir supérieur se prolongeait au contraire du fragment inférieur. L’artefact, à couverte blanche, est issu d’un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle3365. Une troisième terminaison de ceinture, en alliage cuivreux et étroite, conserve des restes d’une seule épaisseur de cuir au revers. Elle présente trois rivets traversant. Son crochet est incomplet. L’objet provient d’un niveau daté vers 1270 - vers 13503366. À Londres également a été retrouvée une pièce en fer à couverte blanche, de la seconde moitié du XIVe siècle, à deux rivets traversant dont l’extrémité disposée au revers de la courroie, disparue, est fortement 3364 Objet complet, L totale x l corps x p crochet = 3,3 x 0,45 x 1,75 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 155, n° 730). 3365 Artefact complet, L totale x l corps x p crochet = 3,1 x 2,2 x 0,95 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 155, n° 728). 3366 Pièce incomplète, L totale x l corps = 5,7 x 0,7 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 155, n° 729). 723 3. Approche croisée du mobilier archéologique matée. Le bout du crochet forme un angle droit avec la tige. Il est relevé vers l’extérieur3367. L’aspect général de cette terminaison est analogue à celui d’une pièce varoise (fig. 295, n° 2). D’autres exemplaires relevés dans la bibliographie ont cette même configuration. C’est le cas d’un artefact en alliage cuivreux avec un rivet à chacun des quatre angles du corps quadrangulaire qui provient du castrum de Cabaret (N.D.S.) à Lastours dans l’Aude3368. La face supérieure est dorée. Du même site est issu un fragment de crochet3369. Une terminaison de courroie en fer à corps quadrangulaire large, à deux rivets traversant alignés dans la longueur a été découverte dans une phase de la seconde moitié du XIVe siècle et du début du XVe siècle sur le site de la Crypta Balbi à Rome3370. Le bout du crochet se recourbe vers l’extérieur tout comme sur la pièce londonienne mentionnée précédemment. Les contrerivures sont quadrangulaires. Des terminaisons plus étroites en alliage cuivreux ont été retrouvées hors stratigraphie sur le site de la motte castrale du Vieux Poirier à Kermoroc’h dans les Côtes-d’Armor3371, dans un niveau du XVIIe siècle du site de la Rue du Fier du Ciel à Conchil-le-Temple dans le Pas-de-Calais3372. Le premier objet, à trois perforations alignées pour la fixation, arbore une tête de cygne au bout du crochet. Le deuxième artefact ne comporte qu’un seul rivet. Une pièce en alliage cuivreux, à deux rivets traversant, au crochet incomplet, appartient à un niveau qui pourrait être daté de la seconde moitié du XIIIe siècle du site de High Street C à Southampton3373. Un artefact en fer à deux rivets traversant est issu d’une phase datée entre la première moitié du XIVe siècle et la première moitié du XVIe siècle sur le site du village déserté de Rattray dans l’Aberdeenshire3374. Quelques pièces en alliage cuivreux, étroites et à deux rivets traversant, comportent un décor mouluré issu de la fonte ou partiellement issu de la fonte. Ces objets n’offrent pas d’analogies particulières avec les artefacts du corpus. Un spécimen en alliage cuivreux récupéré hors stratigraphie sur le site du château de Montaigut à Gissac dans le Tarn est 3367 Exemplaire complet, L totale x l corps x p crochet = 5,4 x 2,1 x 2,4 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 155, n° 731). 3368 Objet complet, L totale x l corps x p crochet = 6,25 x 1,95 x 1,95 cm (Barrère 1999, p. 827, fig. 2, n° 7). 3369 Artefact incomplet, p crochet = 2,3 cm (Barrère 1999, p. 827, fig. 2, n° 8). 3370 Pièce complète, L totale x l corps x p crochet = 6 x 2 x 2,2 cm (Sfligiotti 1990, p. 544). 3371 Spécimen complet, L totale x l corps x p crochet = 4,7 x 1,2 x 0,9 cm (Langouet et Faguet 1985, p. 76). 3372 Pièce incomplète, L totale x l corps x p crochet cons. = 7,5 x 1,3 x 1,1 cm (Legros 2011, n° 65). 3373 Artefact incomplet, L totale x l corps = 4,1 x 1,2 cm (Harvey et al. 1975, p. 255, fig. 240, n° 1721). 3374 Terminaison complète, L totale x l corps x p crochet = 5,8 x 1,2 x 1,9 cm (Goodall 1993, p. 185, fig. 37, n° 151). 724 3. Approche croisée du mobilier archéologique décoré d’un élargissement central ovoïde comportant des petits points dont le mode d’obtention n’est pas précisé3375. Deux exemplaires dorés comportant un même décor constitué de trois zones surélevées incisées – la zone centrale comportant un quadrillage oblique – proviennent d’un niveau de milieu/seconde moitié du XIVe siècle du site de La Bénèche à Caussade dans le Tarn-et-Garonne3376 et du site du château de Montségur dans l’Ariège3377. Ils comportent à l’opposé du crochet une excroissance allongée. Celle-ci s’observe également sur une terminaison issue d’une couche de la seconde moitié du XIIIe siècle du site de Berrington Street à Hereford dans l’Herefordshire3378. Le reste du corps, fortement bombé, est décoré de cannelures près des extrémités. Le crochet de la pièce trouvée à Caussade est terminé par une tête animale. Cette figure s’observe au bout du crochet d’une terminaison anglaise à corps scutiforme à bande3379 émaillée de provenance précise inconnue3380. Une terminaison de courroie plus large que longue avec deux rivets traversant, tout comme un exemplaire du corpus (fig. 294, n° 7), est issue d’un contexte du XIIIe - début XVe siècle du site du castello della Motta di Savorgnano à Povoletto dans la province d’Udine en Italie3381. Les données archéologiques rassemblées nous conduisent à proposer une datation typologique s’étendant du début du XIIIe siècle à la fin du XIVe siècle. Type I2 : Terminaison de courroie issue de la fonte, à corps plat quadrangulaire, à excroissance distale (fig. 295, n° 4) Bouches-du-Rhône  Van Gogh, Arles : n° 85.03.36, H.S. 3375 Exemplaire incomplet, L totale cons. x l corps x p crochet = 5,6 x 1,5 x 1,5 cm (Hensel et al. 1970, fig. 2, n° 15). 3376 Objet complet, L totale x l corps = 8,7 x 1 cm (Archéologie 1990, p. 224, n° 469). 3377 Exemplaire complet, L totale x l corps = 3,5 x 0,8 cm (Archéologie 1990, p. 224, n° 470). 3378 Pièce complète, L toatel x l corps x p crochet = 6,4 x 1,1 x 1,7 cm (Shoesmith (dir.) 1985, fig. 4.18). 3379 La bande est une zone délimitée par deux traits obliques qui barre l’écu de gauche à droite du point de vue de l’observateur (Wenzler 2002, p. 100). 3380 Terminaison complète, L totale x l corps x p crochet = 5,4 x 2,3 x 1,7 cm (Goodall et Woodcock 1991, n° 2). 3381 Spécimen complet, L x l x l = 2,9 x 2,5 x 1,4 cm (Piuzzi et al. 2003, p.67, n° 42). 725 3. Approche croisée du mobilier archéologique Cet exemplaire aux contours chantournés est traversé de multiples dépressions longilignes issues de la fonte. Deux ouvertures alignées dans la longueur accueillaient des rivets en fer. Une terminaison de courroie d’un aspect assez proche, orné de lignes creuses orientées dans la longueur, avec deux ouvertures pour rivet alignés dans la longueur, a été trouvé à Barcelone lors d’une fouille aux numéros 4-6 de la carrer del Sotstinent Navarro3382. La datation stratigraphique n’est pas connue. À Londres, il a été mis au jour dans un niveau du dernier tiers XIIIe siècle - première moitié XIVe siècle, un exemplaire dont les deux rivets en alliage cuivreux sont encore une fois alignés dans la longueur3383. L’un d’eux traverse l’extrémité distale « tréflée ». Des ajours circulaires et ovales et des incisions complètent l’ornementation. Type I3 : Terminaison de courroie issue de la fonte, à corps quadrangulaire concave, à crochet (fig. 295, n° 5) Bouches-du-Rhône  Site inconnu, Arles : n° FAN 92.00.2462, H.S. L’objet du corpus est constitué de deux mordants à crochet reliés par un anneau. Deux rivets en fer en partie proximale, orientés dans la largeur, assuraient la fixation de chacun des deux mordants. L’extrémité de la courroie était disposée dans le logement aménagé au revers. Les deux mordants sont terminés par un crochet enroulé autour du cadre d’un anneau. Les crochets ne peuvent pas être actuellement désengagés car ils sont fermés sur l’anneau. Le mordant avec fronton est porteur d’une couverte blanche. Les multiples différences entre les deux mordants plaident en faveur d’un assemblage postérieur à leur utilisation initiale. L’ornementation moulurée est très différente de ce qui s’observe pour le bas Moyen Âge. Ces objets datent probablement, au plus tôt, du XVIe siècle. Des mordants à corps ovoïde, à crochet engagé dans un anneau circulaire, une pièce de liaison ou une chaînette ont été mis au jour sur le site du château de Grigny (fin XIIe - début XIIIe à 1640) dans le Pas-de-Calais3384, sont conservés dans le musée de Meaux en Seine-et- 3382 Objet complet, dimensions inconnues (Parra 2009c, p. 228). Mordant complet, L x l = 4,2 x 1,9 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 132, n° 608). 3384 Trois exemplaires complets, dimensions inconnues (Dilly et al. 1999, p. 128, n° 5.18). 3383 726 3. Approche croisée du mobilier archéologique Marne3385 ou d’autres musées du nord de l’Europe3386. Ils sont parfois accompagnés d’objets d’aspect identique mais possédant un œillet à la place du crochet, lequel œillet constituait la partie dormante du dispositif de fixation3387. Ces objets au revers creux sont interprétés comme des éléments de demi-ceint mais d’autres emplois peuvent être également envisagés : attache de manteau, mordant participant de l’attache d’un fourreau. Ils sont attribués au XVIe siècle par I. Fingerlin et par P. Dupond et al.3388. Type J : Mordant issu de la taille (fig. 295, n° 6)3389 Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 26, seconde moitié XIVe siècle. Ce mordant en os, complet, est le seul du corpus appartenant au type J. Sa section quadrangulaire présente des bords longitudinaux chanfreinés sur les deux faces. Son extrémité distale arrondie est parcourue de quatre incisions transversales créant un motif en forme de trèfle. À l’extrémité proximale, une fente, certainement réalisée par sciage, entaille le mordant dans son épaisseur sur un peu moins de la moitié de sa longueur et sur la totalité de sa largeur. Elle permettait le passage d’une lanière de cuir ou de tissu qu’un rivet, probablement métallique, inséré dans une perforation circulaire, maintenait en place. Le perçage du trou du rivet, par mouvement rotatif, probablement à l’aide d’une mèche de foret, a été commencé depuis une face et achevé depuis l’autre comme le montre son profil en X. Une dizaine de mordants en os ont été trouvés dans un dépotoir des années 1420 1480 au Marais-Vert à Strasbourg parmi d’autres objets et déchets de l’artisanat de l’os3390. Ils sont allongés, avec une extrémité distale triangulaire lorsqu’ils sont complets. Quelques pièces sont gravées de lignes parallèles orientées dans la largeur, de chevrons, de croix ou d’ocelles obtenus au compas. En partie proximale, une, deux perforations alignées dans la largeur ou trois perforations disposées en triangle permettent le passage des rivets. 3385 Six spécimens, L x l = 2,45 x 1,1 à 3,1 x 1,35 cm (Dupond et al. 1992, p. 92-93). Fingerlin 1971, p. 144-146, fig. 260 à 272. 3387 Huit objets, L x l = 1,45 x 1,1 à 3,1 x 1,3 cm (Dupond et al. 1992, p. 92-93). 3388 Fingerlin 1971, p. 144 ; Dupond et al. 1992, p. 92. 3389 L’analyse technique de l’objet a été réalisée par M.-A. Chazottes, doctorante au LA3M. À paraître dans Chazottes et Thuaudet 2015. 3390 Quatre artefacts complets, six exemplaires incomplets, L x l = 7,05 à 8,3 x 0,85 à 1,5 cm (Maire 1990, p. 86). 3386 727 3. Approche croisée du mobilier archéologique La fouille de la cathédrale Notre-Dame au Puy-en-Velay en Haute-Loire a fourni un mordant ouvert latéralement en partie proximale, à extrémité distale triangulaire gravé à l’avers d’un animal fabuleux sur un fond de caissons contenant une croix3391. Un seul rivet assurait la fixation sur la courroie. Mordants de type indéterminé (fig. 295, n° 7 à 9 ; fig. 296) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL 82.I.1.15, remblai du XVIIIe siècle.  Van Gogh, Arles : n° 85.03.36, H.S.  Castrum de Montpaon, Fontvieille : n° L13/22, L13/23 et L13/29, H.S.  Quartier Sainte-Barbe, Marseille : n° 355, fin XIIIe - début XIVe siècle ; n° 818, démolition de mur, fin XIIIe/début XIVe - second quart/milieu XIVe siècle  Le Castellas, Rognac : n° 2, cimetière du castrum, H.S. Gard  Cloître, Saint-Gilles-du-Gard : n° 2010-62, sépulture d’homme adulte (> 45 ans), milieu XVe ? - milieu XVIIe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 409, couche très arasée, fin XIIe - première moitié XIIIe siècle ; n° 1041, couche d’occupation ou déblais, milieu XIIIe - vers 1285 ; n° 1451, sol intérieur de grotte avec foyer, n° 2168, couche de dépotoir, n° 3064, couche de dépotoir, vers 1345 - vers 1360 ; n° 2766, couche de dépotoir, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 1613 A, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1173, troisième tiers XIVe siècle.  Palais des papes, jardins orientaux, Avignon : n° 54, vers 1400 - vers 1410.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 149, 1710, 2222 et 2779, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400 ; n° 163, comblement de tranchée de fondation, 1491 - 1496 ; n° 774, comblement de fosse, Époque moderne.  Rue Banasterie, Avignon : n° 353, datation inconnue. 3391 Artefact presque complet, L x l = 5,5 x 1,05 cm, contextes des XIIIe - XVIIIe siècles (Liegard 2000, p 135, n° 6) 728 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les objets considérés dans cette section n’ont pu être associés à un des types établis, du fait de leur état de conservation médiocre qui ne permet pas d’en faire l’étude (fig. 296, n° 4 et 5), d’une identification incertaine ou de leur état incomplet. Six pièces obtenues par la fonte ont peut-être appartenu à des mordants (fig. 295, n° 7 à 9 ; fig. 296, n° 1 à 3). L’un de ces objets (fig. 295, n° 7) comporte une partie aplatie avec une encoche à ouverture quadrangulaire, une extrémité distale tréflée avec trois ouvertures circulaires terminée par un massif biconique. Tous les trous sont issus de la fonte. Des traces de limage sont visibles sur la partie distale et sur les bords de la partie plate. G. Démians d’Archimbaud interprète cet objet comme un élément de mordant articulé3392. Deux perforations, dont l’une est occupée par un rivet en tôle, sont visibles sur la partie plate d’une pièce (fig. 295, n° 9) dont l’extrémité distale est constituée de deux massifs ovoïdes à cannelures. À l’autre extrémité, il est disposé un motif cylindrique ajouré à rayons issu de la fonte à côté d’une excroissance aux contours chantournés. Une ligne en relief de zigzags s’étend sur une partie des faces latérales. L’artefact suivant (fig. 296, n° 1) est cassé à l’endroit de la charnière. La face avers est décorée de deux cannelures en fort relief. L’extrémité distale est en forme de trèfle. Des traces de limage s’observent sur les faces latérales jusque sur l’excroissance tréflée. Un morceau de plaque tréflée très oxydée (fig. 296, n° 2) et un fragment mouluré (fig. 307, n° 8) ont pu appartenir à l’extrémité d’un mordant. La dernière pièce a été pliée en deux après la fonte afin de constituer une charnière (fig. 296, n° 3). L’extrémité proximale a été soigneusement martelée au revers de l’artefact afin de ne laisser aucune trace de bourrelet. L’extrémité distale évoque peut-être un gland : une zone quadrillée obliquement précède une partie ovoïde ouverte en son centre et une terminaison en amande. Le catalogue de l’exposition Aujourd’hui le Moyen Âge qui fut présentée au public à travers le sud-est de la France entre 1981 et 1983 offre sous le numéro 416 la reconstitution d’une ceinture dont les éléments métalliques appartenaient à un collectionneur privé3393. L’ensemble, constitué d’une boucle de type P2b, d’une chape indéterminée, d’appliques de type Q3 et d’un mordant (fig. 296, n° 21), provient du cimetière du castrum du Castellas à Rognac. Le mordant à volutes paraît avoir comporté deux rivets pour la fixation. Son mode de fabrication reste inconnu. 3392 3393 Démians d’Archimbaud 1980b, p. 504. Aujourd’hui 1981, n° 416. 729 3. Approche croisée du mobilier archéologique De nombreux fragments de tôles sans traces de brasure sont enregistrés dans le corpus. Ils ont pu appartenir à des mordants de type B, C ou D. Sur quelques pièces, des traces de brasure sont conservées le long des grands côtés (fig. 296, n° 9 et 20) ce qui pourrait laisser penser à des morceaux de mordants de type D. Une tôle dont l’enroulement est bombé (fig. 296, n° 10) est à rapprocher des mordants de type A. Des tôles sont découpées en partie proximale d’un ou plusieurs triangles (fig. 296, n° 13 et 19), d’une accolade (fig. 296, n° 22), d’une accolade encadrée de triangles (fig. 296, n° 11). Plusieurs exemplaires ont une excroissance distale en forme d’ergot arrondi (fig. 296, n° 11, 13, 16, 22), de losange (fig. 296, n° 14), ou de trèfle (fig. 296, n° 15). Une décoration gravée s’observe sur trois tôles : un écu écartelé (fig. 296, n° 17), des chevrons de zigzags délimitant des zones alternativement remplies de zigzags ou de deux ou trois incisions (fig. 296, n° 12 ; fig. 297, n° 9), une bande de traits obliques et des chevrons alternant avec des ajours circulaires (fig. 296, n° 16). 3.1.5.3. Synthèse Nous avons constaté auparavant le faible nombre de chapes par rapport au nombre d’anneaux et de boucles. Celui des mordants et terminaisons de courroie est presque aussi faible. Il est légèrement supérieur à celui des chapes en tenant compte des pièces qui n’ont pas pu être classées dans un sous-type particulier car trop incomplètes. Sans doute les mordants étant soumis à plus de contraintes que les boucles et les chapes, bon nombre d’entre eux sont abîmés et sont visibles sur les figures 301 à 303 sur lesquelles nous avons représentés les objets dont l’identification en tant qu’éléments de chapes ou de mordants est incertaine. Nous avons fait le choix de ne pas établir de tableau de synthèse des datations des mordants et terminaisons de courroie car, dans bon nombre de cas, les données sont trop peu nombreuses pour permettre une datation typologique. Nous n’avons pas non plus réalisé de tableau marquant l’évolution de la variabilité typologique au cours du temps, car la datation des contextes de découverte des pièces isolées prendrait une trop grande importance sur les quelques datations typologiques que nous avons proposé. La majeure partie des artefacts appartient à des contextes du XIVe siècle. D’une certaine manière, cette observation confirme la forte variété typologique déjà constatée pour les anneaux et boucles et pour les chapes à cette période. Les mordants du corpus sont essentiellement fabriqués à partir de tôles métalliques (fig. 298). Ils sont le plus fréquemment du type D puis des types A et B. Les terminaisons de 730 3. Approche croisée du mobilier archéologique courroie sont des types F et I1. Une utilisation en tant qu’élément de système d’agrafage est proposée ou prouvée pour la plupart d’entre elles. Un tel emploi ne se rencontre parmi les mordants que pour le type D6. Dans l’iconographie, l’extrémité de la ceinture est souvent laissée pendante et ce au plus tard dès la seconde moitié du XIIe siècle (ex : fig. 30). Concernant cette caraxtéristique, nous n’avons pas constaté de variation significative selon l’époque et le sexe des porteurs. Les mordants de type D6 pouvaient être terminés par un pendant décoratif. Peut-être est-ce un tel objet qui est signalé dans la description d’une ceinture mise en gage par l’arpenteur arlésien Bertrand Boysset en 1410 : une ceinture de soie ouvragée (operata) de couleur blanche et verte avec un fil d’or (cum filo auro) et garnie de sept appliques d’argent, d’une boucle (bloca) et d’un mordant (mordente seu pendente)3394. Le nombre de rivets de fixation est variable selon les types de mordants (fig. 299). Il n’est pas supérieur à trois pour les mordants de type A, généralement d’un seul pour les spécimens de type B, très variable pour les artefacts de type C. Un unique rivet est ordinairement nécessaire à la fixation des mordants des types D2, D3, D5, E et H, deux rivets pour les terminaisons de courroie des types F et I. Le nombre de rivets pour les mordants de type D6 varie entre deux et cinq. Quand l’objet présente cinq rivets, deux d’entre eux n’ont plus d’utilité et ne sont présents que par souci de symétrie dans l’ornementation à laquelle leurs têtes participent. Nous renvoyons au sous-chapitre suivant pour une analyse du décor des mordants et terminaisons de courroie car il présente souvent des points communs avec celui des chapes. Les mordants les plus anciens répertoriés dans l’iconographie provençale ont une extrémité distale arrondie (fig. 31, 42 et 43), forme qui se retrouve dans le corpus avec les types B1c, B2a et D1, mais la datation du mobilier est plus tardive. Par la suite, l’aspect des mordants a tendance à se complexifier. Nombre d’entre eux sont en forme de croissant de lune (fig. 72, 121) et comportent éventuellement une pointe centrale interne (fig. 98). Cette forme se retrouve d’une façon plus ou moins approchante sur du mobilier archéologique hors de Provence3395. Remarquons que ces mordants en forme de croissant ornent l’extrémité de courroies à fonction décorative sur un cheval peint dans un tableau daté des environs de 1495 (fig. 121) et un exemplaire le bout de la courroie de serrage d’une aumônière attachée à la ceinture d’un bourreau du Couronnement d’épines de Jean Canavesio réalisé sur les murs de la chapelle Notre-Dame-des-Fontaines à La Brigue en 1492 (fig. 72). Deux « appliques » en 3394 Bourrilly 1928, p. 98. Voir Fingerlin 1971, p. 187-189 ; Egan et Pritchard 2002², p. 151, n° 712 ; Egan 2005, p. 41, n° 147. 3395 731 3. Approche croisée du mobilier archéologique forme de croissant de lune et à pointe interne ornent le sac. Ces quelques images illustrent que les mordants n’étaient pas exclusivement disposés sur des ceintures. Plusieurs mordants trouvés en Provence comportent une excroissance distale allongée. Elle évoque parfois la forme d’un gland (ex : fig. 289, n° 11 et 19). Une « boule » termine l’excroissance du mordant de la ceinture de saint Antoine Abate dans une peinture d’Antoine Viviani datée du troisième quart du XVe siècle (fig. 157). Nous avons relevé dans l’iconographie plusieurs mordants circulaires de ceinture à agrafage (ex : fig. 81 et 82) sur des ceintures féminines et qui, bien que différents des pièces du corpus (types D6 et I1), sont attestés dans le mobilier en alliage cuivreux. La grande majorité de ces objets est conservée dans des musées et comporte une ornementation de qualité3396. Celle-ci explique probablement la fréquence de ces mordants « luxueux » dans l’iconographie. 3396 Voir Fingerlin 1971, p. 139-141. 732 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.1.6. Le décor des chapes, mordants et terminaisons de courroie Les chapes, les mordants et les terminaisons de courroie se prêtent généralement bien à une décoration. Nous ne mentionnerons pas ici tous les types de décors attestés dans le corpus mais nous mettrons en évidence les grands modèles ornementaux. La plupart des décors ont été obtenus par gravure. Les motifs les plus simples sont constitués de segments (fig. 297, n° 11 ; fig. 302, n° 1), de lignes droites, de zigzags, de files de dents de loups opposées par la base. Pour les chapes, dans le corpus comme dans la bibliographie, ils sont généralement alignés le long des côtés latéraux, le long des bords latéraux et proximal ou forment un cadre complet. Une ligne incisée peut être disposée en parallèle des zigzags ou des dents de loup, côté interne. Dans le corpus et dans la bibliographie, les lignes incisées, les zigzags et les files de dents de loup opposées par la base alignés le long des côtés des mordants sont relativement rares. Les données actuellement rassemblées font apparaître les files de dents de loup opposées par la base dans la seconde moitié du XIIe siècle3397, les lignes le long des côtés à la fin du XIIe siècle3398. Les zigzags gravés le long des bords des chapes et mordants sont connus dès le premier tiers du XIIIe siècle3399. Au même moment, les zigzags commencent à être utilisés pour faire apparaître des motifs en réserve : croix3400, fleur à quatre pétales encadrée par deux croix de saint André3401, chevrons et formes en amande (fig. 202, n° 8), etc. Des ocelles (fig. 205, n° 10) ou des lignes courbes parallèles (fig. 292, n° 4) peuvent remplacer les zigzags. Les lignes droites le long des côtés, les files de dents de loup et les zigzags en général sont rares sur les chapes après le XIVe siècle, inexistants sur les mordants. 3397 Un fragment de chape ou de mordant avec des files de dents de loup opposées par la base a été trouvé dans le comblement d’une fosse des IXe - XIIe siècles sur le site de Gungling à Glosbliederstroff en Moselle (Peytremann et Frauciel 2006, p. 84, fig. 23). Une chape découverte associée à une boucle de type D3 dans un niveau de la seconde moitié du XIIe siècle du site de Bilingsgate lorry park à Londres comporte un cadre complet de files de dents de loup opposées par la base (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 74, n° 303). 3398 Boucle de type C7 avec chape complète de type A2b trouvée avec un trésor monétaire daté entre 1192 et 1203 dans une ancienne église démolie sous la place Saint-Pierre à Tournai (Dewit et al. 1999, p. 171, n° 1). 3399 Fragment de chape de type A1a trouvé dans l’habitat rural de Pech de Bonal à Fontanes dans le Lot (Boudartchouk et al. 1998, p. 79, fig. 11, n° 6). 3400 Chape complète de type A4a associée à une boucle de type D3 issue d’un niveau du premier tiers du XIIIe siècle (Egan et Pritchard 2002², p. 76, n° 313). 3401 Anneau de type J8 avec chape complète de type C1a trouvé au cimetière de la Tour Saint-Laurent e (XI - XIVe siècles) à Oze dans les Hautes-Alpes (Bonnefoi 1969, p. 25). 733 3. Approche croisée du mobilier archéologique Un petit ensemble d’objets est décoré d’un rinceau végétal avec ses feuilles. Le motif est délimité par des lignes incisées sur un mordant (fig. 288, n° 13), par des zigzags sur deux fragments de chape ou de mordant (fig. 297, n° 12 ; fig. 302, n° 17 et 18) et sur deux chapes de type C1b liées à des boucles de type Q6b (fig. 250, n° 2 et 4) ; il apparaît en réserve sur un fond de zigzags sur des chapes (fig. 275, n° 2 et 9). Un fragment de tôle en alliage cuivreux de décoration de meuble issu d’un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle sur le site de Baynard House à Londres est orné d’un rinceau à feuilles sur un fond de zigzags (fig. 300, n° 1). Une des boucles de type Q6b appartient à un niveau daté vers 1309/1315 - vers 1345. Une chape isolée, les fragments de tôles et la deuxième boucle de type Q6b proviennent de niveaux datés vers 1360 - vers 1370/1375. Le contexte du mordant pourrait dater du dernier tiers du XIVe siècle. Le motif pourrait être attribué aux deux derniers tiers du XIVe siècle. Une variante avec fond d’ocelles s’observe sur un fourreau en cuir découvert dans une couche de la première moitié ou du milieu du XIIIe siècle (fig. 300, n° 2). Les motifs ondulés ou de lignes brisées sont courants dans le corpus : une ligne ondulée de zigzags (fig. 203, n° 1), des lignes ondulées de zigzags entre lignes droites de zigzags (fig. 289, n° 2 ; fig. 302, n° 8 et 9), des segments de zigzags encadrant une ligne de zigzags en zigzags (fig. 302, n° 16), une bande en zigzags formée par deux lignes en zigzags sur un fond de points poinçonnés (fig. 203, n° 4), un motif cordé de zigzags dans un cadre complet de deux lignes de zigzags (fig. 289, n° 16), une bande en zigzags délimitant des espaces triangulaires occupés par de petites plantes sur un fond de lignes parallèles (fig. 303, n° 10), un motif d’entrelacs angulaires sur un fond de zigzags dont les nœuds encadrent des fleurs à quatre pétales (fig. 289, n° 18), une ligne d’ondulations ondulées (fig. 287, n° 4), une ligne ondulée entre deux lignes droites (fig. 183, n° 11), des segments droits encadrant une ligne ondulée entre deux lignes droites (fig. 287, n° 5), deux lignes ondulées parallèles de points poinçonnés entre des couples de deux lignes de points ronds (fig. 289, n° 17). Un groupe de chapes et de mordants arbore un décor constitué de lignes et de segments droits et obliques composant des motifs abstraits, non symétriques (fig. 250, n° 5 ; fig. 275, n° 11 ; fig. 290, n° 7 ; fig. 293, n° 9 ; fig. 303, n° 4 à 7), ce qui est peu courant. Le décor de ces pièces est relativement homogène. Il est quelque peu différent pour un fragment de chape ou de mordant (fig. 303, n° 3), très dissemblable pour un autre artefact dont le rivet traverse une cupule bombée (fig. 303, n° 2). Nous avons signalé à de nombreuses reprises lors de l’étude typologique des chapes et des mordants, des exemplaires comportant un décor composé de segments droits et obliques, de triangles et souvent de rectangles rayés, de motifs circulaires réalisés par abrasion 734 3. Approche croisée du mobilier archéologique (fig. 207, n° 8 ; fig. 208, n° 1, 2 et 7 ; fig. 274, n° 9 à 11 ; fig. 275, n° 1, 4, 6, 12 ; fig. 291, n° 3 à 5, 7). Quelques fragments de tôle de chape ou de mordants présentent également cette ornementation (fig. 303, n° 13 à 15, 17 à 19, 21, 22, 25 et 26). Ce décor s’observe sur des chapes des types B1a, B1b, B1c et C1b, sur des mordants du type D5. Toutes ces pièces, datables du XIVe siècle, sont très allongées et ne comportent qu’un seul rivet de fixation. La grande homogénéité des décors, des dimensions et des types, la découverte de la plupart des artefacts dans le Var et surtout sur le site du castrum Saint-Jean à Rougiers nous incitent à y voir la production d’un même atelier métallurgique varois. Quelques objets à l’ornementation approchante, c’est-à-dire avec des motifs circulaires et des lignes obliques (fig. 274, n° 8), avec des triangles rayés et des segments droits (fig. 210, n° 4 ; fig. 290, n° 10 ; fig. 291, n° 2) ont aussi été mis au jour dans cette zone. Les chapes et mordants peuvent comporter des motifs ajourés en plus de la gravure ou comme seul décor (fig. 203, n° 16 ; fig. 290, n° 1 et 3). Un important corpus d’objets provençaux attribuables au XIVe siècle est découpé d’un ou de plusieurs ajours en forme de fenêtre d’architecture (fig. 208, n° 3 et 4 ; fig. 291, n° 9 à 11 ; fig. 303, n° 1 et 20 ; peut-être fig. 274, n° 6), généralement à arc outrepassé (fig. 183, n° 10). Les ajours à arc outrepassé sont presque toujours encadrés par des lignes incisées qui figurent l’appui-fenêtre, les jambages, un éventuel meneau lorsque deux fenêtres sont accolées et un remplage triangulaire (fig. 207, n° 9 ; fig. 207, n° 10 ; fig. 274, n° 12 et 13 ; fig. 275, n° 10 ; fig. 288, n° 14 ; fig. 289, n° 11) qui peut être découpé d’un oculus (fig. 184, n° 1 et 2) et d’un quadrilobe (fig. 208, n° 10) ou seulement d’un quadrilobe (fig. 209, n° 5, fig. 276, n° 4 ; peut-être fig. 209, n° 2). Un motif de losange dans un rectangle rayé est parfois visible sous la fenêtre ou les fenêtres (fig. 207, n° 9 ; fig. 274, n° 12 et 13). Il nous a conduit à inclure des pièces fragmentaires dans ce groupe des ajours architecturaux (fig. 274, n° 7 ; fig. 303, n° 16, 23 et 24). Un fragment de chape ou de mordant évoque assez explicitement la façade d’un bras de transept d’église (fig. 303, n° 9). Ces ajours laissaient voir, dans de nombreux cas, le cuir ou le tissu de la courroie dont la couleur contrastait avec celle du métal, doré d’après les analyses de composition réalisées sur plusieurs spécimens issus du site du castrum Saint-Jean à Rougiers3402. Un morceau de verre peint est inséré à l’intérieur d’une chape et d’un mordant trouvés dans une même sépulture féminine sur le site du cimetière de Bagatelle/Abreuvoir à Châteauvert (fig. 207, n° 10 ; fig. 291, n° 10). Chaque fenêtre laisse voir un homme ou une femme. Un parallèle peut être fait avec le vitrail religieux (ex : fig. 306 et 307). Un mordant 3402 Se reporter à l’annexe 2. 735 3. Approche croisée du mobilier archéologique de type D5 mis au jour dans un ossuaire du bas Moyen Âge dans l’église Notre-Dame d’Avinionet à Mandelieu-La Napoule dans les Alpes-Maritimes retient une plaque de verre. Le décor peint semble ne pas s’être conservé3403. De petites tôles ont dans plusieurs cas été insérées à l’intérieur des chapes et maintenues en place par rivetage (fig. 183, n° 10 ; fig. 208, n° 10 ; fig. 209, n° 5 ; fig. 275, n° 10 ; fig. 276, n° 4 ; fig. 288, n° 15 ; fig. 289, n° 11). Leur ondulation peut évoquer un personnage ou un rinceau végétal. Un rinceau végétal terminé par une pomme de pin est figuré dans une fenêtre à arc outrepassé ou trilobé sur des chapes et mordants en alliage cuivreux conservés dans des musées à Laon, à Pierrefonds, à Liège et à Londres3404, sur des mordants trouvés à Londres3405. Des personnages, plus souvent des femmes que des hommes, sont aussi représentés dans des fenêtres sur des chapes et mordants en argent (fig. 309) comme nous l’avons déjà signalé pour le type E des mordants3406. La forme des fenêtres découpées dans la tôle des chapes et mordants du corpus est assez éloignée des modèles architecturaux. Les fenêtres découpées dans la tôle des chapes et mordants provençaux sont très certainement le résultat d’emprunts aux pièces orfévrées et non pas le fait de la transposition directe ou de l’interprétation d’un motif architectural. Des triptyques en ivoire (fig. 304), des meubles en bois (fig. 305) ou d’autres productions artistiques et artisanales ont vraisemblablement servi d’intermédiaires3407. Rien n’interdit par ailleurs d’imaginer sur la production des accessoires vestimentaires une influence plus directe de l’orfèvrerie de la vaisselle liturgique, des reliquaires (fig. 308) et des ornements en général, où les emprunts aux formes de l’architecture sont couramment intégrés dans le répertoire décoratif. Nous ne tenterons pas de retracer l’historique des motifs architecturaux sur l’ornementation du mobilier métallique, car ce domaine dépasserait le cadre de notre étude. Un travail en collaboration avec différents spécialistes de l’architecture, du vitrail, de l’ameublement et de l’iconographie est nécessaire pour approfondir ce sujet. Les chapes à ajour(s) en fenêtre(s) d’architecture du corpus sont toutes liées à des boucles composites de type C8 ou F4. Les mordants appartenaient très certainement à des ceintures comportant ces éléments. Les chapes et mordants à ajour(s) en fenêtre(s) ne sont pas aussi fréquents hors de Provence qu’en Provence. Un atelier régional, très certainement varois au vu de la répartition des découvertes, les a produit en grand nombre. Les pièces en alliage 3403 Spécimen incomplet, L x l = 6,5 x 1,6 cm (Fixot (dir.) 1990, p. 41, fig. 11). Fingerlin 1971, p. 101. 3405 Les pièces proviennent d contextes datés de la seconde moitié du XIVe siècle et de la première moitié du XVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 148-149, n° 704 et 705). 3406 Se reporter au type E des mordants. 3407 Information aimablement communiquée par A. Hartmann-Virnich. 3404 736 3. Approche croisée du mobilier archéologique cuivreux sont très certainement en partie inspirées du mobilier orfévré. Les boucles composites et leurs chapes et les mordants qui peuvent leur être associés de par les décors sont des objets fragiles au processus de fabrication relativement long, généralement abondamment décorés, pour lesquels des analyses de composition révèlent que des tôles le plus souvent de même composition et au matériau de couleur dorée ont été employés3408. Le coût de ces accessoires de la ceinture devait être relativement élevé en comparaison de celui de la plupart des autres pièces, même si la quantité de matière utilisée pour les anneaux et boucles est moins importante que pour un objet issude la fonderie. Le poinçonnage (fig. 183, n° 13 ; fig. 206, n° 10 ; fig. 212, n° 6 ; fig. 292, n° 3 ; fig. 294, n° 11 et 12 ; fig. 302, n° 14) est relativement peu fréquent en comparaison des motifs gravés. Un fragment de chape ou de mordant doré comporte un intéressant décor constitué de deux ajours en forme de croissant de lune et de petits coups d’un poinçon circulaire (fig. 297, n° 10 ; fig. 302, n° 6). Des appliques, la plupart du temps de type D2b dans le corpus, participent aussi à la décoration des chapes et mordants (fig. 142, n° 11 et 12 ; fig. 204, n° 8 ; fig. 273, n° 15 ; fig. 288, n° 16 ; fig. 290, n° 8). Des zigzags les encadrent le plus souvent. L’emboutissage s’observe sur quelques pièces, la plupart du temps sur des chapes fixées à une boucle de type H (fig. 212, n° 9 et 10 ; fig. 213, n° 5). La dorure orne le plus souvent des pièces du XIIIe siècle (ex : fig. 201, n° 21 ; fig. 203, n° 16 ; fig. 209, n° 6). L’étamage ou l’argenture est plus courant au XIVe siècle (fig. 273, n° 15 ; fig. 290, n° 11). L’émaillage en champlevé se rencontre sur des chapes de type C (fig. 276, n° 2 et 3) ou sur des mordants de type E (fig. 293). Nous constatons une forte proportion de chapes émaillées dans le sud de la France. Plusieurs d’entre elles ont été produites à Limoges. L’ornementation des autres s’en est inspirée. Motifs héraldiques, animaux et monstres, chevaliers à cheval ou à pied sont visibles sur les faces avers. Ces chapes appartiennent d’après M. Barrère au costume élitaire3409, interprétation qui nous paraît également très probable. Le bord proximal des chapes et mordants est régulièrement découpé d’un ou plusieurs triangles, d’un ou plusieurs arcs de cercle, d’une combinaison de ces deux motifs, plus rarement d’une accolade. D’après les données rassemblées, la découpe en arc de cercle se rencontre dès le premie tiers du XIIIe siècle3410, celle en triangle à partir de la seconde moitié 3408 Voir l’annexe 2. Barrère 2014, p. 676. 3410 Mordant en fer similaire au type B1b trouvé sur le site de Billingsgate lorry park à Londres (Egan et Pritchard 2002², p. 132, n° 612). 3409 737 3. Approche croisée du mobilier archéologique du XIIIe siècle3411 et celle en accolade probablement seulement durant le XIVe siècle. Elles deviennent rares postérieurement au XIVe siècle. Plusieurs mordants en alliage cuivreux sont terminés par une excroissance distale comportant un motif évoquant un gland (fig. 289, n° 11 et 19). Il est réalisé par le limage de plusieurs petites tôles superposées traversées par un rivet. Cette superposition de tôles s’observe également pour deux autres pièces du corpus (fig. 287, n° 10 ; fig. 288, n° 14 ; fig. 289, n° 13) dont le motif pourrait être une interprétation plus frustre du gland. Une terminaison en forme de gland s’observe sur de nombreux mordants de la bibliographie de tous types, en alliage cuivreux, en fer ou en argent, en tôles ou obtenus par la fonte3412. Une datation du motif correspondant au XIVe siècle et au début du XVe siècle semble pouvoir être proposée. 3411 Mordant en alliage cuivreux de type B3 découvert au château d’Ortenbourg dans le Bas-Rhin (Rieb et Salch 1973, n° 339). 3412 Voir par exemple Goodall 1979 (p. 111, n° 14), Shoesmith (dir.) 1985 (fig. 4.8), Egan et Pritchard (dir.) 2002² (p. 132, n° 607, p. 141, n° 648, 651, p. 143-145, n° 672 à 684, p. 148, n° 704 et 705, p. 152-153, n° 717), Fingerlin 1971 (p. 97, 99, 101, 115, 131). 738 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.1.7. Synthèse générale Les sources écrites mais aussi l’iconographie complètent utilement les informations tirées du mobilier archéologique en le remettant en perspective. Nous avons ainsi pu grâce aux sources archéologiques, écrites et iconographiques constater la diversité d’emploi des anneaux et boucles dans et hors du costume. À travers les sources écrites, nous avons observé que la ceinture est à la fois un objet de thésaurisation avec l’emploi de l’argent et de ses alliages pour les éléments métalliques et un objet destiné à être vu. Ce dernier aspect se manifeste à travers l’éclat du métal précieux ou des métaux et alliages plus communs qui, d’après les analyses de composition réalisées sur des artefacts issus du site du castrum saintJean à Rougiers, arborent le plus souvent une couleur dorée ou reçoivent une dorure3413. L’iconographie, qui « donne à voir » contrairement aux sources écrites dont les mots ne peuvent exposer avec toute la précision voulue la configuration des accessoires étudiés, nous a permis de suivre l’évolution du port de la ceinture au cours du temps. Les sources écrites et dans une moindre mesure l’iconographie ouvrent une fenêtre sur les symboliques attachées à la ceinture. Les parallèles ne sont pas toujours évidents entre le mobilier orfévré conservé dans des musées ou retrouvé en contexte archéologique et le mobilier en matériau cuivreux, en fer, en matériau blanc ou en os. Il est probable que bon nombre d’objets orfévrés n’ont été conservés que pour leurs qualités esthétiques. Ces pièces particulièrement ouvragées sont donc relativement éloignées du mobilier ordinairement trouvé en contexte archéologique. Également, les artefacts orfévrés découverts dans des trésors enfouis tels celui de Chalcis dans le district d’Eubée en Grèce3414 ou ceux d’Erfurt dans le land de Thuringe en Allemagne et de Colmar dans le Haut-Rhin3415 n’offrent pas toujours des éléments de comparaison plus proches que les objets de musées. L’étude typologique des anneaux, boucles, chapes, mordants et terminaisons de courroie en « matériau commun » montre toutefois que quelques relations peuvent être établies avec les pièces orfévrées. Ceci est particulièrement flagrant avec les anneaux et boucles de type M dont l’aspect est très spécifique, très probable concernant les représentations de personnages des mordants de type E et le motif de l’ajour en forme de fenêtre d’architecture découpé et gravé sur les chapes et mordants. Les pièces en 3413 Se reporter à l’annexe 2. Se reporter à Campbell 2009, fig. 5. 3415 Voir Descatoire (dir.) 2007. 3414 739 3. Approche croisée du mobilier archéologique matériau précieux ont, dans ces cas, servi de modèle. La relation est beaucoup moins évidente pour les autres formes d’anneaux et boucles dont le tracé est, par exemple, basé sur des formes géométriques. Les accessoires orfévrés de la ceinture qui ont été conservés ne sont pas particulièrement nombreux et ils ne sont donc pas totalement représentatifs du mobilier médiéval, ce qui peut expliquer nos difficultés à appréhender les liens entre les classes d’objets. Toutefois, l’étude typologique prouve selon nous qu’une grande part du développement des anneaux et boucles, chapes, mordants et terminaisons de courroie au cours du temps est le fait de l’évolution de modes ne concernant que le mobilier en matériau non précieux et que l’influence du mobilier orfévré tient le plus souvent à des détails. L’étude typologique montre la grande diversité du mobilier et l’évolution de leur variété au cours du temps, ceci pour les anneaux et boucles et également pour les chapes dont l’utilisation est liée à ces derniers. Le nombre de types d’objets augmente à partir de la toute fin du XIIe siècle, il progresse plus rapidement au cours du XIIIe siècle, augmente fortement et atteint son maximum durant le XIVe siècle. Nous ne doutons pas qu’un constat similaire puisse être mis en évidence pour les mordants et terminaisons de courroie avec l’accroissement futur des données. Nous aurions pu établir, comme pour les anneaux et boucles (fig. 280 et 281) des tableaux représentant la variation du nombre de types en fonction des matériaux ou des types généraux au cours du temps. Mais le trop faible nombre d’informations disponibles pour la plupart des types nous en a dissuadé, une certaine représentativité statistique ne nous semblant pas atteinte. Le nombre de types d’objets à population très restreinte est inférieur pour les autres catégories d’objets et a donc beaucoup moins d’impact sur le tableau des chapes et moins encore sur celui des anneaux et boucles. Toutefois, les valeurs extraites de ces tableaux doivent être considérées comme des ordres de grandeur puisqu’elles sont aussi le reflet des choix opérés lors de l’établissement de la typologie. Elles traduisent une évolution générale. Les anneaux, boucles, chapes et mordants sont, dans le cadre du costume, la plupart du temps relatifs à la ceinture. Nous ne ferons pas ici de synthèse sur les accessoires de la ceinture puisque les appliques, qui peuvent également être fixées sur d’autres accessoires ou directement sur des pièces de vêtement, sont traitées dans le chapitre suivant. Nous rassemblerons toutes les données concernant la ceinture et plus largement l’emploi des accessoires dans le costume dans la conclusion finale. 740 AIX-MARSEILLE UNIVERSITÉ École doctorale 355 : Espaces, Cultures et Sociétés Laboratoire d’Archéologie Médiévale et Moderne en Méditerranée LA3M – Aix-Marseille Université UMR 7298 AMU-CNRS Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme THÈSE DE DOCTORAT EN ARCHÉOLOGIE Présentée et soutenue publiquement par Olivier THUAUDET Le 14 décembre 2015 LES ACCESSOIRES MÉTALLIQUES DU VÊTEMENT ET DE LA PARURE DE CORPS EN PROVENCE DU XIe AU XVIe SIÈCLE ÉTUDE ARCHÉOLOGIQUE ET APPROCHE CROISÉE D’UNE PRODUCTION MÉCONNUE VOLUME 2 TEXTE JURY : M. Andréas HARTMANN-VIRNICH, Professeur à l’Université d’Aix-Marseille, LA3M – Aix-Marseille Université UMR 7298 AMU-CNRS. Codirecteur Mme Marie-Christine BAILLY-MAÎTRE, Directrice de recherche CNRS, LA3M – AixMarseille Université UMR 7298 AMU-CNRS. Codirectrice M. Luc BOURGEOIS, Professeur à l’Université de Caen/Basse-Normandie, Rapporteur Mme Perrine MANE, Directrice de recherche au CNRS, GAM CRH UMR 8558, EHESS, Paris, Rapporteur Mme Nelly POUSTHOMIS, Professeur à l’Université de Toulouse, TRACES UMR 5608 UTM-CNRS 742 743 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.2. Les appliques et branlants Les appliques et branlants sont des pièces dont la fonction est la plupart du temps ornementale. Ainsi que le montrent les sources écrites, l’iconographie et quelques découvertes de vêtements et de ceintures en contexte archéologique, elles peuvent être disposées à tout endroit du costume. La ceinture est cependant leur emplacement préférentiel, ce qui justifie la situation de ce chapitre, juste après l’étude des anneaux, boucles, passants, chapes et mordants. La terminologie employée dans les sources écrites de la fin du Moyen Âge n’est pas toujours très explicite et l’identification des objets mentionnés est donc parfois incertaine. C’est le cas du mot fermaillet et peut-être aussi de fermail. La perte de fonction progressive du fermail – une sorte d’agrafe – est à l’origine du développement des fermaillets, des appliques agrafées au vêtement au XVe siècle. Le chapitre 3.3.5.2 sur les attaches répertorie quelques exemples de ces fermaux et fermaillets dont l’emploi exact n’est pas aisément déterminable. D’autres appliques de vêtement signalées dans les sources écrites ont peut-être été confondues avec des bijoux telles que les bagues orfévrées dont les quelques attestations connues pour la Provence sont répertoriées dans le chapitre 3.4.1. 3.2.1. Les appliques dites « de courroie » 3.2.1.1.Les appliques dites « de courroie » en contexte Dans le sous-chapitre sur la ceinture dans le costume civil3416, il a déjà été signalé que les termes « garni », « muni » ou « clouté » peuvent se rapporter ou désignent les appliques qui ornent ces courroies. La forme et la couleur des appliques (La, bolhonus, clavus, clavellus, cloborum, Pr, bilhota, boulon, Fr., clou, boullon) lorsqu’elles ne sont pas en argent ou en argent doré sont très rarement précisés dans les archives provençales : ces petits objets sont noirs et d’un matériau non renseigné sur cinq ceintures proposées à la vente par une mercerie de Carpentras en 13963417, ils sont en argent et ronds (rotundi) en 1433 sur une ceinture de cuir qui appartenait au défunt docteur en droit aixois Antoine Suan, conseiller du roi et maître 3416 3417 Se reporter au chapitre 3.1.1.2. Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 235 r°. 744 3. Approche croisée du mobilier archéologique rational de la Grande Curie du roi3418. La même année, à l’occasion de l’inventaire aprèsdécès des biens de l’apothicaire d’Aix Jean Salvator, il est enregistré une ceinture de tissu noir avec boucle et mordant en argent émaillé comprenant dix-huit appliques en argent doré et émaillé ajourée (? sub larga foram)3419. Les appliques de trois ceintures commandées par le nourriguier Jean Milon à l’argentier Henri Johannet en 1469 sont carrées et dorées. Huit d’entre elles comportent une petit tôle (?) émaillée (cum tauletis malhatis) et quatre autres une bossette (cum bolhonis)3420. Les appliques sont rondes sur une ceinture de tissu vert, rondes en forme de rose (ad modum rosa) sur une seconde ceinture de même type dans l’inventaire des marchandises d’un revendeur aixois dressé en 14823421. Le faible intérêt porté à la forme des appliques n’est en soi pas réellement surprenant, ceci n’influant pas sur la valeur de la ceinture. Dans l’iconographie du sud-est de la France, la majorité des appliques de ceinture représentées est circulaire. Des exemplaires sont par exemple visibles sur la ceinture d’un personnage de la peinture murale de la Chasse au faucon réalisée par Robin de Romans en 1343 dans la tour de la Garde-robe du palais des Papes (fig. 46). Parfois, la qualité de l’image (fig. 44 et 45) dont nous avons pu disposer ne permet pas de déterminer si elles comportent ou non un œillet. Dans d’autres cas, les appliques ne sont représentées que par de simples points (ex : fig. 45). Un œillet se devine au centre des appliques de la ceinture du saint Christophe portant le Christ (fig. 41) sur les fresques de la tour Ferrande à Pernes-les-Fontaines réalisées vers 1275-1280. Des appliques circulaires à œillet apparaissent encore sur la ceinture tenue à la main par Sainte-Marthe et servant de laisse à la Tarasque dans le Triptyque de sainte Marthe peint vers 1530 et conservé à la collégiale Saint-Martin à La Brigue (fig. 312). Des appliques circulaires au centre bombé sont figurées sur la ceinture du saint Michel peint par Josse Lieferinxe vers 1500 (fig. 311). Dans ce tableau, des détails dans l’armure de l’archange et dans le dispositif de fixation du fourreau de son épée ne sont pas réalistes. Ils concourent au merveilleux de la représentation. Le peintre a donc fort bien pu imaginer ces appliques. Notons toutefois la découverte d’appliques similaires en contexte archéologique et notamment d’un exemplaire en Provence (fig. 345, n° 2). L’iconographie provençale fournit également quelques représentations d’appliques non circulaires. L’épouse de Spiefami dans le Baptême du Christ peint dans l’entrée de la 3418 AD BDR Aix, 309 E 172, f° 170 r°. AD BDR Aix, 307 E 23, f° 137 v°. 3420 Annexe 8, doc. 15. 3421 AD BDR Aix, 308 E 689, f° 58 r° et 58 v°. 3419 745 3. Approche croisée du mobilier archéologique cathédrale Notre-Dame des Doms à Avignon vers 1425 arbore une longue ceinture bouclée dans le dos décorée sur toute la longueur d’appliques cruciformes (fig. 58). Les appliques ont un corps quadrangulaire, des extensions aux angles et sont perforées pour le passage de l’ardillon de la boucle sur la ceinture dont sainte Marthe se sert pour mettre en laisse la Tarasque (fig. 310) dans une statue en pierre sculptée vers 1445 et anciennement dans la chapelle Saint-Lazare de l’église des Célestins d’Avignon. Des appliques d’aspect très proche sont figurées sur la ceinture d’un juif assistant au Couronnement d’épines dans une fresque peinte par Jean Canavesio en 1492 dans la chapelle Notre-Dame-des-Fontaines à La Brigue (fig. 72). Elles sont identiques à celles de la ceinture de Ponce Pilate dans la scène du Lavement des mains dans la même chapelle (fig. 171). Les appliques de ceinture ne sont pas seulement décoratives, elles peuvent être aussi utilitaires. Le livre de compte de la mercerie de Carpentras, auquel il a déjà été fait référence à plusieurs reprises, couvre une période de quinze mois non consécutifs des années 1396 1397. Il rapporte, pour les trois premiers mois de l’année 1397, la vente de crochets de loton vendus à l’unité ou à la paire – 57 exemplaires sont débités, non compris douze spécimens retournés à la boutique –, au tarif de 1 denier 1/3 à 4 deniers l’unité, plus généralement 3 sous la pièce. Le prix est moins élevé lorsqu’ils sont cédés par paires, soit 1 sou 1/3 ou 1,5 sou l’exemplaire. Ils sont alors très certainement destinés à fonctionner ensemble et sont probablement de plus petite taille. La boutique de mercerie vendant essentiellement du tissu et des articles du costume, il est légitime d’envisager que ces crochets aient pu être destinés au costume, ou peut-être même à la ceinture. Dans les comptes, on rencontre le terme de grassion qui équivaudrait à celui de crochet d’après P. Pansier3422. Ce terme est absent des dictionnaires consultés mais la forme grasson apparaît dans le dictionnaire de F. Godefroy à l’article grappon comme équivalent à grappin ou crochet3423. L’érudit provençal a pu s’appuyer sur cet élément pour son identification. Cependant, comment expliquer dès lors la présence de piencher (peigne) grassion et de pienches de grasion3424 ? Il n’existe pas en contexte archéologique ou dans l’iconographie de peignes à crochet. En outre, la formulation pienche de n’a pas de signification avec cette définition. Des crochets de ceinture nommés estac ou estard sont mentionnés dans quelques documents de la fin du XVIe siècle. Une ceinture d’argent avec clavier et estards d’une 3422 Pansier 1929a, p. 157. Godefroy 1881-1902. 3424 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 57 r°, 178 r°, 179 v°, 198 r°, 208 v°. 3423 746 3. Approche croisée du mobilier archéologique valeur de huit écus apparaît dans un trousseau de mariage à Sisteron en 15813425. En 1587, il est retrouvé lors de l’inventaire des meubles de dame Madeleine Paret, prieure du monastère de Sainte Praxède d'Avignon, dans une caisse de cyprès dans son cabinet, ung pandant sive estagere de bource3426. En 1596, à Figanières, il est mentionné dans une dot un clavier et estacz de bource3427. Peut-être ces crochets de ceinture ressemblent-ils à celui qui est visible à la ceinture de Joseph d’Arimathie dans la Mise au tombeau en bois peint de la seconde moitié du XVe siècle conservée dans l’abbaye Saint-Pierre de Moissac (fig. 242) ou à ceux portés par des femmes dans une peinture (fig. 315) et une gravure (fig. 316) de la fin du XVe siècle et permettant la suspension de clefs. Des cadres métalliques à anneau de suspension supportant la bourse se rencontrent également : un exemplaire est pendu à la ceinture d’un donateur dans une Présentation au Temple bourguignonne du milieu du XVe siècle (fig. 174). Des appliques rivetées à la ceinture peuvent également assurer cette fonction de suspension d’objets : il en apparaît une à la ceinture d’un roi Clovis sculpté au milieu du XIIIe siècle (fig. 314) et peut-être une à la ceinture d’un berger dans une Adoration des Bergers de la toute fin du XIVe siècle (fig. 313). La ceinture n’est pas le seul support recevant des appliques dans le costume civil, même s’il apparaît, au vu des découvertes archéologiques et de l’iconographie, comme un emplacement préférentiel. Des pièces de vêtement peuvent également être décorées d’appliques (fig. 318). En 1397, une mercerie de Carpentras achète pour les revendre 287 douzaines de coquilles (conquilhas) et de paillettes (parpalhons) pendantes à des chaînettes (a cadenetas pendent)3428. L’inventaire des biens de feu Élipde d’Avelin dressé dans son château des Baux en 1426, mentionne un hennin (floquart) de velours noir garni de paillettes et de perles menues et un riche collier d’argent doré garni de pierres et de faisceaux de perles, ainsi que de paillettes émaillées de rouge3429. Il est également signalé dans ce même document une robe écarlate dont les grandes manches frangées (frepees) sont broudees de petis boullons dores simples3430, probablement de petites appliques convexes de métal embouti et doré. En 1475, les danseurs d’une moresque exécutée devant le légat d’Avignon ont leurs vêtements parsemés de quatre onces de petites appliques d’argent doré embouti, bilhotas d’argent daurat 3425 Laplane 1843, t. 2, p. 518. AD Vaucluse, 1 G 390, f° 443 r° - 456 r°, f° 445 v° pour l’objet. 3427 Aicard 1939, p. 17. 3428 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 236 r°. 3429 Barthélémy 1877, p. 133. 3430 Ibid., p. 136. 3426 747 3. Approche croisée du mobilier archéologique pressas, achetées à la femme de Jean Duchamin3431. Ces petits ornements semblent avoir été habituels sur le costume des danseurs de la moresque puisqu’en 1478, à l’occasion de la moresque du roy Adrastus, les comptes du roi René enregistrent l’achat de quatre livres d’or clicant à 1 florin la livre, de papier, de fil de fer et de sizeaux pour découper l’or clicant et le papier. Ce clinquant est disposé sur le vêtement et le plumet des danseurs. À l’occasion de l’entrée du nouveau légat, le duc César Borgia, à Avignon à la fin de l’année 1498, le marchand juif Jessé de Loriol se charge de louer les costumes de Suzanne et de la Bergère, en velours et en camelot garnis d’or clinquant achetés à mestre Pierre pour six gros3432. L’inventaire après-décès d’un marchand marseillais contient en juin 1575 trois livres et demie d’or clinquant estimées 17 sous la livre3433. Les paillettes et l’or clinquant correspondent à de petites tôles de métal brillant – tel qu’un alliage cuivreux avec une proportion suffisante de zinc – ou non brillant éventuellement doré. Toujours, pour le XVe siècle, il existe des mentions de tissus ferrés beaucoup plus énigmatiques. En 1452, deux dames qui avaient offert des cadeaux au roi René reçoivent deux ferreures de tissuz pour un prix total de 15 livres 2 sous 6 deniers3434. En 1457, une talhola ferrata – le terme talhola peut avoir la signification de morceau d’étoffe – est signalée dans une cuisine du château de Tarascon lors d’un inventaire3435. En 1476, les comptes du roi René rapportent l’achat d’un tissu garny d’argent dore, a trincles d’or, que le roi donne à un page3436, de deux ferrures d’argent acquises avec deux pièces de tissu auprès d’un mercier et données à une femme de chambre et à un valet de garde-robe, pour 4 florins 8 gros3437. En 1477, Il est acquis quatre tissuz d’ortraict, ferrez d’or donnés par le roi aux demoiselles de la reine3438. Un an plus tard, un mercier de Lyon fournit un tissu broché d’or avec sa ferreure a tincle d’or3439. La même année, la femme du duc de Calabre, fils du roi René, reçoit de son mari une ferrure, de lacton dore, pour mectre en ung petit tixu extroict3440, une dame de la cour est remboursée du prix d’un large morceau de tissu et de la dorure de la ferrure de celui- 3431 Pansier 1925, p. 229. Bayle 1888, p. 22, 152. 3433 Annexe 8, document 26. 3434 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2478. Le roi René est alors hors de Provence. 3435 Ibid., n° 2444. 3436 Ibid., n° 807. 3437 Ibid., n° 2514 3438 Ibid., n° 812. 3439 Ibid., n° 2631. 3440 Ibid., n° 1222. 3432 748 3. Approche croisée du mobilier archéologique ci sur commandement du duc3441, et un marchand vend à ce dernier un petit tissu de velours ferré de laiton3442. La destination des tissus à ferrure parfois à tincle d’or – mot dont la signification reste obscure3443 – n’est pas spécifiée et reste donc inconnue. La majeure partie de ces morceaux d’étoffe sont destinés à des femmes. On peut imaginer qu’ils aient pu être employés dans la coiffure. Dans le livre de compte de mercerie susmentionné est noté la vente en mai 1397 d’une sommée de lolia pour 2 sous3444. Ce terme provençal se rencontre dans un statut marseillais en latin de 1253 réglementant l’activité des orfèvres. Il y est indiqué qu’ils n’ont pas le droit de dorer ou de faire dorer du laiton ainsi que du lolio également appelé pans : Addimus etiam huic capitulo quod/omnes predicti aurifabri teneantur sub eodem sacramento non deaurare nec deaurari facere letonem, nec deaurare de lolio quod appellatur pans3445. Les mots lolio et pans peuvent désigner des petites feuilles de métal ou des appliques métalliques, probablement essentiellement en alliage cuivreux. Il n’est pas rare dans les anciens textes réglementaires qu’une même interdiction soit formulée de différentes manières, peut-être pour éviter toute méprise dans l’interprétation : ceci expliquerait ce qui apparaît au premier abord comme une répétition. Toutefois, une autre interprétation reste plausible : la première injonction pourrait se référer aux objets en alliage à base de cuivre tels que de la vaisselle, des couverts ou des ustensiles que l’inconscient collectif ou la langue de l’époque désignerait par le terme laiton, à l’image de ce que recouvre le terme argenterie depuis la seconde moitié du XVIe siècle3446 ; la seconde injonction concernerait les appliques métalliques, peut-être majoritairement destinées au costume. Les appliques orfévrées sont avant tout des ornements que seules des personnes princières, royales ou de la haute hiérarchie ecclésiastique ont les moyens de se procurer. Cependant, les serviteurs pouvaient porter sur leur habit des émaux aux armes de leur employeur comme marque d’appartenance à une maison. Le roi René en fournissait un exemplaire à certains de ses valets, leurs couleurs sans doute vives exaltant la richesse et la 3441 Ibid., n° 824. Ibid., n° 3339. 3443 F. Godefroy n’a pu déterminer la nature de cet objet dont il signale l’existence parmi les bijoux de Gabrielle de Latour en 1471 : Quatre tryncles d’or, larges d’un doy ou environ (1881-1902) (publié dans Boislisle 1880, p. 276). 3444 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 205 r°. 3445 Addimus etiam huic capitulo quod/omnes predicti aurifabri teneantur sub eodem sacramento non deaurare nec deaurari facere letonem, nec deaurare de lolio quod appellatur pans (Pernoud (édit.), 1949, livre II, N° 32) 3446 Article « argenterie » du Dictionnaire culturel en langue française (2005). 3442 749 3. Approche croisée du mobilier archéologique puissance du comte de Provence. Le tambourinaire Coquillon en reçoit un en 1477 de la valeur de 3 écus avec des perles tout autour de l’écu portant les armes et avec cinq pierres enchâssées sur la couronne qui le surmonte3447. L’année suivante les cinq ménestrels et joueurs de sacquebutes – une sorte de trombone – reçoivent chacun un émail doré dont la fabrication a demandé à l’orfèvre d’Avignon Margery pas moins de 15,5 marcs d’argent fin au marc de Paris à 15 florins 6 gros le marc, soit un total de 240,25 florins3448. Chaque pièce nécessite donc environ 48 florins d’argent. L’orfèvre met également en œuvre dix ducats d’or pour la dorure soit 26 florins 8 gros ou 5 florins 4 gros par émail3449 . Quant au coût de la main d’œuvre, seulement connu à travers le travail de l’argent, il est de 5 florins 2 gros par marc d’argent soit 25 % du prix hors dorure3450. Le prix d’une pièce revient donc, non compté un don de 3 florins du roi René fait aux six aides de l’orfèvre3451, à environ 68 florins 11 gros. Ce coût est particulièrement élevé comparé au prix de l’émail que reçoit Coquillon3452 ou de celui qui est remboursé à hauteur de 5 florins à un chevaucheur malade parce qu’il a donné le sien à un soldat suisse3453. En 1479, c’est au tour de l’orfèvre Jean Coste de fournir ces émaux. Il en produit un exemplaire, du poids de 3 marcs 2 onces 4 gros 3 deniers pour un coût de 53 florins 3 gros d’argent, destiné au Trompète Mangin, pour remplacer celui que le roi René a donné à un serviteur des Suisses3454. Le marc d’argent vaut donc 16 florins. L’artisan rajoute deux ducats de dorure d’une valeur de 5 florins 4 gros3455 et est payé 18 florins 9 gros pour la façon et la dorure3456. La pièce revient donc à 77 florins 4 gros dont 24,2 % pour la main d’œuvre. Toujours en 1479, l’orfèvre du roi Jacques Escalle produit un émail avec la figure d’un bran – une race de chien ?3457 – en relief et émaillé à l’intérieur pour le petit Faillon pour un coût de 5 florins 3458. Au début de l’année 1480, Mangin reçoit un étui d’une valeur de 1 florin 3 gros pour y ranger son émail aux armes du roi3459. Ces émaux sont par 3447 Arnaud d’Agnel 1908, n° 952. Ibid., n° 1019. 3449 Ibid., n° 1023. 3450 Ibid., n° 1022. 3451 Ibid., n° 1028. 3452 Ibid., n° 952. 3453 Ibid., n° 1008. 3454 Ibid., n° 1059. 3455 Ibid., n° 1060. 3456 Ibid., n° 1075. 3457 En 1478, un peintre est chargé de peindre un bran porteur des armes du roi René ayant au cou un collier de perles à la devise du roi, pas à pas, au-dessus de l’entrée de la maison que le roi possède à Avignon (Arnaud d’Agnel 1908, n° 551). 3458 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1036. 3459 Ibid., n° 1093. 3448 750 3. Approche croisée du mobilier archéologique nature assez fragiles, c’est ainsi qu’en 1479 un chevaucheur d’écurie reçoit 2 florins 8 gros pour faire réparer son émail auprès d’un orfèvre3460. Dans le cadre du costume clérical, les gants que les évêques et les cardinaux sont les seuls à avoir le droit de porter, sauf autorisation papale, et ce semble-t-il depuis au moins le VIIe siècle3461, ainsi que la mitre, peuvent arborer des motifs constitués de perles et de pierres3462. Les gants peuvent également arborer une applique orfévrée comme l’illustrent l’iconographie (fig. 317) et les sources d’archives provençales3463. Ainsi, lors de l’ouverture, au XVIIIe siècle, du tombeau de Benoît XII décédé en 1342, on découvrit deux plaques d’argent « de la grandeur d’un écu de 60 sous » disposées au milieu des gants du pape, l’une des plaques représentant la sainte Vierge, l’autre l’ange Gabriel. Les deux figures étaient entourées d’inscriptions en caractères gothiques, respectivement Ecce ancilla Domini et Missus est Angelus3464. En 1358, pour financer la reconquête de la Romagne, Innocent VI est conduit à vendre une partie de son argenterie au poids du métal précieux. Parmi ces objets se trouvent vingt paires de gants sans émaux (sine esmaltis) estimés 40 florins, ainsi que cinq paires et demie avec un émail rapporté (esmaltum ab extra)3465. L’inventaire du Trésor pontifical mentionne en février 1369 une paire de gants avec des perles et des pierres ainsi que des émaux sur de l’argent doré3466. En avril 1376, un membre de la suite de l’évêque d’Apamée reçoit 4 florins 8 gros pour avoir posé deux émaux (esmaltae) sur les gants du pape Grégoire XI3467. En 1423, l’inventaire du trésor de la cathédrale de Grasse enregistre des gants pontificaux avec deux pièces plates d’argent doré (cum duabus plateis argenti deauratis) et un anneau pontifical d’argent avec des pierres3468, ainsi qu’un émail (esmandum) sur argent pour une chlamyde portée par une statue de la Vierge en Gloire3469. L’inventaire des biens du cardinal de Broguy relève trois ans plus tard la présence de deux affiquets (affiqueti, des 3460 Ibid., n° 1073. Barraud 1867, p. 206-212. 3462 L’inventaire de la succession du cardinal de Broguy à Avignon, en 1426, mentionne une paire de gants pontificaux avec un lis sur chacun, fait en perles avec quatre pierres, et autour du lys se trouve un cercle de perles formé de 12 grosses perles (AD Vaucluse, D 204, f° 53 v°). 3463 Ces appliques sont assez courantes dans l’iconographie d’Europe et l’Ouest ainsi que dans la documentation textuelle. Par exemple, l’inventaire des ornements d’église restés après le décès de Robert de Joigny, évêque de Chartres, signale six paires de gants dont une émaillée, de quibus sunt uns amalliez (Merlet 1857, p. 311). Se reporter, pour deux exemples en argent de ces appliques de gants pontificaux, au n° 195 du catalogue Fastes du Gothique 1981. 3464 Müntz 1899 citant Duhamel, le Tombeau de Benoît XII, 1888, p. 22-23. 3465 Müntz et Faucon 1882, p. 225. 3466 Müntz 1889-1890, p. 402. 3467 Schäfer 1937, p. 676. 3468 Doublet 1907, p. 85. 3469 Ibid., p. 88. 3461 751 3. Approche croisée du mobilier archéologique appliques décoratives agrafées, de chaque côté d’une mitre. Chaque pièce comporte six petites pierres et une plus grande au milieu, ainsi qu’un pendant garni de treize perles et trois pierres3470. Le harnachement des équidés, également, est parfois le support d’appliques plus ou moins complexes (fig. 319 à 322). En 1364, par exemple, les comptes de la chambre apostolique enregistrent l’achat de quatre petites rosettes d’argent doré (rosetis argenteis deauratis) par le maître des écuries3471. La correspondance de la boutique d’Avignon de F. Datini fait état de la commande entre 1363 et 1371, auprès de Florence dans un premier temps, puis de Milan très rapidement, de plusieurs centaines de milliers de clous (chiovi) à tête plate, à tête bombée (bozette) et soudée (a chapo sodo), grands, moyens, petits (chiavellini), pour clouer (per chiavelare) les rênes, les courroies d’éperon, des lanières de harnachement3472. Au-delà d’un aspect purement fonctionnel, la quantité de clous commandée, mise en parallèle avec celle des éperons et des rênes, quelques miliers de pièces au total, ne peut se concevoir que par leur emploi également décoratif, le long de ces courroies. Une peinture dans un Tacuinum sanitatis produit en Italie du Nord dans le dernier tiers du XIVe siècle en donne un bon exemple (fig. 319). En 1365, les clous à tête bombée ou bossettes sont ainsi décrits : le due parti di ferro stangnato e ‘l terzo d’ottone cho la testa a modo d’un bottoncino (petit bouton) d’otone3473. Le prix souhaité n’est mentionné qu’une seule fois : 4 sous la centaine pour des gros clous à tête bombée en alliage cuivreux à tête soudée3474. En 1369, des feuilles d’alliage à base de cuivre (foglia d’ottone) sont commandées pour fabriquer des clous dorés de fourniment. Quatre pièces de fer pour l’ornement d’une selle, de peu de valeur (pecie ferri ad ornandum cellam, modici valoris), sont signalées dans l’inventaire du château de Boulbon daté du 17 mars 14513475. Des appliques pendantes sont, en 1453, acquises à deux reprises pour des harnois de cuir destinés aux chevaux de l’écurie du roi René. Six d’entre eux sont ornés de laiton doré et possèdent un grant pendant3476, un autre, garni de boucles, possède deux pendens3477. 3470 AD Vaucluse, D 204, f° 53 v°. Schäfer 1937, p. 139. 3472 Frangioni 2002, p. 102, 110, 111, 120, 123, 124, 126, etc. 3473 Ibid., p. 110. 3474 Ibid., p. 137. 3475 Mourret 1912, p. 103. 3476 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2286. Le roi René est alors hors de Provence. 3477 Ibid., n° 2280. Le roi René est à ce moment hors de Provence. 3471 752 3. Approche croisée du mobilier archéologique Le collier des chiens (fig. 323 à 325) ou d’autres animaux est le support d’appliques décoratives mais aussi parfois fonctionnelles : fixation d’un anneau pour la laisse (fig. 324), applique armoriée pour identifier le propriétaire de l’animal (fig. 323). Les livres sont ornés d’appliques, autant décoratives que pour limiter l’usure de la couverture (fig. 326 à 328). La succursale d’Avignon de la compagnie Datini commande à Milan, en 1394, 400 gros clous en alliage cuivreux pour reliure de livre3478. Un clou d’argent disposé sur les Heures du Roy coûte 3 gros en 14763479. Dans l’inventaire après-décès du cardinal de Broguy, les livres répertoriés sont parfois couverts de tels clous : un des volumes possède dix clous ronds (rotundis)3480. Dans l’inventaire des biens d’Elipde d’Avelin en 1426, un missel est rehaussé de cinq clos ou boullons en argent doré armorié des armes des Baux et de Villars3481. 3.2.1.2.Quelques points de vocabulaire Dans la documentation, la dénomination archéologique des appliques est variable et a d’ailleurs fait l’objet d’un débat lors des journées d’étude De la matière métallique à l’objet : production, typo-chronologie et commerce (IXe - XVIIe siècle) organisées les 11 et 12 avril 20133482. Il est courant de retrouver dans les publications les termes français de « paillette », de « banquelet », de « trépas », de « clou ». Cependant, que désignent-ils ? Le mot banquelet est pour le moins rare, puisque le dépouillement d’envergure réalisé par I. Fingerlin3483 dans les inventaires publiés, qu’ils soient royaux, princiers, comtaux, ducaux ou d’autres membres de la noblesse française et étrangère, n’en a pas révélé la trace. Seul V. Gay l’a rencontré lors de ses consultations d’archives, dans une pièce datée de 1391 : Une sainture d’argent sur un tissu de soye à clos rons doree, et entre deux a blans banqueles3484. La forme de ces banquelets en argent non doré n’est pas spécifiée. Dans le dictionnaire de F. Godefroy, le terme banchelet connu aussi sous son orthographe banquelet 3478 Frangioni 2002, p. 173. Arnaud d’Agnel 1908, n° 697. Le roi René est alors hors de Provence. 3480 AD Vaucluse, D 204, f° 45 r°. 3481 Barthélémy 1877, p. 139. Ce terme de boullon se rencontre aussi pour qualifier des appliques de ceinture, en 1405 par exemple (Dehaisnes 1868, t. 2, p. 868). Pour d’autres exemples de boullons sur des reliures, se reporter à Laborde 1872, article Boullon. 3482 Organisées à la MMSH, à Aix-en-Provence, par Najla Touati et Olivier Thuaudet avec la participation de Marie-Christine Bailly-Maître et Amélie Berthon. Compte-rendu disponible dans le Bulletin Instrumentum (Thuaudet et Touati 2013). 3483 Fingerlin 1971, p. 256-299. 3484 Gay 1887. 3479 753 3. Approche croisée du mobilier archéologique se réfère à un « petit banc »3485. Il est probable que V. Gay se soit appuyé sur cette définition pour interpréter les banquelets comme étant des « barrettes métalliques agrafées (!) verticalement et à intervalles rapprochés sur la largeur d’une ceinture pour maintenir la rigidité du tissu ». On relèvera deux erreurs dans cette interprétation. La première est terminologique : les appliques ne sont pas agrafées mais pour la plupart fixées par rivetage. La seconde tient à la fonction de ces objets : les appliques n’ont pas pour rôle de rigidifier une ceinture de tissu ou même de cuir – plus ferme –, elles sont avant tout ornementales. La faible surface de la très grande majorité des appliques et la fragilité de bon nombre d’entre elles, fabriquées dans de fines tôles, n’apportent rien en termes de robustesse. Pour quelle raison rigidifierait-on une ceinture ? Peut-être pour y pendre des objets pesants. Dans ce cas, le lien de fixation déformerait quand même, à la longue, la courroie à son point de contact. Il existe des types d’appliques qui ont ce rôle de suspension d’objets à la ceinture. Il s’agit d’appliques longilignes terminées par un anneau3486, par un crochet ou comportant un enroulement pour retenir une barre de suspension (ex : fig. 358, n° 6). Les appliques à barre de suspension ont pour rôle premier de faciliter l’attache à la ceinture tout en ayant un rôle ornemental. Indirectement, toutefois, elles limitent la déformation de la courroie en répartissant les contraintes. Revenons à la définition de V. Gay, le vocable banquelet désigne-t-il une applique longiligne ? L’hypothèse de l’érudit n’est pas improbable, mais faut-il pour autant appliquer à l’ensemble des appliques longilignes le terme de banquelet, dont il n’est connu, pour le moment et malgré, également, d’importantes recherches personnelles, qu’une seule attestation ? La consultation des dictionnaires n’a, en outre, pas fourni d’équivalent dans d’autres langues. Or, si l’on souhaite faciliter la diffusion des informations archéologiques auprès de chercheurs d’autres pays, l’utilisation d’un vocabulaire compréhensible par tous et ne souffrant pas d’incertitude paraît préférable. Les « trépas » sont pour V. Gay de « petites barrettes métalliques traversant la ceinture dans sa largeur, posées à intervalles réguliers, pour empêcher l’étoffe de se plisser. Elles sont quelquefois percées d’œillets pour le passage de l’ardillon de la boucle. Des trépas ronds sont des garnitures d’œillets d’un diamètre assez grand pour faire l’office de barrettes »3487. Il donne pour exemple un extrait de compte, daté de 1334, également présent dans le 3485 Godefroy 1881-1902. Se reporter par exemple à Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 219-224 ou à Willemsen et Ernst 2014, p. 90, n° 103. 3487 Gay et Stein 1928, article « trépas ». 3486 754 3. Approche croisée du mobilier archéologique dictionnaire de Du Cange3488 : à Jehan Lefrison, mercier, pour une ceinture d’argent sur cuir blanc, ferree au lonc a rondeaux (appliques rondes) esmailiez et a cuers et lettres... boucle, mordant, trepas reons tous dorez. Le philologue C. du Fresne du Cange interprétait le terme trespas comme correspondant à « ardillon », ce qui paraît très peu probable car il n’est pas logique de ne pas mentionner le ou les éventuels ardillons immédiatement après la boucle dans un inventaire. V. Gay cite également les extraits des comptes royaux suivants : en 1350, pour la ferrure de 2 ceintures ferrees de boucles, de mordant, de trepas, l’une de cuir blanc la quelle le roy a ceinte avant son sacre et l’autre de soye blanche quand il fut sacre ; en 1351 : Pour faire et forgier la garnison de six ceintures de cuir blanc…, c’est assavoir faire en chascune boucle, mordant et trespas d’argent blanc3489. F. Godefroy cite ce dernier passage dans son dictionnaire et définit assez vaguement le terme trépas par « ardillon et chappe, ou l’équivalent » 3490 . Aucune autre mention de ce vocable n’a été trouvée dans la documentation consultée. Le mot « trépas » a pour sens usuel de définir le moment de la mort et donc évoque l’idée de passage, de traversée. Qu’il ait pu aussi désigner, en ancien français, une applique perforée à fonction éventuelle d’œillet paraît crédible. Mais aucun élément tangible ne permet actuellement de confirmer la définition de V. Gay. La signification du mot reste donc assez floue. Les paillettes sont définies par F. Godefroy comme des « lamelles de métal brillant » 3491, pour C. Enlart, il s’agit « de petites rondelles ou rosaces de métal que l’on cousait sur les étoffes pour y faire des semis décoratifs et brillants »3492. Dans le dit Des marchands composé au XIIIe ou XIVe siècle, le mercier propose à la vente de l’or em paillole3493. Dans le poème en langue d’oïl du XIIIe siècle Dame Guile3494 composé par un dénommé Sauvage, il se retrouve le terme pailloler, « orner comme avec des paillettes d’or » d’après le dictionnaire de F. Godefroy3495. Le poète y décrit Dame Guile, c’est-à-dire Dame Tromperie : 3488 Gay 1887, article « ceinture » ; Gay et Stein 1928, article « trépas » avec une orthographe légèrement différente. Du Cange 1883-1887, article « trepassus » 3489 Gay 1887, article « ceinture » ; Gay et Stein 1928, article « trépas » 3490 Godefroy 1881-1902. 3491 Godefroy 1881-1902. 3492 Enlart 1916, p. 251. 3493 Crapelet (Édit.) 1831, p. 161. 3494 Jubinal 1835, p. 64 ; Pour le nom de l’auteur et la datation de l’œuvre, se reporter à Jubinal 1837, p. 364, note 1 et à la base Jonas de l’IRHT consultée le 5 novembre 2013 : http://jonas.irht.cnrs.fr/ consulter/œuvre/detail_oeuvre.php?oeuvre=12134. 3495 Godefroy 1881-1902. 755 3. Approche croisée du mobilier archéologique S’a I chapel de laschete, Et sa coiffe de faussete Paillollee de tricherie. Les comptes de l’argenterie du roi de France Charles VI mentionnent en 1387 la fabrication par l’orfèvre Simon Soulas de Paris, de 943 paillettes d’argent dorees, par lui faictes et forgees en maniere de losanges avec un petit annelet au bout de chascune paillette, pour ycelles mettre et asseoir sur deux courtes houppellandes flottens, l’une pour le roi, l’autre pour le duc de Touraine3496. Les paillettes sont donc ici des branlants fixés au vêtement au moyen d’un annelet. Des paillettes ornent également le vêtement d’un écuyer dans la Chronique de Bertrand du Guesclin mise en prose en 13873497 : Il li vint noblement, mais poure s’en ala ; Tout palete d’argent y vint, n’en doubtez ja En 1397, une mercerie de Carpentras achète pour les revendre 287 douzaines de coquilles (conquilhas) et de paillettes (parpalhons) pendantes à des chaînettes (a cadenetas pendent)3498. V. Gay a, de son côté, retrouvé la mention dans un compte daté de 1419, de paillettes pendans persees ou millieu clouées sur des lambeaux de cuir découpés dans la bordure de harnais de chevaux. La moitié sont branlans et les autres clouees a plat3499. Dans les sources provençales, le mot paillette désigne en 1426 des appliques métalliques disposées, avec des perles, sur un hennin de velours noirs ayant appartenu à Élipde d’Avelin. Cette noble dame possédait également un collier à assiettes reliées par des charnières décorées de paillettes émaillées de rouge (fig. 512)3500. L’inventaire de Pierre Sureau receveur général de Normandie enregistre une robe de vert, doublé de noir, broudée de paillettes d’argent3501. Lors de la venue à Lyon du roi de France Henri II en septembre 1448, une procession regroupant les élites politiques et économiques de la ville est organisée. Au cours de celle-ci, les chevaux de quatre jeunes pages de la maison Lucquoise portent un pennache – un bouquet de plumes – pailleté d’or3502. En 1450, c’est ung quarteron de paillectes faictes a lettres de A d’argent dore qui est retrouvé à Loches parmi les biens de la défunte Agnès Sorel3503. 3496 Douët d’Arcq 1874, p. 187. Charrière (Édit.) 1839, vers 4840-4841. 3498 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 236 r°. 3499 Gay 1887, p. 190. 3500 Barthélémy 1877, p. 133. Se reporter au chapitre 3.4.5 pour le collier. 3501 Félix 1892, p. 84. 3502 Paradin de Cuiseaulx 1573, p. 324. 3503 Cavailler 1956, p. 102. 3497 756 3. Approche croisée du mobilier archéologique Le duc de Bourgogne Philippe III le Bon fut un grand amateur de paillettes. En 1412, il offre à Madame de Penthièvre un chappel orné de paillettes. En 1421 ou 1422, une once et demie de paillettes d’argent doré est disposée sur la courroie de son heaume et sur les plates de son armure qu’il doit porter lors de joutes3504. En 1454, Philippe le Bon emprunte à son épouse, Isabelle du Portugal, cinquante marcs d’argent en vaisselle que elle lui presta pour de ce estre faictes orfaverie et paillettes dont furent bordees certain grant nombre de robes, et icelui seigneur fist faire et donner a plusieurs nobles hommes et autres ses archiers de corps pour le porter le jour d’un banquet qu’il fist en sa ville de Lille ou mois de fevrier3505. Cet évènement, le « Banquet du faisan », est marqué par la procession de douze dames représentant douze figures allégoriques, elles-mêmes accompagnées de chevaliers dont les chapeaux de velours noir sont orfavrerises comme lesdits palletocz. Le bourrelet des dames – une couronne de bourre agrémentée – retient une pièce d’étoffe flottante chargez d’orfavrerie d’or branlant qui leur couvre le visage3506. Les appliques ornant les robes et chapeaulx des chevaliers apparaissant sous le terme de paillettes dans les comptes du duc3507. Plus tard, en 1454 ou 1455, Guillaume Piart, plumassier du duc est rétribué pour un plumatz garny d’orfaverie branlant et paillecte de plusieurs paillectes d’argent dore qu’il a peca fait et livre pour mondit seigneur en sa ville de Bruxelles pour servir à son entrée dans Paris3508. En 1461, toujours à la demande du duc, plusieurs onces d’argent ouvrez en paillectes sont brodées sur des paletots destinés à habiller des membres de l’Ordre de la toison d’Or3509. En 1467, le duc possède un collier d’or esmaillie de vert, de blanc et de rouge, à petites paillectes d’or branlans… pour servir a femmes en maniere de poitral3510. Entre 1475 et 1482, un voile de soie bordé de paillectes d’argent est donné par un rouannais pour couvrir la tête d’une Vierge à l’Enfant dans l’église Saint-Vincent. Peut-être sont-ce les mêmes paillettes qui sont rafraichies par la suite, à la mi-août 14873511 ? Quelques mentions de ce terme se retrouvent encore au début du XVIe siècle : Dans Le Parement et 3504 Laborde 1849, n° 248, 629, 632. Dans un récit du satiriste Antoine de la Salle daté de 1455 (Laborde 1872, article « branlants »), il est décrit un parement de satin bleu avec des appliques orfévrées de lectres branlantes et une cotte d’armes semée de branlants d’or, d’argent ou d’or luysant destinés à être portés dans le cadre d’un tournoi. Ces branlants semblent pouvoir être recouverts par le terme de « paillettes ». 3505 Banjenec 2012, p. 49. Année au style de l’annonciation. 3506 Ibid., p. 51. 3507 Laborde 1849, n° 1740. 3508 Banjenec 2012, p. 58-59. 3509 Gruben 1997, p. 512. 3510 Laborde 1849, n° 3074. 3511 Ribbilard de Beaurepaire, t. 6, 1896, G 7660 et 7666. 757 3. Approche croisée du mobilier archéologique triumphe des Dames, O. de La Marche (1510) décrit la vêture de la dame idéale et, en en venant au chaperon : Ce chaperon, pour embellir ses gestes, Nous fault parer selon le temps qui court D’aficques d’or, de chaisnes, de paillestes3512. En 1518, la ville de Blois octroie à Louis Denzan, orfèvre du roi de France, certaines sommes d’argent pour troys onces deux gros d'orfavrerie en paillectes dorées pour faire les armes de la d. ville sur la manche de la robbe de Denis Gaultier clerc3513. Au fil de ces quelques mentions, les paillettes apparaissent sur des éléments de coiffure tels quel les voiles, les hennins, les chapeaux, sur des bijoux de cou ou de coiffure, sur des vêtements de dessus ou des manteaux, sur des panaches de plumes, mais aucunement à la ceinture3514. Une telle distinction est peut-être plus liée aux caractéristiques de ces pièces métalliques qu’à leur localisation sur le costume. Le mot paillette pourrait désigner une catégorie d’appliques fabriquées dans des tôles particulièrement fines. Il n’est d’ailleurs pas anodin de constater que deux des trois objets en tôle du corpus dont l’épaisseur est inférieure ou égale au dixième de millimètre (fig. 346, n° 6 et 7) comportent deux très fines perforations dont le diamètre a été jugé ne pas convenir à une fixation par rivetage. Il est proposé une attache par couture. Des appliques/paillettes sont cousues sur un manteau de l’Enfant Jésus daté de la seconde moitié du XIVe siècle conservé dans l’abbaye Saint-André à Sarnen en Suisse (fig. 318). Les paillettes, parfois utilisées en tant que branlant, sont destinées à briller à la lumière, à attirer l’attention par un chatoiement, variable selon l’intensité de la source lumineuse et l’angle de l’observateur. Le terme de paillette n’est pas utilisable pour désigner des appliques destinées à la ceinture et devrait même être rejeté de toute description du mobilier archéologique. Il ne devrait être employé que dans le cadre d’une identification 3512 Trepperel Veuve et Jehannot (édit.) 1520, 1870², chapitre XXIV : Les paillettes de richesse de cueur. 3513 Bosseboeuf 1909, p. 46. 3514 F. Godefroy (1881-1902, t. 10) signale l’emploi du mot paillette dans La mutation de fortune de Christine de Pisan. Il s’appuie pour cela sur le ms. français 604 de la BNF – consultable sur le site internet Gallica – copie fautive d’un manuscrit autographe de l’auteur. Il est écrit Des meleures et des paillectes (f° 163 v°). Sur le ms. français 603, corrigé par l’auteur, consultable sur Gallica, il est écrit au folio 84 v° : Ne me poz je tenir d’embler Des racleures et des paillectes Des petis deniers, des maillettes Choites de la tres grant richesce Le mot paillette prend ici la signification de rognures de métal. Pour plus d’informations sur le document, on peut se reporter au site internet www.arlima.net. 758 3. Approche croisée du mobilier archéologique fonctionnelle argumentée. Il semble que G. Démians d’Archimbaud ait été la première à employer les termes de paillette et de banquelet, lors de la publication des fouilles de Rougiers3515. On ne sait pas à quelle source elle s’est référée pour ce vocabulaire, mais il apparaît clairement que l’auteure n’est pas parvenue à établir une claire distinction entre ces deux mots. Alors que « banquelet » est employé pour désigner des appliques quadrangulaires ou en forme de fleur de lys (type b), il n’est pas utilisé pour désigner d’autres appliques quadrangulaires pourtant plus longues décrites comme « appliques » (type c) ou comme « paillettes » (type a). Les inventaires royaux ou de la haute noblesse compulsés par I. Fingerlin3516 livrent une dénomination des appliques assez variée : rondeaux (appliques rondes), bouillons creus (appliques embouties), annellez perciez (œillets ?), barres (appliques allongées), etc., mais le terme le plus couramment rencontré dans les archives provençales est de loin le mot « clou » avec toutes ses variantes orthographiques en français, en latin et en langue d’oc et dont de nombreux exemples ont été donnés dans le sous-chapitre sur la ceinture civile3517. L’usage de ce mot dans une étude scientifique contemporaine doit cependant être écartée, cette ancienne définition n’ayant actuellement plus court au profit exclusif de celle de « petite tige de métal à pointe et le plus souvent à tête, qui enfoncée dans une matière dure, sert à fixer, assembler, suspendre »3518. En outre, il y aurait risque, à terme, d’entraîner des confusions, la majorité des appliques se fixant par rivetage. Il ressort de l’analyse qui vient d’être présentée que les vocables « banquelet », « paillette », « trépas » et « clou », au sens d’accessoires du costume, doivent être exclus de toute étude archéologique du mobilier. On leur préfèrera le terme applique, beaucoup plus neutre, qui ne préjuge pas de l’utilisation de ces objets que l’on est d’ailleurs parfois bien en peine d’identifier avec certitude. Comme le démontre l’étude qui suit, une même applique peut parfois se retrouver sur une ceinture, une pièce de vêtement, une courroie de harnachement ou la couverture d’un livre. 3515 Se reporter aux pages 510 à 514 de Démians d’Archimbaud 1980b. Fingerlin 1971, p. 256-299. 3517 Se reporter au glossaire en annexe 9 et au chapitre 3.1.1.2. 3518 Dictionnaire en langue française sous la direction d’Alain Rey publié en 2005. 3516 759 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.2.1.3.Typologie des appliques L’observation des caractéristiques des appliques du corpus a conduit à les classer en vingt-neuf types génériques établis selon la configuration des objets. Il a été pris en compte la forme géométrique des artefacts et la présence ou l’absence d’une ouverture centrale nommée œillet. Cet œillet est susceptible de laisser passer l’extrémité d’un ardillon. Dans la classification, les types d’appliques à œillet suivent systématiquement les types d’appliques sans œillet de même forme géométrique. Les appliques circulaires sont ainsi respectivement classées dans les types A et B selon qu’elles ne comportent pas ou comportent un œillet. Le type C contient les exemplaires triangulaires ou scutiformes. Les appliques quadrangulaires sont classées dans les types D et E, les spécimens losangiques dans les types F et G, les appliques étroites et allongées régulières dans les types H et I, les appliques étroites et allongées à élargissement(s) dans les types J et K. Les appliques étroites sont différenciées des appliques des types D et E par leurs dimensions. Le rapport longueur/largeur ne doit pas être supérieur à 0,5 et la largeur maximale est fixée à 1 cm. Ces critères ont été sélectionnés au cours de l’analyse du mobilier lorsqu’il est apparu que les artefacts dont les dimensions ne dépassaient pas ces limites présentaient une grande homogénéité. Pour les types J et K, la largeur à prendre en compte dans l’application des critères est la largeur minimale de l’applique, hors élargissements décoratifs. Dans le corpus, le type L rassemble les exemplaires polygonaux avec plus de quatre côtés. Les appliques polylobées sont incluses dans les types M et N, celles non polylobées mais à motif rayonnant dans le type O. Le type P comprend les pièces en forme de papillon. Les appliques en forme de fleur ou de feuille sont classées dans le type Q, celles en forme de coquille dans le type R, les exemplaires à forme humaine ou animale dans le type S. Les types T et U contiennent respectivement les artefacts à forme architecturale et scutiformes, les types V, W et X les objets en forme de lettre, à motif de nœud et en forme de croissant de lune. Le type Y rassemble les appliques à recourbement latéral. Un modèle d’applique comportant un bombement transversal découpé d’une encoche est classé dans le type Z. Le type AA comprend les appliques composites à barre ou à arceau pour la suspension. Des appliques composites avec une languette recourbée, peut-être employées à la suspension, sont regroupées dans le type AB. Quelques appliques exclusivement décoratives qui n’ont pu être intégrées à l’un des types précédents et dont la forme est donc très rare sont classées dans le type AC. Sauf indication contraire, les objets sont en alliage cuivreux et les 760 3. Approche croisée du mobilier archéologique appliques en tôle emboutie ont été fabriquées à l’emporte-pièce. Une carte de répartition (fig. 343) localisant la totalité des éléments de comparaison employés permet de pondérer les résultats de notre étude. Les pièces conservées dans des musées ou des collections privées mais dont l’origine précise est inconnue n’y sont pas intégrées. Le corpus provençal ne comporte pas d’appliques composites à anneau de suspension3519. Notons que les œillets n’ont pas été traités en tant qu’appliques mais comme un type de mobilier distinct. Leur étude est entreprise dans le chapitre 3.3.3. Les anneaux à rivet intégré ont été classés dans les types L et R de la typologie des anneaux et boucles. De nombreuses appliques de la bibliographie conservent un ou plusieurs rivets dont une extrémité traverse une petite tôle plate ou emboutie, circulaire ou polygonale, appelée contre-rivure (ex : fig. 344, n° 12, 15 et 17). Le matage de l’extrémité du rivet maintient la tôle en place. La contre-rivure, en augmentant la surface en contact avec la courroie de cuir ou de tissu, assure une meilleure fixation de l’applique, ce que le matage de l’extrémité du rivet ne pourrait permettre seul: la moindre flexion de la lanière ou des frottements pourraient occasionner la perte des appliques. Dans le corpus, le diamètre des contre-rivures en place sur des appliques est compris entre 0,25 et 0,8 cm, avec une proportion plus importante entre 0,4 et 0,5 cm. Dans la bibliographie, les plus petites appliques à rivet(s) traversant de type A1 retrouvées sur une courroie de cuir3520 et les plus petites appliques à décor embouti3521 mesurent 0,6 cm de diamètre. Il est raisonnable de penser que les pièces circulaires en tôle plate ou emboutie d’un diamètre inférieur à cette valeur sont toutes des contre-rivures. Les contre-rivures quadrangulaires sont beaucoup moins fréquentes que celles qui sont circulaires. La découverte, sur le site de l’Hôtel Mongelas à Paris, de plusieurs dizaines de petites tôles quadrangulaires embouties de 0,4/0,45 cm de côté dans un atelier métallurgique parisien ayant fonctionné vers 1325 - vers 1350 est donc particulièrement notable3522. Les appliques à anneau de suspension perpendiculaire au plan du corps de l’objet (fig. 322), souvent à décor héraldique, n’ont pas été prises en compte dans la typologie. Différents documents écrits ou iconographiques prouvent que ces appliques armoriées, parfois 3519 Pour des exemples hors corpus, se reporter par exemple à Jeanjacquot 1993 (p. 108, fig. 70, n° 1881), à Petrinec 1996 (p. 104-105), à Egan et Pritchard (dir.) 2002² (p. 219) et à Egan 2005 (p. 42, n° 150). 3520 Fragment de lanière de cuir trouvée dans un niveau du dernier tiers du XIIIe siècle et de la première moitié du XIVe siècle à Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002, p. 165, n° 776). 3521 Deux appliques identiques trouvées dans le comblement de la seconde moitié du XIIIe siècle d’une fosse sur le site de Queen street Midden Area à Aberdeen dans l’Aberdeenshire (Goodall 1982, p. 186, n° 59). 3522 Vingt-trois objets, l = 0,4/0,45 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B1, n° 160 à 182) 761 3. Approche croisée du mobilier archéologique suspendues au moyen d’une charnière, ont été employées dans le harnachement des équidés (fig. 321)3523 ou comme badge d’identification des oiseaux de proie3524. Pour ce dernier emploi, elles sont dénommées « vervelle » dans les sources écrites et auraient été utilisées de cette façon entre le milieu du XIIIe siècle et le début du XVIe siècle3525. Au sein de chacun des vingt-neuf types génériques décris précédemment, les critères pris en compte pour l’établissement des sous-types de premier niveau sont l’identification du moyen de fixation (rivet(s) traversant, rivet(s) intégrés, couture, etc.) et le procédé de fabrication (travail de la tôle plate, emboutissage, fonte). Quelques remarques sur ces procédés sont donc nécessaires pour assurer une meilleure compréhension avant d’entrer dans le détail de l’analyse typologique. La méthode de fabrication la plus simple est la découpe au ciseau ou avec des cisailles dans une tôle plate en alliage cuivreux. Cette opération peut également s’effectuer avec un emporte-pièce dont le fer a été durci par cémentation ou par trempe. Un emporte-pièce ou un estampoir en cours d’utilisation, posé sur un tas et recevant des coups de marteau d’un artisan, est représenté dans une gravure du maître de Balaam figurant Saint Éloi dans son atelier et réalisée vers 1450 (fig. 329). Concernant les appliques dont le relief est obtenu par emboutissage, deux chaînes opératoires sont illustrées par l’archéologie. Premièrement, la tôle de métal peut être emboutie à l’aide d’un poinçon (fig. 331) et l’applique être ensuite découpée au ciseau ou avec des cisailles. Une seconde méthode consiste à employer un emporte-pièce dont le bord tranchant découpera la tôle en même temps que l’outil l’emboutit (fig. 330)3526. La fabrication du fer des emporte-pièces est décrite par Théophile, alias Rugerus, dans son manuel De diversis artibus rédigé au début du XIIe siècle3527 et par B. Cellini dans son De Oreficeria édité en 15683528. La description de Théophile est quelque peu imprécise et ne permet pas de déterminer si le fer de l’emportepièce est directement gravé en creux ou s’il est réalisé une matrice qui va être imprimée à chaud dans le fer de l’emporte-pièce, méthode décrite par B. Cellini. Ce dernier procédé a l’avantage de permettre l’obtention de plusieurs emporte-pièces ayant le même modelé3529. 3523 Clark (dir.) 2004², p. 61-69. Voir notamment à ce sujet Vincent 1994. 3525 Vincent 1994, p. 86. 3526 Se reporter à Thomas 2009, p. 728-730 pour une mise en évidence par mesures micrométriques de l’utilisation d’un emporte-pièce pour des appliques embouties. 3527 Édité par C. de l’Escalopier en 1843 (livre III, chapitre LXXV) et R. Hendrie en 1847 (livre III, chapitre LXXVI). 3528 Goetz et Leclanché (édit.) 1992, p. 97-98. 3529 On se reportera pour une analyse des ces deux documents à Thomas 2009, p. 732-734, 738-742. 3524 762 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les bords des appliques produites par découpe au ciseau ou avec des cisailles sont plus irréguliers et le rendu des formes complexes est généralement moins bon que pour celles produites avec un emporte-pièce. Cet outil présente également l’avantage de permettre une production très rapide d’objets identiques. Dans le cas du fonctionnement d’un emporte-pièce pour l’obtention d’appliques plates, une surface relativement dure comme par exemple une planche de bois peut servir de tas. Pour obtenir des appliques embouties, le tas doit être plus malléable pour accompagner la tôle dans sa déformation (fig. 330). Théophile emploie le plomb : ce matériau est parfaitement adéquat car après utilisation il peut être refondu et servir à nouveau3530. Les appliques mises en forme peuvent soit être percées soit recevoir une petite tige qui sera brasée au revers de l’objet. La mise en place de ce rivet intégré est décrite par Théophile : le fil du rivet est brasé avec un alliage de deux parts d’étain pour une part de plomb lorsque l’applique est en argent ou en cuivre doré, avec de l’étain pur lorsqu’il est en bronze, puis il est coupé en fonction de la longueur de rivet souhaitée. Les appliques sont mises en place sur des courroies de harnachement après perçage du cuir avec une alêne3531. N. Thomas a pu mettre en évidence, en analysant des ébauches et déchets de fabrication d’appliques trouvés dans un atelier parisien du second quart du XIVe siècle, que la ou les perforations pour le passage du ou des rivets étaient réalisées après la découpe à l’emporte-pièce3532. Dans plusieurs cas, une amorce de perforation obtenue avec l’emportepièce marque l’endroit où doit être posé le poinçon nécessaire au perçage. Cette opération se réalise très probablement avant que l’objet ne soit extrait du tas en plomb, afin d’éviter la déformation de la tôle. Dans de nombreux cas, le déjettement du métal autour du trou indique un perçage depuis l’avers. Dans l’hypothèse d’une applique percée alors qu’elle est encore sur le tas, cette déformation prouve que l’emboutissage est exécuté depuis la face avers avec un fer creux (fig. 330). Une déformation plastique depuis la face revers peut également être envisagée mais le fer de l’emporte-pièce est alors en relief. Les fouilles archéologiques provençales n’ont pas livré de déchets métalliques relatifs à la fabrication d’appliques, que ce soit par travail de la tôle ou par fonderie. Ce dernier procédé est tout de même illustré par un fragment de valve de moule en calcaire microlithique gravé d’empreintes, peut-être celles d’appliques, sur ses deux faces principales (fig. 332), 3530 Édité par C. de l’Escalopier en 1843 (livre III, chapitre LXXV) et R. Hendrie en 1847 (livre III, chapitre LXXVI). 3531 Ibid. 3532 Thomas 2009, p. 730. 763 3. Approche croisée du mobilier archéologique trouvé sur le site de la Rue Banasterie à Avignon. La datation de son contexte n’est pas connue. Nous nommerons « face 1 » la face avec quatre empreintes et « face 2 » celle avec trois empreintes. Elles fonctionnaient respectivement avec les faces 3 et 4 de deux valves disparues. Ce fragment de moule fut découvert dans un contexte, pour le moment non daté, rue Banasterie à Avignon et illustre la fabrication d’artefacts en matériau blanc. En effet, d’après N. Thomas3533, ce calcaire ne résisterait pas à la fonte d’alliages cuivreux, matériaux dont la température de coulée est beaucoup trop élevée. Pour fondre les alliages cuivreux, il faut envisager des moules en terre cuite (fig. 125). Sur la face 1 de la pièce d’Avignon, les empreintes sont reliées au conduit central de coulée par des ramifications. Ces nervures sont absentes de la face 2. Elles devaient être creusées sur la face 4. Sur la face 1, quatre petites perforations, deux situées au centre de deux des empreintes et deux autres en périphérie de ces mêmes empreintes, communiquent avec deux creusements circulaires pratiqués parallèlement à la surface. L’utilité de ces conduits n’a pu être clairement établie : est-ce pour l’évacuation des gaz lors de la coulée ? Les valves, qui fonctionnaient avec chaque face de la valve du corpus, étaient maintenues en position grâce à un système de tenons et mortaises. Une mortaise et un tenon en plomb sont respectivement visibles sur les faces 1 et 2. L’emplacement d’un tenon disparu s’observe en coupe. Un conduit rempli de plomb est visible à la base du tenon conservé. Il permit la coulée du plomb et donc la confection du tenon alors que les valves des faces 2 et 4 étaient correctement positionnées. Le tenon obtenu était ainsi parfaitement adapté à la mortaise en vis-à-vis. Les valves pouvaient ensuite être repositionnées correctement et rapidement lors des fontes successives. Il est probable que la gravure des deux faces de la valve provençale soit contemporaine. De nombreuses valves pouvaient être accolées les unes aux autres comme cela s’observe pour les empreintes de boucles d’un moule en terre cuite découvert à Londres (fig. 125). Lors d’une opération de fonte, le métal contenu dans le creuset était alors versé successivement dans les différents conduits. Type A : Applique circulaire ou ovale sans œillet (fig. 344 et 345, fig. 346, n° 1 à 10) Les appliques de type A sont classées en onze sous-types établis en prenant en compte le procédé de fabrication et la nature du mode de fixation. Les appliques à rivet(s) traversant sont rangées dans les sous-types A1 à A5, ceux à rivet(s) intégrés dans les sous-types A6 à 3533 Communication personnelle. 764 3. Approche croisée du mobilier archéologique A8. Les exemplaires fixés par couture appartiennent aux sous-types A9 et A10 et ceux qui sont attachés au moyen d’une bélière au sous-type A11. Les sous-types A1, A6 et A9 rassemblent les pièces dont le corps est fabriqué à partir d’une tôle plate, les sous-types A2, A7, A10 et A11, les exemplaires produits par emboutissage. Le sous-type A3 contient les appliques composites confectionnées avec deux tôles embouties superposées. Les sous-types A4 et A8 rassemblent les individus obtenus par la fonte et le sous-type A5 les artefacts fabriqués par la taille. Les modèles connus par la bibliographie rassemblée et absents des contextes provençaux sont peu nombreux. Citons une pièce composée de deux tôles circulaires superposées, réunies par un rivet en position centrale, mise au jour dans un dépotoir des XVIe - XVIIe siècles rue Delayant à La Rochelle en Charente-Maritime3534. Les deux tôles enserraient du tissu. Des appliques annulaires en tôle cuivreuse emboutie ou en argent et fabriquées par fonderie ont été trouvées dans des alluvions des XIVe - XVe siècles du Croult à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis3535. Plusieurs pièces dionysiennes n’ont pu être intégrées à la typologie3536. Nous avons remarqué dans le chapitre 3.2.1.1 qu’il n’était pas toujours possible de distinguer, dans l’iconographie, les appliques circulaires sans œillet de celles avec œillet. L’identification des exemplaires figurés sur le collier d’un chien représenté dans le Jugement de Cambyse peint par Gérard David en 1498 ne souffre d’aucun doute (fig. 325). Ils présentent une bordure bombée et un bombement central qui semble être traversé par un rivet. Ils pourraient être attribués au type A2b. De petits clous décoratifs les entourent. Assez régulièrement, dans l’iconographie, de petites appliques circulaires sont associées à des appliques d’autres formes (fig. 323, 325 et 335). La même chose s’observe dans le mobilier archéologique3537. Cependant, les appliques circulaires sont beaucoup plus souvent découvertes non associées à d’autres types sur les courroies de cuir3538, parfois ordonnées de manière à former des motifs : une ligne ondulée, des losanges3539. Des étoiles sont figurées au 3534 Objet incomplet, d = 2 cm (Berthon (dir.) 2013, p. 72-73, n° 108). Leconte 2002, p. LXV-LXVI. 3536 Des dessins inexacts, des problèmes dans l’identification des techniques de fabrication et une confusion dans les termes employés dans les descriptions ont conduit à l’impossibilité de classer deux appliques en alliage cuivreux et une applique en argent (Leconte 2002, p. LXIV-LXV). 3537 Se reporter à Egan et Pritchard (dir.) 2002² (p. 167, n° 802). 3538 Voir Leconte 2002, p. XXV-XXVII. 3539 Se reporter à Willemsen et Ernst 2014, p. 56-59. 3535 765 3. Approche croisée du mobilier archéologique moyen de petites appliques métalliques – en fer ? – au milieu du rabat bordé d’appliques identiques d’un sac trouvé à Dordrecht en Hollande-Méridionale aux Pays-Bas (fig. 334). Une aumônière miniature en matériau blanc, très réaliste, découverte dans un contexte de la seconde moitié XIVe - premier quart XVe siècle à Bruges comporte trois grandes appliques bombées (fig. 336). Des appliques en tôle concaves – à rivet intégré ? – s’observent sur un possible fragment de collier de chien antérieur à 1530 récupéré dans une zone ennoyée en Zélande aux Pays-Bas. Elles sont en tôle cuivreuse et alternent avec des appliques en forme d’étoile en alliage cuivreux mais fabriquées par la fonte3540. Des branlants (?) circulaires concaves ressemblant aux appliques précédentes sont disposés au bas de la cape de Joseph d’Arimathie dans la Mise au tombeau en bois de la seconde moitié du XVe siècle conservée à l’abbaye Saint-Pierre de Moissac. Type A1 : Applique circulaire ou ovale en tôle plate et à rivet(s) traversant (fig. 344, n° 1 à 10) Alpes-de-Haute-Provence  Motte de Niozelles, Niozelles : n° 8, dernier quart Xe - premier tiers XIe siècle. Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : SBL 82.I.1.80 C, remblai d’exhaussement, XVIIIe siècle.  Castrum de Montpaon, Fontvieille : n° 2010-35, sol de circulation d’habitat, milieu XIIIe - début XIVe siècle ; n° 2010-61, niveau de destruction, fin XIVe - début XVe siècle ; n° L10/3, H.S.  Château d’Hauture, Fos-sur-Mer : B569378 A, couche recouvrant une calade, XIVe - XVe siècle.  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : n° B560192, comblement de tranchée de récupération de mur, seconde moitié XIVe siècle.  Alcazar, Marseille : n° 18, comblement de cuve, fin XIXe - début XXe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1213, sol, second quart XIIIe siècle ; n° 223, 244, 1501 et 2203, contextes variés, milieu XIIIe - vers 1285 ; n° 1783 B et C, 3540 Fragment de cuir : L x l x e = 12 x 2,1 x 0,12 cm ; appliques circulaires : d = env. 1,7 cm ; appliques en étoile : d = env. 2,4 cm (Willemsen et Ersnt 2014, p. 71, fig. 75). 766 3. Approche croisée du mobilier archéologique 1790, remblai, vers 1285 - vers 1309/1315 ; n° 82, 890, 1383, sols, n° 3631, 3649, 3651 et 3654, couche de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 1380, sol de grotte, n° 3008 et 3021, couche de dépotoir, vers 1345 - vers 1360 ; n° 711, sol de bâtiment avec foyer, n° 3579, 3567, 3594 et 3607, couche de dépotoir associée à de l’effondrement, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 977, sol de ruelle, n° 989, niveau d’abandon, n° 1023, niveau d’effondrement, n° 1996, 1998 et 3260, sols de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420 ; n° 4182, N.D.S. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1205, Époque moderne ; n° 764 et 765, H.S.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 10, 1537, 2098, 2099, 2101 à 2105, 2143 à 2145, couches de dépotoir, vers 1365 - vers 1400.  Rue Carreterie, Avignon: n° 177, datation inconnue.  Prieuré Saint-Symphorien, Bonnieux : n° 13 et 14, niveau de réoccupation ou d’abandon du site, début XIVe siècle. Les appliques circulaires en tôle plate en alliage cuivreux à unique rivet traversant sont extrêmement courantes. Elles sont ordinairement fabriquées avec un emporte-pièce, mais nombre d’entre elles, notamment les plus grandes (fig. 344, n° 9 et 10), ont été découpées avec un ciseau ou des cisailles. Dans ce cas, leur circonférence est plus irrégulière et parfois même anguleuse. Plusieurs appliques sont fixées au moyen d’un rivet à tête bouletée (fig. 344, n° 3 et 6). Une contre-rivure circulaire en tôle plate, elle-même découpée à l’emporte-pièce, s’observe parfois. Une applique du corpus conserve une couverte blanche3541. Plusieurs séries d’appliques de type A1 alignées les unes à côté des autres sont conservées sur des fragments de lanière. Six exemplaires de petite taille (d = 0,6 cm) avec rivet et contre-rivure sont encore en place sur un fragment de courroie de cuir de 5,8 cm de long et 0,6 cm de large issu d’un niveau daté du dernier tiers du XIIIe siècle et de la première moitié du siècle suivant d’un site londonien3542. Deux autres lanières proviennent d’alluvions des XIVe - XVe siècles de la rivière Croult à Saint-Denis dans la Seine-Saint-Denis3543. Une première pièce de cuir de 10,9 cm de long et 0,5 cm de large arbore ainsi treize appliques de 0,6 cm de diamètre à contre-rivure circulaire, auxquelles sont à ajouter l’empreinte de trois 3541 N° 1790 du site du castrum Saint-Jean à Rougiers. Egan et Pritchard (dir.) 2002, p. 165, n° 776. 3543 Leconte 2002, p. LX-LXI, n° 26-410-51 et 26-415-135. 3542 767 3. Approche croisée du mobilier archéologique autres appliques. Une seule applique de type A1 est positionnée sur une seconde pièce de cuir de 11 cm de long et 1 cm de large. Des empreintes témoignent d’autres appliques disparues. Les appliques de type A1 sont très rarement décorées. Un spécimen du corpus3544 et un objet trouvé à Saint-Denis3545 conservent des traces d’une couverte blanche. Un artefact du corpus est parcouru de dépressions obliques réalisées avec un outil (fig. 344, n° 10). À Londres, la perforation circulaire centrale d’un artefact est entourée de six autres trous de forme irrégulière, mais n’ont-ils pas plutôt eu une fonction utilitaire ? Une applique trouvée dans un niveau du XIIIe siècle, peut-être de la fin du siècle, sur le site de Marks and Spencer à Surrey street dans la ville de King’s Lynn dans le comté de Norfolk au Royaume-Uni, atteste de la production d’exemplaires à trois perforations pour rivets3546. Les perforations sont réparties de façon irrégulière près du bord. Les appliques de type A1 servent parfois de support à d’autres appliques. Un exemplaire (N.D.S.) trouvé au château de Peyrepertuse à Duilhac-sous-Peyrepertuse dans l’Aude réceptionne une applique de type O2c3547. L’objet est étamé. D’autres pièces fonctionnent dans le cadre d’appliques de type O2c ou sont positionnées sur un mordant (fig. 289, n° 16). Toutes les appliques de type A1 n’ont peut-être pas été employées dans la décoration du costume ou du harnachement. Le bord d’un objet retrouvé dans un niveau de réoccupation ou d’abandon du début XIVe siècle sur le site du prieuré Saint-Symphorien de Bonnieux, arbore deux encoches opposées (fig. 344, n° 8). Cette caractéristique, plus que son diamètre, conduit à douter de son emploi en tant qu’applique de costume ou de harnachement. Il n’est pas improbable que certains exemplaires aient été employés pour orner des pièces d’ameublement : de petits clous constitués d’une rondelle plate traversée par une tige ont été trouvés dans un atelier métallurgique parisien du second quart du XIVe siècle, ayant travaillé le cuivre et ses alliages, à l’emplacement de l’Hôtel Mongelas à Paris3548. 3544 N° 1790 du site du castrum Saint-Jean à Rougiers. Artefact incomplet, d = 0,95 cm, Leconte 2002, p. LX, n° 12-1040-1 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 20). 3546 Objet complet avec un rivet en place, d = 1,8 cm (Geddes et Carter 1977, p. 289, n° 25). 3547 Applique complète, L x l = 1,2 x 1,2 cm (Barrère 2000, p. 223, fig. 148, n° 8). 3548 L tige = 0,6 x 1 cm ; d tôle = 0,5 à 0,6 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B1, n° 117 à 159) 3545 768 3. Approche croisée du mobilier archéologique La plus ancienne applique de type A1 actuellement répertoriée provient du site de la motte de Niozelles occupée durant le dernier quart du Xe siècle et le premier tiers du XIe siècle. L’emploi des appliques de ce type semble avoir continué jusqu’au XVe siècle3549. Type A2 : Applique circulaire ou ovale en tôle emboutie et à rivet(s) traversant (fig. 344, n° 11 à 33) Les appliques de type A2 sont classées en quatre sous-types établis en tenant compte de la nature du relief embouti et du nombre de perforations pour rivet. Il est différencié les appliques dont le bombement est régulier de celles dont le relief, variable, forme un motif géométrique ou figuratif. Les pièces en alliage cuivreux à bombement régulier sont regroupées dans les sous-types A2a et A2c selon qu’elles comportent une ou deux 3549 France, Aisne : un artefact complet, d = 0,8 cm, fosse, seconde moitié XVe siècle, La Cologne, Hargicourt (Bayard et Mantel 1989, p. 178, fig. 18, n° 11) ; Aude : huit exemplaires complets et deux incomplets, d = 0,9 à 2,2 cm, N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 223, fig. 148, n° 1 à 6, 10, 12, 13) ; Calvados : pièce complète, d = 1,5 cm, Trainecourt (XIIIe - XVe siècle), Grentheville (Vivre au Moyen Âge 2002, p. 214) ; Cher : un individu complet doré, d = 2,1 cm, démolition incendiée, seconde moitié XIIIe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 102, n° 2503) ; Corse du sud : un objet presque complet, d = 1,4 cm, occupation d’une maison, XVe siècle, deux artefacts incomplets, d = 1,55 et 1,8 cm, occupation du village, fin XIIIe - début XVIe siècle, village médiéval de l’Ortolo, Ortolo (Comiti 1996, pl. 13, n° 11 et 12) ; Côte-d’Or : un spécimen complet, d = 0,9 cm, XIVe siècle, Grange du Mont, Charny (Beck 1989, p. 73) ; Deux-Sèvres : deux appliques complètes, d = 1,8 cm, comblement de fosse de fonte de cloche, XVe siècle, église et cimetière du Saint-Sépulcre, Parthenay (Fourteau Bardaji 1989, p. 36, n° 141541) ; Eure-et-Loir : exemplaire incomplet, d = 1,5 cm, datation inconnue, prieuré, Nottonville (Racinet (dir.) 2006, p. 484, n° 12) ; Hérault : pièce complète, d = 3,4 cm, castrum de Ventajou (XIIe - XIVe siècle), Félines-Minervois (Loppe 2006, p. 338) ; Isère : quatre artefacts complets, d = 0,4 et 0,8 et 0,8 et 0,9 cm, village minier de Brande-en-Oisans (XIIe - milieu XIVe siècle), Alpe d’Huez (Bailly-Maître 1983, p. 83, n° 136-137, pl. I.6, n° 1 à 4) ; Oise : deux spécimens complets dont un avec rivet, d = 0,8 et 0,8 cm, ferme du XIVe siècle, hameau du « Bellé », Neuilly-en-Thelle (Legros 2001, n° 112 et 114) ; Paris : nombreux exemplaires, d = 0,5 à 1,5 cm, vers 1325 - vers 1350, atelier métallurgique, Hôtel de Mongelas, Paris (Thomas 2009, t. 3, annexe B1, n° 103 à 116) ; Seine-Saint-Denis : nombreux objets dont un avec un rivet en fer, d = 0,6/1,7 cm, XIIIe à XVe siècle, contextes variés, Saint-Denis (Leconte 2002, p. LX-LXII ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 3 et 20) ; Vosges : artefact complet avec contre-rivure circulaire plate, d = 1,2 cm, vers 1250 - vers 1500, château d’Épinal (Kraemer 2002, pl. 16, n° 12). Italie, province d’Agrigente : objet complet, d = 2,65/2,7 cm, abandon du cimetière paléochrétien, environ IVe - XIIe siècle, Agrigente (Cavallaro 2007, p. 276) ; province de Grosseto : fragment d’applique, d = 2,2 cm, dépotoir, XIVe siècle, castel di Pietra, Gavorrano (Belli 2002, p. 155-156) ; province de Reggio Calabria : exemplaire complet, d = 1,7 cm, ossuaire, début XVe - fin XVIIIe siècle ; église Santa Maria del Mastro, Gerace (Lebole di Gangi 1993, p. 472, n° 43) ; province de Savone : un artefact complet avec reste de rivet, d = 1,2 cm, castel Delfino (1206 – 1223), Pontinvrea (Milanese 1982, p. 102, n° 141). Royaume-Uni, Grand Londres : vingt-et-une appliques complètes et incomplètes, d = 0,9 à 3,6 cm, de vers 1270 - vers 1350 à vers 1400 - vers 1450, sites divers, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002, p. 165, n° 770 à 790). 769 3. Approche croisée du mobilier archéologique perforations pour rivets. Les sous-types A2b et A2d contiennent respectivement les artefacts à décor embouti à unique rivet traversant et ceux à quatre rivets traversant. Parmi les formes en alliage cuivreux absentes du corpus provençal, signalons quelques appliques bombées à trois rivets traversant. Un premier spécimen provient d’un contexte du XIVe ou XVe siècle du château de Rathsamhauen à Ottrott dans le Bas-Rhin3550. Un deuxième exemplaire, décoré de bossettes, est issu d’un atelier métallurgique de la fin du XIIIe siècle et du début du XIVe siècle travaillant les matériaux blancs sur le site de Händelhauskarree à Halle dans le land de Saxe-Anhalt3551. Quelques appliques londoniennes de la seconde moitié du XIVe siècle en alliage cuivreux ont un décor embouti de cercles ou de bossettes concentriques3552. Les plateaux de balance en alliage cuivreux ne doivent pas être confondus avec des appliques de type A. Ils sont de plus grande taille et leurs bords sont perforés de trois ou quatre trous pour le passage des fils de suspension3553. Ils peuvent comporter un décor et un poinçon au centre de la face concave. Le corpus provençal ne comprend pas d’appliques en fer de type A2. Des exemplaires parfois étamés ont été trouvés à Londres dans des niveaux appartenant à des phases datées entre le dernier tiers XIIIe siècle - première moitié XIVe siècle et la première moitié du XVe siècle3554. Deux d’entre eux, étamés et à rivet traversant en alliage cuivreux, sont disposés sur une courroie de cuir terminée par une chape en fer de type A2a et une boucle en fer de type P à œillet3555. L’ensemble est issu d’un contexte daté de la seconde moitié du XIVe siècle. D’autres pièces en fer étamé datées de la seconde moitié du XIVe siècle et de la première moitié du XVe siècle sont identifiées comme des appliques de bride3556. Enfin, des appliques bombées en fer servent de support à des branlants en fer étamé en forme de feuille mis au jour dans un contexte de la première moitié du XVe siècle sur le site de Trig Lane à Londres3557. 3550 Objet complet, d = 1,1 cm (Rieb et Salch 1973, n° 314). Objet complet, d = 1,8 cm (Berger 2012, fig. 8). 3552 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 179, 181, n° 927 à 930. 3553 Se reporter par exemple à Sfligiotti 1990 (p. 528) ou à Dilly et al. 1999 (p. 141, n° 6.22 à 6.24). 3554 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 176, n° 889 à 898, p. 179, n° 924. 3555 Objet complets, d = 1,5 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 179, n° 907). 3556 Artefacts incomplets, d = 6,3 et 5,4 cm (Clark (dir.) 2004², p. 54-55, n° 12 et 13). 3557 Artefacts complets, L x l = 5,9 x 2,1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 217, 219, n° 1188). 3551 770 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type A2a : Applique circulaire ou ovale en tôle emboutie, en alliage cuivreux, sans décor embouti et à unique rivet traversant (fig. 344, n° 11 à 27) Bouches-du-Rhône  Nécropole de Saint-Honorat, Arles : n° 8 et 9, couche d’ossements dans un caveau, XIVe - XVIe siècle.  Castrum de Montpaon, Fontvieille : n° 2010-14, niveau de destruction, fin XIVe début XVe siècle.  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : B560195, B5600946, sol d’habitat de la première moitié du XIVe siècle ; B5600932 et B5600944, remblais de destruction postérieurs au milieu du XIVe siècle.  Château de Baux, Les Baux-de-Provence : s.n. 10, remblai, XIVe siècle.  Alcazar, Marseille : n° 17, comblement de cuve, fin XIXe - début XXe siècle.  Castrum de La Quille, Le Puy-Sainte-Réparade : n° 9, H.S. Var  Abbaye de La Celle, La Celle : n° 11, remblai d’aménagement, XIe siècle.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2200, foyer, n° 3735, sol de bâtiment, milieu XIIIe siècle - vers 1285 ; n° 922, niveau de destruction cendreux, n° 1217, sol de bâtiment, n° 3624, 3646 et 3657, couches de dépotoir, n° 4285, sol de circulation, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 2470, couche de dépotoir, vers 1345 - vers 1360 ; n° 1516 A et B, 1517, 1531, sols de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 4369, couche d’effondrement et d’abandon de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420 ; n° 770 et 1990, N.D.S.  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 94-193, 94-240 et 94-242, contexte inconnu. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1254 B, premier tiers XIVe siècle ; n° 1206, première moitié XIVe siècle ; n° 1203 et 1204, N.D.S.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 535, 678, 1446, 2100, 2551, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400 ; n° 550, comblement de tranchée de fondation de mur, vers 1481 ; n° 736, Époque moderne ; n° 1146, N.D.S., n° 1127, H.S.  Place de la Principale, Avignon : n° 1995-85, datation inconnue. 771 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Rue Banasterie, Avignon : n° 542 et 614, datation inconnue.  Rue Carreterie, Avignon : n° 219, 220, 264, datation inconnue. La plupart des appliques circulaires ou ovales de type A2a ont été découpées avec un emporte-pièce. La trace du bord coupant de cet outil s’observe sur une pièce imparfaitement découpée (fig. 344, n° 12 ; fig. 352, n° A). Un exemplaire, cependant, présente un contour anguleux qui dénote une découpe avec un ciseau ou des cisailles (fig. 344, n° 21). Dans le corpus, le diamètre des appliques varie entre 0,75 et 2,8 cm pour une hauteur comprise entre 0,15 et 0,8 cm. Le rivet est ordinairement en alliage cuivreux mais il est en fer dans cinq cas. La tête du rivet en alliage cuivreux est généralement bouletée (ex : fig. 344, n° 11 à 14, 16 à 18, 22 et 25). Lorsqu’elle est conservée, la contre-rivure circulaire est plus souvent concave que plate. Dans les deux cas, elle a été obtenue par découpe à l’emporte-pièce. Des traits incisés rayonnant autour de la perforation centrale sont visibles sur des appliques trouvées dans des contextes londoniens de la première moitié du XVe siècle3558. Deux de ces appliques comportent une contre-rivure aux deux extrémités du rivet : l’une des contre-rivures recouvre donc le sommet de la face avers. À Londres, également, les fouilles ont livré un fragment de courroie de cuir de 3,9 cm de long et 1 cm de large porteur de deux appliques (d = 1 cm) alignées3559. D’autres appliques de type A2a ont été retrouvées sur des lanières de cuir à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis3560. Un morceau de courroie long de 16 cm et large de 0,8 cm, découvert dans un remblai d’abandon du XVe siècle de la rivière Croult, conserve une applique de 0,7 cm de diamètre et l’empreinte de cinq autres. Un autre fragment long de 8,5 cm et large de 2,4 cm, relevé dans les alluvions des XIVe - XVe siècles du Croult, présente une applique de 0,8 cm en place et la trace de deux autres. La documentation rassemblée permet de proposer un emploi des appliques de type A2a entre le XIe et le XVe siècle3561. Quelques exemplaires ont pu être utilisés dans la fabrication des appliques de type AB (fig. 358, n° 11). 3558 Egan et Pritchard (dir.) 2002, p. 174, n° 869 à 871. Ibid., p. 174, n° 858. 3560 Leconte 2002, p. LXIV, n° 23-154-3 et 26-415-65. 3561 France, Corse du sud : un exemplaire complet, d x h = 2,1 x 0,2 cm, village médiéval de l’Ortolo (fin XIIIe - début XVIe siècle), Ortolo (Comiti 1996, p. 56, fig. 15, n° 6) ; Cher : deux spécimens à l’intégrité inconnue, d = 1,7 et 2 cm, occupation de tannerie et de maison, seconde moitié XIVe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 104, n° 227) ; Côte d’Or : un objet incomplet, d x h = 1,25 x 0,4 cm, occupation d’une maison, XIIIe - début XVe siècle, village médiéval de Dracy, Baubigny (Piponnier 1975a, p. 78) ; Deux-Sèvres : un artefact complet, d x h = 2 x 0,5 cm, comblement d’une tombe, XVe siècle, église et cimetière du Saint-Sépulcre, Parthenay (Fourteau 3559 772 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type A2b : Applique circulaire ou ovale en tôle emboutie, en alliage cuivreux, à décor embouti et à unique rivet traversant (fig. 344, n° 28 à 31) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3540, H.S. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 794, niveau de destruction de maisons, vers 1365 ; n° 756 et 2138, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. La décoration de ces appliques embouties peut consister en un simple rebord plat à la base (fig. 344, n° 28)3562 éventuellement parsemé de bossettes3563, en une bordure de bossettes (fig. 344, n° 31), en une bordure de bossettes et un bombement central3564, en deux bordures Bardaji 1989, p. 36) ; Loire : un spécimen complet, d x h = 0,95 x 0,5 cm, occupation d’une tour, XIVe siècle, château d’Essertines, Essertines-Basses (Maccari-Poisson 1992, p. 149) ; Meurthe-etMoselle : un individu complet, d x h = 1 x 0,2 cm, N.D.S., maison forte des Armoises, Richardménil (Guarascio et Giuliato 2007, p. 169, n° 459-CA-5030) ; Seine-Saint-Denis : objet complet, d = 0,75 cm, comblement de latrines, XIIIe - XIVe siècle, Saint-Denis (Leconte 2012, p. LXIII, n° 162008-1) ; Vosges : une applique complète, d = 0,65 cm, vers 1500 - vers 1650, château d’Épinal (Kramer 2002, pl. 16, n° 3). Espagne, province d’Alicante : un artefact complet, d = 1,3 x 0,6 cm, castillo de la Torre Grossa (XIIIe - XIVe siècle), Jijona (Azuar Ruiz 1985, p. 105, n° 7036). Italie, province de Coni : un exemplaire complet, d x h = 1,25 x 0,4 cm, première moitié du XVIe siècle, château de Montaldo di Mondovì (Cortelazzo et Lebole di Gangi 1991, p. 226) ; province de Grosseto : une applique complète, d x h = 2,2/2,3 x 0,9 cm, XIVe siècle, castel di Pietra, Gavorrano (Belli 2002, p. 155-156). Royaume-Uni, Grand Londres : vingt-sept artefacts complets et incomplets, certains sur courroies de cuir, d = 1 à 2 cm, vers 1270 - vers 1350 à vers 1400 - vers 1450, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002, p. 174, n° 858 à 866, 868 à 872) ; Yorkshire : deux appliques complètes, d x h = 3,5 x 1,3 cm, couche de destruction, seconde moitié XVe - première moitié XVIe siècle, Moated house, East Haddlesey (Goodall 1973, p. 93, fig. 36, n° 9 et 10) ; deux spécimens complets et incomplets, d x h = 1 x 0,45 cm, première moitié XVe siècle, d x h = 2,5 x 0,25 cm, seconde moitié XVe - première moitié XVIe siècle, village médiéval de Wharram (Goodall 1979, p. 112, n° 32 et 56). Suisse, canton de Genève : un objet incomplet, d x h = 1 x 0,35 cm, sur la tête du fémur gauche d’un squelette, datation inconnue, église Saint-Georges, Hermance (Bonnet 1973, p. 9091, n° 74). 3562 France, Meurthe-et-Moselle : une applique presque complète, d x h = 1,1 x 0,5 cm, niveau de destruction, XVIe siècle, maison forte des Armoises, Richardménil (Guarascio et Giuliato 2007, p. 169, n° 459-CA-5025) 3563 Royaume-Uni, Lincolnshire : un exemplaire complet, d x h = 1,5 x 0,5 cm, H.S., habitat médiéval, Goltho (Goodall et al. 1975, p. 91, fig. 43, n° 8). 3564 Royaume-Uni, Grand Londres : un individu complet, d = 1,5 cm, vers 1270 - vers 1350, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 178, n° 857). 773 3. Approche croisée du mobilier archéologique de bossettes – la seconde autour de la perforation centrale3565 –, en une bordure bombée (fig. 344, n° 30)3566, en une bordure bombée et une zone centrale plate surélevée3567 ou bombée3568, en deux3569 ou trois anneaux concentriques bombés (fig. 344, n° 29)3570, en un motif de rayons3571. Des traces d’une couverte blanche sont visibles sur une applique du corps (fig. 344, n° 30). Un spécimen à bordure en anneau et zone plate surélevée pourrait avoir été trouvé sur le site de la Grange du Mont à Charny en Côte-d’Or, mais le dessin laisse planer un doute3572. Dans le Cher, sur le site de la ZAC Avaricum, une couche de démolition incendiée de la seconde moitié du XIVe siècle d’une maison a fourni une applique à cinq anneaux concentriques3573. Toutefois, le mode de fabrication n’est pas renseigné, que ce soit par le texte ou par la représentation graphique choisie, une photographie. Des décors complexes composés de bossettes, de motifs cordés, d’étoiles, d’arabesques ou de motifs animaliers s’observent sur plusieurs appliques en alliage cuivreux de la bibliographie3574. Leur 3565 France, Cher : deux pièces à l’intégrité inconnue, d = 1,2 et 1,8 cm, abandon de moulin, seconde moitié XIIIe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 102, n° 4669) ; Eureet-Loir : une applique complète, d = 1,9 cm, prieuré de Nottonville (Racinet (dir.) 2006, p. 484, n° 13). 3566 Royaume-Uni, Grand Londres : un spécimen complet, d = 1,6 cm, seconde moitié XIVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 178, n° 906). 3567 France, Paris : cinq pièces complètes, d = 0,7 cm, vers 1325 - vers 1350, atelier métallurgique, Hôtel de Mongelas (Thomas 2009, t. 3, annexe B1, n° 62 à 66). Royaume-Uni, Grand Londres : un spécimen, d = 1,7 cm, seconde moitié XIVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 179, n° 926). 3568 Royaume-Uni, Grand Londres : treize appliques complètes ou incomplètes, d = 1,3 à 1,8 cm, douze spécimens datés de la seconde moitié du XIVe siècle et un objet daté de la première moitié du XVe siècle, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 179, n° 913 à 923). 3569 Royaume-Uni, Grand Londres : un objet incomplet, d = 2,5 cm, vers 1270 - vers 1350, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 179, n° 912) ; Yorkshire : un exemplaire incomplet, d = 1,5 cm, couche de démolition, milieu XIIIe siècle - vers 1300, village médiéval de Wharram, Wharram (Goodall 1979, p. 112, n° 76). 3570 Royaume-Uni, Dumfries and Galloway : un objet incomplet, d = 2 cm, phase datée vers 1455 vers 1640, château de Threave (Caldwell 1981, fig. 10, n° 35) ; Southampton : un artefact complet, d = 2,1 cm, première moitié XIVe siècle, Aberge, West Street, Southampton (Harvey et al. 1975, p. 257, fig. 241, n° 1742). 3571 Royaume-Uni, Herefordshire : un individu complet, d = 1,8/1,9 cm, fin du Moyen Âge, Bewell House, Hereford (Schoesmith (dir.) 1985, fig. 7.11). 3572 Un individu complet, d x e tôle = 0,9 x 0,05 cm (Beck 1989, p. 73, n° 92). 3573 Artefact incomplet, d = 4,8 cm (Fondrillon et Marot 2014, p. 161, n° 201). 3574 Une applique avec une croix pattée inscrite dans une bordure cordée provient du château de Montségur en Ariège (Rapport 1974, p. 65 ; Czeski 1981, p 197). Les fouilles archéologiques à Londres ont fourni six appliques issues de niveaux du second tiers du XIIIe siècle et de la seconde moitié du XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 167, n° 793 ; p. 176, n° 901 à 904 ; Clark (dir.) 2004, p. 53, n° 7). Dans le Lincolnshire, à Wainfleet Saint-Mary, une applique particulièrement ouvragée provient d’un niveau d’habitat, près de marais salants, de la seconde moitié du XVe siècle et de la première moitié du XVIe siècle (Mac Avoy 1994, p. 159, n° 2066). 774 3. Approche croisée du mobilier archéologique ornementation étant fort différente de celle des appliques du corpus, il n’en est pas fait la description. Un contexte de la seconde moitié du XIVe siècle sur le site de Baker Lane a fourni un possible fragment de vêtement en cuir décoré d’appliques. Deux d’entre elles, à deux anneaux concentriques et bombement central, sont traversées par trois rivets. Elles sont accompagnées chacune de deux appliques à bordure bombée et à bombement central3575. Au vu des données rassemblées, il semble possible de proposer un emploi des appliques de type A2b durant la seconde moitié du XIIIe siècle et les XIVe et XVe siècles. Type A2c : Applique circulaire ou ovale en tôle emboutie, en alliage cuivreux, sans décor embouti et à deux rivets traversant (fig. 344, n° 32) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1223, second tiers XIVe siècle ? Cette applique emboutie, légèrement concave en son centre, comporte deux perforations opposées pour rivets. Une applique analogue un peu plus grande, avec une concavité centrale légèrement plus profonde, provient d’un remblai daté de la fin du XVe siècle et du début du XVIe siècle du site de la Porte Pairolière à Nice3576. Type A2d : Applique circulaire ou ovale en tôle emboutie, en alliage cuivreux, à décor embouti et à quatre rivets traversant (fig. 344, n° 33) Var  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 94-210, contexte inconnu. 3575 Deux grandes appliques complètes, d = 4,3 cm, quatre petites appliques complètes, d = 1,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 181, n° 930). 3576 Objet complet, d x h = 3,4/3,5 x 0,8 cm, n° 132, objet inédit. 775 3. Approche croisée du mobilier archéologique L’applique comporte quatre perforations également réparties près des bords. Elle est emboutie en son centre d’une tête humaine aux cheveux courts. Un reste de rivet brasé au revers atteste d’une modification du mode de fixation au cours de la vie de l’objet. Trois appliques dorées à quatre rivets traversant ont été découvertes au château de Peyrepertuse à Duilhac-sous-Peyrepertuse dans l’Aude. La plus grande partie du décor est le résultat d’une impression de la face avers de l’objet. Ce décor consiste en la figuration d’une fleur à huit pétales en léger relief sur un fond de grènetis. Le centre de la fleur est un bombement circulaire réalisé par emboutissage depuis le revers3577. À Londres, un contexte de la première moitié du XVe siècle du site de Trig Lane a fourni une pièce à quatre rivets traversant à bordure bombée et à zone centrale plate surélevée3578. Elle est identifiée comme une applique de bride. Type A3 : Applique circulaire ou ovale composite en tôles embouties et à rivet(s) traversant (fig. 345, n° 1) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 182, sépulture d’adulte, XIVe - XVIe siècle. Cette applique est composée d’une tôle conique emboutie, ouverte en son sommet, posée sur une tôle plate au centre et à bordure en bossettes. Deux rivets opposés, traversant les deux tôles, assuraient la fixation. Un fragment de cuir avec l’empreinte d’une contre-rivure circulaire plate a été retrouvé avec l’objet. L’artefact dignois présente de fortes similitudes avec une applique de type B2b (fig. 346, n° 21). Une applique en fer provient d’un contexte de la première moitié du XVe siècle d’un site londonien3579. La tôle supérieure, fortement bombée et sans couverte, comporte un rivet intégré qui traverse la tôle inférieure dont le bord cordé est étamé. Ce contraste de couleur, décoratif, se retrouve sur une série d’appliques identiques en alliage cuivreux conservées au London Museum. La tôle supérieure est couleur cuivre, l’alliage de la tôle inférieure est doré. 3577 Trois appliques complètes, d = 2,4 à 2,5 cm (Barrère 2000, p. 228-229, fig. 149, n° 2 à 4). Artefact complet, d = 5,2 cm (Clark (dir.) 2004², p. 54, n° 8). 3579 Objet incomplet, d = 1,8 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2012², p. 181, n° 932). 3578 776 3. Approche croisée du mobilier archéologique Quarante-et-une de ces appliques ornent une ceinture de cuir. Elles sont disposées en ligne entre deux rangées d’appliques de type O23580. Type A4 : Applique circulaire ou ovale issue de la fonte et à rivet(s) traversant (fig. 345, n° 2 et 3) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 10, vers 1360 - vers 1370/1375. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 154, comblement de tranchée de fondation, 1491 - 1496. Les deux artefacts du corpus ont été élaborés dans des matériaux différents. Le plus grand est en alliage cuivreux et conserve de la dorure (fig. 345, n° 2). Il comporte une partie centrale bombée et trois perforations à peu près équidistantes, réalisées après la fonte ainsi que le montre le déjettement du métal. Le bord est arrondi. L’objet provient du comblement d’une tranchée de fondation à la toute fin du XVe siècle, mais le creusement a été réalisé dans un dépotoir mis en place durant le dernier tiers du XIVe siècle. Des appliques d’aspect analogue sont figurées sur la ceinture du saint Michel peint par Josse Lieferinxe vers 1500 (fig. 311). Des détails non réalistes dans l’armure de l’archange et dans le dispositif de fixation du fourreau de son épée incitent à la prudence : l’artiste pourrait ne pas s’être inspiré pour la ceinture d’objets qu’il aurait vus mais les avoir imaginés. Des pièces comparables mais sans rivets de fixation visibles et avec une large ouverture centrale sont signalés sur les sites du castillo de la Torre Grossa à Jijona (XIIIe XIVe siècle) dans la province d’Alicante en Espagne3581 et du quartier San Domenico al Priamàr (H.S.) à Savone dans la province du même nom en Italie3582. L’objet le plus petit du corpus est en matériau blanc (fig. 345, n° 3). Il figure une tête humaine aux longs cheveux, aux yeux exorbités, dont la bouche largement ouverte recevait probablement un rivet. 3580 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 181, pl. 4, D ; pl. 5, E et F. Objet complet, d x h = 3,95 x 1,3 cm (Azuar Ruiz 1985, p. 105, n° 7030). 3582 Spécimen complet, d = 3,8 cm (Viara 1996, p. 383). 3581 777 3. Approche croisée du mobilier archéologique Une ceinture en cuir fragmentaire avec une boucle d’une variante du type G fut retrouvée dans un contexte de la seconde moitié du XIIIe siècle sur le site de Cuckoo Lane A à Southampton. Elle comporte sur toute sa longueur, à intervalles réguliers, des appliques en matériau blanc à deux rivets traversant opposés. Les appliques sont pour la plupart de type A4 sauf sur la partie terminale où elles appartiennent au type B3. Sept pièces de type A4, avec un dénivelé entre la bordure et la partie centrale, ont été conservées3583. L’une d’elles, décorée de rayons, est située près de la boucle. Ses deux rivets traversent deux épaisseurs de cuir car l’extrémité de la lanière, découpée d’une encoche pour l’ardillon, s’enroule autour de la traverse proximale de la boucle. Les rivets des appliques sont alignés dans la longueur de la boucle. Type A5 : Applique circulaire ou ovale issue de la taille et à rivet(s) traversant (fig. 345, n° 4)3584 Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 2016, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Ce petit objet est fabriqué par tournage avec un foret à trois pointes dans une plaquette de matière osseuse. L’avers est chanfreiné. Des rondelles en os avec une perforation centrale ont été mises au jour dans un dépotoir des années 1420 - 1480 au Marais-Vert à Strasbourg parmi d’autres objets et déchets de l’artisanat de l’os3585. Leur diamètre est compris entre environ 1,2 et 1,55 cm. Elles sont interprétées comme des boutons, des palets de jeu ou des appliques de vêtement ou de ceinture. En l’état actuel des données, l’utilisation de boutons en os à unique perforation centrale n’est formellement attestée qu’à partir du XVIIe siècle par des découvertes en contexte sépulcral3586. Il est possible que la pièce du corpus et les objets de comparaison susmentionnés soient des appliques de ceinture. 3583 Le diamètre des appliques est de 1,8 cm (Harvey et al. 1975, p. 281, fig. 262, n° 2156). Analyse technique par M.-A. Chazottes. À paraître dans Chazottes et Thuaudet 2015. 3585 Maire 1990. 3586 Des boutons de ce type ont été trouvés en Provence sur des corps dans le cimetière paroissial (1581/1583 - 1831) de l’îlot Saint-Jacques à La Ciotat (Frangin 2011, p. 343-344 ; Richier et al. 2011, p. 318-320), sur des squelettes dans un cimetière d’esclave (milieu XVIIe - milieu XIXe siècle ?) sur le site de l’Anse Sainte-Marguerite à Le Moule en Guadeloupe (Courtaud et Romon 2004). 3584 778 3. Approche croisée du mobilier archéologique D’une datation beaucoup plus tardive est une applique en nacre issue d’un ossuaire de caveau du XVIIIe siècle dans l’église de la Vieille Major à Marseille. Sa surface a été meulée de façon à faire apparaître de légères dépressions semi-ovales en bordure. Elles sont de forme ovale et disposées en corolle au centre3587. Type A6 : Applique circulaire ou ovale plate et à rivet(s) intégré(s) (fig. 345, n° 5 à 9) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 330 A à C, second tiers XIVe siècle ; n° 768, H.S.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 2220, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Ces quelques appliques en alliage cuivreux sont constituées d’une partie plate au revers de laquelle est brasé un rivet intégré. Un artefact comporte un rivet fragmentaire issu d’un massif conique (fig. 345, n° 9). Neuf possibles appliques de type A6 en alliage cuivreux ont été trouvées dans un dépotoir de la première moitié du XIVe siècle dans une cave à SaintDenis en Seine-Saint-Denis3588. Des appliques en fer étamé proviennent d’un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle du site de Baynard House à Londres3589. La plus grande est identifiée comme une ornementation de bride. Type A7 : Applique circulaire ou ovale en tôle emboutie et à rivet(s) intégré(s) (fig. 345, n° 10 à 26) Les appliques de type A7 du corpus comportent toutes un rivet intégré brasé au revers de la tôle emboutie. De la même façon que pour les appliques de type A2, elles sont divisées en deux sous-types établis en tenant compte de la nature du relief embouti. Les pièces en alliage cuivreux à bombement régulier sont regroupées dans le sous-type A7a et celles à décor embouti dans le sous-type A7b. 3587 Objet complet, d x e = 1,3 x 0,13 cm (Thuaudet et Chazottes 2014, p. 309). Artefacts en très mauvais état, d max = 0,9 cm (Leconte 2002, p. LXII-LXIII). 3589 Trois objets dont au moins un incomplet, d = 1,5 et 4,5 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 179, n° 907 et 908 ; Clark (dir.) 2004², p. 54, n° 10). 3588 779 3. Approche croisée du mobilier archéologique La fabrication d’appliques en argent, en cuivre doré et en alliage cuivreux de type A7 est décrite par Théophile, alias Rugerus, dans son manuel De diversis artibus rédigé au début du XIIe siècle3590. Le corps de l’applique est fabriqué par découpe et emboutissage avec un emporte-pièce. Le fil du futur rivet est brasé avec un alliage de deux parts d’étain pour une part de plomb lorsque l’applique est en argent ou en cuivre doré, avec de l’étain pur lorsqu’il est en bronze. Le fil est ensuite coupé en fonction de la longueur souhaitée pour le rivet. Selon le traité de Théophile, ces appliques sont utilisées pour décorer les courroies des étriers d’une selle de cheval ou les courroies de la têtière de bride. Théophile faisant œuvre de compilateur, la pratique qu’il décrit est évidemment plus ancienne. Type A7a : Applique circulaire ou ovale en tôle emboutie, en alliage cuivreux, sans décor embouti et à unique rivet intégré (fig. 345, n° 10 à 24) Bouches-du-Rhône  Motte de la Plaine de Grande Bastide, Saint-Paul-lès-Durance : n° 325, comblement de silo, première moitié XIIIe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1201, seconde moitié XIVe siècle ; n° 365, datation inconnue ; n° 1293 B, N.D.S. ; n° 1197 et 1202, H.S.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1187, 1538 A à E, 1673, 1831, 2047, 2250, 2255, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400 ; n° 555, comblement de tranchée de fondation, vers 1481. Cupules oxydées : n° 943, 1023, 1188, 1234, 1408, 1669, 1825, 1900, 1926, 1965, 2167, 2168, 2266, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400 ; n° 1777, H.S.  Régina, Avignon : n° 1 à 11 et 17, datation inconnue.  Rue Carreterie, Avignon : n° 215 et 341, datation inconnue.  Rue du Limas, Avignon : n° 4 et 10, datation inconnue Plusieurs artefact de type A7a conservent une contre-rivure circulaire plate (fig. 345, n° 10, 12 et 19) ou légèrement concave (fig. 345, n° 13 et 14). Le rivet d’une pièce a été 3590 Édité par C. de l’Escalopier en 1843 (livre III, chapitre LXXV) et R. Hendrie en 1847 (livre III, chapitre LXXVI). Se reporter à l’introduction de la typologie. 780 3. Approche croisée du mobilier archéologique prolongé par brasure d’une petite tige (fig. 345, n° 21), sans doute parce que l’épaisseur du support le nécessitait. Des traces de dorure s’observent sur une pièce (fig. 345, n° 24). Plusieurs objets du corpus et de la bibliographie ont perdu leur rivet intégré (ex : fig. 345, n° 15)3591. De nombreuses cupules très oxydées mises au jour sur le site du jardin ouest du Petit Palais sont dans ce cas. Des traces de brasure peuvent s’observer au revers de la tôle emboutie, à l’emplacement du rivet disparu, lorsque l’état de conservation le permet3592. Des appliques de type A7a ayant conservé leur rivet ont été mises au jour dans la chapelle des Gicons (H.S.) à Saint-Disdier dans les Hautes-Alpes3593, dans un dépotoir des XIIIe - XIVe siècles sur le site de la verrerie forestière de La Seube à Claret dans l’Hérault3594, dans un niveau daté vers 1500 - vers 1650 du site du château d’Épinal dans les Vosges3595, dans des contextes londoniens datés entre la seconde moitié du XIIe siècle et la seconde moitié du XIVe siècle3596. Contrairement aux artefacts du corpus pour lesquels la brasure est localisée au point de contact du rivet et du corps de l’applique, pour la plupart des objets de la bibliographie la brasure s’étend sur une grande partie du revers. Les données archéologiques et écrites rassemblées pour l’étude sont en faveur d’une datation typologique comprise entre le début du XIIe siècle et la fin du XIVe siècle. Type A7b : Applique circulaire ou ovale en tôle emboutie, en alliage cuivreux, à décor embouti et à unique rivet intégré (fig. 345, n° 25 et 26) Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 956 et 2533, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Ces deux appliques comportent une tôle emboutie au revers de laquelle est brasée ou a été brasée une tige en alliage cuivreux servant de rivet. La tôle est plissée (fig. 345, n° 26) ou 3591 France, Haute-Vienne : exemplaire complet, d = 2,1 cm, comblement d’une fosse, milieu XVIe siècle, Îlot Gabriel-Péri, Limoges (Lombard et al. 1987, pl. V, n° 8) ; Royaume-Uni, Southampton : artefact incomplet, d = 2,8 cm, première moitié XIVe siècle, High Street A, Southampton (Harvey et al. 1975, fig. 242, n° 1771). 3592 N° 1293 B du site de l’Impasse de l’Oratoire à Avignon. 3593 Pièce complète, d = 1 cm (Fichier Lucy Vallauri 1969). 3594 Spécimen complet, d = 1/1,05 cm (Lambert 1983, p. 211, fig. 49, n° 3). 3595 Objet complet, d = 1,6 cm (Kraemer 2002, pl. 16, n° 9). 3596 Individu complet, d = 1 à 1,8 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 174, n° 873 à 888). 781 3. Approche croisée du mobilier archéologique bombée en son centre et plate sur le bord (fig. 345, n° 25). Une applique présentant cette dernière forme, sans son rivet, provient d’un contexte appartenant à une phase d’occupation, datée entre 1455 et 1640, du château de Threave dans le Dumfries and Galloway3597. Des pièces très différentes ont été trouvées au Royaume-Uni. Un premier objet provient d’une zone de dépotoir mise en place entre vers 1250 et vers 1600 sur le site du complexe abbatial de Whitorn and Saint-Ninian3598. Il est embouti d’une fleur dont chacun des six pétales incurvés est intégré dans un quart de cercle à fond semble-t-il quadrillé. Un artefact sans rivet, embouti d’une étoile à six branches bouletées, est issu d’un contexte postérieur au XVe siècle fouillé lors de l’opération archéologique menée à l’emplacement du magasin Marks and Spencer sur Surrey street à King’s Lynn dans le comté de Norfolk3599. Une applique trouvée dans un ossuaire mis en place entre le début du XVe siècle et la fin du XVIIIe siècle dans l’église Santa Maria del Mastro à Gerace dans la province de Reggio Calabria en Italie pourrait appartenir au type A7b. L’applique au bombement homogène porte un décor étoilé dont le mode de production n’a pu être déterminé d’après le dessin proposé3600. Une applique avec trois cercles concentriques de bossettes en relief, datée de la première moitié du XVe siècle, a été trouvée sur le site de Swan Lane à Londres3601. Type A8 : Applique circulaire ou ovale issue de la fonte, à rivet(s) intégré(s) (fig. 345, n° 27 à 29 ; fig. 346, n° 1 à 5) Bouches-du-Rhône  Château d’Hauture, Fos-sur-Mer : n° B569567, couche au matériel brassé, Époque moderne. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 760, fin XIIe - première moitié XIIIe siècle ; n° 181, 401 et 928, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 2800 et 3443, vers 1360 - vers 1370/1375. 3597 Artefact presque complet, d x h = 2,2 x 0,8 cm (Caldwell 1981, p. 109, fig. 10, n° 32). Pièce incomplète, d = 2,1 cm (Nicholson 1998b, p. 375-376, fig. 10.61, n° 1). 3599 Exemplaire incomplet, d = 1,6/1,7 cm (Geddes et Carter 1977, p 290, n° 38). 3600 Objet complet, d x h totale = 2 x 0,3 cm (Lebole di Gangi 1993, p. 470, 472, n° 36). 3601 Individu complet, d = 1,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 174, n° 867. 3598 782 3. Approche croisée du mobilier archéologique Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 2556, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Six des huit objets du corpus rassemblés dans le type A8 sont en matériau blanc. L’une des deux pièces en alliage cuivreux est décorée en bordure d’un grènetis (fig. 346, n° 4). La seconde comporte une rainure circulaire autour d’un trou central rempli d’émail dont la couleur est actuellement orange (fig. 346, n° 5). Une applique en alliage cuivreux avec une bordure de grènetis et six bossettes autour d’une bossette centrale provient d’un contexte d’abandon des XVIe - XVIe siècles du château des Armoises à Richardménil en Meurthe-etMoselle3602. Cinq bossettes décorent un exemplaire issu d’un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle du site de Trig Lane à Londres3603. Deux appliques londoniennes du dernier tiers XIIIe - première moitié XIVe siècle sont décorées d’une croix cantonnée de fleur de lys ou de V dans une bordure de grènetis3604. Des appliques en alliage cuivreux sans décor ont été mises au jour à Londres dans des contextes datés entre la seconde moitié du XIIe siècle et la première moitié du XVe siècle3605. L’une d’elles est fortement bombée3606. Deux des six artefacts en matériau blanc du corpus arborent une bossette centrale entourée d’un anneau bombé (fig. 346, n° 3) ou d’une fleur de lys (fig. 346, n° 1). Trois objets sont décorés d’une fleur épanouie. Les huit pétales serrés les uns contre les autres d’un premier exemplaire rayonnent depuis une zone centrale vierge (fig. 345, n° 27). Les deux autres pièces possèdent une bossette centrale d’où rayonnent les pétales, au nombre de six, ellipsoïdaux, décorés longitudinalement d’une ligne droite ou de grènetis, et disposés sur un fond quadrillé oblique (fig. 345, n° 28 et 29). Une applique portant une croix aux bras décorés de chevrons provient d’un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle du site de Baker Lane à King’s Lynn dans le comté de Norfolk au Royaume-Uni3607. La décoration est dite « emboutie » par les auteurs mais elle est beaucoup plus probablement le résultat de la fonte. La dernière applique du corpus figure une tête humaine (fig. 346, n° 2) dans un cadre circulaire, à la manière d’un médaillon. Le cadre est entouré d’une légende incomplète et difficile à lire (…IO…). 3602 Spécimen complet, d = 1,6 cm (Guarascio et Giuliato 2007, p. 170, n° 459-CA-5029). Individu complet, d = 1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 167, n° 798). 3604 Exemplaires complets, d = 1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 167, n° 791 et 792). 3605 Huit artefacts, d = 0,95 à 2,4 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 170, n° 797, 819 à 823). 3606 Objet complet, d = 0,8 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 174, n° 856). 3607 Pièce incomplète (rivet cassé), d = 1,7 cm (Geddes et Carter 1977, p. 290, n° 37, fig. 131). 3603 783 3. Approche croisée du mobilier archéologique Toutes les appliques en matériau blanc du corpus présentent une ligne bombée au revers. Il s’agit d’un débordement de métal à la jonction des deux empreintes utilisées côté revers pour la fonte des appliques. Cette ligne passe à côté du rivet dans quatre cas (fig. 345, n° 27 à 29, fig. 346, n° 2), ce qui signifie que la tige du rivet n’était gravée ou imprimée que sur une seule empreinte. Pour les deux autres pièces, la ligne passe au milieu du rivet (fig. 346, n° 1 et 3) : chacune des deux empreintes était gravée ou imprimée de la moitié du rivet. Il est probable que la face avers n’ait nécessité qu’une seule empreinte. Les fouilles archéologiques à Londres ont fourni un important ensemble d’appliques en matériau blanc à unique rivet intégré dans des contextes datés entre vers 1270 - vers 1350 et la première moitié du XVe siècle3608. L’aspect de ces pièces est très diversifié mais aucune ne présente de similitude avec les exemplaires du corpus. Plusieurs fragments de courroie de cuir sont décorés de ces appliques. Celles-ci sont généralement alignées à intervalles réguliers ou accolées les unes aux autres3609. Un morceau de courroie de cuir issu d’un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle du site de Trig Lane est orné de groupes de deux appliques de type A8 sans décor alignées dans la longueur de la courroie et d’une applique de type F3 à grènetis3610. Type A9 : Applique circulaire ou ovale en tôle plate, à perforations pour la couture (fig. 346, n° 6) Bouches-du-Rhône  Château des Baux, Les Baux-de-Provence : n° 272, remblai, XIVe siècle. La tôle de cet objet est d’une extrême finesse et les deux perforations pour la fixation sont de très faible diamètre. La fixation a sans doute été réalisée par couture. Il se pourrait que cette applique soit une de ces paillettes qui ornaient certains vêtements mais surtout les éléments de coiffure3611. 3608 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 167-170, n° 801 à 817, p. 170-172, n° 824 à 855, p. 178, n° 909 à 911. 3609 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 167, n° 801, p. 168, n° 811, p. 170, n° 829 et 830, p. 172, n° 852. 3610 Chacune des neuf appliques de type A8, d = 0,9 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 167, n° 802). 3611 Se reporter au chapitre 3.2.1.2. 784 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type A10 : Applique circulaire ou ovale en tôle emboutie, à perforations pour la couture (fig. 346, n° 7) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL XX-109, remblai, XVIIIe siècle. Cette applique en tôle très fine – au dessin agrandi deux fois pour une meilleure lisibilité – est emboutie d’une étoile à six branches bouletées. Sa bordure est bombée. Des traces de dorure sont conservées sur la face avers. Quatre petits trous permettaient une fixation par couture. Cet objet est vraisemblablement une paillette métallique comme pour l’artefact du sous-type précédent. Sa découverte dans les remblais du XVIIIe siècle de l’église Saint-Blaise à Arles n’a rien de surprenante, ces terres rapportées contenant pour une très large part du mobilier médiéval. De configuration différente, deux petites pièces identiques (d = 0,6 cm) comportent une bordure bombée et deux perforations établies dans la zone centrale plate. Elles sont issues du comblement d’une fosse dans la seconde moitié du XIIIe siècle sur le site de Queen street Midden Area à Aberdeen dans l’Aberdeenshire3612. Des appliques en argent doré à la surface unie et d’autres embouties d’une fleur ou d’une étoile sont parsemées sur le manteau de l’Enfant Jésus de Sarnen, attribué à la seconde moitié du XIVe siècle (fig. 318). Deux appliques en argent à motif embouti d’une fleur à six pétales, à deux perforations pour la fixation, et une troisième avec une fleur à cinq pétales et quatre points de fixation appartiennent au trésor de Colmar dans le Haut-Rhin enfoui vers 13483613. Type A11 : Applique circulaire ou ovale en tôle emboutie et à bélière (fig. 346, n° 8 à 10) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 673 et 3722, couches de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 408, sol de bâtiment, vers 1345 - vers 1360 ; n° 2905, couche de dépotoir, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 2205, couche de dépotoir, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. 3612 3613 Artefacts complet, d = 0,6 cm (Goodall 1982, p. 186, n° 59). Deux spécimens complets, d = 1 cm (Descatoire (dir.) 2007, p. 89, a et b). 785 3. Approche croisée du mobilier archéologique Ces cinq exemplaires arborent un motif de quatre fleurs de lys alternant avec des bossettes, rayonnant depuis l’ouverture centrale bordée d’un cercle bombé, et présente un cercle de bossettes le long du bord externe (ex : fig. 346, 8 à 10). Une attache en forme d’oméga traverse le trou central d’un spécimen (fig. 346, n° 9). Le rapprochement avec le collier d’un chien dans une peinture de Pieter Pourbus datée de 1551 (fig. 324) laisse imaginer que le nœud de l’attache a pu recevoir un anneau. Une applique pentalobée de type M2 en tôle d’argent doré, pratiquement circulaire, appartenant au trésor d’Erfurt dans le land de Thuringe en Allemagne, enfoui vers 1348-1349, avec trois perforations pour la fixation, est emboutie d’un motif rayonnant de cinq fleurs de lys dans une bordure de bossettes creuses3614. Type B : Applique circulaire ou ovale à œillet (fig. 346, n° 11 à 29 ; fig. 347, n° 1 à 4) Les appliques de type B se distinguent des appliques de type A par la présence d’un ajour central ou œillet. Cette ouverture peut se superposer à l’œillet d’une courroie de cuir ou de tissu. Elle est donc susceptible de recevoir l’ardillon d’une boucle. Sept sous-types ont été établis sur la base du corpus. Les critères distinctifs choisis sont le mode de fabrication et la nature du mode de fixation. Les appliques à rivet(s) traversant appartiennent aux sous-types B1 à B4, ceux à rivet(s) intégré(s) aux sous-types B5 et B6. Le sous-type B7 contient les appliques dont l’ouverture centrale est prolongée par une tôle cylindrique brasée au revers. Les appliques dont le corps principal est fabriqué à partir d’une tôle plate appartiennent au sous-type B1, les exemplaires produits par emboutissage aux sous-types B2, B5 et B7. Les pièces fabriquées par la fonte sont rassemblées dans les sous-types B3 et B6, celles obtenues par la taille dans le sous-type B4. Les appliques de type B sont les plus courantes dans l’iconographie, quelle que soit la nature de l’œuvre. Elles sont présentes sur une ceinture peinte dans la marge d’un bréviaire (fig. 159), sur des ceintures des deux sexes dans le costume civil (fig. 64, 218, 243 et 244 ; fig. 333) et d’homme en armes (fig. 154), sur la ceinture d’un moine (fig. 226), de saints (fig. 148 et 157) ou de la Vierge (fig. 153 et 155), sur les courroies de fixation d’une sacoche (fig. 172) ou sur la lanière assurant sa fermeture (fig. 241), sur le collier d’une licorne (fig. 170). Ces quelques exemples, qui pourraient être multipliés, illustrent l’universalité des appliques de type B. La figuration de celles-ci est particulièrement fréquente dans 3614 Plusieurs artefacts complets, d = 2 cm, ils sont attribués à la première moitié du XIVe siècle (Descatoire (dir.) 2007, p. 88, n° 57). 786 3. Approche croisée du mobilier archéologique l’iconographie au XVe siècle. Les plus anciennes appliques de type B que nous avons pu relever sont visibles sur la ceinture du saint Christophe portant le Christ des fresques de la tour Ferrande à Pernes-les-Fontaines (fig. 41). Les peintures sont datées vers 1275-1280. Jusqu’à présent, les seules appliques de type B pour lesquelles un emploi avant le XIVe siècle est attesté archéologiquement sont en matériau blanc et appartiennent au type B3. Les appliques des représentations qui viennent d’être citées n’ont pas de relief mais ce n’est pas toujours le cas. La ceinture du prophète Isaïe (fig. 239), du Puits de Moïse de la chartreuse de Champmol à Dijon, sculpté par Claus Sluter et son atelier entre 1395 et 1405, figure des appliques avec un recourbement vers l’avers du bord de l’œillet central. Aucun objet du corpus ou de la bibliographie de comparaison ne possède cette caractéristique. Une petite boîte est suspendue à la ceinture du prophète. L’extrémité du cordon est passée au travers d’un œillet et a été nouée pour être maintenue en place. L’attestation la plus récente d’appliques de type B à relief que nous avons pu trouver est illustrée par la ceinture d’une donatrice en prière dans une Vierge à l’Enfant peinte par Goossen van der Weijden vers 15111515 (fig. 64). Le centre des appliques est bombé. Des appliques simplement évoquées par de petits cercles dorés apparaissent sur la ceinture tenue à la main par Sainte-Marthe et servant de laisse à la Tarasque dans le Triptyque de sainte Marthe peint vers 1530 et conservé à la collégiale Saint-Martin à La Brigue (fig. 312). La date de réalisation de ces œuvres est intéressante puisque nous proposons pour plusieurs sous-types du type B, sur la base des données archéologiques, un usage jusqu’à la fin du XVe siècle. Un mode de fabrication des appliques peintes ne pouvant pas, bien évidemment, être identifié, il n’est pas possible de faire profiter un sous-type particulier de ces datations. Néanmoins, l’iconographie complète utilement les résultats que fournissent les données archéologiques rassemblées. Type B1 : Applique circulaire ou ovale à œillet, en tôle plate et à rivet(s) traversant (fig. 346, n° 11 à 15) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne : n° 28, remblai, XIVe - XVIe ou XVIIe XVIIIe siècle. Bouches-du-Rhône  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : n° B5600934 et B5600941, couche de 787 3. Approche croisée du mobilier archéologique destruction postérieure au milieu du XIVe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 766, premier tiers XIVe siècle ; n° 1282, fin XIVe - début XVe siècle. Les cinq appliques circulaires en tôle plate du corpus comportent un large ajour circulaire en leur centre. Les rivets en alliage cuivreux (fig. 346, n° 11, 12 et 14) ou en fer – éventuellement à l’état de traces – (fig. 346, n° 13 et 15) occupent deux ou trois perforations. Des rivets à tête bouletée ont conservé des contre-rivures circulaires plates (fig. 346, n° 11). La découpe à l’emporte pièce entraîne parfois un déjettement de la tôle de métal (fig. 346, n° 13). La réalisation de l’ajour central d’une pièce, ou sa retouche ultérieure, a provoqué un débordement du métal vers l’avers et vers le revers (fig. 346, n° 12). Un fragment de lanière de cuir de 11,8 cm de long et 2,4 cm de large trouvé dans les alluvions des XIVe - XVe siècles de la rivière Croult à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis conserve une applique de 2,65 cm de diamètre à trois rivets traversant et l’empreinte de deux autres appliques3615. Les œillets des appliques sont superposés à ceux de la lanière. Une applique à deux rivets traversant trouvée hors contexte sur le site de Swan Lane à Londres est décorée de quatre zigzags rayonnants autour de l’ajour légèrement décentré3616. Les appliques de type B1 paraissent avoir été en usage durant le XIVe siècle et une partie du XVe siècle3617. 3615 Une applique complète, d = 2,65 cm (Leconte 2002, p. LXII, n° 26-420-31). Un spécimen complet, d = 1,4 cm, Swan Lane (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 167, n° 796). 3617 France, Aude : deux objets complets, d = 1,1 et 2 cm, N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhacsous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 225) ; Calvados : pièce complète, d = 2,6 cm, Trainecourt (XIIIe XVe siècle), Grentheville (Vivre au Moyen Âge 2002, p. 214); Corse : un individu complet, d = 1,85/1,95 cm, première moitié XIVe siècle, village médiéval de Mugliunaccia, Olmi-Capella (Istria 1996, p. 36) ; Loire : deux exemplaires incomplets dont un avec une rivure circulaire plate en place, d = 1,5 cm pour l’un, XVe siècle, démolition du château, château d’Essertines, Essertines-Basses (Maccari-Poisson 1992, p. 142) ; Nord : un artefact complet, d = 2,4/2,5 cm, site des XIIIe - XVIIe siècles, rue Mongat, Douai (Louis et al. 1998, p. 70, n° 57) ; Italie : un objet complet, d = 3,2 cm, H.S., quartier San Domenico al Priamàr, Savone (Viara 1996, p. 384, n° 5). Royaume-Uni, Grand Londres : un spécimen complet avec un rivet à rivure circulaire plate, d = 1,05 cm, seconde moitié XIVe siècle, Billingsgate lorry park, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 167, n° 795). 3616 788 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type B2 : Applique circulaire ou ovale à œillet, en tôle emboutie et à rivet(s) traversant (fig. 346, n° 16 à 21) Les appliques en alliage cuivreux de type B2 sont classées en deux sous-types selon qu’elles présentent un simple bombement homogène (type B2a) ou offrent un aspect plus complexe qualifié de décor (type B2b). Deux appliques en fer étamé analogues au type B2b ont été retrouvées à Londres. L’une d’elles possède une bordure plate et une zone centrale bombée3618, l’autre une bordure bombée et un losange central en relief3619. Type B2a : Applique circulaire ou ovale à œillet, en tôle emboutie, en alliage cuivreux, sans décor embouti et à deux rivets traversant (fig. 346, n° 16 à 19) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL 82.I.1.63, remblai du XVIIIe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 176, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 2155, vers 1345 - vers 1360. Vaucluse  Rue Carreterie, Avignon : n° 262, datation inconnue. Ces quatre appliques bombées, ajourées en leur centre, comportent deux perforations opposées pour le passage de rivets. Dans la bibliographie, ces appliques ont ordinairement deux perforations avec cette configuration3620, rarement trois3621. Les perforations sont au 3618 Artefact complet, d = 2,3 cm, seconde moitié XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 179, n° 925). 3619 Objet complet, d = 2,4 cm, vers 1330 - vers 1380 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 181, n° 931). 3620 France, Aude : deux pièces complètes dont une avec un rivet en fer et deux pièces incomplètes, d = 1,2 et 1,5 et 1,7 et 1,8 cm, château de Peyrepertuse, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 225, fig. 148, n° 35 à 37, 39) ; Cher : une applique à l’intégrité inconnue, d = 1,7 cm, remblai de construction, seconde moitié XIVe siècle, un artefact à l’intégrité inconnue, d = 2 cm, occupation de bâtiment, XVe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 106, n° 212) ; Corse du sud : un exemplaire complet, d = 0,95 x 1 cm, XIVe siècle, castellu de Corvo, Viggianello (Comiti 1996, p. 46) ; Nord : une pièce complète, d = 2,5 cm, site des XIIIe - XVIIe siècles, rue Mongat, Douai (Louis et al. 1998, p. 70, n° 58). Royaume-Uni, Grand Londres : un objet complet, d = 1,3 cm, vers 1270 - vers 1350, Billingsgate lorry park, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², 789 3. Approche croisée du mobilier archéologique nombre de deux mais localisées l’une à côte de l’autre pour un spécimen découvert dans un contexte des XIVe - XVe siècles du village médiéval de l’Ortolo en Corse du sud3622. Une applique à quatre rivets traversant découverte dans un comblement de latrines de seconde moitié XIVe - XVe siècle sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher pourrait appartenir au type B2a3623. Les appliques du type B2a nous paraissent pouvoir être attribuées aux XIVe et XVe siècles dans l’état actuel des données. Type B2b : Applique circulaire ou ovale à œillet, en tôle emboutie, en alliage cuivreux, à décor embouti et à deux rivets traversant (fig. 346, n° 20 et 21) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2491, couche de dépotoir, vers 1345 - vers 1360. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 78, terres de jardin, vers 1400. Ces deux appliques embouties ont un décor fort différent. La pièce à l’aspect le plus simple comporte une bordure bombée (fig. 346, n° 20). Une couverte blanche est visible à l’avers. Un objet semble-t-il analogue provient d’un niveau de dépotoir de fin XVe - XVIe siècle du château de Hohenfels à Dambach3624. Le second objet (fig. 346, n° 21) est composé d’une partie conique ouverte en son sommet et d’une bordure à bossettes. Il offre beaucoup de ressemblances avec une applique de type A3 du corpus (fig. 345, n° 1). Une applique de type B2b a été trouvée sur le site de Swan Lane à Londres. Elle appartient à une phase de la première moitié du XVe siècle3625. Les bordures extérieure et p. 176, n° 899) ; un individu complet, d = 1,4 cm, seconde moitié XVe - première moitié XVIe siècle, Abbots Lane, Londres (Egan 2005, p. 39, n° 129) ; Somerset : un artefact complet (objet oxydé ? dessin incorrect ?), d x h = 1,35 x 0,25 cm, XVe - XVIIe siècle, Chantry Priests’ House, Farleigh Hungerford Castle (Miles et Saunders 1975, p. 194, fig. 75, n° 94). 3621 France, Haute-Savoie : une applique presque complète, d = 2 cm, couche de démolition, XVIe XVIIe siècle, château de Vuache, Vulbens (Raynaud 1993, p. 100). 3622 Artefact complet, d = 1,6/1,65 cm (Comiti 1996, p. 46). 3623 Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 103, n° 487. 3624 Artefact complet, dimensions inconnues (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 450, n° 3.120) 3625 Pièce presque complète, d = 1,5 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 176, n° 900). 790 3. Approche croisée du mobilier archéologique intérieure bombées encadrent un motif cordé. Une seconde applique à rivets en fer provient d’un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle du site de Baynard House dans la même ville : deux cercles de bossettes concentriques encadrent une ligne ondulée en relief évoquant une fleur à cinq pétales3626. Les quelques données rassemblées illustrent un emploi des appliques de type B2b durant la seconde moitié du XIVe siècle et probablement tout le XVe siècle. Type B3 : Applique circulaire ou ovale à œillet, issue de la fonte et à rivet(s) traversant (fig. 346, n° 22 à 24) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1244, H.S. ; n° 1245, N.D.S.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 2558, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400.  Rue Banasterie, Avignon : n° 189, datation inconnue. Deux à trois rivets traversant assuraient la fixation de ces appliques en alliage cuivreux. Deux exemplaires sont circulaires ou ovales et plats (fig. 346, n° 22 et 23). Les trois rivets de l’un d’eux traversent des contre-rivures circulaires plates que l’oxydation retient contre la face revers. Deux autres artefacts circulaires et avec une zone centrale bombée (fig. 346, n° 24, un objet non figuré) comportent des rivets dont la tête circulaire est légèrement bombée. Deux des trois rivets de chaque spécimen sont terminés par des contrerivures losangiques plates. Des appliques en alliage cuivreux de type B3, plates, à deux rivets traversant sont fixées à des fragments de courroie en cuir mis au jour, vraisemblablement en position résiduelle, dans le comblement d’une fosse des XVIe - XVIIe siècles à Saint-Denis en SeineSaint-Denis. Elles alternent avec des appliques de type Q4. Des appliques en forme de croissant de lune (type X) et d’autres polylobées de type N s’observent également sur ces morceaux de courroie3627. 3626 Applique complète, d = 2,2 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 181, n° 929). Huit appliques complètes et une incomplète, L x l = 1,1 x 1,2 cm (Leconte 2002, p. XCIV-XCV, n° 16-1004-11) 3627 791 3. Approche croisée du mobilier archéologique Un fragment de ceinture en cuir avec une boucle d’une variante du type G a été mis au jour dans un contexte de la seconde moitié du XIIIe siècle sur le site de Cuckoo Lane A à Southampton. Des appliques en matériau blanc sont disposées, à intervalles réguliers, sur toute la longueur du cuir. Elles sont de type A8 sauf sur la portion terminale où elles sont de type B3. Ces dernières – trois exemplaires sont conservés – sont superposées aux œillets de la ceinture3628. Leurs rivets sont alignés dans la longueur de la courroie. Une applique en argent à bordure grenetée a été découverte dans les alluvions des XIVe - XVe siècles du Croult à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis3629. Type B4 : Applique circulaire ou ovale à œillet, issue de la taille et à rivet(s) traversant (fig. 346, n° 25 à 27)3630 Bouches-du-Rhône  Collège Mignet, Aix-en-Provence : n° 24, remblai, première moitié XIVe siècle. Var  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 49, deuxième tiers XIVe siècle.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 864, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Les appliques du corpus sont en os, circulaires, et comportent une large ouverture centrale encadrée par deux autres plus petites. Ces dernières permettaient la fixation sur la courroie de cuir ou de tissu. Un rivet en alliage à base de cuivre est encore en place sur un exemplaire (fig. 346, n° 25). Ces appliques ont une face inférieure plate et une face supérieure tronconique (fig. 346, n° 26 et 27) ou bombée (fig. 346, n° 25). La face inférieure du plus grand exemplaire a été laissée à l’état brut et conserve encore des traces de matière spongieuse caractéristiques des côtes. Les dimensions de l’objet laissent supposer l’emploi d’une côte de format important, certainement issue d’un grand mammifère (bovin ou équidé). Les trois objets présentent encore quelques marques d’outils et notamment des traces qui suggèrent qu’ils ont été réalisés par tournage avant d’être perforés. Le tournage a également 3628 Il y avait au moins deux exemplaires supplémentaires. Le diamètre des appliques est de 1,8 cm (Harvey et al. 1975, p. 281, fig. 262, n° 2156). 3629 Spécimen complet, d = 1,9 cm (Leconte 2002, p. LXVII, n° 26-420-297). 3630 L’analyse technique de ces objets a été réalisée par M.-A. Chazottes, doctorante au LA3M. 792 3. Approche croisée du mobilier archéologique été employé pour la réalisation d’une gorge en V chargée de souligner le bord de l’applique la plus grande (fig. 346, n° 25). Une moitié d’applique de type B4 en os a été trouvée dans l’église San Silvestro à Gênes en Italie3631. Son contexte de découverte n’est pas renseigné. Trois autres exemplaires en os et huit ébauches ont été récupérées dans un dépotoir des années 1420 - 1480 au MaraisVert à Strasbourg3632. Type B5 : Applique circulaire ou ovale à œillet, en tôle emboutie et à rivet(s) intégré(s) (fig. 346, n° 28) Vaucluse  Régina, Avignon : n° 12 à 15, datation inconnue. Les quatre appliques retrouvées à Avignon sont fabriquées à partir d’une tôle emboutie, ajourée en son centre, au revers de laquelle sont brasés deux rivets terminés par des contre-rivures circulaires plates. Des restes de cuir s’observent sur un exemplaire. Type B6 : Applique circulaire ou ovale à œillet, issue de la fonte et à rivet(s) intégré(s) (fig. 346, n° 29) Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1518, H.S. Le corps circulaire bombé et ajouré en son centre de cet objet a très probablement été obtenu par la fonte. Deux très courts rivets comportent une contre-rivure circulaire intégrée ou plus probablement brasée au bout de la tige. Une pièce en matériau blanc à deux rivets intégrés provient d’un niveau de la première moitié du XIVe siècle du site de Swan Lane à Londres3633. 3631 Artefact incomplet, d = 2,5 cm (Andrews 1978, p. 192, n° 20). d approximatif appliques = 1,15 à 1,3 cm ; d approximatif ébauches = 1 cm et 1,5 cm (Maire 1990). 3633 Artefact complet, d = 1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 170, n° 818). 3632 793 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type B7 : Applique circulaire ou ovale à œillet, en tôle emboutie et sans rivet (fig. 212, n° 9 ; fig. 347, n° 1 à 4) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 161 C, XIVe - XVIe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 275, milieu XIIIe siècle - vers 1285.  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : quatre objets sous le n° 96-532 D, contexte inconnu. Ces appliques du corpus sont constituées de deux pièces : - un corps bombé obtenu par emboutissage, vierge ou décoré de petits points creux réalisés au poinçon et formant des spirales, - une tôle enroulée en un cylindre dont le diamètre est égal à celui de la perforation du corps bombé. La tôle cylindrique est brasée au revers du corps bombé, autour de l’œillet, avec une importante quantité de brasure blanche. La tôle cylindrique est encore en place pour une pièce trouvée au castrum Saint-Jean (fig. 347, n° 4), à l’état fragmentaire pour un exemplaire dignois (fig. 212, n° 9). Les pièces provenant de Saint-Maximin furent découvertes avec une boucle de type H2a à chape de type A3c, un mordant de type D5, une applique de type D2 et une bague de type A1a. L’applique de Digne fut mise au jour avec une boucle de type H2a à chape de type A2b et un mordant de type A2a. Le mode de fixation des appliques de type B7 reste indéterminé. Il est improbable qu’elles aient été cousues, auquel cas le décor de plusieurs pièces ne serait pas visible car recouvert par du fil. Aucune trace de rivet ou de contre-rivure n’est visible dans les brasures. Type C : Applique triangulaire (fig. 347, n° 5) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1239, premier tiers XIVe siècle. L’objet avignonnais, de forme triangulaire, a été fabriqué par la fonte. Il comporte une perforation centrale pour le passage d’un rivet. Ses bords sont chanfreinés. Des zigzags sont 794 3. Approche croisée du mobilier archéologique gravés le long des côtés. Une applique à deux rivets traversant trouvée sur le site de Trainecourt (XIIIe - XVe siècle) à Grentheville dans le Calvados, et dont la bordure est gravée de segments incisés parallèles en bordure, semble avoir été fabriquée par fonderie3634. La bibliographie consultée rapporte l’existence d’autres sous-types d’appliques triangulaires. Des pièces en tôle en alliage cuivreux, sans décor, avec une perforation centrale pour le passage d’un rivet ont ainsi pu être répertoriées. Elles sont attribuables au XIVe siècle et peut-être à une partie du XVe siècle3635. Deux spécimens emboutis avec une perforation centrale pour le passage d’un rivet sont issus d’un remblai et d’une occupation extérieure de la seconde moitié du XIVe siècle sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher3636. Rue Mongat, à Douai dans le Nord, il aurait été découvert dans un niveau du XVe siècle deux appliques triangulaires « à décor incisé fixé par collage en incrustation »3637. Aucun dispositif de fixation n’apparaît. Elles ne sont pas sans rappeler des appliques triangulaires cousues sur le manteau de l’Enfant Jésus de Sarnen attribué à la seconde moitié du XIVe siècle (fig. 318). Notons qu’une applique triangulaire en fer à trois perforations pour la fixation aux angles, emboutie d’une demi-sphère en son centre, provient du site de Colletière (première moitié XIe siècle) à Charavines-les-Bains en Isère3638. La largeur de l’artefact (5 cm) mais surtout le diamètre des ouvertures (0,5 à 0,7 cm) conduisent à proposer un emploi dans l’ameublement et une fixation au moyen de clous. Les plateaux de balance triangulaires en alliage cuivreux ne doivent pas être confondus avec des appliques de type C. Ils sont de plus grande taille que les appliques en tôle répertoriées jusqu’à présent et leurs angles sont perforés pour le passage des fils de suspension3639. Les plateaux peuvent comporter un poinçon en leur centre. 3634 Artefact complet, L x l = 1,7 x 1,7 cm (Vivre au Moyen Âge 2002, notice 200). France, Côte-d’Or : deux objets complets, L x l = 1,25 x 1,2 cm, ferme du XIVe siècle de la Grange du Mont, Charny (Beck 1989, p. 73) ; Jura : deux appliques complètes, l = 1,4 et 1,5 cm, château de Pymont (XIIIe - XVe siècle), Villeneuve-sous-Pymont (Jeanjacquot 1993, p. 108, fig. 70, n° 1983 et 1984) ; Seine-Saint-Denis : un spécimen presque complet, l = 1,2 cm, alluvions du Croult des XIVe - XVe siècles, Saint-Denis (Leconte 2002, p. XCI, n° 14-400-3 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 33) ; Saône-et-Loire : un spécimen complet, L x l = 1,4 x 1,4 cm, XIVe - XVe siècle, cloître du groupe épiscopal, Autun (Bourgogne 1987, p. 98, n° 138). 3636 Objets à l’intégrité inconnue, l = 1,3 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 103, n° 2468, p. 104, n° 2504). 3637 Un exemplaire complet et un autre incomplet, L x l = 1,45 x 1,45 cm (Louis et al. 1998, p. 66, n° 29). 3638 Pièce complète, l = 5,1 cm (Colardelle et Verdle 1993, p. 217, n° 44). 3639 Se reporter par exemple à Ward-Perkins 1978b (p. 134) ou à Dilly et al. 1999 (p. 141, n° 6.20). 3635 795 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type D : Applique carrée ou rectangulaire large sans œillet (fig. 347, n° 6 à 25 ; fig. 348, n° 1 à 12) Les appliques de type D sont classées en huit sous-types établis en tenant compte des techniques de fabrication et du mode de fixation. Les appliques à rivet(s) traversant sont classées dans les sous-types D1 à D6, celles à rivet(s) intégré(s) dans les sous-types D7 et D8. Les sous-types D1 et D3 contiennent les pièces en tôle plate. Les artefacts en tôle emboutie sont rangés dans les sous-types D2, D4 et D7, les exemplaires obtenus par la fonte se retrouvent dans les sous-types D5 et D8. Le sous-type D7 comprend des objets fabriqués par la taille. Plusieurs objets sont composés de deux tôles superposées réunies par des rivets. Ils sont classés dans les sous-types D3 et D4. Type D1 : Applique carrée ou rectangulaire large plate en tôle et à rivet(s) traversant (fig. 347, n° 6 à 8) Bouches-du-Rhône  Alcazar, Marseille : n° 115, comblement de fosse, fin XIIIe - début XIVe siècle. Vaucluse  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-187, datation inconnue.  Rue Banasterie, Avignon : n° 64, datation inconnue. Deux des trois appliques du corpus comportent (fig. 347, n° 7) ou ont probablement comporté deux rivets traversant (fig. 347, n° 6). Les petits côtés de l’objet marseillais (fig. 347, n° 7) sont arrondis. La tête des rivets est décorée d’incisions rayonnantes. La bordure d’une pièce avignonnaise (fig. 347, n° 8), quadrangulaire, est découpée de petits triangles. Un gros rivet traversant à large tête bombée est partiellement conservé. Le second artefact avignonnais, doré, est incomplet (fig. 347, n° 6). La tôle, épaisse, était décorée de quatre fleurs de lys schématiques rayonnant depuis un rivet à tête bouletée dont la tige est cassée. Les fleurs ont été réalisées par de petits coups superposés d’un poinçon. La représentation de cette applique à l’état complet est très vraisemblablement illustrée par un objet (N.D.S.) provenant du château de Peyrepertuse à Duilhac-sous- 796 3. Approche croisée du mobilier archéologique Peyrepertuse dans l’Aude3640. La pièce arbore deux motifs poinçonnés constitués de quatre fleurs de lys placées autour de rivets traversant à tête bouletée. Chacun des rivets conserve une contre-rivure globalement ovale en tôle découpée aux bords irréguliers. Une applique en fer au profil ondulé plus large que longue, bombée en son centre, à deux rivets traversant (N.D.S.), est issue du même site3641. À Londres, un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle du site de Baynard House a fourni une applique assez large gravée, dans un cadre complet de lignes incisées, d’une lettre gothique (d ou p) sur fond de zigzags3642. Type D2 : Applique carrée ou rectangulaire large en tôle emboutie et à rivet(s) traversant (fig. 347, n° 9 à 25) Trois sous-types sont distingués dans le type D2 en fonction du nombre de rivets traversant et de la configuration des appliques du corpus, toutes en alliage cuivreux. Le soustype D2a contient les exemplaires à unique rivet traversant avec des bossettes alignées le long des côtés. Le sous-type D2b rassemble les spécimens à deux rivets traversant utilisés pour décorer des chapes et des mordants. Le sous-type D2c regroupe les pièces à quatre rivets traversant à décor embouti et imprimé. Plusieurs pièces du type D2 n’ont pas été classées en sous-types et sont décrites à la fin de cette section. De nombreuses autres formes sont attestées dans la bibliographie. Nous n’en citerons que quelques-unes pour donner une idée de cette diversité. Mentionnons tout d’abord un groupe d’appliques quadrangulaires à motif floral environné de feuilles dont des individus ont été mis au jour en Côte-d’Or et en Seine-Saint-Denis3643. Un exemplaire à bordure ondulée et à bombement hémisphérique en son centre a été découvert rue Mongat (XIIe - XVIIe siècle) à Douai dans le Nord. Le rivet traversait le bombement central. Une applique de forme analogue, mais probablement issue de la fonte et aux bords droits et biseautés, est issue d’un 3640 Objet complet, L x l = 2,9 x 1,2 cm (Barrère 2000, p. 225, fig. 148, n° 34). Artefact complet, L x l = 0,8 x 1,95 cm (Bayrou 2000 d, p. 209). 3642 Pièce presque complète, L x l = 1,5 x 3,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 195, n° 1050). 3643 France, Côte-d’Or : trois pièces complètes, L x l = 1,05 x 1,05 et 1,05 x 1,05 et 1,35 x 1,3 cm, niveaux d’occupations d’un bâtiment, XIIIe - début XVe siècle, un objet complet, cour, XIVe siècle (datation typologique ?), village médiéval de Dracy, Baubigny (Piponnier 1975a, p. 78 ; Cuisenier (dir.) 1987, p. 91) ; Seine-Saint-Denis : quatre appliques complètes, alluvions du Croult, seconde moitié XIVe - premier quart XVe siècle, L x l = 1,4 x 1,55 à 1,45 x 1,5 cm (Leconte 2002, p. LXXIILXXIII ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 13 à 15). 3641 797 3. Approche croisée du mobilier archéologique contexte de la première moitié du XVe siècle du site de Billingsgate lorry park à Londres3644. Deux appliques carrées en alliage cuivreux, à bombement hémisphérique, à six rivets traversant – trois disposés le long de chacun de deux côtés opposés –, proviennent du village médiéval de l’Ortolo dans le sud de la Corse3645. Une applique quadrangulaire à bordure rainurée, à quatre ajours en forme de pétales autour du rivet de fixation, disposée sur une chape de type B5, est issue du château de Pymont (XIIIe - XVe siècle) à Villeneuve-sousPymont dans le Jura3646. Une pièce en alliage cuivreux à décor embouti de bossettes à quatre rivets traversant est issue d’un niveau londonien de la première moitié du XVe siècle3647. À Londres, les fouilles ont fourni plusieurs appliques en fer à un, deux ou trois rivets traversant mises au jour dans des contextes de la seconde moitié du XIVe siècle3648. Type D2a : Applique carrée ou rectangulaire large en tôle emboutie, en alliage cuivreux, à bossettes latérales et à unique rivet traversant (fig. 347, n° 9 à 12) Var  Bagatelle/Abreuvoir Saint-Michel, Châteauvert : n° 3, trente appliques à hauteur du bassin du corps d’un adulte de sexe féminin, n° 40 à 48, sépulture d’un individu de sexe indéterminé, n° 49, contexte de nature indéterminée, fin XIIe - XIVe siècle.  Castrum de Marsens, Le Muy : n° 12, déblais du cimetière, XIIIe - début XVe siècle.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2582, remblai d’égalisation de sol de zone de circulation, n° 3578, couche de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 3256, sol de bâtiment, 1370/1375 - vers 1415/1420, Les appliques du type D2a sont allongées, comportent une zone centrale quadrangulaire surélevée et des bossettes le long des grands côtés (fig. 347, n° 9, 10 et 12) ou le long des quatre côtés (fig. 347, n° 11, un objet non figuré du Muy). De petits reliefs quadrangulaires sont visibles entre les bossettes et l’élévation centrale (fig. 347, n° 12) sur 3644 Individu complet, L x l = 1,5 x 1,4 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 197, n° 1061) Un exemplaire complet, L x l = 3,2 x 3,2 cm, XIVe - XVe siècle, un spécimen complet, L x l = 3,2 x 3,1 cm, seconde moitié XVe - début XVIe siècle (Comiti 1996, p. 47). 3646 Chape complète, L x l = 3,6 x 1,7 cm (Jeanjacquot 1993, p. 108, fig. 69, 70, n° 1996). 3647 Artefact complet, L x l = 1,5 x 4,8 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 195-196, n° 1051). 3648 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 197, n° 1056 à 1059. 3645 798 3. Approche croisée du mobilier archéologique l’ensemble des exemplaires mis au jour à Châteauvert. Cette caractéristique s’observe sur des exemplaires découverts au château de Montségur en Ariège et dans le dépotoir d’une verrerie forestière à La Seube à Claret dans l’Hérault3649. D’autres spécimens découverts dans un niveau de la première moitié du XVe siècle dans la chapelle Saint-Sylvestre à Pierlas dans les Alpes-Maritimes et dans l’occupation des XIIIe - XVe siècles du château de Montséret dans l’Aude3650 sont à rapprocher d’un artefact issu du castrum Saint-Jean (fig. 347, n° 10). Des pièces de ce modèle3651 et d’autres sans bossettes latérales3652 ont été produites dans un atelier métallurgique parisien dans la seconde moitié du XIVe siècle. Une trentaine d’appliques de type D2a ont été trouvées à Châteauvert sur le bassin d’une femme adulte avec une boucle de type F4a à chape de type B2a, un mordant de type D5 et une applique de type AB2. Nous proposons une datation typologique des appliques de type D2a correspondant au XIVe siècle et au début du XVe siècle. Type D2b : Applique carrée ou rectangulaire large, en alliage cuivreux, à tôle emboutie et à unique rivet traversant (fig. 347, n° 13 à 16) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2086, 2087, et 3119, couches de dépotoir, vers 1345 - vers 1360 ; n° 74, couche d’abandon, n° 3365, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420.  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 94-238, contexte inconnu. Vaucluse  Hôtel de Brion, Avignon : n° 1, H.S. Ce groupe d’appliques aux caractéristiques similaires orne dans le corpus des chapes des types B2c et B4b et un mordant de type B4. Elles sont toutes très allongées et embouties 3649 Ariège : deux individus complets, L x l = 1,6 x 1,05 et 1,5 x 0,9 cm, N.D.S., château de Montségur (Czeski 1981, p. 195, 196, n° 96-65 ;Archéologie 1990, p. 222, n° 457) ; Hérault : artefact incomplet, L x l = 2,1 x 1,3 cm, dépotoir des XIIIe - XIVe siècles, verrerie forestière, La Seube, Claret (Lambert 1983, p. 211, fig. 49, n° 2). 3650 France, Alpes-Maritimes : applique complète, L x l = 1,65 x 1 cm, première moitié XVe siècle (Blanc 2008, p. 151) ; Aude : deux objets complets, L x l = 1,3 x 0,9 cm, occupation de bâtiments des XIIIe - XVe siècles, château de Montséret (Immel et Lapeyre 1981, p. 15) ; 3651 Quatre objets parfois non terminés, L x l = 0,65 x 0,35 à 0,85 x 0,65 cm, (Thomas 2009, t. 3, annexe B1, n° 26 à 29). 3652 Deux objets dont un inachevé, L x l = 0,85 x 0,7 et 0,95 x 0,65 cm, (Thomas 2009, t. 3, annexe B1, n° 30 et 31). 799 3. Approche croisée du mobilier archéologique d’un monstre (fig. 142, n° 12 ; fig. 288, n° 16), d’un personnage à robe longue et les mains jointes sous une arcature (fig. 347, n° 15) ou de figures plus difficiles à interpréter (fig. 142, n° 11 ; fig. 347, n° 13, 14 et 16). Quatre appliques ont conservé leurs deux rivets. Une perforation pour rivet et le début de la deuxième sont visibles pour un autre exemplaire (fig. 347, n° 13). Les perforations de deux autres appliques incomplètes (fig. 347, n° 14 et 15) étaient ménagées dans le décor, elles le masquent donc en partie. Deux appliques de type D2b ont été relevées dans la bibliographie rassemblée : une pièce isolée, au décor analogue à un artefact du castrum Saint-Jean (fig. 347, n° 13), récupérée sur le site de la chapelle des Gicons à Saint-Disdier dans les Hautes-Alpes3653 ; un exemplaire figurant sous une arcature un personnage féminin (?) en robe longue et les mains posées sur les hanches, trouvé dans un contexte daté de la deuxième moitié du XVe siècle lors des fouilles de la place de la Comédie à Metz3654. L’applique est fixée au moyen de deux rivets sur la chape de type A2c d’une boucle de type B12. Le personnage est orienté les pieds vers la boucle. Type D2c : Applique carrée ou rectangulaire large, en alliage cuivreux, à tôle emboutie et imprimée et à quatre rivets traversant (fig. 347, n° 17 et 18) Bouches-du-Rhône  Saignon, Arles : n° 1, N.D.S. Vaucluse  Fort de Buoux, Buoux : n° 1, N.D.S. Ces deux appliques embouties de petites dimensions figurent un cavalier casqué portant un grand écu sur un fond greneté. L’examen du revers de l’applique de Buoux montre que le greneté n’a pas été obtenu par emboutissage mais par impression de la face avers. Sur l’objet de Saignon (fig. 347, n° 18), le cavalier brandit une épée dont on perçoit la gouttière. Il est représenté en train de charger. Le cheval et notamment sa tête et sa crinière sont figurés de façon réaliste. On entrevoit également les rênes qui passent derrière la crinière et rejoignent le mors sous forme de deux arcs de cercle. Les rênes sont clairement visibles en négatif au revers de la pièce de Buoux (fig. 347, n° 17). Sur le spécimen de Saignon (fig. 347, n° 18), le 3653 3654 Artefact incomplet, L x l = 4,5 x 1,5 cm (Fichier Lucy Vallauri 1969). Applique complète, L x l = 4,4 x 1,15 cm (Vivre au Moyen Âge 1998, p. 263). 800 3. Approche croisée du mobilier archéologique flanc de l’animal est barré de deux lignes obliques, peut-être l’une des jambes du cavalier. Un bombement oblique joignant le bas de l’écu à la patte antérieure de l’équidé, sans doute une jambe de l’homme en armes, se devine sur l’autre pièce (fig. 347, n° 17). La surface de cette dernière est particulièrement usée. Les angles des deux objets sont perforés pour le passage de rivets. Tous deux conservent de faibles traces de dorure. Le mode de fabrication de ces objets est particulier puisqu’il combine à la fois l’emboutissage et l’impression depuis la face avers. Il est probable que la feuille métallique ait été d’abord emboutie avec un emboutissoir sur une forme pour créer le relief du cavalier et de sa monture puis martelée sur la même empreinte pour faire figurer le greneté. Du fait de la capacité d’écrasement du métal3655, les reliefs les plus faibles n’apparaissent pas au revers de l’applique. La même technique a été employée pour deux appliques de type D4 (fig. 348, n° 4 et 5) trouvées dans des niveaux de fin XIIe - première moitié XIIIe siècle. Des objets dorés de type D2c peut-être fabriqués de la même manière ont été retrouvés au château de Peyrepertuse (N.D.S.) dans l’Aude, au château de Montségur (N.D.S.) en Ariège et au castellas de Fréjeville dans le Tarn. Parmi les appliques audoises, l’une d’elles est carrée et représente un cavalier avec son écu sur un fond greneté3656. Une autre, incomplète, presque ovale, est ajourée et comporte quatre petites excroissances qui lui donnent une forme proche du rectangle. L’applique figure un cavalier tenant les rênes de sa monture. Ce spécimen, par contre, ne semble pas comporter de décor imprimé3657. Deux pièces ariégeoises figurent des motifs géométriques3658 ou un écu à la croix3659. Les autres pièces ariégeoises3660 et tarnaise3661 représentent un griffon cornu à langue et queue fourchue rampant3662 sur un fond greneté. Le griffon de la pièce de Fréjeville, mise au jour dans une fosse avec de la céramique des XIIe - XIIIe siècles, est représenté dans un écu. D’après J. Bordenave et M. Vialelle, ce type de griffon apparaît dans des écus de personnes ayant vécu à la fin du XIIe siècle et au début du XIIIe siècle3663. 3655 La « résistance à l’écrasement » des métaux et alliages varie selon leur composition. Exemplaire incomplet, L x l = 2,1 x 2,3 cm (Barrère 2000, p. 227-28, fig. 149, n° 1). 3657 Spécimen incomplet, L x l = 2,1 x 2,1 cm (Barrère 2000, p. 229, fig. 149, n° 12). 3658 Objet incomplet, L x l = 1,8 x 2 cm (Archéologie 1990, p. 223, n° 468). 3659 Artefact incomplet doré, L x l = 1,7 x 1,9 cm (Archéologie 1990, p. 223, n° 467). 3660 Deux artefacts complet et incomplet dorés, L x l = 1,7 x 1,9 et 1,6 x 1,9 cm (Sarret 1980, p. 62 ; Sarret 1981b, p. 105, n° 41/73 et 126/73 ; Archéologie 1990, p. 223, n° 465 et 466). 3661 Individu incomplet, L x l = 1,6 x 1,8 cm (Bordenave et Vialelle 1973, p. 96). 3662 Le mot rampant « qualifie un quadrupède dressé sur une patte de derrière et levant les trois autres, les griffes bien en évidence, la queue relevée en arrière et à l’extrémité enroulée » (Wenzler 2002, p. 60, 148). 3663 Bordenave et Vialelle 1973, p. 96. 3656 801 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les fouilles du château de Peyrepertuse dans l’Aude ont également fourni quatre appliques embouties arborant un écu rappelant les armes de la famille de Peyrepertuse 3664. L’écu est à chef losangé3665 pour deux exemplaires, entièrement losangé pour les deux autres, lesquels comportent un fond greneté. Une applique carrée, dorée, à écu à cotice3666 sur fond greneté provient du castrum de Cabaret à Lastours dans l’Aude3667. Un « motif héraldique » est visible sur une applique dorée issue d’un remblai de sol du milieu du XIIIe siècle sur le site du castrum de Montaillou en Ariège3668. Ainsi que le constate M. Barrère, au XIIIe siècle, « l’inspiration héraldique influence fortement le décor des objets mobiliers, qu’il s’agisse d’ailleurs d’armes réelles ou de représentations de fantaisie »3669. Les motifs héraldiques ne disparaissent cependant pas des accessoires du costume aux XIVe et XVe siècles même s’ils y paraissent moins nombreux3670. Remarquons, même si la stylistique est fort différente, que bon nombre de chapes émaillées produites par les ateliers de Limoges à la fin du XIIe siècle et dans la première moitié du XIIIe siècle figurent des hommes en armes à l’épée levée ou des créatures fantastiques (fig. 276, n° 2)3671. Le fond greneté se retrouve dans le corpus sur plusieurs appliques de type D4 à figure de félin ou de coq, trouvées dans des niveaux de fin XIIe - première moitié XIIIe siècle et sur une applique dorée de type D8 à motif héraldique trouvée en contexte résiduel (fig. 348, n° 12). De nombreux artefacts publiés comportent également un tel fond mais rares sont ceux qui sont datés : citons une applique carrée dorée de type D8, arborant quatre fleurs de lys rayonnant depuis le centre, provenant d’un niveau du second tiers du XIIIe siècle sur le site de Billingsgate lorry park à Londres3672. Les éléments de datation disponibles nous conduisent à proposer une datation typologique s’étendant sur la fin du XIIe siècle et la première moitié du XIIIe siècle. 3664 Quatre objets dont deux complets, L x l = 1,8 x 2 à 2 x 2,05 cm (Barrère 2000, p. 227, fig. 149, n° 5 à 8). 3665 Le « chef » est une bande horizontale occupant le tiers supérieur de l’écu et le « losangé » est une surface couverte de losanges (Wenzler 2002, p. 106, 130). 3666 La cotice est une bande diagonale traversant l’écu du coin supérieur gauche vers le coin inférieur droit (Wenzler 2002, p. 110). 3667 Objet presque complet, L x l = 1,85 x 2 cm (Barrère 1999, p. 827-828, fig. 2, n° 16). 3668 Artefact complet (Cazes 2006, fig. 8c). 3669 Barrère 2000, p. 228. 3670 Se reporter par exemple au type U. 3671 Se reporter par exemple à Fingerlin 1971, à Vivre au Moyen Âge 1998 (p. 125), à Gauthier et al. 2011 (CD-Rom, fiches de la section VII A). 3672 Applique complète, L x l = 1,6 x 1,6 cm (Egan et Pritchard (dir). 2002², p. 198, n° 1063). 802 3. Approche croisée du mobilier archéologique Appliques carrées ou rectangulaires larges, en alliage cuivreux, à tôle emboutie, non classées (fig. 347, n° 19 à 25) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 33, comblement de fosse, XIe siècle ? Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2543, couche de dépotoir, vers 1370/1375 - vers 1415/1420  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 96-532 C, contexte inconnu. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1237, seconde moitié XIVe siècle ; n° 1246, dernier quart XIVe siècle.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 241, niveau de destruction de maisons, vers 1365.  Rue Banasterie, Avignon : n° 510, datation inconnue. La diversité de ces appliques en tôle emboutie, même si des analogies peuvent s’observer, ainsi que le faible nombre d’éléments de comparaison nous ont retenus de les ranger en sous-types dans le type D2. Chaque pièce serait susceptible d’être classée individuellement. La tôle d’une première applique emboutie est très fine (env. 0,01 cm). Des points creux entourent un cercle creux et une zone centrale en devers (fig. 347, n° 25). Deux autres appliques ont des longs côtés dentelés et un profil ondulé. Elles comportaient deux (fig. 347, n° 19) ou trois perforations (fig. 347, n° 20) pour rivets. Une applique à deux rivets traversant aux bords droits et au profil analogue à celui de la pièce du site de l’Impasse de l’Oratoire provient d’un contexte non daté du site d’Abbots Lane à Londres3673. Deux autres appliques du corpus sont relativement longues (fig. 347, n° 21 et 22). Les perforations pour rivet sont localisées sur la bordure bombée et occupés par des rivets en fer. Un fort bombement cordé occupe la partie centrale de l’un des deux exemplaires (fig. 347, n° 22), l’autre est ajouré (fig. 347, n° 21). Celui-ci fut retrouvé avec une boucle de type P2a à chape de type A3c, un mordant de type D5, quatre appliques de type B7 et une bague de type A1a. Un artefact trouvé 3673 Artefact presque complet, L x l = 2,5 x 0,7 cm (Egan 2005, p. 40, n° 137). 803 3. Approche croisée du mobilier archéologique dans l’ancienne cathédrale de Digne, comporte une zone centrale plate encadrée d’une bordure cordée ou bosselée (fig. 347, n° 24). Les rivets passaient dans deux perforations circulaires disposées en diagonale. L’ajour quadrangulaire décentré est de fonction inconnue. Il est possible qu’une deuxième tôle emboutie ait été superposée à cet objet, comme c’est le cas pour les appliques de type A3. Une applique offrant quelque analogie avec la pièce dignoise provient du castrum Saint-Jean à Rougiers (fig. 347, n° 23). La bordure cordée était traversée par les rivets. Un ajour quadrangulaire entouré de points creux sur deux côtés est disposé au centre. Une pièce à bordure bosselée encadrant la figure schématique d’un aigle à deux têtes provient d’un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle du site de Billingsgate lorry park à Londres3674. Du site de Swan Lane, toujours à Londres, est issue une applique rectangulaire bosselée le long des grands côtés et bombée au centre. Le contexte est daté vers 1270 - vers 13503675. Type D3 : Applique carrée ou rectangulaire large, en alliage cuivreux, à deux tôles plates et à rivets traversant (fig. 348, n° 1) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1174, H.S. L’objet du corpus est constitué de deux tôles plates réunies par quatre rivets. Un espace est ménagé entre les deux tôles pour recevoir une courroie de tissu dont il reste des fragments. L’avers est gravé de lignes droites et obliques délimitant des triangles et des rectangles. La gravure a été réalisée par une succession rapprochée de coups d’un outil, sans doute un poinçon. Deux appliques de type D3 à deux rivets traversant datées de la seconde moitié du XIVe siècle et de la première moitié du XVe siècle ont été trouvées à Londres3676. Sur la plus grande, les rivets ont été remplacés par des appliques de type A6. Des tôles isolées à deux ou quatre perforations pour rivets pourraient également appartenir au type D33677. L’applique vauclusienne est à rapprocher de plusieurs appliques de type E (fig. 348, n° 14 et 15). Des appliques de type D3 à quatre rivets traversant ont été utilisées pour reconnecter 3674 Pièce complète, L x l = 1,6 x 2,1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 195, n° 1048). Exemplaire complet, L x l = 1,1 x 1,5 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 195, n° 1047). 3676 Un objet complet, L x l = 1 x 1,7 cm, première moitié XVe siècle ; un artefact complet, L x l = 1,4 x 3,3 cm, seconde moitié XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 226, n° 1206 et 1208) 3677 Trois appliques complètes, L x l = 1,1 x 1,8 et 1,3 x 1,4 et 1,4 x 2 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 226, n° 1210 à 1212) 3675 804 3. Approche croisée du mobilier archéologique des lanières cassées ainsi que l’attestent des découvertes faites dans des niveaux de la fin du Moyen Âge à Dordrecht en Hollande-Méridionale aux Pays-Bas3678. Type D4 : Applique carrée ou rectangulaire large, en alliage cuivreux, à deux tôles dont une est emboutie et à rivets traversant (fig. 348, n° 2 à 5) Bouches-du-Rhône  Motte de la Plaine de la Grande Bastide, Saint-Paul-lès-Durance : n° 528, première moitié XIIIe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 386, couche d’occupation ou déblais, n° 526, comblement de silo, n° 1594, comblement de fosse, fin XIIe - première moitié XIIIe siècle. Trois de ces quatre objets incomplets figurent un félin en relief dans un cadre bombé, vraisemblablement un lion (fig. 348, n° 3 à 5). Il est représenté passant3679, c’est-à-dire la patte droite levée et la queue ondoyante. Dans deux cas, le fond est greneté. Pour deux objets, la tôle se prolongeait hors du cadre (fig. 348, n° 3 et 4). Il est possible que le même motif ait été répété plusieurs fois le long de l’applique. La quatrième applique figure un coq en relief dans un cadre incomplet de bossettes (fig. 348, n° 2). Un fragment d’un second coq fait face au premier. L’un des artefacts du corpus a été retrouvé avec une seconde tôle au même format. Nous supposons que les autres pièces étaient aussi constituées de deux tôles. Nous proposons également, sans certitude, une fixation des deux tôles entre elles par rivetage bien qu’aucune perforation assurant cette fonction n’a pu être identifiée sur ces objets, toutefois incomplets. La finesse des objets du corpus nous semble contre-indiquée pour un usage dans l’ameublement. Des artefacts en alliage cuivreux, à la technique de fabrication indéterminée, découverts au château de Montségur en Ariège, arborent un félin, passant, la tête de face. Sur une première pièce fragmentaire, l’animal est représenté dans un cercle en relief3680. Sur une 3678 Voir Willemsen et Ernst 2014, p. 50, fig. 46. Terme héraldique, se reporter à Wenzler 2002 (p. 61). 3680 Pièce fragmentaire, dimensions inconnues (Sarret 1973, p. 32). 3679 805 3. Approche croisée du mobilier archéologique seconde pièce, épaisse, il est intégré dans un rectangle à fond greneté. Le motif est répété plusieurs fois le long de l’objet. Celui-ci est interprété comme un « passant double qui retenait plaquées les extrémités des courroies » d’un coffre ou coffret3681. Les appliques de type D4 sont à rapprocher des objets de type D2c. Nous retenons pour les pièces de type D4 une datation typologique correspondant à la fin du XIIe siècle et à la première moitié du XIIIe siècle. Type D5 : Applique carrée ou rectangulaire large, issue de la fonte et à rivet(s) traversant (fig. 348, n° 6 et 7) Var  Castrum d’Amphoux, Fox-Amphoux : n° 10, H.S. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1186, second tiers XIVe siècle. Ces deux appliques obtenues par la fonte sont très dissemblables. L’une d’elles (fig. 348, n° 6), à la face avers dorée, comporte en son centre une partie circulaire à motif de roue dentée sur un fond circulaire abaissé. Cette partie circulaire sépare deux zones quadrangulaires, traversées par un rivet à tête bombée et à contre-rivure quadrangulaire plate, et prolongées par deux excroissances allongées à l’extrémité arrondie. L’une des extrémités est moulurée. Le second objet (fig. 348, n° 7), également doré sur la face avers, est constitué d’une pyramide tronquée séparant deux panneaux rectangulaires. Ceux-ci sont décorés par poinçonnage de lignes droites ou ondulées faites de petits ocelles. Les lignes droites délimitent, sur chaque panneau, deux rectangles orientés dans la largeur de l’artefact et au sein desquels est disposée une ligne ondulée ; un ocelle supplémentaire est placé dans chaque espace vierge associé aux creux de l’ondulation. Trois des quatre rivets à tête bouletée ont été conservés. Ils ne présentent aucune trace de dorure. Leur contre-rivure est circulaire et plate. Plusieurs formes d’appliques de type D5 ont été rencontrées dans la bibliographie. L’une des formes les plus anciennes est illustrée par une applique dorée à décor champlevé émaillé de bleu et blanc figurant un cavalier chevauchant3682. Sa tête est une applique en relief 3681 3682 Artefact complet (?), L x l = 9,3 x 1,7 cm (Archéologie 1990, p. 153, n° 145). Objet complet, L x l = 4,02 x 3,55 cm (Meyer-Rodriguez 1992, p. 91). 806 3. Approche croisée du mobilier archéologique rajoutée. Cet objet découvert en position résiduelle dans un comblement de fosse du XVe siècle sur le site de l’Hôtel Marquelet de la Noue à Meaux appartient à une production de Limoges d’éléments de ceinture émaillée de la fin du XIIe siècle et du début du XIIIe siècle3683. Dans le Midi de la France ont été fabriquées des appliques rectangulaires ajourées sans émail laissant apparaître un griffon3684, deux félins affrontés3685, un dragon et un félin à double queue3686, des personnages schématisés3687. Ces artefacts sont attribuables au XIIIe siècle. Chaque angle comporte une perforation pour la fixation. Plusieurs de ces appliques étaient fixées sur la chape de type C4 de boucles de type F2a et Q. La pièce de Meaux a sans doute eu un usage similaire. Le type D5 répertorie également des appliques trop larges pour être classées dans le sous-type H3. Quelques pièces sans décor à un3688 ou deux rivets3689 traversant sont répertoriées dans la bibliographie. D’autres pièces ont été retrouvées sur des fragments de lanière de ceinture dans un dépotoir de la première moitié du XIVe siècle à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis3690. Un exemplaire à l’avers bombé décoré alternativement de lignes 3683 Gauthier et al. 2011, CD-Rom, VII A France, Isère : deux artefacts incomplets, L x l = 4,4 x 2,9 et 3,5 x 3,3 cm, Fin XIIe - milieu XIVe siècle, Brandes-en-Oisans, Alpe d’Huez (Bailly-Maître 1983, p. 107, pl. I.16, n° 1 ; Bailly-Maître et Bruno Dupraz 1994, p. 128). 3685 France, Aude : une applique dorée complète sur la chape de type C4 d’une boucle de type F2a, applique : L x l = 4,8 x 2,25 cm, H.S., domaine de la Métairie Grande, Carcassonne (Barruol 1969, p. 382, Monod et Rancoule 1969, fig. 1, n° 20) ; un exemplaire complet, L x l = 5 x 2,25 cm, N.D.S., castrum de Cabaret, Lastours (Barrère 1999, p. 826, fig. 2, n° 2) ; Gers : un exemplaire incomplet doré, L x l = 4,7 x 3,5 cm, village médiéval de Corné (vers 1170 - vers 1250), L’Isle-Bouzon (Archéologie 1990, p. 214, n° 421 ; Lassure 1995, p. 515-516, fig. 413, n° 5). Pièces incomplètes avec un seul félin conservé : Haute-Garonne : un objet incomplet, L cons. x l = 2,25 x 2,15 cm, XIIe (XIVe ?) siècle, La Salvetat de Serres, Lavelanet de Comminges (Manière 1977, p. 220-221) ; Hérault : un spécimen incomplet, L cons. x l = 3,6 x 2,5 cm, château de Montbrun (XIIIe - XVIIe siècle), Lodève (Delon 1992, p. 155) ; Tarn : une pièce incomplète dorée et émaillée de rouge grenat, L cons. x l = 2,8 x 2,4 cm, XIIIe - milieu XIVe siècle, Le Castlar, Durfort (Archéologie 1990, p. 215, n° 422 ; Vidaillet et Pousthomis 1996). 3686 Applique fixée sur la chape de type C4 d’une boucle de type Q, applique : L x l = 5,3 x 3 cm, attribuée au XIIIe siècle par M. Barrère (Archéologie 1990, p. 214, n° 419). 3687 France, Tarn : un individu incomplet doré, L cons. x l = 4,3 x 2,4 cm, fosse contenant de la céramique grise, Le Castellas de Cabrilles, Lautrec (Bordenave et Vialelle 1973, p. 45-51). 3688 France, Nord : objet complet, L x l = 0,5 x 0,35 cm, XIVe - XVe siècle, rue Mongat, Douai (Louis et al. 1998, p. 66, n° 34). Royaume-Uni : Worcestershire : un artefact complet, L x l = 0,7 x 0,4 cm, milieu XIVe/seconde moitié XIVe - première moitié XVe siècle, Bordesley abbey, Redditch (Astill 1993, p. 191, fig. 88, n° CA 261). 3689 Royaume-Uni : Worcestershire : une applique complète, L x l = 0,9 x 0,6 cm, milieu XIVe/seconde moitié XIVe - première moitié XVe siècle, Bordesley abbey, Redditch (Astill 1993, p. 191, fig. 88, n° CA 258). 3690 Six pièces complètes et incomplètes dont cinq sur trois lanières de cuir, L x l = env. 0,7 x env. 0,4 cm (Leconte 2002, p. LXXV-LXXVI, n° 11-218-92, -146, -165 et -193). 3684 807 3. Approche croisée du mobilier archéologique denticulées et de lignes sans décor est issu d’un niveau des XVe - XVIe siècles du château de Rathsamhausen à Ottrott dans le Bas-Rhin3691. Quelques modèles isolés peuvent être ajoutés aux formes précédentes. Citons une applique carrée à deux rivets traversant disposés en diagonale dont le décor est constitué de carrés concentriques de bossettes. Elle provient d’un niveau du dernier quart du XIIIe siècle fouillé à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis3692. Mentionnons également des appliques à décor gravé et décor d’émaux découvertes dans des niveaux du XIVe siècle sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher3693. Deux appliques carrées à bombement hémisphérique central, probablement issues de la fonte, ont été trouvées à Londres dans des contextes de la première moitié du XVe siècle : l’une présente une perforation centrale pour la fixation, l’autre légèrement plus grande, une ouverture à chaque angle et un cadre de deux lignes gravées3694. Type D6 : Applique carrée ou rectangulaire large, issue de la taille et à rivet(s) traversant (fig. 348, n° 8 et 9)3695 Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 73, première moitié XIVe siècle.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1618, vers 1365 - vers 1400. Les deux appliques du corpus sont en os. Les bords les plus longs de la première (fig. 348, n° 8) sont chanfreinés. L’objet comporte une unique perforation circulaire centrale dans laquelle est encore placé un rivet en alliage cuivreux à tête matée. Des traces de sciage et de râpe sont visibles au revers et sur les bords latéraux. L’objet peut être rapproché des appliques de type H5. La deuxième applique, à l’avers ondulé (fig. 348, n° 9), est de forme presque carrée. Les ondulations, perforées pour la mise en place de quatre rivets à tête hémisphérique en alliage cuivreux, sont limitées par des gorges en V parallèles. Des traces de matière 3691 Exemplaire complet, L x l = 2 x 1 cm (Archéologie 1990, p. 431, n° 3.467). Spécimen complet, L x l = 0,85 x 0,8 cm (Leconte 2002, p. LXXIV, n° 16-5371-5 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 8). 3693 Fondrillon et Marot 20133, p. 107-108. 3694 Deux objets complets, L x l = 1,5 x 1,4 et 1,7 x 1,8 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 197, n° 1061 et 1062). 3695 L’analyse technique de ces objets a été réalisée par M.-A. Chazottes, doctorante au LA3M. 3692 808 3. Approche croisée du mobilier archéologique spongieuse sont discernables au revers révélant que l’objet a été taillé dans une côte, certainement celle d’un grand ruminant. Ces appliques quadrangulaires ont été réalisées par façonnage d’une plaquette en os. Les stigmates des différents façonnages sont perceptibles grâce aux traces de râpe et/ou de sciage identifiées sur les faces supérieures et inférieures mais aussi sur les bordures. Type D7 : Applique carrée ou rectangulaire large, en tôle emboutie et à rivet(s) intégré(s) (fig. 348, n° 10) Bouches-du-Rhône  Alcazar, Marseille : n° 61, comblement de cuve, vers 1720 - 1730. Cette applique carrée bombée avec un rivet intégré terminé par une contre-rivure circulaire plate a été trouvé dans le même contexte qu’un grelot obtenu par la fonte vraisemblablement moderne. L’objet pourrait cependant être en position résiduelle. Type D8 : Applique carrée ou rectangulaire large, issue de la fonte et à rivet(s) intégré(s) (fig. 348, n° 11 et 12) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3219, comblement de silo, vers 1370/1375 vers 1415/1420.  Rue Pierre Sémard, Toulon : n° 1, fosse à charbon, seconde moitié XVIIe première moitié XVIIIe siècle. L’exemplaire de Rougiers (fig. 348, n° 11), en matériau blanc, est décoré d’une fleur à quatre pétales accostés de petites feuilles ovales. La zone circulaire centrale marque le centre de la fleur, les pétales et les feuilles sont en léger relief par rapport au fond dont le quadrillage est également en léger relief. La bordure surélevée est la partie la plus épaisse de l’artefact. Un fragment de rivet est placé sur la ligne de jonction des deux empreintes du moule nécessaire à la fonte : chacune des deux empreintes était gravée ou imprimée de la moitié du rivet. 809 3. Approche croisée du mobilier archéologique Le spécimen toulonnais (fig. 348, n° 12), en alliage cuivreux, aux bords ondulés, est porteur d’un aigle bicéphale en relief sur un fond de grènetis également en relief. La bordure est surélevée. Le rivet, très court, présente un matage important. L’artefact fut mis au jour en position résiduelle. Ce fond de grènetis se rencontre sur des appliques du corpus découvertes dans des niveaux de la fin du XIIe siècle et de la première moitié du XIIIe siècle (fig. 348, n° 4 et 5). Plusieurs appliques décrites dans la bibliographie rassemblée arborent un motif sur un fond de grènetis limité par un cadre uni : - un aigle à une seule tête pour un exemplaire carré doré (N.D.S.) provenant du castrum de Cabaret à Lastours dans l’Aude3696, - quatre fleurs de lys rayonnant depuis le centre d’un objet carré à contre-rivure quadrangulaire découvert au château de Peyrepertuse (N.D.S.) à Duilhac-sousPeyrepertuse dans l’Aude3697, - un décor identique pour un objet carré, doré, extrait d’un niveau du second tiers du XIIIe siècle sur le site de Billingsgate lorry park à Londres3698, - un écu fascé pour un spécimen circulaire à quatre petites excroissances ovales ayant conservé une contre-rivure fourni par les opérations archéologiques au castillo de la Torre Grossa (XIIIe - XIVe siècle) à Jijona dans la province d’Alicante en Espagne3699. D’autres appliques carrées avec ou sans décor sont issues de contextes des XIIIe XIVe siècles du site de Monte Zigagno à Zigagno dans la province de La Spezia en Italie : un exemplaire vierge d’ornementation3700, un spécimen décoré d’un losange divisé en quatre losanges contenant des quadrillages de deux ou trois rangées de trois cases3701. Les motifs sont constitués à partir de filets de dorure. À Rome, le site de la Crypta Balbi a livré une applique bombée dorée dont des incisions en croix séparent l’avers en quatre losanges contenant chacun un triangle quadrillé3702. L’objet ayant été trouvé dans un niveau de la première moitié du XIIe siècle, S. Sfligiotti envisage la possibilité qu’il ait pu être intrusif sur la base de la comparaison qu’elle établit avec les pièces de Zigagno. 3696 Objet complet, L x l = 1,4 x 1,4 cm (Barrère 1999, p. 827, fig. 2, n° 15). Spécimen complet, L x l = 1,1 x 1,1 cm (Barrère 2000, p. 25). 3698 Applique complète, L x l = 1,6 x 1,6 cm (Egan et Pritchard (dir). 2002², p. 198, n° 1063). 3699 Exemplaire complet, L x l = 1,7 x 1,7 cm (Azuar Ruiz 1985, p. 103, n° 7099). 3700 Objet complet, L x l = 1,1 x 1,1 cm (Gambaro 1990, p. 397). 3701 Spécimen complet, L x l = 1,8 x 1,8 cm (Giardi 1985, p. 237). 3702 Individu incomplet (rivet cassé), L x l = 3,8 x 4,3 cm (Sfligiotti 1990, p. 546, n° 747). 3697 810 3. Approche croisée du mobilier archéologique Des appliques carrées à profil pyramidal plus ou moins prononcé et à rivet intégré, en étain ou en alliage d’étain et de plomb, proviennent de niveaux londoniens datés du dernier tiers XIIIe - première moitié XIVe siècle, du second tiers du XIVe siècle et de la seconde moitié du XIVe siècle3703. À l’exception d’un spécimen à bordure de carrés creux3704, toutes les autres appliques ont une bordure de bossettes3705. Une pièce fut trouvée sur un fragment de cuir avec une orientation de losange3706. Cinq autres sont toujours en place sur un morceau de lanière de cuir appartenant à une collection particulière anglaise3707. Elles ont une orientation de carré. Type E : Applique carrée ou rectangulaire large à œillet (fig. 348, n° 13 à 19) Les appliques de type E du corpus sont classées en quatre sous-types établis selon la méthode de fabrication. Les pièces provençales, en alliage cuivreux, sont fixées au moyen de rivets traversant. Les exemplaires en tôle plate sont classés dans le sous-type E1, ceux à deux tôles plates superposées dans le sous-type E2. Les sous-types E3 et E4 rassemblent respectivement les spécimens en tôle emboutie et les exemplaires fabriqués par la fonte. Des appliques de type E sont représentées à la ceinture de Moïse du Puits de Moïse de Claus Sluter sculpté en 1402 ou 1403 (fig. 151). Type E1 : Applique carrée ou rectangulaire large à œillet, en tôle plate et à rivet(s) traversant (fig. 348, n° 13) Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 811, niveau de destruction de maisons, vers 1365. 3703 Les trois appliques du n° 1164 et celles des n° 1072, 1073 et 1075 sont considérées comme des appliques de type O. 3704 Applique incomplète, L x l = 9 x 9 cm, seconde moitié XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 198, n° 1074). 3705 Huit objets complets ou incomplets, L x l = 1 x 1 à 1,55 x 1,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002, p. 198, n° 1065 à 1071, 1076). 3706 Artefact complet, L x l = 1 x 1 cm, vers 1330 - vers 1380 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 198, n° 1067). 3707 Exemplaires complets, L x l = 1,1 x 1,1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 198). 811 3. Approche croisée du mobilier archéologique Cette applique quadrangulaire comporte un œillet central et quatre rivets traversant incomplets. Il est possible que ces derniers aient relié la tôle conservée à une deuxième tôle comme pour les pièces du type E2. Des appliques à quatre rivets traversant constituées d’une unique tôle ou ayant perdu leur deuxième tôle ont été trouvées au château d’Essertines à Essertines-Basses dans la Loire3708, dans un contexte de seconde moitié du XIVe - premier quart XVe siècle à SaintDenis en Seine-Saint-Denis3709, dans un niveau de destruction de la seconde moitié du XVe siècle ou de la première moitié du XVIe siècle du site d’une maison sur motte à East Haddlesey dans le Yorkshire3710. Les petits côtés de l’exemplaire d’Essertines, au contexte non renseigné, sont dentelés. Le spécimen anglais est gravé de deux panneaux contenant la lettre gothique « l ». Une applique à une seule tôle provient d’un contexte peut-être daté de la seconde moitié du XIVe siècle sur le site d’une abbaye de franciscains à Carmathen dans le Carmathenshire3711. Plusieurs appliques du type E1 ont été trouvées à Londres. Trois exemplaires trouvés dans des contextes de la première moitié du XVe siècle sur deux sites différents sont gravés d’un losange intégré dans un rectangle. L’espace entre le rectangle et le losange est couvert de zigzags3712. Des traces d’une couverte blanche sont visibles sur l’un des objets. Un artefact de même type est fixé à une courroie de cuir porteuse d’appliques de type A2b et O2 conservée au Museum of London3713. De Londres également est issue d’un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle une tôle à œillet dont les petits côtés sont découpés d’un trèfle avec le pétale central en forme de pique3714. Les quatre rivets ont disparu. Les appliques de type E1 n’étaient pas seulement en alliage cuivreux : un probable fragment de ceinture avec cinq appliques en fer sans décor, à couverte blanche, provient d’un contexte londonien de la première moitié du XVe siècle3715. 3708 Spécimen complet (?), L x l = 3 x 1,55 cm (Maccari-Poisson 1992, p. 158). Individu complet, L x l = 3,85 x 1,65 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 34). 3710 Applique complète, L x l = 4,7 x 2,4 cm (Goodall 1973, p. 93, fig. 37, n° 9). 3711 Individu complet, L x l = 1,9 x 1,15 cm (Brennan 2001, n° 31). 3712 Exemplaires complets, L x l = 1,9 x 0,9 et 2,2 x 1,3 et 2,9 x 1,3 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 197, n° 1052 à 1054). 3713 Artefact complet, dimensions inconnues (Egan et Pritchard (dir.) 2002², pl. 5, F). 3714 Objet incomplet ?, L x l = 3,9 x 2,2 cm, Baynard House (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 227, n° 1216). 3715 Cinq individus complets, L x l = 1,2 x 2,5 cm, Baynard House (Egan et Pritchard (dir.) 2002², 197, n° 1060). 3709 812 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type E2 : Applique carrée ou rectangulaire large à œillet, composite à deux tôles superposées et à rivet(s) traversant (fig. 348, n° 14 et 15) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1180, premier tiers XIVe siècle ; n° 1181, second tiers XIVe siècle. Le corpus comprend deux appliques provençales fabriquées à partir de deux tôles superposées à œillet. Elles sont à rapprocher d’une applique de type D3 (fig. 348, n° 1). Ces deux appliques sont équipées de quatre ou six rivets. Elles conservent des restes de tissu. L’un des exemplaires arbore un décor géométrique de dents de loup poinçonnées opposées par la base. Une couche de destruction du XVIe siècle et de la première moitié du XVIIe siècle fouillée sur le site d’une abbaye de franciscains à Carmathen dans le Carmathenshire a livré une applique dont les deux tôles superposées retiennent un fragment de cuir. Les petits côtés sont découpés d’arcs de cercle3716. À Londres, un contexte de la première moitié du XVe siècle a fourni une pièce à quatre rivets traversant dont les bords des petits côtés sont découpés d’un arc de cercle3717. Une deuxième applique à quatre rivets, datée de la seconde moitié du XIVe siècle, affiche deux œillets dont un est décentré3718. C’est en se basant sur cet objet que G. Egan et F. Pritchard ont proposé que plusieurs appliques quadrangulaires aient pu être employées à la connexion de deux courroies. En effet, aucun fragment de cuir ne relie intérieurement les deux pièces de cuir conservées aux deux extrémités de l’applique. Il s’observe la même chose pour une applique de type D33719, modèle pour lequel l’emploi proposé est attesté par des découvertes faites à Dordrecht en Hollande-Méridionale aux PaysBas3720. Ces appliques servent à reconnecter des lanières cassées. Il nous semble que dans le cas de l’applique londonienne de type E2, l’absence de liaison entre les deux morceaux de cuir est purement fortuite et plutôt le résultat d’une moins bonne conservation du cuir dans une zone relativement éloignée des rivets autour desquels les matières organiques se 3716 Pièce complète, L x l = 4,5 x 3,15 cm (Brennan 2001, n° 19). Artefact complet, L x l = 1,9 x 1,3 cm, Swan Lane (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 226, n° 1207). 3718 Applique complète, L x l = 2,7 x 2 cm, Swan Lane (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 226, n° 1205). 3719 Se reporter à Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 226, n° 1028. 3720 Voir Willemsen et Ernst 2014, p. 50, fig. 46. 3717 813 3. Approche croisée du mobilier archéologique conservent préférentiellement grâce aux oxydes. Les auteurs constatent d’ailleurs que pour des appliques de même type qu’ils ont pu observer sur d’autres sites, la présence de cuir est bien continue d’un point à l’autre de l’applique. Type E3 : Applique carrée ou rectangulaire large à œillet, en tôle emboutie et à rivet(s) traversant (fig. 348, n° 16 et 17) Bouches-du-Rhône  Castrum de Notre-Dame du Château, Allauch : n° 5 et 6, nettoyage du rempart, XIIIe - XVIe siècle. Ces deux appliques en tôle emboutie comportent un œillet central à bordure en relief, encadré par un couple de cercles concaves, un couple de croissants de lune et deux zones de bossettes circulaires traversées par un rivet en fer. Une applique de type E3, rectangulaire, à deux rivets traversant, avec une bordure de bossettes espacées les unes des autres, provient d’un contexte londonien de la seconde moitié du XIVe siècle3721. Type E4 : Applique carrée ou rectangulaire large à œillet, issue de la fonte et à rivet(s) traversant (fig. 348, n° 18 et 19) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 905, niveau de destruction cendreux, vers 1309/1315 - vers 1345. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1185 ; H.S. Deux appliques du corpus ont été fabriquées par la fonte : un spécimen avignonnais (fig. 348, n° 18) à quatre rivets traversant et à large œillet central qui rappelle les pièces précédentes, un artefact à deux perforations pour rivets et à œillet de plus petite taille (fig. 348, n° 19). Sur ce dernier objet, quatre lignes de petits points ronds, peut-être obtenus 3721 Exemplaire complet, L x l = 1,5 x 2,9 cm, Billingsgate lorry park (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 197, n° 1049). 814 3. Approche croisée du mobilier archéologique par poinçonnage, relient des échancrures réalisées sur les grands côtés. De petites dépressions longilignes parallèles – des incisions ? – marquent les bords des deux petits côtés. Aucun artefact similaire n’a été relevé dans la bibliographie. Type F : Applique losangique sans œillet (fig. 349, n° 1 à 14) Les appliques de type F du corpus, toutes à rivets traversant, sont classées en trois sous-types établis en prenant en compte la technique de fabrication et le mode de fixation. Les pièces en tôle plate appartiennent au sous-type F1, celles en tôle emboutie au sous-type F2, les exemplaires fabriqués par la fonte au sous-type F3. Des appliques décorées en étain, obtenues par la fonte et à un ou deux rivets intégrés, ont été trouvées dans des contextes londoniens de la seconde moitié du XIVe siècle, de la première moitié du XVe siècle3722 et, sans doute en position résiduelle, dans un niveau de la première moitié du XVIe siècle3723. Deux d’entre elles sont disposées sur un fragment de courroie (L x l = 9,2 x 1 cm) daté vers 1330 - vers 1380. Leur orientation suggère que la lanière était disposée verticalement3724. La fouille d’un atelier métallurgique parisien ayant fonctionné entre 1325 et 1350 à l’emplacement de l’Hôtel de Mongelas a livré quelques ébauches d’appliques losangiques obtenues par la fonte3725 ou en tôle plate3726 ou en tôle emboutie3727. Une de ces ébauches, peut-être issue de la fonte, est décorée d’un svastika et présente deux tentatives de perforation3728. Des appliques losangiques alternant avec de petites appliques circulaires apparaissent le long d’une courroie de harnachement d’un cheval figuré sur la Mappa mundi de la cathédrale d’Héréford peinte sur du vélin vers 1300 (fig. 321). Une association avec des couples de petites appliques circulaires est visible sur la ceinture d’un jeune homme représenté dans un vitrail de la chapelle du Saint-Sang à Bruges vers 1496 (fig. 335). Les 3722 Deux appliques complètes à rivet intégré, L x l = 1,1 x 1,7 et 1,3 x 1,8 cm, un objet complet à rivet intégré, L x l = 1,1 x 1,3 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 198, 200, n° 1078 à 1080). 3723 Un artefact incomplet à deux rivets intégrés, L x l = 2 x 1,3 cm, Abbots Lane (Egan 2005, p. 41, n° 142). 3724 Appliques complètes, L x l = 1 x 1,1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 200, n° 1087). 3725 Possible ébauche, très corrodée, sans perforation visible, sans rivet intégré, L x l = 1,3 x 0,85 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B1, n° 96). 3726 Deux ébauches complètes, L x l = 2,7 x 1,1 et 1,7 x 1 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B1, n° 81 et 82). 3727 Une ébauche complète, L x l = 1,25 x 0,75 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B1, n° 83). 3728 Ébauche complète, L x l = 2,3 x 1,85 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B1, n° 102). 815 3. Approche croisée du mobilier archéologique données archéologiques actuellement rassemblées ne permettent pas de proposer un emploi des appliques de type F au-delà du troisième quart du XIVe siècle. Type F1 : Applique losangique en tôle plate et à rivet(s) traversant (fig. 349, n° 1 à 8) Les appliques de type F1 sont classées en deux sous-types établis en fonction du matériau et du nombre croissant de rivets : les appliques en fer à unique rivet traversant (soustype F1a), les appliques en alliage cuivreux à deux rivets traversant (sous-type F1b). Une applique en alliage cuivreux avec une perforation pour rivet en position centrale, à décor d’ocelles poinçonnés a été trouvée sur le site du village minier de Brandes-en-Oisans (fin XIIe - milieu XIVe siècle) à l’Alpe d’Huez3729. Type F1a : Applique losangique plate en tôle, en fer, à rivet(s) traversant (fig. 349, n° 1 et 2) Alpes-de-Haute-Provence  Motte de Niozelles, Niozelles : n° 6 et 7, dernier quart Xe - premier tiers XIe siècle. Les deux appliques découvertes sur la motte de Niozelles sont constituées d’un corps losangique en tôle très légèrement bombée à l’avers. Un rivet à tête conique les traverse. Une contre-rivure quadrangulaire plate est conservée dans un cas. Type F1b : Applique losangique plate en tôle, en alliage cuivreux, à deux rivets traversant (fig. 349, n° 3 à 8) Var  Castrum d’Amphoux, Fox-Amphoux : n° 5, H.S.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 271, couche de dépotoir avec éléments de destruction, milieu XIIIe siècle - vers 1285 ; n° 564, sol de circulation extérieure, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 264, couche d’occupation, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 512, H.S. 3729 Objet incomplet, L x l recons. = 1,4 x 1 cm (Bailly-Maître 1983, pl. I.6, n° 11). 816 3. Approche croisée du mobilier archéologique Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1279, premier tiers XIVe siècle. Ces six appliques losangiques en tôle, en alliage cuivreux, comportent deux perforations pour rivet. Dans un cas, le percement semble avoir été fait du revers vers l’avers (fig. 349, n° 5). Les rivets conservés sont en alliage cuivreux (fig. 349, n° 6 et 7) ou en fer (fig. 349, n° 4). Deux exemplaires sont gravés de zigzags en bordure (fig. 349, n° 5) ou de segments rejoignant le centre de lignes droites situées le long des bords (fig. 349, n° 6). Deux autres spécimens (fig. 349, n° 7 et 8) comportent un motif imprimé constitué, au centre, d’une fleur ou rosace à six pétales ovales ou à huit pétales triangulaires entre lesquels sont insérées des bossettes (fig. 352, n° B) et, en bordure, de triangles rayés et de losanges à bossettes, le tout en relief. Les rayures des triangles sont à peine perceptibles sur la pièce dont le décor s’est le moins bien conservé (fig. 349, n° 8). Le centre de sa fleur est représenté par une bossette. Plusieurs appliques en alliage cuivreux à deux rivets de fixation sont signalées dans la bibliographie. Un premier exemplaire sans ornement provient du château de Peyrepertuse (N.D.S.) à Duilhac-sous-Peyrepertuse dans l’Aude3730, un deuxième du château de Pymont à Villeneuve-sous-Pymont dans le Jura3731. En Isère, les fouilles du village médiéval de SaintRomain de Surieu ont livré un spécimen (N.D.S.) gravé de pointillés en bordure et découpé d’un ajour en forme de quadrilobe3732. Les opérations archéologiques réalisées à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis ont fourni deux appliques de type F1b. Un premier exemplaire provient d’un niveau des XIIe - XIIIe siècles. Une ligne est incisée près des bords3733. La deuxième pièce, sans décor, est issue d’un dépotoir domestique établi dans une cave dans la première moitié du XIVe siècle3734. Peut-être faut-il y ajouter un fragment de tôle losangique sans perforation pour la fixation – une ébauche ? –, trouvé dans un remblai de démolition des XVIIe - XVIIIe siècles3735. Une ébauche d’applique emboutie d’une fleur de lys, avec une tentative de perforation en son centre, a été mise au jour dans un atelier métallurgique parisien 3730 Applique complète, L x l = 4,4 x 2,2 cm (Barrère 2000, p. 233, fig. 151, n° 19). Artefact complet, L x l = 1,8 x 1,4 cm (Jeanjacquot 1993, p. 108, n° 1993). 3732 Exemplaire complet, L x l = 3,2 x 2,7 cm (Jannet-Vallat et Bony-Renée 1983, p. 6). 3733 Objet incomplet, L x l = 2,6 x 1,9 cm (Leconte 2002, p. LXXXIX, n° 10-135-1 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 1). 3734 Pièce presque complète, L x l = 1,4 x 1 cm (Leconte 2002, p. LXXXIX, n° 11-218-192 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 30). 3735 L rest. x l = 2,15 x 1,4 cm (Leconte 2002, p. LXXXIX, n° 16-239-80). 3731 817 3. Approche croisée du mobilier archéologique ayant fonctionné dans le second quart du XIVe siècle3736. Terminons avec un objet losangique poinçonné sur le pourtour d’ocelles entre deux lignes gravés, trouvé sur le site de Trainecourt (XIIIe - XVe siècle) à Grentheville dans le Calvados3737. Sur la base des données chronologiques actuellement rassemblées, une datation typologique comprise entre le milieu du XIIIe siècle et les trois premiers quarts du XIVe siècle peut être avancée. Type F2 : Applique losangique en tôle emboutie et à rivet(s) traversant (fig. 349, n° 9 à 12) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 978, comblement de silo, Milieu XIIIe s. - vers 1285 ou vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 2017 A et B, sol de bâtiment, vers 1309/1315 - vers 1345. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1112, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Les appliques mises au jour à Rougiers n’étaient fixées qu’au moyen d’un seul rivet. L’une de ces appliques est décorée de bossettes sur toute sa surface (fig. 349, n° 9), les deux autres d’une ligne de bossettes contigües (fig. 349, n° 10 et 11). Le dernier objet (fig. 349, n° 12), trouvé à Avignon, arrondi sur deux côtés, est très allongé. Les deux rivets sont situés le long du pli central qui divise l’artefact en deux dans le sens de la largeur. Une applique sans décor, bombée dans le sens de la largeur, mise au jour dans un contexte de la seconde moitié du XIVe siècle ou de la première moitié du XVe siècle sur le site de la rue Mongat à Douai dans le Nord, comporte deux excroissances percées pour la fixation3738. Un exemplaire incomplet (N.D.S.) sans moyen de fixation conservé a été retrouvé sur le site de Hejninge à Slagelse dans la région de Sjælland au Danemark3739. 3736 Objet complet, d = 0,95 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 86) Spécimen complet, L x l = 3,2 x 1,3 cm (Vivre au Moyen Âge 2002, notice 194). 3738 Artefact presque complet, L x l = 2,9 x 1,1 cm (Louis et al. 1988, p. 64, 66, n° 24). 3739 Individu incomplet, L = 2,2 cm (Steensberg 1986, p. 65, tav. 5, n° 3). 3737 818 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type F3 : Applique losangique issue de la fonte et à rivet(s) traversant (fig. 349, n° 13 et 14) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 874, sol de bâtiment, vers 1309/1315 - vers 1345. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1912, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Une première applique en alliage cuivreux (fig. 349, n° 13), assez épaisse, semble avoir été fabriquée par la fonte. Elle comporte une perforation centrale pour la fixation. Un exemplaire qui pourrait avoir été décoré d’une croix fleurdelisée ou d’une fleur provient d’un remblai de la seconde moitié du XIVe siècle du site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher3740. Une applique décorée d’une fleur de lys dans un cadre de bossettes est issue d’un niveau londonien daté vers 1270 - vers 13503741. Le deuxième objet du corpus, en matériau blanc (fig. 349, n° 14), est décoré d’un quadrilobe dans un cadre de bossettes. Un des angles de l’objet est terminé par une excroissance arrondie. Des traces d’arrachement sont visibles aux trois autres angles. Il est supposé que deux angles opposés ont comporté une excroissance perforée, mais il ne peut être écarté que le même type d’excroissance ait été installée sur l’ensemble des angles auquel cas l’artefact serait à classer dans le type O. Signalons que des objets losangiques en « plomb » à décor de fleur(s) de lys, sans moyen de fixation, ont été découverts au château de Peyrepertuse (N.D.S.) à Duilhac-sous-Peyrepertuse dans l’Aude3742. Type G : Applique losangique à œillet (fig. 349, n° 15 à 20) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 182 A, sol de bâtiment, n° 841, décombres, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 1602, sol de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375. 3740 Applique complète, L x l = 1,4 x 1,4 cm (Fondrillon et Marot 2013, p. 104, n° 2519). Spécimen complet, L x l = 1,3 x 1,1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 198, n° 1077). 3742 L’auteur propose sans certitude une identification en tant qu’insigne (Bayrou 2000d, p. 211, fig. 144, n° 4 et 5). 3741 819 3. Approche croisée du mobilier archéologique Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1901, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400.  Prieuré Saint-Symphorien, Bonnieux : n° 11 et 12, niveau de réoccupation ou d’abandon du site, début XIVe siècle. Cinq de ces six appliques en tôle plate en alliage cuivreux comportent un œillet central et deux petites perforations opposées pour la fixation. Une sixième applique (fig. 349, n° 20) présente cinq perforations circulaires formant une croix. Leur fonction est-elle décorative ou utilitaire ? L’une des perforations ayant pu être employée en tant qu’œillet, l’objet a été classé dans le type G. Deux appliques hexalobées de type M1 en alliage cuivreux dont une reçoit l’ardillon d’une boucle en fer de type D2, une applique de type G en alliage cuivreux, deux boucles en fer de type B4 et des fragments d’une bourse en cuir ont été retrouvés dans une sépulture des XVe - XVIe siècles de l’église Saint-Pierre à Tournai dans la province du Hainaut en Belgique3743. Type H : Applique étroite régulière sans œillet (fig. 350, n° 1 à 21) Les appliques de type H sont distinguées des exemplaires de type D par leur rapport longueur/largeur qui ne dépasse par la valeur de 0,5 et leur largeur maximale limitée à 1 cm. Les appliques de type H sont rangées en sept sous-types établis en tenant compte de deux critères : la technique de fabrication et le moyen de fixation. Les exemplaires à rivet(s) traversant sont classés dans les sous-types H1 à H5 et H7, les spécimens à rivet(s) intégré(s) dans le sous-type H6. Les pièces en tôle plate sont regroupées ans les sous-types H1 et H7, celles en tôle emboutie dans le sous-type H2. Les sous-types H3, H4 et H6 rassemblent des exemplaires obtenus par la fonte, le sous-type H5 des spécimens fabriqués par la taille. Le sous-type H4 contient une applique composite constituée de deux pièces. Le sous-type H7 comprend une applique en tôle plate et longiligne pliée pour former un organe de suspension. 3743 Artefact incomplet, L x l = 2,35 x 2 cm (Verslype 1999a, p. 177, n° 4). 820 3. Approche croisée du mobilier archéologique Quelques pièces découvertes à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis3744 et à Bourges dans le Cher3745 n’ont pu être classées. Des appliques de type H sont figurées sur les courroies de harnachement d’un cheval appartenant à une statue équestre produite vers 1200 et positionnée à l’extérieur de la cathédrale Saint-Pierre et Saint-Georges de Bamberg en Allemagne (fig. 320). D’après les données archéologiques, les pièces de type H apparaîtraient au début du XIIIe siècle. Cette représentation est donc particulièrement précoce. Type H1 : Applique étroite en tôle plate et à rivet(s) traversant (fig. 350, n° 1 à 5) Bouches-du-Rhône  Château d’Hauture, Fos-sur-Mer : n° B569462, remblai de mise en culture, XVIe XVIIe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 621, sol de grotte, n° 876, sol de bâtiment, vers 1309/1315 - vers 1345. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1236, comblement de fosse, second tiers XIVe siècle ?  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1718, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Les cinq objets du corpus ont été découpés dans une tôle en alliage cuivreux. Pour un exemplaire (fig. 350, n° 1), la tôle a été repliée deux fois afin d’obtenir une épaisseur suffisante. Les bords des longs côtés d’une applique (fig. 350, n° 2) sont chanfreinés. Les petits côtés d’une autre pièce sont découpés d’un triangle (fig. 350, n° 4). Un décor pourrait 3744 La technique de fabrication employée n’a pu être identifiée avec certitude : Artefact complet, L x l = 3,6 x 0,75 cm, remblai, antiquité au XVIIIe siècle, aurait été obtenu par la fonte et aurait deux rivets intégrés, mais il est prouvé (voir Thomas 2009, t. 3, annexe B2) que l’auteure s’est trompée à plusieurs reprises quant à la nature des rivets (Leconte 2002, p. LXXXI, n° 16-1607-1) ; Pièce complète, L x l = 1,75 x 0,8 cm, remblai, XIVe siècle, serait en tôle mais l’identification des techniques de fabrication par l’auteure est souvent incorrecte (Leconte 2002, p. LXXXIII, n° 12-592-1) ; Individu complet avec rainures latérales, L x l = 2,4 x 0,5 cm, occupation, dernier quart XIVe - premier quart XVe siècle, en tôle d’après G. Leconte, méthode de fabrication incertaine pour N. Thomas (Leconte 2002, p. LXXXIV, n° 21-155-3. ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 19). 3745 La forme exacte des objets n’a pu être reconnue (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 102, n° 216). 821 3. Approche croisée du mobilier archéologique avoir été gravé le long de ses grands côtés. Une pliure s’observe sur l’applique découverte à Fos-sur-Mer (fig. 350, n° 5), elle est le résultat d’une erreur de l’artisan ayant martelé la tôle. Les rivets conservés sont en alliage cuivreux (fig. 350, n° 2 à 4), dans un cas à tête bouletée (fig. 350, n° 4), ou en fer (fig. 350, n° 1 et 5). Des appliques en tôle sans décor et à deux rivets ont été trouvées sur plusieurs sites dans des contextes de la fin du Moyen Âge et du début de l’Époque moderne3746. Les pièces décorées sont un peu moins fréquentes : un spécimen doré à deux rivets traversant décoré d’une bande de chevrons alternativement nus et « écaillés » (quadrillés ?) dans un cadre complet de lignes incisées fut mis au jour sur le site du castel Delfino à Pontinvrea dans la province de Savone en Italie. Le site est occupé entre 1206 et 12233747. À Londres, un niveau daté vers 1270 - vers 1350 du site de Swan Lane a fourni un spécimen à deux rivets traversant aux longs côtés légèrement concaves3748. Quatre lignes incisées disposées dans la largeur sont visibles sur une pièce dont la datation du contexte est incertaine (XIIe siècle ?). Elle provient du site de Walvesey Palace à Winchester dans le Hampshire3749. Une applique étroite en fer au profil bombé, à deux rivets traversant, est en place sur un fragment de courroie de cuir mis au jour dans un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle du site de Billingsgate lorry park à Londres. L’applique traverse deux courroies de cuir et se trouve à proximité immédiate d’une terminaison de courroie de type I13750. Les éléments bibliographiques disponibles conduisent à proposer une datation typologique s’étendant sur les XIIIe et XIVe siècles. 3746 France, Doubs : artefact complet, L x l = 2 x 0,6 cm, dépotoir, seconde moitié XVIe siècle, quartier de Montbéliard (Fuhrer 2000, p. 118, fig. 94, n° 17) ; Isère : une applique incomplète et une autre complète, L x l = 2 x 0,45 et 2,1 x 0,55 cm, village minier de Brandes-en-Oisans (fin XIIe milieu XIVe siècle), Alpe d’Huez (Bailly-Maître 1983, p. 93, pl. I.8, n° 14 et 15) ; Oise : spécimen complet, L x l = 1,55 x 0,5 cm, ferme du XIVe siècle, hameau du Bellé, Neuilly-en-Thelle (Legros 2001, n° 111) ; Seine-Saint-Denis : un objet complet, L x l = 1,5 x 0,4 cm, remblai de voirie du XIIIe siècle, un artefact complet, L x l = 1,2 x 0,3 cm, remblai d’inhumation du XIVe siècle, un individu complet, L x l = 1,5 x 0,35 cm, remblai d’inhumation des XIVe - XVIe siècles, une pièce complète, L x l = 1,9 x 0,6 cm, remplissage d’abandon du Croult, seconde moitié XIVe - premier quart du XVe siècle, un spécimen complet, L x l = 2,1 x 0,6 cm, remblai, première moitié XIVe siècle, Saint-Denis (Leconte 2002, p. LXXVIII-LXXXI, n° 14-528-3, 16-2159-1, 16-2181-2, 21-342-150, 23-166-3 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 22, 24, 26). 3747 Objet incomplet, L x l = 2,65 x 0,7 cm (Milanese 1982, p. 94). 3748 Artefact complet, L x l = 1,4 x 0,3 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 211, n° 1136). 3749 Individu complet, L x l = 1,3 x 0,4 cm (Hinton 1990i, p. 543, n° 1368). 3750 Pièce complète, L x l = 2,4 x 0,5 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 213, n° 1146). 822 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type H2 : Applique étroite en tôle emboutie et à rivet(s) traversant (fig. 350, n° 6 et 7) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 390 A, sol de bâtiment, second quart XIIIe siècle ; n° 307, couche de dépotoir, milieu XIIIe siècle - vers 1285. La section de ces deux appliques est ondulée : pour un exemplaire les bords des longs côtés sont bombés (fig. 350, n° 6), pour l’autre le bombement est réduit à une zone centrale (fig. 350, n° 7). Un artefact au modelé comparable a été trouvé dans un niveau daté vers 1500 - vers 1650 du site du château d’Épinal dans les Vosges3751. Il comporte toutefois un décor semble-t-il embouti. Les deux appliques du corpus, en alliage cuivreux, comportaient deux perforations pour rivet traversant. Un rivet à contre-rivure quadrangulaire plate est encore en place dans un cas (fig. 350, n° 7). Les appliques de type H2 en alliage cuivreux les plus fréquemment rencontrées ont un profil convexe et ne sont pas décorées. Elles comportent un3752 ou deux rivets traversant3753. Un exemplaire de datation inconnue à profil convexe, à deux rivets, présentant une forme en chevron très allongée, provient du château de Portchester dans le Hampshire. Des zigzags agencés en chevrons sont gravés dans un cadre complet de zigzags3754. Une forme d’applique de type H2 a été trouvée sur le site d’une ferme du XIVe siècle au lieu-dit la Grange du Mont à Charny en Côte-d’Or3755 et dans un contexte londonien daté vers 1270 - vers 13503756. Le profil de ce dernier montre trois bombements, celui du centre étant beaucoup plus important. 3751 Applique complète, L x l = 3,35 x 0,55 cm (Kraemer 2002, pl. 16, n° 5). France, Cher : 24 appliques complètes, L x l = 1,9 x 0,4 cm, occupation extérieure, seconde moitié XIVe siècle (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 101, n° 15). 3753 France, Allier : individu complet, L x l = 1,4 x 0,45 cm, fosse, N.D.S., nef de la Priorale SaintPierre, Souvigny (Chabrier 2008, p. 20, n° 1434) ; Aveyron : spécimen complet, L x l = 3,15 x 0,45 cm, au pied d’un sarcophage, N.D.S., église de Saint-Symphorien, Viala-du-Tarn (Pujol 1993, p. 179) ; Côte-d’Or : trois appliques complètes, L x l = 1,1 x 0,55 et 1,3 x 0,4 et 1,5 x 0,6 cm, ferme du XIVe siècle, Grange du Mont, Charny (Beck 1989, p. 73, n° 86 à 88) ; Deux-Sèvres : artefact complet, L x l = 3,3 x 0,8 cm, remblai, XVe siècle, église et cimetière du Saint-Sépulcre, Parthenay (Fourteau Bardaji 1989, p. 36, n° 14093-1) ; Seine-Saint-Denis : un objet complet, L x l = 1,4 x 0,45 cm, sol du XIIIe siècle, une pièce complète, L x l = 1,5 x 0,5 cm, remblai de démolition, XIIIe début XIVe siècle, Saint-Denis (Leconte 2002, p. LXXIX-LXXX, n° 21-208-4). Royaume-Uni, Worcestershire : individu incomplet (?), L x l = 1,2 x 0,4 cm, seconde moitié XIIe - première moitié XIVe siècle, Bordesley Abbey, Redditch (Astill 1993, p. 191, fig. 88, n° CA 283). 3754 Artefact complet, L x l = 6,9 x 1 cm (Hinton 1977b, p. 204). 3755 Individu complet, L x l = 2,05 x 0,6 cm (Beck 1989, p. 73, n° 85). 3756 Applique complète, L x l = 1,6 x 0,55 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 211, n° 1137). 3752 823 3. Approche croisée du mobilier archéologique Pour la pièce française, une file de petits carrés emboutis, à l’image de ceux qui sont visibles sur des appliques de type D2a (fig. 347, n° 12), orne chacun des bombements latéraux. Du site du village de Corné (vers 1170 - vers 1250) à L’Isle-Bouzon dans le Gers3757 et d’un contexte londonien de la première moitié du XVe siècle3758 sont issus des appliques de section trapézoïdale. La face supérieure est perforée à ses extrémités pour le passage des rivets. Les petits côtés ne sont pas fermés, contrairement à ce qui est observé sur une dizaine d’appliques à contre-rivures circulaires – concaves ? – en place sur une lanière de cuir trouvée dans un niveau londonien daté vers 1270 - vers 13503759. Des empreintes dans le cuir attestent de la perte d’au moins six autres appliques très probablement de même type. Une unique applique en fer de type H2 est connue par la bibliographie rassemblée. Elle comporte un bombement central allongé, deux rivets traversant, et a été trouvée sur le site du château de Peyrepertuse (N.D.S.) à Duilhac-sous-Peyrepertuse dans l’Aude3760. Une datation typologique correspondant aux XIIIe et XIVe siècle est retenue à la lumière des données étudiées jusqu’à présent. Type H3 : Applique étroite issue de la fonte et à rivet(s) traversant (fig. 350, n° 8 à 15) Le type H3 regroupe des appliques du corpus en alliage cuivreux à deux rivets traversant. Trois sous-types sont distingués en fonction du profil des objets et du nombre de rivets traversant. Les pièces à bombement arrondi à l’avers appartiennent au sous-type H3b, celles à profil polygonal aux sous-types H3a et H3c. Les artefacts à unique rivet traversant sont classés dans le sous-type H3a, ceux à deux rivets traversant dans les sous-types H3b et H3c. Plusieurs sous-types en alliage cuivreux sont absents du corpus provençal : - des appliques bombées à l’avers et concaves au revers3761, 3757 Exemplaire complet, L x l = 2 x 0,5 cm (Lassure 1995, p. 521, fig. 416, n° 9) Objet presque complet, L x l = 2,4 x 0,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 213, n° 1144). 3759 Individus complets, L x l = 1,7 x 0,5 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 211, n° 1139). 3760 Individu complet, L x l = 1,95 x 0,8 cm (Bayrou 2000d, p. 209). 3761 France, Isère : artefact complet, L x l = 1,7 x 0,3 cm, village minier de Brandes-en-Oisans (fin XIIe - milieu XIVe siècle), Alpe d’Huez (Bailly-Maître 1983, p. 87, pl. I.7, n° 3). Royaume-Uni, Grand Londres : applique complète faisant partie d’une terminaison de ceinture de type F, applique : L x l = 1,1 x 0,45 cm, seconde moitié XIVe siècle, Billingsgate lorry park, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 157, n° 735). 3758 824 3. Approche croisée du mobilier archéologique - des artefacts analogues au type H3c, avec un amincissement localisé au revers, employés dans le cadre de terminaisons de ceinture de type F3762, G. Egan et F. Pritchard croient pouvoir interpréter la variabilité des angles des petits côtés et certaines malformations visibles sur des appliques en alliage cuivreux de type H3 et I comme le résultat de la coupe des appliques dans des tiges de forte épaisseur3763. Cette hypothèse nous paraît peu probable et les imperfections observées nous semblent plutôt être le résultat de défauts survenus lors de la fonte. Type H3a : Applique étroite issue de la fonte, en alliage cuivreux, à profil polygonal et à unique rivet traversant (fig. 350, n° 8) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 990, couche d’abandon, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. L’artefact du corpus, pratiquement complet, est traversé par un unique rivet de fixation. La partie centrale, bombée, est encadrée par deux replats qui paraissent avoir été décorés de petits bombements. Des objets similaires ont été trouvés dans des contextes de la fin du Moyen Âge à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis3764, dans un niveau de seconde moitié XIVe - milieu XVe siècle dans le village médiéval de Wharram dans le Yorkshire3765. Trois exemplaires ont été retrouvés sur un fragment de lanière de soie, orientés dans la largeur, dans un contexte de dernier tiers XIIIe - première moitié XIVe siècle sur le site d’Old Custom House à Londres3766. Les éléments de datation disponibles attestent d’une utilisation des appliques de type H3a de la première moitié du XIIIe siècle probablement jusqu’au début du XVe siècle. 3762 Se reporter au type F de la typologie des mordants et terminaisons de ceinture. Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 211. 3764 Un exemplaire incomplet, quatre appliques à décor latéral non identifié sur deux lanières de cuir, alluvions du Croult, XIVe - XVe siècle, une applique complète (identifiée par erreur comme ayant un rivet intégré), alluvions du Croult, seconde moitié XIVe - premier quart XVe siècle, comblement de fossé, dernier quart XIVe - XVe siècle, L x l = 1,4 x 0,4 cm (Leconte 2002, p. LXXV-LXXVIII ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 54 et 59). 3765 Un spécimen complet, seconde moitié XIVe - milieu XVe siècle, L x l = 1,45 x 0,55 cm (Goodall 1979, p. 112). 3766 Trois appliques sur lanière de soie, L x l = 0,9 x 0,45 à 0,85 x 0,5 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 211, n° 1134) ; 3763 825 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type H3b : Applique étroite issue de la fonte, en alliage cuivreux, à profil bombé et à deux rivets traversant (fig. 350, n° 9 et 10) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 981, sol de bâtiment et foyer, milieu XIIIe siècle - vers 1285 ; n° 1582, sol de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375. Ces deux appliques sont longilignes et leurs faces supérieures sont bombées. Elles comportent deux perforations pour rivets traversant. Un objet similaire a été découvert dans un niveau des XIe - XIIe/première moitié XIIIe siècle sur le site de la résidence aristocratique rurale de Montbaron à Levroux dans l’Indre3767. Un contexte londonien de la seconde moitié du XIVe siècle a fourni une applique en fer de même aspect sur une courroie de cuir avec une terminaison de courroie de type I13768. Des pièces de plus petite taille proviennent du site du village minier de Brandes-enOisans (fin XIIe - milieu XIVe siècle) à l’Alpe d’Huez en Isère3769 et d’un atelier métallurgique parisien du second quart du XIVe siècle, ayant travaillé le cuivre et ses alliages, à l’emplacement de l’hôtel de Mongelas à Paris3770. Le spécimen parisien arbore une dépression longiligne près de chacun de ses grands côtés. Quatorze appliques beaucoup plus courtes et plus larges que les spécimens du corpus sont conservées sur des lanières de cuir issues de niveaux londoniens datés vers 1270 - vers 13503771. Dans le comté des Scottish Borders, un niveau daté entre vers 1559 - vers 1875 du site de l’abbaye de Jedburgh a fourni une pièce de ce type3772. Les éléments de datation rassemblés conduisent à proposer une datation typologique correspondant au XIIIe siècle et aux trois premiers quarts du XIVe siècle. 3767 Objet complet, L x l = 2,45 x 0,3 cm (Querrien et Blanchard 2004, p. 123). Spécimen cité dans le paragraphe introductif du type H. 3769 Artefact complet, L x l = 1,2 x 0,3 cm (Bailly-Maître 1983, p. 87, pl. I.7, n° 4). 3770 Individu complet, L x l = 2,2 x 0,8 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B1, n° 101). 3771 Pièces complètes, L x l = 0,8 x 0,4 à 1,05 x 0,55 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 213, n° 1133 et 1135). 3772 Individu complet, L x l = 1,75 x 0,35 cm, (Caldwell 1995a, p. 85, n° 30). 3768 826 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type H3c : Applique étroite issue de la fonte, en alliage cuivreux, à profil polygonal et à deux rivets traversant (fig. 294, n° 1 et 2 ; fig. 350, n° 11 à 15) Var  Bagatelle/Abreuvoir Saint-Michel, Châteauvert : n° 26, 28, 30 à 33, 38 et 39, sépultures de sexe indéterminé, fin XIIe - XIVe siècle.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 981, sol de bâtiment et foyer, milieu XIIIe siècle - vers 1285 ; n° 877 et 2018, sols de bâtiment, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 1582, sol de bâtiment, n° 2567, sol de zone de circulation, vers 1360 - vers 1370/1375. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1247, second tiers XIVe siècle ; n° 1183, Époque moderne.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 23, remblai, fin XIIIe siècle - vers 1365. La section de deux appliques incomplètes est globalement trapézoïdale (fig. 350, n° 11 et 12). Les facettes latérales de la plus grande sont gravées de zigzags. Une étroite tôle relie les deux rivets et sert de contre-rivure. Quelques restes de cuir sont conservés (fig. 350, n° 11) sur la plus petite, laquelle conserve une couverte blanche. Les facettes latérales du second artefact (fig. 350, n° 12), cassé, sont formées de deux gradins. Chacun des niveaux comporte une ligne de bossettes. Des traces de limage ont été relevées sur les petits côtés. Trois objets avec deux gradins le long des grands côtés ont été trouvés à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis. Deux exemplaires sont issus d’un remblai du XIVe siècle et d’un remblai de voirie des XIVe XVIe siècles3773, le dernier, aux gradins décorés de bossettes, fut trouvé dans le comblement d’une tranchée de construction des XIVe - XVe siècles3774. Dix autres appliques du corpus ont un profil plus proche d’un hexagone irrégulier (ex : fig. 350, n° 13 à 15). Presque toutes conservent leurs rivets et une ou deux contre-rivures circulaires plates. Les spécimens mis au jour à Châteauvert (ex : fig. 350, n° 13) arborent 3773 Artefact complet des XIVe - XVIe siècles, L x l = 1,75 x 0,8 cm (Leconte 2002, p. LXXXIII, n° 161873-3 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 41) ; Objet complet du XIVe siècle, L x l = 1,6 x 0,65 cm, pièce en tôle d’après N. Thomas, la présence des gradins nous semble contredire cette identification (Leconte 2002, p. LXXXIII, n° 12-592-2, remblai ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 25, 12-592-2). 3774 Exemplaire complet, L x l = 1,4 x 0,7 cm (Leconte 2002, p. LXXXII, n° 11-165-2 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 43). 827 3. Approche croisée du mobilier archéologique deux lignes de coups d’un poinçon quadrangulaire et retiennent parfois des restes de tissu. Six ou peut-être huit appliques ont été trouvées dans la même sépulture. Des traces de limage sont visibles sur les facettes des grands côtés d’une pièce mise au jour à Avignon (fig. 350, n° 14). Des appliques à facettes surbaissées porteuses de dépressions allongées (fig. 294, n° 1) ou gravées de zigzags (fig. 294, n° 2) sont intégrées à des terminaisons de ceinture de type F, modèle attribué au XIVe siècle. Deux rivets à contre-rivure circulaire plate les traversent ainsi qu’une tôle plate comprenant un troisième rivet pour la fixation. Une applique aux facettes latérales surbaissées a été retrouvée au village minier de Brandes-en-Oisans (fin XIIe - milieu XIVe siècle) à l’Alpe d’Huez en Isère3775. Du village médiéval de Rattray dans l’Aberdeenshire provient un objet de section trapézoïdale aux bords orné de traits gravés ou de coups d’un poinçon quadrangulaire – le décor n’est pas décrit3776. L’objet appartient à une occupation datée entre la première moitié du XIIIe siècle et la seconde moitié du XVe siècle. Une opération archéologique à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis a livré une pièce particulière. Issue du comblement d’une fosse durant les XIVe - XVe siècles, elle était relativement longue et traversée par deux rivets aux extrémités. Suite à une cassure, un rivet a été rajouté par brasure au revers d’un des morceaux traversé par un rivet3777. Les appliques sans décor à section polygonale et à deux rivets traversant sont particulièrement fréquentes dans la bibliographie3778. Elles ont parfois été employées dans le 3775 Individu incomplet, L x l cons. = 2,5 x 0,6 cm (Bailly-Maître 1983, p. 86, pl. I.7, n° 2). Spécimen complet, L x l = 2,8 x 0,8 cm (Goodall 1993, p. 192, fig. 41, n° 201) 3777 L x l = 0,9 x 0,5 cm (Leconte 2002, p. LXXXI, n° 16-575-4 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 64). 3778 France, Ariège : exemplaire complet, L x l = 1,65 x 0,5 cm, N.D.S., château de Montségur (Czeski 1981, p. 195, 196) ; Cher : un artefact complet, circulation/réfection de voirie, Ier - milieu IVe siècle (intrusif), un individu à l’intégrité inconnue, L x l = 3,4 x 0,2 cm, dépotoir, fin XIIe - première moitié XIIIe siècle, un spécimen à l’intégrité inconnue, L x l = 1,9 x 0,3 cm, occupation de bâtiment, seconde moitié XIIIe siècle, deux objets à l’intégrité inconnue, L x l = 1,4 x 0,6 et 1,9 x 0,4 cm, occupations de bâtiments, seconde moitié XIVe siècle (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 100, n° 4563, p. 101, n° 368, 464, 2569 et 2737) ; Côte-d’Or : artefact complet, L x l = 1,9 x 0,55 cm, ferme du XIVe siècle, Grange du Mont, Charny (Beck 1989, p. 73) ; Hautes-Alpes : applique complète, L x l = 1,8 x ? cm, H.S., chapelle des Gicons, Saint-Disdier (Fichier Lucy Vallauri 1969) ; Isère : neuf pièces complètes parfois légèrement ovales, L x l = 1,3 x 0,3 à 2,55 x 0,65 cm, deux spécimens « moulés », le plus grand complet, « de section rectangulaire », L x l = 1,9 x 0,4 et 2,2 x 0,4 cm, quatorze objets « moulés » la plupart complets « de section rectangulaire aux bords supérieurs arrondis », L x l = 1,1 x 0,3 à 2,5 x 0,3 cm, fin XIIe - milieu XIVe siècle, village minier de Brandes-enOisans, Alpe d’Huez (Bailly-Maître 1983, p. 91-92, pl. I.7, n° 6 à 22 ; pl. I.8, n° 5 à 12 ; Bailly-Maître et Bruno-Dupraz 1994, p. 128) ; Jura : un individu complet, L x l = 1,5 x 0,7 cm, un exemplaire incomplet, l = 0,8 cm, XIIIe - XIVe siècle, château de Pymont, Villeneuve-sous-Pymont (Jeanjacquot 1993, p. 108, fig. 70, n° 1991 et 1995) ; Nord : une applique incomplète, L cons. x l = 0,85 x 0,5 cm, individu complet, XIVe - XVe siècle, L x l = 1,45 x 0,65 cm, rue Mongat (XIIIe - XVIIe siècle), Douai (Louis et al. 1998, p. 66, n° 32 et 33) ; Seine-Saint-Denis : une pièce complète, L x l = 1,75 x 0,3 cm, 3776 828 3. Approche croisée du mobilier archéologique cadre de terminaisons de ceinture de type F3779. Une datation typologique correspondant aux XIIIe et XIVe siècles est proposée. Type H4 : Applique étroite issue de la fonte, en alliage cuivreux, composite à profil polygonal et à deux rivets traversant (fig. 350, n° 16) Gard  Cloître, Saint-Gilles : n° 2010-19, comblement de fosse, seconde moitié XVIIe siècle. L’applique du corpus, quadrangulaire et étroite, est le résultat de l’assemblage d’une pièce sans décor sur une seconde pièce moins épaisse mais plus large ce qui laisse apparent le décor de zigzags gravés en bordure de la pièce inférieure. Les deux éléments sont reliés par deux rivets à contre-rivure circulaire plate épaisse. Type H5 : Applique étroite issue de la taille et à rivet(s) traversant (fig. 350, n° 17 et 18)3780 Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1795 et 2604, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Ces deux appliques quadrangulaires comprennent deux perforations encadrées par deux rainures. Elles conservent des traces de sciage sur l’un des grands côtés. Le spécimen complet en possède aussi au revers. L’applique incomplète (fig. 350, n° 18) présente un arrachement lamellaire positif formé lors de la séparation par pression de l’objet de son construction de voirie, XVIe siècle, un individu incomplet en mauvais état, non mesurable, utilisation de voirie, XVIe siècle, un spécimen complet, L x l = 1,85 x 0,3 cm, comblement d’abandon du Croult, dernier quart XIVe - premier quart XVe siècle, un objet complet, L x l = 1,8 x 0,55 cm, remblai d’abandon du Croult, XIVe - XVe siècle, Saint-Denis (Leconte 2002, p. LXXVIII-LXXX, n° 16-187310, 16-2073-11, 21-342-157 et 21-354-2) ; un exemplaire complet, L x l = 1,75 x 0,55 cm, comblement d’abandon du Croult, seconde moitié XIVe - premier quart XVe siècle, Saint-Denis (Leconte 2002, p. LXXX, n° 21-354-2 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 45). Royaume-Uni, Grand Londres : artefact complet, L x l = 1,7 x 0,4 cm, exemplaire complet, L x l = 2,6 x 0,6 cm, vers 1270 vers 1350, Swan Lane, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 213, n° 1138 et 1142). 3779 Se reporter au type F des mordants et terminaisons de ceinture. 3780 L’analyse technique de ces objets a été réalisée par M.-A. Chazottes, doctorante au LA3M. 829 3. Approche croisée du mobilier archéologique support3781. Les bords des deux artefacts ont été arrondis par raclage ou limage et la perforation a été effectuée du revers vers l’avers. Type H6 : Applique étroite issue de la fonte et à rivet(s) intégré(s) (fig. 350, n° 19 à 24) Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 593 A et B, sol de maison, fin XIIIe siècle vers 1365.  Rue Carreterie, Avignon : n° 342 à 344, contexte inconnu. Ces quelques appliques de dimensions variées comportent un rivet intégré et une contre-rivure circulaire plate, dans un cas peut-être concave (fig. 350, n° 22). Deux exemplaires du corpus (fig. 350, n° 19 et 20) arborent une dépression allongée le long de leurs grandes faces latérales et retiennent des fragments de tissu. Un ensemble de sept appliques irrégulières au profil trapézoïdal ou pentagonal, assez larges et d’épaisseur variable, a été trouvé sous le crâne d’un sujet immature sur le site de la place du commandant de la Motte Rouge à La Rochelle en Charente-Maritime3782. Ces appliques conservent des restes de cuir et deux rivets intégrés à contre-rivure. Un fragment de cuir est également attaché à deux appliques à l’avers bombé et dont l’extrémité des rivets est fortement matée3783. Ces dernières appliques proviennent, ainsi qu’une pièce isolée à l’avers bombé et deux autres spécimens de section triangulaire dont un comporte un gradin au milieu de chaque côté, d’un atelier métallurgique parisien du second quart du XIVe siècle à l’emplacement de l’hôtel de Mongelas à Paris3784. Une autre applique trouvée sur le site de Billingsgate lorry park à Londres appartient à un contexte de la seconde moitié du XIVe siècle3785. Très différent des autres artefacts décrits, il est beaucoup plus large qu’épais et décoré alternativement de champs rectangulaires unis et à quadrillage oblique issus de la 3781 Par support nous entendons la portion d’os préparée dans laquelle les objets sont élaborés. Sept artefacts complets, L x l = 1,3 x 0,5 à 1,6 x 0,7 cm (Berthon (dir.) 2013, p. 72-73, n° 101 à 107). 3783 Deux objets complets, L x l = 1 x 0,45 et 0,65 x 0,4 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B1, n° 90 et 99). 3784 Un individu complet, L x l = 0,8 x 0,4 cm, deux pièces incomplètes en mauvais état, L x l = 1,9 x 0,65 et 1,2 x 0,85 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B1, n° 97 et 98). 3785 Pièce complète, L x l = 3 x 0,4 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 213, n° 1143). 3782 830 3. Approche croisée du mobilier archéologique fonte. Une applique à l’avers ondulé sur toute la longueur et gravée de trois longues lignes incisées provient d’un contexte des XIVe - XVe siècles du site de Wolvesey Palace à Winchester dans le Hampshire3786. Type H7 : Applique étroite en tôle plate formant un anneau et à rivet(s) traversant (fig. 358, n° 6) Vaucluse  Place de la Principale, Avignon : n° 157, datation inconnue. Ce type d’applique est constitué d’une tôle plate pliée dont les extrémités sont traversées par le même rivet. Dans le corpus, deux exemplaires retiennent la barre d’une applique de type AA (fig. 358, n° 6). Deux spécimens sont fixés à un fragment de courroie de cuir trouvé dans un dépotoir de la première moitié du XIVe siècle à Saint-Denis en SeineSaint-Denis. Ils sont accompagnés de deux appliques de type D5. L’élément qui devait être retenu par les appliques de type H7 a disparu3787. Type I : Applique étroite régulière à œillet (fig. 350, n° 24) Bouches-du-Rhône  Les Thermes, Aix-en-Provence : n° 4, terres de jardin, Époque moderne ou contemporain. L’applique provençale, vraisemblablement en position résiduelle, est légèrement arrondie à ses extrémités. Les contraintes ayant entraîné la courbure de l’objet ont cassé la paroi de l’œillet central. Les deux autres perforations sont occupées par des restes de rivet en fer. Un sol de cuisine de la seconde moitié XIVe - première moitié XVe siècle du site de Viking Hall à Waltham Abbey dans l’Essex a fourni une applique aux longs côtés surbaissés décorés3788. Une occupation de la première moitié XIIIe - seconde moitié XVe siècle du 3786 Applique complète, L x l = 3,7 x 0,65 cm (Hinton 1990i, p. 544, n° 1384). Deux pièces complètes, L x l = 0,9 x 0,35 cm (Leconte 2011, p. LXXVI, n° 11-218-165). 3788 Objet complet, L x l = 1,7 x 0,7 cm (Huggins 1976, p. 115, fig. 41, n° 13). Le décor aurait été appliqué avec une roulette pour faire des cannelures, d’après l’auteur. L’usage de cet instrument pour 3787 831 3. Approche croisée du mobilier archéologique village déserté de Rattray dans l’Aberdeenshire a livré une pièce isolée à la forme très arrondie3789. Six appliques à la section analogue à une pièce de type H3 (fig. 350, n° 12), décorées de zigzags gravés sur les facettes latérales concaves, à deux rivets traversant, sont encore positionnées à intervalles réguliers sur une lanière de cuir très étroite – de même largeur que les appliques – mise au jour à Londres dans un contexte daté vers 1270 - vers 13503790. Quelques contre-rivures sont conservées. Les œillets des appliques ne se superposent pas à des œillets pratiqués dans le cuir. Le rapport longueur/largeur de ces appliques est supérieur à celui fixé pour une appartenance au groupe des appliques étroites, mais leurs autres caractéristiques les rapprochent du type I. Aux données archéologiques peuvent être ajoutées quelques données iconographiques. Des appliques de type I sont figurées à la ceinture d’une Sainte martyre sculptée vers 13281329 pour la clôture de la chapelle de Navarre à la collégiale de Mantes (fig. 163). Elles apparaissent également sur la ceinture d’un Pleurant du tombeau de Philippe le Hardi sculpté à la fin du XIVe siècle ou au début du XVe siècle (fig. 167). Sur la base des données archéologiques et iconographiques disponibles, une datation typologique des appliques de type I correspondant au XIVe siècle peut être proposée. Type J : Applique étroite à élargissement(s) sans œillet (fig. 350, n° 25 à 30 ; fig. 351, n° 1 à 6) Cinq sous-types sont établis pour le type J. Les critères pris en compte sont la forme de l’objet, la technique de fabrication, le moyen de fixation. Les trois premiers sous-types (J1 à J3) regroupent des appliques aux extrémités élargies à rivets traversant, les deux suivants (J4 et J5) des appliques à élargissement central et à rivets traversant. L’emploi d’une tôle plate ne se rencontre que pour le sous-type J1. Les pièces des sous-types J2 et J4 sont en tôle emboutie, celles des sous-types J3 et J5 sont issues de la fonte. Des appliques de type J fabriquées à partir d’une tôle enroulée formant un tube ou un demi-tube aplati aux extrémités élargies sont connues à Winchester dans le Hampshire. Elles le travail du métal n’est aucunement prouvé pour le Moyen Âge. Ce décor a plus probablement été obtenu par la fonte ou par poinçonnage. 3789 Spécimen complet, L x l = 2,9 x 1,1 cm (Goodall 1993, p. 192, fig. 40, n° 202). 3790 Six appliques complètes, L x l = 0,75 x 0,5 à 0,8 x 0,65 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 211, n° 1132). 832 3. Approche croisée du mobilier archéologique ont été trouvées dans des contextes de première moitié/milieu Xe siècle, de seconde moitié Xe - XIe siècle, du XIIIe siècle et de seconde moitié XIIIe - XIVe siècle3791. Les appliques de type J à rivet intégré sont absentes du corpus et pratiquement inexistantes dans la bibliographie rassemblée. Un exemplaire aurait été retrouvé sur une lanière de cuir longue de 16,8 cm et large de 0,9 cm d’après G. Leconte3792. Huit perforations pratiquées dans le cuir à intervalles réguliers accueillaient peut-être des pièces similaires. Une autre applique, dorée, à extrémités en forme de feuille provient d’un contexte du XIVe siècle sur le site de Brook Street à Winchester3793. Les appliques repliées, déjà signalées lors de l’étude du type H, n’ont pas encore fait l’objet de découverte en Provence. Elles sont utilisées dans le cadre d’appliques composites de suspension à anneau, type absent du corpus provençal, ou d’appliques composites de suspension à barre (type AA). Type J1 : Applique étroite en tôle plate, à extrémités élargies et à rivet(s) traversant (fig. 350, n° 25) Bouches-du-Rhône  Église abbatiale Saint-Victor, Marseille : n° 879, H.S. L’applique marseillaise a été découpée dans une épaisse tôle de métal. Elle est traversée à ses extrémités élargies par deux rivets en fer dont un est fragmentaire Un objet plat mais assez épais découvert dans un niveau daté entre le milieu du XVe siècle et la première moitié du XVIe siècle sur le site du village médiéval de Wharram dans le Yorkshire pourrait appartenir au type J13794. 3791 Hinton 1990i, p. 543, n° 1366, 1367, 1372, 1373. Leconte 2002, p. LXXXV, n° 26-416-204. La qualité inégale des observations incite à la prudence. Par exemple, l’artefact n° 26-416-54 de type H3 est identifié comme ayant un rivet intégré (Leconte 2002, p. LXXVIII, n° 26-416-54) alors qu’il se révèle avoir un rivet traversant (Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 54). 3793 Objet complet, L x l = 4,2 x 0,8 cm (Hinton 1990i, p. 543-544, n° 1377). 3794 Spécimen complet, L x l = 1,8 x 1 cm (Goodall 1979, p. 112, n° 86). 3792 833 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type J2 : Applique étroite en tôle emboutie, à extrémités élargies et à rivet(s) traversant (fig. 350, n° 26) Var  Castrum de Paracol, Le Val : n° 3, H.S. Cet objet en tôle emboutie, incomplet, arbore une cannelure près de son extrémité élargie traversée par un rivet. Une applique identique a été récupérée hors stratigraphie sur le site de Saint-Martin à Chabrillan dans la Drôme3795. Cinq artefacts au corps de section triangulaire, aux extrémités ovales perforées, ont été découverts lors d’opérations archéologiques à Londres. Le plus ancien est daté du second tiers du XIIIe siècle et retient deux rivets en fer3796. Les autres pièces appartiennent à des niveaux datés vers 1270 - vers 13503797. L’une d’elles est fixée à un fragment de lanière de cuir3798. Type J3 : Applique étroite issue de la fonte, à extrémités élargies et à rivet(s) traversant (fig. 350, n° 27 à 30) Bouches-du-Rhône  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : n° B5600937, couche de destruction, postérieur milieu XIVe siècle.  Alcazar, Marseille : n° 116, lentille de sable ou grande fosse, XIIe siècle.  Motte de la Plaine de la Grande Bastide, Saint-Paul-lès-Durance : n° s.n. 2, sol, première moitié XIIIe siècle. Vaucluse  Rue Banasterie, Avignon : n° 10, datation inconnue. Deux de ces quatre objets comportent un corps de section bombée (fig. 350, n° 28 et 30), un autre un corps de section quadrangulaire (fig. 350, n° 29) et le dernier un corps de section triangulaire (fig. 350, n° 27). Les extrémités de cette dernière pièce sont bombées. 3795 Artefact incomplet, L x l = 2 x 0,5 cm (Rolland 2006, p. 426, n° 100). Pièce presque complète, L x l = 2,5 x 0,4 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 213, n° 1147). 3797 Objet complets, L x l = 1,3 x 0,75 et 2,95 x 0,6 et 3,3 x 0,8 et 3,35 x 0,7 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 213, n° 1148, 1151 à 1153). 3798 Applique complète, L x l = 2 x 0,7 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 213, n° 1149). 3796 834 3. Approche croisée du mobilier archéologique L’artefact trouvé sur le site de l’Alcazar (fig. 350, n° 28) conserve un rivet à contre-rivure circulaire concave. Il est doré sur toutes ses faces. Des appliques très allongées, au corps bombé ont été trouvées à Saint-Denis en SeineSaint-Denis. Un exemplaire provient d’un comblement de fosse du XIIIe siècle3799, un autre d’un remblai du premier quart du XIIIe siècle3800. Celui-ci arbore une cannelure près de chaque extrémité à l’image de ce qui est visible sur un objet du corpus de type J2 (fig. 350, n° 26). Les appliques à corps de section triangulaire du corpus et de la bibliographie ont des extrémités peu élargies3801. Un objet (N.D.S.) trouvé sur le site du château de Montségur en Ariège3802 comporte au revers une ligne creuse rejoignant les deux ouvertures pour les rivets. Peut-être est-ce un moyen pour l’artisan d’économiser un peu de métal lors de chaque fonte. Les extrémités sont beaucoup plus développées sur une applique au corps de section quadrangulaire livrée par un contexte du XVe - début XVIe siècle du site du castello della motta di Savorgnano à Povoletto dans la province d’Udine en Italie3803. Un spécimen daté des environs de 1200 et trouvé sur le site de High Street B à Southampton présente une section peu commune : elle consiste en deux triangles accolés3804. Signalons également une applique dont la partie centrale élargie est cannelée. Elle fut trouvée dans un contexte daté entre le XIVe siècle et 1772 du site de l’ancienne église de Bliesbruck3805. Des appliques de type J3 formées d’une tige terminée par des palmettes3806 ou des fleurs de lys3807 sont connues à la fin du Moyen Âge en Angleterre. Toutes les appliques du 3799 Artefact complet, L x l = 3,3 x 0,4 cm (Leconte 2002, p. LXXIX, n° 16-2036-18 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 7). 3800 Pièce complète, L x l = 2,4 x 0,35 cm (Leconte 2002, p. LXXXIV, n° 23-140-4 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 5). 3801 France, Isère : deux exemplaires complets, L x l = 1,1 x 0,3 et 3,3 x 0,65 cm ; un spécimen incomplet, L x l = 3 x 0,5 cm, village minier de Brandes-en-Oisans (fin XIIe - XIVe siècle), Alpe d’Huez (Bailly-Maître 1983, p. 87, pl. I.7, n° 1, 5 et 23 ; Bailly-Maître et Bruno Dupraz 1994, p. 128) ; Jura : un individu complet, L x l = 1,3 x 0,5 cm, XIIIe - XIVe siècle, château de Pymont, Villeneuvesous-Pymont (Jeanjacquot 1993, p. 108, fig. 70, n° 1982). Royaume-Uni, Grand Londres : artefact complet, L x l = 2,25 x 0,5 cm, vers 1270 - vers 1350, Swan Lane, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 213, n° 1150). 3802 Individu complet, L x l = 2,2 x 0,6 cm (Czeski 1990, p. 400, n° 62 S2 89). 3803 Applique incomplète, L x l = 2,5 x 0,5 cm (Piuzzi et al. 2003, p. 80). 3804 Spécimen complet, L x l = 2,8 x 0,5 cm (Harvey et al. 1975, p. 254, fig. 240, n° 1707). 3805 Artefact complet, L x l = 2,2 x 1 cm (Vianney et al. 2012, fig. 48, n° EGL 145-1). 3806 Royaume-Uni, Hampshire : objet complet, L x l = 4,5 x 1,05 cm, XIIIe siècle, château de Portchester (Hinton 1977b, p. 204, n° 80) ; spécimen complet, L x l = 4,5 x 1,05 cm, XIVe - XVe siècle, Wolvesey Palace, Winchester (Hinton 1990i, p. 544, n° 1383) ; Southampton : individu complet, L x l = 5,35 x 1 cm, probablement fin du Moyen Âge, spécimen complet, L x l = 4,4 x 1 cm, vers 1550 - vers 1650, High Street B, Southampton (Harvey et al. 1975, p. 260, fig. 242, n° 1783 et 835 3. Approche croisée du mobilier archéologique type J3 signalées jusqu’à présent sont symétriques par rapport à leur centre. Ce n’est pas le cas d’un objet en forme de flèche mis au jour dans un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle à Londres3808. La plus ancienne applique médiévale de type J3 fut trouvée à Marseille dans un contexte daté du XIIe siècle. Nous proposons, sur la base des données étudiées, une apparition de ce type à la fin du XIIe siècle et une utilisation jusqu’à la première moitié du XIVe siècle. Type J4 : Applique étroite en tôle emboutie, élargie en son centre et à rivet(s) traversant (fig. 351, n° 1 et 2) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1763, remblai pour l’installation d’un sol, vers 1285 - vers 1309/1315 ; n° 2953, sol de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375. Ces deux appliques en tôle emboutie comportent une partie centrale plus large et plus haute que les extrémités. L’artefact le plus petit (fig. 351, n° 1) n’est traversé que d’un unique rivet. Une applique d’aspect assez proche – les extrémités sont plus allongées – a été mise au jour au château de Peyrepertuse à Duilhac-sous-Peyrepertuse dans l’Aude3809. L’exemplaire incomplet (fig. 351, n° 2) arbore deux arcs de cercle composés de petits rectangles en relief. Les extrémités de l’objet comportent des plis agencés en forme d’éventail. Chaque extrémité est perforée pour le passage d’un rivet. Une applique très oxydée et à unique rivet traversant provient d’une démolition de bâtiment de la première moitié du XIVe siècle sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher3810. Un autre exemplaire est issu d’un niveau du milieu et de la seconde moitié du XVe siècle sur le site de Brook Street à Winchester dans le Hampshire3811. 1859). Ces appliques rappellent des pièces romaines aux extrémités triangulaires. Se reporter par exemple à Barruol et Barruol 1960 (p. 112-117) pour des exemplaires trouvés dans une sépulture de la nécropole de Saint Andéol à Mazan dans le Vaucluse. Au-delà de l’analogie de forme, il paraît peu probable que le mobilier antique ait exercé une quelconque influence sur le mobilier plus tardif. Nous voyons dans cette relation un exemple des pièges qui peuvent conduire à de mauvaises interprétations. 3807 Royaume-Uni, Wiltshire : pièce en cuivre argenté au mercure (analyses de composition) complète, L x l = 4,5 x 2,2 cm, Bradford-upon-Avon (La Niece 1990, p. 109, pl. XXV, b). 3808 Objet complet, L x l = 4,5 x 0,9 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 215, n° 1163). 3809 Artefact complet, L x l = 1,4 x 0,6 cm (Barrère 2000, p. 224). 3810 Exemplaire complet, L x l = 1,3 x 1 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 101, n° 2747). 3811 Individu incomplet avec un rivet en fer, L x l = 2 x 1,2 cm (Hinton 1990i, p. 544, n° 1382). 836 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les appliques de type J4 sont attestées dans les documents rassemblés pour l’étude entre le dernier quart XIIIe/premier quart XIVe siècle et le troisième quart du XIVe siècle. Type J5 : Applique étroite issue de la fonte, élargie en son centre et à rivet(s) traversant (fig. 351, n° 3 à 6) Les appliques de type J5 du corpus sont classées en trois sous-types établis en tenant compte de la forme des extrémités et de l’élargissement central. Une pièce aux élargissements ovoïdes tant aux extrémités qu’au centre constitue le sous-type J5a. Les autres sous-types contiennent les appliques aux extrémités en forme de fleur de lys et à élargissement central ovoïde (J5b) ou quadrangulaire (J5c). Les appliques à extrémités fleurdelisées sont à mettre en parallèle avec une applique en cuivre argenté au mercure de type J3 découverte à Bradford-upon-Avon dans le Wiltshire au Royaume-Uni3812 et avec un spécimen provenant d’alluvions du Croult à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis3813, datés respectivement de la seconde moitié du XIVe siècle et du premier quart du XVe siècle. L’élargissement central ovoïde de l’objet dionysien est parsemé de points en relief. Les extrémités sont en forme de fleur de lys. Une applique obtenue par la fonte, dorée sur la face avers, trouvée en position résiduelle dans un remblai du XVIIIe siècle sur le site de l’Alcazar à Marseille comporte également des extrémités fleurdelisées (fig. 351, n° 6). Son mode de fixation reste indéterminé. Elle ne comporte aucune trace d’un rivet intégré. Il est ici fait mention de cette applique à cause de sa proximité de forme avec des pièces des sous-types J5b et J5c. Une ceinture de soie appartenant au trésor de Colmar dans le HautRhin, enfoui vers 1348, est décorée d’appliques en argent doré et émaillé de rouge de type J, à rivets intégrés, constituées d’un cartouche portant l’inscription AMOR prolongé sur chacun de ses petits côtés par une fleur de lys3814. Ces appliques alternent avec des pièces de type O. Une applique unique en son genre a été trouvée à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis. Elle est issue d’un remblai d’inhumation du XIVe siècle 3815 . Le corps ainsi que 3812 Pièce complète, L x l = 4,5 x 2,2 cm (La Niece 1990, p. 109, pl. XXV, b). Artefact complet, L x l = 1,3 x 0,75 cm (Leconte 2002, p. XCVI, n° 26-410-4 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 57). 3814 Plusieurs exemplaires complets, L x l = 3,8 x 0,8 cm (Fingerlin 1971, p. 422, n° 358 ; Descatoire (dir.) 2007, p. 78, n° 42). 3815 Spécimen complet, L x l = 1,45 x 0,3 cm (Leconte 2002, p. LXXXIV, n° 16-2182-1 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 42). 3813 837 3. Approche croisée du mobilier archéologique l’élargissement central rectangulaire sont entièrement cannelés. Les extrémités ovoïdes élargies sont vierges de décor. Type J5a : Applique étroite issue de la fonte, en matériau blanc, à élargissements ovoïdes nus et à deux rivets traversant (fig. 351, n° 3) Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 2198, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. L’objet en matériau blanc présente une partie centrale ovoïde et bombée, légèrement creuse au revers, prolongée par deux tiges terminées par des excroissances ovales et percées pour le passage des rivets. Un objet en alliage cuivreux d’aspect analogue (H.S.), mais de plus petite taille, est issu du château de Montségur en Ariège3816. Les tiges et les élargissements sont nus pour des appliques en argent doré fixées sur une ceinture de soie conservée dans le couvent de Las Huelgas à Burgos dans la province du même nom en Espagne3817. Plusieurs d’entre elles sont terminées par un anneau qui retient un arceau trilobé. Elles font partie d’appliques de type AA. La ceinture provient de la sépulture de l’infant Fernando de la Cerda mort en 1275. La pièce d’Avignon peut être rapprochée d’un lot d’appliques comportant un élargissement central bombé décoré de bossettes disposées de manière à former un quadrillage oblique ou vertical. Des exemplaires non datés par la stratigraphie ont été mis au jour au château de Peyrepertuse à Duilhac-sous-Peyrepertuse dans l’Aude3818, au château de Montségur en Ariège3819. Deux spécimens furent trouvés sur le site de Trainecourt (XIIIe XVe siècle) à Grentheville dans le Calvados3820, deux autres dans une occupation extérieure et dans un dépotoir de la première moitié du XIVe siècle sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher3821. Un autre objet provient d’un remblai du XVe siècle à Saint-Denis en 3816 Exemplaire complet, L x l = 1,65 x 0,85 cm (Dagain et Laffont 1975, p. 15, n° TC/116). Plusieurs pièces complètes, L x l = 3,4 x env. 0,8 cm (Fingerlin 1971, p. 331, n° 61). 3818 Spécimen complet, L x l = 1,7 x 0,9 cm (Barrère 2000, p 224-225, fig. 148, n° 30). 3819 Artefact complet, L x l = 2 x 1,1 cm (Czeski 1981, p. 195, 196, n° 29/69). 3820 Deux objets complets, L x l = 1,6 x 1,4 cm (Vivre au Moyen Âge 2002, n° 202). 3821 Spécimen complet, L x l = 1,6 x 1 cm, exemplaire complet, L x l = 1,6 x 0,8 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 101, n° 2473 ; p. 105, n° 489). 3817 838 3. Approche croisée du mobilier archéologique Seine-Saint-Denis3822. Sur trois appliques londoniennes de la seconde moitié du XIVe siècle3823, le quadrillage à travers lequel sont organisées les bossettes est mis en évidence par des lignes creuses. Onze appliques en argent doré ont été trouvées dans un trésor daté vers 1220-1230 à Dune dans le Gotland en Suède3824. Les tiges sont cannelées. Type J5b : Applique étroite issue de la fonte, en alliage cuivreux, aux extrémités en forme de fleur de lys et à élargissement central ovoïde, à rivet(s) traversant (fig. 351, n° 4) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 332, premier tiers XIVe siècle. Les extrémités de l’applique, abîmée par l’oxydation, sont terminées par des fleurs de lys stylisées traversées par un rivet. L’élargissement central est ovoïde. Il présente une bordure bombée qui encercle une zone décorée de huit dépressions cylindriques disposées autour d’une dépression centrale. Type J5c : Applique étroite issue de la fonte, en alliage cuivreux, aux extrémités en forme de fleur de lys et à élargissement central quadrangulaire, à rivet(s) traversant (fig. 351, n° 5) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1992, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. De même que pour l’applique du type J5b, les extrémités de cet artefact sont en forme de fleur de lys. Les deux rivets n’ont pas été conservés. L’élargissement central est rectangulaire et comporte deux dépressions allongées. 3822 Individu complet, L x l = 1,8 x 1 cm (Leconte 2002, p. LXXXIV-LXXXV ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 44). 3823 Trois pièces complètes, L x l = 1,6 x 1 et 1,9 x 0,9 et 2,2 x 1,2 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 213, n° 1160 à 1162). 3824 Dix exemplaires complets et un incomplet, L x l = 2,4/2,7 x 0,65 cm (Fingerlin 1971, p. 448, n° 468). 839 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type K : Applique étroite à élargissement(s) et à œillet (fig. 351, n° 7 à 11) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 363 A, comblement de tranchée de fondation, XIIIe siècle. Bouches-du-Rhône  Alcazar, Marseille : n° 75, foyer, fin XIIIe - début XIVe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1243, troisième tiers XIVe siècle.  Petit palais, jardin ouest, Avignon : n° 257, niveau de destruction de maisons, vers 1365.  Rue Carreterie, Avignon : n° 345, contexte inconnu. Les appliques du corpus ont toutes été obtenues par la fonte. Leur élargissement central est bombé. Le revers est concave à cet endroit pour deux exemplaires (fig. 351, n° 10 et 11). Deux autres pièces comportent un élargissement et un bombement des extrémités (fig. 351, n° 7 et 8). Celles-ci présentent chacune un rivet complet avec une extrémité fortement écrasée. Les appliques de type K fabriquées par fonderie sont fréquentes dans la bibliographie. Une applique trapue de petite taille, d’aspect proche d’une pièce avignonnaise (fig. 351, n° 9), a été retrouvée hors contexte au château d’Essertines à Essertines-Basses dans la Loire3825. Sept objets sur une lanière de cuir – elle conserve également l’empreinte de cinq exemplaires du même type – ont été mis au jour lors des fouilles du village médiéval de Brandes-enOisans (fin XIIe - milieu XIVe siècle) à l’Alpe d’Huez en Isère3826. Une pièce un peu plus anguleuse et allongée provient d’un remblai non datable du cimetière du Saint-Sépulcre à Parthenay dans les Deux-Sèvres3827. Les pièces allongées aux extrémités bien distinctes de l’excroissance centrale (fig. 351, n° 10 et 11) sont relativement nombreuses dans la bibliographie3828. Quarante-deux pièces en matériau blanc sont rivetées à une courroie de soie 3825 Objet complet, L x l = 1,4 x 0,65 cm (Maccari-Poisson 1992, p. 149). Deux objets complets et cinq incomplets, dimensions moyennes : L x l = 1,15 x 0,5 cm (BaillyMaître et Bruno Dupraz 1994, p. 128). 3827 Artefact complet, L x l = 2,8 x 0,9 cm (Fourteau Bardaji 1989, p. 36, n° 22045-1). 3828 France, Ariège : un objet complet, L x l = 2,1 x 0,9 cm, N.D.S., château de Montségur (Czeski 1981, p. 195, 196, n° 74/65 ; Archéologie 1990, p. 222, n° 460) ; Calvados : pièce complète, L x l = env. 1,7 x env. 0,45 cm, Trainecourt (XIIIe - XVe siècle), Grentheville (Vivre au Moyen Âge 2002, 3826 840 3. Approche croisée du mobilier archéologique issue d’un niveau de la première moitié du XIVe siècle du site de Statenplein à Dordrecht en Hollande-Méridionale aux Pays-Bas3829 Quelques variations d’aspect assez rares sont observées. Les extrémités d’un spécimen découvert dans un niveau de démolition du XIIIe siècle du site de la Baume à Châteauneuf-sur-Isère sont bilobées3830. Des appliques analogues, en tôle emboutie, à contre-rivure circulaire sont disposées le long d’un fragment de courroie en cuir un peu moins large que les appliques mises au jour dans un niveau daté vers 1270 vers 1350 du site de Baynard House à Londres3831. Les extrémités sont losangiques pour 25 appliques en argent appartenant à un trésor exhumé à Graz dans la province de Styrie en Autriche et comportant également une boucle de type D5 à chape de type A5 avec laquelle elles ont pu être associées3832. De petites bossettes encadrent les extrémités d’un exemplaire mis au jour dans un niveau de construction de la première moitié du XIVe siècle sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher3833. L’œillet est encadré de renflements tréflés. Notons que des appliques de type K, embouties, ont été retrouvées dans un dépotoir de la seconde moitié du XIIIe siècle sur le site de la ZAC Avaricum3834, dans un niveau du dernier tiers XIIIe - première moitié XIVe siècle du site de Swan Lane à Londres3835. p. 214) ; Cher : un artefact complet, L x l = 1,3 x 0,7 cm, démolition de bâtiment, première moitié XIVe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 101, n° 181) ; Jura : trois appliques complètes, L x l = 1,4 x 0,7 et 1,8 x 0,8 et 2,2 x 0,9 cm, XIIIe - XIVe siècle, château de Pymont, Villeneuve-sous-Pymont (Jeanjacquot 1993, p. 108, fig. 70, n° 1994, 1992, 1988) ; Oise : un exemplaire complet, L x l = 1,7 x 0,5 cm, ferme du XIVe siècle, hameau du « Bellé », Neuilly-enThelle (Legros 2001, n° 109) ; Paris : un spécimen complet, L x l = 2,9 x 1,3 cm, XVe - XVIIIe siècle, couvent et monastère de l’Ave Maria, Paris (Bouëtiez de Kerorguen 1996, p. 163, fig. 6, n° 5) ; SeineSaint-Denis : quatre objets issus de remblais et comblements du XIIIe siècle, un spécimen provenant d’une démolition du XIVe siècle, un artefact trouvé dans un remblai de la première moitié du XIVe siècle, une applique découverte dans un comblement des XIVe - XVe siècles du Croult, les six autres pièces sont hors contexte ou proviennent de remblais modernes et sont en position résiduelle (Leconte 2002, p. LXXXV-LXXXVIII ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 21, 60 et 62). Royaume-Uni, Grand Londres : deux individus complets, L x l = 3,2 x 0,65 cm, seconde moitié XIIe siècle, Billingsgate lorry Park, L x l = 3,15 x 0,8 cm, vers 1270 - vers 1350, Swan Lane, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 211, n° 1154 et 1158) ; Hampshire : une applique complète, L x l = 1,9 x 0,55 cm, milieu seconde moitié XIIIe siècle, Brook Street, Winchester (Hinton 1990i, p. 543, n° 1371) ; Scottish Borders : un objet complet, L x l = 1,5 x 1,15 cm, vers 1138 - vers 1300, abbaye de Jedburgh (Caldwell 1995a, p. 85, n° 29). 3829 La plupart des objets sont complets, L x l = 1,5 x 0,5 cm (Willemsen et Ernst 2014, p. 27, n° 20). 3830 Exemplaire complet, L x l = 1,5 x 0,6 cm (Rolland 2006, p. 425, n° 90). 3831 Six appliques complètes et la traces de dix autres, L x l = 1,1 x 0,7 cm (Egan et Pritchard 2002², p. 217, n° 1182 et 1183). 3832 Dix spécimens complets, L x l = 1,1 x 0,4 cm (Fingerlin 1971, cat. n° 97). 3833 Pièce complète, L x l = 1,4 x 1,2 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 101, n° 2567). 3834 Artefact complet, L x l = 1,6 x 0,9 m (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 101, n° 2550). 3835 Applique complète à deux rivets à contre-rivures circulaires qui leur seraient brasées, L x l = 1 x 0,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 211, n° 1155). 841 3. Approche croisée du mobilier archéologique La bibliographie rapporte la découverte de nombreuses appliques dont les « tiges » reliant les extrémités élargies et l’élargissement central sont cannelées. Quelques pièces sont le résultat d’une découpe et d’un emboutissage au moyen d’un emporte-pièce3836, mais la plupart ont été obtenues par la fonte3837. Une sépulture datée au plus tard de 1302 dans la cathédrale Santa Reparata à Florence a fourni un ensemble d’accessoires de la ceinture en or obtenus par la fonte : une boucle de type E4c à chape de type A5, un mordant de type A5, deux appliques de type K à cannelures et un anneau à double fenêtre trapézoïdale de type Q dont la traverse distale reprend exactement le motif des appliques susdites3838. Il s’observe dans la bibliographie quelques variations du modèle à tiges cannelées. Une applique trouvée au château de Montségur (N.D.S.) en Ariège présente ainsi un ensemble de trois petites bossettes entre l’élargissement central et les tiges3839. Un exemplaire provenant d’un contexte du XIIIe siècle du site de la Place des Halles à Troyes dans l’Aube montre un élargissement central en forme de croix de saint André3840. Ses deux rivets sont intégrés. Ils étaient peut-être également intégrés pour une pièce sans décor et trapue découverte dans un remblai de cimetière remanié du XVe siècle à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis3841. 3836 France, Aude : quatre pièces incomplètes, L x l recons. = 2,4/2,6 x 0,7/1 cm, deux artefacts complets, L x l = 1,9 et 2,6 x 0,7 cm, N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 224, fig. 148, n° 19 à 21, 26 à 28) ; Vosges : un objet incomplet, L recons x l = 1,9 x 0,8 cm, vers 1250 - vers 1500, château d’Épinal (Kraemer 2002, pl. 16, n° 8). 3837 France, Ariège : une pièce complète, L x l = 2 x 0,8 cm, N.D.S., château de Montségur (Czeski 1981, p. 195, 196 ; Archéologie 1990, p. 222, n° 461) ; Aube : une applique (fabriquée par la fonte ?), dimensions inconnues, J. Scapula date l’occupation des IXe - Xe siècles mais certains objets sont à l’évidence des XIe - XIIIe siècles, camp retranché « viking », Isle-Aumont (Scapula 1975, fig. 105) ; un spécimen complet, L x l = 1,9 x 0,9 cm, XIIIe siècle, place des Halles, Troyes (Lenoble et al. 1997, p. 66, fig. 57, n° 8) ; Aude : un individu incomplet, L x l recons. = 1,9 x 0,8 cm, un objet complet, L x l = 2 x 0,8 cm, N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 224, fig. 148, n° 24 et 25) ; Isère : deux artefacts complets, L x l = 1,4 x 0,5 et 1,75 x 0,75 cm, fin XIIe milieu XIVe siècle, village minier de Brandes-en-Oisans, Alpe d’Huez (Bailly-Maître 1983, p. 90, pl. I.8, n° 2 ; Bailly-Maître et Bruno Dupraz 1994, p. 128) ; un objet complet, L x l = 2,25 x 0,8 cm, remplissage d’une sépulture, début second quart XVe - fin XVe (?) siècle, église Saint-Laurent, Grenoble (Colardelle 1999, t. 2, p. 35 ; Colardelle 2008, p. 314) ; Vosges : un exemplaire complet, L x l = 1,7 x 0,55 cm, phase de construction, milieu XIIIe siècle, château d’Épinal (Kraemer 2002, pl. 16, n° 6). Royaume-Uni, Grand Londres : un individu complet, L x l = 1,8 x 0,6 cm et 2,2 x 0,7 cm, vers 1270 - vers 1350, Swan Lane, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 213, n° 1156 et 1157) ; Monmouthshire : une applique complète, L x l = 1,6 x 0,6 cm, XIXe siècle (résiduel), abbaye cistercienne, Tintern (Courtney 1989, p. 128). 3838 Dimensions inconnues (Buerger 1975, p. 206). 3839 Artefact complet, L x l = 2,65 x 0,7 cm (Czeski 1981, p. 195-196). 3840 Individu complet, L x l = 1,8 x 0,65 cm (Lenoble et al. 1987, p. 66). 3841 Spécimen incomplet, L x l = 1,45 x 0,8 cm (Leconte 2002, p. LXXXV, n° CON-210-5). Ainsi qu’il a déjà été signalé, il convient de garder une certaine prudence vis-à-vis des observations de l’auteure. 842 3. Approche croisée du mobilier archéologique Quelques individus aux tiges cannelées comportent, dans l’alignement d’une des extrémités, un crochet dont la base était traversée par le rivet de l’extrémité3842. L’anneau semi-ovale ainsi créé permettait la suspension d’un ou plusieurs liens retenant des objets. Ce type d’applique a aussi pu être employé dans le cadre d’une applique composite de type AA ou d’une applique composite à anneau de suspension. Ce dernier modèle est absent du corpus provençal mais attesté par une applique en argent doré, aux extrémités et au centre élargis, disposée sur une ceinture de soie conservée au musée national de Copenhague au Danemark. L’anneau trapézoïdal comporte des bosses grenetées aux angles. L’élargissement central de l’applique est également gréneté. Des appliques similaires mais sans anneau sont placées à intervalles réguliers le long de la courroie3843. Les appliques de type K aux extrémités et au centre élargis s’observent régulièrement dans les peintures ou sculptures. Elles apparaissent dès le milieu du XIIIe siècle, par exemple à la ceinture du gisant en pierre de Margaret de Gloucester produit en Normandie3844, à la ceinture d’une possible statue de Clovis provenant du Moutiers-Saint-Jean en Côte-d’Or (fig. 314), à la ceinture de la statue en pierre peinte du margrave Ekkehard érigée dans le chœur occidental de la cathédrale de Naumburger en Allemagne (fig. 337). Les appliques de type K de la statue de Clovis alternent avec des appliques de type M. Deux d’entre elles sont terminées par un recourbement réceptionnant les extrémités d’une barre de suspension. Cet assemblage constitue une applique de type AA. D’autres appliques de type K sans crochet terminal sont figurées à la ceinture d’une Vierge à l’Enfant en ivoire réalisée vers 1310 - vers 1330 (fig. 165). Des pièces légèrement différentes s’observent à la ceinture d’un gisant de Robert d’Artois sculpté par Jean Pépin de Huy vers 1317 - 1320 et placé dans la cathédrale de Saint-Denis à Saint-Denis (fig. 338). Les extrémités des appliques sont prolongées latéralement par des appendices. L’ensemble des données disponibles permet d’attribuer aux appliques de type K un usage entre la fin du XIIe siècle et la fin du XIVe siècle. 3842 France, Ariège : une applique complète, L x l = 2,2 x 0,75 cm, N.D.S., château de Montségur (Czeski 1981, p. 195-196, n° 39/65) ; Aude : un objet incomplet, L x l = 2,3 x 0,7 cm, N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 224, fig. 148, n° 23) ; Seine-SaintDenis : un artefact complet, L x l = 2,05 x 0,55 cm, XIVe - XVe siècle, Saint-Denis (Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 61). 3843 Fingerlin 1971, p. 363, n° 126. 3844 Leconte 2002, fig. 40. 843 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type L : Applique angulaire à plus de quatre côtés (fig. 351, n° 12 et 13) Les appliques de type L du corpus sont classées en deux sous-types établis selon des critères de forme et de technique de fabrication. Les artefacts en tôle plate en forme de chevron appartiennent au sous-type L1. Les pièces en tôle emboutie polygonales régulières à plus de quatre côtés sont regroupées dans le sous-type L2. Les appliques angulaires avec plus de quatre côtés ne sont pas particulièrement courantes, ni très diversifiées. Aux modèles précédents peuvent être ajoutés des objets issus de la fonte composés d’une partie quadrangulaire et de deux excroissances trapézoïdales percées pour le passage de rivets. Des exemplaires de ce type à décor héraldique ont été trouvés au château de Peyrepertuse (N.D.S.) dans l’Aude3845, sur la commune de Merviel en Ariège et lors des fouilles de la place Camille Jullian à Bordeaux d’après M. Barrère3846. À Saint-Denis en Seine-Saint-Denis, une applique pentagonale en tôle imprimée à l’avers d’une étoile à six branches pattées en relief a été ramassée hors contexte3847. Type L1 : Applique en tôle plate en forme de chevron (fig. 351, n° 12) Var  Château d’Ollioules, Ollioules : n° 6a et 6b, couche d’effondrement, fin XVe siècle ; n° 5, remblai, fin XVe siècle - ? Les appliques du corpus sont toutes en tôle. Trois exemplaires identiques en forme de chevron (ex : fig. 351, n° 12) ont été trouvés sur le même site. Une pièce en forme de chevron, de petite taille, avec deux rivets traversant – un près de la pointe, l’autre à une extrémité –, provient d’un contexte des XIVe - XVe siècles du site du cloître du groupe épiscopal d’Autun en Saône-et-Loire3848. Un artefact composé de deux chevrons accostés a été trouvé dans un remblai du XVe siècle du site de l’église du Saint-Sépulcre à Parthenay dans les Deux-Sèvres3849. 3845 Barrère 2000, p. 227. Ibid., p. 227. 3847 Artefact complet, L x l = 1,6 x 1,5 cm (Leconte 2002, p. XCIII, n° 16-1500-7 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 18). 3848 Individu complet, L x l = 1,5 x 1,3 cm (Bourgogne 1987, p. 98, n° 137). 3849 Exemplaire complet, L x l = 3,2 x 1,4 cm (Fourteau Bardaji 1989, p. 36). 3846 844 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type L2 : Applique en tôle emboutie polygonale régulière à plus de quatre côtés (fig. 351, n° 13) Vaucluse  Petit palais, jardin ouest, Avignon : n° 1712, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Un objet avignonnais hexagonal, en tôle emboutie, a vraisemblablement comporté un rivet intégré au revers (fig. 351, n° 13). Une applique hexagonale en tôle emboutie provient d’un niveau superficiel du site du château des Armoises à Richardménil en Meurthe-etMoselle3850. Elle comporte six facettes latérales trapézoïdales et une facette sommitale hexagonale avec une perforation circulaire. La base de deux facettes latérales opposées comporte une petite perforation. Peut-être le mode de fixation et donc peut-être aussi son emploi ont-ils été modifiés au cours du temps ? Une applique octogonale obtenue par fonderie et avec un rivet traversant provient d’un remblai de construction du XVIe siècle du site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher3851. Une applique hexagonale en tôle plate a été trouvée dans un contexte de la seconde moitié du XIVe siècle du site de Billingsgate lorry park à Londres3852. Des niveaux datés entre le dernier tiers XIIIe - première moitié XIVe siècle et la première moitié du XVe siècle du même site ont livré des appliques octogonales en tôle plate ou emboutie avec une perforation pour un rivet. Un individu présente un décor de deux rangées de bossettes concentriques, un second porte un œillet, un troisième objet est surmonté d’une applique de type A7a dont le rivet intégré permet la fixation de l’ensemble3853. Le musée national de Copenhague conserve une applique octolobée, au décor embouti constitué d’une fleur dont les cinq pétales à bossettes sont intégrés dans un cercle, mise au jour au château de Naesholm au Danemark 3854. 3850 Artefact complet, d x h = 1,3 x 0,5 cm (Guarascio et Giuliato 2007, p. 169, n° 459-CA-5007) Objet complet, L x l = 2 x 2 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 105, n° 197). 3852 Spécimen complet, L x l = 1,3 x 1,3 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 207, n° 1124). 3853 Se reporter à G. Egan et F. Pritchard (dir.) 2002² (p. 205 à 207) pour plus de précisions sur ces objets. 3854 Pièce complète, d = 1,6 cm (Fingerlin 1971, n° cat. 132). 3851 845 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type M : Applique polylobée sans œillet (fig. 353 et 354) Les critères pris en compte pour la classification typologique du type M sont la technique de fabrication et le moyen de fixation. Les pièces à rivet(s) traversant sont rassemblées dans les sous-types M1 à M4, celles à rivet(s) intégré(s) dans les sous-types M5 à M7. Le sous-type M8 regroupe les artefacts dont le mode de fixation n’est pas un rivet. Les objets des sous-types M1, M5 et M8 sont fabriqués à partir d’une tôle plate, les spécimens des sous-types M2 et M6 sont en tôle emboutie. Les appliques obtenues par fonderie appartiennent aux sous-types M3 et M7. Seul le sous-type M4 répertorie les exemplaires fabriqués par la taille. Signalons qu’un fragment de moule en pierre pour fabriquer des appliques a été retrouvé dans un niveau des XVe - XVIe siècles au château de Rathsamhausen à Ottrott dans le Bas-Rhin3855. Le mode de fixation de ces appliques ne semble pas pouvoir être déterminé au vu des empreintes. Le manteau de l’Enfant Jésus de Sarnen est décoré de petites appliques hexalobées en tôle d’argent doré emboutie perforées pour le passage des fils de tissu pour la fixation par couture (fig. 318). Les pétales et la zone centrale sont concaves. Ces objets sont à rapprocher des appliques de type M2. Les appliques composites sont absentes des fouilles provençales. Trois exemplaires d’un modèle en alliage cuivreux ont été trouvés dans un contexte de la première moitié du XVe siècle du site de Billingsgate lorry park à Londres. Ils sont constitués d’une pièce octolobée à ajour octolobé issue de la fonte et d’une tôle octogonale plate fixée au revers au moyen des deux rivets qui traversent l’objet et qui permettent sa fixation3856. Un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle du même site a fourni une applique constituée de trois tôles en fer étamé superposées, polylobées et embouties, traversées en leur centre par un rivet3857. Toujours à Londres, une applique mise au jour en position résiduelle dans un contexte très tardif (vers 1770 - vers 1900) sur le site d’Abbots Lane est constituée d’une tôle hexalobée aux lobes et au bouton central bombé servant de support à une pièce en matériau blanc obtenue par la fonte3858. Le rivet passe au travers de la tôle inférieure pour assurer la fixation. 3855 Vivre au Moyen Âge 1990, p. 430, n° 3.41. Trois objets dont au moins un complet, d = 1,25 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 195, n° 1040-1042). 3857 Artefact incomplet, d max = 5 cm (Clark (dir.) 2004², p. 54, n° 11). 3858 (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 40, n° 135). 3856 846 3. Approche croisée du mobilier archéologique Quelques appliques signalées dans la bibliographie n’ont pu être classées, parce que le dessin ou la photo disponible est d’une qualité insuffisante, ou lorsque l’iconographie est absente, parce que la description est trop imprécise3859. Une de ces appliques est rivetée à une chape de type C3 découverte dans un remblai des XVe - XVIIe siècles dans le couvent et monastère de l’Ave Maria à Paris3860. Le catalogue d’I. Fingerlin répertorie plusieurs exemples de chapes de type A5 ou B53861 et de mordants de type indéterminé3862 comportant une applique, généralement de type M. Les appliques du corpus ou de la bibliographie ont presque toujours un nombre pair de lobes : il est généralement de six. Les formes polylobées ne sont pas seulement communes dans les accessoires du costume, elles se rencontrent également par exemple dans l’ameublement ou sur des reliures : la couverture du registre AA 2 des archives communales d’Aix-en-Provence comporte en son centre une applique hexalobée dont la partie centrale est emboutie (fig. 328). Une applique d’ameublement en fer pentalobée (datation non disponible) provient des fouilles du village de Cencelle. Chaque lobe ainsi que le centre de la face avers sont décorés d’un petit bombement obtenu au repoussé3863. Les appliques de type M sont absentes de l’iconographie provençale mais apparaissent hors de Provence très tôt dans le XIIIe siècle. Elles sont quadrilobées et alternent avec des appliques de type K sur la ceinture d’un roi Clovis provenant de Moutiers-Saint-Jean en Côte- 3859 France, Aube : forme de l’objet et technique de fabrication non renseignés (Lenoble et al. 1997, p. 66) ; Bas-Rhin : technique de fabrication inconnue, Château de Hohenfels, Dambach (Vivre au Moyen Âge 1990, fig. 3.120) ; Calvados : absence de description (fonte, emboutissage ?), Trainecourt, Grentheville (Vivre au Moyen Âge 2002, notice 199) ; Cher : absence de dessin, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 105, n° 255) ; Hérault : absence de description, verrerie forestière de La Seube, Claret (Lambert 1983, fig. 49, n° 102) ; Indre-et-Loire : absence de description (décor : fonte, poinçonnage ?), collégiale de Saint-Mexme, Chinon (Motteau 2006, n° 71, 84, 85, 89, 91, 98, 99, 102, 103, 113, 115, 116, 120, 124, 144 ; Husi et al. 1990, p. 157) ; Paris : absence de description et dessin imprécis, couvent et monastère de l’Ave Maria (Bouëtiez de Kerorguen 1996, p. 163, fig. 6, n° 19) ; Seine-Saint-Denis : la détermination des techniques de fabrication par l’auteure est souvent incorrecte or, celle-ci n’a pu être vérifiée pour plusieurs objets, ceux-ci n’ayant pas été publiés dans Thomas 2009, t. 3, annexe B2, Saint-Denis (Leconte 2002, p. LXVIII-LXX, n° 10-139-2, 21-170-2, URS-184-1, 11-2403-4, 16-363-3, 26-415-70). Espagne, province d’Alicante : objet plat ?, castillo de la Torre Grossa, Jijona (Azuar Ruiz 1985, p. 105, n° 7095). Italie, province de Florence : photo de mauvaise qualité, objet en matériau blanc ?, cathédrale Santa Reparata, Florence (Buerger 1975, p. 208). Royaume-Uni, Dumfries and Galloway : absence de dessin, complexe abbatiale de Whithorn et Saint-Ninian (Nicholson 1998b, p. 375-376, fig. 10.61, n° 2). 3860 Applique complète, d = 1,9/2,1 cm (Bouëtiez de Kerorguen 1996, p. 163, fig. 6, n° 20). 3861 Fingerlin 1971, cat. n° 143 (Hohhausmusem de Lauterbach), n° 477 (musée archéologique de Strasbourg). 3862 Fingerlin 1971, cat. n° 236 (British Museum de Londres), n° 599 (ancienne collection Enlart). 3863 Objet complet, d x h = 2,5/3 x 1,3 cm (Bouvet 1999, p. 67). 847 3. Approche croisée du mobilier archéologique d’Or (fig. 314). Elles sont également quadrilobées et alternent avec des appliques de type J aux extrémités et au centre élargis sur la ceinture du roi Childebert sculpté entre 1239 et 1244 sur le trumeau de la porte du réfectoire de l’abbaye bénédictine de Saint-Germain-des-Près à Paris (fig. 214). L’une d’elles est rivetée à une chape, qui pourrait être de type A5, liée à une boucle de type J. Or, dans le corpus, une chape de type A5 liée à une boucle de type E5 comporte une applique quadrilobée à ajours de type M1 (fig. 204, n° 8). Des appliques hexalobées de type M2 sont fixées à une chape de type A5 provenant du château de Montségur (N.D.S.) en Ariège3864, à une chape de type A5 reliée à une boucle de type E3b découverte dans un niveau des XIIIe - XIVe siècles du palais ducal de Fécamp en SeineMaritime3865, à une chape de type B5 issue d’un niveau londonien de la seconde moitié du XIVe siècle3866. La ceinture de Joseph d’Arimathie dans la Mise au Tombeau en bois peint de la seconde moitié du XVe siècle conservée dans l’abbaye Saint-Pierre de Moissac (fig. 242) est décorée d’appliques polylobées aux pétales relevés et au bouton central bombé. La ceinture d’une sainte Femme appartenant au même groupe sculpté présente des ornements similaires (fig. 339). Des appliques (?) hexalobées sont figurées en bordure de l’encolure d’une courte cape couvrant les épaules d’Anna Schäfer peinte par Hans Asper en 15383867. Les appliques polylobées apparaissent régulièrement à la ceinture dans l’iconographie mais elles ne sont pas non plus absentes du harnachement : plusieurs d’entre elles sont figurées sur un cheval peint dans la Mappa mundi de la cathédrale d’Héréford réalisée vers 1300 (fig. 321). Type M1 : Applique polylobée en tôle plate et à rivet(s) traversant (fig. 204, n° 8 ; fig. 353, n° 1 et 2) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL 92.04.09, H.S.  Motte de la Plaine de la Grande Bastide, Saint-Paul-lès-Durance : n° 519, sol, première moitié XIIIe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1228, comblement de dépression, seconde 3864 Artefact complet, L x l = 1,1 cm, château de Montségur (Archéologie 1990, p. 217, n° 433). Exemplaire complet, d = 0,55 cm (Renoux 1987, p. 36) 3866 Applique complète, L x l = 3,3 x 1,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 76, n° 520). 3867 Reproduction dans Fingerlin 1971, p. 343, n° 376. 3865 848 3. Approche croisée du mobilier archéologique moitié XIVe siècle. Les trois appliques en alliage cuivreux du corpus sont quadrilobée (fig. 204, n° 8), hexalobée (fig. 353, n° 2) ou octolobée (fig. 353, n° 1) et comportent une unique perforation pour la fixation. Celle-ci a été réalisée du revers vers l’avers pour les pièces isolées ainsi que l’indique la déformation des bords. De fines incisions divisent l’applique en pétales sur l’exemplaire octolobé (fig. 353, n° 1). La face avers du spécimen hexalobé (fig. 353, n° 2) a été imprimée pour faire apparaître des pétales. Ils sont très légèrement concaves. L’applique quadrilobée, à ajours circulaires, a été découpée au moyen d’un ciseau ou de cisailles ainsi que l’atteste le contour, anguleux par endroits. Elle est fixée par un rivet au milieu de la chape de type A5 d’une boucle de type E5 (fig. 204, n° 8). Un motif de bossettes encerclant les ajours a été imprimé depuis la face avers. L’emplacement de l’applique sur la chape était prévu dès l’origine ainsi que le montre l’arrêt du décor en zigzags de la chape à proximité de l’applique. La bibliographie de comparaison rapporte la découverte d’appliques avec un unique rivet traversant, en alliage cuivreux et trilobées3868, quadrilobées3869, pentalobées3870 ou hexalobée3871, en fer et hexalobée3872 ou octolobée3873, en alliage cuivreux, hexalobée et avec 3868 France, Seine-Saint-Denis : deux objets incomplets, d = 1,3 cm, remblai d’inhumation (en cours de datation au moment de la publication), d = 1,3/1,9 cm, sol de plâtre, XVIIe - XVIIIe siècle, SaintDenis (Leconte 2002, p. XC, n° 15-892-2 et 16-278-1). 3869 France, Aude : spécimen complet, d = 1,5 cm, N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhac-sousPeyrepertuse (Barrère 2000, p. 224, fig. 148, n° 15) ; Cher : individu complet, d = 1,5 cm, H.S., ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 105, n° 2554) ; Côte-d’Or : deux objets complets dont un avec contre-rivure, d = 1,5 cm, ferme du XIVe siècle, Grange du Mont, Charny (Beck 1989, p. 73) ; Seine-Saint-Denis : applique complète, d = 1,3 cm, remblai, XVIIe siècle, exemplaire complet, d = 0,9 cm, remblai de voirie, XIVe siècle, spécimen incomplet, d = 1,3 cm, H.S., Saint-Denis (Leconte 2002, p. LXVII-LXVII, n° 16-222-1, 16-4009-8, 11-1000-6). 3870 Artefact complet, d = 1 cm, occupation, première moitié XIIIe siècle, Saint-Denis (Leconte 2002, p. LXIX, n° 21-170-2 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 2). 3871 France, Cher : applique à l’intégrité inconnue, d = 1,8 cm, occupation de maison, première moitié XIVe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 104, n° 2516) ; Côte-d’Or : exemplaire complet, d = 1,1 cm, couche d’occupation de bâtiment du XIVe siècle, village médiéval de Dracy, Baubigny (Abramowicz et al. 1970, fig. 102, n° 4) ; Jura : un possible artefact incomplet, d = 1 cm, un individu complet, d = 1,4/1,6 cm, XIIIe - XIVe siècle, château de Pymont, Villeneuve-sousPymont (Jeanjacquot 1993, p. 108, fig. 70, n° 1880 et 1979). Royaume-Uni, Scottish Borders : pièce fragmentaire, d = 1,5 cm, vers 1138 - vers 1300, abbaye de Jedburgh (Caldwell 1995b, p. 85, n° 28) ; Worcestershire : spécimen complet, d = 1,8 cm, seconde moitié XIVe - première moitié XVe siècle, Bordesley abbey, Redditch (Astill 1993, p. 191, fig. 88, n° CA 138). 3872 Italie, province de Udine : artefact complet, d = 1,8/1,9 cm, castello di Zuccola (XIIIe - XIVe siècle), Cividale del Friuli (Favia 1992, p. 272, n° 34). 3873 Suisse, canton d’Argovie : pièce incomplète, d = 2,55/2,7 cm, N.D.S., la datation proposée dans la publication est typologique, château de Wartburg (Meyer 1974, p. 83, n° C 99). 849 3. Approche croisée du mobilier archéologique deux rivets traversant3874. Deux appliques hexalobées de type M1 en alliage cuivreux dont une reçoit l’ardillon d’une boucle en fer de type D2, une applique de type G, deux boucles de type B4 et des fragments d’une bourse en cuir ont été retrouvés dans une sépulture des XVe - XVIe siècles de l’église Saint-Pierre à Tournai dans la province du Hainaut en Belgique3875. Une applique quadrilobée est utilisée dans le cadre d’un mordant composite de type F trouvé dans un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle à Londres3876. Les pétales sont distingués par des incisions sur plusieurs spécimens en alliage cuivreux hexalobés3877 ou heptalobés3878. Des pièces arborent un décor gravé ou poinçonné plus complexe. Une zone circulaire à l’intérieur des quatre lobes d’un objet provenant du site de Trainecourt (XIIIe - XVe siècle) à Grentheville dans le Calvados est poinçonnée d’ocelles3879. Une applique quadrilobée trouvée dans un contexte daté vers 1270 - vers 1350 du site de Swan Lane à Londres est gravée de quatre lobes intégrés dans un rectangle3880. Des quarts de cercle sont incisés entre ces rectangles et le bord de l’applique dont ils suivent le contour. D’après les données rassemblées, le type M1 est vraisemblablement en usage durant les XIIIe et XIVe siècles et le début du XVe siècle. Type M2 : Applique polylobée en tôle emboutie et à rivet(s) traversant(s) (fig. 353, n° 3 à 26) Bouches-du-Rhône  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : n° B5600924 et B5600940, couche de destruction, postérieur milieu XIVe siècle. 3874 France, Isère : individu complet, d = 2,2 cm, village minier de Brandes-en-Oisans (fin XIIe milieu XIVe siècle), Alpe d’Huez (Bailly-Maître 1983, p. 84, pl. I.6, n° 10). 3875 Deux artefacts dont au moins un incomplet, d = 2,55 cm (Verslype 1999a, p. 177, n° 3 et 4). 3876 Royaume-Uni, Grand Londres : artefact complet, L totale x l totale = 1,9 x 0,9 cm, applique : L x l = 0,9 x 0,9 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², n° 733). 3877 France, Côte-d’Or : spécimen complet, d = 1,3 cm, couche d’occupation d’un bâtiment, fin XIIIe/début XIVe siècle - milieu XVe siècle, village déserté de Dracy, Baubigny (Abramowicz et al. 1970, fig. 102, n° 5 ; Piponnier 1975b, p. 159, fig. 12, n° 2) ; Royaume-Uni, Grand Londres : objet incomplet, d = 1,4 cm, vers 1270 - vers 1350, Swan Lane, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 186, n° 949) ; Southampton : artefact complet à contre-rivure quadrangulaire plate, d = 1,6 cm, XIVe siècle, Aberg, West Street, Southampton (Harvey et al. 1975, p. 258, fig. 241, n° 1757). 3878 Royaume-Uni, Grand Londres : exemplaire complet, d = 2,1 cm, seconde moitié XIVe siècle, Billingsgate lorry park, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 192, n° 1031). 3879 Objet complet ?, L x l = 1,6 x 2,05 cm (Vivre au Moyen Âge 2002, notice 202). 3880 Applique incomplète, d = 4 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 184, 186, n° 939). 850 3. Approche croisée du mobilier archéologique Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1912, sol de bâtiment, n° 1460, sol de grotte, milieu XIIIe - vers 1285 ; n° 852, niveau de destruction cendreux, n° 1493, couche d’occupation avec déchets de cuisine, n° 3634, couche de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 60, sol de bâtiment, vers 1345 - vers 1360 ; n° 992, couche d’occupation, n° 2568, sol de zone de circulation, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 370, 1687, 1917, 2533 et 3361, sols de bâtiments ou de zones de circulation, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1225, fin XIIIe ou première moitié XIVe siècle ; n° 1272, premier tiers XIVe siècle ; n° 1230, première moitié XIVe siècle ; n° 1233, N.D.S. ; n° 1235, datation inconnue.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 691 et 2124, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400 ; n° 552, comblement de tranchée de fondation, vers 1481 ; n° 648, comblement de fosse d’Époque moderne.  Quartier de la Balance, Avignon : n° 1a et 1b (pièces identiques), H.S.  Rue Carreterie, Avignon : n° 346, contexte inconnu. La très grande diversité des objets de type M2, constatée dans le corpus et dans la bibliographie, rend extrêmement difficile toute tentative d’affinement de la typologie. Nous n’avons pas souhaité nous engager dans cette voie dans le cadre de cette thèse. La plupart des appliques en alliage cuivreux du corpus paraissent avoir été fabriquées avec un emporte-pièce. Les opérations d’emboutissage et de découpe étaient réalisées simultanément avec cet outil. Pour d’autres exemplaires en alliage cuivreux (fig. 353, n° 5 à 9 et 14) et en fer (fig. 353, n° 16), quelques irrégularités montrent qu’ils étaient découpés à la main avec un ciseau ou des cisailles. Des pièces de type M2 trouvées à Londres et dont la fabrication n’a pas été menée à son terme permettent d’en comprendre le mode de production. Trois d’entre elles appartiennent à des contextes de la seconde moitié du XIVe siècle, une quatrième a été récupérée hors stratigraphie3881. L’un de ces objets (fig. 331) illustre le fait que l’emboutissage se faisait sur une portion de tôle rectangulaire découpée au plus près des dimensions de la future applique de façon à minimiser la quantité de déchets. La découpe de 3881 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 190, n° 1004 à 1006, 1014. 851 3. Approche croisée du mobilier archéologique l’applique était ensuite réalisée au ciseau en suivant les contours de la portion de tôle mise en forme. Les appliques de type M2 comportent généralement un unique rivet traversant en alliage cuivreux, rarement deux (fig. 353, n° 7) ou trois (fig. 353, n° 6 et 14). Le rivet est à tête bouletée dans quelques cas (fig. 353, n° 11, 21 et 23). Il retient parfois une contre-rivure circulaire plate (fig. 353, n° 11) ou concave (fig. 353, n° 4, 17 et 19). Les pièces les moins complexes sont simplement bombées (fig. 353, n° 3 et 7). La bibliographie en rapporte des exemplaires quadrilobés3882, pentalobés3883 et hexalobés3884 à un seul rivet traversant. De fines dépressions peuvent diviser l’applique en pétales (fig. 353, n° 4). Sur des appliques londoniennes à un3885 ou deux rivets3886 majoritairement datables du XIVe siècle, c’est un pli de la tôle qui joue ce rôle. Toutefois, la plupart des appliques comportent des pétales ou lobes bombés indépendamment les uns des autres3887. Quelques spécimens à unique rivet traversant en alliage cuivreux et quadrilobés3888, hexalobés (fig. 353, n° 6)3889, octolobés3890 ou décalobés3891, en fer étamé et quadrilobés3892, ne comportent pas de 3882 France, Seine-Saint-Denis : artefact complet, d = 1,9 cm, H.S., Saint-Denis (Leconte 2002, p. LXVII-LXVII, n° 16-2000-16). 3883 France, Seine-Saint-Denis : spécimen complet, d = 1,7 cm, alluvion du Croult, XIVe - XVe siècle, Saint-Denis (Leconte 2002, p. LXXI, n° 26-420-110 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 12). 3884 Italie, province de Grosseto : objet incomplet, d = 4,7 cm, dépotoir, XIVe siècle, Castel di Pietra, Gavorrano (Belli 2002, p. 155-156) 3885 Six pièces complètes ou incomplètes, d = 1,4 à 1,9 cm, seconde moitié XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 187, n° 952 et 957). 3886 Trente exemplaires complets ou incomplets, d = 1,4 à 2,3 cm, entre vers 1270 - vers 1350 et la première moitié du XVe siècle ou hors stratigraphie (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 187-188, n° 958 à 985). 3887 Les numéros 1230 et 1272 (non dessinés) du site de l’Impasse de l’Oratoire à Avignon correspondent à des fragments de pétales bombés. 3888 Royaume-Uni, Dumfries and Galloway : artefact complet, d = 1,3/1,5 cm, antérieur à 1455, château de Threave (Caldwell 1981, p. 107, fig. 10, n° 17). 3889 France, Ariège : individu presque complet, d = 1,6 cm, N.D.S., château de Montségur (Archéologie 1990, p. 222, n° 459) ; Côte-d’Or : exemplaire complet, d = 1,2 cm, couche d’occupation de bâtiment, XIVe siècle, artefact complet, d = 1,4/1,5 cm, couche d’occupation de bâtiment, fin XIIIe/début XIVe - milieu XIVe siècle, village médiéval de Dracy, Baubigny (Abramowicz et al. 1970, fig. 102, n° 1 et 2 ; Piponnier 1975b, p. 159, fig. 12, n° 2 et 3) ; Paris : ébauche sans perforation, d = 0,95 cm, second quart XIVe siècle, atelier métallurgique, Hôtel Mongelas, Paris (Thomas 2009, t. 3, annexe B1, n° 87). Royaume-Uni, Dumfries et Galloway : applique incomplète, d recons. = env. 1,8 cm, seconde moitié XIVe - première moitié XVe siècle, cité monastique de Whithorn and Saint Ninian (Nicholson 1998b, p. 371, fig. 10.61, n° 3) ; Southampton : spécimen incomplet, d = 3,4/3,5 cm, seconde moitié XIIIe siècle, Wacher B1, Southampton (Harvey et al. 1975, fig. 240, n° 1731) ; Worcestershire : exemplaire complet, d = 1 cm, milieu XIVe/seconde moitié XIVe - première moitié XVe siècle, Bordesley abbey, Redditch (Astill 1993, p. 191, fig. 278). 3890 Royaume-Uni, Grand Londres : deux artefacts complets et un incomplet, d = 1,5 et 1,7 cm, vers 1270 - vers 1350, Swan Lane, une applique complète, d = 2,3 cm, seconde moitié XIVe siècle, Billingsgate lorry park, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 194, n° 1034 à 1037). 852 3. Approche croisée du mobilier archéologique bouton central bombé mais l’inverse est plus fréquent (fig. 353, n° 8 et 14). Cette caractéristique est visible sur un artefact en alliage cuivreux issu du comblement d’une fosse de seconde moitié XIVe - début XVe siècle sur le site du prieuré de Nottonville en Eure-etLoir3893, sur un artefact en fer étamé daté de la seconde moitié du XIVe siècle trouvé sur le site Billingsgate lorry park à Londres3894. Une applique trilobée à rivet traversant trouvée dans un niveau daté vers 1630 - vers 1650 sur le site d’Abbots Lane à Londres comporte en outre une forte masse de brasure au revers3895. Était-elle brasée à une pièce métallique ? Il s’observe de multiples variations dans le nombre de lobes, le diamètre des lobes et du bombement central, la hauteur de ces différents éléments. Cette diversité est accentuée par des différences dans la composition : concavité au centre des lobes (fig. 353, n° 8 et 9, 18 et 20), motif en étoile plus ou moins prononcé (fig. 353, n° 17 à 20), adjonction de motifs de feuilles (fig. 353, n° 21 à 24) ou de bossettes (fig. 353, n° 25 et 26), ajourage (fig. 353, n° 26). La bibliographie de comparaison rapporte la découverte d’appliques en alliage cuivreux à lobes ou pétales bombés et avec une partie centrale au bombement plus prononcé. Ces appliques sont quadrilobées3896, hexalobées3897, octolobées3898, décalobées3899, 3891 Italie, province de Palerme : artefact complet, d = 2,4 cm, niveau de rue, milieu XIVe siècle, village médiéval de Brucato (Pesez (dir.) 1984, p. 531, n° 13.3.11). 3892 Royaume-Uni, Grand Londres : cinq exemplaires, d = 1,1 cm, seconde moitié XIVe siècle, Baynard House, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 186, n° 943). 3893 Applique complète, d = 2,2 cm (Racinet (dir.) 2006, p. 484, n° 15). 3894 Artefact complet, d = 1,7 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 192, n° 1019). 3895 Pièce complète, d = 4 cm (Egan 2005, p. 40, n° 132). 3896 Royaume-Uni, Yorkshire : objet complet, d x h = 0,95 x 0,35 cm, seconde moitié XVe - première moitié XVIe siècle, village médiéval, Wharram (Goodall 1979, p. 111). 3897 France, Loire : pièce complète, d = 1/1,15 cm, XIVe siècle, château d’Essertines, EssertinesBasses (Maccari-Poisson 1992, p. 149) ; Paris : une applique incomplète et une ébauche avec tentative de perforation, d = 0,95 cm, second quart XIVe siècle, atelier métallurgique, Hôtel de Mongelas (Thomas 2009, t. 3, annexe B1, n° 86). Royaume-Uni, Dumfries et Galloway : applique complète, d = 1 cm, sépulture, vers 1250 - vers 1600, objet complet, dimensions inconnues, occupation, seconde moitié XIVe - première moitié XVe siècle, spécimen complet, d = 1,4 cm, contexte technique, vers 1250 - vers 1600, cité monastique de Whithorn and Saint Ninian (Nicholson 1998b, p. 371, fig. 10.61, n° 4 à 6) ; Édimbourg : spécimen incomplet, d = 1 cm, post-réforme, cathédrale Saint-Gilles, Édimbourg (Franklin et Collard 2006, p. 54, fig. 40, n° 4) ; Grand Londres : artefact complet, d = 1,6 cm, seconde moitié XIVe siècle, Billingsgate lorry park (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 190, n° 1007) ; Yorkshire : individu complet avec contre-rivure circulaire concave, d = 1,2 cm, première moitié XVe siècle, applique complète, d = 1,45 cm, seconde moitié XVe - première moitié XVIe siècle, village médiéval, Wharram (Goodall 1979, p. 111, n° 28). 3898 France, Vosges : pièce complète, d = 1,25 cm, vers 1500 - vers 1650, château d’Épinal (Kramer 2002, pl. 16, n° 2). Italie, province de Chieti : trois appliques complètes et cinq appliques plus ou moins complètes, d = env. 1,2 à 1,3 cm, cimetière de San Stefano (XIIIe - XIVe siècle), Casalbordino (Tulipani 2001, p. 332, n° 16). Royaume-Uni, Grand Londres : deux exemplaires, d = 1,5 et 1,6 cm, 853 3. Approche croisée du mobilier archéologique dodécalobée3900 à un seul rivet de fixation, hexalobée à deux rivets traversant3901. Quelquesunes ont été employées comme support pour des branlants en forme de feuille mis au jour dans un niveau des XVe - XVIe siècles au château de Rathsamhausen à Ottrott dans le BasRhin3902. Des ébauches d’appliques hexalobées à pétales bombés et avec ou sans bombement central, vraisemblablement fabriquées au moyen d’un emporte-pièce, ont pu être identifiées lors de la fouille d’un atelier métallurgique du second quart du XIVe siècle à l’emplacement de l’hôtel Mongelas à Paris3903. Parmi les appliques à pétales et zone centrale bombée, la concavité du centre des lobes est un caractère moins fréquent dans la littérature archéologique consultée : des exemplaires quadrilobés3904 ou hexalobés3905 à unique rivet traversant avec cette particularité furent découverts au Royaume-Uni. Cette singularité se retrouve sur deux objets hexalobés fixés à une chape : un exemplaire sur une chape de type A5 provenant du château de Montségur (N.D.S.) en Ariège3906, un spécimen sur une chape de type B5 issue d’un niveau londonien de la seconde moitié du XIVe siècle3907. Peut-être pouvons-nous y ajouter un individu sur une chape de type A5 reliée à une boucle de type E3b découverte dans un niveau des XIIIe - XIVe siècles du palais ducal de Fécamp en Seine-Maritime3908. Toutefois, la nature exacte du relief de l’applique reste incertaine. seconde moitié XIVe siècle et première moitié XVe siècle, Billingsgate lorry park, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 195, n° 1038 et 1039). 3899 France, Ariège : spécimen complet, d = 1,2 cm, N.D.S., château de Montségur (Czeski 1990, p. 398, n° 109 T1 J 88) ; Aude : artefact incomplet, dimensions inconnues, occupation d’un bâtiment, XIIIe - XVe siècles, château de Montséret (Immel et Lapeyre 1980, pl. VIII) ; Deux-Sèvres : exemplaire complet, d x h = 2,4 x 0,4 cm, remblai, XVe siècle, église et cimetière du Saint-Sépulcre, Parthenay (Fourteau Bardaji 1989, p. 36, n° 21004-2). 3900 Royaume-Uni, Grand Londres : individu incomplet, d = 1,8 cm, seconde moitié XIVe siècle, Billingsgate lorry park (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 190, n° 1008). 3901 Royaume-Uni, Grand Londres : applique à l’état non renseigné, d = 1,5 cm, seconde moitié XIVe siècle, Billingsgate lorry park (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 190, n° 1012). 3902 Deux pièces complètes dont une avec son support, L x l = 1,85 x 1,7 cm, un individu incomplet sans son support, L x l = 1,15 x 0,45 cm (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 431, n° 3.47). 3903 Thomas 2009, t. 3, annexe B1, n° 86 et 87. Objets mentionnés dans les notes de bas de page précédentes. 3904 Royaume-Uni, Lincolnshire : exemplaire complet, d x h = 0,8 x 0,2 cm, H.S., village médiéval de Goltho (Goodall et al. 1975, p. 91, fig. 44, n° 27) ; Yorkshire : Objet complet, d x h = 0,95 cm, seconde moitié XIVe - milieu XVe siècle, village médiéval de Wharram (Goodall 1979, p. 112, n° 75) ; Worcestershire : d = 1 cm, Bordesley Abbey, Redditch (Astill 1993, p. 191, fig. 88, n° CA 252). 3905 Royaume-Uni, Southampton : Spécimen complet à contre-rivure circulaire concave, d = 1,4 cm, XVIe - XVIIe siècle, Wacher E1, Southampton (Harvey et al. 1975, p. 268, fig. 245, n° 1867). 3906 Artefact complet, d = 1,1 cm, château de Montségur (Archéologie 1990, p. 217, n° 433). 3907 Chape incomplète, L x l = 3,3 x 1,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 76, n° 520). 3908 Exemplaire complet, d = 0,55 cm (Renoux 1987, p. 36) 854 3. Approche croisée du mobilier archéologique D’autres éléments décoratifs peuvent être ajoutés aux appliques à pétales à concavités. Des bossettes sont disséminées sur toute la surface d’une applique hexalobéee extraite d’un contexte daté vers 1500 - vers 1650 du site du château d’Épinal dans les Vosges3909. Des appliques octolobées, toujours en alliage cuivreux, arborent un bombement supplémentaire à l’extrémité de chacun de leur lobe. Plusieurs exemplaires proviennent de la sépulture d’une jeune fille de 7 à 9 ans, datée par C14 entre 1318 et 1431, inhumée dans le cimetière du village médiéval de Quattro Macine à Giuggianello dans la province de Lecce en Italie3910. Ils ont été trouvés avec une boucle d’oreille, une boucle de ceinture de type E4d à chape de type A2b, un mordant de type D3, d’autres appliques de type P3 et des sertis en verre. Un autre artefact provient d’un remblai non daté de l’église Saint-Georges d’Hermance dans le canton de Genève en Suisse3911. Une applique hexalobée mise au jour dans un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle du site de Billingsgate lorry park à Londres comporte un bombement circulaire central très prononcé, deux pétales plats opposés portant chacun une perforation pour la fixation et quatre pétales plats hormis un petit bombement circulaire en leur milieu3912. Quelques appliques britanniques en alliage cuivreux à un seul rivet traversant ont la particularité de présenter deux rangées concentriques de bossettes embouties dont le nombre est identique au nombre de lobes. Chaque lobe contient une bossette de la rangée extérieure. La disposition des bossettes de la rangée intérieure est calquée sur celle de la rangée extérieure. Un individu hexalobé a été trouvé dans une phase d’abandon postérieure au XVe siècle du village médiéval de Wharram dans le Yorkshire3913. Un autre, dodécalobé, est issu d’un niveau de la seconde moitié du XVe siècle du site de Billingsgate lorry park à Londres3914. Du même site et d’un contexte de même datation provient une pièce en cours de fabrication (fig. 331) avec trois rangées de bossettes autour d’une bossette centrale3915. La rangée la plus proche du centre de l’applique ne comporte que six bossettes alors que les autres rangées en comportent douze. 3909 Objet incomplet, d = 2,1 cm (Kraemer 2002, pl. 16, n° 1). Applique complète, d = 1,6 cm (Arthur et al. 2008, p. 299). 3911 Artefact incomplet, d = 1,35 cm (Bonnet 1973, p. 92, n° 79). 3912 Applique complète, d = 3,3 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 190, n° 1010). 3913 Individu presque complet, d = 1,45 cm (Goodall 1979, p. 111, n° 29). 3914 Spécimen incomplet, d = 2,9 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 190, n° 1013). 3915 Artefact en cours de fabrication, L x l = 2,3 x 2,5 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 190, n° 1014). 3910 855 3. Approche croisée du mobilier archéologique D’autres modèles particuliers d’appliques ont été mis au jour dans des niveaux tardifs lors des fouilles du château de Rathsamhausen à Ottrott dans le Bas-Rhin. Vingt-sept artefacts à neuf lobes bombés entourant un anneau en relief et vingt-neuf objets à seize lobes entourant deux anneaux concentriques bombés proviennent d’un même contexte attribué à la première moitié du XVe siècle dans le catalogue de 1973 de J.-P. Rieb et C.-L. Salch3916, à la fin du XVe ou au début du XVIe siècle dans un catalogue daté de 19903917. Deux pièces à huit lobes bombés et à cercle de grènetis autour d’un bombement central proviennent d’un niveau des XVe - XVIe siècles du château d’Ortenbourg dans le Bas-Rhin3918. D’un niveau du XVIe siècle du même site provient une applique hexalobée dont les pétales et un hexagone central sont décorés d’une fleur à huit pétales et à bouton central bombés3919. De contextes du XVIe siècle des deux sites précédents sont issus des appliques à douze3920 et seize3921 lobes à décor de feuillage ou de fleurs. Des fleurs de lys rayonnant depuis le centre de l’applique sont représentées à l’intérieur des lobes d’artefacts en argent doré appartenant au trésor d’Erfurt dans le land de Thuringe en Allemagne, enfoui vers 1348-13493922. Trois perforations permettaient la fixation de ces appliques. Les appliques polylobées en fer sont peu courantes. Le corpus en comprend un exemplaire octolobé (fig. 353, n° 16) traversé par un clou de maréchalerie dont la pointe a été courbée pour former un crochet. Il s’agit ici très probablement d’un exemple de détournement de la fonction première de l’applique – seulement décorative – transformée dans un second temps en élément d’attache ou de suspension. Le type de support et la fonction de cet objet restent énigmatiques. Des appliques hexalobées en fer aux lobes et au centre bombés ont été mises au jour : un exemplaire récupéré hors stratigraphie au château d’Essertines à EssertinesBasses dans la Loire3923, quatre pièces étamées dans un contexte de la seconde moitié du XIVe siècle du site de Baynard House à Londres3924. Les spécimens anglais conservent une contrerivure plate de forme non renseignée. 3916 Quinze objets à neuf lobes, d = 0,8 cm, douze pièces à neuf lobes, d = 1 cm, vingt-neuf spécimens à seize lobes, d = 1,2 cm (Rieb et Salch 1973, n° 315 à 317) 3917 Vivre au Moyen Âge 1990, p. 431, n° 3.46. 3918 Appliques complètes, d = 1,2 et 1,5 cm (Rieb et Salch 1973, n° 320 et 321). 3919 Exemplaire complet, d = 1,6/1,7 cm (Rieb et Salch 1973, n° 332). 3920 Spécimen complet, d = 2,3 cm (Rieb et Salch 1973, n° 330). 3921 Individu complet, d = 2 cm (Rieb et Salch 1973, n° 329). 3922 Plusieurs artefacts complets, d = 2 cm, ils sont attribués à la première moitié du XIVe siècle (Descatoire (dir.) 2007, p. 88, n° 57). 3923 Pièce complète, d = 1,7/1,8 cm (Maccari-Poisson 1992, p. 149, fig. 108, n° 2). 3924 Spécimen complet, d = 1,1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 190, n° 1016). 856 3. Approche croisée du mobilier archéologique Plusieurs appliques en alliage cuivreux du corpus sont composées de trois ou quatre lobes séparés par des feuilles en amande (fig. 353, n° 21 à 23 ; fig. 358, n° 14 et 15) ou des feuilles dentelées (fig. 353, n° 24). Le centre des lobes est abaissé et laisse apparaître trois petits points, un gros point ou une étoile en relief. Quelques-unes de ces appliques sont utilisées pour constituer des appliques de type AB2 (fig. 358, n° 14 et 15). Une applique trilobée à feuilles en amande intercalées, avec un seul rivet traversant, provient du site du Troclar (XIIe - XIVe siècle) à Lagrave dans le Tarn3925. Les zones circulaires abaissées des lobes ne semblent contenir qu’un unique petit point, probablement en relief. Elles contiennent des étoiles à six branches sur une pièce londonienne tirée d’un contexte daté de la seconde moitié du XIVe siècle3926. Des appliques hexalobées de type M2 retrouvées en alternance avec des pièces de type S en forme de tête de femme sur une courroie de soie du trésor de Colmar dans le Haut-Rhin, enfoui vers 1348, comportent de petites feuilles s’échappant de la jointure des pétales3927. En Italie, la fouille du site du castello di Zuccola (XIIIe - XIVe siècle) à Cividale del Friuli dans la province d’Udine a fourni une grande applique en fer trilobée avec des triangles intercalés entres les lobes. Seule une portion circulaire centrale a été emboutie : elle est bombée3928. Chaque lobe comporte une perforation pour la fixation par rivetage. Deux autres appliques du corpus sont constituées de quatre lobes, ajourés (fig. 353, n° 26), ou à bordure bombée et avec une bossette en relief au centre de chaque lobe (fig. 353, n° 25). Les lobes sont séparés par des globules sans décor ou à quadrillage oblique. Ce quadrillage, résultat de l’emboutissage, se retrouve au centre du spécimen ajouré (fig. 353, n° 26). Outre les déchets de production d’appliques de type M2 trouvées à Londres et précédemment mentionnés, d’autres ébauches ont pu être identifiées lors de la fouille d’un atelier métallurgique du second quart du XIVe siècle à l’emplacement de l’hôtel Mongelas à Paris. Les données disponibles conduisent à proposer une datation typologique pour le type M2 s’étendant de la seconde moitié du XIIIe siècle à la première moitié du XVIe siècle, avec une diffusion beaucoup plus intense durant le XIVe siècle. Les appliques sans bombement central ainsi que les objets à feuilles et à bossettes intercalées avec les pétales ou les lobes nous semblent ne pas être produites plus tard que la première moitié du XVe siècle. Les 3925 Applique incomplète, d = 1,1 cm (Pousthomis-Dalle et al. 1997, p. 51, fig. 28, n° 6). Exemplaire complet, d = 2,1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 203, n° 1101). 3927 Nombreuses appliques complètes, d x e = 0,9 x 0,1 cm (Fingerlin 1971, p. 422, n° 359 ; Descatoire (dir.) 2007, p. 80, n° 45). 3928 Artefact presque complet, d = 3,5 cm (Favia 1992, p. 272, n° 32). 3926 857 3. Approche croisée du mobilier archéologique exemplaires tardifs découverts au château de Rathsamhausen à Ottrott et au château d’Ortenbourg et les pièces anglaises à rangs concentriques de bossettes illustrent l’apparition de nouvelles formes au cours du XVe siècle. Type M3 : Applique polylobée issue de la fonte et à rivet(s) traversant (fig. 353, n° 27 à 29 ; fig. 354, n° 1 à 4) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1224, premier tiers XIVe siècle ; n° 1226 et 1234, seconde moitié XIVe siècle ; n° 1227, datation inconnue.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 254, couche de dépotoir, vers 1350 - vers 1365 ; n° 1567, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400.  Rue Carreterie, Avignon : n° 28, N.D.S. Toutes les appliques du corpus sont hexalobées. Elles comportent deux (fig. 354, n° 2) ou généralement trois perforations occupées par des rivets en alliage cuivreux éventuellement à tête bouletée (fig. 354, n° 3) ou des rivets en fer (fig. 353, n° 27 et 28 ; fig. 354, n° 2). Une pièce ne présente aucune perforation pour rivet et aucune trace de brasure au revers qui aurait pu attester d’un rivet intégré ayant disparu (fig. 353, n° 29). Nous supposons qu’il s’agit d’une applique en cours de fabrication qui n’a pas été achevée. Une autre applique conserve des traces d’une couverte blanche (fig. 354, n° 4). Des lignes incisées (fig. 353, n° 29), des zigzags (fig. 354, n° 3) ou des dépressions issues de la fonte (fig. 353, n° 27 et 28 ; fig. 354, n° 4) distinguent les différents pétales des appliques du corpus. Plusieurs exemplaires sont décorés, un pétale sur deux, de zigzags angulaires (fig. 353, n° 29) ou de coups d’un poinçon circulaire bombé (fig. 353, n° 27 et 28). Des armoiries sont creusées sur un exemplaire à trois points de fixation (fig. 354, n° 1) : l’écu de gueules au chef emmanché3929 d’or est sommé d’un chapeau ecclésiastique à cordon terminé par une houppe. L’émail rouge est partiellement conservé. À l’exception d’une bordure en relief, les emmanches couvertes de dorure sont creusées de lignes obliques. Aucune trace d’émail n’a pu être observée sur le chapeau. 3929 L’« emmanché » est une partition constitué d’« emmanches », une « pièce honorable en forme d’angle aigu » (Wenzler 2002, p. 117, 162, n° 77). 858 3. Approche croisée du mobilier archéologique Une applique analogue à un exemplaire du corpus (fig. 354, n° 4) a été mise au jour au castrum de Ventajou à Félines-Minervois dans l’Hérault3930. Elle ne comporte cependant qu’une seule ouverture pour la fixation, au centre de l’objet. Une pièce hexalobée retrouvée dans une « construction » des XIIIe - XIVe siècles à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis présente une bande de deux rangs concentriques de grènetis autour de la perforation centrale occupée par un rivet3931. D’un niveau daté de seconde moitié XIVe - premier quart XVe siècle de Saint-Denis provient également une applique dont les six lobes, presque triangulaires, sont concaves3932. Plusieurs appliques dites « moulées » et concaves ou à pétales concaves sont issues de contextes variés datés de la seconde moitié du XIIIe siècle, de la première moitié du XIVe siècle et de la seconde moitié de ce même siècle du site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher3933. Sur le même site, la démolition incendiée d’un atelier métallurgique de la seconde moitié du XIVe siècle a fourni une pièce hexalobée à unique rivet traversant dont les lobes sont ajourés3934. Les appliques de type M3 sont, compte tenu des données rassemblées dans le cadre de cette étude, susceptibles d’être datées de la seconde moitié du XIIIe siècle à la fin du XIVe siècle. Type M4 : Applique polylobée issue de la taille et à rivet(s) traversant (fig. 354, n° 5 et 6 ; fig. 358, n° 9)3935 Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 391, premier tiers XIVe siècle.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1956 et 2073, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Les trois appliques du corpus sont en nacre. Leur petite taille ne permet pas de déterminer visuellement le type de coquillage utilisé. Ces appliques hexalobées sont pourvues 3930 Objet complet, d = 2,55/2,75 cm (Loppe 2006, p. 340). Artefact complet, d = 1,1 cm (Leconte 2002, p. LXIX, n° 21-245-1 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 46). 3932 Exemplaire complet, d = 1,2 cm (Leconte 2002, p. LXX, n° 26-408-53 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 56). 3933 Objets complets et incomplets, d = 0,9 à 1,3 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 102, n° 5386, p. 103, n° 182, 185, 290, 391, p. 104, n° 398). 3934 Spécimen complet, d = 2 cm (Frondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 104, n° 2533). 3935 L’analyse technique de ces objets a été réalisée par M.-A. Chazottes, doctorante au LA3M. 3931 859 3. Approche croisée du mobilier archéologique d’une perforation centrale pour la fixation. Des incisions réalisées sur l’avers depuis le bord externe vers le centre des pièces soulignent chacun des lobes et créent ainsi des pétales. Une incision circulaire supplémentaire a été pratiquée pour une pièce utilisée dans le cadre d’une applique de type AB1 (fig. 358, n° 9). Aucune autre trace d’outil ne subsiste. Une enquête à caractère ethnoarchéologique menée au Proche-Orient3936 permet d’indiquer que ces objets ont très certainement été confectionnés à partir d’une portion de nacre de forme carrée obtenue par sciage. La plaquette a ensuite été taillée au moyen d’une lame tranchante pour lui donner sa forme définitive. Les objets en nacre sont particulièrement rares dans les contextes archéologiques d’Europe de l’ouest pour la période d’étude. En Provence, la matière n’est rencontrée qu’à Avignon. L’absence d’élément de comparaison pour ces deux objets n’est donc pas surprenante. Il est possible que cette matière n’ait pas été travaillée en Provence mais que les objets aient été importés achevés. Signalons qu’une applique en nacre décalobée à perforation centrale a été trouvée sur le sol d’une fabrique de colle marseillaise en activité entre 1806 et 18703937. Elle pourrait montrer une persistance de ce genre de motif spécifiquement pour cette matière, les appliques lobées en métal n’étant pas attestées au-delà du XVIe siècle. Cette hypothèse n’est cependant pas pleinement satisfaisante. Au contraire, dans l’optique d’une production extérieure à la Provence, sans doute dans le monde oriental, cette particularité n’en est peut-être pas une. Type M5 : Applique polylobée en tôle plate et à rivet(s) intégré(s) (fig. 354, n° 7) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1271, seconde moitié XIVe siècle. Les pétales de cette applique hexalobée en alliage cuivreux sont dessinés par des incisions. Le rivet brasé au revers a disparu mais des restes de brasure sont conservés au centre de cette face. 3936 3937 Travaux inédits menés par M.-A. Chazottes. Thuaudet et Chazottes 2014, p. 309. 860 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type M6 : Applique polylobée en tôle emboutie et à rivet(s) intégré(s) (fig. 354, n° 8 à 13) Bouches-du-Rhône  Alcazar, Marseille : n° 112, remblai, XIVe siècle. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 796, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400 ; n° 1597, remanié de surface, H.S.  Rue Carreterie, Avignon : n° 347 à 349, contexte inconnu. Les appliques du corpus de type M5 sont hexalobées ou hendécalobée (11 lobes). Quatre exemplaires comportent un bombement circulaire ou hexalobé central surélevé (fig. 354, n° 8 à 11). Les rivets conservés consistent en une tige brasée au revers de l’applique. La tige retient encore dans deux cas une contre-rivure circulaire plate (fig. 354, n° 10 et 11). La bordure d’un artefact (fig. 354, n° 11) montre que la découpe n’a pas suivi exactement le relief donné par l’opération d’emboutissage. Ceci est probablement révélateur d’une découpe au ciseau et non à l’emporte-pièce. Des restes importants de tissu sont conservés au contact de l’objet. Des pièces particulièrement anciennes ont été trouvées dans un niveau de destruction daté entre le milieu du XIIe siècle et vers 1180 d’une tour du château d’Ascot Doilly à Ascottunder-Wychwood dans l’Oxfordshire3938 et dans le comblement d’une rigole à la fin du XIIe siècle ou au début du XIIIe siècle sur le site de Montbaron à Levroux dans l’Indre3939. La pièce anglaise n’a pas conservé son rivet. Celui de l’objet de Levroux est de fort diamètre. Trois probables appliques trilobées à rivet intégré brasé au revers proviennent du village médiéval de l’Ortolo (fin XIIIe - début XVIe siècle) en Corse du Sud3940. Des exemplaires pentalobés et hexalobés ont été respectivement découverts au château de Bressieux (contexte non renseigné) en Isère3941 et sur le site d’une ferme du XIVe siècle au hameau du « Bellé » à Neuilly-en-Thelle dans l’Oise3942. 3938 Pièce sans rivet, L x l = 3,2 x 3,4 cm (Jope et Threlfall 1959, p. 267). Objet complet, d = 1,35 cm (Querrien et Blanchard 2004, p. 123). 3940 Trois objets sans leur éventuel rivet, d = 1,5 et 1,5/1,6 et 2 cm (Comiti 1996, p. 46-47). 3941 Objet incomplet, d = 2 cm (Girard et Lafond 2009, p. 164, fig. 206, n° 5). 3942 Exemplaire incomplet, d = 1,1/1,2 cm (Legros 2001, n° 113). 3939 861 3. Approche croisée du mobilier archéologique Il n’est, avec les données rassemblées, pas connu d’appliques qui fassent la liaison entre les artefacts de la seconde moitié du XIIe siècle et ceux du XIVe siècle. Type M7 : Applique polylobée issue de la fonte et à rivet(s) intégré(s) (fig. 354, n° 14 à 19) Bouches-du-Rhône  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : n° B5600911, couche de destruction postérieure au milieu du XIVe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 995, 1270, seconde moitié XIVe siècle ; n° 1266, N.D.S.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 230 A à D, couche de dépotoir, vers 1365 vers 1400  Rue Banasterie, Avignon : n° 350, H.S. Ces appliques en alliage cuivreux ou en matériau blanc (fig. 354, n° 19) sont hexalobées ou décalobées. Pour plusieurs d’entre elles des dépressions issues de la fonte assurent la distinction des pétales. Il n’a pas été possible de vérifier la présence de ces dépressions sur un artefact très oxydé (fig. 354, n° 15). Un bouton central en relief est visible sur deux spécimens. Le bouton conserve des traces de dorure dans un cas (fig. 354, n° 16). L’autre pièce arbore une pastille en relief sur chaque pétale (fig. 354, n° 19). Un fin bourrelet au revers, traversant le milieu du rivet, atteste de l’emploi de deux empreintes pour le moulage de la face revers. Une seule empreinte devait vraisemblablement suffire pour la face avers. Les fouilles archéologiques à Londres ont fourni de nombreuses appliques hexalobées3943, heptalobées3944 ou octolobées3945 en étain ou en alliage d’étain et de plomb et à rivet intégré. Elles sont d’une grande diversité dans leur modelé et issues de contextes datés entre vers 1270 - vers 1350 et la première moitié du XVe siècle. Douze exemplaires sont fixés le long de la bordure découpée de lobes d’une pièce de vêtement en cuir trouvée dans un 3943 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 190, n° 1017, p. 192, n° 1018, 1020 à 1028, 1030. Ibid., p. 190, n° 1032 et 1033. 3945 Ibid., p. 195, n° 1043 et 1044. 3944 862 3. Approche croisée du mobilier archéologique contexte de la seconde moitié du XIVe siècle du site de Baynard House3946. Ces pièces sont similaires à l’artefact du corpus en matériau blanc (fig. 354, n° 19). D’autres pièces décrites dans la bibliographie offrent des similitudes avec des spécimens du corpus en alliage cuivreux. Une applique octolobée ramassée hors contexte sur le site de Billingsgate lorry park3947 présente des ressemblances avec un objet avignonnais (fig. 354, n° 17). De ce site anglais proviennent deux appliques en alliage d’étain et de plomb datées vers 1270 - vers 13503948 et un exemplaire en alliage cuivreux issu d’un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle3949 proches d’un autre artefact de la cité comtadine (fig. 354, n° 18). Un objet analogue a été mis au jour dans un remblai des XVe - XVIe siècles à Saint-Denis en Seine-SaintDenis3950. Dans la bibliographie, quelques appliques hexalobées ont un bouton central bombé et des pétales surélevés. Ils proviennent d’un atelier métallurgique parisien du second quart du XIVe siècle à l’emplacement de l’hôtel Mongelas à Paris3951, d’alluvions des XIVe - XVe siècles du Croult à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis3952. Les deux pièces dionysiennes sont rivetées à des fragments de lanière de cuir. Signalons un objet vraisemblablement en matériau blanc trouvé sur le site de la fin du Moyen Âge du castello di Montereale Valcellina dans la province de Pordenone en Italie3953. Il figure une fleur à six pétales avec un ocelle en son centre, intégré dans un cercle matérialisé par un simple cordon. Des appliques quadrilobées et pentalobées en argent doré et en argent doré et émaillé ont été trouvées dans le trésor d’Erfurt dans le land de Thuringe en Allemagne. Elles furent enfouies lors de pogroms touchant la communauté juive en 1348-1349. Le bouton central est bombé et les pétales sont entourés d’une dépression qui met en valeur leur relief3954. Des pièces hexalobées d’aspect plus naturaliste alternent avec des appliques de type S en forme de tête de femme sur une lanière de soie découverte avec le trésor de Colmar dans le Haut-Rhin3955. Le bouton central est 3946 Douze artefacts complets, d = 1,1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 192, n° 1028). Une applique complète, d = 2,8 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 194, n° 1044). 3948 Deux pièces complètes, d = 1,3 et 1,4 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 192, n° 1020 et 1021). 3949 Un individu complet, d = 1,7 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 192, n° 1015). 3950 Spécimen complet, d = 1,4 cm (Leconte, p. LXXI, n° 14-379-15). 3951 Exemplaire complet, d = 0,95/1,1 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B1, n° 95). 3952 Applique complète, d = 0,9 cm, individu complet, d = 1,2 cm (Leconte 2002, p. LXXI, n° 26-41064 et 26-411-169). 3953 Artefact incomplet, d = 2,2 cm (Piuzzi 1987, p. 148, n° 31). 3954 Plusieurs exemplaires complets, d x = 0,7 x 0,55 et 0,9 x 0,4 cm, objets attribués au second quart du XIVe siècle (Descatoire (dir.) 2007, p. 80, n° 44). 3955 Nombreuses appliques complètes, d x e = 0,9 x 0,1 cm (Fingerlin 1971, p. 422, n° 359 ; Descatoire (dir.) 2007, p. 80, n° 45). 3947 863 3. Approche croisée du mobilier archéologique constitué de cinq bossettes encerclant une bossette centrale. L’aspect des pétales est analogue à ceux des appliques d’Erfurt : une légère dépression en fait le tour. Elle est ici remplie de laque rouge ou verte. De petites feuilles s’échappent de la jointure des pétales rappelant des appliques stylisées de type M2 (fig. 353, n° 21 à 24). La courroie pourrait être celle d’une ceinture ou d’un ornement de tête d’après C. Descatoire. Les appliques de type M7 en alliage cuivreux ou en matériau blanc paraissent pouvoir être datées du XIVe siècle et de la première moitié du XVe siècle d’après les données actuellement disponibles. Type M8 : Applique polylobée en tôle plate sans rivet (fig. 354, n° 20 à 22) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 656, sol extérieur, vers 1309/1315 - vers 1345.  Villa et chapelle de Fontcouverte, Bras : n° 3, H.S. Vaucluse  Rue Carreterie, Avignon : n° 350, contexte inconnu. Les appliques du corpus sont quadrilobées (fig. 354, n° 20) ou hexalobées (fig. 354, n° 21 et 22). Elles comportent une unique et large ouverture pour la fixation. L’irrégularité de la découpe et/ou les traces de reprise témoignent pour l’une d’elles du peu d’attention porté à la fabrication (fig. 354, n° 21). L’ouverture centrale de la pièce la plus grande (fig. 354, n° 22) a conservé son mode de fixation par goupille fendue. Le nœud de la goupille retient, grâce à un ajour quadrangulaire, un fragment de tôle repliée et incisée sur une face de quatre lignes formant un cadre autour de l’ajour. Ce mode de fixation par goupille indique peut-être un emploi dans le harnachement ou dans l’ameublement. Le diamètre de la perforation des deux autres appliques est compatible avec un type de fixation identique ou l’utilisation d’un clou. Une applique hexalobée en fer (N.D.S.) traversée par une goupille fendue a été trouvée au château du Vieux Wartburg dans le canton d’Argovie en Suisse. Un autre exemplaire (N.D.S.) fut découvert accompagné d’une tige de clou. Ces deux pièces comportent une large 864 3. Approche croisée du mobilier archéologique ouverture quadrangulaire3956. Un troisième objet (N.D.S.), octolobé, ne présente qu’une petite perforation circulaire. Il a été rattaché au type M1. Type N : Applique polylobée à œillet (fig. 355, n° 1 à 7) Les appliques polylobées à œillet du corpus, toutes à rivets traversant, sont classées en trois sous-types établis selon le mode de fabrication : découpe dans une tôle plate (N1) ou dans une tôle emboutie (N2), fonderie (N3). Des exemplaires hexalobés en étain ou en alliage d’étain et de plomb à deux rivets intégrés ont été trouvées lors de fouilles exécutées à Londres3957. Nous avons pu relever la figuration d’appliques de type N sur la ceinture d’une Vierge à l’Enfant en ivoire sculptée vers 1310 - 1330 (fig. 164), sur la ceinture d’un donateur dans une présentation au Temple peinte vers 1440 - 1450 (fig. 173). La datation de cette dernière peinture correspond à la toute fin de la datation typologique proposée pour le sous-type N2. Type N1 : Applique polylobée en tôle plate à œillet et à rivet(s) traversant (fig. 355, n° 1) Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 816, comblement de tranchée de fondation, vers 1481. Cette applique hexalobée en tôle, trouvée dans une tranchée de fondation recoupant un dépotoir du dernier tiers du XIVe siècle, est fortement déformée. Deux de ses trois rivets traversant à contre-rivure quadrangulaire sont conservés. Les pétales sont différenciés par des incisions. Un probable exemplaire hexalobé de type N1 a été ramassé en prospection sur le site de l’Esquerda à Roda de Ter dans la province de Barcelone3958. À Londres, un niveau de 3956 Deux appliques incomplètes, d = respectivement 4,1 et 3,6 cm, les datations proposées dans la publication sont typologiques (Meyer 1974, p. 83, n° C 97 et C 98). 3957 Artefact incomplet en alliage d’étain et de plomb, d = 1,3 cm, seconde moitié XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 190, n° 1017) ; objet complet en étain aux lobes alternativement bombés et concaves, d = 1,8 cm, première moitié XVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 192, n° 1029). 3958 Pièce complète, d = 1,8 cm (Ollich 1976, p. 513 ; Bolos et al. 1981, p. 151, n° 67). 865 3. Approche croisée du mobilier archéologique la seconde moitié du XIVe siècle du site de Billingsgate lorry park a livré une applique hexalobée irrégulière découpée au ciseau3959. Type N2 : Applique polylobée en tôle emboutie à œillet et à rivet(s) traversant (fig. 355, n° 2 à 6) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 30, remblai, XIVe - XVIe siècle ; n° 50, comblement de puits, XIVe - XVIe siècle. Bouches-du-Rhône  Quartier Sainte-Barbe, Marseille : n° 247, comblement de fosse, fin XIIIe/début XIVe - second quart/milieu XIVe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2532, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 2163, H.S. Toutes les appliques du corpus et de la bibliographie rassemblée sont hexalobées. Elles comportent deux (fig. 355, n° 2, 3, 5 et 6) ou trois (fig. 355, n° 4) perforations pour rivet. La découpe de deux pièces (fig. 355, n° 3 et 4) montre des irrégularités : elles indiquent l’emploi d’un ciseau et non d’un emporte-pièce comme cela est très probable pour les trois autres individus du corpus (fig. 355, n° 2, 5 et 6). Les pétales ne sont pas différenciés sur l’applique mise au jour à Avignon (fig. 355, n° 3), laquelle comporte un bombement central. Des incisions assurent cette distinction sur l’exemplaire marseillais (fig. 355, n° 4) dont l’œillet a été agrandi par une cassure. Deux artefacts provençaux sont décorés d’un quadrillage oblique, un pétale sur deux (fig. 355, n° 5 et 6). Un dernier objet (fig. 355, n° 2) présente au centre de chaque pétale une concavité en reprenant la forme : la concavité est percée pour le passage de rivets dans deux cas ; les autres ont reçu de l’émail blanc. De nombreuses appliques hexalobées de type N2 furent mises au jour lors des opérations archéologiques sur les sites de Billingsgate lorry park et de Swan Lane à Londres, dans des niveaux datés entre le dernier tiers XIIIe - première moitié XIVe siècle et la première 3959 Exemplaire complet, d = 1,3 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 186, n° 950). 866 3. Approche croisée du mobilier archéologique moitié du XVe siècle3960. La plupart sont datées de la seconde moitié du XIVe siècle et paraissent avoir été découpées au ciseau ou avec des cisailles. Quelques pièces sont comparables à des objets du corpus. Une applique avec des pétales séparés par des incisions3961 peut ainsi être rapprochée d’un exemplaire trouvé à Marseille (fig. 355, n° 4). Un spécimen à fort bombement central possède des pétales dont la bordure abaissée3962 est semblable à celle d’un artefact dignois (fig. 355, n° 2). Il est vraisemblable que cette caractéristique s’applique également à un individu provenant d’un dépotoir des XVIe - XVIIe siècles de l’église Sainte-Marie à Peyrepertuse3963. Toujours à Londres, une applique dont le bombement central percé au sommet est pratiquement le seul relief rappelle une pièce avignonnaise du corpus (fig. 355, n° 3)3964. Un artefact cette fois-ci quadrilobé et étamé comporte cette même caractéristique3965. Nous pensons, avec les données rassemblées, être en mesure d’attribuer les appliques de type N2 au XIVe siècle et à la première moitié du XVe siècle. Type N3 : Applique polylobée issue de la fonte à œillet et à rivet(s) traversant (fig. 355, n° 7) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1229, seconde moitié XIVe siècle ? Les pétales de cette applique hexalobée produite par la fonte sont distingués par des dépressions. Deux rivets traversant à contre-rivure circulaire plate encadrent un œillet circulaire. Du cuir est conservé au revers de l’objet. Une applique hexalobée et une autre dodécalobée aux pétales groupés par deux ont été retrouvées sur des fragments de courroie également porteurs d’appliques de type B3, Q4 et X 3960 Egan et Pritchard 2002², p. 186, n° 986 à 1003, p. 190, n° 1011. Pièce complète, d = 1,1 cm, seconde moitié XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 188, n° 988). 3962 Exemplaire complet, d = 1,4 cm, seconde moitié XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 190, n° 1011). 3963 Objet complet, d = 1,5/1,7 cm (Bayrou et al. 1991, p. 75, n° 80 B2 M5). 3964 Applique complète, d = 1,7 cm, seconde moitié XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 188, n° 996). 3965 Artefact complet, d = 2,1 cm, seconde moitié XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 186, n° 942). 3961 867 3. Approche croisée du mobilier archéologique mises au jour, probablement en position résiduelle, dans le comblement d’une fosse des XVIe - XVIIe siècles à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis3966. Type O : Applique à motif rayonnant (fig. 355, n° 8 à 26 ; fig. 356, n° 1 à 4) Le type O rassemble des appliques à motif rayonnant, non polylobées, donc ne pouvant pas être classées dans le type M. Six types sont distingués en fonction de la technique de fabrication, de la nature du mode de fixation et de l’agencement des motifs. Les objets comportant un seul motif rayonnant appartiennent aux sous-types O1 à O4, ceux avec deux motifs alternés aux sous-types O5 et O6. Cette distinction relative aux motifs n’est pas habituelle à ce stade de premier rang de sous-type dans la typologie, mais elle nous a ici paru préférable pour éviter de trop compliquer le sous-type O2 au sein duquel les distinctions typologiques, déjà nombreuses, ne manqueront pas d’augmenter avec les découvertes futures. Les sous-types O1 à O3 et O5 contiennent des pièces à rivet(s) traversant et les sous-types O4 et O6 des spécimens à rivet intégré. Les appliques en tôle plate sont regroupées dans le soustype O1, celles en tôle emboutie dans les sous-types O2 et O4 à O6 et les pièces obtenues par fonderie dans le sous-type O3. Notons que des appliques en matériau blanc fabriquées par fonderie, à rivet intégré, en forme d’étoile à six branches triangulaires3967 ou circulaires et à ergots ovoïdes3968 ont été trouvées à Londres. Une ceinture de soie appartenant au trésor de Colmar dans le Haut-Rhin, enfoui vers 1348, est décorée d’appliques en argent doré à rivets intégrés de type J à extrémités fleurdelisées et d’appliques à rivets intégrés de type O à motif rayonnant de fleurs de lys sur un corps circulaire3969. Ces dernières pièces sont très proches d’appliques du corpus de type O2c et d’appliques de la bibliographie des types O1 et O2. L’iconographie fournit plusieurs représentations d’appliques de type O. L’épouse de Spiefami dans le Baptême du Christ peint dans l’entrée de la cathédrale Notre-Dame des Doms à Avignon vers 1425 possède une longue ceinture bouclée dans le dos décorée sur toute 3966 Huit appliques complètes et une incomplète, L x l = 1,1 x 1,2 cm (Leconte 2002, p. XCIV-XCV, n° 16-1004-11) 3967 Objets datés vers 1270 - vers 1350, se reporter à Egan et Pritchard (dir.) 2002², n° 1093 et 1094. 3968 Un spécimen trouvé dans un niveau de la première moitié du XVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 170, n° 815) et un autre en position résiduelle dans un contexte des années 1630 - 1650 (Egan 2005, p. 41, n° 143). 3969 Plusieurs exemplaires complets, L x l = 3,8 x 0,8 cm (Fingerin 1971, P. 422, n° 358 ; Descatoire (dir.) 2007, p. 78, n° 42). 868 3. Approche croisée du mobilier archéologique la longueur d’appliques cruciformes (fig. 58). Des exemplaires cruciformes sont disposés à l’extrémité des courroies assurant la fixation du dosseret de l’armure d’un bourreau dans le Retable du Parlement de Paris peint vers 1454 (fig. 161), mais également sur la couverture d’un livre tenu par Jean de Prato dans un tableau peint par Giovanni di Piermatteo vers 1445 1448 (fig. 326). Plusieurs modèles d’appliques analogues sont connues par la bibliographie de comparaison. Ils appartiennent aux sous-types O2 et O3. Dans l’église San Francisco à Lodi en Italie, la ceinture de saint Défendant peint vers 1330 est parsemée d’appliques en forme d’étoiles à huit branches (fig. 341). Des appliques à corps quadrangulaire ayant des extensions aux angles et perforées pour le passage de l’ardillon de la boucle sont représentées sur une statue en pierre sculptée vers 1445 de sainte Marthe tenant en laisse la Tarasque au moyen d’une ceinture (fig. 310). Ces appliques sont à rapprocher des sous-types O3a et O3b tout comme les exemplaires figurés sur la ceinture d’une statue de donatrice datée entre 1440 et 1460 (fig. 340), sur la ceinture d’un juif assistant au Couronnement d’épines et sur la ceinture de Ponce Pilate dans la scène du Lavement des mains parmi les fresques peintes par Jean Canavesio en 1492 dans la chapelle Notre-Dame-des-Fontaines à La Brigue (fig. 72 et 171). Type O1 : Applique à motif rayonnant unique, en tôle plate et à rivet(s) traversant (fig. 355, n° 8 à 11) Trois sous-types sont distingués au sein des appliques en tôle plate cuivreuse du corpus en fonction de la forme des branches et du nombre de rivets. Les deux premiers soustypes regroupent les pièces à unique rivet traversant, à branches triangulaires (O1a) et à branches losangiques ajourées (O1b). Le dernier sous-type (O1c) comprend une applique à feuilles en forme de pique et à quatre perforations pour la fixation. Plusieurs modèles d’appliques en alliage cuivreux sont absents du corpus. Les sites du château de Montségur en Ariège3970 et du château de Peyrepertuse3971 dans l’Aude ont respectivement livré des appliques (N.D.S) à corps carré bordé d’un trait incisé ou d’une file de points creux, avec quatre appendices évoquant des palmettes et rattachés au milieu de chacun des côtés. Elles peuvent être rapprochées des appliques de type O2c. Des fleurs de lys sont positionnées aux angles du corps quadrangulaire d’un objet trouvé dans un niveau daté 3970 Artefact complet, d x d = 1,9 x 1,9 cm (Czeski 1981, p. 196, n° 128/65 ; Archéologie 1990, p. 221, n° 455). 3971 Objet complet, L x l = 1,9 x 1,9 cm (Barrère 2000, p. 224, fig. 148, n° 18). 869 3. Approche croisée du mobilier archéologique au plus tard du XIIIe siècle sur le site de la Place des Halles à Troyes dans l’Aube3972. Les fleurs de lys sont remplacées par des palmettes sur un exemplaire ramassé hors stratigraphie dans l’église Saint-Laurent à Grenoble en Isère3973 et sur un spécimen découvert dans un remblai de construction de la première moitié du XIVe siècle sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher3974. Deux appliques sans moyen de fixation visible (N.D.S.) ont été retrouvées au château de Montségur en Ariège. La première est en forme de croix fleuronnée dont les bords des branches sont décorés d’une ligne de coups d’un poinçon circulaire. L’absence de description ne permet pas de comprendre si l’applique est décorée d’un cercle gravé en son centre ou si elle comporte un bombement circulaire3975. La deuxième applique, dorée, est en forme de khi recroiseté3976. Des appliques en fer de type O1 n’ont été retrouvées que sur le site de Colletière (première moitié du XIe siècle) à Charavines-les-Bains en Isère. Elles sont constituées de quatre appendices quadrangulaires positionnés aux angles d’un corps central quadrangulaire3977. Leur forme est analogue à celui des appliques de type O3, beaucoup plus tardives en l’état actuel des connaissances. Type O1a : Applique en tôle plate en forme d’étoile à branches triangulaires, en alliage cuivreux, à unique rivet traversant (fig. 355, n° 8 et 9) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL 82.I.1.33 et SBL XX-110, remblais du XVIIIe siècle. Ces deux appliques en forme d’étoile à cinq ou six branches, découpées au ciseau ou avec des cisailles, n’étaient fixées qu’au moyen d’un seul rivet traversant. Un exemplaire à 3972 Exemplaire complet, L x l = 1,2 x 1,2 cm (Lenoble et al. 1997, p. 66, fig. 57, n° 5). Applique incomplète, L x l = 1,6 x 1,3 cm (Colardelle 1999, t. 2, p. 37). 3974 Individu complet, L x l = 1,6 x 1,6 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 104, n° 2540). 3975 Pièce incomplète, l rest. = 5 cm (Czeski 1981, p. 195, 196, n° 30/66). 3976 Spécimen complet ?, L x l = 1,5 x 1,3 cm (Sarret 1980, p. 58 ; Sarret 1981b, p. 104). 3977 Multiples objets de formes diverses (Colardelle et Verdle 1993, p. 217, n° 27 à 43). 3973 870 3. Approche croisée du mobilier archéologique huit branches triangulaires, sans contexte connu, provient de la fouille du quartier San Domenico al Priamàr à Savone dans la province du même nom en Italie3978. Type O1b : Applique en tôle plate en forme d’étoile à branches losangiques ajourées, en alliage cuivreux, à unique rivet traversant (fig. 355, n° 10) Bouches-du-Rhône  Tunnel de la Major, Marseille : n° 11, comblement de fosse, milieu XVIIIe - milieu XIXe siècle. Les branches de cette pièce, sans doute trouvée en position résiduelle, sont losangiques et ajourées. Aucun élément de comparaison n’a été fourni par la bibliographie rassemblée. Type O1c : Applique en tôle plate à motif rayonnant de feuilles en forme de pique, en alliage cuivreux, à quatre rivets traversant (fig. 355, n° 11) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 340, comblement de caveau, XIVe XVIe siècle. Les quatre feuilles en forme de pique de l’applique sont perforées pour la fixation et décorés de coups d’un poinçon à pointe circulaire. Les alignements réalisés rayonnent à partir d’un cercle de points dont le centre est matérialisé par un coup de poinçon plus marqué. Type O2 : Applique à motif rayonnant unique, en tôle emboutie et à rivet(s) traversant (fig. 355, n° 12 à 18) Les appliques de type O2 du corpus sont toutes perforées en leur centre pour le passage d’un rivet. Six sous-types sont distingués en fonction de la forme du motif rayonnant et de l’éventuel corps central. Les pièces en forme d’étoile sont rassemblées dans le sous-type 3978 Spécimen complet, d = 1,5 cm (Viara 1996, p. 384, n° 15). 871 3. Approche croisée du mobilier archéologique O2a, celles avec des bosses en bordure d’un corps globalement ovoïde dans le sous-type O2b. Les trois sous-types suivants contiennent les artefacts à motif rayonnant de fleur de lys avec un corps central losangique (type O2c) et un seul rivet traversant ou à corps central circulaire et un (type O2d) ou deux rivets (type O2e) traversant. Les objets à motif rayonnant de feuilles ployées avec un corps central circulaire appartiennent au sous-type O2f. Quelques modèles illustrés dans la bibliographie sont absents des contextes provençaux. Une applique à corps losangique des angles duquel s’échappent des extensions sous forme d’ergots (N.D.S.) provient du château de Peyrepertuse à Duilhac-sousPeyrepertuse dans l’Aude3979. Deux pièces produites dans un atelier métallurgique parisien du second quart du XIVe siècle ont un corps quadrangulaire et des ergots arrondis aux angles3980. Des feuilles sont positionnées au milieu de chaque côté du corps losangique d’une applique découverte dans l’occupation du XIVe siècle d’une tour au château d’Essertines à EssertinesBasses dans la Loire3981. Deux pièces à corps central en forme de pyramide tronquée et agrémentée de fleurs de lys aux angles ont été mises au jour dans un niveau de la première moitié du XVe siècle au château de Rathsamhausen à Ottrott dans le Bas-Rhin3982. Des appliques cruciformes en tôle emboutie avec3983 ou sans décor3984 de bossettes au croisement des branches ont été trouvées à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis. Une applique en argent de type O2, au centre circulaire bombé et à quatre bras constitués de quatre bossettes accolées est rivetée au centre de la chape de type A5 de même matériau d’une boucle en argent de type D5 trouvée dans un trésor à Graz en Styrie3985. Type O2a : Applique en tôle emboutie en forme d’étoile, en alliage cuivreux, à unique rivet traversant (fig. 355, n° 12) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 279, couche de dépotoir, milieu XIIIe siècle - 3979 Pièce complète, L x l = 2,3 x 2,3 cm (Barrère 2000, p. 225, fig. 148, n° 31). Individus incomplets, L x l = 0,9 x 0,9 et 1 x 1 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B1, n° 67 et 68). 3981 Artefact complet, L x l = 1 x 1 cm (Maccari-Poisson 1992, p. 149). 3982 Exemplaire complet, L x l = 1 x 1 cm (Rieb et Salch 1973, n° 312). 3983 Objet incomplet, l recons = 2 cm, occupation, deuxième moitié XIVe - premier quart XVe siècle (Leconte 2002, p. XCII, n° 21-155-6 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 11). 3984 Artefact incomplet (en tôle emboutie ?), l = 1,7 cm, remblai, fin XIIIe siècle (Leconte 2002, p. XCII, n° 16-1096-2). 3985 Applique complète, L x l = 0,95 x 0,95 cm, datation semble-t-il typologique proposée pour le lot : troisième tiers XIVe siècle (Fingerlin 1971, cat. n° 97). 3980 872 3. Approche croisée du mobilier archéologique vers 1285. Cette petite applique comporte six branches régulières en forme d’amande. L’atelier métallurgique de la fin du XIIIe siècle et du début du XIVe siècle de Händelhauskarree à Halle dans le land de Saxe-Anhalt a fourni un objet à six branches triangulaires nervurées bordées de bossettes3986. Il comporte une unique perforation centrale pour la fixation. Type O2b : Applique en tôle emboutie à motif rayonnant de bosses sur un corps ovoïde, en alliage cuivreux, à unique rivet traversant (fig. 355, n° 13) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 712, sol de bâtiment avec foyer, vers 1360 vers 1370/1375. L’objet est divisé en huit sections angulaires égales par des plis de la tôle. Chaque section est décorée d’une bossette à son extrémité. Des traces de dorure sont encore visibles. Type O2c : Applique en tôle emboutie à motif rayonnant de fleurs de lys sur un corps losangique, en alliage cuivreux, à unique rivet traversant (fig. 355, n° 14 à 16) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1760, remblai pour l’installation d’un sol, vers 1285 - vers 1309/1315. Vaucluse  Rue Banasterie, Avignon : n° 107, datation inconnue.  Rue Carreterie, Avignon : n° 351, contexte inconnu. Ces trois appliques sont constituées d’une partie centrale losangique des angles de laquelle partent des branches en forme de fleur de lys ou de palmettes. Il est possible que la figuration des palmettes soit le résultat d’une altération progressive du motif des fleurs de lys 3986 Objet complet, d = 1,8 cm (Berger 2012, fig. 8). 873 3. Approche croisée du mobilier archéologique dont l’applique de Rougiers fournit des exemples malheureusement peu lisibles. Un exemplaire du corpus comporte actuellement deux rivets traversant situés à l’intérieur de fleurs de lys opposées (fig. 355, n° 15). La perforation centrale, trop petite pour être un œillet, ne présente aucun défaut. Elle était destinée à accueillir un rivet mais ce seul point de fixation a pu paraître insuffisant. Des appliques de type O2c, à un seul rivet traversant, au corps central losangique ont été trouvées au château de Montségur (N.D.S.) en Ariège3987 et au château de Peyrepertuse à Duilhac-sous-Peyrepertuse dans l’Aude3988. L’un des exemplaires audois est fixé par son rivet traversant sur une applique de type A13989. Il conserve des traces d’étamage. Ces deux sites ont également livré des appliques similaires mais de type O1 (N.D.S), à corps carré bordé d’une file de points creux, avec quatre extensions évoquant des palmettes et rattachées au milieu de chacun des côtés3990. Type O2d : Applique en tôle emboutie à motif rayonnant de fleurs de lys sur un corps circulaire, en alliage cuivreux, à unique rivet traversant (fig. 273, n° 15) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 982, foyer (?), vers 1360 - vers 1370/1375. L’applique est constituée de quatre fleurs de lys rayonnant depuis un corps central circulaire et bombé perforé pour le passage d’un rivet. Celui-ci fixe l’applique sur une chape de type A3b qu’il traverse entièrement. L’applique et la chape sont recouvertes d’une pellicule d’un amalgame d’argent et de mercure3991. Le motif de l’applique la rapproche du type O2e. 3987 Individu presque complet, L x l = 1,85 x 1,85 cm (Dagain et Laffont 1975, p. 15). Spécimen complet, d = 1,4 cm (Barrère 2000, p. 223, fig. 148, n° 9). 3989 Applique complète, L x l = 1,2 x 1,2 cm (Barrère 2000, p. 223, fig. 148, n° 8). 3990 Château de Montségur : Artefact complet, d x d = 2,2 x 2,3 cm (Czeski 1981, p. 196, n° 128/65) ; Château de Peyrepertuse : Objet complet, L x l = 1,9 x 1,9 cm (Barrère 2000, p. 224, fig. 148, n° 18). 3991 Détermination par analyse de composition, se reporter à l’annexe 2. 3988 874 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type O2e : Applique en tôle emboutie à motif rayonnant de fleurs de lys sur un corps circulaire, en alliage cuivreux, à deux rivets traversant (fig. 355, n° 17) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 565, sol de circulation extérieure, vers 1309/1315 - vers 1345. Le corpus comprend un seul objet. Quatre fleurs de lys collées les unes contre les autres rayonnent depuis un corps central circulaire. Deux fleurs de lys opposées sont perforées pour le passage de rivets. Cette applique est à rapprocher du type O2d. Type O2f : Applique en tôle emboutie à motif rayonnant de feuilles ployées sur un corps circulaire, en alliage cuivreux, à unique rivet traversant (fig. 355, n° 18) Vaucluse  Rue Carreterie, Avignon : n° 352, datation inconnue. Cette applique en tôle emboutie est constituée de quatre motifs de feuilles ployées autour d’un corps central circulaire. Un objet analogue provient d’une couche de dépotoir de fin XVe - XVIe siècle au château de Hohenfels à Dambach dans le Bas-Rhin3992. Type O3 : Applique à motif rayonnant unique, issue de la fonte et à rivet(s) traversant (fig. 355, n° 19 à 27) Quatre sous-types ont été différenciés parmi les appliques du corpus de type O3, toutes à rivet(s) traversant et en alliage cuivreux, en tenant compte de la forme des extensions rayonnantes et du corps central. Les pièces à motif rayonnant de rectangles sur un corps quadrangulaire sont classées dans le sous-type O3a. Les artefacts du sous-type O3b se différencient par un motif rayonnant en forme de feuille. Les sous-types O3c et O3d 3992 Spécimen complet, dimensions inconnues (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 450, n° 3.120). 875 3. Approche croisée du mobilier archéologique regroupent des appliques à corps central circulaire et à trois ou quatre appendices en forme de fleur de lys. Des spécimens de petite taille fabriqués par fonderie, absents des contextes provençaux étudiés mais observés dans la bibliographie consultée, composés d’un corps quadrangulaire plat d’où s’échappent quatre branches fleurdelisées peuvent être rapprochés des appliques de type O3c et O3d3993. Signalons également des objets cruciformes décorés de bossettes à deux3994 rivets traversant ou sans décor et avec deux3995 ou quatre rivets traversant3996, des artefacts en forme d’étoile à rivet intégré. Des appliques en forme d’étoile s’observent sur un possible fragment de collier de chien en cuir antérieur à 1530 récupéré dans une zone ennoyée en Zélande aux Pays-Bas. Elles alternent avec des appliques circulaires concaves en tôle de type A3997. Type O3a : Applique issue de la fonte, à motif rayonnant de rectangles sur un corps quadrangulaire, en alliage cuivreux, à unique rivet traversant (fig. 355, n° 19) Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 2713, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Cette applique obtenue par la fonte est constituée de quatre excroissances quadrangulaires disposées aux angles d’un corps quadrangulaire. Deux appliques du même type ont été trouvées sur le site de Trainecourt (XIIIe - XVe siècle) à Grentheville dans le 3993 France, Cher : deux pièces complètes, l = 1,5 et 1,9 cm, occupations, première moitié XIVe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Frondillon et Marot (dir.) 2013, p. 103, n° 354, p. 104, n° 1496) ; Hérault : exemplaire complet, L x l = 2,85 x 2,85 cm, occupation de bâtiment, XIIIe - XIVe siècle, verrerie forestière de La Seube, Claret (Lambert 1983, p. 211, fig. 49, n° 4). 3994 France, Aude : une applique incomplète, l = 1,5 cm, un individu complet, L x l = 2,1 x 2,1 cm, N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 224, fig. 148, n° 16 et 17) ; Ariège : un objet fragmentaire et une pièce complète, L x l = 2,4 x 2,4 cm, N.D.S., château de Montségur (Czeski 1990, p. 398, n° 23/65 et 107 T1 C 88 ; Archéologie 1990, p. 222, n° 458) ; un artefact complet, L x l = 1,9 x 1,9 cm, N.D.S., château de Montségur (Archéologie 1990, p. 221, n° 456). 3995 Spécimen complet, L x l = 1,55/1,6 cm, XVe - XVIIIe siècle, couvent et monastère de l’Ave Maria, Paris (Bouëtiez de Kerorguen 1996, p. 163, fig. 6, n° 6). 3996 Pièce complète, l = 1,8 cm, occupation d’atelier métallurgique, première moitié XIVe siècle (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 106-107, n° 2575). 3997 Fragment de cuir : L x l x e = 12 x 2,1 x 0,12 cm ; appliques circulaires : d = env. 1,7 cm ; appliques en étoile : d = env. 2,4 cm (Willemsen et Ersnt 2014, p. 71, fig. 75). 876 3. Approche croisée du mobilier archéologique Calvados3998 et une troisième dans un remblai d’inhumation des XIVe - XVe siècles à SaintDenis en Seine-Saint-Denis3999. Type O3b : Applique issue de la fonte, à motif rayonnant de feuilles sur un corps quadrangulaire, en alliage cuivreux, à unique rivet traversant (fig. 355, n° 20 et 21) Bouches-du-Rhône  Castrum de la Quille, Le Puy-Sainte-Réparade : n° 10, N.D.S. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1269 C, seconde moitié XIVe siècle. Les deux objets du corpus, concave ou légèrement convexe, sont composés de quatre feuilles quadrangulaires stylisées qui s’échappent des angles d’un corps central quadrangulaire. Des dépressions parfois profondes différencient les folioles. Le rivet traversant est à tête bombée. L’artefact d’Avignon conserve des restes d’une matière brunâtre au revers, peut-être du cuir. Il trouve deux éléments de comparaison au château de Pymont (XIIIe - XVe siècle) dans le Jura4000 et à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis4001. Cependant, d’après l’épaisseur donnée aux objets dans les dessins, ils seraient en tôle emboutie. Type O3c : Applique issue de la fonte, à motif rayonnant de fleurs de lys sur un corps circulaire convexe, en alliage cuivreux, à trois rivets traversant (fig. 355, n° 22 à 24) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 64, remblai, XVIIe - XVIIIe siècle. Vaucluse  Quartier de la Balance, Avignon : n° 2, H.S.  Rue Régina, Avignon : n° 18, contexte inconnu. 3998 Objets complets, L x l = 0,8 x 0,8 cm (Vivre au Moyen Âge 2002, notice 196). Exemplaire complet, L x l = 0,75 x 1,25 cm (Leconte 2011, p. LXVII, n° 15-678-3 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B1, n° 66). 4000 Individus complets, L x l = 1,6 x 1,6 cm (Jeanjacquot 1993, p. 108, fig. 70, n° 1989). 4001 Artefact complet, L x l = 0,95 x 0,95 cm, comblement de fosse, datation en cours d’enregistrement en 2002 (Leconte 2002, p. XCV, n° 16-5627-5). 3999 877 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les appliques du corpus sont constituées d’une partie circulaire creuse et fortement bombée à laquelle se rattachent trois appendices en forme de fleur de lys avec une ouverture circulaire pour la fixation. Deux pièces à trois appendices et à fort bombement central ont été découvertes à Londres. Un premier spécimen obtenu par la fonte appartient à un contexte du premier tiers du XIIIe siècle4002. Les bords des appendices sont entièrement en courbes et contre-courbes. Des zigzags sont gravés autour des rivets et autour du bombement central marqué par de profondes dépressions rayonnant depuis son centre. Un deuxième exemplaire a été fabriqué à partir d’une tôle4003. Il provient d’un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle du site de Billingsgate lorry park. Trois extensions allongées et arrondies sont terminées par un ergot. Le sommet du bombement central réalisé par emboutissage est crevé et déformé. La proximité morphologique des appliques de type O3c avec celles de type O3d et les éléments de datation disponibles pour le type O3c nous incitent à proposer une datation typologique s’étendant sur les XIIIe et XIVe siècles. Type O3d : Applique issue de la fonte, à motif rayonnant de fleurs de lys sur un corps circulaire convexe, en alliage cuivreux, à quatre rivets traversant (fig. 355, n° 25 et 26) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 25, niveau de construction (déchets de taille et sable), XIIIe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 367, premier tiers XIVe siècle. Ces appliques du corpus ont le même aspect que celles du type O3c si ce n’est qu’elles comportent quatre appendices ou lieu de trois. Un artefact de type O3 à quatre appendices a été trouvé dans un niveau de démolition incendié de la seconde moitié du XIVe siècle sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher4004. 4002 Objet complet, L x l = 2,2 x 3,3 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 203, n° 1099). Artefact complet, L x l = 2,9 x 2,9 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 184, n° 938). 4004 Artefact incomplet, d = 4 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2002², p. 107, n° 7). 4003 878 3. Approche croisée du mobilier archéologique En tenant compte des éléments de datation disponibles pour le type O3c avec lequel le type O3d est très proche, une datation typologique correspondant aux XIIIe et XIVe siècles est proposée. Type O4 : Applique à motif rayonnant unique, en tôle emboutie et à rivet(s) intégré(s) (fig. 356, n° 1) Bouches-du-Rhône  Castrum de Montpaon, Fontvieille : n° 2011-2, remblai de tranchée de fondation du rempart, première moitié XIIe siècle. L’applique en tôle emboutie comporte quatre excroissances de profil triangulaire (fig. 356, n° 1). Une applique peut-être analogue a été trouvée dans un niveau du XIIe siècle sur le site du cimetière du Saint-Sépulcre à Parthenay dans les Deux-Sèvres 4005. Type O5 : Applique à motifs rayonnants alternés, en tôle emboutie et à rivet(s) traversant (fig. 356, n° 2 et 3) Var  Castrum d’Amphoux, Fox-Amphoux : n° 3, H.S. Vaucluse  Rue Banasterie, Avignon : n° 108, datation inconnue. Ces deux appliques embouties sont composées de deux motifs alternés : une feuille à la bordure dentelée et un pétale dans un cas (fig. 356, n° 2), une feuille en forme d’amande et un pétale à bordure de bossettes dans l’autre cas (fig. 356, n° 3). Une plaque en alliage cuivreux de forme similaire à l’applique du castrum d’Amphoux, sans motif embouti, sans aucun moyen de fixation, a été retrouvée sur le site du château de Bressieux en Isère4006. La datation de son contexte de découverte n’est pas renseignée. 4005 4006 Pièce incomplète, d = 1,8 cm (Fourteau Bardaji 1989, p. 35). Objet complet, L x l = 4,1 x 3,7 cm (Girard et Lafond 2009, p. 164, fig. 206, n° 5). 879 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type O6 : Applique à motifs rayonnants alternés, en tôle emboutie et à rivet(s) intégré(s) (fig. 356, n° 4) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1242, seconde moitié XIVe siècle. Cet objet du corpus au profil arrondi est composé de quatre branches de section arrondie. De petits nodules ovales ont été rajoutés entre les branches. L’applique conserve au revers des restes d’une matière blanche pulvérulente. Type P : Applique en forme de papillon (fig. 356, n° 5 à 31)4007 Les appliques de type P du corpus, toutes en alliage cuivreux, sont classées en cinq sous-types en fonction de la technique de fabrication et du mode de fixation. Les objets à rivet(s) traversant sont regroupés dans les sous-types P1 à P3, ceux à rivet(s) intégrés dans les sous-types P4 et P5. Le sous-type P4 contient une applique en tôle plate. Les sous-types P1 et P2 comprennent les exemplaires en tôle emboutie, les sous-types P3 et P5 les spécimens fabriqués par la fonte. Les appliques en tôle plate à rivet traversant sont absentes du corpus mais illustrées par la bibliographie. Un exemplaire a été trouvé en position résiduelle dans un dépotoir des XVIe - XVIIe siècles lors d’une opération archéologique 14-16 rue Delayant à La Rochelle en Charente-Maritime. Il adopte une forme très proche de celle d’un papillon4008. Chaque « aile » est perforée pour le passage d’un rivet. Type P1 : Applique en tôle emboutie en forme de papillon et à rivet(s) traversant (fig. 356, n° 5 à 26) Sept sous-types sont distingués au sein des appliques de type P1 sur la base de la configuration des appliques du corpus. Les pièces de type P1 sont rares hors de Provence. Notons toutefois que deux ensembles d’appliques de ce type ont été trouvées dans l’atelier 4007 Il se rencontre souvent dans la bibliographie la dénomination « applique papilliforme » pour désigner ces objets. Cette terminologie est incorrecte puisque le mot « papilliforme » réfère à ce « qui a la forme d’une papille » d’après le dictionnaire culturel en trois volumes (Rey (dir.) 2005). 4008 Objet complet, L x l = 1,4 x 1,6 cm (Berthon (dir.) 2013, p. 72-73, n° 109). 880 3. Approche croisée du mobilier archéologique métallurgique parisien qui les produisit dans le second quart du XIVe siècle. Un premier groupe rassemble les objets à deux extrémités triangulaires réunies par une partie centrale ovale4009. Un second groupe comprend les objets en forme de sablier4010. Type P1a : Applique en tôle emboutie en forme de papillon, en alliage cuivreux, à bossettes et à unique rivet traversant (fig. 356, n° 5 à 13) Bouches-du-Rhône  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : n° B5600923 A à J, couche d’occupation, XIVe siècle ; n° B5600942, remblai de destruction, postérieur milieu XIVe siècle. Var  Bagatelle/Abreuvoir Saint-Michel, Châteauvert : dix exemplaires référencés sous le n° 7, près du crâne de l’individu 125 mais pourrait appartenir à l’individu 122 ; trente-quatre spécimens enregistrés sous le n° 14, à hauteur du bassin d’un corps de femme adulte (individu 122) ; n° 23 et 24, sépultures d’adulte de sexe indéterminé ; n° 29, remblai, fin XIIe - XIVe siècle.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3799, comblement de silo, second quart XIIIe siècle ; n° 995, sol de bâtiment, milieu XIIIe siècle - vers 1285 ; n° 66, 2017 et 2500, sols de bâtiment, n° 863, niveau de destruction cendreux, vers 1309/1315 vers 1345 ; n° 2185, couche de dépotoir, n° 3464, sol de bâtiment, vers 1345 - vers 1360 ; n° 1519, sol de bâtiment, n° 3590 et 3593, couche de dépotoir associée à de l’effondrement de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 2856, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420.  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : dix-sept pièces répertoriées sous le n° 94-253 C, contexte inconnu. Toutes les appliques du type P1a comportent une partie centrale allongée en relief terminée par deux (fig. 356, n° 5, 7 à 13) ou quatre bossettes (fig. 356, n° 6) et des extrémités également allongées à trois bossettes. Les bossettes des quatre angles de l’applique 4009 Quatorze artefacts complets et incomplets, L x l = 0,55 x 0,7 à 0,7 x 0,95 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B1, n° 32 à 45). 4010 Dix-huit objets complets et incomplets, L x l = 0,7 x 0,7 à 0,8 x 0,8 cm (Thomas 2009, t. 3, annexe B1, n° 2 à 19). 881 3. Approche croisée du mobilier archéologique comportent très régulièrement une petite encoche (fig. 356, n° 7, 12 et 13) souvent à peine visible. La plupart des appliques de type P1a ont été trouvées par lots : un ensemble de dixsept pièces identiques à Saint-Maximin (fig. 356, n° 7), un groupe de dix exemplaires dont neuf identiques à Fos-sur-Mer (fig. 356, n° 12 et 13), trente-quatre exemplaires et probablement dix autres sur le bassin d’un adulte de sexe féminin sur le site de Bagatelle/Abreuvoir Saint-Michel à Châteauvert (fig. 356, n° 5), neuf artefacts dans la sépulture d’un adulte au sexe indéterminé sur le même site. Les appliques de ces trois lots comportent presque toujours un rivet à contre-rivure circulaire concave. Des restes de tissu sont conservés au contact des objets de Saint-Maximin et de ceux de la sépulture féminine de Châteauvert. Dans ce dernier contexte, les appliques sont associées à une boucle de type F4a à chape de type B1a, à deux mordants des types D3 et D5, à une bague de type A1c. Une applique de Châteauvert (n° 23) a été retrouvée coincée dans un anneau de type M dans la sépulture d’un adulte au sexe indéterminé qui contenait également une boucle de type F4a à chape de type B1a. Sur la base des données chronologiques actuellement rassemblées, une datation typologique comprise entre le second quart du XIIIe siècle et les trois premiers quarts du XIVe siècle peut être avancée. Type P1b : Applique en tôle emboutie en forme de papillon, en alliage cuivreux, à fleur entourée de feuilles et à unique rivet traversant (fig. 356, n° 14 à 17) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 210 D, remblai, XVIIe - XVIIIe siècle. Bouches-du-Rhône  Castrum de Notre-Dame du Château, Allauch : n° 4, nettoyage du rempart, XIIIe XVIe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2390, couche de dépotoir, vers 1360 - vers 1370/1375.  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 94-229 B à Q, contexte inconnu. 882 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les appliques de type P1b comportent un corps central en forme de fleur à six (fig. 356, n° 15 et 16), sept (fig. 356, n° 17) ou huit pétales (fig. 356, n° 14) et deux ensembles de deux feuilles éventuellement séparées par une feuille allongée. Les deux tiers des appliques trouvées à Saint-Maximin retiennent des fragments de tissu. Neuf d’entre-elles conservent un rivet à contre-rivure concave. Celle-ci est plate dans un cas. Type P1c : Applique en tôle emboutie en forme de papillon, en alliage cuivreux, à corps central quadrangulaire, à quatre feuilles ondulées et à unique rivet traversant (fig. 356, n° 18) Vaucluse  Rue Carreterie, Avignon : n° 268, datation inconnue. Cette applique est constituée d’un corps quadrangulaire bombé et de deux ensembles de deux feuilles ondulées séparées par une feuille allongée. Type P1d : Applique en tôle emboutie en forme de papillon, en alliage cuivreux, à corps central allongé, à feuilles en amande et à unique rivet traversant (fig. 356, n° 19 à 21) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 387, niveau d’occupation ou de déblais, milieu XIIIe siècle - vers 1285 ; n° 2578 A et B, niveau d’égalisation de sol de zone de circulation, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 1416, sol de grotte, n° 3570, couche de dépotoir associée à de l’effondrement de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375. Le corps central des appliques du type P1d, ovoïde, est encadré par deux bossettes. Deux ensembles de deux feuilles nervurées en amande séparées par une petite feuille en amande s’échappent du corps central. 883 3. Approche croisée du mobilier archéologique Une applique de ce type provient de l’occupation des XIIIe - XVe siècles du château de Montséret dans l’Aude4011. Un possible exemplaire a été trouvé dans un dépotoir des XVIe – XVIIe siècles sur le site de l’église Sainte-Marie à Duilhac-sous-Peyrepertuse dans l’Aude4012. Type P1e : Applique en tôle emboutie en forme de papillon, en alliage cuivreux, à corps central ovoïde, à quatre feuilles tréflées et à unique rivet traversant (fig. 356, n° 22 et 23) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3734, couche de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 1018, couche d’occupation, vers 1360 - vers 1370/1375. Les deux objets du corpus comportent un corps central ovoïde et bombé avec une légère dépression en forme de croix ou de croix de saint André. Deux ensembles de deux feuilles tréflées séparées par une feuille en amande à la bordure bombée sont rattachés au corps central. Les appliques conservent un rivet. Celui-ci comporte dans un cas une contrerivure circulaire légèrement concave. Type P1f : Applique en tôle emboutie en forme de papillon, en alliage cuivreux, à corps central ovoïde, à quatre feuilles ovoïdes et à unique rivet traversant (fig. 356, n° 24) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 434, sol de bâtiment, vers 1309/1315 - vers 1345. L’applique présente un corps central bombé à bordure de bossettes avec une légère dépression circulaire tout au centre et quatre feuilles ovoïdes à motif de bossettes carrées en relief rattachées au corps central. 4011 4012 Artefact presque complet, L x l = 1 x 1,4 cm (Immel et Lapeyre 1981, p. 12). Applique incomplète, L x l = 1 x 1,7 cm (Bayrou et al. 1991, p. 76). 884 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type P1g : Applique en tôle emboutie en forme de papillon, en alliage cuivreux, à corps central allongé et bombé, à six feuilles et à deux rivets traversant (fig. 356, n° 25 et 26) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 159 A et B, remblai, XIVe - XVIe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3295, sol de zone de circulation, vers 1360 vers 1370/1375 ; n° 2656, remblai, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Les quatre appliques du corpus comportent un corps central allongé et bombé auquel sont rattachés deux ensembles de trois feuilles allongées. Les pièces dignoises, identiques (ex : fig. 356, n° 26), conservent des restes de tissu et un rivet à tête bombée terminé par une contre-rivure circulaire concave. L’un des objets de Rougiers présente également un rivet à tête bombée. Type P2 : Applique composite en tôles embouties en forme de papillon et à rivet(s) traversant (fig. 356, n° 27) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1518, sol de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375 ; s.n. 1, H.S. Cet artefact est constitué de deux appliques embouties de type P1, à palmettes rattachées à un corps ovoïde, reliées par un même rivet. Un tel objet était visible sur une lanière quelle que soit la face exposée. Type P3 : Applique issue de la fonte en forme de papillon et à rivet(s) traversant (fig. 356, n° 28) Var  Castrum d’Amphoux, Fox-Amphoux : n° 4, H.S. 885 3. Approche croisée du mobilier archéologique La surface de l’applique provençale est plane. Elle arbore deux extrémités allongées traversées par un rivet. La partie centrale de l’applique, aux bords ondulés, comporte un ajour cruciforme. Type P4 : Applique en tôle plate en forme de papillon et à rivet(s) intégré(s) (fig. 356, n° 29) Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 393, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. L’objet du corpus est constitué d’une tôle plate découpée dont les excroissances angulaires sont gravées de multiples traits. Un massif quadrangulaire rainuré a été brasé sur l’avers de cette tôle. Le rivet est brasé au revers de la tôle. Type P5 : Applique issue de la fonte en forme de papillon et à rivet(s) intégré(s) (fig. 356, n° 30 et 31) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3619, vers 1309/1315 - vers 1345.  Rue Pierre Sémard, Toulon : n° 2, comblement de fosse, seconde moitié XVIIe première moitié XVIIIe siècle. Ces deux appliques à rivet intégré fabriquées par la fonte sont très semblables. Chacune des deux extrémités comporte trois bombements alignés. L’élargissement central présente un petit relief à ses deux bouts. La pièce toulonnaise (fig. 356, n° 31), trouvée en position résiduelle, est dorée sur toutes ses faces. 886 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type Q : Applique à forme végétale non rayonnante (fig. 356, n° 32 à 33 ; fig. 357, n° 1 à 5) Les appliques de type Q sont classées en cinq sous-types. Les critères pris en compte sont la forme de l’applique et la technique de fabrication. Les pièces en forme de fleur de lys appartiennent aux sous-types Q1 et Q2, celles en forme de feuille aux sous-types Q3 et Q4. Le sous-type Q5 regroupe les appliques en forme de plante. Les objets des sous-types Q1, Q3 et Q5 sont en tôle emboutie et ceux des sous-types Q2 et Q4 sont issus de la fonte. Toutes les pièces du corpus, à l’exception peut-être d’une applique de type Q3, sont fixées par un ou deux rivets traversant. Quelques appliques à rivet intégré sont signalées dans la bibliographie. Un exemplaire en forme de trèfle a été découvert dans un remblai de construction de foyer de la seconde moitié du XIVe siècle sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher4013. Des spécimens en étain ou en alliage d’étain et de plomb, en forme de trèfle, de feuille à trois folioles ou de bouquet de trois feuilles, en forme de fleur de lys, éventuellement intégrée dans un cercle greneté, sont connus par les opérations archéologiques menées à Londres4014. Quatre-vingt-quatorze appliques en forme de trèfle, disposées par deux, opposées par la base, sont fixées sur une ceinture en cuir de 2,5 cm de large pour une longueur non renseignée trouvée à hauteur du bassin d’un sujet féminin d’une quarantaine d’années inhumé au bas Moyen Âge ou au début de l’Époque moderne sur le site de la Tour Saint-Laurent à Oze dans les Hautes-Alpes4015. Le mode de fabrication n’est pas précisé. La fixation de chaque applique s’effectue par trois (?) rivets traversant. La ceinture comporte une boucle de type P2b, une chape de type A2a et un mordant dont le type n’a pu être déterminé. Type Q1 : Applique en forme de fleur de lys, en tôle emboutie et à rivet(s) traversant (fig. 356, n° 32) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3442, sol de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375. 4013 Objet complet, L x l = 1,2 x 1,2 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 104-105, n° 3194). Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 200, n° 1086, 1088 à 1090. 4015 Exemplaire complets, L x l = 1,25 x 1,3 cm (Bonnefoi 1969, p. 30). 4014 887 3. Approche croisée du mobilier archéologique L’applique du corpus, en tôle emboutie, est décorée de bossettes au-dessus de la base de la fleur. L’enroulement des feuilles forme des ajours circulaires. Deux petites perforations laissaient passage aux rivets. L’aspect de cet objet est très proche d’un artefact du corpus de type Q2. Deux pièces analogues, à grènetis au-dessus de la base, sans l’enroulement complet des feuilles, ont été trouvées au château de Peyrepertuse (N.D.S.) à Duilhac-sousPeyrepertuse dans l’Aude4016 et au château de Bressieux (datation non fournie) en Isère4017. Une pièce sans grènetis et avec une unique perforation en position centrale provient d’un niveau d’abandon de moulin de la seconde moitié du XIIIe siècle sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher4018. Le centre de la fleur et des feuilles est en plus fort relief. C’est aussi le cas d’un artefact mis au jour sur le site de Trainecourt (XIIIe - XVe siècle) à Grentheville dans le Calvados4019. Type Q2 : Applique en forme de fleur de lys, issue de la fonte et à rivet(s) traversant (fig. 356, n° 33) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2580, niveau d’égalisation de sol de circulation, vers 1309/1315 - vers 1345. L’aspect de cet objet est analogue à celui du corpus appartenant au type Q1. L’artefact, à deux perforations pour rivet, est décoré de bossettes au-dessus du pied de la fleur. L’enroulement des feuilles forme des ajours circulaires. Deux appliques analogues ont été retrouvées sur le site de Trainecourt (XIIIe - XVe siècle) à Grentheville dans le Calvados4020, une autre récupérée hors contexte à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis4021 et une dernière découverte dans un niveau non datable du site de Billingsgate lorry park à Londres4022. 4016 Applique complète, L x l = 2,9 x 2 cm (Barrère 2000, p. 224, fig. 148, n° 29). Spécimen complet, L x l = 3,5 x 2,6 cm (Girard et Lafond 2009, p. 164, fig. 206, n° 4). 4018 Artefact complet, L x l = 1,3 x 1,2 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 102, n° 5384). 4019 Individu complet, L x l = 1,7 x 1,6 cm (Vivre au Moyen Âge 2002, notice 198). 4020 Pièces complètes, L x l = 1,7 x 1,2 et 1,5 x 1,1 cm (Vivre au Moyen Âge 2002, notice 198). 4021 Exemplaire complet, L x l = 1,25 x 0,85 cm (Leconte 2002, p. XCII, n° 16-500-4 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 65). 4022 Spécimen complet, L x l = 1,8 x 1,2 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 200, n° 1084). 4017 888 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type Q3 : Applique en forme de feuille, en tôle emboutie et à rivet(s) traversant (fig. 357, n° 1 à 3) Bouches-du-Rhône  Église abbatiale Saint-Victor, Marseille : n° 133, comblement de caveau et de fosse, Époque moderne.  Le Castellas, Rognac : n° 3 à 61, cimetière du castrum, H.S. L’applique marseillaise (fig. 357, n° 1), incomplète, prend la forme d’une feuille d’arbre. Les nervures et une partie du bord de la feuille sont en relief. L’extrémité inférieure de la tige n’est pas conservée. Une autre applique, cassée à la base de la feuille, provient du site du château d’Apcher (XIVe - XVIIe siècle) en Lozère : chaque foliole est individualisée des autres par un relief qui l’entoure complètement4023. Un artefact complet a été trouvé sur le site de Brandes-en-Oisans (fin XIIe - milieu XIVe siècle) à l’Alpe d’Huez en Isère. Les nervures sont en relief et la base de la tige et l’extrémité de la feuille sont perforées pour le passage de rivets4024. Une applique en forme de feuille très découpée, cassée à la base, a été découverte dans un niveau daté vers 1370 - vers 1455 sur le site du château de Threave dans le Dumfries and Galloway4025. L’absence de perforation au sommet de la feuille et la cassure à l’endroit de la base pourraient être des indices d’une utilisation en tant que branlant et non comme applique. Il existe en effet des objets en forme de feuille comportant un anneau qui permettait la suspension. Deux fragments de valves de moule pour fabriquer de tels objets ont été trouvés dans un contexte de fin XVe - début XVIe siècle au château de Rathsamhausen à Ottrott dans le Bas-Rhin4026. Un contexte des XVe - XVIe siècles de ce même site a livré trois branlants encore retenus par un fil cuivreux qui, dans un cas, traverse une applique de type M24027. Un ensemble de vingt-huit pièces en fer embouti retenues par un fil de fer à une applique en fer de type A2 provient d’un contexte de la première moitié du XVe siècle du site de Trig Lane à Londres4028. Tous les éléments sont étamés. Les feuilles sont percées d’un trou en leur milieu. 4023 Données inédites. Objet complet, L x l = 2,2 x 1,2 cm (Bailly-Maître et Bruno-Dupraz 1994, p. 128). 4025 Spécimen incomplet, L x l = 1,5 x 1,4 cm (Caldwell 1981, p. 107, fig. 10, n° 19). 4026 Vivre au Moyen Âge 1990, p. 430-431, n° 3.40. 4027 Deux pièces complètes dont une avec son support, L x l = 1,85 x 1,7 cm, un individu incomplet sans son support, L x l = 1,15 x 0,45 cm (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 431, n° 3.47). 4028 Artefact complet, L x l = 5,9 x 2,1 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 217, 219, n° 1188). 4024 889 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les accessoires métalliques d’une ceinture ont été retrouvés à l’emplacement d’un cimetière sur le site du castrum du Castellas à Rognac. Cet ensemble se compose d’une boucle de type P2b, d’une possible chape de type A3c, d’un mordant de type indéterminé, de cinquante-huit appliques en forme de trèfle stylisé (fig. 357, n° 2), d’une applique évoquant un feuillage (fig. 357, n° 3). Les folioles des pièces en forme de trèfle sont bombées en bordure. Elles sont assises sur une bande bombée cordée. Ces appliques étaient fixées par un unique rivet. Dans une reconstitution proposée en 1981, les appliques en forme de trèfle sont disposées par deux, opposées par la base. L’applique à feuillage est placée à une extrémité4029. Type Q4 : Applique en forme de feuille, issue de la fonte et à rivet(s) traversant (fig. 357, n° 4) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1269 A et B, seconde moitié XIVe siècle. Ces deux appliques identiques ont la forme d’un trèfle. De profondes dépressions distinguent les folioles. Le milieu du bord extérieur de chaque foliole est échancré. Une dépression longiligne s’en échappe. Deux autres courtes dépressions sont visibles à l’endroit du pied. Des restes de cuir sont conservés au revers. Des appliques en forme de trèfle, plus naturalistes, ont été trouvées à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis, dans un remblai d’occupation et des alluvions du Croult datés de seconde moitié XIVe - premier quart XVe siècle4030. Plusieurs exemplaires sont fixés par leur rivet central à des fragments d’une courroie de cuir provenant d’un comblement de fosse des XVIe - XVIIe siècles. Cette lanière dont la largeur est à peine plus large que les appliques est probablement en position résiduelle. Les appliques de type Q4, orientées couchées, alternent soit avec des appliques en forme de croissant de lune (type X), soit avec des appliques circulaires à œillet (type B3). Deux appliques de type N ont été retrouvées sur des fragments de cuir dans le même contexte4031. 4029 Aujourd’hui le Moyen Âge 1981, p. 92, n° 416. Exemplaires complets, L x l = 1,65 x 1,15 et 1,05 x 0,9 cm (Leconte 1981, p. XC, n° 21-357-18 et 26-411-55 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 23 et 58) 4031 Huit appliques complètes et une incomplète, L x l = 1,1 x 1,2 cm (Leconte 2002, p. XCIV-XCV, n° 16-1004-11) 4030 890 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type Q5 : Applique en forme de plante, en tôle emboutie et à rivet(s) traversant (fig. 357, n° 5) Var  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 94-258, contexte inconnu. L’applique est constituée de deux tiges, de la base desquelles s’échappent deux feuilles. Les tiges s’entrecroisent en leur milieu et chacune est terminée par un gland. L’entrecroisement des tiges forme un nœud au centre duquel passe un rivet. Un remblai de construction issu de démolition de la seconde moitié du XIVe siècle sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher a livré une applique en forme de tulipe4032. Type R : Applique en forme de coquille (fig. 357, n° 6 à 8) Les appliques du corpus sont classées en deux sous-types établis en prenant en compte le mode de fabrication et le mode de fixation. Le sous-type R1 contient les spécimens en tôle emboutie à rivet(s) traversant, le sous-type R2 un exemplaire fabriqué par la fonte et à rivet intégré. Deux appliques obtenue par fonderie et à unique rivet traversant ont été découvertes dans des niveaux de la première moitié du XVe siècle sur le site de Swan Lane à Londres4033. Les côtes sont figurées par des dépressions disposées en éventail. Toutes les appliques du corpus et de la bibliographie sont côtelées. Il est probable qu’il s’agit d’évocations de la coquille Saint-Jacques. Type R1 : Applique en forme de coquille, en tôle emboutie et à rivet(s) traversant (fig. 357, n° 6 et 7) Bouches-du-Rhône  Cour de l’Archevêché, Aix-en-Provence : n° 3, sous un mur, XIVe siècle. Vaucluse  Rue Banasterie, Avignon : n° 115, datation inconnue. 4032 Objet complet, L x l = 1 x 1,4 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 104, n° 168). Au moins un exemplaire complet sur les trois, L x l = 1,2 x 1,1 cm et 1,1 x 1,1 cm et 1,2 x 1,2 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 200, n° 1082 et 1083). 4033 891 3. Approche croisée du mobilier archéologique Ces deux appliques en tôle emboutie, complètes, évoquent une coquille avec des côtes, peut-être une coquille Saint-Jacques. La plus petite (fig. 357, n° 6) comporte neuf côtes. Deux rivets assuraient la fixation. Des spécimens analogues à cinq ou sept côtes ont été trouvés au château d’Apcher en Lozère4034. Une applique assez frustre, à six côtes et à deux perforations pour la fixation, de bien plus grande taille provient d’un niveau du XIVe ou XVe siècle du village médiéval de l’Ortolo en Corse4035. Neuf côtes sont dénombrées pour la pièce du corpus la plus grande (fig. 357, n° 7). Les oreilles de la coquille sont ici figurées contrairement aux pièces précédentes. Une applique à six côtes et à oreilles différenciées, à perforation centrale pour la fixation, provient de la démolition de la première moitié du XIVe siècle d’un atelier métallurgique sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher4036. Type R2 : Applique en forme de coquille, issue de la fonte et à rivet(s) intégré(s) (fig. 357, n° 8) Vaucluse  Rue Carreterie, Avignon : n° 90, datation inconnue. L’objet du corpus est constitué d’une pièce fabriquée par fonderie en forme de coquille, à neuf côtes et à oreilles différenciées, dont le rivet intégré traverse une contre-rivure en tôle concave. Des restes de cuir sont conservés au revers. Type S : Applique à forme humaine ou animale (fig. 357, n° 9) Bouches-du-Rhône  18 rue des Magnans, Aix-en-Provence : n° 7, début XIIIe siècle. Cette applique emboutie, la seule du corpus appartenant au type S, est en forme de chien. Sa queue est touffue. Une petite perforation figure l’œil. Une perforation de plus 4034 Données inédites. Les contextes sont en cours de datation. L x l = 0,6 x 0,6 à 0,7 x 0,8 cm Spécimen complet, L x l = 1,8 x 1,6 cm (Comiti 1996, p. 48). 4036 Exemplaire complet, L x l = 1,8 x 1,5 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 103, n° 2463). 4035 892 3. Approche croisée du mobilier archéologique grande taille laissait passage à un rivet. Les appliques animalières sont particulièrement rares. Deux laisses de chien en cuir retrouvées dans un contexte du dernier quart du XVIe siècle à Amsterdam aux Pays-Bas sont décorées d’appliques à rivet intégré en forme de chien courant4037. L’une d’elles comporte également un grelot, des appliques en forme de sanglier et une applique figurant un cavalier. La seconde est également ornée d’une applique en forme de lapin. Ces ensembles forment des scènes de chasse. Une applique à rivet intégré en forme de chien courant et une autre en forme de lapin courant ont été récupérés en Zélande à l’emplacement de terres immergées vers 15304038. Les appliques représentant des figures humaines et des parties de corps humain sont un peu plus nombreuses que les appliques animalières. Sans prétention d’exhaustivité, citons un buste de profil de l’empereur Maximilien en tôle emboutie en alliage cuivreux, à rivet traversant, découvert dans une réoccupation de thermes gallo-romains entre 1486 et 1519 à Bliesbruck en Moselle4039, une foi – deux mains se serrant – en argent à deux rivets intégrés et provenant du trésor d’Erfurt enfoui en 1347 ou 13484040 ou rivetée à une ceinture de soie conservée à Conques en Aveyron4041, des têtes de femme en argent doré alternant avec des appliques en argent doré de type M7 sur une ceinture de soie enfouie vers 1348 à Colmar4042, un buste féminin de profil en alliage cuivreux mis au jour sur le site de Trainecourt (XIIIe XVe siècle) à Grentheville dans le Calvados4043, un buste féminin de face en étain à rivet intégré issu d’un contexte de la première moitié du XVe siècle du site de Swan Lane à Londres4044, une tête de femme en matériau blanc à rivet intégré trouvée dans des terres immergées vers 1530 en Zélande4045. Ces cinq dernières pièces ont été fabriquées par fonderie. 4037 Willemsen et Ernst 2014, p. 72 et 73, fig. 77 à 79. Willemsen et Ernst 2014, p. 12, fig. 7 ; p. 73, fig. 79. 4039 Spécimen complet, L x l = 3,6 x 3 cm (Clemens et Petit 1995, p. 78). 4040 Objet complet, L x l = 2,5 x 0,7 cm (Descatoire (dir.) 2007, p. 79). 4041 Pièce complète, L x l = 2,5 x 1,9 cm (Fingerlin 1971, p. 338, 340, n° 67). 4042 Pièces complètes, L x l = 0,85 x 0,85 cm (Fingerlin 1971, p. 422, n° 359 ; Descatoire (dir.) 2007, p. 79). 4043 Applique complète, L x l = 1,5 x 1,1 cm (Vivre au Moyen Âge 2002, notice 201). 4044 Artefact presque complet, analyse de composition, L x l = 2 x 1,3 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 127, n° 1092). 4045 Pièce complète, L x l = 1,4 x 1,1 cm (Willemsen et Ernst 2014, p. 64, fig. 68). 4038 893 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type T : Applique en forme de bâtiment (fig. 357, n° 10) Bouches-du-Rhône  Alcazar, Marseille : n° 120, comblement de fosse, fin XIIIe - début XIVe siècle. L’applique de l’Alcazar, obtenue par la fonte, à rivet intégré, adopte la forme d’un château avec trois tours crénelées. La tour centrale, plus allongée, pourrait représenter le donjon. Les fenêtres et les portes sont figurées par des dépressions. L’objet conserve des traces de dorure. Des appliques en tôle emboutie à unique rivet traversant, sans représentation de porte ou de fenêtre, mais offrant des similitudes avec l’applique du corpus quant à la forme générale, ont été mises au jour en Côte d’Or sur le site d’une ferme seigneuriale du XIVe siècle à la Grange du Mont à Charny4046, dans un bâtiment occupé entre fin XIIIe/début XIVe siècle et le milieu du XIVe siècle dans le village médiéval de Dracy à Baubigny4047, au château de Pymont (XIIIe - XVe siècle) à Villeneuve-sous-Pymont dans le Jura4048, dans un remblai de démolition qui pourrait dater de la première moitié du XIVe siècle sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher4049. À l’exception de l’exemplaire trouvé à Bourges, toutes les pièces arborent deux merlons en haut de chacune des trois tours. La tour en position centrale est plus allongée pour le spécimen de Charny et un objet de Villeneuve-sous-Pymont. Les appliques en forme de château à tours crénelées semblent pouvoir être datées de la première moitié du XIVe siècle. Elles ne sont pas sans évoquer les boucles à barre quadrangulaire crénelée du type F2c dont la datation typologique est similaire (fig. 206, n° 6 et 7). Une applique en alliage étain-plomb en forme de château, très réaliste, figure trois tours rondes à toit conique. Les fenêtres sont représentées par une à deux dépressions rectangulaires en haut des tours. Elle a été trouvée à l’emplacement de terres inondées en Zélande aux Pays-Bas, vers 15304050. 4046 Individu complet, L x l = 1 x 0,9 cm (Beck 1989, p. 73). Applique complète, L x l = 1,35 x 1,05 cm (Piponnier 1975b, p. 159, fig. 12, n° 1). 4048 Exemplaires complets, L x l = 0,9 x 1 et 1,3 x 1,3 et 1,4 x 1,4 cm (Jeanjacquot 1993, p. 108, fig. 70, n° 1915, 1981 et 1997). 4049 Artefact complet, L x l = 1 x 1,1 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 103, n° 487). 4050 Objet presque complet, L x l = 1,8 x 1,5 cm (Willemsen et Ernst 2014, p. 64, fig. 68). 4047 894 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type U : Applique scutiforme (fig. 357, n° 11 à 17) Trois sous-types sont distingués au sein des appliques scutiformes du corpus. Les critères pris en compte sont la technique de fabrication et le mode de fixation. Les exemplaires en tôle emboutie ou obtenus par la fonte et à rivet(s) traversant sont rassemblés respectivement dans les sous-types U1 et U2. Le sous-type U3 regroupe les appliques fabriquées par la fonte et à rivet intégré. Des appliques armoriées sont fixées sur un sac en cuir (fig. 342) du XIVe siècle retrouvé sur le site de Laurenshof à Rotterdam aux Pays-Bas. Leur mode de fixation est probablement le rivetage, mais certaines d’entre elles comportent encore des anneaux de fixation aux angles. Auraient-elles été réutilisées ou détournées de leur utilisation première ? Dans ce cas, un rivet aurait été rajouté par brasure. Une observation détaillée du sac est nécessaire pour le confirmer. Les appliques armoriées sont souvent représentées sur les colliers de chiens dans l’iconographie. Elles permettent l’identification de leur propriétaire. Un écu armorié est par exemple visible sur le collier d’un chien dans une peinture du début du XVe siècle autrefois conservée dans la chapelle Saint-Donat à Bruges en Belgique (fig. 323). Type U1 : Applique scutiforme, en tôle emboutie et à rivet(s) traversant (fig. 357, n° 11 et 12) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 284, couche de dépotoir, milieu XIIIe siècle vers 1285 ; n° 997, couche d’occupation, vers 1360 - vers 1370/1375. Ces deux appliques embouties comportent une bordure de petits quadrilatères en relief et une zone centrale plus élevée. Une perforation pour le passage d’un rivet est visible au centre. L’un des deux objets présente un décrochement au milieu du bord supérieur (fig. 357, n° 11). Une applique en forme d’écu dit de « type normand »4051, c’est-à-dire en forme d’amande, à deux rivets traversant, à bordure à bossettes et partie centrale fortement bombée, fut mise au jour au château de Montségur en Ariège4052. Une autre applique scutiforme en 4051 4052 Wenzler 2002, p. 29. Artefact complet, h x l = 4,85 x 2,85 cm (Czeski 1981, p. 199). 895 3. Approche croisée du mobilier archéologique forme d’écu normand, aux bords plats lobés et gravés de segments parallèles incisés, provient du site de Trainecourt (XIIIe -XVe siècle) à Grentheville dans le Calvados4053. Le trésor de Colmar dans le Haut-Rhin, enfoui vers 1348, comporte une applique scutiforme en argent figurant un aigle à deux têtes dans une bordure de bossettes4054. En se fondant sur l’ancienneté de la forme de l’écu normand et en considérant que la pièce varoise la plus récente est sans doute en position résiduelle, une attribution au XIIIe siècle des appliques en alliage cuivreux de type U1 actuellement connues pourrait être envisagée. Il convient cependant de considérer cette hypothèse avec prudence. Type U2 : Applique scutiforme, issue de la fonte et à rivet(s) traversant (fig. 357, n° 13 et 14) Bouches-du-Rhône  Place Villeneuve-Bargemon, Marseille : n° 11, comblement de puits, XIVe - XVe siècle. Var  Cadrix, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 27, niveau postérieur au second tiers du XIVe siècle. Trois perforations pour rivet permettaient la fixation. La pièce varoise comporte une bordure plate dorée dont la couleur tranche avec la zone centrale bombée de couleur cuivre, celle du matériau (fig. 357, n° 13). Cette opposition de couleur est volontaire et ne résulte pas d’une disparition de la couverte sur la partie bombée. Ce genre de jeu de couleur se rencontre également sur des appliques londoniennes de type A3, pour certaines datées de la première moitié du XVe siècle4055. Le second artefact du corpus (fig. 357, n° 14) présente une zone centrale concave vierge de décor. Un trou très probablement lié à un manque de métal lors de la fonte traverse cette zone. Elle est encadrée par de petits ovales et de minuscules ronds creux réalisés par poinçonnage. Deux ovales sont ajourés, les autres, au profil concave, l’ont été incomplètement. Il n’est pas certain que l’ajourage ait été volontaire, il n’a en tout cas pas été 4053 Pièce complète, L x l = cm (Vivre au Moyen Âge 2002, page 214). Spécimen complet, L x l = 1,3 x 1,1 cm (Descatoire (dir.) 2007, p. 89, n° 58, e). 4055 Egan et Pritchard (dir.) 2012², p. 181, n° 932, pl. 4, D ; pl. 5, E et F. 4054 896 3. Approche croisée du mobilier archéologique complété par l’artisan. Il se pourrait que l’épaisseur de métal prévue n’ait pas été suffisante ou que la superposition des empreintes ait été imparfaite. La première hypothèse paraît être la plus probable. Les points de fixation de l’objet prennent la forme d’excroissances. Une applique scutiforme plate aux armes émaillées ramassée par un détectoriste britannique et répertoriée par J. Goodall et T. Woodcock comporte, au-dessus de l’écu, une excroissance arrondie traversée d’un rivet4056. Type U3 : Applique scutiforme, issue de la fonte et à rivet(s) intégré(s) (fig. 357, n° 15 à 17) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 333, H.S. ; n° 984, N.D.S.  Rue Carreterie, Avignon : n° 27, N.D.S. Ces trois appliques en forme d’écu obtenues par la fonte présentent un fort rivet intégré au revers. Les armes qui figurent côté avers sont en partie émaillées : l’émail a été ajouté dans des dépressions du métal. Un premier écu est fascé de gueules – il reste quelques infimes traces d’émail – et d’or ou d’argent4057 (fig. 357, n° 16), un second est d’or au lion de sable rampant à la cotice d’émail ou de métal inconnu (fig. 357, n° 17). La figure en émail vert du troisième écu (fig. 357, n° 15) n’a pu être identifiée précisément : elle ressemble à un gonfalon4058 mais les épines pourraient faire penser à une herse. Le fond est d’or ainsi que l’attestent des traces de dorure. Quelques appliques scutiformes en alliage cuivreux armoriées ayant conservé ou non leur émail sont répertoriées dans la bibliographie. Une petite applique émaillée (N.D.S) à rivet intégré fut trouvée au château de Montségur en Ariège4059, une seconde sans émail et à deux rivets intégrés provient d’une occupation peut-être datée de la première moitié du XIVe siècle 4056 Spécimen complet, h x l = 2 x 1,25 cm (Goodall et Woodcock 1991). La règle de la « contrariété des émaux » interdit d’avoir métal sur métal (or et argent) ou émail sur émail, sauf pour de petits détails, les brisures et les figures brochant sur un champ d’émaux alternés. Les émaux héraldiques sont gueules (rouge), azur, sable (noir), sinople (vert), pourpre (violet marron), orangé, tanné (marron) (Wenzler 2002, p. 41-43, 46-47). 4058 Se reporter par exemple à l’écu des comtes d’Auvergne à partir de Guillaume XI d’Auvergne. 4059 Spécimen complet ?, h x l = 1,6 x 1,8 cm (Sarret 1980, p. 61 ; Sarret 1981b, p. 105, n° 131/72 ; Archéologie 1990, p. 221, n° 454). 4057 897 3. Approche croisée du mobilier archéologique sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher4060. D’autres appliques ayant perdu leur émail furent ramassées hors contexte sur le site de Billingsgate lorry park à Londres4061. Ces objets apparaissent régulièrement dans les trouvailles des détectoristes au RoyaumeUni4062. Un très petit exemplaire en or à cinq rivets intégrés (h x l = 1,2 x 1 cm) fut récolté sur les berges de la Tamise à Greenwich près de Londres. Les armes qui y figurent sont celles de John duc de Bedford et régent de France et permettent ainsi de dater l’objet entre 1422 et 14354063. La fonction de ces objets est évoquée par quelques documents. Une applique en argent émaillée d’un cancer de gueules avec au revers des traces textiles fait partie d’un ensemble d’accessoires du costume orfévrés retrouvés à Erfurt dans le land de Thuringe en Allemagne4064. Il s’agit probablement d’une applique de ceinture. Une applique de petite taille (h = 1,8 cm) a ainsi été retrouvée sur une lanière permettant l’attache d’un éperon en fer provenant de Whapgrove dans l’Oxfordshire4065. Une autre d’une taille légèrement supérieure (h x l = 3,1 x 2,7 cm), fixée sur un cadre en fer incomplet, est issue d’un niveau de construction de la seconde moitié du XIIIe siècle et de la première moitié du XIVe siècle du château de Baynards à Londres. Le rivet de l’applique émaillée passe au travers d’un trou pratiqué au milieu d’une barre courbe dont la forme peut être rapprochée de celle d’un M. La barre mesure en l’état 10,2 cm par 6,8 cm. T. Wilmott interprète cet objet comme une broche vestimentaire4066, identification peu probable au vu des dimensions. Les appliques de type U3 sont régulièrement identifiées comme des appliques de harnachement. Les éléments de datation actuellement disponibles pour le type U3 sont en faveur d’une datation typologique s’étendant sur le XIVe siècle et le premier tiers du XVe siècle. 4060 Artefact complet, L x l = 1,5 x 1,5 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 106, n° 2841). Au moins deux des trois pièces complètes, h x l = 1,8 x 1,4 et 2,1 x 1,7 et 3,2 x 2,7 cm (Clark (dir.) 2004², p. 71, n° 77, 78 et 80). 4062 Voir J. Goodall et T. Woodcock qui en répertorient huit exemplaires de tailles diverses (Goodall et Woodcock 1991, n° 12, 20 à 26). 4063 Applique complète (Campbell 1988, p. 313-314). 4064 Pièce complète, L x l x e = 1,55 x 1,3 x 0,25 cm, l’objet est attribué au second quart du XIVe siècle (Descatoire (dir.) 2007, p. 76, n° 39). 4065 Wilmott 1982, p. 299 ; Clark (dir.) 2004², p. 70. 4066 Wilmott 1982. 4061 898 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type V : Applique en forme de lettre (fig. 357, n° 18) Bouches-du-Rhône  Château des Baux, Les-Baux-de-Provence : n° 261, remblai, XIVe siècle. L’applique du corpus, en tôle cuivreuse emboutie, est en forme de « e » gothique. Elle est dorée à l’avers comme au revers. Trois rivets permettaient sa fixation. Deux d’entre eux traversaient des excroissances circulaires. Des appliques embouties à deux rivets de fixation en forme de lettre gothique ont été trouvées sur plusieurs sites d’Europe occidentale. Un « m » est issu d’un comblement de la rivière Croult, en cours de datation au moment de la publication, à Saint-Denis en SeineSaint-Denis4067. Une applique en forme de « m » couronné a été retrouvée sur le bassin d’un corps non daté dans l’église Saint-Georges d’Hermance dans le canton de Genève en Suisse4068. Un « s » provient d’un niveau d’occupation de la seconde moitié du XIIIe siècle et de la première moitié du XIVe siècle du site du village médiéval de Goltho dans le Lincolnshire4069. Un « a » et un « b » sont fixés à un fragment de lanière de cuir mis au jour dans un remblai de la première moitié du XIVe siècle à Dordrecht en Hollande méridionale4070. D’autres pièces en forme de lettre gothique à rivet intégré ont été fabriquées par fonderie : trois « m », sept « o » et trois « s » en argent ont été retrouvés dans des alluvions des XIVe - XVe siècles du Croult à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis4071 ; un « d » ou un « p » en étain a été découvert dans un niveau de la première moitié du XVe siècle sur le site de Swan Lane à Londres4072. Une applique en forme de « s » lombard en étain décorée de grènetis provient d’un contexte de même datation sur le même site4073. Un « r » lombard en alliage d’étain et de plomb y a été trouvé hors stratigraphie4074. Un contexte du XVe siècle 4067 Spécimen complet, L x l = 1,5 x 1,75 cm (Leconte 2002, p. XCIV, n° 26-408-2). Applique complète, L x l = 2 x 1,5 cm (Bonnet 1973, p. 91, n° 107). 4069 Artefact complet, L x l = 3,3 x 1,8 cm (Goodall et al. 1975, p. 93, fig. 44, n° 25). 4070 (Willemsen et Ernst 2014, p. 121, fig. 135). 4071 Objet complet, M, L x l = 1,05 x 1,05 cm, O, d = 1,05 cm, S, L x l = 0,75 x 0,7 cm (Leconte 2002, p. XCIII, n° 26-415-39 et 26-415-40 et 26-415-68). 4072 Individu complet, analyse de composition, L x l = 2,9 x 1,4 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 203, n° 197) 4073 Spécimen complet, analyse de composition, L x l = 1,2 x 0,8 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 203, n° 195) 4074 Artefact complet, analyse de composition, L x l = 2,1 x 1,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 203, n° 196) 4068 899 3. Approche croisée du mobilier archéologique fouillé lors d’une opération archéologique Tudor Street à Londres a fourni un moule en os de seiche qui porte l’empreinte de plusieurs « m » couronnés4075. Aux Pays-Bas, de nombreuses lettres de formes diverses en alliage d’étain et de plomb ont été trouvées dans des contextes du XIVe siècle ou dans des zones ennoyées vers 15304076. Des appliques plates découpées dans une tôle en alliage cuivreux sont attestées par un « e » mis au jour dans un dépotoir de la fin du XIIe siècle et de la première moitié du XIIIe siècle sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges dans le Cher4077, par un « m » issu d’un niveau du XVe siècle et de la première moitié du XVIe siècle du site de la Rue Mongat à Douai dans le Nord4078. Quatre appliques complètes en tôle de fer et douze autres fragments de la lettre H lombarde proviennent d’un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle du site de Baynard House à Londres4079. Les ceintures peuvent porter des écrits. Ils étaient probablement la plupart du temps brodés ou brochés. Le mot Espérance est broché sur la représentation d’une ceinture au dos d’une chasuble en velours produite en Italie à la fin du XIVe ou au début du XVe siècle (fig. 149). Le relief des lettres des mots IHESVS MARIA sur la ceinture d’une sainte femme de la Descente de croix peinte par Rogier Van der Weyden vers 1430 - vers 1435 (fig. 82) laisse penser que l’artiste a pu vouloir représenter des appliques. Les données actuellement disponibles prouvent une utilisation des appliques en forme de lettre depuis la première moitié du XIIIe siècle jusqu’au moins le premier tiers du XVIe siècle. Il n’est pas encore possible de proposer des hypothèses de datation fiables en fonction de la technique de fabrication, du matériau et de la forme de la lettre. Type W : Applique en forme de nœud (fig. 357, n° 19 et 20) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL XX-111, remblai, XVIIIe siècle. Vaucluse  Rue Carreterie, Avignon : n° 353, contexte inconnu. 4075 Willemsen et Ernst 2014, p. 37, n° 31. Willemsen et Ernst 2014, p. 27, fig. 19, p. 36-37, fig. 29 et 30, p. 119-125. Le mobilier est donc antérieur à 1530 et peut fort dater du XIVe, du XVe ou du premier tiers du XVIe siècle. 4077 Exemplaire complet, d = 1,7 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 106, n° 2464). 4078 Applique complète, L x l = 1,4 x 0,85 cm (Louis et al. 1998, p. 66, n° 27). 4079 Quatre pièces complètes et douze autres incomplètes, L x l = 2,1 x 1,7 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², n° 1085). 4076 900 3. Approche croisée du mobilier archéologique Ces deux appliques figurent un motif ajouré de nœud composé de deux brins (fig. 357, n° 19) ou de deux anneaux (fig. 357, n° 20) avec une bordure grenetée. La pièce arlésienne comporte en son centre une perforation pour le passage d’un rivet (fig. 357, n° 19), celle d’Avignon (fig. 357, n° 20), qui n’a pu être observée de visu, ne présente pas de perforation évidente. Plusieurs petits ajours pourraient avoir été utilisés pour laisser passage à un rivet. Deux appliques en tôle emboutie à deux rivets traversant et figurant un nœud constitué d’un seul brin agencé en forme de huit ont été mises au jour dans un contexte du XIVe siècle au château de Rathsamhausen à Ottrott dans le Bas-Rhin4080. Type X : Applique en forme de croissant de lune (fig. 357, n° 21) Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 2048 et 2283, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Deux objets en forme de croissant de lune proviennent du site du Petit Palais à Avignon. Le plus grand (L x l = 2,7 x 2,05 cm) est en très mauvais état de conservation. L’oxydation ne permet pas de juger de la technique de fabrication, de l’épaisseur de l’artefact et du mode de fixation. Le plus petit, aux bords chanfreinés, comporte un rivet intégré au revers dont l’extrémité passe au travers d’une contre-rivure circulaire aux bords légèrement relevés (fig. 357, n° 21). Une fabrication de l’applique par fonderie est supposée. Des fragments de courroie de cuir mis au jour, vraisemblablement en position résiduelle, dans le comblement d’une fosse des XVIe - XVIIe siècles à Saint-Denis en SeineSaint-Denis, sont décorés d’appliques de type X obtenue par la fonte. Elles alternent avec des appliques de type Q4. Des exemplaires de type B et N s’observent également sur ces morceaux de lanière4081. À Saint-Denis également ont été trouvés deux pièces en tôle emboutie avec un rivet terminé par une contre-rivure. Elles proviennent d’alluvions du Croult datés de la seconde moitié du XIVe siècle et du premier quart du XVe siècle4082. 4080 Objet complet, L x l = 2,35 x 1,4 cm (Rieb et Salch 1973, n° 307 et 308). Huit appliques complètes et une incomplète, L x l = 1,1 x 1,2 cm (Leconte 2002, p. XCIV-XCV, n° 16-1004-11) 4082 Deux artefacts complets, L x l = 1,6 x 1,8 et 0,95 x 0,8 cm (Leconte 2002, p. XCI, n° 26-415-104 et 26-416-53 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 17 et 29) 4081 901 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type Y : Applique à recourbement latéral (fig. 357, n° 22 et 23) Var  Bagatelle/Abreuvoir Saint-Michel, Châteauvert : n° 27, 34 à 36, sépulture, fin XIIe - XIVe siècle. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 775, contexte d’Époque moderne. Ces objets sont constitués d’une tôle à l’extrémité recourbée. La tôle est traversée par deux rivets à contre-rivure circulaire plate pour les pièces varoises, concave pour l’artefact vauclusien. Les contre-rivures concaves sont habituellement disposées de façon à ce que la concavité soit orientée vers la lanière afin que les bords pénètrent dans le cuir ou le tissu. Elles sont ici placées à l’envers. Presque toutes les appliques du corpus conservent des restes de tissu. Les quatre pièces varoises furent découvertes dans une sépulture avec neuf appliques de type D2a et sept appliques de type H3c. Ces objets devaient appartenir à une ceinture. Le bord replié des appliques de type Y suggère un emploi dans le cadre d’un dispositif d’agrafage. Type Z : Applique à bombement transversal découpé d’une encoche (fig. 358, n° 1) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1179, second tiers XIVe siècle. Cette applique hexagonale du corpus comporte un bombement transversal entaillé par une encoche. Celle-ci se prolonge légèrement de chaque côté du bombement. Un décor réalisé par impression de la face avers semble figurer des rameaux végétaux sur un fond de lignes obliques d’orientations variées. Quatre perforations disposées aux angles laissaient passer des rivets. Trois appliques de formes variées à bombement transversal découpé d’une encoche ont été découvertes sur le site de Swan Lane à Londres. La plus ancienne provient d’un niveau daté entre vers 1270 - vers 1350 et les deux autres de contextes de la première moitié du XVe 902 3. Approche croisée du mobilier archéologique siècle. Un quatrième artefact a été ramassé sur les berges de la Tamise4083. Un des exemplaires londoniens les plus récents est fixé sur une lanière de cuir avec l’orientation adoptée pour la représentation de l’artefact du corpus. Un autre spécimen est fixé de la même manière sur un fragment de ceinture antérieur à 1530, date de l’immersion des terres de Zélande, aux Pays-Bas, d’où provient la ceinture4084. La fonction des appliques de type Z reste indéterminée mais une utilisation dans un dispositif d’agrafage ou de suspension peut être envisagée. G. Egan et F. Pritchard proposent une production de ces appliques entre le milieu du XIVe siècle et le début du XVe siècle4085. L’objet provençal s’insère dans cet intervalle. Type AA : Applique composite à barre ou à arceau de suspension (fig. 358, fig. 2 à 7) Bouches-du-Rhône  Motte de la Plaine de la Grande Bastide, Saint-Paul-lès-Durance : s.n., première moitié XIIIe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 573, sol de circulation extérieure, milieu XIIIe siècle - vers 1285. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 778, remblai d’Époque moderne.  Place de la Principale, Avignon : n° 1995-157 et 1996-177, datation inconnue.  Rue Banasterie, Avignon : n° 96, datation inconnue. Les appliques composites en alliage cuivreux à barre ou à arceau de suspension du corpus sont constituées d’une barre ou d’un arceau retenu par deux éléments rivetés sur le bord de la ceinture. Ces éléments sont des appliques de type H7 pour une pièce qui les a conservés (fig. 358, n° 6). La barre ou l’arceau peut être un morceau de fil (fig. 358, n° 2 et 5) ou une pièce fabriquée par la fonte (fig. 358, n° 3, 4, 6 et 7). Ses extrémités peuvent être recourbées vers l’intérieur (fig. 358, n° 5) et terminées par des massifs cylindriques (fig. 358, 4083 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 224-226, n° 1199-1201. Objet complet, dimensions inconnues (Willemsen et Ernst 2004, p. 56, n° 53). 4085 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 226. 4084 903 3. Approche croisée du mobilier archéologique n° 3 et 4), recourbées vers l’extérieur (fig. 358, n° 2) et terminées par des pattes (fig. 358, n° 6), droites et terminées par des massifs décorés (fig. 358, n° 7). Une barre à massifs globulaires provient d’un niveau daté vers 1550 du site de High Street C à Southampton4086. Un arceau trilobé en argent orné de pierreries a été retrouvé, pendu par des appliques aux extrémités repliées, à la ceinture de l’infant de Castille Fernando de la Cerda inhumé en 1275 dans le mausolée royal du couvent de Las Huelgas près de Burgos en Espagne4087. Un arceau trilobé provient de la démolition incendiée d’un atelier métallurgique de la première moitié du XIVe siècle sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges4088. Un arceau trilobé est représenté à la ceinture de Marie-Madeleine dans le tableau d’autel des Sept Sacrements peint vers 1445 par Rogier van der Weyden4089. Trois autres arceaux trilobés ont été trouvés à Londres dans des contextes datés vers 1270 - vers 1350, de la seconde moitié du XIVe siècle et de la première moitié du XVe siècle du site de Billinsgate lorry park4090. L’arceau londonien le plus récent est retenu par des appliques de type H, aux extrémités repliées, fabriquées par la fonte. Des appliques de type H obtenues par la fonte retiennent un arceau simple aux bouts recourbés vers l’extérieur daté de la seconde moitié du XIVe siècle et trouvé sur le même site4091. L’une des extrémités est modelée d’une tête canine, l’autre de la partie avant d’un oiseau à long cou. Le type de l’arceau simple à extrémités recourbées vers l’extérieur existait déjà au milieu du XIIIe siècle ainsi que l’illustrent deux statues conservées au Cloisters Museum de New-York, une éventuelle statue de Clovis provenant de Moutiers-Saint-Jean en Côte-d’Or (fig. 314) et un possible gisant de Margaret de Gloucester produit en Normandie4092. Des cordons retenant une bourse sont passés dans les arceaux. L’arceau de la statue de Clovis est retenu par deux appliques de type K à l’extrémité recourbée. D’autres appliques de type K sans crochet terminal alternent sur la ceinture avec des appliques de type M. 4086 Artefact complet, L x l = 4,7 x 0,9 cm (Harvey et al. 1975, p. 260, fig. 243, n° 1787). Fingerlin 1971, p. 331-332, n° 61. 4088 Exemplaire complet, arceau : L cons. x h = 4 x 1,5 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 125, n° 180). 4089 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 222. 4090 Artefact incomplet, arceau : L cons. = 4,5 cm, vers 1270 - vers 1350 ; pièce incomplète, arceau : L rest. x h = 5,8 x 2,05 cm, seconde moitié XIVe siècle ; individu complet, arceau : L x l = 4,3 x 0,9 cm, appliques repliées : L x l = 1,3 x 0,4 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 224, n° 1195, 1197 et 1198). 4091 Spécimen complet, arceau : L x l = 3,7 x 1,3 cm, appliques repliées : L x l x p = 0,9 x 0,4 x 0,6 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 224, n° 1196). 4092 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 222. 4087 904 3. Approche croisée du mobilier archéologique Un autre modèle attesté dans la bibliographie est celui de l’arceau à extrémités recourbées vers l’intérieur (fig. 358, n° 3 à 5). Un arceau isolé provient d’un contexte remanié d’Époque moderne d’abandon de chemin sur le site du cimetière de l’église de Rigny à Rigny-Ussé4093. Un exemplaire retenu par des appliques repliées en tôle de type H a été trouvé dans une occupation extérieure de la seconde moitié du XIVe siècle sur le site de la ZAC Avaricum à Bourges4094. Un spécimen analogue est issu d’un contexte daté vers 1270 vers 1350 du site de Swan Lane à Londres4095. Les appliques repliées, en tôle, sont gravées d’une croix de saint André. Elles sont positionnées sur une étroite courroie de cuir. Quelques arceaux londoniens non datés à extrémités recourbées vers l’intérieur arborent des élargissements terminaux qui rappellent ceux qui sont visibles sur deux pièces du corpus (fig. 358, n° 3 et 4)4096. De nombreuses appliques repliées sont retrouvées isolées lors des fouilles. Elles sont de type H4097, de type J sans élargissement central4098 ou de type K4099. Toutes n’ont cependant pas été employées dans le cadre d’appliques de type AA puisque des appliques de type H4100 et K4101 assurent le maintien d’anneaux circulaires avec ou sans ergot, d’anneaux 4093 Individu incomplet, L x l = 2,3 x 1 cm (Poirot et al. 1992, p. 153). Objet complet, arceau : L = 3,8 cm ; appliques repliées : L x l = 1 x 0,4 x 0,5 cm (Fondrillon et Marot (dir.) 2013, p. 125, n° 180). 4095 Exemplaire complet, barre : L x l = 3,55 x 0,95 cm, appliques repliées : L x l x p = 0,7 x 0,6 x 0,35 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 223, n° 1194). 4096 Un artefact incomplet, arceau : L x l = 3,7 x 0,9 cm, une applique repliée : L x l x p = 1,65 x 0,3 x 0,55 cm ; plusieurs objets seulement mentionnés (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 224). 4097 France, Seine-Saint-Denis : (Leconte 2002, p. LXXXVIII-LXXXIX, n° 16-440-1 ; Thomas 2009, t. 3, annexe B2, n° 63) ; Royaume-Uni, Aberdeenshire : L x l x p = 2,9 x 0,8 x 1,5 cm, première moitié XIVe - milieu/seconde moitié XVe siècle, village déserté de Rattray (Goodall 1993, p. 192, fig. 42, n° 205) ; Grand Londres : une applique complète, L x l x p = 2,2 x 0,5 x 0,45 cm, un artefact complet, L x l = 3,2 x 0,55 cm, seconde moitié XIVe siècle, Billingsgate lorry park (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 215, n° 1164 et 1165) ; Worcestershire : un individu incomplet, L x l = 1,4 x 0,5 cm, milieu XIVe/seconde moitié XIVe - première moitié XVe siècle, Bordesley Abbey, Redditch (Astill 1993, p. 191, fig. 89, n° CA 259). 4098 Royaume-Uni, Grand Londres : un objet incomplet, L x l = 3,7 x 0,6 cm, Billingsgate lorry park (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 215, n° 1164 et 1165) 4099 France, Allier : un individu complet, L x l x p = 1,95 x 0,7 x 0,7 cm, fosse, N.D.S., nef de la Priorale Saint-Pierre, Souvigny (Chabrier 2008, p. 20, n° 1434) ; Royaume-Uni, Essex : un spécimen incomplet, L x l = 2,3 x 0,7 cm, niveau d’occupation (1425 - 1521), King John’s hunting lodge, Writtle (Rahtz 1969, p. 87, fig. 49, n° 104). 4100 Royaume-Uni, Grand Londres : un objet complet, applique : L x l = 0,85 x 0,4 cm, anneau quadrilobé, d = 1,1 cm, un exemplaire complet, applique : L x l = 1,1 x 0,6 cm, anneau : d = 1,35 cm, un spécimen complet, L x l = 1,4 x 0,45 cm, anneau : d = 1,2 cm, seconde moitié XIVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002, p. 219, n° 1189 à 1191). 4101 France, Jura : un artefact complet, applique : L x l x p = 2,1 x 0,6 x 0,5 cm, annelet : d = 0,8 cm, château de Pymont (XIIIe - XVe siècle), Villeneuve-sous-Pymont (Jeanjacquot 1993, p. 108, fig. 70, n° 1881). 4094 905 3. Approche croisée du mobilier archéologique semi-ovales ou quadrilobés dans le cadre d’appliques composites à anneau de suspension. Rappelons que cette forme d’applique composite n’a pas encore été fournie par les fouilles provençales. Les données rassemblées ne permettent pas d’avoir une lecture fine de l’évolution de l’utilisation des différents éléments assemblés au sein du type AA. Chaque modèle de pièces possède très probablement une datation typologique propre. L’iconographie a un rôle important dans la datation typologique puisqu’elle en fournit les deux bornes, le milieu du XIIIe siècle et le milieu du XVe siècle. Type AB : Applique composite à languette recourbée (fig. 358, fig. 8 à 15) Une applique de type AB est composite. Elle est donc constituée de plusieurs éléments qui sont : un élément décoratif (ou applique ornementale) placé sur une tôle de support, une languette recourbée et un ou deux rivets de fixation. Les appliques de type AB sont classées en deux sous-types selon que leur languette recourbée est fermée (AB1) ou non (AB2) par rivetage. Type AB1 : Applique composite à languette recourbée traversée par un unique rivet (fig. 358, n° 8 et 9) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL XX-114, remblai du XVIIIe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 391, premier tiers du XIVe siècle. Ces deux artefacts sont forts similaires aux objets du type AB2 dont ils ne se distinguent que par la présence d’un seul rivet pour réunir l’ensemble des éléments. L’exemplaire arlésien (fig. 358, n° 8), découvert en position résiduelle, ne comporte pas d’élément décoratif ni de tôle de support. Une de ses extrémités, emboutie, joue le rôle décoratif. L’artefact avignonnais (fig. 358, n° 9) présente une applique florale en nacre dont les six pétales sont différenciés par des incisions. L’élément décoratif est posé sur un support circulaire vierge d’ornementation. Ces deux pièces et les deux extrémités de la languette sont traversées par le même rivet. 906 3. Approche croisée du mobilier archéologique Aucun élément de comparaison n’a pu être trouvé dans la bibliographie consultée. Type AB2 : Applique composite à languette recourbée traversée par deux rivets (fig. 358, n° 10 à 15) Bouches-du-Rhône  Notre-Dame du Rouet, Mimet : n° 1, première moitié ou deuxième tiers du XIVe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 116, sol de bâtiment, n° 3638 et 3652, couche de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345.  Bagatelle/Abreuvoir Saint-Michel, Châteauvert : n° 4, près du bassin d’un corps d’adulte de sexe féminin, fin XIIe - XIVe siècle.  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 94-229 A, contexte inconnu. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 767, deuxième tiers du XIVe siècle. Ces objets comportent une étroite languette recourbée rivetée à ses deux extrémités. L’un des rivets, généralement à tête bouletée, traverse un élément décoratif embouti et, à l’exception de deux exemplaires (fig. 358, n° 11 et 12), un support circulaire (fig. 358, n° 10, 14 et 15) ou festonné (fig. 358, n° 13). L’élément décoratif a disparu sur l’objet de saintMaximin qui retient encore un fragment de cuir (fig. 358, n° 12). Sur l’objet n° 116 du castrum Saint-Jean (fig. 358, n° 13), quatre plus petits rivets à tête bouletée – originellement cinq – traversent un élément bombé et ont un rôle décoratif. Ils participent, avec le rivet central de fixation et les incisions sur l’avers de l’applique et de la tôle de support, à une ornementation relativement complexe. Une certaine quantité de brasure, utilisée pour consolider l’assemblage, est encore visible au contact de l’élément bombé et de la tôle festonnée. L’exemplaire de Châteauvert (fig. 358, n° 10), a perdu son élément décoratif. Sa tôle de support, décorée en bordure de grènetis réalisés par poinçonnage au revers, est similaire à celle de l’objet n° 3652 du castrum Saint-Jean (fig. 358, n° 15). La languette recourbée, qui est adossée à la tôle de support, est traversée d’un rivet qui, dans trois cas, a conservé sa contre-rivure circulaire plate. Le spécimen du site de Mimet (non figuré), qui n’a pu être observé, posséderait une tôle de support identique à celle de l’objet n° 116 du castrum 907 3. Approche croisée du mobilier archéologique Saint-Jean (fig. 358, n° 13) et un élément décoratif similaire à une pièce du type M2 (fig. 353, n° 4)4102. De même, l’élément décoratif de l’artefact n° 3638 du castrum Saint-Jean (fig. 358, n° 14) est presque identique à d’autres artefacts du type M2 (fig. 353, n° 22 et 23) et celui de l’artefact du site de l’Impasse de l’Oratoire est à rapprocher des appliques de type A2a (fig. 344, n° 11 à 26). Un unique élément de comparaison a pu être trouvé dans un niveau des XIVe - XVe siècles sur le site de la rue Mongat à Douai dans le Nord4103. L’objet n’est constitué que de la languette et d’une applique ornementale en tôle quadrangulaire décorée semble-t-il par incision de zigzags. A la lumière de ce qui précède, il semble que les objets du corpus ont très certainement été fabriqués par un même atelier, probablement localisé en Provence, qui produisait des objets aux décors similaires pour des usages différents. En se basant sur la documentation rassemblée, les appliques de type AB2 et plus largement les appliques de type AB dans leur ensemble peuvent être datées de la première moitié du XIVe siècle, datation étayée par la mise au jour d’un des objets du type AB1 dans un niveau du premier tiers du XIVe siècle. Discussion sur l’emploi des appliques de type AB La fonction de ces appliques mérite d’être discutée. La structure des artefacts de type AB ne peut être à but seulement décoratif, la fixation d’une applique ne nécessitant pas un dispositif aussi complexe. Les objets du type AB1 pourraient être interprétés comme des attaches de bride4104 mais leurs similitudes avec les pièces de type AB2 dont un exemplaire a été retrouvé dans une sépulture près du bassin d’une femme adulte sur le site de l’Abreuvoir Saint-Michel à Châteauvert, avec une boucle de type F4a et sa chape de type B2a, un mordant de type D5 et trente appliques de type D2a incite à rejeter cette hypothèse. Nous proposons une utilisation en tant qu’élément de suspension fixé à la ceinture. L’ « anneau » fermé des appliques de type AB1 permettrait le passage d’un cordon assurant la suspension par exemple 4102 Démians d’Archimbaud 1980a, p. 1234, note 497. Objet complet, L x l = 1,85 x 1,2 cm (Louis et al., p. 66, n° 28). 4104 Des attaches de bride ont été trouvées par exemple au château de Montségur (Sarret 1980, p. 119 ; Sarret 1981c, p. 129), sur le site de la motte castrale de Moléron à Décines-Charpieu dans le Rhône (Châteaux de terre 1987, p. 66 ; Laffont 1992, p. 266), sur le site de Colletière à Charavines-les-Bains en Isère (Colardelle et Verdle 1993, p. 214). Colardelle et Verdle 1993 (p. 214), à) 4103 908 3. Approche croisée du mobilier archéologique d’une bourse. Nous supposons que l’ « anneau » ouvert des appliques de type AB2 était ordinairement pratiquement fermé grâce au pliage de la languette comme cela s’observe sur deux artefacts (fig. 358, n° 12 et 13). L’effet ressort de la tôle permettrait l’ouverture de l’anneau pour l’insertion d’un arceau de cuir ou de tissu cousu au revers par exemple d’une aumônière. Ces hypothèses nécessitent d’être confirmées. Type AC : Applique décorative à forme rare (fig. 289, n° 19 ; fig. 358, n° 16 à 19) Alpes-de-Haute-Provence  Motte de Niozelles, Niozelles : n° 5, dernier quart Xe - premier tiers XIe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2016, couche de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1268 B, seconde moitié XIVe s.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1899, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Ces cinq appliques ont une forme si peu commune qu’il n’a pas été possible de les intégrer à un des types précédents. Un premier artefact en fer évoque une aile (fig. 358, n° 17). Son rivet traversant est conservé. Deux objets en alliage cuivreux comportent également un rivet traversant : un spécimen en tôle plate aux bords chantournés (fig. 358, n° 16) et un exemplaire obtenu par la fonte évoquant peut-être une grenouille (fig. 358, n° 19). Cet objet arbore des dépressions. Des restes d’une matière brunâtre – du cuir ? – sont visibles au revers. La quatrième applique (fig. 358, n° 18), également fabriquée par fonderie, est ovoïde et présente un ergot. Sa face avers est parsemée de dépressions circulaires. Elle était fixée au moyen d’un rivet intégré. La dernière applique, angulaire, est gravée de zigzags. Elle est fixée sur un mordant de type C (fig. 289, n° 19). D’autres appliques peu fréquentes sont connues par la bibliographie. Elles ne présentent aucunes similitudes avec les exemplaires du corpus et ne seront donc pas mentionnées. 909 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type indéterminé (fig. 358, n° 20 à 27) Bouches-du-Rhône  Castrum de Notre-Dame du Château, Allauch : n° 3, nettoyage du rempart, XIIIe XVIe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1346, sol de couloir de circulation, fin XIIe première moitié XIIIe siècle ; n° 2952, sol de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 2831, couche de dépotoir ou abandon de zone de circulation, n° 2858, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1268 A, seconde moitié XIVe siècle.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 295 et 2384, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400. Ces quelques fragments d’appliques n’ont pu être classés dans la typologie du fait de leur aspect trop fragmentaire (fig. 358, n° 20 à 23, n° 26 et 27), de leur état de conservation (fig. 358, n° 25), d’une représentation graphique insuffisante, l’objet n’ayant pu être observé de visu (fig. 358, n° 24). Quelques fragments ont pu appartenir à des appliques de type P1 (fig. 358, n° 22 et 23). Une applique a probablement été fabriquée par la fonte (fig. 358, n° 25). Il ne reste d’un autre artefact qu’un fragment de tôle traversé par un rivet à tête bouletée terminé par une contre-rivure circulaire plate (fig. 358, n° 27). Un exemplaire est constitué d’une tôle sur laquelle ont été brasées de petites billes en alliage cuivreux (fig. 358, n° 26). Le rivet est terminé par une contre-rivure circulaire plate. 3.2.1.4.Synthèse. Les appliques du corpus présentent une très grande diversité puisque pas moins de 125 types et sous-types ont pu été différenciés. Ce nombre ne reflète cependant pas complètement l’ampleur de cette variété puisque il n’a pas été possible de réaliser de distinction entre les artefacts à l’intérieur de plusieurs types et sous-types. Le type M2 en est un bon exemple le nombre de critères qu’il serait possible de prendre en compte rend ardu toute tentative de subdivision : nombre de lobes ou de pétales, moyen de différenciation des lobes ou pétales, 910 3. Approche croisée du mobilier archéologique abaissement ou surélévation du centre des pétales, présence d’un bouton central, nature du bouton central, décor du bouton central, ajourage, nombre de rivets traversant, etc. Le nombre de données de comparaison disponibles a également pu constituer un frein à la distinction typologique (ex : type D2). Ce facteur, associé à la qualité aléatoire des contextes et des datations stratigraphiques, limite la portée des hypothèses de datation typologique proposées. Le tableau récapitulatif de la figure 359 l’illustre. La proportion de points d’interrogations, outre le fait qu’elle marque le discernement avec lequel les données doivent être prises, montre aussi que la diversité d’aspect des appliques – avec son corollaire : une fragmentation nécessaire de la typologie – a pour résultante un morcèlement des éléments de comparaison malgré une bibliographie que nous avons voulu la plus importante possible. Par conséquent, les datations proposées dans ce tableau sont pour certaines typologiques, lorsque les données sont suffisamment nombreuses et fiables, pour d’autres, elles ne sont que la figuration graphique des dates d’attestation des objets des types concernés, une fois ôtées les pièces que nous supposons en position résiduelle. Il faut également compter avec l’imprécision relative des datations fondées sur l’étude de la céramique. À l’image de ce qui a été réalisé pour les anneaux et boucles du corpus dans le chapitre 3.1.3.4, dont nous reprenons ici l’argumentaire pour l’intelligibilité de la démonstration, plusieurs figures ont été élaborées (fig. 360 à 362) pour faciliter l’analyse de l’évolution typologique. Du fait des limites qui viennent d’être évoquées, les données présentées dans ces tableaux doivent être considérées comme des ordres de grandeur. Les figures 360 et 361 ont été établies à partir des données du tableau récapitulatif de la figure 359. Elles indiquent, pour chaque demi-siècle et en fonction du paramètre choisi – matériaux ou type(s) d’objets – le nombre total de types et sous-types pour lesquels une datation très probable ou probable d’objets est associée à ce demi-siècle. Le comptage s’est effectué de la manière suivante : si l’intervalle de temps est inférieur au quart de siècle, il n’est pas pris en compte pour le demi-siècle correspondant (ex : première moitié XIVe siècle, type J2), si le type ou le sous-type est attesté à l’heure actuelle sur moins d’un demi-siècle, il est attribué au demi-siècle sur lequel il s’étend le plus (ex : seconde moitié XIIIe siècle, type O2c). Dans le tableau 361, les types ayant des caractéristiques morphologiques communes (ex : types A et B) ont été rassemblés. D’autre part, les types d’appliques ne pouvant pas être réduites à une forme géométrique (types Q à X) ont été associés de même que les types d’objets employés ou susceptibles d’avoir été utilisés comme attache ou pour la suspension 911 3. Approche croisée du mobilier archéologique (type Y à AB). Le type AC a été omis car il constitue un groupement d’artefacts sans réels liens entre eux. Ces regroupements doivent permettre de comprendre l’évolution de la fréquence des types étudiés au cours du temps. Le total des types et sous-types pour chaque demi-siècle de la figure 362 est inférieur ou égal à celui que l’on peut obtenir à partir de la figure 360 car toutes les appliques en matériau blanc et en fer n’ont pas forcément été différenciées en sous-types spécifiques. La figure 362 est un décompte des appliques en fonction du type et du matériau. Signalons que les différents éléments des appliques composites n’ont pas été décomptés individuellement : l’applique en nacre de type M6 d’une applique composite avignonnaise de type AB1 (fig. 358, n° 9) n’est pas comptabilisée pour le type M6. Les appliques fixées à des chapes, mordants et terminaisons de ceinture ne sont pas prises en compte. Les données de la figure 362 sont fortement influencées par des découvertes de lots d’appliques en contexte funéraire. Ceci est particulièrement sensible pour le type Q par exemple puisqu’un ensemble de cinquante-huit appliques de forme Q3 a été retrouvé avec d’autres accessoires d’une même ceinture dans le cimetière du castrum du Castellas de Rognac. Sur le site de Bagatelle/Abreuvoir Saint-Michel à Châteauvert, quarantetrois spécimens de type P1a ont été découverts dans deux sépultures et trente objets de type D2a dans une inhumation. Sur le site du Baptistère à Saint-Maximin, trois lots, un premier de huit exemplaires de type B7, un deuxième de seize appliques de type P1a et le dernier de dixsept appliques de type P1a, proviennent vraisemblablement également d’inhumations. Dixneuf appliques de type A7a dont plusieurs étaient encore alignées les unes à côté des autres ont été trouvées sur le site de Régina à Avignon. Leur positionnement atteste d’une appartenance à une même ceinture qui ne s’est pas conservée. En Résumé, 89 % des appliques de type Q sont issues d’un même contexte, 62 % des pièces de type P proviennent de quatre sépultures, 44 % des artefacts de type D ont été trouvés dans une inhumation, respectivement 23 % et 11 % des spécimens des types B et A ont été découverts dans un seul contexte. Les appliques en alliage cuivreux représentent plus de 96 % des objets du corpus (fig. 362). Les autres matériaux ne sont attestés que par très peu de pièces. Cette prédominance des alliages cuivreux a pour corollaire une très forte diversité typologique : elle a déjà été soulignée, mais elle est inégale dans le temps. Le nombre de types rencontrés augmente à la fin du XIIe siècle, progresse de façon régulière durant le XIIIe siècle avant de quasiment doubler entre la seconde moitié du XIIIe siècle et la première moitié du XIVe siècle. Il s’élève légèrement durant la seconde moitié du XIVe siècle avant de chuter très fortement dans la première moitié du XVe siècle. L’intensité de cet effondrement de la 912 3. Approche croisée du mobilier archéologique diversité typologique est sans doute en réalité un peu moins importante. Différents facteurs liés à l’étude typologique peuvent l’accentuer artificiellement : l’intervalle d’erreur des datations céramiques, le choix d’interpréter comme du mobilier résiduel des objets qui en définitive ne le sont pas, l’état de la recherche archéologique. En Provence, une plus grande attention a longtemps été portée sur les sites de la fin du Moyen Âge que sur les sites de l’Époque moderne. Ces causes ne suffisent cependant pas à expliquer l’amplitude de cette baisse de la variété, laquelle s’affaiblit régulièrement jusqu’à la fin du XVIe siècle. Les recherches bibliographiques confirment la rareté des appliques en alliage cuivreux attribuables au XVIe siècle hors de Provence. À l’exception des appliques en fer qui ne sont connues dans le corpus que par deux types, les pièces en matériau blanc et en os ou en nacre témoignent à un moindre degré de la forte diversité typologique au XIVe siècle. L’ensemble des constatations qui viennent d’être réalisées sont similaires à celles qui ont été effectuées pour les boucles et anneaux. Elles confirment l’émergence d’un intérêt porté à la ceinture et à sa valeur décorative à partir des environs de 1200 et son plein développement au XIVe siècle. Pour des raisons qu’il est encore difficile d’expliquer mais où l’effet de mode tient très certainement une très grande part, l’ornementation de la ceinture au moyen d’appliques perd ensuite de son attrait. Les différentes méthodes de fabrication des appliques dites « décoratives » (types A à X et AC) sont loin d’avoir été employées avec les mêmes fréquences. Les appliques dites « fonctionnelles » (types Y à AB) mériteraient un développement à part que l’insuffisance numérique du mobilier ne permet actuellement pas. L’emboutissage et la découpe d’une tôle de métal ont été mis en œuvre pour 60,1 % des objets décoratifs du corpus, la simple découpe d’une tôle pour 21,7 % d’entre eux et la fonte pour 18,2 % de ces types d’artefacts. Nous pensons que ce décalage entre l’emboutissage d’une part et la fonte et le martelage d’autre part tient à plusieurs facteurs : la tôle de métal est moins coûteuse en termes de quantité de matière première et son travail nécessite moins de compétences techniques que la fonte, l’emboutissage permet d’obtenir le décor directement ce qui élimine les travaux de gravure et de poinçonnage nécessaires pour une applique en tôle plate. Il n’est d’ailleurs pas anodin de constater, nous y reviendrons un peu plus loin, que la gravure et le poinçonnage sont absents des appliques embouties, alors qu’ils sont présents sur les exemplaires en tôle plate ou fabriqués par la fonderie. L’étude de l’évolution du nombre de sous-types par groupements de types au cours du temps (fig. 361) ne montre pas de grande différence entre le constat général et celui qui peu 913 3. Approche croisée du mobilier archéologique être fait pour chaque ensemble. Les appliques circulaires (types A et B), qui sont les plus nombreuses (31,7 %) dans le corpus (fig. 362), sont également celles dont la variété est la plus importante et qui sont connues sur la plus large échelle de temps. De même que pour les appliques carrées et rectangulaires (types D et E), la diminution du nombre de sous-types des appliques circulaires dans la première moitié du XVe siècle est moins marquée que pour l’ensemble du corpus. Deux groupements d’appliques perdurent sur tout ou partie du XVIe siècle : les appliques polylobées (types M et N) et les appliques non géométriques (types Q à X). D’une manière générale, si l’on ne tient pas compte des lots d’appliques découvertes ensemble et qui ont été listés précédemment, on constate une assez bonne concordance entre le nombre d’objets et la diversité typologique. Les découvertes archéologiques de ceintures, de fragments de lanières, les ceintures conservées dans les collections muséales et l’iconographie montrent que les associations d’appliques non utilitaires d’aspects différents – les exemplaires des sous-types Y à AB sont donc omis – se rencontrent mais ne sont pas la norme. Nous écartons volontairement les sources écrites car, hors des inventaires de la noblesse du royaume de France, la description de la forme des appliques est pour ainsi dire inexistante. Les rares exemples que nous avons pu relever dans la documentation écrite provençale sont cités dans le chapitre 3.2.1.1. L’iconographie provençale ne fournit quant à elle pas d’exemple d’association d’appliques de types différents. Aucun assemblage prédominant entre plusieurs types spécifiques d’appliques n’a pu être noté dans le mobilier d’Europe occidentale mais les fragments de cuir ou de tissu porteurs de telles associations ne sont pas nombreux. Cependant, le mobilier archéologique et l’iconographie montrent que les associations de types d’appliques se font presque exclusivement entre seulement deux formes différentes. Nous constatons également grâce à l’iconographie que les appliques circulaires sont les plus fréquemment associées à d’autres appliques. Nous notons que 56 % des appliques à œillet du corpus sont de type B, alors que le groupe constitué des types A et B n’atteint que 31,7 % de la totalité des artefacts étudiés. Les raisons de la surreprésentation des appliques de type B quand on considère l’ensemble des appliques à œillets du corpus tiennent certainement de ces constatations : - il est souvent observé dans l’iconographie des courroies décorées uniquement d’appliques de type B - les découvertes de courroies en contexte archéologique, les ceintures conservées dans les musées et l’iconographie concourent toutes à constater que les appliques 914 3. Approche croisée du mobilier archéologique circulaires sont les types les plus fréquemment associées à d’autres types d’appliques. L’étude du mobilier du corpus montre la grande faveur des motifs floraux et plus généralement végétaux. Les pièces de type Q en adoptent les formes : fleurs de lys (fig. 356, n° 32 et 33), feuilles (fig. 357, n° 1 à 4) et autres fragments végétaux (fig. 357, n° 5). La plupart des appliques polylobées (type M, fig. 353, 354 ; type N, fig. 355, n° 1 à 7 ; fig. 358, n° 9, 14 à 15) sont, il nous semble, clairement évocatrices de fleurs. Des feuillages (fig. 355, n° 18, 20 et 21), des fleurs avec ou sans feuillage (fig. 355, n° 11 ; fig. 356, n° 2 et 3) et des fleurs de lys (fig. 355, n° 14 à 17, 22 à 25) apparaissent parmi les appliques de type O, des feuilles et des fleurs parmi les pièces des types P1b à P2 (fig. 356, n° 14 à 27). Une décoration végétale (fig. 347, n° 6 ; fig. 358, n° 1) ou florale (fig. 345, n° 28 et 29 ; fig. 348, n° 11 ; fig. 349, n° 7 et 8) et plus particulièrement de fleur de lys (fig. 346, n° 1 et 8 à 10 ; fig. 351, n° 4 à 6) peut être représentée sur les autres types d’appliques du corpus. Des motifs floraux stylisés s’observent sur d’autres accessoires provençaux du costume comme des boutons (fig. 476, n° 4, 5, 7 à 10, 13 à 14) ou la traverse distale d’une boucle (fig. 212, n° 10). La figuration humaine ou animale est beaucoup plus fréquente hors du type S : des visages humains apparaissent sur des exemplaires circulaires des types A2d (fig. 344, n° 33), A4 (fig. 345, n° 3) et A8 (fig. 346, n° 2), un personnage en pied sur un spécimen de type D2b (fig. 347, n° 15), des cavaliers sur des artefacts des types D2c (fig. 347, n° 17 et 18), des animaux sur des pièces des types D4 (fig. 348, n° 2 à 5) et D8 (fig. 348, n° 12). La dorure s’observe sur vingt-deux pièces sans qu’il apparaisse un type d’applique préférentiellement concerné. Nous mettons de côté les pièces à motif d’écu (fig. 354, n° 1 ; fig. 357, n° 15, 17) pour lesquelles la couleur or a une signification héraldique. Ces objets sont également porteurs d’un ou de plusieurs émaux. Hors des appliques à motif d’écu, l’émaillage n’est présent que sur une unique pièce (fig. 346, n° 4). Dans le corpus, l’émaillage n’est attesté que pour des appliques fabriquées par la fonte. La dorure est beaucoup plus fréquente sur des artefacts obtenus par la fonderie (15 cas) que sur des objets en tôle emboutie (6 cas) ou en tôle plate (1 cas). Une couverte blanche – étamage ou argenture – est conservée sur une pièce en tôle plate4105, deux individus en tôle emboutie (fig. 344, n° 30 ; fig. 346, n° 20), un spécimen fabriqué par la fonte (fig. 354, n° 4). Une applique de type O2d a été argentée au mercure4106 tout comme la chape à laquelle elle est fixée (fig. 273, n° 15). Le 4105 4106 N° 1790 du site du castrum Saint-Jean à Rougiers (type A1). Détermination par analyse de composition, se reporter à l’annexe 2. 915 3. Approche croisée du mobilier archéologique contraste de couleur entre celle de la couverte et celle du matériau peut être évoqué par une pièce de type U2 (fig. 357, n° 13) : seule la bordure bombée est dorée. Ce type de jeu de couleurs s’observe également sur des appliques trouvées à Londres4107. Peut-être faut-il également interpréter dans ce sens la présence de rivets en fer qui ne sont pas nécessairement des preuves d’une réparation. Les petits points de couleur gris-argenté des têtes des rivets devaient trancher sur les matériaux cuivreux lorsque leur composition leur donne une couleur or ou lorsqu’ils comportent une couverte dorée. Les analyses de composition effectuées sur des artefacts du castrum Saint-Jean à Rougiers ont révélé que la presque totalité des appliques analysées sont en laiton, donc dans un matériau ayant une couleur jaune proche de celle de l’or4108. Ce point est d’importance car, même si la confusion avec le matériau précieux ne peut être faite y compris par un observateur peu averti, il révèle la volonté des porteurs d’être visible, d’attirer l’œil par l’éclat doré du métal. D’autres techniques de décoration ont été mises en œuvre sur les appliques du corpus : la gravure, le poinçonnage. La gravure se retrouve sur des pièces issues de la fonderie : elle consiste en des incisions de zigzags (fig. 347, n° 5 ; fig. 350, n° 11 et 16 ; fig. 353, n° 29 ; fig. 354, n° 3). La gravure est absente des artefacts en tôle emboutie ainsi qu’il a déjà été signalé. Elle consiste en des traits droits (fig. 348, n° 1 ; fig. 349, n° 6 ; fig. 356, n° 29 ; fig. 358, n° 13) ou en des zigzags (fig. 348, n° 14 ; fig. 349, n° 5) sur les objets en tôle plate. L’usage de petits poinçons est identifié sur des appliques en tôle plate (fig. 347, n° 6 ; fig. 355, n° 11), en tôle emboutie (fig. 347, n° 1 et 2) et plus souvent encore fabriquées par la fonderie (fig. 348, n° 7 ; fig. 350, n° 12 et 13 ; fig. 353, n° 27 et 28). Ces petits poinçons permettent la réalisation d’un rendu décoratif qui serait plus difficile à obtenir directement par la fonte. Des poinçons de plus grandes dimensions ne s’observent que sur des pièces en tôle plate (fig. 347, n° 17 et 18 ; fig. 348, n° 4 et 5 ; fig. 349, n° 7 et 8) ou dont la création du relief est postérieure au poinçonnage (fig. 358, n° 1). L’emploi de grands poinçons ne peut évidemment être effectué que sur une tôle plate car la tôle emboutie serait déformée par l’opération. L’importance numérique de plusieurs lots d’appliques découverts en contexte sépulcral rend les constatations difficiles puisqu’il fausse la perception de la répartition du mobilier mais il ne semble pas qu’il puisse être mis en évidence de particularité quant au type de contre-rivure circulaire rencontré – plat ou concave. Dans le corpus, ils sont aussi fréquents 4107 4108 Objet incomplet, d = 1,8 cm (Egan et Pritchard (dir.) 2012², p. 181, n° 932). Se reporter à l’annexe 2. 916 3. Approche croisée du mobilier archéologique l’un que l’autre. Des contre-rivures quadrangulaires, en l’occurrence losangiques, ne sont attestées que pour deux appliques de type B3 mises au jour sur le site de l’Impasse de l’Oratoire à Avignon (fig. 346, n° 24, un objet non figuré). Des points communs ont pu être notés entre les appliques du corpus, notamment celles des types J, K et M et des pièces en argent ou en argent doré découvertes dans des « trésors » ou conservées dans des musées, généralement encore rivetées à des courroies de soie. Elles montrent très probablement une influence des productions orfévrées sur les appliques en alliage cuivreux ou en matériau blanc. Concernant les motifs floraux, ils peuvent être plus naturalistes sur les objets en argent. Une évolution distincte de certains caractères ornementaux des pièces en matériau « commun » est cependant très probable. Il ne peut pas non plus être écarté que des motifs aient été empruntés par les orfèvres à ces appliques. La plupart des appliques ont eu une fonction décorative. Elles sont, d’après les données archéologiques, écrites et iconographiques, préférentiellement employées à l’ornementation de la ceinture. Elles sont fixées sur la courroie, plus rarement sur la chape (ex : fig. 142, n° 11 et 12) ou le mordant (ex : fig. 289, n° 16). Nous avons déjà réfuté dans le chapitre 3.2.1.2 que les appliques aient pu être utilisées pour rigidifier la ceinture, à part peutêtre les appliques de type AA qui, indirectement, répartissent la charge de l’objet suspendu. Les appliques à œillet ont également pu empêcher la déformation locale de la courroie au contact des multiples passages de l’ardillon. Toujours dans le costume, des appliques décoratives se rencontrent sur les aumônières et les sacs attachés à la ceinture. Mais, des modèles sans œillet décorent aussi les sangles de harnachement des équidés, le collier des chiens et même parfois la couverture des livres. Les appliques, quelles que soient leurs formes, sont susceptibles d’être employées à l’ornementation d’un large éventail d’objets. Une utilisation pour de petits meubles ne peut pas être écartée, par exemple pour les appliques de type M8 ou pour certaines appliques de type A8. 917 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.2.2. Les branlants 3.2.2.1.Introduction à l’étude des branlants Nous appelons branlants de petits objets disposés sur le costume et comportant un organe de fixation et une partie pendante mobile. Ces accessoires peuvent être disposés autour du cou associés à un collier (fig. 363), à la ceinture (fig. 364), sur une écharpe (fig. 365) ou sur toute autre partie du costume. Les clochettes et les grelots ne sont appelés branlants que s’ils sont utilisés dans le costume. Nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises dans le chapitre 3.2.1.2 des branlants de type paillette. Dans le contexte provençal, une mercerie de Carpentras achète en 1397 pour les revendre 287 douzaines de coquilles (conquilhas) et de paillettes (parpalhons) pendantes à des chaînettes (a cadenetas pendent)4109. L’iconographie de Provence ne comporte pas de représentation de ces objets. Ils n’apparaissent dans l’iconographie d’Europe occidentale que sur le costume des membres de la noblesse. Les branlants peuvent adopter des formes très diverses. Ce peuvent être des clochettes (fig. 367), des grelots (fig. 366), des ornements en forme de lettre (fig. 363), de feuille4110, de grenade (?) (fig. 364 et 365), de larmes et de flèches (fig. 77), etc. Nous avons auparavant signalé qu’une applique du corpus en tôle emboutie, en forme de feuille, de type Q3 (fig. 357, n° 1), a pu être un branlant. Aucune perforation pour la fixation n’est conservée. Une portion de l’objet est manquante. Elle pourrait avoir comporté un anneau pour la suspension comme cela s’observe sur des objets trouvés en contexte archéologique à Londres et à Ottrott dans le Bas-Rhin ou sur une valve de moule à Ottrott4111. Dans le cadre de la Provence, le grelot est le seul type d’objet qui puisse être traité de manière approfondie par les découvertes archéologiques et par les sources écrites et iconographiques. 4109 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 236 r°. Un personnage au premier plan du folio 1 (Janvier) des Très Riches heures du duc de Berry (Musée Condé, ms. 65, f° 1 v°), image peinte entre 1412 et 1416 par les frères Limbourg, possède une ceinture à pendants en forme de feuilles. Se reporter au type Q3 de la typologie des appliques. 4111 Se reporter au type Q de la typologie des appliques pour plus de précisions. 4110 918 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.2.2.2.Les grelots en contexte Le grelot est une coque de métal ovoïde renfermant un percuteur tel qu’une petite bille de métal ou un caillou. Il est ordinairement fendu dans sa partie inférieure et percé de deux trous pour laisser s’échapper le son. Le son produit par cet instrument est fonction de la nature du métal ou de la composition de l’alliage, de la technique de fabrication (fonte ou emboutissage), et donc par voie de conséquence de l’élasticité, de la densité et de l’homogénéité du matériau, de l’épaisseur de la paroi, mais aussi de la dimension, de la forme du grelot, des caractéristiques des ouvertures destinées à laisser s’échapper le son4112. D’une manière générale, cependant, plus la chambre de résonance est grande, plus le son est grave. Pour ses performances acoustiques, c’est-à-dire la durée de résonance et la richesse harmonique, le bronze est traditionnellement préféré pour les idiophones. Cependant, en l’absence d’analyses de composition effectuées sur des grelots médiévaux et modernes, il n’est pas avéré que ces objets aient été majoritairement en bronze bien qu’ils aient été souvent fabriqués dans un matériau cuivreux. La multitude de facteurs entrant dans la composition du son permet de faire varier la note produite et, éventuellement, de produire des grelots à la sonorité adaptée à certaines utilisations ou correspondant aux desiderata d’une clientèle. Selon les circonstances, le grelot est un objet sonore ou un instrument de musique. Le poète et chroniqueur Jean de Molinet rapporte ainsi dans le Trosne d’Honneur écrit en 1467, la présence aux obsèques du duc de Bourgogne Philippe le Bon, dans l’église Saint-Donas de Bruges, d’un orchestre comprenant des grelots4113 : peut-être y avait-il des musiciens avec des bracelets à grelots (fig. 368). La plupart du temps, à en croire les sources écrites, les grelots sont employés en tant qu’objets sonores, c’est-à-dire destinés à faire du « bruit », à attirer l’attention. Le prix des grelots était très variable. De mai à juillet 1397, une boutique de mercerie de Carpentras vend 21 grelots à des prix très variables tenant vraisemblablement compte de la taille des objets : 2 deniers, 4 deniers, 8 deniers, 10 deniers, 11,25 deniers, 12 deniers la pièce4114. Leur fonction n’est ordinairement pas précisée mais trois cascavels d’aygla (pour 4112 Ces informations sont tirées de P. Laurence 1991, p. 8 et surtout du mémoire de master 1 de C. Monfort (2011, p. 92-93). L’idiophone est un « instrument de musique dans lequel le son est produit par la mise en vibration du corps même de l’instrument, et non par un élément rapporté tel que corde ou membrane » (Dictionnaire culturel en langue française sous la direction d’A. Rey édité en 2005). Les cloches, grelots, castagnettes et cymbales sont des idiophones. 4113 Marix 1939, 1972², p. 87. 4114 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882. 919 3. Approche croisée du mobilier archéologique aigle) sont vendus 10 deniers l’unité4115. En 1575, l’inventaire d’une boutique de marchand marseillais rapporte 240 douzaines de casquevaux estimés à 5 sous la grosse4116. On retrouve les grelots fixés à diverses pièces et accessoires du costume : un collier, une ceinture (fig. 366), une bourse4117 ou à même le tissu, autour du cou, aux extrémités des manches, sur les épaules, sur les jambes4118, etc. au gré des modes qui apparaissent, selon l’iconographie et les sources textuelles, presque exclusivement masculines et, à l’exception des figures de fou, de danseurs ou carnavalesques, comme caractéristiques de la noblesse. Le 6 novembre 1422, Stéphane de Bompuis, bourgeois et marchand de Paris, mais citoyen et habitant d’Avignon, passe commande à l’orfèvre d’Avignon Guillemin Simorin d’un collier avec des clochettes (campanes) d’or garni de gros rubis balais carrés, de diamants et de grosses perles, de feuilles d’or pendantes émaillées de rouge clair et de blanc, d’un pendentif orfévré. Un collier en or à sonnectes, c’est-à-dire à grelots ou à clochettes, est retrouvé en 1426 lors de l’inventaire des biens de la défunte Elipde d’Avelin dans son château des Baux4119. En 1498, l’inventaire après-décès de l’orfèvre draguignanais Elzéar de Gleize enregistre des grelots (cascavelli) à côté d’accessoires de la ceinture qu’il fabriquait. Ces objets étaient donc parfois de véritables accessoires de parure qui, par leur tintement, attiraient l’attention et concouraient au désir d’être vu et admiré pour son apparence. En outre, les sources écrites et iconographiques dénotent une faible fréquence des pièces de costume avec des grelots ce qui semble avoir contribué à l’intérêt suscité par leur utilisation, le porteur se distinguant de la norme4120. J. Labrot et F. Véniel ont cru voir dans la grande vogue des romans de chevalerie à la fin du Moyen Âge, la raison de la diffusion des grelots dans le costume de la noblesse. Ils se basent pour cela sur un épisode du Roman de Tristan et Iseult de Gottfried de Strasbourg (vers 1210) : une fée offre par amour, au duc de l’île d’Avalon, un chien enchanté portant au cou, un grelot magique au bout d’une chaînette d’or. Son doux, clair et gai tintement fait oublier toute peine à celui qui l’entend. Tristan l’obtient du duc en récompense de son combat victorieux contre un géant qui lui imposait un lourd tribut. Tristan en fait cadeau à Iseut qui 4115 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 221 r°. P. Pansier lit par erreur aigha qu’il traduit par jument (1929, p. 156). 4116 Annexe 8, doc. 26. Il est également signalé de petites sounailhes appréciées à vingt livres le quintal poix de Lion. 4117 Des grelots en alliage cuivreux, en argent et en argent doré sont fixés à des bourses à Dijon à la fin du XIVe siècle d’après les inventaires après-décès (Vandeuren-David 1997, p. 270). 4118 Monfort 2011, p. 38-39. 4119 Barthélémy 1877, p. 133. 4120 C. Monfort en est arrivé à la même conclusion (2011, p. 41). 920 3. Approche croisée du mobilier archéologique comprend bien vite son pouvoir et, refusant l’apaisement qu’il procure, elle jette le grelot à la mer4121. Cet épisode n’a semble-t-il pas eu, sous réserve d’un dépouillement plus approfondi par des spécialistes de la littérature médiévale, de postérité. Ce seul extrait ne peut donc constituer un argument recevable pour expliquer une pratique sociale. Dans la littérature en langue d’Oc consultée, le grelot ne tient qu’une place mineure et n’est essentiellement mentionné que pour le harnachement. Archéologiquement, le grelot est attesté dans des sépultures dites de pèlerin identifiées par la présence d’une coquille Saint-Jacques et parfois d’un bourdon4122. Le grelot accompagne le pèlerin sur son chemin en signalant son passage. Il l’accompagne également dans la mort. Dans l’imaginaire populaire, le grelot est généralement associé à la figure du fou. Il faut d’ores et déjà distinguer le fou de cour qui, dans l’iconographie, est souvent porteur d’une marotte et de grelots, représentation semble-t-il assez éloignée de la réalité. Aucun achat de grelots ou de marotte pour un fou n’est ainsi effectué par la cour de Bourgogne4123. À la cour du roi René, le fou Triboulet reçoit, en 1453, quatre sonnettes d’argent4124, mais il est possible qu’il les ait utilisées pour se parer avec noblesse et non pour accompagner un costume de fou bariolé et extravagant qu’il possède cependant4125. F. Piponnier a parfaitement montré que le fou de cour recevait de temps à autre des textiles et habits quasi-princiers, dans l’optique de contrefaire le costume royal4126. Parmi les autres figures de fou, il faut également signaler l’ignorant de Dieu, personnifié par les bourreaux du Christ4127, mais aussi le fou dont la maladie est mentale et physique (fig. 370). Les travaux de M. Allemand basés sur l’iconographie de l’insensé du psaume Dixit insipiens4128 et ceux de M. Gilly-Argoud axés sur l’image des fous aux XIVe et 4121 Labrot et Véniel 2008, p. 64. Le texte original est disponible sur le site internet du projet Gutenberg en langue allemande : http://gutenberg.spiegel.de/autor/231 (consulté le 8 novembre 2013). Une libre traduction française du passage sur l’épisode du grelot est disponible au chapitre 14 du roman de Tristan et Iseut par Joseph Bédier, reconstruction du mythe à partir de fragments de différentes versions. Cette version est consultable sur Wikisource : http://fr.wikisource.org/wiki /Le_Roman_de_Tristan_et_Iseut (consulté le 8 novembre 2013). 4122 Vallet 2008, fig. 2. La présence d’une coquille Saint-Jacques, d’un ferret de bourdon ou d’un grelot dans une sépulture ne sont en aucun cas la preuve formelle que le défunt a effectué le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle. Voir à ce sujet le chapitre 3.4.9.3. 4123 Se reporter à Laborde 1849 par exemple. 4124 Arnaud d’Agnel 1908, n° 879, p. 298. Le roi René est hors de Provence. 4125 Piponnier 1970, p. 237. 4126 Ibid., p. 237-238. 4127 Se reporter à ce sujet à Blanc 1990, p. 457-472. 4128 Allemand 2011, p. 44-52. 921 3. Approche croisée du mobilier archéologique XVe siècles dans la peinture murale alpine4129 montrent fort bien que le port du grelot par les fous est loin d’être courant puisqu’elles n’en relèvent pratiquement aucune représentation dans leur corpus4130. C. Monfort, de son côté, a relevé une dizaine de représentations4131. Par leurs actes et/ou par certaines caractéristiques de leur apparence tels qu’une nudité partielle, des pansements sur la tête, un chapeau particulier, etc., les fous demeurent parfaitement reconnaissables. Les grelots qui enjolivent le costume de certaines figures de fous relevées par C. Monfort ne doivent certainement pas être regardés comme la transcription d’une réalité mais comme un topos iconographique qui, avec d’autres, permet d’identifier le personnage, car dans la vie quotidienne : « A cognostre qui est folz n’estuet pas pendre cloche au col. Ilo ne couvient pas a fol pendre sonnete au col. Li fous est coneüs sans campene. N’estuet chandele alumer por fol trover »4132. En tant qu’objet creux, le grelot symbolise la tête vide du fou malade mental et, pour le fou de cour, il est une allégorie du simulacre de la folie et de sa condition de « fou ». Il n’existe pas actuellement de synthèse sur la figure du fou, mais il se distingue plusieurs topos de représentation qui varient peut-être selon l’origine géographique, le type de support de l’œuvre, la nature de la scène représentée et donc le type de fou, le lien éventuel entre l’image et le texte, le public visé et le message à transmettre. Par exemple, l’iconographie et les textes consultés relatifs aux guérisons de malades atteints de folie ne présentent pas ces derniers comme porteurs de grelots, au contraire de certaines figures isolées dans des manuscrits. La littérature hagiographique provençale relate quelques cas de guérison de malades mentaux, mais il n’apparaît pas que l’insensé ait un costume particulier. Cependant, cet élément a peutêtre été omis car ne servant pas le récit, mais aucun texte législatif n’oblige en Provence les fous à se distinguer par leur vêture. Si des signes distinctifs ont existé, seul le poids social a pu les promouvoir, mais aucune source n’en mentionne l’usage alors que le costume des juifs, des prostituées et parfois des lépreux est soumis à des prescriptions. Sainte Marie-Madeleine semble avoir été souvent implorée pour des demandes de guérison concernant la folie. Il apparaît que la famille et parfois les amis sont très impliqués dans la gestion de la vie de l’insensé et n’hésitent pas à solliciter la clémence divine par l’intercession d’un saint, au 4129 Gilly-Argoud 2012. M. Allemand (2011, p. 22) propose d’interpréter les branlants d’un serre-tête porté par un fou dans une miniature comme des grelots. L’identification nous paraît bien incertaine. Cette peinture appartient à une bible du XIIIe siècle produite à Gênes et conservée dans la bibliothèque municipale de Lyon (ms. 424, f° 229 v°). 4131 Monfort 2011, t. 2, fig. 21 à 30. 4132 Morawski 1925, n° 21. 4130 922 3. Approche croisée du mobilier archéologique besoin en amenant le malade dans l’église conservant ses reliques4133. L’image du fou isolé et d’aspect désordonné que véhicule une bonne partie de l’iconographie est bien éloignée de la réalité sociale. Les grelots ne sont seulement portés par certains personnages de la noblesse ou par des individus au statut particulier ; ils sont également utilisés, au sein de la population, dans le cadre de costumes festifs, comme les carnavals et charivari mais aussi lors de certaines danses dont ils accompagnent musicalement les mouvements. La moresque dansée à Avignon devant le nouveau légat Charles de Bourbon en 14734134, était peut-être accompagnée de grelots. En 1475, 3 florins sont dépensés pour des grelots de Milan (cascavels de Myllanes) destinés aux danseurs de la moresque exécutée devant le légat4135. Les grelots milanais avaient semble-t-il une certaine réputation à la fin du Moyen Âge4136. Lors du banquet du Mardi-gras de 1496, auquel assiste le légat Julien de la Rovère, à l’invitation des consuls d’Avignon, il est dansé une moresque et une branle et les danseurs portent, lors de ces deux danses, des grelots sur leurs vêtements. La location de ces idiophones coûta 2 florins4137. Lors des fêtes données en l’honneur de l’arrivée du nouveau légat, le duc César Borgia, dans la ville d’Avignon en 1498, des danses moresques lui sont proposées4138. Les vêtements des danseurs portaient des grelots ainsi que le prouve la location de cascaveaux pour une durée de huit jours auprès de mestre Peyron le mercier du portal Matheron, pour un coût de 1 florin, afin de recorder la moresque4139. Il est également loué des jambières à grelots (fig. 369) à Jean Antoine Besan, pour huit florins, compris le surplus à cause de la perte de cascaveaulx4140, et le petit Louys est chargé d’acheter et de garnir des jambières avec des grelots4141. Lors du Mardi-gras de 1512, quatre florins sont nécessaires pour la location de savates et de sonetez pour la moresque4142. À Istres, au milieu du XIXe siècle, la moresque se danse encore avec des grelots4143. Dans le 4133 Sclafert 2009 (Édit.), p. 155-160. Se reporter également à Veyssière 1987. Pansier 1919, p. 11. 4135 Pansier 1925, t. 2, p. 229. 4136 La duchesse d’Orléans fait commande en 1398 de sonnettes pour eperviers a la facon de Milan (Laborde 1849, t. 3, n° 5865). Au début du XVe siècle, le duc Jean de Berry détient sept sonnetes à l’ouvraige de Milan (Guiffrey 1894, p. 84, n° 267) et l’inventaire du château de Chaillouey dans l’Orne dressé en 1416 après le décès des propriétaires mentionne cinq pairez de sonnetez a faucon qui sont de Milan (Robillard de Beaurepaire, 1866, p. 4) 4137 Pansier 1919, p. 15, 49. 4138 Bayle 1888, p. 24 et 150-151 ; Pansier 1913, p. 95. 4139 Pansier 1919, p. 18-19. 4140 Ibid., p. 51. 4141 Pansier 1919, p. 50. 4142 Ibid., p. 30. 4143 Nore 1848, p. 43. 4134 923 3. Approche croisée du mobilier archéologique troisième tiers du XVIIIe siècle, J.-P. Papon assiste, à Aix, à la procession de la Fête-Dieu, instituée par le roi René en 1462, et observe des diables portant des cordons croisés sur la poitrine et composés de quinze à vingt sonnettes : « on peut s’imaginer le tintamarre qu’elles font quand ils dansent ». Un danseur accompagne la reine de Saba avec des jarretières à grelots, un ballet de danseurs, leis dansaires suivent les scènes à personnages et leurs jarretières sont également garnies de grelots4144. Les grelots ornent également le harnachement des chevaux (fig. 372 et 373) des écuyers et chevaliers dans la littérature provençale. Dans le roman de Flamenca, rédigé vers 1240 - 1250, trois passages en font mention, il s’agit toujours d’épisodes où les cavaliers et leur monture sont en parade4145. Ainsi, aux vers 778-781 : Escudiers plus de XXXVIII Plus de trente huit écuyers Agron ja-ls cavals esselatz Avaient déjà sellé les chevaux, E cubertz e autres enhatz Et les avaient parés et décorés De senals e de cascavels D’emblèmes et de grelots Aux vers 6993 - 6995 : Car III cens cavalliers valens Il avait avec lui 300 vaillants chevaliers, Ac ab si bels e covinens Beaux et de belle prestance, Ab cubertas et ab sonals Dont les chevaux portaient housses armoriées et grelots Et aux vers 7689 - 7702 : E-l trebolocis non fon paux Le tumulte ne fut pas petit, Car l’us fon clars, l’autres fon raux Car des grelots que portaient les chevaux Pels sonals que-l caval porteron L’un sonnait clair, l’autre était rauque Au travers de ces extraits, s’impose le rôle de parure du grelot, de par son impact sur le plan visuel mais surtout auditif. Le dernier passage n’est pas le moins révélateur. Le bruit formidable émanant des cavaliers en mouvement lors de la mise en position pour le tournoi n’est pas à mettre au crédit des sabots mais bien à celui des grelots, qui semblent-ils ornent les harnachements de toutes les montures. Le tumulte, que l’on imagine produit tout autant par l’intensité sonore que par la discordance des sons, participe à la magnificence du spectacle. La présence de grelots sur le harnachement d’équidé n’a pu être relevée, dans les archives 4144 4145 Papon 1780, p. 36, 38, 39-40 43. Nelli et Lavaud 1960, 2000², traduction par les auteurs. 924 3. Approche croisée du mobilier archéologique provençales, que sur une têtière de joute appartenant au défunt chevalier Bulbon de Marseille en 1361 : Item testiera cum casquavellis equi de biordar4146. Les grelots sont également employés, attachés au collier d’un chien (fig. 324 et 371) ou à la patte d’un rapace. En 1358, parmi l’orfévrerie vendue par le pape Innocent VI pour financer la reconquête de la Romagne, figurent quatre colliers de chien avec un total de 18 grelots (campanella)4147. Fin 1363, il est commandé par la boutique de F. Datini à Avignon, auprès de la succursale milanaise, mille exemplaires légers pour petits chiens (chatellini), cinq cents spécimens pour éperviers, deux cents pour faucon, et deux cents pour émerillons4148. Une missive de 1394 rapporte le souhait d’être livré de six grosses de grelots de quatre sortes4149. Dans son ouvrage De arte venandi cum avibus rédigé entre 1241 et 1248, l’empereur Frédéric II de Hohenstaufen enseigne que la dimension du grelot, fabriqué dans un métal sonore produisant une note claire – pour être entendu de loin –, doit être appropriée à la taille et à la force de l’oiseau4150. Les ouvertures doivent être suffisamment petites pour que l’animal ne puisse pas y coincer son bec. Le grelot doit être fixé avec une lanière de cuir sur le tibia de l’animal, sans pendre, au-dessus des jets, ces lanières de cuir qui permettent de maintenir l’oiseau sur le poing en l’empêchant de s’envoler. Une autre méthode, que le souverain désapprouve, consiste à attacher le grelot aux pennes de la queue : celle-ci risque effectivement de se mettre de travers et cette façon de faire favorise les infections. Le grelot a ici pour fonction de renseigner le fauconnier expérimenté sur ce que fait l’animal : s’il vole en piqué, s’il est tombé, s’il se débat, se gratte, mordille ses jets ou la sonnette, etc. Il permet également de retrouver l’animal égaré. Il est probable qu’un maître chien expérimenté reconnaîtra également certains comportements de ses animaux, lors d’une chasse par exemple, au son du grelot. Enfin, des grelots ont été disposés au collier des ovins et caprins pour permettre aux bergers de retrouver leur troupeau. Peut-être cet usage était-il majoritaire, mais la documentation ne permet pas de le confirmer. En ce qui concerne les objets du corpus, le caractère urbain de bon nombre de découvertes ne va pas dans le sens d’une telle interprétation. En outre, si l’on se base sur les grelots portés de nos jours par les ovins et caprins, ceux qui ont pu être observés étaient de plus grande dimension que ceux du corpus. 4146 Barnel 1993, p. 68. Müntz et Faucon 1882, p. 222. 4148 Frangioni 2002, p. 156. 4149 Ibid., p. 173. 4150 Wood et Fyfe (Édit.) 1943, 1961², p. 142-143. 4147 925 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.2.2.3.Typologie des grelots L’étude du matériel du corpus et de la bibliographie met en évidence quatre principaux procédés de fabrication sur lesquels nous nous basons pour proposer une typologie en quatre types généraux. Le premier procédé (type A), qui est aussi le plus courant, nécessite la fabrication de deux cupules en tôle emboutie (fig. 374, n° 1). Le bord et les reliefs tranchants de l’emportepièce découpent la tôle en même temps que l’outil l’emboutit. Il est également possible que les découpes circulaires et la fente centrale, ordinairement effectuées dans la cupule distale pour laisser passer le son, soient réalisées dans un second temps. Avant l’assemblage par brasure des deux cupules, le percuteur et une attache appelée bélière fabriquée par découpe dans une tôle sont insérés. L’extrémité de l’attache passe par un trou au sommet de la cupule proximale et est brasée au revers de celle-ci pour assurer une bonne fixation. Le deuxième mode de fabrication (type B) consiste dans le pliage d’une tôle découpée en étoile et repliée, après insertion du percuteur, pour former le corps du grelot (fig. 374, n° 2). La tôle est préalablement perforée en son milieu pour le passage de la bélière. Un exemplaire de grelot avec cette configuration a été découvert au château de Rubercy (seconde moitié du XIIe siècle) dans le Calvados4151. Le troisième procédé (type C) est une variante du précédent. Le pliage est réduit à la partie inférieure en forme d’étoile d’une cupule métallique, obtenue par la fonte avec la bélière, après mise en place du percuteur (fig. 374, n° 3). Trois grelots en alliage cuivreux de ce type sont signalés sur le site du village médiéval de Corné (vers 1170 - vers 1250) à l’IsleBouzon dans le Gers4152. À Londres, ils sont en étain ou en alliage d’étain et de plomb. Trois d’entre eux proviennent de contextes datés du premier tiers du XIIIe siècle, un quatrième d’une strate datée vers 1270 - vers 13504153. La fonte à la cire perdue dans une moule en terre cuite d’une pièce non retravaillée constitue le quatrième procédé (type D). Durant le bas Moyen Âge, les grelots fabriqués de cette manière sont en étain ou en alliage d’étain et de plomb4154. Le percuteur était inséré après la fonte en forçant son passage dans une des ouvertures de la cupule distale. Ce n’est 4151 Les châteaux normands 1987, p. 48 ; Les châteaux normands 1996, p. 47. Lassure 1995, p. 522-523. Deux exemplaires en contexte stratigraphique, un à la surface du site. 4153 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 340, n° 1668-1671. 4154 Voir par exemple Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 340-341 pour des exemplaires londoniens. 4152 926 3. Approche croisée du mobilier archéologique que durant l’époque moderne que les grelots en alliage cuivreux issus de la fonte apparaissent dans la bibliographie rassemblée. Ils sont de grandes dimensions, possèdent une bélière de section quadrangulaire et furent très certainement en usage dans les troupeaux4155. Le corpus provençal ne contient, pour la période d’étude, que des exemplaires issus du premier mode de fabrication (type A). Type A : Grelot à deux cupules métalliques embouties (fig. 375) Les grelots du type A ont été scindés en trois sous-types selon leur morphologie et la forme des découpes de la cupule distale. Le sous-type A1 réunit les grelots dont les deux cupules sont de morphologie similaire, avec une cupule distale découpée de deux ouvertures circulaires reliées par une fente. Le sous-type A2 contient un grelot dont la cupule distale, pourvue des mêmes découpes que pour le sous-type A1, est bien moins développée que la cupule proximale. Enfin, le sous-type A3 a été attribué à un grelot aux cupules de formes similaires mais sans fente à l’endroit de la cupule distale. Tous les grelots provençaux sont en alliage cuivreux. Aucun d’entre eux ne comporte de décor. Une cupule distale de grelot de type A a été trouvée sur le site du castell del Far (XIIIe - première moitié XVe siècle) à Llinars del Vallès dans la province de Barcelone4156. 4155 Quelques contextes archéologiques provençaux ont fourni de ces grelots : un spécimen incomplet (Corps : d x h reconstituée x e = 4,1 x 4 x 0,12 cm) dans le comblement d’une cuve, daté vers 1720 – vers 1730, du site de l’Alcazar à Marseille (Thuaudet et Chazottes 2014), un artefact (Corps : d x h x e = 2,3 x 2,1 x 0,08 cm) dans des terres de jardin d’époque moderne et/ou contemporaines sur le site des Thermes à Aix-en-Provence (inédit). Un exemplaire (Corps : d x h x e = 3,7 x 2,9 x 0,12 cm) a été mis au jour lors du creusement d’une tranchée à proximité de la route D 24 à Rougiers (inédit). Au château de Montségur, en Ariège, un grelot cette fois en matériau blanc (Corps : d x h = 3,4 x 3,2 cm) illustre la présence de troupeaux sur le site bien après la fin de son occupation (Sarret 1980, p. 143-144 ; Sarret 1981d, p. 170). Un spécimen provient d’un contexte des XVe - XVIIe siècles au château de Boves dans la Somme (Legros 2012b, p. 105, n° 60). Certains de ces grelots pouvaient être décorés comme un exemplaire, en tôle cette fois-ci, mais avec une bélière de section quadrangulaire (Corps : d x h = 2,4 x 2,4 cm), retrouvé dans un contexte du XVIIIe siècle sur le site de la verrerie de Roquefeuille à Pourrières dans le Var (Foy et Vallauri 1986, fig. 26). Quatre fleurs de lys obtenues par emboutissage sont disposées sur chaque cupule. Six fleurs de lys sur la cupule distale sont également visibles sur un grelot confectionné par la fonte par l’artisan montpelliérain Just Castel, également fondeur de cloche, signalé dans des actes en 1764 et 1765 (Bergasse 1970). Sa signature est visible sur la calotte proximale. Dans le Buckinghamshire, un fossé moderne du site de Walton à Milton Keynes a fourni un grelot (Corps : d x h = 7,6 x 7,2 cm) avec la cupule distale décorée par gravure des initiales du fondeur au sein d’un motif rayonnant (Goodall et al. 1994, p. 73, n° 30). Dans le Middlesex, à Northolt Manor, deux grelots de même dimension (Corps : d x h = 3,6 x 2,9 cm) de datation inconnue, ont sans doute comporté le même dessin gravé – l’un d’eux est fragmentaire – d’une croix dans un motif rayonnant (Hurst 1961, p. 293, fig. 76, n° 27). 4156 Cupule complète, d = 7,3 cm (Monreal et Barrachina 1983, p. 272, fig. 130). 927 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type A1 : Grelot à deux cupules métalliques embouties similaires, à cupule distale découpée de deux perforations reliées par une fente (fig. 375, n° 1 à 12) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 699, comblement de caveau, XIVe XVIe siècle ; n° 1167, rangement de l’autel du XIVe siècle de la sacristie, XIVe XVIIIe siècle ; n° 1164, couche de remblai, XVIIe - XVIIIe siècle.  Route nationale 85, Sisteron : n° 3, remblai de caveau, début du XVe siècle ? Bouches-du-Rhône  La Seds, Aix-en-Provence : n° 11, datation inconnue.  Mignet, Aix-en-Provence : n° 7, couche de démolition, milieu du XIVe siècle.  Église Saint Blaise, Arles : XX-205, H.S.  Castrum de Montpaon, Fontvieille : L5/36, L6/3, L13/19 et L13/20, H.S.  Le Castelet, Fontvieille : n° s.n. 12, H.S.  Château d’Hauture, Fos-sur-Mer : n° B569461, remblai d’abandon, XVe - XVIe siècle.  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : n° B569995, niveau d’occupation perturbé, XIVe - XVe siècle ; n° B5600926, antérieur à la fin du Moyen Âge ; n° B5600948, couche de destruction postérieure au milieu du XIVe siècle ; n° B569991, couche de destruction et de récupération de matériaux, XVe - XVIe siècle ; n° B560093, couche de destruction, fin du Moyen Âge ou Époque moderne.  Château des Baux, Les Baux-de-Provence : n° 389 A et B, remblai, XIVe - XVe siècle ; n° 75, remblai, Époque moderne ; n° 84, remblai, début XXe siècle ; n° 764, contexte inconnu.  Alcazar, Marseille : n° 111, terres de jardin, XIVe siècle.  Îlot 55, Marseille : n° 111, remblai d’installation de sol caladé, XVIe siècle.  Îlot 61-62 N, Marseille : n° 339, contexte de l’Antiquité tardive ou des XIIIe XIVe siècles.  Tunnel de la Major, Marseille : n° 39, remblai d’abandon de latrines, début XIVe siècle.  Vieille Major, Marseille : n° 29, remblai, début XVIIIe siècle. 928 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Chapelle de la plaine de la Grande Bastide, Saint-Paul-lès-Durance : n° 95, XIVe siècle. Gard  Maison des Chevaliers, Pont-Saint-Esprit : n° 36, couche d’occupation, milieu XIVe siècle.  Cloître, Saint-Gilles : n° 2010-23, sépulture d’adulte féminin avec deux réductions, XIIe - milieu XVIIe siècle ; n° 2010-31, sépulture d’adulte masculin datée par C14 entre la seconde moitié du XVe siècle et le premier tiers du XVIIe siècle ; n° 201030, tranchée d’épierrement, dernier quart XVIIIe - premier quart XIXe siècle. Var  Castrum de Sainte-Madeleine, La Môle : n° 4, second tiers XIVe - fin troisième quart XIVe siècle.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 407, sol de bâtiment, n° 2431, couche de dépotoir, vers 1345 - vers 1360 ; n° 2801, sol de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 1670 et 2787, sols de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420.  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 94-245, contexte inconnu.  Cadrix, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 84, contexte d’occupation postérieur au second tiers du XIVe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : dix exemplaires issus de contextes datés entre la fin du XIIIe siècle et la fin du XIVe siècle, un grelot trouvé dans une strate du bas Moyen Âge, un objet daté du XVIe siècle, quatre artefacts H.S., trois individus N.D.S. ou de datation inconnue.  Place de la Principale, Avignon : 1995-24, 1995-154 et 1996-253, datation inconnue.  Palais des Papes, jardins orientaux, Avignon : n° 51, vers 1400 - vers 1410.  Rue Banasterie, Avignon : n° 326 et 405, datation non renseignée.  Rue Carreterie, Avignon : n° 218, 222 et 260, datation inconnue.  Petit Palais, Avignon : un spécimen, contexte d’habitat daté entre la fin du XIIIe siècle et 1365 ; un grelot, dépotoir utilisé vers 1350 - vers 1365 ; deux exemplaires, contextes de démolition datés vers 1365 ; treize grelots, dépotoir daté vers 1365 - vers 1400 ; un spécimen, comblement de tranchée de fondation daté de 1491 – 1496 ; un grelot, Époque moderne ; deux individus, tranchée réalisée en 929 3. Approche croisée du mobilier archéologique 1960 ; un exemplaire H.S.  Vice-Gérence, Avignon : n° 1 et 2, contexte inconnu.  Prieuré Saint-Symphorien, Bonnieux : n° 6 et 7, comblement de silo, début XIVe siècle.  65 place de Cabassole, Cavaillon : n° 7, H.S. Ces grelots sont plus ou moins carénés, parfois sphériques, parfois légèrement aplatis. Le décrochement crée par l’emboutissage à la base de chaque cupule et qui aboutit à la création d’un bourrelet central est plus ou moins prononcé. Aucune classification des objets n’a pu être effectuée en fonction de ces caractéristiques qui sont très certainement à la fois le résultat de la recherche d’une tonalité et d’un certain empirisme4157. Le percuteur n’est pas toujours conservé, mais lorsque c’est le cas, il est presque toujours en fer. Pour deux spécimens, il est en alliage cuivreux4158, pour un troisième, il pourrait s’agir d’un petit caillou4159, mais celui-ci s’est peut-être inséré dans le grelot après son enfouissement. Un grelot du château de Montségur dans l’Ariège comporterait un percuteur en pierre4160. La presque totalité des grelots de type A1 sont en alliage à base de cuivre mais quelques exemplaires en fer ont été répertoriés. Un possible spécimen, très oxydé, provient d’une couche de démolition du XVIe siècle du château de Vuache à Vulbens en Haute-Savoie4161. Une cupule distale en bon état (N.D.S) a été découverte au château du Vieux Wartburg dans le canton d’Aargau en Suisse4162. 4157 Il a déjà été énoncé que la morphologie du grelot influait sur la note et la durée de la note émise. On lira avec beaucoup d’intérêt P. Laurence (1991) qui s’est intéressé à l’atelier Granier, dans les hauts cantons de l’Hérault, qui produit encore des cloches, des clochettes, des sonnailles et des grelots selon des méthodes anciennes. Le fabricant explicite clairement que, contrairement aux cloches dont la fabrication est le fruit d’un savoir-faire consigné par écrit et donc au résultat relativement prévisible, la réalisation des sonnailles martelées demande une adaptation continuelle des gestes de l’artisan vis-àvis de l’objet tout au long de son travail de confection pour produire le son qui plaira à la clientèle. 4158 N° 101 et 1938 des fouilles du jardin ouest du Petit Palais. Le premier provient d’un niveau de dépotoir daté entre vers 1365 et vers 1400, le second a été découvert dans un niveau de démolition daté de 1365. 4159 N° B569995 de la rue Frédéric Mistral à Fos-sur-Mer, retrouvé dans un niveau d’occupation perturbé des XIVe - XVe siècles. 4160 N° 28 C 76, Corps : d x h = 2,6 x 2,5 cm (Sarret 1980, p. 143-144 ; Czeski 1981b, p. 89 ; Sarret 1981d, p. 170). 4161 Corps : d x h = 2,5 x 2,5 cm (Raynaud 1993, p. 102). 4162 d cupule = 2,9 cm (Meyer 1974, p. 75, n° C 49). 930 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les fouilles du château d’Ortenbourg dans le Bas-Rhin ont permis la découverte dans un niveau des XVe - XVIe siècles de deux grelots carénés en alliage cuivreux, gravés sur la cupule distale d’un carré quadrillé relié par une ligne à trois ou quatre carrés quadrillés4163. Les dimensions des grelots du corpus sont comprises entre 1,2 et 3 cm pour le diamètre, entre 1,3 et 3,2 cm pour la hauteur, mais la moyenne des dimensions est de 2 cm. Ces valeurs sont similaires à celles de la bibliographie. Ces types de grelots sont attestés à partir du XIe ou XIIe siècle4164 dans la bibliographie rassemblée mais ne deviennent communs qu’au XIVe siècle. Ils sont encore produits actuellement. Type A2 : Grelot à deux cupules métalliques embouties dissemblables, à cupule distale découpée de deux perforations reliées par une fente (fig. 375, n° 13) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 536, sol du second quart XIVe - milieu XIVe siècle. Cette cupule distale isolée, peu bombée, est découpée de deux ouvertures circulaires reliées par une fente. Une incision fait le tour de la cupule. La cupule proximale devait très certainement présenter un relief plus important. Type A3 : Grelot à deux cupules métalliques embouties similaires, à cupule distale découpée de deux perforations et sans fente (fig. 375, n° 14) Vaucluse  Petit Palais (jardin ouest), Avignon : n° 1577, H.S. 4163 Corps : d x h = 2,6 x 2,3 et 1,9 x 1,9 cm (Rieb et Salch 1973, p. 28, n° 141 et 143). Quelques grelots parmi les plus anciens : France, Aube : un individu caréné, d = 1,9 cm, XIIIe siècle, Place des Halles, Troyes (Lenoble et al. 1997, p. 66). Gers : un exemplaire caréné, Corps : d x h cupule restante = 2 x 1,1 cm, vers 1170 - vers 1250, Corné, L’Isle-Bouzon (Lassure 1995, p. 369). Hautes-Alpes : un individu caréné, Corps : d x h = 1,65 x 1,65 cm, sol d’un habitat rural des XIe - XIIe siècles, Le Sépulcre, Oze (Jaubert et al. 1993, p. 84). Italie, Province de Rome : un grelot caréné, Corps : d x h = 1,1 x 1,1 cm, première moitié XIIIe, Crypta Balbi, Rome (Sfligiotti 1990, p. 546). Southampton : un individu caréné avec percuteur en fer, d x h = 2,2 x 2 cm, première moitié XIIIe siècle, High Street C, un spécimen caréné, d x h = 1,7 x 1,9 cm, seconde moitié XIIIe siècle, Cuckoo Lane B, Wacher B1, Southampton (Harvey et al. 1975, n° 1711, 1726). 4164 931 3. Approche croisée du mobilier archéologique Ce grelot se distingue des exemplaires de type A1 par l’absence de fente reliant les deux ouvertures de la cupule distale. 3.2.2.4.Synthèse Les grelots découverts en Provence ne présentent qu’une faible diversité typologique. La prédominance du type A1 dans le corpus et sa permanence dans le temps montrent que ce modèle a très tôt convenu aux fonctions demandées. Il est en effet facile et rapide à fabriquer : les deux cupules devaient être embouties dans la même forme4165. D’après les sources écrites et iconographiques, la très grande majorité des grelots a très certainement été utilisée à d’autres usages qu’à l’ornement du costume. Aucune des caractéristiques des grelots ne permet d’en déduire une utilisation spécifique. 4165 Nous employons le mot forme dans le sens de « ce qui sert à donner une forme déterminée à un produit manufacturé », Dictionnaire culturel en langue française (Rey (dir.) 2005). 932 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.2.3. Synthèse générale Les appliques fixes sont beaucoup plus nombreuses que les branlants dans le mobilier archéologique d’Europe occidentale mais aussi dans les sources écrites et iconographiques. Cette prédominance des appliques dans le corpus s’explique notamment par un usage très fréquent à la ceinture ainsi que le démontrent toutes les sources à notre disposition. En comparaison, la fixation des appliques directement sur le vêtement est relativement rare. Les branlants utilisés dans le cadre du costume ne sont illustrés pour la Provence que par des grelots. Les grelots ont été retenus dans le corpus à cause de leur utilisation potentielle dans le costume bien que cette utilisation ne soit pas exclusive. Les autres types de branlants spécifiques au costume sont absents du corpus car ils ne sont employés pour orner leur apparence que par la noblesse. Ils sont donc beaucoup moins fréquents et leur présence dans les sources écrites et l’iconographie provençale n’est pas suffisamment importante pour justifier une analyse. La diversité typologique des appliques est particulièrement remarquable. Elle répond d’ailleurs, nous l’avons signalé, à la diversité typologique des anneaux et boucles et dans une moindre mesure à celle des chapes et mordants. L’évolution de cette variété est analogue pour tous les types d’accessoires : elle progresse au XIIIe siècle, augmente très fortement et atteint son maximum au XIVe siècle puis chute fortement au XVe siècle. Cette similitude dans les variations temporelles du nombre de types pour ces différences pièces du costume confirme qu’une part conséquente des appliques, des chapes, des mordants et des anneaux et boucles ont appartenu à une même évolution de la mode concernant la ceinture. Nous y reviendrons dans la conlusion finale. Nombre des artefacts étudiés jusqu’à présent ont été employés dans la ceinture. Mais la ceinture et les anneaux et boucles qui peuvent aussi fermer d’autres types de lanière ne sont pas les seuls objets susceptibles d’être employés dans la fermeture, la fixation ou la suspension des pièces de vêtement et des autres accessoires du costume. Nous allons maintenant traiter des épingles, des ferrets de lacet, des œillets, des boutons, des agrafes et des chaînettes. 933 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.3. Les épingles, ferrets de lacet, œillets boutons, agrafes et chaînettes Pour la période d’étude considérée, différents moyens de fermeture et/ou de fixation des pièces du vêtement ou des accessoires sont techniquement disponibles. Il y a bien évidemment le couple boucle-lanière traité précédemment, mais aussi les épingles, les cordons parfois terminés par des ferrets, les œillets, les boutons, les agrafes et les chaînettes. Utilisés dans toutes les strates de la société, ils peuvent différer par leur matière et leur morphologie, répondre à des exigences en rapport avec la mode ou la classe sociale. Les objets les plus courants en contexte archéologique en Provence sont les épingles puis les ferrets de lacet qui révèlent la présence des lacets. Ces derniers peuvent passer à travers des œillets métalliques auxquels est consacré un sous-chapitre particulier. Les boutons métalliques n’illustrent qu’une petite partie de la production des boutons, très certainement essentiellement textiles ou en cuir. Les deux dernières sections de ce chapitre sont consacrées aux agrafes dont la morphologie est des plus variées et aux chaînettes dont l’emploi dans le costume est avéré même s’il est peu fréquent. 3.3.1. Les épingles 3.3.1.1.Les épingles en contexte quotidien L’épingle est un objet dont le processus de fabrication est complexe et demande donc un savoir-faire particulier. Elle est produite par des spécialistes dont la mention dans les sources textuelles est rare : en 1466, un spinolarius de la cité comtadine, Pierre Reynaud, est condamné pour avoir frappé un de ses confrères4166 ; en 1595, l’existence d’un épinglier est attestée à Avignon4167. L’origine de ces épingles peut être lointaine : un contrat de vente daté du 26 janvier 1486 rapporte l’achat par un marchand perpignanais de diverses marchandises dont 72 douzaines d’épingles « decap »4168 et 40 épingles grosses, spinterium sive 4166 Girard et Pansier 1909, p. 43. Achard 1874, p. 10. 4168 La signification de ce terme, parfaitement lisible dans le document d’archive, reste inconnue. Il n’est accompagné d’aucune abréviation. 4167 934 3. Approche croisée du mobilier archéologique spinollarum grossarum, auprès d’un marchand de Montbrison dans la Loire. Elles étaient destinées à être chargées sur une nef pour être tranportées à Naples et en Sicile4169. Dans les comptes du roi René, les épingles sont acquises auprès de merciers4170 et peuvent à l’exemple de ce que révèle l’inventaire après-décès des biens d’Elipde d’Avelin au château des Baux, en 1426, être conservées dans un petit coffret ou un esguillier d’argent4171. Les archives révèlent que ces objets, vendus en grande quantité, sont de peu de valeur. Ils ne sont d’ailleurs taxés qu’à 4 sous le quintal à Avignon en 15824172, 5 sous 8 deniers en 1599 et 16004173, 5 sous 4 deniers en 1615 et 16344174. Le livre de compte des années 1396 - 1397 d’un mercier carpentrassien révèle quelques ventes d’épingles (espinolas, spinolas) – seulement treize transactions sur un total de quinze mois et demi – pour sans doute moins de 800 exemplaires au total4175. Vendues à l’unité, à la douzaine, à la centaine, au quarteron (cartayron)4176, leur prix s’établit, lorsqu’il peut être calculé ou relevé, à 1 sou 10 deniers, 2 ou 3 sous la centaine, 4 à 5 deniers le quarteron, des différences de taille faisant varier le prix : quelques-unes sont d’ailleurs dites longas4177. Elles étaient conservées dans une caisse ainsi qu’il apparaît dans une ligne de compte du 19 septembre 13964178. L’inventaire après-décès, daté de 1443, des biens d’un mercier mâconnais établi à Aix mentionne 1700 spinolae à raison de 1,5 gros, 2 gros, 3 gros et 3,5 gros le millier4179. Les comptes du roi René font état de l’achat pour nostre petite fille de Lorraine, de cinq cents épingles durant l’été 14794180, de 4169 AD BDR Marseille, 351 E 458, f° 380 v° - 381 r°. Document mentionné par R. Collier (1951, p. 141). 4170 Arnaud d’Agnel 1908, n° 4297, 4307, 4309, 4315, 4411, en Provence ; n° 2463, 3300, hors de Provence. 4171 Barthélémy 1877, p. 133-141. 4172 Bibl. Ceccano, Ms 1628, f° 1 r° - 16 v°. 4173 AD Vaucluse, E Pintat 15-502 et AC Avignon, CC 1009. 4174 AC Avignon, CC 1009 et AD Vaucluse, E Pintat 35bis-1134. 4175 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882. Au contraire des épingles, les aiguilles sont assez courantes dans ce compte. Or, l’inventaire après-décès de Jean Coraiosi, mercier d’Aix originaire de Savoie, enregistre en 1448, treize acus sive agulhas pour fermer les balles de marchandise évaluées ensembles à un gros (Annexe 8, doc. 21). Ces aiguilles ont ici une fonction d’épingle. Peut-être en futil de même assez souvent dans le costume ? Cependant, les aiguilles métalliques attestées en contexte archéologique sont excessivement rares. 4176 Cette mesure de poids correspondant au quart d’une livre. 4177 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 137 r°. Les prix proposés par P. Pansier sont encore une fois incomplets et en partie fautifs (1929, p. 159). 4178 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 51 r° : E nos avem lo vel que es en la cayssa de las espinolas. 4179 Annexe 8, doc. 20. 4180 Arnaud d’Agnel 1908, n° 4188. 935 3. Approche croisée du mobilier archéologique 2450 exemplaires en novembre 14794181, dans les deux cas à 5 gros le millier, de pingues pour les damoyselles en août 14764182. L’inventaire réalisé en février 1545, lors de l’ouverture de la balle d’un colporteur décédé à L’Isle-sur-Sorgue, indique un demi-millier d’espingoles valant 1 gros 12 deniers, soit 3 gros le millier4183. En juin 1575, la boutique de feu Claude Moulard, marchand de Marseille, contient vingt douzaines d’espinolles fortes à 4 livres et 8 sous la douzaine et vingt autres douzaines d’espinolles à 4 francs 2 sous la douzaine4184. D’après le dictionnaire de F. Godefroy, le terme espinole équivaut bien à celui d’ « épingle », mais comment expliquer un tel décalage de prix avec les épingles vendues par le colporteur de L’Isle-sur-Sorgue, même en considérant une différence de matériaux, de dimensions et de qualité de fabrication ? Un règlement promulgué en juillet 1593 par les États du Comtat Venaissin au sujet des prix qui doivent être pratiqués pour les marchandises qui circulent dans leur territoire, fixe la valeur maximale autorisée des espingles menues et des épingles menues et morguettes à 8 sous le millier, des espingles fortes de la reyne à 10 sous le millier, de celles fortes et à tête ronde à 12 sous le millier4185. Il ne semble pas avoir été appliqué4186. Le 17 mars 1631, l’inventaire des biens de feu Jacques Tiran, marchand d’Aix enregistre la présence d’au moins 18264 épingles4187. La très grande majorité, dix-huit mille, est estimée à 6 sous le millier, et parmi elles quatre mille espingles blanches, vraisemblablement étamées. Les autres ne le sont-elles pas ? En ce cas, l’étamage n’apporterait pas de valeur ajoutée à l’objet. Onze douzaines d’autres « épingles », également qualifiées de blanches, sont évaluées 3 livres 10 sous la douzaine. L’écart de prix est là encore conséquent. Il est aussi cité dix douzaines d’espingles rousses appréciées à 3 livres 10 sous la douzaine. Est-il ici désigné des « épingles » non étamées, de la couleur du matériau, très certainement un alliage cuivreux ? Enfin, il est consigné une douzaine de petittes espingles pour rabas a 50 s. douzaine et cinq papiers espingles a 6 s. le papier. Ces derniers correspondent très certainement à des feuilles de papier dans lesquelles les épingles sont piquées et rangées les unes à côté des autres. Ce mode de conditionnement, encore pratiqué au début du XXIe siècle, pourrait avoir été relativement courant, même si les textes ne le 4181 Ibid., n° 2076. Ibid., n° 2569. 4183 Annexe 8, doc. 23. 4184 Annexe 8, doc. 26. 4185 AD Vaucluse, B 1516, f° 136 v°. 4186 Braid 2008, p. 373. 4187 AD BDR Aix, 303 E 219, f° 164 r°. 4182 936 3. Approche croisée du mobilier archéologique signalent pas souvent, car il facilite la manipulation. Une mercerie de Carpentras vend le 23 septembre 1396 une feuille de papier percée d’aiguilles : I fuech de papier anbe d’agulhas4188. Le « boutage » des épingles sur des feuilles de papier est au milieu de la seconde moitié du XVIIIe siècle l’étape finale de la chaîne opératoire pratiquée dans les ateliers d’épingliers4189. Dans l’inventaire provençal, la nature du matériau n’est pas explicitée, mais elle est parfois sous-entendue comme pour les épingles qualifiées de blanches ou rousses. Actuellement, aucun exemplaire d’épingle en matière dure d’origine animale n’a été formellement identifié en contexte archéologique. Cependant, les comptes du roi René signalent qu’il fut apporté depuis Marseille une espingue en coral en novembre 14764190. La gamme d’utilisation des épingles est aussi vaste que les besoins temporaires de fixation. À la fin du Moyen Âge et au début de l’Époque moderne, elles sont employées par exemple pour la couture, mais aussi dans le costume et pour la fermeture des draps mortuaires. La gent féminine est, à cette époque, grande consommatrice d’épingles métalliques car celles-ci permettent de fixer ou d’ôter avec facilité certaines pièces comme les coiffes et les rubans. Dans le chapitre XLVII du livre du chevalier Geoffroi de La Tour Landry destiné à l’enseignement de ses filles, rédigé entre 1371 et 1373, il est fait allusion aux épingles en tant que composante des « cointises » dénoncées par le prêche d’un évêque : « Si vous dy qu’il leur dist moult merveilles et ne leur cela rien de leurs espingles ou de leurs atours, tant qu’il les fist mornes et pensives, et eurent sy grant honte qu’elles bessoient les testes en terre, et se tenoient pour moquées et pour nices »4191. Cet exercice oratoire s’attachait notamment aux « cornes4192 » portées par certaines femmes de l’assistance et pour lesquelles l’utilisation des épingles est nécessaire. De par son usage dans bon nombre de coiffures et sans doute dans une multitude d’ornements vestimentaires, l’épingle apparaît souvent dans les textes comme un révélateur de la coquetterie féminine. « Espingles fault pour les dames parer » écrit O. de La Marche dans Le Parement et triumphe des dames. Quant à leur réceptacle appendu à la ceinture : Dames le doivent bien garder et cherir. L’espinglier donc vient a point a ce pas 4188 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 53 r°. Duhamel et al. 1777, p. 572. 4190 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1026. 4191 Édité par A. Montaiglon (1854). 4192 Ce terme moqueur s’applique aux coiffures, disposant de deux excroissances, qui furent à la mode pendant quelque temps au bas Moyen Âge. 4189 937 3. Approche croisée du mobilier archéologique Et a tel heure qu’on ne le croiroit pas4193. Lorsque le cordelier Michel Menot souhaite dénoncer la coquetterie féminine en 1508, il n’oublie pas de citer les épingles : « O mesdames, qui faites les délicates, qui souvent manquez de venir entendre les paroles de Dieu, quoique n’ayez, pour entrer dans l’église que le ruisseau à passer, je suis certain qu’on mettroit moins de temps à nettoyer une écurie où il y auroit quarante-quatre chevaux, que vous n’en mettez pour attacher vos épingles »4194. Les sources iconographiques fournissent d’autres données. P. Mane note que dans l’iconographie d’Europe de l’Ouest un certain nombre d’artisans portent des tabliers prolongés par une bavette qu’elle suppose fixée à l’aide d’une épingle4195. Quelques portraits féminins nord européens, notamment des deux premiers tiers du XVe siècle, témoignent de certaines fonctions et caractéristiques. Les épingles servirent entre autres à la composition de coiffes composées de voiles fixés directement sur les cheveux (fig. 381), sur une cornette (fig. 228, 376 et 378) sur des cornes (fig. 377) ou sur la coque du hennin (fig. 379). Une épingle retient parfois au milieu de la poitrine un fichu de gaze nommé gorgias (fig. 382, 383 et 457), ou participe à l’attache d’une manche (fig. 380). Le panneau latéral d’un retable réalisé vers 1440 par Stephan Lochner, montre un usage dans le vêtement : en effet, une épingle est fixée au-dessus de la poitrine d’une jeune suivante (fig. 381)4196, mais on ne sait ce qu’elle retient. La finesse et la très petite taille de ces objets rend tout rapprochement typologique délicat. La plupart présente une tête sphérique. Toutefois, le portrait de Marie de Pacy laisse deviner une épingle un peu plus longue à tête conique (fig. 376). Les comptes du roi René et de sa seconde femme Jeanne de Laval contiennent quelques mentions d’autres emplois : le 15 janvier 1480, des espingues sont achetées pour la fixation d’écussons à des torches4197, et en janvier et juillet 1451, des espingles sont acquises pour jouer aux quartes et données à madamoiselle de Beauvau et aux filles4198. Elles servaient 4193 Trepperel Veuve et Jehannot (Édit.) 1520, 1870², chapitre X. Aragon 1921, p. 59 (texte francisé). L’original en latin n’a pu être retrouvé. Joseph Nève ne semble pas avoir reproduit ce passage dans ses Sermons choisis de Michel Menot (1924). 4195 Mane 1989, p. 100. 4196 Certains ornements textiles ou pièces de vêtement semblent avoir été fixées sur la poitrine. Blason de l’épingle, Hugues Salel, 1556, Strophe 4 (Lacroix 1869, p. 320) : Et si nous parlons du tetin, Il n'est crespe, drap d'or, satin, Velours, ou quelque autre ornement, Qu'on y peult asseoir bonnement. Sans y employer ton office. 4197 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2759. Cet achat est enregistré alors que le roi René est hors de Provence. 4198 Ibid., n° 2463, 3299, 3300. Le roi René est hors de Provence. 4194 938 3. Approche croisée du mobilier archéologique très probablement de mises lors des parties de cartes ou d’autres jeux4199 en remplacement de l’argent. Lorsqu’il est mentionné un destinataire pour l’achat de ces articles, seules les femmes sont citées4200. En 1496, lors des préparatifs pour les festivités organisées en l’honneur de César Borgia à Avignon, des espingles sont achetées à Jehan le mercier pour estacher les cles de la ville sus les habis4201. D’autres sources écrites soulignent indirectement l’intérêt des femmes pour les épingles. Quoique largement postérieur à la période d’étude, le récit que fait le voyageur A.-L. Millin de certaines scènes dont il fut le témoin au début du XIXe siècle, lors de son passage dans le Sud-est de la France, est sur ce point particulièrement intéressant. Il observe, à Aix-en-Provence, une coutume qu’il dit commune aux campagnes de Provence, et à laquelle il est confronté une seconde fois lors de la fête patronale de Saint-Marcel, un hameau près de Marseille : « Ordinairement, un ou deux habitans (sic) se chargent de tous les frais de la danse ; et au moyen de la rétribution des épingles, ils y font contribuer ceux qui ont le plus de part à ce divertissement. On paye vingt sous par paquet d’épingles : la plus fine galanterie consiste à offrir chaque fois à sa maîtresse le paquet entier ; ceux dont la libéralité est moins stimulée par l’amour, ménagent davantage leur argent, et ne donnent que la moitié du paquet pour une contre-danse4202 ». À Aix-en-Provence, il s’agit d’un acte de bienfaisance car c’est l’Hospice des Insensés qui organise la fête, et le prix d’achat des épingles est fonction du bon vouloir des danseurs4203. Cette coutume d’offrir des épingles à « sa dame » est-elle ancienne ? Peut-être est-elle le résultat d’un glissement de sens. Dans les Évangiles des Quenouilles, texte satirique sur les femmes composé dans la seconde moitié du XVe siècle dans l’aire linguistique picarde, et dans lequel A. Paupert à la suite d’autres auteurs voit une compilation de « croyances populaires », les épingles à grosse tête font devenir l’amour plus ardent et plus durable. L’objet prend alors une connotation humoristique et obscène et la précision souligne son aspect phallique4204. Cette évocation se retrouve dans le Blason de l’épingle composé par Hugues Salel en 15564205 : 4199 Le livre de raison d’un bourgeois marseillais mentionne à la date du 26 mai 1690 que son fils a joué des eplainge au pallet avec un autre enfan (Thenard 1881, p. 45-46). 4200 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2076, 2569, 4188, 4309. 4201 Pansier 1919, p. 17. Autre exemple d’emploi des épingles : en 1470, l’argentier de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, enregistre l’achat de grosses espingles pour tendre et attacher les paremens des autelz (Bessey et al. 2008, p. 645). 4202 Millin 1807-1810, t. 3, p. 358. 4203 Ibid., t. 2, p. 195. 4204 Paupert 1990, p. 11, 174 et II, XX (p. 283). 4205 Strophe 7 (Lacroix 1869, p. 321). 939 3. Approche croisée du mobilier archéologique Espingle, dont l’on m'a faict don, Faicte à la forme d'ung bourdon, Pour substenter l'ardant desir Qui vient mon faible cueur saisir, L'exhortant faire le voyage D'aller voir ce divin corsage. Je te prye, impêtre la grace, Qu'une fois tout nud je t'embrasse ! Certaines traditions concernant les épingles survivaient encore dans les trois premiers quarts du XXe siècle dans le Nord de la France : elles étaient employées pour la divination amoureuse, distribuées lors des mariages, notamment aux amies de la mariée. Enfin, il était nommé « épingles » la petite somme d’argent reçue par une jeune fille ou une femme pour ses frais de toilette et, au XIXe siècle, le cadeau du fiancé à sa fiancée4206. 3.3.1.2.Les épingles en contexte funéraire L’épingle n’est pas seulement employée dans la vie quotidienne, elle est aussi utilisée dans le costume funéraire ou pour la fermeture d’un drap mortuaire. Déterminer si les corps étaient vêtus et/ou s’ils étaient enveloppés dans un linceul s’avère une des préoccupations de l’archéologue travaillant sur des sépultures. Il s’appuie pour cela sur l’étude taphonomique des squelettes et sur l’analyse du mobilier archéologique parmi lequel l’épingle est relativement fréquente. Cependant, l’interprétation de ces données peut s’avérer ardue. Comment déterminer l’usage d’une épingle ? Les sources textuelles et notamment les testaments sont susceptibles d’apporter quelques informations sur la question posée : linceul ou inhumation habillée ? - L’inhumation d’après les sources textuelles Le rite funéraire de l’inhumation est l’aboutissement de gestes et de cérémonies, profanes et religieuses. Leur déroulement peut avoir été prévu par le défunt dans son testament. À la fin du Moyen Âge et durant l’Époque moderne, leur but est souvent de mettre en exergue la hiérarchie sociale et la foi de la personne décédée. L’élection de sépulture, les 4206 Paupert 1990, p. 174. 940 3. Approche croisée du mobilier archéologique dons pour la conduction de messes commémoratives, les legs aux religieux, les dons de vêtements destinés aux pauvres escortant le corps avec des bougies ou des flambeaux sont quelques-uns des aspects les plus couramment évoqués. Parfois même, le défunt spécifie la façon dont son corps doit être couvert. Sur les 323 testaments marseillais des deux sexes – 52 % de femmes – consultés par I. Debilly pour la période 1352 - 1376, seuls trois hommes font la demande de vêtements laïcs – leur tunique pour deux d’entre eux, son chapeau pour le dernier. Six hommes et quatre femmes souhaitent être habillés d’un vêtement religieux et un testateur désire revêtir celui du pèlerin4207. E. Destefanis, dans son étude de 433 testaments marseillais – 46 % de femmes – entre 1400 et 1430, répertorie dix-neuf personnes désirant être habillées et parmi celles-ci, six voulant également être enveloppés d’un linceul. Sept marseillais exigent des habits laïcs : pour une femme, être vêtue de la tête aux pieds avec son voile, pour les hommes, porter une simple chemise, à l’exception de l’un d’eux qui réclame deux robes dont l’une doit être enlevée avant la mise en terre. L’habit religieux, si possible déjà porté par un religieux, est demandé par douze hommes et une femme, tous disposant d’une certaine aisance financière4208. Le port de cet habit, préférentiellement celui d’un ordre mendiant de même que celui du pèlerin, se fait dans l’espoir de retirer quelques bénéfices de l’aura de ce vêtement dans l’au-delà4209. Le pourcentage de personnes souhaitant être inhumées habillées est similaire pour les deux périodes : 4,3 % contre 4,4 % avec respectivement 0,9 et 1,6 % pour l’habit laïc. Aucun des testaments étudiés par les auteurs ne concerne un prêtre, un évêque ou un autre clerc. D’autres documents attestent qu’ils étaient revêtus ordinairement de leur vêtement de fonction4210. La plupart des défunts étaient probablement ensevelis dans un linceul même si cela n’est que rarement formulé. Précision n’est faite que si le drap mortuaire doit être d’une certaine qualité. En 1350 puis à nouveau en 1357, une testatrice formule le souhait d’être placée dans deux linceuls de couleur blanche de la valeur d’un florin. Un testateur, dans le troisième quart du XIVe siècle, indique que le sien doit être une couverture de lin. En 1361, un homme veut que son corps soit entouré d’un pallium doré4211, et, dans le premier tiers du XVe siècle, un maître chandelier réclame le pallium de la confrérie religieuse de son métier4212. Ce terme doit certainement être interprété au sens de nappe d’autel et non comme celui de 4207 Debilly 1980, p. 45-46. Destefanis 1981, p. 74-75. 4209 Cette pratique est signalée par J.-F. Thénard (1881, p. 74) et C. de Ribbe (1898, p. 98-99). 4210 Cet usage n’était peut-être pas tout à fait général, se reporter à Bertrand 1994, p. 139. 4211 Debilly 1980, p. 45. 4212 Destefanis 1981, p. 74. 4208 941 3. Approche croisée du mobilier archéologique vêtement liturgique4213. Dans d’autres testaments étudiés par E. Destefanis, une femme désire que son corps repose sur un linceul, un notaire veut être placé entre deux draps et quatre testateurs souhaitent être recouverts d’un drap, d’une couverture ou d’une nappe de maison. Au regard de ce qui est indiqué et de ce qui n’est pas mentionné dans les testaments, le drap mortuaire semble le plus souvent recouvrir le corps nu. Sans doute est-il épinglé ou cousu et/ou plié ou enroulé autour du défunt ! À Gap, lors d’une épidémie de peste en 1565, les maîtres de santé engagent deux femmes pour couldre les morts de peste. À Aix-enProvence, quinze ans plus tard, Foulque Sobolis, procureur au Siège général, a dû lui-même coudre ses deux filles dans une ville dévastée par la peste, les familles ne trouvant plus personne pour « coudre les morts »4214. Lors de l’épidémie de peste de 1720 - 1722 à Martigues, les directives municipales préconisent le déshabillage et le placement en linceul des personnes décédées à l'hôpital4215. Dans la bibliographie4216 et dans les archives notariales4217, des recherches ont été menées sur les dispositions testamentaires, sur les comptes médiévaux et modernes de dépenses de funérailles, au sujet de l’achat d’éléments de fixation à l’occasion de leur préparation. Elles se sont révélées pour le moment avares en résultats. Le 8 octobre 1707, pour l’inhumation de sa bru, un bourgeois marseillais dépense, entre autres, 10 pans de toile pour la vêtir à raison de 4 sous 6 deniers le pan, donne 1 livre 8 sous à celle quy la habillée et solier, et débourse 1 sou 3 deniers pour les espingles et fillet4218. Dans ce seul cas relevé, l’emploi des épingles n’est pas précisé. - Les épingles dans les sépultures d’après les données archéologiques En Provence, lorsqu’elles sont découvertes en contexte funéraire, les épingles – presque exclusivement des spécimens en alliage cuivreux à tête enroulée en hélice et à tige 4213 Se conférer aux articles palliolum et pallium dans Du Cange et al. 1883-1887 et Niermeyer 1976. Biraben 1976, t. 2, p. 125. 4215 Signoli et al. 1995, p. 176. 4216 Quelques comptes de frais de funérailles pour des membres de l’Église ont été publiés par le chanoine J.-H. Albanès et celui qui a poursuivi son œuvre U. Chevalier : Albanes et Chevalier 1899, n° 460 et 461 (1334), 495 (1335). L.-H. Labande a publié un registre contenant les recettes et dépenses des exécuteurs testamentaires d’un médecin allemand établi à Carpentras et mort en 1375 ou 1376 (Labande 1912). 4217 Pour un rare exemple de comptabilité de succession : AD BDR Aix, 309 E 367, f° 63 v° - 64 r° (23 août 1481). 4218 Document dans Thénard 1881, p. 115-116. 4214 942 3. Approche croisée du mobilier archéologique droite (type A1a4219) – sont régulièrement identifiées comme un moyen de fixation d’éléments du costume ou d’un drap mortuaire. Malheureusement, la position exacte des épingles sur et autour du corps est rarement renseignée. Dans la cathédrale Notre-Dame du Bourg de Digne, les épingles sont peu communes. Seulement douze sépultures individuelles ou caveaux, la plupart des XVIIe et XVIIIe siècles, sont concernées pour presque 1200 structures funéraires datées du second Moyen Âge ou d’Époque moderne. Entre le XIIe siècle et le XVIIIe siècle, les épingles sont anecdotiques sur les corps ensevelis dans l’église Saint-Laurent à Grenoble en Isère, même si leur nombre augmente très légèrement à partir du XVIe siècle4220. Lors d’une opération archéologique, à l’emplacement du cloître de l’abbatiale de Saint-Gilles dans le Gard, le linceul est mis en évidence de façon certaine ou probable pour 45 % des 126 sujets inhumés entre le bas Moyen Âge et le XVIIe siècle. Un peu plus de 10 % de la totalité des corps – 3 enfants, 2 adolescents, 8 adultes dont deux femmes et un homme – ont été retrouvés avec une à trois épingles. Lors de la fouille du cimetière des Fédons, établi lors d’un épisode pesteux qui toucha Lambesc d’avril à septembre 1590, 32 épingles4221 ont été recueillies sur 18 individus – 11 enfants, 4 hommes et 3 femmes adultes –, soit environ 13,5 % des 133 corps recensées4222. Il ne peut être ajouté que trois exemples de linceul identifiés sans épingles, soit 3,8 % de la totalité des individus. Par comparaison, au carré Saint-Jacques à La Ciotat, le pourcentage de draps mortuaires avec épingles tombe de 38,6 % durant la première phase (1581/1583 - 1641) à 29,5 % dans la troisième phase (1710 - 1831). Le pourcentage de draps sans épingle diminue de 6,6 % à 2,5 %4223. Au vu des données que fournissent également les sépultures individuelles, les caveaux et les remblais modernes des sites des Thermes, de la cathédrale Saint-Sauveur et de l’église Sainte-Madeleine à Aix-en-Provence, de l’église abbatiale Saint-Victor et de la Vieille Major à Marseille4224, les XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles seraient une période de plus grand emploi des épingles. Au cimetière du carré Saint-Jacques à La Ciotat implanté vers 1581 - 1583 et qui a fonctionné jusqu’en 1831, l’opération archéologique menée a fourni des résultats 4219 Cf. typologie. Colardelle 1999 et Colardelle 2008. 4221 Deux autres exemplaires proviennent du comblement d’une fosse sépulcrale (n° 21 et 22). 4222 Il a été identifié 72 enfants, le reste est à distribuer à parts presque égales entre hommes et femmes adultes. Se reporter à Duday et al. 2002, p. 29 ; Bouttevin et al. 2002, p. 862-863. 4223 Richier et al. 2011, p. 303-304. 4224 Le nombre exact de sépultures n’est pas connu pour ces sites. 4220 943 3. Approche croisée du mobilier archéologique particulièrement précis. Un peu moins d’un millier d’épingles à tête enroulée ont été découvertes en place dans des sépultures. Elles ont fait l’objet par les archéologues d’une étude poussée dans le rapport de fouille – plusieurs dizaines de pages – dont la démarche est à recommander et dont il ne sera extrait que quelques résultats. La généralisation de telles études pourrait apporter dans le futur, par croisement des données, des renseignements très intéressants sur les pratiques funéraires. Les auteurs ont bien conscience de la difficulté à différencier, hormis dans quelques cas particuliers, les épingles qui sont en relation avec le costume et celles qui ont servi au drap mortuaire. Pour les besoins de l’étude, ils partent de l’hypothèse que la plupart des épingles retrouvées sont caractéristiques de la présence d’un drap mortuaire, même si pour la moitié de l’effectif il n’apparaît pas d’effet de contrainte sur le corps. Ceci peut être, cependant, le résultat d’un drap mortuaire lâche ou se décomposant rapidement. Ce textile, attesté par une ou des épingles ou restitué à partir d’indices taphonomiques, est présent dans 39,5 % des 1245 sujets inhumés tout au long de l’utilisation du cimetière4225. Parmi ceux-ci, la présence d’une seule épingle est enregistrée dans 45,3 % des inhumations, celle de deux épingles pour 20,3 % des défunts, celle de trois et quatre épingles dans respectivement 14,7 % et 6,3 % des cas. Le nombre d’épingles peut monter jusqu’à dix-huit4226. Les épingles sont retrouvées dans des inhumations en pleine terre ou en cercueil. Ceci a déjà pu être observé pour des inhumations en cercueil, en coffrage de bois ou de pierre, par exemple dans la cathédrale Notre-Dame du Bourg de Digne ou à l’emplacement du cloître de l’abbaye de Saint-Gilles. Sur le site du carré Saint-Jacques, l’étude statistique montre que, d’une manière générale, le nombre d’épingles par défunt est plus important pour les immatures que pour les adultes. Les immatures représentent 60 % de l’effectif du groupe des 40 sépultures avec cinq épingles et plus. Aux Fédons, les immatures sont également majoritaires en nombre d’individus en raison d’une fragilité plus importante des enfants face à la peste. À La Ciotat, les épingles sont plus nombreuses dans les sépultures en pleine terre que dans les cercueils. La distribution des épingles selon le sexe semble également varier au cours du temps. Globalement, le drap mortuaire épinglé ou non concerne un peu moins d’une femme sur deux durant les trois phases du cimetière du carré Saint-Jacques. Le rapport passe de un sur deux à un sur trois pour les hommes entre la première (1581/1583 - 1641) et la dernière phase (1710 4225 Richier et al. 2011, p. 303. Il a été décompté 492 draps mortuaires dont 434 employant des épingles. 4226 Ibid., p. 303-315. 944 3. Approche croisée du mobilier archéologique 1831). La diminution du nombre de sépultures masculines avec épingles va de pair avec l’augmentation de l’usage du cercueil et la proportion d’éléments d’habillement tels que des anneaux, des boucles, des boutons et des agrafes4227. L’explication provient de ce que le costume masculin ne nécessite pas ou peu l’emploi d’épingles. Cette évolution prouve qu’une part non négligeable des épingles a bien été employée à la fermeture des linceuls confortant l’hypothèse formulée par A. Richier et ses collègues. En dehors du site du carré Saint-Jacques, il n’apparaît pas de différenciation du nombre d’épingles selon le sexe, mais les corpus issus des autres sites se révèlent trop faibles pour être significatifs lorsque la détermination a été menée. Dans le cimetière du carré Saint-Jacques, les épingles sont majoritairement situées à hauteur du thorax, puis de la tête et enfin du bassin, dans l’axe du corps. À Lambesc, seul autre site où ce type d’information est en nombre suffisant pour avoir un sens, les données sont à peu près similaires. Les spécimens récoltés se situent principalement à hauteur du thorax4228, puis dans la zone des membres inférieurs4229, à proximité de la mandibule4230 et enfin à hauteur du bassin4231. Peut-être est-il possible de mettre en relation la localisation d’un certain nombre d’épingles à hauteur de la tête avec une coutume, indiquée par les sources textuelles de Provence, au moins depuis la fin du XVIe siècle, qui veut le transport du défunt à visage découvert lors de la procession jusqu’au cimetière4232 ? ? Leur fonction serait d’épingler un pan de tissu afin de cacher le visage avant l’inhumation4233. D’autres hypothèses peuvent être aussi envisagées : sur le site de la rue des Thermes à Aix, deux groupes d’épingles de sept et treize spécimens ont été relevés à proximité du crâne d’un adulte enseveli durant l’Époque moderne. Ces épingles ont pu servir à la fixation d’une coiffe. L’analogie des données observée entre les sites du carré Saint-Jacques et du cimetière des Fédons amène un questionnement sur les techniques de pliage et d’enroulement du linceul en fonction de la localisation des épingles, et sur une éventuelle pérennité de ces techniques. 4227 Ibid., p. 303-315. Sépultures 6 (enfant, une épingle), 39 (femme, six exemplaires), 43 (enfant, un objet), 45 (enfant, deux artefacts), 47 (enfant, deux spécimens), 67 (enfant, un exemplaire), 79 (enfant, deux épingles), 84 (homme, un objet), 85 (homme, trois artefacts), 87 (enfant, quatre spécimens), 99 (enfant, un exemplaire). 4229 Sépulture 16 (homme), 48 et 80 (enfants). 4230 Sépultures 23 (femme), 31 (femme) et 46 (nourrisson). 4231 Sépulture 85 (homme) 4232 Bertrand 1994, p. 155-156. 4233 A. Richier et al. sont les premiers à avoir envisagés cette possibilité (2011, p. 317). 4228 945 3. Approche croisée du mobilier archéologique Par exemple, quelles sont les méthodes de pliage utilisées avec une ou deux épingles4234 ? La constante, dans l’ensemble de la zone d’étude, quelle que soit la période, d’une forte proportion de corps accompagnés d’une ou deux épingles ne peut être due à une disparition de mobilier par oxydation. Un ou deux exemplaires sont, à l’évidence, suffisants pour la fixation du drap mortuaire. Il est par ailleurs attesté des linceuls sans épingle, sans doute attachés au moyen de cordons, de bandelettes, par nouage des bords ou par un pliage adapté. Si les épingles permettent de s’interroger sur les pratiques d’inhumation, elles peuvent exceptionnellement constituer la preuve de gestes antérieurs à la mise en terre. Lors de la fouille d’un charnier établi entre 1720 et 1722 rue Leca à Marseille pour recevoir les victimes de la peste, deux épingles à tête enroulée ont été retrouvées, chacune plantée à hauteur du gros orteil de deux squelettes féminins. Elles sont interprétées comme des traces de l’intervention du « croque-mort » chargé de vérifier la réalité du décès4235. Ainsi que le rappelle J. BénigneWinslow, la sensation de douleur est « des plus pénétrantes », et « c’est pour cette raison que les épreuves de piquer le dedans des mains, ou la plante des pieds, et de scarifier les omoplates, les épaules, les bras, etc., ont souvent réussi pour découvrir une mort incertaine »4236. Le testament d’une noble dame d’Avignon daté de 1773 ne dit pas autre chose : elle souhaite qu’il soit procédé à « une incision cruciale à la plante des pieds » pour s’assurer de son trépas4237. Le questionnement sur la fonction des épingles retrouvées est particulièrement complexe. Ces objets n’ont été que rarement mis au jour dans les sépultures avec des accessoires de la ceinture tels qu’un anneau ou une boucle, une chape, un mordant, des appliques, ou bien encore des éléments de fixation du costume comme un ferret de lacet, un œillet, une agrafe ou d’autres attaches. Certains costumes ont pu néanmoins ne comporter que des épingles pour la fixation des différentes pièces vestimentaires. Il faut en outre tenir compte des coutumes locales qui peuvent s’imposer et être différentes selon le sexe, l’âge ou la condition de la personne inhumée. Dans quelques cas, un alignement d’épingles le long de l’axe du corps permet d’évoquer sans grand risque d’erreur la présence d’un linceul. Toutefois, il existe plusieurs techniques d’épinglage. De plus, la décomposition des tissus humains entraîne souvent un déplacement de ces menus objets. Pour toutes ces raisons, estimer quelle est la proportion de sépultures où les épingles ont bien servi à la fixation d’un 4234 Voir à ce sujet A. Richier et al. 2011, p. 316-318. Dutour et al. 1994, p. 194, 195, 196, 199-200. 4236 Bénigne-Winslow 1742, p. 72. 4237 Tartanson 1972, p. 25 et I. 4235 946 3. Approche croisée du mobilier archéologique linceul paraît ardu. D’après les données archéologiques, la pratique du linceul épinglé est semble-t-il marginale en Provence au Moyen Âge. Elle atteint son plus grand développement dans le courant du XVIe siècle – peut-être la deuxième moitié – et dans la première moitié du XVIIe siècle. Au carré Saint-Jacques à La Ciotat, il se constate une diminution de la proportion d’inhumations avec des épingles entre la première phase (1581/1583 - 1641) et la troisième phase (1710 - 1831). Durant cette même période, le nombre de corps en linceuls sans présence d’épingles décroît également de façon significative. A contrario, il y a une augmentation du nombre d’individus retrouvés avec des accessoires du costume en métal, en os ou en nacre, ainsi qu’il a déjà été signalé. Quel que soit le nombre d’exemplaires retrouvés dans les sépultures, l’épingle reste certainement dans la grande majorité des cas le reflet de l’utilisation d’un linceul épinglé. Cette pratique est relativement fréquente à La Ciotat comparée au nombre de draps mortuaires mis en évidence par la taphonomie puisqu’elle correspond à environ 85 % des linceuls identifiés au début de l’utilisation du cimetière, à environ 90 % à la fin. Les résultats des études archéologiques laissent tout de même une grande part d’incertitude puisque, avec des variations selon les périodes, aucune trace d’habit ou de linceul n’est mise en évidence pour la majorité des inhumations. Il est peu probable que les corps aient été nus et ainsi exposés au regard de tous. L’étude taphonomique a des limites, elle ne peut prouver l’existence d’un linceul lâche ou se décomposant rapidement. Un corps a pu également n’être recouvert que d’un simple drap. Les différents développements qui viennent d’être présentés montrent à quel point il est très difficile de mettre en évidence le mode d’utilisation des épingles dans le costume par l’archéologie. 3.3.1.3.Typologie des épingles L’analyse de la bibliographie et du corpus provençal a conduit à classer les épingles en six types différents établis selon des caractéristiques techniques. Le premier (type A) comprend les épingles à fil rapporté, de loin les plus nombreuses, le second (type B), les exemplaires dont la tête est constituée d’une ou deux tôles rapportées. Le type C regroupe les 947 3. Approche croisée du mobilier archéologique épingles dont la tête contient un matériau non métallique4238. Les types D et E rassemblent les spécimens dont la tête est intégrée à la tige, et le type F, une forme sans tête. De nombreux fragments de tige ou hampe, sans tête ou trop oxydés, retrouvés lors des fouilles n’ont pu être intégrés à cette typologie. Type A : Épingle en fil (fig. 384 et 385) Ce type d’épingle est constitué d’une tige appointée dont la tête est réalisée par l’enroulement en hélice d’un fragment de fil. Trois groupes sont distingués : le premier comporte une tige droite (sous-type A1), le second une tige ou une portion de tige torsadée (sous-type A2), le troisième rassemble des épingles ayant nécessité la mise en œuvre de plus de deux fils (sous-type A3). Type A1 : Épingle à tête enroulée en hélice et tige droite (fig. 384 ; fig. 385, n° 1 à 17) Les épingles à tête enroulée et tige droite sont communément en alliage cuivreux. Pour une meilleure protection contre la corrosion, elles sont parfois étamées. Il existe également une production en fer qui, d’après les ingénieurs du milieu du XVIIIe siècle4239, pouvait être étamée ou recouverte d’un vernis noir. Du temps de la rédaction de l’article « Épingle » de l’Encyclopédie4240, ces accessoires étaient employés pour le deuil. Vingt ans plus tard, après être passés de mode, ils sont de nouveau utilisés par les femmes « pour soutenir les boucles de leurs cheveux »4241. Ce vernissage est encore mentionné dans l’édition de 1875 de La France industrielle de P. Poiré4242. Malgré cela, aucun exemplaire d’épingle en fer avec une couverte noire n’est pour le moment répertorié en Provence ou connu par la bibliographie archéologique de comparaison. La coiffure pouvait aussi être soutenue par des arcs de cercle 4238 Les épingles à tête non métallique sont absentes des sources textuelles provençales mais il s’en rencontre avec la tête garnie de perles dans des inventaires après-décès dijonnais de la fin du XIVe siècle (Vandeuren-David 1997, p. 272). 4239 Diderot et d’Alembert (dir.) 1778-1779², article « épingle ». Duhamel et al. 1777, p. 582. 4240 Diderot et d’Alembert 1751-1772. 4241 Duhamel et al. 1777, p. 585. 4242 Poiré 1875, p. 511. 948 3. Approche croisée du mobilier archéologique en fil terminés à chaque extrémité par une tête enroulée. Ces objets n’entrent pas dans la catégorie des épingles4243. Les épingles du type A1 ont été classées en trois sous-types selon le matériau de la tête et de la tige. Les épingles du sous-type A1a sont en alliage cuivreux, celles du sous-type A1b, en fer, et individus du sous-type A1c ont une tête en alliage cuivreux et une tige en fer. Type A1a : Épingle à tête enroulée en hélice et tige droite en alliage cuivreux (fig. 384, n° 2 à 27 ; fig. 385, n° 1 à 15) - Sans couverte blanche Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne : 33 exemplaires, des XIVe - XVIe siècles et des XVIIe - XVIIIe siècles. Bouches-du-Rhône  16 boulevard de la République, Aix-en-Provence : n° 9 à 11, Époque moderne.  Cathédrale Saint-Sauveur, Aix-en-Provence : 133 objets, dont 37 H.S. et le reste de la seconde moitié du XVIe siècle aux XVIIe - XVIIIe siècles.  Les Chartreux, Aix-en-Provence : n° 2 à 4, H.S. et indéterminé.  Collège Mignet, Aix-en-Provence : n° 6 et 7, époque contemporaine.  Église Sainte-Madeleine, Aix-en-Provence : n° 7 et 11, XVIIe siècle et XVIIe XVIIIe siècle.  La Closeraie, Aix-en-Provence n° 3 et 4, Xe siècle - 1429 et H.S.  Les Thermes, Aix-en-Provence : 64 exemplaires de la fin du XIVe siècle, d’Époque moderne ou contemporaine.  Musée Granet, Aix-en-Provence : 56 spécimens H.S. ou du XVIe siècle à l’Époque contemporaine. 4243  Palais Monclar, Aix-en-Provence : n° 3 et 5, Époque moderne.  Les Tanneurs, Aix-en-Provence : n° 1 et 2, datation inconnue.  Abbaye de Montmajour, Arles : n° 283, sol du XVIIIe siècle.  Église Saint-Blaise, Arles : 31 objets dont trois H.S., le reste du XVIIIe siècle. Se reporter pour des exemples à Egan et Forsyth 1997, p. 228, à Egan 2005, p. 52. 949 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Château d’Hauture, Fos-sur-Mer : 296 artefacts, l’un du XVIe ou XVIIe siècle, le reste de la seconde moitié du XVIe siècle (remblai de fossé).  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : 6 épingles issus d’un sol du XIVe siècle, de niveaux d’abandon postérieurs au milieu du XIVe siècle ou H.S.  Château, Les Baux-de-Provence : 172 objets, du XIVe siècle jusqu’au XVIIe siècle ou H.S.  Les Fédons, Lambesc : 34 exemplaires, 1590.  L’Alcazar, Marseille : 23 exemplaires du XVe siècle au début du XXe siècle.  Église abbatiale Saint-Victor, Marseille : 85 spécimens de la première moitié du XIIIe siècle au XVIIIe siècle.  Espace Bargemon, Marseille : n° 10, milieu XIXe siècle ; ESP-18 et 19, datation non cherchée  Hospice de la Vieille Charité, Marseille : n° 5 à 19 du XIVe - première moitié XVe siècle au XVIIe siècle.  Hôtel Dieu, Marseille : n° 4, seconde moitié XVIe - début XVIIe siècle.  Îlot 55, Marseille : six objets du XVIe siècle aux XVIe - XVIIIe siècles, plus une épingle infiltrée dans une couche ancienne.  Les Pistoles, Marseille : douze artefacts des XIIIe - XIVe siècles à l’Époque contemporaine ou H.S.  Place de la Providence, Marseille : n° 2, niveau charbonneux des XVIIe - XVIIIe siècles, couche de limon du milieu du XVIIe siècle.  Place du Général de Gaule, Marseille : n° 78, vers 1360 - 1370 ; possibles, n° 79, vers 1320 - 1360 et n° 80, XVIe siècle.  Puget III, Marseille : n° 21, 22 et 46, remblai du XIIIe siècle au-dessus d’inhumations ; n° 16 et 17, datation non déterminée.  Quartier Sainte-Barbe, Marseille : n° 7, H.S. ; n° 19, remblai, fin XIVe - XVe siècle.  Rue Leca, Marseille : n° 3 et 4, sépultures de la peste de 1720 - 1722.  Tunnel de la Major, Marseille : n° 29, strate de datation inconnue.  Vieille Major, Marseille : 2 objets dans une strate indatable et 23 spécimens des XVIIIe et XVIIIe - XIXe siècles.  Le Délos, Martigues : un nombre indéterminé d’épingles, inhumations en tranchée, sépultures de la peste de 1720 - 1722. 950 3. Approche croisée du mobilier archéologique Gard  Maison des Chevaliers, Pont-Saint-Esprit : n° 66 à 68, remblai du XVe siècle ; 636 autres exemplaires du Bas Moyen Âge ou d’Époque moderne.  Cloître, Saint-Gilles : 5 exemplaires dans des contextes de la seconde moitié du XVIIe siècle au dernier quart XVIIIe - premier quart XIXe siècle ; 5 spécimens dans des sépultures, milieu XVe (?) - milieu XVIIe siècle. Var  Hôpital, Fréjus, Var : n° 11, XIVe siècle.  Place Formigé, Fréjus : n° 43, XVIe siècle.  Le Castellas, Forcalqueiret : n° 4, XVIIe siècle ?  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 975, H.S.  Baptistère, Saint-Maximin : cinq exemplaires non datés. Vaucluse  Hôtel de Brion, Avignon : n° 3 à 5, H.S.  Impasse de l’Oratoire, Avignon : 92 artefacts à partir du XIVe siècle jusqu’au moins le XVIe siècle.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : 111 épingles, du XIVe siècle jusqu’à l’Époque moderne.  Place de la Principale, Avignon : 22 artefacts, comblement de puits, vers 1380 1430 ; 133 objets non datés.  Palais des Papes, salle de Théologie, Avignon : possibles, n° 1 à 8, dépotoirs et remblais, fin XIVe - XVIe siècle.  Pont Saint-Bénézet, Avignon : n° 1 à 3, remblai, XVIe - début XVIIe siècle.  RHI Philonarde, Avignon : n° 12 à 17, remblai, première moitié XIVe siècle ; PHI18, remblai, seconde moitié XIVe siècle.  Rue Banasterie, Avignon : 67 artefacts non datés.  Rue Carreterie, Avignon : 101 objets non datés.  Rue Grivolas, Avignon: n° 3 à 5 issus de contextes non datés.  Rue du Limas, Avignon : 197 exemplaires non datés.  Rue Racine, Avignon : 322 individus, dépotoir, vers 1530 - 1540.  65, place de Cabassole, Cavaillon : 305 spécimens H.S.  Forteresse de Mornas : 58 épingles découvertes dans la crypte de la chapelle et dans un four « de boulanger » fouillés entre 1981 et 1985, XVe - XVIIe siècle ? 951 3. Approche croisée du mobilier archéologique - Avec couverte blanche Bouches-du-Rhône  Pont Vieux Cathédrale Saint-Sauveur, Aix-en-Provence : 13 exemplaires, remblais et couches de caveau des XVIIe - XVIIIe (?) siècles ou H.S.  Église Sainte-Madeleine, Aix-en-Provence : nombreux fragments, fosse de réduction, XVIIe - XVIIIe siècle.  La Closeraie, Aix-en-Provence : 1 objet, sépulture, XVIIe - XVIIIe siècle.  Les Thermes, Aix-en-Provence : 5 artefacts, contextes funéraires, moderne.  Musée Granet, Aix-en-Provence : 1 exemplaire, remblai, moderne ?  Église Saint-Blaise, Arles : 10 spécimens, remblais du XVIIIe siècle ou H.S.  Château d’Hauture, Fos-sur-Mer : 22 objets, comblement de fosse, seconde moitié XVIe siècle. Vaucluse  Place de la Principale, Avignon : 1 exemplaire, contexte inconnu.  Rue Racine, Avignon : n° 4 et 5, dépotoir, vers 1530 - 1540.  65, place de Cabassole, Cavaillon : 2 artefacts, H.S. D’un usage courant – à peu près 2700 exemplaires ont été enregistrés pour la Provence – les épingles à tête enroulée en alliage cuivreux se caractérisent par une tête réalisée à partir d’un fil de métal enroulé en une spirale à deux révolutions, rarement trois, disposé à une extrémité de la tige. Elles apparaissent au début du XIIIe siècle en Europe de l’Ouest4244, connaissent une forte diffusion et disparaissent certainement à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle avec l’apparition des procédés de fabrication actuels. Elles se rencontrent dans des contextes de toute nature (cimetière, site castral, occupation urbaine, villageoise, etc.) et dans 4244 La présence d’une épingle à tête enroulée dans un remblai daté vers 900 - 1050 dans l’église SaintLaurent-de-Grenoble est certainement à mettre en relation avec la construction de caveaux modernes et de fouilles archéologiques anciennes qui ont pollué certaines strates ; se reporter à Colardelle 2008, p. 232, 237-238. Un autre spécimen a été mis au jour dans le comblement d’une inhumation antérieure au XIe siècle sur le site de Montaigut à Gissac dans le Tarn, mais l’agrandissement du château, au XVe siècle, qui succède à cette utilisation sépulcrale, a été suivi de vidanges et de remaniements de sépultures ; voir Hibon et al. 2002, p. 144, 146-147. Une épingle à tête enroulée a été découverte dans une sépulture polonaise à Velikij Posad. Le mobilier est daté des Xe - XIIe siècles dans la publication de S. V. Tarasov (1991, fig. 6), mais la datation des sépultures est usuellement le résultat de l’analyse de celui-ci, l’épingle pourrait donc être un peu plus récente. 952 3. Approche croisée du mobilier archéologique une grande partie de l’Europe de l’Ouest4245. L’identification de ce type d’épingle n’est pas toujours aisée dans la bibliographie, car ces menus objets n’y ont pas fait l’objet d’une 4245 France, Aisne : deux exemplaires plus deux probables fragments, dépotoir, première moitié XVe siècle, La Cologne, Hargicourt (Bayard et Mantel 1989, p. 167) ; vingt spécimens et ébauches, remblais, fin XVe - début XVIe siècle, Place du Marché aux herbes, Laon (Jorrand 1986). Allier : 238 épingles sans couverte, certaines dans des sépultures et des sols, fin du Moyen Âge et Époque moderne, remblais nef de la priorale Saint-Pierre, Souvigny (Chabrier 2008, p. 11-17). AlpesMaritimes : quatre individus, H.S., Colline du château, Nice (Thuaudet 2013, p. 273). Aude : 43 artefacts, différentes couches, XIIIe - XVe siècle, Château de Montséret (Immel et Lapeyre 1980, p. IX ; Immel et Lapeyre 1981, p. 12 et 15 ; Immel et Lapeyre 1983, p. 18 ; Immel et Lapeyre 1984, p. 15) ; deux épingles, dépotoir, XVIe - XVIIe siècle, Église Sainte-Marie, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Bayrou et al. 1991, p. 76) ; 90 exemplaires, dépotoir, N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhac-sousPeyrepertuse (Barrère 2000, p. 226-227) ; sept spécimens au contexte non renseigné, castrum de Cabaret, Lastours (Gardel et al. 1999, p. 302), deux artefacts sur un squelette adulte féminin, l’un sur la poitrine, l’autre sur l’abdomen, église Saint-Sernin de Cupservier (Taffanel et Taffanel 1979, p. 50) Aveyron : deux épingles, base du conduit d’évacuation des latrines, premier quart XVIe siècle, Tour hospitalière, Viala-du-pas-de-Jaux (Pujol 2002, p. 189). Bas-Rhin : sept unités dont certaines argentées, XVIe siècle, château de Haut-Barr, Saverne (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 452, n° 3.128) ; quatre spécimens, fouille ancienne, abbaye de Marmoutier (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 474, n° 4.26). Calvados : plus de 200 exemplaires, XVe siècle, Montoir-Poissonerie, Caen (Vivre au Moyen âge 2002). Charente-Maritime : 103 individus, du XVIe siècle au XIXe - 1ère moitié XXe siècle, sites multiples, La Rochelle (Berthon 2012, p. 77-78). Cher : une épingle, bas Moyen Âge ou Époque moderne, cimetière de Saint-Martin-des-Champs, Bourges (Maçon et al. 2010, p. 108) Corrèze : au moins huit artefacts, XVIIe - XVIIIe siècle, église saint-Sernin, Brive (Lintz 1988, p. 68). Côte-d’Or : un objet, XIIIe siècle, château de Saint-Romain (Bourgogne 1987, n° 514). 5 exemplaires, non datés, maison seigneuriale, Villy-le-Moutiers (Bourgogne 1987, n° 585-590). Doubs : 61 épingles, bourg Saint-Martin, Montbéliard, Bas Moyen Âge et Époque moderne (Fuhrer 2000). Gard : neuf spécimens infiltrés dans des niveaux datés des Ve et VIe siècles, 19 épingles dans des niveaux postérieurs à 600, Z.A.C. des Halles, Nîmes (Feugère et Manniez 1993, p. 290-291, 295). HauteSavoie : 105 artefacts, couche de démolition, XVIe - XVIIe siècle, château de Vuache, Vulbens (Raynaud 1993, p. 97). Haute-Vienne : dix objets, dépotoir, XVIe siècle, ancien « faubourg Manigne », Limoges (Lombard et al. 1986, p. 114). Hautes-Alpes : un individu, H.S., chapelle des Gicons, Saint-Disdier (Fichier Lucy Vallauri 1969). Hautes-Pyrénées : cinq exemplaires, abbaye de l’Escaladieu, Bonnemazon (Platt (dir.) 1971, p. 38). Hérault : trois spécimens, sol, XIe - XIIIe siècle, mais la couche a été chamboulée, grotte 3 du ruisseau de l’église, Saint-Jean-de-Minervois (Lauriol 1962, p. 30). Ille-et-Vilaine : douze objets, comblement de fosse, fin XIIIe - fin XIVe siècle, bastion du Solidor, Saint-Malo (Langouet (dir.) 1983, p. 129). Indre : nombre indéterminé, XIVe - XVe siècle, motte, Moulins-sur-Céphons (Querrien (dir.) 1990, p. 42, n° 27). Indre-et-Loire : 1 épingle, sépulture XIIe - XVe siècle ?, 49 épingles, sépultures XVe/XVIe - XVIIIe siècle, collégiale de Saint-Mexme, Chinon (Motteau 2006, n° 71, 84, 85, 89, 91, 98, 99, 102, 103, 113, 115, 116, 120, 124, 144 ; Husi et al. 1990, p. 157) ; six artefacts, XVe - troisième quart XVIIe siècle, Château de Tours, Tours (Motteau (dir.) 1991, n° 67-72). Isère : 22 individus, contextes variés, milieu XIIe - première moitié XIVe siècle, Brandes-en-Oisans, Alpe d’Huez (Bailly-Maître 1983, p. 108-111, 137 ; Bailly-Maître et Bruno Dupraz 1994, p. 128) ; quinze spécimens, fin XVe - XVIIIe siècle, sépultures et remplissages de sépulture, Église Saint-Laurent, Grenoble, Isère (Colardelle 1999, t. 2, p. 1, 13, 14, 19, 24, 25, 30, 32, 35, 36, 37, t. 6, p. 23 ; Colardelle 2008, p. 238, 314, 326, 334, 346) ; trois exemplaires dont un de dépotoir, XIIIe - XIVe siècle ?, village médiéval, Saint-Romain de Surieu (Jannet-Vallat et Bony 1983, pl. 33) ; 80 pièces en alliage cuivreux et « en argent », plus probablement avec une couverte blanche, XVIe - XVIIe siècle, château de Bressieux (Girard et Lafond 2009, p. 167). Jura : au moins huit épingles, XIIIe - XVe siècle, château de Pymont, Villeneuve-sous-Pymont (Jeanjacquot 1993, p. 99, 106). Loire : trois objets, contexte inconnu, XIVe siècle, château d’Essertines (Maccari-Poisson 1992, 953 3. Approche croisée du mobilier archéologique p. 150). Marne : un individu, cimetière, second Moyen Âge et Époque moderne, église du village déserté de Saint-Hilaire-sur-Moivre, Le Fresne-sur-Moivre (Lusse et al. 1997, p. 86). Moselle : une épingle, réoccupation de thermes, seconde moitié XVe - fin XVIe siècle, quartier artisanal est, Bliesbruck (Clemens et Petit 1995, p. 78), sept objets, seconde moitié XVe siècle, place de la Comédie, Metz (Goedert et al. (dir.) 1996, n° 198 et 199). Nord : huit exemplaires, fosse dépotoir, XVIe siècle, îlot des Tanneurs, Lille (Blieck et Vadet 1986, p. 134) ; quatre spécimens, contexte du XIVe - première moitié XVe siècle, rue Mongat, Douai (Louis et al. 1998, p. 67, n° 49). Oise : cinq épingles, XIVe siècle, ferme du « Bellé », Neuilly-en-Thelle (Legros 2001, n° 110). Paris : quatre individus, contextes variés, second quart du XIVe siècle, (Thomas 2009, annexe 3, n° 266 à 269). Pas-deCalais : trois artefacts, XVe, fin XVe, H.S., village de Conchil-le-Temple, Loison-sur-Créquoise (Legros 2005, n° 66, 67, 69) ; nombreux individus récoltés dans la rivière Ternoise, fin XIIe - début XIIIe à 1640, château de Grigny (Dilly et al. 1999, p. 82). Pyrénées-Orientales : un objet, préparation de dallage ou remblai, moderne, église Notre-Dame de l’Assomption, Sainte-Marie-la-Mer (Crozier et Bénézet 2009, pl. 5). Seine-et-Marne : 34 individus, fin XIVe/début XVe - XVIe siècle, comblement de latrines lors de leur utilisation et après en tant que dépotoir, château de Blandy-les-Tours (Castille 2006, p. 115 et Coste 2006a, p. 120 et catalogue p. 173, 175). Tarn : une épingle, comblement d’une sépulture non datée, château de Montaigut, Gissac (Hibon et al. 2002, p. 144) ; une dizaine d’exemplaires de contextes funéraires variés, XIIe - XIVe siècle ?, Le Troclar, Lagrave (PousthomisDalle et al. 1998, p. 51). Tarn-et-Garonne : 1 objet, première moitié XIVe siècle, place FranklinRoosevelt, Montauban (Vie quotidienne 1990, p. 144, n° 100). Vosges : une cinquantaine, château d’Épinal, bas Moyen Âge et Époque moderne (Kraemer 2002, p. 238). Espagne, Province de Barcelone : trois individus, Époque moderne, couvent de Sant Agustí (Parra 2009b, p. 208) ; quatre artefacts, non datés, Can Fargas, Barcelone (Parra Alé 2010b, p. 152) ; un spécimen, XIIIe - XIVe siècle, 2 exemplaires, seconde moitié XVIIe siècle, Carrer de l’Hospital et carrer del Carme (Garcia Mulero 2010, p. 156-157). Portugal, District de Castelo Branco : un objet et quatre possibles, XVe XVIIe siècle, château de Penamacor (Silvério et al. 2004, p. 491), 7 exemplaires, non datés, château, Castelo Branco (Boavida 2011, p. 21-22). Italie, Reggio Calabria : trois spécimens, ossuaire, début XVe - fin XVIIIe siècle, Santa-Maria del Mastro, Gerace (Lebole di Gangi 1993, p. 472). Province de Coni : 562 spécimens dans des strates du XVIe siècle et plus particulièrement de la première moitié, d’autres dans une strate du XIVe siècle ou H.S., château de Montaldo di Mondovì (Cortelazzo et Lebole di Gangi 1991, p. 222). Province de Gênes : trois épingles dans la dernière phase d’occupation, vers 1550 - 1589, abbaye San Silvestro, Gênes (Andrews 1978, p. 194, n° 39 à 41). Province de Pistoia : un objet, pavement de 1733, un autre déposé lors d’une phase de restauration, 1733 - 1852, San Lorenzo a Cerreto, Pescia (Milanese 1996, p 423). Province de Ravenne : quinze objets, ramassage de surface, château de Lugo (Sogliani 1991, p. 199). Province de Savone : une dizaine d’épingles, contextes variés, fin XIVe - milieu XVe siècle et fin XVIe - début XVIIe siècle, Hameau de Finalborgo, Finale Ligure (Palazzi et Parodi 2003, p. 232). Province de Verceil : un individu, contexte des trois premiers quarts du XVe siècle, monasterio della Visitazione, Verceil (Deodato 1996, p. 270). Suisse, canton de Soleure : cinq épingles datées entre 1471 et 1643, palais Besenval, Soleure (Nold et al. 2007, p. 25). Royaume-Uni, Aberdeenshire : un artefact, XVIIIe siècle et postérieur, Saint Paul Street, Aberdeen (Goodall 1982, p. 186). Carmarthenshire : une dizaine (?) d’exemplaires, Époque moderne, Carmarthen Greyfriars (Brennan 2001, n° 74, type B). Dumfries and Galloway (Écosse) : 101 épingles, à partir des environs du début du XIVe siècle jusqu’au moins la fin du XVIIIe siècle, Whithorn et Saint-Ninian (Nicholson 1998a, p. 361-362) ; un objet, antérieur à 1370, château de Threave (Caldwell 1981, p. 107, n° 16) ; un exemplaire, vers 1320 - 1450, abbaye de Dundrennan (Dunn 2001, p. 45, n° 31). Edimbourg : six ou sept dizaines de spécimens, XIIIe - XIVe siècle et seconde moitié XIVe - première moitié XVIe siècle, cathédrale Saint-Gilles d’Édimbourg (Franklin et Collard 2006, p. 53-54) ; deux épingles, XIVe - XVe siècle et XVIe - XVIIe siècle, église Saint-Patrick, Édimbourg (Franklin 2011a, p. 48). Essex : au moins cinq artefacts, 1425 - 1521, King John’s hunting lodge, Writtle (Rahtz 1969, n° 93, 94, 96, 97, 101) ; dix épingles, fin du Moyen Âge et Époque moderne, Viking Hall, Waltham Abbey (Huggins 1976, p. 117). Leicestershire : nombre indéterminé, bas Moyen Âge, Époque moderne et contemporaine, The Austin Friars (Clay 1981, p. 137). Hampshire : un spécimen, contexte de la période Tudor, Saint-George’s street, Winchester 954 3. Approche croisée du mobilier archéologique observation précise, soit à cause de l’oxydation, mais un nettoyage à la fibre de verre y remédie, soit par manque d’intérêt4246. Dans le corpus provençal, un exemplaire fosséen (fig. 384, n° 5), issu d’un remblai de fossé de la seconde moitié du XVIe siècle, se distingue par la présence d’une portion de fil enroulée sous la tête. Rue Carreterie, deux ensembles de douze et vingt-deux épingles ont été retrouvées dans des dépotoirs, étroitement liées par l’oxydation. Elles étaient probablement conservées dans un petit étui (fig. 385, n° 7). À Bourges, des épingles de forme A1a ont été retrouvées « enroulées » dans une toile de lin, dans un contexte du début du XIVe siècle de la Grosse Tour4247. La documentation archivistique provençale n’a pas fourni de mention (Cunliffe 1964, p. 152) ; 371 exemplaires, contextes variés, de la première moitié du XIIIe siècle au XXe siècle, plus trois objets infiltrés dans des couches des Xe, XIe et XIIe siècles, Winchester (Barclay 1990). Herefordshire : quinze objets, de 1250 - 1350 à la première moitié du XVIIIe siècle, Bewell House et Berrington street, Hereford, (Shoesmith (dir.) 1985, fig. 6 et 7). Londres : nombreux spécimens, XIVe et première moitié XVe siècle (Egan et Pritchard (dir.) 2002, p. 299, 301, 303). Monmouthshire : cinq exemplaires du bas Moyen Âge ou d’Époque moderne, abbaye cistercienne, Tintern (Courtney 1989, p. 128). Norfolk : une épingle de la seconde moitié du XIIIe siècle, quatre épingles des XIVe - XVe siècles et siècles postérieurs, King’s Lynn (Geddes et Carter 1977, p. 289, n° 19). Scottish Borders : deux épingles, 1560 - 1875, abbaye de Jedburgh (Caldwell 1995a, n° 14 et 15). Southampton : 35 individus, du troisième quart du XIIIe siècle jusque vers 1630 - 1640, divers sites (Harvey et al. 1975, n° 1720, 1730, 1760, 1769, 1796, 1797, 1823-1841, 1845-1848, 1852, 18731877). Worcestershire : un objet, seconde moitié XIIe siècle, 3 objets, milieu/seconde moitié XIVe siècle - première moitié XVe siècle, Bordesley abbey, Redditch (Astill 1993, p. 196). Yorkshire du Nord : une épingle, contexte inconnu, habitat médiéval de Wharram (Goodall 1979, p. 111) ; 303 spécimens dont 4 pour le XIIIe siècle, 1 pour le XIVe siècle et le reste pour les siècles suivants, sites divers, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2915-2916). West Lothian : trente exemplaires, remblais et sépultures, XVe - XVIe siècle, abbaye de Linlithgow (Stones 1989, p. 159, ill. 100, microfiche section 9.5.5, fiche 12.G1). Canada, Québec : sept objets, phase 1 (1682 - 1720), monastère des récollets, Québec (Moos et al. 1998, p. 231) ; 5 exemplaires, 1760, navire « Le Machault » (Sullivan 1986, p. 92). États-Unis, État du Maine : quatre individus, phase 1 (1635 1654) et phase 3 (1670 - 1674), fort Pentagouet, Castine (Faulkner et Faulkner 1989, p. 255). État du Massachusetts : six épingles, XVIIe siècle, Winslow, Plymouth (Beaudry et al. 2003, p. 168). 4246 Les objets suivants sont probablement des épingles à tête enroulée mais le dessin et l’éventuelle description ne permettent pas d’en être assuré ; France, Aisne : deux exemplaires, fosse de la seconde moitié du XVe siècle, La Cologne, Hargicourt (Bayard et Mantel 1989, p. 178). Cher : cinquantaine d’individus, première moitié XIVe siècle, Grosse Tour, Bourges (Moirin 1999, p. 273). Eure-et-Loir : Prieuré de Nottonville (Racinet (dir.) 2006, p. 484, n° 1 à 6). Haute-Vienne : deux spécimens, fosse du milieu du XVIe siècle, Îlot Gabriel-Péri, Limoges (Lombard et al. 1987, pl. V) ; un artefact, dépotoir du XIVe siècle, Place des Jacobins, Limoges (Vallet 2001, p. 91). Meurthe-et-Moselle : 213 exemplaires, niveaux d’abandons et des destructions, XVIe - XVIIe siècle, maison forte des Armoises, Richardménil (Guarascio et Giuliato 2007, p. 143, fig. 113). Italie : Reggio Calabria : une épingle, ossuaire du début XVe siècle à fin XVIIIe siècle, Santa Maria del Mastro, Gerace (Lebole di Gangi 1993, p. 472, n° 51). Province de Lecce : un objet, sépulture du début du XVIe siècle, Santa Maria della Strada, Taurisano (Lapadula 2005, p. 200). 4247 Moirin 1999, p. 273. 955 3. Approche croisée du mobilier archéologique nominale d’épinglier mais de cinq aiguilliers (agulliers) dont un en argent et un autre en soie qui ont fort bien pu contenir des épingles4248. Un peu plus de 300 épingles ou fragments d’épingles à couverte blanche ont été inventoriés pour la Provence. Ces artefacts se répartissent sur neuf sites. Il est impossible de déterminer leur type de couverte sans réaliser un test chimique – cela a été entrepris sur quelques spécimens du corpus, révélant de l’étain4249 – ou une analyse de composition. Aussi, l’identification d’une couverte d’argent proposée dans quelques publications doit-elle être prise avec précaution. De même, les épingles dites « en argent » sont-elles peut-être, simplement, des épingles étamées4250 ? Les épingles à couverte blanche sont attestées en Provence à partir de la seconde moitié du XVIe siècle d’après la céramique récoltée dans un comblement de fossé du site du château de l’Hauture, à Fos-sur-Mer. Cette datation est concordante avec la plupart des éléments cités dans la bibliographie4251. Toutefois, une 4248 Quatre exemplaires dont celui en argent mentionnés dans le relevé des biens de dame Madeleine Paret prieure du monastère de Sainte-Praxède d’Avignon (AD Vaucluse, 1 G 390, f° 443 r° - 456 r°, précisément f° 445 v°, 1587) et un exemplaire en soie dans un inventaire de dot (AD BDR Aix 307 E 13, n.f. 14 septembre 1426). À Montauban, les frères Bonis vendent en 1347 et 1348, des espilhiers de soie. En 1347, ils sont vendus 2,5 sous tournois chaque (Forestié (édit.) 1890-1893, t. II, p. 220, 311). Les épingliers pouvaient être en os : un exemplaire de la seconde moitié du XVIIe siècle a été découvert sur le site de Winslow à Plymouth (Beaudry et al. 2003, p. 168, fig. 11). 4249 Les objets étant en alliage cuivreux, donc possiblement avec une teneur en étain, il a été fait usage d’un réactif révélant la présence d’argent sur les couvertes. La réaction fut à chaque fois négative. 4250 Pour des exemples d’épingles « en argent », se reporter à Fourteau Bardaji 1989, p. 37 ; Bordenave et Vialelle 1973, p. 161 ; Bonnet 1973, p. 93. 4251 France, Allier : 45 épingles « en argent », certaines dans des sépultures et des sols, quelque part entre la fin du Moyen Âge et l’Époque moderne, nef de la priorale Saint-Pierre, Souvigny (Chabrier 2008, p. 11-17). Aveyron : une dizaine de spécimens dans des sépultures, XVIe - XVIIIe siècle (datation basée notamment sur le mobilier du costume), place de l’église, La Cavalerie (Poujol et Pujol 1999, p. 136). Bas-Rhin : quelques unités, XVIe siècle, château de Haut-Barr, Saverne (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 452, n° 3.128). Corrèze : nombre indéterminé « argenté », XVIIe - XVIIIe siècle, église Saint-Sernin, Brive (Lintz 1988, p. 68). Haute-Vienne : une quarantaine d’épingles, niveau de remblai, moderne et contemporain, église de Veyrac (Lintz 1989, p. 56). Indre-et-Loir : 14 épingles, sépultures XVe/XVIe - XVIIIe siècle, collégiale de Saint-Mexme, Chinon (Motteau 2006, n° 75, 80, 107, 109 à 112, 114, 122, 123). Meurthe-et-Moselle : 34 exemplaires sont dits avec une tête « en argent », niveaux d’abandons et de destructions, XVIe - XVIIe siècle, maison forte des Armoises, Richardménil (Guarascio et Giuliato 2007, p. 143). Oise : deux épingles « en argent », XVIIe siècle, ferme du « Bellé », Neuilly-en-Thelle (Legros 2001, n° 167). Tarn : quatre probables exemplaires dits « en argent » à hauteur de la poitrine d’un squelette, tombe n° 1, XVIe siècle, Saint-Vincent-d’Arnhac, Lautrec (Bordenave et Vialelle 1973, p. 161). Vosges : une quarantaine de spécimens, château d’Épinal, bas Moyen Âge et Époque moderne (Kraemer 2002, p. 238). Royaume-Uni, Carmarthenshire : quelques unités, Époque moderne, Carmarthen Greyfriars (Brennan 2001, n° 74, type B). Dumfries and Galloway : 7 exemplaires dits « silver » ou copper-alloy/silver, de 1320 à 1600, abbaye de Dundrennan (Dunn 2001, p. 42-45, n° 4, 5, 6, 13, 14, 19, 30). Edimbourg : quelques spécimens, XIIIème - XIVème siècle et seconde moitié XIVe - première moitié XVIe siècle, cathédrale Saint-Gilles d’Edimbourg (Franklin et Collard 2006, p. 53-54). Londres : nombreux spécimens, XIVe (?) et première moitié XVe siècle (?) (Egan et Pritchard (dir.) 2002, p. 299, 301, 303). Suisse, Canton 956 3. Approche croisée du mobilier archéologique épingle à tête enroulée avec des traces d’une couverte blanche a été découverte dans l’habitat du site de Corné (vers 1170 - 1250) à l’Isle-Bouzon dans le Gers4252, et une épingle « en argent », retrouvée dans le comblement d’une sépulture datée du XVe siècle, du cimetière du Saint-Sépulcre, à Parthenay dans les Deux-Sèvres4253. L’étamage des épingles, quelle que soit la méthode utilisée, semble donc n’avoir été réellement mise en place qu’à partir du début de l’Époque moderne. Il est encore attesté dans l’édition de 1875 de La France industrielle par Paul Poiré4254. Les vestiges de la fabrication des épingles à tête enroulée sont rares. Dans le corpus, seule une unique ébauche a été formellement identifiée (fig. 384, n° 1) dans un contexte avignonnais dont la datation n’est pas actuellement disponible. Il est donc ardu de reconstituer une chaîne opératoire, à partir d’un seul rebut, même en s’aidant des singularités relevées sur des épingles achevées. En Lozère, par contre, des fouilles réalisées depuis 2000 par Isabelle Rémy sur le site du château d’Apcher4255 ont conduit à la découverte de 3768 exemplaires en alliage cuivreux dont 32 déchets de fabrication. La grande majorité du matériel provient d’un nombre réduit d’unités stratigraphiques. Une telle concentration d’épingles et de rebuts témoigne de la proximité d’un atelier. Ces artefacts permettent la reconstitution d’une chaîne opératoire légèrement différente de celle décrite par les ingénieurs français du XVIIIe siècle dans l’Encyclopédie et les Descriptions des Arts et métiers, avec pour référent les ateliers de Laigle, en Normandie. Bien que le site lozérien soit situé hors de la région d’étude, des correspondances entre les déchets de fabrication d’Apcher, ceux découverts à Laon, dans l’Aisne, de la fin du XVe siècle ou du début du XVIe siècle4256, le rebut avignonnais, et les observations réalisées sur les épingles provençales inclinent à penser qu’un processus de fabrication similaire a pu être mis en œuvre. Cette étude a été insérée dans un sous-chapitre à la suite de l’analyse typo-chronologique4257. de Genève : deux épingles non datées dites « en argent », dans des inhumations, église Saint-Georges d’Hermance, canton de Genève, Suisse (Bonnet 1973, p. 93, n° 26 et 97). Pologne, une épingle probablement en alliage cuivreux, Moyen Âge Central, sépulture (Tarasov 1991, fig. 6). 4252 Lassure 1995, p. 466. 4253 Fourteau Bardaji 1989, p. 37. 4254 Poiré 1875. 4255 Les opérations archéologiques n’ont pas encore donné lieu à une publication. Les rapports de fouille sont disponibles au SRA Languedoc-Roussillon : Rémy et al. 2004 ; Rémy et al. 2008 ; Rémy et Agostini 2009 ; Rémy et al. 2011 ; Rémy et Thuaudet 2011. 4256 Jorrand 1986. Les déchets sont interprétés à tort par l’auteur comme illustrant le processus de fabrication décrit par l’Encyclopédie, alors qu’il précise bien que certains artefacts entrent en contradiction avec ce procédé. 4257 Se reporter au chapitre 3.3.1.4. 957 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type A1b : Épingle à tête enroulée en hélice et tige droite en fer (fig. 385, n° 16) Objets probables : Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 1169 A, puits, XIVe - XVIe siècle. Bouches-du-Rhône  Cathédrale Saint-Sauveur, Aix-en-Provence : n° 19, caveau, trois derniers quarts du XVIIe siècle.  Place du Général de Gaule, Marseille : n° 77, contexte daté vers 1320 - 1360 ; n° 80, contexte du XVIe siècle ?  Vieille Major, Marseille : n° 20, couche de caveau, 1694 - ?  Église abbatiale Saint-Victor, Marseille : n° 431A et B et 500, couche de sable gris dans lequel est installée une tombe sous tuiles, (?) - première moitié du XIIIe siècle (?), mais la couche contient beaucoup de mobilier métallique qui peut paraître plus tardif ainsi qu’un tesson du XVIIe siècle. Gard  Cloître, Saint-Gilles : 2010-34, inhumation en linceul d’un enfant de 0 à 6 mois, XIIe - milieu XVIIe siècle. Var  Le Castellas, Forcalqueiret, Var : n° 4, contexte du XVIIe siècle ? L’emploi du fer pour les épingles, et par extension pour les épingles à tête enroulée, s’avère peu fréquent. Les raisons avancées par les ingénieurs du milieu du XVIIIe siècle sont la rouille qui abîme le linge et rend les piqûres plus dommageables, les inégalités de surface qui accrochent et déchirent les tissus, et la difficulté de travailler ce métal à cause de sa faible malléabilité4258. Pour raison « d’utilité publique », la fabrication des épingles en fer fut défendue aux maîtres épingliers de Paris durant l’Époque moderne4259. Le fer se conserve généralement moins bien que les matériaux en alliage cuivreux à cause d’une oxydation plus active et l’étamage ne la retarde que temporairement. Souvent, la tête de l’épingle trouvée en 4258 4259 Duhamel et al. 1777, p. 578, note 29, 582, 584. Diderot et d’Alembert (dir.) 1778-1779², article « épingle ». Duhamel et al. 1777, p. 582. 958 3. Approche croisée du mobilier archéologique contexte est manquante ou trop oxydée pour permettre un nettoyage et l’identification de son type. La prédominance des épingles à tête enroulée en alliage cuivreux laisse supposer que ces spécimens en fer ont eu une tête similaire. Toutefois, certains exemplaires dont la tête est perdue peuvent avoir été des aiguilles4260. Les objets en fer formellement identifiés dans la bibliographie sont peu fréquents à cause des raisons précédemment évoquées4261. Les artefacts, qui pourraient être les plus anciens ont été retrouvés en surface du site de Corné, occupé vers 1170 - 1250, à l’IsleBouzon dans le Gers4262. Un lot de 64 épingles entières ou fragmentaires, dont 24 trouvées dans une unique sépulture a été inventorié en provenance de niveaux de la fin du Moyen Âge et/ou d’Époque moderne – les datations ne sont pas spécifiées – dans la nef de la priorale Saint-Pierre à Souvigny, dans l’Allier4263. Deux exemplaires ont une couverte blanche4264. Lors des fouilles effectuées au bourg Saint-Martin à Montbéliard dans le Doubs, deux épingles en fer dont une au moins à tête enroulée datée du XIVe siècle ont été retrouvées. L’autre spécimen est de la fin du XVe siècle4265. Dans l’Indre, le site de la motte de Moulinssur-Céphons a fourni quelques exemplaires des XIVe - XVe siècles4266. À Apcher, en Lozère, seize épingles ou fragments en fer ont été extraites de niveaux de la fin du Moyen Âge et du début de l’Époque moderne. Une seule, entière, conserve une tête identifiable. Des individus isolés ont été signalés sur le site de La Cisterne, à Cabrières dans l’Hérault4267, le château d’Essertines (XIVe - XVe siècle ?) dans la Loire4268, un comblement organique de latrine de la première moitié du XVIe siècle au château de Blandy-les-Tours en Seine-et-Marne4269. La fabrication des épingles à tête enroulée en fer est encore mentionnée dans l’édition de 1875 de La France industrielle de P. Poiré4270. 4260 À Agrigente, une courte tige épointée fut récoltée dans un atelier de potier de la fin du XIe et de la première moitié du XIIe siècle (Cavallaro 2007, p. 277). S’agit-il d’un fragment d’aiguille ou d’épingle ? 4261 Deux sépultures de l’abbatiale Saint-Mexme de Chinon, en Indre-et-Loire, ont livré de possibles fragments d’épingles en fer à tête enroulée (Motteau 2006, n° 74 et 78). 4262 Lassure 1995, p. 465-466. 4263 Chabrier 2008, p. 11-17. 4264 Elle est dite « argentée », cf. Chabrier 2008, tableau n° 2, sépultures 406 et 420. 4265 Fuhrer 2000, p. 117. 4266 Un village 1990, p. 42, n° 27. 4267 Schneider 1993, p. 57. 4268 Maccari-Poisson 1992, p. 150. 4269 Coste 2006a, p. 120. Deux épingles. 4270 Poiré 1875, p. 511. 959 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type A1c : Épingle à tête enroulée en hélice en alliage cuivreux et tige droite en fer (fig. 385, n° 17)4271 Les sépultures du site de Saint-Pierre à Saint-Gilles dans le Gard ont fourni des épingles constituées d’une hampe en fer à couverte blanche recevant une tête enroulée en alliage cuivreux (fig. 385, n° 17). Sur un total de 206 épingles de ce type inventoriées pour ce site, seuls 89 exemplaires sont complets. La proportion d’épingles fragmentaires ayant conservé leur tête n’est pas connue. Aucun objet similaire n’est attesté dans la bibliographie consultée. Un tel particularisme pose nécessairement la question de la localisation de l’atelier de fabrication des objets, de sa durée d’existence, et de la raison de ce mélange des matières. Des épingles de ce groupe ont été retrouvées piquées en alternance dessus-dessous sur des fragments de cuir dans deux sépultures. L’un de ces morceaux contenait également une épingle de type A1a. Type A2 : Épingle à tête enroulée en hélice et tige torsadée (fig. 385, n° 18 à 20) Bouches-du-Rhône  Musée Granet, Aix-en-Provence : n° 6, couche de terre de jardin, Époque moderne.  Église Saint-Blaise, Arles : SBL XX-175, remblai, XVIIIe siècle. Vaucluse  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-196, datation inconnue.  Rue Racine, Avignon : un individu, dépotoir, vers 1530 - 1540. Quatre épingles à tête enroulée à tige en partie ou en totalité spiralée ont été inventoriées. L’objet n° 1996-196 de la place de la Principale (fig. 385, n° 18) se distingue par une tige de section carrée spiralée sur une faible longueur. Dans les autres cas, la tête couronne la tige torsadée de section circulaire. Ceci indique une torsion de la tige antérieurement à l’entêtage. De même, pour le spécimen arlésien (fig. 385, n° 20), le meulage de la pointe a entamé la torsade de la tige. L’exemplaire aixois (fig. 385, n° 19) conserve une tête à trois spires. Onze spécimens à tige spiralée ont été récoltés au château d’Apcher, en Lozère4272. La bibliographie rassemblée ne contient que trois autres spécimens, l’un découvert 4271 4272 Renseignements aimablement communiqués par M. Linlaud. Se reporter au chapitre 3.3.1.4. 960 3. Approche croisée du mobilier archéologique dans le château d’Essertines dans la Loire4273, un second au château de Vuache en HauteSavoie, dans une couche de démolition des XVIe - XVIIe siècles4274, le dernier dans une fosse dans la nef de la priorale Saint-Pierre à Souvigny dans l’Allier4275. Une épingle à tige de section carrée, résultat du passage du fil dans un trou quadrangulaire d’une filière, est connue pour le site du château d’Apcher. Type A3 : Épingle en fil complexe (fig. 386, n° 6) Vaucluse  Place de la Principale, date inconnue, Avignon : n° X-1, contexte inconnue Cette épingle, d’une longueur et d’un format peu courant, est constituée d’une forte tige en grande partie torsadée, terminée par une extrémité enroulée en œillet retenant un petit branlant (fig. 386, n° 6). Celui-ci a été fabriqué à partir d’un fragment de fil dont une extrémité a été aplatie par martelage. Quatre autres fils courbes, disposés deux par deux et comportant des extrémités enroulées en œillet, sont assemblés et maintenus, en leur milieu, dans la zone supérieur de la tige de l’épingle grâce à l’enroulement d’un fil de petit diamètre. Ils retenaient originellement une perle annulaire en verre blanc et à chacun de leurs œillets, un petit branlant identique à celui décrit précédemment. Cet objet peut être rapproché des agrafes de type A2 datées des XVe et XVIe siècles (fig. 494, n° 12). Type B : Épingle à tête métallique à tôle(s) rapportée(s) (fig. 386, n° 1 à 5, 7 et 8) Les épingles à tête à tôle(s) rapportée(s) sont illustrées dans la zone d’étude par deux sous-types, l’un regroupe les épingles à tête à double calotte (sous-type B1), l’autre, les épingles à tête en cylindre (sous-type B2). 4273 Maccari-Poisson 1992, p. 150. Le contexte n’est pas connu mais le château est détruit au XVe siècle. 4274 Raynaud 1993, p. 97. 4275 Chabrier 2008, p. 16, n° 1175. 961 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type B1 : Épingle à tête à double calotte (fig. 386, n° 1 à 5) Bouches-du-Rhône  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : B5601925, B5601915, B560092, remblai du XIIe siècle, mais il y a une probable perforation de la couche à l’Époque moderne d’après la présence d’un dé à coudre caractéristique. Var  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume: n° 94-232, deux pièces au contexte inconnu. Vaucluse  Rue du Limas, Avignon: n° 74, contexte de datation inconnu.  Rue Carreterie, Avignon : n° 118, 184, contexte de datation inconnu.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 721 et 764, couches de dépotoir datées vers 1365 - vers 1400. Ces épingles comportent une tête composée de deux tôles embouties coniques brasées l’une sur l’autre. La fixation de la calotte inférieure sur la tige se fait également par brasure. Celle-ci est parfois très abondante. La calotte supérieure n’est pas traversée par la tige dans le cas de l’exemplaire de la rue Carreterie (fig. 386, n° 4), elle l’est pour l’objet de SaintMaximin (fig. 386, n° 2). L’interprétation de l’objet du Petit Palais (fig. 386, n° 5) est plus hypothétique. Deux tôles formant une tête biconique sont disposées au milieu de ce fragment de tige non épointé et terminé à une extrémité par une partie aplatie. S’agit-il d’un déchet de fabrication ? Quelques épingles à tête biconique sont attestées dans la bibliographie. L’une d’entre elles a été découverte dans une strate du bas Moyen Âge ou du début de l’Époque moderne du château de Montaldo di Mondovì, dans la région du Piémont4276, une seconde sur le site de Colletière (première moitié XIe siècle), à Charavines en Isère4277. Un autre exemplaire vient d’un dépotoir des XIe - XIIe siècles du site de Saint-Gilles-le-Vieux, à Aimargues dans le Gard4278. Des traces d’un décor indéterminé seraient visibles sur ce dernier spécimen4279. 4276 Cortelazzo et Lebole di Gangi 1991, p. 223, Fragment, h tête x d tête = 0,12 x 0,11 cm. Colardelle et Verdel 1994, p. 50, L x d tête = 6,8 x 0,5 cm, la hauteur de la tête est inconnue. 4278 Maufras et Mercier 2002, p. 968 ; Rolland 2006, p. 425, n° 87. L x d tête x h tête = 6,6 x 0,6 x 0,6 cm. 4279 Il n’est pas spécifié s’il s’agit d’incisions, d’un poinçonnage, etc. 4277 962 3. Approche croisée du mobilier archéologique Enfin, dans la nef de la priorale Saint-Pierre à Souvigny dans l’Allier, deux spécimens ont été récoltés dans un niveau du XIIe siècle, et un troisième dans une strate postérieure non datée précisément4280. L’un des deux premiers exemplaires présenterait des traces de plaquage doré sur la hampe et une coloration bordeaux4281 sur l’un des cônes. D’autres épingles à tête à double calotte, mais cette fois-ci hémisphériques sont recensées dans un niveau du XIIIe siècle au château de Saint-Romain en Côte d’Or4282, dans une strate datée entre le XIVe siècle et 1772 de l’église de Bliesbruck en Moselle4283, au château de Castelo Branco au Portugal4284. Sur ce dernier site, la cupule inférieure est plus réduite. À Southampton, deux individus retrouvés dans une couche datée vers 1550 et dans une strate probablement du XVIe siècle présentent une tête dont la morphologie est assez proche du disque4285. Il en est de même pour un exemplaire et peut-être également pour les cinq autres, non figurés, découverts à York et en provenance de contextes s’échelonnant des XIe - XIIe siècles jusqu’au XVIe siècle4286. Sur ces deux sites britanniques, les cupules coniques sont encore légèrement arrondies. Lors de fouilles à Winchester, huit épingles à tête à double calotte de formes variées, la plupart cependant à peu près hémisphériques, ont été recensées dans des niveaux de la deuxième moitié du XIe siècle jusqu’au XVIIIe siècle4287. La documentation consultée ne permet pas de juger de l’aspect résiduel des objets les plus récents, mais ces artefacts attestent de l’existence de nombreux sous-types dont la classification dans le cadre d’une typologie est pour le moment prématurée. Toujours en Angleterre, le Salisbury and South Wilthshire Museum possède sept épingles à double calotte convexes de contextes inconnus4288. Au château de Tours, des calottes hémisphériques ou coniques isolées remplies d’un matériau blanc, parfois disposées sur un fragment de tige, ont été retrouvées dans des contextes datés de la seconde moitié du IVe siècle jusqu’au XIIIe siècle4289. Toutefois, l’absence de la seconde calotte ne permet pas de connaître la forme complète de la tête de ces 4280 Chabrier 2008, p. 12-15. Dimensions des deux épingles : L x d tête x h tête = 6,6 x 0,7 x 1,1 cm Cela ne peut-il pas être la conséquence d’un phénomène d’oxydation ? 4282 Bourgogne médiévale 1987, p. 185, L x h tête x d tête = 4,2 x 0,55 x 0,45 cm 4283 Vianney et al. 2012, p. 128, L x d tête x h tête recons. = 4,8 x 0,55 x 0,55 cm 4284 Deux artefacts non datés (Boavida 2011, p. 21-22), L x h tête x d tête = 12 x 0,6 x 0,6 cm et 11,7 x 0,55 x probablement 0,55 cm. 4285 Harvey et al. 1975, n° 1788 et 1790, L x d = 5,2 x 1,2 x 0,6 et 6,1 x 1,1 x 0,7cm. 4286 6 objets, Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2916-2918, longueur totale entre 4,5 et 5,3 cm et diamètre de la tête entre 0,4 et 0,57 cm pour les objets numérotés. 4287 Biddle 1990, p. 559, n° 1457 à 1464. 4288 Goodall 2012, p. 105, entre 5,4 et 6,7 cm. 4289 Motteau (dir.) 1991, n° 51 à 55. 4281 963 3. Approche croisée du mobilier archéologique épingles. Les auteurs de la Chronologie normalisée du mobilier funéraire mérovingien entre Manche et Lorraine répertorient des épingles à tête à tôles biconiques obtenues par la fonte dont la surface est recouverte de grènetis et d’incrustations de verroterie et de grenats4290. Ce type est actuellement inconnu au sud de la Loire4291. Toutefois un second type, à tête en forme de corbeille réalisée à partir de tôles embouties, est attesté par quelques rares spécimens4292. Ces objets de tradition germanique sont peut-être à l’origine des formes connues dans l’Ouest européen à partir du XIe siècle et qui, semble-t-il, perdurent jusqu’au XVIe siècle. Type B2 : Épingle à tête à tôle en cylindre (fig. 386, n° 7 et 8) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 54 B, sépulture d’adolescent, XIe milieu XIIIe siècle Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 373, remblai de démolition, fin XIIe - première moitié XIIIe siècle Ces deux épingles arborent une tête façonnée dans une épaisse tôle enroulée au sommet de la tige. Le martelage de la tôle sans soin particulier explique l’aspect facetté de la tête de l’artefact de Rougiers (fig. 386, n° 7). Cinq objets similaires ont été répertoriés au château de Tours, l’un dans une fosse des Xe - XIe siècles, les autres dans des remblais du XIe siècle4293. Ces éléments concourent à proposer pour le moment une datation centrée sur les XIe et XIIe siècles. Type C : Épingle à tête à matériau non métallique rapporté (fig. 386, n° 9 à 12 ; fig. 387, n° 1 et 2) La bibliographie recense un certain nombre d’épingles dont la tête est en corail, en verre, en céramique ou en émail, notamment dans des contextes modernes ou contemporains. 4290 Legoux et al. 2009, type 316 de la fin du Ve siècle aux environs de 600. Se reporter à Stutz 2003. 4292 Legoux et al. 2009, type 317 du milieu VIe à la première moitié du VIIe siècle ; Stutz 2003, p. 175176. 4293 Motteau (dir.) 1991, n° 49 et 50, L x l tête x h tête = 3,2 x 0,3 x 0,15 cm et env. 9,1 x 0,6/0,65 x 0,45 cm. 4291 964 3. Approche croisée du mobilier archéologique Pour la période médiévale, les épingles à tête en pâte de verre sur une tige en alliage cuivreux sont très largement majoritaires. Elles sont scindées en deux sous-types : - le premier rassemble celles dont la tête est directement plantée sur la tige (soustype C1), - le second comprend les exemplaires dont la pâte de verre prend la forme d’une cupule bombée fixée sur un socle métallique conique, constitué d’une tôle emboutie, traversé par la tige (sous-type C2). Type C1 : Épingle à tête en pâte de verre plantée sur la tige (fig. 386, n° 9 à 12) Alpes-de-Haute-Provence  Motte, Niozelles, Alpes-de-Haute-Provence : n° 2, sol du premier tiers du XIe siècle. Bouches-du-Rhône  Hôtel Dieu, Marseille, Bouches-du-Rhône : n° 14, comblement de fosse moderne. Gard  Maison des Chevaliers, Pont-Saint-Esprit : n° 69 et 70, contexte d’habitat du milieu du XIVe siècle. L’épingle de l’Hôtel Dieu, pour autant qu’elle en soit une, possède une tête annulaire jaune traversée de part en part par la tige (fig. 386, n° 12). La tige des autres artefacts ne traverse pas la tête. L’exemplaire de Niozelles (fig. 386, n° 11) est pourvu d’une tête verte ovale, aplatie dans la partie inférieure. La tête du spécimen n° 69 du Pont-Saint-Esprit (fig. 386, n° 9) est discoïde, et celle du n° 70 (fig. 386, n° 10), globulaire. La couleur de ces objets, connus par la bibliographie, n’est pas renseignée. Neuf épingles, à tête similaire à l’accessoire de Niozelles, figurent aussi dans la bibliographie : l’une est un spécimen du XIe siècle - avec tête en verre jaunâtre - retrouvé lors de fouilles à Saint-Pierre-le-Puellier à Tours4294, deux autres proviennent du site de Colletière daté de la première moitié du XIe siècle4295, un individu d’un habitat du Moyen Âge Central à 4294 4295 Motteau (dir.) 1991, n° 65, L x d tête x h tête = 5,9 x 0,7 x 0,45 cm Colardelle et Verdel 1993, p. 217, L x d tête x h tête = 3,8 x 0,7 x 0,5 et 3,8 x 0,9 x 0,6 cm. 965 3. Approche croisée du mobilier archéologique l’Isle-Aumont dans l’Aube4296, les cinq dernières de Winchester, en Angleterre. Quatre d’entre elles, à tête en verre vert, sont issues de contextes des Xe - XIe siècles jusqu’à la seconde moitié du XIIe siècle ou la première moitié du XIIIe siècle4297. La cinquième, à tête en verre bleu, peut-être résiduelle, provient d’une couche du XIVe siècle4298. Deux têtes isolées découvertes à York dans des couches du milieu du XIIIe siècle et de la première moitié du XIVe siècle pourraient bien être également résiduelles4299. Cela n’est cependant pas certain. À Londres, deux épingles à tête en verre vert ou noir à forte teneur en plomb ont été mises au jour dans des contextes de la deuxième moitié du XIIe siècle4300. Dans la Marne, sur le site du village médiéval et moderne déserté de Saint-Hilaire-sur-Moivre, il fut récolté un spécimen s’apparentant au spécimen anglais le plus ancien4301. Il possède une tête légèrement conique de couleur non précisée. Dans le Loiret, à Orléans, lors de la fouille du parking du Cheval rouge, deux épingles, l’une à tête en verre jaune assez proche de l’artefact de Niozelles (fig. 386, n° 11) présentant les traces d’un enroulement de la pâte de verre autour de l’extrémité de la hampe, l’autre en verre bleu-vert foncé et à tête légèrement conique ont été retrouvées dans un habitat urbain4302. À la lumière de ces éléments, il apparaît qu’une production d’épingle à tête en pâte de verre ovale, aplatie en sa partie inférieure, a eu un grand succès aux XIe et XIIe siècles en Europe continentale et outre-Manche. Cette contemporanéité d’utilisation n’est pas anodine à une époque où les accessoires anglo-saxons du costume se démarquent de manière importante de ceux du reste de l’Europe de l’Ouest. La production de ces objets pourrait avoir continué jusque dans la première moitié du XIIIe siècle. Les épingles trouvées sur quelques autres sites européens ont des têtes globulaires. Sur le site du Châtelard à Chirens en Isère, deux objets à tête en pâte de verre opaque, dont une au moins est sphérique, sont datés des trois premiers quarts du XIe siècle4303. À Colletières, les 4296 Scapula 1975, fig. 105. L’auteur date l’occupation du site des IXe et Xe siècles, mais plusieurs des anneaux et boucles publiés sont au plus tôt datables des XIIe et XIIIe siècles. 4297 Datations de ces épingles : Xe - XIe siècles, seconde moitié du XIe siècle, seconde moitié XIe siècle - première moitié du XIIe siècle, seconde moitié XIIe siècle - première moitié du XIIIe siècle (Biddle 1990, n° 1439 à 1441A). 4298 L = 5,3 cm (Biddle 1990, n° 1439 à 1442). 4299 Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2915, d x h = 0,97 x 0,7 cm et 1,08 x 0,87 cm. 4300 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 299 et 304. 4301 Lusse et al. 1997, p. 86, L x d tête x h tête = 5 x 0,5 x 0,4 cm 4302 Fouille de 2012, resp. S. Jesset, rapport en cours. Informations communiquées par É. Roux. L’épingle à tête jaune, incomplète, fait 4 cm de long, celle à tête verte, également fragmentaire (?), 5,7 cm de longueur. 4303 Château de terre 1987, p. 69, fragments ? 1,7 et 2,5 cm de long ; pour la datation Mazard et Colardelle 1993. 966 3. Approche croisée du mobilier archéologique fouilles ont livré des individus à tête globulaire datant de la première moitié du XIe siècle4304, un individu à tête en verre de couleur indéterminée provient d’un habitat du Moyen Âge Central à l’Isle-Aumont dans l’Aube4305. Il n’est pas impossible que ces épingles aient été produites par le ou les mêmes ateliers que les épingles à tête ovale aplatie décrites précédemment. Cependant, les découvertes provençales sont plus tardives et pour l’exemplaire du Pont-Saint-Esprit, l’histoire du site ne permet pas d’avancer qu’il soit résiduel. Trois épingles à tête globulaire jaune ou verte4306, issues de contextes du XIVe siècle et du XVIe siècle et de la première moitié du XVIIe siècle, découvertes à Winchester en Angleterre, conduisent à l’hypothèse d’une réapparition ou plus probablement d’une perduration des épingles à tête en verre au bas Moyen Âge4307. Au Royaume-Uni, à Southampton, pour deux épingles à l’extrémité supérieure de la tige aplatie, de contextes de la première moitié du XIVe siècle et des XVIe - première moitié XVIIIe siècles, la proposition d’une tête originellement en verre a été avancée4308. Les têtes isolées en provenance de York et une des têtes de Colletières, transparentes, affichent quant à elles, une extrémité de la hampe sans particularité. Cette observation ne peut bien sûr se faire sur des objets complets si le verre est opaque. Il a semblé pour le moment prématuré de classer les épingles du type C1 en plusieurs sous-types selon la forme de leur tête car la différence morphologique est parfois extrêmement faible. Type C2 : Épingle à tête en pâte de verre sur socle métallique (fig. 387, n° 1 et 2) Var  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, Var : onze objets rassemblés sous le numéro 94-231 D, sépulture de datation inconnue. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon, Vaucluse : une vingtaine de spécimens sous la 4304 Colardelle et Verdel 1993, p 217. Scapula 1975, fig. 105. L’occupation du site est datée des IXe et Xe siècles par l’auteur, mais elle mériterait d’être revue. 4306 Biddle 1990, n° 1443 à 1445 : XIVe siècle, d tête = 1 cm ; XIVe siècle, d tête = 0,85 cm ; XVIe première moitié XVIIe siècle, d tête = 0,9 cm. 4307 Pour être complet, il est signalé deux épingles à tête en verre ou en nacre de 8 mm de diamètre pour les fouilles du château d’Épinal, dans les Vosges, mais elles ne sont ni décrites plus précisément ni figurées (Kraemer 2002, p. 238). 4308 Harvey et al. 1975, n° 1768 (L = 5,05 cm), 1883 (L = 5,5 cm). 4305 967 3. Approche croisée du mobilier archéologique référence 2619, couche de dépotoir vers 1365 - vers 1400. Une couche de dépotoir dans le jardin ouest du Petit Palais a livré au moins 20 épingles dont la tige incomplète mesurait au minimum 3,5 cm de long. Les épingles retrouvées dans une sépulture au baptistère de Saint-Maximin sont plus courtes. Sur ces deux sites, les têtes hémisphériques de couleur bleu outremer sont fixées sur un socle conique grâce à de la brasure. Celle-ci retient également la tige qui traverse le support en tôle emboutie. Type D : Épingle métallique à tête intégrée (fig. 387, n° 3 à 5) Alpes-de-Haute-Provence  Motte, Niozelles, Alpes-de-Haute-Provence : n° 3, sol d’occupation, milieu seconde moitié Xe siècle. Bouches-du-Rhône  Nécropole de Saint-Honorat, Arles, Bouches-du-Rhône : n° 15, couche d’ossements dans un caveau, XIVe - XVIe siècle. Vaucluse  Rue Banasterie, Avignon, Vaucluse, n° 505, contexte inconnu. L’objet arlésien (fig. 387, n° 4), en alliage cuivreux, présente une tête cylindrique dont la transition avec la tige se fait par l’intermédiaire d’une partie conique. L’artefact de Niozelles (fig. 387, n° 3), dans le même matériau, possède une tête constituée d’une portion annulaire prolongée par une forme conique. Sa tige de section circulaire est torsadée dans la partie supérieure. Quant à l’individu avignonnais (fig. 387, n° 5), la tête est globulaire et la jonction avec la tige est marquée par un léger étranglement, caractéristique de la réalisation de la tête à partir d’une « forme ». Le mode de confection des deux premières épingles est par contre difficile à établir. Les épingles à tête intégrée, c’est-à-dire obtenue par la fonte, par martelage ou à l’aide d’une « forme », sont très diversifiées dans la bibliographie et existent depuis l’Antiquité. Type E : Épingle à tête formée par le recourbement de la tige (fig. 387, n° 6 à 9) D’après la bibliographie, les épingles à tête formée par le recourbement de la tige 968 3. Approche croisée du mobilier archéologique peuvent être scindées en trois sous-types dont seulement deux sont actuellement connus en Provence. Le premier (sous-type E1) comprend les épingles dont l’extrémité de la tige forme un anneau qui, à son extrémité recourbée, est assemblé à la hampe par un fil métallique enroulé. Le second (sous-type E2) rassemble les exemplaires dont la tête est constituée par l’extrémité de la tige recourbée en crochet plus ou moins fermé, le troisième celles dont la tête comporte deux crochets. Ce type (il se nommerait sous-type E3) n’est pas attesté dans le corpus, mais la répartition géographique des exemplaires en alliage cuivreux tirés de la bibliographie rend leur présence probable dans la région provençale. La tête est réalisée par découpe partielle de la tige dans sa longueur. Les deux parties sont ensuite repliées en crochets. Ces épingles sont, avec les informations actuellement disponibles, datables du XIe siècle4309. Type E1 : Épingle à tête en anneau (fig. 387, n° 6) Vaucluse  Rue Carreterie, Avignon : n° 85, contexte inconnu La tête de cette épingle est constituée par une portion de la tige formant un anneau dont l’extrémité vient se positionner le long de la hampe. Le corps de cet anneau est recouvert d’un fil de plus petit diamètre. Un second fil de même diamètre enserre l’extrémité de la hampe avec le bout ouvert de l’anneau et assure la fermeture de l’anneau. Un objet similaire est conservé au Museum of London4310. Celui-ci possède une excroissance dont la nature n’est pas précisée. 4309 France, Drôme : un exemplaire de 3 cm de long en alliage cuivreux hors stratigraphie sur le site de Saint-Martin (XIe - XIIe siècle), Chabrillan (Rolland 2006, p. 426, n° 102). Hérault : un spécimen de 4 cm de long, castrum du Rocher des Vierges (Xe - XIe siècle), Saint-Saturnin (Ginouvez et al. 1988, p. 117). Indre-et-Loire : une épingle de 5,1 cm, remblai du XIe siècle, Saint-Pierre-le-Puellier, Tours (Motteau (dir.) 1991, n° 66). Isère : un objet de 5,4 cm de long, trois premiers quarts du XIe siècle, motte castrale du Châtelard, Chirens (Châteaux de terre 1987, p. 69 ; Mazard et al. 1993, p. 338), trois spécimens de 3,9, 5,5 et 6,2 cm de long dont un à tige spiralée sur le site de Colletière (première moitié XIe siècle), Charavines (Colardelle et Verdel 1993, p. 217). Yonne : un exemplaire de 6,25 cm à hampe de 0,12 cm de diamètre, Xe - début XIVe siècle, Villemanoche (Bourgogne médiévale, n° 251). Royaume-Uni, Dumfries and Galloway : un artefact résiduel de 4,35 cm, maison du XVIIIe siècle, Whithorn et Saint-Ninian (Nicholson 1998a, p. 363, n° 4). À noter que dans le Yorkshire, à l’abbaye de Rievaulx, une épingle retrouvée hors stratigraphie et obtenue par la fonte (?) présente une tête dont les volutes sont en tôle et s’enroulent plusieurs fois sur eux-mêmes. Cet objet paraît pouvoir être d’origine saxonne (Dunning 1965, p. 62). 4310 Egan et Forsyth 1997, fig. 15.7, L x l anneau x h anneau = 5,7 x 0,8 x 1,1 cm. 969 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type E2 : Épingle à tête à crochet unique (fig. 387, n° 7 à 9) Bouches-du-Rhône  Musée Granet, Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône, n° 5, contexte de la seconde moitié du XVIIe siècle. Vaucluse  Rue Racine, Avignon : 1 individu, dépotoir vers 1530 - 1540.  Rue Banasterie Avignon, Vaucluse : n° 106, datation inconnue.  Rue Carreterie, Avignon, Vaucluse : n° 117, datation inconnue. Ces épingles sont constituées d’une tige terminée par un crochet plus ou moins fermé. L’exemplaire de la rue de la Banasterie (fig. 387, n° 7) se distingue par un fil de plus faible diamètre enroulé sous la tête. Une épingle analogue avec une perle en verre vert disposée entre la tête et ce fil enroulé, la tête retenant un branlant sous forme d’une petite feuille en alliage cuivreux a été découverte dans un niveau du XVIe siècle lors de la fouille du Marquelet de la Noue à Meaux4311. La dernière phase d’occupation du couvent (vers 1550 1589) de San Silvestro, à Gênes4312 en Italie, a livré deux spécimens sans fil enroulé4313. Deux autres exemplaires ont été inventoriés sur le site d’Apcher en Lozère4314, un troisième à Souvigny dans l’Allier, lors des fouilles dans la nef de la priorale Saint-Pierre4315, un quatrième sur le site du Verger (Xe - XIe siècle) à Saint-Romain, en Côte d’Or4316, et un cinquième dans un niveau du XVe et peut-être du XVIe siècle à Winchester en Angleterre4317. Une sépulture polonaise du Moyen Âge central de Velikij Posad a fourni un exemplaire dont la tête retient un maillon en S4318. Il n’est pas certain que cet objet puisse être rapproché des objets ouest européens, seules des recherches plus approfondies en Europe centrale et en 4311 Meaux 1992, p. 82 ; L = 4,7 cm. Andrews 1978, p. 194, n° 42 (L = 5,8 cm, fragment ?) et 43 (L = 15,6 cm) 4313 Une fouille de sauvetage dans une nécropole, à Moreuil dans la Somme, a fourni deux objets approchant en or, datés par comparaison de la seconde moitié du Ve siècle. Ils se distinguent toutefois par une section quadrangulaire du crochet et une terminaison de celui-ci enroulée en sens inverse. Ils proviendraient des Pays-Bas (Mahéo 1990, p. 310, n° 173 et 174). 4314 L x d fil = 5,9 x 0,11 et 0,16 cm 4315 Chabrier 2008, p. 16, datation du contexte inconnu, L = 4,9 cm. 4316 Bourgogne médiévale 1987, n° 475, L = 6 cm. 4317 Biddle 1990, n° 1436, L x d crochet = 5,1 x 0,6 cm 4318 Tarasov 1991, fig. 6. 4312 970 3. Approche croisée du mobilier archéologique Europe de l’est permettrait de confirmer s’il existe un lien, la culture matérielle de ces régions possédant de nombreuses spécificités. Les objets du type E2, dont le plus ancien exemplaire connu paraît être des Xe - XIe siècles, ont vraisemblablement été employés continuellement jusqu’à nos jours car ils se retrouvent dans les merceries du XXIe siècle. Type F : Épingle en pincette (fig. 387, n° 10) Alpes-de-Haute-Provence  Motte, Niozelles, Alpes-de-Haute-Provence : n° 1, récupération de pierres d’un mur au XVIe siècle. Ce type d’épingle est mentionné dans l’Art de l’épinglier, tome VII des Descriptions des arts et métiers4319. Elles y sont dénommées « épingles en pincettes ». Comme le précise H. L. Duhamel, « elles sont longues et menues ; elles n’ont point de tête : c’est une seule tige pliée en deux, que l’on écarte ou qu’on rapproche à son gré pour pincer et assujettir un frison4320. Pour les faire, on prend une hanse fine et longue de quatre pouces et demi ou cinq pouces ; on l’appointit par les deux bouts ; on la plie en deux, de sorte qu’une des deux branches soit un peu plus longue que l’autre. Elles sont en fer et noircies ». Cette dernière caractéristique est absente de l’exemplaire du corpus en alliage cuivreux qui pourrait bien dater du XVIe siècle. Un lot de 25 épingles en fer de ce type, avec une branche plus courte que l’autre, provient du château de Bressieux en Isère4321. Leur contexte n’est pas renseigné. Une épingle en os ? (fig. 387, n° 11) Vaucluse  Rue Carreterie, Avignon, Vaucluse : n° 138, contexte de datation inconnue. Cet objet taillé dans un os long est un exemplaire sans équivalent actuellement. Il est constitué d’une partie quadrangulaire décorée d'incisions dont certaines sont alternativement remplies, selon les faces, d'une pâte verte ou rouge. La partie sommitale n’a pas été 4319 Duhamel et al. 1777, p. 586. Synonyme vieilli de frisette : petite boucle de cheveux frisés. 4321 Girard et Lafond 2009, p. 167, fig. 206, n° 6. 4320 971 3. Approche croisée du mobilier archéologique régularisée. La portion inférieure se termine par une section ovale. Les épingles en os médiévales formellement identifiées sont rares en Europe de l’Ouest, soit qu’elles aient été rarement produites, ce qui paraît probable, soit qu’elles aient été confondues avec des formes antiques, ce qui ne peut être totalement écarté. En effet, aucun exemplaire n’est semble-t-il répertorié pour la période mérovingienne dans le Nord comme dans le Sud de la France4322. Des formes simples avec une tête ronde, connues pour l’Antiquité, ont pu être réinventées. Au Royaume-Uni, des objets de ce genre sont ainsi parfois interprétés comme des épingles de la fin du Moyen Âge. À Southampton, par exemple, c’est le cas de deux épingles, à tête ronde sur collet bombé, mises au jour dans des contextes de la première moitié du XIVe siècle4323. Trois exemplaires à tête sphérique et à tige ornée d’incisions – deux d’une strate du XIVe ou de la première moitié du XVe siècle, un autre d’une couche datée vers 1500 – proviennent d’une fouille à King’s Lynn dans le comté de Norfolk4324. Quoi qu’il en soit, il convient de rester prudent quant à l’identification proposée. 3.3.1.4.La fabrication des épingles à tête enroulée provençales : réflexion à partir des épingles retrouvées au château d’Apcher (Lozère) - Le site d’Apcher : un corpus d’épingles hors du commun Le hameau d’Apcher occupe une petite butte au sud-ouest de la commune de Prunières dans le nord du département de la Lozère, dans l’ancien pays de Gévaudan. Les fouilles réalisées depuis le début des années 2000 par Isabelle Rémy sur le site du château d’Apcher4325 ont fourni un important corpus d’épingles à tête enroulée de type A1a et quelques exemplaires des types A1b, A2 et E2 ; 3768 épingles du type A1a (fig. 409 et 410) et une trentaine des trois autres types ont été décomptés pour le moment, notamment grâce à un tamisage presque systématique des strates archéologiques. Une telle quantité d’épingles sur un site archéologique n’est pas anodine même si le nombre varie grandement selon la nature des sites fouillés. La plupart en livrent une dizaine voire une ou deux centaines, ce chiffre peut monter jusqu’à mille individus dans le cas des cimetières. Environ 80 % des 4322 Stutz 2003, Legoux et al. 2009. Harvey et al. 1975, p. 274, fig. 248, n° 1936 et 1937. 4324 Geddes et Clarke 1977, n° 9 à 11. 4325 Les opérations archéologiques n’ont pas encore donné lieu à une publication. Les rapports de fouille sont disponibles au SRA Languedoc-Roussillon : Rémy et al. 2004 ; Rémy et al. 2008 ; Rémy et Agostini 2009 ; Rémy et al. 2011 ; Rémy et Thuaudet 2011. 4323 972 3. Approche croisée du mobilier archéologique épingles répertoriées à Apcher sont contenues dans dix couches archéologiques correspondant à des remblais rapportés et/ou dépotoirs mis en place lors des derniers moments de l’occupation du site. Ces contextes contiennent des déchets de fonte d’alliage à base de cuivre – des plats de sole et des chutes de fonderie – ainsi que des ébauches d’épingles. Aucune structure métallurgique n’a été mise en évidence dans l’emprise des opérations archéologiques mais les structures peuvent avoir été arasées. En outre, un atelier d’épinglier ne nécessite pas forcément d’installations lourdes, quelques établis pouvant suffire. Les déchets retrouvés attestent d’une activité de fabrication d’épingles à tête enroulée et sans doute d’autres objets à proximité de la zone de fouille. Peut-être le métal provient-il de gisements gardois ou héraultais, ou bien encore d’une mine locale4326 ? L’activité de production est également difficile à fixer dans le temps et dans la durée ; la datation des couches archéologiques de ce site est assez ardue du fait d’une absence de référentiels régionaux pour la majorité de la céramique. Les données disponibles la concernant4327 ainsi que celles du mobilier métallique récolté dans les strates fouillées sont assez caractéristiques d’un intervalle XIVe - XVIIe siècle4328. Cependant, le processus de remblaiement général du site, qui a pu servir aussi de dépotoir, à la fin de l’occupation, semble s’être réalisé très rapidement au XVIe siècle, peut-être au début du XVIIe siècle4329, et les terres, employées en cette occasion, contenaient un mobilier plus ancien. La fabrication des épingles n’est pas renseignée par la littérature technique médiévale. Au cours de l’Époque moderne, sous l’impulsion des travaux des encyclopédistes à la suite de la création de l’Académie Royale des Sciences, l’étude des arts industriels est, au milieu du XVIIIe siècle, en plein développement. La fabrication des épingles à tête enroulée fait alors l’objet d’observations précises par des ingénieurs français. Leurs témoignages montrent que les ateliers de Laigle, en Normandie, sont à cette période le siège d’une production massive d’épingles de ce type. Grâce à un découpage des étapes de leur fabrication, un atelier pouvait produire des dizaines de milliers d’exemplaires par jour. Aucun élément ne permet d’envisager la transposition d’une telle réalité à la période médiévale ou au début de l’Époque moderne, particulièrement dans les régions méridionales. Existait-il, à Apcher, le même mode opératoire que celui décrit par les ingénieurs modernes ? L’examen des rebuts indique qu’ils 4326 Se reporter au chapitre 2.2.6. Étude céramique menée par Guergana Guionova (LA3M). 4328 Isabelle Rémy (INRAP), responsable des fouilles programmées réalisées sur le site, a mis en évidence que les couches les plus anciennes ont disparues à cause de réaménagements postérieurs. 4329 Il convient de garder une certaine prudence vis-à-vis des datations, l’analyse de la céramique et des ensembles stratigraphiques, encore en cours, sont susceptibles de les modifier quelque peu. 4327 973 3. Approche croisée du mobilier archéologique ne peuvent y être rattachés stricto-sensu. La production d’Apcher était-elle normalisée, c’està-dire, les épingles étaient-elles fabriquées selon des dimensions standardisées ? Le résultat d’une analyse statistique sur les milliers d’épingles retrouvées sur ce site fournit quelques éléments de réponses. - L’épingle à tête enroulée, objet des attentions des ingénieurs français du XVIIIe siècle En France, le processus de fabrication des épingles a été observé par deux témoins directs. Le premier témoin direct est Jean-Rodolphe Perronet, ingénieur des Ponts et Chaussées à Alençon, qui en 1740, rédige un mémoire sur le sujet en se préoccupant également des salaires et des rythmes de travail des ouvriers de Laigle. En tant qu’ingénieur, ce qui l’intéresse est l’évaluation des coûts. Son approche est novatrice car à l’époque il n’y a guère de traces de calcul du coût de revient. L’intérêt de son travail n’est pas compris par ses employeurs4330. J. R. Perronet en donne une copie à D. Diderot en 17604331, qui en publie le contenu en 1765 dans le tome comprenant des planches sur le travail des épingliers4332. Auparavant, dans une étude parue en 1761, H.-L. Duhamel du Monceau s’en était servi en y ajoutant ses propres observations, des notes de Réaumur archivées à l’Académie des Sciences ainsi que des informations fournies par De Chalouzière, juge de police à Laigle4333. Signe de son succès, cet écrit fera l’objet d’une traduction allemande en 17624334 et sera résumé dans le Dictionnaire portatif des arts et métiers de Philippe Macquer édité en 1766 - 17674335. Il est de nouveau publié en 1764 en accompagnement de l’Art de convertir le cuivre rouge ou cuivre de rosette en laiton ou cuivre jaune, écrit par l’ingénieur en chef Galon. Cet ouvrage en deux parties est traduit en allemand la même année4336 et son contenu inséré en 1777 dans le tome 7 de la nouvelle édition des Descriptions des arts et métiers faites ou approuvées par messieurs de l’Académie royale des sciences de Paris4337. 4330 Peaucelle 1999, p. 12. Ibid., p. 2. 4332 Perronet 1760. 4333 Duhamel et al. 1761, L’art de l’épinglier. 4334 Duhamel et al. 1777, p. 531. 4335 Macquer 1766-1767, t. 1, p. XXV et p. 580-590. 4336 Galon 1777, p. 425. 4337 Duhamel et al. 1777 et Galon 1777 dans Bertrand (dir.) 1777. 4331 974 3. Approche croisée du mobilier archéologique Le deuxième témoin est Alexandre Deleyre4338. Il est envoyé par Denis Diderot à Laigle pour observer le travail des épingliers, modèle du genre dans le découpage des tâches, et fournir la matière d’une rubrique insérée en 1755 dans l’Encyclopédie4339. Son article est repris en 1760, in extenso, dans le tome 2 du Dictionnaire universel de commerce, d'histoire naturelle et des arts et métiers, œuvre de Jacques et Philémon-Louis Savary des Bruslons4340. En 1776, dans la Richesse des Nations, en s’appuyant certainement sur l’Encyclopédie de Diderot, Adam Smith reprend l’exemple du processus de fabrication des épingles de Laigle et sa division du travail, dans ses démonstrations sur la productivité4341. Un siècle plus tard, la chaîne opératoire décrite par Paul Poiré, en 1875, dans La France industrielle ou description des industries françaises, est identique à celle retracée par les ingénieurs français du XVIIIe siècle, même si les machines commencent à prendre une place de plus en plus importante4342. Dans le détail, l’outillage et les gestes des ouvriers ont été optimisés, avec sans doute des variations entre les régions de production à l’échelle européenne4343. - La chaîne opératoire de fabrication des épingles de Laigle au milieu du XVIIIe siècle Bien qu’elles soient un produit de grande consommation et de faible prix, la fabrication des épingles à tête enroulée nécessite un grand nombre d’opérations. Au XVIIIe siècle, leur confection obéit à une chaîne opératoire rigoureuse éclatée entre de multiples ouvriers pour une plus grande rapidité d’exécution et une diminution des coûts. Une production plus artisanale, dans le cadre d’une unité familiale, continue cependant à exister4344. La fabrication d’une épingle à tête enroulée en alliage cuivreux nécessite vingt-cinq étapes selon l’article « Pin » de la Cyclopaedia de l’encyclopédiste anglais E. Chambers4345. Toutefois, celui-ci ne la décrit pas. Les ingénieurs français sont beaucoup plus loquaces : ils 4338 Il est orthographié Delaire dans l’Encyclopédie de Diderot. Delaire 1755. 4340 Savary des Bruslons et Savary des Bruslons, Article « Épingles et épingliers ». 4341 Smith 1776. Sur l’exemple des épingles dans le raisonnement d’Adam Smith sur la division du travail, se reporter à Peaucelle 2005. 4342 Poiré 1875, p. 508-514. 4343 Se reporter à Peaucelle 2008, p. 34-44. 4344 Vaugeois 1841, p. 592-596. 4345 Chambers 1728, t. 2. 4339 975 3. Approche croisée du mobilier archéologique dénombrent dix-huit étapes depuis l’arrivée du fil à l’atelier jusqu’à son conditionnement pour la vente (fig. 388). La première est celle du décapage du fil acheté par l’atelier, puis vient le calibrage du fil de laiton. Il se réalise par passages successifs de celui-ci dans les trous, de plus en plus petits, d’une filière jusqu’à l’obtention du diamètre désiré. De temps à autre, le fil est recuit pour que le métal retrouve sa capacité de déformation. On se reportera à l’annexe 1 pour des considérations sur la fabrication du fil. Les derniers passages à la filière ne sont pas suivis d’un recuit afin que le métal soit bien écroui et donc bien dur. Après chaque recuit, le fil est décapé dans un chaudron d’eau et de gravelées4346 portées à ébullition pour attaquer le noir de recuit. De temps à autre, un ouvrier prend l’écheveau de fil et le frappe contre un billot de bois pour faire tomber cette couche superficielle et rendre le métal plus jaune et plus brillant. En enlevant les impuretés, le passage du fil dans les trous de la filière est également facilité. Le fil destiné à faire le corps des épingles est dit fil à moule, celui destiné à faire la tête, fil à tête. Ce dernier est de diamètre inférieur à celui qui sert à faire la tige. L’étape suivante est celle du dressage du fil jusqu’à présent conservé sous la forme d’un écheveau. L’art du dresseur consiste à placer des clous sur une planche nommée engin afin que, en suivant un chemin forcé, le fil redevienne parfaitement rectiligne (fig. 389). La disposition des clous demande un certain savoir-faire pour obtenir un fil parfaitement droit et parce qu’elle évolue en fonction du diamètre du demi-produit. Lors de cette opération, l’ouvrier court jusqu’au fond de la salle en tirant le fil avec des tenailles (fig. 390, A), puis revient vers l’engin pour couper la portion ainsi obtenue, appelée dressée. Réunies en bottes, les dressées passent au rognage, c’est-à-dire la coupe des bottes en tronçons – ou bouts – de trois, quatre ou cinq épingles, avec des cisailles, à l’aide d’une boîte normalisant les longueurs (fig. 390, B et 391). Ces tronçons sont plus maniables qu’une longueur d’une ou deux épingles lors du passage à la meule. Ils sont légèrement plus grands que l’addition de la longueur des futures épingles car l’épointage qui suit en réduit la dimension. Les tronçons, regroupés en une tenaillée, sont ensuite épointés aux deux extrémités sur une meule de fer abrasive grâce à un mouvement des doigts de l’empointeur. Un second passage est réalisé sur une meule aux taillants plus fins pour affiner les pointes. Les tronçons sont ensuite coupés à la longueur voulue grâce à une boîte normalisatrice. Il en ressort deux hanses à bonne longueur – c’est-à-dire des épingles sans tête – et un ou des tronçons sans pointe qui sont envoyés aux 4346 « Les épingliers appellent ainsi le tartre crud (sic) qui s’attache à l’intérieur des tonneaux où l’on a mis le vin. Il y en a de la blanche et de la rouge suivant la couleur du vin » (Duhamel et al. 1777, p. 602). 976 3. Approche croisée du mobilier archéologique épointeurs, puis au rognage pour enlever le surplus de tige et créer les pointes. Les têtes sont ensuite fixées au bout des tiges, c’est l’entêtage. Le fil de tête nécessite un métal particulièrement flexible. Au besoin, il peut être préalablement recuit4347. Ce fil est enroulé en hélice autour d’une tige appelée moule à tête (fig. 392). Une fois cette tige retirée, on obtient une moulée. Chaque tête nécessite la coupe par le moyen de ciseaux bien affutés d’un morceau de moulée équivalent à deux révolutions. Les têtes sont ensuite recuites pour assouplir la matière, enfilées à l’extrémité opposée à la pointe, puis fixées à l’aide d’un entêtoir. Cette machine est constituée d’une enclume, creusée d’une rainure ou gouttière pour la tige, d’une cavité pour la tête de l’épingle sur laquelle vient frapper avec force un poinçon excavé d’une moitié de tête et actionné par une pédale (fig. 392 et 394)4348. D’après Réaumur4349, une méthode était auparavant utilisée, où le poinçon était placé manuellement et recevait des coups de marteau. Toutefois selon ses dires, « elle est plus longue et vaut moins » que la nouvelle. Dans tous les cas, l’ébauche doit être tournée jusqu’à l’obtention d’une tête arrondie adhérant parfaitement à la tige, ce qui nécessite cinq à six coups. Les épingles sont ensuite nettoyées à la gravelée puis éventuellement blanchies à l’étain par un procédé très particulier. Une alternance de plaques d’étain avec des lits d’épingles est réalisée dans un récipient que l’on remplit d’un mélange d’eau et de gravelée porté à ébullition. La gravelée dissout alors l’étain qui s’attache au cuivre et l’étame. Les plaques d’étain, assez épaisses, peuvent durer plusieurs mois. Quant aux épingles, elles sont séchées dans un petit tonneau rempli de son que l’on fait tourner à grande vitesse (fig. 395). Il ne reste plus alors qu’à vanner le mélange pour récupérer les épingles, et à les placer en rangées sur du papier, préalablement troué à l’aide d’un outil spécifique en forme de peigne, le quarteron4350 : c’est le boutage (fig. 393). - La documentation iconographique ancienne Les sources modernes sont particulièrement précises, il en est autrement pour les sources médiévales. À défaut de traités médiévaux retraçant l’élaboration des épingles, quelques sources iconographiques allemandes du XVIe siècle permettent de se faire une idée 4347 P. Poiré précise que les têtes recuites sont plongées dans de l’eau froide pour les tremper, ce qui a pour effet de ramollir encore plus le métal (1875, p. 510). 4348 Duhamel et al. 1777, p. 561-564. 4349 Ibid., p. 565. 4350 Ibid., p. 572. 977 3. Approche croisée du mobilier archéologique de quelques étapes de leur fabrication. Il s’agit notamment des peintures d’artisans au travail conservées dans des registres de la Stadtbiblioteck de Nuremberg ayant appartenu à des maisons abritant des artisans nécessiteux, les établissements Mendel et Landauer4351. Trois opérations y sont illustrées. La première consiste, semble-t-il, en la fixation de la tête sur une tige, disposée dans l’une des rainures d’un tas, par martelage. Elle se devine sur une gravure datée de 1568 (fig. 402), et est parfaitement visible sur une peinture datée de 1595 (fig. 400). L’ouvrier tient un marteau avec une panne circulaire plate. Cet instrument se retrouve sur d’autres peintures nurembergeoises (fig. 401)4352. Cela sous-entendrait l’existence d’une chaîne opératoire différente de celle décrite par les ingénieurs du milieu du XVIIIe siècle, et la fabrication des épingles une par une. Curieusement, les autres tas dont il est possible d’observer la surface sont plats. La seconde étape est le limage de l’épingle présent sur toutes les autres illustrations de Nuremberg (fig. 396 à 399 et 401). Sur quelle partie est-il réalisé ? Peut-être à l’extrémité de la tige opposée à la tête, pour créer la pointe, à moins que ce ne soit sur la tête elle-même pour l’uniformiser. L’observation de la tête des épingles et des ébauches étudiées n’a jamais livré de telles traces. Était-il suivi d’un polissage ? Aucun des instruments constatés sur la table des artisans ne l’indique et ce mode opératoire aurait rallongé de manière importante la fabrication d’une épingle. La troisième opération est le boutage des épingles sur un papier. Elle est représentée sur la gravure de 1568 (fig. 402) et le résultat en est visible sur une des peintures d’un livre de la maison Mendel (fig. 396). Une sorte de couteau à dents de scie (fig. 399 et 401), rappelant le quarteron, a pour rôle de piquer le papier. Dans ces illustrations, les épingles sont liées en fagots (fig. 399 et 401)4353. À l’exception de la peinture nurembergeoise la plus ancienne, toutes les autres présentent de petits bols contenant des épingles en cours de fabrication. - Les déchets de fabrication d’Apcher Les différentes sources techniques et iconographiques interrogées ont apportées un éclairage sur différentes possibilités concernant le processus de fabrication des épingles. Il est 4351 Parmi les images non figurées ici des registres Mendel et Landauer de la Stadtbiblioteck de Nuremberg : Amb 317,2° f° 150 v°, 1533 ; Amb 317b,2° f° 8 r°, 1536, Amb 279,2° f° 37 r°, 1548 ; Amb 317b.2° f° 9 r°, 1556 ; Amb 317,2° f° 19 v°, 1565. 4352 De même dans Amb. 317b.2°, f° 8 r°, 1536 ; Amb. 317b.2°, f° 9 r°, 1556. 4353 De même dans Amb. 279.2°, f° 37 r°, 1548 ; Amb. 317.2°, f° 19 v°, 1565. 978 3. Approche croisée du mobilier archéologique nécessaire de les confronter au mobilier archéologique. Celui mis au jour sur le site d’Apcher se prête assez bien à cette comparaison. Le diamètre des épingles du corpus d’Apcher est compris entre 0,05 cm et 0,19 cm alors que celui des ébauches identifiables, au nombre de 32, varie entre 0,12 et 0,23 cm. Il est surprenant de constater l’absence d’ébauches pour les épingles au diamètre inférieur à 0,12 cm, alors qu’elles constituent la très grande majorité du mobilier. Un grand nombre d’ébauches ne sont plus qu’à l’état de fragments de tiges parfois épointées (fig. 404). D’autres disposent encore d’une tête à une extrémité (fig. 405 et 406) à laquelle s’ajoute dans certains cas une seconde tête au milieu de la tige (fig. 406 et 407). Quelquefois, elles possèdent les deux. La totalité des extrémités de tiges qui ne se terminent pas par une tête ou une pointe présentent des traces de fracture. Il est à noter la présence de deux éléments de moulé, de 0,04 et 0,08 cm de diamètre (fig. 411). Pour des raisons de commodité, le fil servant de matière première a pu être transporté jusqu’à l’atelier de l’épinglier sous la forme d’écheveaux ou de bobines. S’il voyageait sous la forme de longueurs plus réduites, il y aurait un déchet de coupe plus important lors de la fabrication d’épingles aux dimensions précises. En outre, les cahots du transport auraient pu briser un certain nombre de ces longues tiges assez fragiles. Cependant, cela reste du domaine des hypothèses. Parvenu à l’atelier, le fil doit être dressé, c’est-à-dire rendu droit. Peut-être était-ce réalisé ainsi que le rapportent les ingénieurs modernes, par le passage du fil entre des clous adroitement disposés. L’abrasion localisée de la surface des épingles et des rebuts du corpus, afin d’enlever les oxydes superficiels, révèle un matériau grisâtre ou tendant vers le jaune : il s’agit donc d’alliages4354. La réalisation d’analyses métallographiques sur les ébauches d’épingles du site d’Apcher n’a pas encore pu être réalisée, mais elle est envisagée afin de connaître la nature exacte du matériau utilisé et l’ampleur de la déformation plastique subie. Sur ce point, les analyses métallographiques réalisées par N. Thomas4355 sur des tiges en alliage cuivreux découvertes dans un atelier métallurgique parisien du second quart du XIVe siècle se révèlent intéressantes. Elles ont montré que la déformation plastique pouvait avoir pour résultat une division par trois à quatre du diamètre initial de l’ébauche. Pourquoi partir d’un fil relativement épais ? H.-L. Duhamel de Monceau rapporte que « les bons épingliers ont en vue de bien écrouir leur fil de laiton quand ils l’achètent toujours plus gros que les opérations 4354 Au Royaume-Uni, des épingles médiévales et modernes de différents types découvertes à Winchester, dont des épingles de type A1a et B1, ont révélé une composition de type bronze (Tylecote 1990, p. 134). 4355 Thomas 2009, p. 693-702. 979 3. Approche croisée du mobilier archéologique qu’ils se proposent de faire » afin d’augmenter la « roideur » des épingles, surtout des plus fines qui sinon « plieraient comme du plomb »4356. En partant du principe que la suite du processus en vigueur dans les ateliers de Laigle au XVIIIe siècle s’applique au corpus, aucune ébauche ne devrait présenter de tête puisque celles-ci sont mises en place alors que les tiges sont à bonne longueur, mais c’est ici le contraire (fig. 405 à 407). En outre, comment expliquer la présence d’une tête au milieu de la tige sur certains exemplaires (fig. 407) ? L’entêtage (fig. 413, A et 414) n’a pu être effectué qu’avant la mise en longueur finale, et nécessairement après le rognage, c’est-à-dire après la coupe des dressées en tronçons – ou bouts – de trois, quatre ou cinq épingles selon le choix de l’artisan. Une tête est alors disposée à un bout de la tige et les autres à intervalle régulier, le long du fil. L’épointage est ensuite réalisé à l’extrémité dépourvue de tête et il est enfin procédé à la coupe en tronçons. Quelques ébauches montrent que lorsque l’artisan prenait une tenaillée de tronçons, certains n’étaient pas disposés dans le bon sens. En effet, trois exemplaires présentent une pointe assez abrupte et irrégulière derrière la tête sommitale (fig. 407). Le fabricant a pu être trompé par cette portion de fil. Cette caractéristique est assez curieuse puisqu’elle est absente des autres spécimens complets. Ces ébauches entières possèdent une tête à l’extrémité de la tige et une seconde à hauteur du tiers inférieur. Toutes disposent entre ces deux têtes d’un espace suffisant pour permettre la confection de deux épingles d’une longueur à peu près similaire. En prenant comme exemple la plus petite ébauche qui mesure 14,9 cm de long (fig. 414), et en rajoutant une troisième tête entre les deux déjà présentes, il s’obtient après la découpe : - une épingle achevée de 4,7 cm de long, - deux épingles à épointer de 5,1 cm qui, après meulage, auront quelque peu diminué de longueur. Les dimensions des objets terminés, entre 4,7 et 5 cm pour 0,14 cm de diamètre, trouvent leurs semblables dans le corpus. L’oubli du placement de certaines têtes aurait-il conduit au rebut la plupart des ébauches du corpus ? Il eut suffit pourtant de les rajouter. Une étape dans la fabrication échappe probablement encore à l’analyse. Ce processus nécessite une certaine dextérité dans la disposition des têtes pour obtenir des longueurs d’épingle régulières. Une règle pourrait être utilisée, mais en comparant les ébauches à deux têtes entre elles, il apparaît que le positionnement des têtes n’est pas totalement homogène. La chaîne opératoire proposée à partir des ébauches d’épingle 4356 Duhamel et al. 1777, p. 540. 980 3. Approche croisée du mobilier archéologique d’Apcher a néanmoins le mérite d’expliquer l’absence de tête en bout de tige chez certains spécimens (fig. 413, A). En effet lors de la coupe, comme cela est exposé dans les Descriptions des arts et métiers4357, l’ouvrier rassemble les ébauches en un faisceau dans une boîte normalisatrice pour couper les tiges à la longueur voulue (fig. 416). Pour peu qu’une ébauche soit trop courte, trop longue ou mal placée, le sectionnement conduit à l’obtention de tiges sans tête4358 ou avec un reste de tige au-delà de la tête. Cette imperfection se rencontre régulièrement sur les épingles à tête enroulée retrouvée à Apcher, mais également en Provence (fig. 384, n° 6). Il a été cité précédemment dans le témoignage des ingénieurs modernes l’utilisation de l’entêtoir pour la fixation des têtes. L’usage de cet instrument ou d’un outil apparenté apparaît nécessaire pour les épingles et ébauches du corpus, car l’emploi d’un petit marteau ne permet pas la réalisation d’un arrondi jusqu’au contact de la tige sans laisser des traces de coups. En outre, sur les ébauches les plus épaisses un rétrécissement très localisé du diamètre est perceptible juste au-dessous de la tête (fig. 403). D’après Réaumur, il s’agit d’une trace spécifique d’un entêtoir4359. Elle est la conséquence d’une légère entaille par le rebord de la gouttière. L’oxydation superficielle, même pour les épingles en excellent état, et la finesse de la tige de la majorité des exemplaires du corpus en rendent l’observation difficile. En outre, cette marque n’apparaît que si la tige n’est pas parfaitement adaptée à la rainure d’accueil. Elle est cependant visible sur quelques épingles de gros diamètre. Pour frapper les têtes situées au milieu des tiges du corpus (fig. 415), les parties dormantes et actives de l’entêtoir ont nécessairement été adaptées et la cavité destinée à la tête prolongée des deux côtés par une rainure. L’observation de la tête des épingles et rebuts montre qu’elle est presque toujours à deux spires et le pas de l’hélice tourné vers la droite. Les têtes des déchets de fabrication du corpus sont d’une forme globalement sphérique et ne présentent pas de traces de limage ou de meulage. Sur un certain nombre d’épingles achevées, il est visible que l’extrémité de la tige qui traverse la tête est arrondie ou que le fil de tête écrasé recouvre cette extrémité. Avec la chaîne opératoire proposée, ces exemplaires ne peuvent provenir que de l’extrémité d’un tronçon. Ces caractères sont visibles sur les têtes d’extrémité des rebuts du site d’Apcher. 4357 Duhamel et al. 1777, p. 554-555. J.-P. Jorrand (1986) dans une publication sur des ébauches découvertes à Laon propose d’interpréter quatre tiges de même longueur comme des hanses en attente de tête. Le même site a livré une ébauche à deux têtes. Avec le processus proposé les tiges sont le résultat d’un raté de coupe. 4359 Duhamel et al. 1777, p. 565. 4358 981 3. Approche croisée du mobilier archéologique Un certain nombre d’épingles d’Apcher ou d’exemplaires provençaux conservent encore une tête de forme hélicoïdale et non pas sphérique. Dans les Descriptions des Arts et métiers, De Chalouzière rappelle qu’il existe deux espèces d’épingles aux prix différents : les fines ou repassées et les communes. Ces dernières se distinguent par un unique passage à la meule et par trois coups d’entêtoir contre cinq pour les fines4360. La différence de finition dans les têtes en découle certainement. La création de groupes d’artefacts basés sur le degré d’arrondi de la tête s’est révélée impossible à mettre en œuvre dans le corpus provençal des épingles, car il existe une infinité de stades intermédiaires, signe que le nombre des frappes d’entêtoir et leur intensité étaient très variables. La chaîne opératoire proposée pour le site d’Apcher peut-elle s’appliquer aux découvertes faites sur d’autres sites archéologiques ? La publication d’ébauches d’épingle est malheureusement rare. Il est possible que ces objets n’aient pas forcément attiré l’attention des archéologues, car ils nécessitent une certaine connaissance du mobilier, et leurs découvertes sont également peu courantes. Sur les plus de 2700 exemplaires enregistrés pour la Provence, dans le cadre de cette thèse sur les accessoires du costume, une seule et unique ébauche a été formellement identifiée. Elle provient du site avignonnais de la rue Banasterie, mais la datation du contexte n’est actuellement pas disponible4361. En dehors de la Provence, les fouilles exécutées sur la place du marché aux Herbes à Laon, dans l’Aisne, ont fourni une série d’ébauches (fig. 408) et d’épingles à tête enroulée datée de la fin du XVe siècle au début du XVIe siècle et étudiée par J.-P. Jorrand4362. Les ébauches présentent des caractéristiques similaires à celles d’Apcher, ce qui permet d’envisager un processus de fabrication comparable. Cette analogie se niche même dans des détails apparemment mineurs comme le nombre de révolutions de la tête et le pas de l’hélice. Un des rebuts de Laon comporte une tête cordée à proximité immédiate de l’épointement4363. À Avignon, l’objet du site de la Banasterie (fig. 406, à droite), conserve une tête dont l’emplacement, quoique plus éloigné de la pointe, ne peut convenir. Dans le corpus de thèse ou dans la bibliographie, il n’existe aucun exemplaire d’épingle aussi court avec un aussi fort diamètre de la tige. Il est très douteux que les têtes se soient déplacées à cause d’une mauvaise fixation. Plus probablement, la disposition et la fixation des têtes devaient être réalisées très 4360 Duhamel et al. 1777, p. 578. Le rapport archéologique n’a pas été rendu au SRA depuis la réalisation de la fouille par Dominique Carru (Service archéologique du Vaucluse) en 1992 et nous n’avons pas été autorisés à accéder aux données scientifiques. 4362 Jorrand 1986. 4363 Ibid., n° 5 supérieur. 4361 982 3. Approche croisée du mobilier archéologique rapidement pour une meilleure productivité, ce qui parfois, lorsque le tronçon était trop court, devait entraîner quelques singularités. Au revers de la tête supérieure de cet artefact, la tige a été coupée en deux dans le sens de la longueur par un instrument coupant aux lames de profil triangulaire d’après les traces conservées. Des traces identiques sont visibles sur un objet d’Apcher (fig. 406, à gauche). Le site d’Apcher n’a livré qu’un unique exemplaire d’épingle à tête enroulée étamée, mais un peu plus de 300 ont été inventoriés en Provence. Dans la chaîne opératoire décrite par les ingénieurs du milieu du XVIIIe siècle, l’étamage intervient après le décrassage de l’épingle achevé. L’argenture n’y est pas mentionnée et sa présence n’a pu être détectée, pour le moment, sur des épingles à tête enroulée, malgré la réalisation de tests avec des réactifs chimiques. L’étamage, tout en protégeant de l’oxydation, procure une couleur semblable à moindre coût. Il semble donc peu probable que des épingles de ce type, de faible valeur, aient été couvertes d’argent. Pourtant, H.-L. Duhamel du Monceau explicite un procédé d’argenture pour les épingles à tête enroulée pratiqué à Laigle et un autre mis en œuvre en Angleterre4364. Onze épingles à tête enroulée et tige spiralée (fig. 412) ont été récoltées dans des strates du site d’Apcher. Ce type n’est pas mentionné dans l’édition de 1777 du tome VII des Descriptions des arts et métiers4365, mais sa fabrication peut être aisément restituée dans le cadre de l’hypothèse de la chaîne opératoire proposée. La torsion de la tige se fait avant son épointage car, du moins pour les spécimens d’Apcher, le meulage a empiété sur celle-ci (fig. 413, B). Elle doit également avoir lieu avant la mise en place de la tête car cette dernière est directement posée sur la tige. - Normalisation des épingles : quelle réalité ? Les deux procédés de fabrication décrits ci-dessus ont pour point commun de mener à une standardisation des longueurs des épingles de par l’emploi d’une boîte normalisatrice4366. Il est envisageable que cette standardisation s’étende aux autres dimensions des épingles médiévales et modernes du corpus, à savoir au diamètre de la tige et au diamètre du fil employé pour réaliser la tête. M. Biddle et K. Barclay se sont essayés, pour les épingles de 4364 Duhamel et al. 1777, p. 584. Duhamel et al. 1777. 4366 Au XVIIIe siècle, il existe des tables où chaque longueur d’épingle correspond à un prix convenu. Se reporter à Duhamel et al. 1777, p. 577, et aux planches « épinglier » de l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert parues en 1760. 4365 983 3. Approche croisée du mobilier archéologique Winchester, à mettre en évidence une variation de la longueur entre le XIIIe siècle et le XXe siècle et du diamètre à partir du XVe siècle4367. Leurs résultats ne peuvent malheureusement pas être utilisés dans le cadre d’un discours scientifique et ce pour plusieurs raisons4368. Leur corpus est tout d’abord trop faible pour être sensible à des analyses statistiques, seulement 370 exemplaires étudiés pour une période de huit siècles, alors qu’un atelier d’épinglier à Laigle pouvait produire au milieu du XVIIIe siècle plus d’une centaine de milliers d’épingles par jour. Quand bien même la productivité médiévale serait-elle moins conséquente, les documents d’archives confirment qu’il s’agit d’un produit qui s’écoule en grosse quantité. En outre, étant donné le prix de vente modeste de ces objets écoulés par les merciers, un atelier devait produire plusieurs milliers voire dizaines de milliers d’épingles quotidiennement pour s’assurer un bénéfice suffisant à son bon fonctionnement. Au milieu du XVIIIe siècle, J.-R. Perronet calcule ainsi qu’une douzaine de milliers d’épingles ne rapportent qu’environ neuf deniers une fois tous les frais payés, salaires des ouvriers compris4369. Enfin, les auteurs britanniques ont rassemblé, pour leur analyse, des objets provenant de sites très divers, ce qui réduit d’autant le nombre d’objets par site et/ou par type d’utilisation et donc la validité de l’analyse statistique. Il semble effectivement peu probable qu’une cité aussi importante que Winchester n’ait été approvisionnée, en un temps donné et dans le temps, que par un seul atelier. Bien entendu, la taille des épingles est conditionnée par l’usage qui en est fait, et les fabricants standardisent leur production pour répondre aux différents besoins. Cependant, comme il n’est connu aucune loi éditée par des autorités compétentes fixant rigoureusement la norme de ces objets, celles-ci vont différer en fonction des lieux de production. Cela peut se jouer sur quelques millimètres pour la longueur de la tige, quelques dixièmes de millimètres pour le diamètre des fils, mais ces différences suffisent à fausser les résultats des analyses. Au XVIIIe siècle d’ailleurs, les ingénieurs soulignent des variations dans les normes entre les ateliers d’une même ville4370. En outre, nous avons précisé que la taille des épingles peut dépendre de l’usage qui en est fait, lequel est extrêmement incertain pour la plupart des objets trouvés en contexte archéologique. En conséquence, essayer de mettre en évidence une variation des dimensions des épingles au cours du temps, même à partir de quelque corpus convenablement choisi, est donc parfaitement illusoire. En outre, en quoi ces derniers 4367 Biddle et Barclay 1990. A. Berthon a également tenté une observation sur la variation de la dimension des épingles (Berthon 2014, p. 77-78). 4369 Sur ce sujet, voir également Peaucelle 1999. 4370 Duhamel et al. 1777, p. 578. 4368 984 3. Approche croisée du mobilier archéologique seraient-ils représentatifs, quand bien même proviendraient-ils d’ateliers de fabrication ? Sont-ils la production de quelques heures, d’une journée ? Pour des raisons d’efficacité, il est très peu probable que les artisans confectionnent quotidiennement une série complète des différentes tailles d’épingle qu’ils ont l’habitude de fabriquer. De nombreuses découvertes archéologiques montrent qu’une très large majorité des spécimens retrouvés font entre 2,6 et 3,6 cm. C’est le cas pour 90 % des épingles à Apcher. Pourtant sur ce site, le hasard veut que les ébauches conservées soient d’un diamètre bien plus fort que celui de la quasi-totalité des objets du corpus. Les fouilles ont révélé, sur le site lozérien, 3521 exemplaires complets. Une telle quantité de ces artefacts sur un site en marge des grandes voies de communication et où se retrouvent par ailleurs une trentaine d’ébauches ne peut être que le résultat d’une fabrication locale. Ordinairement, il n’est signalé que quelques dizaines, voire une ou deux centaines d’individus, ou parfois un peu plus, notamment en contexte funéraire. L’atelier n’a pas été retrouvé dans la zone de fouille mais il en serait proche géographiquement. La durée de son fonctionnement n’est pas connue : elle se situe entre le XIVe et le XVIIe siècle, probablement au XVIe ou au début du XVIIe siècle. L’étude de la stratigraphie, très complexe, est encore en cours, et il a donc été décidé, pour le moment, de ne considérer principalement que les objets découverts dans l’une des dix unités stratigraphiques ayant livré 80 % du mobilier, contextes reconnus comme des remblais ou des dépotoirs de la fin de l’occupation. Quelques autres strates correspondant à cette phase ont aussi été prises en compte. Le risque que les données soient influencées par des artefacts exogènes existe mais le nombre d’épingles est tel – environ 2770 individus complets – qu’il est fort probable que la quasi-totalité d’entre elles soient issues de la production locale et il a été décidé d’ignorer l’impact des éventuels objets étrangers à la production lozérienne. L’effet de nombre devrait en effet en minimiser les répercussions. Les conditions paraissent, par conséquent, réunies pour envisager un traitement statistique des épingles d’Apcher, avec pour objectif de clarifier, si possible, les normes utilisées par le ou les fabricants lozériens. Les dimensions relevées sont la longueur et le diamètre de la tige, la largeur et la hauteur de la tête. L’instrument utilisé a une marge d’erreur de 0,05 mm. J.-P. Jorrand, dans son étude des épingles de Laon a préféré prendre directement la mesure du fil constituant la tête4371, mais c’est oublier que la spirale de fil employée pour la tête des épingles est, au moment de sa fixation à l’extrémité de la tige, écrasée de manière plus ou moins importante. 4371 Jorrand 1986. 985 3. Approche croisée du mobilier archéologique Cette opération conduit la plupart du temps à l’obtention d’un ovoïde proche de la sphère. En établissant la moyenne des dimensions de la tête de l’épingle – la hauteur et le diamètre – et en le divisant par deux, il est obtenu un rayon qui permet le calcul du volume de la tête. En y retranchant le volume de la portion de forme cylindrique de la tige, il s’obtient le volume du fil employé pour la tête. Il ne reste plus alors, en supposant que deux révolutions de fil ont été employées pour fabriquer la tête, qu’à reprendre la formule du calcul du volume d’une sphère, mais en l’utilisant en sens inverse et en le divisant par deux, pour récupérer, de manière approchée, le diamètre du fil qui a constitué la tête Calcul du rayon de la tête (r tête) = (d tête + h tête)/4 Volume d’une sphère = (4/3 x Pi x r tête3) Volume de la portion cylindrique de la tige prise sous la tête = (Pi x r tige² x h cylindre) Volume du fil employé pour la tête (V) = volume sphère - volume cylindre = (4/3 x Pi x r tête3) - (Pi x r tige² x h cylindre) Calcul du rayon (r) du fil de tête = ((3V)/(4 x Pi x 2))^(1/3) Quelques graphiques simples illustrent déjà la prépondérance des épingles mesurant entre 2,9 et 3,3 cm de long puisqu’elles représentent 60 % du corpus (fig. 417). Le diamètre de la tige est compris entre 0,08 et 0,1 cm pour 82 % des artefacts (fig. 418) et le diamètre du fil de tête entre 0,06 et 0,08 cm pour 85 % des objets (fig. 419). Les coefficients de variation assez faibles (fig. 420) pourraient laisser croire à un corpus homogène. Des analyses statistiques plus fines et des graphiques plus élaborés démontrent cependant le contraire4372. La longueur de la tige, le diamètre de celle-ci et le diamètre du fil de tête des objets complets ont donc été traités dans un second temps par le moyen d’une analyse à composantes principales (fig. 421). Le graphique ainsi établi, comparé avec des graphiques à deux dimensions plus classiques, aboutit à la distinction de différents groupes d’épingles aux dimensions relativement homogènes. Ils sont représentés par des points de couleur. En confrontant leur localisation avec les données des figures 417 à 420, force est de constater que l’exposé ci-après se limite, en grande partie, à l’étude des objets de grande dimension. La majorité du corpus échappe donc à l’analyse détaillée à cause de la dispersion des données. Certaines masses qui ne peuvent être différenciées par des points de couleur – elles rassemblent plusieurs centaines de spécimens – sont mises en évidence par une ellipse. 4372 La réalisation d’un dendrogramme s’est avérée impossible. 986 3. Approche croisée du mobilier archéologique Quelques ébauches (fig. 407) possèdent une tête sur leur tige qui semble correspondre à une future épingle. Ces « longueurs » ont été prises en compte comme appartenant à des objets achevés et placées sur quelques graphiques : elles sont symbolisées par des croix rouges. Avant toute chose, il apparaît que, d’une manière générale, le diamètre de la tige et celui du fil de tête s’accroissent de manière assez homogène en fonction de l’allongement des épingles (fig. 421, 423 et 424) à l’exception de quelques rares exemplaires (en vert fluo). L’augmentation de la masse se fait par contre de manière bien plus rapide à partir d’une longueur d’épingle d’environ 4 cm, sans doute parce que le diamètre de la tige augmentant, la longueur de fil de tête nécessaire, dont le diamètre a également tendance à croître, est plus importante (fig. 422, 425 à 427). Les groupes d’épingles mis en évidence par l’observation des graphiques semblent attester de l’utilisation d’au moins deux séries de normes différentes. Dans les deux cas, le diamètre du fil de tête est globalement similaire (fig. 423). Pour la première série (points vert foncé, jaune, violet foncé, cercle rouge), le diamètre du fil de tête est la plupart du temps inférieur au diamètre de la tige (fig. 421, 426). Cette dernière dimension est en moyenne inférieure (fig. 424) à celle des épingles de la seconde norme (points bleu clair, vert clair, rouge, rose, brun, cercle vert). Les épingles du second groupe ont un diamètre de la tige toujours bien supérieur à celui du fil de tête (fig. 421, 426), et leur masse est donc plus élevée pour une même longueur (fig. 422, 425 et 427). Le fabricant privilégie donc dans ce cas l’accroissement du diamètre de la tige lorsqu’il allonge ses épingles, ce qui permet une meilleure résistance de l’objet à la cassure et à la déformation lors de son utilisation. Les groupes vert foncé et bleu clair de cette série et les trois épingles/ébauches les plus longues semblent marquer une sorte de palier concernant le diamètre du fil de tête. Il se pourrait qu’au-delà d’une certaine longueur d’épingle et d’un certain diamètre de la tige, le diamètre du fil de tête ne soit plus augmenté. Au sein de chaque série, les écarts de dimensions entre les groupes d’épingles s’accroîssent au fur et à mesure que la longueur augmente : les épingles les plus longues aux fonctions sans doute plus spécifiques sont certainement d’utilisation moins courante, elles sont donc produites en plus faible quantité et une multiplication des groupes n’est pas jugée utile. Curieusement, le diamètre de la tige de la moitié des ébauches d’Apcher (fig. 428) est supérieur à celui de l’ensemble des épingles du corpus (0,20 à 0,23 cm) ou équivalent à quelques rares exemplaires (0,18 et 0,19 cm). Le diamètre de l’autre moitié (0,12 à 0,16 cm) appartient à la frange supérieure des épingles lozériennes (0,12 à 0,16 cm). Or, il ne s’agit pas 987 3. Approche croisée du mobilier archéologique de fils en cours de tréfilage comme le montre la présence de nombreuses têtes déjà disposées. À l’évidence, le corpus d’épingles retrouvé n’est pas parfaitement représentatif de la production. La question de l’abandon de ces artefacts se pose donc avec encore plus d’acuité : était-elle l’illustration de la morphologie des derniers objets fabriqués à Apcher ? Les résultats de l’étude statistique menée sur les épingles d’Apcher s’avèrent très intéressants pour l’histoire des techniques, mais une telle démarche ne peut s’appliquer qu’à des contextes très particuliers. Deux normes de fabrication semblent avoir existé pour les épingles de plus grandes dimensions fabriquées sur le site lozérien. Il est probable qu’elles se suivent d’un point de vue chronologique mais il est impossible, pour le moment, de déterminer la plus ancienne. Cependant, les épingles de la série n° 2, hors cercle rouge, ont en presque totalité été retrouvées dans la zone 8 du site, à l’exception des exemplaires du groupe brun majoritairement en zone 3. A contrario, les épingles de la série n° 1, hors cercle vert, sont assez équitablement réparties entre les zones 3 et 8. Ces quelques différences dans la localisation des différents groupes d’épingles sont le résultat d’épandages de remblais à des époques différentes. - Une étude à approfondir L’épingle à tête enroulée en alliage cuivreux est de loin le type le plus commun puisqu’il représente 99 % des épingles provençales et 90 % de celles présentées dans la bibliographie. Du fait de cette proportion, il n’est pas utile de réaliser une carte de répartition localisant l’ensemble des épingles quel que soit leur type pour la comparer avec celle des épingles provençales étudiées. Plus que tout autre objet, l’étude ou la mention des épingles a certainement été fréquemment occultée des publications. Quand elles sont seulement mentionnées, et donc ni décrites ni figurées, elles ne peuvent être prises en compte dans le cadre d’un raisonnement scientifique. Certaines publications illustrent également des exemplaires d’épingles à tête enroulée sans en signaler le nombre exact. Dans ce cas, il n’est utilisé pour la cartographie que les spécimens répertoriés. La carte de répartition (fig. 429) montre une distribution de ces épingles depuis la pointe sud de l’Italie jusqu’en Écosse. Cependant, il est très probable que la zone de distribution soit bien plus large. On peut objecter à la vue de ce document qu’il eut été plus utile de réaliser une partition des données pour mettre en évidence une évolution chronologique de la distribution des épingles durant toute la période d’utilisation. Cependant, 988 3. Approche croisée du mobilier archéologique les épingles à tête enroulée sont d’un usage courant dès le XIVe siècle dans toutes les zones de présence attestée. Il n’y a guère que pour le XIIIe siècle que la question se pose, et les strates bien datées sont alors rares. Il n’est donc pas envisageable de proposer une argumentation sur des bases aussi fragiles. L’intérêt de cette carte est de montrer la large diffusion de l’épingle à tête enroulée avant le XVIIIe siècle, objet anodin dont la fabrication en série requiert pourtant pas moins de dix-huit étapes avant sa commercialisation selon les ingénieurs du milieu du XVIIIe siècle. D’ores et déjà, une étude des déchets de fabrication d’épingles retrouvés sur le site d’Apcher, en Lozère, montre qu’il y était pratiqué une chaîne opératoire légèrement différente de celle qui est retracée au milieu du XVIIIe siècle dans l’Encyclopédie ou le t. VII des Descriptions des Arts et métiers à partir de l’exemple des ateliers de Laigle, en Normandie. Le même processus de confection qu’à Apcher, assez complexe, se retrouve pour des épingles de Laon, dans l’Aisne, alors que ces dernières étaient interprétées, à tort, comme techniquement caractéristiques des descriptions opérationnelles données par les ingénieurs modernes. À la lumière de ces résultats, la question de la similarité des processus de fabrication dans toute cette zone géographique et à cette époque se pose donc avec force. Les découvertes de déchets de fabrication qui pourraient intervenir dans le futur et les recherches de ce type de matériel dans des dépôts archéologiques pourraient conduire à des révélations surprenantes. La chaîne opératoire proposée ici permet d’expliquer en grande partie l’obtention des ébauches du corpus, mais elle peut avoir été employée de manière concomitante en d’autres lieux, ou n’avoir été utilisée que durant une période limitée de l’activité de l’atelier d’Apcher. De même, comment chiffrer le nombre d’ouvriers nécessaire aux tâches évoquées ? Elles peuvent aussi bien être le travail d’un seul homme que d’une dizaine d’individus. D’autres questions apparaissent : la même chaîne opératoire est-elle pratiquée par l’ensemble des fabricants ? Si oui, comment l’expliquer ? Pendant quelle période ? Est-ce la conséquence de migrations d’artisans ? Le succès écrasant de ce type d’épingle est-il lié à une chaîne opératoire qui, en dépit d’un grand nombre d’opérations, permet de produire rapidement en très grande quantité ? Oui, très probablement, mais cela reste à démontrer par d’autres études et regroupements de données. Les fouilles archéologiques du site d’Apcher menées par Isabelle Rémy depuis maintenant de nombreuses années présentent l’intérêt particulier d’offrir un vaste corpus d’épingles et d’ébauches significatif d’une activité de fabrication. Ce corpus met en évidence des modes opératoires complexes, légèrement différents de ceux dont témoigne la littérature 989 3. Approche croisée du mobilier archéologique du milieu du XVIIIe siècle, pour une production en grande quantité. Au milieu du XVIIIe siècle, la fabrication en grande série des épingles à tête enroulée ne s’accommode pas d’une perte de temps, toute ébauche ou objet raté est donc immédiatement mis au rebut mais il n’est pas recyclé4373. La quantité de métal est sans doute trop peu importante pour qu’il y ait un intérêt économique à le faire. Toutefois, cette raison ne semble pas pouvoir être avancée pour expliquer la découverte des ébauches d’Apcher, car bon nombre d’entre elles sont parfaitement utilisables pour faire des épingles. En outre, la très grande majorité des épingles retrouvées ne présentent pas de défauts de fabrication. Une cessation de l’activité peut expliquer le rejet des ébauches mais comment expliquer celui des épingles achevées ? La prudence reste de mise quant à la caractérisation de cette « industrie » de l’épingle de forme artisanale ou proto-industrielle et la documentation est actuellement trop fragmentaire pour entrer dans ce débat. La question mérite toutefois d’être posée. En effet, l’Europe occidentale est parcourue d’intenses courants commerciaux qui, depuis le milieu du XIIIe siècle, permettent la diffusion à grande échelle d’accessoires du costume et, de ce fait, peuvent faciliter l’écoulement de masses importantes de ces produits manufacturés. Toutefois, la localisation du site, dans une région difficile d’accès, et la mise en évidence d’une activité de fabrication de dés à jouer en matière dure d’origine animale ayant perduré pose la question de son statut. 3.3.1.5.Synthèse La diversité des épingles mise en évidence par la présente typologie ne doit pas occulter que les exemplaires de type A1 représentent 99 % du corpus. Cette forme apparaît au début du XIIIe siècle et devient, dès le début du siècle suivant, extrêmement courante en contexte archéologique. Il est probable qu’assez tôt la chaîne opératoire a été découpée en une série d’opérations destinées à permettre un meilleur rendement. Des épingles dont la fabrication est bien plus simple ont pourtant existé. La tête des spécimens du type B2 est un fragment de tôle enroulé autour de la tige, celle des artefacts du type E2 est formée par un recourbement en forme de crochet de l’extrémité supérieure de la tige. La valeur ornementale de la tête d’épingle, généralement la seule partie visible, a motivé la fabrication des épingles à tête en pâte de verre (types C1 et C2), souvent colorée, mais aussi de celles à tête à double calotte (type B1). La tête des épingles de type A1 ne présente aucun intérêt décoratif mais 4373 Duhamel et al. 1777, p. 540. 990 3. Approche croisée du mobilier archéologique passe inaperçue. Peut-être la diffusion de grande ampleur de ces objets est-elle le résultat du choix par un ou plusieurs ateliers, en partant d’une forme d’épingle déjà connue, de développer une distribution des tâches afin d’augmenter la production. Les besoins en moyens de fixation sont en effet croissants, dans la vie quotidienne de part les évolutions de la mode, et en contexte funéraire avec l’apparition du drap mortuaire épinglé. Quoiqu’il en soit, la mise sur le marché des épingles de type A1 marque un coup d’arrêt pour les types connus antérieurement (fig. 500), pour la plupart apparus au XIe siècle, qui ne survivent qu’à travers une très faible production (types B1, C1 à tête globulaire, D, E2) lorsqu’ils ne disparaissent pas tout simplement (types B2 et C1 à tête aplatie en partie inférieure). Quelques nouveaux types semblent apparaître durant les XVe et XVIe siècles (A2, A3, F) mais ils n’ont pas beaucoup de succès. 991 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.3.2. Les ferrets de lacets 3.3.2.1.Les lacets en contexte Le lacet ou aiguillette est un cordon de cuir ou de textile, qui en passant par des œillets, sert entre autres à assembler, rapprocher ou fermer, par laçage ou nouage, des accessoires ou des parties de vêtement ou d’armure. Ses extrémités peuvent être enserrées dans des douilles métalliques (fig. 430, 432, 434, 436, 439) appelées ferrets qui, tout en étant décoratives, ont pour fonction de faciliter le passage des bouts ainsi comprimés et rigidifiés, d’en limiter la déformation, l’effilochage, l’usure. Beaucoup de lacets étaient en cuir. Or, l’élevage des ovins est en Provence et notamment dans la plaine de la Crau une activité de grande ampleur. Par conséquent l’approvisionnement en cuir est assuré et en grande quantité. Il n’est donc pas surprenant de constater la présence d’un grand nombre d’artisans du cuir dont des aiguilletiers dans les archives notariales provençales. Les dépouillements réalisés par N. Coulet dans les registres aixois en sont révélateurs. Un lien intime existe entre les merciers et les artisans du cuir à Aixen-Provence, près d’un tiers des merciers ont en effet une activité de fabricant d’objets en cuir dans la première moitié du XVe siècle : Hugonin Saunier est par exemple qualifié d’aiguilletier, de blanquier ou de mercier dans différents actes datés de 1447 et 1448 ; Jean Coraiosi, originaire de Genève, est au milieu des années 1440 dit boursier, aiguilletier, blanquier et mercier ; Jean de Vitry, natif de Mâcon, qualifié de mercier ou de marchand, enseigne par contrat l'art de la mégisserie, de la ganterie, de la teinture des cuirs, et de la fabrication des parchemins, des bourses et des aiguillettes à un apprenti en 14374374. Le 5 novembre 1465, le mercier et aiguilletier Guillaume Fabri promet de former Guillaume Dalmas in arte mersarie et agulhetarie durant quatre ans contre quinze florins, le père s’engageant à vêtir et chausser son fils et à le nourrir s’il est malade4375. La durée d’apprentissage est la même dans un contrat entre Honorat Bourguignon, aiguilletier de Barjols et Antoine Bomhois en 1482. La nourriture est à la charge du patron et la dépense des vêtements à frais communs sauf les chaussures et les chemises aux frais de l’apprenti4376. En 1488, le maître Antoine Petri, aiguilletier d’Aix reçoit 25 florins pour enseigner à Jean 4374 Coulet 1988, p. 479-480. AD BDR Aix, 307 E 170, f° 50 r° - 52 r°. 4376 AD Var, 3 E 826, cahier 2, f° 9 r° - 9 v°. 4375 992 3. Approche croisée du mobilier archéologique Rebuffet d’Aix durant trois ans l’art de teinturier et de confectionner des aiguillettes et des bourses4377. Ainsi que le souligne N. Coulet, l’imbrication des activités se retrouve aussi dans des associations entre artisans : en 1440, Jean de Vitry qualifié alors de marchand et Jean Lambert dénommé boursier, en fait tous deux merciers et artisans, s’accordent pour produire et vendre in arte borsarie, agulhetarie et mersarie4378. Tout aussi probante est la constitution d’une société ad tenendum apothecam agulhetarie, borsarie et mersarie pour dix ans le 4 mars 1445 entre Bertrand Grassi, notaire, son fils Barthélémy Grassi, aiguilletier d’Aix et Pierre Borcat, boursier de Gardanne. Le notaire met à disposition gratuitement une boutique contigüe à une traverse, engage 100 florins dans la société et fournit aussi un animal de bât pro eundo et redeundo per patriam ad causam venditionis eorum mercancie. Pierre Torcat fournit 14 florins en cuir, fil et autres choses nécessaires à son art. Il doit habiter et manger chez le notaire et payer pour cela 15 florins par an et douze émines d’annone4379. Cette documentation, associée à plusieurs mentions des XIVe et XVIe siècles concernant la circulation en Provence de feuilles de fer étamé ou de feuilles de laiton pour ferrer les aiguillettes4380 laissent penser que l’activité de production de lacet devait être particulièrement florissante en Provence. Dans les comptes de la chambre apostolique d’Avignon, les cordons, parfois vendus au poids, à l’exception d’un exemplaire en fil blanc pour un surplis4381, sont tous en soie lorsque la matière est spécifiée et sont dénommés cordonus ou dans un cas spagetus sive cordonus4382. Les aiguillettes (agul(h)etae) n’y sont signalées que deux fois, en 1363 et 1366, et pour un usage inconnu4383. Un livre de compte d’une mercerie de Carpentras s’étendant sur les années 1396 - 1397 rapporte de très nombreux achats de cordelettes et d’aiguillettes. Sur les quinze mois d’activité conservés, plus de cent dix douzaines d’aiguillettes (agulhetas), pour la plupart rouges lorsque la couleur est mentionnée, plus rarement blanches, sont ainsi vendues4384. Les aiguillettes blanches sont vendues entre 1 sou 1/3 et 3 sous la douzaine, la première mention portant la précision qu’elles sont destinées au laçage : IIII agulheta [sic] per 4377 AD BDR Aix, 308 E 676, f° 244 r° - 245 v°. Coulet 1988, p. 479. 4379 AD BDR Aix, 309 E 224, f° 523 r° - 524 v°. 4380 Se reporter au chapitre 3.3.2.3. 4381 Schäfer 1914, p. 770 (1360). 4382 Schäfer 1911, p. 403 (1320). 4383 Schäfer 1937, p. 54 et 189. 4384 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882. 4378 993 3. Approche croisée du mobilier archéologique cordellar blancs. Les exemplaires rouges coûtent ordinairement 2 sous la douzaine, deux fois 1,5 sous la douzaine4385. Vendus au poids, ils sont cédés 1,5 sous le ternal, qui équivaut au tiers de l’once4386. Il semble donc que les aiguillettes sont généralement en tissu, peut-être en soie. En effet, des spécimens rouges en cuir de chevreau (aguilletas rogas de cabrit) sont acquis à un prix beaucoup plus bas par un habitant de Vaqueras en juillet 1396 soit au prix de 1 livre 16 sous pour une grosse et demie, soit ¼ de sou la douzaine4387. Cependant, des aiguillettes en cuir de daim sont vendues à trois reprises au tarif de 2 sous la douzaine (agulhetas de dam)4388. Le terme cordela est défini dans le dictionnaire de S. J. Honnorat comme un « Lacet, cordon de fil ou de soie dont les femmes se servent pour lacer leurs corsets ; le bout métallique qui le termine porte le nom de ferret »4389. Ces lacets, vendus à l’unité, sont un peu moins courants que les aiguillettes puisqu’il en est cédé un peu plus de 70 douzaines par la mercerie de Carpentras, encore une fois majoritairement rouges. Le prix de ces derniers s’établit à 5 ou 6 deniers l’unité alors que les lacets blancs coûtent entre 2,5 et 3 deniers l’unité. Dans les comptes du roi René, les aiguillettes font en octobre 1479 l’objet d’un achat groupé avec des chausses à destination des pages du roi. Il est probable qu’elles aient servi à leur fixation4390. Le même mois, sont obtenus pour ces mêmes personnes des ceinctures de laine et laz à eux lasser4391 destinés à l’accrochage d’accessoires ou objets comme une aumônière, une dague (fig. 24), un couteau, une clef, une boîte (fig. 442). Un mois auparavant, un lasset de soye ront pour enfiler des patenostres4392, pour servir de chapelet ou pour être suspendu à des pièces du costume4393, fut fourni. Cependant, les cordons ne sont pas seulement employés dans le costume. Par exemple, les mandats établis pour préparer l’arrivée du duc César Borgia à Avignon le 18 décembre 1498 font état de la fourniture d’aiguillettes 4385 Ibid., f° 45 v°, 203 r°. Pour ce dernier exemple, j’ai pris le parti de croire que le copiste a fait une erreur en inscrivant 6 deniers au lieu de 6 s. 4386 Ibid., f° 31 r°. 4387 P. Pansier se trompe lourdement en lisant qu’elles coûtent 1 florin 18 s. la demi-grosse (Pansier 1929a, p. 157). Le document est pourtant parfaitement lisible à cet endroit. 4388 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 55 r°, 145 v°, 167 r°. 4389 Honnorat 1847. 4390 Arnaud d’Agnel 1908, n° 4239. 4391 Ibid., n° 2046. 4392 Ibid., n° 4213. 4393 En 1556, l’inventaire de la reine d’Écosse rapporte de nombreuses aiguillettes retenant deux perles. Il s’agit sans doute d’un moyen d’orner un peu plus le costume. Se reporter à V. Gay 1887, p. 17. 994 3. Approche croisée du mobilier archéologique pour arrimer des draperies4394, et les comptes du roi René et de son fils Jean rapportent l’acquisition d’aiguillettes pour attacher une housse de selle de mule ou de cheval4395. Une particularité ressort des comptes du roi René et de sa femme : dans le cadre du costume, les aiguillettes semblent exclusivement réservées aux hommes, majoritairement des valets et pages4396, le roi4397, ou d’autres membres de la cour4398. Par contre, les lacets sont portés par des hommes, c’est-à-dire des pages4399 ou le roi4400, mais aussi par des femmes4401. La documentation réunie par V. Gay atteste que les mots « lacet » et « aiguillette » rencontrés dans les textes sont interprétables comme des cordons parfois terminés par un ferret4402. Dans les comptes du roi René, de la reine de Sicile et de son fils Jean, une différence existe entre ces deux termes : en esguillettes et lassez pour les paiges4403, pour IIII douzaines aiguillectes tannées, et pour IIII latz de laine4404, pour…aiguillettes, laz et autres choses4405, pour faire laz, sainctures et aguilletes4406. Leurs modes de vente y sont également différents. Les lacets sont généralement achetés à la canne4407, pour huit cannes cinq paulmes de lasset4408, même s’ils le sont parfois à la livre4409 ou à l’unité4410. Les seconds sont toujours fournis à l’unité4411 ou par douzaines4412. Les lacets apparaissent donc comme des cordons de grande longueur, au contraire très certainement des aiguillettes beaucoup plus courtes. Cette différenciation selon la longueur correspond probablement à des besoins distincts : un lacet pour fermer un corset, le col, le décolleté ou le devant d’un vêtement de dessus, des aiguillettes pour lier les manches, chausses ou chaussures. En outre, lorsqu’il est fait mention de la fabrication de ferrets, toujours par des orfèvres, seules les aiguillettes sont mentionnées : 4394 Bayle 1888, p. 152. Arnaud d’Agnel 1908, n° 1252, 2389 et peut-être 1490. 4396 Ibid., n° 1807, 2046, 2112, 4239, en Provence ; n° 1346, 1352, 1479, hors de Provence. 4397 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 558. Arnaud d’Agnel 1908, n° 2186, en Provence ; n° 849, 882, 1455, 2460, hors de Provence. 4398 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2137, 2656, en Provence ; n° 3395, hors de Provence. 4399 Ibid., n° 2046, 2112, en Provence ; n° 1479, hors de Provence. 4400 Ibid., n° 1960. 4401 Ibid., n° 1083, 1485, 1898, 1960, 2123, 2132, 4340, 4350. 4402 Gay 1887 ainsi que Gay et Stein 1928. 4403 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1479, hors de Provence. 4404 Ibid., n° 1807. 4405 Ibid., n° 2112. 4406 Ibid., n° 2656. 4407 Ibid., n° 1083, 1485, 1960, 2656, 4350. 4408 Ibid., n° 4340. 4409 Ibid., n° 2143. 4410 Ibid., n° 1807. 4411 Ibid., n° 2389. 4412 Ibid., n° 1252 et 1807, en Provence ; n° 849, 1346, 1352, 1455, hors de Provence. 4395 995 3. Approche croisée du mobilier archéologique en septembre 1448, Charlot Raoulin est payé 1 florin 9 gros pour l’or et la ferreure de XII aiguillectes ferrees d’or pour le roi, en septembre 14534413, Jean Nicolas reçoit ses salaires – coût du matériau compris – pour diverses aiguillettes a armez en or4414 – c’est-à-dire pour attacher les pièces d’armure4415 – à la hauteur de 0,28 et 0,35 écus l’unité pour une masse de 0,22 et 0,25 écus l’unité, et en mars 1480, Jacques d’Escalles est payé de son travail pour deuz bouts et faczons de fers d’aiguilletes, pesans dix grains d’or, vallent ladite somme de VII fl. I gr.4416. À ces commandes faites pour le roi ou la reine, il faut en ajouter une troisième à la demande de son fils Jean : en 1479, une demye grosse de boutz pour ferrer les aguilletes des bardes4417 est fourni par maître Thierry, doreur, qui les a très certainement dorées. La distinction constatée dans les comptes du roi René se retrouve également dans quelques autres comptes de membres de la noblesse française4418. Il se pourrait que les cordoni des comptes de la chambre apostolique aient, au moins à une certaine époque, correspondus à des cordons non ferrés : en 1366, il est mentionné l’acquisition de certains cordoni et aguletae4419. Cependant, ainsi que l’illustre un lacet du vêtement de la Vierge du Diptyque de Melun peint par Jean Fouquet vers 1450-1460, cet accessoire pouvait être ferré (fig. 432). D’une manière générale, le commerce des cordons se fait en grande quantité et leur prix est relativement faible. Ils sont de 1 gros la canne pour lasset noir estroit4420, de 2 gros la canne4421, de 3 gros la canne pour lasset jaune4422. En soie, ils coûtent 1,875 gros la canne4423 ou bien encore 1 gros la canne pour lasset de soye ront pour enfiler des patenostres4424, 8,16 florins la livre lorsque le ruban vient de Gênes4425. Les aiguillettes peuvent être de cuir4426 ou 4413 Ibid., n° 558. Ibid., n° 882. L’achat est enregistré alors que le roi René est hors de Provence. 4415 Nous revenons sur ce point un peu plus loin. 4416 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1101. 4417 Ibid., n° 1242. 4418 Comptes de l’argentier de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne : Item pour la fachon desdittes deux robes et deux paires de chausses et pour trois douzainnes d’esguillettes et lachetz pour lesdiz fols, 32 s. (Bessey et al. 2008, p. 624). Et premierement, pour une livre de reuban de soye dont ont esté faictes esguillettes et lassetz pour mondit seigneur, 9 £. Item pour ferraige desdictes esguillettes 2 s. (Ibid., p. 635). 4419 Schäfer 1937, p. 189. 4420 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1960. 4421 Ibid., n° 4340. 4422 Ibid., n° 1485. 4423 Ibid., n° 2132. 4424 Ibid., n° 4213. 4425 Ibid., n° 2143. 4426 Exemples : Arnaud d’Agnel 1908, n° 2046, 2186, 1807 et 2656 en cuir tanné. 4414 996 3. Approche croisée du mobilier archéologique de soie4427. Les prix à la douzaine sont de 10 deniers4428, 12 deniers4429, 1 gros4430, 1,5 gros pour des aiguillettes noires4431 et enfin 3,5 gros 2 patacs la douzaine d’esguilletes de soye, pour le roy4432. L’inventaire après-décès du mercier aixois Jean de Vitry en 1443 enregistre plus de 4700 exemplaires de cordons soit4433 : une douzaine d’aiguillettes (agulhetae) de soie verte avec ferret en fer blanc, cum boto sive bot ferri albi, six grosses4434 d’aiguillettes blanches à trois gros et demi la grosse, quatre douzaines d’aiguillettes de cuir de chien blanc appréciées à quatre gros l’ensemble, onze grosses et quatre douzaines d’aiguillettes faytissae4435 et neuf grosses et huit douzaines d’aiguillettes à ferret court (de cort bot) à raison de sept gros et demi la grosse, trois grosses et demi d’aiguillettes de marchand (dictae merchans) à six gros la grosse, une demi-grosse d’aiguillettes à armer (agulhetae armandum), c’est-à-dire pour fixer les pièces d’armement défensif, à 14 gros la grosse, et enfin une grosse d’aiguillettes non ferrées (non ferratum) – toutes les autres le sont donc très certainement – et quatre douzaines d’aiguillettes bâtardes (bastarda) dont la valeur n’est pas précisée. En 1448, l’inventaire du défunt Jean Coraiosi, boursier, aiguilletier, blanquier et mercier d’Aix originaire de Genève4436, fait mention de 75 aiguillettes de cuir blanc de mouton d’une valeur d’un gros, de 36 aiguillettes de cuir de chien pour un total de 2 gros 4 deniers, de 21 aiguillettes de cuir de chèvre évaluées un gros et de douze aiguillettes de cuir rouge faytissae absque ferro appréciées 8 deniers. Trois ans plus tard, le marchand Girard Nas remet en commande à Jean Lestusier du diocèse de Cambrais, qui doit partir sur une galère de Jacques Cœur à destination d’Alexandrie, sept grosses et demi d’aiguillettes (agulhetae) dorées4437. Elles sont peu nombreuses dans la balle d’un colporteur mort à l’Isle-sur-Sorgues en 1545 puisqu’elles se limitent à quatre douzaines d’une valeur de 2 gros4438 et quelques exemplaires mélangés à des cordons et rubans. Ce marchand itinérant se devait de proposer un 4427 Ibid., n° 723, 1490, 2046, 2656, en Provence ; n° 849, 1455, hors de Provence. Ibid., n° 3395, hors de Provence. 4429 Ibid., n° 1352, hors de Provence. 4430 Ibid., n° 1252. 4431 Ibid., n° 2389. 4432 Ibid., n° 1455, hors de Provence. 4433 Annexe 8, doc. 20. 4434 Pour rappel, la grosse équivaut à douze douzaines soit 144 individus. 4435 Probablement du provençal faitis, bien proportionné. P. Pansier propose « de luxe » pour le terme provençal faytissa rencontré dans un document de 1396 - 1397 où le terme qualifie des peignes et des éperons (Pansier 1929a, p. 161). 4436 Annexe 8, doc. 21. Coulet 1988, p. 479. 4437 AD BDR Aix, 306 E 277, 5 mai 1451. 4438 Annexe 8, doc. 23. 4428 997 3. Approche croisée du mobilier archéologique large éventail de produits pour satisfaire une clientèle, mais en petite quantité pour pouvoir être porté à dos d’homme. En 1565, un total de 66 douzaines d’aguillete large de fillonele – la filoselle est de la bourre de soie – sont vendues lors d’une transaction entre deux marchands d’Avignon4439. Un an plus tard, un inventaire avec estime dans le cadre de la cession d’un fond de marchandises entre ces deux marchands4440 enregistre douze grosses d’aiguillettes de fillozelle doubles – à double armure ? – à 22 sous la grosse, onze douzaines d’aiguillettes de soie de Naples à 3 livres la grosse. À Marseille, en juin 1575, l’inventaire après-décès de la boutique d’un marchand mercier marseillais offre un panel de cordons de couleurs variées, soit 63 douzaines d’agulhetes flouret – un synonyme du terme filoselle4441 – à 48 sous la douzaine, six grosses en filoselle à 32 sous la grosse et quatre douzaines et deux pièces de courdons de Roan à 14 sous la douzaine4442. L’offre comprenait également une douzaine de grandes et trois douzaines et demi de lots de lacets sous forme de petites tabletes de las, pour respectivement 5 livres et 18 sous la douzaine. Les États du Comtat Venaissin établissent en juillet 1593 un règlement au sujet des prix qui doivent être pratiqués pour les marchandises qui circulent sur leur territoire4443. Les esguillettes de cuir ne doivent pas excéder 2 sous 6 deniers la douzaine, les esguillettes moyennes 3 sous. Le prix est le même pour celles de Gênes. Il monte à 6 sous la douzaine pour celles de Padoue, à douze et quinze solz la douzaine pour les aiguillettes de soie pure. Le prix maximal des autres qualités est fixé à 1 sou 6 deniers la douzaine. Les tarifs du péage d’Avignon de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle énumèrent six qualités d’aiguillettes dont certaines ont déjà été mentionnées. En 1582, les moins taxées sont les aguliettes de filoselle simples, de cuir ou de fil de toutes sortes à 12 deniers la grosse, puis celles de filoselle doubles à 1 sou la grosse, enfin celles de soie à 2 sous la grosse. Les autres qualités sont redevables d’une taxe de 1 sou la grosse. Les ordres de grandeur de l’imposition sont voisins dans les tarifs ultérieurs (fig. 443). Selon les comptes du roi René et de sa femme la reine de Sicile, les cordons sont achetés auprès de fabricants tels qu’un aiguilletier d’Angers4444, un gantier4445 ou un 4439 Annexe 8, doc. 24. Annexe 8, doc. 25. 4441 Francoeur et al. 1822-1835, article « filoselle ». 4442 Annexe 8, doc. 26. 4443 AD Vaucluse, B 1516, f° 137 r°. 4444 Arnaud d’Agnel 1908, n° 3395, hors de Provence. 4445 Ibid., n° 2569, 4350. 4440 998 3. Approche croisée du mobilier archéologique cordonnier provençal4446, fournis par des chaussetiers en complément de leur marchandise4447, acquis auprès de merciers4448 ou d’autres marchands4449, procurés par des valets4450 ou un clerc4451 sans que l’origine en soit connue. Leur approvisionnement peut s’avérer lointain : en avril 1451, il apparaît une demi-douzaine de lacets achetés à Paris4452 et, en juillet 1480 des lacets en provenance de Gênes4453. Parfois, des familiers ou des artisans de la cour doivent eux-mêmes fabriquer les lacets et aiguillettes à partir de matières variées comme de la peau d’agneau : à Georgin, varlet de nostre garde-robe, pour huit fuseaulx, plains de pelon4454 à faire lassetz que luy avons fait acheter VI gr.4455; ou bien encore de la soie : il est ainsi acquis cincq cannes de ruban de soye pour faire laz, sainctures et aguillettes4456, du ruban de soye à faire lassetz4457. L’emploi des lacets dans la chaussure est attesté archéologiquement au moins depuis l’époque romaine4458 mais, pour le Moyen Âge, les découvertes sont beaucoup plus fréquentes 4446 Ibid., n° 4340. Ibid., n° 4239, en Provence ; n° 1346, hors de Provence. 4448 Ibid., n° 1083, 1960, 2046, 2076, 2112, 2123, 2132, 2137, 4213. 4449 Ibid., n° 2143 et 2656, en Provence ; n° 1807, hors de Provence. 4450 Ibid., n° 4739, en Provence ; n° 1352, 2460, hors de Provence. 4451 Ibid., n° 1898. 4452 Ibid., n° 849, hors de Provence. 4453 Ibid., n° 2143 4454 Peau d’agneau. 4455 Arnaud d’Agnel 1908, n° 4277. Le valet et la chambrière sont les hommes et femmes à tout faire des riches personnages comme le décrivent de manière humoristique des poèmes français du parisien Christophe de Bordeaux imprimés au XVIe siècle : Extrait de Varlet a louer a tout faire (Montaiglon 1855-1878, t. 1, p. 81) De tout instrument qui s’accorde Je sçay jouer, tant soit nouveau ; Tuer chien pour avoir la peau, Dont je fais gands et esguillettes Pour jeunes garçons et fillettes, Qui leur sert, et fort bien à points. Extrait de Chambrière a louer a tout faire (Montaiglon 1855-1878, t. 1, p. 100) Pour faire tissu à la main Ruben, parement, esguillettes, Lassets de couleur, cordelettes, Sur le boisseau, sur le mestier, Le plus seur et habille ouvrier Au pris de moy n’est qu’un novice. 4456 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2656. 4457 Ibid., n° 2143. 4458 Des chaussures à lacets romaines ont été découvertes en Angleterre par exemple (Turner et Rhodes 1992). Dans le bestiaire en langue d’Oc intitulé Aiso son las naturas d’alcus auzels e d’alcunas bestias, rédigé au XIIIe siècle, le singe imitateur, suivant en cela une tradition romaine, après avoir observé un homme chausser et lacer des souliers, se fait capturer après avoir reproduit ce geste sur des chaussures laissées à cette intention (Se reporter à Nelli et Lavaud 2000², p. 678-679, 680). 4447 999 3. Approche croisée du mobilier archéologique à partir du Xe siècle4459. Toutefois, aucun ferret n’a semble-t-il été retrouvé en place sur des cordons prévus à cet usage. De même, dans l’iconographie, les ferrets ne s’y trouvent pas figurés (fig. 433) soit que les extrémités soient cachées, soit que l’artiste n’ait pas souhaité aller plus avant dans le détail, soit que les lacets de chaussure ne comportaient pas de ferret. Cependant, d’après S. Malacrida, une sculpture provençale de la fin du XVe siècle montrerait une chaussure avec un lacet ferré4460. Les manches pouvaient également être fermées par des lacets4461 comme le mentionne l’auteur du Poème moral, texte français rédigé en Wallonie vers 1200 : Engardeiz grant folie : si forment lace et loie Les braz et costeiz k’a grant paine soi ploe4462. Ces manches indépendantes et donc interchangeables, connues au moins depuis le milieu du XIIe siècle4463, qu’il faut poser ou déposer selon qu’on s’habille ou qu’on se dévêt car elles sont étroites, étaient lacées ou cousues : le troubadour Amanieu de Sescas – actif dans le dernier quart du XIIIe siècle – recommande aux femmes de chambre d’avoir toujours des aiguilles et du fil pour recoudre les manches de leurs maîtresses et ainsi être prête à réagir à toute situation, par exemple lorsqu’elles en offraient une lors d’un tournoi4464, comme celle que Flamenca fait porter à Guillaume4465. Dans le Roman de Flamenca rédigé vers 1240 - vers 1250, Guillaume coût ses manches avec une petite aiguille d’argent avant d’aller voir celle qu’il courtise4466. Dans un « enseignement » Amanieu de Sescas conseille également : Et enans que-us cordetz Je trouve bon qu’avant de vous lacer Lau que-ls bras vos lavetz, Vous vous laviez les bras, E las mas e la cara. Les mains et le visage. 4459 Par exemple, les chaussures du second Moyen Âge retrouvées dans le Nord de l’Europe étudiées par Q. Mould, I. Carlisle et E. Cameron (Mould et al. 2003), les chaussures et lacets des Xe - XIe siècles et du XIIe siècle, découverts lors de la fouille des Grandes Arcades à Strasbourg (Rieb et Salch 1973, n° 398 et 404), les chaussures du XIIIe siècle découvertes à Zurich (Volken et al. 2001), les chaussures d’enfants et d’adultes de la fin du XVe et du début du XVIe siècle retrouvées place de la Comédie à Metz (Goedert et al. (dir.) 1996, n° 156, 160, 161). 4460 Malacrida 1983, p. 45. 4461 Le livre des frères Bonis (Forestié (édit.) 1890-1893) rassemble plusieurs dizaines d’exemples d’achat de manches, le plus souvent par paire, mais le moyen de fixation n’est pas précisé. 4462 Bayot (Édit.) 1929, Strophe 129, vers 515 et 516. 4463 Les manches indépendantes sont mentionnées dans Erec et Enide de Chrétien de Troyes rédigé vers 1160-1164 (vers 2085) et dans le Perceval (vers 1180 ou vers 1190) du même auteur (vers 5363, 5397, 5402). À consulter sur le dictionnaire électronique de Chrétien de Troyes : http://www.atilf.fr/dect/ (consulté le 20 juin 2014). 4464 Nelli et Lavaud 2000², vers 2223, note b. 4465 Ibid., vers 7782-7797. 4466 Ibid., vers 2217-2219. 1000 3. Approche croisée du mobilier archéologique Apres, amigua cara, Ensuite, chère amie, Cordatz estrechamen Lacez bien vos manches Vostres bras ben e gen. Étroitement et comme il faut4467. Au milieu du XIVe siècle, un auteur inconnu s’élève contre l’apparition du costume court et ajusté et dénonce les manches étroites boutonnées et lacées : Et puis ont manches fachounees De mailles, cordes, boutounees ; De l’espaulle dusques as poins. Et de che n’ai-je mie soing K’es manches a mout peu de drap : Pas ne se crotent u hanap Quant woelent boire, che m’est vis4468. L’inventaire après-décès des biens d’Elipde d’Avelin au château des Baux, en 1426, mentionne unes manches de velut noir garnies et broudees de perles, et sont les dictes manches grandes et ouvertes4469. M. Gaulard, en se fondant sur l’iconographie et des comptes de dépenses de la noblesse française, suppose que les cordons pour fixer les manches au reste du vêtement ou pour les fermer sont utilisés jusqu’à la fin du XVe siècle4470 (fig. 430 et 436). Les manches amovibles continuent cependant d’être employées jusque tard durant l’Époque moderne, V. Gay en trouvant la trace dans un document daté de 16324471. Les cordons sont également employés pour l’encolure ou le devant de certains vêtements comme le bliaut4472, la cotte (fig. 431), la robe (fig. 430)4473, le gipon ou 4467 Traduction par R. Lavaud et R. Nelli (2000², vers 1 à 6). Langfors 1913, p. 160, vers 29 à 35. 4469 Barthelemy 1877, p. 136. 4470 1398 : Fait et forgie 101 boux d'or des quelles 50 sont luers, en façon de viz et les autres tous pleins... mis et atachiez en 50 courtes aiguillettes de ruban de soye noire chacun aux 2 boux, pour mettre et atachier aux assiettes des manches des pourpoins du roy (Gay 1887, p. 17). Se reporter également à Gaulard 1971, p. 80-81. 4471 Gay et Stein 1928, p. 107-108. 4472 Extrait de la chanson de geste en langue d’Oc Daurel et Beton, rédigée aux alentours de 1200 et éditée par P. Meyer (1880, vers 1487-1489) : Sus a las cambras s’en es Beto intrat[z] En I brizaut que fo gentil cordatz ; E la donzela es levada viat[z]. 4473 Le terme robe peut s’applique à un vêtement masculin : en 1471, le compte d’un notaire concernant les dépenses d’un homme à tout faire qu’il emploi énumère l’achat d’eguilhetas après l’acquisition d’un drap confié à un couturier pour en faire une robe (Audisio 1988a et Audisio 1988b, pièce XXIX). 4468 1001 3. Approche croisée du mobilier archéologique pourpoint4474 (fig. 435 et 436). Parfois, la cotte est lacée sur les côtés. L’iconographie montre trois manières de disposer le lacet : horizontalement (fig. 436), en zigzag (fig. 431, 432 et 435), recroisé (fig. 430). Des aiguillettes permettent dans certains costumes la fixation des chausses au pourpoint et la fermeture de la braguette (fig. 436 et 439)4475. Le manteau peut, par exemple, être attaché à hauteur du col par un simple cordon noué (fig. 434 et 440), par un long cordon noué au sortir d’un œillet – selon un dispositif assez ancien (fig. 437 et 438) –, sur le côté à l’aide de plusieurs lacets (fig. 441)4476. Le cordon sert également à décorer des chapeaux de théâtre4477, ceux des cardinaux4478 ou bien encore la coiffe papale4479. V. Gay signale également l’emploi d’aiguillettes pour l’attache d’affiquets – des fermaux décoratifs – à des chapes ecclésiastiques4480. Les lacets permettent de fixer la broigne, le heaume et la ventaille sur le haubert ou le camail sur le bassinet4481. La littérature de langue d’Oc en fait mention. Dans le Roman de Jaufre (vers 1180), à plusieurs reprises, des hommes en arme délassent leur ventaille ou leur 4474 En juillet 1478, des rubans de soie sont achetés pour les pages du roi René, pour fermer leurs pourpoincts au collet (Anaud d’Agnel 1908, n° 1807). 4475 Dans le Yorkshire du Nord, sur le site de la bataille de Towton (1461), huit fragments de lacet ont été retrouvés à hautreur du pubis d’un squelette (Minvielle-Debat 2000). 4476 Les comptes de la chambre apostolique regorgent de mentions d’achats de cordons pour toutes sortes d’utilisation et notamment pour les différents types de manteaux et vêtements portés par les papes : capellina en 1320 (Schäfer 1911, p. 403), camisia en 1326 (Schäfer 1911, p. 477), dalmatica, 1372 (Schäfer 1937, p. 413), dossale en 1327 (Schäfer 1911, p. 256), mantellus en 1317, 1323, 1326, 1330, 1337, 1354, 1357, 1360, 1375 (Schäfer 1911, p. 202, 402, 430, 477, 523 ; Schäfer 1914, p. 72, 549, 671, 672, 775 ; Schäfer 1937, p. 614), pallium en 1375 (Schäfer 1937, p. 615), pannus en 1321, 1326 (Schäfer 1911, p. 409 et 468), rauba en 1321 et 1322 (Schäfer 1911, p. 409, 418), superpellicium en 1360 (Schäfer 1914, p. 770), supracellum en 1320 (Schäfer 1911, p. 401), vestis en 1329 et 132 (Schäfer 1911, p. 504, 529). Le compte des funérailles de Clément VI (1352) mentionne pro X palmis de sendato de grana et uno cordone de serico de grana, qui X palmi, et cordones ponderaverunt XI uncias et fuerunt pro mantello conclavi VIII floren. VIII gross (Déprez 1900, p. 245-246). J. Bourilly (1928, p. 49) dit à propos du manteau en Provence : « Il se portait attaché par un fermail ou une cordelière passée dans les œillets, tantôt ouvert devant : c’est la façon habituelle dont le portent les femmes ; - tantôt agrafé sur l’épaule droite, « à la mode de France » ; - tantôt agrafé sur l’épaule gauche « à la mode d’Espagne » ; - tantôt un pan rejeté sur l’épaule opposée. » Il est difficile cependant de juger de la véracité de ces informations que l’auteur ne s’est pas donné la peine de prouver par des documents. L’iconographie provençale conservée n’illustre pas son propos. 4477 Dans le cadre du retour du cardinal légat Julien de la Rovère à Avignon en 1481, il est dépensé 1 florin 6 gros pour fere les cordons du chapeau et fornyr de tout point (Pansier 1919, p. 45). 4478 Schäfer 1911, p. 203 (1317), p. 248 (1321), p. 504 (1329), p. 529 (1332) ; Schäfer 1914, p. 185 (1342), p. 242 (1344) ; Schäfer 1937, p. 386 (1372). 4479 En 1317, il est acheté par deux fois un cordonus pro redondello domini nostri (Schäfer 1914, p. 202). 4480 Gay 1888, p. 17, à la date de 1449 : Pour 12 aiguillettes de cuir de chien ferees pour attachier les affiques aux chappes de l’église (Comptes de N. D. de Saint-Omer). 4481 Buttin 1971, p. 392, 409. 1002 3. Approche croisée du mobilier archéologique heaume (deslassa la ventaila)4482. Dans le Roman de Daurel et Beton, avant d’aller combattre deux chevaliers de l’armée du sultan, Beton lassa l’elme4483. Dans le Roman de Flamenca (entre 1240 et 1250), il est dit d’un personnage qu’on ne l’a jamais vu lacer le heaume ni revêtir l’armure, non lasset elm ni vesti fer4484. D’après un miracle survenu en juin 1379, un chevalier tombé à l’eau alors qu’il passait d’un navire à un autre invoqua Urbain V alors qu’il s’enfonçait dans la mer et ne dut sa vie sauve qu’à l’intervention du bienheureux pape. Il portait alors son harnais de guerre d’un total de 150 livres, à savoir un jupon, une tunique de fer, une jaquette de velours, un bassinet lacé et attaché, bacineto ligato et stachato, des brassières et des gantelets, une épée et un couteau à la ceinture4485. La cinquième nouvelle des Cent nouvelles nouvelles, recueil commandé par le duc de Bourgogne Philippe le Bon entre 1464 et 1467, illustre l’emploi des aiguillettes dans l’armement défensif : un soldat français, libéré par le comte Jean Talbot pour aller rassembler la rançon de son capitaine, et muni d’un saufconduit uniquement valable s’il est désarmé, est arrêté par un anglais sous le prétexte fallacieux de la présence d’aguilletes a armer pendans au pourpoint du Francois interprétées comme vray habillement de guerre4486. Lors de sa visite de la crypte de Saint-Victor de Marseille, un auteur anonyme a pu observer et décrire une ancienne couronne qu’il attribue à un comte de Provence4487, mais que Bourrilly interprète comme celle de Notre-Dame de Consolation4488. L’objet d’orfèvrerie était fermé par « une charnière qui, au moyen d’une aiguillette servait à rétrécir ou à élargir la couronne ». Les lacets et aiguillettes ont un usage dans la reliure des livres. En 1309, 1320 et 1367, il est clairement énoncé dans les comptes de la chambre apostolique d’Avignon l’achat de 18 cordi de serico pro instrumentis Alamanie4489, de 4 cordoni pro 1 missali4490 et enfin de 14 cordoni pro libris4491. Rien ne certifie leur emploi pour la fermeture des livres, ils ont également pu servir à la reliure et cela paraît assez probable étant donné le nombre de cordons. En mai 1453, il est payé pour l’argent, la doreure et pour façon d’un fermouer fait 4482 Nelli et Lavaud 2000², vers 1151, 1518, 2454, 5446. Meyer 1880, p. 57, vers 1711. 4484 Ibid., vers 1979. 4485 Albanes 1897, n° 37. 4486 Sweetser (édit.) 1972, p. 54-59. 4487 Kothen 1864, p. 42. 4488 Bourrilly 1928, p. 96. 4489 Guillemain 1978, p. 110, n° 1597. 4490 Schäfer 1911, p. 403. 4491 Schäfer 1937, p. 242. 4483 1003 3. Approche croisée du mobilier archéologique pour une heure pour ledit seigneur, lequel est fait en façon d’aiguillette4492. Les aiguillettes de soie remboursées au chapelain du roi René en 14794493 ont-elles eu la même fonction4494 ? L’aiguillette est porteuse de certaines symboliques et croyances. Dans le nord comme dans le sud de la France, l’expression « courir l’aiguillette », courre l’aguieto en langue d’Oc, est souvent attachée aux prostituées. La signification originelle de cette expression a fait l’objet d’un débat parmi les érudits qui s’y sont intéressés. Deux hypothèses prévalent. La première propose d’y voir le résultat de l’obligation pour les prostituées de porter dans certaines cités une aiguillette à l’épaule comme signe distinctif. Il en dériverait l’expression qu’une femme qui prostitue son corps court l’aiguillette. La seconde proposition envisage une compréhension plus littérale du terme, cette expression serait issue de la nature du prix que les prostituées auraient obtenu lorsqu’elles gagnaient la course organisée annuellement lors de certaines foires. Il est souvent mentionné comme preuve la foire de Beaucaire. L’un des premiers à la citer est J.-F. Dreux de Radier qui rapporte que les habitants du lieu avaient établi cette course la veille de l’ouverture de la foire de la Madeleine et que le prix en était des aiguillettes4495. Par la suite E. et É. Johanneau, dans un de leurs commentaires sur cette expression qu’utilise Rabelais dans le livre III de Pantagruel, affirment sans preuve que lors de cette compétition, les prostituées courraient nues avec l’aiguillette sur l’épaule4496. Étant donné le positionnement moral de la société médiévale vis-à-vis du corps nu dans l’espace public, il est fort probable que cette assertion relève bien plus du fantasme que de la réalité. La course des filles de joie est attestée à Arles pour le mois de mai 1487, un document informant que le Grand sénéchal de Provence Aymar de Poitiers a assisté à l’une d’elles4497. Dans cette ville, cette compétition aurait perduré jusqu’en 1598 d’après L. M. Anibert, le prix étant une paire de bas de drap et une paire de souliers4498. À Beaucaire, la course continuerait d’exister à la fin du XVIIe siècle si l’on se réfère à la pièce rimée L’embarras de la Fieiro de Beaucaire écrite par Jean Michel de Nismes4499. La nature de la récompense n’est pas connue. Cependant une question se pose : la valeur des aiguillettes étant relativement faible, un tel prix aurait-il eu quelque chance de convaincre ces femmes de participer à une compétition 4492 Arnaud d’Agnel 1908, n° 879, hors de Provence. Ibid., n° 723. 4494 V. Gay rapporte plusieurs extraits d’archives de la fin du XVe siècle attestant de l’usage des aiguillettes pour fermer les livres (1887, p. 17). 4495 Dreux de Radier 1767, p. 247. 4496 Johanneau et Johanneau (édit.) 1823, p. 81. 4497 AD BDR Aix, B 1396, f° 59 r°. Publié par P. Fournier (1909). 4498 Anibert 1779-1781, p. 364. 4499 Michel 1700, p. 39 (seconde édition). 4493 1004 3. Approche croisée du mobilier archéologique dont le trophée ne serait rien moins que le symbole et le témoin de leur ostracisme ? Quoi qu’il en soit, l’idée d’une course avec pour gain l’aiguillette, bien qu’assez peu convaincante après un examen attentif, est pourtant celle qui eut le plus de faveurs historiographiques, peutêtre parce qu’elle excite favorablement l’imagination4500. Peu nombreux sont ceux qui, comme P. Tamizey de Laroque en 1891 doutent de cette version4501. P. Bourilly, en 1928, y accorde encore foi4502. Ce thème de la prostituée et de l’aiguillette est également le sujet d’une affirmation de U. Robert qui, en 1891, expose qu’à Avignon, les filles de joie étaient conduites par la ville au son du tambourin, l’aiguillette sur l’épaule4503. Il n’explique pas en quelles occasions. D’après l’érudit P. Véran, à Arles, le sous-clavaire devait promener en la tenant par le bras, au son du tambour, toute nouvelle arrivée au prostibulum4504. Dans les deux cas, aucun document ne vient confirmer ces informations dont il est permis de douter. Quelle est donc la signification de l’expression « courir l’aiguillette » ? La neuvième nouvelle des Cent nouvelles nouvelles, recueil de contes établi à la demande du duc de Bourgogne Philippe le Bel entre 1464 et 1467, nous éclaire sensiblement4505. Un chevalier de passage demande à son hôte, également chevalier, de lui indiquer si en son village avoit rien de beau pour aller courre l’aguillette. Dans la nouvelle n° 31, un chevalier donne à son écuyer de fausses raisons pour l’enjoindre à aller se coucher tôt, et ainsi lui laisser le champs libre d’aller rejoindre une dame sans que son serviteur en sache rien : l’escuier, qui estoit subtil, ce voyant, se doubta tantost que ce bon chevalier vouloit aller courre. Courir l’aiguillette y est synonyme de recherche de la relation charnelle, les aiguillettes étant peutêtre celles des corsets et chausses qu’il faut délasser pour atteindre le corps féminin. Du fait de cet emploi particulier des aiguillettes, il est probable que cette expression est devenue synonyme de fréquenter les prostituées. Dans les Évangiles des Quenouilles, il est énoncé que si les chausses d’une fille ou d’une femme se délacent dans la rue, c’est à coup sûr le signe que son ami ou son mari se dévoie. Cette pièce vestimentaire est connotée sexuellement du fait de son contact avec la jambe et le délaçage du lien ou du ruban qui entoure la jambe est un dénouement 4500 Par exemple Sabatier 1830, p. 115, Le Roux de Lincy 1859, p. 151-152, Robert 1891, p. 184-185. Tamizey de Laroque 1891, note 4. 4502 Bourilly 1928, p. 122-123. 4503 Robert 1891, p. 185. 4504 Bourilly 1928, p. 122. 4505 Sweetser (édit.) 1972, p. 73-78. 4501 1005 3. Approche croisée du mobilier archéologique métaphorique de la relation d’après A. Paupert4506. Cette symbolique est reprise par O. de La Marche dans Le parement et triumphe des dames où elle rattache le lacet ou cordon à la valeur de Loyauté : Le lacet tient le corps en sa droicture Le lacet tient la piece bien assise Le lacet fait moult detours par mesure Pour mieulx servir a ce qu’il a de cure Et tenir ferme la chose plus exquise … Se le lacet fait maint tours en laceant Pour emploier l’effect de son service Loyaulte tient des chemins plus de cent A bien servir au lieu ou son cueur tend4507. Toujours dans les Évangiles des Quenouilles, le nouement de l’aiguillette qui empêche tout commerce charnel est évoqué par une jeune fille qui fait allusion à sa déception lors de sa nuit de noce : je le trouvay si doulx qu’on le eust lyé au droit neu, qu’on en ait froide joye4508. Le célèbre chirurgien A. Paré n’échappe pas à cette superstition qu’il mentionne dans un de ses livres en 1579, confirmant ainsi qu’elle devait être enracinée dans la conscience collective, sans doute même en Provence : il ne faut pas douter qu’il n’y ait des sorciers qui nouent l’aiguillette à l’heure des épousailles pour empescher l’habitation des mariés, desquels ils se veulent venger meschamment pour semer discorde, qui est le vray métier et office du diable4509. Il n’est pas impossible que l’apparition de cette expression « nouer l’aiguillette » soit la conséquence de l’emploi de lacets pour attacher les braguettes des chausses dans le costume masculin telles qu’elles sont révélées par l’apparition du costume court et près du corps au milieu du XIVe siècle (fig. 436 et 439). En contexte funéraire, la découverte de ferrets de lacet n’est pas couramment signalée sur le territoire provençal mais également hors de Provence, sans doute parce que les inhumations habillées sont rares, parce qu’il n’était pas d’usage d’employer des lacets ferrés pour la fermeture du drap mortuaire. Cela ne peut pas être le seul fait d’une éventuelle absence de traitement de ce mobilier dans la documentation puisque l’étude de lots non 4506 Paupert 1990, p. 76 et annexe I, p. 279 (jour I, chapitre XXV). Trepperel Veuve et Jehannot (Édit.) 1520, 1870², chapitre VIII. 4508 Paupert 1990, annexe I, p. 279 (jour V, chapitre XII, glose). 4509 Malgaigne (Édit.) 1840-1841, t. 2, p. 733. 4507 1006 3. Approche croisée du mobilier archéologique publiés confirme cette faible fréquence. Concernant la cathédrale Notre-Dame-du-Bourg de Digne, treize exemplaires sont susceptibles d’avoir été mis au jour en relation avec des corps dont au moins deux étaient adultes4510. À Aix-en-Provence, deux sépultures d’Époque moderne découvertes lors de la fouille du site des Thermes ont fourni un ferret de lacet. Dans un cas, il a été localisé à hauteur de la main gauche, au bas de la partie droite de la cage thoracique4511. Au Carré Saint-Jacques à la Ciotat (1585 - 1831), aucun des 1245 corps n’a été retrouvé avec un ferret de lacet. Lors de l’opération archéologique menée à l’emplacement du cloître de Saint-Gilles (XIIe – milieu XVIIe siècle), quatre spécimens ont été inventoriés comme appartenant aux sépultures d’un homme, de deux femmes et d’un enfant en bas âge4512. Un coffre en bois contenait une femme : à ses pieds ont été retrouvées deux bouclettes en fer, très vraisemblablement utilisées pour la fermeture des chaussures. Un ferret de lacet était disposé sur son corps. Un immature (0 à 6 mois) était enterré dans un linceul en pleine terre avec une épingle et un lacet ferré. Cette découverte n’est pas dénuée d’intérêt. Au cimetière des Fédons à Lambesc, huit sujets immatures, et aucun adulte, ont été mis au jour avec des ferrets de lacet disposés dans la région du thorax4513, du bassin4514 et/ou de la jambe gauche4515. Ces sépultures n’ont pas ou peu fourni d’épingles. Bien que les corps de ces enfants ne représentent que 6 % du total des 133 individus, la conjonction de ces caractéristiques semble pouvoir être interprétée comme la conséquence d’un geste funéraire spécifique : l’emploi d’un linceul ou d’un habit particulier ? 3.3.2.2.Typologie des ferrets de lacets Le ferret métallique, presque toujours en alliage cuivreux, est souvent le seul vestige qui témoigne de l’existence de lacets. Il est fréquemment retrouvé sur les sites depuis la fin du Moyen Âge jusqu’à l’époque contemporaine. L’étude de ces objets a mis en évidence l’existence de deux types, l’un avec rivet(s) (type B), l’autre sans rivet (type A). Lorsqu’ils sont fragmentés, ce qui est régulièrement le cas, ou bien encore oxydés, il n’est pas toujours 4510 Numéros d’inventaire 217 (deux références), 225 (deux objets), 327, 667, 693, 696 a, 718, 726, 1175 (trois artefacts). 4511 Objet n° 199. 4512 Objets n° 2010-28, 49, 63 et 98. 4513 Sépultures 28 (un ferret de lacet), 36 (deux spécimens), 52 (un exemplaire), 59 (un artefact), 68 (un individu), 71 (un ou deux objets). 4514 Sépulture 71 (un ou deux spécimens). 4515 Sépultures 16 (un ferret), 48 (deux exemplaires). 1007 3. Approche croisée du mobilier archéologique aisé d’en reconnaître la typologie4516. Aucune trace de dorure, d’étamage ou d’argenture n’a été détectée sur les exemplaires provençaux et seul un ferret, retrouvé dans le Gard, est signalé avec une couverte blanche4517. À Winchester, en Angleterre, de nombreux spécimens ont été recouverts d’une matière noire brillante qui présente des similitudes avec une facture attestée plus tardivement et obtenue par cuisson d’asphalte avec de l’huile de lin4518. Type A : Ferret de lacet sans rivet (fig. 444, n° 1 à 17) Les ferrets de lacet sans rivet sont été scindés en deux sous-types selon que la tôle est décorée ou non. Type A1 : Ferret de lacet, sans rivet, uni (fig. 444, n° 1 à 10) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne : 25 exemplaires provenant de sépultures, de comblements de caveaux ou de remblais datés entre le XIVe et le XVIIe siècle. Bouches-du-Rhône  Cathédrale Saint-Sauveur, Aix-en-Provence : deux spécimens H.S. et un objet issu d’une strate du XVIIe et peut-être du XVIIIe siècle.  Les Thermes, Aix-en-Provence : un ferret de lacet, sépulture d’Époque moderne.  Musée Granet, Aix-en-Provence : quatorze exemplaires dans des contextes du XVIe au XVIIIe siècle.  Église Saint-Blaise, Arles : 26 ferrets, remblais du XVIIIe siècle.  Abbaye de Montmajour, Arles : n° 7, remblai du XVe/XVIe - XVIIe siècle ; n° 29, comblement de tranchée de fondation, XVIIIe siècle.  Castrum de Montpaon, Fontvieille : L13/27, H.S.  Château d’Hauture, Fos-sur-Mer : treize objets, remblai de fossé, seconde moitié 4516 De nombreux spécimens signalés dans la bibliographie sont de type indéterminé car ils n’ont pas été décrits ou dessinés ou que la représentation n’est pas assez fine. 4517 Ce ferret a été mis au jour dans la Maison des chevaliers à Pont-Saint-Esprit, dans un niveau d’occupation du XIVe siècle (Leclaire 1992, p. 69). Il est décrit comme « argenté ». 4518 Biddle et Hinton 1990a, p. 581. V. Gay a relevé des ferrets d’aiguillettes émaillés de diverses couleurs dont de nombreux en noir dans un inventaire de 1591 des biens de Guillaume de Montmorency (Gay 1887, article « Ferret d’aiguillette »). 1008 3. Approche croisée du mobilier archéologique du XVIe siècle.  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-mer : n° B5600912, remblai de destruction, postérieur milieu XIVe siècle ; n° B5600949, H.S.,  Les Fédons, Lambesc : quinze spécimens retrouvés dans les sépultures de 8 femmes et 3 enfants morts de l’épidémie de peste de 1590.  Château des Baux, Les Baux-de-Provence : 13 individus trouvés dans des niveaux datés entre le XIVe et le second quart du XVIIe siècle.  Alcazar, Marseille : n° 99, remblai, XIIIe - XVIIIe siècle ? ; n° 48, vers 1770 ; n° 10, milieu - seconde moitié XVIIe siècle.  Église abbatiale Saint-Victor, Marseille : trois exemplaires de la première moitié du XIIIe siècle, un autre de la seconde moitié du XVIe siècle, le dernier du XVIIe siècle.  Ilot 61-62 N, Les Pistoles, Marseille : un spécimen de datation inconnue.  Quartier Sainte-Barbe, Marseille, n° 775, remblai du second quart/milieu XIVe siècle - fin XIVe/XVe siècle.  Tunnel de la Major, Marseille : n° 17, remblai du XIXe siècle  Vieille Major, Marseille : n° 25, comblement d’une tombe de la première moitié du XVIIIe siècle Gard  Cloître, Saint-Gilles : deux artefacts dans des sépultures féminines du XIIe - milieu XVIIe siècle, deux objets dans une tranchée d’épierrement du dernier quart XVIIIe - premier quart XIXe siècle. Var  Castrum de Marsens, Le Muy : deux artefacts, couche de destruction du XIVe début XVe siècle.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1751, remblai pour l’installation d’un sol, vers 1285 - vers 1309/1315 ; n° 872, sol de bâtiment, n° 908, niveau de destruction cendreux, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 1672, sol de bâtiment, n° 2535, sol de zone de circulation, n° 2712, couche de dépotoir, vers 1370/1375 - vers 1415/1420 ; n° 3538, H.S.  Cour de justice, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 356-14-04, couche du XIVe siècle  Hôpital, Fréjus, Var : n° 4, début XIVe siècle ; n° 6 (quatre ferrets), XIVe siècle. 1009 3. Approche croisée du mobilier archéologique Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : douze artefacts entre le second tiers du XIVe siècle et la fin du XVIe siècle.  Palais des Papes, salle de Théologie, Avignon : nombreux ferrets retrouvés dans des contextes datés entre la fin du XIVe et le XVIe siècle.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : 49 éléments, entre vers 1365 - vers 1400 et 1960.  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-71, comblement de puits, vers 1380 1430 ; 29 exemplaires de datation inconnue.  Rue Banasterie, Avignon : treize individus de datation inconnue.  Rue Carreterie, Avignon : huit éléments de datation inconnue.  Rue du Limas, Avignon : douze ferrets de lacet de datation inconnue.  Rue Racine, Avignon : n° 11, dépotoir, vers 1530 - 1540.  Forteresse, Mornas : dix spécimens non représentés du XVe - XVIIe siècle ? Le ferret de lacet sans rivet, uni, est le type le plus courant en contexte archéologique en Europe de l’Ouest4519. Sa longueur est généralement comprise entre 2 et 3 cm et le 4519 France, Ariège : un individu, contexte inconnu, château de Montségur (Czeski 1990, p. 398). Aude : au moins deux spécimens, couches effondrées, N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhac-sousPeyrepertuse (Barrère 2000, p. 225-226) ; six exemplaires, dépotoir XVIe - XVIIe siècle, église SainteMarie, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Bayrou et al. 1991, p. 75) ; un artefact, contexte inconnu, castrum de Lastours (Barrère 1999, p. 826, fig. 2, n° 5) ; une cinquantaine de ferrets de lacet, couches diverses des XIIIe - XVe siècles, château de Montséret (Immel et Lapeyre 1981, p. 12 ; Immel et Lapeyre 1982, p. 15). Aveyron : un individu à hauteur des genoux d’un squelette (en place ?) dans un sarcophage, XIe - XIIIe siècle ?, église Saint-Symphorien, Viala-du-Tarn (Pujol 1993, p. 179). Bas-Rhin : 29 artefacts, strates des XVe et XVIe siècles, château d’Ortenbourg, Sherwiller (Rieb et Salch 1973, n° 379) ; quatorze spécimens, XVIe siècle, château de Haut-Barr, Saverne (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 452, n° 3.129). Calvados : 23 ferrets de lacet, contexte du XVe siècle, Montoir-Poissonerie, Caen (Vivre au Moyen Âge 2002, n° 180). Charente-Maritime : au moins cinq exemplaires, XVIe - XVIIIe siècle, nombreux sites, La Rochelle (Berthon (dir.) 2013, p. 79-80). Corse : sept objets, site occupé entre 1413/1414 et 1491, castellu de Sia, Ota (Doazan 1985, Comiti 1996, p. 49). Deux-Sèvres : un spécimen, remblai du XVe siècle, église et cimetière du Saint-Sépulcre, Parthenay (Fourteau Bardaji 1989, p. 37). Doubs : treize dont certains avec couverte argentée, contextes des XVe et XVIe siècles pour la plupart, Bourg Saint-Martin, Montbéliard (Fuhrer 2000, p. 117-118). Haute-Savoie : sept exemplaires, couche de démolition du XVIe siècle, château de Vuache, Vulbens (Raynaud 1993, p. 9899). Hautes-Alpes : un artefact, fouilles non autorisées, H.S., chapelle des Gicons, Saint-Disdier, (Fichier Lucy Vallauri 1969). Hérault : un ferret de lacet, habitat, 1560 - 1580, La Cisterne, Cabrières (Paya 1991, p. 59). Indre-et-Loire : trois individus, remblai de cimetière médiéval, cimetière de l’église, Rigny-Ussé (Poirot et al. 1992, p. 157) ; deux artefacts dont un à bords repliés vers le centre, couches de dépotoir des XVe - XVIe siècles, château de Tours (Motteau (dir.) 1991, n° 74 et 76) ; sept ferrets de lacet, sépultures des XVIIe et XVIIIe siècle, comblement de fosse XVe - XVIe siècle ( ?), 1010 3. Approche croisée du mobilier archéologique diamètre maximal de sa douille entre 0,2 et 0,3 cm. De plus grands exemplaires (fig. 444, n° 1 à 4) peuvent atteindre les 4,5 cm de long et 0,8 cm de diamètre. L’interprétation de ces derniers objets en tant que ferrets de lacet n’est pas sans poser problème car il a pour corolaire que les cordons avaient un diamètre particulièrement important, largement supérieur au Saint-Mexme de Chinon (Motteau 2006). Isère : un objet, contexte inconnu, église Saint-Laurent, Grenoble (Colardelle 1999, t. 2, p. 30) ; plusieurs exemplaires, datation inconnue, château de Bressieux (Girard et Lafond 2009, p. 167). Meurthe-et-Moselle : nombre indéterminé, XVIe - XVIIe siècle, maison forte des Armoises, Richardménil (Guarascio et Giuliato 2007, p. 143, fig. 110). Moselle : trois spécimens, seconde moitié XVe siècle, place de la Comédie, Metz (Goedert et al. (dir.) 1996, n° 171). Nord : un exemplaire, contextes de la deuxième moitié du XIVe siècle et du XVe siècle, Rue Mongat, Douai (Louis et al. 1998, p. 66, n° 25). Seine-et-Marne : 32 artefacts dont trois en fer ?, fin XIVe/XVe - XVIe siècle, utilisation des latrines puis dépotoir, château de Blandy-les-Tours (Castille 2006, p. 116 et Coste 2006 a, p. 120 et catalogue p. 173, 175). Seine-et-Marne : un ferret de lacet, XIVe siècle, château de Boves (Legros 2012b, n° 59). Vosges : deux ou trois dizaines d’artefacts, bas Moyen Âge ou Époque moderne, château d’Épinal (Kraemer 2002, p. 248-249). Espagne : Province de Barcelone, trois ferrets de lacet ?, contexte du deuxième ou du troisième quart du XIVe siècle, Galzeran, Sant-Fost-de-Campsentelles (Oliver Castaños 1989, p. 402). Italie, Province de Coni : au moins trois spécimens, strate du XVIe siècle, Château de Montaldo di Mondovì (Cortelazzo et Lebole di Gangi 1991, p. 226). Province de Grosseto : un exemplaire, contexte XIIIe XIVe siècle ?, Castel di Pietra, Gavorrano (Belli 2002, p. 153). Province de Massa-Carrara : deux artefacts, contexte de la seconde moitié du XIVe siècle, collina de San Giorgio, Filattiera (Cabona 1982, p. 353). Province de Palerme : deux pièces, 1240-1350, Brucato, Termini Imerese (Pesez 1984, p. 532). Province de Pise : un individu, strate du XIIIe - XVIe siècle, castello di Ripafratta, San Giuliano Terme (Amici 1989, p. 468). Belgique, province de Namur : deux pièces, L = 2,6 et 2,5 cm, XIIIe - XIVe siècle, rue Genard/porte chevalier, Bouvignes (Thomas et al. (dir.) 2014, p. 105, n° 153 et 154). Royaume-Uni, Berdeenshire : un objet, strate des XVe - XVIIe siècles, Saint-Paul Street, Aberdeen (Goodall 1982, p. 186). Carmarthenshire : 21 exemplaires dont certains à bords rentrants, postérieurs au XVe siècle, Carmarthen Greyfriars (Brennan 2001, n° 74, type B). Dumfries and Galloway (Écosse) : 143 ferrets, 1250/1300 - 1600, Whithorn et Saint-Ninian (Nicholson 1998a, p. 375). 13 individus, vers 1320 - 1600, abbaye de Dundrennan (Dunn 2001, p. 42, 45, n° 8, 16, 18, 31, 34, 36, 37). Edimbourg : 49 artefacts, contextes du XIIe - XIIIe siècle à la seconde moitié XIVe première moitié XVIe siècle, cathédrale Saint-Gilles d’Edimbourg (Franklin et Collard 2006, p. 5354). Essex : six objets, contextes datés de 1211 - 1306 à 1425 - 1511, King John’s hunting lodge, Writtle (Rahtz 1969, n° 86, 88 à 92) ; nombre indéterminé, fin du Moyen Âge et Époque moderne, Viking Hall, Waltham Abbey (Huggins 1976, p. 117). Hampshire : 46 exemplaires, contextes du milieu/seconde moitié XIe au XXe siècle, Winchester (Biddle et Hinton 1990). Herefordshire : deux individus, seconde moitié XVIIe siècle, Bewell House, Hereford (Shoesmith (dir.) 1985, fig. 7, n° 13 et 14). Leicestershire : un spécimen, XVe siècle, The Austin Friars (Clay 1981, p. 137, n° 50). Londres : nombreux objets, vers 1230 - vers 1260 à vers 1400 - vers 1450 (Egan et Pritchard 1991, 2002², p. 282 à 284). Southampton : un exemplaire, seconde moitié XIVe siècle, Cuckoo Lane B (Harvey et al. 1975, n° 1770). Yorkshire du Nord : nombreux objets, type bords à bords (60 %) depuis la première moitié du XIVe siècle, type à bords rentrants (10,9 %) depuis le XIVe - XVe siècle, type à bords superposés (28,75 %) à partir du XVe - XVIe siècle (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 29182921) ; trois objets, vers 1480 - 1490, the Woolhouse, Fountains Abbey (Coppack 1986, n° 30-32). West Lothian : 99 exemplaires, remblais et sépultures, la plupart du XVe - XVIe siècle, abbaye de Linlithgow (Stones 1989, p. 159, ill. 100, microfiche section 9.5.5, fiche 12.F14 et 12.G1). Croatie : Comitat de Split-Dalmatie : cinq individus, sépulture non datée, Cimetière du second Moyen Âge et d’Époque moderne de Saint Saviour, Vrh Rika (Petrinec 1996, p. 107). Etats-Unis, État du Maine : un ferret de lacet, occupation entre 1635 et 1674, Fort Pentagouet, Castine (Faulkner et Faulkner 1989, p. 156) 1011 3. Approche croisée du mobilier archéologique centimètre en tenant compte de l’écrasement nécessaire des fibres textiles, ce qui n’apparaît pas très courant dans le costume. Peut-être ont-ils été employés pour le harnachement ? Cependant, à l’image d’un objet en fer de Rougiers interprété par G. Démians d’Archimbaud comme un ferret de lacet (fig. 445), ces tôles enroulées ont pu avoir une autre utilisation. En l’occurrence l’objet évoqué s’est révélé être une tie de fuseau comme le montre une découpe spiralée permettant l’attache du fil. Des tôles enroulées de grand diamètre ont été interprétées comme ferrets de lacet au château de Vuache à Vulbens en Haute-Savoie4520, à Wharram dans le Yorkshire4521, à Winchester dans le Hampshire4522, à York4523 et à Londres4524, objets dont les contextes les situent entre les XIIe et XVe siècles. Le même intervalle chronologique semble également convenir à la plupart des exemplaires dépassant 4 cm de long mais la pauvreté du corpus mobilier moderne et contemporain publié n’autorise pas, pour le moment, à valider cette constatation. Les artefacts provençaux les plus anciens sont datés de la première moitié du XIIIe siècle. Toutefois, en Italie, un objet incomplet retrouvé dans une couche de chantier de construction du Xe siècle sur le site de l’église abbatiale de San Caprasio à Aulla, dans la province de Massa-Carrara4525, pourrait bien être identifié comme un ferret de lacet. À Winchester, des fouilles ont livré un spécimen dans une strate située vers 11104526. S’agit-il d’objets intrusifs ? Pour ce qui est de l’exemplaire anglais, les auteurs le soupçonnent tout comme pour cinq autres individus4527, de type B ou dont le type n’a pu être identifié, découverts pour l’un dans une couche du milieu/seconde moitié XIe siècle et pour les suivants dans des strates du XIIe siècle dont quelques unes datées vers 11104528. Faut-il suivre les archéologues anglais dans leur appréciation ? Le dossier iconographique montre l’emploi de lacets aux XIe et XIIe siècles mais rien ne prouve qu’ils aient été ferrés aux deux extrémités. Les artefacts en provenance de strates du XIIe siècle sont au nombre de huit et ils sont issus de contextes différents. L’existence d’un ferret de type A2 découvert à York dans un contexte du 4520 Raynaud 1993, p. 98-99, couche de démolition du XVIe siècle, l x d = 4,7 x 0,5 cm. Goodall 1979, p. 111, couche d’abandon, seconde moitié XVe - première moitié XVIe siècle. 4522 Biddle et Hinton 1990a, n° 1792 et 1793, milieu XIIe siècle et seconde moitié XIe - première moitié XIIe siècle, L x d = 3,1 x 0,65 et 4,3 x 0,8 cm. 4523 Ottaway et Rogers (dir.) 2002, n° 12914 et 12915, première moitié XIIIe et première moitié XIVe siècle, L x d = 8,5 x 0,8 et 8,2 x 0,8 cm. 4524 Egan et Pritchard 1991, 2002², p. 290, n° 1441 et 1443, vers 1270 - vers 1350, L x d = 7,25 x 0,8 cm et 9 x 0,6 cm ; n° 1445, vers 1350 - vers 1400, L x d = 5,9 x 0,6 cm. 4525 Arslan et al. 2006, p. 182. 4526 Biddle et Hinton 1990a, n° 1789. 4527 Les n° 1792 et 1793 évoqués ci-dessus ne sont pas compris. 4528 Biddle et Hinton 1990a, p. 581-583. 4521 1012 3. Approche croisée du mobilier archéologique milieu du XIIe siècle aiguillonne l’attention. Il semble finalement plausible que des ferrets de lacet aient bien été fabriqués au XIIe siècle, peut-être même dès les environs de 1110. Type A2 : Ferret de lacet, sans rivet, décoré (fig. 444, n° 11 à 17) Bouches-du-Rhône  Cathédrale Saint-Sauveur, Aix-en-Provence : n° 64 d’une couche des XVIIe XVIIIe (?) siècles.  Église Saint-Blaise, Arles : SBL 82.I.1.77, remblai du XVIIIe siècle.  Château des Baux, Les Baux-de-Provence : n° 278 (dix ferrets), remblai, XIVe siècle.  Église abbatiale Saint-Victor, Marseille : n° 431 dans une couche de sable de la première moitié du XIIIe siècle avec mobilier infiltré.  Vieille Major, Marseille : n° 9, remblai de la première moitié du XVIIIe siècle. Gard  Maison des Chevaliers, Pont-Saint-Esprit : n° 55, remblai du XVe siècle ; n° 56, couche d’occupation du XIVe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2172, couche de dépotoir, vers 1345 - vers 1360. Les ferrets provençaux de ce type peuvent être divisés en trois groupes. Le premier rassemble ceux qui sont ornés par la gravure. Dans le corpus, trois artefacts ont été incisés, avant enroulement de la tôle, de lignes obliques parallèles (fig. 444, n° 14, 15 et un objet non figuré) disposées de telle manière que, pour l’un d’eux, elles sont pour la plupart jointives à leurs extrémités (fig. 444, n° 15). Un troisième individu, avec couverte blanche, est décoré de croisillons (fig. 444, n° 12). Des motifs en zigzag ou constitués d’un quadrillage oblique se retrouvent sur des artefacts découverts dans des contextes médiévaux et modernes mais ce genre d’ornementation est assez rare. Un ferret court paré de zigzags sur chaque bord de la tôle provient d’un dépotoir du site de Castel Delfino à Pontinvrea dans la province de Savone en Italie, occupé entre 1206 et 12234529. Deux autres, le premier arborant des zigzags (1560 - 4529 Milanese 1982, p. 102. 1013 3. Approche croisée du mobilier archéologique 1875), le second, un quadrillage oblique (datation inconnue) ont été mis au jour sur le site de l’abbaye de Jedburgh en Écosse4530. À La Rochelle, un individu de la deuxième moitié du XVIIe siècle de la fouille de la Motte Rouge présente des lignes obliques jointives sur les bords, en-dessous de deux lignes vraisemblablement embouties4531. Des lignes parallèles sont semble-t-il gravées sur une pièce au contexte non renseigné provenant du château de Bressieux en Isère4532. Les ferrets essentiellement confectionnés dans des tôles embouties sont à peine plus fréquents et constituent le second groupe. L’un des spécimens du corpus a été obtenu à partir d’une tôle ondulée obliquement (fig. 444, n° 16), de même, deux exemplaires retrouvés à Winchester du milieu du XVIe siècle et de la première moitié - milieu XVIIIe siècle4533, un objet du XVIe siècle en provenance du château de Montaldo di Mondovi dans la province de Coni4534, enfin un artefact découvert à York, du milieu du XIIe siècle, proviennent de tôles embouties mais à l’ondulation presque horizontale4535. Peut-être peuvent-ils être mis en parallèle avec les aiguillettes quarrees torses signalées dans un inventaire des biens de Louis de Touraine4536. Pour deux autres individus provençaux, des motifs répétitifs de croix de saint André (fig. 444, n° 13) ou en V (fig. 444, n° 11) sont limités par des lignes horizontales. À York, la tôle d’un objet, d’une strate du milieu XIVe - première moitié XVe siècle, est parsemée de croix de saint André4537. Sur ce même site, le motif embouti d’un autre artefact est un quadrillage oblique du milieu du XIVe siècle4538. Une ornementation plus complexe alternant lignes horizontales, fleurs de lys, points et croix de saint André a été élaborée pour un ferret en provenance d’un dépotoir du second quart ou du troisième quart du XVIIe siècle du château de Tours4539 Pour être complet avec la bibliographie rassemblée, les fouilles du village minier de Brandes-en-Oisans (XIIe - première moitié XIVe siècle) à l’Alpe d’Huez en Isère ont fourni un ferret dont l’extrémité présente un décor indéterminé4540. À La Rochelle, le site de la Motte Rouge a fourni un rivet avec une ligne gravée sous le bord proximal et deux 4530 Caldwell 1995a, p. 85, n° 19 et 20. Berthon (dir.) 2013, p. 80, n° 168. 4532 Girard et Lafond 2009, p. 167, fig. 206, n° 7. 4533 Biddle et Hinton 1990a, n° 1821, 1834. 4534 Cortellazo et Lebole di Gangi 1991, p. 226. 4535 Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2918-2921, n° 12916. 4536 Roman 1894, n° 98 (1393). 4537 Ibid., p. 2918-2921, n° 13388. 4538 Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2918-2921, n° 13389. 4539 Motteau (dir.) 1991, n° 77. 4540 Bailly-Maître 1983, p. 103, 106. 4531 1014 3. Approche croisée du mobilier archéologique fines moulures à l’opposé4541. Enfin, les recherches archéologiques menées au château de Pymont, à Villeneuve-sous-Pymont dans le Jura, ont mis au jour un ferret de lacet, non daté précisément dans la publication (XIIIe - XVe siècle), dont le détail du décor est difficilement lisible à cause d’un mauvais ombrage du dessin4542. Le troisième et dernier groupe contient un unique objet fabriqué par réutilisation d’une tôle de chape ou de mordant ornée d’incisions (fig. 444, n° 17). Les ferrets de lacet décorés, sans rivet, présentent une diversité de motifs ornementaux qui pour le moment, en raison du faible nombre d’objets reconnus en Provence et dans la bibliographie de comparaison, rend impossible tout essai de définition plus précise de la typochronologie. Type B : Ferret de lacet à rivet(s) (fig. 444, n° 18 à 25) Bouches-du-Rhône  16, boulevard de la République, Aix-en-Provence : sept exemplaires tirés du comblement d’un fossé moderne.  Cathédrale Saint-Sauveur, Aix-en-Provence : trois objets des XVIIe - XVIIIe (?) siècles.  Les Thermes, Aix-en-Provence : n° 67, sépulture d’Époque moderne.  Musée Granet, Aix-en-Provence : neuf artefacts du XVIe, de la première moitié du XVIIe siècle ou H.S.  Église Saint-Blaise, Arles : 22 spécimens, remblais du XVIIIe siècle.  Abbaye de Montmajour, Arles : six individus, remblais des XVe/XVIe - XVIIe siècles et du XVIIIe siècle.  Château d’Hauture, Fos-sur-Mer : quinze exemplaires issus d’un remblai de la seconde moitié du XVIe siècle ; un objet trouvé dans un sol d’habitat des XIVe XVe siècles.  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : n° B5600916 et B5600919, sols du XIVe siècle ; n° B560099 et B5600917, couches de destruction postérieures au milieu du XIVe siècle. 4541 Berthon (dir.) 2013, p. 80, n° 167. Jeanjacquot 1993, fig. 62, n° 1913. Le site est occupé du XIIIe au XVe siècle. Les artefacts n’ont pas été contextualisés dans la publication. 4542 1015 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Château des Baux, Les Baux-de Provence : 35 objets entre le XIVe siècle et le second quart du XVIIe siècle.  Alcazar, Marseille : n° 33, remblai du XVIe siècle.  Église abbatiale Saint-Victor, Marseille : s.n. 15, remblai pour l’établissement d’un sol, XVIIe siècle ; n° 383, contexte inconnu.  Esplanade de la Major, Marseille : n° 4, remblai d’installation de sépulture, 1720.  Hôtel Dieu, Marseille : n° 2, couche de limon dans la zone du four de bronzier, début XVIIe siècle ?  Vieille Major, Marseille : n° 24, comblement d’une tombe maçonnée de la première moitié du XVIIIe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3252, sol de zone de circulation ; n° 368, sol cendreux de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420 ; n° 384, H.S.  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : deux artefacts de datation inconnue.  Cour de Justice, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : trois ferrets de lacet de datation inconnue. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon, Vaucluse : n° 69, second tiers du XIVe siècle.  Place de la Principale, Avignon, Vaucluse : huit références de datation inconnue.  Rue Banasterie, Avignon : six exemplaires de datation inconnue.  Rue Carreterie, Avignon : huit spécimens de datation inconnue.  Rue du Limas, Avignon : treize objets de datation inconnue.  Rue Racine, Avignon : n° 9 et 10, dépotoir, vers 1530 - 1540.  65 place de Cabassole, Cavaillon : 17 ferrets de lacet H.S. Ce type de ferret présente deux perforations opposées en partie proximale : elles permettent le passage d’un rivet qui, en traversant le lacet, assure une meilleure fixation. Bien qu’en dehors de la zone d’étude, les statuts de 1490 des « baudroyers » d’Angers rappellent dans l’article 4 et surtout dans l’article 9 que les aiguillettes doivent être taillees du long du cuir et touttes clouees4543. Cet intéressant document montre que ce genre de ferret est 4543 Gay 1887, p. 17. 1016 3. Approche croisée du mobilier archéologique considéré comme de meilleure qualité. Aucun texte provençal ne fait référence au rivetage des ferrets. Viollet-le-Duc en aurait retrouvé la figuration sur des statues funéraires de la fin du XIIIe au XVe siècle4544. Pour les quelques 60 exemplaires du corpus qui ont conservé leur rivet, la fabrication en alliage cuivreux prédomine. Seul un individu, possédant un rivet en fer, a été découvert rue Racine à Avignon4545. La présence d’un rivet en fer n’est signalée dans la bibliographie qu’à Winchester, pour sept des 173 artefacts. L’absence d’autres attestations doit certainement beaucoup à une carence dans l’observation des objets. Quelques rares spécimens de la bibliographie possèdent deux couples de trous pour le passage de deux rivets4546, d’autres ont été confectionnés à partir d’une tôle préalablement emboutie ou incisée4547. Les ferrets de lacet, à rivet, non décorés ont des dimensions similaires à ceux du type A4548. Ils sont connus en Provence depuis le XIIIe siècle jusqu’à la fin de l’Époque moderne et notamment les XVIIe et XVIIIe siècles, même si les remblais dont ils sont souvent issus laissent envisager que beaucoup sont résiduels. À Winchester, un individu provient d’un contexte du milieu/seconde moitié XIIe siècle et deux autres avec rivets en fer ont été retrouvés dans des strates des environs de 11104549. Comme il a déjà été mentionné lors de l’étude du type A, les auteurs pensent que ces objets sont intrusifs mais les arguments, précédemment évoqués, plaident en faveur d’une datation plus ancienne. Les autres informations relevées dans la bibliographie de comparaison ne modifient pas sensiblement le discours sur la chronologie si ce n’est qu’elle fait apparaître un accroissement de l’emploi des ferrets de type B à partir des XVe et XVIe siècles4550. Les ferrets du type B furent probablement encore utilisés au XIXe siècle. 4544 Viollet-Le-Duc E.E. 1872-1875, t. 3, p. 15. Objet n° 10 du site. 4546 France : Aude : Au moins deux exemplaires, couches effondrées, N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 225-226). Bas-Rhin : une unité, XVIe siècle, château de Haut-Barr, Saverne (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 452, n° 3.129). Indre-et-Loire : un objet ?, couche de destruction d’époque contemporaine, cimetière de l’église, Rigny-Ussé (Poirot et al. 1992, p. 157). Royaume-Uni : Hampshire : un spécimen, couche d’occupation, première moitié (?)/milieu XVIe siècle, Wolvesey palace, Winchester (Biddle et Hinton 1990, p. 586, n° 1820). 4547 Un individu avec décor embouti XVIe siècle, château d’Ortenbourg, Bas-Rhin (Rieb et Salch 1973, n° 381), un artefact embouti, H.S., un objet avec quadrillage oblique incisé, H.S. (Egan et Forsyth 1997, p. 224-225). 4548 Le corpus contient environ 250 exemplaires du type B. 4549 Biddle et Hinton 1990, n° 1787, 1788, 1790. 4550 France : Ariège: un artefact, contexte inconnu, château de Montségur (Czeski 1981, p. 197 ; Rapport 1974, p. 64 ; Rapport 1975, p. 56). Aude : au moins cinq exemplaires, couches effondrées, 4545 1017 3. Approche croisée du mobilier archéologique N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhac-sous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 225-226) ; onze spécimens, occupation XIIIe - XVe siècle, château de Montséret (Immel et Lapeyre 1984, p. 15). Aveyron : un individu, strate datée entre 1497 et 1515, Tour Hospitalière, Viala-du-Pas-de-Jaux (Pujol 2002a, p. 189). Bas-Rhin : un objet avec traces de limage, XVe - XVIe siècle, château d’Ortenbourg, Sherwiller (Rieb et Salch 1973, n° 380) ; une unité, XVIe siècle, château de Haut-Barr, Saverne (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 452, n° 3.129). Calvados : 23 ferrets de lacet, contexte du XVe siècle, Montoir-Poissonerie, Caen (Vivre au Moyen Âge 2002, n° 180). Charente-Maritime : au moins un exemplaire, 1200 - 1500 (Berthon (dir.) 2013, p. 79-80). Corse : au moins quatre objets, occupation de fin XIIIe à début XVIe siècle (Comiti 1996, p. 49). Hautes-Pyrénées : un ferret de lacet, H.S., château de Grézian (Petiteau 2008, p. 230). Indre : au moins cinq exemplaires, XIVe - XVe siècle, motte, Moulins-sur-Céphons (Querrien (dir.) 1990, p. 42, n° 28). Indre-et-Loire : un individu, dépotoir du second tiers ou troisième tiers du XVe siècle, château de Tours (Motteau (dir.) 1991, n° 75) ; un objet, remaniement d’un four de bronzier, XVIe siècle, cimetière de l’église, Rigny-Ussé (Poirot et al. 1992, p. 157) ; deux ferrets de lacet, sépultures féminines du XVe/XVIe - XVIIe siècle, Saint-Mexme de Chinon (Motteau 2006, n° 92 et 117). Isère : trois artefacts, contexte inconnu, église Saint-Laurent, Grenoble (Colardelle 1999, t. 2, p. 30). Loire : au moins trois exemplaires, contexte du XIVe siècle, château d’Essertines, Essertines-Basses (Maccari-Poisson 1992, p. 150). Meurthe-et-Moselle : nombre indéterminé, XVIe - XVIIe siècle, maison forte des Armoises, Richardménil (Guarascio et Giuliato 2007, p. 143, fig. 110). Pas-de-Calais : quatorze spécimens, fin XIIe - début XIIIe à 1640, château de Grigny (Dilly et al. 1999, p. 125). Pyrénées-Orientales : un ferret de lacet, remblai moderne, église Notre-Dame de l’Assomption, Saintes-Marie-la-Mer (Crozier et Bénézet 2009, pl. 5). Seine-et-Marne : deux objets, utilisation de latrines, première moitié du XVIe siècle, deux artefacts, latrines utilisées en tant que dépotoir, deuxième moitié du XVIe siècle, château de Blandy-les-Tours (Castille 2006, p. 116 et Coste 2006a, p. 120 et catalogue p. 173, 175). Vosges : une ou deux dizaines de ferrets de lacet, bas Moyen Âge ou Époque moderne, Château d’Épinal (Kraemer 2002, p. 248249). Italie : Province de Coni : un individu « en argent », strate du XVIe siècle, château de Montaldo di Mondovi (Cortelazzo et Lebole di Gangi 1991, p. 226). Province de Rome : trois objets, contexte et datation non renseignés, Casale Laurentino, Rome (Mazzucato 1979, p. 79, fig. 49). Royaume-Uni : Carmarthenshire : 69 artefacts, XVe et XVIe siècle, Carmarthen Greyfriars (Brennan 2001, n° 75). Dumfries and Galloway (Écosse) : un ferret de lacet, contexte inconnu, château de Threave (Caldwell 1981, p. 109, n° 48). Edimbourg : quatre spécimens, XIIIe – XIVe siècle et seconde moitié XIVe - première moitié XVIe siècle, cathédrale Saint-Gilles d’Edimbourg (Franklin et Collard 2006, p. 53). Essex : nombre indéterminé, fin du Moyen Âge et Époque moderne, Viking Hall, Waltham Abbey (Huggins 1976, p. 117). Hampshire : 104 exemplaires, contextes du milieu/seconde moitié XIe au XXe siècle, Winchester (Biddle et Hinton 1990a). Leicestershire : nombreux objets du XIe - XIIIe jusqu’au XVIIIe - XIXe siècle, The Austin Friars (Clay 1981, p. 137, n° 49, 51 à 54). Londres : vingt ferrets, vers 1350 - vers 1400 à vers 1400 - vers 1450 (Egan et Pritchard 1991, 2002², p. 282 à 284). Scottish Borders : 42 individus, milieu XIVe - seconde moitié XVe siècle et postérieurement, abbaye de Jedburgh (Gabra-Sanders 1995). Southampton : deux artefacts, vers 1375 - 1425, Cuckoo Lane B (Harvey et al. 1975, n° 1761). Worcestershire : un exemplaire, couche d’abandon, seconde moitié XVe - première moitié XVIe siècle, Wharram (Goodall 1979, p. 111) ; un exemplaire, milieu/seconde moitié XIVe - première moitié XVe siècle, Bordesley abbey, Redditch (Astill 1993, p. 196). Yorkshire du Nord : nombre indéterminé dont huit fragments retrouvés à hauteur du pubis d’un squelette, 1461, site de la bataille de Towton, Towton (Minvielle-Debat 2000). West Lothian : 3 exemplaires, XVe - XVIe siècle, abbaye de Linlithgow (Stones 1989, p. 159, ill. 100, microfiche section 9.5.5, fiche 12.F14 et 12.G1). Portugal : District de Castelo Branco : un ferret de lacet, contexte inconnu, Castelo Branco (Boavida 2011, p. 15). 1018 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.3.2.3.La fabrication des ferrets de lacet Les ferrets de lacet sont confectionnés par enroulement d’une tôle métallique en alliage cuivreux autour des extrémités du lacet de cuir ou de tissu. En Provence, archéologiquement, des fragments de cuir ou de tissu sont parfois encore retenus à l’intérieur de ces petits embouts métalliques4551. Cependant, l’identification de la matière est souvent incertaine faute d’une surface d’observation suffisamment importante. Les peintures des manuscrits allemands des maisons Mendel et Landauer montrent des fabricants de lacet textile en train de frapper le ferret de leur marteau sur une enclumette (fig. 447 à 452). Aucune rainure n’apparaît sur le tas de l’image la plus ancienne (fig. 447), mais des gorges probablement hémicylindriques destinées à accueillir le ferret sont nettement représentées sur les figures postérieures (fig. 448 à 452). La section des cannelures permet de conserver une certaine rondeur au ferret sous les coups du marteau. À l’exception de ce qui semble être une lime sur une des peintures (fig. 450), aucun autre outil n’est représenté. Cet outil est à mettre en relation avec un article des statuts des mégissiers de Nantes de 1641 qui expose les chefs d’œuvres que les prétendants à la maîtrise doivent exécuter : Et feront demie grosse d'aiguillettes bien tailliées et accommodées comme il faut. Scavoir 6 douzaines ferrées à gouttières, limées et couronnées tant derrière que devant, 6 douzaines à rond sans que la jainture paroisse aucunement et 6 douzaines ferrées tant a façon d'or que d'argent4552. Malheureusement, le texte n’est pas assez précis pour qu’on puisse appréhender l’utilisation de la lime et les caractéristiques exigées restent obscures si ce n’est l’obligation d’une absence de jointure visible. Aucune trace de limage n’a pu être observée sur le mobilier provençal, mais dans le Bas-Rhin, il aurait été retrouvé, lors de fouilles au château d’Ortenbourg, un ferret de lacet, à perforation pour rivet, issu d’un contexte du XVe ou XVIe siècle, avec des marques interprétées comme « une finition de surface »4553. Dans les peintures susdites, les objets terminés sont disposés en paquets liés par le milieu pour l’image la moins récente (fig. 447), aux deux extrémités pour les autres (fig. 448 à 452). Sur l’une d’elles, des petits rectangles allongés, de la même couleur que les ferrets déjà en place, apparaissent sur l’établi (fig. 449). Au vu de leur largeur, ce pourrait être de 4551 À Londres, deux exemplaires d’aiguillettes en soie tressée ferrées ont survécu au temps. L’une, au contexte de découverte inconnu, possède des ferrets à rivet (Egan et Pritchard 1991, 2002², p. 281), l’autre provient d’un contexte de la seconde moitié XVe (?) - première moitié XVIe siècle (Egan 2005, p. 52-53). 4552 Gay 1887, p. 17. 4553 Rieb et Salch 1973, n° 380. 1019 3. Approche croisée du mobilier archéologique petites tôles découpées en attente d’être transformées en ferrets. Une autre image montre ce qui paraît être une boîte contenant des objets vraisemblablement arrondis (fig. 447) : sont-ce des ferrets préalablement enroulés ? Les tôles de ferret sont-elles donc enroulées dans un premier temps, au moyen d’une pince par exemple ? Pourquoi cet outil n’est-il pas, en ce cas, représenté ? Est-ce la conséquence d’une convention reprise par l’ensemble des artistes postérieurs ? Si les ferrets sont préformés antérieurement à leur mise en place, leur diamètre doit être plus important que celui de l’extrémité du lacet pour que celle-ci puisse s’y loger. Ce serait le martelage qui solidariserait ensuite l’ensemble. Dans ce cas, les ferrets devraient présenter des traces de pliure dues au surplus de métal ou un profil assez ovalisé si la rainure d’accueil retenue est suffisamment large. Cette méthode ne rend pas compte de la fabrication des ferrets parfaitement circulaires. Une seconde solution peut être envisagée : la tôle est enroulée petit à petit autour de l’extrémité du lacet par martelage de l’ensemble dans l’une des gorges du tas. Ce processus nécessite de la part de l’artisan une parfaite évaluation de la largeur de tôle nécessaire, tenant compte au demeurant de l’écrasement du tissu ou du cuir du lacet, et une bonne technicité car les côtés d’une très grande majorité des exemplaires du corpus sont parfaitement jointifs. Pour quelques individus néanmoins, les côtés des tôles se chevauchent sur toute leur longueur (fig. 444, n° 2 et 8), signe que la tôle était plus large que nécessaire, pour d’autres encore, un intervalle entre les bords indique le contraire4554. Cependant, bon nombre de spécimens ont également leur tôle bord à bord, en partie proximale, et sont dotés d’une portion inférieure plus étroite où les bords se chevauchent. Des deux chaînes opératoires envisagées ci-dessus, la seconde semble être la plus appropriée mais sa faisabilité mériterait d’être expérimentée. Cependant, elle ne rend pas compte de l’existence de ferrets dont les bords se rabattent vers l’intérieur (fig. 444, n° 10)4555. L’extrémité distale est couramment arrondie et plus ou moins fermée, sans doute grâce à un léger martelage (fig. 446, A). Sur quelques rares objets, l’extrémité proximale montre un aspect facetté qui est peut-être la conséquence de petits coups de marteau répétés ou de la percussion du bord du ferret contre les rebords obliques d’un trou pratiqué dans un support 4554 Par exemple, les objets B5600916, B5600919 et B560099 des fouilles de la rue Frédéric Mistral à Fos-sur-Mer 4555 Ce genre de particularité est rarement visible sur les dessins de la bibliographie et encore plus rarement signalé dans l’étude du mobilier. 1020 3. Approche croisée du mobilier archéologique (fig. 446, B)4556. Cette dernière hypothèse, proposée par G. Egan et F. Pritchard nous semble moins probable. La documentation provençale rapporte à plusieurs reprises la mise en place des ferrets au bout des cordons, mais il n’y est fait nulle mention de rivetage4557. Outre les quelques mentions d’artisans travaillant pour le roi René et déjà évoquées, un passage du Libro del chiesto de la succursale avignonnaise de la compagnie Datini fait état en 1369 de la demande, auprès de la filiale de Milan, d’une balle de feuilles de fer étamé pour faire des aiguillettes et autres choses à 14 florins di gralio le quintal de 120 livres4558. En 1575, la boutique d’un marchand marseillais contient un total de 42 livres de laiton pour farrer les agulhettes à 36 livres le quintal4559. En juillet 1593, un règlement établi par les États du Comtat Venaissin fixe le prix maximal du letton pour esguillettes à 18 sous la livre soit 90 livres le quintal de cent livres4560. Il est probable qu’il s’agisse là encore de tôles de métal plates, très vraisemblablement à la bonne dimension, ce qui expliquerait que leur emploi soit si précisément identifié. L’outillage nécessaire à la mise en place de ces tôles est illustré par deux inventaires après-décès. Le premier, dressé en 1418, concerne les biens d’un orfèvre établi à Aix-en-Provence, et mentionne un ferre ad agulhetas dont le fonctionnement reste indéterminé4561. Le deuxième, rédigé en 1443, enregistre les biens d’un mercier : il contient une pièce de plomb pour ajuster les ferrets, una pecia plombi ad aptandum ferra agulhetarum4562. L’utilisation d’un support mou permet certainement d’amoindrir considérablement le risque de pliure du métal lors du martelage du ferret. Une plaque de plomb est également moins coûteuse qu’une enclumette en fer. 3.3.2.4.Synthèse L’apparition des ferrets de lacet (fig. 500) au XIIe siècle – au XIIIe siècle en Provence – s’effectue dans une niche fonctionnelle qui jusqu’à présent n’avait jamais été exploitée. 4556 De nombreux ferrets de lacet trouvés aux Baux-de-Provence et à Saint-Maximin présentent cette caractéristique. 4557 Les statuts des baudroyers d’Angers de 1490 rappellent à deux reprises que les esguillettes doivent être toutes cloutées, ce qu’il faut très certainement interprétées comme rivetées (Gay 1887, p. 17). 4558 1 balla di foglia di ferro istagniato sottile per fare aghuugliette ed altre chose ma vuole esere buona e be salda e bene istagniata che qua vale il chintale f. 14 di gralio e ‘ntendesi 120 libre il chintale, avisati chostì (Frangioni 2002, p. 136). 4559 Annexe 8, doc. 26. 4560 AD Vaucluse, B 1516, f° 132 r° - 149 v° et plus particulièrement f° 136 v° pour la mention. 4561 Annexe 8, doc. 10. 4562 Annexe 8, doc. 20. 1021 3. Approche croisée du mobilier archéologique Leur rôle utilitaire – la protection contre l’usure du bout des cordons – ainsi que décoratif – la couleur du métal tranche sur celle des tissus ou du cuir – ont tôt fait de faire adopter cette petite tôle qui, sans être obligatoire, apparaît couramment dans l’iconographie et les inventaires de marchandises. Il s’agit des seules sources qui puissent permettre de prendre la mesure de leur diffusion au bout des lacets et aiguillettes. Les ferrets ne présentent aucune évolution morphologique avec le temps et il reste quelques incertitudes concernant les méthodes de fabrication que l’expérimentation devrait permettre de lever. 1022 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.3.3. Les œillets de vêtement 3.3.3.1.Les œillets en contexte Les œillets sont ordinairement des petits trous circulaires ou ovales pratiqués dans le tissu ou le cuir d’un vêtement ou d’accessoires comme la ceinture et les chaussures. Sur les courroies en cuir ou en tissu, l’œillet peut être recouvert d’une applique ouverte en son centre4563. Il ne laisse ordinairement passage qu’à l’ardillon d’une boucle, mais un lacet peut également s’y insérer pour permettre la suspension d’un objet (fig. 24). Sur les pièces de vêtement, l’œillet permet le passage d’un cordon ou d’un bouton. Il est alors respectivement de forme circulaire ou prend la forme d’une fente. Une ganse permet de rigidifier et de protéger ces ouvertures d’une usure rapide4564. Dans le cas des œillets pour lacet, des éléments métalliques ont été parfois employés. Au bas Moyen Âge, de petites appliques obtenues par la fonte sont insérées dans les œillets textiles pour les renforcer : elles sont connues par quelques exemplaires londoniens datés entre fin XIIIe siècle - première moitié XIVe siècle et la première moitié du XVe siècle4565 et peut-être également par quelques peintures (fig. 430 et 431 et 457). À la fin de la période moderne, elles sont obtenues par emboutissage d’une tôle grâce aux progrès de la mécanisation et le développement des emboutisseuses (fig. 453). À la fin du Moyen Âge, le cordon pouvait aussi être réceptionné par de petits anneaux cousus sur le bord du vêtement4566, à l’avers (fig. 457 et 458) ou au revers (fig. 432). Ces annelets peuvent adopter deux formes différentes : celle d’un anneau circulaire (fig. 130 et 454) ou celle d’un anneau confectionné à partir d’un fil dont les extrémités sont réunies en une torsade (fig. 455). L’identification de ces objets, ou du moins d’une partie d’entre eux comme œillet, se fonde sur quatre arguments. Le premier est la conservation par les oxydes cuivreux de textile sur une portion, généralement la moitié, de certains annelets. Des fibres sont encore visibles, dans le corpus, sur deux annelets de section circulaire découverts rue Racine à Avignon (ex : fig. 130, n° 22), sur treize spécimens de section quadrangulaire mis au jour lors de fouilles sur 4563 Se reporter au chapitre 3.2.1.3. Les fouilles londoniennes ont fourni plusieurs pièces de vêtement en tissu avec des œillets pour lacets ou pour boutons textiles (Crowfort et al. (dir.) 2001² p. 164-168). 4565 Egan et Pritchard (dir.) 2002², n° 1218 à 1228. 4566 Les livres de comptes des frères Bonis, marchands de Montauban, rapporte en 1344 l’achat d’un huitième de livre de soie per far oelhet a I corset (Forestié (édit.), 1890-1893, t. 1, p. 79) par Pilfort de Belfort, prieur de Saint-Pierre de Campredon. 4564 1023 3. Approche croisée du mobilier archéologique le site du baptistère de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume dans le Var (fig. 130, n° 9 et 24). Des restes de tissu ont été observés sur la torsade d’un œillet à torsade découvert sur un squelette féminin non daté de la léproserie de Mersault en Côte-d’Or et A. Berthon en identifie sur un annelet de section circulaire retrouvé dans une sépulture en cours d’étude sur le site du Carreau du Temple à Paris4567. Au Royaume-Uni, des fragments de textile et de cuir ont été conservés au contact d’œillets à torsade, dans des remblais et des sépultures, du XVe siècle ou postérieurs, du cimetière de l’abbaye de Linlithgow, dans le West Lothian4568, mais aussi vers 1530 - 1550 sur le site d’Abbots Lane à Londres4569. Il en est de même pour deux petits anneaux de fil de conformation inconnue datés vers 1250/1300 - vers 1600 en provenance de la cité monastique de Whithorn en Dumfries et Galloway4570. Les œillets de type annelet du corpus ou de la bibliographie sur lesquels ont été découverts des restes de tissu ou de cuir mesurent entre 0,7 et 1,2 cm de diamètre. Le second argument est la localisation de certaines pièces en des points spécifiques du corps dans des sépultures. Sur le site archéologique parisien du Carreau du Temple, quelques spécimens ont été répertoriés dans des sépultures et notamment deux d’entre eux à hauteur du cou d’un squelette d’adulte, sans doute pour fermer un col4571. À Mersault, quatre œillets à torsade ont été relevés dans la zone du coude droit d’un squelette féminin et six autres le long du bras gauche4572. À Norwich, une sépulture renferme une série d’œillets à torsade le long des bras4573. Dans le canton de Genève, à Hermance, dans l’église Saint-Georges un annelet circulaire de 0,9 cm de diamètre aux caractéristiques non précisées a été retrouvé sur l’avantbras droit d’un squelette4574, un second de 1,5 cm était disposé sur le pubis d’un adulte – non daté – sur le site du village médiéval de Vilarnau dans les Pyrénées-Orientales4575. Les sources d’archives constituent le troisième argument. Pour la Provence, plusieurs documents mentionnent des mailles dont la fonction précise n’est cependant pas toujours exprimée. Entre 1363 et 1371, l’établissement avignonnais de la compagnie Datini envoi aux succursales de Milan et de Florence plusieurs requêtes pour la fourniture d’un total de 70 000 4567 Berthon 2012. Stones 1989, p. 159, il. 110, microfiche section 9.5.5., fiche 12.G2. 4569 Egan 2005, p. 62, n° 276. 4570 Nicholson 1998a, p. 379-380. 4571 Berthon 2012, p. 44. 4572 Ibid., p. 43. Un des œillets, fragmentaire, a été identifié comme une barbacane mais ce qui en est conservé semble plutôt correspondre à un œillet à torsade. 4573 Margeson 1993, p. 20 cité par A. Berthon (2012). 4574 Bonnet 1973, p. 91. 4575 Passarius et al. 2008, p. 241. 4568 1024 3. Approche croisée du mobilier archéologique mailles en alliage cuivreux (malglie d’ottone) per achordellare la roba da dona, per achordellare ghonelle (la gonelle) di donna4576. Des lettres isolées à destination de Milan, datées de 1385 et 1394, contiennent respectivement la demande de 60 milliers de petites mailles (malgliete) en alliage cuivreux pour femme et de 8 carreaux4577 de mailles de même matériau également pour femme4578. Le terme achordelare est absent du dictionnaire toscan de A. Antonini4579, mais le mot cordella se rapporte à une petite corde placée au revers du vêtement pour servir au nouage ou à l’agrafage. Ce verbe a probablement recouvert le sens de « lacer ». Le livre de compte d’une boutique de mercerie de Carpentras dont il est conservé quinze mois et demi de l’activité des années 1396 et 1397 mentionne régulièrement des achats de malhetas – 51 transactions – parfois qualifiées de malhetas de dona4580, de malhetas per cordelar4581 – pour lacer – ou de malhetas de sabatas4582. Vendues au demi cent ou au quarteron – il correspondrait au quart d’une livre –, elles sont, à l’exception d’une transaction lors de laquelle elles sont cédées à 1 sou 3 deniers le demi cent, toujours débitées à 1 sou le demi cent ou 6 deniers le quarteron4583. Leur achat s’accompagne parfois de l’acquisition de cordelettes (cordellas). Certaines chaussures pouvant se fermer au moyen de lacets, la présence de mailles ou annelets pour chaussure n’est pas incongrue. Dans son dépouillement des archives de Côte d’Or, F. Piponnier a relevé, à la fin du XIVe siècle et au début du XVe siècle, l’existence de pourpoints fermés par des annelets de laiton ou d’argent dans lesquels passe un lacet4584. Dans l’inventaire après-décès d’un mercier aixois daté de 14434585, de petits sacs contiennent pour l’un 150 crochets (crocheti), un second cinquante boucles doubles (fuvellae duplica), c’est-à-dire des boucles à double fenêtre qui pourraient correspondre à des boucles de chaussure des types O et P. Un troisième renferme deux cents malheti albi et le dernier cinquante malheti de peu de valeur. À la suite est énuméré un petit coffret avec des boucles en fer blanc pour femme. Ces mailles ou annelets pourraient fort bien correspondre à des œillets, hypothèse renforcée par leur insertion au milieu d’accessoires pour la fermeture de pièces du costume. Deux cents malhetae parvae albae rotundae d’une valeur de 8 deniers 4576 Frangioni 2002, p. 100, 129, 134, 135, 142, 152, 155, 157, 158. Le carreau est une unité de quantité dont la valeur n’a pu être reconnue. 4578 Frangioni 2002, p. 170 et 173. 4579 Antonini 1770. 4580 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms 882, f° 20 r°, 46 r°, 56 r°, 204 v°, 216 v°, 254 r°. 4581 Ibid., f° 43 r°. 4582 Ibid., f° 47 v°, 51 v°, 277 v° 4583 Ibid., f° 153 r°. 4584 Piponnier 2007, p. 277. 4585 Annexe 8, doc. 20. 4577 1025 3. Approche croisée du mobilier archéologique se rencontrent également dans l’inventaire des biens de feu Jean Coraiosi, boursier, aiguilletier, blanquier et mercier d’Aix originaire de Genève4586. À la fin des années 1450, l’orfèvre Jean Nicolas, dont le roi René est également le client, fournit « 100 anneletz pour lasser cotes » à sa femme Jeanne de Laval4587. En 1471, l’avignonnais Pierre de Saze vend vingt deniers d’or en annelz et verges et in malias à l’orfèvre Jean Minholi4588. Dans la balle d’un colporteur décédé à l’Isle-sur-Sorgues en 1545, les malhetes sont rassemblées avec des crochetz4589. Peut-être ont-ils fonctionné ensemble dans le cadre d’un système d’agrafage mais ils ont pu également être réunis pour la simple raison que leur fonction et leurs dimensions sont similaires. Le quatrième et dernier argument est constitué par l’iconographie. Ces œillets ont été observés sur certaines peintures de la seconde moitié du XVe siècle et du début du siècle suivant, mais un examen plus approfondi pourrait étendre cet intervalle chronologique. Ils sont par exemple figurés sur chaque pan de la cotte de Ginevra de Benci (fig. 457) et d’une Marie-Madeleine (fig. 431), au col du manteau de Pierre Coustain (fig. 458), évoqués par des points dorés sur la robe d’une Vierge à l’Enfant (fig. 430), par de petits cercles sur le pourpoint d’un bourreau martyrisant Saint Sébastien (fig. 433, 456), sous-entendus au revers de la cotte de la Vierge du diptyque de Melun (fig. 432). Dans la moitié des cas, le laçage est tel que les lacets traversent alternativement des œillets disposés au plus près de chaque bord des fentes à rapprocher (fig. 432, 457 et 458), rattachés par couture sur l’avers du vêtement (fig. 457). Pour l’autre moitié, les cordons passent successivement au travers de deux œillets situés du même côté du vêtement mais plus éloignés des bords (fig. 430, 431, 456). La portion de l’annelet cousue au textile est-elle alors plus importante ? Le laçage au moyen d’annelets échappe la plupart du temps à l’observation lorsqu’ils sont disposés au revers de la pièce vestimentaire (fig. 432) car la fente est généralement entièrement refermée. Sur un autoportrait d’Albrecht Dürer, réalisé vers 1500, deux annelets sur le haut de la poitrine retiennent un cordon permettant le maintien d’une cape (fig. 459). A. Berthon a relevé l’existence d’annelets sur un portrait d’Oswald Krel par Dürer, le long d’un cordon retenant un éventuel pendentif. Ils n’ont qu’un simple rôle décoratif (fig. 460)4590. 4586 Annexe 8, doc. 21. Coulet 1988, p. 479. Piponnier 1970, p. 187 (comptes de Jehan Legay, argentier de Jeanne de Laval, 1456 - 1458 ?). 4588 Pansier 1925-1927, t. 2, p. 215-216. 4589 Annexe 8, doc. 23. 4590 Berthon 2012, p. 44. 4587 1026 3. Approche croisée du mobilier archéologique En Italie, D. Andrews, en 1979, est le premier à proposer de reconnaître un annelet fermé en tant qu’œillet en renvoyant à des tableaux italiens de la seconde moitié du XVe siècle où ces objets apparaissent en situation4591. Au même moment au Royaume-Uni, le processus d’identification des œillets à torsade est initié en se basant sur des données archéologiques telles que la conservation de fragments de textile ou de cuir. Toutefois, il faut attendre 2012 et un état des lieux sur la question par A. Berthon pour que soit développée une argumentation plus complète4592. Les annelets du corpus sont-ils tous des œillets ? Ceci paraît peu probable. Pour le moment, seuls des exemplaires de type A1a (fig. 130, n° 1 à 18), de loin les plus courants, et de type B (fig. 455), ont été mis au jour dans des sépultures. De par sa conformation, un annelet circulaire s’adapte à une multitude d’usages comme nous l’avons énoncé en préambule de l’étude des boucles et anneaux circulaires4593. Il peut notamment être employé en tant que bouclette avec un ardillon (fig. 135), comme maillon de chaînette (fig. 496, n° 9, 11, 16) ou éventuellement dans de la mailles treslie (fig. 126). Cependant, ces deux dernières fonctions ne permettent pas d’expliquer pourquoi la quasi-totalité des exemplaires du corpus sont entiers : la part d’objets fragmentaires devrait être plus élevée si ces assemblages avaient été cassés4594. Certains spécimens ont également pu réceptionner le crochet d’une agrafe comme cela est attesté pour des anneaux de plus grande dimension4595. Le catalogage des annelets ne conservant pas de fibres textiles dans cette catégorie de mobilier relève d’un choix raisonné fondé sur les caractéristiques des quelques exemplaires dont l’identification est certaine. La relative fréquence des annelets en contexte archéologique et dans l’iconographie, mise en rapport avec les quantités extraordinaires commandées par la boutique de la compagnie Datini pour la seule ville d’Avignon, incite à penser que cet emploi en tant qu’œillet était très courant et très certainement majoritaire. Les œillets métalliques sous forme d’annelets sont assez fréquents dans les contextes funéraires du sud-est de la France, mais sur les plus de 110 exemplaires du corpus répertoriés la plupart proviennent des remblais dans lesquels sont creusés les sépultures et seulement une vingtaine provient de huit sépultures et un caveau. La plupart de ces objets sont cependant trop isolés pour que leur fonction – si tant est qu’ils n’ont pas été apportés par le comblement 4591 Andrews 1978, p. 198, n° 68. Berthon 2012, p. 44. 4593 Se reporter au chapitre 3.1.3.2. 4594 Les maillons de chaînette sont nécessairement liés à au moins deux autres maillons et les mailles de mailles treslie sont ordinairement reliées à quatre autres mailles. 4595 Dilly et al. 1999, p. 128 et 129, n° 5.25 et 5.26. 4592 1027 3. Approche croisée du mobilier archéologique – puisse être envisagée sur des bases sérieuses. Dix d’entre eux ont toutefois été découverts dans une sépulture d’adulte mise en place entre le XIVe et le XVIe siècle. L’absence d’informations sur la localisation exacte de ces objets ne permet pas de savoir s’ils ont participé à la fixation d’un drap mortuaire ou s’ils étaient intégrés au costume, pour la fermeture du devant d’une robe ou des chaussures par exemple. 3.3.3.2.Typologie des œillets Peu d’annelets ont conservé des restes de tissu sur le cadre et il paraît bien difficile de certifier un usage dans le costume pour le reste des pièces archéologiques. Afin de garder une cohérence dans l’étude des objets, il a été fait le choix de cataloguer l’ensemble des annelets dans le chapitre 3.1.3.2 sur les anneaux et boucles plutôt que d’extraire les annelets dont l’oxydation a permis la préservation du tissu. Pour assurer la correspondance avec la typologie des œillets, la classification typologique des annelets est la même que celle des œillets de type annelet (types A1 et A2). Les annelets sont scindés en deux sous-types selon que le matériau est un alliage cuivreux (type A1) ou du fer (type A2). À l’intérieur du type A1, les objets fabriqués avec un fil quadrangulaire ont été classés dans le sous-type A1a, ceux avec un fil bombé à l’avers et plat au revers dans le sous-type A1b, ceux avec un fil circulaire dans le sous-type A1c. Les spécimens au cadre de section circulaire obtenus par la fonte appartiennent au sous-type A1d. Un traitement statistique ayant permis de mettre en évidence une césure entre 1,6 et 1,7 cm dans le diamètre des anneaux étudiés, ceux d’un diamètre supérieur à 1,6 cm ont été rangés dans les types A3 et A4 des boucles et anneaux et ne sont pas considérés comme de possibles œillets. Ces dimensions sont en effet disproportionnées par rapport aux besoins supposés, à savoir le passage de cordons pour la fermeture des vêtements. Type A : Œillet de type annelet (fig. 454) Les annelets employés ou qui ont pu être employés en tant qu’œillet de vêtement sont traités dans le chapitre 3.1.3.2 concernant la typologie des anneaux et boucles sous les types A1a, A1b, A1c, A1d et A2. 1028 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type B : Œillet à torsade(s) (fig. 455) Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 2125 dans un niveau de dépotoir daté vers 1365 - vers 1400.  Rue Racine, Avignon : n° 22, couche de dépotoir située vers 1530 - 1540. Ces objets sont confectionnés à partir d’un fil de section circulaire dont les extrémités sont réunies en une ou plusieurs torsades pour fermer l’anneau ainsi constitué. Les exemplaires du corpus se démarquent de la plupart des spécimens de la bibliographie par leur morphologie ovale presque quadrangulaire. Un seul et unique artefact en provenance d’une couche de destruction du XVIe siècle du château de Vuache à Vulbens en Haute-Savoie est également quadrangulaire4596. La majorité des œillets de ce type, retrouvés un peu partout en Europe, sont cependant de forme circulaire ou ovale4597. Peut-être la conformation oblongue 4596 Raynaud 1993, p. 98, dimensions inconnues. France, Côte-d’Or : un œillet, sépulture féminine, léproserie, Mersault (Berthon 2012) ; HauteSavoie : un objet à fenêtre circulaire avec une torsade de dimensions inconnues, couche de démolition du XVIe siècle, château de Vuache, Vulbens (Raynaud 1993, p. 98). Meurthe-et-Moselle : huit artefacts à torsade unique à fenêtre circulaire ou ovale, niveaux d’abandons et de destructions, L x l = 1,15/1,3 x 0,65/0,9 cm, début XVIIe siècle, maison forte des Armoises, Richardménil (Guarascio et Giuliato 2007, p. 143, fig. 115). Moselle : cinq exemplaires à torsade unique à fenêtre circulaire, L x l = 1,7/1,8 x 1,7/2 cm, ancienne église, Bliesbruck (Vianney et al. 2012, p. 134, fig. 63). Seine-etMarne : deux individus à fenêtre ovale avec une torsade, L x l = 1,4/1,6 x 0,55/0,6 cm, fin XIVe début XVe siècle, utilisations de latrines, château de Blandy-les-Tours (Coste 2006a, p. 122 et n° 176 du catalogue). Italie, Province de Gênes : un anneau à fenêtre circulaire avec une torsade, vers 15501589 (Andrews 1978, p. 194, n° 44). Royaume-Uni, Dumfries and Galloway : dix-sept individus dont six dans des sépultures, l’un d’eux mesurant : L x l = 1,4 x 1,1 cm, seconde moitié du XIVe première moitié XVIe siècle, Withorn and Saint-Ninian (Nicholson 1998a, p. 384) ; un œillet à fenêtre circulaire, L x l = 1 x 0,9 cm, 1370 - 1455, château de Threave (Caldwell 1981, p. 107, n° 23). Edimbourg : quatre artefacts à une torsade dont au moins un à fenêtre circulaire, d. fenêtre = 0,8/1,6 cm, XVe siècle ou postérieur, cathédrale Saint-Gilles d’Édimbourg (Franklin et Collard 2006, p. 54). Leicestershire : un objet à fenêtre circulaire avec une torsade, L x l = 0,85 x 1 cm, milieu XIVe siècle, The Austin Friars (Clay 1981, p. 137, n° 55). Londres : treize œillets dont dix entre la seconde moitié du XVe - première moitié XVIe siècle et le dernier quart du XVIe siècle, trois autres dans des contextes des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècle, sites divers (Egan 2005, p. 62-64). Scottish Borders : un exemplaire à fenêtre circulaire avec une torsade, L x l = 1,1 x 0,9 cm, 1560 - 1875, abbaye de Jedburgh (Caldwell 1995a, n° 56). Southampton : quatre éléments à une torsade à fenêtre circulaire, L x l = 1,3/1,8 x 1/1,3 cm, vers 1550 - 1650, un œillet, L x l = 1,7 x 1,2 cm, vers 1630 - 1640, sites divers (Harvey et al. 1975, n° 1817 à 1820, 1871). Yorkshire du Nord : un exemplaire à fenêtre circulaire avec une torsade, seconde moitié XIVe - milieu XVe siècle, deux exemplaires à fenêtre circulaire avec une torsade, 1ère moitié XVIe - XXe siècle, L x l = 1,6 x 1,5 cm, habitat médiéval de Wharram (Goodall 1979, p. 112) ; dix spécimens à fenêtre circulaire ou ovale à une torsade, L x l = 1 x 0,75 cm à 1,75 x 0,75 cm, XVe et XVIe siècle, sites divers, York (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2921). West 4597 1029 3. Approche croisée du mobilier archéologique de certains d’entre eux n’est-elle due qu’à une déformation ? Il a déjà été mentionné en introduction que quatre de ces œillets ont été relevés dans la zone du coude droit et six autres le long du bras gauche d’un squelette féminin peut-être d’Époque moderne dans la léproserie de Mersault en Côte d’Or4598. L’un d’eux conservait encore des restes de tissu sur la torsade. À Norwich, une sépulture renferme une série d’œillets à torsade le long des bras4599. Toujours outre-manche, des fragments de textile et de cuir ont été conservés au contact d’œillets à torsade, dans des remblais et des sépultures, du XVe siècle ou postérieurs, du cimetière de l’abbaye de Linlithgow, dans le West Lothian4600, mais aussi dans un contexte daté vers 1530 - 1550 sur le site d’Abbots Lane à Londres4601. Les éléments disponibles conduisent à proposer une datation typologique des œillets à torsade(s) entre le début du XIVe siècle et le XVIe siècle, les éléments postérieurs paraissant résiduels. Cependant, un objet à fenêtre circulaire avec deux torsades proviendrait d’une sépulture mérovingienne du début du VIIIe siècle mais la « fouille » fut réalisée par le propriétaire4602. Un autre artefact à une seule torsade a toutefois été découvert sur le site de Colletière à Charavines-les-Bains en Isère, occupé dans la première moitié du XIe siècle4603. S’agit-il d’un objet intrusif ? 3.3.3.3.Synthèse L’introduction de cette partie a montré que de nombreux annelets métalliques ont été employés en tant qu’œillets de vêtement. Leur diamètre est compris entre 0,7 et 1,2 cm. Cependant, la ventilation du diamètre de ces objets en fonction de leur sous-type (fig. 127) met en évidence une séparation en deux catégories : l’une ayant les valeurs 0,7 et 1,1 cm pour extrêmes, l’autre rassemblant les mesures comprises entre 1,2 et 1,6 cm. L’usage des annelets en tant qu’œillet semble avant tout concerner les objets du premier groupe. Les annelets en fer (A2) du premier groupe sont peu nombreux. Cela n’empêche pas qu’ils aient pu être employés Lothian : 27 exemplaires à fenêtre circulaire ou ovale, XVe siècle et postérieur, abbaye de Linlithgow (Stones 1989, p. 159, microfiche section 9.5.5, fiche 12.G2). 4598 Berthon 2012, p. 43. Un des œillets, fragmentaire, a été identifié comme une barbacane mais ce qui en est conservé semble plutôt correspondre à un œillet à torsade. 4599 Margeson 1993, p. 20 cité par A. Berthon (2012). 4600 Stones 1989, p. 159, il. 110, microfiche section 9.5.5., fiche 12.G2. 4601 Egan 2005, p. 62, n° 276. 4602 Ehretsmann 1981, p. 77. 4603 Colardelle et Verdle 1993, p. 216. 1030 3. Approche croisée du mobilier archéologique comme œillets. On se reportera au chapitre 3.1.3.2 pour plus de précisions sur l’analyse des diamètres des annelets et bouclettes. Les annelets en alliage cuivreux du premier groupe, de section quadrangulaire (A1a), sont particulièrement rares avant le début du XIVe siècle, période à laquelle apparaissent l’ensemble des autres type d’œillets (fig. 500). Le début du XIVe siècle est marqué, dans l’iconographie, par une augmentation de l’utilisation du laçage comme moyen de fixation, notamment pour le devant du vêtement féminin et la fixation des chausses masculines. L’usage des œillets du corpus cesse progressivement avant le milieu du XVIe siècle, suivant en cela les attestations d’œillets métalliques dans l’iconographie d’Europe de l’ouest, avec semble-t-il un léger sursis pour les exemplaires à torsade(s) qui perdurent jusqu’à la fin du siècle. Aucune autre forme d’œillet métallique ne paraît leur succéder immédiatement d’après les recherches dans la bibliographie archéologique alors que la fixation par laçage devient de plus en plus appréciée. Il se pourrait que la mode soit revenue aux œillets textiles, qui n’avaient pas cessé d’exister, et que cela ait occasionné la disparition des spécimens en métal. 1031 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.3.4. Les boutons 3.3.4.1.Les boutons en contexte Le bouton est une petite pièce de tissu, de métal, de pierre, de matière dure d’origine animale ou végétale cousue à l’une des parties d’un vêtement et destinée à passer au travers d’une bride brodée au point de poste ou d’une boutonnière, c’est-à-dire une fente ménagée dans le bord à rapprocher et destinée à le recevoir pour la fixation. Isolé ou monté en série, il a dans le costume un rôle décoratif et/ou fonctionnel. D’après C. Frugoni, l’aspect utilitaire ne serait intervenu que dans un deuxième temps, mais aucun élément ne prouve son affirmation4604. En Provence, la fabrication de boutons non orfévrés avant le XVIIe siècle n’est attestée que par la mention d’un certain Benoit Torturel, faiseur de botons, en tant que témoin dans un acte daté du 9 septembre 15614605. Il est très probable qu’une partie importante des boutons médiévaux, si ce n’est majoritaire, aient été en tissu ou en cuir4606, parfois avec une âme en bois ou en étoupe4607. Ceci expliquerait la relative faible fréquence des boutons métalliques en contexte archéologique notamment en contexte funéraire, antérieurement au XVIIe siècle, période d’essor pour ces petits accessoires en métal. Les spécimens textiles n’ont bien évidemment que rarement survécu. Une aumônière dite de Henri Ier comte de Champagne (XIVe siècle) dans le trésor de la cathédrale de Troyes, le pourpoint dit de Charles de Blois (XIVe siècle) (fig. 470) au musée des Tissus de Lyon, une jacque ou pourpoint conservée au musée des Beaux-Arts de Troyes4608 et les découvertes archéologiques londoniennes du second quart jusqu’à la fin du XIVe siècle4609 donnent de très bons exemples de ces boutons. L’importance, dans l’iconographie de la période considérée, du nombre de boutons figurés de la couleur du tissu sur lequel ils sont fixés, et ce quels que soient les artistes, semble indiquer qu’ils étaient fort communs. Pourtant, leur mention n’est pas courante et la plupart du temps 4604 Frugoni 2001, p. 102-103. 3 E 12 1339, f° 654 v°. 4606 Un bouton noué en cuir à été retrouvé sur la motte de Moulins-sur-Céphons dans l’Indre dans un contexte du XVe siècle (Querrien (dir.) 1990, p. 43, 45, n° 35) 4607 Le marchand Gabriel Ranquet, lorsqu’il établit sa boutique en 1590 au Puy-en-Velay, ne vend que des boutons textiles à la dizaine (Framond 2006, p. 139-140). 4608 Fastes du gothique 1981, n° 341, 342, 345. 4609 Crowfort et al. (dir.) 2001² p. 168-172. 4605 1032 3. Approche croisée du mobilier archéologique tardive : au début de son règne, le roi René a porté une jaquette de chamelot à la façon de Turquie fermée de cordons et boutons de soie noire tout au long, et à la fin des années 1440, son tailleur lui fournit une robe boutonnée tout du long de boutons de soie4610 ; en 1453, le pelletier et valet de chambre du roi René est remboursé pour achat d’une once et demye de soye pour faire les saguerelles et boutons de ladite jaquette 1 f.4611. En 1545 la balle d’un colporteur décédé à l’Isle-sur-Sorgues mentionne une grosse de botons gris et blans d’une valeur de cinq gros. En 1575, la boutique du marchand marseillais Claude Moulard contient une grosse de boutons de soie noire, plats, à vingt sous la grosse, 14 grosses de boutons de soie à la turque à 22 sous la grosse, 22 douzaines de boutons longs de soie à six sous la douzaine4612. Peut-être faut-il inclure parmi les exemplaires en tissu deux grosses de bouttons picatz – grenus – à six sous la grosse et une grosse de bouttons a las d’amour à sept livres la grosse. Dans le nord de l’Europe et par exemple à Metz, des chaussures des XIVe, XVe et XVIe siècles conservent des boutons en cuir noué4613. En 1379, la ville d’Avignon fait acheter une courroie de cuir (coregat) pour faire des boutons et ourler les couvertures destinées à couvrir des arbalètes4614. Les matières dures d’origines animales ou végétales sont illustrées dans les sources archivistiques par des boutons en ambre, en perle et même en corail4615. Ainsi, des botoni de ambra, avec des pièces d’orfèvrerie, servent de gages à Bernard Bonnafous auprès du marchand marseillais Jean de Manduel en 12574616. En 1273, cinq boutons en ambre doré d’un drapier décédé sont vendus à l’encan au prix de 7 sous et 6 deniers4617. Les perles sont un peu plus fréquentes. En 1361, l’inventaire des biens du défunt marchand Bernard de Favas enregistre onze boutons de perles (botoni perlarum), celui de son fils Marquès de Favas, décédé en 1373, rapporte la présence de huit boutons de perle sur un capuchon de drap vert et de deux autres de petites taille sur un manteau4618. En 1376, le pape Grégoire XI fait acheter dix-sept deniers de perles pro botono au prix de 32 florins de la Chambre l’once4619. Dans sa lettre datée du 29 septembre 1384 à destination de Marco Datini à Prato, son associé à 4610 Piponnier 1970, p. 166. Arnaud d’Agnel 1908, n° 2180, l’achat se fait alors que le roi René est hors de Provence. 4612 Annexe 8, doc. 26. 4613 Groenman-Van Waateringe et al. 1975, Goedert et al. (dir.) 1996, n° 166. 4614 Pansier 1914a, p. 48-49. 4615 Les trousseaux de mariage des femmes juives répertorient parfois des boutons en corail d’après J. Sibon (2009, p. 327). 4616 Blancard 1884, t. 1, doc. 132, p. 213-214. 4617 Blancard 1884, t. 2, doc. 13, p. 410. 4618 AD BDR Marseille, 3 HD H 12, pièce 7 ; Barnel 1993, p. 76. 4619 Müntz 1891, p. 196. 4611 1033 3. Approche croisée du mobilier archéologique Avignon Boninsegna de Matteo se plaint qu’un des commis, Jacopo Giroli, gâte trop sa femme, faisant jaser le voisinage, et notamment qu’il lui ait fait faire une robe d’été ouverte sur le devant avec des boutons de perle jusqu’aux pieds4620. Cinq ans plus tard, deux particuliers d’Avignon s’échangent un manteau avec six botons de perlas4621. En 1391, un inventaire des biens d’un marchand d’Avignon enregistre un chaperon (capucium) avec huit boutons de perle qui devaient le fermer au col4622. L’année d’après, c’est un autre chaperon de drap de soie garni d’une once et six deniers de perlae grossae, à 22 florins l’once, pour faire six botons que le bourgeois avignonnais Paul de Sade offre à celle qui vient de l’épouser4623. En 1423, l’inventaire de la cathédrale de Grasse répertorie une chlamyde rouge in quo sunt quatuor botoni perlarum pour la statue de la Vierge4624. Des boutons en perles de jais (patenostres de giet) sont disposés tout au long du devant d’une robe a la turquesque faite par le tailleur de la cour comtale pour le roi René au milieu du XVe siècle4625. Les boutons en or sont réservés aux grandes fortunes mais ceux en argent sont plus fréquents car moins onéreux. En 1278, parmi les biens du drapier marseillais Etiennet Civate mis à l’encan, il est vendu VI botoni argenti vergatos – en forme de verges ? – au prix de 8 deniers et douze boutons plats (plani) en argent pour 14 deniers4626. En 1340, le trousseau de mariage d’Isabelle Fresquet, fille d’un chevalier de Toulon, comprenait entre autre une chlamyde doublée de petit vair avec bouton d’argent sur le devant4627. Les vêtements du pape ne sont pas moins ornés. En 1318, des floches d’argent boutonnées de perles (caudae argenteis botonorum perlarum) sont fixées sur une cape papale4628. Dans ce cas, le terme bouton sert à désigner un ornement circulaire ou sphérique et non le bouton en tant qu’objet fonctionnel4629. Les comptes de la chambre apostolique mentionnent à la date de 1341 la 4620 Brun 1935, p. 64. Pansier 1925-1927, t. 2, p. 99. 4622 Pansier 1907, p. 356. 4623 Bresc 1988b, p. 121. 4624 Doublet 1907, p. 88. 4625 Piponnier 1970, p. 166. 4626 Blancard 1884, t. 2, doc. 13, p. 403-404. 4627 Lambert 1887, p. 426-427. 4628 Schäfer 1911, p. 205. 4629 Cet usage des termes bouton et boutonné se rencontre pour des objets aussi divers que des courtespointes (Pansier 1925-1927, t. 2, p. 191 et Schäfer 1914, p. 500), des parements d’autels (XV boutons pour lesditz quatre carreaulx, Comptes du roi René, n° 789), pour des pendants de harnachement (pour deux grans boutons à pendre au cou dudit cheval, Comptes du roi René, n° 2260) dans la bijouterie pour qualifier une grosse perle (Albanès 1883, p. 156, n° 6), dans le domaine de la vaisselle orfévrée pour décrire une excroissance au sommet du couvercle d’un calice (Albanès 1883, p. 156). 4621 1034 3. Approche croisée du mobilier archéologique fabrication par un orfèvre de deux boutons d’or pour un pluvial du poids d’une once et dix deniers sur lesquels ont été disposés dix grenats et dix saphirs d’une valeur un peu inférieure à six gros tournois. Le travail est compté pour 3 florins4630. Douze ans après, la pose de trois boutons d’or achetés trois florins sur une étole papale est facturée 1 florin4631. Les bourses pouvaient également être fermées ou décorées de boutons ainsi que l’atteste l’achat en 1364 de deux bourses de velours rouge munies de botoni aurei4632. Des exemplaires de même matériau sont disposés sur un pluvial en 13694633. En 1389, deux particuliers s’échangent treize boutons d’argent et deux ans plus tard, c’est un capucium de femme avec huit boutons plats (platei) qui est inventorié parmi les biens du marchand avignonnais Guillaume Vial4634. Ce vêtement, cette fois-ci masculin, est également le support de 23 boutons d’argent doré et six autres d’argent émaillé (esmailhatus) en 1380 dans l’inventaire après-décès des biens de Guillaume Roger, comte de Beaufort4635. En 1427, le trousseau de mariage de Madeleine Gaudin, fille d’un drapier, compte entre autre une gamona rouge avec des boulons (appliques circulaire bombées ?) et des boutons d’argent doré (superdeauratus) et deux paires de manches amovibles (ponheti4636) de tissu vert boutonné d’argent4637. En 1436, l’inventaire après-décès du berger Antoine Altéran mentionne unum par de punhet avec douze boutons d’argent blanc4638 et en 1450, une dame de Grasse est obligée de mettre en gage une jaque avec trois boutons d’argent4639. Le roi René offre en 1476 des boutons d’argent doré à la petite Hélène4640. Un peu moins d’un siècle après, en 1565, l’inventaire d’un marchand d’Avignon enregistre trois douzaines de botons d’email4641 et, en 1573, l’inventaire des biens d’un D’autres floches à boutons sont également disposées sur une dalmatique de la cathédrale de Digne inventoriée en 1341 (Arnaud d’Agnel et Isnard 1913a, n° 223), fixées par un brodeur en 1369 sur des cappes et des surtouts qui ne paraissent pas être destinés au pape (Schäfer 1937, p. 240), et une floche à bouton se retrouve sur un chapeau en castor pour le roi René (Arnaud d’Agnel 1908, n° 788, hors de Provence). 4630 Schäfer 1914, p. 153. 4631 Ibid., p. 500. 4632 Schäfer 1937, p. 120. 4633 Ibid., p. 240. 4634 Pansier 1907, p. 356. 4635 Papon 1777-1786, t. 3, Pièce L, p. LXVII. 4636 De pougnet, poignet en provençal. 4637 Brun 1924, p. 235. 4638 Feracci 1976, p. 117. 4639 Malaussena 1969, p. 225. 4640 Arnaud d’Agnel 1908, n° 908. 4641 Annexe 8, doc. 24. 1035 3. Approche croisée du mobilier archéologique marchand de vin aixois contient deux boutons d’or aces gros et un hault de chausses avec quatre boutons de fil d’or4642. Les boutons en métal non précieux n’apparaissent pratiquement pas dans la documentation textuelle, leur faible valeur ne nécessitant pas de les mentionner ou d’en spécifier le matériau. Les comptes de la chambre apostolique rapportent ainsi en 1352 la confection de trois vêtements (garnimens) boutonnés sur le devant (tota botonata ante) par le tailleur papal pour des nonces4643. En 1366, un tailleur de la cour est payé pour la réalisation de 70 amicts dont certains sunt facte cum nuclei seu botoni et quedam non pour des religieux montpelliérains4644. L’absence de précision quant au matériau de tous ces boutons et à la qualité des personnes à qui ils sont destinés peut être interprétée comme la preuve qu’il s’agit d’une matière de peu de valeur, sans doute un alliage cuivreux ou du tissu. Les comptes de la tutelle de Douceline de Saze mentionnent également l’achat en 1352, 1354 et 1356 de botons sans indication de matériaux pour un corset, un chaperon et une robe4645 et en 1452, l’inventaire des biens de Guillaume Cocorde rapporte une couverture ou un manteau (vanoa) boutonné4646. En 1481, le fils du roi René, Charles du Maine, fait usage d’un pourpoint à l’italienne boutonné devant4647. Toutefois, les boutons de métal cuivreux apparaissent dans quelques documents. En 1363, la boutique avignonnaise de Marco Datini demande à la filiale milanaise l’envoi de douze grosses de boutons d’alliage cuivreux de couleur jaune ronds et gros comme uno grossi ciecie per pucchioni4648 ainsi que douze autres grosses de boutons blancs de même forme4649. Deux ans plus tard, il est demandé à la filiale florentine 2000 boutons de Lucques gros, moyens et petits en alliage cuivreux jaune ou de couleur argent et vernis pour bourse, 1000 boutons de petite verge de soie de bourse, 4000 boutons contrefaits d’alliage cuivreux jaune bien estampés/emboutis avec une bonne bélière bien soudée, de huit ou dix sortes4650. En 1396 - 1397, le livre de compte d’une mercerie de Carpentras rapporte la vente d’une douzaine et demi de boutons, de 2 et 3 douzaines de botons de loton pour 4642 AD BDR Aix, 303 E 155, f° 1525 r° et 1526 v°. Schäfer 1914, p. 500. 4644 Schäfer 1937, p. 190. 4645 Pansier 1925-1927, p. 41, 46, 51. 4646 Ibid., p. 191. Dans le dictionnaire de Du Cange, le terme vanna qualifie une sorte de couverture. 4647 Piponnier 1970, p. 183. 4648 Cette phrase n’est pas comprise : demande-t-on des boutons ronds et gros comme une certaine pièce de monnaie ? 4649 Frangioni 2002, p. 156. 4650 Ibid., p. 112 et 113. 4643 1036 3. Approche croisée du mobilier archéologique respectivement 3 et 4 sous la douzaine4651. Elle enregistre aussi l’achat par la boutique de deux grosses de boutons de loton pour 1 livre 4 sous soit 1 sou ou 12 deniers la douzaine, puis de 7 grosses de boutons sans autre indication auprès de Jean Donarso pour 3 livres 8 s, soit à peu près 9,7 deniers la douzaine4652. En considérant qu’à la valeur de vente la plus basse correspond la valeur d’achat la plus basse et ainsi de suite, la marge du commerçant varie entre 3,7 et 4. La quantité de boutons acquise par la boutique est surprenante par rapport au chiffre peu élevé des ventes, peut-être les stocks étaient-ils épuisés et que l’approvisionnement tardait ? Dans ce cas, pourquoi les ventes n’augmentèrent-elles pas par la suite ? Les tarifs de péage d’Avignon sont très instructifs sur les qualités des boutons qui entrent à Avignon. À la fin du XIVe siècle4653, seuls deux types sont imposés, tous deux à 4 deniers la centaine : les botons d’aur o de seda pour garnir les bources et les botons de loton blancs o dauratz. Ces accessoires sont rangés dans la catégorie mercerie de Florence ce qui montre l’importance de la cité italienne dans l’approvisionnement de la cité papale dans ce genre d’articles. En 15824654, la liste s’est allongée à cinq références. Les moins taxés sont les boutons de soy faitz a lasses et les boutons de fil d’or ou d’argent, puis les boutons de soye ou philozelle, les boutons de louton blanc et doures, esmalies, et enfin les boutons de fil. Curieusement, les boutons en matière précieuse ne sont pas les plus imposés. La raison en est certainement la volonté de protéger une industrie locale produisant des boutons de simple fil ou en alliage cuivreux. En 15994655, les boutons de filoselle faitz et lassetz, consistant en la réception du bouton par une ganse fixée au bord opposé du vêtement, font leur apparition avec le tarif le plus bas. En 16154656, il est rajouté les boutons de fil d’or ou d’argent avec soye, les boutons de soye a gances, moitié or ou argent et trences, les boutons de fil a gances et les boutons d’acier émaillé. Deux sources règlementaires concernant le travail des artisans du costume complètent utilement le propos. La première est un règlement établi entre 1294 et 1297 par les autorités marseillaises concernant le prix du travail des tailleurs4657. Ces derniers se voient contraints de ne pas prendre plus de 5 sous pour la confection d’une cape de femme pro equitando, avec 4651 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882. Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 236 r°, 275 v°. 4653 AC Avignon, CC 1008. 4654 Bibl. Ceccano, Ms 1628, f° 1 r° - 16 v°. 4655 AD Vaucluse, E Pintat 15-502. 4656 AC Avignon, CC 1009. 4657 Pernoud 1949, livre VI, n° 43. 4652 1037 3. Approche croisée du mobilier archéologique des boutons et de la soie sur le chaperon, ni plus de 4 deniers pour un chaperon de femme sans frange avec de la peau ou de la soie avec passements en bordure et boutons mais sine frezo. Ces prix ainsi que ceux relatifs aux autres pièces du costume féminin mentionnés par ailleurs sont diminués d’un quart pour les filles de 9 à 12 ans, de moitié pour celles de 5 à 8 ans, au prorata du temps de travail pour les fillettes de moins de cinq ans. Pour les hommes, la tunique plate avec douze boutons posés sur chaque manche coûte 18 deniers de maind’œuvre, deux deniers pour chaque douzaine de boutons supplémentaires, deux sous si les manches sont plissées. Si le tailleur est également chargé de faire des vêtements de dessus, la tunique devra comporter des manches amovibles (manicas superfluas) sans que le fabricant puisse demander un supplément. L’Ordonament dels sartres de Perpignan (1303) cite une gonela francesca à seize boutons par manches et des marges franceses à douze boutons4658. À Marseille, le client demandant une cotte-hardie d’homme sans peau avec col et douze boutons à chaque manche est redevable de 20 deniers pour le travail et de deux deniers pour chaque douzaine de boutons supplémentaires. Le coût d’un vêtement est divisé d’un quart pour les enfants de 9 à 14 ans, de moitié pour ceux de 5 à 8 ans, au prorata de la quantité de tissu pour ceux de moins de cinq ans4659. Il est intéressant de remarquer que ce règlement semble prendre en compte la croissance plus tardive des hommes par rapport aux femmes. Fut-il appliqué ? Il est en tout cas peu probable qu’il le resta longtemps étant donné l’érosion monétaire ultérieure. Le second document est une ordonnance de 1348 du sénéchal Raimond d’Agout dont il déjà été fait mention4660. L’objectif de ce texte, qui ne semble pas avoir reçu de commencement d’application, est de limiter en Provence la hausse des prix consécutive à l’épidémie de peste en fixant un prix plafond pour un certain nombre de produits manufacturés ou non et de services4661. Les autorités locales avaient le pouvoir de l’adapter. Il y est précisé que le coût du travail pour la cottardie de femme ou cossen boutonnée sur le devant jusqu’aux pieds ne doit pas être d’un prix supérieur à cinq sols. Au départ, le prix est 4658 Bourrilly 1928, p. 90. D. Alexandre-Bidon constate que, dans l’iconographie, les enfants jusqu’à environ l’âge de sept ans étaient vêtus d’une robe ou d’une chemise unisexe (1989, p. 131-145). Le statut marseillais signalé ici, dont le seul objectif est de limiter les prix des vêtements, peut induire en erreur en faisant croire que l’ensemble de pièces détaillées ont pu être portées par les enfants. Bien évidemment, seules certains vêtements étaient susceptibles de convenir aux enfants de moins de cinq ans. L’âge de cinq ans a peut-être marqué, dans l’esprit du législateur, le moment du passage de l’état d’infantia à celui de pueritia (se reporter à Alexandre-Bidon 1989, p. 133). 4660 AC Brignoles, AA 504 ou DR 14 (nouvelle cote). 4661 Voir à ce sujet Braid 2008, p. 373. 4659 1038 3. Approche croisée du mobilier archéologique le même pour la cottardie avec quatre point de boutonnage, punchi botonatae, de la même manière, mais il est abaissé à quatre sols par les autorités de Brignoles. Les manches (manici4662) sans doublure (froyre) sont limitées à un prix de douze deniers et celles sans boutons (botoni) et sans doublure à six deniers. Ainsi que l’illustrent les sources textuelles, la fonction de fermeture par des boutons s’effectue, dans le costume, sur de multiples pièces vestimentaires et accessoires tels que l’étole, le pluvial, l’amict, la chlamyde, le pourpoint, la jaque et la jaquette, la cotte de maille4663, la robe, les manches, le chaperon, la bourse, la chaussure où ils peuvent être de cuir4664 ou de métal4665. Les changements de la mode déterminent leur emploi, leur emplacement, leur forme et leur taille. L’émergence de costumes près du corps au XIIIe siècle, puis l’apparition du costume court au milieu du XIVe siècle, jouent un rôle important dans l’emploi des boutons souvent disposés en série sur les manches (fig. 461 à 463) et sur le devant des vêtements de dessus et des manteaux (fig. 464 à 467), pour un ajustage au plus près afin de révéler la silhouette. En nombre réduit, ils peuvent être disposés à l’encolure (fig. 457, 469 et 472). Ils se retrouvent tout autant sur le costume des adultes que des enfants4666 (fig. 464). Leur forme, leur taille, leur nombre et leur matériau permettent des variations décoratives. La forme exacte des boutons n’est pas toujours clairement perceptible dans l’iconographie. Un bouton plat circulaire peut y être fort aisément confondu avec un bouton en relief. D’après M. Gaulard, les premiers boutons, sphériques, apparaissent dans cette source dans la seconde moitié du XIIIe siècle, groupés par deux ou trois. Au même moment, les XXIII manières de vilain font référence à des « noyaux »4667 et le livre des métiers d’Etienne Boileau en mentionne la fabrication. Vers 1268, les patenôtriers parisiens sont autorisés à fabriquer des noiaus a robe que on fait de os, de cor et yvoire et les boutonniers 4662 M. Gonon (1968, p. 89) rencontre dans les testaments lyonnais des XIVe - XVIe siècles le terme de mangiis pour les désigner. 4663 En 1345, les frères Bonis font faire 12 botos d’argen pour les manches de la cotte de maille de Pilfort de Belfort, prieur de Saint-Pierre de Campredon (Forestié (édit.) 1890-1893, p. 237). 4664 Voir Goedert et al. (dir.) 1996, n° 166. 4665 Ces boutons peuvent être confectionnés à partir d’une tôle enroulée et terminée en pointe. Voir à ce propos Montembault 2006. 4666 Sur une statue représentant la résurrection d’une fillette, conservée au Musée du Louvre, et ayant appartenu au tombeau d’Elzéar de Sabran, œuvre provençale réalisée vers 1370-1373, une file d’une douzaine de bouton est disposée au-dessous de chaque manche de sa robe, du poignet jusqu’au coude. 4667 D’après M.-T. Lorcin (2000), ce texte picard est datable de la seconde moitié du XIIIe siècle : « Le vilain double pattu est celui qui porte des houseaux coupés qui ont des boutons (noiax) par derrière. On dirait des portes coulissantes ». Se reporter à Jubinal et Johanneau 1834 pour le texte originel accompagné d’une mauvaise traduction. 1039 3. Approche croisée du mobilier archéologique d’archal et de laiton et de coivre neuf et viez voient la qualité de leur production réglementée4668. Cette multiplicité de références n’est pas le résultat de l’apparition des boutons mais plutôt celui de leur développement, comme le confirme les sources archéologiques4669 et également l’augmentation des sources écrites disponibles. Dès 1100, de longues tuniques sont fermées sur le devant par une série de boutons (fig. 468). Le chapitre consacré aux boutonniers dans le livre des métiers d’Étienne Boileau, vers 1268, explique que les cupules des boutons doivent être de même diamètre, bien soudées l’une à l’autre ainsi que la queue au corps du bouton. Il est ici décrit la fabrication des boutons du type B de la typologie, mais leur forme, globulaire ou discoïde, n’est pas précisée, au contraire des boutons plats qui doivent être bien ronds4670. Très courants dans l’iconographie du XIVe siècle4671, ces boutons deviennent rares au XVe siècle. À la fin du XIIIe siècle, des boutons plats ou aux formes plus évoluées existent déjà ainsi que le prouvent les spécimens plani et vergati mis à l’encan en 12784672. Selon M. Gaulard4673 et S. Malacrida4674, ceux-ci n’apparaissent dans l’iconographie qu’à partir de la fin du XIVe siècle. Cependant, la présence de boutons ronds et plats fixant le manteau sur l’épaule d’un pleurant du tombeau du pape Jean XXII, du second quart du XIVe siècle, recule d’ores et déjà cette datation (fig. 465). Ce mode de fixation se retrouve sur un fragment de statuette masculine découvert lors de fouilles à l’abbaye d’Aniane dans le Gard, daté stylistiquement par A. Hartmann-Virnich de fin XIVe - milieu XVe siècle4675 (fig. 466). Si l’usage des ces boutons se développe, contrairement aux autres moyens de fermeture hors ceinture, chaque pièce de vêtement en compte néanmoins un nombre plus restreint qu’auparavant (fig. 465, 466, 469 et 472). Les boutons métalliques ne sont pas plus fréquents que les ferrets de lacet et les œillets dans les sépultures. Ils sont pratiquement absents des inhumations avant le XVIIe siècle. Aucun indice ne permet d’envisager un usage dans la fermeture du drap mortuaire. Leur positionnement par rapport au corps, lorsqu’il est connu, peut être mis en corrélation avec un 4668 Lespinasse et Bonnardot (Édit.) 1879, p. 81-82, p. 151-154. Se reporter au sous-chapitre suivant. 4670 Lespinasse et Bonnardot (Édit.) 1879, p. 152 et 154. 4671 Malacrida 1983, p. 44 ; Gaulard 1971, p. 74-75. 4672 Parmi les biens du drapier marseillais Etiennet Civate mis à l’encan en 1278 (Blancard 1884, t. 2, doc. 13, p. 403-404), il est vendu VI botoni argenti vergatos – en forme de verge ? – et douze boutons plats (planos). 4673 Gaulard 1971, p. 75. 4674 Malacrida 1983, p. 44. 4675 Information aimablement communiquée par A. Hartmann-Virnich. 4669 1040 3. Approche croisée du mobilier archéologique emploi dans le costume. Les quelques spécimens rencontrés en Provence et en Italie sont du type B1. Alors que la symbolique de certains accessoires dans les sources littéraires et ethnographiques est particulièrement riche, celle du bouton se résume à une expression comparative à connotation négative que sous-entend la valeur de la majorité de ces pièces communes. Cette formule se rencontre dans la chanson de geste en langue d’oc de Daurel et Beton rédigée aux alentours de 1200 : Gardec las tors e va lor d’enviro, Eilh de la vila nol prezo I boto4676. Elle apparaît également dans un cobla du marseillais Bertrand Carbonel qui vécut à la fin du XIIIe siècle : Que si om non a d’argen Car, si un homme n'a pas d'argent O de gazanh no s’ajuda, Et ne cherche pas un appui dans le gain, Non es prezatz un boto. Il n'est pas estimé un bouton4677. Elle est encore plus suggestive dans le roman de Flamenca écrit vers 1240 - 1250 : Coirassa ni laimas de ferre, Cuirasse ni lames de fer, Perpoinz, ausbercs ni garbaisos Pourpoint, haubert ni gambaison No-y ajudava II botos N’aidaient pas plus que deux boutons A cui Guillems som bras estent Celui contre lequel Guillaume étendait son bras A terra no-l port mantenent. À n’être pas porté aussitôt à terre4678. 3.3.4.2.Typologie des boutons Les boutons textile ou en cuir, ces derniers étant employés sur les chaussures au moins depuis le XIe siècle4679, sont absents du corpus provençal, aucun exemplaire n’ayant été retrouvé en contexte archéologique pour la période d’étude, ni sur les quelques pièces vestimentaires conservées dans les musées et églises de Provence4680. Le mobilier a été classé en quatre catégories selon le mode de fabrication et de fixation. Les types A et B regroupent les boutons respectivement obtenus par la fonte ou par emboutissage et fixés au vêtement par 4676 Meyer 1980, vers 1150-1151. Traduction du cobla XIII par A. Jeanroy (1913a, p. 149). 4678 Traduction par R. Lavaud et R. Nelli (2000², vers 7010-7014). 4679 Grew et De Neergaard 1988, p. 20-23. 4680 Giroud 1989. 4677 1041 3. Approche croisée du mobilier archéologique le moyen d’une bride. Le type C rassemble les boutons en verre à bride en fer, et le type D, les exemplaires en métal et à trous pour la fixation. Type A : Bouton à bride obtenu par la fonte (fig. 475, n° 1 à 3) Ces boutons ont été répartis en deux sous-types selon qu’ils sont plats (sous-type A1) ou globulaires (sous-type A2). Type A1 : Bouton plat à bride obtenu par la fonte (fig. 475, n° 1 et 2) Bouches-du-Rhône  Château d’Hauture, Fos-sur-Mer : n° B769563, remblai du XVIe siècle Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1400, sol intérieur de grotte, vers 1285 - vers 1309/1315. Ces deux boutons plats obtenus par la fonte ont été confectionnés à partir d’un moule en trois pièces : l’une pour l’avers, les deux autres pour le revers. Pour le bouton de Rougiers (fig. 475, n° 1), la jonction des deux parties du moule de l’avers se fait à l’endroit de la bride dans le sens de sa longueur, pour celui de Fos-sur-Mer (fig. 475, n° 2), la bride, légèrement décentrée, n’est creusée que dans une seule de ces deux parties. Alors que le second objet est en matériau blanc et sans ornement, le premier, en alliage cuivreux, arbore un décor rappelant celui d’une monnaie ou d’un jeton : une bordure de rectangles rayonnants, sur laquelle se superpose une croix, remplace la légende monétaire. Ce motif de la croix avec décor rayonnant en bordure et/ou intégré dans un ou deux cercles, pour lequel certains ont cru percevoir une symbolique mystique4681, figure sur de nombreux jetons et boutons moulés (N.D.S.) découverts au château de Montségur dans l’Ariège4682. L’un de ces boutons4683 – la bélière est toujours disposée au milieu de la jonction des deux éléments revers du moule – présente une face avers presque identique à l’objet de Rougiers. La forme de la bride n’est pas connue, le profil de l’objet n’ayant pas été illustré. Une observation de visu des objets 4681 Sarret et Gastaud 1975, p. 38-41. Czeski 1981, p. 195, 196 ; Sarret et Gastaud 1975, p. 36, 38 ; Tricoire et Sarret 1973b, p. 27-28. 4683 Czeski 1981, p. 196, n° TC/120. 4682 1042 3. Approche croisée du mobilier archéologique ariégeois révèlerait peut-être qu’ils proviennent tous d’un même moule. Un artefact issu d’une couche de destruction d’une maison du site de Dracy en Côte d’Or occupé du XIIIe siècle au début du XVe siècle offre la même bordure rayonnante4684. L’objet de Fos-sur-Mer, bien que retrouvé dans un contexte du XVIe siècle, est peut-être antérieur, le site ayant été occupé dès le XIIe siècle. Un exemplaire de type A1 à motif de six dépressions rayonnantes autour d’un point central a été retrouvé au château de Friedberg à Meilen, non loin de Zürich, dans un contexte du XIIIe ou XIVe siècle4685. Des boutons plats trouvés hors stratigraphie obtenus par la fonte sont signalés dans le Portable Antiquities Scheme répertoriant les découvertes des détectoristes britanniques, mais il n’a pas été possible d’en trouver trace dans la bibliographie archéologique britannique4686. En l’état actuel, les éléments de comparaison manquent pour pouvoir proposer une datation typochronologique. Type A2 : Bouton globulaire à bride obtenu par la fonte (fig. 475, n° 3) Vaucluse  Impasse de l’Oratoire : n° 1253, troisième tiers XIVe siècle. Ce bouton globulaire, entièrement obtenu par la fonte, n’est pas sans rappeler les boutons en tôle de type B1 dont il est contemporain. Son corps est parsemé de coups d’un poinçon à pointe conique formant des alignements. Type B : Bouton à cupules embouties (fig. 475, n° 4 à 19 ; fig. 476 ; fig. 477, n° 1 et 2) Au sein de cette famille, les boutons à bride obtenus par emboutissage ont été répartis en six sous-types. Les deux premiers rassemblent les boutons globulaires avec ou sans ornementation emboutie (sous-types B1 et B2), les deux suivants, les boutons discoïdes avec ou sans décoration emboutie (sous-types B3 et B4), les derniers des boutons bombés décorés (sous-types B5 et B6). 4684 Piponnier 1975a, p. 78. Müller et al. 1981, p. 36-37, fig. 20, n° 44. 4686 www.finds.org.uk, par exemple la fiche HAMP-FFBCB5. Les catalogues de détectoristes anglais, à utiliser avec d’extrêmes précautions et dans l’optique d’une ouverture de la réflexion, en présentent également. Se reporter par exemple à Read 2010, p. 13 et suivantes. 4685 1043 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type B1 : Bouton globulaire à deux cupules embouties unies (fig. 475, n° 4 à 13) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 702, ossuaire, XIVe - XVIe siècle. Bouches-du-Rhône  18 rue des Magnans, Aix-en-Provence : n° 4, sol de la fin du XIIIe siècle ; n° 5 et 6, sol du XIVe siècle.  Cathédrale Saint-Sauveur, Aix-en-Provence : n° 49, H.S.  La Seds, Aix-en-Provence : n° 5 et 6, datation inconnue.  Château d’Hauture, Fos-sur-Mer : deux boutons sous la référence B569562, remblai de fin XIIIe - début XIVe siècle.  Alcazar, Marseille : n° 73, recharge de sol, fin XIIIe - début XIVe siècle ; n° 92, couche d’incendie du milieu du XIVe siècle.  Église abbatiale Saint-Victor, Marseille : n° 205, remblai du XVIIIe siècle.  Hospice de la Vieille Charité, Marseille : n° 4, remplissage de fosse du XVIIe siècle.  Place de la Providence, Marseille : n° 4, remblai d’abandon de la seconde moitié du XIIIe siècle.  Quartier Sainte-Barbe, Marseille : n° 136, second quart - milieu XIVe siècle. Var  Château d'Ollioules : n° 1, contexte d’abandon du XVIIIe siècle avec présence de céramique du XIVe siècle.  Cour de justice, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 356-14-14, contexte inconnu.  Castrum Saint-Jean, Rougiers , Var : n° 127, 184, 356, 3807, sols de bâtiment, n° 560 (deux objets), sol de circulation extérieure, milieu XIIIe - vers 1285 ; n° 3639, 3733, 3805, couches de dépotoir, trois exemplaires vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 1688, 1997, 2711, 2787, sols de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1255 et 1262, premier tiers du XIVe siècle ; n° 359 et 1208, seconde moitié XIVe siècle ; n° 362, troisième tiers XIVe siècle ; n° 1261, comblement de tranchée de récupération de mur, XVIIIe siècle ? 1044 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Palais des Papes, jardins orientaux, Avignon : n° 68, vers 1400 - vers 1410.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 847, niveau de destruction vers 1365, n° 197, 1808, 1865, 2302, 2381, couches de dépotoir, vers 1365 - vers 1400 ; n° 347, 569, comblement de tranchée, vers 1481 ; n° 735, fosse moderne.  Rue Carreterie, Avignon : n° 89, datation inconnue. Ce type de bouton est réalisé par brasure de deux demi-sphères en tôle obtenues par emboutissage. Avant leur fermeture, il est placé une attache appelée bélière fabriquée par découpe dans une tôle ou à partir d’un fil. Elle passe par un trou dans la cupule proximale, et est brasée au revers de celle-ci4687 pour assurer une bonne fixation. Parfois, la quantité de brasure est tellement importante qu’elle remplit en presque totalité l’intérieur du bouton, prouvant que la brasure était versée depuis la perforation de la cupule proximale et la bélière plantée dedans. Les dimensions de ce type d’accessoire sont relativement proches, le diamètre et la hauteur variant généralement entre 0,8 et 1 cm, parfois jusqu’à 0,5 et 1,2 cm. Quelques spécimens découverts en Italie conserveraient des traces de dorure4688. S. Amici décrit deux boutons qu’elle dit d’une seule pièce et avec, comme le montre une photo, un trou dans la cupule supérieure, vide4689. En tout état de cause, l’observation de l’archéologue a manqué de précision, ces deux objets dont l’un conserve des traces de dorure, ont très certainement été fabriqués par brasage de deux cupules. La perforation a pu permettre de laisser s’échapper le son émis par le mouvement d’une bille en fer comme cela est attesté pour un bouton de profil ovale avec deux perforations découvert, hors stratigraphie mais très certainement moderne, dans la cathédrale Notre-Dame du Bourg de Digne (fig. 471)4690. Des boutons toujours de petite taille à double cupule, mais cette fois l’une conique et l’autre circulaire bombée – la cupule distale – ont été retrouvés dans l’Église Sainte-Marie de Duilhac-sous-Peyrepertuse dans l’Aude dans un dépotoir des XVIe - XVIIe siècles4691, dans l’abbaye San Silvestro de Gênes dans une strate de la première moitié du XVe siècle4692, dans une couche de gravats de la deuxième moitié du XVIe siècle au château de Blandy-les-Tours 4687 Certains auteurs prennent cette brasure à base d’étain pour du plomb dont l’objet serait rempli. Province de Massa-Carrara : deux objets, XIe - XIIe siècle ?, collina di San Giorgio, Filattiera (Cabona 1982, p. 352). Province de Pordenone : 6 spécimens, fosse commune, bas Moyen Âge, église San Vito, Calci (Amici 1986, p. 253). 4689 d = 0,9 et 0,9/1 cm (Amici 1986, p. 253). 4690 N° 1204 découvert en 1992 : corps : d x h = 1,6 x 1,3 cm. Non intégré au corpus de cette étude. 4691 Bayrou et al. 1991, p. 75. 4692 Andrews 1978, p. 196, n° 51. 4688 1045 3. Approche croisée du mobilier archéologique en Seine-et-Marne4693. Enfin, un ossuaire daté entre le début du XVe siècle et la fin du XVIIIe siècle à Santa Maria del Mastro à Gerace dans la Province de Reggio Calabria4694, une strate du XVe siècle de la motte de Moulins-sur-Céphons dans l’Indre4695 ont chacun révélé un bouton dont les cupules sont coniques et, dans le premier cas, peut-être pyramidales. Les boutons de type B1 seraient attestés au moins depuis le Xe siècle d’après le positionnement de plusieurs exemplaires découverts sur le site de Miranduolo à Chiusdino dans la Province de Sienne4696. D’autres spécimens ont été retrouvés dans l’occupation des XIe - XIIe siècles de la tour médiévale de Collina di San Giorgio à Filattiera dans la province de Massa-Carrara. Cependant, l’espace est resté à l’air libre quelques temps avant d’être recouvert d’une couche de guano, ce qui a pu favoriser les intrusions de mobilier. Il n’est pas impossible que la présence des boutons de Miranduolo dans des couches aussi anciennes soit également intrusive. En tout état de cause, leur utilisation n’apparaît réellement qu’à partir du troisième quart du XIIIe siècle et semble cesser dans la première moitié du XVe siècle4697. La 4693 Coste 2006a, p. 120 et catalogue p. 176. Deux objets. Lebole di Gangi 1993, p. 472. 4695 Un village 1990, p. 44, n° 33. 4696 Italie, Province de Sienne : deux boutons, début IXe - seconde moitié Xe siècle, deux autres, deuxième quart XIe - première moitié XIIe siècle, Miranduolo, Chiusdino (Ceppatelli 2008, p. 419, fig. 187, n° 5). 4697 France, Aude : un bouton, XIIIe - XIVe siècle, chapelle Saint-Jean-de-Cas, Mailhac (Taffanel et Taffanel 1979, p. 46) ; un artefact, XIIIe - XVe siècle, château de Montséret (Immel et Lapeyre 1980, pl. VIII) ; deux exemplaires, dépotoir, XVIe - XVIIe siècle, Église Sainte-Marie, Duilhac-sousPeyrepertuse (Bayrou et al. 1991, p. 75) ; deux individus, N.D.S., château de Peyrepertuse, Duilhacsous-Peyrepertuse (Barrère 2000, p. 225). Cher : deux boutons, première moitié XIVe siècle, Grosse Tour, Bourges (Moirin 1999, p. 273). Corse : deux objets, XIVe - XVe siècle, un exemplaire, fin XIIIe - début XIVe siècle, village médiéval de l’Ortolo, Sartène (Comiti 1996, p. 46, 56). Hautes-Alpes : trois boutons, sépulture, XIe - XIVe siècle ?, nécropole de la Tour Saint-Laurent, Oze (Bonnefoi 1969, p. 25) ; un artefact, dégagements anciens, chapelle des Gicons, Saint-Disdier (Fichier Lucy Vallauri 1969). Hérault : un spécimen, XIIe - XIVe siècle, castrum de Ventajou, Félines-Minervois (Loppe 2006, p. 340). Seine-et-Marne : deux objets, couche de gravats, deuxième moitié XVIe siècle, château de Blandy-les-Tours (Coste 2006a, p. 120 et catalogue p. 176). Italie, Provence de Florence : 24 exemplaires, sépulture, 1333 - 1357/1364, cathédrale Santa Reparata, Florence (Buerger 1975, p. 207). Province de Gênes : un artefact, vers 1404 - 1450, couvent de San Silvestro, Gênes (Andrews 1978, p 196, n° 51). Province de Grosseto : treize boutons, dépotoir, XIVe siècle, Castel di Pietra, Gavorrano (Belli 2002, p. 152-153). Province de La Spezia : deux exemplaires, XIIIe - XIVe siècle, Monte Zigagno, Zigagno (Giardi 1985, p. 233 ; Gambaro 1990, p. 405). Province de Lucques : six spécimens, Pieve vecchia, Piazza al Serchio (Ciampoltrini 1984, p. 305) ; un individu, deuxième quart XIVe siècle, Verrucole, San Romano di Garfagnana (Ciampoltrini et Notini 2000, p. 183). Province de Massa-Carrara : deux objets, XIe - XIIe siècle, collina di San Giorgio, Filattiera (Cabona 1982, p. 352). Province de Pistoia : douze boutons, de la fin du XIVe au XVIIIe siècle, palais des Vescovi, Pistoai (Vannini 1985, p. 656, n° 3715). Province de Pordenone : 37 spécimens, fosse commune, bas Moyen Âge, église San Vito, Calci (Amici 1986, p. 253). Province de Savone : cinq individus, contexte inconnu, quartier San Domenico al Priamàr, Savone (Viara 1996, p. 384) ; trois artefacts, deuxième moitié XIIIe - premières décennies XIVe siècle et fin XIVe - milieu XVe siècle, Place et 4694 1046 3. Approche croisée du mobilier archéologique localisation des découvertes (fig. 474) met en évidence une diffusion majoritaire dans un arc de cercle depuis l’Aude jusqu’à la Toscane. Cependant, des exemplaires ont été découverts en Croatie et même en Hongrie dans des sépultures. La présence de boutons du type B4, dont l’aire de découverte est similaire, dans les mêmes contextes, conduit à envisager que ces deux types ont pu être diffusées par les mêmes centres de production. Bien évidemment, des questions de représentativité de la documentation rassemblée (fig. 473) cachent probablement une plus large diffusion géographique de ce type d’objet - au moins commerciale à défaut d’ateliers de production - mais il n’est pas anodin, par exemple, qu’il n’en ait été répertorié aucun exemplaire en contexte archéologique pour le Royaume-Uni, car la documentation accessible y est normalement suffisamment importante pour donner un bon aperçu de la culture matérielle. La carte de répartition des anneaux et boucles le montre par ailleurs (fig. 118)4698. Du reste, la relative rareté des boutons métalliques provenant de contextes archéologiques antérieurs au XVIIe siècle (fig. 473) souligne d’autant plus l’intérêt de la carte de diffusion des boutons de type B1 (fig. 474). Remarquons que les analyses de composition réalisées sur des boutons de ce type trouvés au castrum Saint-Jean à Rougiers ont montré que ces pièces étaient pour la plupart en laiton et d’une composition très proche4699. Les seuls boutons découverts dans des sépultures avant le XVIIe siècle sont de type B1. Dans la cathédrale Notre-Dame-du-Bourg de Digne, un ossuaire des XIVe - XVIe siècles en contenait un exemplaire. Il pourrait cependant y être arrivé par accident. Il en est sans doute autrement sur le site de la nécropole de la Tour Saint-Laurent à Oze dans les HautesAlpes : trois boutons de cette forme ont été relevés au-dessus du poignet d’un sujet féminin de 20 à 25 ans. Ils ajustaient vraisemblablement une manche. Un anneau trapézoïdal de ceinture fermant par agrafage avec sa chape, un mordant et une pince à épiler prouvent que la défunte couvent de Santa Caterina, Finale Ligure (Palazzi et Parodi 2003, p. 232) ; un spécimen, préparation de sol de chaux, seconde moitié XIXe - début XXe siècle, Le Priamàr, Savone (2001, p. 449, n° 1585). Province de Sienne : nombre indéterminé, type 2, fin XIe - début XVe siècle, château de San Silvestro, Sovicille (Belli 1998 cité par Cantini 2003 p. 174-175) ; un bouton, XIIIe - XIVe siècle, château de Montarrenti (Cantini 2003, p. 174-175, n° 23). Serbie, Comitat de Split-Dalmatie : très nombreux exemplaires dont la plupart dans des sépultures, mais certains sont d’un autre type avec une scission verticale et non horizontale, fouilles anciennes, cimetière du second Moyen Âge et d’Époque moderne de Saint-Saviour, Vrh Rika (Petrinec 1996, p. 11, 24, 39, 48, 50, 67, 90, 99, 107, 122). Hongrie, une vingtaine au moins, d’autres exemplaires sont de forme identique mais fabriqués à l’aide deux parties corps/cupule embouties assemblées verticalement, XIIIe - XIVe siècle ?, sites divers (Selmeczi 2005). 4698 Il n’est pas impossible que quelques exemplaires isolés se cachent dans des revues ou ouvrages auxquels il n’a pas été possible d’accéder, mais cela ne devrait pas remettre en cause la portée de l’observation. Un détectoriste anglais en signale ainsi un exemplaire dans un de ses catalogues, il l’aurait retrouvé dans le South-West Wiltshire (Read 2010, p. 33). 4699 Se reporter à l’annexe 2. 1047 3. Approche croisée du mobilier archéologique était habillée au moment de la mise en terre4700. Dans un contexte quelque peu différent, à San Vito dans la province de Pordenone en Italie4701, une fosse commune liée à un épisode épidémique au bas Moyen Âge a livré plusieurs corps qui, à l’évidence, étaient habillés au moment de leur dépôt. Des boutons globulaires à deux cupules embouties sont signalés pour dix corps. Huit boutons sur le bassin et quatre près de l’aisselle gauche ont été retrouvés sur le squelette d’un enfant de six ans. Les premiers ont pu aider à la fermeture d’une braguette, les deuxièmes à fermer l’encolure du vêtement de dessus. Le processus de décomposition du corps a sans doute occasionné un déplacement de ces derniers. Trois exemplaires ont été retrouvés sur le bassin d’un enfant de neuf ans. Sur le squelette d’une autre jeune personne, les objets étaient plus éparpillés et semblent avoir glissés depuis le dessus du torse. Ils assuraient sans doute la fermeture du devant du vêtement de dessus. Type B2 : Bouton globulaire à deux cupules embouties décorées (fig. 475, n° 14 et 15) Bouches-du-Rhône  Tunnel de la Major, Marseille : n°4, remblai de démolition de la seconde moitié du XIIIe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1252, premier tiers du XIVe siècle. Ces deux boutons ont un corps godronné obtenu par emboutissage, celui de l’impasse de l’Oratoire conservant des traces de dorure. Aucun exemplaire de la bibliographie ne présente de similitude avec ces objets, mais il existe d’autres boutons dont la cupule est ornée par emboutissage. Dans la fosse commune du bas Moyen Âge de San Vito, les deux calottes d’un bouton en alliage de bas cuivre doré sont découpées en bordure de triangles qui disposés l’un au-dessus de l’autre forment de petits losanges4702. Du sommet boutonné de la cupule distale partent six lignes terminées par deux volutes, décor dont le mode de réalisation n’est pas précisé, mais pour lequel l’emboutissage paraît probable. Enfin, sur le site de la Crypta Balbi à Rome, un bouton en argent doré issu d’une strate de deuxième moitié XIVe - début 4700 Bonnefoi 1969, p. 25. Amici 1986, p. 253. 4702 Amici 1986, p. 253. 4701 1048 3. Approche croisée du mobilier archéologique XVe siècle adopte une ornementation complexe où la forme des cupules joue un rôle important4703. Type B3 : Bouton discoïde à deux cupules embouties unies (fig. 475, n° 16 à 19 ; fig. 476, n° 1 et 2) Les boutons de ce groupe ont été classés en deux sous-types selon leurs dimensions. Type B3a : Bouton discoïde de taille moyenne à deux cupules embouties unies (fig. 475, n° 16 à 19) Bouches-du-Rhône  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : B5699912, sol XIVe - XVe siècle. Var  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 96-31, contexte inconnu. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest : n° 2334, couche de dépotoir, vers 1365 - vers 1400.  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1258, H.S. ; n° 1298, NDS. L’objet n° 2334 du site du jardin ouest Petit palais (fig. 475, n° 17) présente un écrasement de la bélière et de la cupule proximale ainsi qu’une ouverture de fonction inconnue au milieu de la cupule distale. La plupart des boutons à cupule discoïde du corpus sont peu profonds et présentent pour certains une variation de courbure importante à la jonction des deux cupules. Les objets du corpus ont une forme assez éloignée de celle de bon nombre de boutons discoïdes du bas Moyen Âge anglais4704 ou du Nord de la France4705, au profil beaucoup plus proche de l’ovale, forme qui perdure ou réapparaît en France aux XVIIIe 4703 Sfligiotti 1990, p. 546. Par exemple, Londres : Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 276, n° 1398 à 1402 et 1404, le nombre exact de boutons est indéterminé. York : Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2918. 4705 Par exemple à la Grosse Tour de Bourges, trois boutons datés de la première moitié du XIVe siècle (Moirin 1999, p. 271 et 273) et au château de Tours, un exemplaire de la seconde moitié du XVe siècle (Motteau (dir.) 1991, n° 22). 4704 1049 3. Approche croisée du mobilier archéologique et XIXe siècles4706. Ils doivent également être distingués d’exemplaires vraisemblablement modernes de plus petite taille découverts au castrum d’Apcher en Lozère4707, au château d’Épinal dans les Vosges4708, ou 14-16 rue Delayant à La Rochelle en Charente-Maritime4709. Seul un petit exemplaire médiéval du type B3 a été découvert en Italie dans un ossuaire du début XVe - fin XVIIIe siècle à Santa Maria del Mastro à Gerace dans la province de Reggio Calabria4710. Ce modèle semble donc être d’une diffusion assez restreinte mais cette première constatation se doit d’être confirmée par les recherches futures. Type B3b : Bouton discoïde de grande taille à deux cupules embouties unies (fig. 476, n° 1 et 2) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1956, poche de nivellement cendreuse, fin XIIe première moitié XIIIe siècle ; n° 484, sol de bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375. Ces deux spécimens de Rougiers sont totalement inédits du fait de leurs dimensions et de leur forme. Mesurant trois centimètres de diamètre pour une profondeur restituée de 1,7 cm, ils n’ont pu être rapprochés d’aucun élément de comparaison. Le plus récent, déformé, a été très probablement retrouvé en position résiduelle. Type B4 : Bouton discoïde à deux cupules embouties décorées (fig. 476, n° 3 à 16) Bouches-du-Rhône  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : B5699912, sol du XIVe - XVe siècle. Vaucluse 4706 Dans le Sud-est de la France, une vingtaine de ces objets est déjà inventoriée dans des contextes niçois ou aixois (études en cours). Se reporter à Thuaudet 2013, p. 269 pour des exemplaires retrouvés à la colline du Château à Nice. 4707 La stratigraphie, en cours d’analyse, est à situer d’après l’étude céramique entre le XIVe et le XVIIe siècle. 79 exemplaires de petits boutons discoïdes y ont été répertoriés pour le moment pour des dimensions comprises entre 0,35 et 0,8 cm de diamètre pour 0,15 à 0,45 cm de haut. 4708 Kraemer 2002, p. 247-248, d x h = 0,5 x 0,3 cm 4709 Berthon (dir.) 2013, p. 73-74, 16 exemplaires entre 0,4 et 0,8 cm de diamètre 4710 Lebole di Gangi 1993, p. 472, un objet de 1,25 cm de diamètre pour 0,5 cm de profondeur. 1050 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1254 A, premier tiers XIVe siècle ; n° 1256, première moitié XIVe siècle ; n° 396, milieu XIVe siècle ; n° 1250, second tiers XIVe siècle ; n° 1260, datation inconnue.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 374, 825, 1165 et 2380, couches de dépotoir vers 1365 - vers 1400 ; n° 141, comblement de tranchée de fondation, 1491 - 1496 (résiduel).  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-144 et 145, datation inconnue.  Rue de la Carreterie, Avignon : n° 222 et n° 318 à 320, datation inconnue. Ces boutons arborent une cupule distale dont l’ornementation est issue de l’emboutissage et que peuvent compléter quelques découpes triangulaires ou circulaires (fig. 476, n° 4, 5 et 7). Les motifs, en relief positif ou négatif, sont presque toujours rayonnants. Les bossettes y sont très fréquentes. Certains modèles présentent une ressemblance avec le monde floral accentuée par la forme des cupules (fig. 476, n° 4, 5, 7 à 10, 13 et 14). Toutefois, cette ondulation de la bordure se perçoit également sur des boutons aux formes plus géométriques (fig. 476, n° 6, 11, 12). Des motifs floraux plus naturels s’observent sur des boutons en argent doré de type indéterminé attribués à la première moitié du XIVe siècle et provenant du trésor de Colmar dans le Haut-Rhin4711. Une partie des boutons comporte exclusivement des motifs en relief positif (fig. 476, n° 3, 6, 8, 11 et 12). Pour le n° 396 de l’impasse de l’Oratoire, l’ornementation est créée au moyen de courbes, lignes, cercles et zones en relief négatif (fig. 476, n° 9). Sur les autres boutons, l’ornementation utilise les deux principes. Sur le n° 1256 de l’impasse de l’Oratoire (fig. 476, n° 7), la ligne lobée est en relief négatif et la plupart des points sont obtenus par perforation, seuls les points à la jonction des lobes et le point central sont en relief positif. Sur le bouton 2380 du Petit Palais (fig. 476, n° 4), la bordure des pétales et les bossettes sont en relief positif, mais l’espace entre les pétales est en relief négatif. Cette dernière caractéristique se retrouve sur le n° 1165 du même site. Un dernier bouton mis au jour au Petit Palais (fig. 476, n° 16) figure un A couronné sur un fond de guillochis avec des bossettes aux intersections. Un motif cordé est encore visible sur certaines portions de la bordure. Ce spécimen peut être mis en relation avec une boutonneure de perles au milieu desquels botons a une lettre en façon de M dore sur un chaperon féminin signalé dans un inventaire dijonnais de la fin des 4711 Descatoire (dir.) 2007, p. 76, n° 39. 1051 3. Approche croisée du mobilier archéologique années 14304712. Les accessoires ont ici un rôle peut-être exclusivement ornemental et non plus utilitaire. Un bouton du type B4, à six petites étoiles et six trous rayonnants autour d’une étoile centrale, provient du site de Cencelle à Allumiere dans la province de Rome4713. Il a été retrouvé dans un bâtiment incendié dans la seconde moitié du XIVe siècle. Toujours en Italie, deux spécimens à bord festonné de milieu XIVe - début XVe siècle, découverts sur le site de Rocca Ricciarda à Loro Ciuffena dans la province d’Arezzo, comportent pour l’un, six médaillons étoilés autour d’une étoile dans un hexagone aux côtés concaves, pour l’autre, cinq médaillons circulaires autour d’un médaillon central. Un dernier exemplaire provenant d’une couche du XVe siècle est parsemé de petites bossettes4714. Les fouilles du monastère de San Michele Arcangelo alla Verruca à Vicopisano dans la province de Pise ont fourni un bouton à la cupule avers ajourée de triangles et de points. Il était en position résiduelle dans un niveau d’occupation sporadique des XVIe - XIXe siècles4715. Dans la province de Savone, au Priamàr, un bouton doré à six pétales unis est issu d’une couche du milieu du XIIIe siècle4716. Mis au jour dans une fosse commune du bas Moyen Âge liée à un épisode épidémique à San Vito dans la province de Pordenone, un bouton comporte six pétales identiques au spécimen 318 de la rue Carreterie (fig. 476, n° 13). Le bouton découvert dans un remblai dont les éléments céramiques les plus récents sont du XIVe siècle, à la Collina di San Pietro à Castel San Pietro dans le canton du Tessin en Suisse4717 n’est que vaguement ressemblant. Il ne présente pas d’ondulation du bord. En Hongrie par contre, un même bouton découvert dans une sépulture du XIIIe ou XIVe siècle présente cette ondulation4718. Dans la province de Palerme en Italie, la fouille du village de Brucato a révélé deux boutons à tôle ajourée et emboutie de manière complexe dans un remblai du premier tiers du XIVe siècle et dans un niveau de destruction daté de 13384719. Enfin en Serbie, à Vrh Rika dans le comitat de Split-Dalmatie, une sépulture du cimetière du second Moyen Âge et d’Époque moderne de Saint-Saviour, fouillé anciennement, a livré trois boutons à six pétales unis4720. 4712 Piponnier 2007, p. 276. L’auteure a relevé la mention d’un boutonnage d’argent et de perles dits « à la façon de Venise » pour des chaperons féminins. 4713 Bouvet 1999, p. 67. 4714 Degasperi 2009, p 155-156, pl. XLV, n° 4 ; Lucarini 2009, p. 286, n° 3160. 4715 Dadà 2005, fig. 7, n° 68. 4716 Viara 2001, p. 449, n° 1584. 4717 De Marchi 1996, fig. 3, n° 15. 4718 Selmeczi 2005, p. 581. 4719 Pesez 1984, p. 532, n° 13.3.14 et 13.3.15. 4720 Petrinec 1996, p. 107. 1052 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les éléments disponibles sont en faveur d’une datation s’étalant du milieu du XIIIe siècle au milieu du XIVe siècle. Comme pour les boutons de type A1, ces objets sont essentiellement localisés dans le Sud-est de la France, en Italie Centrale et en Italie du Nord. Cependant, quelques rares exemplaires en argent auraient été découverts par des détectoristes au Royaume-Uni4721. Le matériau ainsi que la beauté de ces objets permet cependant d’envisager que ces objets hors du commun ont pu voyager sur de longues distances que ce soit par le moyen d’échanges commerciaux ou par le déplacement de leur propriétaire. Type B5 : Bouton à l’avers plat et à cupule proximale bombée (fig. 477, n° 1 et 2) Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2088 et 2165 trouvés dans deux couches de dépotoir superposées, vers 1345 - vers 1360. Ces deux pièces sont constituées de deux tôles, l’une plate à bordure bombée, estampée d’une lettre couronnée sur un fond quadrillé en relief, l’autre nue et fortement bombée. La fixation des pattes de la bélière se faisait au revers de la tôle avers comme le montre un fragment de bélière conservé au revers d’un des deux exemplaires. La lettre G figurée sur le n° 2165 porte en sus quelques pampres végétaux sur sa traverse. Type C : Bouton en verre à bride (fig. 477, n° 3 à 6) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg de Digne : seize boutons à bélière en fer, XVIe XVIIe siècle. Bouches-du-Rhône  Castrum des Baux-de-Provence : n° 227, remblai, milieu - seconde moitié XIVe siècle ; n° 698, niveau d’occupation, début du XVIe siècle ; n° 217, contexte d’Époque moderne. 4721 Read 2010, p. 119-120. Cet opuscule consiste en un catalogue d’objets découverts par le moyen d’un détecteur à métaux. On évitera de se fier aux datations typologiques proposées qui ne reposent sur aucune citation de publication scientifique et qui sont pour partie erronées. 1053 3. Approche croisée du mobilier archéologique Ces boutons sont constitués d’une bride en fer emprisonnée, à chaud, dans une boule de verre noir souvent légèrement aplatie du côté proximal. D’un diamètre variant entre 1,1 et 2,6 cm, leur profondeur est comprise entre 0,55 et 2,1 cm. Six boutons de ce type ont été répertoriés (XVe ou XVIe siècle) au château d’Ortenbourg dans le Bas-Rhin4722, un spécimen (XIVe siècle - 1772) à Bliesbruck en Moselle4723 et deux autres de petite taille (d x h = 0,8 x 0,6 et 0,9 x 0,65 cm), d’une datation du XVe et de la première moitié ou du milieu du XVIe siècle à Winchester dans le Hampshire4724. Les données sont encore peu nombreuses mais une datation typologique de la seconde moitié du XIVe siècle jusqu’au XVIe siècle peut être envisagée. Type D : Bouton à trous obtenu par la fonte (fig. 477, n° 7 et 8) Vaucluse :  Impasse de l’Oratoire, Avignon, Vaucluse : n° 990, fin du XIIIe siècle ou premier tiers du XIVe siècle ?  Palais des Papes, jardins orientaux, Avignon : n° 23, H.S. Ces deux objets en matériau blanc à quatre trous mesurent 1,7 et 2/2,1 cm de diamètre. Les deux faces du spécimen du site de l’Impasse de l’Oratoire sont décorées de motifs incisés (fig. 477, n° 7). D’un côté des lignes se rejoignent au centre du bouton, de l’autre, un quadrillage a été ciselé. Quatre trous coniques ont été réalisés avec un poinçon, depuis la même face. La présence d’un décor sur les deux faces est difficilement interprétable. En outre, les exemplaires en métal comportant des trous sont rares dans la bibliographie et leur interprétation reste malaisée. Pourraient-ils servir de poids pour le travail des textiles ? Un possible bouton en « plomb » à quatre trous a été retrouvé sur le site de Torre Civica à Pavie, dans un contexte de la première moitié du XVIIe siècle, d’autres, à deux trous, sont en tôle dans un alliage cuivreux. C’est le cas d’un spécimen découvert dans un dépotoir du XIVe siècle au Castel di Pietra à Gavorrano dans la province de Grosseto4725, d’un artefact de la seconde moitié du XIVe siècle retrouvé rue Mongat à Douai dans Le Nord. Sur le même site, un méreau réutilisé en alliage à base de cuivre d’une couche du XVe siècle, au revers usé 4722 Rieb et Salch 1973, n° 389. Vianney et al. 2012, fig. 61. 4724 Biddle et Cook 1990, n° 1710-1711. 4725 Belli 2002, p. 153. 4723 1054 3. Approche croisée du mobilier archéologique et présentant deux perforations, est également interprété comme un bouton4726. Une pièce circulaire en alliage cuivreux, de fonction originelle inconnue, provenant d’un niveau daté aux environs de 1338 sur le site de Brucato en Sicile, semble avoir été réutilisée en bouton par ajout d’une perforation supplémentaire décentrée4727. 3.3.4.3.Synthèse Les boutons sont d’apparition relativement récente en Europe de l’Ouest. Les plus anciens, datés du IXe siècle, ont été retrouvés en Suède et en Norvège et proviendraient d’Europe de l’Est. C’est du moins ce que propose G. Egan pour ce type d’accessoire, mais il ne s’appuie que sur les spécimens nordiques cités4728. L’hypothèse reste cependant envisageable, l’un des boutons norvégiens étant disposé sur un costume originaire de l’est européen, mais l’absence de continuité chronologique avec les exemplaires postérieurs dans le Nord de l’Europe pose problème : à Londres, le spécimen le plus ancien est issu d’un contexte du premier tiers du XIIIe siècle4729. Cependant, en Italie, les boutons de type B1 seraient attestés depuis, semble-t-il, le Xe siècle (fig. 500). L’ancienneté de ce mobilier, si elle est confirmée par d’autres fouilles archéologiques, ouvre de nouvelles perspectives sur son origine qui pourrait bien être multiple : ont-ils été inventés en Italie, ont-ils été copiés ou sontils inspirés d’autres modèles originaires d’Europe de l’Est, du Maghreb, de Méditerranée Orientale ? Toutes les hypothèses sont possibles mais à l’heure actuelle, aucune ne peut être privilégiée par manque de données. Dans le cas présent, les difficultés d’accès à la bibliographie pour les régions lointaines – du strict point de vue de la situation géographique de l’auteur – et la nécessité de conduire ce mémoire de doctorat à terme n’ont pas permis d’explorer plus avant cette voie d’un grand intérêt. Le bouton métallique ne devient courant, en contexte archéologique, qu’à partir de la fin du XIIIe siècle et le début du siècle suivant : l’iconographie révèle alors fréquemment des files de boutons sur les avant-bras et les encolures du vêtement noble, mais leur rôle serait davantage de pointer la division de la pièce que de la fermer selon O. Blanc4730. Les rares découvertes de boutons métalliques en contexte funéraire avec positionnement sur le squelette 4726 Louis et al. 1998, p. 66, n° 25. d = 3,8 cm (Pesez (dir.) 1984, p. 532, n° 13.3.17). 4728 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 273. 4729 Ibid., p. 274, n° 1376. 4730 Blanc 1990, p. 160. 4727 1055 3. Approche croisée du mobilier archéologique font état d’un usage privilégié pour les manches. L’apparition et le développement du costume court masculin dans les années 1340, et dont la popularité s’accroît progressivement4731, n’a semble-t-il pas eu de conséquence notable sur le nombre de boutons métalliques, d’autant plus que l’usage de ces derniers baisse sensiblement au début du XVe siècle. Pourtant, c’est à partir de ce moment que l’ajustement du vêtement et donc l’augmentation du nombre de fentes se diffuse dans l’ensemble de la société. Il est très probable que ces modes se soient traduites par une utilisation plus importante des boutons textiles et/ou en matériaux périssables qui, bien évidemment, ne laissent pratiquement pas de traces en contexte archéologique. Pour les XVe et XVIe siècles, quelques boutons en verre noir à bride en fer sont répertoriés, mais les boutons, du moins quand ils ne sont pas textiles, semblent passer de mode, au moins en Provence jusque dans le courant du XVIIe siècle d’après les données archéologiques. Une recherche approfondie dans l’iconographie pourrait apporter des informations complémentaires sur cette question. La localisation des sites où ont été trouvés des boutons métalliques de types B1 et C2, ainsi que de leurs semblables des types B2 et C1, montre une répartition préférentielle entre le Languedoc et l’Italie centrale (fig. 474). Bien entendu, des problèmes de représentativité du corpus de comparaison (fig. 473) peuvent, en partie, expliquer cette concentration. Cependant, il est quand même très probable que ces modèles très particuliers aient majoritairement circulés dans la zone citée. L’existence d’autres types de boutons à double cupule ordinairement retrouvés dans le Nord de la France et au Royaume-Uni mais absents des contextes provençaux apparaît significative d’une partition dans ces échanges de produits manufacturés. L’origine de la production reste inconnue mais il est possible que les centres métallurgiques de Florence et de Milan qui jouent, ainsi que le montre les archives Datini, un très grand rôle dans la fabrication des accessoires du costume, ne soient pas étrangers à la diffusion d’une bonne partie des objets du corpus. 4731 Se reporter au chapitre 3.1.1.2. 1056 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.3.5. Les agrafes 3.3.5.1.Les agrafes en contexte Les systèmes d’agrafage sont d’une grande diversité morphologique quelles que soient les sources. Le plus ancien est certainement le fermail qui est l’équivalent de la fibule antique ou du haut Moyen Âge et se rapproche de la broche de l’Époque moderne. Ce terme recouvre dans la langue française médiévale plusieurs significations dont V. Gay donne un long aperçu4732, mais, dans la documentation provençale rassemblée pour cette thèse, elles se limitent soit à une agrafe destinée au vêtement, soit à un bijou décoratif, soit à un fermoir de livre. Dans le cadre du costume, trois types de fermaux sont distingués. Le fermail de type « plaque », le fermail de type « boucle », le fermail de type « mors de chape ». Le plus ancien est le fermail plaque (ex : fig. 480), de structure pleine, qui fonctionne avec une aiguille ou une épingle à effet ressort fixée au revers et qui vient se loger dans un berceau ou fermoir, comme pour la broche moderne. Il est attesté depuis l’Antiquité sous la dénomination de « fibule », et prend généralement une forme discoïde au haut Moyen Âge (fig. 478). Le fermail de type « boucle » (fig. 39, 42, 495), connu à partir du XIe siècle, est ouvert en son milieu. Il est barré diamétralement par un ardillon dont la base, parfois disposée dans une ouverture du cadre, s’enroule autour d’une portion de traverse, sa pointe s’appuyant sur une portion opposée du cadre. La forme du cadre est généralement circulaire mais elle peut aussi être carrée, losangique, polylobée, etc. Ces deux premiers types de fermail se distinguent parfaitement l’un de l’autre. Le fermail de type « mors de chape » (peut-être fig. 503) ne peut pas être clairement distingué du fermail plaque dans l’iconographie. Ce type d’agrafe sert le plus souvent à clore le devant de la chape d’un personnage céleste ou d’un ecclésiastique. Il est formé de deux plaques réunies par une charnière centrale cachée à la vue4733. Dans l’iconographie provençale du milieu du XIIIe siècle au début XVIe siècle étudiée par S. Malacrida, les fermaux sont plus souvent représentés sur les vêtements de personnages célestes (19 cas sur 37) ou ecclésiastiques (10 cas sur 37) – des évêques exclusivement – que sur le vêtement des « civils », en fait des rois dans des scènes religieuses et des saintes 4732 Gay 1887. Se reporter à Le Trésor 1991, p. 255, fig. 2, pour un exemplaire polylobé conservé à la Walters Art Gallery de Baltimore. 4733 1057 3. Approche croisée du mobilier archéologique femmes4734. Dans la presque totalité des cas, le fermail est de type plaque ou plus probablement de type mors de chape. Pour les personnages célestes le fermail semble constituer un signe de la divinité (fig. 480 et 482). Pour les ecclésiastiques (fig. 481), le fermail est un attribut épiscopal de même que la mitre, la crosse ou la bague. Sa représentation très régulière sur les personnages célestes établit un lien entre l’évêque et le divin. Les fermaux de type plaque sont très fréquents durant les Ve - VIIIe siècles en Europe de l’Ouest4735. Ils y perdurent jusqu’aux Xe et XIe siècles. Il en est connu à cette époque dans le monde anglo-saxon4736 et sur le continent, dans une zone s’étendant de la Charente et du littoral de la Manche4737 jusqu’à la partie orientale de l’Autriche et de la Slovénie, et du nord de l’Allemagne jusqu’au nord de l’Italie4738. Ces fermaux plaques sont en matériaux blanc, en alliage cuivreux, en alliage cuivreux émaillé ou en argent4739. Leur décor est souvent inspiré de motifs plus anciens des Ve - VIIe siècles. Les fermaux plaques sont d’après les données archéologiques actuelles absents de la bordure sud de la France après le VIIe siècle4740. Pourtant, en Provence, des figurations de fermaux ont été relevées au portail de l’église de Saint-Gilles dans le Gard (XIIe siècle) où ils prennent la forme de petites pastilles circulaires retenant le manteau à hauteur de l’épaule (fig. 29). Ils continuent à apparaître dans l’iconographie provençale jusqu’au début du XVIe siècle et y prennent des formes variées, des plus simples aux plus complexes suivant des configurations circulaires, quadrangulaires, en mandorle ou polylobées4741. M. Gaulard constate leur présence jusqu’au XVIe siècle dans l’iconographie d’Europe du Nord même s’ils deviennent plus rares dès le XVe siècle4742. Ils sont souvent représentés sous la forme de figures géométriques simples qui ne font que symboliser l’accessoire. 4734 Malacrida 1983, p. 40 et tableau VIII. Se reporter à F. Stutz 2003 (pl. 64 et 65), à Legoux et al. 2009. 4736 Hinton 1990 j. 4737 Voir Soulat 2013 et Bourgeois et Biron 2009. 4738 Giesler 1978. 4739 Deux exemplaires en matériaux blancs proviennent par exemple du site de la première moitié du XIe siècle de Colletière à Charavines-les-Bains en Isère (Colardelle 1993, p. 216). Des pièces en alliage cuivreux, en alliage cuivreux recouvert une feuille d’argent et en argent ont été découverts dans le nord de la France (Soulat 2013). J. Giesler a repertorié de nombreux exemplaires de fermaux émaillés pour l’Europe centrale (Giesler 1978). On en trouvera un exemple daté des environs de l’an mil dans la publication du site du castrum d’Andone en Charente (Bourgeois et Biron 2009). 4740 Stutz 2003, p. 154-158. 4741 Malacrida 1983, p. 39-40. 4742 Gaulard 1971, p. 2. 4735 1058 3. Approche croisée du mobilier archéologique Le fermail boucle est connu archéologiquement à partir du XIe siècle. Des pièces en alliage cuivreux de ce dernier modèle sont issues de niveaux du milieu du XIe siècle, du XIe milieu XIIe siècle (?) et du XIIe - première moitié XIIIe siècle du site de Brook Street à Winchester dans le Hampshire. Un exemplaire du début du XIIe siècle a été trouvé sur le site de la Crypta Balbi à Rome4743. Deux spécimens en alliage cuivreux et un autre en alliage d’étain et de plomb proviennent de niveaux de la seconde moitié du XIIe siècle du site de Billingsgate lorry park à Londres4744. Le fermail boucle est attesté dans l’iconographie dès le XIIe siècle (fig. 479) et continue d’y être représenté durant les XIVe et XVe siècles4745. Il est alors en Italie du Nord presque exclusivement représenté sur le costume des personnages bibliques, des saints et saintes et des autres personnages représentés dans les mêmes tableaux4746. Aux XIe et XIIe siècles, le fermail est avant tout un accessoire du costume masculin, utilisé préférentiellement sur l’épaule (fig. 29), parfois sur le devant, pour attacher le manteau ou l’encolure de la robe (fig. 479). Il est peu fréquent sur les représentations de femmes où dans la majorité des cas, il apparaît sur le devant du corps, fermant un manteau ou l’encolure d’une robe (fig. 39, 42)4747. Par la suite, son usage se démocratise parmi la gent féminine4748. Deux exemplaires s’observent par exemple sur le costume de sainte Catherine dans le Triptyque du Buisson Ardent peint par Nicolas Froment en 1472-1475. Ils retiennent latéralement le manteau sur le vêtement de dessus. Ce dispositif est également visible sur la mariée des Noces de Cana réalisée par un « maître brugeois » en 1499 et conservée dans l’église de San Lorenzo en Ligurie4749. Alors que le fermail plaque reste courant au bas Moyen Âge dans l’iconographie de la moitié nord de l’Europe, il devient rare en contexte archéologique. Il ne semble perdurer dans le mobilier que sous la forme de pièces orfévrées telles celles attribuées à la première moitié ou à la seconde moitié du XIIIe siècle et retrouvés dans les trésors de Colmar et d’Erfurt4750, les exemplaires du début du XIIIe siècle à la 4743 Sfligiotti 1990, p. 541. Egan et Pritchard 2002², p. 248-249, n° 1308 ; p. 252, n° 1320 ; p. 256, n° 1339. 4745 Gaulard 1971, p. 2 et 5 ; Malacrida 1983, p. 39 ; Zingraff 2014, p. 467-473. 4746 Zingraff 2014, p. 467-478. S. Zingraff distingue les fermaux des attaches vestimentaires sans définir la raison de cette distinction. Nous n’en avons pas perçu à la lecture de son travail et dans l’iconographie qu’elle étudie et nous avons donc considéré ces deux termes comme désignant le même objet. 4747 Gaulard 1971, p. 4. 4748 Se reporter à Zingraff 2014 pour de nombreux exemples des XIVe et XVe siècles dans l’iconographie du Nord de l’Italie. 4749 Zingraff 2014, t. 3, ref. 170, fig. 3. 4750 Descatoire (dir.) 2007, p. 26-27. 4744 1059 3. Approche croisée du mobilier archéologique seconde moitié du XIVe siècle ayant appartenu au Trésor de l’abbaye de Saint-Denis et connus par des dessins tardifs4751, les spécimens conservés au musée national du Moyen Âge, au New College d’Oxford4752, etc. Une figure de roi du Polyptique Orsini peint vers 1335 par Simone Martini figure un fermail plaque circulaire doré avec en bordure six points blancs qui pourraient figurer des perles ou des pierres (fig. 483). Le fermail boucle en alliage cuivreux ou en matériau blanc est relativement fréquent en contexte archéologique durant les XIIIe - XIVe siècles. Il a pris dès le XIIe siècle la place du fermail plaque de même matériau constitutif. Le remplacement est beaucoup plus progressif pour les pièces orfévrées. La faveur que conserve le fermail plaque orfévré vient peut-être de sa surface plus importante et donc plus adaptée à de riches développements ornementaux. Peut-être le fermail plaque est-il devenu un objet qui identifie son porteur comme appartenant aux couches supérieures de la société. Un fermail peut fermer l’écharpe, bande de cuir ou de tissu qui, dans le costume noble, est fermée au cou ou à l’épaule. Elle est décorée de perles, de pierreries, d’appliques ou supporte des objets comme une dague ou un cor. Lorsque l’écharpe est disposée autour du cou, le fermail la retenant est placé sur la nuque, et l’extrémité libre pend librement dans le dos4753. Quand l’écharpe traverse en biais la poitrine, elle est fixée sur l’épaule4754. Le fermail est peu apparent dans le costume du peuple malgré de nombreuses découvertes archéologiques. Nous n’en avons pas trouvé de représentation pour la Provence. P. Mane note que la bavette qui prolonge le tablier des artisans peut être fixée à l’aide d’un fermail4755. S. Zingraff constate une forte relation entre le rang élevé des personnages et le port du fermail dans l’iconographie du Nord de l’Italie4756. À partir du XIVe siècle ou peut-être déjà un peu auparavant, le fermail plaque se transforme et perd progressivement son aspect utilitaire. L’étude iconographique de S. Malacrida et les relevés de M. Gaulard dans les inventaires de la noblesse française attestent qu’à partir de la seconde moitié du XIVe siècle, notamment dans le costume féminin, l’emploi des fermaux devient peu à peu plus décoratif que fonctionnel4757. Ils apparaissent au bas du décolleté de deux saintes femmes dans une Déposition de Croix de la fin du XVe siècle œuvre d’un artiste comtadin (fig. 484 et 485). L’évolution notée précédemment se perçoit 4751 Le Trésor 1991, p. 212, n° 36 ; p. 256-258, n° 53 et 54 ; p. 259-261, n° 55 ; p. 272-273, n° 58. Ibid., p. 257, fig. 2 ; p. 260, fig. 3. 4753 Fingerlin 1971, p. 131. 4754 Beaulieu et Baylé 1956, p. 107. 4755 Mane 1989, p. 100. 4756 Zingraff 2014, p. 685-687. 4757 Gaulard 1971, tableaux ; Malacrida 1981, p. 40. 4752 1060 3. Approche croisée du mobilier archéologique aussi dans la terminologie employée dans les sources écrites. Le terme fermaillet apparu au XIVe siècle remplace progressivement celui de fermail dans les sources comptables et les inventaires de la moitié Nord de la France consultés par M. Gaulard4758. La dernière mention qu’elle relève est datée de 1433. L’inventaire du trousseau de mariage de Catherine de Bourgogne, établi en 1413, qui avait été promise au fils de Louis II d’Anjou4759 donne quelques exemples de ce glissement fonctionnel : les fermaux sont disposés sur un chapeau, des coiffes ou des colliers. Lorsqu’ils sont mentionnés isolément, ils sont la plupart du temps décrits comme petit fremail ou fremaillet. En Provence, les ultimes mentions de fermaux orfévrés – nous y reviendrons plus loin – sont plus tardives d’un demi-siècle que celles relevées par M. Gaulard. Le mobilier archéologique se fait également l’écho de la transformation des fermaux plaque. De petites broches ornementales font leur apparition au début du XIVe siècle. L’exemplaire le plus ancien que nous avons répertorié, en matériau blanc, a été mis au jour dans un niveau du dernier tiers du XIIIe siècle ou de la première moitié du XIVe siècle du site de Billingsgate lorry park à Londres4760. Des pièces en argent doré, avec du cristal de roche et/ou des perles en verre, attribuées à la première moitié du XIVe siècle, font parti d’un lot d’orfèvrerie mis au jour à Munster4761. Du point de vue archéologique, l’utilisation du fermail boucle, presque toujours en matériau blanc ou en alliage cuivreux, ne semble pas aller au-delà du début du XVe siècle. Dans les sources textuelles, il n’est jamais précisé si la fixation du fermail de costume se fait par le moyen d’un ardillon mobile, à l’image d’une boucle, ou grâce à une épingle articulée fixée au revers du corps de l’agrafe et retenue par un crochet. La fixation par épinglage est cependant probable pour les objets les plus ornementés, sans doute de type plaque. La documentation archivistique provençale rapporte quelques cas de fermaux utilisés dans le costume religieux : l’inventaire de 1243 du trésor de la cathédrale de Grasse mentionne unam chlamidem de viridi cum tribus frimalhis argenti4762 et, en 1376, un fermalhus d’or du pape est réparé et six perles y sont réinstallées4763. En Provence, pour le costume civil, le fermail orfévré n’est mentionné dans les sources écrites que pour les femmes de la haute bourgeoisie et de la noblesse. L’inventaire des biens de feu Barnard Garnier, marchand de Marseille, dressé en février 1346, comprend 4758 Gaulard 1971, tableau 7. Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 536. 4760 Egan et Pritchard 2002², p. 261, n° 1353. 4761 Tegethof 2002, p. 18, 20. 4762 Doublet 1907, p. 88. 4763 Schäfer 1937, p. 676. 4759 1061 3. Approche croisée du mobilier archéologique quatre fermalli en argent et perles pour clamide, un type de manteau. Ils étaient sans doute destinés à sa femme comme le laisse penser, leur localisation dans l’inventaire, au milieu de coiffes féminines4764. Peu après le décès de Bernard Favas et de deux de ses fils, Jean et Aicard, lors de l’épidémie de peste qui touche Marseille, il est dressé en juillet 1361 l’inventaire de leurs biens4765. Chacun de ces trois documents rapporte la possession de fermaux (fermalliae). Dans deux cas – pour Bernard et Jean de Favas –, ils sont d’argent et de perles et suivis dans l’inventaire d’une coiffe de perles ce qui laisse suggérer qu’ils étaient portés par des membres féminins de la famille, sans doute par leurs femmes respectives4766. Dans l’inventaire des biens d’Aicard, il est précisé que le fermail, dont les matériaux ne sont pas spécifiés, est destiné à une femme. En 1392, Paul de Sade prévoit d’amener un fermail (fermayl) et un chapelet comme premiers cadeaux pour sa future épouse qu’il va chercher à Die4767. Les exemplaires de fermaux de costume les plus remarquables, probablement de type plaque, sont signalés dans l’inventaire après-décès d’octobre 1426 des biens d’Élipde d’Avelin dans son château des Baux. Il y est décrit trois fremails d’or, le premier a soleil – emblème de la famille des Baux – garni de dix perles, cinq saffirs et un gros balais au milieu, un second a fourme d’aigle – la seigneurie des baux est terre d’empire – garni de XII perles, trois saffirs, trois baillais et trois esmeraudes, un troisième garni de VII perles, deux balais et deux saffirs, avec I dame au milieu esmaillée4768. Ce dernier objet peut être mis en parallèle avec un fermail d’or figurant une dame émaillée tenant une harpe signalée en 1389 parmi les biens du duc de Bourgogne, un petit fermail ou fermaillet d’or représentant une dame et deux cerfs mentionné dans l’inventaire de 1420 des joyaux de Charles VI4769. M. Gaulard répertorie également dans les inventaires de nobles du XIVe siècle huit fermaux portant la représentation isolée d’une dame, figuration la plus prisée4770. La figure féminine, comme l’illustre également les nombreux tapis ou tapisseries à personnages féminins conservés dans le château des Baux4771 ainsi que des chapes et des mordants de ceinture en alliage cuivreux 4764 Barnel 1993, p. 53. AD BDR Marseille, HD H 8, pièce 3 à 5 ; Barnel 1993, annexe 3 à 5 4766 Pour plus d’informations sur les liens familiaux, on peut se référer à l’arbre généalogique établi par C. Barnel (1989). 4767 Bresc 1988b, p. 123-124. 4768 Barthélémy 1877, p. 132-133. 4769 Gay 1887, article « fermail ». 4770 Gaulard 1971, p. 11. 4771 Barthélémy 1877, p. 143-144. 4765 1062 3. Approche croisée du mobilier archéologique (ex : fig. 207, n° 10 ; fig. 291, n° 10 ; fig. 293) ou orfévré4772, est relativement fréquente dans les objets de valeur et paraît héritée du thème de l’amour courtois développé aux XIIe et XIIIe siècles. L’inventaire du château des Baux relève également la présence d’un petit fermaillet a fasson de couronne garni de VI perles, III balais et I saffir au milieu4773. En 1433, un fermail d’or garni d’un gros rubis balais, d’un beau saphir et d’une grosse perle est exporté vers le Levant depuis Marseille par les frères Ricci d’Avignon, malgré la prohibition papale4774. Trois plus tard, une sentence arbitrale somme dame Margalide de rendre un fermal à Nicolas Grimaldi4775. Une reconnaissance de dette d’un aixois auprès de l’orfèvre Guillaume Panoye, du 15 mai 1462, mentionne un fermaillet d’or émaillé avec une améthyste, unum fermalhetum aurum esmalhatum cum uno lapide dicto matista4776. Le noble Pierre de Saze vend à Jean Minholi, orfèvre d’Avignon, en 1471, ung fremalh d’or ambe V perles et ung balays al miech du poids de 17 deniers, un second encore en or et avec cinq petites perles et un saphir d’une masse de 9 deniers, ung fremalh de V listas (bandelettes) de perles du poids de 18 deniers, quatre fermaux d’argent du poids d’une once et 18 deniers, un fermail d’argent doré et une chaînette d’or (cadenete) pesant 2 marcs et 20 deniers ainsi que trois autres fermaux de diverses sortes4777. Pour peu que la chaînette et le fermail aient fonctionnés ensemble, ils seraient à rapprocher d’un gros collier d’or rond au quel a une athache garnie de X perles grosses et I balay au milieu qui figure dans l’inventaire du château des Baux4778, d’une chaesne avec dyamant et fermaillet réparée sur les crédits du roi Renée en 14784779. Les chaînes de cou supportant un fermail apparaissent dans l’iconographie à l’extrême fin du XVe siècle d’après M. Gaulard4780. Les fermaux en matériaux précieux ne sont pas particulièrement courants en cette fin de Moyen Âge. Dans son étude de 65 inventaires après-décès arlésiens du second tiers du XVe siècle, F. Feracci ne rencontre qu’un unique exemplaire chez un noble du nom d’Alexis : fermalh auri ponderis quatuordecim denarios munitum uno balay in tribus saffirs et tribus perulis (sic) pauci valoris4781. En 1478, des fermaulx dorez referment une brigandine – 4772 Se reporter au chapitre 3.1.5.2, type E des mordants et terminaisons de courroie. Ibid., p. 133. 4774 Reynaud 1951, p 384. 4775 Pansier 1925-1927, t. 2, p. 162. 4776 AD BDR Aix, 309 E 234, f° 185 v°. 4777 Pansier 1925-1927, p. 215. 4778 Barthélémy 1877, p. 133. 4779 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1004. 4780 Gaulard 1971, p. 12. 4781 Feracci 1976, p. 117. 4773 1063 3. Approche croisée du mobilier archéologique d’apparat ? – couverte de satin apportée depuis la Catalogne jusqu’à Angers pour être offerte à un proche du roi René, monseigneur d’Estoges4782. Certains petits objets orfévrés de grands prix achetés par le roi René, à la fin de l’année 1477, pour être offerts en étrennes au jour de l’an suivant à des dames de la cour4783, pourraient bien correspondre à des fermaillets. La femme de son fils illégitime Jean de Calabre reçoit ainsi une targette d’or garnie de pierreries, du poids d’environ un marc, sur lequel apparaît le visage du roi ainsi que certaines de ses devises, et coûtant 597 florins 1/3. Il est donné à Isabelle de Beauvau, femme de Jean II de Bourbon, comte de Vendôme, un bijou en forme de pensée dont les tiges sont d’émeraudes et les fleurs de rubis et de diamant, du prix de 51 florins 1/3. À Marguerite de Lorraine, sa petite-fille, le roi René offre une marguerite de rubis et d’émeraudes, et à mademoiselle de La Jaille, une dame de la cour, deux carats de rubis et de diamants. L’ensemble de ces deux derniers présents est d’une valeur de 284 florins 2/3. Plus tard, en 1479, l’orfèvre Jacques d’Escalle reçoit cinq florins pour acheter de l’argent pour faire un émail pour le petit Faillon4784. Les agrafes de fermeture de livre portent souvent le nom de fermail. Dans l’inventaire du château des Baux déjà cité, il se retrouve ainsi deux petits fremailles d’argent dores pour un livre des Sept Pseaulmes et il y est précisé qu’un bon messal garni d’argent dore ne comporte nuls fremails4785. Quatre firmalhi sont disposés sur un livre de la Grande salle du Château de Tarascon en 14574786. Deux couples de fermalhi, dont un au moins d’argent, ferment un bréviaire et une glose sur les psaumes chez un chanoine de Saint-Pierre d’Avignon en 14654787. Dans les comptes du roi René, en 1449, un gros d’argent et demi est consacré à l’achat d’un farmaillet pour des Heures4788, trente sols à la dorure d’un bréviaire4789 et un peu plus de dix livres pour divers travaux sur un missel, dont la pose de fermaux4790, en 1453. En 1476, il est acquis du tissu pour des fermailz d’un missel4791. Chez le revendeur aixois Gervais Arbaud, en 1482, une petite boîte contient unum medium fermalh libri4792. L’inventaire des 4782 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1204, l’achat est enregistré alors que le roi René est hors de Provence. Ibid., n° 982. 4784 Ibid., n° 1036. 4785 Barthélémy 1877, p. 135 et 139. 4786 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2444. 4787 AD Vaucluse, 3 E 9 (1) 46, f° 143 v° - 157 r°. 4788 Lecoy de La Marche 1875, n° 504. 4789 Arnaud d’Agnel 1908, n° 691. L’achat est enregistré alors que le roi René est hors de Provence. 4790 Ibid., n° 690, hors de Provence. 4791 Lecoy de La Marche 1875, n° 88, p. 369 : Arnaud d’Agnel 1908, n° 698. Dans les deux cas le roi René est hors de Provence. 4792 AD BDR Aix, 308 E 689, f° 58 v°. 4783 1064 3. Approche croisée du mobilier archéologique joyaux de l’Église d’Aix, daté de décembre 1533, rapporte quatre fremaux de argento deaurato dont deux provenaient d’un grand missel4793. Le terme firmaclum, traduit par « boucle » ou « agrafe » dans le dictionnaire Niermeyer désigne-t-il un fermail ? L’article 24 du livre VI des statuts de Marseille, daté de 1284, n’autorise que le port d’une paire de firmaclum d’argent sans pierreries d’une valeur maximale de 12 deniers royaux4794. Treize ans plus tard, les édiles reviennent sur ce règlement et autorisent les firmali mais continuent d’interdire les stachae pour l’attache des vêtements4795. Dans le cas présent, l’identification de firmaclum et firmalus en tant que fermail est plus que probable. Sans doute en est-il de même pour un firmaculum d’or du pape Jean XXII qui reçoit une émeraude en 13304796. Cependant, en 1354, deux firmalli sont achetés pour des bréviaires du pape4797. Qu’en est-il des stachae ? J. Bourilly traduit ce terme par épingle mais cela paraît peu probable. Pour quelle raison interdirait-on l’usage des épingles, support de peu d’intérêt pour le développement d’une ornementation orfévrée et autoriserait-on des fermaux en argent, objets de plus grande dimension et donc de plus grande valeur ? Les autorités municipales ne signifieraient-elles pas plutôt que l’ensemble des attaches ou agrafes sont interdites à l’exception d’une paire de fermaux en argent, accessoire particulièrement à la mode au XIIIe siècle si on en croit l’iconographie ? D’autres termes peuvent être également relatifs à des systèmes d’agrafage. Les mots firmalgus et firmatorium sont attestés dans les comptes de la chambre apostolique d’Avignon et ils s’appliquent aux livres4798. En 1347, des ceintures de soie sont utilisées ad faciendum firmaturam pour des livres du pape4799. La même année, il est acquis un pectoral émaillé cum 2 firmaturi ad ponendum in 2 pluvialibus4800. Le vocable fermouer est employé pour désigner l’agrafe d’or émaillé fabriquée par l’orfèvre du roi René, Jean Nicolas, en 1452, pour les heures de monseigneur de Loue4801. Un an plus tard, le même artisan confectionne deux fermouclz pour le Grand livre du roi4802 et en 1479, l’orfèvre Jacques d’Escalles répare 4793 Albanès 1883, p. 164, n° 117. Pernoud 1949, livre VI, n° 24. 4795 Ibid., livre VI, n° 46. Se reporter à l’annexe 7, note 256 pour une réflexion sur le terme stacha. 4796 Schäfer 1911, p. 514. 4797 Müntz 1892, p. 280. 4798 Firmalgus : Schäfer 1911, p. 402 (1320), Firmatorium ou Firmaturium : Schäfer 1911, p. 266 (1320) ; Schäfer 1914, p. 49 (1336), Schäfer 1937, p. 305 (1370), Müntz 1889-1890, p. 395 (1369). 4799 Schäfer 1914, p. 374 (1347). 4800 Ibid., p. 374. Le pluvial est un vêtement liturgique. 4801 Arnaud d’Agnel 1908, n° 868, hors de Provence. 4802 Ibid., n° 879, hors de Provence. 4794 1065 3. Approche croisée du mobilier archéologique (raboube) et dore le fermouer des Heures de Mariolle4803, pose un fermouer sur un livre sur les cosmétiques4804. Jean d’Orbigny, en 1480, refait les fermouez de la bible royale4805. Le terme broca se rencontre lors de la vente, en 1319, de quatre brocae d’argent posées sur un pluvial imagé, ensemble donné par le pape à l’église Sainte-Marthe d’Avignon4806. D’après J. Sibon, les trousseaux des juives de Marseille comportaient parfois des « broches » en ivoire. Lors de l’ouverture de la sépulture de ce pape à Notre-Dame des Doms à Avignon en 1759, il est retrouvé sur son buste, fermant une chape, une « aggraffe d’ivoyre… émaillée, de la grandeur d’une pièce de 60 sols, sur laquelle étoit la figure d’un triangle à l’honneur de la très Sainte-Trinité, et toute entourée de petites perles » et à sa main « une bague d’or avec une émeraude fausse »4807. En 1356, quatre fibleti de argento du poids total d’un marc et 6 deniers sont acquises pour l’habillement du pape4808. Trois fibulae sont nécessaires en 1362, mais cette fois-ci pour fixer les courroies (corrigiae) des livres du pape4809. La proximité ou la concordance de ces termes avec ceux de broche et de fibule permet-elle d’interpréter ces objets comme des agrafes avec une épingle au revers ? Dans Flamenca, lorsque Guillaume se fait couper ses beaux cheveux dorés pour devenir clerc et ainsi entrer en contact avec son aimée, l’hôtesse qui le loge les récupère pour les tresser en un galon per far afflibles (attaches) de mantel4810. L’auteur a employé d’une manière détournée le motif littéraire du don de cheveux4811. Le règlement somptuaire de Carpentras, de 1417, prohibe le port des perles, ainsi que de l’or et de l’argent non titrés, en colliers à maillons ou dans d’autres ornements, excepté dans des bagues et crochets de vêtements : in annulis sive anellis et crochetis vestium4812. Il est fort probable que le terme crochetus désigne une agrafe fonctionnant avec un crochet. Cent cinquante d’entre eux (crocheti) sont rassemblés dans un petit sac signalé dans l’inventaire après-décès d’un mercier aixois daté de 14434813. F. Feracci relève dans ses inventaires arlésiens quatre croqueti en argent ayant appartenus à un laboureur et dix-huit autres à un boucher. Un tel nombre pour une seule personne semble montrer que cet 4803 Ibid., n° 721. Ibid., n° 718. 4805 Ibid., n° 736. 4806 Schäfer 1911, p. 245 (1319). 4807 Müntz 1887, p. 282. 4808 Schäfer 1914, p. 623 (1356). 4809 Schäfer 1937, p. 48 (1362). 4810 Lavaud et Nelli 2000², vers 3588. 4811 Se reporter à Rolland-Perrin, p. 127 et suivantes. 4812 Chobaut 1913, p. 160. 4813 Annexe 8, doc. 20. 4804 1066 3. Approche croisée du mobilier archéologique accessoire devait être de petite taille et utilisé en série. Peut-être sont-ce des éléments équivalents qui sont taxés dans les tarifs de péage d’Avignon en 1615 et 1634. Ces crochets de fer pour robbes sont imposés 6 deniers le millier lorsqu’ils sont petits, 1 sou le millier lorsqu’ils sont grands4814. S. Malacrida répertorie d’autres systèmes d’agrafes à pièces métalliques exclusivement utilisés pour la fixation du manteau dans l’iconographie provençale4815. Il y a le mors de chape constitué de deux plaques cousues ou rivetées au vêtement et réunies par une charnière à goupille (fig. 486). Il se rencontre seulement sur les chapes des ecclésiastiques. En position fermée, les deux parties qui le constituent sont bord à bord et peuvent former un motif. Un second système est l’agrafe à sièges et éclisse, constituée de deux appliques – les sièges – posées symétriquement sur chaque bord du manteau, qu’un lacet ou une chaînette – l’éclisse – réunit, mais l’iconographie n’en restitue pas la manière (fig. 487 et 489). Peut-être cela se fait-il par l’emploi d’anneaux et/ou de crochets. Il est probable qu’il soit possible, comme pour les ceintures à agrafe, de régler la longueur du lien et ainsi de faire varier la tombée du manteau. D’autres modes de fixation, entièrement textile ou en cuir sont visibles dans l’iconographie du Sud-est de la France. Le premier est représenté au cloître de SaintTrophime d’Arles, sur l’un des chapiteaux figurant les Saintes Femmes au tombeau. Un des personnages féminins porte une cotte dont le col est fermé par deux « boutons » probablement retenus par une bride au revers du vêtement (fig. 488). Toujours dans le cloître, une lanière traverse le buste de la reine de Saba et retient son manteau (fig. 31). Le dernier système nécessite deux « appliques », la première retenant un œillet textile ou en cuir, la seconde prolongée par une sorte de baguette ou bouton noué qui passe dans l’œillet (fig. 490). Dans les règlements somptuaires du roi de France de 1563 et 1583, il est fait mention de plaques et fers destinés à fermer des pièces du costume. La forme et le fonctionnement de ces systèmes n’y est pas précisé4816. Il n’a pu être retenu, pour l’instant, aucune image qui pourrait s’appliquer à cette description. 3.3.5.2.Typologie des agrafes Les agrafes du corpus ont été regroupées en quatre ensembles selon leur constitution et leur fonctionnement. Le premier type (type A) rassemble les systèmes d’agrafe bipartites 4814 AC Avignon, CC 1009 et AD Vaucluse, E Pintat 35 bis-1134. Malacrida 1983, p. 41. 4816 Se reporter à l’annexe 7, partie 1.2.1.3. 4815 1067 3. Approche croisée du mobilier archéologique fabriquées à partir d’un ou plusieurs fils métalliques, le second (type B), les exemplaires dont les deux parties sont en tôle/et ou issus de la fonte. Usuellement, le terme d’agrafe à double crochet sert à désigner un accessoire vestimentaire et parfois de parure, longiligne, dont les deux extrémités se recourbent en un crochet, en face-à-face. Il existe, cependant, des agrafes à double crochet dont les crochets ne se recourbent pas vers la même face. Il convient donc de distinguer les agrafes à double crochets opposés (type C) – elles correspondent au cas usuel – et les agrafes à double crochets inversés (type D). D’un point de vue chronologique, les agrafes à crochets opposés (type C) sont attestées depuis la deuxième moitié du VIIe siècle jusqu’au XVIe siècle, à travers des exemplaires à deux ou quatre crochets4817. Le lecteur peut consulter en annexe 4 un catalogue des spécimens à double crochet rencontrés dans la bibliographie ou lors de l’examen des corpus mobilier antérieurs au XIe siècle. Les quelques fermaux du corpus ont été réunis dans le type E. Pour quelques rares objets, l’identification en tant qu’agrafe du costume n’est pas totalement acquise en raison de l’absence de documentation archéologique ou iconographique probante. Ils peuvent en effet avoir été employés comme fermoir de livre. Un catalogue des fermoirs de livre identifiés grâce à des pièces en situation est disponible dans l’annexe 3. Type A : Agrafe bipartites en fil (fig. 493, n° 1 à 19) Les agrafes bipartites en fil sont constituées de deux éléments cousus (fig. 493, n° 6) ou rivetés (fig. 493, n° 8) au vêtement, chacun par l’intermédiaire de deux volutes : la partie mâle comprend un crochet, la partie femelle une « porte » ou « barbacane » pour le recevoir (fig. 493, n° 12). Sur une peinture de Jean Fouquet représentant le bouffon Gonela et datée vers 1450, la précision de la représentation permet d’observer que les fils de couture fixent la partie proximale de l’agrafe en passant par l’intérieur des deux volutes (fig. 492). Ces petites agrafes permettaient de fermer des pièces de vêtement, une encolure (fig. 492), ou cousues au bas et à l’intérieur de la robe de la relever à hauteur de la taille lors de travaux nécessitant une certaine liberté de mouvement. Ce dernier emploi, toujours existant dans l’habit des religieuses, a permis d’interpréter la découverte de certaines agrafes modernes à hauteur des tibias de moniales au couvent de l’Ave Maria à Paris4818. 4817 4818 Se reporter à l’étude du type D pour l’argumentation prouvant cette datation. Bouëtiez de Kerorguen 1996, p. 162. 1068 3. Approche croisée du mobilier archéologique Au milieu du XVIIIe siècle, dans le Nord de la France, la fabrication de ces accessoires rentre dans les attributions des épingliers d’après L. Duhamel qui décrit la chaîne opératoire de fabrication dans l’édition de 1777 du tome VII des Descriptions des arts et métiers4819. Les étapes suivantes y sont retracées (fig. 491, A) : - pliage en deux du fil, - aplatissement de la pliure au marteau, - recourbement des extrémités pour faire les volutes ou boucles avec une pince dont les mâchoires sont « terminées par deux poinçons arrondis », - déformation avec le même outil du bout aplati pour faire l’anse, ou recourbement pour réaliser le crochet. À ces opérations, il convient d’ajouter, pour quelques exemplaires, les gestes suivants (fig. 491, B) : - recourbement de l’extrémité d’un deuxième fil, - insertion de ce fil entre les deux extrémités du premier fil, - enroulement d’un troisième fil autour de l’assemblage ainsi constitué pour le fixer. Le mobilier provençal, toujours en alliage cuivreux, a été classé selon le nombre de fils utilisés et le mode de fabrication de l’objet. Les agrafes bipartites en fil ont été classées en trois sous-types, le premier (sous-type A1) comprend les agrafes constituées d’un unique fil sans aucune fioriture, le second, les exemplaires ornés d’une portion torsadée (sous-type A2), le dernier, les individus confectionnés avec trois fils (sous-type A3). Type A1 : Agrafe bipartite en fil unique simple (fig. 493, n° 1 à 13) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne : trois éléments d’agrafe en fil, l’un NDS, les deux autres issus de sépultures de fin XIIIe - XVe siècle. Bouches-du-Rhône  16, boulevard de la République, Aix-en-Provence : n° 7, comblement de fossé moderne.  Chartreux, Aix-en-Provence : n° 1, H.S.  Église Saint-Victor, Marseille : n° 212 d’une couche de caveau du XVIIe - XVIIIe siècle. 4819 Duhamel et al. 1777, p. 589-590. 1069 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Les Thermes, Aix-en-Provence : élément femelle du n° 76 retrouvé dans un caveau moderne.  Place du Général de Gaule, Marseille : n° 151, vers 1360 - 1370.  Puget III, Marseille : n° 23 du comblement d’une sépulture moderne ou contemporaine.  Vieille Major, Marseille : trois systèmes d’agrafage complet, couche de caveau antérieure au milieu du XVIIIe siècle. Var  Villa d’Ascaou, Correns : n° 3, prospection, H.S. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1251 d’un contexte de datation inconnue, n° 1257 d’une strate peut-être datée de la seconde moitié du XIVe siècle.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1259 d’un comblement de four de bronzier de fin XVIIe - début XVIIIe siècle.  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-259 d’une couche de datation inconnue.  Rue Banasterie, Avignon : n° 168 et 612 de strates de datation inconnue.  Rue Carreterie, Avignon : n° 321 et 322, datation inconnue. De loin les plus courantes, ces agrafes sont composées d’un unique fil. Un exemplaire a conservé les deux têtes des rivets qui permettaient son attache au vêtement (fig. 493, n° 8), sur un autre l’oxydation a piégé des portions de fibres textiles (fig. 493, n° 6), l’objet était donc fixé par couture. Ce type, encore employé actuellement, est attesté depuis la seconde moitié du XIIIe siècle4820, mais il ne devient courant qu’à partir du XVe siècle. Les deux 4820 France, Bas-Rhin : neuf éléments mâles, six éléments femelles, contextes de 1262 - 1293 jusqu’au XVIe siècle, château d’Ortenbourg, de Ramstein et de Rathsamhausen à Ottrott (Rieb et Salch 1973, n°362 à 367, 369 à 371 ; Vivre au Moyen Âge 1990, p. 431, n° 3.46), deux éléments mâles et deux éléments femelles, N.D.S., ancienne abbatiale de Marmoutier (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 474, n° 4.26) ; deux unités, XVIe siècle, château de Haut-Barr, Saverne (Vivre au Moyen Âge 1990, p. 452, n° 3.130). Charente-Maritime : un élément femelle, 1675 - 1750, 23 rue du Duc, La Rochelle (Berthon (dir.) 2013, p. 71). Corse-du-Sud : moitié femelle en fer, seconde moitié XVe - début XVIe siècle, village médiéval de l’Ortolo (Comiti 1996, p. 45). Doubs : douze systèmes, dépotoir du XVIe siècle, Bourg Saint-Martin, Montbéliard (Fuhrer 2000, p. 117). Indre-et-Loire : quatre systèmes associés à des boutons dans une sépulture d’adolescente du XIXe siècle, trois systèmes dans le sol du cimetière d’Époque moderne ou contemporaine, un élément mâle dans l’abandon du cimetière après 1860, cimetière de l’église, Rigny-Ussé (Poirot et al. 1992, p. 117, 118, 155, 157) ; une moitié mâle avec extrémité aplatie, deuxième ou troisième quart XVIIe siècle, château de Tours (Motteau (dir.) 1991, n° 20). Isère : un système, remplissage d’une sépulture du second quart XVe - fin XVe siècle, 1070 3. Approche croisée du mobilier archéologique spécimens les plus anciens, en provenance du château d’Ortenbourg dans le Bas-Rhin, ont été retrouvés dans une couche datée entre 1263 et 12934821. L’un de ceux-ci se distingue par un crochet terminé en anneau tout comme un individu en fer daté du XVe ou XVIe siècle. Trois autres parties mâles ou femelles en fer retrouvées sur ce site et d’un contexte de même datation sont de forme plus classique4822. En Corse, la fouille du village de l’Ortolo a également livré une moitié d’agrafe, cette fois femelle, en fer. Elle provient d’un contexte de la seconde moitié du XVe siècle et du début du XVIe siècle4823. Toujours sur le site d’Ortenbourg, trois moitiés d’agrafe des XVe - XVIe siècles sont signalées comme étant « en cuivre étamé »4824. Les éléments d’agrafe ne dépassent ordinairement pas les 2 cm de long, mais quelques rares objets modernes atteignent jusqu’à 4 cm4825. Cinq parties mâles d’Ortenburg, des XVe et XVIe siècles4826, ainsi qu’une moitié mâle en provenance du château de Tours en Indre-et-Loire, du deuxième ou troisième quart du XVIIe siècle et un élément mâle découvert sur « Le Machault » au Québec, coulé en 1760, présentent un aplatissement élément mâle accroché à un reste de cuir percé d’un œillet, contexte non daté, église Saint-Laurent, Grenoble (Colardelle 1999, t. 2, p. 38 ; Colardelle 2008, p. 314). Lozère : un objet, XIVe - XVIIe siècle, Château d’Apcher (étude en cours). Moselle : une moitié mâle, contexte daté entre le XIVe siècle et 1722, ancienne église, Bliesbruck (Vianney et al. 2012, p. 143, fig. 61) ; un élément femelle, place de la Comédie, seconde moitié XVe siècle, Metz (Goedert et al. (dir.) 1996, n° 172). Paris : douze « agrafes » dont un système figuré, fin Moyen Âge et Époque moderne, couvent de l’Ave Maria (Bouëtiez de Kerorguen 1996, p. 161, 162 et 163). Vosges : élément mâle, contexte du XVIe - XVIIe siècle, château d’Épinal (Kraemer 2002, p. 248). Espagne, Province de Barcelone : une moitié mâle, XVIe - XVIIe siècle, Carrer de l’Hospital et carrer del Carme, Barcelone (Garcia Mulero 2010, p. 156157). Italie, Province de Verceil : un système, non daté, église San Michele, Trino (Lebole di Gangi 1989, p. 156). Suisse, Canton de Soleure : deux éléments femelle et un élément mâle, dans les bains de la ville, 1471 - 1643, palais Besenval, Soleure (Nold et al. 2007, p. 25). Royaume-Uni, Southampton : un élément femelle, vers 1630 - 1640, High street C (Harvey et al. 1975, n° 1869). Yorkshire du Nord : une moitié mâle ? (non figurée), milieu/seconde moitié XVe siècle, Berdern foundry, Tork (Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2921-2922). Portugal, Alentejo central : un élément femelle et un élément mâle, contexte du XVIIe ou XVIIIe siècle, Château de Montemor-o-Novo (Um objecto 2011a). Canada, Québec : une moitié mâle, contexte daté entre 1682 et 1720, Monastère des récollets, Québec (Moos (dir.) 1988, p. 231) ; élément mâle avec aplatissement au bout du crochet, 1760, navire « Le Machault » (Sullivan 1986, p. 77). 4821 Rieb et Salch 1973, n° 362 et 363. 4822 Ibid., n° 363 et 369. 4823 Comiti 1996, p. 45. 4824 Rieb et Salch 1973, n° 365 et 371. 4825 Au château d’Épinal dans les Vosges, un contexte moderne a fourni un élément mâle de 4 cm de long pour 1,8 cm de large (Kraemer 2002, p. 248), et au château de Ramstein, un objet de la fin du XVIe siècle mesure 3,6 x 1,25 cm (Rieb et salch 1973, n° 366). Sur le site de la cité monastique de Whitorn et Saint-Ninian (Dumfries and Galloway), une portion mâle mesure 2,8 cm de long pour 1 cm de large (Nicholson 1998a, p. 381, Fig. 10.68, n° 31). 4826 Rieb et Salch 1973, n° 364 et 365. 1071 3. Approche croisée du mobilier archéologique du bout du crochet. Aucun exemplaire provençal ne présente cette particularité dont le mode de fabrication est décrit par L. Duhamel (fig. 491, A)4827. Il n’est pas rare qu’il ne soit retrouvé dans les sépultures que l’élément femelle ou mâle. L’objet peut fort bien avoir été apporté par le comblement ; toutefois, la partie mâle pouvait fonctionner avec un œillet percé dans du cuir ou du tissu comme pour un exemplaire en fil accroché à un reste de cuir découvert dans un contexte non daté de l’église SaintLaurent de Grenoble en Isère4828. Peut-être ceci explique-t-il la présence, au carré SaintJacques à La Ciotat, de deux crochets en fil sur le corps d’un homme âgé (phase 3 : 1710 1831) et de deux crochets associés à neuf boutons en os sur le squelette d’un enfant de 5-9 ans (phase 2 : 1642 - 1710) ? Deux sépultures de jeunes femmes (phase 3) contenaient pour l’une trois agrafes bipartites en fil et un bouton en nacre, pour l’autre, huit agrafes de ce même type4829. Type A2 : Agrafe bipartite en fil unique à torsade(s) (fig. 493, n° 14 et 15) Bouches-du-Rhône  Les Thermes, Aix-en-Provence : n° 76 retrouvé dans un caveau moderne.  Palais Monclar, Aix-en-Provence : n° 1, intrusif dans un égout antique partiellement démonté au Moyen Âge et à l’Époque moderne. Les exemplaires du corpus, de grande dimension, ont une ou deux torsades sous les nœuds. Le diamètre du fil est de 0,16 et 0,18 cm. Des parties d’agrafe au fil de plus faible diamètre et de taille plus petite, de 2 et 2,35 cm de long ont été découverts place de Verdun à Tarbes4830 et sur la collina di San Giorgio à Filattiera dans la province de Massa-Carrara4831. Il s’agit respectivement d’un élément mâle d’Époque moderne avec une torsade et une moitié femelle avec deux torsades de la seconde moitié du XIVe siècle. Sur ces deux objets, les torsades sont au centre de l’objet. Le spécimen du palais Monclar (fig. 493, n° 14) se différencie par une extrémité en queue de poisson, celui des Thermes par un aplatissement de l’extrémité du crochet (fig. 493, n° 15). 4827 Duhamel 1777, p. 589-590. Colardelle 1999, t. 2, p. 40. 4829 Frangin et al. 2011, p. 344. 4830 Barrère 1994, p. 67. 4831 Cabona 1982, p. 353. 4828 1072 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type A3 : Agrafe bipartite en fils multiples (fig. 493, n° 16 à 19) Bouches-du-Rhône  Alcazar, Marseille : n° 114, comblement de tranchée d’épierrement, fin XIIIe début XIVe siècle. Var  Cadrix, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 402 dans une sépulture du XVIe siècle. Vaucluse  Rue Banasterie, Avignon : n° 63 d’une strate de datation inconnue.  65, place de Cabassole, Cavaillon : n° 1, H.S. Quatre éléments d’agrafe présentent un fil supplémentaire terminé par une volute et un fil de petit diamètre permettant sa fixation au corps de l’agrafe. L’exemplaire de Cadrix (fig. 493, n° 19) a perdu le fil de serrage et n’en conserve plus que la trace sur les deux autres fils. Quant au spécimen de l’Alcazar (fig. 493, n° 18), l’oxydation a fondu la partie centrale de l’objet en une « plaquette ». Ces deux objets présentent un aplatissement de leur porte. Les éléments de comparaison sont peu nombreux : un élément mâle d’un niveau de la seconde moitié du XIVe siècle du prieuré de Marnans en Isère4832, deux autres au château de Grigny (fin XIIe - début XIIIe siècle à 1640) dans le Pas-de-Calais4833, un dernier de la fin du XVIe siècle à l’abbaye de Chelles en Seine-et-Marne4834, une moitié femelle incomplète de la première moitié du XVe siècle en provenance du site de Rathsamhausen à Ottrott dans le BasRhin4835, quatre éléments mâles et deux femelles au château d’Apcher en Lozère4836. Du Gué de Bazacle à Toulouse provient un individu femelle particulièrement élaboré auquel est resté attaché deux fragments de chaînette, l’un à l’endroit de la volute centrale, l’autre à la barbacane4837. Une troisième chaînette ou l’élément mâle d’une agrafe fixée à la pièce à fermer devait pouvoir s’y rattacher. 4832 Colardelle et al. 1983, p. 88, L x l = 2 x 1,3 cm. Dilly et al. 1999, p. 128, n° 5.20, L x l = 5,4 et 5,7 x 2,2 cm. 4834 Coxall et al. 1994, fig. 212, n° 1. Dimensions inconnues. 4835 Rieb et Salch 1973, n° 368, L x l = 1,3 x 1 cm. 4836 La stratigraphie, en cours d’analyse, est à situer d’après l’étude céramique entre le XIVe et le XVIIe siècle. 4837 Aujourd’hui le Moyen Âge 1981, n° 417. Dimensions inconnues. 4833 1073 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type B : Agrafe bipartite en tôle et/ou issue de la fonte (fig. 493, n° 20 à 24 ; fig. 494, n° 1 à 3) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 428, N.D.S. Bouches-du-Rhône  Castrum de La Quille, Le Puy-Sainte-Réparade : n° 1, N.D.S.  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : B5601911, sol d’occupation de la première moitié du XIIIe siècle. Gard  Cloître, Saint-Gilles : n° 2012-12 et 2012-13, comblement d’une sépulture, milieu XVe ? - milieu XVIIe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 33, foyer ?, n° 594, couche de destruction par le feux, n° 3701, couche de dépotoir associée à l’effondrement d’un bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 1000, contexte du deuxième tiers du XIVe siècle.  Rue Philonarde, Avignon : n° 20, début XIVe siècle. Cet ensemble d’objets n’est pas homogène dans ses procédés de fabrication comme dans sa morphologie. La raison est liée à la nature du mobilier. Le regroupement actuel se fonde également sur l’absence, à l’exception d’un exemplaire, de système d’agrafage complet. Il n’est donc pas possible de reconstituer les couples mâle-femelle, autant qu’ils aient pu exister. Des agrafes mâles ont pu fonctionner seules par exemple. En outre, pour la plupart de ces artefacts, aucun élément de comparaison n’a été retrouvé dans la bibliographie. La majorité d’entre eux sont donc supposés relatifs au costume car ils ne présentent aucun caractère commun avec les objets trouvés sur les reliures des manuscrits et livres médiévaux et modernes. Quelques pièces ont pu servir dans un système d’agrafage de ceinture4838. 4838 Dilly et al. 1999, p. 127 à 128. 1074 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les numéros 12 et 13 du cloître de Saint-Gilles (fig. 494, n° 1 et 2) ont été retrouvés ensemble dans un même contexte et semblent attester que des objets forts différents pouvaient fonctionner les uns avec les autres. Un élément femelle analogue à celui du corpus, c’est-àdire obtenu par la fonte, avec une fenêtre quadrangulaire, une deuxième fenêtre circulaire et une excroissance circulaire ici non percée, a été retrouvé dans une sépulture du cimetière du bas Moyen Âge et d’Époque moderne de Saint-Saviour à Vrh Rika dans le comitat de SplitDalmatie en Croatie4839. Les contre-agrafes n° 12 de Saint-Gilles (fig. 494, n° 2) et n° 428 de Digne (fig. 493, n° 24), toutes deux obtenues par la fonte, présentent une fenêtre quadrangulaire destinée à réceptionner le crochet de l’élément mâle. L’exemplaire de Digne est décoré de zigzags et de trois ouvertures circulaires disposées en triangle (fig. 493, n° 24). Trois perforations plus petites, disposées en triangle inversé, servaient à la fixation. Le spécimen gardois est ajouré d’une fenêtre ovale et d’une autre fenêtre circulaire qui ont du participer à la fixation. La surface de la partie quadrangulaire est parsemée de pans coupés issus du moule et est creusée d’un décor de lignes assez profondes réalisées ou du moins retouchées par gravure au tremblé. Le crochet qui fonctionnait avec cette contre-agrafe est incisé de petits segments obliques. Il semble assez proche du crochet fosséen (fig. 494, n° 3), malheureusement incomplet, sur lequel se perçoit quelques restes d’une ornementation gravée. L’agrafe n° 1000 de l’impasse de l’Oratoire (fig. 493, n° 23), exécutée dans une tôle, présente une morphologie qui n’est pas sans rappeler les agrafes de type A1a. La découverte d’un fragment de moule en pierre calcaire du XVe ou XVIe siècle au château de Rathsambausen-Otrott dans le Bas-Rhin, montre que la forme de ces agrafes pouvait également être obtenue par la fonte4840. En ce qui concerne les trois derniers crochets, l’un a probablement été moulé ou obtenu par déformation plastique au marteau (fig. 493, n° 21) et les autres ont été découpés dans une tôle (fig. 493, n° 20 et 22). Très abîmé, l’objet de la rue Philonarde (fig. 493, n° 21) affiche quelques traces d’oxydes de fer au milieu de sa partie circulaire, preuve résiduelle de l’existence d’un rivet. L’agrafe du castrum de La Quille (fig. 493, n° 20) en a conservé un fragment. Un objet d’apparence similaire fut découvert au Fort Pentagouet à Castine dans le comté de Hancock aux États-Unis4841. Des crochets à corps circulaire plat en fer sont employés dans le cadre de la fixation des éperons : un possible exemplaire est fixé à l’un des 4839 Petrinec 1996, p. 18. Vivre au Moyen Âge 1990, p. 430, n° 3.43. 4841 Faulkner et Faulkner 1989, p. 250-251. 4840 1075 3. Approche croisée du mobilier archéologique œillets d’un éperon à molette mis au jour sur le castrum Saint-Jean à Rougiers (fig. 258, n° 5). Des pièces d’identification plus assurée sont relevées sur des éperons à molette à deux œillets par branche mis au jour en France et en Italie : - une agrafe à corps circulaire sur chacune des branches d’un éperon attribué à la fin du XIVe siècle et au début du XVe siècle issu d’une phase du XVIe siècle du castello della Motta di Savorgnano à Povoletto dans la province d’Udine en Italie4842, - deux agrafes à corps circulaire décoré sur une branche et une boucle de type O1b à chape de type E à corps triangulaire sur l’autre branche pour un éperon, attribué au XVIIe siècle, découvert sur le site du château de Peyrepertuse (N.D.S.) à Duilhac-sous-Peyrepertuse dans l’Aude4843. Deux agrafes isolées en fer étamé trouvées au castrum Saint-Jean à Rougiers, au corps décoré d’un motif en relief de losange et de points sans doute obtenu avec une matrice, comportent un crochet à une extrémité et un anneau à l’opposé. Un emploi dans la fixation des éperons paraît vraisemblable ainsi que l’imagine G. Démians d’Archimbaud4844. Type C : Agrafe à crochets multiples opposés (fig. 494, n° 4 à 12)4845 Au haut Moyen Âge, l’agrafe à double crochet opposé, en fer, en argent, mais le plus souvent en alliage cuivreux, sert à rapprocher deux pans d’une pièce vestimentaire. Les premiers exemplaires apparaissent dans la seconde moitié du VIIe siècle4846 d’après la Chronologie normalisée du mobilier funéraire mérovingien entre Manche et Lorraine de R. Legoux, P. Périn et F. Vallet4847. Cet ouvrage ne renseigne pas, toutefois, sur la fin de leur période d’utilisation. Cependant, il est usuellement considéré que le XIe siècle marque la 4842 Piuzzi et al. 2003, p. 102. Bayrou 2000d, p. 207. 4844 Démians d’Archimbaud 1980a, p 1086. 4845 Un article reprenant une partie de ce chapitre est paru dans le numéro de décembre 2014 du bulletin Instrumentum (Thuaudet 2014b). 4846 Des chercheurs comme G. Fouet (1963) puis C. Jigan et J.-Y Martin (1984) ont proposé une datation romaine pour quelques types d’agrafe, mais ainsi que l’explique F. Stutz (2003, 164-165), cette hypothèse se doit d’être rejetée : « G. Fouet a voulu montrer que les agrafes à double crochet avaient une origine gallo-romaine. Pour cela, il a présenté des crochets filiformes qui ne sont pas comparables aux agrafes à double crochet et s’est appuyé sur des considérations stratigraphiques invérifiables et peu convaincantes. … S’appuyant sur l’étude de G. Fouet, C. Jigan et J.-Y Martin ont attribué des agrafes trouvées à Rouen à la même époque » (Stutz 2003, 164-165). 4847 Legoux et al. 2009, n°295. 4843 1076 3. Approche croisée du mobilier archéologique limite de leur emploi. L’existence d’autres types d’agrafes à deux, voire même à quatre crochets opposés, employées du XIVe siècle au XVIe siècle est depuis longtemps méconnue. Il y a peu, et bien que C. Enlart l’ait déploré en son temps4848, il était encore fait la confusion entre ces formes et les modèles plus anciens4849. Il est à espérer que la récente publication d’A. Berthon dans le bulletin Instrumentum4850, au catalogue fourni, aide à une meilleure connaissance de ce mobilier et de sa diversité morphologique. Quelques spécimens datables entre le XIVe et le XVIe siècle, découverts en Provence, sont décrits un peu plus loin. Le sujet des agrafes à double crochet opposé est particulièrement vaste, autant à cause de l’étendue géographique sur laquelle ces objets ont été retrouvés, que par les problématiques liées aux questions de chronologie, de fonction, de techniques de fabrication, etc., susceptibles d’être abordées. L’un de ces questionnements porte sur le hiatus chronologique entre les formes anciennes d’agrafes à double crochet opposé – il est donné un aperçu des spécimens trouvés en Provence en annexe 4 – qui disparaîtraient au XIe siècle et les formes récentes connues d’après les données actuelles du XIVe au XVIe siècle. Cet intervalle de temps a-t-il une existence réelle ? Relativement au but recherché, il est nécessaire de s’interroger sur la nature des contextes des XIe - XIVe siècles qui ont livré des agrafes à double crochet « anciennes ». Exceptionnellement, le cadre géographique a été étendu au quart sud-est de la France pour bénéficier de données plus nombreuses. - Des contextes et des datations stratigraphiques souvent peu fiables Une grande partie des agrafes à double crochet opposé mises au jour par l’archéologie ne bénéficie pas d’une datation stratigraphique précise, généralement du fait de l’absence de mobilier datant ou de possibilité de datation C14. En outre, il a été relativement peu fouillé de niveaux formellement datés du XIe siècle dans le quart sud-est de la France, ce qui a une conséquence évidente sur le nombre d’agrafes possiblement datables de cette période. Enfin, la nature des contextes de découverte ne permet pas toujours de proposer une datation fiable et il faut tenir compte de la présence de mobilier résiduel dans les couches archéologiques. 4848 Enlart 1916, p. 244. Se conférer par exemple à Albert-Thi 1971, pl. XXVI ; Hübener 1971, fig. 1, n° 1 et 2 ; Stutz 2003, t. 2, pl. 71, n° 1019. 4850 Berthon 2014. 4849 1077 3. Approche croisée du mobilier archéologique En Isère, la fouille du site de Colletière à Charavines-les-Bains a livré deux spécimens en fer étamé4851 et celle de la motte castrale du Châtelard à Chirens, trois exemplaires en alliage cuivreux4852. L’occupation de ces deux sites est respectivement datée de la première moitié du XIe siècle et des trois premiers quarts du XIe siècle. Dans le même département, le remplissage d’une sépulture de la seconde moitié du XIe siècle dans l’Église Saint-Laurent de Grenoble a fourni un objet de même matériau4853. Ce contexte est cependant problématique du point de vue de la datation : il contient souvent des éléments résiduels provenant d’inhumations antérieures. Il en est de même d’une couche de débris datée du XIe siècle contemporaine de la construction de l’église de la Gayole à La Celle dans le Var (annexe 4, fig. 38, n° 6). Ces travaux ont certainement conduit à un remaniement de couches plus anciennes et l’agrafe en alliage cuivreux retrouvée provient peut-être d’un dépôt antérieur. Une fouille de sauvetage organisée dans le centre d’Aubagne dans les Bouches-duRhône en 1989 a permis la découverte d’une agrafe en alliage à base de cuivre (ann. 4, fig. 37, n° 1) dans le comblement d’une sépulture, composante d’un cimetière que M. Gazenbeek propose de dater du XIIe siècle et du début du XIIIe siècle sur la foi d’une monnaie en partie illisible4854. Il a déjà été évoqué qu’un tel contexte n’avait pas de valeur concernant la datation du mobilier qu’il contient. Les premiers documents citant Aubagne remontent au début du XIe siècle et le terme castrum est utilisé en 10604855. À Marseille, des agrafes cuivreuses ont été mises au jour dans un remblai de cimetière du XIIIe siècle (ann. 4, fig. 37, n° 14), dans un remblai de jardin de la fin XIVe - XVIIe siècle (ann. 4, fig. 37, n° 10), dans le comblement d’une fosse du début du XIVe siècle (ann. 4, fig. 38, n° 9). Ces artefacts résiduels proviennent de contextes bouleversés. Il en est probablement de même pour deux spécimens en alliage cuivreux retrouvés à Fos-sur-Mer dans les Bouches-du-Rhône, sur un sol du XIVe siècle (ann. 4, fig. 37, n° 3) et dans un remblai postérieur au milieu du XIVe siècle (ann. 4, fig. 37, n° 8)4856. En effet, le site est occupé dès les Xe - XIe siècles. Sur le site de Saint-Gilles-le-Vieux à Aimargues dans le Gard, un comblement de fosse de type dépotoir, de la première moitié du XIIe siècle d’après la 4851 Colardelle et Verdel 1993, p. 216-217. Châteaux 1987, p. 69 ; Mazard et al. 1993, p. 338. 4853 Colardelle 1999, t. 2, p. 1 ; Colardelle 2008, p. 251. 4854 Gazenbeek 1989, fig. 10 ; Gazenbeek 1991, p. 31. 4855 Gazenbeek 1991, p. 31. 4856 Données inédites. 4852 1078 3. Approche croisée du mobilier archéologique céramique, a livré un exemplaire en alliage à base de cuivre4857. Cependant, le site ayant été occupé auparavant, l’artefact peut se révéler être plus ancien. Les éléments qui prouvent indubitablement le port des agrafes à double crochet dans le quart sud-est de la France dans le courant du XIe siècle sont rares, mais qu’en est-il pour les siècles suivants ? Faut-il toujours interpréter les agrafes à double crochet « anciennes » retrouvées dans des niveaux postérieurs au XIe siècle comme résiduelles ? - Un type méridional plus récent ? Cette interprétation semble ne pas devoir être avancée pour un groupe d’agrafes en alliage cuivreux. L’une d’elles (fig. 494, n° 7) est issue d’un contexte daté vers 1285 - vers 1309/1315 du site du castrum Saint-Jean à Rougiers dans le Var4858. Les premiers bâtiments sont construits à la fin du XIIe siècle et dans la première moitié du siècle suivant. Cet objet au corps renflé à l’avers et plus aplati au revers, creux, a été fabriqué par la fonte. Il arbore un décor composé d’annelets limitant des stries longitudinales. Les parois sont perforées pour le passage d’un lien textile ou de cuir ou bien encore d’une chaînette. Ces deux artefacts ont un corps renflé et creux de section ovale ou circulaire. S’agit-il d’un objet récupéré ou a-t-il pu être produit au XIIe ou au XIIIe siècle ? La seconde hypothèse paraît vraisemblable puisqu’une agrafe à double crochet de même forme, mais cette fois confectionnée à partir d’une unique tôle enroulée sur elle-même, fut retrouvée sur le côté gauche du thorax d’un corps inhumé, dans la cathédrale Notre-Dame-du-Bourg à Digne dans les Alpes-de-HauteProvence, au XIIe ou au XIIIe siècle (fig. 494, n° 8). Un objet de conformation semblable (fig. 494, n° 6) a été ramassé en prospection sur le site de Cantarelle à Brue-Auriac dans le Var et un autre (fig. 494, n° 5) pourrait avoir appartenu à la collection Bauthias à SainteCécile-les-Vignes dans le Vaucluse. Un cinquième artefact provençal provient d’une cabane, dont l’occupation pourrait se situer quelque part entre le VIIe siècle et le Xe siècle, du site de Saint-Pierre 1 à Eyguières dans les Bouches-du-Rhône (fig. 494, n° 4). Cependant, les éléments de datation à disposition des archéologues sont peu nombreux et pas réellement concluants. Deux agrafes de ce type ont été ramassées en prospection dans le Gard, au lieu-dit 4857 Maufras et al. 2002, p. 968. L’auteure attribue l’objet à un contexte de la première moitié du XIVe siècle mais il s’agit d’une erreur. Après vérification des fiches d’enregistrement, il s’est révélé appartenir à une phase de la fin du XIIIe siècle et du début du XIVe siècle. Un deuxième artefact est interprété comme une agrafe à double crochet (Démians d’Archimbaud 1980, 517, pl. 478, n° 33) mais c’est en fait un fragment d’applique de suspension (le comparer à Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 223). 4858 1079 3. Approche croisée du mobilier archéologique Terrier et Gilbertes à Flaux et à Panely ouest à Pouzilhac4859. Cette dernière ne comporte pas de stries entre les annelets. Une dernière agrafe a été récupérée sur le site du Castillo de la Torre Grossa à Jijona dans la province d’Alicante en Espagne4860. Le château est construit à la fin du XIIe siècle ou dans la première moitié du XIIIe siècle et l’occupation perdure au XIVe siècle. - Un autre cas en Isère ? R. Colardelle signale dans sa publication des fouilles de l’église Saint-Laurent de Grenoble en Isère une agrafe en alliage cuivreux positionnée sur le côté gauche du thorax d’un sujet enseveli d’après le phasage entre vers 1320 et le premier tiers du XVe siècle. Une datation radiocarbone d’une structure en position stratigraphique antérieure écarte la possibilité d’une datation de la sépulture avant la fin du XIIIe siècle4861. L’objet appartient au type à profil rhomboïdal défini par F. Stutz et dont deux exemplaires proviennent d’un remblai sur le site mérovingien de Quarante 1 dans l’Hérault4862 et deux autres de la motte castrale du Châtelard (trois premiers quarts du XIe siècle) à Chirens. - Un hiatus à reconsidérer Les exemples qui viennent d’être cités tendraient à prouver l’existence d’agrafes à double crochet aux XIIe et XIIIe siècles. Il pourrait être objecté que la plupart de ces objets ont pu être réutilisés, mais la présence de trois spécimens d’agrafes à corps creux, dont deux provençaux (fig. 494 n° 7 et 8), de cette période, montre semble-t-il qu’il a existé une production attribuable aux XIIe - XIIIe siècles, peut-être circonscrite au pourtour méditerranéen. Quant à l’objet grenoblois, mis au jour dans une sépulture du bas Moyen Âge, il est possible que son type ait été produit durant une longue période. L’existence d’une fabrication d’agrafe à double crochet aux XIIe et XIIIe siècles peut paraître évidente pour faire la liaison entre les productions des VIIe - XIe siècles et celles des XIVe - XVIe siècles. Ces 4859 Ces objets trouvés fortuitement nous ont été transmis. Azuar Ruiz 1985, 103 ; Azuar Ruiz et López Padilla 1997, 173. Cet artefact est interprété par erreur comme un élément constitutif d’un coffret en os. 4861 Colardelle 2008, p. 303-304. 4862 Stutz 2003, pl. 71, n° 1009-1010. 4860 1080 3. Approche croisée du mobilier archéologique propositions doivent être affermies par d’autres découvertes, éventuellement par la révision de la documentation de fouille de certains sites. - Les agrafes à crochets des XIVe - XVIe siècles en Provence Plusieurs exemplaires d’agrafes à double ou quadruple crochet datables de cette période ont été mis au jour en Provence : une agrafe à double crochet en fil (fig. 494, n° 11), des agrafes à double crochet au corps torsadé (fig. 494, n° 9 et 10), une agrafe à quadruple crochet en fil (fig. 494, n° 12). Un spécimen à double crochet en fil provient du site de Méjanes à Saintes-Maries-dela-Mer (fig. 494, n° 11) dans les Bouches-du-Rhône. L’agrafe est constituée d’un simple fil de section circulaire aux extrémités recourbées. Un objet similaire provient d’un contexte de la nef de l’église du couvent de l’Ave Maria (XVe - XVIIIe siècle) à Paris4863, un deuxième d’une strate de la première moitié du XVIe siècle du site d’Abbots Lane à Londres4864, un troisième d’un niveau des XVe - XVIe siècles à Douai dans le Nord4865. Ce dernier exemplaire comporte deux perles annulaires en verre sur la tige. Les deux agrafes à double crochet à corps torsadé du corpus, sans doute obtenues par fonte, ont un corps à torsades serrées (fig. 494, n° 9 et 10). Un premier exemplaire est conservé au musée de l’Arles antique, un deuxième au musée Borély à Marseille (fig. 494, n° 9). Ce dernier a été interprété par erreur comme datant du haut Moyen Âge par A. AlbertThi. Une agrafe à torsades serrées a été mise au jour dans un niveau du XVe siècle à Douai dans le Nord4866, dans un contexte des XVe/XVIe - XVIIIe siècles à Saint-Mexme de Chinon en Indre-et-Loire4867. A. Albert-Thi a mis en parallèle l’objet marseillais avec deux artefacts conservés au musée de Dombourg et au musée Kam à Nimègue aux Pays-Bas4868. Elle le rapproche également de deux exemplaires à torsades amples gardés au musée T. Dobrée à Nantes et au Musée de Leewarden aux Pays-Bas4869. Les agrafes à torsades serrées sont apparentées à des agrafes à torsades amples confectionnées à partir d’une tôle. Ces dernières sont plus fréquentes. Un spécimen à deux 4863 Bouëtiez de Kerorguen 1996, p. 163, fig. 6, n° 9, L x l = 6,1 x 1,25 cm ; Berthon 2014, p. 42, n° 1. Egan 2005, p. 47, fig. 29, n° 171, L x l 4,4 x 0,8 cm ; Berthon 2014, p. 42, n° 3. 4865 Berthon 2014, p. 42, n° 5, L x l = 4 x 0,7 cm. 4866 Ibid., p. 43, n° 6, L x l = 9,4 x 0,9 cm. 4867 Motteau 2006, p. 345, n° 129, L x l corps = 4,7 x 0,5 cm 4868 Albert-Thi 1971, pl. XXVI, n° 3 et 4, dimensions inconnues. 4869 Ibid., pl. XXVI, n° 2 et 5, dimensions inconnues. 4864 1081 3. Approche croisée du mobilier archéologique torsades a été retrouvé Rue Mongat à Douai dans le Nord, dans un contexte du XVe - première moitié du XVIe siècle4870, un deuxième au château de Grigny (fin XIIe - début XIIIe siècle à 1640) dans le Pas-de-Calais4871. Dans sa thèse sur les objets mérovingiens de type septentrional dans la moitié sud de la Gaule, F. Stutz signale un individu à trois amples torsades découvert hors stratigraphie à l’endroit d’un passage à gué sur l’Ariège en HauteGaronne4872. Deux exemplaires à trois torsades proviennent d’une strate du XVIe siècle sur le site de la Place des Halles à Troyes dans l’Aube4873, et un spécimen d’un possible niveau du XVIe siècle du site du Carreau du Temple à Paris4874. Un fragment daté du XVIe siècle sur ce site pourrait avoir eu cette morphologie4875. Une strate du XIVe siècle à Ypres en Belgique en Flandre occidentale4876, un contexte du XVe siècle à Douai dans le Nord4877 et un remblai d’Époque moderne ou contemporaine de l’église Saint-Pierre de Tournai en région wallone ont livré chacun un individu à trois amples torsades4878. Les agrafes à double crochet à torsades amples sont datables, d’après les données actuelles, des XIVe, XVe et XVIe siècles, mais ceux à torsades serrées sont pour le moment attribuables aux XVe et XVIe siècles. Le corpus étudié contient une dernière agrafe à crochets, celle-ci avec quatre crochets (fig. 494, n° 12). Ramassée hors stratigraphie dans l’église Saint-Blaise d’Arles, elle est formée de plusieurs ensembles de fils. Le premier groupe comporte deux gros fils parallèles dont les extrémités se terminent par un crochet ouvert. Ces fils encadrent un troisième gros fil terminé par des crochets fermés retournés dans le sens opposé. Un quatrième et un cinquième gros fil encadrent ce groupe : leurs crochets fermés sont disposés transversalement par rapport aux autres crochets. L’ensemble est fixé au moyen d’un fil de petit diamètre enroulé tout autour. Les éléments de comparaison les plus proches ne possèdent pas de crochet central. C’est le cas de deux agrafes, l’une fragmentaire, mises au jour dans des strates du XVe siècle à Douai dans le Nord4879. Elles se distinguent également par la présence, sous les quatre crochets latéraux, de perles en verre vert ou en verre vert et en verre jaune. Cette 4870 Louis et al. 1998, p. 66, n° 31, L x l corps = 5,1 x 0,65 cm ; Berthon 2014, p. 44, n° 15. Dilly et al. 1999, p. 126, n° 5.4, dimensions inconnues. 4872 Stutz 2003, pl. 71, n° 1019, L x l = 4,7 x 0,75 cm ; Berthon 2014, p. 44, n° 21. 4873 Lenoble et al. 1997, p. 98, L x l corps = 4,5 x 0,3 cm ; Berthon 2014, p. 44, n° 16. 4874 Berthon 2014, p. 44, n° 18, L x l = 4,9 x 0,8 cm. 4875 Ibid., p. 44, n° 19, fragment. 4876 Ibid., p. 44, n° 20, L x l = 6,7 x 0,9 cm. 4877 Ibid., p. 44, n° 17, L x l = 4,2 x 0,7 cm. 4878 Verslype 1999b, fig. 135, L x l = 4,5 x 0,35 cm. 4879 Berthon 2014, p. 44-45, n° 31 et 32, L x l = 3,2 x 1,2 cm ; n° 32, fragment. 4871 1082 3. Approche croisée du mobilier archéologique caractéristique n’est pas sans rappeler une épingle décrite précédemment (fig. 386, n° 6). À Tours, un artefact issu d’un dépotoir du second tiers/dernier tiers du XVe siècle présente une perle en verre vert sous chacun des quatre crochets fermés transversaux4880. Le milieu de l’agrafe tourangelle est torsadé. J. Motteau envisage que l’objet ait pu fonctionner avec une chaînette découverte dans le même contexte, les crochets s’agrippant à l’un des maillons4881. Une autre agrafe, mais en mauvais état de conservation, a été retrouvée dans le comblement de la deuxième moitié du XVIe siècle de latrines du château de Blandy-les-Tours en Seine-etMarne4882. Il est possible qu’un individu découvert dans un remblai des XVe - XVIe siècles de l’église Saint-Pierre de Vienne en Isère s’approche de celui du corpus mais son état incomplet ne permet pas d’en avoir la certitude4883. Enfin dans le Bas-Rhin, sur le site du château du Haut-Barr à Saverne, une agrafe, actuellement dépourvue de la plupart de ses crochets, est datée du XVIe siècle4884. L’intégralité des agrafes citées semble pouvoir être rattachée aux XVe et XVIe siècles4885. Type D : Agrafes à crochets multiples inversés (fig. 258, n° 2 et 3) Bouches-du-Rhône  Site inconnu, Fontvieille : n° 1, H.S. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3484, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Les agrafes à crochets multiples inversés du corpus et de la bibliographie répertoriées jusqu’à présent sont toutes en fer et avec deux crochets. Le corps central des pièces provençales est quadrangulaire (fig. 258, n° 2 et 3). Il est décoré de cannelures dans un cas (fig. 258, n° 3). Les agrafes du corpus sont employées avec des boucles de type U dans le cadre de la fixation des éperons. Elles sont au nombre de trois sur l’éperon le plus récent. Le crochet passe toujours au travers d’œillets circulaires dans le corpus comme dans la 4880 Motteau 1991, n° 19, L x l = 5,3 x 2,15 cm. Motteau 1991, n° 21. 4882 Coste 2006a, p. 122 et catalogue p. 176, L x l = 3,2 x 1 cm. 4883 Reynaud et Jannet 1981, p. 7, L x l = 5 x 2,25 cm. 4884 Vivre au Moyen Âge 1990, p. 452, n° 3.131, n° 3, L x l = 5 x 2,4 cm. 4885 Des objets quelque peu différents datés du XVIe siècle sont signalés pour le site de Battle Abbey au Royaume-Uni (Berthon 2014, p. 44, n° 28 et 29). 4881 1083 3. Approche croisée du mobilier archéologique bibliographie. Quelques agrafes isolées ont été trouvées sur le site du village médiéval de l’Ortolo en Corse du Sud4886, mais elles sont la plupart du temps retrouvées en position sur les éperons. Le plus ancien exemplaire, à corps rectangulaire, fonctionnait avec un éperon à molette issu d’un niveau de la seconde moitié du XIIIe siècle ou de la première moitié du XIVe siècle d’un bâtiment du site de Wythemail à Orlingbury dans le Northamptonshire au Royaume-Uni4887. Deux ou trois agrafes à corps ovale sont insérées, en compagnie d’une boucle de type U ou d’une boucle semi-ovale à chape de type E, dans les œillets – au nombre de deux par branche – des éperons à molette en fer retrouvées dans la tombe de Jean de Médicis inhumé en 1352 dans la cathédrale Santa Reparata de Florence4888. Deux éperons à deux œillets circulaires par branche trouvés à Bergame en Italie, datés par leur configuration des années 1430 - 1450, comportent chacun une boucle de type D4a à chape de type E au corps triangulaire4889. Cet ensemble d’une boucle avec sa chape occupe l’un des œillets d’une branche. Les œillets circulaires de l’autre branche comportent des agrafes à double crochet inversé. Un contexte de la seconde moitié du XVe siècle des fouilles de la place de la Comédie à Metz en Moselle a fourni un éperon à molette à deux œillets circulaires par branche. Une boucle de type C7 à chape de type E au corps triangulaire ainsi que trois agrafes à double crochet inversé sont en position4890. Une sépulture du cimetière du bas Moyen Âge et d’Époque moderne de Saint Saviour à Vrh Rika dans le comitat de Split-Dalmatie en Croatie a livré deux éperons à molette dont les branches comportent un seul œillet. L’un d’eux est occupé par une agrafe à double crochet inversé, l’autre par une agrafe du même type et une chape de type E à corps quadrangulaire retenant un fragment de boucle4891. Plus au Nord, en Hongrie, un musée dans le comitat de Csongrad conserve plusieurs éperons à molette à deux œillets par branche. Attribués à la fin du XIVe - XVe siècle et à la fin du XVIe - XVIIe siècle, ils conservent une ou deux agrafes4892. Au Royaume-Uni, une phase d’abandon et de récupération de matériaux, entamée dans la première moitié du XVIe siècle et poursuivie jusqu’au XXe siècle, de l’habitat médiéval de Wharram dans le Yorkshire a fourni un éperon à 4886 Trois pièces complètes, L x l = 1,75 x 0,7 cm (Comiti 1996, p. 20, fig. 3, n° 11 à 13). Objet ciomplet, L x l = 2,4 x 1,3 cm (Hurst et Hurst 1969, p. 189, n° 14). 4888 Pièces complètes, dimensions inconnues (Buerger 1975, p. 208-209). 4889 Artefacts complets, dimensions inconnues (Probst 2007, p. 29-30) 4890 Objets complets, dimensions inconnues, place de la Comédie (Vivre au Moyen Âge 1998, p. 197). 4891 Artefacts complets, dimensions précises inconnues (Petrinec 1996, p. 100) 4892 Sára 2012, p. 96 et 107. 4887 1084 3. Approche croisée du mobilier archéologique molette à deux œillets par branche avec trois agrafes à corps quadrangulaire4893. L’objet est vraisemblablement résiduel. L’éperon à molette le plus récent sur lequel ait été relevée une agrafe à double crochet inversé, à corps rectangulaire, provient d’une rivière à proximité immédiate du château de Grigny (fin XIIe - début XIIIe siècle à 1640) dans le Pas-de-Calais. Il est daté stylistiquement du XVIIe siècle4894. Type E : Fermaux (fig. 495) La grande diversité des techniques de fabrication et de morphologie des fermaux du corpus et de la bibliographie annihile pour le moment toute tentative de classification typologique. Les fermaux du corpus sont tous de type boucle. On eut pu s’attendre à la présence de fermaux de type plaque datés des Xe - XIe siècles. Nous proposons quelques éléments de réponse à cette absence dans la synthèse du chapitre. La distinction entre une boucle et un fermail de type boucle, type d’agrafe connu dès le XIe siècle4895, n’est pas toujours évidente. Certaines agrafes présentent une ornementation des deux côtés ou sur la totalité de l’avers du cadre (fig. 495, n° 6). Dans ce cas, l’identification semble ne laisser aucun doute, même si le détournement pour un autre usage est toujours possible. En effet, une boucle classique de ceinture nécessite une sangle, courroie ou lanière qui cacherait pour sa fixation une partie du motif décoratif alors qu’un fermail se suffit à lui-même pour fixer le vêtement et peut donc recevoir un décor sur toute sa surface. Dans les faits, cependant, rien n’empêche d’utiliser une boucle circulaire unie, dont l’emploi dans la ceinture est attesté, en tant que fermail. La présence d’une restriction du cadre dans laquelle est logé l’ardillon et la conservation d’un ardillon terminé en pointe ne sont pas non plus significatives comme l’illustre une boucle ovale de la seconde moitié du XIVe siècle retenant un fragment de lanière de cuir découverte à Londres4896. En outre, l’ardillon du fermail boucle, parfois assez épais et large, n’a pas pour vocation de percer le tissu, particulièrement si la trame est serrée. Plus probablement, il passe au travers d’un œillet préalablement installé. 4893 Pièce complètes, L = env. 2,1 cm (Goodall et Ellis 1979, p. 121, n° 72). Objets complets, dimensions inconnues (Dilly et al. 1999, p. 121). 4895 Se reporter au chapitre 3.3.5.1. 4896 Egan et Pritchard (dir.) 2002², n° 39. 4894 1085 3. Approche croisée du mobilier archéologique Alpes-de-Haute-Provence  Sainte Douceline, Digne : n° 3, sol, première moitié XIVe siècle  RN 85, Sisteron : n° 1, caveau du début du XVe siècle ? Bouches-du-Rhône  Château des Baux, Les Baux-de-Provence : n° 393, remblai, XIVe - XVe siècle.  Castrum du Montpaon, Fontvieille : n° 2009-54, NDS. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1449, sol intérieur de grotte avec foyer, vers 1345 - vers 1360 ; n° 1849, sol de bâtiment, vers 1370/1374 - 1415/1420 ; n° 3355, niveau d’abandon, N.D.S. ; n° 427, H.S. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire (n° 6), Avignon : s.n., sol de la seconde moitié du XIVe siècle.  Impasse de l’Oratoire, Avignon : s.n.3, seconde moitié XIVe siècle ; n° 1171, contexte moderne.  Petit Palais, jardin ouest : n° 737, fosse moderne.  65, place de Cabassole, Cavaillon : n° 2, H.S. Musée  Musée de l’Arles antique : FAN 92001416. Trois objets au cadre plat, obtenus par la fonte, présentent une ornementation issue, en partie ou en totalité, de ce procédé. La pièce arlésienne (fig. 495, n° 1) se caractérise par une structure dont le décor se répartit en 2 sections diamétralement opposées de part et d’autre de l’ardillon manquant. L’une est ornée d’une frise moulée par la fonte et faite de bossettes dans une zone délimitée en creux, l’autre a été façonnée par treize coups d’un poinçon triangulaire imprimant un amas de petites perles en creux. La disposition des marques et leur profondeur sont irrégulières. L’objet n° 3355 du site du castrum Saint-Jean de Rougiers (fig. 495, n° 3) s’apparente au précédent par sa conception : une partie décorée de V et de bossettes issue de la fonte, mais l’autre moitié est ornée d’une ligne d’ocelles exécutés postérieurement à partir d’un poinçon circulaire creux en son centre. Le fermail des Baux-de-Provence (fig. 495, n° 2) possède quant à lui un décor entièrement obtenu par la fonte. En bordure externe de l’objet, une dépression à profil en V limite les motifs. Un quadrillage entre des triangles en creux est en relief positif. Les traces de l’outil qui a entaillé le moule sont parfaitement visibles sur ce 1086 3. Approche croisée du mobilier archéologique motif. De fortes traces de limage sont conservées sur la face avers et quelques-unes sur le dessus de l’ardillon. Le bord extérieur de la zone réceptionnant la pointe de l’ardillon est légèrement concave. Le fermail n° 427 de Rougiers (fig. 495, n° 4) présente un ressaut sur toute la circonférence de sa face avers. Le motif des bossettes dans une zone en relief négatif se retrouve sur des objets issus de quelques sites dans la moitié sud de la France, dans le Lot, en Haute-Vienne et en Isère4897. En Italie, dans la ville de Nogara dans la province de Vérone, un objet des XIIe - XIIIe siècles est un peu plus sophistiqué puisque ses rives internes et externes sont torsadées4898. Enfin, dans la Crypta Balbi à Rome, un contexte du début du XIIe siècle a livré un fermail dont la décoration se limite à une série de points qui auraient été poinçonnés4899. Les objets de Fontvieille, de Sisteron et un fermail d’Avignon sont également circulaires et obtenus par la fonte, mais ils ne connaissent pas d’objet strictement comparable dans la bibliographie. Le premier (fig. 495, n° 5) se caractérise par un ressaut près de la rive externe du cadre, une section de forme proche du triangle, un retrait du cadre unilatéral pour le nœud de l’ardillon en fer dont il reste un fragment et une petite dépression pour la réception de la pointe. Le second (fig. 495, n° 6) possède un ardillon dont la tige est de section circulaire alors que le nœud est de section quadrangulaire. Il présente des motifs incisés sur l’avers. Le dernier (fig. 495, n° 7) possède des bords chanfreinés sur la face supérieure, un amincissement et un retrait du cadre à l’endroit du nœud de l’ardillon, une dépression quadrangulaire pour la réception de la pointe de l’ardillon. À Digne, les fouilles réalisées avenue Sainte Douceline ont livré un fermail octogonal (fig. 495, n° 8) aux côtés concaves et à l’avers orné de quatre motifs identiques probablement obtenus par la fonte. L’ardillon, installé dans un retrait bilatéral du cadre, comporte une collerette striée. Cet ornement d’ardillon est très rare. Il figure sur un fermail londonien réversible daté vers 1270 - 13504900. La forme du cadre se retrouve sur des fermaux en alliage cuivreux ou en métal précieux aujourd’hui conservés dans les collections du Musée de Cluny4901 et sur un exemplaire retrouvé anciennement près de Poitiers4902. 4897 France, Haute-Vienne : un individu, XIIIe - XIVe siècle, motte de Châtenet-en-Dognon (Cantie 1985, p. 81). Isère : un exemplaire, XIIe - première moitié XIVe siècle, Brandes-en-Oisans, Alpe d’Huez (Bailly-Maître et Bruno-Dupraz 1994, p. 128). Lot : une pièce, première moitié du XIIIe siècle, Pech de Bonal, Fontanes (Boudartchouk et al. 1998, p. 78). 4898 Possenti 2001, p. 498. 4899 Sfligiotti 1990, p. 542. 4900 Egan et Pritchard (dir.) 2002², n° 1314. 4901 Gaulard 1971, pl. fermaux ; Gaulard 1975, p. 25, n° 7 et 10. 4902 Montaiglon 1872. 1087 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les objets n° 1849 et 1449 trouvés au castrum Saint-Jean (fig. 495, n° 9 et 10) ont été probablement fabriqués par la fonte et non par emboutissage. Si l’interprétation du second, qui porte des traces de limage, reste incertaine, le premier, apparemment intact à l’exception de l’ardillon disparu, paraît bien être un fermail. Cependant, dans l’Indre, sur le site de la motte de Moulins-sur-Céphons, un anneau fragmentaire issu de la fonte, également convexe et creux, avec une face supérieure décorée par la gravure, est interprété comme un pendant de harnachement4903. Parmi les trois derniers objets, l’un est losangique et obtenu par la fonte (fig. 495, n° 11). Il dispose d’un ardillon dont le nœud s’insère dans une perforation à la base d’une excroissance. Ce trait distinctif s’observe sur quelques exemplaires londoniens circulaires datés vers 1270 - 1350 et de la seconde moitié du XIVe s4904, sur un individu hors stratigraphie de la motte castrale de Rospellem à Carnoet dans les Côtes d’Armor4905 et sur un fermail, à rive externe lobée et excroissances, daté entre le XIIe siècle et la première moitié du XIVe siècle provenant du village minier de Brandes-en-Oisans à l’Alpe d’Huez en Isère4906. Un objet similaire à celui du corpus, l’excroissance en moins, est visible sur une Vierge à l’Enfant figurée sur le tombeau de Saint-Etienne (troisième quart XIIIe siècle) dans l’église d’Aubazine en Corrèze4907. Impasse de l’Oratoire, à Avignon (fig. 495, n° 12), il a été retrouvé un petit objet circulaire avec deux pattes encadrant le nœud de l’ardillon, confectionné dans de la tôle, et une barre à l’opposé du nœud de l’ardillon. Le dernier fermail (fig. 495, n° 13), retrouvé au numéro 65 de la place de Cabassole à Cavaillon, est constitué de deux fils torsadés revêtus d’une couverte de couleur argentée. L’ardillon est un fil dont une portion s’enroule assez maladroitement autour du cadre. Les fouilles londoniennes ont fourni deux objets approchants. Le premier, de la deuxième moitié du XIIe siècle, est formé d’un fil enroulé en spirale autour d’un cadre de section circulaire. Le second, de la même période ou peut-être postérieur, est fabriqué à partir d’un fil spiralé enroulé sur lui-même4908. Un fermail dont le cadre est un fil torsadé provient d’un niveau du XIIIe ou du XIVe siècle du site de Brook Street à Winchester dans le Hampshire4909. 4903 Un village 1990, p. 34. Egan et Pritchard (dir.) 2002², n° 1316, 1328, 1332. 4905 Langouet et Faguet 1985, p. 72-73. 4906 Bailly-Maître et Bruno Dupraz 1994, p. 128. 4907 Gaulard 1971, pl. 4, n° 10. 4908 Egan et Pritchard (dir.) 2002², n° 1340 et 1341. 4909 Hinton 1990 k, p. 643, n° 2037. 4904 1088 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.3.5.3.Synthèse Les agrafes sont avec les épingles les plus anciens accessoires métalliques permettant la fermeture et le maintien des pièces textiles. Les agrafes à double crochet (type C), apparues dans la deuxième moitié du VIIe siècle, paraissent perdurer à travers quelques rares types durant les XIIe et XIIIe siècles avant de connaître un regain de faveur avec l’apparition de nouvelles formes, parfois à quatre crochets, à partir du XIVe siècle (fig. 500). Elles sont probablement utilisées pour la fermeture des manteaux et capes sur le devant du corps même s’il n’a pas été possible pour le moment d’en identifier dans l’iconographie de la période d’étude. Peut-être la poursuite de l’utilisation des agrafes à double crochet explique-t-elle en partie l’absence des fermaux de type plaque en alliage cuivreux connus encore pour les Xe et XIe siècles dans une large partie de l’Europe. Une étude minutieuse sur le devenir de ces fermaux après le XIe siècle est à entreprendre car le lien entre les formes anciennes et les fermaux plaque orfévrés ou les broches en matériau blanc connus à partir du XIIIe siècle est loin d’être évident. L’ornementation est notablement différente. Remarquons que les broches en matériau blanc, héritières des fermaux plaques, sont absentes des contextes provençaux et d’Italie du sud. Cela pourraît être une preuve supplémentaire d’une évolution différente des agrafes dans une partie sud de l’Europe qui reste à définir plus précisément. Des études particulières sur cette thématique sont à mener pour confirmer ou infirmer ce qui pourrait n’être lié qu’au hasard des découvertes archéologiques ou à des biais propres à la constitution du corpus bibliographique. Le fermaux de type boucle (fig. 495) sont connus en Europe de l’Ouest dès le XIe siècle. Ils sont dans un premier temps l’apanage des classes sociales aisées mais leur emploi concerne un plus large spectre de la population aux XIVe et XVe siècles avec une large diffusion de productions en matériaux communs, très diversifiées dans leur ornementation, à défaut de l’être dans leur forme, généralement circulaire, parfois quadrangulaire. Cet objet est d’une utilisation relativement restreinte dans l’iconographie puisqu’il se cantonne à la fermeture du manteau, du col ou du décolleté du vêtement de dessus. Son usage ne semble pas dépasser le troisième quart du XVe siècle. Les agrafes bipartites en tôle et/ou issues de la fonte (type B) et les agrafes bipartites en fil (type A) apparaissent durant le XIIIe siècle. Elles concernent également presque exclusivement la fixation des pièces vestimentaires du haut du corps. Les exemplaires en fil ne deviennent fréquents qu’à partir du XVe siècle, profitant peut-être de la disparition des fermaux. Ils perdurent jusque durant l’époque contemporaine. 1089 3. Approche croisée du mobilier archéologique Un usage particulier dans le cadre de la fixation des éperons à molette à deux œillets circulaires a pu être mis en évidence pour les agrafes de type D et certaines pièces à corps circulaire plat de type B. Cette utilisation s’étend d’après la documentation rassemblée au moins durant les XIVe - XVIIe siècles. 1090 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.3.6. Les chaînettes Les possibilités d’emploi de ces objets (fig. 496) sont multiples dans et hors du costume, mais, dans le costume, elles répondent à trois fonctions principales. La première est celle de la suspension comme pour les sceaux cum cathena que le pape Innocent VI fait vendre en 13584910, le sceau à chaîne d’argent (cum catena argenti) que possédait le médecin Jean Heinrich décédé à Carpentras en 1375 ou 13764911, ou celui de Guilhem Vial mort en 13904912. Ces chaînettes devaient être attachées à la ceinture. En 1471, lors d’une vente de bijoux par Pierre de Saze à Jean Miholi, orfèvre d’Avignon, trois chaînes d’argent doré d’un poids total de trois onces sont listées au milieu de nombreuses ceintures orfévrées4913. Autre exemple, à Istres, en 1576, un trousseau contient une chaîne d’argent avec son clavier qui devait être suspendue à la ceinture4914. Des chaînes d’argent accompagnent de plus en plus régulièrement la ceinture après le milieu du XVIe siècle4915. La seconde fonction est l’attache, par exemple de manteaux (fig. 487) ou de ceintures dans le cadre de ceintures à système d’agrafage (fig. 292). Par exemple, dans son corpus de 65 inventaires après-décès arlésiens du second tiers du XVe siècle, F. Feracci répertorie quatre demi-ceint (miech sench) avec una cathena argenti4916. Le troisième emploi est la bijouterie. Ces chaînettes, lorsqu’elles sont en métaux précieux, peuvent être portées en collier (fig. 537) et parfois retenir des pierres précieuses. En 1345, par exemple, un marchand d’Asti est chargé de faire sertir, pour le pape, de grosses pierres sur un bijou suspendu par une chaîne d’argent4917. Dans l’inventaire du château des Baux de 1426, le notaire mentionne la présence d’une petite chaynette d’or garnie de menues perles4918. Les mentions les plus fréquentes sont relatives à des colliers nommés chaines, apparemment sans perles, qui, en or ou en argent, apparaissent de temps à autre au cou des 4910 Müntz et Faucon 1882, p. 222. Labande 1912b, p. 182 et 183. 4912 Pansier 1907, p. 332-333, sagel… cum cadena d’argent. 4913 Pansier 1925, t. 2, p. 215. 4914 Giroussens 2003. 4915 Se reporter au chapitre 3.1.1.2. 4916 Feracci 1976, p. 116-117. 4917 Schäfer 1914, p. 280, pro incastando quendam magnum lapidem, appellatum loppa, in auro videlicet in circumferentiss et pro 1 parva cathena argenti, que sustinet dictum lapidem, 14 fl. 8 gross. 4918 Barthélémy 1877, p. 133. 4911 1091 3. Approche croisée du mobilier archéologique hommes et des femmes de la haute noblesse ou de la bourgeoisie aisée4919. Des pendentifs en forme de gland et une chaîne en argent doré retenant le flacon et les instruments d’un nécessaire de toilette ont été trouvées dans le trésor d’Erfurt dans le land de Thuringe en Allemagne enfoui vers 1348-13494920. Les maillons de la chaîne sont de type à omégas perpendiculaires. Les seules chaînettes qui peuvent être intégrées à ce chapitre sont celles des deux premières fonctions. Si les prix relatifs aux chaînes et chaînettes utilisées en tant que bijou ou dans la bijouterie sont relativement nombreux, ceux concernant les exemplaires utilisés pour la suspension ou l’attache sont beaucoup plus rares. Les seuls prix disponibles proviennent de l’inventaire des marchandises appartenant à un marchand d’Avignon réalisé en 1566. Il est répertorié dans ce document dix-neuf chaînes à maillons d’esmail de coleur évaluées à 12 livres la douzaine, trois chaînes de jais a fer de molan à 8 livres la douzaine, six chaînes de jais à 4 livres la douzaine4921. Des chaînes similaires sont, dans cet inventaire, associées à des ceintures à laquelle elles semblent avoir été suspendues. Il existe une grande diversité dans la morphologie des maillons de chaînette du corpus, tous en alliage cuivreux, susceptibles d’avoir été employés dans le costume. Le fil ou la tige qui les constitue est généralement de section circulaire. Certaines formes sont très probablement diffusées et attestées sur une très grande échelle de temps. Faute d’avoir pu consulter suffisamment de documentation sur la période antique, le haut Moyen Âge et les périodes postérieures au XVIe siècle, il ne sera pas tenté d’établir une typochronologie ni un relevé des emplois possibles des différents types de chaînettes. Certains maillons prennent la forme d’un S (fig. 496, n° 1, 3, 10)4922 – pour une des références, sa section est quadrangulaire4923 –, ou d’un S désaxé (fig. 496, n° 2, 4)4924, ou 4919 Se reporter au chapitre 3.4.5. Les objets sont attribués à la fin du XIIIe - début ou première moitié XIVe siècle (Descatoire (dir.) 2007, p. 81, n° 46 et 47). 4921 Annexe 8, doc. 26. 4922 Bouches-du-Rhône : Quartier Sainte-Barbe, Marseille, n° 953, foyer du début du XIIIe siècle. Vaucluse : Impasse de l’Oratoire, Avignon, n° 1062, deuxième tiers XIVe siècle ; Place de la Principale, Avignon, n° 101, au moins six chaînons en S en alliage cuivreux fixés à un amalgame de chaînons ou annelets en fer, datation inconnue ; Rue Carreterie, n° 51-15, datation inconnue. 4923 Bouches-du-Rhône : Église Saint-Blaise, Arles, SBL XX-17 de section rectangulaire, SBL XX-18 de section circulaire. 4924 Bouches-du-Rhône : Église Saint-Blaise, Arles, SBL 82.I.1.31 et 82.I.1.71, remblais XVIIIe siècle ; Église Saint-Victor, Marseille, n° 498, ? - première moitié XIIIe siècle. Vaucluse : Impasse de l’Oratoire, Avignon, n° 1060, N.D.S. ; Place de la Principale, Avignon, n° 225 et 226, datation inconnue ; Rue Carreterie, Avignon, n° 25, datation inconnue. 4920 1092 3. Approche croisée du mobilier archéologique combinent les deux (fig. 496, n° 5)4925. Ils sont ordinairement assemblés de manière classique mais, dans quelques cas, la chaîne prend un aspect torsadé, formé par un entrelacs de maillons rattachés aux suivants par leurs deux œillets (fig. 496, n° 4)4926. Quelques maillons en S désaxés sont terminés par une pointe pour s’accrocher dans du tissu ou un œillet (fig. 496, n° 6 à 8)4927. La chaînette n° 25 de la Rue de la Carreterie se distingue par sa composition (fig. 496, n° 16) : elle est constituée d’un anneau circulaire auquel sont rattachés trois ensembles de maillons en S désaxé, l’un étant terminé par un long maillon en oméga retenant deux pierres vertes facettées cylindriques. Peut-être est-ce un fragment de collier ? Des fragments de maillons en oméga ont été retrouvés au château de l’Hauture à Fos-sur-Mer (fig. 496, n° 12 et 13)4928. Les maillons en S et en S désaxé peuvent être employés pour retenir des perles dans le cadre de colliers ou chapelets (fig. 569, n° 25). Les annelets circulaires ou ovales répertoriés et susceptibles d’appartenir à des chaînettes utilisées dans le costume sont confectionnés à partir d’un fil de section circulaire ou ovale (fig. 496, n° 11)4929, quadrangulaire (fig. 496, n° 9)4930 ou bien encore losangique aux côtés concaves4931. Pour ces derniers, la jonction des deux extrémités du fil n’est pas visible. Un maillon en S termine le fragment de chaînette en maillon ovale de l’exemplaire SBL XX19 de l’Église Saint-Blaise d’Arles. Les maillons en forme de oméga sont de deux types différents : l’un est d’une forme simple (fig. 496, n° 12)4932, aux extrémités enroulées autour de la partie distale du maillon précédent, l’autre est à omégas perpendiculaires (fig. 496, n° 14)4933. Ce dernier est le résultat du pliage d’un anneau (fig. 497). Ces maillons se retrouvent sur des mordants de type D6. Ils sont parfois assemblés avec des maillons d’autres types comme sur la chaînette n° 354 de 4925 Bouches-du-Rhône : Hospice de la Vieille Charité, deux en maillon en S et trois en S désaxé, comblement de rigole, XIIe siècle ? Vaucluse : Impasse de l’Oratoire, Avignon, n° 1063, 25 maillons en S à assemblage classique, 2 maillons en S désaxé à assemblage enchevêtré, XVIIIe siècle. 4926 Bouches-du-Rhône : Collège Vieux Port, n° 1, moderne, rattaché à une partie rotative. Se reporter à la note précédente. 4927 Bouches-du-Rhône : Église Saint-Victor, Marseille, n° 498, ? - première moitié XIIIe siècle ; Place de la Principale, Avignon, n° 225 et 226, datation inconnue. 4928 B5695522, remblai de fossé, seconde moitié XVIe siècle. 4929 Bouches-du-Rhône : Église Saint-Blaise, Arles, SBL XX-19, remblai XVIIIe siècle ; R.H.I. Bon Jésus, Marseille, n° 3, remblai du XVIe siècle. 4930 Vaucluse : Impasse de l’Oratoire, Avignon, n° 331, datation inconnue. 4931 Vaucluse : Rue Racine, Avignon, n° 19, dépotoir vers 1530 - vers 1540. 4932 Bouches-du-Rhône : Église Saint-Victor, Marseille, n° 294, contexte inconnu. 4933 Alpes-de-Haute-Provence : Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne, n° 1166, postérieur au e XIII siècle. Vaucluse : Impasse de l’Oratoire, Avignon, n° 1064, première moitié XIVe siècle. 1093 3. Approche croisée du mobilier archéologique l’Impasse de l’Oratoire4934 composée de 71 maillons dont deux en S, un en oméga et le reste en S désaxé, ou bien encore le fragment n° 1065 du même site4935 avec quatre maillons en oméga, un maillon en S et un maillon en S désaxé. Un dernier type de maillon est illustré par un artefact découvert Rue Carreterie mais dont le mode de fabrication est difficilement appréhendable, l’objet n’ayant pas été retrouvé au service archéologique du Vaucluse (fig. 496, n° 15). Il semble qu’une tôle enserre un fil enroulé formant deux larges spires. Il rappelle un fragment de chaînette en provenance de l’église Saint-Blaise d’Arles, découvert dans un remblai du XVIIIe siècle, dont les maillons sont constitués d’un fil enroulé sur trois à quatre spires. Au château d’Apcher, à Prunières en Lozère (fig. 498), une chaînette aux maillons identiques retient un crochet confectionné à partir d’un unique fil4936. Il devait servir à retrousser les robes (fig. 499). 4934 Contexte du XIVe siècle ? NDS. 4936 La stratigraphie, en cours d’analyse, est à situer d’après l’étude céramique entre le XIVe et le XVIIe siècle. 4935 1094 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.3.7. Synthèse générale La dichotomie observée précédemment, concernant les accessoires de la ceinture, entre ce qui est signalé d’une part dans les sources textuelles et dans une moindre mesure dans l’iconographie et ce qui est révélé d’autre part par les découvertes archéologiques n’est pas toujours du même ordre pour les éléments de fixation traités dans ce chapitre. Elle est même inexistante pour les épingles, ferrets de lacet et œillets métalliques pour lesquels les pièces en matériau précieux sont exceptionnelles. Les boutons trouvés en contexte archéologique en Provence sont tous métalliques mais il étaient minoritaires dans ce matériau selon les sources écrites et d’une certaine manière l’iconographie. Également, concernant ces boutons métalliques, la documentation commerciale ne nous renseigne pratiquement que sur des exemplaires en alliage cuivreux alors que la documentation notariale ne porte que sur des pièces en or ou en argent. Ce cas est révélateur de l’influence que la nature des sources peut avoir sur la perception de l’emploi des objets dans la société provençale. Le décalage entre les sources écrites et l’iconographie et le mobilier archéologique provençal est encore plus net concernant les fermaux. Il existe pour les fermaux un lien entre la morphologie et le traitement décoratif des objets orfévrés qui ont survécu jusqu’à nos jours, que ce soit par l’intermédiaire de collectionneurs ou de quelques rares découvertes archéologiques, et ceux du mobilier en alliage cuivreux ou en matériau blanc. Beaucoup de fermaux en métaux communs présentent des caractéristiques inspirées des attaches en matériaux précieux, et il se retrouve même quelques copies assez fidèles4937. Les objets orfévrés ont été un sujet d’inspiration pour l’élaboration des productions moins coûteuses comme le montrent de très nombreux indices, par exemple la reprise du motif des chatons de pierres précieuses disposé sur le cadre de fermaux. Ces motifs sont figurés de manière symbolique ou contiennent de la verroterie sur les fermaux en alliage cuivreux et en matériau blanc. Les fermaux en étain ou en alliage étainplomb sont des objets fragiles : il n’est pas certain qu’ils aient réellement eu une fonction de 4937 Il suffit pour s’en convaincre de comparer les fermaux des publications archéologiques (Shoesmith (dir.) 1975, p. 24, fig. 17.3 et 19 ; Egan 1996, fig. 1B ; Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 248-260), de quelques collections particulières (Beuningen et Koldeweij 1993, p. 295-298 ; Koldeweij 2006, p. 161-162) ou muséales (Bruna 1996, p. 307-311) à ceux des trésors d’Erfurt et Colmar (Descatoire (dir.) 2007), de Münster (Tegethoff 2002, p. 4-22), de collections particulières (Boucles 1981, n° 6, 8, 24, 32) ou du Victoria and Albert Museum (Campbell 2009, p. 57-62). 1095 3. Approche croisée du mobilier archéologique réunion des bords d’un vêtement. D. Bruna y voit « un bijou populaire qui témoigne de la vulgarisation de l’art de cour »4938. Les épingles, ferrets de lacet, œillets et boutons en matériaux orfévrés actuellement connus sont fort rares et, tous ensemble, bien moins nombreux que les fermaux en matériaux précieux conservés. Les raisons ne peuvent être que présumées. Est-ce le résultat d’une relative rareté de ces accessoires par rapport aux fermaux ? L’iconographie n’est pas d’un grand secours puisque la nature des matériaux est difficilement identifiable, surtout pour les pièces de petite taille lorsqu’elles sont perceptibles. En outre, il faut compter avec les écueils habituels de l’iconographie. La couleur or peut être donnée par convention. Si l’artiste a voulu représenter des objets avec leur couleur véritable, celle-ci n’est pas pour autant révélatrice du matériau : un objet peut être doré ou avoir été fabriqué avec un alliage cuivreux de couleur dorée et un objet de couleur grise peut être en acier, en matériau blanc ou dans un alliage à base de cuivre particulier. Les sources textuelles ne font pas état d’une grande fréquence d’épingles, de ferrets de lacet et d’œillets en métaux précieux. Il est envisageable que leur très petite taille ne permette pas d’attirer suffisamment les regards et n’ait donc pas souvent justifiée cette dépense supplémentaire. Des simulacres en laiton ou en métal doré ont pu paraître suffisants pour créer l’illusion. Est-ce la conséquence d’une symbolique particulière du fermail dans la société ? Nous avons déjà évoqué ce point précédemment dans le chapitre 3.3.5.1. Hors du cas des évêques pour lesquels le mors de chape est un attribut épiscopal, la documentation rassemblée ne permet pas de répondre à cette question. Est-ce parce que les fermaux, grâce à leur surface disponible plus importante se prêtent mieux à des compositions ornementales plus recherchées et plus coûteuses qu’ils ont été plus difficilement mis au rebut ? Le côté « artistique » de bon nombre de fermaux orfévrés a pu jouer et de petites pièces sans valeur être préférentiellement refondues. A contrario, les pièces plus massives que sont les fermaux présentent plus d’intérêt à être refondues. Quel que soit leur matériau constitutif, les agrafes, ferrets de lacet, épingles, œillets et boutons sont indubitablement liés, tant par leur existence que par leur fréquence d’utilisation et leur fonctionnalité aux modes vestimentaires, mais le rapport entre ces différents facteurs varie dans le temps (fig. 500). Plusieurs périodes peuvent être distinguées dans l’évolution des éléments de fixation du costume étudiés dans ce chapitre. 4938 Bruna 1996, p. 307. 1096 3. Approche croisée du mobilier archéologique La première période correspond aux XIe - XIIe siècles. Les costumes masculins et féminins sont encore longs et les accessoires de fermeture du vêtement se limitent dans l’iconographie européenne aux seuls fermaux de type plaque ou de type boucle. Ces fermaux sont actuellement absents des fouilles archéologiques provençales pour cette époque. Cette période est marquée par la perduration des agrafes à double crochet encore relativement fréquentes au XIe siècle et qui deviennent plus rare par la suite avant d’être d’un usage plus courant aux XVe et XVIe siècles. Quelques types d’épingles sont caractéristiques de cette période (types B1, B2 et C1). Le XIIIe siècle constitue un tournant dans l’emploi des éléments de fixation des vêtements. Il est marqué par l’apparition des épingles à tête enroulée (type A) qui auront par la suite un grand succès, par la création de nombreux types de boutons et d’agrafes, par le développement des ferrets de lacets même si quelques rares exemplaires sont connus auparavant. L’augmentation du nombre de ferrets de lacet en contexte archéologique n’équivaut pas stricto sensus à une croissance de l’utilisation des lacets puisque la présence de ferrets métalliques n’est pas nécessaire. Il est difficile de mettre en relation ces éléments avec l’évolution du costume telle que la révèle l’iconographie consultée. L’émergence de ces nouveaux objets de fixation est contemporaine de l’accroissement de la variété typologique des anneaux et boucles, des chapes et des appliques. Des facteurs sociétaux et économiques nous paraissent expliquer ces évolutions. Nous aborderons le sujet dans la conclusion finale. Le mouvement amorcé au XIIIe siècle s’intensifie au XIVe siècle et perdure avec une moindre intensité aux XVe et XVIe siècles, en partie à cause de changements concernant le costume. Les accessoires métalliques de fixation du costume sont beaucoup plus nombreux que lors des périodes précédentes. Avec le développement de vêtements plus courts et serrés au corps au milieu du XIVe siècle, diffusés dans un premier temps dans la noblesse, les bras et les jambes deviennent l’objet de plus d’attention. L’ajustement se fait par rapprochement des bords des vêtements maintenus au moyen de boutons, de lacets passant éventuellement au travers d’œillets métalliques, peut-être de certains types d’agrafes (types A et B). Le laçage a l’avantage de permettre au porteur de desserrer son vêtement sans avoir à l’ouvrir totalement ou devoir s’en dévêtir afin de gagner en liberté de mouvement pour s’atteler à une tâche particulière ou pour s’adapter à la température. Les fentes et ouvertures des vêtements ainsi que la forme et la couleur des accessoires qui les clos – des aiguillettes rouges sur un tissu jaune par exemple –, le degré d’ajustement – les vêtements de dessous sont-ils visibles ? – participent de 1097 3. Approche croisée du mobilier archéologique l’apparence. En effet, ces ruptures dans l’unité du vêtement attirent le regard en différents points : y disposer des accessoires en métaux précieux ou colorés, c’est attirer d’autant plus l’œil. Une volonté de luxe peut conduire à la multiplication de ces objets au-delà de ce qui est nécessaire du strict point de vue fonctionnel, aboutissant même parfois à des boutons non fonctionnels, disposés par exemple sur le devant d’un vêtement non fendu. D’une manière générale, ces caractéristiques du vêtement court et ajusté perdurent dans les vêtements longs ultérieurs comme la houppelande. Rapidement, dans la seconde moitié du XIVe siècle, les chausses viennent se fixer au pourpoint par le moyen de lacets, et la braguette est maintenue par des cordons. Cette évolution de la mode masculine vers un costume court et ajusté pourrait expliquer l’augmentation de la proportion des ferrets de lacets à partir de la fin du XIVe siècle, bien qu’ils soient apparus au moins dès le début du XIIe siècle – au XIIIe siècle en Provence. Dans l’iconographie du costume féminin, la robe unie sans fente sur le buste portée habituellement, mais pas exclusivement, jusque tard dans le XIVe siècle dans la noblesse et la bourgeoisie, et bien plus tard encore dans le reste de la population, n’offre pas de possibilités pour la mise en place de lacets. Ce n’est que dans le courant du XVe siècle, semble-t-il, que la robe s’ouvre sur le devant et est fermée au moyen d’un ou plusieurs lacets passant au travers d’œillets. Pourtant, nombre d’annelets interprétés comme des œillets sont datés du XIVe siècle. On sait par l’intermédiaire de la poésie que les manches pouvaient déjà être amovibles aux environs de 1200 et fermées au moyen de lacets. En ne se basant que sur l’iconographie, l’apparition de cette coquetterie vestimentaire serait donnée comme beaucoup plus tardive. L’analyse de l’iconographie a des limites en ce sens qu’elle ne donne à voir qu’une certaine réalité mais aussi, la plupart du temps, qu’un « extérieur » : les vêtements de dessous restent souvent cachés. Bien que l’émergence de quelques nouveaux types d’accessoires soit encore enregistrée au XVIe siècle, cette époque est avant tout caractérisée par la disparition des derniers types d’œillets, d’épingles et de boutons ayant été utilisés au Moyen Âge en Provence et semble-t-il par l’arrêt de l’emploi des agrafes à crochets multiples. Si ces constatations doivent être nécessairement nuancées du fait que le mobilier métallique des périodes postérieures n’a pas encore fait l’objet d’études archéologiques approfondies et qu’il existe donc des incertitudes chronologiques, il n’est pas anodin de constater que cette évolution est similaire à celle constatée pour les accessoires de la ceinture. Dans le nord de la France, les XVIe et XVIIe siècles apparaissent comme un nouveau tournant pour ces objets de 1098 3. Approche croisée du mobilier archéologique fixation du costume : de nouvelles formes de boutons – dont certains en os – et d’agrafes sont cataloguées. Le phénomène est moins flagrant et plus concentré sur le XVIIe siècle en Provence sans doute à cause du nombre relativement peu élevé de contextes du début de l’Époque moderne bien datés. Les objets étudiés jusqu’à présent sont employés sur les vêtements ou sur les accessoires du costume. D’autres pièces métalliques sont disposées directement sur le corps. Ces bijoux partagent avec les objets de dévotion personnelle un certain nombre de points communs qui nous ont conduit à les intégrer dans le même chapitre. Nous les étudions dans le chapitre suivant. 1099 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.4. Les bijoux et objets de dévotion Le qualificatif « bijou » se réfère aujourd’hui à un ensemble d’objets ouvragés servant à la parure. Il s’agit de bijoux de tête qui, dans le cadre de ce chapitre, ont été divisés entre bijoux de coiffure et boucles d’oreilles, mais aussi des bijoux destinés à agrémenter le cou, les bras et les mains comme le bracelet et la bague. D’autres encore tels que le chapelet, l’ampoule, l’enseigne de pèlerinage et l’enseigne profane désignent à la fois des bijoux et des objets de dévotion, des objets protecteurs, des objets à message politique, des insignes de corporation, etc. Ces objets sont confectionnés dans des matériaux très divers et il n’est pas rare que le métal et des matériaux d’origine animale ou minérale soient mis en œuvre ensemble. Beaucoup de ces bijoux n’ont pas été retrouvés en contexte archéologique, mais il est nécessaire de s’y intéresser pour comprendre pleinement la place des bijoux métalliques dans le costume. Dans ce chapitre, le propos s’attache dans un premier temps à des bijoux métalliques signalés par les sources textuelles et dont l’emplacement sur le costume est indéterminé. Il est ensuite traité les éléments de serti isolés, parfois encore insérés dans une bâte métallique. Ils ne peuvent être formellement attribués à une bague ou à un autre bijou métallique car ces éléments ont pu appartenir à l’ornementation d’un vêtement ou d’un accessoire, d’un petit coffret, d’un meuble liturgique tel un reliquaire. Certains bijoux de coiffure, les boucles d’oreilles, les bijoux de cou puis les bracelets sont ensuite étudiés. Les accessoires appartenant à ces quatre catégories sont très rarement retrouvés en contexte archéologique car ils étaient essentiellement constitués de matières précieuses qui ont été réutilisées telles que l’or, l’argent, les pierres fines, les perles. Quelques exemplaires de boucles d’oreilles et de pendentifs en alliage cuivreux ou en matière dure d’origine animale ont cependant survécu. L’identification de la fonction des pendentifs est problématique. Certains exemplaires peuvent être identifiés comme des bijoux de cou ou comme faisant partie de bijoux de cou, d’autres ont une morphologie qui semble particulière aux pendentifs de chapelet. Des spécimens ont été rangés provisoirement parmi les bijoux de cou faute d’informations ou de données de comparaisons suffisantes. Le septième sous-chapitre est consacré à la bague, très certainement le bijou le plus couramment retrouvé car elle pouvait être portée par tous et était le signe visible de la conclusion de liens maritaux. Certaines difficultés d’identification rencontrées ont amené à regrouper les perles dans un sous-chapitre distinct. Il est en effet à peu près impossible de différencier une perle de 1100 3. Approche croisée du mobilier archéologique chapelet d’une perle de collier, de bracelet ou de coiffure d’une perle fixée à un vêtement ou à un accessoire du costume si l’objet n’a pas été retrouvé en contexte funéraire dans une position référencée. Des perles en or ou en argent sont attestées dans la documentation textuelle mais il n’en a pas été retrouvé en Provence. L’archéologie n’a mis au jour dans la région que des exemplaires en verre, en matières dures d’origines animales ou végétales ou bien en matières minérales. Il nous a pourtant paru opportun d’inclure les perles dans cette thèse afin d’assurer un traitement complet des bijoux et des petits objets de dévotion portés sur soi. En effet, les perles peuvent être constitutives de bijoux métalliques, certaines ont même été montées sur des maillons en fer ou en alliage cuivreux et, enfin, le chapelet est avec les enseignes et ampoules de pèlerinage, un accessoire prépondérant de la dévotion individuelle. Le terme « perle » est une dénomination générique qui peut engendrer des confusions. La perle naturelle de nacre, résultat d’un processus à l’œuvre au sein de l’huître, peut être rapprochée de la perle confectionnée par l’homme dans d’autres matériaux. Dans les textes latins, provençaux et français étudiés, il existe une claire distinction entre la première explicitement désignée « perle », et la seconde toujours appelée « patenôtre ». Il n’y a que dans quelques rares documents du XVIe siècle que le mot « perle » est employé avec la seconde acceptation. Beaucoup plus délicate est la différenciation entre la perle de chapelet et le chapelet lui-même puisque le terme de « patenôtre » est utilisé dans les deux cas. Parfois, le contexte ne permet pas de trancher. Le terme patenôtre sert également à désigner un motif décoratif en forme de perle4939, ou bien encore des perles ornant un vêtement, un accessoire ou un objet : au milieu du XVe siècle, un tailleur fournit à deux reprises au roi René des robes a la turquesque boutonnées tout au long de patenostres de giet (jais) ou de boutons de soie4940. Pour éviter toute confusion, dans la suite de ce chapitre, le matériau dans lequel les perles des sources archivistiques sont façonnées est toujours mentionné et l’absence de ce renseignement signalée. Les perles sans précision supplémentaire sont donc des perles naturelles de nacre. Un dernier sous-chapitre rassemble les ampoules, enseignes et médailles religieuses ainsi que les enseignes profanes. Ces objets sont, pour la plupart d’entre eux, des témoins de la dévotion de leur propriétaire, mais ils peuvent devenir des bijoux par détournement, notamment lorsqu’ils sont en matériaux précieux. La fonction de bijou est beaucoup plus 4939 4940 Voir sur ce point les paragraphes 944, 951 et 952 des comptes du roi René. Piponnier 1970, p. 166. 1101 3. Approche croisée du mobilier archéologique évidente pour les enseignes profanes à motif emblématique, courtois, humoristique ou figurant des héros, même s’ils sont également parfois un signe de reconnaissance ou d’appartenance. À l’exception des coquilles Saint-Jacques et des bourdonnets en os, les ampoules, enseignes et médailles sont toutes en métal. Cependant, bien plus que la nature du matériau, c’est la nature religieuse et symbolique de l’enseigne qui rend nécessaire la prise en compte des coquilles Saint-Jacques et des bourdonnets qui fonctionnent avec ces dernières. En outre, il a existé pour le sanctuaire de Saint-Jacques de Compostelle, même s’il n’en a pas été retrouvé pour le moment en Provence, une production d’enseignes et d’appliques métalliques en forme de coquille Saint-Jacques4941. 4941 On peut se reporter pour des exemples de coquilles en matériau blanc à Bruna 2007, p. 26 et 42, à Spencer 1990, p. 42, n° 86 et 87, à Spencer 2010², p. 244-248. 1102 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.4.1. Les bijoux métalliques d’emplacement indéterminé Les sources d’archives ne sont pas toujours d’une très grande précision et certaines références n’ont pu être classées parmi les catégories constituées pour l’étude. Il en est ainsi des goyas ou joyas vendus par une mercerie de Carpentras en 1397 pour 18 sous, pour 3 livres 11 sous 6 deniers et pour 14 livres4942. En 1448, l’orfèvre Charles Raoulin remet deux marques d’argent, pour un prix total de 1 florin 9 gros, l’une pour le roi René, l’autre pour la reine4943. Dans les comptes du roi René, de nombreux ornements désignés par le terme « bague », un mot générique pour bijou, sont de nature inconnue. En septembre 1447, l’orfèvre Charlot Raoulin reçoit onze écus pour une bacgue pesant 7 écus ornée de trois roses ensemblees de blanc et d'autres diverses couleurs qui sera donnée par le roi René à Hervé, une demoiselle de la reine4944. De menues bagues de Paris sont achetées par le roi René puis par sa fille Yolande lors d’un voyage à Paris fin février 14514945. L’année suivante, 38 livres 7 sous 6 deniers sont affectées à l’achat de huit aulnes de damas noir pour l’argentier du duc Pierre II de Bretagne qui a présenté au roi René une bague4946, et l’orfèvre Jean Nicolas reçoit 11 livres pour la fabrication d’une bague d’or offerte à monseigneur de Ribiers4947. En 1477, le comte de Provence fait acquérir des bagues amenées par un navire probablement à Marseille, à hauteur de 60 florins4948. En 1478, il offre deux petites bagues, obtenues auprès d’un mercier pour 2 florins 6 gros à mademoiselle d’Oraison et à Mariolle, fille illégitime du seigneur de Châtillon4949, ainsi qu’une bague payée 87 florins 6 gros à un chaussetier et destinée à mademoiselle de Beauchâteau4950. En 1479, l’orfèvre Jacques Scalle reçoit 13 florins 4 gros pour faire la garniture d’une bague de cuir du roi René4951. L’inventaire des biens d’Elzéar de Gleize, orfèvre de Draguignan, enregistre en 1498 une bagua appellata granat Suriani, grenat syrien, avec trois perles. D’autres bijoux tel que la jacondale, attestée en 1580, qui fait référence à une ancienne pièce de monnaie, et la foy, signalée en 1587, sont 4942 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 144 v°, 146 v°, 153 v°. Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 558. 4944 Ibid., n° 539, hors de Provence. 4945 Arnaud d’Agnel 1908, n° 844 et 846. 4946 Ibid., n° 3999, hors de Provence. 4947 Ibid., n° 868, p. 291, hors de Provence. 4948 Ibid., n° 961. 4949 Ibid., n° 997. 4950 Ibid., n° 1052. 4951 Ibid., n° 1081. 4943 1103 3. Approche croisée du mobilier archéologique quelque peu énigmatiques4952. Le premier objet pourrait être un collier ou un bracelet constitué de pièces de monnaies, le second un bijou figurant deux mains serrées comme cela se rencontre sur certains fermaux et bagues de main (fig. 552, n° 17 et 18)4953. Le fillet d’or est également un bijou qui se rencontre à plusieurs reprises dans les comptes du roi René sans que sa nature soit comprise. La terminologie et quelques éléments descriptifs laissent supposer que cet ornement est constitué d’un réseau de fils d’or enserrant un ornement central. L’orfèvre Jean Nicolas fabrique en 1451 pour 11 livres 13 sous 9 deniers neuf fillez d’or émaillés pour mectre dedens pirouettes et pesant ensembles 5,5 esterlins d’or4954. Dans leurs glossaires, L. Laborde et V. Gay définissent la pirouette comme un joyau en forme de moulin à vent et ils en signalent dans un inventaire de François II daté de 1560 et dans un inventaire concernant Gabrielle d’Estrées daté de 15994955. La pirouette est aussi, dans le dictionnaire de F. Godefroy, un dé à quatre faces traversé par une cheville qui permet de le faire tourner4956. En 1452, le roi René offre un fillet d’or de la valeur de 27 sous 6 deniers, confectionné par l’orfèvre de la reine, Jeannin Despreit, à l’occasion des épousailles de son fou Triboulet4957. La même année, l’orfèvre du roi Jean Nicolas, après s’y être repris à quatre fois, en suivant les instructions du roi René, livre trois petits fillez d’or émaillés, taillez dedens et dehors et sur chacun desquels est assis une larme de diamant. Il est payé 110 sous pour la façon et les matériaux4958. Il fabrique également un autre petit fillet d’or pour ung petit diamant auparavant sur un bijou en forme de fleur de lys4959. Beaucoup plus tard, un mercier vend pour 1 florin 6 gros deux filletz d’or donnés à Mariolle et à Margerie de Créchalet, dame des Roches Tranchelion4960. Dix onces de filets d’or et d’argent, mais il s’agit là de probables ornements de coiffure, sont relevées dans l’inventaire de marchandises d’un marchand d’Avignon en 15654961. D’autres bijoux sont susceptibles d’être utilisés seuls en différents endroits du costume, pendus à la ceinture par exemple, ou dans le cadre d’une parure de plus grande 4952 Aicard 1939, p. 19. Se reporter par exemple à Tegethoff 2002, fig. 1 pour trois fermaux avec des mains jointes, à Campbell 2009, p. 95, fig. 107 pour un autre exemplaire. Le corpus comprend quelques bagues avec des mains serrées, elles appartiennent au type B. 4954 Arnaud d’Agnel 1908, n° 849. 4955 Laborde 1872, article pirouette. 4956 Godefroy 1881-1902. 4957 Arnaud d’Agnel 1908, n° 865. 4958 Ibid., n° 868, p. 291, hors de Provence. 4959 Ibid., n° 868, p. 292, hors de Provence. 4960 Ibid., n° 868, p. 1095 4961 Annexe 8, doc. 24. 4953 1104 3. Approche croisée du mobilier archéologique dimension. C’est le cas des pommes de senteur, disposées par exemple dans un chapelet (fig. 501) ou au bout d’une ceinture (fig. 502), qui ont pour fonction d’entourer leur propriétaire d’une atmosphère odorante afin d’éviter, croyait-on, la contamination par des miasmes. Les plus coûteuses contiennent du musc ou de l’ambre gris. Le pape Jean XXII en a l’usage comme le révèle l’achat de deux poma de ambre en 1323 et 13264962. En 1369, l’inventaire du trésor apostolique mentionne trois pommes d’ambre4963, une première avec quatre cercles (circulis) d’argent, une deuxième avec six cercles d’argent recouverts de très gros rouleaux (rotulis) de perles et avec deux cordons (cordonum) de perles4964, la troisième avec une perle au sommet. Suite à la mort de son père, Raymond de Turenne hérite en 1380 du château de Cornillon-en-Trièves en Isère et des biens qu’il contient. Il y est répertorié une pomme de grains de musc (pomum de grana musqueti) entourée de cercles d’or agrémentés de perles et de pierres (lapidi), dont une est manquante, avec à sa base, un saphir et deux nodules (noduli) de perles pendants 4965. L’inventaire du château de Tarascon dressé en 1432 relève une pomme de musc (unum pomum de musco). Peu après le décès du noble arlésien Alexis Caysse en 1456, il est enregistré dans son inventaire une petite pomme de musc et une grande pomme de musc (duo pomi argenti pro pesce musquati) chacune pendant au bout d’une chaînette4966. Les comptes du roi René rapportent l’achat en avril 1476 de deux pommes muscades – de musc – accompagnées chacune d’un miroir, pour 8 gros4967 : ont-elles été offertes à des dames de la cour ? La forme en pomme n’est pas la seule disponible puisque trois mois plus tard, ung saint Christofle et deux poires muscades sont acquises auprès d’un peintre d’Avignon pour 2 florins 6 gros4968. Malgré l’absence de mentions d’une substance odoriférante, il est possible que la poume d’or fixée à une ceinture mentionnée dans un acte en 15654969 soit analogue aux pommes de senteurs. L’Agnus Dei désigne la représentation d’un agneau portant une croix. Ce terme peut s’appliquer à tout objet portant cette image, quelle que soit sa fonction4970. Ce peut aussi être 4962 Schäfer 1911, p. 481. Müntz 1890, p. 400 et 401. 4964 La morphologie de cet objet est difficile à apprécier : Item una magna poma ambre cum sex rotulis perlarum satis grossarum in circulis argenti, cum duobus cinctis perlarum in cordono (Müntz 1890, p. 400). 4965 Papon 1777-1786, t. 3, p. LXVI. 4966 Feracci 1971, p. 132. 4967 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 88, p. 366. 4968 Ibid., n° 88, p. 371. 4969 Ricaud et Mireur 1896, n° E 996. 4970 Pour des exemples d’Agnus Dei en cire et en métal du XIVe ou du début du XVe siècle découverts en Italie, se reporter à Belcari 2003. Un spécimen en métal fut mis au jour dans un contexte de la 4963 1105 3. Approche croisée du mobilier archéologique un ornement pendu à un bijou : la femme du noble arlésien Alexis Caysse décédé en 1456 avait parmi ses bijoux une chaîne en or grenetée portée en collier comportant un Agnus Dei en médaillon4971. En 1498, l’inventaire des biens d’Elzéar de Gleize, orfèvre de Draguignan, mentionne des Agnus Dei parmi les croix, les bagues, les garnitures de ceinture et de chaînes4972. L’inventaire du trésor de la cathédrale Saint-Sauveur d’Aix dressé en 1533 mentionne une Vierge à l’Enfant en bois recouverte d’argent fabriquée en 1501 par l’orfèvre Jean de la Planteya. Au bras de l’enfant pend un Agnus Dei contenant des reliques4973. Il est aussi inventorié un chapelet de corail avec une floche de soie violette et de fils d’or et un petit Agnus Dei4974, ainsi qu’un collier pour la tête en argent de sainte Cécile constitué de trois chapelets de perles dont un contient un Agnus Dei en pendentif entouré de petites perles de corail et de huit boutons de perles4975. seconde moitié du XVe siècle à Rouen (Vivre au Moyen Âge 2002, notice n° 275). Les inventaires d’église, de personnalités ecclésiastiques ou de la noblesse sont riches de mentions d’Agnus Dei appendus ou illustrés sur un support : se reporter à Schäfer 1911, p. 514 (exemple), à Müntz 18891890, p. 400 et à Hayez 1987, p. 21, note 47 pour des exemplaires ayant appartenu à la papauté, à Albanès et Chevalier 1911, pièce 1602 pour un inventaire après-décès des biens d’un prévôt de Toulon mort en 1348, à Barthélémy 1877, p. 129, 133, 135 pour l’inventaire des biens de la défunte Elipde des Baux en 1426, à Albanès 1883, p. 157, n° 21, p. 163, n° 100, p. 164, 109 pour l’inventaire de l’église d’Aix en 1533. Un serviteur du pape, Marc Lando est payé 15 florins en 1363 pro faciendo molles ad faciendum Agnus Dei (Schäfer 1937, p. 53). Le pape Urbain V fait cadeau de deux anneaux et d’un Agnus Dei au roi de Chypre qui est venu le voir4970. Quelques particuliers possèdent un Agnus Dei : le pêcheur arlésien Céleste en possédait deux exemplaires en argent à sa mort en 1435 (Feracci 1976, p. 119). 4971 Feracci 1976, p. 119. 4972 Annexe 8, doc. 12. 4973 Albanès 1883, p. 158, n° 32 à 34 ; Coulet 2005, p. 101. 4974 Albanès 1883, p. 164, n° 119. 4975 Ibid., p. 156, n° 12. 1106 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.4.2. Les éléments de serti isolés 3.4.2.1.Les éléments de serti en contexte Les pierres précieuses, fines ou communes, les cupules de verres, taillées et polies, enchâssés ou non sur une monture métallique sont particulièrement courantes dans la documentation. Dans les comptes de la chambre apostolique d’Avignon, au XIVe siècle, les pierres montées ou non montées sont par ordre décroissant de fréquence, le saphir, le rubis, le rubis balais, l’émeraude, le grenat, puis des pierres rarement mentionnées comme l’améthyste, le diamant et le péridot. Il en est tout autrement dans les comptes des dépenses du roi René, pour la seconde moitié du XVe siècle : la pierre la plus souvent rencontrée est le diamant, il vient ensuite le rubis, puis un groupe constitué du cristal de roche, de la calcédoine et de la cornaline, puis le saphir, le jaspe, l’émeraude et l’agate. D’autres pierres, peu fréquentes, sont le grenat, la turquoise, la pierre d’hirondelle, l’œil de perdrix et l’œil de chat. Les inventaires d’ateliers d’orfèvres sont également riches en pierres ; celui d’un draguignanais livre en 1498 des loupes de saphir ou d’émeraude, c’est-à-dire des pierres de transparence imparfaite, un saphir blanc perforé, de faux saphirs et de fausses émeraudes, de l’agate, de l’onyx, de la cornaline, du jaspe, de la spinelle, de la hyacinthe, du grenat, de la citrine, de la turquoise, des diamants, deux pierres de crapaud ou crapaudine – en fait du borax –, une topaze, deux améthystes, un camé, des doublets, c’est-à-dire des pierres fausses4976. Dans un autre inventaire d’orfèvre, de 1587, la liste des pierres consiste en cinq cornalines blanches, une pierre gendarmeuse, c’est-à-dire avec un défaut4977, des pierres peintes, des doublets de turquoise, et enfin 122 autres pierres de toutes tailles dans ung petit pierrier4978. Cette énumération pourrait être encore étendue, mais un état des lieux plus détaillé a déjà été mené dans le chapitre 2.3.1. Les bijoux ne comportent pas toujours de vraies pierres. Les procédés de fabrication de fausses pierres, bien que connus auparavant, se multiplient dans les réceptaires techniques à partir du XVe siècle4979 : les fausses pierres s’obtiennent en colorant du verre avec des oxydes, en chauffant des pierres, en peignant la surface d’une pierre ou d’un morceau de 4976 Annexe 8, doc. 12. Relatif à une pierre contenant un gendarme. 4978 Annexe 8, doc. 14. 4979 Cannella 2006, p. 208. 4977 1107 3. Approche croisée du mobilier archéologique verre, en fabricant des doublets, etc. Le doublet est un assemblage de deux pièces superposées avec une pâte colorée : deux pierres, une pierre et un morceau de verre, deux morceaux de verre transparent4980. Dans le Trésorier de Philosophie naturelle des pierres précieuses, Jean d’Outremeuse préconise d’employer des pièces de verre fondu, probablement moulées ou façonnées selon la forme souhaitée, et bien polies. La pièce du dessous – la culasse – doit être plus mince que celle du dessus – la couronne – pour une bonne réfraction de la lumière. Les pièces sont alors chauffées et assemblées à l’aide d’un mastic chaud auquel est mélangé un pigment de couleur correspondant à la pierre souhaitée. Ce mastic pourrait être une résine jaunâtre sécrétée par une espèce de pistachier, le pistacia lentiscus, lorsque son tronc est incisé. Le chauffage du verre permet d’éviter des différences de température trop importantes entre les deux matières lors du montage de l’ensemble. En refroidissant, le mastic colle et scelle l’assemblage4981. Sont-ce les orfèvres eux-mêmes qui produisent ces fausses pierres ou les obtiennent-ils d’un verrier ? La fabrication du verre est un art à part entière et un orfèvre ne saurait en produire quand bien même l’un d’entre eux, du nom de Jean de Nagelmaquer, d’Avignon, vend le 19 janvier 1448 à deux de ses confrères, Perrinet Damoysi et Jean Nicolai de Metz, orfèvres d’Aix, unus pitalphi de cristallo artificialiter compositi et une bague en or avec un saphir pour 66,5 florins de seize sous4982. Il peut toutefois être envisagé que grâce à son four métallurgique il puisse retravailler de petites pièces de verre acquises auprès des artisans verriers. Curieusement, les statuts municipaux de Marseille et d’Avignon et les statuts de la confrérie des orfèvres d’Avignon4983, qui pourtant s’intéressent à la qualité de l’argent et parfois de l’or mis en œuvre4984, ne prêtent pas attention au problème des fausses pierres. Les pierres fausses ont les mêmes usages que les pierres précieuses et remplacent avantageusement une pierre trop coûteuse ou indisponible sur le marché, à l’avantage du commanditaire ou de l’acheteur s’il est au courant du subterfuge, à l’avantage de l’orfèvre s’il trompe sa clientèle avec des copies trop parfaites. Barthélémy l’Anglais remarque au milieu du XIIIe siècle : « Parfois, les fausses pierres sont tellement semblables aux vraies que même les connaisseurs peuvent être trompés »4985. La difficulté de caractériser une pierre fausse 4980 Ibid., p. 207. Ibid., p. 204 et 208. 4982 AD BDR Aix, 309 E 218, f° 149 r° - 149 v°, f° 160 r° - 161 r°, f° 161 v° - 162 v°. 4983 Statuts du 17 novembre 1553 de la confrérie des orfèvres d’Avignon (Bibl. Ceccano, ms 1959, f° 1 r° - 12 r°). 4984 Se reporter au chapitre 2.2.1. 4985 Ribément (Édit.) 1999. 4981 1108 3. Approche croisée du mobilier archéologique vient également de ce que la plupart des techniques pour identifier sa valeur nécessitent qu’elle soit hors contexte, donc dessertie de son bijou4986. Marbode de Rennes met en garde contre les fausses pierres qui nuisent à la notoriété des vraies : « Dès lors, on croit que les pierres n’ont pas de vertu, chaque fois que des ignorants sont déçus en les mettant à l’épreuve, alors que les vraies espèces (si elles ont été consacrées selon les rites) sont accompagnées d’un effet merveilleux »4987. Hormis dans quelques rares cas particuliers, il est très difficile de savoir quelle est la part du goût personnel dans le choix des pierres, celle de la symbolique et celle de l’évolution des modes qui peut être liée aux avancées techniques dans la taille des pierres. Peut-être les nouvelles méthodes de taille mises en œuvre en Europe à partir du début du XVe siècle pour le diamant4988 – également valables pour les autres pierres dures – ont-elles eu un effet sur sa diffusion ? Ce fait pourrait expliquer la fréquence du diamant dans les comptes du roi René. En 1403, lors d’un banquet organisé par des personnalités de la ville d’Avignon pour fêter le départ de l’antipape Benoît XIII, Antoine de Mardoche profite de l’occasion pour offrir un dyamant aux dames présentes4989. Un tel cadeau n’est pas anodin puisqu’il a pour objectif de mettre en avant le personnage qui les offre et pour son prestige, celui-ci a très bien pu avoir fait recourir aux nouvelles techniques de taille. Toutefois, des pierres déjà taillées ont très bien pu être importées. Quoiqu’il en soit, l’orfèvrerie conservée dans les musées et les données archéologiques provençales ou européennes, attestent que les pierres sont encore, à la toute fin du Moyen Âge, très majoritairement taillées en cabochon. L’orfèvre doit souvent prendre en considération la forme irrégulière des gemmes à sa disposition. Parfois, il peut être tiré parti des facettes naturelles de la pierre. L’octaèdre naturel de certains diamants peut ainsi être coupé en deux pour obtenir une pyramide4990 ou « pointe de diamant », forme présente dans les sources archivistiques. Les pierres ont une grande importance dans l’orfèvrerie du second Moyen Âge, de par les nombreuses symboliques et facultés qui y sont attachées4991, mais aussi de par la 4986 Cannella 2006, p. 225. Il est parfois possible d’observer des bulles d’air dans le verre. Gontero-Lauze 2010, p. 108. 4988 Evans 1950, 1970², p. 68 ; Campbell 2009, p. 15. 4989 Carreri 1916, p. 172-173. 4990 Evans 1950, 1970², p. 68. 4991 Voir par exemple à ce sujet Evans 1922, Gontero-Lauze 2002 et Gontero-Lauze 2010, ou bien encore Meyer 1862 pour des fragments d’un lapidaire provençal rédigés dans la première moitié du XIVe siècle. Le pouvoir de guérison des pierres n’était semble-t-il pas toujours efficace : le livre des miracles de Reading raconte le difficile accouchement d’Aquilina, fille de Renaud de Courtenay et 4987 1109 3. Approche croisée du mobilier archéologique variabilité de leur couleur et de leur luminosité qui exerce un attrait particulier. Dans les lapidaires, « la densité et la saturation l’emportent sur l’aspect chromatique. En effet, deux couleurs foncées (bleu marine/noir) seront perçues comme plus proches que les teintes claires et foncées d’une même couleur (bleu foncé/bleu clair)4992 ». Or, ce qui est clair, brillant et lumineux est synonyme de beauté4993. Disposées sur des pièces de vêtement ou sur des accessoires tels que des bagues, des colliers, des fermaux, des bijoux de chevelure, les pierres donnent de l’éclat au costume et par extension à la personne qui les porte4994. Le verre, par sa coloration éventuelle à l’aide de pigments, permet d’atteindre à moindre frais cet éclat. Le coût des pierres précieuses ou des pierres fines les rendent synonymes de richesse. Par extension, elles représentent l’opulence et la « luminosité intérieure » comme dans ce passage : la pierre précieuse de l’Évangile de Jésus-Christ, la sainte pauvreté, la peira precioza de l’evangeli de Crist, la sancta paupertat présente dans La vie de sainte Douceline écrite dans le dernier quart du XIIIe siècle par une béguine de Marseille4995. Dans la version provençale des vies d’Elzéar et de Delphine de Sabran, écrite dans la première moitié du XVe siècle, la virginité d’Elzéar est figurée métaphoriquement une nuit, dans une chapelle, par une main tenant una peyra preciosa de mot granda clardat4996. Comparer sa Dame à une pierre précieuse, comme à un Diaman par exemple ainsi que le fait Peire Raimon de Toulouse, actif vers 1190 - 12224997, c’est la rendre lumineuse et infiniment précieuse, d’une grande rareté. Le diamant est la pierre qui facilite les relations humaines en prolongeant le sentiment amoureux. Elle se bonifie au contact des sentiments positifs4998. Bernaud de Panassac, dans la première moitié du XIVe siècle, désigne celle à qui il a voué son amour par le mot rubis4999. Dans Jaufre (vers 1180), les yeux d’une femme sont si brillants et si beaux qu’on dirait des escarboucles, e-is oils son tan clars et tan bel que semblon que carboncle sía5000. Dans les lapidaires, l’escarboucle est la pierre capable d’illuminer la plus sombre obscurité. Comparée épouse de Gilbert Basset, au temps du roi Henri II (1154 - 1189), malgré les médecins consultés et les gemmes et pierres précieuses appliquées sur son corps (Péricard-Méa 2000, p. 80). 4992 Gontero-Lauze 2010, p. 51. 4993 Pastoureau 1985, p. 35 ; Verdon 1996, 2010², p. 184-185. 4994 Dans Jaufre, vers 9884-9885 : e-is oils son tan clars et tan bel que semblon que carboncle sía tarduits par les auteurs en « ses yeux sont si brillants et si beaux qu’on dirait des escarboucles » (Lavaud et Nelli 2000²) 4995 Albanès (Édit.) 1879, p. 38. 4996 Pansier 1926b, p. 90. 4997 Anglade (Édit.) 1920, p. 175. 4998 Gontero-Lauze 2010, p. 89. 4999 Thomas (Édit.) 1916, p. 44, vers 58. 5000 Lavaud et Nelli (Édit.) 2000², vers 9884-9885, avec traduction. 1110 3. Approche croisée du mobilier archéologique aux charbons ardents, elle va être confondue avec le rubis dont la couleur rouge l’associe aux vertus du pouvoir et évoque la passion amoureuse. Les pierres rouges sont les pierres préférées de l’Occident médiéval avant d’être supplantées par les pierres bleues au XIIIe siècle5001. Le saphir est susceptible de soigner toutes sortes de maladies et possède les vertus de chasser l’envie, la tromperie, la peur, de délivrer de prison, d’apaiser les disputes et de révéler les secrets. Le saphir évoque surtout le ciel, le domaine divin, l’élévation et donc les strates supérieures de la société. Le bleu est la couleur mariale5002. La couleur verte de l’émeraude renvoie à la nature : elle favorise la floraison en attirant les abeilles et protège des tempêtes. Elle est avant tout connue comme la gemme de la vision. Elle soigne les maladies ophtalmiques, améliore la vue en affinant la perception des réalités, permet de voir au-delà des apparences, de pratiquer la divination. Elle soigne également un certain type de fièvre, l’épilepsie et la goutte. Elle se brise si on la porte pendant un rapport sexuel5003. Les pierres noires ont longtemps eu des propriétés négatives mais les propriétés positives s’affirment au XIVe siècle5004. La perle naît de la rosée lorsque l’huître s’ouvre vers le ciel. Elle est blanche et claire si la rosée est tombée dans la matinée, trouble et mal colorée si elle est tombée le soir. La perle améliore la vue et apaise le corps, le cœur et l’esprit5005. La perle est conçue chastement et évoque donc la pureté, la chasteté. Elle est associée à la Vierge. La perle présente également une dimension symbolique et spirituelle dans l’Évangile de Matthieu : « Le royaume des cieux est encore semblable à un négociant de perles fines : en a-t-il trouvé une de grand prix, il s’en va vendre tout ce qu’il possède et achète cette perle » (Matthieu 13, 45) ; « Ne donnez pas aux chiens ce qui est sacré, ne jetez pas vos perles aux porcs : ils pourraient bien les piétiner, puis se retourner contre vous pour vous déchirer » (Matthieu 7, 6). Selon Origène, les perles fines représentent ceux qui ont su s’imprégner de la parole de Dieu. La perle fine symboliserait également le Christ. D’après un bestiaire d’inspiration chrétienne écrit entre le IIe et le IVe siècle, les deux valves de l’huître correspondent à l’Ancien et au nouveau Testament5006. Nous nous en tiendrons là pour le moment de l’énumération des propriétés supposées des pierres au Moyen Âge dont la liste est très longue. Nul doute que les propriétés magiques des pierres et leurs charges symboliques ont pu déterminer leur emploi en sertis dans la joaillerie, mais cela est souvent difficile à confirmer 5001 Gontero-Lauze 2010, p. 70, 71, 86, 111. Ibid., p. 92-95. 5003 Ibid., p. 89-91. 5004 Ibid., p. 72-73. 5005 Ibid., p. 172-173, 252-253. 5006 Malaguzzi 2000, p. 32, 81-82, 219. 5002 1111 3. Approche croisée du mobilier archéologique car la pensée sous-jacente à ces choix ne peut que rarement être mise en évidence. Les lapidaires ne sont pas non plus les seules sources auxquelles l’Homme médiéval peut se référer. La littérature romanesque et notamment les romans antiques du XIIe siècle, tout en reprenant les symboliques usuelles, les amplifient et les transforment en leur octroyant une portée allégorique plus forte dans le cadre de la construction littéraire5007. Les pierres et verres sertis ne sont pas des objets complets en tant que tels, ils appartiennent à des ensembles plus vastes dont l’origine reste la plupart du temps inconnue pour les exemplaires découverts en contexte archéologique. Ils ont pu orner de la vaisselle, des instruments liturgiques, des pièces de vêtement, des bijoux de corps, des ceintures, des boutons, des fermaux5008, etc. En ce qui concerne le vêtement ou les accessoires textiles, leur emploi se confine essentiellement au costume ecclésiastique ou noble. Par exemple, à son arrivée à Avignon en 1498, le costume de César Borgia était orné d’une grande quantité de pierreries jusques a ses bottes. Il en était de même pour le harnachement de son cheval5009. Les pierres et perles constituent une parure essentielle du costume papal. Les comptes de la chambre apostolique d’Avignon sont riches de mentions de réparations concernant les sertis. En 1341, par exemple, deux onces de perles, une grosse perle, deux lapides valays5010 et deux gros saphirs sont ajoutés à la décoration d’une mitre. La même année, dix petits grenats et dix petits saphirs sont disposés sur deux boutons en or fermant un pluvial du pape5011. La statuaire et notamment les gisants papaux et des cardinaux (fig. 503 et 506), mais aussi les représentations peintes telles celles d’évêques (fig. 481 et 504) se font l’écho de cette ornementation du costume ecclésiastique où les mitres et les bords des vêtements notamment apparaissent porteurs de rangées de pierres et de perles. L’inventaire de 1369 du Trésor pontifical mentionne quelques pierres enchâssées d’argent non montées, une loupe de saphir et diverses pierres, une grande cornaline avec de petites pierres autour : Item una lupia saphiri incastrata in argento cum lapidibus, una magna corniola cum lapidibus parvis circumcirca, incastrata in argento5012. L’inventaire du château des Baux mené en 1426 suite au décès d’Élipde d’Avelin renseigne sur la présence dans la 5007 Se reporter à Gontero-Lauze 2002. Se reporter par exemple à Vivre au Moyen Âge 2002 (notice 219), pour des exemplaires en alliage cuivreux du Calvados des XIIIe - XVe siècles, à Egan et Pritchard 2002² (p. 248, n° 1309 ; p. 256-257, n° 1344) pour des pièces en alliage cuivreux ou en alliage d’étain et de plomb du second tiers du XIIIe siècle et du dernier tiers XIIIe - première moitié XIVe siècle. 5009 Bayle 1888, p. 19. 5010 Schäfer 1914, p. 153. Vraisemblablement lapidus balays. 5011 Schäfer 1914, p. 153. 5012 Müntz 1889-1890, p. 401. 5008 1112 3. Approche croisée du mobilier archéologique chambre de la défunte de sept bagues et d’un rubis balais sans anel enchasse en or5013. Par une sentence arbitrale d’avril 1436, une femme d’Avignon obtient restitution d’un trousseau de dot contenant un diamant taillé en table5014 avec un serti en or, una taulleta ligada en or de diamant5015. En 1448, le prieur du couvent des Frères augustins d’Aix reçoit 25 florins en don pour le vin qu’il est chargé de remettre à celui ou celle qui lui a révélé en confession avoir trouvé un gros diamant taillé en table (diament en table) perdu par la femme du sénéchal de Provence et d’Anjou au premier de l’an, alors qu’elle jouait une farce devant le roi5016. Les comptes du roi René rapportent quelques mentions de pierres serties par l’orfèvre Jean Nicolas. En 1452, il délivre à son royal client une bate en or du poids d’un demi-écu payée 27 sous 6 deniers pour une pierre gravée d’une palme5017. L’année suivante, il produit une bâte en or pour une pierre en forme de coquille Saint-Jacques, une bâte d’or pour une larme de jaspe (jaspin), une seconde bâte en or réglée 27 sous 6 deniers pour une jaspe5018. Étant donné la masse, lorsqu’elle est précisée, et le prix de ces bâtes ou sertissages, il paraît vraisemblable que l’orfèvre ne se soit pas cantonné au seul châssis mais ait ajouté d’autres éléments tels que des ornements ou un dispositif de fixation. Du point de vue terminologique, un passage dans l’inventaire des biens d’un orfèvre draguignanais dressé en 1498 présente un certain intérêt : les pierres montées y sont désignées par le terme lapidus affixati5019. Au milieu du siècle suivant, en 1563, le marchand marseillais Raymond Rivet vend à Georges Pelliot, canonnier de Marseille, au prix de 224 livres tournois soit environ 347 florins un saphir « asséré estre fin et orientale », « chaffis, enchacée d’or, y ayant dans ledit saffir une Notre-Dame engravée en fondz »5020. Le roi René apprécie les pierres gravées. Dans les lapidaires, la glyptique sert à décupler les vertus des pierres5021. La terminologie employée dans ses comptes du roi est celle de « camée », c’est-à-dire une pierre fine sculptée en relief pour mettre en valeur ses couches diversement colorées. Toutefois, il n’est pas impossible que ce mot recouvre aussi la signification d’« intaille », une pierre fine gravée en creux. En 1448, le roi René achète un 5013 Barthélémy 1877, p. 133. La taille en table est réalisée avec six ou dix facettes trapézoïdales sur des pierres carrées ou rectangulaires. Deux diamants en pointe et quatre diamants en table sont disposés sur une riche croix orfévrée vendue en 1493 (AD Vaucluse, 3 E 5 1029, f° 95 v° - 96 v°). 5015 Pansier 1925, t. 2, p. 161. 5016 Arnaud d’Agnel 1908, n° 551. 5017 Ibid., n° 868, p. 292, l’achat est enregistré alors que le roi René est hors de Provence. 5018 Ibid., n° 879, p. 299, hors de Provence. 5019 Annexe 8, doc. 12. 5020 Billioud 1951, p. 535. 5021 Gontero-Lauze 2010, p. 87. 5014 1113 3. Approche croisée du mobilier archéologique camée (camaheu) auprès de l’orfèvre Charlot Raoulin pour 25 florins5022. En 1452, l’orfèvre Jean Nicolas réalise une garniture (garnison) pesant deux vieux écus et évaluée 4 livres 2 sous 6 deniers pour un camée gravé d’un crucifix5023. En 1472, l’argentier du roi lui fournit deux camées (camaieux) taillés pour 130 florins5024, et lui fait parvenir 40 florins de camées taillés par les faiseurs de camahyeux Jean Castel et Thomas, payés à environ 2,2 florins le carat5025. Ce maître Thomas, qui reçoit à plusieurs reprises des dons de tissu5026, taille pour le roi René plusieurs camées en 1477 : un exemplaire avec le visage du roi et ses devises pour 37 florins 6 gros, un autre avec le roi figuré à partir de la ceinture et gravé sus le vif pour 53 florins 4 gros5027. Cette même année, un camée en facon d’une roche a plusieurs personnaiges5028 est acheté pour le roi René. À sa petite-fille, mademoiselle de Lorraine, le roi offre en 1479 une somme de 5 florins 4 gros pour faire enchasser un camée figurant sainte Marguerite5029. Cette pierre avait été acquise auprès d’Antoine de La Croix, argentier du comte de Provence, ainsi que trois autres camées dont une figurant ung petit Dieu, et deux Annonciations sur des agates, Nunciades d’agate5030. Hormis les comptes du roi René, la présence d’un camée a seulement pu être relevée dans l’inventaire d’un orfèvre draguignanais en 1498, sous la dénomination camaius5031. 3.4.2.2.Les éléments de serti isolés retrouvés en Provence Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne : n° 226 C, sépulture d’évêque(s) du XIVe siècle, n° 334 B, remblai, XIVe - XVIe siècle ou XVIIe siècle. Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : SBL XX-20 à 22, remblai du XVIIIe siècle  Site inconnu, Arles : s.n. 7, H.S.  Église abbatiale Saint-Victor, Marseille : n° 556, remblai, antérieur milieu XIIIe s. 5022 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 563. Arnaud d’Agnel 1908, n° 879, p. 300, hors de Provence. 5024 Ibid., n° 883. 5025 Ibid., n° 889 et 890. 5026 Ibid., n° 923 et 986. 5027 Ibid., n° 964. 5028 Ibid., n° 928. 5029 Ibid., n° 1053. 5030 Ibid., n° 1071. 5031 Annexe 8, doc. 12. 5023 1114 3. Approche croisée du mobilier archéologique Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 364, sol cendreux de bâtiment, vers 1309/1315 vers 1345. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 394, premier tiers XIVe siècle ; n° 388, seconde moitié XIVe siècle ; n° 398, fin XVe s. ; n° 414, H.S.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 972, 1005, 1007, 1025, 2087, 2276, 2394, 2588, couches de dépotoir datées vers 1365 - vers 1400.  Palais des Papes, jardins orientaux, Avignon : n° 11, vers 1400 - vers 1410. Le corpus mobilier de l’étude répertorie dix-huit pierres, verres ou morceaux d’os taillés montés ou non montés (fig. 505) dont la provenance, que ce soit dans le cadre du costume, de l’ameublement liturgique ou de tout autre emploi n’a pu être déterminée. La plupart des pièces sont de formes hémisphéroïdales et taillées en cabochon. Deux exemplaires non montés, découverts dans le dépotoir du Petit Palais d’Avignon possèdent pour le premier, en verre transparent, une configuration qui se situe entre la taille en cabochon et la taille en table à six facettes (fig. 505, n° 2), pour le deuxième, en verre noir, une taille en table à dix facettes (fig. 505, n° 3). D’autres pierres ou verres non montés taillés en cabochon simple sont en verre noir (fig. 505, n° 4 et 7), en verre transparent (quatre objets non figurés), en verre de couleur indéterminée (fig. 505, n° 5), ou dans une pierre verte fortement maclée (fig. 505, n° 6). Un individu en verre transparent, à la surface bosselée, se différencie par une taille en cabochon double, le revers étant incomplet et montre des fractures (fig. 505, n° 8). Un fragment d’os hémisphéroïdal, teinté en vert par des oxydes cuivreux, est traversé par un fragment de rivet en alliage cuivreux (fig. 505, n° 18). Cette pièce a été en partie tournée. Des traces de sciage s’observent sur la face plate. La bordure inférieure de la face arrondie porte des marques laissées probablement par la tôle de la bâte. Un certain nombre de pièces du corpus conservent tout ou partie du dispositif de sertissage. Deux exemplaires en verre bleu outremer, avec une portion verte pour l’un d’eux, se distinguent par un système de sertissage assez particulier. Ils intègrent, insérée au revers, l’extrémité d’une (fig. 505, n° 9) ou deux tiges (fig. 505, n° 10) de fer. Les tiges sont aujourd’hui incomplètes mais elles devaient traverser le support. Le sertissage en bâte est illustré par deux objets. Le premier (fig. 505, n° 11) comporte une pierre verte et marbrée – il pourrait s’agir de malachite –, plate avec un revers aux angles 1115 3. Approche croisée du mobilier archéologique légèrement arrondis. Il n’est conservé de la bâte que quelques fragments de tôle. Le deuxième artefact (fig. 505, n° 12) comprend un possible grenat de couleur rose-violacée. Sa forme losangique et ses facettes sont irrégulières. Le serti en or est composé d’une bâte brasée de chant sur la tôle de fond, laquelle est perforée de deux trous circulaires qui permettaient le passage des extrémités de tiges. Les perforations ont été réalisées de l’avers vers le revers comme le montre le reflux du métal qui n’a pas été entamé par d’importantes traces de limage visibles au revers de la tôle de fond. D’autres marques de l’utilisation d’une lime s’observent sur la surface extérieure de la bâte et sur le bord de la tôle de fond. Elles illustrent le fait que l’artisan a voulu réduire la surface de la tôle de fond pour la faire coïncider avec la zone couverte par la bâte. Ces nombreuses imperfections autant au sujet de la taille de la pierre que de la fabrication du serti dénotent un travail de faible qualité. Les cinq cupules de verre suivantes, de couleur indéterminée (fig. 505, n° 13, 17), verte (fig. 505, n° 14), d’un bleu profond (fig. 505, n° 15) ou en verre transparent (fig. 505, n° 16), taillées en cabochon, ont été montées en serti clos, en l’occurrence dans une tôle enveloppant leur partie inférieure. Pour quatre d’entre elles, la tôle recouvre une partie de la face supérieure pour mieux retenir le verre (fig. 505, n° 13, 14, 16, 17). Pour la cinquième, quatre griffes débordent sur l’avers d’une cupule d’un bleu profond (fig. 505, n° 15). La fixation des sertis sur l’objet support s’est très certainement faite par brasure, ou dans un cas par rivetage (fig. 505, n° 16). 1116 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.4.3. Les bijoux de coiffure L’objectif de ce chapitre n’est pas de disserter sur la coiffure, les voiles, résilles, bonnets, chapeaux, coiffes et cordons textiles (fig. 523) que portaient la femme ou l’homme médiéval5032 ; une telle étude, sur un sujet d’ailleurs particulièrement vaste, serait ici hors sujet. Une résille ou un voile d’or, une coiffe textile, un bonnet ou un chapeau couvert de perles et de pierreries ne sont pas à proprement parlé des bijoux, de même que ne l’est pas un vêtement bordé d’orfrois, de perles et de pierres. En traitant ce chapitre, le choix a été fait de se cloisonner, a-priori, aux seuls accessoires qui, quelle que soit leur nature, peuvent être considérés comme des bijoux comportant des pièces métalliques. Dans le détail, cependant, comme l’analyse le montre, la distinction entre bijou, coiffe et ornement de coiffure est loin d’être toujours évidente. L’iconographie du sud-est de la France aide peu, car elle ne figure qu’une très faible quantité de bijoux de coiffure, si l’on excepte les couronnes royales, une fois mis de côté les représentations problématiques. Dans les sources textuelles, la presque totalité des bijoux de coiffure concerne la gent féminine. Il s’agit de la garlanda, du fronteau, de la couronne, des rangs de perles, parfois le chapeau, des bijoux qui, pour la plupart, apparaissent assez régulièrement dans les constitutions de dot lorsque le trousseau est décrit. Pour beaucoup de femmes, la présence d’au moins un de ces ornements paraît nécessaire à l’occasion de leur mariage5033. Peut-être est-ce une des raisons qui a conduit en 1406 l’un des proches de Guillaume des Baux, originaire de Marignane mais habitant Aix, à demander le prêt pendant un mois d’un chapeau à pièces d’argent nouvellement doré, entièrement couvert de perles et de pierreries, unum capellum frachis5034 de argento superdeauratum novum, perlis et lapidibus omnio munitum. L’ornementation de la tête au moyen de perles, de soie, de pièces d’or et d’argent, de rubans est réservé aux femmes et qu’un homme en arbore est jugé contraire aux bonnes mœurs, réservé aux proxénètes et autres personnes de viles conditions comme il appert dans une 5032 Se reporter à l’annexe 8, doc. 20 à 27 pour des exemples de couvre-chefs dans les inventaires de marchands. 5033 Se reporter au chapitre 4.2.1. 5034 Il est tentant de traduire ce terme par « fracturé » ou « cassé » suivant en cela le sens du terme provençal fracha et du mot latin fracta, mais cette définition ne paraît pas être la bonne. Dans les comptes des marchands des frères Bonis, de Montauban, le mot provençal frachis désigne un bijou que l’éditeur pense être un ornement de cou (Forestié (Édit.) 1890-1893, t. 2, p. 891). La manière dont est utilisé le terme frachis dans le document aixois fait plutôt penser à un type de couvre-chef. 1117 3. Approche croisée du mobilier archéologique proposition de règlement somptuaire présentée au conseil de la commune de Marseille le 23 juillet 13655035. Le bijou de coiffure, de par les matières précieuses employées, brille de tout son éclat sur la chevelure féminine et devient une sorte de couronne de beauté. L’emploi de l’or agit comme un rappel de la blondeur fantasmée des cheveux. Dans la littérature du Nord de la France de la fin du Moyen Âge, les descriptions sont telles que la beauté émane le plus souvent non pas de la chevelure mais de la parure5036. Ce phénomène, qui débute à la fin du XIIe siècle, se développe pleinement à partir du milieu du XIIIe siècle avec l’évolution de la mode dans la chevelure d’après M. Rolland-Perrin. L’évolution est presque achevée au XVe siècle. Le corps devient support de la parure5037. Posséder un de ces bijoux de coiffure c’est, tout au moins à la fin du Moyen Âge, appartenir à une famille aisée, mais également être une femme mariée ou en voie de l’être. C’est une victoire remportée sur la chair5038, c’est acquérir un nouveau statut, une nouvelle dignité comme le sous-entend avec humour l’auteur toulousain de Las ordenansas et coustumas del libre blanc, ouvrage édité en 1555 ; les servantes ne portent pas de templettes5039, de trenons de perles ni d’autres dorures sur la tête avant qu’elles ne soient mariées, car sinon elles s’en gargariseraient bien trop : Sirventas no portem timpletas Tressas de perla ny dauradas Daqui que seran maridadas, Car autrament tout contestat S’en cargaria trop grand estat5040. L’importance de l’ornement de tête pour l’épousée lors des festivités des fiançailles et du mariage apparaît clairement dans un article d’une proposition de règlement somptuaire adressée par l’archevêque d’Aix au conseil de la commune de Marseille et lue en séance le 2 juillet 1365. Les femmes n’auraient droit de porter sur leur tête qu’un voile blanc, une crépine de soie ou des coiffes sans ornement précieux à l’exception des jeunes filles vierges qui auraient la possibilité d’arborer le jour de leurs fiançailles et de leur mariage une couronne, un 5035 AM Marseille, BB 24, f° 217 r° - 217 v°. Rolland-Perrin 2010, p. 141. 5037 Ibid., p. 142-146. 5038 Sur cette symbolique de la couronne nuptiale dans l’Antiquité, voir Schrijnen 1910. 5039 La templette est un petit élément de métal ou de soie blanche pour retenir les cheveux sur les tempes. Ce mot désigne aussi des tresses de cheveux arquées et masquant les oreilles (Gay et Stein 1928, article « templette »). 5040 Noulet (Édit.) 1878, p. 54, vers 696-700. 5036 1118 3. Approche croisée du mobilier archéologique fronteau ou tout autre bijou orfévré5041. En novembre 1381, le viguier est chargé de faire publier une délibération n’autorisant notamment le port de la corona, du garlandellum, de la fronteria et du capellum auri, argenti seu perlarum qu’aux seules jeunes épousées, le jour de leur mariage5042. Un édit somptuaire de Charles IX daté de 1563 défend aux demoiselles de porter dorures a la teste, de quelque sorte qu'elles soyent, sinon la premiere annee qu'elles seront mariees. Toutefois, les dépouillements iconographiques sur le thème du mariage ne présentent pas souvent l’épouse avec un bijou de coiffure5043. L’un des bijoux de coiffure les plus courant est la garlanda, une guirlande [pour la tête] d’après F. Raynouart5044, une sorte de couronne ordinairement faite de fleurs selon S. J. Honnorat5045, une chaîne de fleurs et de feuillages tressés pour F. Godefroy5046, une sorte de bandeau de passementerie ou d’orfroi, orné de pierres ou de perles, que les femmes plaçaient sur le voile pour le fixer autour de la tête d’après J. Bourilly5047. Cette dernière définition est celle qui s’adapte le mieux à la plupart des bijoux mentionnés dans les archives provençales, mais quelques sources littéraires et iconographiques illustrent également les guirlandes de fleurs, éventuellement orfévrés (fig. 521). Ces ornements floraux appartiennent à l’esthétique de l’amour courtois. Dans un sirventes – un combat poétique – du second quart du XIIIe siècle, le troubadour Sordel accuse Peire Bremon Ricas Novas de ne pas être un vrai chevalier car il ne prend pas les armes et ne recherche que l’adoration des femmes à son égard : Huey mais, pus ven la patz e’l Maintenant que voici la paix et le joyeux gai[s] temps de pascor, printemps, Si deuria mosirar ab garlanda de il devrait se montrer avec une couronne de flor fleurs5048 La première attestation d’une garlanda orfévrée dans les archives provençales date du 16 mars 1278 : un exemplaire en argent est proposé à une vente à l’encan à Marseille5049. Ce bijou semble avoir été d’un usage fréquent à la fin du XIIIe siècle puisqu’il est mentionné trois 5041 AM Marseille, BB 24, f° 211 r° - 213 v°, plus précisément f° 213 r° pour cet article. AM Marseille, BB 28, f° 79 r° - 79 v°, délibération du 8 novembre. À Bari dans les Pouilles en Italie, un acte notarié de 1397 mentionne la iorlanda c’est-à-dire la garlanda (Amati Canta 2013, p. 26, 43). 5043 Alexandre-Bidon 1997 ; Courtillé 1997. 5044 Raynouard 1836-1844. 5045 Honnorat 1847. 5046 Godefroy 1885-1902, t. 9, article « Guirlande ». 5047 Bourilly 1928, p. 93. 5048 Bertoni et Jeanroy 1916, p. 291, III, vers 19-20, traduction des auteurs. 5049 Blancard 1884, p. 409. 5042 1119 3. Approche croisée du mobilier archéologique fois dans des règlements municipaux de cette période. En 1284, à Marseille, la garlanda d’or et de soie ne doit pas dépasser cinq sous royaux, tout comme la rodeta (rosette) sans or ni pierreries5050. Neuf ans plus tard, un règlement communal salonnais interdit aux femmes le port de bijoux orfévrés sur la tête tel que la rodeta hormis une garlanda d’une valeur maximale de trente sols coronats5051. Une lettre de Charles II édictée le 3 avril 1298 prohibe la sortie hors d’Avignon du billon d’argent et des garlandae en argent5052. Ce bijou est le seul mentionné dans ce document, il devait avoir une grande place dans la société et à cette échelle avoir une grande valeur économique. Il était pris soin de cet ornement : en 1333, l’inventaire des biens d’un meurtrier banni qui habitait Pont-de-Sorgues contient une garlanda en argent avec sa boîte de rangement (cum una bussida)5053. Il n’est pas mentionné la présence d’un quelconque tissu mais ce fait n’atteste pas de son absence comme cela a déjà été remarqué pour la ceinture. En 1339, le trousseau d’Huguette Aguillon, sur le point de se marier avec un toulonnais, contient une garlanda d’argent5054. La garlanda est un bijou qui s’offre pour un mariage, mais pas seulement : l’inventaire en 1343 d’une balle de marchandise du mercier Pierre Cambafort relève une douzaine de petites garlandae pour jeunes filles, donc non mariées5055. Trois ans plus tard, lors de l’inventaire des biens d’un juif marseillais, il est noté, en présence de sa veuve, une garlanda en argent avec des perles5056. O. Masson-Bessière note qu’à Brignoles, dans le second quart du XIVe siècle, la dot comprenait des bijoux et tout particulièrement la garlanda ornée de pierres et/ou de perles5057. Certains de ces bijoux ont pu être importés depuis l’Italie : en 1344, les frères Bonis, marchands de Montauban, vendent deux guarlandas de Piza pour 5 sous à un homme montalbanais5058. Parmi les nombreuses autres mentions de ce bijou relevées dans la documentation provençale, il faut noter la vente en 1410, par Catherine Gombert d’une petite guirlande (garlandellum) de perles cum molinetis deoratis – des éléments mobiles dorés ? – pour 70 florins à Jean Ricavi de Marseille5059 ; en 1450, d’après L. M. Aicard, les statuts de la sous-claverie d’Arles 5050 Pernoud (édit.) 1949, livre VI, n° 24. Brun (Édit.) 1924, p. 314, article LXXXII. 5052 AD Vaucluse, AA 1 / 2 MI 370, f° 70 v°. Une criée de la cour temporelle d’Avignon du 5 octobre 1372 interdit la sortie du billon et du lingot d’argent, bilhonum vel argentum in massa (Girard et Pansier 1909, p. 77-78). Il n’est plus fait mention de la garlanda. 5053 Pécout (dir.) 2008, p. 556. 5054 Lambert 1887, p. 426. 5055 Annexe 8, doc. 18. 5056 Sibon 2009, p. 328-329. 5057 Bessière 1962, p. 75. 5058 Forestié 1890-1893, t. 1, p. 35. 5059 AD BDR Marseille, 351 E 228, f° 160 v°. 5051 1120 3. Approche croisée du mobilier archéologique mentionneraient le voile des veuves sous la dénomination plechon garlando5060. L’attestation la plus tardive actuellement connue est de 1456 : une garlanda de fils d’or et de perles est répertoriée dans l’inventaire du noble Alexis Caysse bien qu’elle soit destinée à sa femme, una garlanda fili auri cum perulis pauci valoris pro ornamento dominarum5061. Le fronteau est un bijou assez courant dans la documentation dépouillée. F. Godefroy et F. Raynouard définissent le fronteau comme un ornement de front, un bandeau, ou comme la partie de la têtière d’une bride qui passe au-dessus des yeux du cheval5062. S. Honnorat, quant à lui, ne répertorie que la dernière acceptation. Le premier fronteau dont V. Gay trouve la mention date de 1338 et apparaît dans un inventaire d’Edouard III5063. Dans certains cas, il paraît évident que ce « bijou » est textile : les frères Bonis, à Montauban, vendent deux frontals brodés à une femme en 13455064. Le 16 décembre 1341, Cécile Amilhau, fille d’un chevalier de Toulon reçoit une très forte dot en numéraire et un trousseau comprenant une fronteria d’une valeur de 20 florins5065. À la fin de l’année 1386, Bernard de Favas cède deux fronteriae lapidum sive perlarum pour 18 florins de 32 sous du roi5066. Lors de l’inventaire après-décès des biens d’Élipde d’Avelin dans son château des Baux, en octobre 1426, il est retrouvé dans sa chambre un estuif de cuir rond contenant deux fronteaux (frontieres) de deux rangées (rangieres) de grosses perles, l’une de 96 perles, l’autre de 50 perles. Elle possédait également un bourrelet de taffetas vert composé d’un fronteau à six petites assiettes (assietes) d’or garnies chacune de deux rubis balais et de deux émeraudes avec une perle au milieu, également décorées de groupes (troches) de quatre perles5067. Ce bijou de tête s’accordait avec un collier de configuration analogue également signalé dans l’inventaire5068. Si l’on se réfère à l’organisation du collier, il est probable que le nombre de groupes de perles était de trois par assiettes pour le fronteau (fig. 512). En 1433, lors de l’inventaire après-décès des biens d’un apothicaire d’Aix, dans le cadre de la mise sous tutelle de sa femme, un petit fronteau à trois rangs de perles, cum tribus tieris5069 est mentionné. Celui d’Alasacia, veuve d’Antoine 5060 Anibert 1779-1781, p. 383, note 3. Feracci 1976, p. 118. 5062 Raynouard 1836-1844 ; Godefroy 1881-1902. 5063 Gay 1887, p. 716. A. Amati Canta en trouve la mention à Bari dans les Pouilles en Italie dans des contrats de mariage en 1385 et 1397 (2013, p. 26, p. 43). 5064 Forestié 1890-1893, t. 1, p. 146. 5065 Lambert 1887, p. 426. 5066 AD BDR Marseille, 351 E 123, f° 398 r° - 398 v°. 5067 Barthélémy 1877, p. 133. 5068 Se reporter au sous chapitre 3.4.5. 5069 AD BDR Aix, 307 E 23, f° 137 v°. 5061 1121 3. Approche croisée du mobilier archéologique Michel, est de perles cum floribus5070. Le fronteau que reçoit Bertrande Clumanc pour ses noces à Fréjus en 1443 ne comporte pas moins de six rangs (trenons) de perles5071. À la mort de la sisteronaise Jeanne Mollet en 1470, ses filles se partagent différents bijoux dont deux fronteaux de perles5072. Le roi René offre en 1476 un fronteau de diamant à Isabelle de Beauveau, peut-être à l’occasion de son mariage5073. Ces ornements de coiffure pouvaient présenter un poids assez important : le père de Marguerite Johan, sachant sa fin prochaine, lègue en 1477 par testament à sa fille les bijoux de mariage qu’il comptait lui donner : une ceinture à pièces d’argent blanc et un fronteau de perles du poids de cinq livres évalué à 4 florins5074. Des fronteaux de valeur similaire ont été mis en gages par des draguignanais chez l’orfèvre Elzéar de Gleize comme il apparaît dans son inventaire après-décès en 1498 : un premier exemplaire fut mis en gage contre 3 florins, un second pour 4 florins, un troisième avec deux ceintures pour 16,5 florins5075. Les mentions ultérieures de fronteaux indiquent presque toujours des perles organisées sur trois ou quatre rangs. Les derniers exemplaires répertoriés, signalés dans l’inventaire sommaire de M. Ricaud et F. Mireur, datent du milieu du XVIe siècle5076. Ce type de bijou ou cette dénomination pourrait donc ensuite avoir disparu. La fin du XIVe siècle est marquée par l’apparition de nouveaux termes, mais, peutêtre, ne traduisent-ils pas pour autant un changement dans la morphologie des bijoux orfévrés de la coiffure. À la mort du grand marchand marseillais Jean Casse, l’inventaire de ses biens en 1391 révèle, entre autres, des gages reçus contre des prêts d’argent : une bague avec un diamant, trois cordes de dix-huit grosses perles pour ouvrage de chapeaux de perles (cordulae perlarum grossis decem et octo operibus cappelli perlarum) contre douze florins pour Antoine de Sarde, des grosses perles et onze cordes de perles contre trente florins pour Bernard Martin, une houppelande de camelot rouge fourrée, une ceinture d'argent et divers « tourets » de perles (thoreti perlarum) pour Astruc de Bédarrides. Jean Casse reçut également une couverture de soie, une courtepointe, un coutre de charrue et trois grandes cordes de perles, contre des vêtements noirs et d’autres marchandises acquises dans sa 5070 Inventaire après-décès des biens de son mari dressé le 15 avril 1428 (AD BDR Aix, 309 E 172, f° 8 r° - 12 r°). 5071 Aicard 1939, p. 17. 5072 Laplane 1843, t. 2, p. 516. 5073 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 88, p. 371. 5074 Ribbe 1898, p. 139, 146. 5075 Annexe 8, doc. 12. 5076 Ricaud et Mireur 1896, n° E 894. V. Gay relève une dernière mention du fronteau dans un dictionnaire dans un codument daté de 1530 (1887, p. 717). 1122 3. Approche croisée du mobilier archéologique boutique par Antoine Nicolas5077. Au milieu du XIVe siècle, F. Feracci relève la mention de rangs de perles dans les inventaires après-décès arlésiens5078. Le boucher Antoine Chabasse mort en 1435 en possède trois : un strenhedorium trium linearum perularum, un deuxième cum quatuor tieras, un troisième cum quatuor trenas. Chez le pêcheur Jean Céleste décédé la même année, il est avec quatuor linearum. En 1436, ce bijou est cum tribus renquerris chez le berger Antoine Altéran. Le poissonnier Jean Rostang avait acquis pour sa femme trois exemplaires, à trois et cinq rangs (regula), à trois rangs de perles en argent blanc cum tribus regulis perlarum argenti albi comme il est inscrit lors de sa succession en 1436. La corde de perle est connue sous une dénomination latine très proche du terme français trenon. En 1534, dans une estimation des joyaux de l’héritage d’Hélène de Pontevès par Pierre Lager, orfèvre d’Aix : unum trenonum perlarum et 101 perles en or sont estimées à 7 florins5079. Le terme bendal ou bendalh de perles, c’est-à-dire un bandeau de perles, relevé dans les articles 20 et 23 des statuts de 1558 de la communauté juive d’Avignon5080 désigne sans doute le même ornement de coiffure. Le bijou inventorié en 1566 dans le cadre de la cession d’un stock de marchandises par un marchand avignonnais est particulièrement précieux. Il s’agit d’une corde de perles d’argent ajourées (corde paternostre d’argent a jour) garnie de six grosses perles d’or à arêtes (marques a reithes) et de 70 gerbes d’or, estimée 24 livres 5 sous de 20 sous. La masse d’or mise en œuvre est de 4,5 écus et 6 grains, et celle d’argent de 1 once et 5 deniers à 42 sous 6 deniers l’once d’argent soit 2 livres 11 sous 3 deniers. Quant à la façon de l’ensemble des gerbes d’or, elle est évaluée à 35 sous, celle des marques à 30 sous, et celle des perles d’argent à environ 2 sous la pièce5081. Le nombre de perles en argent et le coût de l’or n’étant pas fournis, il n’est pas possible de calculer la part exacte que représente le travail de l’orfèvre dans le coût total du bijou. Cependant, avec une évaluation du prix de l’or à 176 livres le marc de marseille5082, comme il est proposé par les estimateurs dans le même document au sujet de bagues en or, le coût de cette matière est d’environ 11,27 livres5083 L’argent ayant coûté 2,56 livres, le travail de l’orfèvre serait évalué à 10,42 livres soit 42,96 % du prix total. Par conséquent, le coût des divers éléments du bijou étant connus, il 5077 Villard 1907 Feracci 1976, p. 118-119. 5079 AD BDR Aix, 308 E 986, f° 1025 v°-1026 r°. 5080 Maulde La Clavière 1886, p. 111-115. 5081 Annexe 8, doc. 25. 5082 Le marc de Marseille est de 239,12 gr. comme celui de Montpellier (Mabilly 1908, p. 190). 5083 L’écu d’or de Charles IX émis entre 1560 et 1574 pèse autour de 3,36 gr. (se reporter au site internet www.infomonnaies.com/fr/monnaie/show-c5-Monnaie-Royale-Francaise-Capetienne.htm). 5078 1123 3. Approche croisée du mobilier archéologique apparaît que le nombre de perles était de 71, celles-ci devant alterner avec les 70 gerbes, une marque étant peut-être disposée tous les dix, onze ou douze ensembles d’une perle et d’une gerbe5084. Le trenon que Balthasar Dhéran de Draguignan lègue à sa femme en 1578 était formé par 20 pontes alternant avec 21 pompons d’or5085. Chez un marchand de vin, en 1579, le trenon fonctionne avec des boucles d’oreille : ung petit trenon de perles servant pour sarreteste ou y a vingt quatre patretz d'or avec ses pendentz d'oreilhe de perles5086. Dans le testament de 1580 de Magdelone du Port, le serre teste est entièrement en or et décoré de dix médailles et d’autant de perles5087. Plus tard, en 1609, Gaspard Olivier, bourgeois d’Avignon, offre à Lucrèce Jannaude, lors de leur mariage, des bijoux dont deux tours de perles qui lui ont coûté deux écus5088. Depuis la fin du XIVe siècle, les archives provençales livrent régulièrement des descriptions de cordes, de tourets, de trenons ou de bandeaux de perles sans aucune mention de tissu, de pierreries ou d’élément métallique. Ces ouvrages de perles ne sont pas sans rappeler les fronteaux de perles à plusieurs rangs déjà évoqués. S’agit-il du même bijou sous une dénomination différente ? Cela paraît très probable puisque les trois vocables évoqués précédemment semblent désigner la même chose. En outre, le qualificatif trenon est déjà utilisé dans le cadre de la description des fronteaux pour désigner une rangée de perles. Dans le cas du fronteau, cependant, une évolution serait intervenue : les exemplaires brodés vendus par les frères Bonis et l’un des deux fronteaux d’Élipde d’Avelin ne s’apparentent pas aux cordes de perles. Le fronteau comporte-t-il toujours une base textile ? Cette hypothèse pourrait être contredite par l’absence de mention de tissu à partir du milieu du XVe siècle, alors que pour les ceintures, ce renseignement apparaît régulièrement5089. À l’évidence, l’emplacement du fronteau à hauteur du front, si l’on s’en tient à l’étymologie, a bien plus à voir avec la dénomination adoptée qu’avec les éléments qui en constitue la parure. L’iconographie n’apporte pas d’éclaircissement sur ce point et il est difficile de faire la relation entre ce qui est figuré et ce qui est écrit. La scène de La Carole (fig. 510) – une danse –, parmi les fresques de Sorgues, datées de la fin du XIVe siècle, montre deux jeunes femmes et un jeune homme dont le haut du front est ceint d’un probable bandeau textile parsemé de points blancs et rouges qui pourraient figurer des pierres et des perles. Cet ornement semble 5084 Il faut pour cela retrancher au prix Aicard 1939, p. 17. 5086 AD BDR Aix, 303 E 155, f° 1525 r°. 5087 Aicard 1939, p. 17. 5088 Dubois 1936, p. 275 ; l’écu vaut alors 3 livres 12 sols. 5089 Se reporter au chapitre 3.1.1.2. 5085 1124 3. Approche croisée du mobilier archéologique correspondre à la garlanda. Peut-être faut-il discerner dans les couleurs choisies un message particulier : les roses blanches sont, dans l’imaginaire médiéval, synonymes de chasteté, les roses rouges, de l’amour5090. Sur des éléments iconographiques plus tardifs comme les filles Spiefami (fig. 508) assistant avec leurs parents au Baptême du Christ peint en 1425, ou sur la sainte Marguerite du Retable Aygosi daté de 1470 (fig. 509), la parure de tête est constituée de trois rangs de perles, disposées sur un tissu noir pour la première représentation, reliées à un médaillon et placées sur du tissu pour la seconde. Le tour de perles de la mauvaise mère dans le Jugement de Salomon (fig. 511) réalisé dans la première moitié du XVIe siècle par Giacomo Pacchiarotto, celui de Marie dans la Vierge à l’Enfant de Giovanni di Piermatteo (fig. 531), actif entre 1445 et 1448, attestent que le bijou pouvait se poser directement sur la chevelure pour maintenir un léger voile. Pour l’Italie du Nord, S. Zingraff constate que les rubans de perles ne sont arborés que par des femmes, essentiellement entre les années 1380 et le début du XVe siècle, même s’ils continuent d’apparaître par la suite5091. Le mot couronne est un terme générique qui s’applique aussi bien à la couronne de la mariée qu’à celle portée par les empereurs, rois et princes pour lesquels elle est symbole de pouvoir. Toutefois, la couronne de ces derniers se distingue par des fleurons. La mitre que porte le pape Jean XXII lors de son investiture en 1316 est décrite dans les comptes de la chambre apostolique comme une couronne. Gabriel, un familier du pape, et l’orfèvre Thuaro, furent pour cette occasion chargés de faire réparer la couronne papale (corone Domini nostri), de la vaisselle et les autres éléments nécessaires à son couronnement en y ajoutant de l’or, de l’argent, des pierres précieuses (lapidis preciosis), des perles. L’orfèvre dut également confectionner une bague (anulus)5092. En 1345, Louis d’Espagne, prince des Îles Canaries, reçoit de Clément VI un sceptre en or (septrum) et une couronne (circulum) en or pesant au total 3 marcs 5 onces et 17 deniers5093. Plus anecdotique, à l’occasion de l’entrée du cardinal légat Julien de la Rovère à Avignon le 27 mai 1481, la municipalité organise différents tableaux à personnages qui nécessitent la confection de costumes. Il est à cet effet acquis des diedames et des corones et notamment pour 1 florin 6 gros deux corones daurades per le inperadour et pour Nostra Dame5094. Il ne devait pas s’agir de métaux précieux même si le 5090 Alexandre-Bidon 1992, p. 200. Zingraff 2014, p. 441. 5092 Faucon 1882, p. 73. 5093 Schäfer 1914, p. 279 ; Lentsch 1984, p. 15. 5094 Pansier 1919, p. 43, 44. 5091 1125 3. Approche croisée du mobilier archéologique matériau n’est pas précisé. Pour les fêtes du Carnaval, en 1520 à Avignon, il est encore acheté par la ville une corone et un duademe pour le costume d’un participant à une farce5095. La couronne fleuronnée en tant que symbole de pouvoir permet d’identifier aisément les rois, reines et empereurs – ce dernier avec une couronne fermée5096 – dans l’iconographie (fig. 513, 514, 516 à 518, 520). Ces mêmes couronnes se retrouvent sur la tête de l’Enfant (fig. 513) pour consacrer le sacrifice futur du fils de Dieu, de la Vierge (fig. 515 et 517) parce qu’elle est la mère du fils de Dieu et que le lys est la fleur de la Vierge, de saintes martyres (fig. 517 et 520) en récompense de leur sacrifice, et ce, sans distinctions morphologiques. Seul le talent de l’artiste, son goût pour la précision ou l’esthétisme, son suivi de certaines conventions de figuration ont une incidence sur le développement de l’ornementation de ces objets. En Italie du Nord, les fleurons ont tendance à devenir de plus en plus compliqué avec le temps5097. La représentation d’une couronne est aussi affaire de stéréotype comme l’illustre la documentation rassemblée. Même dans le cadre de personnages médiévaux réels, ce bijou « symbole » n’a pas forcément de réalité physique. La documentation étudiée par A. Lecoy de la Marche et G. Arnaud d’Agnel5098 ne fait effectivement jamais référence à une quelconque couronne pour Jeanne de Laval, ni même pour le roi René. Il est d’ailleurs curieux que le comte de Provence n’en arbore pas alors que sa femme en porte une dans le diptyque qui les représente (fig. 520). Jeanne de Laval porte-t-elle une couronne pour ne pas paraître inférieure à Catherine d’Alexandrie dont la couronne symbolise le martyre ? Les deux personnages féminins sont habillés de façon quelque peu similaire. Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, une couronne d’orfèvrerie peut également orner la tête des jeunes épousées qui jouissent ainsi d’une souveraineté toute passagère. La documentation textuelle est trop imprécise pour en comprendre la morphologie, et l’iconographie de Provence est muette à ce sujet. Ce bijou devait être entièrement ou en grande partie métallique si l’on en juge par son prix particulièrement élevé et parce que le tissu n’y est jamais mentionné. Peut-être certains exemplaires étaient-ils analogues à celle de l’épousée dans les Noces de Cana des Très Belles Heures du duc de Berry (fig. 521) ? Certaines coutumes se perpétuent et l’usage du port de la couronne par la mariée s’est 5095 Pansier 1925, t. 2, p. 258. S. Zingraff remarque que dans l’iconographie d’Italie du Nord, les couronnes impériales ont des formes très fantaisistes en comparaison de la couronne originale du Saint-Empire. Elles correspondent à l’idée que l’on s’en faisait (Zingraff 2014, p. 682-683). 5097 Zingraff 2014, p. 435. 5098 Lecoy de La Marche 1873, Lecoy de La Marche 1875, Arnaud d’Agnel 1908. 5096 1126 3. Approche croisée du mobilier archéologique poursuivi dans certains régions comme l’Alsace jusqu’au XVIIIe siècle5099. Le pape Jean XXII n’hésite pas à faire profiter sa famille et ses familiers des largesses du trésor pontifical à l’occasion d’heureux événements. En 1317, il offre à la femme d’Arnaud d’Euze, son neveu, et à la mère de celle-ci, une bague en or avec une émeraude (meralda) valant ensemble 11 florins, ainsi qu’une couronne en or (corona) avec des perles et des pierres précieuses d’une valeur de 150 florins à la première, et une couronne en or avec perles et pierreries d’un prix de 78 florins5100 à la seconde. En 1323, sa petite nièce Bernarde, fille du seigneur Pierre de Via, chevalier du pape, frère des cardinaux Jacques et Arnaud de Via, épouse le noble Raymond de Jean, d’une famille de Cahors déjà alliée à celle de Jean XXII. À cette occasion, le pape offre une couronne en or de 170 florins5101. Deux ans plus tard, le pape célèbre les noces de Bernarde, avec Guillaume de Medullione, un de ses familiers. Il remet alors en cadeau une couronne en or avec des perles achetée 85 florins ainsi que divers vêtements et autres biens pour un total de 153 florins5102. Quelques mois plus tard, la sœur du pape fait acquérir aux frais du Trésor papal – le trésorier prend soin de dégager sa responsabilité en l’inscrivant en marge – une couronne d’or enrichie de perles et de pierreries de 270 florins pour sa petite-fille Jeanne de Trian, fille du neveu du pape Arnaud de Trian, maréchal du Comtat lors de son mariage avec Guichard de Poitiers5103. En 1326, le pape offre à la femme d’un de ses familiers nommé Olivier des Pennes un trousseau d’une valeur de 145 florins dans lequel se remarque une couronne en or valant 65 florins5104. D’après les comptes publiés, Jean XXII est, semblet-il, le seul à avoir ainsi mis à contribution les finances pontificales. La couronne orfévrée est également un élément constitutif du trousseau que reçoit, en 1340, la fille d’un damoiseau pour son mariage avec un chevalier toulonnais : elle est décrite en argent, bonne et suffisante, 5099 Une couronne de mariée – elle est constituée de plaquettes de métal non précieux, de perles de verre de différentes couleurs, de feuilles dorées et argentées, de cartes de jeu, etc. – de la fin du XVIIIe siècle en provenance du village de Blaesheim dans le Bas-Rhin est conservée au Musée alsacien de Strasbourg. Le même musée est également propriétaire d’une coiffe à becs orfévrée – elle est fabriquée avec des tôles d’or et d’argent, des fils d’or, du brocart ornementé, de la grosse toile, de l’indienne, etc. – du XVIIIe siècle (Prigent 2008, p. 35). Les éléments constitutifs des coiffes alsaciennes de mariage d’Époque moderne avaient une signification particulière. Ces coiffes sont très éloignées des coiffes provençales telles qu’elles sont décrites dans les archives médiévales. Aucune correspondance ne peut donc être faite. 5100 Schäfer 1911, p. 391 ; Faucon 1882, p. 78 ; Lentsch 1984, p. 15. 5101 Schäfer 1911, p. 430 ; Faucon 1884, p. 108-109. 5102 Schäfer 1911, p. 477 ; Faucon 1884, p. 111. Alors que dans la transcription proposée par K.H. Schäfer, ces achats ont été commandés par le pape, M. Faucon aurait noté dans la marge du document original l’inscription Attende quod domina de Trianno mandavit ita fieri. Ce serait alors la sœur du pape qui serait à l’origine de ces largesses. 5103 Schäfer 1911, p. 464 ; Faucon 1884, p. 109-110. 5104 Schäfer 1911, p. 468 ; Faucon 1884, p. 111. 1127 3. Approche croisée du mobilier archéologique sufficientem et bonam5105. En 1341, après la mort de sa femme, un membre de la famille Fresquet, l’une des familles les plus riches de Toulon, donne restitution du trousseau de dot comprenant une couronne nuptiale à son beau-père, Bertrand Ruphi5106. À six années d’intervalles, en 1340 et 1346, Bertrand des Baux reconnaît à son épouse la possession d’une couronne en or et d’un petit chapeau tissé d’or (capelletti auri) garnis de perles, de pierres précieuses, ainsi que d’autres ornements5107. En 1358, le pape Innocent VI, en manque de numéraire pour lever une armée afin de reconquérir la Romagne, terre papale, se dessaisit d’une partie de l’argenterie et des ornements de la papauté : deux couronnes à fleurs de lys (laborate ad floris (sic) lilii) en argent doré avec des perles et des pierres sont ainsi proposées à la vente. Elles pèsent un marc, sept onces et un quart de métal précieux5108. En 1413, l’inventaire du trousseau de mariage de Catherine de Bourgogne qui devait épouser initialement Louis II d’Anjou contient une couronne garnie de pierreries5109. La couronne orfévrée est jusqu’au début du XVe siècle un ornement réservé aux femmes de la haute noblesse. Sa propagation dans les milieux de la bourgeoisie aisée dans la première moitié du XVe siècle est rapidement suivie par son abandon. En 1430, démunis, les propriétaires aixois d’une couronne en vermeil ornée de pierres précieuses, pro sponsa, mettent celle-ci en gage contre 20 florins5110. Une couronne en argent doré, à fleurs de lys et autres ornements parsemés de perles, est dite antiqua et usitata. Mentionnée dans la succession de l’apothicaire aixois Jean Salvator, en 1443, elle semble ne plus correspondre aux standards de la mode du moment et fait peut-être partie d’une transmission de mère en fille5111. D’autres bijoux sont attestés dans la documentation de façon plus anecdotique. C’est le cas du diadème5112 dont un exemplaire dénommé archet pour mectre au front d’une dame, est en or et couvert de quinze diamants et trente quatre rubis. La destination de ce bijou mentionné dans les comptes du roi René, œuvre de l’orfèvre Adam, d’une valeur de 250 5105 Lambert 1887, p. 427. Ibid., p. 427. 5107 Barthélémy 1882, p. 338, n° 1182 ; n° 1280, n° 1346. 5108 Müntz et Faucon 1882, p. 223. 5109 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 536. 5110 Ribbe 1898, p. 71. 5111 AD BDR Aix, 307 E 23, f° 137 v°. 5112 Dans le cadre d’un prix-fait pour la confection d’un retable pour l’église Saint-Laurent d’Arles, il est demandé à Guillaume Richier, peintre de la ville, de peindre au-dessus de chacun des saints personnages (Marie-Jacobé et Marie-Salomée, la Vierge Marie, saint Pierre, saint Claude et saint Jean) une auréole en or dite dyadenum de auro (Arnaud d’Agnel 1908, n° 623). 5106 1128 3. Approche croisée du mobilier archéologique florins5113, n’est pas précisée. Du côté de la coiffure masculine, les comptes du roi René rapportent à plusieurs reprises l’acquisition – 1 florin la pièce – ou la dorure de tu[y]au[x] de lacton dore qui, fixés sur le casque de l’armure de joute, sont destinés à recevoir des plumes5114. Dans le Livre du Cœur d’Amour épris écrit par le roi René et enluminé par Barthélémy d’Eyck, les plumets d’Autruche sont retenus par un bijou pour les princes, et les écuyers arborent une seule plume montée sur un tube doré (fig. 522). Les coiffes de plumes se rencontrent un peu partout en Europe de l’Ouest mais elles sont particulièrement courantes dans l’iconographie italienne. Le jeune Francesco Sforza est ainsi peint en 1496 avec des plumes noires et or fixées à un bandeau orfévré (fig. 524). La plupart des bijoux évoqués dans ce chapitre, que ce soit la garlanda, le fronteau, les cordes de perles et dans une certaine mesure la couronne, sont des parures offertes à l’occasion du mariage et elles ornent très probablement la tête des femmes lors des festivités liées à cet évènement. Cependant qu’advient-il après le mariage ? Il ne semble pas que ces bijoux soient portés au quotidien mais peut-être le sont-ils lors de certraines fêtes et évènements ? Les sources sont peu disertes. En 1350, lors de la venue de la reine Jeanne à Marseille, une délibération expresse du Conseil de Ville interdit le port de la couronne aux dames qui iraient saluer la princesse, afin de mieux honorer la majesté royale5115. Ceci ne renseigne pas pour autant sur la fréquence du port d’un tel ornement. Les bijoux qui ornent la tête des femmes mariées sont également susceptibles d’être disposés sur la tête des vierges martyres. Par leur sacrifice, elles sont métaphoriquement unies au Christ dont elles deviennent les épouses. En 1321, le pape Jean XXII fait confectionner une tête reliquaire couverte de trois garlandae en argent doré d’un poids total de cinq onces5116. Dans l’inventaire de la cathédrale de Grasse en 1423, il est enregistré une tête reliquaire de sainte Ursule en bois recouvert d’argent, aux cheveux dorés, parée d’une garlanda en argent sertie de pièces de verre (cum aliquib(us) lapidib(us) vitreis)5117. Dans le même édifice, deux statues de la Vierge pouvaient être revêtues de vêtements et d’accessoires rehaussés de perles. Parmi les bijoux conservés, il y a un chapeau de perles (capellum perlarum), une couronne de perles à créneaux (corona perlarum cum merletis) ainsi que deux colliers (gregeta) de perles dont un de petite taille donné par la femme de maître Bonpaire. Dans le mobilier de la 5113 Arnaud d’Agnel 1908, n° 973. Ibid., n° 1222 et 1259, en Provence ; n° 1148, hors de Provence. 5115 Notice 1864, p. 42, note 2. 5116 Schäfer 1911, p. 247. 5117 Doublet 1907, p. 84, n° 3. 5114 1129 3. Approche croisée du mobilier archéologique cathédrale Saint-Sauveur d’Aix en 1533, un notaire note la présence d’une représentation de sainte Cécile, une des 11000 vierges, la tête ornée d’un petit fronteau de perles à quatre rangs (ordines sive tieros), où il manque huit ou neuf perles, et portant une couronne de vermeil avec des sertis de verre (cum lapillis vitreis) et quarante perles de toutes tailles. Cinq perles et six verres sont manquants. La tête est également mise en valeur par un collier richement orfévré. Une seconde figure des 11000 vierges dispose d’un petit fronteau de treize perles, en forme de rosaire (ad formam rozarum), et d’un petit chapeau orné d’images en cire. Une troisième figure porte un fronteau de velours rouge ainsi qu’un collier fait de corail, d’argent et de soie. Enfin, il est retrouvé dans une boîte un fronteau isolé à trois rangs de perles dont beaucoup sont manquantes, deux autres fronteaux dont l’un est incomplet, et une couronne d’argent doré avec des sertis de verre (cum lapidibus vitreis) portant une grande croix5118. L’usure de la plupart des objets caractérise une confection ancienne, bien antérieure à la date d’établissement de l’inventaire. Toujours dans cette cathédrale, il était conservé une statuette de bois recouverte d’argent – 13 marcs et 3 onces – fabriquée en 1501 par l’orfèvre Jean de la Planteya5119. Elle représente une Vierge à l’Enfant haute de deux palmes et demie dont les cheveux, la couronne (corona) et le diadème (diadematus) sont dorés. Elle porte au bras gauche l’Enfant, couronné avec un diadème de 23 perles, tenant un oiseau dans ses deux mains5120. À son bras pend un Agnus Dei contenant des reliques. L’enfant tient également un anneau fracturé et deux chapelets (patres notres) de corail. Au plus grand des deux pend un bouton de soie (botonus ciricens) couvert de perles5121. La couronne et le diadème portés ne sont plus ici des symboles d’une union avec la foi, mais les attributs du caractère divin des personnages ou de leur sainteté. En 1352, le pape Clément VI fait confectionner une couronne en or d’une valeur de 4 florins pour une figure du Christ5122. La couronne est là pour consacrer le sacrifice du fils de Dieu comme nous l’avons déjà mentionné pour l’iconographie. La couronne orne également la tête des Justes. Dans une Vie de sainte Marguerite en toulousain ou en gascon, que A. Jeanroy date du milieu du XIIIe siècle, mais que P. Meyer place à la fin du XIIIe siècle ou au début du XIVe siècle, la colombe de l’Esprit 5118 Albanès 1883, n° 10, 11, 18, 20, 113, 120 et 121 Albanès 1883, p. 158, n° 32 à 34 ; Coulet 2005, p. 101. 5120 L’Évangile apocryphe de Thomas l’Israélite rapporte un miracle de l’Enfant Jésus qui aurait fait s’envoler des oiseaux d’argile (Brunet (Édit.) 1848, chap. II). Certains artistes figurant la Vierge à l’Enfant s’en sont inspirés (fig. 27). 5121 L’interprétation de ce passage n’est pas aisée : Item, equidem habet duos patres nostres de coralh, unus magnus, ad quorum sumitate pendet botonus ciricens, copertus de perlis, et unus annullus conquassatus (Albanès 1883, n°34). 5122 Schäfer 1914, p. 500. 5119 1130 3. Approche croisée du mobilier archéologique Saint vient couronner la sainte, restée chaste et pure, ayant combattu victorieusement le diable : Ades una colomba venc Del cel e passet sobrel renc ; Corona d’aur el col portet ; Sobre la virgen la pauset5123. 5123 Jeanroy 1899, p. 47. 1131 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.4.4. Les boucles d’oreilles L’ornementation de la chevelure peut dans certains être complétée par des boucles d’oreilles. Ces bijoux qui encadrent le visage participent à sa mise en valeur. En Europe de l’Ouest continentale, la boucle d’oreille est un bijou particulièrement fréquent au haut Moyen Âge dans le costume féminin5124. Il disparaît durant le Moyen Âge central et le bas Moyen Âge sauf dans l’est5125 et le sud de l’Italie5126 de même que dans le sud de l’Espagne5127 ainsi que le prouve la documentation archéologique et textuelle. Ces régions sont en effet en contact avec le monde musulman, l’Empire byzantin et l’Europe de l’Est5128 où les boucles d’oreilles et autres piercings restent en usage. Les raisons du recul ou de l’abandon du port des boucles d’oreilles selon les régions sont probablement multiples. Une perte d’intérêt pour ce bijou peut être envisagée mais les motivations religieuses sont certainement majoritaires. Le corps est œuvre de Dieu, le percement de la chair est un sacrilège : « Vous ne ferez point d’incision dans votre chair […] et vous ne ferez aucune figure, ni aucune marque sur votre corps » ordonne le Lévitique (19, 28). Sous l’impulsion des théologiens et des prédicateurs, le percement de la chair est tout d’abord considéré comme un enlaidissement de l’œuvre de Dieu puis comme un sacrilège : « Retrancher à la perfection des créatures, c’est retrancher à la perfection du pouvoir de Dieu » écrit Thomas d’Aquin5129. Seul Dieu peut infliger la marque charnelle, « elle devient un stigmate, comme ceux que reçut saint François d’Assise en 1224, qui relèvent alors du 5124 Stutz 2003, p. 166-167, pl. 72-73. Province d’Udine : un artefact en argent avec une cupule de verre bleu transparent, XIIIe - début XIVe s., castello dello Motta di Savorgnano, Povoletto (Piuzzi et al. 2003, p. 67) 5126 Des boucles d’oreille sont mentionnées dans des contrats de mariage et d’autres documents en Italie méridionale, notamment à Bari – dont les fonds d’archives anciens sont conséquents – de façon continue entre la fin du Xe siècle et la fin du XIVe siècle (Ditchfield 2007, p. 495-498 ; Amati Canta 2013, p. 24-25, 41-42). Des opérations archéologiques ont fourni des objets ; Province de Lecce : une boucle d’oreille en alliage cuivreux, corps d’une jeune fille de 7 à 9 ans, datation C14 à deux sigmas de 1318-1431, cimetière du village médiéval de Quattro Macine, Giuggianello (Arthur et al. 2007, p. 299) ; Province de Palerme : un exemplaire en alliage cuivreux avec un grain de cornaline, sépulture, milieu XIe - milieu XIIIe s., Nécropole A d’Entella, Contessa Entellina (Guglielmino 1992, p. 237) ; Province de Sicile : un spécimen en argent, atelier de potier, fin XIe - première moitié XIIe s. (les auteurs pensent que l’objet est paléochrétien), Agrigente (Cavallaro 2007, p. 273, 276-277). 5127 Province d’Alicante : trois boucles d’oreilles en alliage cuivreux, XIIIe - XIVe s., castillo de la Torre Grossa, Jijona (Azuar Ruiz 1985, p. 101). 5128 Pour des objets trouvés en contexte archéologique en Europe de l’Est : Selmeczi 2005, Madaras 2006. 5129 Bruna 2001, p. 81 et 149, note 63. 5125 1132 3. Approche croisée du mobilier archéologique miraculeux et de l’identification au Christ par la souffrance »5130. La connotation négative des boucles d’oreilles est évoquée dans la partie du Roman de le Rose rédigée par Jean de Meung entre 1270 et 1275. Pygmalion offre des vêtements et des bijoux à une image d’ivoire qu’il a sculptée : Et met a ses deus oreilletes Deus verges d’or pendans greletes5131 À l’image des hébreux qui demandèrent à Aaron de leur fabriquer une idole (Ex. 32), Pygmalion a sculpté la sienne. Aaron leur avait commandé de briser les « pendants d’or » aux oreilles de leurs femmes, de leurs fils et filles pour pouvoir en fondre le métal en un veau qu’ils puissent adorer. Les boucles d’oreilles qu’offre Pygmalion à son « idole » sont un parallèle évident avec le texte biblique5132. Ce passage du texte de Jean de Meung réinterprète peut-être un argument formulé par les autorités religieuses de son époque. La boucle d’oreille reste employée dans des contrées jugées exotiques pour bon nombre de chrétiens et l’étranger est un personnage dont on se défie. À l’inverse, des éléments du costume « oriental » inspirent ou sont intégrés au costume « occidental ». Dans l’iconographie, les boucles d’oreilles et les autres piercings sont à la fois l’un des signes marquant les ennemis de la foi, les infidèles, les bourreaux, les spectateurs enthousiastes de la Passion du Christ, les Juifs, etc., donc tous les individus dont le rôle est jugé infâmant et un moyen de mettre en évidence l’ « orientalité » et le caractère « exotique » des personnages ou leur appartenance à l’Ancienne Loi5133. Ce bijou est visible dans plusieurs peintures du Nord de l’Italie dans la première moitié du XIVe siècle, comme par exemple à l’oreille des servantes juives dans une Nativité (fig. 525) produite vers 1340-1343 par un disciple napolitain de Giotto5134, puis il disparaît à partir du milieu du XIVe siècle. D’après S. Zingraff, la boucle d’oreille est dans la première moitié du XIVe siècle un « motif » exotique qui pourrait témoigner « d’un mouvement général d’ouverture vers l’Orient, auquel la Grande Peste, qui survint en 1348, serait venu mettre un terme, puisqu’un mouvement de repli sur soi et de stigmatisation de l’Autre s’est opéré avec vigueur par la suite, en même 5130 Zingraff 2014, p. 693. Marteau (Édit.) 1878, t. 4, vers 21759-21760. 5132 D. Bruna (2001, p. 81) considérait ce passage comme une exception dans l’absence du port de la boucle d’oreille. 5133 Pour ce paragraphe, se reporter à Bruna 2001 (p. 71-114) et plus spécifiquement pour l’Italie du Nord à Zingraff 2014 (p. 481-483, 688-707). 5134 Raisaud 2013, p. 200-201. 5131 1133 3. Approche croisée du mobilier archéologique temps qu’une vive condamnation des parures trop luxueuses, jugées responsables d’engendrer les punitions divines »5135. Il apparaît dans quelques sources d’archives que le port de la boucle d’oreille met en exergue la marginalité du personnage : dans les années 1350, le dauphin Charles, le futur Charles V, achète deux anneaux d’or pour être pendus et atachiez aux oreilles de Micton son fou5136. Le contexte italien étudié par D. Owen Hugues est particulièrement révélateur de la construction d’une symbolique négative associée à ce bijou. Le développement économique des XIIe et XIIIe siècles a incité des juifs d’Italie du Sud à revenir en Italie du Nord après en avoir été chassés en 8555137. Certaines femmes ont sans doute apporté avec elles ce bijou qui est alors devenu, dans le nord de l’Italie, la marque de l’opprobre populaire. Des cités italiennes imposent leur port aux femmes juives au XVe siècle5138. Sous l’influence des prêches franciscains contre le luxe vestimentaire des femmes, la boucle d’oreille a été associée à la vanité et à la concupiscence et par extension aux prostituées, ce qu’illustre peutêtre l’iconographie5139. Ces symboliques expliquent-elles par exemple la figuration de ce bijou à l’oreille de Marie-Madeleine, ancienne prostituée, dans une peinture du lucquois Angelo Puccinelli réalisée dans la seconde moitié du XVe siècle (fig. 526) ? La boucle d’oreille perd peu à peu sa signification de marque d’opprobre en Italie du Nord suite à un regain d’intérêt pour le monde oriental à la fin du XVe siècle d’après S. Zingraff5140. Elle devient à partir du début du XVIe siècle un bijou de l’aristocratie5141 : elle fait son apparition dans des inventaires de princesses italiennes ou de la maison des Habsbourg. Son usage se diffuse hors d’Italie et elle se rencontre dans l’iconographie d’Europe occidentale dès la fin du XVIe siècle (fig. 527). Son port s’étend hors des cours princières et ce bijou est cité dans une ordonnance du roi de France du 24 mars 15835142. Dix ans auparavant, l’inventaire après-décès du marchand d’Aix Philippe Brun enregistrait ung petit trenon de perles servant pour sarreteste ou y a vingt quatre patretz d'or avec ses 5135 Zingraff 2014, p. 700. Douët-d’Arcq 1851, p. 347. 5137 Owen Hugues 1986, p. 12. 5138 Ibid., p. 22-24. A. R. de Maulde La Clavière affirme sans preuve que les textes législatifs d’Avignon forçaient les femmes juives à porter des boucles d’oreilles (1886, p. 35-36). Il n’est pas fait mention de ces bijoux dans ces documents (se reporter à l’annexe 7). 5139 Owen Hugues 1986, p. 24-25, 31-32. 5140 Zingraff 2014, p. 700. 5141 Owen-Hugues 1986, p. 38-51. 5142 AD BDR Aix, B 3335, f° 65 r° - 73 v°. Texte lu au Parlement de Provence le 12 mai 1583. Version parisienne publiée par P. Lacroix (1869, p. 60-67). 5136 1134 3. Approche croisée du mobilier archéologique pendentz d'oreilhe de perles5143. Huit ans plus tard, lors du mariage de sa fille avec un sergent-major, un capitaine corse qui tient garnison à Sisteron offre en dot plusieurs vêtements et bijoux dont ung pendant d’oreille d’une valeur de deux écus5144. Le 30 mai 1584, Françoise de Génas demande à la cour de la sénéchaussée de Draguignan la restitution d’un coffret de joyaux contenant entre autres une paire de boucles d’oreilles5145. Dans la seconde moitié du XVIe siècle et la première moitié du XVIIe siècle, ce bijou se remarque à l’oreille de personnalités masculines comme Charles IX, Henri III ou Charles Ier d’Angleterre. Cette mode, exclusivement réservée aux élites dans l’iconographie, cesse assez rapidement. Du milieu du XVIIe siècle jusque dans le courant du XXe siècle, la boucle d’oreille devient un attribut plutôt usuel de la gent féminine5146, et chez les hommes, la marque exclusive des marginaux5147. Il y a quelques décennies, en Provence, « la coutume voulait que l'on perce les oreilles des fillettes dès l'âge de quatre ou cinq ans, car cela, disait-t-on leur soulevait les "humeurs", c'est-à-dire faisait sortir les impuretés du corps (fièvre, boutons, pus, etc.) et guérissait de bien d'autres maux »5148. Le corpus mobilier contient un seul exemplaire de boucle d’oreille pour la période d’étude. Cet objet en or a été mis au jour dans la sépulture d’une femme adulte âgée entre 30 et 60 ans, inhumée entre le XIVe et le XVIe siècle dans la cathédrale Notre-Dame du Bourg de Digne (fig. 528, n° 1). Le jonc de section circulaire est terminé à une extrémité par un petit tenon à angle droit qui traverse une perforation dans l’extrémité opposée. Les boucles d’oreilles étant assez rares en contexte archéologique, il semble approprié de signaler une autre boucle d’oreille, en alliage à base de cuivre, plus tardive puisque découverte dans une sépulture d’adulte des XVIIe - XVIIIe siècles, sur le même site (fig. 528, n° 2). Elle est composée d’un petit médaillon à la bordure incisée, gravé des lettres SE encadrées de deux groupes de trois incisions, brasé sur une extrémité du jonc de section circulaire. 5143 AD BDR Aix, 303 E 15, f° 1525 r°. Laplane 1843, t. 2, p. 518. 5145 Giraud 1941, p. 50. 5146 Concernant la boucle d’oreille chez les femmes de Provence aux XVIIIe, XIXe et XXe siècles, se reporter à Villeneuve, 1824-1829, t. 3, p. 270, à Benoit 1975², p. 129 et à Le costume populaire 1990, p. 200. 5147 Mascetti et Triossi 1991, p. 20 et suivantes ; Bruna 2001, p. 113-114. 5148 Le costume populaire 1990, p. 200. 5144 1135 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.4.5. Les bijoux de cou Dans l’iconographie ouest européenne à partir des environs de 1400, les bijoux de cou sont relativement fréquents dans le costume des hommes et des femmes de la bonne société. Beaucoup d’entre eux prennent l’aspect de chaînes métalliques. Un pendentif, le fermail devenu fermaillet, peut y être suspendu. Autant porté par l’homme que par la femme, son apparition n’a semble-t-il pas de lien direct avec la mode du décolleté féminin, même si cette dernière a pu l’encourager5149. Jusqu’à présent, les fouilles archéologiques réalisées en Provence n’ont pas livré de colliers pour la période d’étude 5150. La question des pendentifs de cou est plus délicate car il paraît bien difficile de les différencier de certains pendentifs de chapelet. Quelques exemplaires, cependant, présentent une solide correspondance avec l’iconographie et leur identification en tant qu’ornement du cou semble moins incertaine. D’après les documents consultés, le plus ancien pendentif mentionné dans les archives pour la Provence est un bijou constitué d’une grande loupe de pierre enchâssée (incasta) d’or pendue à une petite chaîne en argent qui fut acquis 14 florins 8 gros en 1345 d’après les comptes de la chambre apostolique d’Avignon5151. Il s’apparente à ceux qui agrémentent la gorge des femmes dans plusieurs peintures du sud-est de la France où son rôle supposé est de mettre en valeur leur cou et la blancheur de leur peau (fig. 536). Parmi les pendentifs portés, il y a la burlette, un médaillon ouvrant à valves légèrement convexes dans lequel se mettait des reliques ou quelques souvenirs précieux d’après V. Gay et dont la première mention retrouvée dans les archives est de 13605152. Pour la Provence, la première attestation pourrait être datée de 1369 : un inventaire du trésor apostolique mentionne une boleta triacle – triple ? – avec des images, cum ymaginibus5153. Est-elle d’os ouvré comme l’un des exemplaires qui appartenait à Élipde d’Avelin avant sa mort en 14265154 ? Habituellement, elle semble être orfévrée : cinq longs chapelets de jais avec vingt-cinq marches en or – de grosses perles – possèdent une bullette en or pendante ; une dernière bullette en or disposant d’un petit 5149 On peut se reporter à l’iconographie choisie par A. H. Van Buren (Van Buren 2011). Les colliers formellement identifiés datés du second Moyen Âge ont rarement été mis au jour en contexte archéologique : un exemplaire à maillons en alliage cuivreux soutenant un pendentif en os en forme de colombe provient d’un contexte du XVe siècle du site de la rue du Tombois-Transformateur à Metz en Moselle (Goedert et al. (dir.) 1996, p. 114, n° 149-150). 5151 Schäfer 1914, p. 280. 5152 Gay 1887, article « bullette ». 5153 Müntz 1890, p. 401. 5154 Barthélémy 1877, p. 131, n° 27 ; p. 140, n° 6. 5150 1136 3. Approche croisée du mobilier archéologique diamant sur l’une des faces, avec une pierre manquante au revers, était destinée à retenir un reliquiaire, probablement une mèche de cheveux. Ce genre de petite boule orfévrée se rencontre dans une sentence arbitrale en 1426 (buleta)5155 et dès 1451 dans les comptes du roi René. L’orfèvre Jean Nicolas en produit deux exemplaires en or émaillés pesant deux écus valant 76 sous pour mettre au coul du roi René, un autre également émaillé du poids de 1 gros 12 grains d’une valeur de 41 sous 4 deniers est donné à Yolande, la fille du comte de Provence5156. En 1452, faisant l’acquisition auprès d’un orfèvre d’enseignes en or et en argent à l’effigie de Sainte-Catherine de Fierbois, le roi René achète également une burlette d’argent ou est la vie de saincte Catherine5157. Jean Nicolas fabrique une petite burlette d’or émaillée coûtant 20 sous pour son royal client5158. En 1479, l’orfèvre Jean Coste produit une bulete d’or vendue 16 florins avec sur une face le visage de Charles de Bourbon, archevêque de Lyon, et au revers ses armes avec sa devise5159. D’autres pendentifs orfévrés de formes différentes sont répertoriés postérieurement. À l’estimation des joyaux effectuée par les enfants de Louis de Raoul, à Avignon, en 1500, un pendentif est signalé : il est orné avec trois perles et un petit rubis balais estimé à 10 écus d’or5160. Il est peut-être à rapprocher du pendentif orfévré retenu par un lacet qui pend au cou de sainte Lucie de Bologne dans le retable du Maître-autel du XVIe siècle de Villars-sur-Var attribué à Antoine Ronzen ou à Antoine Bréa (fig. 535). De petits pendentifs suspendus à un lacet ornent la gorge de personnages féminins dans La légende de Saint-Mitre peinte par Nicolas Froment vers 14701475 (fig. 536). Dans ce tableau, les coiffures sont non réalistes au contraire des vêtements. Il convient donc de garder une certaine prudence vis-à-vis de ces représentations. En 1573, lors de l’inventaire des biens de feu Philippe Brun, marchand d’Aix-en-Provence, un coffret livre une bague d'or pour porter au col, émaillée de blanc, avec une petite pierre rouge5161. Les bijoux et les vêtements de sa femme ayant été aussi consignés, il est possible qu’elle en ait eu l’usage. La croix est un symbole chrétien dont la signification est particulièrement forte puisqu’elle se rapporte à la croix de la Crucifixion. Porter sur soi l’image de la croix entretient l’espoir de bénéficier de faveurs spirituelles. Certains prélats tels que les évêques, les 5155 Pansier 1925-1927, t. 2, p. 162. Arnaud d’Agnel 1908, n° 949, hors de Provence. 5157 Ibid., n° 953. 5158 Ibid., n° 868, p. 291. 5159 Ibid., n° 1031. 5160 Guilhermier 1960, p. 56. 5161 AD BDR Aix, 303 E 155, f° 1525 r°. 5156 1137 3. Approche croisée du mobilier archéologique cardinaux et les abbés ont la possibilité de porter la croix pectorale, un bijou en forme de croix suspendu à une chaînette. Les deux exemplaires conservés dans le Trésor pontifical en 1341 étaient garnis d’argent (crux pectoris munita de argento)5162. Une autre croix pectorale avec onze perles et six sertis en verre de diverses couleurs orne un buste de sainte Cécile conservé dans la cathédrale Saint-Sauveur en 15335163. À l’inverse de la croix d’autel, facile à reconnaître puisqu’elle se retrouve au milieu d’instruments liturgiques dans les inventaires, il n’est pas toujours probant, dans les sources textuelles, chez les particuliers, de différencier la croix portée en pendentif de la croix pouvant être fixée au mur ou posée sur un meuble grâce à un piédestal. Élipde d’Avelin, morte en 1426, a possédé une croix de palme de faible valeur5164. La veuve de Viteri de Bosco reçoit quittance en 1460 d’un chapelet de corail muni d’une perle, d’une croix d’or avec un bouton de perles, le tout pesant dix onces et six deniers au poids de Paris5165. En 1451, l’orfèvre Charlot Raoulin achète douze diamants en table (doze tablettes de diamans) et un diamant de forme inconnue, d’un coût total de 458 florins 4 gros pour les disposer sur la croix de la comtesse de Provence5166. Le roi René fait acheter en 1476 un crucefix de bois5167, et une croix de Jherusalem à un artisan travaillant le corail5168. En 1477, le vice-chancelier général des finances Jean de Vaulx ramène de Lyon divers bijoux dont une croix à deux traverses en or (croiz double d’or) à 9 diamants en table pour la reine d’une valeur de 500 florins, ainsi qu’une croix en or à une seule traverse (croix d’or simple) avec une poincte de diamant au centre entourée de quatre perles rondes d’une masse de deux carats et demi, bijou payé 250 florins5169. En 1478, à Marseille, un mercier vend au comte de Provence trois croix de corail, des enseignes et des véroniques5170. L’orfèvre Elzéar de Gleize, fabriquait à la fin du XVe siècle des petites croix (crux) orfévrées : sur un exemplaire mentionné dans l’inventaire de ses biens en 1498 sont disposés cinq spinelles (spinellae) et quatre perles, et sur un autre quatre perles, quatre grenats et un saphir contrefait (contrafach)5171. Ces petites croix étaient sans doute parfois suspendues à des chaînettes métalliques : l’inventaire de la balle d’un colporteur 5162 Schäfer 1911, p. 15. Albanès 1883, n° 17. 5164 Barthélémy 1877, p. 132, n° 63 ; p. 140, n° 10. 5165 AD Vaucluse, 3 E 5 746, f° 228 r° - 230 r°. 5166 Arnaud d’Agnel 1908, n° 860, hors de Provence. 5167 Lecoy de La Marche 1875, n° 88, p. 375. 5168 Ibid., n° 88, p. 367. 5169 Arnaud d’Agnel 1908, n° 963, hors de Provence. 5170 Lecoy de La Marche 1875, n° 89, p. 378. 5171 Annexe 8, doc. 12. 5163 1138 3. Approche croisée du mobilier archéologique décédé à l’Isle-sur-Sorgue en 1545 note la présence de deux chaînes d’airain (de arcamye5172) et d’une croix de nacre pour 1 gros 6 deniers, et de deux douzaines de croys et de cuers de nacres pour 4 gros5173. Des croix et des crucifix sont signalés dans les inventaires après-décès aixois et marseillais du troisième quart du XVIe siècle étudiés par C. Thiriet et A. Fournand mais il paraît assuré, dans ces documents, que la plupart de ces objets n’étaient pas des accessoires du costume5174. L’iconographie de Provence est à peu près muette sur le port de la croix. Elle s’observe cependant, fixée à une chaîne à maillons rectangulaires, autour du cou du gisant d’Antoine de Comis, qui fut viguier d’Avignon, sculpté par Bernard Ferrier en 1495-1496 (fig. 539). En contexte archéologique, aucune croix de collier ou de pendentif en métal n’a été retrouvée pour le moment en Provence pour la période d’étude. Hors de Provence, elles sont rarement citées. Un petit crucifix en alliage cuivreux a été retrouvé, accompagné de perles en matériau périssable perceptibles par la trace qu’elles ont laissé dans la terre de comblement, sur la poitrine d’un défunt inhumé entre le XIVe et le XVIIIe siècle, au lieu-dit Ancienne église, à Bliesbruck en Moselle5175. Cet objet assez frustre qui possède un œillet à son sommet pour la suspension et un œillet à la base pour y suspendre d’autres perles, est interprété comme un chapelet. Sa localisation peut également plaider en faveur d’une interprétation en tant qu’élément de collier. De Grentheville dans le Calvados provient une petite croix en alliage cuivreux émaillée de vert émeraude, du XIIIe ou du XIVe siècle qui présente les deux mêmes œillets que l’objet précédent5176. Un autre type de pendentif, absent des figurations régionales, mais particulièrement présent dans l’iconographie, notamment dans les représentations avec de très jeunes enfants et plus particulièrement au cou de l’Enfant Jésus, est la branche de corail. Ce matériau recèle de multiples propriétés mais les plus intéressantes dans le cas présent paraissent être son action supposée contre le risque d’hémorragie, les maladies oculaires, le mal de dents et la protection contre les esprits malfaisants5177. Quand on sait le risque hémorragique encouru par les nouveau-nés, la fragilité de leurs yeux, la douleur liée à la pousse de leurs premières dents, le corail paraît posséder les vertus réparatrices nécessaires aux très jeunes enfants. Si en outre, le 5172 Mot probablement dérivé du terme provençal Aram, airain (voir Honnorat 1847). Annexe 8, doc. 23. 5174 Thiriet 1997, p. 21 ; Fournand 2001, p. 119. 5175 Vianney et al. 2012, p. 142. 5176 Vivre au Moyen Âge 2002, notice 215, h x l = 2,9 x 1,5 cm. 5177 Gontero-Lauze 2010, p. 163, 184, 188. 5173 1139 3. Approche croisée du mobilier archéologique corail est taillé en forme de croix, sa nature prophylactique augmente. Les représentations de Vierge à l’Enfant montrent la branche de corail ou la croix en forme de corail pendue à un lacet (fig. 529 et 532), parfois par l’intermédiaire d’un serti en or (fig. 530 et 531). Ce lacet peut être couvert de perles de nacre (fig. 531), de perles de corail (fig. 529), ou de perles de corail avec des perles d’autres matériaux (fig. 532 et 533). La parure prophylactique s’enrichit d’un bracelet de corail aux XVe et XVIe siècles (fig. 532 et 533)5178. Pour les familles moins aisées, un cordon de fil rouge a pu suffire5179. Une scène de la décoration à fresque datée de 1513 d’une chapelle à Roubion figure deux jeunes enfants nus ne portant qu’un collier de perles de corail (fig. 542bis, A). Dans l’iconographie d’Italie du Nord, la branche de corail suspendue à un collier de perles autour du cou de l’Enfant est attestée à partir de 1390 et devient fréquente dans la seconde moitié du XVe siècle5180. Le corpus mobilier contient deux branches de corail polies découvertes au château des Baux-de-Provence dans un remblai daté entre le milieu et la fin du XIVe siècle (fig. 534, n° 2), et dans le dépotoir (vers 1365 - vers 1400) du Petit Palais à Avignon (fig. 534, n° 3). L’une a conservé sa bélière métallique dont les extrémités passent au travers d’une douille en alliage cuivreux composée d’une tôle supérieure circulaire brasée sur une tôle enroulée formant un cylindre (fig. 534, n° 2). L’extrémité de la branche de corail enserrée par la douille ne semble pas avoir été taillée d’après le « débordement » du métal. À l’inverse, la seconde branche l’a été en cet endroit (fig. 534, n° 3). La couleur rouge profond du corail dans cette zone révèle par comparaison l’ampleur du processus de décoloration dû à la lumière. Les registres notariés, notamment marseillais, rapportent de nombreuses mentions de branches de corail décoratives ou destinées à être exploitées pour la confection d’objets. Cependant, il est ardu de conclure sur leur usage : étaient-elles utilisées en tant que pendentif, élément de collier ou comme objet décoratif ? Une première pièce de corail parée d’argent (corallum cum paratu(s) de argento) est signalée dans le Trésor pontifical en 1341, il semble dans ce cas précis que l’objet soit purement décoratif et l’argent disposé en plusieurs endroits5181. En 1391, l’inventaire des biens du défunt grand marchand marseillais Jean Casse relève la présence de huit branches de corail garnies d’argent (octo branchas coralhi munitas 5178 Alexandre-Bidon 1987, p. 11. Ibid., p. 9. 5180 Zingraff 2014, p. 445. 5181 Schäfer 1911, p. 15. 5179 1140 3. Approche croisée du mobilier archéologique argenti) ainsi que d’autres joyaux qui ont été mis en gage par le juif Astruc de Bédarrides5182. Un certain Jean Quidance reçoit en 1448 une gratification du roi René pour avoir bruny des branches de corail, certainement le métal dans lequel elles sont enchâssées5183. En 1476, le roi fait apporter une branche de corail enchassee en argent au sanctuaire de Sainte-Marthe de Tarascon5184. Dans l’inventaire des biens d’Elzéar de Gleize, orfèvre de Draguignan, il est relevé une livre et demie de branches de corail, petites et grandes, garnies d’argent5185. Les mentions de branches de corail sans serti métallique sont encore plus courantes, mais leur fonction reste énigmatique. Pour n’en citer que quelques exemples : à sa mort en 1426 dans son château des Baux, Élipde d’Avelin possédait deux branches de corail5186. En 1447, le roi René fait envoyer une branche de corail à sa femme5187. Le riche agriculteur Pascalet Fresquet disposait au moment de son décès en 1456 d’une modique branche de corail (branqua coralli). Des branches de corail sont également signalées en 1533 parmi des bijoux dont beaucoup sont destinés à orner des bustes de saintes dans la cathédrale Saint-Sauveur d’Aix. Cinq d’entre elles sont garnies d’argent, l’une d’elle, de grande taille, dispose d’une petite croix ouvragée (elaborata) et dorée5188. Les dents de loup ou de chien, réputées stimuler la pousse des dents, peuvent aussi être employées en pendentif pour les jeunes enfants5189. Dans le corpus mobilier, un objet en os pourrait rappeler une incisive animale par son apparence (fig. 534, n° 1). Sa section, circulaire en partie supérieure, prend la forme d’une amande. Des traces de sciage sont visibles sur la face supérieure non polie. L’outil a été utilisé des deux côtés puis par pression l’objet a été séparé du reste de l’os comme le montre un ressaut longitudinal au centre. La taille s’est faite dans le sens de la longueur de l’artefact ainsi que l’illustrent des facettes verticales allongées qui n’ont pas totalement disparu avec le polissage5190. Deux autres possibles pendentifs sont en alliage cuivreux. Le premier représente un gland (fig. 534, n° 4), motif décoratif déjà rencontré à l’extrémité de mordants de ceinture provençaux (fig. 289, n° 11 et 19), mais des pendentifs en forme de gland ont été trouvés dans 5182 Villard 1907, p. 112. Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 564. 5184 Ibid., t. 2, n° 88, p. 376. 5185 Annexe 8, doc. 12. 5186 Barthélémy 1877, p. 132, n° 63 ; p. 140, n° 10. 5187 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 544. 5188 Albanès 1883, n° 109 et 118. 5189 Ibid., p. 7. 5190 Informations aimablement communiquées par M.-A. Chazottes, doctorante au LA3M. 5183 1141 3. Approche croisée du mobilier archéologique le trésor d’Erfurt dans le land de Thuringe en Allemagne enfoui vers 1348-13495191. Un gland est suspendu au collier d’un personnage de l’assistance de la Déposition de Croix de Barbentane datée de la fin du XVe siècle (fig. 69, 540). Le second objet du corpus (fig. 534, n° 5) adopte une configuration au modelé complexe. L’identification de ces deux objets, sans élément connu de comparaison dans la bibliographie, en tant que pendentif ou élément de collier est incertaine. Il pourrait tout aussi bien s’agir de pièces pendant à une ceinture, à une chaîne comme un pendentif en alliage à base de cuivre d’Harfleur en Seine-Maritime5192, à une sangle de harnachement ou à un meuble. Les pendentifs ont pu se porter sur un collier métallique. Au bas Moyen Âge, les colliers sont très coûteux et réservés à la noblesse, aux autorités ecclésiastiques ou à la très riche bourgeoisie, ils ne semblent commencer à se populariser qu’à la fin du XVIe siècle. La première mention trouvée dans les sources régionales est celle du don d’un collier d’argent, orné des armes pontificales, que Benoît XIII aurait offert en 1398 à l’ermitage de Notre-Dame des Anges à Mimet dans les Bouches-du-Rhône5193. Dressé en 1413, l’inventaire du trousseau de Catherine de Bourgogne, un temps promise au fils de Louis II d’Anjou et renvoyée à sa famille après le meurtre du duc d’Orléans, contient quatre colliers en or garnis de perles et de pierres précieuses, la plupart du temps disposées sur un fermaillet (fremail) pendant5194. Un autre collier de cosses comprend 48 perles et deux pierres précieuses. L’une des plus anciennes mentions provençales du collier est faite dans l’article VI du règlement somptuaire de Carpentras qui, en 1417, prohibe le port des perles, ainsi que de l’or et de l’argent non titrés, en colliers (collariae) ou dans d’autres ornements, excepté dans des bagues et crochets de vêtements5195. Quelques années plus tard, le 6 novembre 1422, Stéphane de Bompuis, bourgeois et marchand de Paris, mais citoyen et habitant d’Avignon, passe commande à Guillemin Simorin, argenterius seu aurifaber d’Avignon, d’un collier avec des clochettes (campanes) d’or pour le 1er janvier. Ce bijou doit peser environ six à sept marcs d’or à 20 carats (quarrez) par marc et être également garni de gros cabochons de rubis balais carrés, de diamants et de grosses perles. Des feuilles d’or pendantes (feulles pendans) seront émaillées de rouge clair et recouvertes de feuilles d’or pendantes émaillées de blanc. Un pendentif orfévré doit pendre au collier (fermail pendant). L’artisan doit faire le collier selon la forme et 5191 Les objets sont attribués à la fin du XIIIe - première moitié XIVe siècle (Descatoire (dir.) 2007, p. 81, n° 46 et 47). 5192 Vivre au Moyen Âge 2002, notice 213. 5193 Bourrilly 1928, p. 93. 5194 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 536, l’achat est réalisé hors de Provence. 5195 Publié dans Girard et Pansier 1909 (p. 192-195, pièce XXXII). 1142 3. Approche croisée du mobilier archéologique maniere qu’il – le marchand ? – a baille en pourtraiture en ung papier et rendre net et bruni le métal. Guillemin est payé 18 florins courant de Paris ou son équivalent pour chaque marc de Paris travaillé et reçoit sept marcs d’or au poids de Paris à 20 carats pour faire le collier5196. Un autre terme que celui de collier apparaît dans l’inventaire des ornements de la cathédrale de Grasse, daté de 1423, dans lequel deux spécimens de perles affectés à l’ornementation d’une tête reliquaire de sainte Ursule sont dénommés gregetum5197. Élipde d’Avelin, propriétaire du château des Baux semble avoir été friande de colliers. À sa mort, en 1426, il est en répertorié de nombreux exemplaires5198 : deux petits colliers de perles en argent (deux petits colliers d’argent en guyse de patenostres) de peu de valeur, deux petits colliers en or, à poires et fuellettes – feuillettes – branlans, un gros collier en or rond avec un fermaillet (athache) garni de dix grosses perles avec un rubis balais au milieu, retrouvé dans un estuif de colier, un gros collier d’or rond avec une athache garnie de dix grosses perles entourant un rubis balais5199. Les chaînes de cou supportant un fermail apparaissent dans l’iconographie à l’extrême fin du XVe siècle d’après M. Gaulard5200. Le collier le plus précieux de l’inventaire d’Élipde d’Avelin est assurément un collier en or à dix assiettes (assietes). Deux types d’assiettes alternent : l’une est garnie de six faisceaux (troches) de deux perles, d’un saphir et d’un rubis balais, l’autre comprend trois faisceaux de quatre perles, ainsi que trois rubis balais autour d’un saphir. Huit charnieres en or relient les assiettes. De petites paillettes émaillées de rouge semblent en pendre par l’intermédiaire de petites charnières également émaillées (fig. 512). Il est aussi enregistré un petit collier à sonnectes – grelots ou clochettes –, émaillé de fleurs blanches, vertes et rouges, auquel pend un fermaillet garnie de trois perles, trois rubis balais et d’un saphir au milieu. En 1432, une certaine Margalide de la ville d’Avignon obtient restitution de son trousseau de dot dans lequel se retrouvent une chaîne en or (cadena) du poids d’une once et demie et une petite chaîne en or (cadenata)5201. En 1443, la dot de Jeannette Atanulfe qui se marie à Antoine Aigosi, homme de loi, contient notamment une chaîne (cathena) en or et une ceinture en argent5202. Deux ans plus tard, lors d’un inventaire mené au château d’Entrecasteaux dans le Var, divers bijoux féminins sont répertoriés dont un 5196 AD Vaucluse, 3 E 12 969, f° 15 r° - 16 r°. Mentionné dans Bayle 1883, p. 448-449. Doublet 1907, p. 84. 5198 Barthélémy 1877, p. 132. 5199 Ibid., p. 133. 5200 Gaulard 1971, p. 12. 5201 Pansier 1925-1927, t. 2, p. 161. 5202 Ribbe 1894, p. 153. 5197 1143 3. Approche croisée du mobilier archéologique collier de 228 perles qui devait être organisé en plusieurs rangs5203. En 1456 à Arles, à la mort du noble Alexis Caysse, il est retrouvé chez lui une petite chaîne de cou en or pour parer sa femme (parva cathena auri pro ornamento dominarum), deux chaînes de cou en or émaillé de blanc, de vert et de rouge, dont une qualifiée de ronde, deux chaînes en or dont une grenetée (cathena auri granatada) comportant un Agnus Dei en médaillon. Se trouvent également deux colliers (collariae) en argent doré et émaillé du poids de neuf onces et quinze deniers5204. Tous ces bijoux ont sans doute été portés par son épouse. En 1475, l’orfèvre Claude Avinent d’Avignon confesse avoir reçu de Jean Marin, épicier habitant Avignon, 2 onces 23 deniers d’or fait pesé et poinçonné par ledit Martin, pour faire une chaîne en or5205. En 1492, la communauté religieuse de Saint-Andiol, dépendance du monastère de Saint-Ruf, est redevable à François Solirati d’une forte somme d’argent. Elle lui laisse en gages plusieurs biens dont deux ceintures orfévrées, une chaîne en or avec un pendant en forme de pensée (penset, provençal) dans lequel est encastré (incastrar, latin) un diamant, une seconde chaîne en or avec un faux rubis (falsus sive sophisticatus) encastré, le tout apprécié environ 15 ou 16 ducats5206. À Barjols, le 6 novembre 1494, à l’occasion de son mariage avec André Fouque, la famille de Douce Leydet promet de lui offrir une chaîne en or ainsi qu’une chaîne en argent en tant que ceinture5207. Un collier pouvait aussi orner le cou d’une statue religieuse comme c’est le cas pour la tête en argent de sainte Cécile signalée en 1533 dans l’église Saint-Sauveur d’Aix. Il prend la forme de trois chapelets, le premier avec 90 grains de corail, 56 d’argent et un bouton (botonus) prenant l’aspect d’une grosse perle (pater noster) de corail, le second, entièrement de corail avec un gros bouton de corail, le troisième entièrement de perles avec un Agnus Dei en pendentif entouré de petites perles de corail et de huit boutons de perles. À ces patenôtres pendent également une jaspe garnie d’argent, une petite croix (crux) d’argent avec sur une face une crucifixion et de l’autre la Vierge Marie, une croix pectorale déjà signalée. Pour une autre figure des 11000 vierges, le collier est composé de longues perles de corail et possède un bouton (botonum) de fleurs de lys d’argent et une floche (floquetum) de fleurs de lys de soie pers. Un dernier collier isolé nommé monille est composé de perles émaillées en forme 5203 Ricaud et Mireur 1896, n° E 814. Feracci 1971, p. 119. 5205 AD Vaucluse, 3 E 8 454, f° 166 v°. 5206 AD Vaucluse, 3 E 5, 1027, f° 61 r° - 61 v°. 5207 Ricaud et Mireur 1896, n° E 830, 2ème partie. 5204 1144 3. Approche croisée du mobilier archéologique de o et de ** sive estellae auquel pend une petite croix de vermeil avec la crucifixion5208. En 1549, un marchand de Barjol, Honorat Garcin, reconnaît devoir 26 florins à un argentier du lieu, Raymond Vernesie, pour le prix d’une chaîne d’argent5209. Dans l’inventaire des marchandises d’un marchand d’Avignon, en 1566, cinq onces de cheinete d’or et d’argent faulx sont évaluées à 12 sous l’once5210. La fonction de ces chaînes et chaînettes n’est pas précisée mais celle de bijou de cou peut être évoquée. Il en est de même pour une chaîne en or de 25 écus promise à Marguerite Vacon par son père en 1572, et pour la chaîne en or qu’en 1586, Pierre de Pontevès-Amirat met en demeure une barjolaise de lui rendre5211. Le roi René prend plaisir à offrir des colliers orfévrés à des dames de la cour qui sont de passage ou dont le mari lui a rendu service. En 1451, Bonne d’Armagnac, femme du duc Charles d’Orléans, reçoit une chaesnete d’un prix de 20 écus5212 ainsi qu’une chaesne en or a fleurs de pensees, de lambeaulx5213 et de gouttes, toute persee a jour et esmaillee au poids de trois onces et demie d’or, d’une valeur de 15 écus, fabriquées par l’orfèvre Jean Nicolas5214. Faute d’avoir des colliers à offrir disponibles, le roi René se sert auprès de ses proches quitte à les rembourser ensuite : il remet ainsi 110 florins à son écuyer Philippe de Lénoncourt pour prix d’une chaîne d’or prise à sa femme. Le comte de Provence la lui avait empruntée pour l’offrir à l’épouse d’Antoinet Pellegrin et remercier ce marchand d’Avignon pour un prêt d’argent5215. Deux ans plus tard, en 1453, il rembourse 68 livres 15 sous à sa fille aînée Yolande pour une chaîne en or qu’il lui a demandée pour donner à la femme de sire Jean Hardouin, trésorier de France5216. Le Roi René offre également des colliers à sa première épouse, Isabelle de Lorraine pour lui être agréable : elle reçoit peu avant sa mort en 1453 un petit collier d’or émaillé de pensées ajourées (persees a jour), fabriqué par l’orfèvre Jean Nicolas, qui est chargé un peu plus tard d’y ajouter quatre écus d’or émaillé. Ce bijou coûta un total de 39 livres 16 sous 6 deniers5217. Toujours pour la reine, cet artisan a produit un collier en or garni de pierreries5218 ainsi que de trois écus et demi de boutons d’or émaillés de 5208 Albanès 1883, n° 12, 16, 20. AD Var, 3 E 893, f° 258 r° - 259 r°, 30 mai 1549. 5210 Annexe 8, doc. 25. 5211 Ricaud et Mireur 1896, n° E 984 et E 1010. 5212 Arnaud d’Agnel 1908, n° 847, hors de Provence. 5213 En héraldique, le lambel est une traverse horizontale d’où descend trois, quatre ou cinq pendants (Wenzler 2002, p. 129). 5214 Arnaud d’Agnel 1908, n° 849, hors de Provence. 5215 Ibid., n° 858, hors de Provence. 5216 Ibid., n° 878, hors de Provence. 5217 Ibid., n° 868, 879, p. 302, hors de Provence. 5218 Ibid., n° 879, p. 299, hors de Provence. 5209 1145 3. Approche croisée du mobilier archéologique gris pour remplacer les perles d’un de ses colliers5219. Il reçoit pour son travail 22 livres et 8 livres 5 sous En tant qu’orfèvre attitré du roi René, il lui est confié la réalisation d’un collier d’or, fait de larmes émaillées d’une valeur de 22 livres, que le roi veut offrir à sa fille Yolande, et la création d’un autre d’un coût de 16 livres 10 sous destiné à la femme du sénéchal de Provence. Celle-ci reçoit également un collier d’or fait de croix et de cordons esmaillez d’un prix de 9 livres 12 sous 6 deniers5220. La petite Hélène, jeune fille de la cour pour laquelle le roi René a de l’affection, obtient en 1476 un collier de patenostres de Florence5221. L’orfèvre Gabilleau fut également chargé de dorer une chaîne que celle-ci possédait5222. Durant l’année 1476, l’orfèvre Pierre Adam et un orfèvre d’Avignon travaillent à la confection de deux chaînes en or, l’une pour mademoiselle de La Jaille, une dame de la cour, et l’autre pour madame de Beauvau5223. En 1477, des colliers leur sont remis ainsi qu’à mademoiselle de Tende, soeur de l’évêque de Riez : peut-être est-ce ceux confectionnés en 1476 ! Les trois chaînes faictes a barres d’or et émaillées de rouge clair ont coûté 14 florins5224. Le roi René offre encore à mademoiselle de Beauvau une chaîne d’une valeur de 70 florins5225, et à mademoiselle de La Jaille une chaîne de 250 florins5226. Mademoiselle de Péricart reçoit quant à elle une chaîne d’or du poids de 50 ducats prise à mademoiselle de Beauvau qui obtient 33 florins en compensation5227. En 1478, la femme du gouverneur du Languedoc, se voit offrir une chaîne en or et un chaperon de velours et de satin5228. Le roi René comble aussi de ses largesses sa petite-fille Marguerite de Lorraine qui obtient en 1477 un grans rubiz en une chauffecte pendant a une chesnete d’or coûtant 166 florins 8 gros5229. En 1480, la reine Jeanne lui donne une chaîne d’or pesant six onces d’un prix de 165 florins5230. La chaufferette est une figure que le roi René avait prise pour emblème, image parlante de sa tendresse pour sa première femme d’après G. Arnaud 5219 Ibid., n° 879, p. 301, hors de Provence. Ibid., n° 879, p. 300, 303, hors de Provence. 5221 Ibid., n° 908. 5222 Ibid., n° 900 et 904. 5223 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 88, p. 371. 5224 Arnaud d’Agnel 1908, n° 945. 5225 Ibid., n° 949. 5226 Ibid., n° 980. 5227 Ibid., n° 954. 5228 Ibid., n° 1003. 5229 Ibid., n° 972. 5230 Ibid., n° 1077. 5220 1146 3. Approche croisée du mobilier archéologique d’Agnel5231. La chaufferette miniature qui pend au cou de sa petite-fille, avec son rubis, symbolise le feu de l’amour. La reine Jeanne de Laval disposait du même bijou : il apparaît en 1478 dans un acte signé de sa main dans lequel elle reconnaît l’avoir mis en gage au Chapitre de l’Église d’Aix contre 1800 florins5232. La même année, elle obtient la restitution d’un collier fait a quinze janectes – de petites croix – avec un diamant au milieu de chacune, qui avait été mis en gage auprès d’un arlésien pour 1250 florins5233. Ces jeannettes se recontrent encore dans l’orfèvrerie provençale aux XVIIIe et XIXe siècles5234, sans en être spécifiques. En 1480, Jeanne de Laval fait rajouter de l’or et enchâsser un rubis balais pour une de ses petites chaînes par l’orfèvre Guillemin, ce qui lui coûte 9 gros5235. Un an auparavant, la reine doit remettre à François Perussis, d’Avignon, un camail d’or garni de diamants pour payer avec les 3000 florins reçus les gages de ses serviteurs5236. Le camail est un large collier porté sur les épaules qui évoque un collet de mailles5237. Il est déjà signalé en 1471 dans une vente de bijoux par Pierre de Saze, d’Avignon, à Jean Minholi, orfèvre : ung camalh d’argent dorat, peze m. I, on. VI, d. XVIII5238. Plus tard, en 1575, l’inventaire des marchandises d’un marchand mercier de Marseille enregistre des camails de jais (jailhetz, français) rompus mais réparés (ajustar, provençal) appréciés 12 sous5239. Pour plusieurs services rendus par son mari au roi René, la femme du maire de Bordeaux se voit offrir en 1479 deux chaînes en or. La première, d’une valeur de 268 florins 8 gros, prise à mademoiselle de La Jaille, est mise en couleur – émaillée – par l’orfèvre Jean Coste5240. La seconde est d’une valeur de 1000 florins5241. La même année, la fille de Monseigneur de La Motte5242 reçoit en cadeau une petite chaîne d’une valeur de 18 gros, créée par l’orfèvre Jean Coste. Mariolle, fille illégitime du seigneur de Châtillon obtient de la reine Jeanne une chaîne ayant coûté 8 florins 3 gros, confectionnée par l’orfèvre Jacques 5231 Ibid., p. 330, note 1. Ibid., n° 1018. 5233 Ibid., n° 989. 5234 Benoit 1949, 1975², p. 128 ; Le costume populaire 1990, p. 198. 5235 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1100. 5236 Ibid., n° 1046. 5237 L’inventaire des biens de la Comtesse de Montpensier en enregistre deux exemplaires en or en 1474, l’un deux fait a rozes et cacolies (Gay 1887, article « camail »). 5238 Pansier 1925-1927, t. 2, p. 215. 5239 Annexe 8, doc. 26. 5240 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1037 et 1038. 5241 Ibid., n° 1065. 5242 Ibid., n° 1037. 5232 1147 3. Approche croisée du mobilier archéologique d’Escalles5243. Enfin, la petite Hélène et une autre jeune fille reçoivent du roi René une chaîne de leton dore coûtant 1 florin pièce5244, et la petite fille du juge de Beaucaire Pierre Hardouin, une chaîne en or pesant six écus d’une valeur de 15 florins5245. Pour d’autres colliers, la destination du bijou n’est pas encore connue : ainsi le roi René acquiert 25 florins de chaînes de verre à un fabricant en 14765246, des petites chaînes d’ivoire à Beaucaire en 1478 à un homme qui débarque d’une gallee de France5247. Il fait aussi fabriquer, pour donner a son plaisir, une chaîne avec un Agnus-Dei par l’orfèvre Jacques Scalle pour 75 florins en 14775248 et se procure en 1480 pour la même raison une chaîne d’une valeur de 30 florins5249. À la fin du XVIe siècle, il apparaît dans les sources provençales une nouvelle dénomination pour désigner le collier à maillons, le jaseran. Ce nom est probablement hérité de la cotte de maille ainsi qualifiée dans les comptes du roi René en 14495250. Il est aussi employé pour décrire une chaîne portée à la ceinture5251. Cette chaîne de cou en or sive jazeran est évaluée 20 écus en 1581 dans une donation par un futur époux de Barjols, et 8 écus en 1583 dans une procédure de recouvrement initiée dans cette même ville5252. En 1584, Françoise de Génas obtient restitution d’un coffret de bijoux d’une valeur d’environ 450 écus, dans lequel sont compris deux carcans avec rubis et perles, deux petits jaserans et deux plus gros5253. Dix ans plus tard, Pierre Clément, marchand de Draguignan, tuteur des héritiers de Boniface Gardane, obtient la restitution lors d’un procès d’un jaseron pesant 50 écus donné en gage5254. Au milieu de l’année 1601, François de Pontevès reçoit quittance par un avocat d’Hyères pour le remboursement d’une obligation de 104 écus en garantie de laquelle avait été déposé un jaseran d’or pesant 110 écus5255. À la mort en 1608 de Gilbert Hortie, bachelier en droit, écuyer d’Apt, rentier des droits seigneuriaux du seigneur de Caseneuve, son fils fait dresser l’inventaire de ses biens. Il y figure un jaseran d’or en sautier d’un mètre de long, un 5243 Ibid., n° 1068 et 1070. Ibid., n° 2660. 5245 Ibid., n° 1035. 5246 Ibid., n° 1325. 5247 Ibid., n° 2707. 5248 Ibid., n° 957 et 958. 5249 Ibid., n° 1085. 5250 Arnaud d’Agnel 1908, n° 597. 5251 Se reporter au chapitre 3.1.1.2. 5252 Ricaud et Mireur 1896, n° E 1026 et E 1008. 5253 Giraud 1941, p. 50. 5254 AD Var, 1 B 278, f° 114 v°. 5255 Ricaud et Mireur 1896, n° E 1096. 5244 1148 3. Approche croisée du mobilier archéologique jaseran d’or de mailles long d’un mètre pesant 22 écus, une petite chaîne d’or du poids de 8 écus, une chaîne à trois rangs de petites perles, de grenats, de grains d’or et de gerbes de vingt-cinq centimètres de longueur5256. Une année plus tard, une mariée reçoit de son époux, bourgeois d’Avignon, différents bijoux dont une chaîne. Celle-ci, d’une valeur de 43 écus et 12 sous5257, est composée de trois tours dont chacun pèse 12 écus. Certains colliers féminins se nomment carcan, terme qui désigne un collier serrant le cou. En Provence, il est connu, pour la période d’étude, seulement quelques attestations tardives dont une datée de 1584 a déjà été présentée. Ce bijou est mentionné dès 1563 dans les édits somptuaires du royaume de France5258. En 1565, François de Grasse, de Draguignan, possède un carcan de perles5259. La même année, 22 carcans simples sont compris dans un stock de marchandises acquis par Adrien Moret marchand d’Avignon, auprès d’un de ses confrères de la cité5260. L’année suivante, lors d’une même transaction entre ces deux protagonistes, il est répertorié quatre carcans de jais en table (a table) à 60 sous la douzaine, 18 carcans de nacre (nacre de perle) à 48 sous la douzaine, deux douzaines de carquans d’émail double et une douzaine de carcans d’émail simple, tous à 24 sous la douzaine. Un carcan de porcelaine (porcelline) garni d’or y est noté pour être vendu avec une ceinture et son clavier garni d’or pour 25 livres5261. En 1594, suite aux troubles de la Ligue, la commune du Luc, dans le Var, en grand besoin d’argent, obtient du baron des Arcs, Arnaud de Villeneuve la cession au profit de la commune du carcan que porte sa femme. La municipalité doit se charger de le vendre auprès d’un lapidaire et rembourser le propriétaire une fois les troubles passés. D’après un témoin, ce bijou comportait 76 diamants enchasses en une pièce de cuir d'à peu près un pan et demi de longueur sur 1 pan de largeur en forme de tablettes qui se fermoict, entre lesquels diamants, il y en avoict ung sur le mitan [le milieu] fort beau et de la grosseur d'une noizette, et six autres, à l'antour de ce grand, estimés par le lapidaire 40 écus chacun, et le gros 80 écus ; les autres estoint petitz... et y avoict aussy… six perlles, grosses comme ung pois chascune, et a force rubis,... y ayant jusques au nombre de 500 pierres précieuses (fig. 542ter, A). Le lapidaire avec qui il fut fait affaire n'en offrit que 500 écus au créancier alors que la commune avait passé obligation avec Philippe de Villeneuve à 5256 Godefroy 2003, p. 57. Dubois 1936, p. 275 ; L’écu vaut alors 3 livres 12 sols. 5258 Se reporter à l’annexe 7. 5259 Aicard 1939, p. 18. 5260 Annexe 8, doc. 24. 5261 Annexe 8, doc. 25. 5257 1149 3. Approche croisée du mobilier archéologique hauteur de 3000 écus. Il s’ensuivit un procès dont le résultat n’est pas connu5262. En 1618, le carcan mentionné dans l'inventaire des biens du conseiller Loïs Cavalier, de Draguignan, était entièrement confectionné en or et composé de seize rubis enchâssés taillés en table, de perles et d'agates5263. Quelques années plus tard, en 1624, Françoise de la Baume-la Suze, fille d'un chevalier du Saint Esprit, ancien gouverneur de Provence, mère de la femme de François de Villeneuve, remet à son gendre en difficultés financières son carcan pour qu’il serve de gage dans un prêt de 500 livres La valeur du bijou apparaît bien supérieure à cette somme. Il est ainsi décrit : cinq diamantz, quatre rubbis, huict roses perles, y ayant quatre perles pour roze, le tout monté sur or malhé, du pois de quatre unsses ; une chaine perles en yant trantetrois cœurs, huict lanternes, huict pierres et dix-sept bouttons perles et or (fig. 542ter, B)5264. Ce bijou n’est pas sans rappeler la chaîne avec maillons en forme de cœur déjà signalée dans l’inventaire de l’atelier de l’orfèvre Elzéar de Gleize de 14985265. Le collier est aussi un bijou masculin même si cela est moins usuel. L’inventaire des biens dressé en 1426 pour la succession du cardinal de Broguy rapporte un collier de perles avec trois « aiguilles » dorées (unum collare de perluto cum tribus acubus de argento deaurato) portant chacun une image, le Christ, le Vierge Marie et Saint-Jean-Baptiste. Son poids est de 1 marc 4 onces 15 deniers5266. En 1478, le roi René fait réparer une chaesne avec dyamant et fermaillet, bijou que possède son fils Jean d’Anjou, marquis du Pont5267. De son côté la reine Jeanne envoie à son beau-frère, Jacques de Laval, une chaîne en or avec une houppe en faczon d’escaille émaillée de noir rajoutée par l’orfèvre Guichart pour 17 florins5268. Dans les comptes du roi René, le collier est avant tout destiné à des employés de la cour. En 1452, les chaînes des clairons sont allongées. La même année, le fou Triboulet obtient une chaîne d’un prix de 115 sous pesant 3 marcs d’argent5269, et le musicien Faillon reçoit du souverain une chaîne d’une valeur de 9 florins en 14765270 et une chaîne de laiton doré d’un prix de 1 florin en 14775271. En mars 1479, le trompette Micheau reçoit un don de 5262 Mireur et Bonnet 1895. Aicard 1939, p. 18. 5264 Mireur et Bonnet 1919. 5265 Annexe 8, doc. 12. 5266 AD Vaucluse, D 204, f° 47 v°. 5267 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1004. 5268 Ibid., n° 1104. 5269 Ibid., n° 862. 5270 Lecoy de La Marche 1875, n° 88, p. 371. 5271 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2660. 5263 1150 3. Approche croisée du mobilier archéologique cinquante florins pour faire faire un collier en argent aux armes du roi5272. Le fait de faire porter un riche collier à ses armes par certains employés de sa suite est un moyen indirect d’asseoir sa renommée. Lors de son entrée à Avignon en 1498, le légat César Borgia apparaît richement vêtu, couvert de pierreries et porteur d’un très riche collier comme le note un chroniqueur anonyme : Et un collier, pour en dire le cas, Qui valait bien trente mille ducats5273. À la fin du XVIe siècle, certains hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem installés en Provence ont en leur possession une chaîne d’or qu’ils portent au cou5274. L’iconographie du sud-est de la France figure, pour la seconde moitié du XVe siècle et le XVIe siècle, des colliers métalliques (fig. 66) qui, lorsque la représentation est suffisamment précise, apparaissent avec une alternance de maillons circulaires (fig. 69), ou ovales (fig. 518), et de maillons rectangulaires (fig. 539 à 541). Une croix (fig. 539), un gland (fig. 540) ou un médaillon peuvent y pendre. Un collier à charnières avec un pendentif rectangulaire orne le buste de Jeanne de Laval de la fin du XIVe siècle – sculpté par Francesco Laurana ? – au château de Tarascon (fig. 538). Un pendentif circulaire orne la gorge d’une dame dans la Présentation des drapeaux et des cimiers du Livre des tournois, peinte par Barthélémy d’Eyck dans les années 1460 (fig. 537). Un objet analogue est suspendu au collier porté par Hérode Antipas dans les fresques de Notre-Dame des Fontaines à La Brigue peintes par Jean Canavesio en 1492 (fig. 517). À l’église Saint-Esprit d’Aix en Provence, dans une Adoration des mages commencée par un peintre anonyme vers 1520/1521 et achevée par Henri Guigues en 1525, le collier, porté par le commanditaire du tableau, est constitué de pièces en or avec 4 perles de part et d’autre : les pièces y sont assemblées au moyen de charnières (fig. 519). En dehors des figurations sur de jeunes enfants, le type de collier de perles non métalliques – du jais ? – ornant le cou de Marie-Madeleine sur une fresque datée de 1513 de la chapelle Saint-Étienne à Roubion (fig. 542bis, B) est particulièrement rare dans l’iconographie ou dans les sources d’archives. Le collier orfévré constitue apparemment la norme et ce bijou ne semble pas avoir été adopté par les classes inférieures en Provence. Certaines chaînes particulièrement longues ont éventuellement pu être portées en écharpe comme il apparaît sur un roi Mage au fronton d’une Adoration des mages de l’église de Saint5272 Ibid., n° 3485. Bayle 1888, p. 20. 5274 Chailan 1935, p. 174, 183-184. 5273 1151 3. Approche croisée du mobilier archéologique Pons (fig. 541) dans les Alpes-de-Haute-Provence. Nous n’avons pas pu distinguer une évolution de la morphologie des colliers métalliques dans l’iconographie du sud-est de la France. S. Zingraff n’y est également pas parvenu pour le Nord de l’Italie5275. Le collier peut aussi représenter le signe de l’appartenance à un ordre chevaleresque. D’une manière générale, les ordres de chevaleries affirment dans leurs statuts la volonté de pérenniser l’esprit chevaleresque. Ils sont avant tout un instrument politique fidélisant les récipiendaires autour du fondateur de l’ordre. Si l’ordre jouit d’un certain succès, une certaine aura enveloppe le créateur. La création de l’Ordre du croissant par le roi René s’est faite avec ces objectifs en vue5276. Dès 1447, l’orfèvre Charles Raoulin est chargé de rajouter 3 écus d’or à un collier de l'ordre du roy5277. La même année, curieusement, le génois Thomassin Spinole, fervent partisan de la cause du roi René en Italie, reçoit seulement ung colier d'argent de la devise dudit seigneur5278, alors que le roi René donne mandement de payer 70 écus pour la confection d’un collier de l’Ordre du Croissant destiné à Angelo de Asseolis5279. Pourtant, les statuts ne seront publiés que le 11 août 14485280, alors qu’il est à Aix-enProvence5281. Malgré une bulle du pape Paul II datée du 5 janvier 1460 supprimant l’ordre – Jean d’Anjou se servit de l’Ordre du Croissant pour attirer à lui des partisans de la noblesse napolitaine et affirmer les prétentions familiales en Italie – l’ordre subsista jusqu’à la mort du roi René. Ce dernier n’a pourtant pas été représenté arborant le signe de l’ordre, le croissant de broderie fixé sous le bras gauche avec la devise « Loz en »5282. Il apparaît dans le Diptyque Matheron avec le collier de l’ordre de Saint-Michel créé par son neveu Louis XI en 1469 (fig. 542), affirmant ainsi politiquement un signe de rapprochement avec la France. 5275 Zingraff 2014, p. 442-453, 660-662. L’Ordre du croissant participe du discours chevaleresque mis en œuvre par l’emblématique du roi René (Hablot 2011, p. 334). 5277 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 539. 5278 Ibid., n° 542. 5279 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 548. Des ornements en forme de croissant, dont la fonction n’est pas indiquée, ont été commandés par le roi René dès 1448. Cette année-là, l’armurier marseillais Simon Rinou vient à Aix-en-Provence pour confectionner un croissant en mailles d’argent faites à partir d’un fil tiré par un orfèvre (Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 559). L’année d’après, l’orfèvre Charles Raoulin est payé deux écus pour la fabrication d’un croissant à mailles d’argent dorées (Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 565), pour faire les mailles blanches et dorees d'un croissant de broderie (Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 572). L’armurier Simon Rinou vient dans un second temps achever (parfournir) les mailles d’argent et les mailles d’or d’un ou plusieurs croissants (Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 566). En 1451, maître Pierre, brodeur, fournit deux croissants d’orfèvrerie en or et en argent (Arnaud d’Agnel 1908, n° 850). 5280 Papon 1777-1786, t. 3, p. 363 ; Perrier 1906, p. 103. 5281 Lecoy de la Marche 1875, t. 2, p. 450 (itinéraire du roi René) ; Perrier 1906, p. 112-113. 5282 Un exemple de cette broderie est visible sur le gisant de Jean de Cossa, conservé à Sainte-Marthe de Tarascon, qui entra dans l’ordre en 1448. 5276 1152 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.4.6. Les bracelets Le bracelet est attesté dans le costume féminin durant l’époque mérovingienne par quelques exemplaires dans le Sud de la France mais un seul spécimen est connu en Provence, à Saint-Paul-lès-Durance dans les Bouches-du-Rhône. Ce bijou n’était pas extrêmement fréquent5283. Par la suite, il disparaît pratiquement des sources archéologiques, des sources textuelles et de l’iconographie interrogées pour l’Europe de l’Ouest continentale, du Moyen Âge central jusqu’au XIVe siècle5284. De la fin du XIVe siècle au XVe siècle, il est visible aux poignets de l’Enfant Jésus dans les peintures italiennes (fig. 533)5285. Il est alors constitué de perles de corail, matériau dont la valeur prophylactique pour les jeunes enfants et la symbolique religieuse a déjà été évoquée dans le chapitre 3.4.5. V. Gay retrouve ce bijou mentionné dans des inventaires de la haute noblesse dès la deuxième décennie du XVe siècle, sous la dénomination « bracelet »5286. La première attestation connue dans la documentation archivistique provençale fait mention de cinq braseletz et d’une jarretière de soie pour 9 gros dans l’inventaire d’un colporteur mort au début de l’année 14455287. Huit ans plus tard, les comptes du roi René rapportent le paiement de 6 livres 17 sous 6 deniers pour la facon et pour le dechiet de deux bracellez d’or, créés par l’orfèvre Jean Nicolas pour le roi René5288. Ils ont probablement été offerts à un ou deux membres féminins de son entourage. Le bracelet dont Jean-Gaspard Cadry demande restitution en 1556 était un jazeran en or5289. À partir de l’édit de 1563, les bracelets sont mentionnés dans les édits somptuaires du royaume de France, traduisant une utilisation plus fréquente de ce bijou5290, ce qu’indique l’iconographie du nord de la France avec des bijoux de perles ou à maillons d’or au poignet de femmes (fig. 527). En contexte provençal, le nombre de bijoux répertoriés augmente sensiblement. En 1573, l’inventaire des biens de feu Philippe Brun, marchand d’Aix, enregistre deux cordes de petitz patretz de corailh mesles avec de patretz d'or pour porter au bras ausquel y a deux cens patretz d'or et aultant de patretz de corailh : deux bracelets à cent perles d’or et cent perles de 5283 Stutz 2003, p. 193. Un contexte du Xe siècle sur le site du château de Boves en Picardie a fourni un objet interprété comme un bracelet (Legros 2012b, p. 105, n° 64). 5285 Zingraff 2014, p. 480-481, 717-718. 5286 Gay 1887, article « bracelet ». 5287 Ad Vaucluse, 3 E 38 1085, f° 345 r° - 346 r°. 5288 Arnaud d’Agnel 1908, n° 879, hors de Provence. 5289 Aicard 1939, p. 19. 5290 Se reporter à l’annexe 7. 5284 1153 3. Approche croisée du mobilier archéologique corail5291. En 1579, à Draguignan, une procuration mentionne un bracelet formé de deux serpents d'or entrelacés5292. Cinq ans plus tard, Françoise de Génas obtient auprès de la cour de justice de la sénéchaussée de Draguignan la restitution de bijoux et notamment de quatre bracelets en or avec des améthystes5293. Gaspard Olivier, bourgeois d’Avignon, offre à son épouse en 1609, plusieurs riches bijoux dont un braseles d’or avec ung anneau sponsalic – de fiançailles – dont la façon revient à 32 écus de 60 sols5294. En 1610, lors de l’inventaire de la succession de maître Gillibert Hortie, bachelier en droit, écuyer d’Apt, rentier des droits seigneuriaux du seigneur de Caseneuve, il est enregistré des bagues, des chaînes et jaserans, une coiffe faite de fils d’or et une paire de bracelets d’or à maillons pesant 8 écus, soit environ 21 grammes5295. 5291 AD BDR Aix, 303 E 155, f° 1525 r°. Aicard 1939, p. 19. 5293 Giraud 1941, p. 50. 5294 Dubois 1936, p. 275 ; L’écu vaut alors 3 livres 12 sols. 5295 Godefroy 2003, p. 57. Concernant le bracelet chez les femmes en Provence entre le XVIIIe et le XXe siècle, se reporter à Villeneuve, 1824-1829, t. 3, p. 270 et à Le costume populaire 1990, p. 202. 5292 1154 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.4.7. Les bagues 3.4.7.1.Les bagues en contexte La bague, anneau de doigt est un objet chargé de symbole. Dans la littérature française spécialisée contemporaine, la bague se distingue de l’anneau par la présence d’un chaton ou d’un sceau. Seul le français opère cette distinction parmi les principales langues européennes ; l’espagnol anillo, l’italien anello, l’allemand Ring ou Fingerring désignent, quant à eux, aussi bien l’anneau que la bague. Dans les sources écrites médiévales et du début de l’Époque moderne, les dénominations « anneau » ou « verge » se rencontrent pour désigner ce bijou, qu’il ait ou non un chaton. Ce n’est qu’à la fin du XVIe siècle que le mot « bague » est connu en Provence avec la signification de bijou de main5296. Dans le cadre de cette étude, afin d’éviter toute confusion avec les autres anneaux utilisés dans le costume, le terme « bague » a été choisi dans son acceptation actuelle la plus large, et parfois l’expression « anneau de main » pour les bagues sans chaton. D’autres vocables comme celui d’« alliance », de « chevalière » ou de « marquise » dont l’usage est postérieur à la période d’étude5297, et qui désignent des types de bagues particuliers d’Époque moderne, n’ont pas lieu d’être employés. Les bagues peuvent être en métal précieux, en matières dures d’origines animales, avec pierre(s) ou sans pierre, avec une cupule de verre en serti clos (fig. 548) ou avec des griffes pour retenir le décor (fig. 547). Elles peuvent être ornées de gravures ou de moulures décoratives. Cependant, les sources d’archives, la plupart du temps, ne restituent qu’une part restreinte de la diversité des productions, dans laquelle part les bagues en or avec pierre précieuse ou pierre fine sertie sont la norme. Les bagues en matériau commun sont sans valeur financière et ne sont pas mentionnées : aucun inventaire d’atelier fabricant ces bijoux de faible prix n’a pu être retrouvé, à l’inverse des inventaires d’ateliers pour les pièces orfévrées. Chez l’orfèvre draguignanais Elzéar de Gleize, en 1498, il est relevé de nombreuses bagues dont au moins dix-huit en or5298. Toutes ont un serti : il est décompté trois citrines (citrins, français), trois rubis (robini), un diamant, une pointe de diamant (una poncha de 5296 Le premier document trouvé où cette acceptation est certaine date du 7 janvier 1576 : l’inventaire d’un trousseau de dot istrien signale la présence de « sept bagues ou anneaux d’or » (Giroussens 2003). 5297 Le Dictionnaire culturel en langue Française d’A. Rey (2005) fixe l’apparition du terme « alliance » à 1611, du mot « chevalière » à 1821 et du terme « marquise » à 1902. 5298 Annexe 8, doc. 12. 1155 3. Approche croisée du mobilier archéologique dyamant, provençal)5299, un saphir blanc, un saphir de la tralha5300, mais aussi trois fausses émeraudes (tres lapides contrafactas [sic] similes hemeradas), un saphir contrefait (unus saphirus contrafacti), deux doublets (doblerii sive dobles)5301. Chez l’orfèvre aixois Elzéar Jartoux en 1587, des pierres, au nombre de 122, de toutes tailles, étaient retenues dans un petit coffret abîmé, dans ung petit pierrier nom parfaict5302. Son inventaire après-décès mentionne également une pierre dicte adjacente gendarmeuze, c’est-à-dire avec un gendarme, un défaut, pour mettre a ung agneau. Cinq autres sont des pierres peintes, d’autres sont dites doubles verres jaunes turquezes de nulle valleur, petites et grandes. Une part des bagues orfévrées était vendue par les orfèvres eux-mêmes, une autre part par l’intermédiaire de marchands s’approvisionnant auprès de ces derniers ou auprès de particuliers en remettant sur le marché de vieux bijoux. Par exemple, en 1471, l’avignonnais Pierre de Saze cède à Jean Minholi, orfèvre, de nombreux bijoux dont une bague en or avec un diamant du poids de dix-huit deniers, une seconde bague avec une pointe de diamant de quatre deniers et douze grains, une troisième avec un rubis (rubin) de trois deniers, deux bagues en or avec une turquoise pesant ensemble septs deniers et demi, deux bagues en or avec un dyamant faulx pour dix-huit deniers, seize bagues en or de diverses sortes d’une masse de deux onces et vingt-trois deniers. Il est également vendu deux bagues en or avec une perle qui dans un cas est dite orientale, pour quatre deniers et douze grains5303. Les ventes à l’encan, plus anecdotiquement sans doute, ont aussi joué un rôle : la première mention qui a pu être retrouvée date de 1278 : trois bagues en or sont vendues pour 10 sous à Marseille5304. Des bagues pouvaient être envoyées à l’étranger dans l’espérance de meilleurs profits : le 10 avril 1306, le fils d’un orfèvre marseillais reçoit en commande pour la Sardaigne du corail travaillé, des manches de couteaux de table en ivoire et en argent, cinq bagues en or avec pierres précieuses5305. Certaines productions sont caractéristiques d’un travail parisien, sans que cela ne préjuge de l’origine exacte de ces bijoux : le 24 mars 1395, il est enregistré à Marseille une transaction concernant vingt-six bagues en argent à l’operis parisius5306. Les comptes d’un mercier de Carpentras conservés pour une partie des années 1396 et 1397 5299 Moitié d’un diamant naturellement octaédrique. La signification de ce mot reste inconnue. 5301 Se reporter au chapitre 3.4.2.1. 5302 Annexe 8, doc. 14. 5303 Pansier 1925-1927, p 215. 5304 Blancard 1884, t. 2, p. 410. 5305 Baratier 1951, p. 145. 5306 Ibid., p. 295. 5300 1156 3. Approche croisée du mobilier archéologique mentionnent de nombreuses ventes de bagues : soixante-six pour une période de quinze mois – sans compter les transactions interrompues et dont le document garde la trace – dont vingtneuf lors d’une vente en association avec une bourse et une ceinture, une avec une bourse et deux ceintures, deux avec une bourse, une ceinture, deux chausses ou un chapeau. La fréquence de ces groupements d’achats illustre sans doute l’acquisition d’un trousseau féminin, peut-être dans le cadre d’un mariage. L’anel d’argent sans autre indication se vend entre 4 sous et 9 sous5307, avec une pierre ou verre dans un chaton, an(b) cayseta, il se monnaye à 7 sous 9 deniers ou à 8 sous5308, avec quatre perles, il s’échange à 6 sous 6 deniers5309. L’anel d’argent massis – massif – vaut 10 sous mais la bague d’argent doré (sobredaurat) est seulement vendue 5 sous5310. Il existe aussi des bagues en vermeil avec quatre perles et des bagues en argent, massis ou non, avec six perles mais, pour des raisons diverses – vente inachevée, vente d’un ensemble de produits – leur prix n’est pas connu5311. Sans surprise, la bague en or est d’un prix plus élevé. L’anel d’aur ou vergua d’aur coûte 1 livre 10 sous, 1 livre 14 sous ou 2 livres 8 sous. Pour une bague en or avec six perles, le client doit débourser 3 livres. Quelques autres documents concernant des marchands fournissent des données plus éparses. En 1407, l’inventaire des marchandises d’une draperie mentionne des bijoux remis en gages contre des achats de drap : deux bagues en argent pour 2 sous 6 deniers tournois, une bague en or avec une loupe (lopa) de saphir5312, c’est-à-dire avec un saphir de transparence imparfaite. Beaucoup plus tard, en 1545, la balle d’un colporteur mort à l’Isle-sur-Sorgue comporte vingt-et-une bagues (aneu) d’argent, pesant une demie once et la moitié d’un ternal, évaluées ensembles 15 gros, ainsi que dix bagues (aneulx) de Milan dont le prix à l’unité n’est pas connu5313. En 1565, un état des marchandises d’Adrien Moret, marchand d’Avignon, mentionne six douzaines d’aneau de beufle, un matériau dont la nature reste inconnu5314. Un an plus tard, un second inventaire des marchandises de ce commerçant enregistre cinq douzaines d’anneaux en or ornés d’une pierre et de roses tailhees et esmalhees de coleur pesant deux onces neuf deniers. Le coût de l’or est évalué à 22 livres l’once et la façon à 6 5307 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 38 r° (4 sous) et 154 r° (9 sous) pour les valeurs extrêmes. 5308 Ibid., f° 214 v° et 282 v°. 5309 Ibid., f° 207 r°. 5310 Ibid., respectivement f° 163 r° et 208 r°. 5311 Ibid., f° 207 r°, 241 v°, 263 v°, 276 v°. 5312 Higounet-Nadal 1965, p. 340. 5313 Annexe 8, doc. 23. 5314 Annexe 8, doc. 24. 1157 3. Approche croisée du mobilier archéologique livres la douzaine, ce qui fait un prix de la bague à environ 27,4 sous5315, le coût de la fabrication revenant à 36,5 % du total. Dans l’inventaire après-décès des biens d’un marchand mercier marseillais, en 1575, 18 bagues en or cuniyé – poinçonné ? – sont estimées à 20 sous la douzaine5316. Il s’observe bien à travers cette documentation que les pierres ou verres sertis sur les bagues, lorsqu’elles en comportaient, n’étaient pas toujours d’une grande qualité. L’objectif est peut-être pour ces artisans de fournir des produits susceptibles de convenir à une large clientèle. Cependant, d’autres raisons ont également pu intervenir comme le souhait de faire des économies dans les dépenses somptuaires. Jean XXII, par exemple, est de son vivant particulièrement attiré par l’orfèvrerie, mais lors de l’ouverture de sa sépulture à Notre-Dame des Doms à Avignon en 1759, un témoin note que le corps conserve à sa main « une bague d’or avec une émeraude fausse ». Pourtant, une riche agrafe en ivoire ornée de perles est visible sur son thorax5317. Ce genre d’accommodements avec ce que le statut du personnage devrait réclamer n’a rien d’exceptionnel. Nombre de bijoux orfévrés royaux ou princiers conservés dans les musées comportent par exemple des verres sertis5318. Ce subterfuge est condamné avec beaucoup d’à-propos par le poète Guillem – ou Guiraut – de l’Olivier, originaire de la région d’Arles, probablement actif dans la seconde moitié du XIIIe siècle : Qui en anel d’aur fait veir’ Celui qui fait enchatonner du verre dans un encastonar O en lato maracde que ricx sia, anneau d’or Ou une émeraude qui est riche dans du laiton, Ges sel e’o fai non sec la drecha Celui qui fait cela ne suit pas la droite voie via Quel maracdes se deu ab l’aur Car l’émeraude doit plutôt se faire avec l’or mielhs far Pre dreg dever el veir’ ab lo lato : En droite règle, et le verre avec le laiton ; E pros dona per la semblan razo Et une femme de valeur, pour une semblable raison, Deu ben gardar ab cal li tanh Doit bien regarder avec qui il lui convient 5315 Annexe 8, doc. 25. Annexe 8, doc. 26. 5317 Müntz 1887, p. 282. 5318 On peut se reporter par exemple aux descriptions des bijoux des trésors d’orfèvrerie d’Erfurt et de Colmar. Il y est mentionné assez souvent des verres colorés sur des joyaux en or ou en argent (Descatoire (dir.) 2007). 5316 1158 3. Approche croisée du mobilier archéologique qu’estia, qu’elle soit S’aver vol laus ni pretz ni cortezia Si elle veut avoir louange, prix et courtoisie5319. La bague est bien plus qu’un simple bijou. Dans le cadre des fiançailles, elle est un gage d’amour, une promesse. Lors de la cérémonie du mariage, devant ou dans l’église selon les traditions locales (fig. 543), elle symbolise le lien créé par le consentement mutuel des époux après la bénédiction du bijou par le prêtre. Ainsi que le dit l’archevêque de Reims Hincmar au IXe siècle, la bague est « symbole de la fidélité et de l’amour, et lien de l’unité conjugale, afin que l’homme ne sépare pas ceux que Dieu a unis »5320. Elle est aussi le symbole de la fidélité et de l’obéissance que doit l’épouse à son époux. En 1609, Gaspard Olivier, bourgeois d’Avignon, offre à Lucresse Jannaude qu’il épouse plusieurs riches bijoux dont un braseles d’or avec ung anneau sponsalic – de noces, d’épousailles5321 – dont lez façon revienent à 32 escus de soixante solz5322. Ainsi que le rappelle le témoignage de trois personnes lors d’un procès, Annibal de Moustiers épousa Sybille de Cabris en 1331 dans l’église de Cabris par imposition de l’anneau, conformément aux rites, per annuli impositionem juxta ritum5323. La remise de l’anneau, après le don des corps, apparaît dans deux de ces témoignages comme l’essence même du sacrement5324. Quelques données supplémentaires sont fournies par un rituel de mariage avignonnais de 13655325, trois rituels aixois de la fin des années 13805326, de 1499 et de 15775327 et par deux instrumenta celebrationis matrimonii attestant que le mariage a bien été fait dans une église5328. L’un de ces deux derniers documents, daté de 1359, provient de Draguignan, le deuxième, à la date de 1361, est d’Aix-en-Provence. Ils diffèrent dans les modalités de la donation des corps : le rituel varois relève de la donation passive, le prêtre demande à chacun des époux s’il souhaite se donner à l’autre, ces derniers n’ont qu’à acquiescer ; les rituels aixois et avignonnais 5319 Bayle 1879, p. 110-111. Courtillé 1997, p. 80. 5321 Dérivé du terme latin sponsalicius (Niermeyer 1976), sponsalitium (Du Cange 1883-1887). 5322 Dubois 1936, p. 275 ; L’écu vaut alors 3 livres 12 sols. 5323 Coulet 1992, p. 70 5324 Les contrats de mariage de Bari dans la région des Pouilles en Italie à la fin du Moyen Âge l’illustrent : sociare sibi in coniugium per anulum, fare sibi uxorem per anulum, ducere et sociare in uxorem legitimam per anulum, disponsare sibi in uxorem legitimam per anulum (Amati Canta 2013, p. 24). Voir également Ditchfield 2007, p. 503. 5325 Molinet et Mutembe 1974, ordo XVI. 5326 Ibid., p. 310. 5327 Marbot 1898, p. 275-276 et 285-286. 5328 Coulet 1992, p. 71. 5320 1159 3. Approche croisée du mobilier archéologique ressortent à la donation active, chaque parti formulant lui-même le don de son corps. L’anneau et les arrhes, préalablement bénis – sur l’autel tout au moins à Draguignan – sont ensuite donnés à l’époux. À Draguignan, il semble que la formule trinitaire accompagne le signe de croix que l’homme fait avant de remettre l’anneau au médium de la main droite de sa future épouse en prononçant une formule du genre : « avec cet anneau je t’épouse et avec ces arrhes, je te dote comme Saint Pierre et Saint Paul l’ont établi ainsi que notre loi romaine »5329. Dans le rituel avignonnais et les trois rituels aixois, il semble que la formule trinitaire accompagne le signe de croix que l’homme fait avant de remettre l’anneau. Cette formule est, à Avignon et dans le texte aixois de la fin des années 1380, énoncée par l’époux lorsqu’il glisse l’anneau aux trois premiers doigts de la main de son épouse avant de le mettre à l’annulaire en prononçant l’Amen final. Dans le rituel aixois de 1499, l’anneau est introduit à l’annulaire droit, après avoir été disposé à l’index et au médium, gestes chaque fois précédés d’un signe de croix. Dans le rituel aixois de 1577, il est spécifié que l’anneau est passé au pouce, à l’index puis à l’annulaire de la main gauche avec sans doute le même cérémoniel qu’auparavant. Peut-être ce changement de main peut-il être mis en relation avec une ancienne croyance qui veut qu’une veine de l’annulaire gauche est en contact direct avec le cœur5330 ? Dans cette documentation, la bague ou anneau de mariage apparaît comme un bijou exclusivement féminin hormis peut-être dans le rite de 1577 qui mentionne plusieurs bagues : hoc annulos ut… qui eos gestaverint. Le mari portait-il un anneau comme le suppose l’abbé Marbot5331 ? Dans ce cas, pourquoi la remise de l’anneau au mari n’est-elle pas décrite ? Vers 1900, le port d’une bague de mariage est encore rare pour les hommes comme l’observe l’abbé. Sans doute faut-il chercher une autre explication à ces anneaux multiples : A. de Nore relève par exemple qu’au milieu du XIXe siècle dans les Alpes-de-Haute-Provence, chacun des membres des deux familles place un anneau à un doigt de la mariée5332. Pour la même période, dans la même zone, M. Henry précise que dans la vallée de Fours, ces anneaux sont remis à l’épouse lorsqu’elle est assise sur la pierre des épousées au milieu d’une place, non loin de l’église. Lorsque la conduite des mariés est exempte de reproche, un simulacre de combat, témoignant de l’estime publique, se déroule entre les habitants du hameau de l’épouse et de celui de l’époux5333. La bénédiction de plusieurs anneaux pourrait être de 5329 Coulet 1992, p. 71. Ribbe 1896, p. 55 ; Marbot 1898, p. 288. 5331 Marbot 1898, p. 285. 5332 Nore 1848, p. 8. 5333 Henry 1842, p. 51-52. 5330 1160 3. Approche croisée du mobilier archéologique tradition fort ancienne : en Italie méridionale, des contrats de mariage des XIe et XIIIe siècles rapporte que les femmes de la haute société reçoivent quatre bagues en or et/ou en argent en dot5334. Peut-être étaient-ils tous bénis et donc interchangeables ? La matérialisation des arrhes n’est précisée que dans deux documents précédemment mentionnés : dans le rituel avignonnais, elles prennent la forme de trois pièces de monnaies bénies en même temps que l’anneau5335 ; dans le rituel aixois de 1499, il s’agit d’une, dix, douze ou treize pièces de monnaie. En 1577, elles ne sont plus mentionnées. Ces arrhes ainsi que la dot symbolisaient à l’origine et parfois encore pour la période d’étude, la conclusion d’un arrangement entre deux familles, une sorte de « vente » de la femme. Le rituel de 1577 ne semble pas conforme avec les décrets du concile de Vatican mais le rituel du mariage n’est publié qu’en 1614 par le pape Paul V5336. La bague de mariage que porte l’épouse est la marque de la fidélité qu’elle doit envers son époux. Cette symbolique est particulièrement évidente dans la chanson provençale de Miansoun que A. Paul pense être de l'époque féodale – mais il n’en fournit pas la preuve – et qu’il rapproche de l’histoire de Geneviève de Brabant5337. Un serviteur félon accuse faussement d’infidélité la femme de son seigneur et montre pour prouver son accusation trois anneaux de main en or qui appartiennent, soi disant, à Miansoun. Le seigneur, sans examiner en détail les bagues, qui sont en réalité des contrefaçons des véritables bijoux, tue sa femme dans un accès de colère et attache son corps à la queue d’un cheval fougueux. Il retrouve plus tard au fond d’un bahut les trois bagues de son épouse, lesquelles attestent de son innocence. De désespoir, il se suicide. Dans Daurel et Beton, chanson de geste rédigée par un tarnais ou un haut-garonnais vers 1200, la bague est symbole du mariage forcée que Ermenjart, sur l’ordre de Charlemagne, doit accepter avec le traître Gui, car celui-ci a tué son mari pour devenir son époux. De fureur, elle prend l’anneau de mariage et le jette au feu : E pren l’anel ab que l’a espozatz, E lor vezen el fuoc l’[en] a getatz5338. La bague est signe de reconnaissance entre époux dans la chanson de geste française Aye d’Avignon rédigée vers 1200 : Aye, enfermée dans une tour par un émir de Majorque, 5334 Ditchfield 2007, p. 503. Molinet et Mutembe 1974, p. 182 et p. 309, ordo XVI. 5336 Marbot 1898, p. 284. 5337 Paul 1910, p. 111. 5338 Meyer (Édit.) 1880, p. 22. 5335 1161 3. Approche croisée du mobilier archéologique afin de signaler sa présence à son mari venu la délivrer, retire pour le lui donner son anneau de mariage « qui contenait trois pierres forts précieuses dont une même avait été enlevée du paradis terrestre »5339. La bague est aussi un gage de l’amour qui unit deux amants ou deux époux, d’autant plus si elle est porteuse d’inscriptions en ce sens5340 - les deux noms des amants par exemple5341 –, si elle est ornée d’un petit cœur (fig. 548 et 552, n° 8 à 10) – le don du cœur – ou bien encore de mains jointes (fig. 552, n° 17 et 18), symbole de l’établissement d’un contrat, de fidélité5342, geste qui peut être rapproché de celui que font les mariés lors de la cérémonie du mariage ou de deux personnes concluant un accord. L’échange des anneaux entre les amants est l’image du couple uni dans le Roman d’Enéas rédigé vers 11605343. La forme de la bague est en elle-même un symbole: Li anelés n’a point de fin, Ce petit anneau est sans fin, Mais roons est et ferme entor : Mais il forme un cercle bien délimité : Por ce senefie qu’entor Ainsi veut-il dire qu’amour De loyal cuer amor enclose Enfermé dans un cœur royal N’en puet estre por voir desclose Ne peut en vérité en être exclu Ne prendre poir terme termine. Ni connaître un terme5344. Dans une chanson de Guillaume IX duc d’Aquitaine (1071 - 1127), la bague est symbole du don d’amour par la Dame et promesse d’évènements futurs attrayants : Enquer me menbra d’un mati Il me souvient encore de ce matin Que nos fezem de guerra fi, Où nous mîmes fin à la guerre, E quem donet un don tan gran, Où elle me donne un grand don, Sa drudari’ e son anel : Son amour et son anneau : Enquer me lais Dieus viure tan Que Dieu me laisse encore vivre assez C’aja mas manz sos so mantel ! Pour que j’ai [un jour] mes mains sous son manteau5345. 5339 Mouzin (Édit.) 1921, p. 40. Se reporter à Deloche 1929, p. 18-19 pour quelques exemples de ces messages. 5341 Dans le roman arthurien du XIIIe siècle Amadas et Ydoine, Amadas offre à Ydoine un anel letré sur lequel sont gravés leurs deux prénoms entrelacés et Ydoine donne à son amant un anneau en or avec un rubis (Reinhard (Édit.) 1926, vers 3780-3782). 5342 La bague et le motif des mains jointes ont cette signification depuis l’Antiquité, voir Schrijnen 1910. 5343 Petit (Édit.) 1997, vers 10251-10255. 5344 Ibid., vers 10106-10111. 5345 Jeanroy (Édit.) 1913b, p. 25-26. 5340 1162 3. Approche croisée du mobilier archéologique Plus tard, la poésie courtoise prônera la chasteté et le don de bijoux n’apparaît plus comme une étape aboutissant nécessairement à l’amour charnel. Dans un poème de Pierre Vidal composé aux environs de 1200, le troubadour reçoit de menus cadeaux à l’aulne de sa valeur : Car soi tan pros, per aco n’ai bon Car je suis tant preux, pour cela j’en ai bonne louange, lau, Que sovendet m’en venon Que souvent m’en viennent des messagers messatgier Ab anel d’aur, ab cordo blanc et Avec un anneau d’or, avec un cordon blanc et noir5346. nier Le troubadour Blacasset, quant à lui, ne veut ni anneau ni cordon pour ne pas être trop attaché à la dame qu’il veut servir : Mas vueilh servir, donna, tos Plus vous servir, dame, tout temps gratuitement temps perdon Vos qu’autra, e m’des ni anel ni Vous qu’autre, et ne me donnez ni anneau ni cordon cordon5347 La vingt-sixième nouvelle des Cent nouvelles nouvelles, recueil de contes établi à la demande du duc de Bourgogne Philippe le Bel entre 1464 et 1467, rapporte l’envoi par une dame à son soupirant situé loin d’elle d’un anneau en or émaillé de larmes noires, comme preuve de son amour profond et de sa loyauté5348. Si l’on en croit le Traité d’amour courtois d’André le Chapelain écrit vers 1185, une amante recevant un anneau en gage d’amour doit toujours le porter au petit doigt gauche – la main préservée des contacts malhonnêtes et indécents – et le chaton tourné vers l’intérieur de la main, car tous les amants sont tenus de garder leur amour secret. Le petit doigt est celui en lequel résident plus que tout autre la vie et la mort de l’homme5349. Selon J. Cherry, l’engouement pour les bagues serties de gemmes commencerait au XIIe siècle. Il coïnciderait avec le renouveau de l’intérêt pour les écrits classiques et les lapidaires5350. C’est au XIIe siècle, en effet, que sur la base de compilations du savoir antique sont écrits de nouveaux lapidaires. Ils sont abondamment copiés et traduits par la suite et leur 5346 Bayle (Édit.) 1879, p. 186-187, vers 9 à 11. Sardou 1878, pièce IV, traduction de l’auteur modifiée. 5348 Sweetser (Édit.) 1972, nouvelle 26. 5349 Buridan (Édit.) 1974, livre II, p. 175. 5350 Cherry 1981a, p 57. 5347 1163 3. Approche croisée du mobilier archéologique contenu repris pour d’autres ouvrages du même type5351. Celui qui eut le plus de succès fut celui de Marbode de Rennes rédigé vers 1100. Dans le dernier chapitre intitulé De Anulo et Gemma, l’auteur, sans mentionner le port des gemmes sur des bagues, explique les raisons qui font que certaines personnes ne croient pas aux vertus des pierres. Le titre laisse sous-entendre que la bague est le support attendu des pierres dont les propriétés viennent d’être décrites. Dans le Roman d’Énéas, les vertus des pierres des bagues que Lavine offre à son amant Énéas lui sont connues : le saphir signifie Dignité royale, Chasteté, Loyauté et le diamant préserve de tous les périls5352. Le saphir est signe d’élévation hiérarchique et spirituelle5353. Nul doute que cette symbolique explique la fréquence de cette pierre parmi les bagues des ecclésiastiques comme nous le verrons plus loin. Le rubis apparaît également au doigt des ministres du culte : sa couleur rouge en fait le symbole de l’amour qu’ils ont pour Dieu. Il est celui de la passion amoureuse des amants. Des pouvoirs plus extraordinaires comme le pouvoir d’invisibilité peuvent être conférés aux bagues5354. La bulle Super illius specula de Jean XXII datée de 1326 accuse certains magiciens de contraindre des démons à rester enfermer dans des bagues portés sur eux pour qu’ils obéissent à leur volonté5355. Boniface VIII lui-même est accusé de posséder une telle bague au tout début du XIVe siècle5356. Au début du XIXe siècle, le voyageur A.-L. Millin remarque lors de sa visite du sanctuaire contenant les reliques de Marie-Madeleine à Saint-Maximin qu’il y a « une boîte remplie d’anneaux de verre, que l’on fait toucher à la châsse, et que l’on distribue à six sous pièce »5357. Le pouvoir des reliques est transmis par contact à la bague en verre, et la porter au doigt équivaut peut-être à s’unir avec cette protection. Aucun élément ne permet cependant de déterminer si cette pratique était en usage durant la période d’étude. Au-delà de ces symboliques, la bague est aussi un bijou, un ornement particulièrement prisé, notamment par les femmes. Sa masse est plus faible que la plupart des autres bijoux de corps. Il est par conséquent moins coûteux lorsqu’il est en matériaux précieux, plus souvent en or qu’à l’ordinaire, et, du fait d’un nombre d’emplacements potentiels supérieurs, susceptible d’être porté en plusieurs exemplaires. Des lois somptuaires italiennes fixent 5351 Gontero-Lauze 2010, p. 16-18. Thiry-Stassin (Édit.) 1997, vers 10256-10270. 5353 Gontero-Lauze 2010, p. 110. 5354 Ibid., p. 112-114. 5355 Boudet (Édit.) 1997-1999, t. 2, p. 92. 5356 Coste (Édit.) 1995, p. 283. Item prohabitur quod item Bonifacius habebat spiritum inclusum in anulo… Et hoc notorium est quod in dicto anulo manifeste apparet quedam umbra, modo lucens, modo tenebrosa, modo ad modum hominis, modo ad imaginem bestie… 5357 Millin 1807-1810, t. 3, p. 128. 5352 1164 3. Approche croisée du mobilier archéologique d’ailleurs le nombre de bagues autorisées : quatre avec des gemmes à Gênes en 1449, six à Savone en 14525358. Chaque pièce pourra présenter des variations dans la forme, dans la décoration gravée, ciselée ou moulurée, dans la couleur des éléments de serti. Les quelques mentions qui suivent et pourraient être multipliées à loisir, contrastent fortement avec l’iconographie du sud-est de la France où ce bijou est anecdotique, hormis aux doigts des évêques et abbés (fig. 544, 546 à 548). Le pape Jean XXII, comme cela a déjà été évoqué pour les bijoux de coiffure, n’a pas hésité à offrir des ornements féminins ainsi que d’autres biens à ses proches lorsque ceux-ci se mariaient, mais les bagues n’en faisaient pas partie. Une seule exception peut éventuellement être relevée : en 1317, le pape offre deux anneaux d’or avec émeraude d’un prix de 11 florins à la femme de son neveu Arnold d’Oze5359, sans que la raison en soit spécifiée : était-ce à l’occasion de leur mariage ? L’inventaire aprèsdécès du marchand marseillais Jean Casse, en 1391, fait état de quelques prêts d’argent à des femmes contre des bagues5360 : Marguerite de Favas reçoit 4 florins contre un anneau d’or avec une émeraude (cum uno esmeralde) et quatre grosses perles ; Catherine Martin, moniale de Saint-Pons, récupère 4 florins contre le dépôt d’un pommeau d’épée en cristal, une petite ceinture et deux bagues (virgae) en argent ; Marie Ricavi, moniale de Saint-Sauveur remet un anneau en or avec saphir contre 2 florins. L’inventaire des meubles provenant de l’hoirie de Catherine Cabesse, d’Avignon, enregistre un petit anneau d’or avec un saphir, de peu de valeur5361. L’inventaire du château des Baux mené en 1426 suite au décès d’Élipde des Baux renseigne sur la présence dans la chambre de la défunte de sept bagues : un anneau garni de I gros saffir quarre, trois bagues avec un rubis balais (rubin balay ou balay) dont un est dit gros et un second est grave, une bague avec un gros dyamant, une seconde de petite dimension avec un diamant et une dernière bague « noire » avec deux petits diamants. Un rubis balais sans anel enchasse en or complète cette énumération5362. Le trousseau de dot de Madeleine, fille de Guillaume Gaudin, drapier d’Avignon, contenait en 1427 de nombreux bijoux dont cinq anneaux d’or d’une valeur totale de 8 florins5363. Dans le contrat de mariage, en 1434, d’Antoine Gaufridy du Muy et de Gillette Hélan de Fréjus, la future épouse reçoit une bague avec un rubeus de Perpignano, très certainement un grenat5364. L’année d’après, la 5358 Pandiani 1915, p. 156 et 157. Schäfer 1911, p. 391. 5360 Villard 1907, p. 112. 5361 Pansier 1925, t. 2, p. 91. 5362 Barthélémy 1877, p. 133. 5363 Brun 1924, p. 235. 5364 Aicard 1939, p. 18. 5359 1165 3. Approche croisée du mobilier archéologique dot d’Alasacie Raynaud comprend cinq anneaux d’argent et deux autres en or de Lucques avec des perles, quinque annulos argenteos, duos auri de Luca cum perlis5365. En 1451, Le roi René offrit à sa femme Isabelle de Lorraine une verge de cassidoine et une autre de coural achetées à Avignon deux écus et demi à l’orfèvre Charlot Raoulin5366. Suite à son décès en février 1453, celle-ci ne put prendre possession des trois bagues en or serties d’un gros diamant que le roi René avait fait confectionner pour elle5367. Plus tard, Jeanne de Laval, sa seconde épouse, fit faire à l’orfèvre Jean Nicolas un signet en or émaillé ouquel est grave le visaige de Monseigneur – le roi René – pour 8 écus5368. Le roi René n’offrait pas seulement des bagues à son épouse : deux femmes de chambre reçoivent en 1476 sept patenôtres et trois anneaux de jais (geetz) à 1 gros 4 patacs la pièce5369. En 1478, le roi René donne à une suivante de la femme de son fils une bague en or sertie d’un rubis d’une valeur de 14 florins en remerciement de plusieurs petites pierres estranges qu'elle avait trouvees le long de la marine à Marseille5370. Les trousseaux de dot pouvaient contenir plusieurs bagues. Jeanne Séguiran, fille d’un notaire d’Aix, reçoit ainsi en 1576 pour son trousseau de dot sept bagues en or5371. En 1579, le frère de Jeanne Bérard d’Istres s’engage à donner à sa sœur deux bagues d’or et un corset brodé de velours en augment de dot. Son fiancé lui fournira deux autres bagues de la même valeur5372. Quatre bagues en or sont estimées six écus en 1581 dans la dot de la fille d’un capitaine corse qui tient garnison à Sisteron5373. L’iconographie ainsi que les découvertes funéraires attestent sans équivoque du port de bagues par la gent masculine non ecclésiastique, mais cela n’est pas toujours explicité dans les sources textuelles et notamment dans les sources provençales. En effet, ce bijou a pu appartenir au mari mais être arboré par sa femme : ceci est particulièrement évident dans un certain nombre d’inventaires après-décès masculins contenant des bijoux spécifiquement féminins5374. Dans un certain nombre de cas, l’homme est de manière évidente le porteur de ce bijou. Un registre de la Cour royale de Draguignan enregistre ainsi le 20 juillet 1352, la condamnation, par le clavaire, de Pierre Laugier à 20 sous pour avoir saisi Pierre Alberti au 5365 Ribbe 1896, p. 42. Arnaud d’Agnel 1908, n° 850. 5367 Ibid., n° 879, hors de Provence. 5368 Lecoy de La Marche 1875, p. 116, note 1. 5369 Arnaud d’Agnel 1908, n° 895. 5370 Ibid., t. 2, n° 89, p. 379. 5371 Giroussens 2003. 5372 Ibid. 5373 Laplane 1843, t. 2, p. 517. 5374 Se reporter au chapitre X.X.X. 5366 1166 3. Approche croisée du mobilier archéologique collet et lui avoir enlevé un anneau d’argent5375. Dans un tiroir d’un meuble de feu Bertrand André, marchand d’Aix, est retrouvé en 1584 ung aneau d'or ayant unes armoiries de cristal vailhant troys escus et demy sol5376. Johan Pujol de Marseille, à sa mort en 1490, possédait deux anneaux d’or cum signeto dessuper, plus un signetum auri cum armis dessuper5377. Tout comme le sceau, la bague sigillaire – s’il s’agit bien de tels bijoux et non de bagues seulement décoratives – garantit l’authenticité d’un acte, la fermeture d’un récipient ou d’un meuble. Les comptes du roi René ne mentionnent pas de bagues sigillaires, ce qui n’a rien d’étonnant, puisqu’il a toute une administration à son service et que ses missives et chartes sont cachetées par un sceau. Les comptes du roi René illustrent la faveur toute particulière que le souverain accorde à la bijouterie et notamment aux bagues. En 1448, l’orfèvre Charlot Raoulin reçoit 5 florins 3 gros pour ung annel d'or ouquel y a une pierre estrange5378. Nicolas Palmier, de Valence dans la Drôme, est payé 160 écus pour avoir acheté et serti une bague en or d’un saphir, pour l’acquisition de 14 camées (camahieux) dont six ont été mis sur des bagues en or5379. Le comte de Provence acquiert en 1449 pour 22 florins trois bagues pontificales (anneaulx pontificalz) avec un saphir, un grenat ou une émeraude l’année suivante5380. Deux ans plus tard, Denis Pineau, de Paris, est payé 6 écus pour avoir taillé un anneau de main en calcédoine de lettres morisques5381 pour le roi ; quant à l’orfèvre Jean Nicolas, il est payé 4 livres 10 sous pour une bague en or5382, 2 livres 15 sous pour une autre bague en or, 2 livres 1 sou 3 deniers pour trois bagues en or avec une aubelicque5383, 2 livres 1 sou 3 deniers pour la façon et l’émaillage en noir (esmailleure) d’une bague en or (verge) sur laquelle est figurée la vie de la Magdalaine et pesant 1 gros d’or5384. Il fabrique également pour le roi une bague en argent, fait en maniere d’un annel de Turquie, taille et neesle – niellé – a la sarrazinois sur lequel est disposé troys esmaulx de plicque, pour 2 livres 15 sous, et enfin pour 8 livres 5 sous une bague en or, du poids d’une once, fait à la facon de Turquie, taillé de lettres sarrazines et 5375 AD BDR Aix, B 1849, f° 42 r°. AD BDR Aix, 303 E 109, f° 324 r°. 5377 Ribbe 1896, p. 41. 5378 Arnaud d’Agnel 1908, n° 558. 5379 Lecoy de La Marche 1875, n° 560, achat hors de Provence. 5380 Arnaud d’Agnel 1908, n° 556. 5381 Ibid., n° 848, ligne de compte enregistrée hors de Provence. 5382 Ibid., n° 851, hors de Provence. 5383 La nature de cette pierre est inconnue. En août 1452, une suivante de la reine est remboursée d’une certaine somme qu’elle avait prêté en mettant son aubelicque en gage (Arnaud d’Agnel 1908, n° 2471, hors de Provence). 5384 Arnaud d’Agnel 1908, n° 849, hors de Provence. 5376 1167 3. Approche croisée du mobilier archéologique émaillé de noir, avec un gros rubis balais au revers duquel sont taillées et émaillées les armes du Souldan5385. Il est vraisemblable que ce décor apparaît par transparence sur l’avers de la pierre. Une bague en or en facon de Turquie d’une valeur de 1 livre 7 sous 6 deniers est encore payée à Jean Nicolas en 1452, de même qu’une bague mi-or mi-argent – avec une masse de six vieux écus pour l’or – avec une grande cornaline d’un coût de 11 livres, une bague avec un œil de chat, une autre avec un lapis-lazuli (une pierre d’azur), une bague en or d’une masse d’un écu sur lequel a été mise une pierre ou il y a une figure d’ennemy donnée par la reine5386. Cet orfèvre travaille abondamment pour le roi René durant l’année 1453. Il confectionne ainsi deux grosses bagues au jonc creux, l’une en or avec un ruby, l’autre, d’une valeur de 41 sous 3 deniers, en argent doré avec une grosse pierre qui fait le temps5387. Il fabrique également trois bagues avec un diamant, la première émaillée, la seconde en or émaillé de gris, la troisième faite d’une petite chaîne, pour respectivement 2 sous 3 deniers, 27 sous 6 deniers et 55 sous5388. Il est aussi chargé de réaliser deux bagues en or avec une pierre bicolore, l’une à moitié blanche et à moitié rouge du poids d’un écu, l’autre à moitié blanche et à moitié pers d’une masse de 1 gros 12 grains – 3,8 grammes5389 – dont les coûts sont de 41 sous 3 deniers et 45 sous5390. Une pierre bicolore apparaît au doigt de la main droite de saint Louis de Provence dans une peinture réalisée vers 1340 par un artiste napolitain (fig. 504). Ces pierres ont-elles une symbolique particulière ? Une bague en or pontificale est confiée à Jean Nicolas en 1453 : il y rajoute un gros d’or – 3,3 grammes – et une fueille neufve soubz le saffir5391. Peut-être s’agit-il de la feuille de fond du chaton ou d’une feuille métallique destinée à aviver l’éclat de la pierre ? L’orfèvre produit encore une grosse bague en or à deux écus, une seconde à 3 écus offerte par le roi René à son fils, une troisième à 4 écus donnée à monseigneur de Ribiers, deux bagues en or garnies de deux pierres estranges pesant 2,5 écus et une bague en argent pour un coût de 5 écus, une bague a la turquesque avec une grande tablette de diamant pour 8 écus5392. Enfin, Jean Nicolas reçoit 106 florins qu’il doit mettre en œuvre dans une bague pour le roi5393. La somme est conséquente, elle l’est encore plus pour une bague en or nommée la sarazine dont la mise en gage a permis de débloquer 1000 florins 5385 Ibid., n° 849, hors de Provence. Ibid., n° 868, hors de Provence. 5387 Ibid., n° 879, p. 299 et 300, hors de Provence. 5388 Ibid., n° 879, p. 299, 301, 302, hors de Provence. 5389 Le marc des changeurs de Marseille qui est de 211 gr. est pris comme base (Mabilly 1908, p. 190). 5390 Arnaud d’Agnel 1908, n° 879, p. 301 et 303, hors de Provence. 5391 Ibid., n° 879, p. 300, hors de Provence. 5392 Ibid., n° 882. 5393 Ibid., n° 881, hors de Provence. 5386 1168 3. Approche croisée du mobilier archéologique en 14745394. Les comptes conservés pour la période 1476 - 1479 illustrent aussi la passion du roi René pour ce type de bijou. Il fait ainsi acheter en 1476 un anneau de calcédoine pour 2 florins 6 gros5395 et un anneau de corail5396. L’année suivante, Louis Daurie est payé 125 florins pour avoir vendu ung saphir enchasse en une verge en or et pesant 8 ducats5397. Jean de Vaux reçoit commande d’un anneau d’or du poids de 16 deniers 7 grains5398, place un rubis sur une bague en or5399, confectionne une bague a la morique gravée de lettres émaillées de rouge clair, le chaton en forme de petit bouclier (la teste ... faicte a facon de targe) avec sur le dessus une figuration de l’Annonciation gravée en taille d’épargne (d’espargne) et émaillée de noir5400. Il fabrique également une bague a la morique – à la moresque – avec des lettres émaillées sur toute la circonférence du jonc et une figuration de l’Annonciation5401. La même année, le roi René investit 8 ducats ou 20 florins, soit une masse de 21 deniers 12 grains d’or, pour que Jean de Vaux en fasse une bague qui a la teste a facon de targe5402. Son poids final – 17 deniers 12 grains d’or ou environ 20 gros5403 – accuse une perte de 18,6 % en masse5404. Le roi René fait également acheter en 1478 des bagues en corail en même temps que des chapelets et un cure-dent en corail5405, une bague en or avec une pierre fine semblable à un oeil de perdrix pour le prix de 30 florins5406, et fait faire deux anneaux en or pour 3 florins 1 gros5407. En 1479, 7 florins sont donnés à l’orfèvre Gabilleau qui a acheté sept turquoises pour les mettre en ung signet turquoys5408. Quant à Jacques d’Escales, il reçoit 1 florin 3 gros pour enchasse ung safir sur une bague en or5409, 1 florin 8 gros pour faire un anneau – avec douze grains d’or – et mettre un saphir5410, 3 florins 7 gros pour avoir fabriqué une bague du poids d’un écu d’or ou il y a ung saint Sebastien enchasse et l’avoir taille a lettres5411. Il réalise 5394 Ibid., n° 894. Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 88, p. 373. 5396 Ibid., n° 88, p. 376. 5397 Arnaud d’Agnel 1908, n° 922. 5398 Ibid., n° 932. 5399 Ibid., n° 977. 5400 Ibid., n° 948. 5401 Ibid., n° 947. 5402 Ibid., n° 931. 5403 Le marc des changeurs de Marseille qui est de 211 gr. est pris comme base (Mabilly 1908, p. 190). 5404 Arnaud d’Agnel 1908, n° 936. 5405 Ibid., n° 1020. 5406 Ibid., n° 1012. 5407 Ibid., n° 1025. 5408 Ibid., n° 1030. 5409 Ibid., n° 1050. 5410 Ibid., n° 1067 et 1069. 5411 Ibid., n° 1102 et 1103. 5395 1169 3. Approche croisée du mobilier archéologique également une bague avec une sainte Madeleine taillée en camée5412. Enfin, l’orfèvre Antoine de la Croix est chargé de faire la teste – le châton – d’une bague en or et d’y sertir un camayieu5413, et un certain Édouard Duboy vend un anneau en licorne – sans doute de l’ivoire – pour 12 florins 7 gros5414. À l’exception de quelques exemplaires offerts par le roi René, toutes ces bagues ont été fabriquées par des orfèvres ou achetées à des marchands pour le roi lui-même. Elles illustrent, ainsi qu’il était perceptible par exemple pour les ceintures, le goût prononcé du souverain pour la mode arabe, mais aussi l’intensité de sa foi, illustrée par les enseignes religieuses et que nous traitons plus loin. Sans surprise, toutes ces bagues ont été mises en oeuvre avec des matériaux précieux. Toutefois, un inventaire du château d’Angers dressé en 1471 mentionne dans le dressoir du roi deux anneletz de verre de couleur pers, deux autres de couleur blanche et enfin trois annelets ronds de cuivre5415. S’agit-il de bagues ? D’autres documents provençaux confirment la possession de bagues par la gent masculine, même s’il n’est pas certain qu’elle en ait toujours été le porteur. La recette des exécuteurs testamentaires du défunt Jean Heinrich, établi à Carpentras, signale en 1375 ou en 1376 un anneau d’or du poids de 15 deniers soit presque deux tiers d’une once5416. Avant la mort de Jean Caysse en 1391, Guillaume Giraud lui avait remis en gages deux anneaux en or l’un avec un saphir, l’autre avec un rubis balai contre 16 florins, Antoine de Sarde, des cordelettes de grosses perles et un anneau avec un diamant (diamantum) pour 12 florins, Pierre de Saint-Jacques, un anneau d’or avec des perles sur sa circonférence (cum perlis circumcirca) pour 5 florins, Stéphane Jourdan une grande tasse d’argent et deux anneaux en or contre dix florins5417. Toujours en 1391, l’inventaire des biens de l’hoirie de Guilhem Vial estime à 4 florins cinq anneaux dorés dont certains avec des perles5418. Le 26 avril 1396, Jean de Barbentane dépense 1 florin 6 sous 8 deniers pour le rachat d’un anneau en or avec un diamant, que a una peira que s’apella diaman5419. Sur 65 inventaires après-décès arlésiens du second tiers du XVe siècle, F. Feracci rencontre la mention de 39 bagues en matériaux précieux dans seulement cinq inventaires – deux agriculteurs, un berger, un juif, un noble – et 31 exemplaires pour le seul noble Alexis Caysse qui possédait également des bijoux 5412 Ibid., n° 1045. Ibid., n° 1072. 5414 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1057. C. Vandeuren-David relève une bague avec de la « licorne » dans un inventaire dijonnais de la fin du XIVe siècle (p. 265 et 266, tabl. II). 5415 Arnaud d’Agnel 1908, n° 642, hors de Provence. 5416 Labande 1912b, p. 183. Une once équivaut à 24 deniers. 5417 Villard 1907, p. 112. 5418 Pansier 1907, p. 356. 5419 Bonnet 1995, p. 26, 100. 5413 1170 3. Approche croisée du mobilier archéologique féminins5420. Ce bijou est généralement appelé anulum ou anulus, plus rarement virga. La plupart des bagues sont en or et peuvent être ornées de perles ou de pierres. L’agriculteur Pascalet Fresquet est le seul dont l’inventaire en signale deux en argent. Il disposait également d’une bague en or avec trois perles (perlae). Son confrère, Antoine Benoît, possédait deux bagues en or, l’une garnie d’une pierre de couleur pers, l’autre d’une pierre et de quatre perles, anulum aureum in quo est quidam lapis cum quatuor perulis. Chez Alexis Caysse, deux bagues comportaient une perle et une autre un rubis balai, anulus auri alius vocatus balay. Dans son testament d’octobre 1578, Balthazar Dhéran de Draguignan mentionne une bague en or dont le chaton porte un grenat entouré de perles. Le 17 juin 1579, le capitaine Jean Araby, de la même ville, mentionne dans une procuration deux bagues en or avec pour l’une un saphir et pour l’autre une turquoise. Un autre exemplaire en or orné d'un diamant et de trois rubis apparaît dans un acte de partage d’août 1580 des biens du viguier draguignanais Pierre Raphaël5421. Un an plus tard, l’inventaire des biens de feu Jacques Gaudon, jardinier d’Aix, comprend une ceinture de femme, un chapelet, des aneaulx d'or assevoyr deux redons et deux autres avec des pierres rouges appelles granatz5422. Des inventaires provençaux mentionnent quelques bagues à l’ornementation ou avec un serti particulier. L’inventaire des biens de la sacristie de l’église Saint-Jean d’Avignon rapporte la présence d’une bague en or avec une crapaudine. La pierre de crapaud correspond au borax. Elle est efficace contre le venin lorsqu’elle est avalée et, disposée sur un anneau au fond percé de façon à ce que le doigt touche la pierre, elle l’irrite lorsque du poison et disposé devant celui qui la porte5423. Le relevé des biens meubles de la cathédrale d’Aix comporte en 1533 quelques bagues en argent et en or dont une bague en argent au jonc torsadé, unum alium annullum auri, tortum, et une très grande bague en or avec une pierre blanche perforée en son centre, cum quodam lapillo albo per medium perforato5424. Cette caractéristique n’est pas sans évoquer certaines bagues du corpus comportant un rivet perforant un morceau de corail ou une perle naturelle sertie et le jonc pour le maintenir en place (fig. 554, n° 18 ; fig. 555, n° 1 et 2). Un acte d’août 1568 mentionne une bague avec un serti d’allicor, littéralement de licorne, vraisemblablement un fragment d’ivoire5425. Le marchand aixois Philippe Brun prêtait régulièrement de l’argent à des hommes et parfois à des femmes en 5420 Feracci 1976, p. 119, tableau 24. Aicard 1939, p. 18. 5422 AD BDR Aix-en-Provence, 303 E 175, f° 1824 v°. 5423 Gontero-Lauze 2010, p. 208-209. 5424 Albanès 1883, n° 22 et 23. 5425 Aicard 1939, p. 18. 5421 1171 3. Approche croisée du mobilier archéologique échange d’objets mis en gages. Son inventaire après décès dressé en 1573 énumère une longue liste de 24 anneaux en or, certains décrits comme redons ou rondz, avec une pierre rouge, avec trois perles, mais les plus intéressants sont cinq exemplaires contenus dans un coffret : ung gros auquel y a le non de Jesus, ung aultre que y a une pierre dicte rebis, ung aultre ou y a une pierre turquoise, ung aultre que y a une perle et l'aultre que y est aussi le non de Jesus5426. Au début du XVIIe siècle, l’avocat draguignanais Guillaume Maynier possédait une bague en argent représentant une « teste de mort »5427, évocation de la vanité des choses terrestres. Lorsque maître Gillibert Hortie, bachelier en droit, écuyer d’Apt, rentier des droits seigneuriaux du seigneur de Caseneuve, meurt en 1608, il détient un coffret à bijoux couvert de velours incarnat bandé de laiton contenant une coiffe féminine, des chaînes de cou et des bracelets, ainsi que deux bagues émaillées de noir, l’une en or avec une améthyste de la largeur d’une fève, l’autre avec une turquoise. Une bague de foy – elle figure deux mains jointes, signe de fidélité – complète l’ensemble5428. Il a déjà été évoqué certaines symboliques attachées à la bague telles que le mariage entre civils, la fidélité, le gage d’amour. La bague est aussi une marque d’autorité, de pouvoir, de dignité. Le 21 septembre 1447, le cardinal de Foix, par le symbole de la transmission de son anneau, donne à Jean Cadard contre vingt mille florins l’investiture du château du Thor, de la moitié du château de Thouzon, du quart du château de Vélorgues et de la bastide de Saint-Étienne de Mayol. Au doigt du souverain, la bague symbolise son mariage mystique avec son royaume5429, au doigt des dignitaires ecclésiastiques, il figure l’union avec le Christ. Lors de l’ordination des Vierges chrétiennes, leur union avec le Christ est sanctionnée par la remise d’un anneau, elle est le symbole de leur mariage spirituel. C’est peut-être pour cette raison que la Vierge Marie porte parfois une ou plusieurs bagues (fig. 545). Dans un pontifical de l’Église d’Aix du XIIIe siècle, le consécrateur, selon un rite signalé précédemment dans l’étude pour le mariage laïc en Provence à des dates postérieures, fait passer l’anneau à trois doigts de la main droite de la vierge avant de le laisser à l’annulaire. Par la suite, les vierges de l’assistance rappellent ce mariage spirituel en chantant ces termes : Ipsi sum desponsata et Anulo suo subarravit. Le consécrateur désigne également la Vierge par les mots sponsa 5426 AD BDR Aix-en-Provence 303 E 155, f° 1527 r° - 1529 r° ; voir également Fournand 2001, p. 119. 5427 Aicard 1939, p. 18. 5428 Godefroy 2003, p. 57. L’inventaire est dressé à la demande de son fils en 1610. 5429 Beaulieu 1989, p. 256. 1172 3. Approche croisée du mobilier archéologique Christi5430. Cette union par l’anneau se retrouve dans les pontificaux ultérieurs de Mayence, Senlis et Sénon des XIIIe et XIVe siècles publiés par E. Martène5431. La prieure du monastère de Sainte-Paxède d’Avignon possède à sa mort en 1587 neuf bagues en or, contenues dans un petit coffret a tenir d'aneaulx, dans son cabinet, qui indiquent également son goût pour ce petit bijou, l’un des seuls sans doute qui soit accepté dans l’enceinte du couvent. La plupart d’entre elles ne semblent comporter qu’une pierre : une hématite brune (amatyte tanette), une autre hématite ou une agate verte (agate verde), une hyacinthe (jassinte) assez grande et assez belle5432, un grand rubis, deux petits rubis, un assez grand rubis qui me semble estre trop fin, une turquoise (tourquese, turquese). Seul un anneau, décrit dans un premier temps avec ung diamant en poincte se révèle dans une quittance être entouré de douze autres petits diemans5433. Entre l’inventaire et la quittance, quelques semaines plus tard, l’une des bagues avec un rubis a disparu. La bague est un des principaux attributs des ecclésiastiques de haut rang, que ce soit les évêques, les cardinaux ou bien encore le pape. Ils sont les seuls officiants à avoir le droit d’arborer une bague lors des cérémonies religieuses. Dans un décret papal, Grégoire IV (827 844) spécifie que la bague doit être portée à la main droite, main avec laquelle est donnée la bénédiction5434. Cette bague est le signe de leur mariage avec le Christ, avec la foi. Pour le pape Innocent III, « l’anneau que l’évêque porte au doigt est l’emblème de la grâce du SaintEsprit, et l’or avec lequel il est fait, aussi bien que sa forme circulaire, signifie la perfection de ses dons que Jésus a reçu sans mesure, puisqu’en lui habite corporellement la plénitude de la Divinité »5435. La bague est un objet qui accompagne le pape, le cardinal ou l’évêque jusque dans sa sépulture. D’après le Speculum Ecclesiae, écrit dans le troisième quart du XIIe siècle, les clercs doivent être inhumés avec le costume dans lequel ils ont reçu les ordres : le prêtre avec l’ornement qu’il porte à l’autel, le moine avec la robe de son ordre, l’évêque avec sa bague, parce qu’il est époux. Quant au prêtre, il n’en portera pas car il n’est qu’un des amis ou l’un des vicaires de l’époux5436. En Provence, des bagues ont été découvertes dans des caveaux d’évêques à Digne (fig. 554, n° 15 et 16) et à Fréjus (fig. 554, n° 13). Les sources textuelles 5430 Martène 1735-1737, p. 541. Ibid., p. 542-548. 5432 Variété de zircon de couleur jaune rougeâtre. 5433 AD Vaucluse, 1 G 390, f° 445 v° (inventaire) et 450 v° (quittance). 5434 Campbell 2009, p. 46. 5435 Barraud 1864, p. 125, 136, 146-147, 214. 5436 Martène 1735-1737, t. II, p. 1031-1032 (livre III, cap. XII) ; Barraud 1864, p. 103-104. 5431 1173 3. Approche croisée du mobilier archéologique provençales illustrent également cette coutume. En 1324, par exemple, le pape Jean XXII achète une bague pour un pauvre évêque prédicateur qui doit être enterré5437. Lors de l’ouverture de la sépulture de ce pape à Notre-Dame des Doms à Avignon en 1759, il est retrouvé sur son buste, fermant une chape, une « aggraffe d’ivoyre… émaillée, de la grandeur d’une pièce de 60 sols, sur laquelle étoit la figure d’un triangle à l’honneur de la très SainteTrinité, et toute entourée de petites perles » et à sa main « une bague d’or avec une émeraude fausse »5438. Un compte de frais de funérailles de l’évêque de Marseille Aimar Amiel à la date du 9 janvier 1334 mentionne le fait que le corps fut inhumé avec les vêtements noirs, la bague, les gants et la mitre qu’il portait de son vivant : pro vestibus nigris, anulo, cirothecis et mitra, que corpus domini episcopi secum portavit ad dictam Avinionensem ecclesiam, in qua fuit tumulatum5439. Le pape possède différentes sortes de bagues pour des usages particuliers. L’anneau du pêcheur représente l’apôtre Pierre en pêcheur tirant son filet plein de poissons de la mer. Remis au pape, le jour de son élection, il est à l’origine utilisé par celui-ci pour sceller des lettres privées puis, dans un second temps, au cours du XIVe siècle, certains documents publics. Après la mort du pape ou après sa renonciation à la fonction, l’anneau est détruit5440. Il n’apparaît pas dans les sources provençales. Deux autres anneaux sont également utilisés par le pape : l’anneau papal, porté quotidiennement, l’anneau pontifical, exhibé lors des cérémonies pontificales5441. Les bagues appartenant au pape, fabriquées ou achetées pour le pape, apparaissent très régulièrement dans les comptes des dépenses de la chambre apostolique d’Avignon. Elles pouvaient être rangées dans une petite caisse en argent comme celle qui est mentionnée en 1341 dans le Trésor pontifical, 1 parva caxa argenti pro anulis tenendis5442. Des bagues sont aussi notées comme appartenant au Trésor papal : ces bijoux, qui ne sont sans doute plus utilisés par le souverain pontife, sont en or, rarement en argent ou en laiton5443. Leur nombre est très variable – entre une et 42 bagues – selon les années, dans la première moitié du XIVe siècle, car les mouvements de fonds sont particulièrement 5437 Schäfer 1911, p. 253. Müntz 1887, p. 282. 5439 Albanès et Chevalier 1899, pièce 461. 5440 Barraud 1864, p. 109-112. 5441 Ibid., p. 112. 5442 Schäfer 1911, p. 15. 5443 En 1342, le trésor compte quatre anneaux d’argent et deux anneaux de latone (Schäfer 1911, p. 16). 5438 1174 3. Approche croisée du mobilier archéologique importants. La nature des pierres (lapidus) qui ornent les bagues n’est pas toujours spécifiée mais le saphir est de loin le plus courant (saphirus). En 1336, une topaze (stopazius) est présente sur une bague en or. Onze ans plus tard, il est inventorié un anneau sigillaire avec une cornaline vraisemblablement gravée, 1 anulum cum 1 cornelina pro sigillo, ainsi que deux anneaux pontificaux dont le chaton possède un serti de cristal de roche entouré de pierres, 2 anulos pontificales cum lapidibus de cristallo in medio et lapillis quibusdam in circuitu5444. Une autre bague pontificale apparaît dans le Trésor en 13395445. Toutes ces bagues ont pu être réutilisées pour la fabrication d’autres objets : en 1345, l’orfèvre Menuchio est payé pour la fabrication d’une rose d’or pour laquelle une bague avec un saphir fut extraite du Trésor papal5446. Les comptes des dépenses de la chambre apostolique ne mentionnent que rarement les bagues pontificales, probablement parce que leur statut n’est pas toujours spécifié. Cet ornement pouvait être fabriqué immédiatement après la prise de fonction du pape : un an après l’élection de Jean XXII en 1316, le mercier Henri Corboli est remboursé des 46 florins qui furent nécessaires à la fabrication d’un anneau pontifical en or avec quatre émeraudes et quatre perles5447. Celui ci est réparé la même année (pro paratura annuli pontificalis)5448. En 1345, l’orfèvre Marc Lando est chargé d’extraire trois rubis balais d’un anneau pontifical et trois saphirs d’une autre bague pour les disposer avec six grosses perles et trois grosses émeraudes sur un anneau donné au Dauphin Humbert II de Viennois5449. En 1356 et 1360, le marchand Nicolas Grimaldi, originaire de Lucques, est chargé de faire procéder à la réparation de l’anneau pontifical pour respectivement 7 et 5 florins, pro reparatione I anuli pontificalis pape 5450. Lors de l’inventaire du trésor de la cathédrale de Grasse en 1423, il est 5444 Schäfer 1911, p. 21. L’emploi du terme lapillis est ici surprenant, Du Cange définit ce terme par « pierre de bornage » ou par « calculs urinaires ». 5445 Schäfer 1911, p. 14. 5446 Schäfer 1914, p. 313. La rose d’or était un cadeau offert par le pape le quatrième dimanche de Carême à un personnage qu’il souhaitait honorer. Le musée des Thermes de Cluny à Paris en conserve un exemplaire avec un saphir au milieu de la fleur principale. Il fut donné en 1330 par Jean XXII à Rodolphe III de Nidau, comte de Neufchâtel (Thermes de Cluny 2003, p. 90-91). 5447 Ibid., p. 242. 5448 Ibid., p. 202 5449 Ibid., p. 314. 5450 Ibid., p. 633 ; même formule pour les deux dates. 1175 3. Approche croisée du mobilier archéologique relevé des gants pontificaux avec deux pièces plates d’argent doré5451 et un anneau pontifical d’argent avec des pierres5452. La bague est un bijou parfois très précieux susceptible d’être offert au pape. En 1308, lors d’un dîner dans les environs d’Avignon auquel est présent Clément V, le cardinal de Pelegrue offre aux invités différents cadeaux, dont la valeur est proportionnée au degré d’intimité avec le pape. Les bagues y tiennent une place non négligeable. Il est par exemple offert au pape deux bagues (anella, florentin) ornées pour l’une d’un gros saphir (zafiro) et pour l’autre d’une grosse topaze (topazio) pour un total de 300 florins Les seize cardinaux présents et vingt autres convives reçoivent une bague avec des pierres de différentes qualités5453. À la fin des années 1310, le pape Jean XXII qui entretient d’excellentes relations avec le roi de France Philippe IV, reçoit de ce dernier différents cadeaux dont six bagues ornées chacune d’une seule pierre précieuse : Recepimus etiam duos magnos smaragdos, duos pulcros robinos et duos pulcros saphiros singulos singulis anulis decenter insertos5454. De nombreuses autres bagues sont mentionnées dans les comptes de la chambre apostolique parmi lesquelles se cachent peut-être des bagues pontificales. Il semblerait que toutes n’aient pas été à l’usage du pape même si cette indication est parfois donnée. À travers les achats comme à travers les réparations, auprès d’orfèvres ou par l’intermédiaire de marchands, il s’observe un goût préférentiel du pape Jean XXII pour les pierres rouges comme le rubis balais et plus encore pour du rubis sur les bagues. Certains exemplaires ont une turquoise, un saphir, un saphir tricolore en 1321 (zaphirus 3 colorum)5455 ou encore un péridot (perredodus) en forme de croix, cum lapide perredodo ad crucem. À cette bague acquise 4 florins en 1320, le pape fait rajouter deux deniers d’or et deux rubis5456. Très régulièrement, le pape fait restaurer (aptaturare) ces bijoux, par exemple une bague « avec un caillou de rubis » cum coda robino en 13215457, cinq bagues avec des grosses pierres pour 12 florins 8 sous 4 deniers en 13245458. En 1325, le marchand Richo Corboli fait remettre en état plusieurs bagues pour le pape et lui fournit quatre bourses de soie ad tenendum anulos5459. En 5451 Se reporter au n° 195 du catalogue Fastes du Gothique 1981 pour deux exemples en argent de ces appliques de gants pontificaux. 5452 Doublet 1907, p. 85. 5453 Muntz 1899, p. 404 ; Bosco 1913. 5454 Coulon 1894, p. 614. 5455 Schäfer 1911, p. 249. 5456 Ibid., p. 401, 403. 5457 Ibid., p. 248. 5458 Ibid., p. 444. 5459 Ibid., p. 456. 1176 3. Approche croisée du mobilier archéologique 1332, un orfèvre répare et brunit (inbruniturare) une bague avec un rubis et une feuille brillante posée au-dessous5460, artifice classique pour rendre la pierre plus lumineuse. En 1333, l’orfèvre Richard Armand fabrique pour le pape deux anneaux en or sur lesquels il pose deux rubis avec au-dessous la feuille nécessaire, cum folio necessario. Sept deniers et une picte d’or d’un autre anneau auront notamment été employés5461. Si les achats de bagues sont beaucoup moins coutumiers pour les papes avignonnais ultérieurs, il faut constater que Jean XXII s’est particulièrement fait remarquer par son goût pour l’orfèvrerie et les tissus et peaux précieux. Pour son successeur Benoît XII, les comptes de la chambre apostolique ne livrent aucun achat de bagues mais la remise par le pape, en 1338 et en 1340, d’une bague en or avec saphir aux orfèvres pour servir à la fabrication des roses d’or5462. De son côté, Clément VI fait sertir (incastare) en 1345 deux jaspes dans de l’or, le tout monté sur deux anneaux en argent pour 6 florins 7 gros5463. Onze ans plus tard, Innocent VI fait réparer une de ses bagues : à cet effet, il est acheté trois perles pour 37 florins, un diamant et une perle pour 12 florins et l’orfèvre est rémunéré 5 florins pour l’or et son travail5464. Sous le pontificat d’Urbain V, sont acquises en 1368, deux bagues avec rubis d’une valeur de 10 florins et une bague avec un saphir pour 4,6 florins5465. En 1369, l’inventaire du trésor apostolique mentionne une bague avec une cornaline en forme de lion, cum corniola ubi est forma leonis5466. Le pape Urbain V fait cadeau de deux anneaux et d’un Agnus Dei au roi de Chypre qui est venu le voir5467. Les données ne sont guère plus consistantes pour Grégoire XI : quatre bagues en or avec des pierres précieuses sont acquises en 1372, une bague en or avec saphir d’une valeur de 210 florins et une bague pour 233 florins 1/3 en 13755468. En 1374, le pape dépense 233 florins 1/3 pour le rachat de deux anneaux en or déposés en gages par Philippe de Marsille5469. À la mort du cardinal Pierre de Selve de Montyrac, en 1385, Clément VII reçoit par une disposition testamentaire 2300 florins et deux anneaux d’une valeur de 500 florins5470. En 1390, ce pape achète deux petites 5460 Ibid., p. 534. Ibid., p. 259. 5462 Schäfer 1914, p. 73 et 135. 5463 Ibid., p. 280. 5464 Ibid., p. 633. 5465 Schäfer 1937, p. 244 et 252. 5466 Müntz 1889-1890, p. 400. 5467 Hayez 1987, p. 21. 5468 Schäfer 1937, p. 416 et 617 ; Les florins de chambre à 28 sous ont été transformés en florins communs à 24 sous. 5469 Ibid., p 557. 5470 Müntz 1899, p. 12-13. 5461 1177 3. Approche croisée du mobilier archéologique bagues en or avec une pierre d’un prix de 12 florins auprès du lapidaire (lapidarius) Jacquemin de Compiègne, et les offrent à son chambellan Guillaume Bie5471. En 1391, ce pape offre un anneau d’un prix de 375 florins au duc de Bourgogne5472. Les cardinaux font partie des dignitaires ecclésiastiques à avoir le droit d’arborer une bague en tant qu’insigne de leur fonction lors des cérémonies liturgiques. Souvent, la couleur choisie est bleu et le saphir préféré, peut-être comme un rappel du ciel et donc du divin. Sous Jean XXII et Urbain V, cette bague fait souvent l’objet d’un achat spécial auprès du marchand attitré de la cour. Lors du consistoire de 1316, huit bagues en or avec des pierres variées, cum variis lapidibus, d’une valeur totale de 68 florins sont remises aux huit cardinaux qui viennent d’être nommés. Un autre exemplaire à 11 florins est donné en sus à l’un d’eux. L’année suivante, il est donné à Arnaud de Via une bague en or avec un saphir d’Orient (saphirus de oriente). En 1321, sept autres cardinaux se partagent trois bagues avec saphir, trois bagues avec émeraude (marandus) et une bague avec un rubis balais (balassius). Le pape offre en outre au cardinal Pierre des Prés de Montpezat, archevêque d’Aix-en-Provence, trois bagues dont une avec une émeraude et les deux autres avec un saphir dont un de 8 carats5473. Deux ans après leur ordination, les dix cardinaux créés lors du consistoire de 1327 reçoivent le chapeau rouge avec son cordon, mais seuls sept exemplaires d’une bague en or avec un saphir sont acquis, bijoux dont le prix total s’élève à 90 florins5474. Il est possible que trois bagues aient été extraites du trésor pontifical. Lors de l’élévation d’Anglic Grimoard au cardinalat en 1366, ce n’est plus le pape mais son frère qui lui offre une mitre, un anneau avec un saphir et un chapeau5475. Après une éclipse de près d’un demi-siècle dans les comptes de la chambre apostolique, des bagues sont à nouveaux remises aux cardinaux par le pape. En 1367, deux bagues en or avec saphir sont données au cardinal Guillaume d’Aigrefeuille, petit-cousin de Clément VI5476. L’année suivante, quatre bagues avec saphir d’un prix de 12 florins pour deux des exemplaires, de 24 florins et de 35 florins pour les deux autres, sont données à quatre des huit évêques5477. L’antipape Benoit XII remit aussi des bagues en or ornées d’un saphir, à 24 florins pièce, à trois cardinaux nommés en 14045478. 5471 Müntz 1888, p. 21. Ibid., p. 24. 5473 Schäfer 1911, p. 249. 5474 Ibid., p. 504. 5475 Hayez 1989, p. 42. 5476 Schäfer 1937, p. 243. 5477 Ibid., p. 221. 5478 Müntz 1899, p. 28. 5472 1178 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les évêques et certains autres prélats – des abbés ayant reçus cette faveur spéciale du pape par exemple5479 – avaient le droit de porter une bague comme attribut lors des offices divins5480. Quelques-uns obtenaient du pape cet anneau à l’occasion de leur consécration. En 1317, quatre prélats reçoivent ainsi du pape Jean XXII une bague avec saphir d’Orient pour un coût total de 26 florins, cinq autres une bague avec un rubis balais, un saphir ou une topaze (stypacius)5481. Tout comme les laïcs, les ecclésiastiques peuvent arborer des bagues dont la seule fonction est décorative. Lors de la succession de l’évêque d’Évora, en 1322, il est retrouvé six anneaux en or avec des rubis balais, vingt-deux anneaux en or avec des saphirs, un anneau d’or avec un rubis de peu de valeur, cinq anneaux d’or avec des émeraudes, trois anneaux d’or avec des topazes, un anneau d’or avec un béryl, un anneau d’or avec un jaspe, deux anneaux d’or avec une cornaline (corniolus), un anneau d’or avec une niccolus – une variété d’agate5482 –, une calcédoine et une sardoine, deux anneaux d’or avec des camées, etc.5483. À la fin de l’année 1334, Jean Arlaudi, héritier de l’évêque de Marseille Aimar Amiel reçoit unum anulum pontificalem de argento deauratum, in quo sunt V doubleti et quatuor perle5484. En 1342, Benoît XII, pour seulement 8 sous, offre deux anneaux et une chaîne (cathena) à un moine du Mont Cassin5485. Le 11 mars 1343, l’évêque de Marseille reconnaît la présence parmi les meubles du palais épiscopal d’un petit anneau avec un rubis balais et un second plus petit avec un rubis5486. En 1371, c’est Grégoire XI qui fournit une bague en or avec un rubis balais à plusieurs prélats consacrés dans la grande chapelle du palais des Papes, puis une bague en or avec un saphir d’une valeur de 28 florins à un nouvel évêque5487. Un inventaire du trésor du couvent des Dominicaines d’Avignon de 1498 enregistre quatre gants d’évêque bordés d’argent et de perles, un pectoral d’argent, un anneau épiscopal d’argent doré avec quatre rubis, un autre anneau orné d’une grande pierre, quatre mitres, une 5479 Barraud 1864, p. 113-124. En 1380, l’inventaire après-décès des biens au château de Cornillon-en-Trièves en Isère, de Guillaume Roger, comte de Beaufort, bien qui doivent être transmis à son fils le très célèbre Raymond de Turenne qui dévasta une partie de la Provence, enregistre un anneau épiscopal (annulus episcopalis). 5481 Schäfer 1911, p. 201 et 242. 5482 Article Nichilus du glossaire de Du Cange (1883-1887). 5483 Müntz 1899, p. 20-21. 5484 Albanès et Chevalier 1899, pièce 486. Le doublet est un assemblage de deux pièces superposées, cela peut-être deux pierres, deux portions de verre ou une pierre et une portion de verre (Cannella 2006, p. 207). 5485 Schäfer 1914, p. 149. 5486 Albanès et Chevalier 1899, pièce 521 : Item, unum anulum parvum, cum lapide pretioso de robin balays. Item, unum alium anulum magis parvum, cum lapide pretioso dicto robino. 5487 Schäfer 1937, p. 359. 5480 1179 3. Approche croisée du mobilier archéologique crosse, etc.5488. L’iconographie du sud-est de la France est riche en figurations d’évêques ou d’abbés arborant une ou plusieurs bagues, parfois de simples joncs (fig. 544 et 548), mais le plus fréquemment avec un chaton serti d’une pierre ou d’une cupule de verre (fig. 544, 546, 548). Notons qu’une représentation de Saint-Siffrein datée vers 1460-1470 le montre arborant à la main droite une bague avec une pierre en forme de cœur et à la main gauche un exemplaire avec un chaton en forme de cœur. Ces bijoux symbolisent d’autant plus l’union avec Dieu. Des bagues du corpus mobilier présentent ce même motif du cœur (fig. 552, n° 8 à 10). Dans l’iconographie, les bagues sont portées à tous les doigts, à un ou plusieurs exemplaires, sauf à l’auriculaire, et le plus souvent à l’index, au majeur et à l’annulaire. Elles sont bien plus nombreuses à la main des clercs dans l’iconographie que dans les sépultures de ces mêmes personnages. La tombe d’un évêque de Digne en contenait deux (fig. 554, n° 15 et 16), celle de l’évêque de Fréjus Louis de Boulhac une seule (fig. 554, n° 13). Un choix fut à l’évidence fait parmi les bijoux portés du vivant de ces personnages. Une ou deux pièces suffisaient à symboliser leur charge d’autant plus qu’ils étaient accompagnés d’une crosse et habillés ainsi que le prouvent dans les deux cas précédents des restes de tissu. La crosse est en ivoire à Digne5489, en bois couvert de cuivre doré et émaillé et caractéristique des productions limousines du XIIIe siècle à Fréjus5490. Le port de bagues, s’il est limité en tant qu’attribut de fonction aux seuls prélats, d’après les règlements liturgiques, n’en reste pas moins possible dans la vie courante. Les bagues apparaissent ainsi dans l’inventaire après-décès du prévôt marseillais Geoffroi de Roquemaillère en 1348 : une petite boîte contient cinq anneaux d’argent et un anneau d’or avec un grenat (cum granatum) ainsi que trois pierres fines (lapida fina) et trois petites pierres blanches5491. L’inventaire des biens d’un chanoine de Saint-Pierre d’Avignon, en 1465, relève dans un coffre, avec de l’argent en quantité, deux anneaux en or, l’un avec dix turquoises (turquesa), l’autre avec des pierres dont la nature n’est pas définie5492. Les doigts des bras reliquaires pouvaient aussi être ornés de bagues5493, ce bijou étant une marque de dignité dans la foi. L’inventaire du mobilier de la cathédrale de Digne mené en 5488 Girard et Requin 1912, p. 94. Étude en cours par M.-A. Chazottes, doctorante au LA3M. 5490 Boyer et Gauthier 1992, p. 283-287. 5491 Albanès et Chevalier 1911, pièce 1602. 5492 AD Vaucluse, 3 E 9 (1) 46, f° 147 r°. 5493 Le musée de la cathédrale de Pistoia conserve un reliquaire d’argent doré, daté de 1368 par une inscription, souvent désigné sous le nom de bras de saint Zenon à la main bénissant, dont les trois doigts levés comportent ou comportaient une bague au chaton en cristal de roche (Coulet 1979, p. 94). 5489 1180 3. Approche croisée du mobilier archéologique novembre 1341 rapporte la présence sur le bras reliquaire de saint Dommin d’une bague de belle qualité en or (unum anulum finum de auro) avec un grenat, donnée par l’évêque Elzéar de Villeneuve5494. Le prélat étant décédé un mois auparavant, la bague a pu être offerte grâce à une clause testamentaire. Dans l’église Saint-Mayol de Cipières dans les Alpes-Maritimes, le bras reliquaire de saint Mayol, en laiton doré, possède en 1482 une main en argent portant deux anneaux d’argent doré avec un serti de verre rouge et un autre de couleurs pers, an duobus anulis argenteis deauratis cum uno lapido [un mot barré] vitri rubeo et alio persso5495. En 1507, l’inventaire de la cathédrale de Vence dans les Alpes-Maritimes mentionne la présence de deux anneaux d’or et d’un anneau de laiton doré (anulum lothoneum deauratum) sur un bras reliquaire de Saint-Laurent5496. Dans la cathédrale d’Aix-en-Provence, c’est un bras de saint Mitre qui comporte quatre bagues à ses doigts5497. Bien que l’acte suivant ait été dressé hors du territoire provençal, il n’est pas inintéressant de s’y arrêter quelques instants puisqu’il concerne l’un des plus célèbres personnages de Provence, Raymond de Turenne. En 1380, l’inventaire après-décès des biens au château de Cornillon-en-Trièves en Isère, de Guillaume Roger, comte de Beaufort, biens qui doivent être transmis à son fils Raymond, enregistre dans la chapelle Saint-Martial unus alius annulus cum lapide rubeo cum armis Domini, vraisemblablement un anneau avec les armes d’un pape5498. Il est possible que les autres bagues citées dans ce document soient des bijoux de prélats : cinq bagues avec un grand rubis balais, deux grandes bagues avec un grand saphir oblong (saphirus oblongus), deux bagues en or avec de petits saphirs, deux autres bagues en or, l’une sans pierre, l’autre avec un saphir blanc. 3.4.7.2.Typologie des bagues Les bagues sont des objets d’une extrême variabilité morphologique mais une première distinction peut cependant être établie entre les bagues métalliques sans chaton (type A) et celles avec chaton sans serti (type B) ou avec serti (type C). Le type D regroupe des bagues métalliques d’un genre particulier puisqu’elles ont été fabriquées à partir d’un fil métallique. Le type E, enfin, rassemble les bagues non métalliques. 5494 Arnaud d’Agnel et Isnard 1913a, p. 121. Blanc 2008, p. 140, pièce 9. 5496 Blanc 1883, p. 63. 5497 Albanès 1883, n° 25. 5498 Papon 1777-1786, t. 3, p. LXVI. 5495 1181 3. Approche croisée du mobilier archéologique Aucun des types de bague déterminés ne peut faire l’objet d’une datation typologique car ces différents modèles sont connus depuis l’antiquité. Dans le détail, certaines formes ou certains décors sont toutefois susceptibles d’être circonscrits dans un intervalle de temps plus ou moins réduit. Les comparaisons ont donc été restreintes aux seuls objets analogues à ceux du corpus. On ne retrouvera donc pas l’ensemble des bagues contenues dans la bibliographie de comparaison rassemblée. Type A : Bague métallique sans chaton (fig. 549 et 550 ; fig. 551, n° 1 à 7) Les bagues du type A sont constituées d’un jonc obtenu par la fonte ou par déformation plastique. Certaines ne comportent aucune ornementation (sous-type A1), d’autres sont décorées par différents procédés (sous-type A2). Ces objets connus depuis l’Antiquité5499 sont indatables d’un point de vue morphologique. Les comparaisons avec la bibliographie ont donc été limitées aux seuls exemplaires qui sont en mesure de faire progresser la réflexion. Type A1 : Bague métallique sans chaton à jonc uni (fig. 549 et 550, n° 1 et 2) Quatre sous-groupes de bagues ont été différenciés selon leurs caractéristiques : jonc de section rectangulaire ou plat (sous-type A1a), jonc bombé à l’avers et plat ou légèrement concave au revers (sous-type A1b), jonc bombé à l’avers et au revers (sous-type A1c), jonc de section circulaire ou ovale (sous-type A1d). Type A1a : Bague métallique sans chaton à jonc uni à la section quadrangulaire (fig. 549, n° 1 à 6) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne : n° 32, remblai des XIVe - XVIe siècles ; n° 325, sépulture dans un caveau des XIVe - XVIe siècles ; n° 116, sépulture de femme adulte en cercueil des XVIIe - XVIIIe siècles ; n° 1152, sépulture des XVIIe - XVIIIe siècles. 5499 Se reporter par exemple à Raynaud et Manniez 1992, n° 27, 30 et 33, à Crummy (dir.) 2001, fig. 48. 1182 3. Approche croisée du mobilier archéologique Bouches-du-Rhône  Église Sainte-Madeleine, Aix-en-Provence : n° 4, couche de surface datée du XVIIe et XVIIIe siècle.  Les Thermes, Aix-en-Provence : n° 108, à l’annulaire droit d’un squelette, Époque moderne ; n° 110, dans une sépulture moderne. Gard  Cloître, Saint-Gilles : n° 2010-15, remblai postérieur au dernier quart du XVIIIe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1707, sol de bâtiment, n° 2919, niveau d’occupation, vers 1370/1375 - 1415/1420.  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 96-532 A, contexte inconnu. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 348, couche de dépotoir datée vers 1365 vers 1400. La plupart des bagues de section rectangulaire ou plate ont été mises au jour dans des remblais ou dans des contextes très récents, vraisemblablement en position secondaire. Quelques-unes proviennent de sépultures, mais une seule a été relevée à hauteur de la main d’un squelette, à l’annulaire droit. Certaines de ces bagues ont un jonc ouvert (fig. 549, n° 1, 2 et 5), probablement parce qu’il s’est cassé, même s’il n’est pas improbable que l’intention ait parfois été de permettre à la bague de s’adapter à différentes tailles de doigt. Cependant des joncs dont les extrémités s’inséraient dans le chaton par l’intermédiaire de fentes ont également existé. Quand le fait a pu être prouvé ou quand de fortes probabilités existent, ces objets ont été intégrés au type C. Les bagues du type A1a sont pour la plupart en alliage cuivreux et probablement toutes fabriquées par martelage d’une languette métallique enroulée sur elle-même, même si les traces de fabrication ne le prouvent pas toujours. La jonction des deux extrémités de la tôle, brasées l’une à l’autre, est parfois visible sous la forme d’une rainure ou d’un élargissement localisé du jonc. C’est le cas d’une bague découverte dans une sépulture postérieure au XVe siècle dans la cathédrale Notre-Dame-du-Bourg de Digne (n° 1152). Les traces de fabrication relevées sur les bagues sont rares. Pourtant, le raccord des extrémités du jonc a été observé par M.-F. Bonnefoi en 1969 sur deux spécimens retrouvés dans des 1183 3. Approche croisée du mobilier archéologique sépultures du second Moyen Âge sur le site de La Tour Saint-Laurent à Oze dans les HautesAlpes5500. Un exemplaire d’un jaune brillant, provenant du Baptistère de Saint-Maximin-laSainte-Baume est recouvert d’une couverte blanche, semble-t-il de l’argent d’après une oxydation noirâtre assez caractéristique (n° 96-532, contexte inconnu). Cette couverte a disparu au revers, certainement par l’effet du frottement sur le doigt. Dans une sépulture moderne du site des Thermes, la bague retrouvée, fabriquée par martelage dans une tôle fine comme le révèle des facettes, pourrait présenter les traces d’une couverte blanche (n° 108). Au castrum Saint-Jean de Rougiers, la bague est en tôle d’argent obtenue par martelage et provient d’un contexte de la fin de l’occupation du site (fig. 549, n° 4). Type A1b : Bague métallique sans chaton, à jonc uni bombé à l’avers et plat ou concave au revers (fig. 549, n° 7 à 19) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne : n° 682, sépulture des XIVe - XVIe siècles ; n° 9, ossuaire de réduction dans un caveau daté entre le XIVe et le XVIIe siècle ; n° 76, 100 et 331 à la main droite et n° 75 à la main gauche de squelettes du XVIIe ou XVIIIe siècle ; n° 49, du comblement d’un puits établi entre le XIVe siècle et le XVIe siècle ; 17 bagues dans des contextes postérieurs au XVe siècle dont six dans des sépultures, l’une d’elle retrouvée à une main gauche ; n° 765, 849, H.S. Bouches-du-Rhône  Les Thermes, Aix-en-Provence : n° 109, comblement de sépulture moderne ; n° 78, remblai de nivellement de caveau moderne ; n° 8, remblai d’Époque moderne ou contemporaine.  Église Saint-Blaise, Arles : trois bagues, remblais du XVIIIe siècle, un exemplaire H.S.  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : n° B5601919, sol d’habitat, seconde moitié XIIIe - début XIVe siècle.  Puget III, Marseille : n° 147, sépulture d’adulte du XIIIe siècle ; n° 92 a et b, à la main droite d’un squelette, XIIIe - début XIVe (?) siècle. 5500 Bonnefoi 1969, p. 28. 1184 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Tunnel de la Major, Marseille : n° 35, sépulture du XIIIe siècle. Gard  Maison des Chevaliers, Pont-Saint-Esprit : n° 72, contexte de la fin du XVIe siècle.  Cloître, Saint-Gilles : n° 2010-69, sépulture du milieu XVe - milieu XVIIe siècle ; n° 2010-14, remblai postérieur au dernier quart du XVIIIe siècle. Var  Le Brusquet, Bras : n° 4, H.S.  Place Formigé, Fréjus : n° 9, sépulture de datation inconnue ; n° 10, contexte inconnu.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 2089, couche de dépotoir, vers 1345 - vers 1360 ; n° 2764, couche de dépotoir, vers 1360 - vers 1370/1375 ; n° 20, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420.  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 84-11 et 12, travaux PTT, H.S ; six objets de contexte inconnu. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 476, contexte postérieur au XIVe siècle ; n° 469, NDS.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 683, couche de dépotoir mise en place entre vers 1365 et vers 1400.  Place de la Principale, Avignon : cinq bagues au contexte de datation inconnu. Les bagues de ce groupe sont bombées à l’avers et plates au revers, avec parfois des replats latéraux. Dans quelques cas, l’avers est très légèrement concave (fig. 549, n° 14, 16 et 17)5501. La plupart des bagues sont en alliage à base de cuivre – deux bagues ont leur surface étamée (fig. 549, n° 19) – et deux bagues sont en argent (fig. 549, n° 17)5502. La majorité des bagues métalliques possédant des replats latéraux présentent des traces de limage à l’intérieur du jonc (fig. 549, n° 12 et 13 ; fig. 557, n° 1)5503. Les objets fabriqués par martelage peuvent être limés sur une portion de leur surface pour éliminer des imperfections mais c’est une étape plus usuelle sur le mobilier obtenu par la fonte, il intervient alors après 5501 Les trois autres exemplaires dans ce cas sont : SBL 82.I.1.68 de l’Église Saint-Blaise d’Arles ; n° 10 de la place Formigé, Fréjus ; n° 94-240 du site du baptistère de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume. 5502 Il faut y rajouter le n° 9 de la Place Formigé à Fréjus. 5503 Les objets n° 310 du site de la cathédrale Notre-Dame du Bourg de Digne et n° SBL 82.I.1.35 de l’Église Saint-Blaise d’Arles sont aussi concernés. 1185 3. Approche croisée du mobilier archéologique l’étape de l’ébarbage. D’autres exemplaires ont été créés à partir d’une tôle martelée sur la corne d’une enclumette ou d’un fil tréfilé dont les extrémités aplaties (fig. 549, n° 7) ont été, soit brasées l’une sur l’autre (fig. 549, n° 19 ; fig. 557, n° 1), soit simplement mises en contact (fig. 549, n° 9, 15 et 17)5504. Une pastille de métal a même été rajoutée au revers du jonc d’un spécimen, mis au jour dans le baptistère de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (n° 94240), pour renforcer la liaison. Le rendu du travail n’est pas meilleur sur une pièce de l’Impasse de l’Oratoire où la jonction des deux extrémités du jonc est patatoïde (fig. 549, n° 7). Il est curieux de remarquer que les bagues dont la soudure des extrémités est visible correspondent pour une grande partie à celles dont le revers du jonc est légèrement concave. Sur la bague n° 76 de la cathédrale Notre-Dame-du-Bourg de Digne (fig. 549, n° 8), le revers du jonc est marqué par deux rainures près de chaque bord, l’une d’elles apparaissant sur toute la circonférence. Ces traces se retrouvent également sur d’autres bagues (fig. 557, n° 12 à 14) dont la fabrication par martelage est plus qu’évidente, la jonction des deux extrémités aplaties étant parfaitement visible. Actuellement, aucune explication n’a pu être donnée à la présence de ces rainures. Pour la grande majorité des objets, le martelage est vraisemblablement une étape du processus de leur fabrication même si, pour la plupart d’entre eux, il est impossible de le prouver par une simple observation visuelle. L’origine de ces bagues est très homogène : la presque totalité des exemplaires proviennent de zones funéraires, un quart des pièces ayant été découvertes dans des sépultures, mais la position de ces objets n’est connue que dans quelques cas. Lors des opérations archéologiques menées à Notre-Dame du Bourg à Digne, cinq bagues du type A1b ont été notées en place sur des squelettes, trois à la main droite, deux à la main gauche ; dans les recherches menées à Marseille, un corps inhumé au XIIIe siècle ou au début du XIVe siècle – fouilles de Puget III – conservait deux bagues à la main droite. Bien que retrouvé hors stratigraphie, un ensemble de deux probables bagues, de section circulaire et liées par l’oxydation, a été récolté lors des fouilles de l’église Saint-Laurent à Grenoble en Isère5505. 5504 Trois autres bagues comportent de telles traces visibles : le n° 94-240 du site du baptistère de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, le n° 10 de la place Formigé à Fréjus, le n° SBL 82.I.1.68 de l’Église Saint-Blaise d’Arles. 5505 Colardelle 1999, t. 2, p. 40. 1186 3. Approche croisée du mobilier archéologique Type A1c : Bague métallique sans chaton, à jonc uni bombé à l’avers et au revers (fig. 549, n° 20 à 26) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne : n° 105, 108, 109, 147, 1153, dans des sépultures du XVIIe ou XVIIIe siècle, dans un cas à la main gauche, pour un autre à la main droite ; n° 135, 187 B, remblai postérieur du XVIIe ou XVIIIe siècle. Bouches-du-Rhône  Les Thermes, Aix-en-Provence : n° 105, peut-être retrouvée au doigt d’un squelette inhumé à l’Époque moderne.  Église Saint-Blaise, Arles : SBL XX-37, remblai du XVIIIe siècle.  Les Fédons, Lambesc : n° 10, sépulture de pestiféré, 1590.  Tunnel de la Major, Marseille : n° 44, sépulture dans un caveau du XIIIe siècle. Gard  Maison des Chevaliers, Pont-Saint-Esprit : n° 71, contexte du milieu du XIVe siècle.  Cloître, Saint-Gilles : n° 2010-67, sépulture d’un jeune adulte, datation C14 à deux sigmas de 1295 - 1409 ; n° 2010-68, sépulture d’adulte féminin du milieu XVe milieu XVIIe siècle ; n° 2010-70, à l’annulaire gauche d’une sépulture d’adulte féminin, XIIe - milieu XVIIe siècle ; 2010-71, sépulture du milieu XVe ( ?) - milieu XVIIe siècle. Var  Bagatelle/Abreuvoir Saint-Michel, Châteauvert : n° 5, sépulture féminine, à un doigt, fin XIIe - XIVe s.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3542, couche de dépotoir associée à l’effondrement d’un bâtiment, vers 1360 - vers 1370/1375.  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : 93-53, 94-109, 94-226, 94-244, 94249, contextes inconnus ; 84-10 B, H.S. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 471, H.S. La section de ces bagues, presque toutes mises au jour dans des zones funéraires, prend ordinairement une forme en amande, parfois losangique (fig. 549, n° 21). Le 1187 3. Approche croisée du mobilier archéologique développement du bombement n’est pas toujours homogène entre l’avers et le revers. À l’exception d’un exemplaire en or retrouvé dans un caveau du XIIIe siècle lors des fouilles du Tunnel de la Major (fig. 549, n° 23), toutes sont en alliage cuivreux. Un spécimen (n° 2010-70) fut découvert à l’annulaire gauche du squelette d’une femme adulte (XIIe milieu XVIIe siècle) à l’emplacement du cloître de Saint-Gilles, un autre (n° 109) à la main gauche dans une inhumation postérieure au XVe siècle dans la cathédrale Notre-Dame-duBourg à Digne. Un troisième objet pourrait, quant à lui, avoir été découvert « au doigt » sur un individu (n° 105) enseveli sur le site des Thermes à Aix-en-Provence. Sur le site de l’abreuvoir Saint-Michel à Châteauvert, une bague (fig. 549, n° 21) fut relevée près d’un doigt d’un corps féminin retrouvé avec des éléments de ceinture du XIVe siècle. La jonction des extrémités de la tôle ayant servi à l’obtention du jonc est visible. Deux bagues découvertes lors des fouilles du baptistère de Saint-Maximin-la-SainteBaume présentent en l’occurrence d’évidentes traces d’une fabrication par martelage. Sur l’une d’elles, la jonction des deux extrémités aplaties et superposées du jonc a été révélée par l’oxydation, peut-être à cause d’une mauvaise brasure (fig. 557, n° 2). Des traces de lime sont visibles sur la bague. Le revers du jonc est marqué par une rainure au tracé irrégulier, décentrée vers un côté, visible sur presque toute la circonférence. La rainure est antérieure à la jonction des extrémités du jonc puisqu’elle continue sous la patte supérieure. L’existence d’une telle trace a déjà été mentionnée pour une bague du sous-type précédent mais son origine est indéterminée. La régularité de ces rainures contraste avec la dépression de largeur et de profondeur non uniformes perceptible au revers d’une bague en argent (fig. 549, n° 26 ; fig. 557, n° 3). Type A1d : Bague métallique sans chaton, à jonc uni à la section circulaire ou ovale (fig. 550, n° 1 et 2) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne : n° 3, à l’annulaire gauche d’un individu inhumé au XVIIe - XVIIIe siècle ; n° 373, H.S. 1188 3. Approche croisée du mobilier archéologique Bouches-du-Rhône  Les Thermes, Aix-en-Provence : n° 104, possiblement à un doigt d’un corps enseveli à l’Époque moderne.  Les Fédons, Lambesc : n° 56, à l’auriculaire droit d’une pestiférée, 1590. Var  Bagatelle/Abreuvoir Saint-Michel : n° 6, au doigt d’un squelette, Fin XIIe - XIVe s. Les anneaux sans chaton à jonc uni de section ovale ou circulaire sont des objets particulièrement courants ainsi que l’illustrent les types A1d et A3 de la typologie des anneaux et boucles. Leur forme les rend aptes à de multiples fonctions. Certains ont eu une fonction de bague : c’est le cas d’un exemplaire au jonc de section circulaire conservé à l’auriculaire droit d’une femme inhumée en 1590 aux Fédons à Lambesc et d’un spécimen au jonc de section ovale (fig. 550, n° 1) relevé à l’annulaire gauche d’un squelette postérieur au XVe siècle, dans la cathédrale Notre-Dame-du-Bourg à Digne5506. Sur ce même site, un anneau en argent (fig. 550, n° 2) récolté hors stratigraphie possède un cadre de section ovoïde. Il est plus que probable au vu des dimensions et de la qualité du matériau qu’il s’agisse d’une bague. Sur le site des Thermes, à Aix-en-Provence, une sépulture a livré une bague de type A1c et une possible bague de type A1d. Il est signalé dans les archives de fouille que l’une d’elles a été découverte « au doigt » d’un individu enterré durant l’Époque moderne mais il n’est pas précisé laquelle. Dans le Var, sur le site de l’Abreuvoir Saint-Michel à Châteauvert une bague a été découverte « au doigt » d’un squelette inhumé entre la fin du XIIe siècle et le XIVe siècle5507. La présence d’« anneaux » à jonc uni de section ovale ou circulaire dans une sépulture doit-elle conduire à interpréter ceux-ci comme des bagues ? Deux anneaux en alliage cuivreux de section ovoïde ont été retrouvés sur le côté gauche (n° 2010-6) ou à l’extérieur du fémur gauche (n° 2010-1) de squelettes d’adultes masculins à l’emplacement du cloître de SaintGilles. Toutefois, ces objets n’étaient pas en connexion avec des phalanges. Rien ne prouve formellement qu’il s’agisse de bagues. Leurs dimensions contredisent d’ailleurs cette hypothèse ; ils font en effet 3,3 et 4,3 cm de diamètre. Cependant, il est plausible que de très nombreuses bagues du type A1d échappent à toute identification : en effet, pour établir un 5506 Objet n° 3 de l’inventaire du site : d externe x d interne x l jonc x e jonc = 2,1 x 1,7 x 0,17 x 0,22 cm 5507 Objet n° 6 du catalogue du site, d x d jonc : 2,05 x 0,12 cm. 1189 3. Approche croisée du mobilier archéologique parallèle, une trentaine d’anneaux des types A1d et A3 de la typologie des anneaux et boucles affichant un diamètre interne compris 1,4 et 2,1 cm – tailles des bagues les plus communes actuellement – ont été mis au jour dans des zones funéraires en Provence. Type A2 : Bague métallique sans chaton, à décor (fig. 550, n° 3 à 18 ; fig. 551, n° 1 à 7) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne : n° 695, ossuaire des XIVe - XVIe siècles ; n° 166, sépulture des XVIIe - XVIIIe siècles ; 14 A, 65, 665, remblais des XVIIe - XVIIIe siècles.  Église Saint-Mary, Forcalquier : n° 1, ossuaire de fin XIVe - début XVe siècle.  Motte, Niozelles : n° 9, occupation, dernier quart Xe - premier tiers XIe siècle. Bouches-du-Rhône  Inconnu, Arles : n° FAN 92.00.2324, H.S.  Castrum de Montpaon, Fontvieille : n° 2010-196, sol extérieur, première moitié XIVe s. Gard  Maison des Chevaliers, Pont-Saint-Esprit : n° 73, contexte du XVe siècle ; n° 74, remaniement d’Époque moderne.  Cloître, Saint-Gilles : n° 2010-66, sépulture datée entre le XIIe et le milieu du XVIIe siècle. Var  Le Brusquet, Bras : n° 2, H.S.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3766, sol de bâtiment, milieu XIIIe siècle - vers 1285. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 87, couche datée entre fin XVe - début XVIe siècle.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 398 et 700, couches de dépotoir datée vers 1365 - vers 1400.  Place de la Principale, Avignon : n° 1995-35, 1995-81, 1995-87, contexte de datation inconnue. 1190 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Quartier de la Balance, Avignon : n° 5, H.S.  Rue Banasterie, Avignon : n° 27, contexte de datation inconnue.  Rue Carreterie, Avignon : n° 290, contexte inconnu. Les bagues de ce type comportent un décor poinçonné, gravé ou en relief qui s’étend la plupart du temps sur l’ensemble du jonc. Les exemplaires à décor exclusivement en relief (fig. 550, n° 3 à 10) présentent pour certains un bombement central encadré soit par deux replats étroits (fig. 550, n° 3) ou plus larges (fig. 550, n° 6), soit par des ressauts (fig. 550, n° 4), ou bien affichent une ou plusieurs rainures (fig. 550, n° 5 et 7) parfois localisées (fig. 550, n° 8). L’interprétation en tant que bague de ce dernier objet (non retrouvé) est incertaine. Dans le canton de Genève en Suisse, dans l’église Saint-Georges d’Hermance, une bague avec un bombement central a été retrouvée à hauteur des mains d’un corps dont la date d’inhumation n’est pas renseignée dans la publication5508. Un autre spécimen, ramassé hors stratigraphie lors de travaux au château de Grézian dans les Hautes-Pyrénées, comporte une file d’ocelles de chaque côté du bombement central. De la céramique des XIIIe/XIVe - XVIe siècles l’accompagnait5509. Les ocelles sont remplacées par des points sur une empreinte d’un des moules à bagues retrouvé dans un atelier métallurgique du XIVe siècle et de la première moitié du XVe siècle au Mont-Saint-Michel, atelier qui fabriquait également des enseignes de pèlerinage et d’autres menus objets en matériau blanc ou en alliage à base de cuivre5510. D’autres bagues comportant des incisions sur le bombement central telles que trois artefacts en laiton ou en alliage de cuivre, de zinc et d’étain sont issus de contextes de la première moitié du XVe siècle5511. Une autre bague au décor estampé possède une file de petites perles installées dans une rainure (fig. 550, n° 9). Le jonc, ouvert, présente deux extrémités caractérisées par un resserrement puis un élargissement final. Il semble que le jonc n’ait jamais été fermé. L’élasticité du matériau permettrait ainsi d’adapter la bague à des tailles de doigts différents. Pour d’autres bagues, cette ouverture peut être le résultat d’une brasure qui a cédé (fig. 550, n° 4 et 6) ou d’une fracture (fig. 550, n° 6). La technique de fabrication de ces bagues n’est 5508 Bonnet 1973, p. 90. Petiteau 2008, p. 229-230. 5510 Vivre au Moyen Âge 2002, notice 266 et 267 ; Poster intitulé « L’artisanat du plomb-étain au travers des moules d’objets de pèlerinage au Mont-Saint-Michel aux XIVe et XVe siècles (France) » présenté par Françoise Labaune à l’occasion du colloque « Medieval copper, bronze and brass », tenu à Dinant et Namur du 15 au 17 mai 2014. 5511 Egan et Pritchard (dir.) 2002², n° 1627 à 1629. 5509 1191 3. Approche croisée du mobilier archéologique pas toujours aisée à mettre en évidence. Quelques-unes d’entre elles pourraient avoir été obtenues par la fonte (ex : fig. 550, n° 6, 11), les autres par passage à travers la filière ou travail de la tôle. Quelques bijoux offrent un décor géométrique ou floral gravé sur une tôle (fig. 550, n° 12 à 16) ou issu de la fonte (fig. 550, n° 17). Les motifs se décomposent en : trois couples de cercles tangents à des lignes faisant le tour du jonc (fig. 550, n° 12), un ornement de cordons tressés (fig. 550, n° 13), des suites de « Y » séparés par de petits traits (fig. 550, n° 14), treize triangles hachurés par, le plus souvent, quatre ou cinq incisions parallèles obliques (fig. 550, n° 16), de petites rosettes séparées par des triangles (fig. 550, n° 17). Sur la surface d’une autre bague s’inscrivent des ocelles obtenus au moyen d’un poinçon circulaire creux (fig. 550, n° 15). Une bague, connue seulement par son dessin (fig. 551, n° 6), présente des modules en amande réunis par des nœuds et semble avoir comporté une ornementation gravée. Un autre objet (fig. 551, n° 4), en alliage cuivreux, pour lequel le point de réunion des extrémités de la languette s’observe aisément, présente une surface rongée par l’oxydation mais semble également conserver la trace d’une inscription gravée qui apparaît en réserve. Des bagues ont un décor obtenu en totalité ou partiellement par la fonte. La première comporte des bordures en relief couvertes de perles avec au centre des losanges remplis d’émail vert (fig. 550, n° 10). La seconde comprend trois motifs obliques issus de la fonte revenant alternativement – onze motifs au total (fig. 550, n° 11). Le jonc est moins épais à l’endroit d’une très légère interruption de l’arrondi interne accompagnée de deux traits incisés (?) à l’avers. L’empreinte d’un des moules à bagues du Mont-Saint-Michel montre une alternance de lignes obliques vierges et de lignes obliques de points5512. Deux bagues du corpus présentent des bordures gravées de traits obliques encadrant des motifs incisés et/ou poinçonnés : pour l’une (fig. 550, n° 18), des « L » gravés (poinçonnés ?) entre des rosettes, pour l’autre (fig. 551, n° 3), des signes gravés de nature indéterminée sur un bombement central. Des signes semblables s’observent sur une bague de la seconde moitié du XIIe siècle ou du début du XIIIe siècle provenant d’une sépulture dans l’église Saint-Laurent de Grenoble en Isère5513. L’objet du corpus est-il une pâle imitation de bagues de qualité supérieure comportant des inscriptions ? 5512 Vivre au Moyen Âge 2002, notice 266 et 267 ; Poster intitulé « L’artisanat du plomb-étain au travers des moules d’objets de pèlerinage au Mont-Saint-Michel aux XIVe et XVe siècles (France) » présenté par Françoise Labaune à l’occasion du colloque « Medieval copper, bronze and brass », tenu à Dinant et Namur du 15 au 17 mai 2014. 5513 Colardelle 1999, t. 2, p. 40 ; Colardelle 2008, p. 287. 1192 3. Approche croisée du mobilier archéologique Des messages religieux se lisent sur certaines bagues du corpus confectionnées à partir d’une tôle. Un spécimen découvert hors stratigraphie (fig. 551, n° 1), apparemment en alliage d’argent et de cuivre, comporte le message S(AINTE) ANNE P(RIEZ) P(OUR) N(OUS). L’inscription, incisée avec maladresse, a pu être faite par le porteur lui-même. Le point de jonction des extrémités de la tôle est parfaitement visible. Deux bagues en argent mises au jour dans des contextes du XVe siècle et d’Époque moderne dans la maison des Chevaliers à Pont-Saint-Esprit présentent une inscription gravée. Il se lit sur la première + AVE MARIA (fig. 551, n° 2), salutation à la Vierge : doit-on y voir un caractère de dévotion ou un objet apotropaïque ? Une bague à chaton sans serti découverte hors stratigraphie à l’emplacement d’un cimetière à Ovindoli dans la province de L’Aquila en Italie comporte la même inscription mais les lettres sont séparées par de petits carrés5514. Une deuxième bague, incomplète, porte le message O(RATIO PRO) S(ANCTA) M(ARIA) M(AGDA)LENA (fig. 551, n° 5). Ce bijou comporte une petite tôle découpée et brasée sur le jonc en forme de personnage féminin (fig. 557, n° 4 et 5). La même figure, probablement Marie-Madeleine, s’observe sur une bague très similaire, également en argent, à l’inscription plus complète, ORA(TIO) PRO S(ANCTA) M(ARIA) MAGDALENA, découverte à Digne dans un ossuaire des XIVe - XVIe siècles (fig. 551, n° 7). La jonction des extrémités de la tôle est renforcée par brasure d’une seconde petite tôle au revers. La première de ces deux bagues a été découverte en position résiduelle sur un site avec une forte occupation des XIVe - XVe siècles. La seconde provient d’un ossuaire qui appartient à une phase funéraire datable des XIVe - XVIe siècles. Une troisième bague en argent retrouvée dans une sépulture féminine probablement datable de la seconde moitié du XVIIe siècle, d’après une médaille très particulière, dans l’église Saint-Pierre de Montmartre à Paris, présente la même invocation O(RATIO) P(RO) S(ANCTA) M(ARIA) M(AGDALENA). Le fouilleur a lu par erreur S.M. MAGDALENA O.B. et a interprété ce bijou comme une bague de religion appartenant à une moniale, donc marquée du nom de sa propriétaire5515. Peut-être ces bagues ont-elles été vendues à SaintMaximin, sanctuaire où sont conservées des reliques de sainte Marie-Madeleine. Peut-être même étaient-elles mises en contact avec les reliques pour une transmission de son pouvoir miraculeux. Bien que le témoignage de A.-L. Millin soit beaucoup plus tardif, ce voyageur remarque au début du XIXe siècle, lors de sa visite du sanctuaire de Saint-Maximin qu’il y a « une boîte remplie d’anneaux de verre, que l’on fait toucher à la châsse, et que l’on distribue 5514 5515 Redi et Malandra 2003, p. 399, fig. 6, n° 5. Périn 1982, p. 64. 1193 3. Approche croisée du mobilier archéologique à six sous pièce »5516. Les bagues avec un message courtois ou religieux gravé à l’extérieur ou à l’intérieur du jonc sont assez courantes parmi les exemplaires orfévrés5517, lesquels ont très certainement inspiré les bagues en alliage cuivreux. Type B : Bague métallique à chaton, sans serti (fig. 551, n° 8 à 17 ; fig. 552) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne : n° 34, sépulture d’une femme de 40/60 ans, XIVe - XVIe siècle ; n° 184 B, sépulture de femme adulte des XIVe - XVIe siècles ; n° 179, sépulture d’adulte en cercueil, XVIIe - XVIIIe siècle ; n° 1, 12, 153 et 162, remblai d’installation de sépulture des XVIIe - XVIIIe siècles ; n° 5 et 674, H.S.  Motte de Niozelles, Niozelles : n° 10, sol du premier tiers du XIe s. Bouches-du-Rhône  Cathédrale Saint-Sauveur, Aix-en-Provence : n° 94, remblai des XVIIe - XVIIIe siècles.  La Closeraie, Aix-en-Provence : n° 1, sépulture d’adulte des XVIIe - XVIIIe siècles.  Les Thermes, Aix-en-Provence : n° 107, sépulture, dans la région des mains, Époque moderne.  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL XX-14, remblai du XVIIIe siècle ; n° SBL 92.00.32, H.S.  Inconnu, Arles : n° X-16201, origine inconnue.  Les Fédons, Lambesc : n° 37, à l’annulaire droit d’un squelette, n° 47 à l’annulaire droit d’un homme, n° 62 à l’annulaire gauche d’un squelette, sépultures de pestiférées datées de 1590.  Église abbatiale Saint-Victor, Marseille : n° 796, remblai du XIe siècle.  Place Villeneuve-Bargemon, Marseille : n° 4, comblement de puits du XIVe - XVe siècle. 5516 5517 Millin 1807-1810, t. 3, p. 128. Campbell 2009, fig. 73A, 77 à 79, 98, 100, 101, 103, 104, 108 par exemple. 1194 3. Approche croisée du mobilier archéologique Gard  Cloître, Saint-Gilles : n° 2010-64, annulaire de la main droite d’un adulte, XIVe début XVe siècle ; n° 2010-65, remblai postérieur au dernier quart du XVIIIe siècle. Var  Église Saint-Pierre de l’Almanarre, Hyères : n° 1, contexte inconnu.  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 94-266, 96-24, 96-25, contextes inconnus.  Cadrix, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 408, à hauteur de la main d’un adulte, XVIe siècle. Vaucluse  Rue Banasterie, Avignon : n° 86, contexte de datation inconnue.  Rue Carreterie, Avignon : n° 293, contexte inconnu. Ce type rassemble une trentaine de bagues comprenant un chaton porteur ou non d’une décoration, obtenues par travail de la tôle (ex : fig. 551, n° 12 ; fig. 557, n° 11), par la fonte (fig. 551, n° 17 ; fig. 552, n° 7, 9, 11 et 13), par travail de la tôle et par la fonte (fig. 552, n° 18), par emboutissage et au moyen de la filière (fig. 552, n° 14). Un exemplaire arbore une rainure à l’avers d’origine inconnue (fig. 557, n° 12), caractéristique déjà signalée pour d’autres bagues. La jonction des extrémités de la tôle du jonc s’observe sur quelques exemplaires : à l’opposé du chaton (fig. 551, n° 12) ou sous le chaton qui est donc une pastille brasée sur celles-ci (fig. 551, n° 15, fig. 552, n° 8 et 10). Des traces de limage sont visibles à l’intérieur du jonc et à l’endroit des épaulements d’une bague (fig. 552, n° 4). À l’exception d’un exemplaire en fer (fig. 551, n° 13), de deux en argent (fig. 552, n° 10 et 15) et d’un en or (fig. 552, n° 18), toutes ces bagues sont en alliage cuivreux, éventuellement avec une couverte blanche (fig. 552, n° 12) ou de la dorure sur le chaton (fig. 551, n° 9). La bibliographie de comparaison ne contient qu’une seule bague en fer, avec un chaton sous la forme d’un élargissement du jonc, en provenance d’un dépotoir de la seconde moitié du XVIe siècle à Montbéliard dans le Doubs5518. Les bagues de type B sont connues depuis une l’Antiquité5519. Cependant, le brasage d’une tôle décorée sur le jonc pourrait être une évolution plus récente. Pour l’instant, les plus 5518 5519 Fuhrer 2000, p. 118, fig. 95. Ex : Raynaud et Manniez 1992, n° 28, 29, 31, fig. 135. 1195 3. Approche croisée du mobilier archéologique anciens artefacts sur lesquels cette technique a été reconnue sont d’époque mérovingienne : un jonc aux extrémités aplaties et disjointes a été retrouvé à l’annulaire de la main gauche d’un corps inhumé au VIe siècle dans l’église Saint-Pierre-des-Cuisines à Toulouse5520 et d’autres avec ou sans leur chaton sans serti dans le cimetière d’un village mérovingien à La Fresnesur-Moivre dans la Marne5521, dans des sépultures à Saint-Paul-les-Durance, Saint-Affrique, Sigean et Villarzel-Cabardès5522. Une bague mise au jour dans la sépulture d’une femme adulte inhumée entre la fin du XIIIe siècle et le XVe siècle se distingue par son chaton qui prend la forme d’une demi-sphère encadrée originellement de chaque côté de trois traits incisés sur le jonc (fig. 552, n° 15 ; fig. 557, n° 6). Les extrémités du jonc ont été réunies sous le chaton et le tout fixé par brasage. Un spécimen analogue en alliage cuivreux pourrait avoir été retrouvé dans un caveau de la fin du XIIIe siècle et du XIVe siècle de la Cité épiscopale de Vivier en Ardèche5523. Quelques bagues ne présentent pas ou plus d’ornementation visible sur le chaton (fig. 551, n° 9 à 11, 14), et pour une cinquième, il n’en reste que des traces imperceptibles (fig. 551, n° 12). Pour deux autres individus, une forte corrosion ne permet pas de percevoir de décor (fig. 551, n° 8, 13). Certains exemplaires du type B ont pu appartenir au type C4 dont la tôle de sertissage est brasée de chant sur les extrémités aplaties du jonc. Parmi les bagues à chaton décoré par gravure, un exemplaire du XIe siècle arbore un M dans un cadre (fig. 551, n° 15). Il pourrait s’agir de l’abréviation de « Maria » et donc être une invocation à la vierge Marie comme cela a déjà été signalé pour des accessoires de la ceinture (fig. 82). Il existe toutefois une possibilité pour que cette lettre soit le monogramme du propriétaire comme cela peut aussi être avancé pour un exemplaire gravé de deux M retrouvé dans un contexte du XVe siècle au castello de Montarrenti dans la province de Sienne5524. Au New College d’Oxford, un bijou orfévré des environs de 1400, en forme de M, comprend entre ses jambages la Vierge et l’Ange de l’Annonciation5525. Des exemplaires beaucoup plus tardifs sont gravés du monogramme MA(RIA) 5526 ou de la formule A(VE) M(ARIA) sur le chaton5527. 5520 Molet 1988, p. 133. Lusse et al. 1997, p. 85. 5522 Stutz 2003, pl. 76, n° 1112 à 1125. 5523 Esquieu 1988, p. 71. 5524 Cantini 2003, p. 177, n° 25. 5525 Campbell 2009, p. 43, fig. 40. 5526 France, Corrèze : une bague en alliage de cuivre et d’argent, remblai en zone funéraire, XVIIe XVIIIe siècle (Lintz 1988, p. 66, ph. 12) ; Isère : une bague en alliage cuivreux, émaillée, avec 5521 1196 3. Approche croisée du mobilier archéologique Sur un exemplaire au chaton octogonal probablement du XIVe siècle ou du début du XVe siècle (fig. 551, n° 17), il est gravé dans un cadre lui-même octogonal une croix fourchée, l’un des bras présentant trois pointes. Une croix fourchée à bras à trois pointes avec une pointe à la jonction des bras est estampée sur le chaton losangique d’une seconde bague ramassée dans un remblai des XVIIe - XVIIIe siècles de la cathédrale de Digne (fig. 551, n° 16). Dans l’église Saint-Laurent de Grenoble en Isère, une croix fourchée à bras à deux pointes est gravée sur le chaton d’une bague provenant d’une sépulture de la seconde moitié du XIe siècle5528. Elle présente le même chaton losangique relié au jonc par des étranglements que les bagues n° 1 et 179 de Digne (fig. 551, n° 14 et 16). Une autre bague découverte anciennement sur le site de la cathédrale Sainte-Marie à Nice possède le même chaton5529. Une croix fourchée à bras à trois pointes apparaît en relief positif dans un cadre circulaire de même que sur une bague à la datation non renseignée découverte dans l’église Sant’Andrea Apostolo à Villa d’Adda dans la province de Bergame en Italie5530. Aucun parallèle ne semble devoir être fait avec la croix de Malte. Les quatre bagues suivantes ont un chaton comportant un motif floral : une fleur de lys (fig. 552, n° 13), une fleur à six pétales avec de part et d’autre du chaton des incisions sur les épaules (fig. 552, n° 11), une fleur à cinq pétales parsemés d’incisions (fig. 552, n° 12), une applique florale emboutie dont le revers est recouvert de brasure pour sa fixation sur le jonc (fig. 552, n° 14). Ce dernier objet peut être rapproché d’une bague au chaton en alliage cuivreux monté sur un jonc en fer et représentant une fleur à six pétales. Elle fut découverte à l’annulaire de la main droite d’un adulte. Le défunt fut probablement inhumé au bas Moyen Âge, à La Tour Saint-Laurent à Oze dans les Hautes-Alpes5531. Une tôle en forme de trèfle ou de fleur à trois pétales incisée d’une lune surmontée d’une étoile est brasée sur le jonc d’une bague faisant partie du trésor de Colmar dans le Haut-Rhin, déposé par des juifs en 1349. Cet objet en or est attribué au XIIIe siècle ou à la première moitié du XIVe siècle5532. Huit bagues portent les lettres IHS sur le chaton. Elles correspondent initialement au trigramme grec IHƩ du nom de Jésus en grec ancien. Une translitération imparfaite en latin éléments de décoration en argent et en or, sépulture, XVIIIe siècle, église Saint-Laurent, Grenoble (Colardelle 1999, t. 2, p. 30, p. 428, 429-430 ; Colardelle 2008, p. 346). 5527 Bague en alliage cuivreux issue du comblement d’une sépulture du XIXe siècle du cimetière de l’église de Rigny-Ussé en Indre-et-Loire (Poirot et al. 1992, p. 146-147). 5528 Colardelle 1999, t. 2, p. 31 ; Colardelle 2008, p. 251. 5529 Thuaudet 2013, p. 276, fig. 5, n° 12. 5530 Ghiroldi 2007. 5531 Bonnefoi 1969, p. 29. 5532 Descatoire (dir.) 2007, p. 63, n° 17. 1197 3. Approche croisée du mobilier archéologique aboutit durant l’Antiquité tardive au monogramme IHS qui fut interprété de façons diverses : IESUS, HOMO, SALVATOR ou bien IESUM HABEMUS SOCIUM ou encore IESUS, HOMINUM SALVATOR. Le monogramme IHS fut repris au XVe siècle par les franciscains et notamment par saint Bernardin de Sienne qui l’utilisait souvent dans ses prédications puis par les Jésuites et saint Ignace de Loyola5533. Sur les bagues du corpus, ces lettres sont estampées en relief positif (fig. 552, n° 1 à 3, 5 et 6) ou gravées sur le chaton (fig. 552, n° 4 et 7), éventuellement encerclées de points (fig. 552, n° 3) ou dans un cercle (fig. 552, n° 4 et 7). Un trait peut souligner ces lettres et le H peut être traversé d’une croix (fig. 552, n° 4) ou d’une croix fourchée à deux dents dont le long bras inférieur se termine par une pointe de lance (fig. 552, n° 6). Les épaules de la bague peuvent être rehaussées (fig. 552, n° 4 et 7), estampées par ce qui pourrait être des lettres (fig. 552, n° 5) ou gravés de traits (fig. 552, n° 6). Deux exemplaires analogues ont été découverts dans le cimetière de pestiférés des Fédons à Martigues (fig. 552, n° 7). Une bague avec les initiales I.H.S. estampées, hors stratigraphie, est attestée pour l’église Saint-Laurent de Grenoble5534. Une autre, obtenue par la fonte, avec les lettres gravées dans un cartouche octogonal incisé, provient d’un niveau du XVe siècle du château d’Ortenbourg dans le Bas-Rhin5535. Sur le site d’un monastère de Récollets à Québec au Canada, un spécimen presque identique à l’artefact de Digne (fig. 552, n° 4), et interprété comme la possession d’un Jésuite, a été mis au jour dans un niveau daté entre 1682 et 17205536. Un deuxième objet similaire provient d’une tombe des XVIe - XVIIIe siècles découverte place de l’église à La Cavalerie dans l’Aveyron5537. À Rivière-sur-Tarn dans l’Aveyron, une bague du XVIe - XVIIe siècle provenant du cimetière de Saint-Segondde-Boyne est estampée du trigramme sommé d’un oméga et au-dessus de trois petites feuilles5538. Enfin, deux bagues obtenues par la fonte et aux lettres gravées, sans contexte stratigraphique connu, sont répertoriées dans le catalogue de la collection Franks5539 et dans le Salisbury et South Wiltshire museum medieval catalogue5540. Les données rassemblées conduisent à restreindre la datation des bagues portant cette inscription aux XVe, XVIe et XVIIe siècles. 5533 Barou et al. 1998, p. 295-298. Colardelle 1999, t. 2, p. 34. 5535 Rieb et Salch 1973, p. 242. 5536 Moos (dir.) 1988, p. 232. 5537 Poujol et Pujol 1999, p. 134. 5538 Parures 1990, p. 126, n° 219. 5539 Dalton 1912 n° 491, 514, 706, etc. 5540 Cherry 1991, n° 25. 5534 1198 3. Approche croisée du mobilier archéologique Le motif du cœur, peut-être un gage de l’amour qui unit deux amants, apparaît sur trois bagues du corpus datables de l’Époque moderne. Pour deux d’entre elles, il prend la forme d’une plaquette brasée sur le jonc et jouant le rôle de chaton (fig. 552, n° 8 et 10). Pour la dernière bague, le cœur est estampé en relief positif avec de part et d’autre du chaton, trois traits gravés à l’endroit des épaules (fig. 552, n° 9). Une bague datée stylistiquement des environs de 1250, conservée au Victoria and Albert Museum, comporte un cœur en tôle inséré dans une bague en or5541. Dans l’Aveyron, à Comprégnac et à Rivière-sur-Tarn, un remblai du XVIIe siècle contenant des ossements humains dans l’église Saint-Christophe-de-Peyre et un contexte des XVIe - XVIIe siècles du cimetière de Saint-Segond-de-Boyne, ont fourni chacun une bague en alliage cuivreux sur lequel apparaît en relief un cœur traversé par deux flèches5542. Dans la bibliographie, le motif du cœur apparaît également entouré par deux mains, comme un « don du cœur »5543, mais aussi dans le cadre d’un rébus sur le chaton de certaines bagues : un L est suivi d’un cœur, ce qui signifie « mon cœur à elle »5544. Une pierre en forme de cœur pouvait aussi remplacer le cœur gravé ou estampé : elle orne de fait une bague en or avec un rubis, datée stylistiquement du XIVe siècle, appartenant à la collection Sandra Hindman5545. Le geste des mains jointes, pouvant illustrer le geste des fiancés lors de la cérémonie de mariage ou celui d’un accord contractuel, est un signe de fidélité, connu depuis l’Antiquité. Il se retrouve donc parfois sur des bagues. Le maître Gillibert Hortie, bachelier en droit et écuyer d’Apt, au moment de sa mort en 1308, en possédait une dénommée bague de foy5546. Dans le corpus, se trouvent deux bagues du même type et les mains jointes ont été gravées avec plus ou moins de talent. Sur l’une, les extrémités des manches sont retranscrites par des traits gravés (fig. 552, n° 16) sur l’autre, par une sorte de bandeau (fig. 552, n° 17). Sur une troisième bague en or du corpus (fig. 552, n° 18), une applique figurant ces deux mains a été brasée sur le jonc. Dans la continuité des deux manches plissées, trois traits ont été gravés sur l’anneau. Ce détail de mode ne paraît pas être antérieur au XVIIe siècle et ne contredit donc pas la datation stratigraphique d’un remblai du XVIIIe siècle. 5541 Campbell 2009, p. 91, fig. 98B. Parures 1990, p. 126, n° 218 ; Pujol 2001, p. 143. 5543 Aujourd’hui 1981, p. 89, n° 392. 5544 Deux bagues de ce type proviennent de contextes des XVIIIe et XIXe siècles du cimetière de l’église de Rigny-Ussé en Indre-et-Loire (Poirot et al. 1992, p. 146). Une troisième appartient à un contexte daté entre 1700 et 1900 du site du jardin du Carmel à La Rochelle en Charente-Maritime (Berthon (dir.) 2013, p. 95, n° 198). 5545 Hindman 2007, p. 146-147, 227-228. 5546 Godefroy 2003, p. 57. 5542 1199 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les bagues au thème des mains jointes, en argent ou en alliage à base de cuivre, sont relativement répandues au bas Moyen Âge. La plupart ont été retrouvées dans des sépultures ou dans des remblais en zone funéraire5547. Dans une sépulture de femme du XVIe siècle de l’église de Saint-Georges-de-Luzençon dans l’Aveyron, sépulture ayant également fourni un riche collier de perles, deux bagues avec le motif des mains jointes ont été découvertes, l’une en argent, l’autre en alliage cuivreux, toutes deux portées à l’annulaire de la main gauche5548. Un exemplaire en argent conservé au Victoria and Albert Museum, daté stylistiquement de la seconde moitié du XIVe siècle, comporte l’inscription IESVS gravée sur l’anneau5549. Les mains peuvent accueillir d’autres signes : dans l’église Saint-Laurent de Grenoble, il a été relevé à la main gauche d’un corps, inhumé entre la fin du XVe siècle (?) et le XVIe siècle, une bague en argent avec les deux mains encadrées par un cœur et une fleur5550. Sur le même site, deux bagues en argent semblables, d’individus décédés au XVIIe siècle5551, ont été retrouvées portées à la main gauche – l’emplacement de l’une à l’annulaire est précisé. Les données actuelles permettent d’établir que les bagues à mains jointes semblent référencées entre la deuxième moitié du XIIe siècle et le XVIIe siècle. Type C : Bague métallique à chaton à serti (fig. 553 à 556) Les bagues étudiées sous le type C du corpus comportent un serti clos ou à griffes. Elles ont été classées selon le mode d’assemblage du chaton avec le jonc. Celles obtenues par 5547 France, Collection Hindman : Bague en or, avec à l’opposé quatre chatons à pierres précieuses (Hindman et al. 2007, p. 136-138, p. 226 ; Ardèche : une bague en argent, remblai entre des tombes des XVIe - XVIIIe siècles, Cité épiscopale, Viviers (Esquieu 1988, p. 75) ; Aveyron : un spécimen en argent, sépulture des XVIe - XVIIe siècles, Stade des coopérateurs, Millau (Parures 1990, p. 125, n° 217) ; Corrèze : un artefact en alliage de cuivre et d’argent, remblai en zone funéraire des XVIIe XVIIIe siècles, église Saint-Sernin, Brive (Lintz 1988, p. 66) ; Indre-et-Loire : objet en alliage cuivreux, H.S., château, Tours (Motteau (dir.) 1991, n° 153) ; Isère : trois objets en alliage cuivreux, remblais d’installation de sépultures, XVIIe siècle et Époque moderne, Église Saint-Laurent, Grenoble (Colardelle 1999, t. 2, p. 1, 19, 34, 414). Italie, L’Aquila : une bague en alliage cuivreux, remblai entre des tombes, possiblement XIVe - début XVe siècle, Villa romaine, Ovindoli (Redi et Malandra 2003, p. 399, fig. 6, n° 6). Royaume-Uni, Collection Franks : plusieurs bagues en or (Dalton 1912, n°1007, 1022, 1043, 1051, etc.). Wiltshire : un objet en argent, trésor monétaire enfoui vers 1180, Lark Hill, Durrington (Cherry 1981a, p. 114, n° 114) ; un exemplaire en argent, trésor monétaire, première moitié XVIe siècle, Winterslow (Cherry 2012, n° 30). Croatie, comitat de Split-Dalmatie : une bague en argent de 1,96 gr., sépulture, cimetière du second Moyen Âge et d’Époque moderne de Saint-Saviour, Vrh Rika (Petrinec 1996, p. 42). 5548 Parures 1990, p. 125, n° 215 et 216. 5549 Campbell 2009, p. 95, fig. 108. 5550 Colardelle 1999, t. 2, p. 35, 403 ; colardelle 2008, p. 326. 5551 Colardelle 2008, p. 334. 1200 3. Approche croisée du mobilier archéologique la fonte ont été répertoriées dans le sous-type C1 et celles dont le jonc est brasé latéralement au chaton dans le sous-type C2. Quelques bagues ont été rassemblées dans le sous-type C3 car leur chaton à serti est à la fois brasé au jonc et à une languette inférieure. Les exemplaires dont le chaton à serti est brasé sur le dessus du jonc appartiennent au sous-type C4 et ceux dont les extrémités du jonc traversent le chaton au sous-type C5. Deux bagues appartenant au type C, en très mauvais état, n’ont pu être classées dans un de ces sous-types : une bague particulièrement rongée par l’oxydation (Rue Banasterie, n° 540) et un fragment d’épaule de bague portant des incisions (Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, n° 94-267 C). Les bagues métalliques à chaton et à serti – elles comportent toutes alors un serti clos5552 – sont connues depuis l’Antiquité romaine5553 même si elles ne sont pas particulièrement courantes à cette époque. Elles ne le sont pas plus d’ailleurs durant le haut Moyen Âge5554. Les techniques de fabrication des bagues sont rarement renseignées dans la bibliographie et il difficile de développer plus avant les réflexions menées sur le sujet dans la présente typologie5555. De nombreuses bagues de la bibliographie possèdent un chaton dont la forme est particulièrement simple et, en matière de comparaisons, elles apportent peu d’informations utiles ; elles ont donc été omises de la discussion qui suit. Type C1 : Bague métallique à chaton à serti, obtenue par la fonte (fig. 553 et 554, n° 1 à 2) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 697, ossuaires des XIVe - XVIe siècles ; n° 83, femme adulte de plus de 40 ans en cercueil des XVIIe - XVIIIe siècles ; n° 111, adulte en cercueil des XVIIe - XVIIIe siècles ; n° 19, remblai des XVIIe - XVIIIe siècles ; n° 673, 1199, H.S. 5552 Se reporter par exemple à Loizel et Coquelle 1977, p. 41, fig. 48 et 49 ; à Fauduet 1987, n° 490491 ; à Fixot (dir.) 1990, p. 63-64, fig. 25 ; à Feugère et al. 1992, n° 107 à 110 ; à Bertrand 2003, p. 42 et 45, n° 34. 5553 Ex : Raynaud et Manniez 1992, n° 34. 5554 Se reporter par exemple à Stutz 2003, pl. 76-78. 5555 Les techniques de fabrication des bagues orfévrées ne sont pas plus observées : le montage du chaton à serti sur le jonc n’est ainsi renseigné pour aucun des exemplaires des trésors d’Erfurt et de Colmar (Descatoire (dir.) 2007, p. 63-66). 1201 3. Approche croisée du mobilier archéologique Bouches-du-Rhône  Les Thermes, Aix-en-Provence : n° 3, couche de dépotoir d’Époque moderne ; n° 106, niveau d’époque contemporaine  Nécropole de Saint-Honorat, Arles : n° 2, 4, 40, couche d’ossements dans un caveau du XIVe - XVIe s.  Vieille Major, Marseille : n° 45, couche funéraire d’un caveau daté entre 1694 et 1776. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 1850, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420.  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 94-257, 94-264, 96-23, contexte inconnu. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 475, contexte de la première moitié du XIVe s. ; n° 479, décapage pelle mécanique, N.D.S.  Petit Palais, jardon ouest, Avignon : n° 804, terres de jardin du XVe siècle.  Rue Carreterie, Avignon : n° 294, contexte inconnu. Vingt bagues ont été confectionnées par fonte avec un alliage à base de cuivre (ex : fig. 553, n° 11 ; fig. 557, n° 7), ou un alliage blanc (fig. 553, n° 6). Pour quelques exemplaires, il subsiste un doute car les objets référencés n’ont pu être retrouvés (fig. 553, n° 5 et 16). Des traces de limage s’observent parfois au revers du jonc, une zone que l’artisan ne polit pas toujours avec soin semble-t-il ! Une valve de moule en calcaire argileux mitritique5556 provenant du site de la cathédrale Notre-Dame-du-Bourg à Digne (fig. 563) porte l’empreinte, profonde, de deux bagues à chaton au jonc de section ovale. Un trou au centre de chaque empreinte atteste de l’utilisation d’un compas ou d’un tour pour la gravure du jonc. Le moule était constitué de trois pièces, deux gravées de l’empreinte du jonc ainsi que de celle de la base du chaton, la troisième creusée de la partie supérieure du chaton. Un moule de ce type, du bas Moyen Âge, a été retrouvé à Magdebourg dans le land de Saxe- 5556 Des parcelles de calcaire prélevées au revers de plusieurs moules provençaux ont été transmises, par l’entremise du géologue Claude Bacchiana, à Raphaël Bourillot (Institut EGID-Bordeaux 3, Université Michel de Montaigne) qui en a aimablement fait l’identification. 1202 3. Approche croisée du mobilier archéologique Anhalt en Allemagne5557. Le fragment de moule dignois conserve deux des tenons, probablement en plomb, qui permettaient l’ajustage des différentes parties. Deux trous sur l’un des côtés recevaient les tenons de la pièce gravée du chaton. Le chaton des bagues du corpus retient encore parfois de l’émail blanc (fig. 553, n° 12 et 14) ou noir (fig. 553, n° 9), un fragment de verre bleu outremer (fig. 553, n° 8), rose carmin (fig. 553, n° 6), une pyramide de verre rouge foncé (fig. 553, n° 5), un morceau de verre de couleur indéterminée (fig. 553, n° 10) ou bien encore du verre transparent (fig. 553, n° 4) qui peut être obtenu par moulage (fig. 553, n° 7). Pour ce dernier exemple, la cupule de verre prend la forme de deux demi-sphères superposées, celle du dessus étant de très petite dimension. Un grènetis encercle la base de chacune d’elles. Douze facettes de deux tailles différentes fractionnent la surface de la demi-sphère. Un point en relief positif est positionné dans la partie supérieure de chaque petite facette. La cupule de verre est sertie dans une monture avec un degré. Cet escalier se retrouve sur deux bagues, la première comportant sur les épaules trois cannelures obtenues par la fonte (fig. 553, n° 4), la deuxième possédant un chaton excavé de quatre pétales, dont deux encore remplis d’émail blanc, autour d’un creux symbolisant le pistil (fig. 553, n° 12). Pour un individu dignois, retrouvé hors stratigraphie, de l’émail blanc est encore perceptible dans certaines des petites dépressions quadrangulaires latérales du chaton (fig. 553, n° 13). Sur une autre bague du même site, également sans contexte archéologique, la dépression ovale de chaque facette du chaton n’a pas comporté ou ne comporte plus d’émail (fig. 553, n° 14). Les deux cupules accolées d’une bague de Rougiers devaient réceptionner deux émaux ou deux pièces de verre différentes (fig. 553, n° 18). Le Musée des Beaux-arts de Carcassonne conserve une bague en alliage cuivreux au chaton quadrangulaire orné latéralement de trois à quatre dépressions vaguement quadrangulaires selon les côtés et retenant un fragment de verre ou de pierre verte5558. Les épaules du jonc sont gravées de croix de Saint-André émaillées de blanc. Une bague analogue mais avec seulement trois cupules ovales par côté et sans émail sur le jonc est issue d’une inhumation des XVIIe - XVIIIe siècles du cimetière du Saint-Sépulcre de Parthenay dans les Deux-Sèvres5559. Les dépressions quadrangulaires sont au nombre de trois sur une bague avec un verre bleu serti provenant d’une sépulture des XVIIe - XVIIIe siècles de la collégiale de Saint-Mexme de Chinon en Indre-et-Loire5560, au nombre de quatre pour un exemplaire mis 5557 Berger 2002, p. 37, fig. 6-10. Sarret 1983, p. 118, n° 3. 5559 Fourteau Bardaji 1989, p. 38. 5560 Husi et al. 1990, p. 157. 5558 1203 3. Approche croisée du mobilier archéologique au jour dans un ossuaire constitué entre le XVe et le XVIIIe siècle à Santa Maria del Mastro à Gerace dans la province de Reggio Calabria en Italie5561. Les deux bagues de Digne semblent donc pouvoir être datées des XVIIe et XVIIIe siècles. La morphologie de deux bagues d’ossuaires des XIVe - XVIe siècles du site de l’église Saint-Honorat (fig. 553, n° 3 et 5) les rapproche sans les intégrer toutefois à un groupe de bague appelé « bagues étrier » par les archéologues anglais. Obtenues par la fonte, en étain, en alliage cuivreux, en or, elles comportent un chaton tronconique et sont connues dès le milieu du XIIe siècle et au moins jusqu’au XVe siècle5562. Les exemplaires les plus récents ont un chaton beaucoup moins haut. Ce modèle simple a été retrouvé sur le corps d’un soldat décédé à Stari Bar à la fin du XIXe siècle lors de la guerre entre les monténégrins et les armées turques5563. L’ornementation des épaules n’est pas fréquente dans les bagues du corpus : elle s’observe sous la forme d’une petite protubérance obtenue par la fonte sur une bague arlésienne (fig. 553, n° 5). Quatre bagues comportent de petits chatons de part et d’autre d’un chaton de bien plus grande dimension (fig. 553, n° 16 et 17 ; fig. 554, n° 1 et 2). Ils peuvent être agrémentés de plusieurs matériaux de différentes couleurs. À l’exception des chatons latéraux d’un individu, remplis d’un émail qui pourrait être bleu (fig. 554, n° 2), tous ont perdu leur contenant. Un spécimen, découvert rue Carreterie à Avignon, se distingue des trois autres par sa morphologie (fig. 553, n° 16). Cependant, l’objet, non retrouvé, n’est connu que par un dessin : le matériau des sertis n’est donc pas renseigné et la technique de fabrication proposée 5561 Lebole di Gangi 1993, p. 472. France, collection Hindman : exemplaire en or, Hindman et al. 2007, p. 102-106, 222 ; Cher : une bague en alliage cuivreux, dépotoir sur une berge, fin XIIe - première moitié du XIIIe siècle, ZAC Avaricum, Bourges (Mathis et Rajade 2013, p. 139, n° 2548. Allemagne, Brême : un artefact en or, sépulture de l’évêque Otton II, mort en 1406, Cathédrale Saint-Petri-Dom (Brandt 1976, fig. 15, n° 7). Espagne, province de Barcelone : un exemplaire en alliage à base de cuivre, XIIIe - première moitié XVe s., Castell del Far, Llinars del Vallès (Bolos et al. 1981, p. 121, n° 21 ; Monreal et Barrachina 1983, p. 261, fig. 120). Royaume-Uni, Essex : un spécimen en or, H.S., datation stylistique XIIIe siècle, Hatfield Forest (Cherry 1981a, n° 125) ; Kent : un objet en or avec un saphir, H.S., datation stylistique vers 1200, Wittersham (Dalton 1912, n° 1782 ; Cherry 1981, p. 62, n° 119) ; Londres : deux objets respectivement en étain (analyse AML) et d’un contexte du second tiers du XIIIe siècle, en bronze (analyse AML) et ramassée hors stratigraphie, Londres (Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 326, n° 1608 et 1609) ; Norfolk : une bague en alliage cuivreux, seconde moitié du XIIIe siècle, Baker Lane, King’s Lynn (Geddes et Carter 1977, p. 287, fig. 130, n° 2) ; Wiltshire : trois bagues, deux en or et une en alliage cuivreux, découvertes lors de fouilles anciennes sont datées stylistiquement des XIIe et XIIIe siècles, Salisbury (Cherry 1991, n° 1, 2 et 4). 5563 Ferri 2008b, p. 70, fig. 2.6.10, n° 3064/1. 5562 1204 3. Approche croisée du mobilier archéologique reste hypothétique. Les bagues à chaton multiples ne sont pas très courantes et les quelques exemplaires connus dans la bibliographie sont assez différents des spécimens du corpus. Une bague découverte hors stratigraphie à Digne se distingue par d’assez larges cupules décoratives tout autour de l’emplacement d’un chaton profond (fig. 553, n° 15). Les cupules sont terminées à l’endroit de la serte par des pointes relevées qui devaient jouer le rôle de griffes et participer au sertissage. Ceci est clairement visible sur une bague en or émaillé de blanc avec un saphir de la collection Sandra Hindman, datée stylistiquement du milieu du XIVe siècle5564, et sur une bague datée des années 1350 - 1370 conservée au Victoria and Albert Museum. Anciennement émaillée et gravée du nom de son propriétaire, l’archevêque de Cantorbéry William Wytlesey, mort en 1374, elle retient un saphir percé5565. Une troisième bague en or avec un grenat, datée stylistiquement du XVe siècle, appartient encore à la collection Sandra Hindman5566. Un exemplaire en or avec un cristal serti attribué au XVIe siècle appartenait à la collection Franks5567. En Corse du Sud, sur le site du village médiéval de l’Ortolo, une bague en or semblable à l’artefact de Digne provient d’un contexte du XVe siècle5568. Enfin, un spécimen en alliage cuivreux d’un contexte du XVIe siècle a été mis au jour au château de Boves en Picardie5569. Quelques peintures du milieu et de la seconde moitié du XVe siècle figurent ces bagues dont une œuvre célèbre de Petrus Christus présentant un orfèvre dans son échoppe (Bruges, 1449) et un portrait d’orfèvre par Gérard David (Bruges, vers 1495 - 1500)5570. Les données disponibles permettent de proposer actuellement une datation typologique s’étendant de la seconde moitié du XIVe siècle au XVIe siècle. L’absence visible de serte, c’est-à-dire de rabat de la partie supérieure du chaton, pour beaucoup de bagues (fig. 553, n° 2, 3, 12, 13), pourrait amener le doute sur le fait qu’un morceau de verre ou de pierre ait pu y être retenu, puisque rien ne permet de le garder en place. Un décor en émail, matière qui adhère relativement bien au métal, paraîtrait dès lors plus probable. Les bagues du corpus de type C présentent une serte pour tous les exemplaires accueillant une pierre ou du verre. Cependant, l’inverse ne se vérifie pas : une serte s’observe 5564 Hindman et al. 2007, p. 142-143, 226-227. Cherry 1981a, p. 71 ; Durand 1992, fig. 13 ; Hindman et al. 2007, p. 25 ; Campbell 2009, p. 46, fig. 44. 5566 Hindman et al. 2007, p. 178-182, 231-232. 5567 Dalton 1912, n° 1901. 5568 Comiti 1996, p. 51. 5569 Legros 2012b, p. 105, n° 61. 5570 Hindman et al. 2007, p. 178-182. 5565 1205 3. Approche croisée du mobilier archéologique ainsi pour une bague de type C2 pourvue d’un chaton contenant de l’émail blanc (fig. 554, n° 9). La serte d’un exemplaire dignois, décorée d’une incision en arc de cercle sur ses huit facettes (fig. 553, n° 11), a donc pu retenir de l’émail. La présence d’une pierre ou d’un verre paraît avérée pour un individu aixois en bon état (fig. 553, n° 1) dont la serte est écrasée sur le fond d’un chaton, perforé. Ce trou est destiné à laisser passer la lumière, pour un rendu plus éclatant de la pierre ou du verre. Type C2 : Bague métallique à chaton à serti, au jonc brasé latéralement au serti (fig. 554, n° 3 à 18) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 226 A et B, sépulture épiscopale du XIVe siècle ; n° 662, ossuaire des XIVe - XVIe siècles ; n° 333, main droite d’un corps inhumé aux XVIIe - XVIIIe siècles ; n° 11, remblai des XVIIe - XVIIIe siècles  Église Saint-Mary, Forcalquier : n° 2005-1, sépulture antérieure au XVe siècle Bouches-du-Rhône  Cathédrale Saint-Sauveur, Aix-en-Provence : n° 62, remblai des XVIIe - XVIIIe siècles.  Nécropole de Saint-Honorat, Arles : n° 3, 5, 6, couches d’ossements dans un caveau des XIVe - XVIe siècles.  Site Inconnu, Arles : FAN 92.00.2319, contexte inconnu.  Place Villeneuve-Bargemon, Marseille : n° 5, comblement de puits des XIVe XVe siècles Var  Cathédrale, Fréjus : n° 1, sépulture de l’évêque Louis de Bouilhac mort en 1405.  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : 94-231 C, sépulture de datation inconnue. Vaucluse  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-217, contexte de datation inconnue.  Rue Banasterie, Avignon : n° 634, couche de datation inconnue. 1206 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les bagues du type C2 comportent un chaton en tôle, ou plus rarement obtenu par la fonte (fig. 554, n° 10). Sur les côtés de celui-ci viennent se braser les extrémités du jonc. Ce mode de fabrication a été mis en évidence pour deux bagues en or brêmoises, issues de sépultures d’évêques, datées vers 1200 et de la première moitié du XIIIe siècle5571, pour trois bagues en or londoniennes mises au jour dans des contextes datés du XIVe siècle5572 et des bagues niçoises5573. La plupart des exemplaires du corpus sont en alliage cuivreux, mais huit spécimens sont en or (fig. 554, n° 5, 12 à 18). Les chatons contiennent des pierres précieuses comme le saphir (fig. 554, n° 5), le rubis (fig. 554, n° 15), l’émeraude (fig. 554, n° 16, 17), l’améthyste (fig. 554, n° 13), la citrine (fig. 554, n° 12), mais aussi de la perle naturelle (fig. 554, n° 18), de l’émail blanc (fig. 554, n° 9), du verre noir (fig. 554, n° 14) ou bleu clair (fig. 554, n° 7), du verre transparent coloré avec une pâte (fig. 554, n° 11). Le chaton de cette bague morcelée retenait en effet deux fragments de verre entre lesquels était disposée une pâte ou une peinture rouge, dont il ne subsiste que des traces. Cette peinture ou pâte donnait la couleur. Le morceau de verre le plus grand, à la surface supérieure bombée polie, était situé au-dessus. Le terme de doublet rencontré dans les textes peut être attribué à cet assemblage. Deux bagues en or, comportant pour la première une émeraude (fig. 554, n° 16) et pour l’autre un rubis (fig. 554, n° 15), proviennent d’un niveau du XIVe siècle du caveau épiscopal dans la cathédrale Notre-Dame du Bourg de Digne. La taille des pierres est réussie mais le rubis laisse voir quelques « imperfections ». En effet, il apparaît dans la transparence une anomalie rectiligne assez large remplie d’or (fig. 559, n° 2) similaire à celle qui est visible à l’endroit de la perforation des perles en cristal de roche lorsqu’elles sont vues dans leur longueur. Sur le tracé de cette anomalie, un trou rempli d’or se détache. Les comptes de la chambre apostolique fournissent des exemples de pierres serties sur des bagues réutilisées pour d’autres usages. Le réemploi était certainement plus fréquent que ne le laissent transparaître les sources textuelles ou les pièces d’orfèvrerie conservées. Dans le cas présent, le lapidaire ne pouvait enlever les traces d’un usage antérieur sans réduire les dimensions de la pierre de manière très importante. Les marques ont donc été dissimulées autant que possible. En 1987, la fouille de la sépulture de l’évêque de Fréjus Louis de Boulhac mort en 1405 et inhumé dans la cathédrale de Fréjus a fourni une bague en or avec une améthyste de 5571 Brandt 1976, fig. 22, n° 2 et fig. 23, n° 1. Egan et Pritchard (dir.) 2002², n° 1610 à 1612, datées respectivement des deux derniers tiers du XIVe siècle et pour les deux suivantes de la seconde moitié du XIVe siècle. 5573 Thuaudet 2013, fig. 5, n° 15, 17, 18, 21, 22. La liaison du jonc avec le chaton avait été mal interprétée pour ces bagues : le jonc ne passe pas au travers du chaton mais il est brasé latéralement à celui-ci. 5572 1207 3. Approche croisée du mobilier archéologique qualité médiocre d’après R. Boyer et M. Gauthier5574 (fig. 544, n° 13). Les deux sépultures provençales contenaient également des restes de tissu et une crosse. Elle est en ivoire à Digne5575, en bois recouvert de cuivre doré et émaillé et caractéristique des productions limousines du XIIIe siècle à Fréjus5576. Les modes de fabrication du chaton sont diversifiés. Le chaton peut être constitué d’une seule tôle de métal dont la bordure supérieure est découpée de griffes (fig. 554, n° 13 et 15) ou repliée pour retenir la pierre (fig. 559, n° 1A), le morceau de verre poli ou l’émail (fig. 554, n° 4, 6 à 8, 12, 14, 16, 17). La monture peut également être confectionnée par l’assemblage de deux tôles, l’une étant brasée de chant sur l’autre (fig. 554, n° 9). Les extrémités du jonc sont brasées à la tôle inférieure qui sert de réceptacle à la pierre, au verre ou à l’émail, et la tôle supérieure joue le rôle de serte. Une troisième tôle constitue parfois le fond du chaton (fig. 554, n° 3). Il est probable que l’exemplaire n° 333 de Digne, conservé à l’état de fragments (fig. 554, n° 11), ait eu un chaton de ce type. Le mode de fabrication du chaton des bagues en or n’est pas toujours facile à déterminer. Si le travail est de très bonne qualité, et la soudure faite à l’or, la jonction des différentes parties de la bague n’est pas forcément visible. Quatre dépressions rectilignes perpendiculaires à l’axe du jonc s’observent dans le cas d’une bague marseillaise, au revers du chaton, mais leur origine reste inconnue (fig. 559, n° 1C). Parfois, une ou plusieurs dépressions décoratives marquent la distinction entre la partie du chaton dans laquelle est assise la pierre et celle qui recouvre la pierre pour la retenir (fig. 554, n° 12 et 17 ; fig. 559, n° 1B). Une autre bague du type C2 possède un chaton hexagonal composé de trois tôles brasées (fig. 554, n° 5 ; fig. 558, n° 11). À la tôle inférieure sont brasées les extrémités du jonc. L’une d’elles dépasse légèrement de la bordure, dentelée à l’aide d’un ciseau, de la tôle inférieure. De fortes stries parallèles de limage s’observent en plusieurs endroits de cette tôle, peut-être pour éliminer un surplus de brasure. Le centre de la tôle inférieure, sans doute perforé accidentellement, a été réparé depuis l’intérieur du chaton par la brasure d’une tôle. La brasure utilisée contenait du cuivre d’après les traces d’oxydation orangées et vertes décelables. Une seconde tôle a été placée de chant pour entourer la pierre hexagonale. De la brasure a débordé par endroits. Le bord de la tôle a été replié pour retenir la pierre d’un profond bleu outremer. Il est très probable que cette pierre ait été disposée sur une troisième tôle pour qu’elle ne tombe pas au fond du chaton. 5574 Boyer et Gauthier 1992, p. 281. Étude en cours par M. A. Chazottes, doctorante au LA3M. 5576 Boyer et Gauthier 1992, p. 283-286. 5575 1208 3. Approche croisée du mobilier archéologique Une dernière bague possède un chaton obtenu par la fonte (fig. 554, n° 10). Il a été creusé à l’endroit des angles ainsi que le prouvent des marques de ciseau. Il est possible que cette opération ait eu pour résultat l’apparition d’un trou au fond du chaton. Quelle que soit la nature des bijoux, la fixation des perles naturelles, presque toujours baroques à la fin du Moyen Âge et au début de l’Époque moderne, se fait ordinairement par rivetage5577. Deux bagues en or du corpus l’illustrent (fig. 554, n° 18 ; fig. 54, n° 8). L’une appartient au type C2 (fig. 554, n° 18). Un rivet aux extrémités aplaties traverse une perle ainsi qu’un petit cône en or auquel sont brasées les extrémités du jonc. Le rivetage est également le procédé choisi pour la fixation d’un cabochon dans une matière indéterminée sur une bague mise au jour dans une strate des XIe - XIIIe siècles, place Adrien Rozier à Rodez dans l’Aveyron5578, pour l’immobilisation de deux perles naturelles sur une même bague en or de la première moitié du XIVe siècle découverte au Rocca di Campiglia à Campiglia Marrittima dans la province de Livourne5579, pour le blocage d’une perle naturelle noire sur une bague en or provenant de fouilles anciennes sur le site de la cathédrale Sainte-Marie à Nice5580. La perle repose sur un petit cône sur lequel sont brasées les extrémités du jonc. Une bague analogue pourrait avoir été retrouvée au même endroit, il n’en reste plus que le jonc5581. Les épaules des bagues en alliage cuivreux ou en or sont parfois gravées de petits triangles en bordure du jonc (fig. 554, n° 3, 4, 8, 17). Celles de deux bagues en or sont ciselées de têtes de dragons stylisées (fig. 554, n° 5 et 13) où l’on reconnaît notamment le museau au plus près du chaton et les oreilles décollées un peu en arrière. Ces têtes se distinguent nettement sur le jonc de deux bagues du trésor de Colmar dans le Haut-Rhin – déposé en 1349 –, à serti clos ou à griffes, attribuées au deuxième quart du XIVe siècle5582. Sur une bague du trésor d’Erfurt, des têtes de lion apparaissent5583. Ces têtes animales schématisées ne sont discernables que sur des exemplaires en or mais elles ont très certainement été reprises par les artisans qui fabriquent les bagues en alliage cuivreux. Les épaules de quelques exemplaires du corpus (fig. 554, n° 3 ; fig. 556, n° 5 et 6) sont ciselées 5577 Perles 2007, p. 58-61 et Campbell 2009, p. 16 et fig. 11, 17, 43, 48, 85 pour des exemples de perles baroques sur des bijoux. Dans l’iconographie, par contre, les perles naturelles sont le plus souvent figurées sphériques (Campbell 2009, fig. 35, 39, 50, 51, etc.). 5578 Parures 1990, p. 121, n° 209. 5579 Belcari 2003, p. 451, fig. 12-13. 5580 Thuaudet 2013, p. 276, n° 23. 5581 Ibid., p. 276, n° 24. 5582 Descatoire (dir.) 2007, p. 65-66, n° 22a et 25. 5583 Ibid. 2007, p. 62, n° 16. 1209 3. Approche croisée du mobilier archéologique de motifs qui rappellent les têtes de dragon sans toutefois être pleinement reconnaissables. La nature de ces têtes a pu ne pas être comprise lorsqu’elle a été imitée. Type C3 : Bague métallique à chaton, à serti brasé sur une languette (fig. 555, n° 1 à 3) Var  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 93-50, 94-250 A, 94-262, contexte de datation inconnue. Ces trois bagues possèdent un chaton à serti brasé sur une languette. Celle-ci sert aussi de tôle de fond pour deux bagues en argent (fig. 555, n° 1 et 2). Ses extrémités s’intègrent au revers des bouts du jonc (fig. 558, n° 5 et 6). Ceux-ci sont également brasés à la tôle de sertissage décorée de traits verticaux incisés et affichant un bord supérieur festonné. Un fragment de corail rose carmin est retenu dans le chaton par un rivet en argent qui traverse la languette. Cette construction du chaton se retrouve déjà, à l’exception du rivet, sur des bagues gallo-romaines en or des premiers siècles de l’ère chrétienne5584. Pour le spécimen en alliage cuivreux (fig. 555, n° 3), le chaton était semble-t-il brasé sur la languette : il reste encore quelques traces de brasure. La languette a ses extrémités brasées au revers des bouts du jonc. Celui-ci présente la particularité d’avoir une rainure concave (fig. 558, n° 4), dont la présence ne peut actuellement être expliquée. À l’avers, quatre incisions triangulaires ont été exécutées à l’endroit d’un élargissement (fig. 555, n° 3). Aucune trace de brasure n’a été relevée à l’endroit des terminaisons triangulaires du jonc, mais celle-ci a pu s’estomper. Peut-être, cependant, les terminaisons étaient-elles insérées dans le chaton pour rigidifier l’assemblage ? Type C4 : Bague métallique à chaton, à serti brasé sur le jonc (fig. 555, n° 4 à 21 ; fig. 556, n° 1 à 9) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 694, ossuaire des XIVe - XVIe siècles ; n° 332, à la main droite d’un corps inhumé aux XVIIe - XVIIIe siècles 5584 Besson 2004a. 1210 3. Approche croisée du mobilier archéologique Bouches-du-Rhône  Nécropole de Saint-Honorat, Arles : n° 1, couche d’ossements dans un caveau des XIVe - XVIe siècles  Église saint-Blaise, Arles : n° SBL XX-32, remblai du XVIIIe siècle.  Site inconnu, Arles : s.n. 2, H.S.  Puget III, Marseille : n° 86 et 148, tombe d’adolescent ou d’adulte du XIIIe siècle. Var  La Gayole, La Celle : n° 7, au doigt de la main gauche d’une femme adulte de la fin du XIIIe siècle ou du début du XIVe siècle  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3155, comblement de dépression, second quart XIIIe siècle ; n° 3767, sol de bâtiment, milieu XIIIe siècle - vers 1285 ; n° 3183, sol de bâtiment, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 2488 et 2997, couche de dépotoir ; vers 1345 - vers 1360 ; n° 1357, sol de bâtiment, n° 3084, sol de zone de circulation, vers 1370/1375 - vers 1415/1420.  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : 94-231 A et B, sépulture de datation inconnue ; n° 84-10 A, 94-235 A, 94-243, 94-250 B, 94-267 A et B, contexte inconnu. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 477, couche du second tiers du XIVe siècle ; n° 467, décapage, N.D.S.  Rue Banasterie, Avignon : n° 648, contexte inconnu.  Rue Carreterie, Avignon : n° 233, datation inconnue ; n° 295, contexte inconnu.  Rue du Limas, Avignon : n° 269, contexte inconnu. Les vingt-six bagues du type C4, en alliage cuivreux ou en or (fig. 556, n° 8) comportent ou comportaient une tôle de sertissage à serte ou à griffes brasée de chant sur le jonc (fig. 557, n° 9 ; fig. 558, n° 1), à la jonction des extrémités élargies et superposées du jonc (fig. 557, n° 8 ; fig. 558, n° 2 et 3), à l’endroit des extrémités accolées (fig. 555, n° 13 et 20) ou jointives (fig. 557, n° 9), lorsque le point de liaison est perceptible. Le jonc a donc le rôle de tôle de fond. Un limage est parfois nécessaire pour éliminer le surplus de brasure (fig. 558, n° 7). Le mode de fabrication du chaton est hypothétique dans le cas d’une bague 1211 3. Approche croisée du mobilier archéologique qui n’a pu être observée (fig. 556, n° 9)5585. Dans quelques cas, la jonction des extrémités de la tôle de sertissage est visible (fig. 556, n° 1 et 2 ; fig. 557, n° 13). Sur un exemplaire, cette tôle comporte une dépression décorative sur toute sa longueur (fig. 555, n° 9). Le chaton d’une bague en or d’Avignon comprend un possible rubis ou grenat (fig. 556, n° 8) qu’une serte retient dans un châssis pyramidal dont la base pentagonale est brasée sur le jonc. Quatre montants brasés sur le jonc, groupés deux par deux, de part et d’autre du chaton sont traversés par un rivet retenant deux perles naturelles de forme irrégulière. Les autres bagues du corpus possèdent une pierre noire (fig. 556, n° 5), un morceau de verre violet (fig. 555, n° 10), mauve (fig. 555, n° 19), bleu (fig. 555, n° 15 et 17 ; fig. 556, n° 2), vert émeraude (fig. 555, n° 16), vert d’eau (fig. 555, n° 18), transparent (fig. 556, n° 4), de couleur indéterminé (fig. 555, n° 20). Dans deux cas, le matériau de l’élément serti est inconnu : pour le premier, il a disparu entre la réalisation du dessin et la publication (fig. 556, n° 7), pour le deuxième, l’objet n’est connu que par un dessin (fig. 555, n° 11). Trois bagues retiennent un doublet, en l’occurrence deux fragments de verre transparent superposés avec une pâte de couleur ou de la peinture insérée entre les deux : le doublet est de couleur rouge pour l’une (fig. 556, n° 3), de couleur indéterminée pour la deuxième (fig. 555, n° 21 ; fig. 557, n° 9), et il a disparu pour la dernière (fig. 556, n° 6 ; fig. 558, n° 9 et 10). Ces « fausses pierres » ne devaient pas tromper grand monde lors d’une observation attentive. Une masse importante de cément gris pouvait permettre de surélever la pierre ainsi que cela s’observe sur un exemplaire ayant perdu l’élément serti (fig. 556, n° 1). Les pierres ou verres sont en serti clos ou à griffes. Une perforation circulaire au centre du jonc d’une bague en argent de Saint-Maximin (fig. 555, n° 12) suggère que l’élément serti devait être un fragment de corail maintenu par rivetage comme cela est signalé pour deux bagues du type C3 (fig. 555, n° 1 et 2). Le chaton d’une bague est encerclé par un fil de « cuivre rouge » (fig. 556, n° 16). Cet élément décoratif ne se retrouve nulle part ailleurs. Quant à la bordure du fond du chaton d’une bague de Digne, trouvée à la main droite d’un corps inhumé des XVIIe - XVIIIe siècles, elle comporte une gravure de zigzags (fig. 555, n° 17). L’ornementation du bord du fond du chaton est particulièrement rare. Sur une bague du corpus du type C2, la bordure de la tôle de 5585 Deux exemplaires n’ont pas été dessinés, le n° SBL XX-32 découvert dans l’église Saint-Blaise à Arles, et le n° 11 mis au jour sur le site de Puget III à Marseille. 1212 3. Approche croisée du mobilier archéologique fond était incisée de petits traits (fig. 554, n° 5). Elle est gravée d’un motif cordé sur une pièce du XIVe ou du XVe siècle trouvée dans le Calvados5586. Les épaules du jonc sont parfois gravées de façon décorative : un quadrillage (fig. 555, n° 19), des incisions rayonnantes (fig. 555, n° 13), des triangles et des incisions en bordure du jonc (fig. 555, n° 8, 12, 20, 21 ; fig. 556, n° 1 à 4, 6 ; fig. 557, n° 10), des ocelles obtenus avec un poinçon circulaire creux (fig. 556, n° 9), une étoile à six branches (fig. 555, n° 21 ; fig. 557, n° 10), des losanges avec une croix (fig. 555, n° 12 et 21 ; fig. 558, n° 1). Sur une bague, une rainure antérieure à la mise en place de la décoration gravée est visible sur l’avers et le revers du jonc (fig. 557, n° 13 et 14). Cette particularité a déjà été observée pour d’autres bagues obtenues par travail de la tôle mais son origine n’a pu être déterminée. Les épaules d’une bague avec une pierre noire et d’une bague avec un doublet ont été ciselées d’un motif qui rappelle les têtes de dragon ciselées (fig. 556, n° 5 et 6 ; fig. 558, n° 8) déjà aperçu sur une bague du type C2 (fig. 554, n° 13) et reconnaissable sur une bague sans contexte stratigraphique connu mise au jour lors d’anciennes fouilles sur le site de la cathédrale SainteMarie à Nice5587. Les bagues de type C4 formellement identifiées ou identifiables sont rares dans la bibliographie pour les raisons déjà évoquées. Il peut être signalé à Londres, une bague en or de la seconde moitié du XIVe siècle qui a conservé son chaton avec un saphir en serti clos5588. Au château de Rubercy, dans le Calvados, il ne reste de la bague, mise au jour dans l’occupation de la seconde moitié du XIIe siècle, que le jonc dont les extrémités disjointes sont aplaties5589. L’objet pourrait aussi appartenir au type B. Type C5 : Bague métallique à chaton, à serti traversé par le jonc (fig. 556, n° 10 à 18) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Blaise, Arles : SBL XX-15, SBL 82.I.1.34, remblai du XVIIIe siècle.  Site inconnu, Arles : s.n. 1 et 4, H.S. 5586 Vivre au Moyen Âge 2002, notice 212. Thuaudet 2013, p. 275. 5588 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 327, n° 1614. 5589 Lorren 1977, p 170. 5587 1213 3. Approche croisée du mobilier archéologique Var  Villa d’Ascaou, Correns : n° 11, prospection, H.S.  Castrum Saint-Jean, Rougiers : n° 3725, couche de dépotoir, vers 1309/1315 - vers 1345 ; n° 2726, sol de bâtiment, vers 1370/1375 - vers 1415/1420. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 473, contexte du XVIIIe siècle. Les neuf bagues du type C5 comportent ou ont comporté un chaton à serti traversé par les extrémités du jonc grâce à des perforations (fig. 559, n° 3) ou des fentes selon la configuration du jonc. Parfois, seule une infime portion du jonc pénètre dans le chaton (fig. 556, n° 10 et 11). Les épaules du jonc sont décorées de petits triangles incisés en bordure sur un unique exemplaire (fig. 556, n° 17). Le chaton est constitué d’une tôle avec une serte (fig. 556, n° 14 à 17). Un exemplaire analogue à un objet de Rougiers (fig. 556, n° 17) pourrait avoir été retrouvé dans un dépotoir du deuxième ou du troisième quart du XVIIe siècle au château de Tours en Indre-et-Loire5590. Une bague en laiton (analyse AML) dont le chaton est constitué d’une unique tôle terminée par quatre griffes et traversée par les extrémités du jonc provient d’un contexte londonien de la seconde moitié du XIVe siècle5591. Sur une autre bague de Londres de même datation et également en laiton, c’est la tôle de fond qui est perforée pour le passage du jonc. Le chaton retient un fragment de verre vert5592. Type D : Bague métallique en fil (fig. 562, n° 1 à 11) Bouches-du-Rhône  Les Thermes, Aix-en-Provence : n° 111, main en connexion portant un anneau sur des phalanges, réduction d’Époque moderne.  Palais Monclar, Aix-en-Provence : n° 4, couche d’abandon d’une calade de la seconde moitié ou de la fin du XVIIe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 88, H.S. 5590 Motteau (dir.) 1991, n° 152. Egan et Pritchard (dir.) 20022, p. 329, n° 1619. 5592 Egan et Pritchard (dir.) 20022, p. 329, n° 1620. 5591 1214 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Petit Palais, Avignon : n° 660, couche de dépotoir datée vers 1365 - vers 1400.  Place de la Principale, Avignon : n° 1995-61, contexte de datation inconnue.  R.H.I Philonarde, Avignon : n° 19, couche de dépotoir du XVIe siècle.  Rue Carreterie, Avignon : n° 86, 291 et 292, contextes inconnus.  Rue du Limas, Avignon : n° 268, contexte inconnu.  Rue Racine, Avignon : n° 21, contexte daté vers 1530 - 1540. Les bagues de ce type sont confectionnées à partir d’un ou plusieurs fils en alliage cuivreux. Les plus simples n’ont nécessité qu’un seul fil dont les extrémités forment des crochets qui s’imbriquent (fig. 562, n° 1 et 2). Un exemplaire, découvert sur la phalange d’une main lors des fouilles d’un cimetière sur le site des Thermes à Aix-en-Provence (fig. 562, n° 2) permet de proposer une identification en tant que bague. Un modèle analogue existait déjà au haut Moyen Âge : un individu a été retrouvé dans un niveau des IVe - VIIe siècles dans la cathédrale Notre-Dame-du-Bourg de Digne. L’exemplaire mis au jour est constitué d’un fil unique terminé d’un coté par un crochet qui s’engage dans un anneau constitué par l’extrémité opposé et qui s’enroule ensuite sur le jonc (fig. 561, n° 1). D’autres bagues sont formées de deux fils (fig. 562, n° 3 à 5) ou de trois fils (fig. 562, n° 6). Ces bagues existent déjà durant les périodes vikings et saxonnes tardives outre-manche. Peut-être se sont-elles diffusées à partir des îles britanniques. Une bague avec deux fils en or enroulés en une torsade fut enfouie avec un trésor monétaire en 1180 sur le site de Lork Hill à Durrington dans le Wiltshire5593. Sur le continent, trois bagues dont le jonc est constitué de deux fils enroulés en une torsade ont été découvertes dans un contexte des XIIIe - XIVe siècles à Monte Zigagno à Zigagno dans la province La Spezia en Italie5594, hors stratigraphie au couvent de l’Ave Maria à Paris5595, dans un niveau du XIIIe siècle ou de la première moitié du XIVe siècle sur le site du prieuré de Marnans en Isère5596. Ce dernier objet comporte un nœud jouant le rôle de chaton. Un autre exemplaire à trois fils, peut-être résiduel, provient d’un remblai funéraire moderne du cimetière de l’église de Rigny-Ussé en Indre-et-Loire5597. Le jonc d’une bague du corpus est constitué d’une tresse de multiples fils torsadés (fig. 562, n° 7). Cette dernière construction s’observe pour trois bagues mises au jour outre- 5593 Cherry 1981a, p. 114, n° 112. Gambaro 1990, p. 399. 5595 Bouëtiez de Kerorguen 1996, p. 163, fig. 6, n° 18. 5596 Colardelle et al. 1983, p. 88. 5597 Poirot et al. 1992, p. 144. 5594 1215 3. Approche croisée du mobilier archéologique manche : une bague en or du XIIIe siècle ou de la première moitié du XIVe siècle de Northolt Manor dans le comté de Londres5598, un spécimen londonien en laiton (analyse AML) daté vers 1270 - vers 13505599, un artefact en alliage cuivreux du dernier quart du XIVe siècle ou du premier quart du XVe siècle sur le site de Cuckoo Lane B à Southampton5600. Dans les Alpes-Maritimes, une bague de ce type provient de fouilles anciennes sur le site de l’ancienne cathédrale Sainte-Marie sur la Colline du château à Nice5601. Dans le cas de l’objet retrouvé rue Racine (fig. 562, n° 6), la section des extrémités montre que la mise en forme du jonc a été faite avant la coupe des fils. Ce type de bague est connu depuis l’Antiquité ainsi que l’atteste un exemplaire mis au jour dans un niveau des Ier - IIIe siècles à l’emplacement de la cathédrale Notre-Dame-du-Bourg de Digne (fig. 561, n° 2). Les quatre bagues suivantes ont nécessité un savoir-faire plus important. Une première bague (fig. 562, n° 9) est le résultat de la torsion particulièrement complexe d’un seul et unique fil, enroulé en trois spires pour constituer le jonc, puis en une spirale pour constituer le chaton (fig. 560, A). Il en existe des parallèles pour la Tène finale5602, l’Antiquité romaine5603 et pour l’époque mérovingienne5604. Ce modèle a vraisemblablement perduré jusqu’à l’Époque moderne : l’exemplaire du corpus est issu d’une couche de dépotoir du XVIe siècle à Avignon et la bibliographie en mentionne un spécimen à Barcelone dans un contexte des environs du XVIIe siècle5605. Dans le corpus provençal, un deuxième spécimen, sous forme d’une chaînette, est constitué de quarante maillons conçus chacun à partir d’un unique fil formant une spirale à cinq spires (fig. 562, n° 8). Les deux objets suivants ont été obtenus de la même manière (fig. 562, n° 10 et 11). Un fil terminé à chaque extrémité par un crochet est en grande partie couvert d’un second fil qui s’enroule autour de lui. Une perle annulaire de corail (fig. 562, n° 10), ou de verre (fig. 562, n° 11), est ensuite enfilée. Un troisième fil, préalablement enroulé en hélice autour d’une tige, est finalement enroulé autour des portions restées dénudées aux bouts du premier fil (fig. 560, B). Sur l’exemplaire le plus complet, les deux extrémités en crochet du premier fil se croisent sans être fixées l’une à l’autre. C’est le 5598 Hurst 1961, p. 293, n° 30. Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 31, n° 1622. 5600 Harvey et al. 1975, p. 258, fig. 241, n° 1766. 5601 Thuaudet 2013, p. 275, fig. 5, n° 10. 5602 Fauduet 1987, p. 91, n° 500. 5603 Objets des Ier et IIe siècles trouvés à Maresquel dans le Pas-de-Calais (Dilly et al. 1999, p. 20). 5604 Stutz 2003, p. 179, pl. 77, n° 1148-1149 ; Motteau (dir.) 1991, n° 135, dans un dépotoir du VIe siècle et du premier quart du VIIe siècle sur le site du château de Tours. 5605 Parra 2008b, p. 213. 5599 1216 3. Approche croisée du mobilier archéologique troisième fil dont les extrémités s’enroulent autour des bouts du premier fil qui assure la liaison. Type E : Bague non métallique (fig. 562, n° 12 à 24) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame du Bourg, Digne : n° 20, remblai, n° 70, main gauche d’un homme adulte, XVIIe - XVIIIe siècle.  Rue Marius-Debout, Forcalquier : n° 42, contexte des XIIIe - XVIe siècles. Bouches-du-Rhône  Cathédrale Saint-Sauveur, Aix-en-Provence : n° 50, caveau du XVIIe siècle.  Église Saint-Blaise, Arles : n° SBL XX-203 et XX-210, H.S.  Château des Baux, Les Baux-de-Provence : n° 595, remblai d’abandon, seconde moitié XVIe siècle - 1631. Gard  Maison des Chevaliers, Pont-Saint-Esprit : n° 75, couche d’occupation, milieu XIVe siècle ; n° 76, contexte du XVIIe siècle. Var  Église Saint-Pierre de l’Almanarre, Hyères : n° 1, contexte et datation inconnue. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 2160, couche de dépotoir datée vers 1365 vers 1400.  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-343 et 1996-347, contextes de datation inconnue.  Rue Racine, Avignon : n° 61, contexte daté vers 1530 - vers 1540. Douze bagues ou possibles bagues non métalliques sont répertoriées dans le corpus. L’objet pour lequel la proposition d’identification est la plus incertaine est un fragment d’anneau en marbre d’un rouge très foncé (fig. 562, n° 12) dont les extrémités présentent des marques de fracture. Un deuxième objet, en jais (fig. 562, n° 13), montre d’évidentes traces de tournage au revers du jonc qui permettent de constater une action du tour depuis les deux côtés. L’utilisation d’un tour est très probable pour un anneau en os (fig. 562, n° 14) même si les stigmates de cette opération ne sont plus visibles, l’objet ayant été poli. Les autres bagues 1217 3. Approche croisée du mobilier archéologique non métalliques du corpus sont en verre. Cinq d’entre elles ont été confectionnées à partir d’un filet de verre noir (fig. 562, n° 15 à 19). L’un d’eux conserve un aplatissement à la jonction des extrémités (fig. 562, n° 19). Deux autres spécimens ont nécessité l’assemblage en une torsade de plusieurs filets de verre, trois de couleur noire et trois de couleur blanche pour l’un (fig. 562, n° 20), et pour l’autre, trois de couleur blanche, trois d’une teinte bleue foncée et trois autres bleu moyen (fig. 562, n° 21). Les trois dernières bagues comportent un chaton. La première, en verre bleu-vert, est constituée d’un filet pour le jonc, et d’une pastille actuellement incomplète pour le chaton (fig. 562, n° 22). La deuxième, en verre de couleur inconnue, présente un jonc torsadé sur lequel a été apposé un chaton circulaire (fig. 562, n° 23). La troisième, en verre noir, possède un jonc particulièrement épais et large sur lequel a été disposée une pastille de verre ovale marquée par cinq globules (fig. 562, n° 24). Les éléments de comparaison sont rares pour les bagues en jais hors du Royaume-Uni et pour les bagues en verre et en os d’une manière générale. Les bagues en jais, toujours bombées à l’avers, plates au revers, sont connues au moins depuis l’Antiquité romaine au Royaume-Uni où le travail du jais est d’une grande ancienneté5606. Une bague en jais, à la section hexagonale, est issue d’un contexte de la première moitié du XVIe siècle d’un site londonien5607. Sur le continent, dans l’église Saint-Laurent de Grenoble en Isère, une bague en jais au jonc bombé à l’avers, plat au revers se trouvait dans une sépulture du XVIIIe siècle5608. Sur le même site, un fragment de jonc en verre à filets blanc et bleu torsadés a été ramassé hors stratigraphie5609. Au Portugal, les fouilles menées à Santa Maria da Vila, à Montemor-oNovo ont livré deux bagues en verre de couleur turquoise et de couleur noire5610. D’après le témoignage des provençalistes, l’anneau de verre était très répandu en Provence Rhodanienne dans le costume populaire provençal aux XVIIIe et XIXe siècles5611. Ce bijou était aussi vendu au pèlerin après avoir été mis en contact avec la châsse aux reliques de Marie-Madeleine ainsi que le témoigne A.-L. Millin au début du XIXe siècle5612. 5606 Voir Crummy (dir.) 2001, n° 1739-1740 pour des exemplaires antiques, Hunter et al., 1998², p. 442, pour des objets du haut Moyen Âge et du Moyen Âge central. 5607 Egan 2005, p. 54, n° 237. 5608 Colardelle 1999, t. 2, p. 31 ; Colardelle 2008, p. 346. 5609 Colardelle 1999, t. 2, p. 39. 5610 Um objecto 2000b. 5611 Le costume populaire 1990, p. 202. 5612 Millin 1807-1810, t. 3, p. 128. 1218 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.4.7.3.Synthèse La bague, portée indifféremment à la main gauche ou à la main droite pour la période d’étude, un peu plus souvent à la main gauche aux XVIIe et XVIIIe siècles5613, est un bijou emblématique : elle est la bague de mariage, de témoin de la foi, symbole de richesse, symbole de dignité et de pouvoir. Il n’est donc pas surprenant qu’elle soit parfois ornée de façon adéquate, affichant des monogrammes ou des messages religieux ou profanes. Beaucoup de ces représentations, visibles dans le corpus sur des bagues des types A2 et B, sont devenues populaires, leur simplicité formelle et la teneur de leur message, entrent en résonance avec de grands schémas de la pensée humaine. Toutefois, les bagues les plus appréciées sont celles avec un serti, même s’il est souvent de verre, car il donne sans doute l’illusion de la préciosité des bagues orfévrées. En outre, leur couleur renvoit aux vertus des pierres dont la connaissance dans la société est liée à la diffusion des lapidaires, de la littérature romanesque et très probablement de traditions orales malheureusement difficilement perceptibles. Rappelons que la beauté est pour la période d’étude intimement liée à la brillance, à la luminosité. Les bagues orfévrées ont souvent attiré l’attention des historiens de l’art ou des spécialistes de l’orfèvrerie, mais les exemplaires en alliage cuivreux ont été très souvent négligés. La compréhension de l’évolution de ces petits bijoux est donc assez réduite. La présente étude est un premier essai d’organisation de ce mobilier qui se caractérise par une grande variété dans la morphologie et le processus de fabrication. Il paraît donc difficile, actuellement, d’extraire des éléments de compréhension déterminants. L’augmentation de l’emploi de la bague à partir du XIIIe siècle peut toutefois être notée. Si quelques rares modèles semblent susceptibles de pouvoir être reliés à une échelle de temps relativement réduite, beaucoup de formes, notamment les plus simples, sont connues depuis l’Antiquité. Toutefois, pour les bagues à chaton à serti clos, il se pourrait que des caractéristiques permettent de différencier un certain nombre de spécimens des exemplaires antérieurs au second Moyen Âge. Un dépouillement de grande ampleur de la bibliographie sur l’Antiquité et le haut Moyen Âge s’impose donc. Les bagues à chaton à serti à griffes constituent un cas particulier : l’exemplaire orfévré le plus ancien relevé dans la bibliographie provient de la 5613 Il a été procédé à un comptage sur 70 sépultures provençales ou signalées dans la bibliographie, datées entre le XIIIe siècle et le XVIIIe siècle, pour lesquelles la position des mains est renseignée, 1219 3. Approche croisée du mobilier archéologique tombe de Thierry, évêque de Verdun, mort en 11655614. Le mode de sertissage apparaît plus tardivement sur les bagues en alliage à base de cuivre. Un exemplaire qui pourrait appartenir à un contexte de la première moitié ou du milieu du XIVe siècle provient du Castellu de Corvo à Viggianello en Corse du sud5615. Impasse de l’Oratoire à Avignon, une bague à serti à griffes a été retrouvée dans un contexte du second tiers du XIVe siècle. Une bague en or avec une émeraude donnée par le pape Grégoire XI au roi de France Charles V dispose de crampons, vraisemblablement des griffes5616. L’emploi du sertissage à griffes ne semble devenir réellement fréquent qu’à partir du début de l’Époque moderne. 5614 Cherry 1981a, p. 61, n° 118. Istria 1993b, p. 11, fig. 15 ; Comiti 1996, ill. 13. 5616 Müntz 1891, p. 198. 5615 1220 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.4.8. Les perles et les croix de chapelet 3.4.8.1.Les perles et les croix de chapelet en contexte Les perles sont des éléments particulièrement courants en contexte archéologique ainsi que dans les sources archivistiques et iconographiques. Elles sont utilisées au Moyen Âge et durant l’Époque moderne dans le cadre de chapelets, de colliers, de bracelets, de bijoux de coiffure, ou fixées à un vêtement, à un accessoire du costume pour son ornementation. Cependant, ainsi qu’il a déjà été mentionné, il n’est pas aisé de certifier la fonction d’une perle découverte en contexte archéologique, hormis dans quelques cas particuliers : un ensemble de perles mis au jour dans sa position initiale au fond d’une sépulture. En se fondant sur les sources iconographiques, textuelles et archéologiques, il apparaît que les perles sont essentiellement utilisées dans le cadre de chapelets, portés dans les mains ou retenus à la ceinture. Cet objet de dévotion, qui aurait été popularisé par les dominicains, se compose de perles enfilées que le dévot égrène en récitant ses prières de manière répétitive. Il aide à maintenir le rythme de la prière. Ce serait le chartreux de Cologne Egher de Kalcar qui, sur l’inspiration de la Vierge, entre 1365 et 1367, aurait créé la combinaison de quinze fois dix Ave ou Je vous Salue Marie suivis d’un Pater ou Notre Père5617. Si le chartreux est bien à l’origine de cette association de prières, il existait tout de même auparavant des chapelets avec des marques pour séparer un nombre déterminé de perles puisqu’en 1302, dans l’inventaire de Raoul de Nesles, un chapelet à perles de jais, au nombre non précisé, comporte dix ensaignes de cristal5618. En 1372, un chapelet de 100 perles à 10 seigneaux d’or, c’est-à-dire des perles plus grosses, apparaît dans le testament de Jeanne d’Évreux5619. Ce chapelet prouve-t-il la diffusion rapide du modèle de prière chartreux ? Cela paraît peu probable même si ce canevas de prières semble s’être diffusé assez rapidement5620. Peut-être la séparation par dizaines a-telle existé antérieurement et servi à d’autres récitations de prières. Le terme de pater noster incite à penser que l’égrenage du chapelet fut, dans un premier temps, de concert avec la récitation de prières du Notre Père. Les statuts de la Confrérie des Âmes du Purgatoire d’Avignon datés de 1343 stipulent qu’à la mort d’un confrère ou d’une consœur, les autres 5617 Gourdel 1956, p. 655-656. Ibid. 5619 Gay et Stein 1929, article « Patenostres ». 5620 Gourdel 1956, p. 675. 5618 1221 3. Approche croisée du mobilier archéologique membres doivent chacun réciter dix Pater noster et dix Ave Maria pour l’âme du défunt5621. Dans la même ville, pour le même évènement, les statuts de la Confrérie du Saint-Esprit édictés en 1356 préconisent treize Notre Père et treize Je vous Salue Marie ; dans ceux de l’Aumône de Notre-Dame de la Major dont il est parvenu une copie du XIVe siècle, ce sera trois Notre Père et trois Je vous Salue Marie5622. La combinaison de ces deux prières existe donc antérieurement aux années 1360, même si le nombre précis n’est pas fixe dans l’expression religieuse. Rien ne prouve que ces prières fussent récitées avec un chapelet dans les mains, mais l’organisation de la morphologie des grains de chapelet a quand même pu varier, si tant est qu’il en ait souvent eu une. En effet, les grains de chapelets découverts dans des contextes sépulcraux antérieurs au XVIIe siècle se caractérisent souvent par une uniformité dans les dimensions. La présence de pater n’a donc sans doute pas été la règle durant le second Moyen Âge. C’est ce confirme d’ailleurs l’iconographie ouest européenne pour la période d’étude. Les chapelets sont rares dans les peintures et sculptures de Provence mais relativement courants dans les sources archivistiques, même si de par leur valeur financière, ce sont les exemplaires les plus précieux qui figurent le plus souvent par exemple dans les inventaires après-décès. Ces inventaires ne témoignent pas réellement de la piété populaire. Dans un portrait du roi René peint vers 1475-1480 par Nicolas Froment, le souverain, entièrement vêtu de noir tout comme son épouse, tient un chapelet assez frustre avec des perles cylindriques et d’autres qui pourraient être sphériques (fig. 542). À l’évidence, ce tableau répond à une demande du souverain et l’artiste s’est probablement conformé à certaines règles : une tenue et un visage austère, un collier de coquilles Saint-Jacques, un chapelet frustre, des tons ternes. À travers cette œuvre, le peintre devait glorifier la piété royale. Les chapelets que tiennent un pleurant du tombeau d’Antoine de Comis sculpté en 1495-1496 (fig. 575), ou une donatrice dans une Annonciation de Jacques Iverny datée vers 1430, sont seulement constitués de grains sphériques (fig. 574). Le chapelet en corail de la donatrice, particulièrement long, peut être mis en parallèle avec une longue corde de perles de corail portée en écharpe par une jeune noble dans les Très Riches Heures de Jean de Berry (fig. 576). Dans le sud-est de la France, dans le cimetière de La Tour Saint-Laurent à Oze dans les Hautes-Alpes5623, deux sépultures 5621 Pansier 1934, p. 33. Ibid., p. 39 et 45 ; Pansier 1925, t. 1, p. 86. 5623 Bonnefoi 1969, p. 28 et 30, photo 5, planche 10 ; Aujourd’hui 1981, p. 89, n° 388. M.-F. Bonnefoi propose une datation des sépultures du secteur III pour la fin du XIVe siècle et le début du XVe siècle en se fondant sur la datation du mobilier retrouvé dans quelques sépultures. Il me paraît bien hardi de 5622 1222 3. Approche croisée du mobilier archéologique de femme d’une quarantaine d’années des XIVe - XVe siècles et peut-être de la première moitié du XVIe siècle, ont fourni un collier de perles en verre jaune miel qui descendait presque jusqu’au bassin. Le premier est constitué de 167 petites perles et huit grosses perles réparties en sections de 20 petites puis une grosse. Le second ne comprend plus que 115 perles, dont beaucoup dans un état de décomposition avancée, toutes de même diamètre sauf une perle en position centrale au diamètre triple. Il se pourrait bien que des ensembles de perles, malgré la dénomination de chapelet dans les sources textuelles, puissent avoir eu d’autres fonctions dans le costume. Le chapelet n’était pas obligatoirement un cercle de perle : un portrait de Philippe de Croy daté des environs de 1460 le figure tenant entre ses deux mains jointes en geste de prière une file de perles terminée à une extrémité par un crucifix et à l’autre bout par un pompon de fils d’or5624. Les perles et grains de chapelet sont confectionnés dans des matériaux plus ou moins durs, perforés, cela peut être de la pierre, un minéral, du verre ou des roches sédimentaires, de l’ambre, du bois ou des matières dures d’origine animale telles que le corail, la nacre et l’os. Les informations archéologiques et archivistiques concernant leur fabrication en Provence sont rares. Le travail de l’os pour la confection de perles, attesté en Provence par des découvertes archéologiques5625, est également connu par un contrat d’apprentissage du métier de patenôtrier à Avignon daté de 16065626. Quant au corail, sa pêche fut intensément pratiquée par les provençaux durant le second Moyen Âge et notamment par les marseillais. Les masses de corail ainsi extraites du fond des mers étaient pour une grande partie d’entre elles traitées sur place et transformées en produits finis parmi lesquels les perles ont tenu une place majeure5627. La fabrication des perles en bois, en verre ou dans d’autres matériaux n’est pas renseignée par les archives, ce qui ne signifie pas pour autant que de telles productions n’aient pas existé dans la région. Le commerce des perles et surtout des chapelets est un peu mieux connu et illustre l’éventail des matériaux pouvant être utilisés, surtout les moins coûteux, souvent omis lors des proposer une telle datation au vu du mobilier livré par ces tombes, quelques bagues, une ceinture et des chapelets de verre. Beaucoup de ces éléments ne permettent pas d’avancer une datation typologique. L’occupation du village à proximité semble avoir cessée à la fin du XVe siècle, suite à un incendie. L’habitat est alors déplacé dans la vallée, mais l’église sert encore de lieu de culte pour les habitants juqu’au milieu du XVIe siècle (Bonnefoi 1960, p. 21-22) et la licence par l’évêque d’édifier une chapelle plus bas, les inhumations pourraient avoir perduré jusque là. 5624 Campbell 2009, p. 85, fig. 90. Peinture conservée au Koninklijk Museum voor Schone Kunsten d’Anvers en Belgique. 5625 Information aimablement transmise par M.-A. Chazottes, doctorante au LA3M. 5626 AD Vaucluse, 3 E 12 1407, cahier 2, f° 134 v°-135 v°. 5627 Se reporter au chapitre 2.5.1. 1223 3. Approche croisée du mobilier archéologique inventaires après-décès. Curieusement, l’os n’y apparaît pas alors qu’il est un des matériaux les plus fréquents des perles découvertes en contexte archéologique. Les comptes de la mercerie de Carpentras déjà évoqués précédemment mentionnent pour 1396 - 1397 quelques ventes de chapelets. La cordada de paternostre est vendue à l’unité, 1 sou ou 2 sous5628. Elle peut également être débitée au pan : 5 pans et demi de corde de perles sont cédés à 1 sou 2 deniers5629. Quand les perles sont en ambre, le prix s’élève sensiblement : la femme de Jean Pons de Carpentras acquiert une cordada de perles d’ambre pour 1 livre 12 sous, une autre est vendue 2 livres5630. Une corda de patrenostres au prix de 1 livre 8 sous était probablement constituée de perles en ambre5631. Il est possible d’acheter des éléments de chapelet : la garnison (guanysson) – c’est-à-dire le complément ? – d’un paternostres d’ambre coûte ainsi 4 sous à un client5632. Le 14 juin 1397, la mercerie fait apporter six botons de patrenostres chez une cliente potentielle qui les fait retourner. S’agit-il de boutons de vêtements, de grosses perles de chapelet ou de pendants en tissus couverts de perles comme il en existe pour les bijoux de coiffure ? Si un client n’a pas suffisamment d’argent pour payer les marchandises, un gage peut lui être demandé, c’est ainsi qu’apparaissent un chapelet de perles mêlées (mesclices) et un chapelet de perles de jais (gaict)5633. À la mort de l’orfèvre draguignanais Elzéar de Gleize en 1498, 55 perles d’or, un saphir blanc perforatum – une perle ? – pour un poids d’une once moins un ducat, et deux petits chapelets de cornaline (cornellinus) sont retrouvés dans sa boutique. L’artisan ne taillant et ne perforant pas les pierres ainsi que le révèle l’inventaire de l’outillage, il est probable que ces objets aient été destinés à accompagner d’autres bijoux fabriqués dans son atelier. D’autres inventaires de marchands du milieu du XVIe siècle donnent un aperçu des productions. La balle d’un colporteur décédé à l’Isle-sur-Sorgue, en 1545, contient six perles (patres) de jaspe pour 3 gros, quatre onces de perles d’ambre estimées 3 florins, des perles d’émail (esman) et de saffre – oxyde bleu de cobalt ou verre bleu coloré avec ce produit et imitant le saphir – évaluées 15 gros, d’autres perles de safre pour 2 gros 6 deniers, seize cordes de petites perles de safre estimées 2 gros. Il y est également mentionné une douzaine de perles de boys évaluées 3 gros, quatre cordes de perles dont la nature n’est pas précisée 5628 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 134 v° (reste à payer 1 sou 6 deniers), 135 r°, 151 v°, Ibid., f° 257 r°. 5630 Ibid., f° 49 r° et 236 r°. 5631 Ibid., f° 255 r°. 5632 Ibid., f° 286 r°. 5633 Ibid., f° 25 r°, 150 r°. 5629 1224 3. Approche croisée du mobilier archéologique pour 8 gros, cinq cordes de perles de galere pour 6 gros et six perles de beuf pour 1 gros 6 deniers5634. La nature de ces deux derniers types de matériaux reste incomprise, mais le terme beuf peut éventuellement être rapproché du mot buffre employé pour décrire une matière utilisée pour des ceintures dans l’inventaire après-décès d’un marchand mercier de Marseille daté de 15755635. Il est mentionné dans ce dernier document 25,5 livres de perles d’ambre jaunes à 10 livres la livre, 61 livres de perles de jailhetz noirs gros tailhatz à 14,5 sous la livre, 91 douzaines de perles de cristal de roche (roucailhe) à 1 sou 6 deniers la douzaine, 24600 perles dorées (dauratz) détaillées à 6 sous la centaine. Le tarif du péage d’Avignon constitue une autre source d’information sur le commerce des perles. À la fin du XIVe siècle, le tarif énumère les chapelets de corail taxés à 12 sous la livre, les chapelets d’ambre cuecha de Flandres à 6 sous la livre, d’autres chapelets d’ambre de Flandres à 4 sous la livre, les chapelets d’ambre d’Allemagne à 3 sous la livre, les chapelets de jais (jactz) à 4 deniers la livre, les chapelets de bocestanh à 2 florins la charge et enfin les chapelets de veyre d’Alamaigne et les chapelets de corail taxées à 12 sous la charge. La nature des perles de bocestanh n’a pu être élucidée5636 mais elles sont rangées dans la rubrique Mersa de Milan. Cette ville italienne a donc probablement eu un rôle important dans leur commercialisation. Quant aux différentes sortes de chapelets en ambre, elles sont classées dans la rubrique Mersa de Paris. Dans le tarif de 1582, les chapelets d’émail sont les plus imposés, à 1 florin 4 sous la douzaine, puis les pater noster d’Ytalie à 6 sous la douzaine, les exemplaires en corail à 1 florin la livre, ceux en jaspe ou en ambre à 6 sous la livre, les pater noster de corail et de satin à 3 sous la livre, les exemplaires en jais à 12 deniers la livre et enfin ceux en cristal de roche, en bois et en corne à 3 sous le quintal. Les chapelets en os ne sont pas mentionnés. Cette échelle d’imposition ne varie pas jusqu’au tarif de 1615 qui est marqué par l’apparition des patrets petits à 4 deniers la masse et une division par deux de la taxe sur les chapelets en jais. Le musc, extrait des glandes abdominales de cerfs porte-musc d’Asie centrale, et l’ambre gris, concrétion intestinale du cachalot, n’apparaissent pas parmi les matières citées dans les documents précédents. Ces substances odoriférantes très coûteuses, déjà signalées pour les pommes de senteurs, sont appréciées sous forme de chapelets de perles par le roi René. L’inventaire du château de Tarascon relève en 1432 un chapelet de perles de musc 5634 Annexe 8, doc. 23. Annexe 8, doc. 26., se reporter au chapitre 3.1.1.2. 5636 P. Pansier (1925-1927, t. 3) propose de le traduire par « bouquetin » ce qui ne peut évidemment pas convenir. 5635 1225 3. Approche croisée du mobilier archéologique enfilé sur un cordon de soie et de fils d’or, una ligatura de patenostres de musco, operata de cede et filo auro5637. En 1452 et en 1453, un pelletier puis un prêtre lui fournissent un chapelet de musquet5638 et trois chapelets de musq5639. En 1476, la mercière Christine vend au roi 1 once ¾ de perles d’ambre blanc pour 3 florins 6 gros5640 et le mercier Charles livre une patenostre d'ambre blanc5641. Autre substance odoriférante d’un grand prix, le bois d’aloès est une résine produite par le bois infecté par une bactérie de certains arbres du genre Aquilaria dans les forêts tropicales d’Asie du sud-est5642. Dans cette matière ont été fabriqués 38 chapelets de perles de bois d’aloès (in XXXVIII chapelletis de paternostres ligni aloes) d’une valeur de 25 florins, reçus en paiement en 1501, par Pierre Perrusset, cartier (factor cartularum) d’Avignon, outre 47 florins en monnaie, pour la fabrication de cartes de Lyon et la peinture d’une courtine de lit5643. Les chapelets d’ambre sont beaucoup plus courants dans les autres types de documentation textuelle. L’aixoise Gassende Raynaud dans son testament du 7 juin 1354 lègue à sa fille Alasacie Boete un chapelet d’ambre (pater noster de ambra)5644. Dans son testament de 1383, la femme du marchand avignonnais Guilhem Vial institue un legs de plusieurs chapelets (patenostres) en ambre de 200 grains (patenostres) à l’œuvre des pauvres filles à marier5645. Parmi les gages laissés en 1391 par des prêteurs et enregistrés dans l’inventaire des biens du défunt grand marchand marseillais Jean Casse, il est répertorié des chapelets d’ambre (ambre, français) laissés par Laurent de Saint-Jacques contre 2 florins5646. Quant au noble arlésien Alexis Caysse, il possède à sa mort en 1456 un chapelet en ambre (ambre), avec un bouton de tissu cramoisi et de fil d’or, cum floco sive botono de cremesin coperto de filo auri5647. Les comptes du roi René contiennent quelques mentions de chapelets en ambre mais toutes assez tardives. En 1476, le capitaine de Peyrolles Jean Oches lui fournit deux chapelets constitués d’ambre et d’une pâte indéterminée (patte), peut-être une substance odoriférante, pour 2 florins 6 gros, que le roi donne à la reine et à mademoiselle de La Jaille, 5637 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2441. Ibid., n° 2260. 5639 Ibid., n° 2479. 5640 Ibid., n° 2857. 5641 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 88, p. 375. 5642 Persoon 2012. 5643 AD Vaucluse, 3 E 8 879, 17 juin 1501. L’aloès est un bois odoriférant. 5644 Ramière de Fortanier 1973, p. 21. 5645 Pansier 1907, p. 350. 5646 Villard 1907, p. 113. 5647 Feracci 1976, p. 132. 5638 1226 3. Approche croisée du mobilier archéologique dame de la cour5648. Dans le courant de l’année 1477, un cuisinier de monseigneur de Lorraine lui apporte à Marseille un chapelet d’ambre5649 et en 1478, la femme de son fils Jean de Calabre et sa petite-fille Marguerite de Lorraine achètent sur les deniers du roi quinze patenostres d’ambre et sept grosses patenostres d’ambre ainsi que des parfums, six coffrets et autres menues petites choses pour 20 florins5650. Dans ce cas précis, le mot patenôtre semble désigner des perles et non des chapelets, autrement le coût de ces achats serait plus important. En 1546, un homme demande à la cour de justice de la sénéchaussée de Draguignan la restitution de bijoux saisis par le collecteur des lattes de Sorgues dont un chapelet d’ambre avec signes d’argent5651. En 1581, l’inventaire des biens du jardinier Jacques Gaudon, jardinier d’Aix, contient un petit chapelet d’ambre avec huit grosses perles d’argent, ungz patres d'ambre petis avec huict gros patres d'argent5652. Du fait de l’activité coraillère en Provence, les chapelets dans ce matériau ne sont pas rares, mais ils restent surtout la possession de personnes aisées. En 1373, le pape Grégoire XI offre à Roger de Bellefort un chapelet de corail5653. Dans l’inventaire du marchand Guillaume Vial en 1391, il est mentionné des chapelets de corail et des chapelets d’argent et de corail5654. Le chapelet de corail qu’offre l’avignonnais Paul de Sade à sa future épouse en 1392 coûte 11 florins 8 sous et comporte une croix d’or (una cros d’aur) et un petit et un gros bouton (boton) textile en pendant5655. En 1427, le trousseau de Madeleine Gaudin, drapier de Salon, contient entre autres bijoux, une cordeyratam de pater noster de coralho évaluée 5 florins5656. En 1433, Guillaume Potier, barbier d’Avignon, lègue à ses héritiers des chapelets de corail5657. Parmi les biens du riche pêcheur Céleste, il est retrouvé en 1435 un chapelet de petites perles de corail avec « un bouton à la tête perlée » (cum botono in capite perularum) et une floche de soie verte. En 1443, l’inventaire des biens de l’apothicaire aixois Jean Salvator enregistre parmi des bijoux pour certains féminins un chapelet avec 215 grains de corail5658. Huit ans plus tard, Gérard Nasse, marchand d’Aix, remet une balle de mercerie dont 17 livres et 9 onces de patenostres de corail à Jean Lestusier, du diocèse de Cambrai, pour qu’il les 5648 Arnaud d’Agnel 1908, n° 911. Ibid., n° 2688. 5650 Ibid., n° 2695. 5651 AD Var, 1 B 260, f° 583, 22 octobre 1546. 5652 AD BDR Aix, 303 E 175, f° 1824 v°. 5653 Schäfer 1937, p. 450. 5654 Pansier 1907, p. 356. 5655 Bresc 1988b, p. 120. 5656 Brun 1924, p. 235, note 1. 5657 Bayle 1884, p. 458. 5658 AD BDR Aix, 307 E 23, f° 137 v°. 5649 1227 3. Approche croisée du mobilier archéologique embarque sur une galère de Jacques Cœur et les vende à Alexandrie5659. Chez le noble arlésien Alexis Caysse l’inventaire dressé à sa mort en 1456 enregistre, outre un chapelet d’ambre, un chapelet de corail orné d’un pompon d’or et de soie verte, cum uno floqueto auri in pendenti cum syrico viridi, et un deuxième chapelet de corail muni d’une croix en or, cum media cruce auri5660. En 1470, la sisteronaise Jeanne Mollet laisse en mourant à ses cinq filles plusieurs bijoux dont un chapelet d’argent et de corail (patres nostres mixtos argento et coralho) et un chapelet de corail de deux cannes de long5661. Le roi René aime tout particulièrement le corail dont il achète régulièrement des branches ou des objets façonnés tels que des chapelets de perles. En 1447, le marseillais Bertrand Forbin, dont la famille s’intéresse depuis longtemps à ce matériau, vend au roi René des patenostres de coral pour 1 florin5662 et d’autres encore probablement en corail pour 475 florins5663. Les achats ne cessent pas après le retour du roi en Provence, d’autant plus que les sources d’approvisionnements sont proches. En 1476, un corailleur (courailler) lui cède 2 onces ¼ de perles en courail pour 2 florins 4 gros et, un peu plus tard, divers articles en corail dont des patenostres5664. Le roi René acquiert encore quatre chapelets de corail en 14765665, une grosse perle fournie par un catalan pour le manche d’une dague en 14785666, un chapelet de corail auprès d’un cordonnier en 14805667. En 1478, l’orfèvre d’Avignon Margery apparaît dans les comptes du roi René pour la vente de plusieurs articles de corail dont quinze petites perles probablement de corail ainsi que deux grosses perles de corail, l’une devant servir à la confection du manche d’une dague5668. Une partie de cette marchandise, si ce n’est la totalité, est acquise auprès d’un catalan d’Avignon. Un chapelet de corail est signalé dans une quittance de biens ayant appartenu à Boquini, un tailleur de toile, quittance donnée par le tuteur de son fils mineur en 14845669. En 1520, Pierre d’Arles, conseiller et trésorier du roi, seigneur de Beaumont et de Ventabren dans le diocèse d’Aix, établit une convention avec Jérôme Tacistri, coralherius de Gênes, habitant Aix-en-Provence, pour un chapelet de cent cinquante paternostres sive patresses de corail avec trois croix de corail portant l’image du Christ, une de corail blanc, les 5659 AD BDR Aix, 306 E 277, 5 mai 1451. Feracci 1976, p. 132. 5661 Laplane 1843, t. 2, p. 517. 5662 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 538. 5663 Ibid., t. 2, n° 548. 5664 Ibid., t. 2, n° 88, p. 366 et 367. 5665 Arnaud d’Agnel 1908, n° 905. 5666 Ibid., n° 1021. 5667 Ibid., n° 4340. 5668 Ibid., n° 1020 et 1021. 5669 AD Vaucluse, 3 E 9 (1) 75, f° 138 v°. 5660 1228 3. Approche croisée du mobilier archéologique deux autres de corail incarnat, ex coralho vulgariter dicto encarnat5670. La qualité supérieure du corail demandée est l’occasion d’une remarque curieuse du notaire : Et quod sint de meliori coralho ad instar et similitudinem cujusdem forme depicte penes me notarium subscriptum existentis. Ce bijou dont le coût n’est pas spécifié est destiné à Louise de Savoie, mère de François Ier. Le Trésor de la cathédrale d’Aix comporte en 1533 trois chapelets de corail dont un premier avec une floche de soie verte, un second avec une floche de soie violette à tête de fil d’or et un petit Agnus Dei, un troisième avec des grains en argent et un petit bouton perlé5671. Une autre quittance, de 1568, fait état d’un chapelet formé de 103 grains de corail séparé de huit en huit par des paters en argent, et se terminant par un gros motif de jaspe garni d’argent5672. En 1573, l’inventaire des biens du marchand aixois Philippe Brun enregistre deux bagues en or et un chapelet de corail orné de perles d’argent pour les paters et d’un pendentif en croix, ungz patretz de corailh marchetz de patretz d'argent avec une croix servantz pour segnalliers. La femme qui a déposé ces bijoux avait reçu 9 florins 2 sous5673. L’inventaire du trésor de la cathédrale Saint-Sauveur d’Aix dressé en 1533 mentionne une statuette de bois recouverte d’argent – 13 marcs et 3 onces – fabriquée en 1501 par l’orfèvre Jean de la Planteya5674. Elle représente une Vierge à l’Enfant haute de deux palmes et demie dont les cheveux, la couronne (corona) et le diadème (diademate) sont dorés. Elle porte au bras gauche l’Enfant, couronné d’un diadème de 23 perles, tenant un oiseau dans ses deux mains. À son bras pend un Agnus Dei contenant des reliques. L’enfant tient également un anneau fracturé et deux chapelets (patres notres) de corail, dont un plus grand auquel pend un bouton de soie (botonus ciricens) couvert de perles5675. D’autres perles ou chapelets sont en cornaline, en calcédoine, en cristal de roche ou en jais. En 1426, à la mort d’Élipde d’Avelin dans son château des Baux, il est inventorié dans une chambre un chapelet de 36 perles de jais a la fasson d’Aragon, cinq longs chapelets (escharpes) de petites perles de jais avec vingt-et-une petites marches en or – paters de chapelet – et une bullete en or pendante. L’inventaire du château de Tarascon relève en 1432 dans une caissette en bois un chapelet de perles de jais noir (de gesto nigro) que le roi René a 5670 Annexe 8, doc. 16. Albanès 1883, n° 6 et 119. 5672 Aicard 1939, p. 19. 5673 AD BDR Aix, 303 E 155, f° 1528 r°. 5674 Albanès 1883, p. 158, n° 32 à 34 ; Coulet 2005, p. 101. 5675 L’interprétation de ce passage n’est pas aisée : Item, equidem habet duos patres nostres de coralh, unus magnus, ad quorum sumitate pendet botonus ciricens, copertus de perlis, et unus annullus conquassatus (Albanès 1883, n° 34). Voir également Coulet 2005, p. 101. 5671 1229 3. Approche croisée du mobilier archéologique fait apporter de Saint-Jacques-de-Compostelle5676. Le chapelet de jais est un des souvenirs vendus aux pèlerins qui arrivent au sanctuaire (fig. 579), la matière première venant de Léon, d’Aragon ou des Asturies5677. Le comte de Provence offre un chapelet de perles de jais (giet) d’un prix de 10 sous à dame Delagrise en 14515678, sept patenostres et trois bagues de jais à raison de 1 gros 3 patacs la pièce à deux femmes de chambre en 14765679. La même année, l’argentier du roi René lui achète deux liasses de perles de cornaline à 1,5 florin la liasse5680 . L’inventaire des biens conservés au château d’Angers en 1471 - 1472 enregistre douze perles de cristal enfillees, seize petites perles de jais (geest) enfilées, neuf petites perles d’agatte enfilées, quinze autres perles faites a pans d’une pierre qui tire sur le marbre5681. En 1476, le roi René fait acheter une croix de cornailline d’une valeur de 5 florins pour la disposer en ses patenostres5682. L’année suivante, il fait prendre chez le marchand Estève Tissier de Marseille un chapelet de cornaline5683 et se procure auprès de Marguerite de Bovres trois cents perles peut-être de cristal5684. En 1478, il envoie chercher chez un mercier de Lyon trois cordes de paternostres de cornalines, un chapelet de cornaline et 18 perles de calcédoine5685. Quant au duc de Calabre, il fait acquérir chez Charles Huynier, mercier, une centaine de perles de cristal de roche (cristallin)5686. En 1480, suite à la mort de son époux, la reine achète trois liaces de getz noir pour donner à ses dames de compagnie et mieux marquer le deuil5687. L’inventaire des biens de feu Antoine Baptiste rapporte un chapelet de corail et de cristal blanc mis en gage contre 1,5 gros5688. Chez Honorade du Revest, en 1568, le chapelet de jais (ajayet) est marqué (marchad) de grosses marches d’or avec de gran d’or par dedans. Un petit tableau d’or émaillé y pend5689. Les perles en métal précieux se rencontrent dans les colliers, bracelets, bijoux de coiffure et chapelets, parfois seules, souvent accompagnés d’un autre matériau comme le corail. En 1456, 56 perles (paternostres) en or pesant deux onces et dix deniers apparaissent 5676 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2441. Köster 1985, p. 87 5678 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2461, achat hors de Provence. 5679 Ibid., n° 895. 5680 Ibid., n° 897. 5681 Ibid., n° 642, p. 266, 267, 268. 5682 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 88, p. 373. 5683 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2691. 5684 Ibid., n° 1327. 5685 Ibid., n° 2631. 5686 Ibid., n° 1330. 5687 Ibid., n° 4745 et peut-être 4411. 5688 AD BDR Aix, 2ème cahier, n.f., juin 1502. 5689 Fournand 2001, p. 119. 5677 1230 3. Approche croisée du mobilier archéologique dans l’inventaire d’un dépôt d’orfèvrerie5690. En 1479, la fille de Pierre Hardouyn, trésorier de France, offre au roi René, par l’intermédiaire de sa mère, un chapelet en or où sont figurées les sept vertus, c’est-à-dire les trois vertus théologales et les quatre vertus cardinales5691. En 1534, lors d’une estimation des joyaux de l’héritage d’Hélène de Pontevès par Pierre Lager, orfèvre d’Aix, il est relevé 101 perles (patres) en or et un trenon de perles pour 7 florins5692. En 1581, la dot de la fille d’un capitaine corse qui tient garnison à Sisteron contient des patres d’or évalués 6 écus. L’un des chapelets de la religieuse du monastère de Sainte-Praxède, Louise de Villeneuve, retrouvé dans sa chambre en 1587 est à perles d’argent5693. Les perles métalliques n’étaient pas toujours en or ou en argent puisqu’en 1476, la petite Hélène, le petit Faillon et la petite Marquise reçoivent chacun un grans patenostres d’estain du prix de 3 gros5694. La présence de chapelets en verre n’est pas formellement attestée dans les comptes du roi René, même si quelques indications pourraient l’établir. En effet, il est parfois mentionné l’achat de perles sans aucune indication de matériau mais avec une précision sur la couleur. En 1476, il est acheté des chapelets bleus pour 1 florin 3 gros5695, une perle bleue fournit par un allemand5696, six paires de chapelets noirs d’une valeur de 1 florin 6 gros pour être mis sur plusieurs chapeaux du roi5697. Une autre lyasse de perles de nature et de couleur inconnue est acquise 8 gros et mise à l’un de ses chapeaux5698. L’année suivante, ce sont 25 chapelets verts pour un total de 3 florins 9 gros qui sont acquis chez un mercier de Paris pour donner du bon plaisir au roi5699. S’il s’agissait de pierres fines, il est probable que la nature de la pierre eut été mentionnée. Une ligne de compte rapporte qu’en 1477, un page ramène des patenostres achetées à un navire vénicien5700. Or, la ville de Venise, et notamment ses ateliers de l’île Murano, est réputée pour son travail du verre et sa production de perles. Bien évidemment, cet argument n’est pas irréfutable, les navires vénitiens transportant tous types de marchandises et de toutes origines. Toujours à propos des matériaux vitreux, en 1479, le marchand marseillais 5690 AD Vaucluse, 3 E 9 (1) 28, f° 24 r°. Arnaud d’Agnel 1908, n° 1035. 5692 AD BDR Aix, 308 E 986, f° 1025 v° - 1026 r°. 5693 AD Vaucluse, 1 G 390, f° 427 r° - 429 r°. 5694 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2577. 5695 Ibid., n° 2567. 5696 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 88, n° 377. 5697 Arnaud d’Agnel 1908, n° 914. 5698 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 88, p. 376. 5699 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2661. 5700 Ibid., n° 2683. 5691 1231 3. Approche croisée du mobilier archéologique Amédée de Vivaldis fournit des patenostres d’émail5701. Des patinostres d’imailh rompus sont trouvés chez Hugone de Lagarde en 15725702. Les perles en bois et en os figurent dans quelques rares documents alors qu’elles étaient avec les perles en verre sans doute les plus fréquentes dans la population. À la mort d’Élipde d’Avelin, en 1426, il est retrouvé dans son château des Baux, dans un premier coffre, des petites perles enfilees et deffilees de peu de valeur, et dans un second coffre de vieux chapelets en os et uns patenostres grises5703. L’inventaire des biens conservés au château d’Angers en 1471 - 1472 répertorie cinq paires de perles de boys, certaines plus grosses que d’autres, dont en l'une des moyennes a ung cassidoyne au bout, mais aussi trois paires de perles de bois faites a petites estoz (estoc, pieu) dont en une desdites patenostres a une petite patenostres d'ambre5704. La seule attestation de perles en tissu hors des comptes de péage d’Avignon, ungz patenostres de satin, provient de l’inventaire des biens du 20 avril 1590 de la confrérie du séminaire du Portail Magnanen à Avignon5705. Dans un certain nombre de cas, la nature des matériaux des perles ou des grains des chapelets n’est pas précisée. Par exemple, en 1456, l’inventaire des biens du pourtant très riche fustier François Carasse ne contient que des chapelets sans grande valeur d’après le notaire. Le matériau n’est pas non plus indiqué pour le chapelet que reçoit la petite Hélène avec une bourse en 14765706, pour la douzaine de perles destinées à une ceinture que doit acheter Marguerite de Lorraine avec 1 florin en 14785707, pour le chapelet de 3 gros donné en 1480 à la petite Beauvau, fille d’Isabelle de Beauvau et de Jean II de Bourbon, comte de Vendôme5708. Le roi René aime les objets étranges ou exotiques, ce qui a déjà pu être noté pour la ceinture. Il reçoit également plusieurs patenostres estranges trouvées à Avignon d’une valeur de 7 florins 6 gros5709, acquiert un chapelet turquesque chez Estève Tissier, de Marseille5710, se procure des chapelets turquesques auprès de Claude Martinet, patron d’un navire du viguier de Marseille en 14795711. Un certain nombre de perles sont peintes à la devise du roi : un peintre de Vienne s’en charge pour 4 gros en 1476 ; en 1477, Arnoulet, 5701 Ibid., n° 2726. Fournand 2001, p. 119. 5703 Barthélémy 1877, p. 132 et 140. 5704 Arnaud d’Agnel 1908, n° 642, p. 266, 267, 268. 5705 AD Vaucluse, 1 G 123, f° 350 r°. 5706 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 88, p. 367. 5707 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2639. 5708 Ibid., n° 1092. 5709 Ibid., n° 2702. 5710 Ibid., n° 2691. 5711 Ibid., n° 2723. 5702 1232 3. Approche croisée du mobilier archéologique brodeur d’Avignon, est rémunéré pour avoir brodé un drap d’or d’écussons et des armes du roi et de la reine et y avoir disposé aux alentours des patenostres a la devise du roy pour le donner aux Célestins d’Avignon5712. Un inventaire des marchandises acquises par Adrien Moret marchand à Avignon mentionne quinze chapelets. En 1587, il est retrouvé dans la chambre de la défunte religieuse Louise de Villeneuve, au monastère de Sainte-Praxède à Avignon, un petiz patres amours violletz de trois en trois5713. L’achat de perles, et non pas de chapelets complets, est signalé de temps à autres dans les comptes du roi René, les références en ont déjà été données. L’usage prévu pour ces perles est rarement précisé mais certaines ont pu être montées en chapelet : un cordon et des floches sont acquis en 1451 pour un chapelet du roi5714, une demie-canne de coton à six patacs est acquise pour enfiller des patenostres du roi en 14765715. Au besoin, le roi René a fait fabriquer ses perles et grains de chapelets, éventuellement en passant par la réalisation d’un modèle : un homme de Lyon reçoit 6 gros pour avoir fait en 1476 ung patron de fer blanc d’une perle que le roy a envoye a la royne5716. Cette même année, l’argentier du comte Jean Osche se procure pour 8 gros, du plomb, de l’esmery et du fil de cuivre pour percer les perles5717. La poudre d’émeri – une variété granulaire très dure du corindon – sert ordinairement au polissage des perles en pierres lorsqu’elle est incrustée sur une plaque en plomb5718, et disposée sur la pointe d’un foret, elle permet de percer les pierres dures5719. Quant au cuivre, il a dû servir à la confection des maillons sur lesquels étaient disposées les perles : Jean Osche fait d’ailleurs réaliser des ferremens à cet effet5720. 3.4.8.2.Étude des perles du corpus Les perles sont des objets généralement intemporels. Comment dater des formes qui se perpétuent dans le temps quand rares sont les exemplaires spécifiques à une époque ? Il est donc particulièrement ardu de créer une typologie. Cela s’est d’ailleurs avéré impossible compte tenu du corpus provençal. Il ne pouvait être envisagé d’ajouter à l’étude les très 5712 Ibid., n° 763, 808, 816. AD Vaucluse, 1 G 390, f° 427 r° - 429 r°. 5714 Arnaud d’Agnel 1908, n° 1111, achat hors de Provence. 5715 Ibid., n° 2548. 5716 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 88, p. 369. 5717 Ibid., n° 915. 5718 Cannella 2006, p. 271-273, 283. 5719 Ibid., p. 284-285. 5720 Arnaud d’Agnel 1908, n° 910. 5713 1233 3. Approche croisée du mobilier archéologique nombreuses perles provenant de contextes postérieurs au XVIe siècle même si beaucoup d’exemplaires furent répertoriés en position de dépôt secondaire et vraisemblablement produits lors de la période d’étude. Il est généralement impossible de les distinguer. En outre, le nombre de perles étudiées en aurait été décuplé et de nombreuses problématiques liées à l’évolution des techniques de fabrication des perles durant l’Époque moderne auraient dû être abordées. Comme illustration, notons que les remblais mis en place dans l’église Saint-Blaise au XVIIIe siècle par l’apport de terres de cimetière contiennent plusieurs centaines de perles de formes et de matériaux très diversifiés. De nombreux artefacts métalliques datés du bas Moyen Âge y ont été récoltés. Mais ces strates ont également fourni des objets attribuables à la fin de l’Époque moderne. Quelques exceptions ont cependant été faites, notamment pour quelques contextes très particuliers du site du Jardin ouest du Petit Palais ou de l’Impasse de l’Oratoire à Avignon : ces contextes appartiennent au comblement de structures fossoyées dans des niveaux médiévaux, probablement remblayées avec les terres extraites ou immédiatement adjacentes, et ne contiennent que peu ou pas de mobilier plus récent. La perduration des formes implique que des perles antiques ou du haut Moyen Âge puissent être retrouvées en contexte médiéval sans pouvoir être identifiées comme telles. De ce fait, les perles collectées dans des niveaux du second Moyen Âge ou du début de l’Époque moderne sur des sites archéologiques aixois ou fréjussiens à forte occupation gallo-romaine n’ont pas été étudiées. Les perles du corpus ont été classées selon leur matériau et non selon leur configuration. En effet, la variabilité morphologique des perles mais aussi la perpétuation des formes s’opposent à toute classification fondée sur ce critère. A l’inverse, définir la matière d’une perle ne confère, la plupart du temps, aucun problème particulier. En outre, certaines formes s’associent à certains matériaux et éventuellement certaines couleurs peuvent être caractéristiques d’une époque. Enfin, la fabrication varie parfois notablement en fonction du matériau. Le corpus a été organisé pour que la nature des matériaux étudiés passe progressivement du minéral au vivant. Il est traité dans un premier temps des perles en pierre et en minéral, puis en second lieu, des spécimens en verre – un mélange de matières minérales et de carbonates –, et dans un troisième lieu, des exemplaires en roches sédimentaires, des artefacts en ambre – une oléorésine – enfin, pour terminer des perles en matières dures d’origine animale telles que le corail, la nacre et l’os. L’absence de perles en bois n’est guère 1234 3. Approche croisée du mobilier archéologique surprenante, ces objets se conservent très mal hors de certains milieux spécifiques5721. Les croix en matières dures d’origine animale peuvent compléter des chapelets et ont donc été étudiées à la suite des perles. Quelques billes perforées en matériau blanc ont parfois été interprétées comme des perles dans la bibliographie. Il s’agit très certainement la plupart du temps de plombs de pêche. Des perles en étain ont toutefois existé puisque trois jeunes enfants de la cour du roi René en reçoivent un chapelet en 14765722. Cette interprétation est peut-être celle qui doit prévaloir pour un objet ovale et cannelé en étain collecté dans un niveau de la première moitié du XVe siècle à Londres5723. Les perles en pierre et en minéral (fig. 566, n° 22 et 23) Bouches-du-Rhône  Les Fédons, Lambesc : trois spécimens, sépultures de pestiférés datées de 1590.  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : n° B940191, sol du XIVe siècle. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest : n° 1964, couche de dépotoir datée vers 1365 - vers 1400. Les perles en pierre ou en minéral sont rares dans le corpus provençal puisque seuls cinq exemplaires ont été inventoriés. Trois perles biconiques en quartz incolore et transparent – cristal de roche ou quartz hyalin – ont été retrouvées, associées avec des perles en ambre, dans deux sépultures de pestiférés datées de 1590 du site des Fédons à Lambesc : à hauteur de la main droite d’une adolescente (15 à 19 ans), près du crâne d’un individu au sexe et à l’âge non précisé. Un autre spécimen (fig. 566, n° 22), polyédrique régulier – plus exactement un cuboctaèdre, soit six faces carrées et huit faces triangulaires –, provient d’une couche de dépotoir des années 1365 - 1400 du jardin ouest du Petit Palais. Une perle analogue, en jais (?), a été retrouvée dans un ossuaire daté entre le début du XVe siècle et la fin du XVIIIe siècle dans l’église Santa Marie del Mastro de Gerace dans la province de Reggio Calabria5724. Une autre perle mais cette fois-ci en ambre est issue d’une phase d’occupation 5721 Les plus anciennes perles en bois repérées dans la bibliographie, de conformation sphéroïde aplatie, ont été mises au jour dans un contexte du XVIIe siècle lors d’excavations dans l’église SaintPatrick à Édimbourg en Écosse (Franklin 2011b, p. 51, fig. 8, n° 16). 5722 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2577. 5723 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 316, n° 1585 ; d x h = 0,7 x 1 cm. 5724 Lebole di Gangi 1993, p. 473, n° 68 ; l x h = 1,2 x 1,2 cm. Il apparaît à la lecture de la description des perles retrouvées sur ce site que l’auteur n’a pas su identifier correctement les matériaux utilisés. 1235 3. Approche croisée du mobilier archéologique située entre vers 1270 et vers 1350 d’un site londonien5725. Cette forme est connue antérieurement : un exemplaire en verre vert d’une couche datée entre vers 450 et vers 580 fut découvert dans l’église Saint-Laurent de Grenoble en Isère5726. Une datation basée sur la seule forme n’est donc pas possible. Les perles en cristal de roche – si tant que la détermination soit bonne et qu’il ne s’agisse pas de verre transparent – sont assez rares dans la bibliographie. Un spécimen dodécaédrique appartient à une phase de la première moitié du XVIe siècle de l’occupation du château de Montaldo di Mondovì dans la province de Coni en Italie5727. Un autre, en forme de prisme hexagonal, fut retrouvé avec des perles en verre bleu et blanc lors d’un sondage dans l’église Saint-Laurent de Grenoble en Isère5728. À Londres, une perle sphéroïdale allongée à facettes spiralées, comme il en existe pour les perles en jais (fig. 566, n° 15 et 16), est issue d’un contexte de la seconde moitié du XIVe siècle5729. Une autre perle annulaire londonienne avec deux lignes incisées définissant une bande centrale abrasée transversale à la perforation fut découverte hors stratigraphie avec du matériel imputable au XIIIe siècle ou à la première moitie du XIVe siècle5730. Un sol d’habitat de la rue Frédéric Mistral à Fos-sur-Mer a livré une perle en émeraude (fig. 566, n° 23) de qualité médiocre, avec de nombreuses macles et en forme de prisme hexagonal. Une autre perle en émeraude globalement octaédrique a été mise au jour à Winchester dans une strate datée entre 1441 et la seconde moitié du XVIe siècle5731. Les perles en roche sédimentaire (fig. 566, n° 1 à 21) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Honorat, Arles : n° 27, 28, 32 et 33, couches de caveau des XIVe XVIe siècle. Le jais y est sans doute confondu avec du « bois noir ». D’autres perles sont dites en ivoire, matériau qui, pour être identifié, nécessite certaines connaissances, ne s’agit-il pas plus probablement d’os ? Cette méfiance envers les interprétations de l’auteur est accentuée par le fait que certaines morphologies des perles de ce site sont très typiques dans la bibliographie et dans le corpus provençal de certains matériaux qui n’ont ici pas été reconnus. 5725 Egan et Pritchard (dir.) 20022, p. 307, n° 1512 ; l x h = env. 1,4 x 1,4 cm 5726 Colardelle 1999, t. 2, p. 44 ; l x h = 0,7 x 0,8 cm. 5727 Cortelazzo 1991, p. 193-194 ; l x h = 1,4/1,6 x 0,9 cm 5728 Colardelle 1999, t. 2, p. 3 ; d x h = 0,9 x 1,1 cm 5729 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 315, n° 1583 ; d x l = 1,3 x 1,8 cm. 5730 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 315, n° 1582 ; d x l = 1,15 x 0,7 cm. 5731 Biddle et Creasey 1990, p. 664, n° 2148. 1236 3. Approche croisée du mobilier archéologique  Château, Les Baux-de-Provence : n° 270, remblai du XIVe siècle ; n° 358, contexte de datation inconnue. Gard  Cloître, Saint-Gilles : n° 2010-76, sépulture d’adulte des XIIe - XVIIe siècles. Var  Cadrix, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 401 A, F, G, sépulture du XVIe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 404 d’un contexte possiblement daté du second tiers du XIVe siècle ; n° 418 A à I d’une couche du troisième tiers du XIVe siècle ; n° 63 B, d’une strate de fin XIVe ou XVe siècle ; n° 71 d’un sol de datation inconnue ;  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 189, 1701, 1722, 2594, couches de dépotoir datées vers 1365 - vers 1400.  Rue Carreterie, Avignon : n° 51-1 C, 51-2 et 51-3 de datation inconnue.  Rue du Limas, Avignon : n° 137, strate de datation inconnue.  Rue Racine, Avignon : n° 60, contexte situé vers 1530 - 1540. Parmi les 32 perles de ce groupe, 31 sont en jais – une variété de lignite – et une seule en craie (fig. 566, n° 21), une variété de calcaire. Cette dernière, assez frustre, est globalement cylindrique. Le forage de la perforation centrale a été effectué depuis les deux faces avec un instrument dont l’aspect conique de la pointe était fortement marqué. Deux possibles perles en calcaire blanc lithographique proviennent de l’occupation du castrum d’Andone (vers 950 1028) à Villejoubert en Charente5732. À Saint-Georges de Luzençon dans l’Aveyron, un collier de perles en jais, en agate et en calcite avec fermoir en or provient d’une sépulture du XVIe siècle située dans l’église5733. La fabrication de bijoux en jais, et notamment de perles, prend sa source dans l’antiquité romaine et a perduré, avec un succès inégal, jusque durant le XXe siècle. En France, elle a constitué aux XVIIe et XVIIIe siècles une activité importante dans le pays ariégeois, mais son intensité fut cependant liée aux fluctuations de la mode. Dans les années 1820, les auteurs du Dictionnaire technique constatent que la fabrique Thomas Vivié et fils 5732 5733 Bourgeois et Bourgueil 2009, n° 1858, d x h = 1,4 x 0,9 cm ; n° 1859, d x h = 1,9 x 0,7 cm. Parures 1990, p. 124, n° 214. 1237 3. Approche croisée du mobilier archéologique n’emploie plus que 60 ouvriers alors qu’ils étaient 1000 à 1200 trente ans auparavant5734. Le succès ne reviendra qu’à la fin du siècle avec le développement de nouveaux marchés5735. Le jais est extrait sous forme de morceaux de moins de 10 cm d’épaisseur. Au XIXe siècle, ces fragments étaient dégrossis par les hommes avec un couteau spécial à lame large et fine sur un billot de bois, puis triés selon leur destination. Ils étaient ensuite percés par de jeunes femmes avec des forêts de différentes grosseurs sur un tour à archer. Une perle, à ce stade de la fabrication, fracturée lors du percement, a été découverte à Londres dans un niveau daté entre vers 1330 et vers 1380, sur un site ayant également livré des déchets de fabrication de perles en corail et en ambre5736. L’emploi d’un tour à main permet la fabrication de perles en jais sphéroïdales ou ovoïdes. Les cannelures et guillochés sont obtenus à la lime. Pour les perles à facettes, une meule, horizontale et en grès, est constamment arrosée d’eau. Un mélange détrempé de blanc d’Espagne et de charbon de saule réduit en poudre sert d’abrasif lors du polissage final, travail minutieux et fatiguant pour la vue réalisé par de jeunes filles5737. Les perles en jais du corpus sont de formes variées. Les plus courantes affichent une forme sphéroïdale aplatie (ex : fig. 566, n° 8) ou allongée (ex : fig. 566, n° 4) jusqu’à l’ellipsoïde (fig. 566, n° 15). Quelques-unes, de datation plus tardive, ont été taillées pour présenter des faces spiralées (fig. 566, n° 15 et 16). De nombreux exemplaires adoptent une forme bitronconique régulière (fig. 566, n° 10 à 12), ou irrégulière à cordons spiralés (fig. 566, n° 19), d’autres une forme tronconique (fig. 566, n° 20), en palet (fig. 566, n° 7), cylindrique (fig. 566, n° 13), bitronconique inversé (fig. 566, n° 14) ou plus complexe (fig. 566, n° 17 et 18). Dans un cas, les facettes ne sont pas ordonnées (fig. 566, n° 1) mais l’objet a bien été poli : s’il s’agit d’un raté d’exécution, le processus de fabrication a cependant bien été mené à son terme. La fracture de quelques perles dans le sens de la longueur montre qu’elles étaient perforées depuis leurs deux faces même si ceci est parfois à peine perceptible (fig. 566, n° 5 et 12). Une perle en verre violet translucide cylindrique aux très nombreuses facettes se rapproche de l’exemplaire n° 18 de la figure 566. Elle est datée entre le milieu du XVIe siècle et la seconde moitié du XVIIe siècle et provient de Winchester5738. Les perles en jais sont beaucoup moins communes pour le bas Moyen Âge et le début de l’Époque moderne que pour 5734 Note 1795, p. 43 ; Francoeur et al. 1822-1825, p. 337. Mergnac (dir.) 2007, p. 10. 5736 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 309, n° 1546. 5737 Note 1795, p. 43 ; Francoeur et al. 1822-1825, p. 337 ; Mergnac (dir.) 2007, p. 10. 5738 Biddle et Creasey 1990, p. 664, n° 2138. 5735 1238 3. Approche croisée du mobilier archéologique les XVIIe - XIXe siècles. Une perle sphéroïdale allongée, d’un contexte des années 1425 1521 mais remanié, fut retrouvée au King John’s hunting lodge à Writtle dans l’Essex5739. À Threave Castle, dans le Galloway, ce sont deux perles sphéroïdales aplaties5740 et une perle sphéroïdale allongée décorée d’incisions croisées5741 qui sont issues d’une phase des années 1455 - 1640. Lors d’opérations archéologiques à York, des perles sphéroïdales aplaties ou allongées mais également un exemplaire annulaire de petite taille ont été retrouvées dans des contextes datés entre la première moitié du XIIIe siècle et le milieu du XVIIe siècle5742. Au château de Vuache à Vulbens en Haute-Savoie, deux spécimens proviennent d’une couche de démolition du XVIe siècle : l’un est annulaire et gravé de petites étoiles séparées par des entailles en forme de chevrons, l’autre est sphéroïdal allongé avec des facettes spiralées5743. Une perle analogue à ce dernier est issue d’un niveau d’abandon du château des Armoises à Richardménil en Meurthe-et-Moselle occupé jusque vers 15705744. D’autres perles probablement en jais furent trouvées dans un ossuaire mis en place entre le début du XVe siècle et la fin du XVIIIe siècle à Santa Maria del Mastro à Gerace dans la province de Reggio Calabria. Elles sont cuboctaédriques ou sphéroïdales allongées et l’une d’entre elles a des facettes spiralées5745. À Londres, une perle possède des facettes spiralées rainurées alternant avec de profondes incisions spiralées, ce qui lui donne de profil une forme en hélice5746. Des perles sphéroïdales aplaties, hémisphériques ou bien encore cylindriques et décorées proviennent de contextes datés entre les XIIIe - XIVe siècles et le XVIe siècle de sites de Winchester5747. Du château de Peyrepertuse dans l’Aude provient une perle (N.D.S.) de forme irrégulière5748 – une ébauche ? 5739 Rahtz 1969, p. 81, fig. 43, n° 7 ; d x h = 2,8 x 2,5 cm. Collins 1981, fig. 20, n° 202 : d x h = 1,2 x 0,7 cm ; n° 204, fragment, d = 1,2 cm. 5741 Ibid., fig. 20, n° 203, d x h = 0,9 x 1 cm. 5742 Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2948, n° 13495-13500 et 14770-14771 ; objet annulaire, première moitié du XIIIe siècle, d = 0,5 x 0,19 cm. 5743 Raynaud 1993, p. 101. La matière est confondue avec du bois par l’auteur. Respectivement d x h = 1 x 1,2 cm et 1,7 x 2,3 cm. 5744 Huot-Marchand 2007 ; d x h = 1,3 x 1,6 cm. 5745 Lebole di Gangi 1993, p. 473, n° 66, d x h = 1,5 x 1 cm. L’auteur a manifestement fait des erreurs dans l’identification des matériaux : le jais est confondu avec du bois noir. 5746 Egan 2005, p. 56, n ° 245 ; d x h = 0,8 x 1 cm. 5747 Biddle et Creasey 1990, p. 661, n° 2109 à 2115. 5748 Bayrou 2000c, p. 201 ; l x h = 0,5/1,5 x 1,4 cm. 5740 1239 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les perles en verre (fig. 567, 568, 573) Alpes-de-Haute-Provence  La Moutte, Allemagne-en-Provence : n° 1, contexte daté entre la seconde moitié du Xe siècle et 1105/1110.  Rue Marius-Debout, Forcalquier : n° 61, contexte du XVIe siècle. Bouches-du-Rhône  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : B960191, sol du XIIIe siècle, B960094, couche de destruction postérieure au milieu du XIVe siècle  Église Saint-Honorat, Arles : n° 22, couche d’ossements dans un caveau utilisé entre le XIVe siècle et le XVIe siècle.  Cathédrale Saint-Sauveur, Aix-en-Provence : n° 255, contexte du XVIe siècle.  Les Thermes, Aix-en-Provence : n° 25, strate du XVIe siècle.  Rue Frédéric Mistral, Fos-sur-Mer : n° B960191, sol d’habitat du XIIIe siècle, B960094, remblai de destruction postérieur au XVIe siècle.  Château des Baux, Les Baux-de-Provence : n° 269, remblai, XIVe siècle.  Maison Lhere, Les Baux-de-Provence : n° 165 A et B, remplissage de silo, XIVe siècle.  Église abbatiale Saint-Victor, Marseille : n° 700, remblai préparatoire de sol de la seconde moitié du XVIe siècle. Gard  Cloître, Saint-Gilles : n° 2010-82 à 96, sépulture d’adulte masculin datées par C14 à deux sigmas des années 1446 - 1630 ; n° 2010-77 à 79, sépulture d’adulte, XIIe XVIIe siècle. Var  Castrum Saint-Jean, Rougiers : s.n. 2, contexte inconnu.  Baptistère, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : un objet en entier et plusieurs fragments sous la référence 84-08, contexte inconnu.  Cadrix, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : n° 401 H à M, R à T, sépulture du XVIe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 381 et 411, contexte du premier tiers du XIVe siècle ; n° 389, première moitié XIVe siècle ; n° 385 et 405, strate du troisième 1240 3. Approche croisée du mobilier archéologique tiers du XIVe siècle ; n° 386, couche du milieu du XIVe siècle ; n° 413, unité stratigraphique du XVIIIe siècle ? avec de la céramique du premier tiers du XIVe siècle ; n° 392, contexte de datation inconnue.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : 27 perles provenant de couches de dépotoir datées vers 1365 - vers 1400 ; n° 136, terres de jardin datées vers 1400 ; n° 1268 issu de l’effondrement d’un four à cloche de fin XVIIe - début XVIIIe siècle ; n° 986, tranchée de 1960 ; n° 548, H.S.  Rue de la Principale, Avignon : n° 1995-194 et 195, 1996-341 et 342 de strates de datation inconnue.  Rue Banasterie, Avignon : n° 635, cinq perles de datation inconnue.  Rue Carreterie, Avignon : n° 51-1 A et B, 51-4, 139 de datation inconnue.  Rue Racine, Avignon : n° 53 à 57, contexte daté vers 1530 - vers 1540.  Site inconnu, Le Pontet : débris de perles en verre enfouies avec des monnaies vers 1431 - 1432. Les perles en verre, colorées à l’aide d’oxydes, sont de loin les perles plus courantes dans le corpus. La composition de ces oxydes et des adjuvants utilisés est parfois spécifique durant l’Époque moderne de courtes périodes de temps et de centres de production particuliers. Les chercheurs américains et notamment canadiens se sont particulièrement intéressés à cette question5749. Il existe différents procédés pour leur fabrication : l’enroulement, l’étirage, le moulage, le moulage à la presse – inventé en 1841 –, le soufflage. Les différentes méthodes peuvent être combinées5750. L’observation de la perforation des perles du corpus confirme que le soufflage n’a pas été mis en œuvre pour leur confection. L’absence de joint de jonction de moule tendrait à prouver qu’il en est de même pour le moulage, mais les perles pourraient avoir été sablées pour enlever les imperfections. Cette technique de soufflage apparaît cependant particulièrement rare dans la bibliographie spécialisée sur l’étude des perles découvertes en Amérique du Nord et échangées avec les indiens, toutes importées d’Europe5751. Les modes de fabrication les plus courants pour le second Moyen Âge et l’Époque moderne sont l’étirage et l’enroulement. 5749 Garrad 2001, p. 5-6 ; Bonneau et al. 2012 ; Bonneau et al. 2013. Jirka et Jirka 1985, p. 4 ; Sherr Dubin 1988, p. 110 ; Decorse et al. 2003, p. 88 ; Bonneau et al. 2013. 5751 La bibliographie sur la fabrication des perles en verre est difficile d’accès car indisponible en France, il est donc exceptionnel que cet aspect soit traité dans les publications archéologiques 5750 1241 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les perles de verre étiré sont obtenues en soufflant une bulle d’air dans une masse de verre chaud. La matière est ensuite allongée en un long tube de plusieurs mètres – jusqu’à plusieurs dizaines de mètres –, la bulle formera la perforation. Le verre refroidi est ensuite découpé en tronçons. Un chauffage permet d’obtenir des perles arrondies ou oblongues aux bords émoussés. Un meulage peut être réalisé pour créer des facettes5752. Cette technique permet une production en grande quantité. L’enroulement nécessite beaucoup plus de temps et est plus onéreux. Il consiste à enrouler pour chaque perle la matière en fusion autour d’une baguette métallique qui, une fois retirée crée la perforation5753. Avec ces deux techniques, il est possible de travailler avec du verre d’une seule couleur ou composé de plusieurs couches de couleurs auquel peut être adjoint des inclusions de verre. La méthode par enroulement n’aurait été inventée qu’en 15285754. Peu nombreuses seraient donc les perles du corpus qui auraient pu être ainsi fabriquées. La distinction entre les perles obtenues par enroulement et les perles réalisées par tirage se ferait notamment selon la position de stries superficielles ou de bulles d’air observables à l’œil nu ou au microscope. Toutefois, ces éléments de différenciation, utilisables si la perle est en bon état, n’ont été connus que très récemment car il ne semble pas exister de bibliographie française sur le sujet. La presque totalité des perles du corpus n’a donc pu en bénéficier. En outre, deux éléments bibliographiques majeurs n’ont pu être trouvés dans les bibliothèques françaises et sur internet malgré des recherches intensives. Ces deux documents scientifiques, œuvre de chercheurs canadiens qui s’intéressent aux perles de fabrication européenne échangées avec les populations indiennes d’Amérique du Nord, établissent une typologie des perles en verre et une étude des procédés de fabrication des perles médiévales et modernes5755. Malgré tout, cette voie mérite d’être suivie car, associée à d’autres éléments descriptifs et éventuellement à des analyses physico-chimiques, elle conduit à l’élaboration de typologies qui, quoique françaises. A. Berthon a pu mettre en évidence que trois perles découvertes dans un contexte daté de 1611 du site de La Porte Maubec à La Rochelle avaient été moulées en observant la présence d’un fin ressaut transversal à l’axe de la perforation sur l’extérieur de ces objets (Berthon (dir.) 2013, p. 94-95, n° 192-194). 5752 Jirka et Jirka 1985, p. 3 ; Piacentino 1995 ; Lamothe 2003, p. 73. 5753 Jirka et Jirka 1985, p. 3. 5754 Murray 2008, p. 92. 5755 Kidd, Kenneth E. et Martha A. Kidd, 1970, A Classification System for Glass Beads for the Use of Field Archaeologists, Canadian Historic Sites: Occasional Papers in Archaeology and History, n° 1, p. 45-89, Ottawa. Parks Canada, Reprinted in Proceedings of the 1982 Glass Bead Conference, edited by Charles F. Hayes, Appendix, pp. 219-257, Research Records 16, Rochester Museum and Science Division, Rochester, New York, 1983 ; Kidd Kenneth E., 1979, Glass Bead-Making from the Middle Ages to the Early 19th Century, Ottawa, Parks Canada. 1242 3. Approche croisée du mobilier archéologique complexes, permettent parfois d’envisager la datation de contextes archéologiques, l’évolution des approvisionnements et une meilleure compréhension dans le choix des formes et des couleurs5756. Dans le corpus, les perles les plus nombreuses sont annulaires, sphéroïdes aplaties ou allongées, ovoïdes. Quelques rares spécimens en verre noir sont bitronconiques (fig. 567, n° 30), en forme de poulie (fig. 568, n° 6) ou cylindriques (fig. 567, n° 12). À Cadrix, c’est un exemplaire incomplet de section quadrangulaire originellement de couleur bleu foncé qui provient d’une sépulture du XVIe siècle (fig. 568, n° 19). Une perle en verre noir couverte de quatre rangs de globules décalés provient d’une sépulture mal datée du site de la Place Formigé à Fréjus (fig. 568, n° 8). Les perles godronnées ou côtelées en verre, perdurant au moins depuis le début de l’Ère chrétienne5757 jusqu’au début de l’Époque moderne5758, sont illustrées par dix exemplaires de couleur noire présentant presque tous des cannelures de petites dimensions (fig. 568, n° 1 à 5 et 7). Un spécimen se distingue par sa plus grande taille (non figuré). Les bulles du verre, aisément observables, sont allongés dans le sens opposé à la perforation : la perle a donc été produite par enroulement, ce que ne contredit pas sa datation du XVIe siècle. Cette perle trouve par sa dimension une correspondance avec quatre exemplaires en verre transparent mis au jour au château d’Apcher (XIVe - XVIIe siècle) en Lozère5759. Un autre individu du corpus, en verre noir à filets blancs, a probablement été fabriqué au moyen de la torsion de tiges de verre blanc avec une matrice de verre noir 5756 Lire par exemple Lapham 2001, Decorse et al. 2003, Murray 2008, Bonneau et al. 2012. Pour l’Antiquité, voir par exemple Crummy 2001, p. 30, fig. 32 avec des exemples de Colchester ou bien encore Feugère et Manniez 1993, n° 62, 63, 102, 171 pour Nîmes. Pour le haut Moyen Âge dans le Sud de la France, on peut se reporter à Stutz 2003, pl. 79, n° 1199, pl. 80, n° 200, 1197, 1198, 1201, 1208, pl. 81, n° 1211, 1213, 1216, 1219. À Digne, une petite perle côtelée en verre bleu turquoise provient des environs immédiats d’une sépulture dans la cathédrale Notre-Dame-du-Bourg datée par le C14, avec un intervalle de deux sigmas, entre 692 et 928 (n° 308 A, objet inédit). Dans les Alpes-Maritimes, une perle en verre bleu outremer a été découverte dans un contexte du Xe - XIe siècle du château de Saint-Agnès (Lapasset 2007, p. 137, fig. 102). Un exemplaire en verre bleu-vert fut mis au jour sur la motte castrale du Châtelard (vers 1000 - vers 1075) à Chirens en Isère (Mazard et al. 1993, p. 338 ; Châteaux de terre 1987, p. 69). 5758 France, Aveyron : un exemplaire en verre transparent, sépulture, un spécimen en verre rosé, remblai, XVIe - XVIIIe siècle, cimetière de la Place de l’Église, La Cavalerie (Poujol et Pujol 1999, p. 134). Pas-de-Calais : une perle côtelée transparente montée en pendant, H.S. mais le site est occupé entre fin XIIe - début XIIIe siècle et 1640, Château de Grigny (Dilly et al. 1999, p. 135). Italie, MassaCarrara : un artefact turquoise et un autre brun, contexte de la seconde moitié du XIVe siècle, Collina di San Giorgio, Filattiera (Cabona 1982, p. 453). Reggio Calabria : un objet en os (?) d’après l’auteur, début XVe - fin XVIIIe siècle, Ossuaire, Santa Maria del Mastro, Gerace (Lebole di Gangi 1993, p. 473, n° 75b). 5759 Données inédites. 5757 1243 3. Approche croisée du mobilier archéologique préalablement à la mise en forme (fig. 568, n° 9)5760. Une autre perle aux couleurs inconnues, provenant de la Rue Carreterie, est sans doute aussi caractéristique de ce travail (fig. 568, n° 11). Un exemplaire en verre noir à filets blancs de presque 2 cm de diamètre fut mis au jour dans un ossuaire très remanié (XIIIe - XVIe siècle ?) de Notre-Dame d’Avinionet à Mandelieu-La Napoule dans les Alpes-Maritimes5761. Les perles colorées en vert, jaune, orange, rouge, brun et bleu représentent moins d’un sixième du total des perles. Quelques-unes sont plus ou moins translucides (fig. 568, n° 12 à 17, 20 et 21) et non pas opaques comme le reste du corpus. Les exemplaires de couleur jaune orangé possèdent une oxydation pulvérulente de surface qui pourrait être une conséquence des oxydes utilisés (fig. 568, n° 14 et 15). D’autres perles sont d’une couleur indéterminée (fig. 568, n° 27 à 29), des phénomènes d’oxydation l’ayant fait disparaître. L’oxydation intervient également le long des réseaux de fracture du verre, aboutissant à une modification de la couleur. Dans le cas des perles en verre noir du corpus, il apparaît des traces brunes. Les perles sont avant tout monochromes, rarement bichromes. Un peu plus complexe est un spécimen en verre blanc, à deux teintes de bleu (fig. 568, n° 10). Deux bandes bleues outremer encadrent une zone bleue en travers de laquelle se retrouvent des bandes blanches. Elle devait cependant être d’un faible prix par rapport à une perle (fig. 573) découverte dans un contexte du XVIe siècle sur le site de la Rue Marius-Debout à Forcalquier dans les Alpesde-Haute-Provence. Cet objet au décor complexe et à la richesse chromatique est constitué d’une âme de verre noir à laquelle ont été adjointes des baguettes de verre vert, jaune, rouge bordeaux, bleu et blanc. La matière a ensuite été enroulée sur elle-même puis probablement étirée selon la méthode précédemment décrite. Dans un second temps, sans doute après découpe, une inclusion de verre mosaïqué a été ajoutée. Cette dernière prend la forme d’un quadrilatère à bord bleu clair, à ocelles blanches pointées de rouge sur un fond bleu outremer. La mosaïque est obtenue par assemblage de bâtonnets de verre coloré en un faisceau dont la section laisse apparaître un dessin ; le verre est ensuite recuit et étiré, et les bâtonnets se soudent entre eux5762. Le faisceau est enfin découpé et l’inclusion appliquée sur l’âme en verre. Un réchauffage final soude l’ensemble. Ce type de perle était produit notamment par les artisans vénitiens qui s’en firent une spécialité à la toute fin du Moyen Âge et durant l’Époque moderne5763. 5760 Se reporter à la note de la figure 91, page 100 dans Sherr Dubin 1988. Fixot (dir.) 1990, p. 41, fig. 13. 5762 Sherr Dubin 1988, p. 60. 5763 Ibid., p. 111. 5761 1244 3. Approche croisée du mobilier archéologique La perle n° 2621 (fig. 567, n° 18) du site du jardin ouest du Petit Palais d’Avignon prouve peut-être une activité de production de perles en verre dans la cité vauclusienne avant le dernier quart du XIVe siècle. Cet objet en verre noir tirant parfois vers le violet, boursouflé et à la surface très irrégulière, présente une perforation incomplète. Il n’a pas eu d’usage à l’inverse d’une autre perle, issue du même site, pourvue de nombreuses dépressions irrégulières en surface et retenant un fragment de tige en fer, témoin d’une chaînette disparue (fig. 567, n° 19). Un exemplaire en verre noir en médiocre état de conservation (fig. 567, n° 21) et une perle incomplète de couleur indéterminée (fig. 568, n° 28) récoltés sur le site de l’Impasse de l’Oratoire, conservent pour le premier un fragment de tige en fer, pour le second un tube en alliage cuivreux permettant le passage d’un cordon. La plupart des formes de perles du corpus ne sont pas datables sur le seul critère de la morphologie, mais l’association forme et couleur peut l’être même si, actuellement, il n’a pas été possible de le mettre clairement en évidence dans le cadre de cette étude5764. En effet, la grande diversité des teintes – l’éclairage et l’oxydation des surfaces jouent un rôle important – ajoutée à la multiplicité des dimensions ont posé d’importants problèmes. Le fichier de comparaison établi d’après la bibliographie, malgré son importance numérique par rapport au corpus – plus de huit cents perles ou ensembles de perles du haut Moyen Âge à nos jours pour 100 objets du corpus – s’est révélé paradoxalement limité. La première cause est une sousreprésentation des perles datées des XIe - XVIe siècles puisque n’ont pu être enregistrés pour cette période qu’une soixantaine de perles ou ensembles de perles. La seconde raison est la très grande disparité des perles : en effet, il ne s’est pas souvent trouvé deux perles similaires tant en teinte – la bibliographie est très imprécise sur ce point – qu’en morphologie. L’explication peut paraître simple, les artisans ne suivaient pas forcément un cahier des charges très précis dans ce domaine et il a pu exister de nombreux centres de production. Curieusement, aucune prééminence dans la teinte des perles pour la période d’étude ne peut être mise en évidence. À l’inverse, dans le corpus provençal – la plupart des exemplaires sont datés entre le XIVe siècle et le XVIe siècle – les perles les plus fréquentes sont de couleur noire (74 exemplaires sur 100), mais 28 d’entre elles ont été retrouvées disposées dans trois sépultures du cloître de Saint-Gilles5765 et une sépulture du XVIe siècle du site de Cadrix à 5764 On peut se reporter pour illustration aux fiches PRL-3501 et 3529, sur le site artefacts.mom.fr, référençant des perles annulaires de l’Âge du fer d’un bleu particulier. Il y a également l’exemple des perles modernes évoqué précédemment. 5765 L’une de ces sépultures ne contenait qu’une seule perle à proximité du carpe gauche. L’objet pourrait être résiduel. 1245 3. Approche croisée du mobilier archéologique Saint-Maximin et une perle dans une couche d’ossements dans l’église Saint-Honorat à Arles. Si l’on excepte ces objets, le rapport reste toutefois de deux perles en verre noir pour une perle de couleur. Sur les vingt six autres perles, quatre spécimens sont d’une couleur originelle indéterminée et vingt-deux sont blanches ou de couleur. Une seule perle de couleur (fig. 568, n° 19), peut-être résiduelle – il y a une occupation antique et l’objet est le seul de son type –, provient de la sépulture de Cadrix susmentionnée. La prédominance des perles en verre noir en Provence interpelle. L’absence, si ce n’est la rareté des perles de couleur en contexte funéraire, pourrait correspondre à une volonté d’humilité face à la mort ou plus probablement à une signification symbolique : le noir est associé au deuil. Les perles trouvées dans les sépultures appartiennent probablement à des chapelets. Les perles répertoriées en contexte d’habitat, dans des remblais d’aménagement ou dans des dépotoirs sont presque toujours découvertes isolées : leur fonction reste donc hypothétique. Est-il envisageable que l’impossibilité d’observer des tendances générales dans la bibliographie soit le résultat conjugué de préférences locales pour certaines teintes, à certaines époques par exemple ? Cette hypothèse mérite d’être explorée, mais, comme cela a déjà été précédemment signalé, les données bibliographiques rassemblées sont trop disparates pour la période d’étude. Il est également essentiel de souligner qu’il est dommageable pour l’analyse scientifique que certains renseignements caractéristiques des perles comme leur aspect opaque ou translucide ne soit qu’exceptionnellement renseigné dans la bibliographie, car il est un élément important de l’apparence finale d’une perle. Les perles en ambre (fig. 569, n° 1 à 18) Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne : n° 184 A1 à 4, sépulture creusée entre la fin du XIIIe siècle et le XVe siècle. Bouches-du-Rhône  Collège Mignet, Aix-en-Provence : n° 26, comblement de fosse de la première moitié du XIVe siècle.  Nécropole de Saint-Honorat, Arles : n° 26 et 35 de couche d’ossements dans un caveau utilisé entre le XIVe et le XVIe siècle.  Les Fédons, Lambesc : 28 exemplaires dans des sépultures de pestiférés datées de 1590. 1246 3. Approche croisée du mobilier archéologique Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 399, contexte du troisième tiers du XIVe siècle.  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : onze objets issus de couches de dépotoir datées entre vers 1365 et vers 1400.  Place de la Principale, Avignon : n° 1996-346, comblement de puits, vers 1380 1430. Les perles en ambre du corpus adoptent des formes classiques : annulaires, sphéroïdales aplaties, sphéroïdales allongées, ovoïdes. Beaucoup d’exemplaires présentent donc des faces aplaties. Dans deux cas (fig. 569, n° 9 et 16), le passage entre la partie aplatie et la partie arrondie du corps de la perle est marquée par un angle. Des assemblages de perles en ambre et de perles en cristal de roche ont été notés pour deux inhumations de pestiférés sur le site des Fédons à Lambesc : à hauteur de la main droite d’une adolescente (15 à 19 ans), près du crâne d’un individu d’âge et de sexe non précisé. La couleur des perles en ambre est d’un rouge-orange qui peut tirer vers des tonalités plus claires ou plus vives mais la couleur de ces perles peut aussi revêtir des tonalités très brunes presque noires. En vieillissant, la couleur de l’ambre peut s’assombrir5766. Une perle en ambre en forme de tonneau est issue du village déserté de Rattray dans l’Aberdeenshire. Elle appartient à une phase de récupération de murs de pierre, datée entre le milieu du XVe siècle et la première moitié du XVIe siècle5767. Trois autres spécimens sphéroïdaux aplatis proviennent de fouilles réalisées à York et sont issues de contextes du milieu du XIVe siècle, d’une démolition d’église vers 1538 et d’une phase d’occupation située entre le milieu du XVe siècle et la première moitié du XVIIe siècle5768. De nombreux exemplaires sphériques, sphéroïdaux, ovales ou polyédriques, ainsi que des déchets de fabrication, ont été découverts dans trois fouilles londoniennes issues de contextes datés entre 1270 - 1350 et la seconde moitié du XIVe siècle5769. Les déchets et traces d’outils observés permettent de reconstituer une chaîne opératoire. La première étape consiste à dégrossir le bloc d’ambre au couteau : pour obtenir une perle ovoïde, le bloc est 5766 Sherr Dubin 1988, p. 293. Murray et Murray 1993, p. 201 ; d x h = 0,5 x 0,5 cm 5768 Ottaway et Rogers (dir.) 2002, p. 2948 ; n° 13506, sphéroïde aplatie, milieu XIVe siècle, d x h = 0,8 x 0,7 cm ; n° 13507, sphéroïde aplatie, milieu XVe siècle - première moitié XVIIe siècle, n° 13506, d x h = 0,8 x 0,4 cm ; n° 14775, sphéroïde allongée, d x l = 0,75 x 0,83 cm. 5769 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 306-309. 5767 1247 3. Approche croisée du mobilier archéologique taillé en forme de cylindre. Il est ensuite percé d’abord depuis une face, puis depuis l’autre, la jonction des deux forages s’effectuant au centre de la pièce. Sur une perle du site de la Place Principale cassée dans la longueur (fig. 569, n° 15), la perforation ne s’est faite semble-t-il qu’à partir d’une seule face. L’ébauche est ensuite montée sur un tour et ses surfaces sont égalisées au moyen d’un outil tranchant appliqué contre l’objet en rotation d’après G. Egan, du moins pour les perles sphéroïdales. Le processus de fabrication décrit jusqu’ici n’est pas sans rappeler celui qui était utilisé pour les perles en jais en Ardèche au XIXe siècle. Une meule horizontale pourrait être utilisée pour régulariser les facettes des perles polyédriques. D’après G. Egan, les perles sont ensuite polies avec un outil comportant une large extrémité5770. Un polissage avec un abrasif doux détrempé à l’eau ne serait-il pas plus probable comme pour les perles en jais ? Quoiqu’il en soit, le dégrossissage et le tournage d’une pièce apparaissent comme les étapes les plus risquées de sa fabrication selon les ratés étudiés par l’auteur. L’ambre londonien pourrait avoir été récolté sur les plages anglaises ou sur les côtes de la mer Baltique. Les perles en os (fig. 569, n° 19 à 41)5771 Alpes-de-Haute-Provence  Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne : n° 173 a à c de sépultures datées entre la fin du XIIIe et le XVe siècle.  Rue Marius-Debout, Forcalquier : n° 62, contexte des XIIIe - XVIe siècles. Bouches-du-Rhône  Église Saint-Honorat, Arles : 137 perles, caveau du XIVe - XVIe siècle.  Château, Les Baux-de-Provence : n° 268, remblai, XIVe siècle.  Église abbatiale Saint-Victor, Marseille : n° 707, remblai de préparation de sol de la seconde moitié du XVIe siècle.  Place du Général de Gaulle, Marseille : n° 23, contexte de la fin du XVIe siècle.  Tunnel de la Major, Marseille : n° 58 et 59, sépulture du XIIIe siècle. 5770 Ibid., p. 307. L’artisanat des matières dures d’origines animales est l’objet d’une thèse menée par M.-A. Chazottes à l’Université d’Aix-Marseille. 5771 1248 3. Approche croisée du mobilier archéologique Gard  Cloître, Saint-Gilles : n° 2010-80 et 81, sépulture féminine d’adulte, à hauteur du poignet, XIIe - milieu XVIIe siècle. Var  Cadrix, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : 58 perles dans une sépulture du XVIe siècle. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : dix perles, couches de dépotoir, vers 1365 vers 1400. Les perles en os adoptent pour la plupart des formes usuelles, c’est-à-dire annulaires, sphéroïdales aplaties ou allongées ou bien encore ovoïdes. D’autres exemplaires sont cylindriques avec une bande centrale en relief (fig. 569, n° 36), en forme de bilboquet (fig. 569, n° 41), bitronconiques (fig. 569, n° 38) et éventuellement rainurés horizontalement (fig. 569, n° 39). Le rainurage des perles en os est particulièrement fréquent pour les exemplaires postérieurs au XVIe siècle5772. Un décor d’ocelles limité par des bandes est observable sur une possible perle sphéroïdale aplatie du dépotoir du jardin ouest du Petit Palais d’Avignon (fig. 569, n° 32). La surface de cet exemplaire est recouverte d’une couche dure de sédiments réfractaire au nettoyage au scalpel ; l’ornementation ne peut donc être saisie dans sa totalité. Il est probable, cependant, que deux lignes contigües du motif en décoraient le champ. Une perle en forme de bilboquet provient d’un remblai du XVIe siècle dans l’église abbatiale Saint-Victor à Marseille (fig. 569, n° 41)5773. Une petite perforation, perpendiculaire à l’axe de l’objet, et le traversant de part en part, est occupée par un fragment de tige en fer. Elle s’inscrivait vraisemblablement dans le montage d’une petite croix de perles pendantes à un chapelet comme l’illustre un exemplaire provenant de l’ancienne abbaye de Marmoutier dans le Bas-Rhin5774, un autre spécimen aux perles teintées en rouge daté du XVIIe ou XVIIIe siècle et issu de l’église Saint-Léger de Guebwiller dans le Haut-Rhin5775. Un chapelet découvert entre les bras d’un squelette inhumé au XVIIe siècle dans l’église Saint-Pierre de 5772 La bibliographie mais surtout du mobilier observé sur des sites arlésiens et aixois l’illustre parfaitement. 5773 Elle a été identifiée dans un premier temps (Chazottes et Thuaudet 2014, p. 318) comme étant en buis, mais une observation plus minutieuse par M.-A. Chazottes a montré qu’elle était en os. 5774 Dimensions inconnues ; Vivre au Moyen Âge 1990, p. 475, n° 4.28. 5775 Dimensions inconnues ; Vivre au Moyen Âge 1990, p. 480, n° 4.48. 1249 3. Approche croisée du mobilier archéologique Thônex dans le canton de Genève en Suisse5776, ou deux exemplaires disposés sur le côté droit du thorax ou dans la main droite d’inhumations des fin XVe(?) - XVIe siècles dans l’église Saint-Laurent de Grenoble en Isère (fig. 572)5777 comportent le même montage. Sur le même site, deux sépultures des XVIIe et XVIIIe siècles ont livré des chapelets avec cette forme de perle placés une fois entre les mains sur le thorax et une autre fois sur la partie gauche du bassin5778. Des perles similaires à celle du corpus proviennent également de chapelets, l’un – en buis d’après Y. Esquieu – mis au jour dans une sépulture des XVIe - XVIIIe siècles dans la cité épiscopale de Viviers en Ardèche5779, l’autre issu d’une sépulture de la fin du XVIe siècle ou du XVIIe siècle de la cathédrale de Comacchio dans la province de Ferarre en Italie5780. Lorsqu’il est conservé une chaînette en alliage cuivreux, la perle en forme de bilboquet est toujours disposée de façon à former une croix et elle n’est pas au départ d’une partie pendante comme le proposent parfois des reconstitutions. D’après la documentation rassemblée, les perles en forme de bilboquet sont vraisemblablement postérieures au XVe siècle. Le montage des perles pouvait se faire sur une cordelette ou sur un lacet de cuir, mais les perles pouvaient aussi être disposées sur les maillons d’une chaînette. Deux perles du corpus ont conservé ces éléments métalliques : un maillon en S en fer au travers d’une perle découverte à Digne (fig. 569, n° 25), une tige en alliage cuivreux reliant deux perles pour un artefact provenant d’Arles (fig. 569, n° 37). Des travaux menés par M.-A. Chazottes sur des perles en os découvertes en contexte marseillais, dont certaines sont intégrées à cette étude (fig. 569, n° 23, 33, 35), ont démontré qu’elles ont été obtenues par tournage, soit d’une rondelle d’os plus ou moins épaisse découpée dans une plaquette, soit d’un support de forme et de section quadrangulaire. Le premier cas est illustré par une peinture allemande exécutée vers 1425 (fig. 564)5781 : l’artisan y utilise un tour à archer fixé sur un établi. Dans le deuxième cas, des perles jointives étaient créées, comme l’objet n° 40 de la figure 569 provenant du dépotoir du jardin ouest du Petit Palais formé de deux perles avec une rainure, qui étaient destinées à être séparées dans un 5776 Terrier 1994, p. 92-98, n° 166 ; d x l = 0,25 x 1,6 cm. Colardelle 1999, t. 2, p. 1, 39, 404 ; Colardelle 2008, p. 326 ; d x h = 1,35 x 0,2 cm et 1,5 x 0,7 cm. 5778 Colardelle 1999, t. 2, p. 5, 19, 32, 414, 415, 430 ; Colardelle 2008, p. 334, 346, 326 ; d x h = 1,8 x 0,6 cm et 1,8 x 0,4 cm et 1,3 x 0,6 cm. 5779 Esquieu 1988, p. 74-75 ; d x l = 0,65 x 2,95 cm. 5780 Lora 2009b, p. 74 ; dimensions inconnues. 5781 Image similaire dans le registre Amb 317.2°, f° 58 v° daté de 1435 de la Stadtbibliothek de Nuremberg. 5777 1250 3. Approche croisée du mobilier archéologique second temps par tournage, par sciage ou par pression5782. L’ébauche avignonnaise comporte une dépression à une extrémité qui correspond à l’empreinte laissée par la pointe du tour. La réalisation des perforations se faisait vraisemblablement depuis les deux faces comme cela a pu être distinctement observé sur deux objets du Petit Palais d’Avignon (fig. 569, n° 36 et 38) et une perle de Saint-Gilles (fig. 569, n° 34). Les perles en corail (fig. 570, n° 1 à 19) Bouches-du-Rhône  Saint Laurent, Marseille : n° 3, empierrement du bas Moyen Âge, vraisemblablement des XIIIe - XIVe siècles.  Église Saint-Honorat, Arles : n° 19 d’un remblai de caveau utilisé entre le XIVe et le XVIe siècle. Vaucluse  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 393, contexte du second tiers du XIVe siècle ; n° 400, strate du XVIe siècle ; n° 410, comblement de tranchée du XVIIIe siècle (?) contenant de la céramique du second tiers du XIVe siècle.  Petit Palais, jardin ouest : 19 perles de couches de dépotoir datées vers 1365 - vers 1400.  Place de la Principale, Avignon : 1995-193, H.S.  Rue Carreterie, Avignon : n° 140 au contexte de datation inconnue.  Rue Racine, Avignon : n° 58 d’une strate datée vers 1530 - 1540. Le corail méditerranéen a longtemps fait l’objet d’une exploitation par les pécheurs provençaux. Rencontrer des perles en corail dans le corpus n’est donc guère étonnant. Leurs dimensions sont conditionnées par celles des branches desquelles elles sont issues. La morphologie de ces objets varie assez peu et n’est donc pas datable. Elles sont de formes annulaires ou cylindriques, ou bien encore sphéroïdales aplaties ou sphéroïdales allongées jusqu’à être ovoïdes. Aucun des exemplaires provençaux de contextes d’Époque moderne ou contemporaine rencontrés lors des travaux de thèse ne présente une morphologie 5782 Chazottes et Thuaudet 2014, p. 318. L’interprétation donnée dans cet article est en cours de révision. Elle est donc quelque peu différente de celle formulée ici et que M.-A. Chazottes a bien voulu porter à ma connaissance. 1251 3. Approche croisée du mobilier archéologique différente5783. Deux spécimens du Petit Palais se distinguent néanmoins, l’un par une forme trapézoïdale (fig. 570, n° 18), l’autre (fig. 570, n° 13) par son état d’ébauche comme le montrent les découpes anguleuses des extrémités de l’objet non poli ou au polissage incomplet. Le sens des stries de la structure naturelle du corail montre que la perle a été perforée transversalement à la branche, alors que de façon classique, elles le sont dans le sens de la longueur. Une des perles, trouvée à Marseille (fig. 570, n° 11), est encore traversée par une tige en alliage cuivreux terminée par un massif bombé à une extrémité, par une bélière pour sa suspension à l’opposé. La bibliographie de comparaison consultée n’a livré que peu d’objets hors de la Provence : une perle sphéroïdale allongée en corail, du XIIIe ou du XIVe siècle, proviendrait d’un site du Calvados ou de Seine-Maritime5784 ; des déchets de travail du corail et de fabrication de perle sont connus à Londres pour le XIVe siècle et peut-être la fin du XIIIe siècle5785. Des ateliers de patenôtriers de corail ont été actifs au XIIIe siècle à Paris5786. Curieusement, la bibliographie italienne est peu diserte sur le sujet, mais la documentation archéologique consultée ne concerne pas les ports italiens qui se sont livrés à la pêche du corail et à la taille de cette matière. Ces faits tendent à suggérer que les perles en corail étaient avant tout destinées au marché oriental, comme le laissent entendre les sources d’archives5787. La documentation archéologique provençale va également dans ce sens : seulement deux perles ont été mises au jour à Marseille, un port réputé dans la pêche du corail et un centre important pour la fabrication des objets dans cette matière, et à Arles, un port fluvial qui par sa position est ouvert sur la Méditerranée. Toutes les autres perles ont été découvertes à Avignon, centre économique majeur en Provence, dont une part de la population a pu avoir le goût et les moyens d’acheter des objets en corail. En outre, Avignon est idéalement placé sur le Rhône, à la croisée de nombreuses routes commerciales traversant la Provence et conduisant hors de Provence5788. Les contrats d’embauche relevés dans les registres notariaux du notaire Paul Arbaud entre 1368 et 1380 rapportent l’engagement d’ouvriers ou d’apprentis, tous juifs, pour le travail du corail une fois pêché. Des formules récurrentes évoquent les trois principales opérations du façonnage : le fractionnement (frangere), le polissage (ad rotundandum ou ad 5783 Données inédites. Vivre au Moyen Âge 2002, p. 222, notice 218 ; dimensions inconnues. 5785 Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 309-310. 5786 Lespinasse et Bonnardot (Édit.) 1879, p. 58. 5787 Se reporter au chapitre 2.5.1. 5788 Consulter à ce sujet le chapitre 2.6. 5784 1252 3. Approche croisée du mobilier archéologique poliendum), le perforage (ad perforandum)5789. Les comptes de la Compagnie du Corail de Marseille, conservés pour les années 1581-1585, rapportent l’emploi de femmes pour le raclage et le secouage du corail, que an rasqlat saquejat et ariat, d’hommes pour le tournage (torregiare) et d’autres pour le polissage5790. Le témoignage de A.-L. Aubin au début du XIXe siècle lors de sa visite d’un établissement marseillais de traitement du corail permet de remettre ces opérations en perspective : « On enlève d’abord, avec une lime, la croûte qui couvre le corail ; sans cette précaution, il éclaterait en morceaux lorsqu’on essaierait de le couper : toutes les branches sont ensuite partagées avec de gros ciseaux, qui les divisent aussi nettement que le diamant coupe le verre. On rejette tous les morceaux qui ont des défauts ; ceux que l’on reconnaît sains et sans carie, sont triés selon leur grosseur. Chaque cylindre est ensuite percé au moyen d’une tarière d’acier très fine et bien trempée, qui est mise en mouvement par un archet [il est très probable qu’elles aient été perforées depuis les deux faces comme pour les perles en jais, en ambre ou en os, opération peut-être illustrée par la figure 565]. On polit ensuite sur la meule de grès tournante, pour les dégrossir, les morceaux forés de cette manière, et on les arrondit en les faisant rouler sur une plaque de fer mouillée et couverte de sable fin. Pour les tailler à facettes, on emploie les mêmes procédés que ceux des lapidaires [l’emploi d’une meule horizontale notamment]. Les grains, assortis selon la grosseur ou la couleur, servent à faire des colliers, des bracelets, et d’autres objets de parure. Lorsqu’on les enfile pour faire des colliers, on a soin de mettre les boules rondes au milieu, où elles sont plus en évidence, et de placer les boules aplaties sur les côtés, où on les voit moins. On estime le déchet de la fabrication à environ la moitié du poids ; de sorte que cent livres de corail brut donnent environ cinquante livres de corail façonné5791 ». De nombreuses sections de branches de corail ainsi que des déchets ont été découverts à Avignon, dans le dépotoir du jardin ouest (1365 - vers 1400) du Petit Palais. Un fragment de branche provient également d’un contexte du premier tiers du XIVe siècle du site de l’Impasse de l’Oratoire, un autre de la Rue Racine (vers 1530 - vers 1540), toujours à Avignon. Quatre autres morceaux proviennent de contextes de la fin de l’occupation (vers 1370/1375 - vers 1415/1420) du site du castrum Saint-Jean à Rougiers dans le Var. L’étude des ces artefacts est actuellement menée par M.-A. Chazottes dans le cadre d’un doctorat sur l’artisanat des matières dures d’origine animale à l’Université Aix-Marseille5792. Il n’est mentionné à titre 5789 Maurel 1988, p. 107. Masson 1908, p. 121-122. 5791 Millin 1807-1810, t. 3, p. 289. 5792 Ces artefacts n’ont pas été inclus dans l’inventaire du mobilier. 5790 1253 3. Approche croisée du mobilier archéologique d’exemple dans notre thèse que les pièces n° 1056 et 1230 (fig. 570, n° 1 et 2), découvertes dans le dépotoir du dernier tiers du XIVe siècle du jardin ouest du Petit Palais d’Avignon. Ce sont des déchets ou ébauches de travail dont la croûte vivante – le cortex – contenant les polypes a été enlevée, il ne reste donc que le polypier, l’axe squelettique qui sert en joaillerie. Ces fragments ont été rejetés car ils présentent des trous, traces éventuelles de l’attaque de vers marins. Des entailles annulaires sont visibles néanmoins: résultent-elles de l’essai d’un instrument coupant sur ces fragments inutilisables ? Les extrémités de ces morceaux de corail sont assez arrondies et ne présentent plus de traces de la découpe, hormis sur un fragment (fig. 570, n° 1). L’existence de ces déchets atteste donc la présence à Avignon d’artisans travaillant cette matière bien avant que les textes ne le laissent supposer à partir de la fin du XVe siècle5793. Des fragments de branches et deux perles en corail inachevées – la perforation n’a pas été effectuée ou est incomplète – ont été mis au jour à Londres sur deux sites archéologiques ayant également livré des traces de fabrication de perles en ambre et en jais, dans des contextes datés vers 1270 - vers 1350 et vers 1330 - vers 13805794. La couleur des perles était originellement d’un rouge soutenu mais l’exposition à la lumière a produit une décoloration et la plupart des perles du corpus sont aujourd’hui d’un rose pâle. Il n’est pas prouvé, pour le moment, que des réactions physico-chimiques dans les terres archéologiques aient pu avoir une influence sur l’altération de la couleur naturelle. Les perles en nacre (fig. 570, n° 20 à 23) Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1040, 1668, 2086, 2229, 2335 couches de dépotoir datées vers 1365 - vers 1400 ; n° 987, du comblement d’une tranchée creusée en 1960.  Impasse de l’Oratoire, Avignon : n° 412, contexte du milieu du XIVe siècle ? Sept perles annulaires en nacre blanche ont été intégrées au corpus. Leur épaisseur, entre 0,35 et 0,5 cm, correspond probablement à peu de chose près à l’épaisseur de la nacre du coquillage à partir de laquelle elles ont été produites. D’après le processus de fabrication décrit par E. de Valicourt, il est dans un premier temps procédé à un débitage de la nacre « en 5793 5794 Se reporter au chapitre 2.5.1. Egan et Pritchard (dir.) 2002², p. 309-310. 1254 3. Approche croisée du mobilier archéologique morceaux carrés ou angulaires, au moyen d’une scie fortement trempée, comme celles que l’on emploie pour les métaux ; les pièces circulaires s’obtiennent avec une scie annulaire ou trépan à couronne, que l’on fixe sur un mandrin du tour ». Les faces sont ensuite aplaties et arrondies avec une meule à aiguiser continuellement humidifiée5795. Il est probable que la perforation des perles du corpus intervenait ensuite, exécutée avec un foret mis en action à partir de chacune des deux faces planes. Éventuellement, un léger meulage peut être effectué en surface pour provoquer une irisation comme cela a pu être observé sur une applique marseillaise en nacre extraite d’un ossuaire du XVIIIe siècle à la Vieille Major à Marseille5796. Pour finir, tout du moins au milieu du XIXe siècle, la nacre était soumise au passage d’un tampon de linge imbibé d’acide sulfurique légèrement étendu d’eau pour acquérir son poli final5797. Toutes les perles du corpus proviennent, ou provenaient dans le cas de la perle retrouvée dans la tranchée de 1960 qui a entaillé le dépotoir du jardin ouest du Petit Palais, de contextes avignonnais datés du milieu ou du troisième quart du XIVe siècle. Aucune perle en nacre, ou du moins identifiée comme telle, n’est signalée dans la bibliographie consultée. Un possible exemplaire pourrait avoir été trouvé en Normandie sur un site non spécifié, dans un contexte du XIIIe ou XIVe siècle, d’après la photographie publiée, mais le matériau est identifié comme du verre5798. Les croix en os ou en jais (fig. 571) Bouches-du-Rhône  Église Saint-Honorat, Arles : n° 36 à 39, couche d’ossements dans un caveau utilisé entre le XIVe siècle et le XVIe siècle.  Château des Baux-de-Provence : n° 230, remblai, milieu - seconde moitié XIVe siècle. Vaucluse  Petit Palais, jardin ouest, Avignon : n° 1374, 1454, 1923, 2032, 2404, couches de dépotoir datées vers 1365 - vers 1400 ; n° 301, H.S.  65, place de Cabassole, Cavaillon : n° 55, H.S. 5795 Valicourt 1846, p. 119. Chazottes et Thuaudet 2014, p. 309. 5797 Ibid., p. 119. 5798 Vivre au Moyen Âge 2002, p. 222, notice 218. 5796 1255 3. Approche croisée du mobilier archéologique Toutes les croix du corpus, à l’exception d’un exemplaire en jais (fig. 571, n° 1), sont en os. Elles sont à une (fig. 571, n° 1 à 6) ou à deux traverses (fig. 571, n° 7 à 9), ont été taillées puis polies, et comportent une perforation transversale à l’extrémité supérieure. La croix en jais ne comporte aucun décor. Sa traverse est située à peu près au milieu de la croix. Une croix en jais à la traverse décentrée vers le haut appartenant à un chapelet fut découverte dans les mains d’un défunt inhumé entre la fin du XVe (?) siècle et le XVIe siècle dans l’église Saint-Laurent de Grenoble en Isère5799. Les deux plus simples croix en os sont décorées de quelques incisions sur les deux faces (fig. 571, n° 2 et 3). Pour l’une d’elles, les lignes gravées sont situées à la jonction entre les bras inférieurs et supérieurs avec la traverse horizontale surélevée sur laquelle se retrouve une croix de saint André. Pour la seconde, les incisions obliques prennent naissance à la jointure des bras. La perforation de suspension traverse le bras supérieur. Une croix en os ramassée hors stratigraphie à l’emplacement d’une villa romaine réoccupée au bas Moyen Âge, à Ovindoli dans la province de L’Aquila en Italie, est assez proche des exemplaires du corpus. De petite dimension, elle ne comporte que deux incisions horizontales sur la traverse horizontale5800. Un exemplaire au contexte inconnu récolté au quartier San Domenico al Priamàr à Savone comporte quant à lui une croix de saint André incisée à la jonction des traverses, des entailles verticales sur les bras latéraux et horizontales sur les bras inférieurs et supérieurs5801. Deux autres croix d’Avignon et d’Arles sont des croix pattées dont les extrémités des bras latéraux et éventuellement du bras inférieur sont dentelées (fig. 571, n° 4 et 5). La perforation pour la suspension traverse un appendice. Ce motif de la croix pattée se rencontre avec un « socle » avec ou sans degrés sur trois pendentifs découverts dans la rivière la Ternoise au-dessous du château de Grigny occupé entre la fin du XIIe siècle ou le début du XIIIe siècle et l6405802. D’un contexte du XVIIe siècle de l’église Saint-Laurent de Grenoble en Isère provient une croix pattée avec socle surmontée d’une croix à traverse unique. Un ocelle pointé est visible au centre des deux croix. Cet artefact fut découvert sur la clavicule gauche d’un squelette5803. 5799 Colardelle 1999, t. 2, p. 32, p. 404 ; Colardelle 2008, p. 326. Redi et Malandra 2003, p. 399, fig. 8. 5801 Viara 1996, p. 385. 5802 Dilly et al. 1999, p. 131-132, fig. 5.39 et 5.41 et 5.42. 5803 Colardelle 1999, t. 2, p. 32-33, p. 414-416 ; Colardelle 2008, p. 334. 5800 1256 3. Approche croisée du mobilier archéologique Une autre croix d’Avignon possède trois bras bouletés de part et d’autre d’un massif quadrangulaire décoré d’un quadrillage incisé sur ses deux faces principales (fig. 571, n° 6). Contrairement aux deux exemplaires précédents, le bras supérieur de profil pentagonal est traversé par la perforation pour la suspension. Les trois spécimens suivants (fig. 571, n° 7 à 9) sont des croix à double traverse dont les bras sont plus ou moins développés. La courbure externe de l’os dans lequel ces pièces ont été fabriquées est parfaitement visible pour deux d’entre elles. Une pièce est incisée d’une croix de saint André et de lignes horizontales ou verticales sur les deux faces (fig. 571, n° 8). Une autre possède des bras aux extrémités dentelées, elle est décorée par des lignes horizontales et un quadrillage sur deux côtés (fig. 571, n° 9). La dernière (fig. 571, n° 7) n’est ornée que de trois ocelles pointés alignés – réalisés au tour ou avec un compas – sur les deux faces principales. 3.4.8.3.Synthèse Les perles sont des objets sous-représentés dans les publications archéologiques du second Moyen Âge au vu de l’ampleur du corpus provençal. Elles ne se prêtent pas pour le moment à une organisation typologique, mais le développement des publications sur ce mobilier et la réalisation d’analyses de composition pourraient, à l’avenir, permettre la mise en place de classements susceptibles d’apporter des réponses à des problématiques particulières. La diversité des matériaux dans lesquels sont confectionnées les perles a été illustrée par les sources archivistiques. Le corpus archéologique est sur ce point moins riche, les matières les plus précieuses ou dont la conservation est difficile comme le bois sont absentes. Sans surprise, en concordance avec le corpus de comparaison, les perles en verre sont les plus fréquentes. De nombreux exemplaires sont de couleur noire et ont sans doute été particulièrement recherchés lors des commémorations funéraires et en période de deuil. Pour les autres individus, la diversité des couleurs, des tonalités, des combinaisons de teintes possibles, la lumière qu’ils irradient, expliquent certainement le succès de ces objets. Il est donc surprenant de constater leur absence presque totale dans les sources textuelles. Non moins étonnant est la faiblesse des informations écrites sur les perles en os. Moins courantes que les perles en verre pour la période d’étude, la proportion s’inverse dans les contextes sépulcraux des XVIIe et XVIIIe siècles provençaux ou de la bibliographie de comparaison. 1257 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les perles en jais quant à elles semblent conserver le même succès entre le bas Moyen Âge et la fin de l’Époque moderne. Là encore, leur couleur noire accompagne certaines périodes de la vie. Le rôle majeur qu’a joué Marseille et certains autres ports provençaux dans la pêche du corail et dans sa mise en œuvre explique très certainement le nombre de perles de ce matériau qui ont été retrouvées. A contrario, l’éloignement des sources d’approvisionnement et donc le coût plus élevé de la matière pourrait justifier la faible quantité de perles en nacre. Sans soute l’impact du goût issu des sens et de l’environnement social du moment a-t-il eu une influence. La proportion assez élevée des perles en ambre, dont la provenance est somme toute éloignée, pourrait être ainsi expliquée. Les vertus hautement protectrices du corail et de l’ambre ont pu aussi jouer un rôle important dans le choix de ces matières. Quoiqu’il en soit, ces deux matériaux deviennent rares aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les perles en bois sont absentes du corpus, les conditions d’enfouissement favorables à leur conservation étant rarement réunies. La découverte d’un fragment de chapelet à perles en buis et en noyau de fruit terminé par une croix faite de perles de buis dans la sépulture d’un échevin messin mort en 1526, et réinhumé un peu plus tard dans l’église des Dames Prêcheresses à Metz, se doit donc d’être soulignée5804. Ce n’est véritablement qu’à partir du XVIIe siècle que la proportion de perles en buis augmente très progressivement, sans doute parce que la durée d’ensevelissement va en se raccourcissant. Les perles du corpus ont la plupart du temps des formes simples : sphéroïdales, annulaires, cylindriques. Quelques exemplaires présentent une morphologie un peu particulière et parfois des rainures ou des incisions décoratives. Cependant, il faut attendre le XVIIe siècle pour que les formes et les décors deviennent plus complexes et ce, quel que soit le matériau. Dans le même temps, la proportion de perles à forme simple diminue sensiblement. Les perles côtelées ou « melon » (fig. 568, n° 1 à 5, 7, 8 et 9) constituent un cas à part. Cette forme est connue depuis l’Antiquité et est encore produite pendant l’Époque moderne. Durant l’époque gallo-romaine, les perles côtelées en faïence poreuse bleu-vert ont souvent été retrouvées isolées, et il leur a été, pour cette raison, attribué une valeur apotropaïque ou prophylactique. Pour l’époque mérovingienne, la découverte de perles isolées, contenues au sein d’aumônières dans le cas de sépultures masculines et intégrées à des parures en perles de verre ou d'ambre où elles occupent alors une position centrale pour 5804 Vivre au Moyen Âge 1998, p. 279. 1258 3. Approche croisée du mobilier archéologique les sépultures féminines, a conduit aux mêmes interprétations5805. Ces croyances se sont-elles transmises jusqu’au bas Moyen Âge ? Il est probable que la plus grande partie des perles était enfilée sur des cordons ou sur les maillons de chaînettes, pour faire des chapelets, par les artisans eux-mêmes, par des marchands réunissant des perles en matériaux d’origines différentes, peut-être plus exceptionnellement par des clients souhaitant les arranger selon leur goût tel le roi René. La plupart des perles du corpus ont été découvertes isolées et en contexte d’habitat, vraisemblablement perdues, ce qui ne renseigne pas sur la façon dont elles étaient employées. En contexte funéraire, seules onze sépultures parmi les sites étudiés pour la période d’étude – ossuaires non pris en compte – ont livré des perles. C’est fort peu pour tirer des conclusions d’autant plus que les perles côtelées n’ont été mises au jour que dans deux d’entre elles. Quatre exemplaires de petites dimensions ont été relevés avec dix perles sphéroïdales aplaties et une perle cylindrique, toutes en verre noir, dans une inhumation masculine d’adulte dans le cloître de Saint-Gilles datée par C14 à deux sigmas entre 1446 et 1630. À Cadrix, au moins neuf perles en verre noir dont une côtelée, une perle en verre bleu outremer, cinquante-huit perles en os et cinq perles en jais ont été inventoriées pour une sépulture du XVIe siècle. Ces perles appartenaient-elles au même objet ? Les perles côtelées de grandes dimensions sont connues par un exemplaire aixois provenant d’un contexte du XVIe siècle et quelques spécimens inédits mis au jour au château d’Apcher en Lozère dans un niveau de remblai et de dépotoir probablement du XVIe siècle ou du début du XVIIe siècle. L’objet provençal provient d’un site qui a également livré une occupation antique mais le château d’Apcher semble avoir été établi sur un site vierge d’occupation antérieure. On peut envisager que ces perles aient été utilisées en tant que pendeloque ou comme élément central d’un collier ou d’un bracelet mais aucun argument ne permet d’accréditer ces hypothèses. Outre la sépulture d’adulte susmentionnée, trois autres inhumations établies dans le cloître de Saint-Gilles entre la seconde moitié du XIIIe siècle et le milieu du XVIIe siècle ont livré des perles : quatre perles en verre noir et une perle en jais ont été relevées près de l’épaule gauche d’une inhumation d’adulte, des perles de matériau inconnu qui n’ont pu être étudiées dans une inhumation féminine adulte, des perles en verre noir et brun à hauteur du poignet gauche d’une autre sépulture. À Marseille, lors des fouilles préalables à la construction du Tunnel de la Major, dix-sept perles en os ont été retrouvées dans une 5805 Annexe 6. Ces données m’ont été aimablement communiquées par Arianne Pinto, en thèse d’archéologie à l’Université Bordeaux III. 1259 3. Approche croisée du mobilier archéologique sépulture établie au XIIIe siècle dans un caveau. À Digne, l’inhumation d’un adulte entre la fin du XIIIe siècle et le XVe siècle a fourni trois perles en os avec des restes de maillons en S. Une femme adulte enterrée à la même époque était accompagnée d’un objet avec des perles en ambre dont il n’a été retrouvé que quatre exemplaires. À Lambesc, deux assemblages de perles en ambre sphéroïdes et de perles en cristal de roche biconiques ont été signalées à proximité du crâne d’un premier individu et à hauteur de la main droite d’une adolescente décédés lors de l’épisode de peste de 1590. Il n’est pas connu de valeur protectrice pour ces matériaux contre cette maladie, or un tel assemblage de perles est pour le moins exceptionnel : un lien de parenté a-t-il pu exister entre ces deux personnes ? Les perles trouvées dans des sépultures ont-elles appartenu à des chapelets ? L’hypothèse est plausible mais difficile à démontrer pour ce qui concerne le corpus. La possibilité d’un collier ou d’un bracelet ou d’un ornement de coiffure ne peut également être complètement écartée. Le constat est le même pour ce qui est des croix en os et en jais découvertes en Provence, elles ont aussi pu faire partie d’un collier ou d’un bracelet. 1260 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.4.9. Les ampoules, enseignes et médailles Les ampoules et enseignes religieuses sont ordinairement de petits objets en étain ou en alliage d’étain et de plomb, plus rarement dans d’autres matériaux comme le cuivre ou les métaux précieux. Les ampoules à eulogie peuvent également être en terre cuite ou en verre. Les enseignes religieuses ou profanes sont à la fois des insignes et des bijoux. Ils sont destinés à être visibles et donc portés sur le costume. Les ampoules peuvent quant à elles être pendues autour du cou. En préalable à l’étude de ces artefacts, il est nécessaire d’une part, de comprendre l’origine et la signification de ces objets, d’autre part, de rappeler les principaux centres de pèlerinage ayant existé et auxquels les Provençaux ont pu accéder, qu’ils soient situés en Provence ou hors de la Provence. En effet, la diffusion de ces objets religieux est liée au développement des sanctuaires et de fait, à l’accroissement du nombre des pèlerinages dirigés vers ces lieux. 3.4.9.1.Introduction aux ampoules, enseignes et médailles Le pèlerinage est une tradition ancrée dans les cultes païens et une pratique commune à plusieurs religions. Il est une forme d’expression populaire de la foi. Voyage, individuel ou collectif, plus ou moins long, vers un lieu tenu pour sacré, il peut être effectué pour des raisons pieuses, votives ou dans l’espoir de bénéficier d’une grâce par imploration face à l’image ou la relique de la divinité ou du saint. Cette pratique s’amplifie dans le christianisme à partir du IVe siècle avec le développement de l’influence chrétienne et sa reconnaissance par le pouvoir politique. Un prosélytisme actif se met en place en s’appuyant sur la découverte des lieux saints et de leurs reliques. Les pèlerins ne sont pas toujours de fervents pratiquants et diverses raisons les motivent : le remerciement pour une grâce obtenue, l’obtention d’une faveur divine comme la guérison d’une maladie ou le pardon des péchés. La vénération des reliques – culte des morts, des martyrs dont le combat pour la foi est victorieux – est source de force dans les épreuves de la vie quotidienne. Les saints, modèles simples, utilisés pour initier et encadrer la pratique religieuse dans une société ou la compréhension d’une messe dite en latin n’est accessible qu’à une élite, ont un pouvoir d’intercession pour le salut. Se procurer une infime partie des reliques, c’est rapporter un peu de leurs vertus thaumaturgiques et un 1261 3. Approche croisée du mobilier archéologique témoignage concret du pèlerinage accompli. Toutefois, cela devint rapidement inaccessible aux pèlerins et des reliques secondaires, comme un peu de terre, un fragment de palme ou de l’eau provenant du lieu saint, les remplacèrent. Des eulogies furent également distribuées, qu’elles fussent manufacturées ou non ; de l’huile de lampe ayant brûlé à proximité des reliques, de la cire de bougie, de l’huile ayant été en contact avec les reliques, des draps ayant recouvert la tombe des saints, de petites croix de bois. Un récipient s’avéra donc parfois nécessaire. L’ampoule de pèlerinage apparaît ainsi progressivement – elle est attestée dès le VIe siècle. Elle prend souvent la forme d’une petite gourde à panse plate munie de deux anses latérales pour permettre le passage d’un cordon servant à la suspension autour du cou. Elle peut être en céramique par exemple5806 et est destinée à contenir le substitut de relique. Elle ne devint vraisemblablement métallique – étain ou alliage d’étain et de plomb – qu’à la fin du XIIe siècle : en 1170, l’évêque de Cantorbéry Thomas Becket fut assassiné, le sang du martyr fut alors recueilli et une partie fut ensuite distribuée, diluée avec beaucoup d’eau, aux pèlerins. Le flacon en métal se révèle propice à la conservation des liquides, car il est imperméable et relativement solide. Le scellement s’effectue, par écrasement, en pinçant les bords du col. Des images fabriquées à partir de terre consacrée furent également distribuées durant l’Antiquité tardive. Elles s’imposent en précurseurs des agnus dei en cire ou en métal5807, mais aussi des enseignes de pèlerinage métalliques qui émergent au XIIe siècle. C’est une période d’affirmation de l’engouement pour le culte des saints et la vénération des reliques entamés un siècle plus tôt. L’image acquiert à cette époque une grande importance et les nouveaux centres de pèlerinage s’empressent d’en faire fabriquer pour profiter de la manne financière engendrée. Portant l’image du saint, les enseignes, qu’il est possible de mettre en contact avec la relique ou son reliquaire, détiennent, elles aussi, un pouvoir protecteur et thaumaturgique. Elles sont aussi le témoignage ostensible d’une ferveur 5806 Delahaye 1997a et Delahaye 1997b. Pour des exemples d’Agnus Dei en cire et en métal du XIVe ou du début du XVe siècle découverts en Italie, se reporter à Belcari 2003. Un spécimen en métal fut mis au jour dans un contexte de la seconde moitié du XVe siècle à Rouen (Vivre au Moyen Âge 2002, notice n° 275). Les inventaires d’église, de personnalités ecclésiastiques ou de la noblesse sont riches de mentions d’Agnus Dei appendus ou illustrés sur un support : se reporter à Schäfer 1911, p. 514 (exemple), à Müntz 18891890, p. 400 et à Hayez 1987, p. 21, note 47 pour des exemplaires ayant appartenu à la papauté, à Albanès et Chevalier 1911, pièce 1602 pour un inventaire après-décès des biens d’un prévôt de Toulon mort en 1348, à Barthélémy 1877, p. 129, 133, 135 pour l’inventaire des biens de la défunte Elipde des Baux en 1426, à Albanès 1883, p. 156, n° 12, p. 157, n° 21, p. 158, n° 33 et 34, p. 163, n° 100, p. 164, 109 et 119 pour l’inventaire de l’église d’Aix en 1533. Un serviteur du pape, Marc Lando est payé 15 florins en 1363 pro faciendo molles ad faciendum Agnus Dei (Schäfer 1937, p. 53). Quelques particuliers possèdent un Agnus Dei : le pêcheur arlésien Céleste en possédait deux exemplaires en argent à sa mort en 1435 (Feracci 1976, p. 119). 5807 1262 3. Approche croisée du mobilier archéologique religieuse et, tout au moins au début, de l’accomplissement d’un pèlerinage. À la fois des objets souvenirs, des amulettes, des supports de dévotion mobiles, des bijoux, elles restent aisément accessibles. La plupart sont peu coûteuses car rapides à produire et créées dans un matériau de faible prix, elles peuvent être achetées à hauteur de plusieurs exemplaires par le pèlerin pour être offertes à des proches. L’enseigne religieuse peut également être un coquillage comme pour les sanctuaires de Saint-Jacques-de-Compostelle ou du Mont SaintMichel5808. Progressivement, l’enseigne va se transformer en médaille religieuse, et au XVIIe siècle, elle cède définitivement sa place à cette nouvelle forme d’objet de dévotion. L’enseigne n’est pas toujours un objet religieux et de nombreux insignes d’emploi profane apparaissent à partir de la seconde moitié du XIVe siècle. L’enseigne peut indiquer le signe d’une allégeance et marquer l’appartenance à une livrée, à une faction politique comme le dauphin, emblème des partisans de Louis d’Orléans ; elle peut constituer le témoin d’une « liturgie profane » comme pour la figuration d’un « héros » tel Du Guesclin, commémorer un évènement comme des funérailles, être produite à l’occasion de fêtes laïques, se faire objet décoratif en reprenant des motifs de l’amour courtois. L’enseigne non religieuse est parfois investie d’un pouvoir apotropaïque, c’est le cas des objets figurant des monstres, des sirènes, des phallus, des cœurs, des roses, etc.5809. Ces images en matériau blanc traduisent une vulgarisation des motifs luxueux5810. Il a également existé des bijoux en matériau blanc comme peut-être les petites images de plomp achetées en 1476 avec deux poupées (poupines) pour 2 gros 3 patacs pour être donnés à la petite Hellène, fillette de la cour du roi René5811. 3.4.9.2.Le pèlerinage en Provence et à partir de la Provence d’après les sources textuelles Les enseignes et ampoules de pèlerinage sont indissociablement liées à la présence et à l’activité des centres de pèlerinage. Avant d’étudier ce mobilier, il paraît opportun de dresser 5808 Il existe des moules à coquilles en métal du Mont Saint-Michel de, la fin du XIVe siècle ou du début du XVe siècle (Vivre au Moyen Âge 2002, p. 240, notice n° 258 ; Bruna et Labaune-Jean 2011, p. 197). Voir également : http://www.inrap.fr/archeologie-preventive/Ressources/Dossiersmultimedias/Une-production-d-enseignes-de-pelerins-au-Mont-Saint-Michel/p-1142-Une-productiond-enseignes-de-pelerins-au-Mont-Saint-Michel.htm. Mis en ligne le 8 septembre 2006, mis à jour le 14 juin 2012, consulté le 13 avril 2013). 5809 On consultera avec profit Enseignes de plomb et autres menues chosettes du Moyen Âge de D. Bruna (2006) à laquelle cette introduction doit beaucoup. 5810 Bruna 2007. 5811 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2598. 1263 3. Approche croisée du mobilier archéologique un état des lieux rapide de la question pour la Provence à partir des sources écrites. Le sujet mériterait bien évidemment d’être développé de manière plus approfondie dans le cadre d’une étude spécialisée. Nombre de centres de pèlerinages majeurs sont situés hors de Provence et ils en sont parfois très éloignés tels que Rome, Saint-Jacques de Compostelle ou le Saint-Sépulcre. Pour entreprendre ces voyages, longs et parfois périlleux5812, le pèlerin préfère généralement partir avec un groupe d’après le témoignage des miracles5813 pour se prémunir de l’insécurité, et il peut éventuellement recourir pour se guider à un itinéraire écrit5814. Prenant en compte la dangerosité du trajet, il n’hésite pas, avant son départ, à mettre de l’ordre dans ses affaires et à rédiger son testament5815. La Sœur Elena de Sclavonia, béguine de Marseille, le fait établir chez un notaire en 1301. En effet, un an après le jubilé de 1300, elle part en pèlerinage dans la Péninsule italienne avec l’intention de se rendre à Rome pour visiter le tombeau des saints Pierre et Paul, à Venise pour celui de saint Marc, et continuer son périple en allant au Mont Saint-Angel dans les Pouilles, au tombeau de saint François à Assise, à la Basilique San Nicola de Bari et au sanctuaire de la Bienheureuse Marie de Montevergine à Avellino5816. Le pèlerinage peut aussi être accompli par un proche à qui on délègue le devoir de l’effectuer à sa place, ou par rétribution d’un pèlerin5817. Dans un testament de 1402, la femme d’un apothicaire aixois exige de son héritier qu’il se rende, dans l’année suivant le décès, jusqu’au tombeau de saint Pierre de Luxembourg dans l’église des Célestins à Avignon, pieds nus et 5812 En 1582 et 1583, sept personnes sont condamnées à mort et au payement d’une amende pour avoir attaqué ou participé à l’attaque de quatre pèlerins romains au-dessus de Garron dans le Var (AD Var 1 B 344, dates multiples). 5813 Veyssière 1994, p. 204. 5814 Les quatre chemins définis grossièrement par le Guide du pèlerin, daté du XIIe siècle, ne correspondent à aucune vérité historique, et ce guide était pratiquement inconnu jusqu’à sa première publication par J. Viellard en 1938 (Péricard-Méa, p. 16, 185). Il existe de nombreux « guides » de diffusion très restreinte rédigés à l’attention des pèlerins partant vers Jérusalem, Rome et SaintJacques (Koldeweij 2006, p. 88-93) : par exemple, le dernier folio d’un manuscrit de la bibliothèque de Carpentras possède un itinéraire en 58 étapes vers Saint-Jacques-de-Compostelle avec pour point de départ Avignon (Pansier 1930b). 5815 Par exemple, les testaments de deux pécheurs marseillais en 1386 (AD BDR Marseille, 351 E 123, f° 105 r° - 107 r° et f° 111 v° - 114 r°), du boulanger Honorat Sperelli en 1414, lequel met également de l’ordre dans ses affaires (AD BDR Marseille, 351 E 167, f° 4 r° à 6 v°), du noble Jean Forbin en 1428 (AD BDR Marseille, 351 E 236, f° 276 r° - 279 v°), de Gonzales Velho en 1430 (AD BDR Marseille, 351 E 239, f° 263 r° - 253 v°). 5816 Michaud 2009, p. 323-324. 5817 Une autre façon d’abandonner un vœu de pèlerinage est de s’en faire dispenser comme l’obtient l’évêque de Marseille Pierre de Montlaur du pape Honorius en 1223 (Albanès et Chevalier 1899, pièce 228). 1264 3. Approche croisée du mobilier archéologique muni d’une image de cire d’un poids de sept livres5818. Le chanoine d’Aix Guillaume de Littera spécifie dans son testament, en 1423, que s’il n’a pu de son vivant réaliser le pèlerinage à Saint-Jacques de Galice : quod si, in vita mea, romipetagium sancti Jacobi et Gallicia non fieret, son héritier devra le faire à sa place et recevra une forte somme d’argent à cet effet5819. De son côté le marchand Florentin Pierre Viviani teste à Salon en 1483 et lègue une somme d’argent destinée à rémunérer un pèlerin qui se rendra au Saint-Sépulcre5820. Dans son étude des testaments aixois entre 1390 et 1450, N. Coulet enregistre une proportion de 4 % de testateurs mentionnant le pèlerinage qu’ils ont entrepris, sont sur le point de faire ou entendent accomplir. Ils appartiennent à toutes les classes de la société sans prédominance de l’une d’entre elles. Cependant, comme le souligne l’historien, rien n’oblige le testateur à signaler les pèlerinages qu’il a effectués. La proportion des pèlerins était donc, sans doute, plus importante, même si elle devait rester minime, car être pèlerin nécessite du temps. Saint-Jacques de Compostelle apparaît 34 fois parmi les 70 destinations notées dans ces documents, puis vient ensuite Notre-Dame-du-Puy avec 13 pèlerinages, Rome avec 7 dont 4 accomplis au moment du jubilé de 1400 et 3 trois autres pour celui de 1450. Saint-Antoine de Viennois est cité trois fois. Les pèlerinages régionaux, traités plus loin, n’apparaissent que 15 fois5821. Cependant, il est fort probable qu’un plus grand nombre de pèlerinages se faisait en direction d’un sanctuaire local, plus accessible, auprès d’un saint que l’on avait coutume de prier. La nature de l’acte notarié est sans doute en cause : le testament est avant tout un document dans lequel le testateur évoque son après-décès et donc aussi l’au-delà, or plus le sanctuaire est lointain plus le mérite et les bienfaits pour le salut de l’âme sont importants. Cependant ces « pèlerinages au long cours » sont le privilège de ceux qui ont le temps et les moyens. Parmi les destinations régionales relevées dans les testaments aixois étudiés par N. Coulet, le tombeau de Pierre de Luxembourg au couvent des Célestins d’Avignon prédomine puisqu’il est cité par quatre personnes suivi de Saint-Honorat-de-Lérins désigné trois fois, de Saint-Eutrope d’Orange indiqué par deux testateurs. Les autres lieux, NotreDame des Doms d’Avignon, Saint-Siffrein de Carpentras5822, Saint-Jean-de-Garguier, Notre5818 Coulet 1972, p. 249. Ramière de Fortanier 1973, p. 71. 5820 Paillard 1969, p. 295. 5821 Coulet 1972, p. 248-249, 251. N. Coulet donne le chiffre de 16 mais ne donne que quinze exemples. 5822 Dans les Miracles de sainte Marie-Madeleine, le n° 75 rapporte le cas d’une jeune fille devenue folle, à qui saint Siffrein dont le corps repose à Carpentras et qui « ne refuse pas habituellement d’aider avec le Seigneur les malades de cette sorte » refuse la guérison, ceci afin de « rendre plus manifestes les mérites de Madeleine » qui lui redonnera la raison (Sclafert (Édit.) 2009, p. 1156-158). 5819 1265 3. Approche croisée du mobilier archéologique Dame-de-Miremer5823, Notre-Dame-de-Moustiers et Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille figurent chacun dans un seul testament5824. Un testament postérieur à la série étudiée par l’historien, daté de 1475, consigne une liste de neuf pèlerinages : Saint-Lazare-de-Marseille, Notre-Dame-de-Moustiers, Saint-Jean-de-Signes, Saint-Jean-de-Garguier, Saint-Elzéar-d’Apt, Sainte-Marthe-de-Tarascon et Saint-Louis-d’Arles, ainsi que deux sanctuaires hors de la région, Notre-Dame-du-Puy et Rocamadour. Curieusement, on n’y retrouve aucune mention de Saint-Victor de Marseille, de la Sainte-Baume ou de Saint-Maximin, de Saint-Gilles ou des sanctuaires arlésiens. Les îles Lérins sont une destination prisée entre l’Ascension et la Pentecôte, au temps des indulgences. Les pèlerins, originaires de France, d’Italie, d’Espagne et, pour une majorité, de Provence embarquent à Cannes. Les habitants de Pertuis et Lérins y faisaient une procession tous les ans sous la conduite de leurs consuls5825. La région a comporté de nombreux sites de pèlerinages, auxquels on accédait de manière permanente ou, peut-être, de façon temporaire lors de processions annuelles par exemple5826. Tous n’ont pas forcément perduré jusqu’à nos jours, et la présence de reliques ne constitue probablement pas toujours un élément suffisant pour générer des visites fréquentes5827. L’invention5828, la reconnaissance ou le transfert de reliques5829 ont parfois été réalisés pour asseoir ou confirmer un lieu de pèlerinage. En outre, pour assurer une continuité dans les visites ou promouvoir un sanctuaire, les autorités religieuses ont favorisé la rédaction de livres de miracles comme ceux de Saint-Gilles5830, de sainte Marie-Madeleine5831, d’Urbain V5832 pour ne citer qu’eux, ou bien encore la rédaction de la Vie d’un saint comme 5823 Situé près de La Garde. Coulet 1972, p. 251. 5825 Grassi 1970, p. 51. 5826 Se reporter à Baratier et al. 1969, carte 212, pour une carte des presque cent vingt lieux de pèlerinage répertoriés pour la région PACA durant l’Époque moderne. 5827 Régionalement, aucun recollement à grande échelle n’a été entrepris entre les sources textuelles mentionnant des reliques et celles conservées dans les églises de Provence. 5828 Par exemple en 925, celles des reliques de saint Gilles et, en 1278, celles de Marie-Madeleine. 5829 Le 22 juin 1277, les reliques de saint Cannat, confirmé dans son titre d’évêque de Marseille (titre accordé en 1122), et de saint Antoine font l’objet d’un acte de translation à la Major de Marseille en présence de l’archevêque d’Arles et de l’évêque de Sisteron (Albanès et Chevalier 1899, t. 2, pièce 1255). 5830 Duhil et al. (Édit.) 2007. 5831 Sclafert (Édit) 2009. 5832 Albanès 1897. 5824 1266 3. Approche croisée du mobilier archéologique le Roman de saint Trophime5833, les Vies d’Elzéar et de Delphine de Sabran5834, la Vie de sainte Douceline5835. Ces mêmes autorités octroyaient également des indulgences5836 pour encourager les croyants à se déplacer vers les lieux saints et les inciter, entre autres, à participer aux frais de construction, de développement ou d’entretien des édifices visités5837. L’intérêt est essentiellement financier, la venue de pèlerins a un impact sur le commerce local : ils dépensent de l’argent en se logeant, en achetant de nouvelles chaussures, des enseignes, de la nourriture, en faisant un don monétaire ou matériel – un cierge par exemple. En 1154, le pape accorde une indulgence aux chrétiens qui visitent le tombeau de Saint Gilles5838, le sanctuaire est alors déjà célèbre sur la route de Saint-Jacques de Compostelle mais la construction d’une nouvelle abbatiale est prévue ou déjà en cours. Les papes d’Avignon ont souvent eu recours à ce dispositif. Par exemple, le 21 novembre 1316, Jean XXII accorde des indulgences aux visiteurs de Notre-Dame-des-Doms lors de diverses fêtes et le 13 avril 1318, il concède pour dix ans 100 jours d’indulgences à ceux qui contribueront, par leurs offrandes, à la construction de l’église Saint-Jean-l’Évangéliste à Rochemaure dans le diocèse d’Avignon5839. Benoît XII octroie en 1337 une indulgence de cent jours pour les fêtes de l’Assomption et celles des deux Maries aux Saintes-Maries de la Mer5840. En 1344, Clément VI accorde une indulgence à ceux qui aident par leurs dons à financer la reconstruction de l’église Saint-Pierre d’Avignon5841. Clément VII concède une indulgence lors des principales fêtes aux fidèles qui visitent la chapelle Notre-Dame d’Espérance d’Avignon et qui y font des offrandes5842. Les évêques ont également mené ce genre de politique lors de conciles. Ainsi, le 14 mai 1363, le concile d’Apt donne des indulgences à ceux qui visiteront, à Arles, la nouvelle chapelle Saint-Barthélémy de la Cathédrale Saint-Trophime lors de certaines fêtes. Le nouvel édifice est doté de nombreuses et prestigieuses reliques : des restes de saint 5833 Voir à ce sujet Zingarelli 1901 et Gazay 1913. Pansier 1926b. 5835 Albanès 1879. 5836 L’indulgence est la remise de tout ou partie des peines temporelles. Se reporter à F. Rapp 2000 pour plus d’informations à ce sujet dans le contexte avignonnais. 5837 De nombreuses indulgences ont été accordées par les papes à ceux contribuant à l’entretien ou à la réparation de l’Œuvre du Pont d’Avignon, souvent abîmé voire détruit par l’impétuosité du Rhône. En août 1455, le pape Calixte III est le huitième à le faire (Pansier 1912b, p. 169, 170-173). 5838 Carru et Gagnière 1992, p. 81. 5839 Albanès et Chevalier 1920, pièce 904 et 969. 5840 Carru et Gagnière 1992, p. 63. 5841 Hayez 1985, p. 25. 5842 Hayez 2003, p. 87. 5834 1267 3. Approche croisée du mobilier archéologique Barthélémy, de sainte Marguerite et des 11000 vierges. L’église possédait déjà la tête de saint Trophime, des reliques du proto-martyr Stéphane, d’un Saint Innocent et d’autres encore, beaucoup de miracles leur étant attribués : multis patratis miraculis temporibus retroactis5843. Deux ans plus tard, ce même concile concède une indulgence de quarante jours sur le temps de Purgatoire à tous les fidèles qui visiteront l’église de la bienheureuse Marie à Saignon pendant les fêtes de l’Invention et de l’Exaltation de la Sainte-Croix car l’église Notre-Dame de Saignon en conserve un fragment5844. Le commerce des indulgences perdure encore au XVIe siècle. En 1506, le pape Jules II accorde une indulgence à tous ceux qui, par leur contribution financière, permettent de terminer l’église de Saint-Gilles, sanctuaire dont la renommée a fortement chuté. Au milieu du XVIe siècle, une indulgence est donnée à ceux qui s’arrêtent à l’église Sainte-Croix d’Auriol, dans les Bouches-du-Rhône, et qui y laissent une aumône5845. Ces « libéralités » ont sans doute eu un effet, du moins à court terme, sur le taux de fréquentation des édifices religieux concernés, mais il n’est pas évident qu’elles aient toujours contribué, même quand les sanctuaires détiennent des reliques, à en faire des sites de pèlerinage importants. La renommée et le prestige d’un lieu, l’ampleur des visites effectuées sont avant tout la conséquence de la célébrité d’un saint ou des reliques conservées, de la nature et du retentissement des miracles qui s’y rapportent, de l’intensité des moyens déployés par le clergé local pour inciter à la visite, de fait, pour favoriser l’accueil et l’hébergement des pèlerins. Dans sa documentation, N. Coulet remarque que les objectifs principaux du pèlerin sont l’obtention d’indulgences, le salut de l’âme et la pratique pénitentielle5846. Cette dernière peut être une affaire personnelle, communautaire comme dans le cas de pèlerinages menés pour demander à un saint d’épargner la ville de la peste ou d’arrêter sa propagation dans la ville5847, ou le résultat d’une décision de justice. La jurisprudence de l’Inquisition cathare reconnaissait dans la première moitié du XIIIe siècle deux sortes de pèlerinages, quatre majeurs avec Rome, Saint-Jacques de Compostelle, Saint-Thomas de Cantorbéry, les trois rois à Cologne, et vingt mineurs dont Saint-Gilles, l’abbaye Saint-Pierre de Montmajour à 5843 Albanès et Chevalier 1901, n° 3302. Arnaud d’Agnel 1906, p. 383-384. 5845 Raimbault 1921, p. 39 et 56. 5846 Coulet 1972, p. 248-249. 5847 La communauté de Brignoles envoi à Saint-Antoine d’Arles, en 1491, un pèlerinage portant un cierge de 25 livres pour que la ville soit épargnée par la peste. Trois ans plus tard, elle fait envoyer deux pèlerinages, l’un à Notre-Dame de Plumier, l’autre à Saint-Antoine d’Arles, pour arrêter l’épidémie en cours dans la cité (Biraben 1976, t. 2, p. 70). 5844 1268 3. Approche croisée du mobilier archéologique Arles, la Sainte-Baume et Saint-Maximin5848. La pratique du pèlerinage expiatoire apparaît à partir du milieu du XIIIe siècle dans le comté de Flandres, devient courante au XIVe siècle, fléchit au XVIe siècle pour disparaître au XVIIe siècle. Les Guerres de religion seraient la cause principale de cet abandon5849. Le condamné, une fois la sentence ordonnée, se déplace jusqu’au(x) sanctuaire(x) qui lui a/ont été désigné(s) et doit en rapporter des lettres attestant de ses visites. À son retour, en présence de témoins qualifiés, il jette l’insigne du ou des pèlerinage(s) dans une rivière afin qu’aucun autre pénitent ne puisse en faire usage. Un condamné, suffisamment fortuné, pouvait racheter la sentence selon une grille tarifaire5850. Le sanctuaire provençal de loin le plus connu de ces tribunaux est celui de Saint-Gilles, mais il y eut aussi Saint-Maximin, Notre-Dame des Doms à Avignon, la Sainte-Baume, Saint-Louis de Marseille, Saint-Victor de Marseille, Saint-Pierre de Luxembourg à Avignon, et enfin les Saintes-Maries-de-la-Mer5851. Parmi les autres sources renseignant sur les raisons des pèlerinages mais également sur leur rayonnement, se trouvent les compilations de miracle et les procès de canonisation qui donnent lieu à des enquêtes. Lors de celles-ci, il est procédé à un inventaire des miracles attribués aux saints et des témoins sont entendus. Ils viennent relater leur pèlerinage, ses raisons, la nature du miracle dont ils furent les bénéficiaires. G. Veyssière s’est intéressé à plusieurs documents de ce type, tous datés de la seconde moitié du XIVe siècle, des procèsverbaux sur les évènements miraculeux qui sont associés aux personnes du cardinal Pierre de Luxembourg inhumé à Avignon, de la comtesse Delphine de Puimichel dont le corps est conservé à Apt, du pape Urbain V dont la sépulture est à Marseille. Il y a adjoint la Vida de Douceline, fondatrice des béguines de Marseille et les Vies occitanes du couple Delphine et Elzéar5852. Sur environ 700 miracles recensés, 550 sont d’ordre thérapeutique, 90 sont liés aux risques naturels, 60 à l’insécurité des temps5853. Il résulte de ces écrits que la plupart des personnes n’accomplissent un pèlerinage qu’une fois le vœu réalisé. La différence entre les raisons invoquées dans les testaments et celles présentes dans les relevés de miracles s’expliquent certainement par le fait que le testateur prépare son après-décès et songe beaucoup plus, dès lors, à la rémission de ses péchés et au salut de son âme. Les lieux de culte abordés ci-dessus n’ont pas tous le même rayonnement. La comtesse de Puimichel est 5848 Valon 1935, p. 32 et 37. Ibid., p. 51. 5850 Ibid., p. 33, 41, 45-47, 51. 5851 Ibid., p. 40 ; Ganshoff 1966. 5852 La nature de ces documents, hagiographiques, appelle bien évidemment à une certaine prudence. 5853 Veyssière 1994, p. 199. 5849 1269 3. Approche croisée du mobilier archéologique invoquée essentiellement dans le pays aptésien et à Marseille. Pierre de Luxembourg fait, avant tout, l’objet d’une vénération dans le diocèse d’Avignon et les diocèses limitrophes, alors qu’Urbain V fait l’objet de sollicitations provenant de presque toute la chrétienté méridionale5854. Quelle que soit le prestige d’un sanctuaire et le nombre de pèlerins qui y affluent, il est rare de retrouver dans les sources textuelles des preuves de la vente d’eulogies ou d’images religieuses qui lui soient propres. Les mentions s’y référant ont été mises en relation dans le sous-chapitre suivant avec les centres de pèlerinage concernés. Si les ampoules de pèlerinage n’apparaissent pas dans les archives provençales, les enseignes sont, quant à elles, maintes fois répertoriées dans les comptes du roi René et de sa famille. En 1447, alors qu’il est en Provence, le souverain fait acheter, à Avignon, par son aumônier 18 enseignes d’argent de saint Pierre de Luxembourg à raison d’un gros et demi la pièce5855. En décembre de la même année, à Aix-en-Provence, une ligne de compte rapporte la dépense de 37 florins 7,5 gros pour trois marcs d’argent fin employés à la création de 108 enseignes de 24 carats pour marc, soit 18 grains 2/3 par enseigne ou environ 3,4 gros5856. Trois onces d’or de vingt carats à raison de 119 florins le marc sont aussi utilisées pour douze enseignes destinées aux chevaliers de son hôtel, soit environ 7,5 gros la pièce. L’orfèvre avignonnais Ligier reçoit pour ces commandes respectivement deux et six gros par pièce5857. Le coût du travail équivaut donc respectivement à 55,6 % et 44,4 % du prix total. Durant l’année 1451, alors qu’il se trouve très régulièrement en Anjou, le roi fait faire l’acquisition d’enseignes de Notre-Dame de Béhuart dans le Maine-et-Loire5858 et de Saint-Eutrope de Saintes en CharenteMaritime5859 pour 87 sous 6 deniers, d’enseignes de plomb de Saint-Antoine de La Lande dans le Maine-et-Loire5860 pour 10 sous 10 deniers, de sept grandes enseignes de plomb et d’une douzaine plus petites d’origine inconnue pour 3 sous 4 deniers5861. Il fait aussi fabriquer une enseigne en or à la figure de saint Jean par son orfèvre Jean Nicolas pour 30 sous, pour mettre à son chapeau5862, passe commande auprès d’un orfèvre de Sainte-Catherine de Fierbois dans le Maine-et-Loire, pour le prix de 10 livres, de trois grandes enseignes d’or pour 5854 Veyssière 1987, t. 1, p. 19-21, t. 2, p. 390-392 ; Veyssière 1994, p. 209. Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 537. 5856 Pour rappel, 1 marc = 8 onces, 1 once = 8 gros, 1 gros = 3 deniers, 1 denier = 24 grains. 5857 Arnaud d’Agnel 1908, n° 546. 5858 Ibid., n°1334, 3382. 5859 Ibid., n° 2770. 5860 Ibid., n° 2779. 5861 Ibid., n° 2461. 5862 Ibid., n° 852, hors de Provence. 5855 1270 3. Approche croisée du mobilier archéologique la reine, sa fille Yolande et lui-même, de six petites pour les chambellans, de deux douzaines de grandes enseignes d’argent pour des gentilshommes et damoiselles, de quatre douzaine plus petites pour les officiers, d’une burlette5863 d’argent ou est la vie de saincte Catherine5864. Une mise en scène du rang social apparaît nettement car le matériau et la taille ont été choisis en fonction de l’attribution des enseignes et selon une progression pyramidale chargée de symbolique. Ces enseignes matérialisent la condition et la position de leur possesseur dans le microcosme de la cour. A contrario, le roi fait acheter à d’autres occasions des enseignes de plomb. Est-ce pour son usage personnel ? Peut-être faut-il considérer l’acquisition de ces objets intrinsèquement sans valeur financière comme un « signe » réel d’humilité à l’image du comportement vestimentaire de Louis XI ! Le roi de France avait en effet l’habitude de porter sur son chapeau une enseigne en étain de la Vierge, et d’autres enseignes similaires à son col. Les espagnols se moquèrent de sa tenue – il portait également des vêtements qu’ils jugèrent pauvres – lorsqu’ils rencontrèrent le souverain à Bayonne en 14685865. En 1566, des nobles néerlandais se mettent à arborer des enseignes de plomb en forme de besace et de sébile, après le soulèvement des Pays-Bas, en réaction à l’insulte de « gueux » dont ils avaient fait l’objet par les autorités espagnoles. Très rapidement, cependant, ces insignes deviennent en or ou en argent, des matériaux plus appropriés au rang social des personnages5866. En 1452, le roi René acquiert à nouveau des enseignes pour 27 sous 6 deniers5867 et l’année suivante il fait une partie du trajet qui le mène à Notre-Dame de Cléry-Saint-André dans le Loiret à pied : il commande à cet effet à son armurier la fabrication de 23 bourdons tournants en bois à pointes retenues par des viroles, à 3 sous 3 deniers le bourdon, pour lui et ceux qui vont l’accompagner5868. En mai 1476, 10 gros sont octroyés pour l’achat d’enseignes de Notre-Dame de l’Isle – le roi est alors à Lyon – elles sont données à plusieurs femmes5869. Ces petits objets sont obtenus par l’intermédiaire de familiers, par commande auprès d’orfèvres, mais rarement auprès de marchands5870. À la date du 27 avril 1476, une ligne de compte rapporte qu’un homme de Valence dans la Drôme a reçu 6 patacs pour avoir percé 5863 Bijou en forme de petite boule d’après G. Arnaud d’Agnel 1908, p. 370. Arnaud d’Agnel 1908, n° 853, hors de Provence. 5865 Koldeweij 2006, p. 30. 5866 Ibid., p. 28. 5867 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2471, hors de Provence. 5868 Ibid., n° 1144, hors de Provence. 5869 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 88. 5870 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2461. 5864 1271 3. Approche croisée du mobilier archéologique une coquille qui est au chappeau du roy5871. S’agit-il d’une coquille Saint-Jacques ? Cela paraît envisageable, elle pourrait appartenir à l’espèce méditerranéenne dont il a été retrouvé des exemplaires en contexte funéraire provençal5872. En octobre, le valet Thomas est défrayé pour avoir emmené une branche de corail enchâssée dans de l’argent à Sainte-Marthe de Tarascon5873. Au début de l’année 1478, le roi René est présent au Pardon de Saint-Maximin lors duquel sa petite fille fait l’achat d’ymaiges de la Magdemaine5874. Quelques semaines plus tard, le comte de Provence acquiert dix enseignes de Saint-Maximin en argent non doré (argent blanc) à 3 gros la pièce et six autres en vermeil à 4 gros la pièce5875 auprès de Marguerite Bonnet. Il obtient également de l’orfèvre Jean Coste, dix autres enseignes en or à 1 florin la pièce5876. À la fin de l’année, un sellier d’Avignon est rémunéré pour avoir nerve un bordon et l’avoir recouvert de parchemin5877. Lors d’un passage à Marseille, le roi René se procure deux enseignes de sainte Catherine – de Fierbois ? –, deux veroniques et trois croix de corail auprès d’un mercier5878. On constate à travers ces mentions que le roi René fut un grand amateur d’enseignes et qu’il n’hésita pas la plupart du temps à se déplacer jusque dans les sanctuaires. Ceci n’a rien d’étonnant tant il transparaît qu’il fut pieux ainsi que le démontrent également son goût pour les chapelets et les bagues ornées d’images religieuses. Son fils le duc de Calabre ne l’est semble-t-il pas moins. Son compte de 1478 atteste l’acquisition, le 25 mars, d’enseignes d’argent pour placer sur une écharpe5879 en soie. Le tissu coûte 1,5 gros, les enseignes 1 florin 8 gros5880. Vingt douzaines d’enseignes d’estain sont, quant à elles, destinées à être disposées 5871 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 88. Se reporter au sous-chapitre suivant. 5873 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 88, p. 376. 5874 Ibid, n° 89, p. 378. 5875 Arnaud d’Agnel 1908, n° 994. 5876 Ibid., n° 996. 5877 Ibid., n° 2205. 5878 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 89, p. 378. 5879 L’écharpe est généralement un accessoire masculin mais les femmes s’en ornent également. Il ne faut pas la confondre dans les textes avec l’écharpe du pèlerin ou berger, sac ou baudrier porté à la taille en bandoulière. Les renseignements rassemblés par I. Fingerlin (1971, p. 131-132), C. Enlart (Enlart 1916, p. 291), V. Gay (Gay 1887, t. 1) en attestent durant une période limitée, de la seconde moitié du XIVe siècle au tout début du XVIe siècle. En Provence, les deux seules mentions trouvées, en date de 1478 et 1479, proviennent des comptes du roi René (Arnaud d’Agnel 1908, n° 995, 2620). D’après C. Enlart, jusque vers le milieu du XIVe siècle, l’écharpe est un sac porté en bandoulière, souvent une musette de toile ou de cuir ou une nasse de filet semblable aux actuels filets à provision. Spécialement adoptée par les pèlerins, elle se ferme au moyen d’une boucle. Elle aurait donné naissance à l’écharpe décorative évoquée plus haut. I. Fingerlin propose d’y voir simplement une ceinture longue placée autrement. 5880 Arnaud d’Agnel 1908, n° 995. 5872 1272 3. Approche croisée du mobilier archéologique sur des écharpes en toile rouge pour les pages et d’autres5881. Un mois plus tard, 80 enseignes de plomb sont achetées au lieu de Saint-Marc près d’Aix-en-Provence5882. Ses acquisitions se font toujours auprès de marchands qui, pour certains d’entre eux du moins, ne sont pas spécialisés dans la vente d’enseignes comme le montrent les autres achats qui leurs sont faits5883. Les informations manquent pour savoir si ces intermédiaires vendent exclusivement les enseignes d’un sanctuaire de la ville où ils sont implantés ou s’ils font également le commerce des enseignes propres à d’autres lieux de culte. Rien ne prouve, en outre, que le roi René et son fils aient visité tous les sanctuaires auxquels se rattachent les enseignes acquises. Les commandes effectuées auprès d’orfèvres dont l’un d’eux est spécialement attaché au roi ne prouvent rien dans un sens ou dans l’autre : une enseigne du sanctuaire a pu servir de modèle. Certains comptes rapportent que dans les grands centres de pèlerinage européens, des dizaines ou même des centaines de milliers d’enseignes pouvaient être vendues en quelques semaines ou quelques mois5884. Ces assertions peuvent paraître surprenantes au vu du nombre d’enseignes de pèlerinage retrouvées en Provence, mais elles contribuent à relativiser la portée des données obtenues sur la quantité du mobilier découvert en contexte archéologique. De même, il n’est actuellement recensé qu’une seule possible matrice pour des enseignes ou des médailles dans la région. A contrario, quatre moules pour la fonte avec une ou deux empreintes sont connus pour le seul et éphémère pèlerinage de la Vierge de Ratisbonne – seulement six ou sept ans d’existence – qui apparaît en 15195885. En 2006, 27 moules pour enseignes ont été retrouvés avec 47 autres moules pour cors de pèlerins, grelots, bagues, perles, fermail, appliques de ceinture, etc., dans une fosse datée de la fin du XIVe siècle et du début du XVe siècle au Mont Saint-Michel5886. 5881 Ibid., n° 2620. Ibid., n° 3339. 5883 Il a cependant existé des marchands spécialisés dans la vente des enseignes et ex-voto. Le compterendu d’une visite épiscopale à Saint-Mathurin de Larchant rapporte que des femmes vendaient dans l’église des enseignes de pèlerinage et des chandelles (Gasnault 1989). Se conférer à Bruna 1994 pour l’étude iconographique d’une marchande d’enseigne figurée sur une stalle du premier quart du XVIe siècle de la cathédrale d’Amiens. 5884 Bruna 1992, p. 317, 320. 5885 Bruna 1992. 5886 Vivre au Moyen Âge 2002, p. 241-245, notices 258 à 270. http://www.inrap.fr/archeologiepreventive/Ressources/Dossiers-multimedias/Une-production-d-enseignes-de-pelerins-au-Mont-SaintMichel/p-1142-Une-production-d-enseignes-de-pelerins-au-Mont-Saint-Michel.htm. Mis en ligne le 8 septembre 2006, mis à jour le 14 juin 2012, consulté le 13 avril 2013. 5882 1273 3. Approche croisée du mobilier archéologique Les enseignes ne sont pas seulement métalliques mais peuvent être aussi des coquillages. Il a déjà été mentionné la coquille achetée par le roi René, mais une autre attestation a pu être relevée dans un mandat de 1514 de la ville d’Avignon : des éléments de costume et entre autres des coquylhaz et un bordon sont achetés 1 florin pour un acteur jouant un pèlerin dans une farse en moralité d’Hugo d’Arles pour le Mardi-Gras5887. Trois ans auparavant, cinq bordons peints ont été utilisés pour une moresque à l’occasion du MardiGras de 1511, mais cette fois, il n’avait pas été acheté de coquilles5888. Assez proches des enseignes, les premières médailles métalliques apparaissent dans les sources textuelles dans la seconde moitié du XVIe siècle. L’inventaire des marchandises d’Adrien Moret, marchand d’Avignon, effectué en 1565, mentionne cinq medailles noires, six jolies médailles bien dorées, une douzaine de médailles dorées moins belles5889. À sa mort en 1566, Honoré de Tributis, conseiller au parlement, possède parmi ses bijoux deux médailles en or portant des inscriptions en l’honneur de Dieu5890. Il est probable que ces objets sont des médailles religieuses, mais leur forme et leur iconographie n’est pas précisée. Dans le mobilier archéologique, les médailles antérieures à 1650 sont particulièrement rares : la plus ancienne, portant la date de 1600, provient d’une sépulture du carré Saint-Jacques à La Ciotat5891. L’existence d’images médiévales en papier affichant des figures religieuses ne peut être justifiée par l’archéologie et ces produits de peu de valeur ne laissent pas beaucoup plus de traces dans les actes de la pratique notariale. Avant 1400, une dénommée Guillelma sent qu’elle peut perdre la vie en accouchant, mais son mari, revenant d’Avignon, rapporte une image peinte de Pierre de Luxembourg – imago dicti Domini Cardinalis depicta5892. Après avoir fait vœu de prénommer l’enfant Pierre et de le faire entrer en religion, elle enfante avec la « moindre douleur possible »5893. Pour Douce, la délivrance est liée au dépôt d’une « image » du saint sur le ventre lors d’une messe en son honneur : elle accouche sans douleur d’une fille5894. H. Chobaut a relevé dans les archives d’Avignon, à la date de 1441, la mention d’un maître cartier dénommé Gillet Courier, originaire du diocèse de Meaux et habitant la cité 5887 Pansier 1919, p. 31-32. Ibid., p. 29. 5889 Annexe 8, doc. 24. 5890 Fournand 2001, p. 120. 5891 Richier (dir.) 2011, p. 128. 5892 Janninck et al., 1719, p. 579, n° CCI. 5893 …cum minori dolore (Janninck et al., 1719, p. 579, n° CCI). 5894 Janninck et al., 1719, p. 579, n° CCII. 5888 1274 3. Approche croisée du mobilier archéologique vauclusienne, qui fournit au monastère des Célestins des images (signa sive imagines) du bienheureux Pierre de Luxembourg5895. L’inventaire des biens saisis en 1561 à Jean Cogorde, travailleur d’Aix signale une Veronicque de toille et trois pièces de imagerie en papier probablement à sujet religieux. Chez le boucher aixois Jean Barnou, il est relevé après son décès, en 1573, deux Magdallenes en papier, et dans le testament du procureur à la sénéchaussée d’Aix Claude Arnaud une imaige en papier5896. C. Thiriet relève également de nombreuses images de papier à iconographie religieuse dans les inventaires après-décès marseillais du troisième quart du XVIe siècle5897. Ces images sur papier ou carton étaient sans doute, pour une part, vendues aux pèlerins, et pour une autre part distribuée par des colporteurs et merciers s’approvisionnant chez des imprimeurs. D’autres objets ont pu être produits ou distribués par les sanctuaires de manière ponctuelle. La documentation sur ce point est pour le moment postérieure à la période d’étude. À l’époque de la peste de 1720, il est fabriqué à Carpentras des petits clous d’or et d’argent qui, mis en contact avec le Saint-Clou, étaient considérés comme un talisman contre l’épidémie5898. Au début du XIXe siècle, le voyageur A.-L. Millin remarque lors de sa visite du sanctuaire contenant les reliques de Marie-Madeleine à Saint-Maximin qu’il y a « une boîte remplie d’anneaux de verre, que l’on fait toucher à la châsse, et que l’on distribue à six sous pièce »5899. Le pouvoir des reliques est transmis par contact à la bague en verre, et la porter au doigt équivaut peut-être à s’unir avec cette protection. 3.4.9.3.Les ampoules, les enseignes et les médailles découvertes en Provence ou provenant de Provence Les ampoules, les enseignes et les médailles religieuses constituent la majorité du mobilier spécifiquement religieux inventorié en Provence. Dans le cadre de la présente étude, les enseignes de pèlerinages provençales retrouvées hors du territoire régional ont été incluses, d’une part, pour témoigner de l’aura des sanctuaires, d’autre part, pour montrer la diversité des types relatifs à un même lieu de culte. Il eut été dommage de se priver des rares produits issus d’une métallurgie provençale ordinairement difficile à identifier 5895 Chobaut 1943, p. IV-V. Fournand 2001, p. 116, 121. 5897 Thiriet 1997, p. 17. 5898 Demande 1925, p. 225. 5899 Millin 1807-1810, t. 3, p. 128. 5896 1275 3. Approche croisée du mobilier archéologique archéologiquement. Les enseignes provençales étudiées ont été précédées d’une courte notice sur les sanctuaires et organisées selon la localisation d’est-ouest de ces derniers. Cinq principaux éléments bibliographiques ont servi de base à ce travail : un ouvrage de K. Köster répertoriant entre autres les enseignes de Saint-Gilles, une contribution de D. Carru et S. Gagnière sur les ampoules et enseignes mises au jour à Avignon, deux articles de P. Ferrando sur des enseignes de pèlerinage de sanctuaires arlésiens, un article de D. Bruna sur les enseignes de la Via Tolosana5900. Quelques considérations sur des sanctuaires provençaux de grande importance pour lesquels il n’est pas encore connu d’enseignes de pèlerinage ont été également insérées. Les enseignes profanes, parfois difficiles à différencier des enseignes religieuses, ont été étudiées à la suite de ces dernières. Par convention et sauf mention contraire, l’ensemble des objets est, dans ce chapitre, en matériau blanc, c’est-à-dire en étain, en alliage d’étain et de plomb ou sans doute plus rarement en plomb. Les plus célèbres pèlerinages provençaux, bien que relativement récents, sont formés par le couple grotte de la Sainte-Baume et abbaye de Saint-Maximin, deux sites concernés par la présence de Marie-Madeleine. Sainte Marie-Madeleine, témoin important de la vie du Christ, est célébrée depuis le XIe siècle à Vézelay où son corps aurait été déplacé depuis Saint-Maximin à la fin du IXe siècle, mais la vie de disciple et de pénitente qu’elle aurait menée en Provence a donné naissance à un pèlerinage dans la grotte de la Sainte-Baume où elle se serait réfugiée pendant 30 ans après avoir été chassée de Béthanie. Saint Louis s’y est rendu en 1254 lors de son départ pour la croisade. La création du pèlerinage à Saint-Maximin est, quant à lui, l’œuvre de Charles II. Avant de devenir comte de Provence et roi de Sicile, le prince de Salerne, en 1279, entreprend de mettre au jour le « vrai » corps de la sainte. Ce dernier sera reconnu comme tel par le pape Boniface VIII en 1295. Le développement du culte doit donc beaucoup à Charles II mais aussi à Jean Gobi l’Ancien, prieur du Couvent royal de Saint-Maximin, qui compila des miracles en un livre dans le premier tiers du XIVe siècle5901. L’objectif fut d’illustrer les mérites de la sainte et d’attester la présence de son corps à Saint-Maximin. D’après le contenu des miracles, la plupart des pèlerins venaient du comté de Provence, du Gard, de l’Hérault, mais aussi d’Italie, et les maladies tiennent une place prépondérante dans la formulation des motifs. Quelques autres documents provençaux témoignent de la ferveur pour ce pèlerinage. En 1414, par testament, la femme du seigneur de Collongue impose à son mari le 5900 5901 Köster 1983, Carru et Gagnière 1992, Bruna 2003, Ferrando 2001a et Ferrando 2001b. Sclafert (Édit.) 2009, p. 22-33, 44-45, 57-59. 1276 3. Approche croisée du mobilier archéologique romipetagium de la bienheureuse Marie-Madeleine à Saint-Maximin5902. En 1471, Jean Morel, homme à tout faire au service d’un notaire de Cucuron, prend congé de son employeur pour quelques jours et, avec une avance de six gros sur son salaire, part en direction de ces lieux saints5903. En février 1478, le roi René vient au Pardon de Saint-Maximin et sa petite fille y achète des enseignes5904. Le comte en acquiert quelques semaines plus tard en argent et en argent doré et fait fabriquer des exemplaires en or5905. De nombreux rois de France dont Saint-Louis, les futurs Louis XI et Louis XII, François Ier, Henri II, Louis III et Louis XIV vinrent se recueillir dans la grotte5906. Le cardinal d’Aragon en 1517, sur le chemin du retour en Italie, fait un crochet par la Sainte-baume et Saint-Maximin5907. Les tensions qui agitent la société dans la seconde moitié du XVIe siècle obligent certaines personnes à faire reconnaître leur catholicité. C’est le cas de Louis Cavalier. Ce docteur en droit et avocat au Siège, à Draguignan, bien que reconnu Catholique du fait de s’être confessé et avoir communié à Mazauges le jeudi saint de 1568, s’en va, en 1569, à Sainct-Mayxemin, en romavage, voyr la Saincte Ampole, probablement pour écarter tout doute dans l’esprit d’éventuels suspicieux, et ainsi, se faire oublier quelques temps5908. En 1677, le notaire nîmois Étienne Borrely fait un voyage touristique en Provence et prévoit d’aller visiter « à la Sainte Balme, le rocher où la Magdeleine reposoit, la chapelle qui est au derrière du rocher et le Saint Pilon ; à SaintMaximin, la sainte Ampoule, la teste de la Magdeleine et ses cheveux dans une ampoule, son bras et autres reliques très précieux »5909. Plus tard J.-P. Papon précise : « bien que les Pèlerinages de la Sainte-Baume ne soient plus aussi fréquents qu’ils l’étaient autrefois ; il y a peu de personnes parmi le peuple, qui s’en dispensent la première année de leur mariage : et si ce voyage n’est pas stipulé dans le contrat, il est du moins regardé comme une preuve de la tendresse des époux pour leurs femmes »5910. Six enseignes du pèlerinage de Marie-Madeleine de Saint-Maximin sont actuellement répertoriées : cinq exemplaires, en étain ou en alliage d’étain et de plomb, fabriqués par la fonte et un spécimen confectionné dans une feuille d’argent estampée. Une première enseigne 5902 Ribbe 1898, p. 176. Audisio 1988 b, p. 156. 5904 Lecoy de la Marche 1875, t. 2, n° 89, p. 378. 5905 Arnaud d’Agnel 1908, n° 994 et 996. 5906 Faillon 1865, p. 1494, 1509-1511 5907 Breton 1991, p. 54. 5908 AD Var, 1 B 270, f° 158 r°. 5909 Puech 1885, p. 463. 5910 Papon 1780, p. 59. R. Ribbe témoigne également de cette tradition, mais il ne cite pas ses source et cet auteur généralise souvent à partir de quelques données éparses (1898, p. 177). 5903 1277 3. Approche croisée du mobilier archéologique en matériau blanc (fig. 582, n° 1), ramassée en 1849 à Paris dans la Seine au Pont-au-Change, est conservée dans cette ville aux Thermes de Cluny. Fortement rognée et présentant des bords très endommagés, elle devait être de forme quadrangulaire. L’inscription permettant son identification, disposée en deux registres encadrés de points, est incomplète et son état actuel (fig. 582, n° 2), diffère quelque peu du dessin de E. Hucher en 1853 : [SIGNUM BEATE M]ARIE M[AGDALENE] … … SANCTI MAXIMIN[I]5911 Dans le champ, une femme prosternée devant le Christ, est représentée, dans la maison de Simon le Pharisien, d’après l’Évangile de Luc. Allongée sur le sol, Sainte MarieMadeleine vient d’essuyer avec ses cheveux les pieds du Christ qu’elle a baigné de larmes (position de sa main gauche) et probablement s’apprête à les oindre du parfum contenu dans le vase figuré au-dessus d’elle. « Et se plaçant par derrière, à ses pieds, tout en pleurs, elle se mit à lui arroser les pieds de ses larmes; et elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers et les oignait de parfum. » (Luc 7, 37-38). Le Christ, assis sur une chaire à dos peu élevé, la bénit de sa main droite. Deux écus, l’un aux armes de Sicile-Tarente à gauche – semé de France au lambel de gueules à la cotice d’argent – l’autre de Provence à droite – d’or à quatre pals de gueules – encadrent cette scène. Leur présence pourrait être liée, selon A. Forgeais et D. Bruna5912, à une ordonnance du 29 avril 1354 réclamée par Louis de Tarente et sa femme Jeanne suite à une plainte émanant du prieur du couvent de Saint-Maximin et des artisans habilités à procéder à la fabrication des enseignes5913. Selon la coutume alléguée et remontant au moins à l’année 1311, le prieur remet les moules (ferrum ou ferrus) à enseignes de pèlerinage aux personnes de son choix, le produit de la vente des objets obtenus est ensuite vraisemblablement partagé entre les parties. Il n'y a donc d'autres marchands autorisés à faire ce commerce dans le pays que ceux sélectionnés par le sacristain. Cependant, peu après la peste de 1348, des commerçants se fixent dans la ville de Saint-Maximin et font graver des moules pour leur propre compte. Le couple comtal enjoint alors aux magistrats de faire respecter le droit coutumier des religieux. Les armoiries symbolisent-elles cette décision et garantissent-elles que cette enseigne est un produit autorisé ? Les berges de la Tamise, à Londres, sur le site de Vintry, abritaient jusqu’en 1983 un fragment d’enseigne portant la légende + SIGILLV[M BEATE MAR]IE MADELENE en 5911 Si on compare l’état actuel de conservation au dessin de E. Hucher en 1853, l’enseigne a perdu des fragments sur les bords. 5912 Forgeais 1863, p. 205-207 ; Bruna 1996, p. 170-171 ; Bruna 2003, p. 69. 5913 Faillon 1865, t. 1, p. 971, t. 2, p. 963-968 ; Carru et Gagnière 1992, p. 57. 1278 3. Approche croisée du mobilier archéologique bordure (fig. 582, n° 3). Là encore, la scène se déroule au moment du repas chez Simon le Pharisien. Il est probable que les personnages puissent être identifiés de gauche à droite comme étant saint Pierre et Simon. La figure du Christ n’a pas été conservée, contrairement à une seconde enseigne extraite de la Seine (fig. 582, n° 4) et conservée au musée Carnavalet5914. Il est visible sur les deux enseignes une partie du corps de sainte MarieMadeleine allongée sous la table5915. L’excroissance rectangulaire dans la partie supérieure du premier exemplaire où se perçoivent trois petits arcs, figurerait une représentation du sanctuaire de Saint-Maximin5916. Une perforation dans le coin inférieur gauche a peut-être servi à pallier la perte d’un œillet. Cet objet est daté de la fin du XIIIe ou du début du XIVe siècle dans le catalogue Santiago de Compostela5917. La quatrième enseigne (fig. 582, n° 5), découverte au Mont Saint-Michel en 1863, est d’un type différent. La plaque rectangulaire conserve encore deux œillets. Son cadre comporte une légende entre deux filets : + SIGILLVM BEATE MARIE MAGDALVME. La scène centrale montre trois personnages barbus et avec de longues moustaches assis devant une table garnie de deux pains et de coupes. Saint Pierre, reconnaissable à la clef qu’il arbore verse un liquide dans la coupe devant lui. Le personnage central, tenant un couteau comme s’il faisait les honneurs de la table, est sans doute Simon le Pharisien. Attablé à gauche de Simon, le Christ est identifiable par son auréole. Il bénit de la main droite Sainte MarieMadeleine qui, allongée sous la table, retient un des pieds du Sauveur. A. Forgeais date l’élaboration du modèle du XIIIe siècle et hésite entre une attribution à Vézelay ou à SaintMaximin5918. D. Bruna, de son côté ne doute pas de son attribution au sanctuaire de SaintMaximin5919, laquelle conditionne celle des deux enseignes suivantes qui figurent la même scène. Une enseigne du sanctuaire varois fut ramassée dans le lit de la Loire à Orléans, au début des années 1870, mais elle a disparu, vraisemblablement lors de l’incendie du musée de l’Orléanais en 1940. La description laissée par l’abbé Desnoyers, bien que non accompagnée d’une illustration, possède une certaine précision : « Sainte Marie-Madeleine, XVIe siècle5920, 5914 N° 367, tiroir 2 du médaillier de Forgeais. Spencer 2010², p. 239, fig. 246f. 5916 Santiago 1989, p. 316, n° 216. 5917 Ibid., p. 316, n° 216. 5918 Forgeais 1865, p. 229-231. 5919 Bruna 2003, p. 69. 5920 Aucun argument n’est donné en faveur de cette datation qu’il convient donc de prendre avec beaucoup de prudence. 5915 1279 3. Approche croisée du mobilier archéologique SIGNVM BEATE MARIE MAGDALENE, J.-C. à nimbe crucifère assis devant une table chargée de mets et accompagné de deux personnages nimbés : celui de la gauche verse du vin dans une coupe, et tous deux tiennent deux clés conjuguées (seraient-ce saint Pierre et saint Paul ?) ; au bas de la table, sainte Madeleine est prosternée et embrasse les pieds de J.-C. Cette enseigne est une variété de celle décrite par Forgeais »5921. La sixième et dernière enseigne est une mince tôle d’argent estampée cousue sur le dernier feuillet du livre d’heures d’Oiselet, parmi 22 autres plaquettes de différents sanctuaires (fig. 582, n° 6). Elle est circulaire, et traversée par huit perforations en bordure pour la fixation. Dans un cadre constitué d’un cercle cordé et d’un cercle uni, MarieMadeleine figure auréolée, les mains jointes en un geste de prière, flanquée de quatre anges la transportant vers le ciel. L’ouvrage, conservé à la Bibliothèque royale de La Haye (ms 77 L 60) est daté du troisième quart du XVe siècle5922. Ce type d’enseigne en tôle, de très faible épaisseur pour être facilement insérée au sein des pages d’un livre et perforée en périphérie pour y être cousue, voit le jour vers les années 1460 - 1470 dans le Nord de la France et le Sud des Pays-Bas, mais ne se diffuse à grande échelle que dans les années 1480 - 1490. Il disparaît au cours du XVIe siècle5923. Disposées dans un livre, elles génèrent un lien plus intimiste et leur possesseur, lors de ses prières, peut toucher avec ferveur la représentation des saints invoqués comme le montrent parfois des marques d’usure5924. Au vu du grand nombre d’enseignes présentes dans le livre d’heures d’Oiselet et de l’éloignement géographique des sanctuaires concernés, il semble peu probable que l’ensemble fut acquis lors de pèlerinages. Conservé à la Bibliothèque Inguimbertine de Carpentras (ms 59), un livre d’heures exécuté entre 1485 et 1490 pour Antoine Bourdin, sergent et garde du château de Beaucaire, receveur particulier au diocèse de Nîmes, a préservé la trace d’une enseigne originaire de Saint-Maximin (fig. 585)5925. Elle fut cousue sur le dernier feuillet (f° 110 r°) avec quatre autres enseignes en métal et probablement deux véroniques peintes sur un petit rectangle de parchemin. À l’exception d’une véronique, tous les objets ont été arrachés. Néanmoins, les traces laissées par les enseignes métalliques sur le folio en regard permettent d’identifier une enseigne de 3,6 cm de diamètre semblable à celle de la Bibliothèque royale de La Haye. 5921 Desnoyers 1876, p. 174. Bruna 1998, p. 147. 5923 Ibid., p. 129-130. 5924 Ibid., p. 135, 137-138 5925 Bruna 1998, p. 142-143. 5922 1280 3. Approche croisée du mobilier archéologique La sépulture de Saint Victor, décédé en 303, devint très tôt un lieu de pèlerinage. Présent dès la fin de l’Antiquité, son rayonnement atteignait la Touraine comme l’atteste notamment les écrits de Grégoire de Tours et de Venance Fortunat5926. Il semble perdurer à la fin du Moyen Âge, mais peut-être avec moins d’intensité, ce qui pourrait expliquer l’absence actuelle d’enseignes de pèlerinage pour ce sanctuaire. En octobre 1365, Urbain V part en pèlerinage à l’abbaye de Saint-Victor : il y avait été abbé avant son élection à la papauté5927. Il s’y fera inhumer et un pèlerinage s’y établira. Le cardinal d’Aragon, lors de son retour en Italie, en 1517, traverse la Provence et s’arrête en de nombreux endroits pour vénérer les reliques. À Avignon, il visite l’église des Célestins dans laquelle est conservé le corps du Bienheureux Pierre de Luxembourg et la tombe du pape Clément VII. À Arles, il prie devant les reliques de saint Antoine. À l’abbatiale Saint-Victor de Marseille, il vénère le chef du saint, celui de saint Martin, de la chaire des Saints Innocents, une côte de Lazare, une dent de saint Pierre, la croix de saint André dont il est possible de baiser un morceau par dévotion. Dans l’arrière-pays, il s’arrête ensuite à « l’oratoire où la glorieuse Madeleine demeura avant d’aller faire pénitence sur le Mont de la Baume », puis à Saint-Maximin où il se recueille devant le reliquaire contenant la tête de Madeleine5928. À Marseille également est conservé le corps de saint Louis de Marseille, évêque de Toulouse, mort à Brignoles et inhumé dans l’Eglise des Frères mineurs de Marseille, canonisé en 1317. Il fut aussi l’objet d’un pèlerinage, ainsi qu’il a déjà été mentionné. La ville d’Avignon, centre religieux de premier plan au bas Moyen Âge, est la destination de nombre de pèlerins. La plupart viennent pour prier sur la dépouille de Pierre de Luxembourg dans l’église des Célestins et devant une statue de la Vierge hautement vénérée à Notre-Dame-des-Doms. Un témoignage transcrit dans le procès en canonisation de Pierre de Luxembourg, ouvert en 1390, interrompu au décès de Clément VII en 1397 et jamais repris, fait état de l’existence d’un culte rendu au corps de la bienheureuse Marie d’Espérance conservé dans l’église Notre-Dame d’Espérance à Avignon. Il mentionne, d’une part, que ce dernier sanctuaire est délaissé par les fidèles, d’autre part, que le culte rendu au cardinal connaît un succès retentissant. Il perdure encore au XVIIe siècle5929. Pierre de Luxembourg, d’origine allemande, est nommé évêque de Metz à quinze ans par Clément VII qui le fait ensuite venir à Avignon et le crée cardinal-diacre. Il meurt, dans sa dix-huitième année, en 5926 Moulinier 1997, p. 607, 609, 611. Hayez 1987, p. 21. 5928 Breton 1991, p. 50, 54. 5929 Feuillas 1985. 5927 1281 3. Approche croisée du mobilier archéologique 1387 à Villeneuve-lès-Avignon. Sa grande piété et son humilité sont reconnues et il a demandé de surcroît à être enterré parmi les pauvres au cimetière Saint-Michel. Peu après son inhumation le 5 juillet, de grandes foules se pressent sur sa sépulture. Un commerçant de la succursale d’Avignon de la compagnie Datini rapporte à la mi-juillet que « le savant comme l’ignorant, l’idiot, le pauvre y vont comme ils iraient à un grand pardon, et cela le matin, à midi et le soir. Songez que chaque nuit 200 personnes dorment et veillent par dévotion en cet endroit. Beaucoup de malades y sont allés et, la neuvaine faite, ont été complètement guéris »5930. La grande renommée de ce pèlerinage conduit à l’édification d’une chapelle de bois, en 1389, payée sur les fonds de Marie de Bretagne, veuve de Louis Ier d’Anjou. La même année, le roi Charles VI venu à Avignon pour requérir la canonisation de Pierre de Luxembourg auprès du pape, fait disposer une statue de cire à son image grandeur nature devant le tombeau du cardinal, pour le remercier de sa guérison5931. En 1394, sous l’impulsion de Clément VII, il est entrepris la construction de l’église des Célestins dans laquelle sont ensuite transférés les restes du bienheureux5932. La fabrication d’enseignes à l’effigie du cardinal a probablement débuté rapidement, le succès financier étant assuré par la fréquentation. En 1447, le roi René fait acheter à Avignon des enseignes d’argent de saint Pierre de Luxembourg5933. Le procès en canonisation, arrêté en 1397, montre que les pèlerins venus témoigner sont, pour la majeure partie, originaires du diocèse d’Avignon et des diocèses limitrophes5934. Néanmoins, la procédure, mise en place peu de temps après le décès du cardinal, accroît la renommée de ce saint homme et elle se propage par la suite beaucoup plus largement. Le sanctuaire devient d’ailleurs la destination de pèlerinages pénitentiels depuis les Flandres et la Wallonie5935 et de ce fait, une enseigne de Pierre de Luxembourg a été découverte à Dordrecht au Pays-Bas5936 (fig. 583, n° 1). Cet objet et un autre artefact (fig. 583, n° 2) découvert en position intrusive dans une phase datée de fin XIIe - début XIIIe siècle sur le site de Saint-Georges à Lyon figurent le récit de l’extase du saint à Châteauneuf tel qu’il est rapporté par le dossier en vue de la canonisation. Plongé dans une longue oraison, le bienheureux Pierre de Luxembourg, voit apparaître devant lui le Christ sur la croix. Un tableau daté vers 1470 - 1475, autrefois disposé 5930 Brun 1935, p. 100. Vallet de Viriville 1858. 5932 Laclotte et Thiébaut 1983, p. 240. 5933 Lecoy de la Marche 1875, t. 2, n° 537. 5934 Veyssière 1987, t. 1, p. 19-21, t. 2, p. 390-392 ; Veyssière 1994, p. 209. 5935 Valon 1935, p. 40. 5936 Van Beuningen et Koldeweij 1993, p. 188 ; Bruna 2003, p. 71. 5931 1282 3. Approche croisée du mobilier archéologique au-dessus du tombeau et actuellement conservé à Avignon au Musée du Petit Palais, a servi de modèle à ces enseignes ou en est la reproduction peinte (fig. 584)5937. Pierre est représenté, dans les trois cas, le regard levé en direction de l’apparition divine située au-dessus d’un prieDieu. Le meuble sur lequel repose un livre ouvert est couvert, sur la peinture, d’un tissu arborant sur le côté un écu aux armes de Luxembourg, d’azur au lion de gueule rampant couronné d’or, surmonté d’un chapeau cardinalice à cordons, terminés par vingt houppes, rappelant la dignité du personnage. Sur l’enseigne des Pays-Bas (fig. 583, n° 1), le prie-Dieu, sans tissu, richement ouvragé de motifs architecturaux gothiques, affiche sur un côté l’écu moins les cordons. L’écu est déplacé derrière le saint sur l’autre enseigne (fig. 583, n° 2). Il est sommé d’un chapeau cardinalice d’où pendent deux cordons à houppes. Pour les deux objets, au bas de l’arcade gothique en ogive ou de la nef aux murs surmontés de pinacles qui sert de cadre à l’image ajourée, il a été ajouté la légende BEAT[VS] P[ETRVS] CARD[INALIS]. Le titre de bienheureux, octroyé officiellement en 1527, lui avait déjà été donné par la ferveur populaire depuis longtemps5938. Les comptes du roi René rapportent aussi la dénomination de saint lors de l’achat de 18 enseignes en 14475939. Une « médaille » pourrait avoir été trouvée dans les environs de Grenoble (fig. 583, n° 3)5940. Il n’est connu qu’une reproduction en métal établie d’après un estampage en papier d’étain. Elle est circulaire, avec un cadre parcouru de bouquets végétaux entre des grènetis. Il y figure une scène similaire à celle de l’enseigne flamande jusque dans les détails du prieDieu, mais posée en sens inverse. Un ange aux ailes déployées complète la scène en dirigeant la tête de Pierre vers l’apparition. Un listel serpentiforme est parcouru des mots BEATVS PETRVS LVCEMBOVRG. Le terme de « médaille » employé par L. Maxe-Warly qui se charge de la publication de cet objet instille un doute : s’agit-il réellement d’une médaille ou d’une enseigne circulaire comme le pense D. Bruna5941. Dans ce dernier cas, l’objet serait en tôle et quelques-uns des grènetis visibles dans le cadre pourraient être perforés pour une fixation par couture. L.-H. Labande a retrouvé dans les collections du musée Calvet un coin ayant servi à la fabrication d’une « médaille » ou d’une « enseigne » à l’effigie du bienheureux Pierre de Luxembourg (fig. 583, n° 4). Il pourrait provenir des anciens fonds de la monnaie d’Avignon 5937 Labande 1899, p. 410 ; Laclotte et Thiébaut 1983, p. 240-241. Maxe-Werly 1898, p 52. 5939 Lecoy de la Marche 1875, t. 2, n° 537. 5940 Maxe-Werly 1898, p. 52. 5941 Bruna 2003, p. 71. 5938 1283 3. Approche croisée du mobilier archéologique et avoir été donné au musée par la préfecture en 1835. L’objet en acier est un cylindre de 3,3 cm de diamètre pour 12,5 cm de haut surmonté d’un appendice destiné à l’emmanchement. La surface gravée est limitée par un cercle de grènetis. Un cadre formé de deux cordons de grènetis contient l’inscription en capitales gothiques S[ANC]TVS P[ETRVS] DE LVCE[M]BVRGO. La figure centrale de Pierre, la tête radiée, coupe la partie inférieure du cadre. Il est encore une fois représenté agenouillé devant son prie-Dieu orné aux armes de Luxembourg sur lequel un livre est posé, le Christ sur sa croix s’inscrit au-dessus. Quel fut l’usage de ce coin : a-t-il été employé pour fabriquer des enseignes en tôle ou frapper des médailles ? La seconde hypothèse semble la plus probable étant donné l’aspect massif de cette matrice. L’ « enseigne » répertoriée à Dordrecht aux Pays-Bas (fig. 583, n° 1) est datée par L.-H. Labande de l’extrême fin du XVe siècle et le coin d’Avignon (fig. 583, n° 4) de la première moitié du même siècle5942. Dans ce cas, la peinture du musée du Petit Palais dont l’exécution est fixée aux années 1470 - 1475, qui présente de nombreuses similitudes avec les objets étudiés, s’inspirerait des enseignes et autres images produites à destination des pèlerins. D’après la forme des lettres et des cadres, une datation centrée sur le dernier quart du XVe siècle et le début du XVIe siècle est donc envisageable. Le sanctuaire de Notre-Dame-des-Doms a été mentionné maintes fois, notamment avec l’octroi des indulgences aux visiteurs de l’église lors de diverses fêtes religieuses pendant une période de une à deux années vers 1318. Il fut également une des destinations des pèlerinages pénitentiels5943. Il y était vénéré une statue de la Vierge qui fut emportée par les chanoines5944, lors de l’expulsion du chapitre par les catalans en 1409, dans le cadre du conflit qui opposait les avignonnais au pape Benoît XIII. Une enseigne de Notre-Dame-des-Doms a été mise au jour dans la ville d’Avignon, rue Pasteur, lors de travaux de voirie (fig. 586, n° 1 et 2). L’artefact est de forme globalement rectangulaire et ses œillets de fixation ont disparu. Un cadre, disposé sur trois côtés, comprend l’inscription S[IGNVM] BEATES M[ARIAE] DE DOM[O] AVINIONIS. Au centre, il est figuré un portail à deux voussures perlées encadrant une voussure convexe sous un fronton triangulaire. Deux colonnes torses à chapiteaux – ornés d’une feuille d’acanthe ? – encadrent une Vierge couronnée et auréolée tenant dans sa main droite un sceptre et dans son bras gauche l’Enfant, également auréolé. Un clocher composé de quatre étages d’arcades à trois 5942 Labande 1899, p. 410. Valon 1935, p. 40 ; Ganshof 1966. 5944 Pansier 1912a, p. 106. 5943 1284 3. Approche croisée du mobilier archéologique baies pour les deux premiers niveaux, à deux baies pour les deux derniers, surmonte le tout. De part et d’autre de celui-ci se détachent deux probables candélabres. D’après D. Carru, « le style, la découpe du sujet, et la graphie des lettres de la légende (E en onciale romane), permettent d’en situer la fabrication vers la fin du XIIIe siècle, ou durant le siècle suivant, mais à coup sûr avant 1405 », puisqu’à cette date le clocher s’effondre et que sa reconstruction ne s’achève ensuite, avec un résultat quelque peu différent, qu’au milieu du XVe siècle5945. Une précision est nécessaire : ce n’est pas tant la fabrication de l’objet qui peut être ainsi datée mais la période d’exécution de l’empreinte originelle, puisque le moule a très bien pu rester en service après les travaux, ou même être reproduit ultérieurement à l’identique, une fois le premier exemplaire devenu inutilisable5946. Il semble peu probable que l’exacte représentation de l’édifice ait été pour les pèlerins un sujet de préoccupation, l’achat d’une enseigne poursuit généralement une tout autre finalité : souvenir, cadeau, bijou. L’église collégiale de Tarascon conserve les reliques du corps de sainte Marthe. Le territoire de l’actuelle Tarascon était soumis à la terreur de la Tarasque depuis de nombreuses années lorsque Marthe, qui avait débarqué avec Marie-Madeleine à Marseille, décide sur la prière du peuple d’aller capturer le monstre. Elle le trouve en train de dévorer un homme, lui lance de l’eau bénite et lui montre la croix. Le monstre aussitôt se soumet, elle lui passe alors sa ceinture autour du cou et le conduit au village voisin où il meurt lapidé. Le lieu de la capture est nommé Tarascon d’après la légende. Une certaine attention fut portée à la sainte au XVe siècle. L’orfèvre Henri Lo Moytuhier, artisan habitant Avignon, est en effet chargé en 1436 par la confrérie de Sainte-Marthe d’orner la tête de la sainte d’une certaine quantité de marcs d’argent5947. Quelques années plus tard, en 1446, Enguerrand Quarton se voit confier par une veuve de Tarascon la réalisation pour l’église d’un retable figurant la sainte5948. En outre, dans le troisième quart du XVe siècle, Francesco Laurana sculpte un gisant de sainte Marthe5949. Le coffre, œuvre d’un autre sculpteur, est pourvu de perforations grâce auxquelles les pèlerins pouvaient toucher les reliques, les mettre en contact avec des enseignes ou autres objets. Marie d’Anjou, sœur de René, a pu avoir transmis cette vénération particulière à son fils le roi de France Louis XI : en 1470, celui-ci offre à l’église une châsse en or aujourd’hui 5945 Carru 1998, p. 49, 52, 53. Voir à ce propos Bruna 1996, p. 9. 5947 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2724. 5948 Ibid., n° 619. 5949 Mognetti 1981, p. 171. 5946 1285 3. Approche croisée du mobilier archéologique détruite5950. En octobre 1476, le valet Thomas est défrayé pour avoir emmené de la part du roi René une branche de corail à Sainte-Marthe de Tarascon5951. Un livre d’heures du XVe siècle à l’usage de Paris conserve au verso du premier feuillet une enseigne de pèlerinage circulaire de 3,7 cm de diamètre obtenue par estampage d’une feuille d’argent (fig. 583, n° 4). Dans un cadre alternant cordons cordés et cordons nus, sur fond d’un semis de fleur de lys, sainte Marthe, vêtue d’un long manteau, auréolée, est figurée debout sur la Tarasque qu’elle asperge d’eau bénite avec un goupillon. Douze trous ont été réalisés en bordure pour la fixation par couture. Une pièce de broderie figurant les instruments de la Passion autour du monogramme du Christ ainsi qu’une véronique sont également disposés sur le même folio5952. Ce type d’enseigne en tôle perforée pour la couture apparaîtrait dans les années 1460 - 14705953. Parmi les autres sites de pèlerinage, certains sont de grande importance bien que les données historiques actuellement récoltées soient insuffisantes pour se faire une idée précise de leur vitalité. Il convient néanmoins de citer Saint-Trophime d’Arles, où le Guide du pèlerin conseille une halte5954, mais surtout l’abbaye de Montmajour, en périphérie de cette même ville. Le premier sanctuaire conserve le corps de saint Trophime, premier évêque d’Arles, le second contient un réduit qui serait son confessionnal, lieu où il aurait évangélisé, confessé et baptisé. L’abbaye bénédictine de Saint-Pierre-de-Montmajour fut fondée en 949. En 1019, l’abbé Rambert y institue le « Pardon », à l’occasion de la consécration par l’archevêque d’Arles, Pons de Marignane, de la crypte de la première église Notre-Dame alors en cours de construction, crypte dédiée à la Sainte-Croix et contenant un fragment de la vraie croix. La cérémonie du « Pardon » de Montmajour, célébrée tous les 3 mai, jour de l’Invention de la Sainte-Croix, accorde l’absolution des péchés aux fidèles qui y participent et qui laissent une offrande pour l’achèvement de l’édifice. Face au succès grandissant du Pardon, une chapellereliquaire à plan cruciforme, au vocable de Sainte-Croix, fut construite à l’extérieur du monastère pour le service des pèlerins vers 1170 - 11805955. Ce pèlerinage, qui donnait aussi lieu à une vénération à saint Pierre, concourut à la prospérité du nouveau sanctuaire, de l’abbaye et de la ville. 5950 Esquieu 1979, p. 130. Lecoy de la Marche 1875, t. 2, n° 88, p. 376. 5952 Bruna 1998, p. 141. 5953 Ibid., p. 129-130. 5954 Vielliard (Édit.) 1984, p. 34-35. 5955 Benoit 1927, p. 110. Gagnière 1981, p. 50 ; Stouff 1999, p. 32. 5951 1286 3. Approche croisée du mobilier archéologique Par contrat daté du 15 avril 1359, les religieux de l’abbaye s’engagent à fournir à un plâtrier d’Arles, maître Jean de Squire de Tournai, les moules nécessaires à la fabrication des « images de saint Pierre », vraisemblablement des statuettes en plâtre, celles-ci devant être vendues à bénéfice égal entre les parties5956. En 1424, un mercier et un boulanger arlésien reçoivent le monopole de la confection des images de saint Pierre et des clefs de plomb et d’étain5957. Ces personnes ne sont pas des artisans du métal mais agissent en tant que capitalistes. Elles ont très probablement déléguées ou employées des personnes versées ou non dans le travail de l’étain, du plomb et de ses alliages ; la fonte de ce métal et de ses alliages ne demande pas des connaissances très pointues. N’était-il fabriqué à cette occasion que des enseignes ? Une fosse de la fin du XIVe siècle et du début du XVe siècle fouillée à l’emplacement d’un atelier au Mont Saint-Michel contenait 27 moules pour enseignes et 47 autres moules pour cors de pèlerins, grelots, bagues, perles, fermail, appliques de ceinture, etc.5958. Parmi les visiteurs célèbres sur ces lieux de pèlerinage arlésiens, il y eut, le 1er décembre 1400, la femme du roi Louis II qui visita Saint-Trophime avec le prince de Tarente et le comte de Prade5959. Le 3 mai 1409, la cérémonie du Pardon de Saint-Pierre de Montmajour réunit, d’après l’arlésien Bertrand Boysset, des pèlerins (Romieus) du monde entier au nombre de 150 000 de ce qu’il en a vu et entendu. Elle est honorée de la présence du roi Louis II, en noble compagnie, et séjournant en Provence pour préparer la conquête de Naples5960. Ce chiffre est bien évidemment largement exagéré mais il donne une idée de l’ampleur de la manifestation. Un compte de péage de 1425 enregistre 12 000 pèlerins passant par Arles5961. En 1504, il est institué une indulgence plénière pour le pèlerinage à Montmajour. 5956 Benoit 1927, p. 112-113. Baudat 1999, p. 18-19 ; Baudat 2001, p. 43. P. Benoît, qui ne donne aucune origine à cette information, spécifie que les religieux doivent également livrer le plomb, mais. M. Baudat ne mentionne pas le plomb lorsqu’il fournit le renseignement et renvoie à un manuscrit du chanoine L. Bonnemant à la Bibliothèque municipale d’Arles qu’il ne m’a pas été possible de consulter. 5957 Stouff 1999, p. 29. 5958 Vivre au Moyen Âge 2002, p. 241-245, notices 258 à 270. http://www.inrap.fr/archeologiepreventive/Ressources/Dossiers-multimedias/Une-production-d-enseignes-de-pelerins-au-Mont-SaintMichel/p-1142-Une-production-d-enseignes-de-pelerins-au-Mont-Saint-Michel.htm. Mis en ligne le 8 septembre 2006, mis à jour le 14 juin 2012, consulté le 13 avril 2013. 5959 Bonnemant 1876, p. 60. 5960 Bonnemant 1876, p. 127-128 ; Stouff 1999, p. 25-29 5961 Ferrando 2001a. 1287 3. Approche croisée du mobilier archéologique Des niveaux d’occupation de maisons des XIIIe - XIVe siècles, rue du Limas à Avignon, ont permis, en 1989, la découverte d’une enseigne à l’effigie de saint Pierre (fig. 586, n° 3). Le cadre de cette pièce, pentagonale, contient une légende agencée de façon malhabile entre deux rangées de grènetis : + S[IGNVM] SAN[C]TI PETRI MONTIS MAIORIS. Dans le champ, Pierre, drapé, chaussé et coiffé d’une mitre ou d’une tiare, assis sur un trône stylisé, bénit de la main droite et tient une clef dans la main gauche. Un globe surmonté d’une croix, sous son coude droit évoque probablement la situation de l’abbaye en terre d’empire. La dévotion à saint Pierre à l’abbaye de Montmajour ne paraît pas être fondée sur une légende quelconque. Saint Pierre étant dédicataire du couvent, peut-être l’abbaye en possédait-elle des reliques ? Les enseignes de la Sainte-Croix de Montmajour sont plus nombreuses et peuvent être regroupées en trois types. Appartenant au premier type, l’exemplaire découvert aux abords d’une ancienne livrée cardinalice d’Avignon, au n° 5 de la rue Collège-de-la-Croix, dans un sol remanié, a été mis au jour lors de travaux de sondage (fig. 586, n° 4 et 5). Cette croix en matériau blanc, aux larges et courtes branches, porte la figuration du Christ les yeux ouverts, couronné, les membres droits, vêtu d’une longue tunique s’arrêtant aux poignets et aux chevilles. La croix-support comporte une inscription marginale autour du personnage : + SIGNVM S[AN]C[T]E CRVCIS DE MONTE MAIORE (Signe de la Sainte-Croix de Montmajour). Huit œillets permettent sa fixation. Trois fragments de branches, appartenant à des enseignes portant une représentation similaire bien que légèrement plus grande, ont été découverts hors stratigraphie au Castelet à Fontvieille (fig. 586, n° 6 et 7). Une telle figuration du Christ s’observe sur des crucifix du XIIe siècle et notamment sur celui de la cathédrale Saint-Martin de Lucques, le Volto Santo dont les plus anciennes enseignes de pèlerinage reprennent l’image. Il n’est pas impossible que l’enseigne de Montmajour soit la réplique d’un crucifix conservé à l’abbaye et vénéré des pèlerins5962. Le moule original est daté du XIIIe siècle d’après des critères stylistiques de D. Carru et S. Gagnière5963. Le second type d’enseignes de la Sainte-Croix de Montmajour, trouvé dans des remblais au Castelet à Fontvieille, montre cette fois-ci deux versions d’un Christ seulement vêtu du perizonium, la tête nimbée et penchée vers sa droite, les jambes repliées (fig. 587, n° 1 à 8, fig. 588, n° 1 à 3). Il est figuré mort, la tête tombante. Six enseignes possibles, dont un fragment ont été mises au jour. Elles portent l’inscription latine + SIGNVM S[AN]C[T]E 5962 5963 Cette hypothèse a été formulée pour la première fois pat D. Carru et S. Gagnière (1992, p. 77). Carru et Gagnière 1992, p. 92. 1288 3. Approche croisée du mobilier archéologique CRVCIE MAIORE limitée extérieurement par une ligne de grènetis. La légende débute à l’intersection de deux branches de la croix, entre son bras droit et sa tête. La lettre S de CRUCIS est remplacée par la lettre E retournée d’après P. Ferrando5964. La première version du Christ mort est relevée sur une enseigne possédant ses quatre branches (fig. 587, n° 1 et 2). L’absence presque totale de percement des huit œillets placés aux extrémités, démontre d’après P. Ferrando, que l’objet n’a pas été fini et donc vendu. Cependant, de telles observations ne peuvent constituer une preuve comme le montre l’enseigne de Volto Sancto de Lucques découverte à Fox-Amphoux et qui n’a vraisemblablement pas été portée (fig. 595, n° 1). Ces objets pouvaient être conservés précieusement dans un sac ou une bourse. Un fragment assez abîmé formé par la branche du haut et celle de gauche semble issu du moule de cette première version (fig. 588, n° 1 et 2). La seconde version présente le Christ vivant, de face avec la tête légèrement relevée, sur un exemplaire aux trois quarts complet composé de trois branches recollées (fig. 587, n° 3 et 6). La quatrième branche retrouvée, celle de gauche, paraît appartenir cependant à un autre exemplaire de la même croix (fig. 587 n° 7 et 8). Il est de même pour deux petits fragments, l’un présentant la tête, l’autre, le drapé du Christ (fig. 587, n° 4 et 5). Un dernier fragment figure le bras gauche du Christ suivi des lettres TIS de MONTIS MAIORE (fig. 588, n° 3). La légende est ici quelque peu différente de celles des autres enseignes du type 2. Une dernière enseigne assez frustre dans son dessin et son modelé, découverte également au Castelet, appartient au troisième type (fig. 588, n° 4 et 5). De forme quadrangulaire, elle reprend dans un encadrement de grènetis, entre une suite de cinq arcs ou voûtes en partie inférieure et des hachures en partie supérieure, l’iconographie du Christ sur la croix, vêtu d’un perizonium, le haut du corps vu de face, les jambes de biais et repliées. La tête, disproportionnée, est auréolée. Trois petits traits situés au-dessus de la tête pourraient représenter les lettres INRI (Ihesus Nazarenus Rex Iudeorum). Deux personnages debout et auréolés saluent la croix, celui placé à gauche du christ tient un livre. Peut-être peut-on y voir la Vierge et saint Jean ? Les bras de la croix sont surmontés du soleil à main droite du Christ et de la lune à main gauche, symboles païens repris par le christianisme. « Placés à droite et à gauche de l’être suprême, le soleil et la lune en proclamant le caractère divin, affirment sa qualité, céleste, cosmique, son rôle de maître du monde, et en forment l’escorte d’honneur »5965 du moins pour les premiers chrétiens. Pour le second Moyen Âge, les 5964 5965 Ferrando 2001a, p. 8. Cette lettre est incomplète. La lecture du E relève de l’interprétation. Deonna 1946, p. 39 ; Deonna 1947, p. 62. 1289 3. Approche croisée du mobilier archéologique interprétations ont pu évoluer. Ces astres veulent-ils rappeler les ténèbres qui suivirent la mort du Christ sur la croix ? Dans l’Évangile (Mt 27, 45), le jour de la mort du Sauveur, depuis la sixième heure (midi) jusqu’à la neuvième heure (3 heures), toute la terre fut couverte de ténèbres. Symbolisent-ils la douleur de la création ? Eux qui commencent et finissent le jour, imagent-ils, le commencement (de tout) et la fin (du monde), l’Alpha et l’Oméga auquel le Christ s’est assimilé dans la tradition chrétienne, et par incidence, la naissance, point de départ et la mort, point final de l’existence humaine ? Signifient-ils ainsi les deux natures du Christ : humaine et divine, l’Ancienne et la Nouvelle Loi, l’espérance chrétienne, l’Éternité divine ? Ou encore jouent-ils le rôle de génies funèbres, psychopompes, comme ceux du symbolisme gréco-romain5966 ? Les crucifixions accompagnées du soleil et de la lune diminuent considérablement au XVe siècle et deviennent rares après le début du XVIe siècle5967. Cette enseigne a été fabriquée à partir d’un moule tripartite comme l’indique un bourrelet au revers, situé à l’endroit où les valves du moule se rejoignent (fig. 588, n° 5). P. Ferrando avance que la figure du Christ vivant, habillé et droit (fig. 587, n° 3 à 6) est un signe d’ancienneté appartenant généralement à une imagerie du XIIe siècle mais une enseigne de Volto Santo à Lucques figurant un tel Christ est attribuée par D. Bruna au XIVe siècle5968. En outre, la continuité d’utilisation des moules jusqu’à leur usure complète et la copie des modèles anciens semblent assez fréquentes. L’attribution d’une datation – fin du XIIe siècle - début du XIIIe siècle – pour ces enseignes du type 1 n’apparaît donc pas fiable. Les propositions de datation – fin XIIIe - début XIVe siècle – pour les enseignes au christ mort du type 2 et – milieu XIVe siècle – pour celle quadrangulaire et frustre du type 3 ne sont étayées sur aucun argument solide. Cependant, l’aspect stylistique inciterait à privilégier une date d’élaboration de l’empreinte originelle antérieure pour les moules à enseignes du type 1 par rapport à ceux du type 2. Faute de contexte stratigraphique pour les enseignes en matériau blanc du Castelet, il paraît bien difficile de progresser dans la datation de ces objets. En outre, des moules de différents types ont pu être utilisés en même temps. L’abbaye de Montmajour conserva pendant un temps des reliques du saint anachorète et « abbé » Antoine. Ses ossements furent rapportés de Terre Sainte au XIe siècle par un seigneur du Dauphiné et déposés dans l’église de la Motte-Saint-Didier. Une vingtaine de moines de l’abbaye de Montmajour sont appelés pour s’installer dans le prieuré et en 1082, l’abbaye en prend officiellement possession. Assez rapidement, la fondation bénédictine entre 5966 Deonna 1947, p. 61-62. Ibid., p. 62. 5968 Bruna 1996, p. 64. 5967 1290 3. Approche croisée du mobilier archéologique en conflit avec les Hospitaliers qui les expulsent de leur monastère en 1290, emportant sans doute les reliques de saint Antoine avec eux. En 1490, les reliques sont transférées à l’église Saint-Julien à Arles à laquelle est adjoint le vocable de saint Antoine. C’est à cet endroit que la communauté de Brignoles envoie, en 1491, un pèlerinage portant un cierge de 25 livres pour que la ville soit épargnée par la peste. Trois ans plus tard, elle fait envoyer deux pèlerinages, l’un à Notre-Dame de Plumier, l’autre à Saint-Antoine d’Arles, pour arrêter l’épidémie en cours dans la cité5969. En 1517, le cardinal d’Aragon fait étape à Arles pour prier devant les reliques de saint Antoine. Les restes saints déménagent une dernière fois dans la nouvelle église Saint-Julien-Saint-Antoine un an après sa consécration en 16625970. Un bréviaire de 1514 mentionne la date du 11 juin comme la fête de la translation des reliques du Dauphiné jusqu’à Arles5971. Peut-être y a-t-il eu ce jour un rassemblement important de pèlerins mais rien ne prouve que ceci ait existé auparavant. Quoiqu’il en soit, les arlésiens portèrent, jusqu’au XVIIIe siècle, une attention toute particulière aux reliques de saint Antoine, ainsi que l’attestent également l’existence d’une foire de la saint Antoine et celle de processions en son nom deux fois par an5972. En 1494, le voyageur allemand Jérôme Münzer, de passage à Arles note la vénération des reliques de saint Antoine par les pèlerins et les arlésiens5973. Les délibérations municipales conservent la trace du passage de quelques personnalités venues en pèlerinage : deux conseillers du roi en 1498, le grand maître des Hospitaliers de Rhodes en 1504, la reine de France en 1515, le Général de Languedoc et de Provence et sa femme en 1517. En 1551, une procession d’environ 80 personnes vient d’Allauch5974. La fabrication d’enseignes pour le sanctuaire est illustrée dans les archives par la notification d’un contrat passé le 19 février 1490 entre les moines de Montmajour et l’orfèvre Antoine Fet. Ce document stipule que la fabrication et la vente d’images en or et en argent sont dévolues à cet artisan pendant un an moyennant la somme de 12 florins par an5975. Quatorze enseignes de pèlerinage en matériau blanc de saint Antoine abbé sont actuellement reconnues. P. Ferrando, qui en a étudié sept exemplaires, les classent en quatre types. Cinq autres individus publiés postérieurement par L. Berton, J.-M. Lassure et 5969 Biraben 1976, t. 2, p. 70. Baudat 1994, p. 4-5, 10, 16-17 ; Baudat 1999, p. 75. 5971 Baudat 1994, p. 12. 5972 Baudat 1994, p. 423-26, 28 ; Baudat 1999, p. 79, 82, 83. 5973 Stouff 1991, p. 570. 5974 Baudet 1994, p. 27-28 ; Baudat 1999, p. 82-83. 5975 Baudat 1999, p. 19. 5970 1291 3. Approche croisée du mobilier archéologique G. Villeval ont été intégrés5976 à cette classification. P. Ferrando signale également l’existence de deux autres exemplaires, mis au jour à Avignon et appartenant à une collection particulière, qu’il n’a pu étudier5977. La forme des enseignes du premier type évoque la coupe transversale d’une église à trois nefs (fig. 589). Un exemplaire a été découvert sur le site du Castelet par Louis Poumeyrol en 1973 dans une couche contenant de la céramique datée entre le XIVe siècle et les XVIe - XVIIe siècles (fig. 589, n° 1). La nef centrale présente une toiture en bâtière dont le mur pignon est percé à son sommet d’une fenêtre en plein cintre. De petits rectangles imitant des pierres font le tour de l’enseigne, sauf dans la partie basse où se retrouve l’inscription SA[NC]T[I] A[N]TONII. Il est tentant de voir une poutre dans la bande de petits rectangles au-dessous de la fenêtre. Dans l’espace intérieur de l’église, trône saint Antoine, assis de face, tonsuré, imberbe, vêtu d’une dalmatique aux plis lourds passée par-dessus une aube, les mains démesurées. Il bénit de la main droite et tient une crosse tournée vers l’intérieur de la main gauche. De part et d’autre, rejetés dans les collatéraux, deux plus petits personnages de profil, tonsurés, assis sur un tabouret tripode, lèvent leur regard vers lui. La disposition de leurs bras semble traduire une conversation animée ou plutôt un état de ravissement dû à l’écoute de la parole du saint. Sur les quatre probables œillets d’origine, deux sont encore en place. Deux autres enseignes analogues retrouvées à Avignon offrent la même représentation que celle du Castelet mais diffèrent par quelques menus détails dans la figuration et une dimension un peu plus importante (4,5 x 4,4 cm contre 4,4 x 4,3 cm). La première (fig. 589, n° 2) a été découverte dans le centre d’Avignon, la seconde (fig. 589, n° 3), dans des remblais de terrassement du bas Moyen Âge lors de travaux effectués dans la cour nord du musée Calvet. Un individu provenant d’un site inconnu dans les Alpes-de-Haute-Provence (fig. 589, n° 4), ainsi que quatre autres mis au jour dans l’Hérault, à Villeveyrac (fig. 589, n° 5), au lieu-dit Saint-Jean-Sainte-Eulalie au Pouget (fig. 589, n° 7), sur le site de La Condamine à Tressan (fig. 589, n° 8), et dans un niveau de la première moitié du XVe siècle lors d’une opération d’archéologie préventive au Lycée Ozenne à Toulouse (fig. 589, n° 6) se rattachent également par leur champ au type 1 étudié ci-dessus. De légères variantes et quelques différences dans la taille et le modelé les distinguent. Le type 2 comprend trois enseignes trouvées dans des contextes non datés du Castelet (fig. 590, n° 1 et 2), d’Avignon (fig. 590, n° 3) et de l’Ardèche (fig. 590, n° 4). Elles se 5976 5977 Berton 2011, Lassure et Villeval 2002. Ferrando 2001b. 1292 3. Approche croisée du mobilier archéologique différencient des précédentes par la présence d’arcs en plein cintre dont les claveaux sont figurés verticalement sur le premier exemplaire, de biais pour l’arc central sur le second et le troisième. Sur ce dernier objet (fig. 590, n° 4), les arcs des nefs latérales ne sont constitués que de lits horizontaux alors que des colonnes à chapiteaux stylisés reçoivent les retombées des arcs pour le premier. L’artefact du Castelet (fig. 590, n° 1 et 2) présente trois petites fenêtres à arc en plein cintre en haut du mur pignon. Les chevrons imbriqués visibles entre les fenêtres et l’arc de la nef n’ont pas reçu d’explication architectonique. Peut-être est-ce seulement un motif décoratif ? Sur l’enseigne d’Avignon (fig. 590, n° 3), les chevrons et les petites fenêtres sont remplacés par un quadrillage figurant des pierres. Pour le spécimen ardéchois (fig. 590, n° 4), une unique fenêtre est située au-dessus de l’arc central. Au centre de ces enseignes, comme sur celles de type 1, saint Antoine se présente assis de face mais ici dans un large fauteuil aux accoudoirs circulaires. Coiffé d’une mitre ou tête nu pour l’exemplaire ardéchois (fig. 590, n° 4), il est toujours vêtu d’une dalmatique aux lourds plis en V passée par-dessus une aube. La position des mains est toutefois différente : il tient dans sa main gauche un livre et la crosse tournée vers l’intérieur est cette fois dans sa main droite. Dans les bas-côtés deux petits personnages lèvent leur visage vers le saint mais ils ne sont plus assis. Sur les deux premières enseignes, l’individu, dans la nef latérale droite, est agenouillé et porte un chapeau pointu : sur l’une, ses bras retombent le long du corps, sur l’autre, son bras droit est levé. Dans la nef latérale gauche, un autre personnage, debout, vêtu d’une robe lui tombant jusqu’aux genoux, avec une coiffure indéterminée, s’appuie sur un simple bâton de la main droite et tient un long bâton terminé par un tau dans la main gauche. Sur la troisième enseigne (fig. 590, n° 4), le personnage, dans la nef latérale droite, semble être cul-de-jatte. Serait-il possible que cette image soit la conséquence d’une gravure fondée sur la mauvaise lecture d’un moule ou d’une enseigne abîmée, le relief des pieds du tabouret étant particulièrement fin ? Cette hypothèse expliquerait la représentation, de la nef latérale gauche : un indigent ou un malade apparaît apparemment sans pieds, assis par terre, les bras à demi-levés, un bâton derrière lui. Cette figure se serait alors substituée aux précédentes pour faire pendant. Au bas de la première enseigne (fig. 590, n° 1 et 2), la légende se lit S[ANCTI] B[E]ATI ANTIIIII. D’après P. Ferrando, l’artisan qui a réalisé le moule a mal évalué la place nécessaire pour intégrer l’ensemble des lettres, ce qui expliquerait que le texte se termine par cinq barres. Elles symboliseraient les lettres manquantes. Le « E » de BEATI, totalement effacé, est interprété comme la conséquence d’une usure du moule ou de la présence de plomb 1293 3. Approche croisée du mobilier archéologique d’une fonte précédente obstruant l’empreinte5978. La légende du second artefact (fig. 590, n° 3), au graphisme des lettres hétérogène, comporte des N inversés probablement dus à une inattention du graveur d’après P. Ferrando : S[ANCTI] BEATI AИTOИ[II]. Il propose de voir dans ce second exemplaire une copie de l’époque du premier à cause notamment de son graphisme plus frustre. Le troisième spécimen (fig. 590, n° 4) porte la même légende sans le N final. Les manques de matériau, l’inversion des N et la présence de deux œillets non percés tendraient à montrer selon P. Ferrando que cet objet n’a pas été vendu et aurait été produit à Avignon5979. Pour étayer cette hypothèse, des données plus solides seraient nécessaires. Il a déjà été exposé que l’absence de perforation des œillets n’est en aucun cas la caractéristique d’un objet mis au rebut. En outre, il paraît vraisemblable que, dans un tel cas, l’artefact eut été refondu. Enfin, l’inversion des N est fréquente sur les sceaux et enseignes : peut-être est-elle le résultat d’une convention de style, ou d’une erreur dans le moule qui s’est perpétuée dans les gravures ultérieures à cause de l’illettrisme de certains artisans. Pour cette même raison, ce genre de défauts n’a sans doute pas semblé rédhibitoire pour une large part de la population. Au type 3, il ne peut être rattaché qu’une seule enseigne retrouvée en 1989, sur le site de l’ancien garage Régina à Avignon (n° 20), dans un sol de terre battue du milieu du XIVe siècle (fig. 590, n° 6). Cette enseigne en forme d’arc en ogive, figure les trois personnages habituels dans un même espace, au-dessous de l’inscription SIGILLVM BE+ATI ANTONII. Le saint abbé, se présente, cette fois, debout et nimbé, vêtu d’une dalmatique par-dessus une aube, tenant une croix pattée de la main gauche, bénissant de la main droite. Deux personnages agenouillés et implorant l’encadrent. Celui de droite est appuyé sur un tabouret tripode. Les enseignes étudiées ci-dessus sont postérieures à la translation des reliques du saint à l’abbaye de Montmajour en 1290 et, pour celles découvertes au Castelet, antérieures à 1386, date à laquelle le site fut abandonné suite aux destructions de Raymond de Turenne et aux incursions des Grandes Compagnies5980. En outre, certains attributs comme les flammes du feu de saint Antoine, le cochon avec sa clarine et le tau à clochettes, absents des enseignes, ne se fixent selon M. Baudat qu’à partir du XVe siècle5981. Les enseignes du type 1 seraient antérieures à celles du type 2 car elles sont plus grossières, présentent moins de détails et ont une graphie des lettres plus archaïque. M. Baudat propose de dater les spécimens du type 1 de 5978 Ferrando 2001b, p. 34. Ibid., p. 34-35. 5980 Ferrando 2001a, p. 13. 5981 Baudat 1999, p. 39-40. 5979 1294 3. Approche croisée du mobilier archéologique fin XIIIe - début XIVe siècle et les artefacts du type 2 de la première moitié du XIVe siècle5982, suivant sur cette dernière datation D. Carru et S. Gagnière5983. Ces datations sont peut-être un peu restrictives, les modèles d’enseigne pouvant perdurer voire même être employés concurremment. Quant à la médaille marseillaise, les attributs du saint la date au plus tôt du XVe siècle. Il semble opportun, à ce moment de l’étude de remarquer le nombre conséquent d’enseignes retrouvées sur le site du Castelet à Fontvieille, à quelques centaines de mètres de l’abbaye de Montmajour. Une telle concentration d’enseignes de la Sainte-Croix – neuf exemplaires et fragments – et d’enseignes de Saint-Antoine abbé – deux individus – et l’existence attestée d’une vénération particulière attachée au saint et à la Sainte-Croix à l’abbaye de Montmajour, toute proche, laissent supposer la présence d’un atelier de fabrication sur le site du Castelet. L’absence de contextes stratigraphiques est malheureusement préjudiciable et ne permet pas de répondre à certaines questions comme la contemporanéité ou non dans la fabrication de ces objets. Toujours est-il que la localisation des enseignes de l’abbaye de Montmajour atteste une diffusion essentiellement régionale de ces deux cultes, Avignon, un peu plus au nord, servant de point de départ pour de nombreux pèlerins. De multiples lieux de culte et institutions religieuses de la cité vauclusienne sont, en outre, placés sous la protection de saint Antoine5984. Dans la ville d’Arles, le Guide du pèlerin préconise aussi de visiter les reliques de saint Césaire, évêque et martyr de la ville, de l’évêque saint Honorat et du martyr Genès5985. Une enseigne de l’abbaye de Saint-Césaire a été découverte à Londres sur les rives de la Tamise. De forme losangique, elle montre, à l’avers, le saint évêque et l’inscription S[AN]C[TVS] CESARIUS d’après B. Spencer qui n’en fournit pas d’image5986. Plus au sud, le sanctuaire des Saintes-Maries-de-la-Mer aurait été édifié à l’endroit même où seraient inhumées sainte Marie Jacobé, sainte Marie Salomé et Sarah qui, avec Marie-Madeleine et d’autres saints personnages, seraient arrivés sur les côtes de Provence. Les saintes Marie Jacobé et Marie Salomé sont respectivement fêtées le 25 mai et le 22 octobre, mais d’après le témoignage en 1357 d’un carme du couvent de Paris, « aucuns font toutes les deus suers ensemble en may, pour ce qu’il (sic) ont le service, qui est commun aux 5982 Ferrando 2001b, p. 38 ; Baudat 2001, p. 40. Carru et Gagnière 1992, p. 92. 5984 Pansier 1912a, p. 233, Pansier 1929b, p. 12. 5985 Vielliard (Édit.) 1984, p. 35. 5986 Spencer 2010², p. 237. 5983 1295 3. Approche croisée du mobilier archéologique deux ensemble ». Les intempéries de l’automne, la moindre longueur des jours et l’obligation de devoir dormir sous tente faute de suffisamment de logements, sont très certainement la cause de cette préférence5987. L’un des pèlerins les plus célèbres serait l’évêque de Saint-Pol, Pierre de Nantes qui, au milieu du XIVe siècle aurait été guéri de la goutte par l’intercession des saintes5988. En 1448, des fouilles sont commanditées par le roi René afin de retrouver le corps des saintes, avec l’accord du pape Nicolas V. Les squelettes retrouvés près de l’autel sont alors disposés dans des reliquaires5989. À l’abbaye de Silvacane, à La Roque-d’Anthéron, une enseigne des Saintes-Mariesde-la-Mer a été découverte dans un sol du XIVe siècle, antérieure au dernier quart du siècle (fig. 591, n° 1)5990. Cette enseigne en quart de cercle comporte trois œillets percés. La partie inférieure du cadre comporte sept ensembles de demi-cercles superposés. La légende B[EATE] M[ARIE] DE LA MAR, en caractère gothique, se développe dans la partie haute. Sur fond d’une onde marine, la figure centrale représentée est celle d’une femme nimbée drapée avec la tête couronnée, portant de sa main droite un sceptre fleurdelisé et tenant sur son bras gauche un enfant auréolé bénissant. Cette représentation de la Vierge à l’Enfant fait allusion au vocable de l’église Notre-Dame-de-la-Mer. Une enseigne similaire, mais avec huit ensembles de demi-cercles et un personnage féminin non plus couronné mais à la tête voilée, a été retrouvée, rue du Limas à Avignon, hors stratigraphie (fig. 591, n° 2). Elle peut cependant probablement être mise en relation avec l’occupation médiévale du lieu située entre la fin du XIIIe siècle et le milieu du XVe siècle5991. Un fragment d’enseigne très dégradé et incomplet provient de l’impasse de l’Oratoire5992 et un autre objet découvert dans la région de Toulouse a été signalé à D. Bruna5993. Les moules originaux des deux enseignes d’Avignon sont datés du point de vue stylistique de la première moitié du XIVe siècle par D. Carru et S. Gagnière5994. 5987 Faillon 1865, vol. 1, p. 1315. Ibid., p. 1316-1317. 5989 Ibid., p. 1320-1331. 5990 D. Bruna affirme qu'elle était vraisemblablement contenue dans une bourse avec dix-huit florins trouvés dans le sol de la même pièce. C’est une erreur, car si le trésor monétaire et l’enseigne sont bien issus de la même pièce, ils ne sont pas du même contexte stratigraphique comme l’a révélé le dépouillement des archives de la fouille et comme le sous-entend également l’analyse stratigraphique de M. Fixot et J.-P. Pelletier (1990, p. 201 et 207). Se reporter également J.-L. Charlet (1986) pour l’étude des monnaies « cachées sous un mur ». 5991 Carru et Gagnière 1992, p. 69. 5992 Ibid., p. 69. 5993 Bruna 2003, p. 74. 5994 Carru et Gagnière 1992, p. 92. 5988 1296 3. Approche croisée du mobilier archéologique Le plus important centre de pèlerinage de la région est assurément celui de SaintGilles. D’après la Légende dorée de Jacques de Voragine5995, Gilles, athénien de famille noble du VIIe siècle, craignant la renommée après s’être illustré par plusieurs guérisons miraculeuses, décide de s’exiler. Il arrive à Arles où il demeure quelques temps avec l’évêque saint Cézaire (vers 470 - 542), puis trouve refuge dans des étendues désertiques. Après une première expérience en compagnie d’un autre ermite Saint Vérédème (mort en 720), il se retire afin de vivre une existence solitaire dans une grotte de la vallée flavienne où, par faveur divine, une biche vient lui donner, à certaines heures, son lait. Des chasseurs découvrent un jour la retraite de l’ermite en poursuivant l’animal que les chiens, cependant, refusent d’approcher. Le roi, informé de cet évènement, revient avec les chasseurs. L’un d’entre eux, par mégarde, blesse Gilles avec une flèche. Le roi, par repentance, sur les conseils de l’ermite, fait construire un monastère et Gilles sur la prière du souverain en devient l’abbé. Ce sanctuaire est aux XIe et XIIe siècles, un centre religieux majeur dans la chrétienté. Son port, anciennement au débouché du Rhône, permet de se rendre par la mer à Rome. Par sa localisation, la cité de Saint-Gilles est aussi une étape obligée sur les routes qui mènent de Provence, d’Italie ou par la voie du Rhône jusqu’en Galice. La preuve en est établie par la longue notice consacrée à l’église et aux reliques dans le Guide du Pèlerin5996. La renommée du sanctuaire, soutenue par une indulgence accordée par le pape en 1154 à ceux qui le visitent5997, est relayée par des témoignages de contemporains comme le rabbin Benjamin de Tudèle5998, au XIIe siècle. Le Livre des Miracles de saint Gilles rédigé en deux fois durant le XIIe siècle atteste également de la vitalité du sanctuaire gardois à cette époque5999, d’autant plus qu’il apparaît évident qu’il n’y est présenté que les miracles les plus exemplaires. Trop d’épisodes miraculeux nuiraient à la crédibilité selon M. et P.-G. Girault6000. Grâce aux libéralités des pèlerins est entrepris le début de la construction d’une nouvelle église abbatiale dont le premier autel fut consacré en 1096 par Urbain II. Elle ne sera toutefois achevée qu’au début du XIVe siècle6001. Les tarifs de la Leyde et du Péage de Saint-Gilles au XIIe siècle illustrent, par la longueur de leurs enregistrements mais aussi par la nature des produits 5995 Wyzewa (Édit.) 1998, p. 490-492. Vielliard (Édit.)1984, p. 37-47. 5997 Carru et Gagnière 1992, p. 81. 5998 Saint-Jean 1985, p 288-289. 5999 Duhil et al. (Édit.) 2007. 6000 Girault et Girault 2007b, p. 288. 6001 Carru et Gagnière 1992, p. 81. 5996 1297 3. Approche croisée du mobilier archéologique mentionnés, parfois luxueux, l’ampleur de l’activité dans la cité6002. L’attractivité économique de Saint-Gilles avec son port, ses nombreuses tables de changeur6003, son importance militaire, le passage incessant des acteurs de la vie économique et politique et l’influence des établissements bénédictins dont le saint ermite est un de leurs patrons, ont contribué à diffuser le renom du sanctuaire et de son saint. D’après K. Köster, un épisode de la vie du saint ermite pourrait être également un élément déterminant dans le succès du culte qui lui est rendu : un roi le fait venir auprès de lui et lui demande de prier en sa faveur pour la rémission d’un péché inavouable ; Gilles s’exécute lors d’une messe et reçoit de Dieu une feuille sur lequel il est écrit qu’il est accordé le pardon de la faute et que quiconque invoquera le saint ermite obtiendra de même pourvu que le pêcheur promit de ne pas recommencer6004. De nombreuses personnalités sont venues en visite comme le comte Philippe de Flandre en 11706005, où bien encore Saint Louis en 1254 et 1270, qui visite le sanctuaire avant son embarquement pour la croisade6006. Cependant, différents évènements politiques, économiques, religieux et naturels tels que les guerres albigeoises et l’ensablement du port, ont peu à peu réduit l’attractivité de Saint-Gilles6007. Déjà en 1324, le tarif de péage révèle cette décadence6008. La ville reste cependant un centre religieux d’une certaine importance : en attestent la place qu’elle tient dans les pèlerinages pénitentiels de Flandres et Wallonie à la fin du Moyen Âge6009 et l’admission au XIVe siècle de saint Gilles parmi les cinq confesseurs « privilégiés » vénérés surtout en Allemagne6010. De même, les tarifs de péage de Tarascon des XIIIe ou XIVe siècles font mention de romieus espagnols, anglais, allemands et autres venant du nord de Lyon pour visiter Saint-Jacques ou Saint-Gilles et qui doivent payer une taxe pour leur passage6011. Aux XVe et XVIe siècle, le culte de Saint-Gilles décline irrémédiablement6012, même si des pèlerins provençaux continuent de s’y rendre6013. À contre-courant des autres saints, saint Gilles est surtout invoqué pour préserver sa vie ou pour être délivré de la captivité plus que 6002 Bondurand 1901, Bligny-Bondurand 1915. Il y avait 134 tables de changeurs en 1178, ce qui permettait de servir 50 000 pèlerins en trois jours (Köster 1983, p. 92). 6004 Köster 1983, p. 91 ; Wyzewa (Édit.) 1998, p. 492. 6005 Köster 1983, p. 93. 6006 Carru et Gagnière 1992, p. 81. 6007 Girault et Girault 2007a, p. 18-19. 6008 Falgairolle 1898. 6009 Valon 1935, Ganshof 1966. 6010 Girault et Girault 2007a, p. 20. 6011 Se conférer à la figure 1, n° 101, 107, 112, 121. 6012 Koster 1983, p. 97-98 ; Girault et Girault 2007a, p. 20. 6013 Ch. de Ribbe rapporte le cas d’un jeune jurisconsulte d’Avignon et de son épouse qui, en 1548, se rendent dès le lendemain de leur mariage, à Saint-Gilles (1898, p. 177) 6003 1298 3. Approche croisée du mobilier archéologique pour être guéri d’une maladie ou d’une infirmité. L’origine des pèlerins est en outre souvent lointaine même si le choix effectué pour la rédaction du Liber miraculum sancti Egidii fausse la perception : la moitié des récits mettent en scène des allemands. Le sanctuaire de Saint-Gilles est avec ceux de Notre-Dame de Rocamadour et de Saint-Léonard-de-Noblat, l’un des sanctuaires français qui offrent le plus grand nombre d’enseignes de pèlerinage connues. Aux dix exemplaires inventoriés par K. Köster en 19836014, il convient d’ajouter vingt-et-un autres individus signalés ou publiés depuis6015. Trois autres enseignes portant la représentation de saint Gilles ont été fabriquées d’après K. Köster pour d’autres lieux de culte du saint. L’une d’elles semble cependant, à l’aune des données actuelles, pouvoir être attribuée au sanctuaire gardois (fig. 591, n° 4)6016. La totalité du mobilier a été classé en quatre groupes, à l’exception d’une enseigne mise au jour dans une sépulture des XIIIe - XIVe siècles à Saint-Émilion en Gironde et pour laquelle il n’existe ni description ni dessin ou photo. Quatre autres enseignes se trouvaient dans la même inhumation : une enseigne de Notre-Dame-du-Puy, une seconde de Notre-Dame de Vauvert, un saint Michel terrassant le dragon et une enseigne d’un sanctuaire indéterminé6017. Sur cinq enseignes réunies pour constituer le premier groupe, les quatre suivantes appartiennent à un premier sous-type : un exemplaire sans la tête découvert en 1871 dans la Loire à Orléans (fig. 591, n° 4), un autre dans un état similaire retrouvé à Newbury dans le Berkshire dans des boues de rivière en 1979 (non figuré)6018, un troisième, complet, provenant d’un contexte daté entre 1171 et 1250 du site de Vintry house à Londres (fig. 591, n° 3), et le dernier appartenant aux collections de la Walter Art Gallery de Baltimore (non figuré)6019. Sur l’objet de Londres, la représentation de l’ermite prend place dans une plaque rectangulaire terminée en arc de cercle à hauteur de la tête auréolée. L’auréole est constituée d’une bande de petits traits limités par deux bandeaux. Le visage du saint est presque circulaire, les yeux 6014 Köster 1983, p. 99-107. Santiago de Compostela 1989, p. 316-318 ; Beuningen et Koldeweij 1993, p. 161 ; Bruna 2003, p. 75 ; Vallet 2008, p. 240 ; Spencer 2010², p. 237-239. 6016 C. Guarnieri attribue une enseigne trouvée à Argenta, dans la province de Ferarre en Italie, au sanctuaire de Saint-Gilles (1998, p. 268-269). Cette identification est reprise par D. Bruna (2001, p. 75, n° 34), pourtant la figuration est assez éloignée des enseignes de saint Gilles provenant du corpus et la légende qui fait le tour de l’enseigne, même si elle est difficilement compréhensible, ne mentionne pas saint Gilles. 6017 Bruna 2003, p. 75, note 1. 6018 Cet objet est décrit comme identique à celui d’Orléans dans le catalogue Santiago de Compostela (1985). 6019 B. Spencer renvoi à cet objet lorsqu’il donne des comparaisons de l’objet londonien (2010², p. 238). 6015 1299 3. Approche croisée du mobilier archéologique sont grands ouverts, l’arête du nez est vive, une rangée verticale de traits un peu avant le haut du crâne symbolise la tonsure. Le personnage porte une moustache. Le corps prend la forme d’une ogive et aucun bras n’est visible, mais une crosse est perceptible sur le devant du corps. Une main devait la tenir mais cette portion de l’enseigne est un peu abîmée. La robe qui vêt le saint abbé s’arrête un peu avant les chevilles. Une bande de lignes verticales au bas du vêtement semble figurer un vêtement de dessous que le vêtement de dessus, plus court, laisse apparaître. Cette bande est striée de lignes diagonales sur le spécimen d’Orléans (fig. 591, n° 4). De part et d’autres de la moitié inférieure du corps de saint Gilles, la légende SANTUS EGIDIUS s’inscrit sur la pièce d’Orléans (fig. 591, n° 4) et celle de Newbury. La légende de l’exemplaire londonien est totalement incompréhensible (fig. 591, n° 3). On y reconnaît certaines lettres comme des S et des U disposées là où elles devraient être, mais les autres ne correspondent pas. Le graveur du moule a très certainement réalisé son ouvrage d’après une enseigne originale, mais analphabète, il n’a pas compris la signification des lettres qu’il a prises pour des motifs décoratifs. L’absence de reproduction des objets de Newbury et du musée de Baltimore ne permet pas d’aller plus loin dans les comparaisons. Un objet découvert dans des gravats d’effondrement de maisons (fig. 591, n° 5), rue Favart à Avignon, sur un site ayant livré de la céramique du second tiers du XIVe siècle et un trésor monétaire des années 1309 - 1310, appartient au second sous-type du premier groupe. Il peut être rapproché des précédents, mais l’enseigne prend la forme d’un abbé mitré et nimbé. Le nimbe est hachuré. Le saint est vêtu d’une dalmatique aux plis en V par-dessus une chasuble qui lui couvre les pieds. Sa main gauche tient une crosse qui traverse le corps en diagonale ; l’extrémité ajourée de la crosse a disparu, elle devait se situer à gauche de la tête de saint Gilles comme le laisse supposer, sur la tête, l’amorce d’une petite languette, probablement un renfort. Un cartouche, au bas de l'enseigne reçoit une inscription que D. Carru et S. Gagnière proposent de lire S[ANCTVS] [E]GLID[IVS]6020. Le deuxième groupe comprend trois enseignes portant une inscription mais aucun attribut de la vie érémitique de Gilles (fig. 591, n° 6 et 7 ; fig. 592, n° 1). Le saint abbé est figuré debout au milieu d’une plaque rectangulaire avec une excroissance circulaire pour la tête tonsurée auréolée d’une bande à gros grènetis. Les cheveux formant la tonsure sont stylisés par de petits traits verticaux parallèles. Le saint porte une barbiche (fig. 591, n° 7 ; fig. 592, n° 1). Les yeux sont largement ouverts sous des arcades marquées. Il tient de la main gauche une crosse et fait de la main droite le signe de la bénédiction. Un manipule à franges 6020 Carru et Gagnière 1992, p. 79-82. 1300 3. Approche croisée du mobilier archéologique terminé par des pompons pend sur l’avant-bras gauche. Il porte une chasuble aux plis en V sur le devant du corps sur une aube serrée aux poignets et couvrant les chevilles. De part et d’autre des jambes, court la légende S[IGNUM] : BEATI EGIDII A[BBAS] : (fig. 591, n° 6 et 7) ou [SIGNUM] BE[ATI] EGIDII ABBATIS (fig. 592, n° 1). Un petit grènetis sert de cadre à la figuration sur la partie quadrangulaire qui était pourvue de quatre œillets (fig. 591, n° 7). Sur les trois exemplaires répertoriés, le premier, probablement retrouvé dans le lit de l’Escaut, est apparu sur le marché de l’art néerlandais en 1944 (fig. 591, n° 7), le second a été découvert en 1870 dans la Sambre à Namur (fig. 592, n° 1), le troisième fut mis au jour à Londres sur le site de Billingsgate Market lorry Park, hors stratigraphie (fig. 591, n° 6). Cinq enseignes se rapportent au troisième groupe. Ces exemplaires figurent deux attributs de la vie érémitique de saint Gilles et portent une inscription. Le premier spécimen sorti de la Seine appartenait à l’ancienne collection A. Forgeais. Son état, tout en tenant compte des imperfections du dessin de l’érudit (fig. 592, n° 2), s’est aggravé depuis (fig. 592, n° 3). Le second individu, découvert à Orléans, dans la Loire, en 1872 - 1874 a disparu avec la destruction du musée lors de la seconde guerre mondiale (fig. 592, n° 4). Ces 2 objets présentent une courte légende horizontale dans la partie inférieure de l’enseigne : S[IGNUM] [E]GID[II] ou S[IGNUM] E·G[IDII]. De même, il est figuré à la gauche de saint Gilles une biche au corps dressé, les pattes avant appuyées sur le saint, la tête levée, et à sa droite une plante dont les branches ont des extrémités perlées. Il s’agit là d’une évocation de la vie de l’ermite, la biche étant celle qui le nourrit de son lait, la plante évoquant peut-être la végétation humide de la grotte. Sur le spécimen parisien, la tête est représentée sous un arc brisé (fig. 592, n° 2 et 3) et le grènetis de l’auréole se prolonge pour servir de cadre, à moins que ce ne soit le contraire. Le saint, barbu, est encore une fois vêtu d’une dalmatique, ici, décorée d’une croix, superposée à une aube. La flèche ayant blessé saint Gilles est symbolisée par une petite tige sommée de trois points plantée dans le creux du coude de son bras gauche. Il fait le signe de la bénédiction de la main droite et tient la crosse de la main gauche. La tête du personnage de l’enseigne d’Orléans (fig. 592, n° 4) offre une figuration différente car elle ne s’inscrit pas dans une excroissance. L’artefact se démarque aussi par l’absence de cadre perlé. Le dessin réalisé n’est également pas suffisamment précis pour détailler l’habillement du saint. L’enseigne parisienne possède au revers un quadrillage en relief positif qui se rencontre parfois comme sur un spécimen daté du dernier tiers du XIIIe siècle ou du premier 1301 3. Approche croisée du mobilier archéologique quart du XIVe siècle découvert en Italie dans une rue d’Argenta dans la province de Ferrare6021. Deux artefacts anglais se rapprochent par de nombreux points des objets ci-dessus : une enseigne incomplète (fig. 592, n° 5) mise au jour dans l’effondrement de la première moitié du XIIIe siècle d’une maison du site de Brook Street à Winchester dans le Hampshire, un objet fragmentaire (fig. 592, n° 6) récolté dans un contexte non datable de la cité monastique de Whithorn et Saint-Ninian dans le comté de Dumfries and Galloway. Le personnage est encore une fois vêtu de la dalmatique à plis en V sur une aube descendant jusqu’aux chevilles. Il tient une crosse de la main gauche et fait le signe de la bénédiction de la main droite. Sur le spécimen de Winchester (fig. 592, n° 5), une chaîne s’échappe de sa main gauche et un manipule pend à son avant-bras droit. La chaîne rappelle-t-elle le fait que saint Gilles est souvent imploré par les prisonniers ? La biche est ici représentée sur ses quatre pattes mais lève toujours la tête. À hauteur de la main droite et au-dessus d’une plante dont les ramifications ont des extrémités perlées, il se distingue les lettres MIO A – peut-être les restes d’une inscription plus longue – dont la signification reste obscure. L’artefact de Whithorn (fig. 592, n° 6) figure également la biche sur ses quatre pattes, la tête levée ainsi que probablement la plante, mais dans une position inverse. La mauvaise qualité du dessin ne permet pas de voir si le saint tient une chaîne ou un manipule. Une inscription, presque illisible, est reportée sur les côtés : B[E]ATI à gauche et peut-être [EG]IDII à droite. Dans le Calvados, sur le site de Trainecourt à Gentheville, une enseigne de saint Gilles figure le saint debout, nimbé et imberbe, avec à sa gauche la plante et à sa droite la biche au corps strié de rayures horizontales. Au-dessous de ses pieds, il est inscrit S.G.G. Sur un autre exemplaire découvert sur le même site, les attributs sont inversés et il est reporté la légende S[ANC]T[VS] EGID[IVS]. L’absence d’illustration ne permet de connaître le détail de la figuration de ces deux objets. Le quatrième groupe comprend treize enseignes sans inscription affichant les deux signes précédemment mentionnés de la vie érémitique du saint. Elles se répartissent en trois sous-types (fig. 593 et 594). Trois enseignes en provenance d’Eure-et-Loir (fig. 593, n° 3), de Dives-sur-Mer (fig. 593, n° 1) et de Grentheville (fig. 593, n° 2 et un artefact non figuré) dans le Calvados forment le premier. Le second est constitué d’artefacts découverts dans la Saône à Lyon (fig. 594, n° 2 et 3, et un objet non figuré), à Groningue (fig. 594, n° 9), à Dordrecht (fig. 594, n° 7) et dans l’Escaut aux Pays-Bas (fig. 594, n° 4 et 5, une enseigne 6021 Guarnieri 1998, fig. 5.7. 1302 3. Approche croisée du mobilier archéologique non figurée), d’objet londoniens (fig. 593, n° 4 ; fig. 594, n° 1 et 8) ou de Schleswig en Allemagne (fig. 593, n° 5). Un exemplaire retrouvé dans une sépulture des XIIIe - XIVe siècles du prieuré Saint-Jean de Jérusalem à Toulouse en Haute-Garonne (fig. 594, n° 6) appartient au premier ou au deuxième groupe mais la qualité de la reproduction photographique ne permet de le classer plus précisément. Un spécimen isolé du site de Bull Warf à Londres (fig. 593, n° 6) constitue le troisième sous-type. Pour les deux premiers sous-types, le corps est inscrit dans une plaque quadrangulaire à l’exception de la tête tonsurée qui, lorsqu’elle est conservée est positionnée dans une excroissance circulaire. La tête est auréolée d’un gros grènetis. Le visage est toujours barbu, les yeux sont grands ouverts. Saint Gilles est vêtu par-dessus son aube tombant jusqu’aux chevilles d’une dalmatique aux plis en V (fig. 593, n° 1, 2 et 6 ; fig. 594, n° 4, 5, 8 et 9), à motifs circulaires sur le devant et au col (fig. 593, n° 3, 4, 5 ; fig. 594, n° 3 et 7) ou bien à motif de quadrillage (fig. 594, n° 1 et 2). Il porte un manipule sur l’avant bras gauche (fig. 593, n° 2 à 6 ; fig. 594). Une flèche peut lui transpercer le coude gauche (fig. 593, n° 1) ou le coude droit (fig. 594, n° 1 à 3)6022. Il tient de la main gauche une crosse et fait le signe de la bénédiction de la main droite. Pour les spécimens du premier sous-groupe, la biche est à la gauche de l’ermite et lève la tête, la plante aux branches boutonnées à ses extrémités est située à sa droite (fig. 593, n° 1 à 3, 9). Il en est de même pour un artefact constituant le troisième sous-type, mais dont la figuration est très stylisée (fig. 593, n° 6). Cet objet se démarque également d’une part, par la présence d’un nimbe à grènetis et triangles, d’autre part, par le fait que la crosse et le manipule soient tenus dans la main droite du saint. Dans le deuxième sous-groupe, la biche est située à la droite de saint Gilles, debout sur ses pattes arrières (fig. 594, n° 1 à 5, 7 à 9) ou sur ses quatre pattes et accompagnée d’une plante dont les branches ont des extrémités perlées (fig. 593, n° 4 et 5). Toutes les enseignes à l’effigie de Saint-Gilles sont en matériau blanc. À chacune des vingt-cinq enseignes connues par une photo ou un dessin correspond un moule ou une matrice puisqu’il n’a pas pu être répertorié deux objets identiques. Elles sont d’une manière générale de dimensions semblables et leur iconographie montre de nombreuses similitudes qui établissent leur appartenance à un même sanctuaire, très probablement celui de Saint-Gilles. En se fondant sur les datations stylistiques de K. Köster, les enseignes du groupe 2 seraient du 6022 La qualité des figures en rend la perception difficile voire impossible : voir les n° 4 à 6 de la figure 21. 1303 3. Approche croisée du mobilier archéologique XIIIe siècle et celles des groupes 3 et 4 des XIIIe et XIVe siècles, les exemplaires n° 4 et 5 de la figure 593 étant à situer plus précisément dans le XIVe siècle6023. Les enseignes de pèlerinage mises au jour en Provence et ne concernant pas les sanctuaires provençaux sont beaucoup moins usuelles. Seuls cinq exemplaires ont été identifiés mais trois d’entre eux viennent de lieux de culte assez proches comme par exemple le sanctuaire marial de Vauvert dans le Gard, un peu plus à l’ouest que Saint-Gilles, qui acquiert sa renommée dès la fin du XIIe siècle6024. Sa notoriété s’étend sur un large horizon géographique comme l’indiquent des découvertes d’enseignes à Saint-Emilion6025, à Paris6026 et aux Pays-Bas6027. Jacques Ier d’Anjou en 1269, saint Louis en 1280 avant d’embarquer pour Tunis, Clément V en 1305, François Ier en 1538, Charles IX en 1564 sont quelques-unes des personnalités à s’y être arrêtées6028. L’église fut ruinée lors de guerres de religion mais reconstruite en 1682. Une enseigne en forme de navette avec originellement quatre œillets (fig. 595, n° 2) a été mise au jour à Avignon, Rue Guillaume Puy, dans un remblai superficiel remanié où abondait les céramiques du XIVe siècle. Une inscription en caractère gothique court en bordure : + S[IGILLUM ou IGNUM] BEATE MARIE DE VALLE VIRIDI. Au centre de la navette, la Vierge couronnée, assise sur un trône hachuré, tient un sceptre fleurdelisé dans sa main droite et porte l’Enfant auréolé sur son bras gauche. Le moule original est daté stylistiquement du XIVe siècle par D. Carru et S. Gagnière6029. Des contextes provençaux ont livré deux enseignes issues du même moule, en provenance de Saint-Pierre de Lézan dans le Gard, lieu de pèlerinage qui n’a laissé que peu de traces historiques6030. Le premier objet a été découvert en 1909 dans le Rhône à Arles (fig. 595, n° 4), le second dans des niveaux remaniés riches en céramique du XIVe siècle rue Guillaume Puy à Avignon (fig. 595, n° 3). Tous deux sont rectangulaires au sommet légèrement arrondi et comportaient quatre œillets. À l’intérieur d’un encadrement contenant la légende S[IGNUM] BEATI PETRI DE LESANO6031, saint Pierre, nimbé, les cheveux rendus par un grènetis, portant une robe à plis verticaux, est figuré debout et de face, tenant dans la 6023 Köster 1983, p. 99-106, 108-113. Bruna 2003, p. 76. 6025 Ibid. p. 76. 6026 Forgeais 1863, p. 4-6 ; l’enseigne y est attribuée à tort à Notre-Dame de Vauvert de Paris. 6027 Van Beuningen et Koldeweij 1993, p. 228. 6028 Carru et Gagnière 1992, p. 75. 6029 Ibid., p. 92. 6030 Ibid., p. 79. 6031 L’objet étudié par F. Benoit était en mauvais état ce qui l’a conduit à une mauvaise lecture – SANO au lieu de LESANO – et à une erreur d’attribution (Benoit 1927, p. 111-113). 6024 1304 3. Approche croisée du mobilier archéologique main gauche deux clefs et bénissant de la main droite un personnage agenouillé, de profil, portant une coiffe et les mains jointes en prière. En se fondant sur des critères stylistiques, D. Carru et S. Gagnière datent le moule original de la fin du XIIIe siècle6032. D’Italie provient une enseigne cruciforme à bordure de grènetis avec initialement huit œillets. Retrouvée en prospection sur le site de Ploungue à Fox-Amphoux (fig. 595, n° 1), elle représente le Christ vêtu d’une longue tunique plissée couvrant ses bras jusqu’aux poignets et descendant jusqu’aux chevilles. Un point rond symbolisant la tête d’un clou se perçoit au centre des deux mains. L’inscription LTI s’inscrit dans un cadre de grènetis, au-dessus de la tête du Sauveur. Elle rappelle une inscription visible sur certaines enseignes en provenance du sanctuaire de Volto Santo de Lucques découvertes à Londres : S[IGNUM SANCTI] VVLTI6033 LVCENSIS. Le Christ y est également vêtu d’un vêtement long plissé6034. L’enseigne varoise présente une légère dépression cruciforme au revers qui permettait sans doute d’économiser un peu de métal. Déjà évoqué précédemment, le livre d’heures d’Antoine Bourdin, exécuté entre 1485 et 1490, a conservé la trace de cinq enseignes en tôle et de deux véroniques peintes sur le dernier feuillet (fig. 585). Outre la plaquette de Saint-Maximin, il a donc été disposé une enseigne inconnue de 3,5 cm de diamètre qui était maintenue par huit points de couture, et deux enseignes quadrangulaires différentes appartenant au pèlerinage de Notre-Dame-duPuy, l’une de 3,6 cm de côté, l’autre de 7,3 par 4,9 cm, une dernière enseigne presque carrée de 2,6 par 2,5 cm contenant une scène désormais illisible qui était fixée par huit points. La première des deux enseignes de la Vierge noire du Puy est occupée par la figure de Marie avec l’Enfant sous un dais caractéristique, encadrée dans les écoinçons supérieurs de deux bustes d’anges, et en bas de deux anges agenouillés tenant un cierge. La seconde enseigne montre la Vierge à l’Enfant dans la partie supérieure, encadrée d’une légende indéchiffrable. Le registre médian pourrait représenter le Christ entouré de personnages sous arcades figurant les apôtres. Un chef reliquaire entourée d’anges semble apparaître dans le registre inférieur. Ces deux enseignes ainsi que celle à l’image de Marie-Madeleine partageaient quelques-uns des dix-huit points de couture relevés dans cette zone. La seule des deux véroniques conservées, de 2,9 x 2,8 cm, perforée de huit trous, figure la Sainte Face, avec de sombres carnations, nimbée de rouge6035. 6032 Carru et Gagnière 1992, p. 92. À transformer en Volto. 6034 Spencer 2010², p. 254-255, n° 254f à h. 6035 Bruna 1998, p. 143. La totalité de la lecture de ce document est l’œuvre de D. Bruna. 6033 1305 3. Approche croisée du mobilier archéologique Une autre enseigne de Notre-Dame du Puy (fig. 595, n° 5), ajourée et en forme de rectangle avec le tiers supérieur arrondi, a été découverte à bord de l’épave Lardier datée du XVIIe siècle par la céramique, peut-être même de la seconde moitié6036. La légende inscrite en bordure des deux tiers supérieurs permet son authentification : N[OST]RE D[A]ME DV PVY6037. De petites fleurs séparent les mots. Au centre la Vierge couronnée est figurée assise sur un trône sous un baldaquin gothique, l’Enfant Jésus également couronné, devant elle. Le trône, très travaillé est flanqué de deux anges porteurs de flambeaux. D’après l’abbé G. Massebeuf, cet objet est à rapprocher d’une gravure figurant la statue de la Vierge du Puy telle qu’elle fut modifiée à la suite d’un don de Louis XI en 14766038 : deux anges tenant des bougies flanquent la Vierge à l’Enfant sous un dais. L’auteur date l’enseigne de 1502 et le naufrage du bateau sur lequel voyageait le pèlerin la portant, du mois d’avril de la même année... Ses arguments sont l’écoulement nécessaire des stocks d’enseignes des modèles antérieurs à 1476, la tenue de jubilés en 1502 et 1513, une datation de 1513 attribuée d’autorité à la gravure dont l’inscription est droite et non pas courbe comme sur l’enseigne, des difficultés climatiques lors du jubilé de 1513, des flottes de guerre participant à la conquête du royaume de Naples de 1501 à 1503. Cette suite d’arguments sans valeur n’a plus aucun sens quand on sait que le mobilier de l’épave est probablement daté de la seconde moitié du XVIIe siècle. Cousue sur le chapeau (fig. 577 à 579), la besace ou le manteau, les coquilles SaintJacques, enseignes du sanctuaire de Galice, sont de l’espèce Pecten maximus qui vit dans l’Atlantique, de la Mer du Nord à Gibraltar, mais aussi aux Açores et aux Canaries. La coquille est avec le bourdon ou bâton de marche, l’un des attributs traditionnels des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle. La Pecten Jacobeus, se rencontre en Méditerranée jusqu’au sud du Portugal et au Nord du Maroc6039. Par erreur, E. Linné a attribué cette dénomination à ce coquillage, ce qui engendre une confusion dans les esprits. Les deux espèces se distinguent principalement par le profil des côtes, arrondies pour la première, plus anguleuses et à la partie supérieure aplatie pour la seconde (fig. 596). De loin la plus fréquente en contexte archéologique, notamment dans les inhumations, la vente de la Pecten maximus a suscité bien des convoitises par l’aspect fructueux de son commerce. L’archevêque de Compostelle reçoit en conséquence des papes Alexandre III, dans le troisième quart du XIIe siècle, et Grégoire 6036 Pollino et Viallant 1987, p. 98. La forme du M est assez particulière. 6038 Massebeuf 1987. 6039 Gruet et Bonnissent 2002, p. 115 ; Vallet 2008, p. 242-244. 6037 1306 3. Approche croisée du mobilier archéologique IX, dans le second quart du XIIIe siècle, le pouvoir d’excommunier ceux qui vendraient de tels insignes hors de la ville6040, sans grand succès certainement. L’espèce méditerranéenne Pecten jacobeus, fréquente dans le sud-est de la France, a pu être distribuée par un sanctuaire provençal, être utilisée comme simulacre, ou vendue comme une enseigne du pèlerinage espagnol par des marchands indélicats. D’autres coquillages (fig. 599 et 600) comme l’Acanthocardia tuberculata ou le Rudicardium tuberculatum ont aussi pu avoir ce rôle. Fautil mettre en cause la bonne foi de l’acheteur ? L’achat d’une coquille – de type Pecten ? – non perforée par le roi René en 14766041 – un homme de Valence la perce dans un second temps – semble indiquer qu’il ne faut pas uniquement voir dans le port de coquilles Saint-Jacques, quelle que soit l’espèce, une enseigne attestant d’un pèlerinage, mais également un objet protecteur, un témoin de la vivacité de la foi. La célébrité du sanctuaire de Galice et de son enseigne a assurément pu inciter certains à se faire accompagner d’une coquille. Qu’importe alors qu’ils aient cru ou non que sa provenance fût de Compostelle ! L’objet ne serait plus simplement acquis pour accréditer un pèlerinage et son rôle serait plus celui d’un talisman propre à éloigner les menaces, une sorte de passeport pour l’au-delà (fig. 598). En effet, une personne peut-elle espérer tromper sa famille, ses voisins, ses relations de travail, en arborant l’enseigne d’un pèlerinage non effectué6042 ? En outre, un défunt peut-il espérer tromper Dieu ? Il n’est pas certain que les coquilles figurées ici ou là sur des maisons, des églises, des croix de chemins ou sur des dalles funéraires garantissent toujours l’existence d’une voie usuellement fréquentée par les pèlerins de Saint-Jacques, ou témoignent de la réalisation du pèlerinage. D’après K. Köster, assez rapidement la coquille ne caractérise « plus seulement l’apôtre Jacques ni le seul pèlerin de Saint-Jacques, mais bien tous les saints pèlerins et, de manière générale, tous les pèlerins » (fig. 577 à 579, 581)6043. Dans certains cas, il est probable que la fonction protectrice évoquée soit l’explication plausible de telles figurations : protection des voyageurs dans leur parcours terrestre et vers l’au-delà. La plupart du temps, comme pour l’ensemble des coquilles du corpus, il est retrouvé des valves droites, convexes. Les valves gauches, plates, sont moins appréciées et absentes du corpus. L’absence de traces d’animaux marins sur les coquilles indique qu’elles étaient 6040 Cohen 1976, p. 197. Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 88. 6042 Bien évidemment, il est toujours possible qu’une personne entame le voyage, s’arrête en cours de route, achète une coquille Saint-Jacques puis rebrousse chemin en ne revenant pas trop vite pour éviter les soupçons. 6043 Köster 1985, p ; 86. 6041 1307 3. Approche croisée du mobilier archéologique presque toujours péchées, celles récupérées sur le rivage sont donc rares6044. Les perforations sont usuellement au nombre de deux et disposées sur l’umbo, plus solide que les oreilles (fig. 597). Dans le corpus, le lot le plus important de coquilles Saint-Jacques vient des fouilles réalisées dans la cathédrale Notre-Dame-du-Bourg à Digne. Ces coquilles ont presque toutes été taillées par percussion à l’endroit du bord ventral et des oreilles comme le montre certaines traces mais également les prises de mesure. Elles possèdent deux perforations circulaires, disposées symétriquement sur l’umbo de part et d’autre de l’axe dorso-ventral, réalisées depuis l’intérieur de la coquille grâce à un poinçon circulaire. D’après une méthode de calcul biométrique proposée par Y. Gruet et D. Bonnissent, la longueur des objets dignois atteint après taille entre 50 et 85 % de la longueur originelle sans qu’il puisse être mis en évidence une évolution chronologique ou une différence entre les espèces6045. L’objectif était d’enlever les parties les plus fines de la coquille pour que l’objet soit plus solide. Ces caractéristiques ont pu être observées sur quelques coquilles d’autres sites provençaux. Sur les dix-huit exemplaires de coquille Saint-Jacques de Digne, toutes sont de l’espèce Pecten Jacobeus (fig. 601 et 602)6046. Quatorze spécimens proviennent de sépultures individuelles ou de caveaux des XIIe - XIIIe siècles, XIVe - XVIe siècles ou des XVIIe - XVIIIe siècles. La localisation sur le squelette n’est connue que dans un cas : un spécimen sous le bassin (n° 339). Deux coquillages d’une autre espèce proviennent également de sépultures respectivement de la fin du Moyen Âge et de l’Époque moderne : une valve de Rudicardium tuberculatum (n° 492) – retaillée ? – avec une seule perforation sur l’umbo retrouvée « sous le corps » d’un défunt (fig. 599), et une patelle avec un trou en bordure (n° 57) récupérée à hauteur du genou gauche d’un squelette d’homme adulte âgé de plus de 50 ans (fig. 600). Dans le jardin à l’est de l’ancien presbytère de Saint-Maximin, une sépulture d’adulte des XIIIe - XIVe siècles conservait trois coquilles Saint-Jacques (n° 1 à 3) disposées sur le devant du corps, à hauteur des épaules et en haut du torse. Elles étaient peut-être cousues au vêtement, simplement posées sur le corps ou portées en collier. Les objets n’ont pu être retrouvés et la photographie du rapport de fouille (fig. 598) ne permet pas une identification 6044 Vallet 2008, p. 245. Gruet et Bonissent 2002. 6046 Une seule coquille (n° 919), sans aucune perforation et non retaillée, de type Flexopecten Glaber (www.marinespecies.org/aphia.php?p=taxdetails&id=236720), a été mise au jour dans une tombe datée par C14 avec un intervalle de deux sigmas entre 592 et 759. Une coquille de cette espèce provient d’un remblai daté de la deuxième moitié du XIIe siècle ou du début du XIIIe siècle dan l’église SaintLaurent de Grenoble (Colardelle 1999, p. 362 ; Colardelle 2008, p. 298). 6045 1308 3. Approche croisée du mobilier archéologique de l’espèce. L’une d’elle au moins comportait deux perforations sur l’umbo. Sur la même commune, à Cadrix, dans une couche de destruction du XVIe siècle, une coquille de type Pecten Jacobeus a été répertoriée. Non loin de là, à Hyères, une tombe de l’église Saint-Pierre de l’Almanarre, datée entre le XIIe et le XIVe siècle, a livré deux coquilles (n° 1 et 2) dont l’espèce n’est pas déterminée. À la Gayole, sur la commune de La Celle, toujours dans le Var, une coquille de type Pecten percée de deux trous (n° 6) a été découverte dans des terres remaniées datées entre le début du XIIe siècle et la seconde moitié du XIIIe siècle. Des coquilles Saint-Jacques ont aussi été mises au jour dans le Vaucluse. Un exemplaire (n° 1), identifié grâce à l’intervention du naturaliste H. Nicolas, comme de type Pecten Jacobeus, provient d’une sépulture en coffrage, présente sur le plateau de Cancabeau à Châteauneuf-de-Gadagne dans le Vaucluse, contenant trois corps et un petit récipient en verre. Elle datait d’après le mobilier et le type de sépulture retrouvés des XIIe - XIIIe siècles. Un deuxième spécimen retaillé avec deux perforations sur l’umbo fut inventorié place de la Principale à Avignon. Il comportait deux perforations, probablement sur l’umbo. Un autre exemplaire (n° 1), découvert dans l’église Notre-Dame-la-Principale à Avignon, de datation non renseignée, est de l’espèce Pecten Jacobeus. Trois autres coquilles avignonnaises de la même espèce proviennent pour l’une d’un contexte inconnu du site de Régina (n° 1) (fig. 597), pour la deuxième d’un contexte de la seconde moitié du XIVe siècle de l’Impasse de l’Oratoire (n° 69), pour la dernière hors stratigraphie du site de la rue Banasterie (n° 639). La première, entière, mais qui n’a pu être observée, présente une perforation sur chaque oreille, la seconde, fragmentaire, affiche des traces de taille et ne comprend qu’une unique perforation sur l’umbo, la troisième est retaillée et possède deux perforations sur l’umbo. Un ultime spécimen du corpus (n° 2010-74) a été découvert dans le cloître de SaintGilles, sous le coude droit d’un homme adulte inhumé dans un coffre en bois entre la seconde moitié du XIIIe siècle et le milieu du XVIIe siècle. À l’image du corpus, les coquilles Saint-Jacques sont le plus souvent découvertes à un, parfois deux exemplaires dans les sépultures d’Europe occidentale6047. S. Vallet enregistre 6047 K. Köster (1983 et 1989) puis D. Bruna (1991) ont établis des cartes de répartition des coquilles Saint-Jacques. Elles sont bien évidemment actuellement largement incomplètes. L’établissement d’une telle cartographie ne peut permettre de mettre en évidence les routes du pèlerinage, mais seulement donner une idée de l’étendue de la renommée du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. L’échelle géographique et temporelle à couvrir est si importante qu’une telle démarche ne peut être l’œuvre d’une seule personne, mais le résultat conjugué du travail de chercheurs de régions et de pays variés pour combler les vides liés à la méconnaissance de la bibliographie régionale. Par exemple, dans les cartes publiées par les auteurs susmentionnés, l’Espagne, à l’exception d’une bande nord apparaît désespérément vide, ce qui est plus que surprenant. L’Italie s’affiche également vierge de 1309 3. Approche croisée du mobilier archéologique 129 inhumations avec une seule coquille pour l’Aquitaine, le Languedoc-Roussillon et le Midi-Pyrénées, vingt avec deux coquilles, treize avec trois, quatre, cinq, six ou onze coquilles6048. Elle ne rencontre qu’un seul spécimen de Pecten Jacobeus, il est répertorié sur le site de Saint-Côme-et-Damien à Montpellier6049. Dans le corpus, la majeure partie des coquilles sont découvertes isolées. À Digne, un caveau et un ossuaire en comptabilisaient chacun deux, mais la présence avérée de plusieurs individus dans ces deux espaces ne permet pas d’affirmer qu’elles appartenaient au même défunt. Une unique sépulture, datée entre la fin du XIIe siècle et le début du XIIIe siècle, contenait trois exemplaires (n° 489 A et B), une autre, antérieure à 1335, en avait trois (n° 338 A à C). D’après D. Bruna, les coquilles sont en plus grand nombre dans les sépultures dès la fin du XIVe siècle6050, pour K. Köster, c’est à partir de la fin du XVIe siècle que leur quantité s’accroît tout comme leur taille6051. D. Bruna ne perçoit pas d’emplacement caractéristique d’une époque pour les coquilles sur les squelettes, même si du XIe au XIIIe siècle, elles sont, dans la plupart des cas, situées à hauteur du bassin, mais cette disposition perdure ultérieurement. Au contraire, il relève que dans l’iconographie des XIIe et XIIIe siècles l’enseigne figure toujours sur la besace. Au XIVe siècle, la panetière est encore le support majoritaire mais un ou deux spécimens peuvent être placés sur une autre partie du costume. Dans la seconde moitié du XIVe siècle, le chapeau à large bord fait son apparition et devient, dès lors, le plus souvent, porteur d’insignes. Le manteau reste peu orné. À la fin du XVIe siècle, le mantelet, un large col qui s’attache audessus de la pèlerine se révèle un emplacement privilégié6052. Les sculptures et peintures figurant des saints pèlerins et des pèlerins les représentent toujours avec un bâton de marche en bois, le bourdon qui, à l’occasion, permet de se défendre. Celui-ci peut être travaillé de fort belle manière, mais en contexte archéologique, il n’en est retrouvé que l’extrémité ferrée lorsqu’il en comportait une. Le bourdon ou bâton de marche est avec la coquille un objet caractéristique du pèlerin de Saint-Jacques et qui participe à l’identification d’un personnage en tant que tel6053. Il existe des reproductions de bourdons à toute attestation. Il y a quelques années, cependant, est paru sous la direction de F. Bulgarelli et al. l’ouvrage Archeologia dei pellegrinaggi in Liguria (2001) qui présente plusieurs dizaines de spécimens de Pecten Jacobeus et de Pecten Maximus provenant de contextes datés entre le XIIIe siècle et le XVIe siècle. 6048 Vallet 2008, fig. 2. 6049 Ibid., p. 242. 6050 Bruna 1991, p. 184. 6051 Köster 1989, p. 88. 6052 Bruna 1991, p. 184-186 ; Bruna 2003, p. 108. 6053 Se reporter à Jacomet 1990. 1310 3. Approche croisée du mobilier archéologique échelle réduite, en os, qui se portaient sur le manteau ou sur le chapeau isolément (fig. 578) ou beaucoup plus couramment croisées par paires (fig. 581), posées de part et d’autre d’une coquille Saint-Jacques, ou partiellement recouverte par celle-ci. Ces insignes semblent donc devoir être spécifiques du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle puisqu’ils apparaissent toujours accompagnés de coquilles ou dans le cadre d’un costume où se retrouvent des coquilles. Les deux bourdonnets du corpus (fig. 603, n° 1 et 2), de section circulaire, ont été identifiés par M.-A. Chazottes6054. Ils ont été fabriqués par tournage. L’un d’eux (fig. 603, n° 2), fragmentaire, montre sur ses deux excroissances, dans le même alignement, un aplatissement lié à un défaut de fabrication. Les deux objets présentent des lignes incisées sur des excroissances annulaires, biconiques ou cylindriques à projection conique. Le n° 1062 (fig. 603, n° 1) provient d’un contexte remanié à l’époque contemporaine dans le jardin ouest du Petit Palais à Avignon. Le n° 57 (fig. 603, n° 2) a été découvert hors stratigraphie sur le site de l’Impasse de l’Oratoire dans la même ville. Ces objets apparaissent relativement tardivement que ce soit dans l’iconographie – à partir du XVe siècle – ou en contexte archéologique – à partir du XVIe siècle actuellement6055 –, il n’est donc pas particulièrement étonnant de constater leur absence des catalogues des collections muséales médiévales telles que celles du South Wilthshire museum, du London Museum et du Musée de Cluny6056. Leur fabrication s’est faite à grande échelle durant l’Époque moderne : un document de 1604 fait ainsi allusion à la confection à Saint-Jacques en Galice de 7000 pièces en os tourné6057. Ces objets ne sont pas toujours correctement interprétés dans la documentation archéologique et il ne serait donc pas étonnant qu’un certain nombre d’exemplaires aient échappé de ce fait à la publication. En Alsace, par exemple, trois individus fragmentaires dont deux datés du XVIe siècle et de la fin du XVIe siècle ont été mis au jour à Ramstein et à Ortenbourg en Alsace, et interprétés comme des éléments de rouet6058. D’autres spécimens isolés sont connus pour une inhumation du XIVe - XVIe siècle sur le site des Carmes à Nîmes6059, pour une sépulture datée entre le XVe et le XVIIe siècle à Saint-Pierre-des-Cuisine à Toulouse6060, dans un comblement de fosse avec des ossements humains fouillé lors d’une opération archéologique aux Jardins 6054 Doctorante Aix Marseille Université, CNRS, LA3M (UMR 7298). Rodet-Bélarbi 2013, p. 49. 6056 Spencer 1990, Spencer 2010², Spencer 2012, Bruna 1996. 6057 Köster 1989, p. 87. 6058 Motteau (dir.) 1991, n° 239 à 241. 6059 Rodet-Bélarbi 2013, p. 48. 6060 Vallet 2008, fig. 2. 6055 1311 3. Approche croisée du mobilier archéologique du Carrousel à Paris6061, avec une médaille de Saint-Jacques de Compostelle dans une sépulture du XVIIe siècle ou du XVIIIe siècle dans l’église Saint-Sernin de Brive en Corrèze6062. Six bourdonnets ont été relevés dans une inhumation du XVIIe siècle sur le site Raynaldy-Jacobins à Rodez en Aveyron ; ils étaient disposés avec des coquilles SaintJacques, à hauteur des épaules et du cou du squelette6063. Un autre artefact est issu d’un niveau d’Époque moderne du parking Esquirol à Toulouse6064. Trois derniers exemplaires, sans contexte stratigraphique connu, proviennent de Nieuwlande dans la province de Drenthe6065 ou d’un cimetière fouillé anciennement autour de l’église Saint-Gervais de Maastricht aux Pays-Bas6066. Tous ces objets, lorsqu’ils sont complets, possèdent une excroissance entaillée de gorges à leur extrémité supérieure et deux autres renflements rainurés encadrés de disques le long de la tige. Leur extrémité inférieure est parfois pourvue d’un petit ressaut qui rappelle certainement la ferrure métallique des bâtons. La datation de ces objets, sur la foi des sources iconographiques, est à situer entre le XVe et le XVIIIe siècle, voire le début du XIXe siècle d’après I. Rodet-Bélarbi6067. Les données archéologiques n’en attestent pour le moment que pour les XVIe et XVIIe siècles. Les pièces qui vont être étudiées maintenant sont des enseignes ou des souvenirs religieux dont le sanctuaire d’origine est indéterminé. C’est le cas de deux objets en matériau blanc représentant un avant-bras. Ils font probablement référence à un bras reliquaire. Le premier (fig. 604, n° 1), découvert au castrum Saint-Jean dans un niveau daté vers 1370/1375 - vers 1415/1420, est orné de trois bandes de grènetis et de petites fleurs à quatre pétales. Une dernière bande de grènetis à l’endroit des premières phalanges pourrait symboliser des bagues à chaton. Des excroissances, de part et d’autres du bras marquent probablement la position de deux œillets de fixation disparus. Le second exemplaire (fig. 604, n° 2), provenant d’un niveau du début du XVIe siècle du Château des Baux-de-Provence, est habillé d’une large manche plissée, décorée par une bande de grènetis côté coude. L’auriculaire et l’annulaire sont repliés pour former le signe de la bénédiction. Des œillets de fixation sont situés aux extrémités des manches, côté poignet. Les deux artefacts ont une partie du revers concave 6061 Van Ossel et al. 1991, t. 3, p. 356. Lintz 1988, p. 68, photo 16. 6063 Rodet-Bélarbi 2013, p. 48. 6064 Rodet-Bélarbi 2013, p. 48. 6065 Beuningen et Koldeweij 1993, p. 167. 6066 Dikjman et Ervynck 1998, p. 47. 6067 Rodet-Bélarbi 2013, p. 48. 6062 1312 3. Approche croisée du mobilier archéologique pour économiser du métal. Une enseigne similaire au spécimen des Baux-de-Provence a été découverte aux Pays-Bas et est datée stylistiquement de la seconde moitié du XIVe siècle6068. La figuration d’un saint personnage masculin n’a pu être rattachée à un sanctuaire. L’enseigne (fig. 604, n° 3), abîmée, représente le buste d’un homme barbu, la tête nimbée. Il tient un livre de la main gauche. Le lieu de découverte de cet objet – le Castelet à Fontvieille ? – est incertain. Un trou dans la partie supérieure a servi à la fixation. P. Ferrando propose d’y voir une enseigne de l’abbaye de Montmajour à l’effigie de saint Antoine6069. Peut-être est-ce une enseigne de Saint-Gilles ? Un fragment de personnage (fig. 604, n° 4) a été découvert hors stratigraphie, 65 place de Cabassole, à Cavaillon (n° 21). La tête et les bras manquent, le corps est drapé dans un long vêtement aux plis lourds. Sur le devant, un pan retombe et découvre un vêtement de dessous couvert de hachures en relief positif, au col en V, ceinturé sous la poitrine. La disposition de la ceinture est typique de la mode féminine et se rencontre couramment au XVe siècle. Une enseigne emboutie (fig. 604, n° 5), vraisemblablement en tôle d’argent, fut découverte lors d’un curage de la Sorgue à Avignon en 1851, près de l’église des Cordeliers. La Vierge pose en majesté, couronnée, avec l’Enfant sur son bras gauche ; tous deux sont nimbés et entourés de flammes radiantes limitées par un cercle. Le cadre est formé de grènetis et de bandes circulaires encadrant une légende en lettres gothiques anguleuses et serrées que D. Carru et S. Gagnière proposent de lire NO[S ?]TRE DAME DORBE(MIA?)6070. Cet objet de 3,3 cm de diamètre est de taille similaire à un exemplaire (d = 3 cm) du pèlerinage de saint Antoine à Arles (fig. 590, n° 5), et de dimensions analogues à un coin pour médaille ou enseigne à l’image de saint Pierre de Luxembourg (fig. 583, n° 4). Les enseignes en tôle apparaissent dans la seconde moitié du XVe siècle pour disparaître au cours du XVIe siècle d’après D. Bruna6071. Un autre morceau d’enseigne en tôle emboutie, mais cette fois en alliage cuivreux (fig. 604, n° 6), figure un ange aux ailes déployées, la tête auréolée disposée dans un lobe du cadre décoré de gros grènetis et cordons nus. Il tient un phylactère sur lequel se perçoivent des lettres difficilement lisibles : [MA]RIE ? Cet objet devait être d’une très grande dimension. Il 6068 Beuningen et al. 2000, n° 1566. Ferrando 2001b, p. 37. 6070 Carru et Gagnière 1992, p. 82. 6071 Bruna 1998, p. 147. 6069 1313 3. Approche croisée du mobilier archéologique provient d’un niveau de charnier des XVIIe - XVIIIe siècles de la Cathédrale Notre-Dame du Bourg à Digne. Outre les enseignes, les sites provençaux et notamment ceux d’Avignon ont livré de nombreux exemplaires d’ampoules de pèlerinage. Toutes ont été confectionnées par soudure de deux moitiés moulées séparément. Les plus fréquemment retrouvées sont en forme de gourde et présentent deux courtes anses de part et d’autre du goulot. Toutes ont les lèvres du col pincées afin d’assurer la fermeture. Un premier exemplaire, aux anses graciles, recueilli en 1989 au cours des terrassements, chemin Saint-Jean, au début de la route de Montfavet à Avignon (fig. 605, n° 1), est orné, sur la face plate de la panse, d’un blason palé dont les pals sont alternativement nus et quadrillés. L’écu est encerclé d’une bande de chevrons superposés tête-bêche limitée par deux listels. Au revers, sur la face bombée, une rosace à huit pétales est entourée de lobes. Un écu schématique à trois pals est visible sur le col. Rue Carreterie (n° 605, n° 2), à Avignon, une ampoule trouvée dans un contexte des années 1360 - 1380, conserve sur la face plane de la panse, le motif très dégradé d’un large écu entouré de chevrons. La face bombée est couverte par une rosace à huit pétales au sein de motifs organisés de losanges et de chevrons. Un quadrilobe est perceptible sur le col. Contrairement aux deux précédentes, l’ampoule exhumée dans des niveaux de jardin des années 1340 - 1390 sur le site de l’ancien garage rue Régina à Avignon (fig. 605, n° 3), possède des anses épaisses qui débordent largement. Ses parois sont très massives mais elle comporte toujours une moitié plate et une moitié bombée. Sur une des faces, un médaillon circulaire contient une forme trapézoïdale dont l’intérieur est décoré de deux lignes droites et d’un segment bouleté. La quatrième ampoule (n° 605, n° 4) accompagnait le premier spécimen étudié, au chemin Saint-Jean. Elle est proportionnellement plus allongée et n’est décorée que d’une simple fleur de lys. Les fleurs de lys sont au nombre de trois sur un écu brochant une croix dans le large médaillon (fig. 605, n° 5) d’une ampoule mise au jour dans des remblais de jardin, sur le site de l’ancien Garage Régina, datés vers 1340 - vers 1390. Sur le col, un écu à la croix se distingue. Cet objet possède deux faces bombées mais une seule est ornée. L’écu de « France moderne »6072 se retrouve sur l’une des faces bombées d’une petite ampoule de type gourde qui aurait été retrouvée à Avignon (fig. 605, n° 6). Son col a été cassé, probablement pour récupérer le contenu. Au Quartier du Thor, à Sisteron, deux ampoules de type gourde (fig. 605, n° 7 et 8) à l’avers bombé et au revers plat ont été découvertes, lors de fouilles 6072 L’écu de « France ancien » comporte un semis de fleur de lys alors que celui de « France moderne » n’en possède que trois en l’honneur de la Sainte-Trinité. Charles V est à l’origine de cette modification en 1376. 1314 3. Approche croisée du mobilier archéologique clandestines, avec une ampoule rectangulaire (fig. 605, n° 12) et deux petites reproduction de pistolets dont la crosse courbe est caractéristique du XVIIIe siècle (fig. 580). Il n’est pas impossible que les ampoules soient de même datation. L’une est décorée d’une fleur de lys, l’autre d’un paon (?) dont la queue est symbolisée par deux plumes terminées en pique encadrant une plume en queue de pelle. Une bande quadrillée surmonte le tout. À Marseille, place Villeneuve-Bargemon, un comblement de puits du XIVe ou XVe siècle a fourni une ampoule écrasée (n° 8), aux deux faces bombées (fig. 605, n° 9). Elle présente sur une face un quadrillage oblique limité à la base par des traits parallèles. Le même quadrillage se retrouve sous le pied où l’on perçoit distinctement la ligne de jonction des deux parties moulées séparément. Cet objet se distingue légèrement des précédents par son col dans la continuité du corps et ses longues anses. La forme générale est assez proche d’une outre. L’ampoule suivante (fig. 605, n° 11) a été découverte dans un niveau de dépotoir des années 1440 - 1450, rue Banasterie à Avignon. Elle est la plus ornée et la plus travaillée du corpus. Sa forme, proche des exemplaires en forme de gourde, comporte un pied qui la fait ressembler à un vase. Les anses coudées, de section losangique, sont rattachées d’une part, à un col évasé et d’autre part, à un corps aux deux faces bombées portant le motif d’un écu sur un fond quadrillé oblique. L’un des écus est celui de « France moderne », le second est écartelé de lys et de coticé, un écu au lion (?) rampant sur le tout. Cet écu est celui des comtes de Bourgogne postérieurement à Philippe le Hardi et l’objet peut donc probablement être daté du XVe siècle. Sur le col, il est figuré sur une face une fleur de lys, encadrée par deux volutes, centrée au-dessus de deux demi-cercles disposés sur une ligne de motifs de trois points et sur l’autre face, trois demi-cercles reposant pour partie sur deux ensembles de trois points, audessus desquels un cadre contient une fleur de lys couchée (?). D. Carru et S. Gagnière proposent d’y voir un signe d’ordre politique6073. Cette hypothèse n’est pas totalement convaincante car les ampoules sont traditionnellement des objets religieux devant contenir de l’huile, de l’eau bénite, mais aussi d’autres reliques comme un peu de terre, de tissu, etc., provenant d’un sanctuaire. En outre, les seuls signes politiques actuellement identifiés prennent la forme d’une enseigne. Les écus ornant cette ampoule indiquent, selon toute vraisemblance, qu’elle a été produite pour un sanctuaire situé en territoire bourguignon. Issu du même contexte que l’objet d’Avignon (fig. 605, n° 11), l’artefact « en forme de tonnelet » (fig. 605, n° 10), a été amputé volontairement de ses anses et un trou perce la panse. Celle-ci est de profil semi-cylindrique. Le col est particulièrement large. Le décor de 6073 Carru et Gagnière 1992, p. 89. 1315 3. Approche croisée du mobilier archéologique la face plate n’est plus compréhensible, mais la face bombée est ornée d’un losange contenant des gouttes rayonnantes. Un quadrillage oblique s’observe au-dessous. D. Carru et S. Gagnière distinguent une mitre avec cordons sur le col ; en conséquence, ils proposent que cette ampoule soit en rapport avec la dévotion rendue à un saint évêque6074. Une ampoule quadrangulaire sans col (fig. 605, n° 12), avec deux anses disposées au milieu de la hauteur de l’objet, a été retrouvée lors de fouilles illégales dans le quartier du Thor à Sisteron. Elle est ornée d’un cœur surmonté d’une croix de Lorraine. Deux autres ampoules avignonnaises, en forme de barillet, ont été mises au jour, rue Carreterie, la première (fig. 606, n° 2) dans une latrine des années 1390 - 1410, la seconde (fig. 606, n° 1) sur un sol en terre battue des années 1360 - 1380. Le col bas se fixe à un corps rectangulaire décoré d’un seul côté. Les anses sont en quart-de-cercle. Trois fleurs de lys agrémentent la face d’une des ampoules, des bandes verticales – celles du centre se prolongeant sur le col – sont visibles sur l’autre. Ces bandes continuent sur la face inférieure ainsi que sur l’avers, où subsistent encore quelques traces. L’objet circulaire n° 672 du site du Petit-Palais d’Avignon, recueilli dans une couche de dépotoir des années 1365 - 1400, n’est peut-être pas une ampoule de pèlerinage mais le fait qu’il soit creux permet de l’envisager (fig. 606, n° 3). Il est orné d’une rosace à huit pétales incluse dans un cercle sur la face supérieure bombée. La face inférieure est actuellement concave. Les quelques trous plus ou moins circulaires visibles sur ses faces ne paraissent pas le fait d’un acte volontaire. De larges portions de l’objet ont disparu ainsi que probablement le dispositif d’attache. Aucune des ampoules étudiées n’a pu être attribuée à un sanctuaire particulier comme c’est souvent le cas. Cependant, la fréquence des découvertes faites à Avignon est d’un intérêt évident. Il peut être envisagé, même, si cela ne peut être attesté, que des ampoules aient pu recueillir un peu d’eau d’un puits fondé, d’après la légende, par saint Dominique et situé dans l’enceinte du couvent des prêcheurs. Ces eaux étaient réputées guérir les fiévreux6075. Les pèlerins pouvaient aussi acquérir dans certains sanctuaires des souvenirs de pèlerinage moins conventionnels comme des clochettes et des sifflets. Une clochette (n° 1406) en matériau blanc (fig. 606, n° 4), fragmentaire, possible souvenir de pèlerinage, a été trouvée dans des couches de jardin mises en place entre le dernier quart du XIVe siècle et le troisième quart du XVe siècle sur un site situé à l’ouest du Petit Palais. Le morceau de robe 6074 6075 Ibid. p. 87. Montagnes 1978, p. 109-115. 1316 3. Approche croisée du mobilier archéologique conserve quatre rangées de grènetis horizontaux et le départ d’une rangée verticale. Deux croix de Saint-André aux intersections bouletées et une croix à cinq branches de type pentagramme sont disposées entre les lignes des grènetis. Aucun élément ne permet de relier cet objet à un sanctuaire, mais les quinze spécimens présents au musée de Cluny sont dédiés à la Vierge6076 alors qu’outre-manche ils sont essentiellement voués à saint Thomas de Cantorbéry6077. L’étain ou l’alliage étain-plomb qui les compose ne sont pas des matériaux sonores. La qualité du son ne prévalait donc pas lors de l’achat de ces petites cloches, mais il faut considérer leur fonction apotropaïque. Elles étaient en effet censées éloigner les forces négatives, et protéger de la tempête. Un probable fragment de sifflet, toujours en matériau blanc, a été découvert au castrum Saint-Jean à Rougiers (n° 1211) dans une couche de destruction par incendie du second quart du XIIIe siècle (fig. 606, n° 5). Il n’apparaît pas dans la thèse de G. Démians d’Archimbaud6078. Le morceau de tuyau de section octogonale conserve un fragment de collerette. Le reste de la surface porte un quadrillage aux lignes en relief. Il a semble-t-il été confectionné à l’aide d’un moule tripartite : une partie pour l’intérieur et deux valves pour l’extérieur. Était-ce un sifflet de pèlerinage comme il en fut coulé à l’occasion des grandes fêtes religieuses et des pèlerinages6079 ou un jouet ? Un objet répertorié rue Carreterie à Avignon (fig. 606, n° 6), dans des niveaux d’occupation d’une maison à pans de bois des années 1380 - 1430, prend la forme d’une demi-lune. Un appendice circulaire, décoré sur ses deux faces de trapèzes et pourvu d’une ouverture circulaire pour la fixation ou la suspension, y est rattaché par une portion trapézoïdale ornée à l’avers d’une fleur de lys tête bêche et au revers d’un écu à deux chevrons encadré d’ocelles pointées. Des chevrons alternant avec des ocelles forment une frise coiffée de petits rectangles sur l’avers dans la partie supérieure de la demi-lune. Au revers, une frise est composée des vaguelettes alternant avec des ocelles. Cet artefact est peutêtre un souvenir de pèlerinage. Les huit objets qui suivent ne sont pas des enseignes de pèlerinage même s’ils comportent pour quatre d’entre eux une iconographie religieuse. Les trois premiers exemplaires sont du même type. Ils ont été retrouvés, sous le corps, dans une sépulture datée entre la fin du XIIIe siècle et le XVe siècle de la Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg de Digne 6076 Bruna 1996, p. 263-268. Spencer 1990, p. 24 ; Spencer 2010², p. 123-125. 6078 Démians d’Archimbaud 1980a et 1980b. 6079 Bruna 2006, p. 164. 6077 1317 3. Approche croisée du mobilier archéologique (fig. 607, n° 1), lors de fouilles illégales (fig. 607, n° 2 et un spécimen non illustré). Ils sont de forme octogonale. Dans le champ, la Vierge, assise sur un trône, les cheveux voilés et la tête ceinte d’un bandeau, porte l’Enfant Jésus nimbé. Il tient une croix et fait le signe de la bénédiction. Une légende démarre au-dessus de la tête de la Vierge et fait le tour de l’artefact. Elle commence par l’invocation de saint Jean-Baptiste (Jean I, 29) + AGNVS DEI QUI TOLIS PECCATA MUNDI, et se poursuit par DONA NOBIS PACEM employée lors du chant clôturant le canon de la messe et secondant la communion6080. L’inscription peut être traduite par « Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde, donne-nous la paix ». D. Bruna a relevé, outre une pièce parisienne trouvée dans la Seine et conservée aux Thermes de Cluny, trois autres exemplaires conservés pour le premier dans une collection particulière, pour le second au musée Crozatier du Puy. Le troisième, aujourd’hui perdu, fut anciennement découvert au Puy6081. Cette enseigne est un signe de reconnaissance diffusé par la confrérie des Chaperons Blancs du Puy, fondée en 1182. Elle fut portée pour la première fois lors de l’Assomption de cette même année. Elle serait à l’image de celle reçue par un charpentier du Puy des mains de la Vierge avec pour mission de répandre et prêcher la paix. Les membres de la Confrérie devaient arborer un chaperon blanc sur lequel était cousue l’enseigne et se consacrer au rétablissement de la paix dans leur région6082. En 1854, les Bosq publient dans le Répertoire de la Société statistique de Marseille, la description d’une « médaille », malheureusement non reproduite, découverte au quartier des Aurengues ou de la Gastaude à Auriol6083. D’un diamètre de 5,4 cm de diamètre, en vermeil avec un argent très pur, elle porte à l’avers un bas-relief représentant le moment où Moïse frappe le rocher de sa baguette pour apaiser la soif du peuple de Dieu sorti d’Egypte. On y voit « des enfants près et sur le roc buvant, et des femmes, venant en foule à la mêlée des hommes, après Moïse, avec des cruches, prendre de l’eau à la fontaine » 6084 . La représentation est complétée par l’inscription : MOSES. VIRGA PRODVXIT. AQUAM. DE. PETRA P[O]P[U]LO. ISRAEL. IN. DESERTO. ET. MORTVL. SUNT. 6080 Berger 2009, p. 4 Bruna 1996, p. 279, note 1. Voir également Berger 2009, p. 5 6082 Bruna 1996, p. 279 ; Berger 2009, p. 5, 13-14. 6083 Bosq et Bosq 1854, p. 320-322. 6084 Ibid., p. 320-321. 6081 1318 3. Approche croisée du mobilier archéologique + EXODI. 17. Au revers, « le relief représente une ville au lointain, et une forêt en vue moins éloignée, un puits est au milieu des arbres de haute futaie. Ce puits, d’une forme ovale, a sur le devant un bassin joliment façonné, comme lui, prêt à recevoir les eaux et où sont aussi représentées deux personnes, homme et femme, à chaque extrémité du puits, placées en face l'une de l'autre. À gauche, en présence du puits et du bassin, est une femme ayant à ses pieds un sceau et une corde à la main droite, appuyée sur le puits de son bras gauche, dans la position attentive à écouter (sic) l'homme représenté à la droite, également sur le bords du puits, appuyé de sa main gauche et de la droite, par des gestes indiquant les paroles adressées à la femme qui venait chercher de l'eau : la femme est la Samaritaine et l'homme le Sauveur du monde »6085. Une inscription complète le tout : QUI. VERO. BIBERIT. AQVA. CHRISTO. DANTE. NON MORIETVR. INAT. ERNVM. IOAN. 4. ANNO 1557 La date de 1557 est probablement celle de la fabrication de la médaille. Ces deux épisodes bibliques ont, pour thème commun, l’eau étanchant momentanément la soif : l’eau réclamée par les hébreux assoiffés après des jours de marche, celle que demande le Christ à la Samaritaine à qui il apprend qu’il est source d’eau vive. « Quiconque boit de cette eau aura encore soif; mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura jamais soif, et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle. » (Jean 4:7). L’eau désaltère, fait du bien, mais il n'y a que Jésus qui peut désaltérer l’âme. Les frères Bosq évoquent la possibilité que cette médaille ait été exécutée en souvenir des « études scientifiques » d’un individu6086. Un fragment d’objet cruciforme (fig. 607, n° 4) retrouvé dans un contexte daté par la céramique des années 1530 - 1540, Rue Racine, à Avignon, présente sur une face le Christ crucifié portant le perizonium et au revers la Vierge vêtue d’une longue tunique, portant l’Enfant sur son bras gauche. La plupart des enseignes de pèlerinage n’ont pas normalement de figuration sur les deux faces. Cet objet est peut-être un exemple de médaille religieuse non rattaché à un sanctuaire, mais son aspect incomplet ne permet pas d’en être certain. Une 6085 6086 Ibid., p. 321. Ibid., p. 322. 1319 3. Approche croisée du mobilier archéologique enseigne ou médaille analogue, découverte à Raversijde aux Pays-Bas, datée stylistiquement du XVe siècle, au contraire de l’artefact du corpus, ne comportait qu’une seule perforation pour la suspension dans le bras supérieur6087. Une enseigne à caractère sexuel (fig. 607, n° 3), provient de terres de jardin remaniées du palais des Papes. Ce genre d’objet est particulièrement fréquent dans les collections européennes6088. Le spécimen provençal, figurant un phallus, est un raté de fonte comme le montre le décalage entre les deux faces moulées et des débordements latéraux de métal. Les enseignes de type phallus, essentiellement attestées, lorsqu’elles sont découvertes en contexte stratigraphique, entre le dernier quart du XIVe siècle et le premier quart du siècle suivant, comportent habituellement une épingle de fixation au revers – à l’image des broches – et le sexe est généralement présenté avec des jambes. Cet exemplaire n’en porte pas de traces, mais il est peut-être incomplet en raison de son défaut d’exécution. Le motif du phallus priapique, hérité de l’antiquité romaine, peut-être par l’intermédiaire de pierres gravées, apparaît aussi à la fin du Moyen Âge sur des céramiques et plus couramment dans les marges d’ouvrages juridiques, de romans ou de livres de prières. Les enseignes à caractère sexuel ont eu pour but, d’éloigner le mauvais œil (fig. 610)6089, mais sont probablement des témoignages de cultes païens voués à la fécondité et rattachés avec l’évangélisation à des saints de la foi chrétienne6090. Jacques-Antoine Dulaure dans « Des Divinités génératrices, ou du Culte du Phallus chez les anciens et les modernes », mentionne à propos de la visite d’une chapelle à Varages autour de 1800 : « Saint Foutin de Varages (qui remplit la fonction de Priape) était en grande vénération en Provence. On lui attribuait la vertu de rendre fécondes les femmes stériles, de raviver les hommes nonchalants, et de guérir leurs maladies secrètes. En conséquence, on était en usage de lui offrir, comme autrefois au Dieu Priape, des ex-voto en cire, qui représentaient les parties débiles ou affligées »6091. À Arles, lors d’une opération archéologique à l’emplacement de l’église Saint-Blaise, un remblai du milieu du XIVe siècle a livré un personnage vêtu d’une longue robe tenant un écu d’une main et un objet indéterminé de l’autre (fig. 607, n° 5). Il pourrait s’agir d’un chevalier ou d’un écuyer. À la même époque, la fouille d’une strate (vers 1345 - vers 1360) du castrum Saint-Jean, a révélé une enseigne fragmentaire illustrant un cavalier sur sa monture 6087 Koldeweij 2006, p. 203, n° 15.9.5.k. Bruna 1996, p. 317. 6089 Concernant l’exemple du ms 25526 de l’Arsenal, on pourra lire Coilly 2012. 6090 Bruna 2006, p. 209-230 ; Bruna 2007, p. 149-162. 6091 Dulaure 1805, 1885², p. 235. 6088 1320 3. Approche croisée du mobilier archéologique (fig. 607, n° 7). Le cheval, dont la crinière est symbolisée par des demi-cercles, est harnaché : figurent, de ce fait une croupière, une bride et une selle maintenue par une sangle passant sous le poitrail. Le buste du cavalier est disposé de profil tout comme sur la plupart des enseignes à motif équestre, qu’elles soient religieuses ou profanes6092. Une épingle au revers permettait l’attache de cette broche vraisemblablement décorative. Un dernier objet en matériau blanc, découvert au castrum Saint-Jean à Rougiers dans une couche de dépotoir associée à l’effondrement d’un bâtiment datée vers 1360 - vers 1370/1375, consiste en une rondelle supportant une rangée de grènetis et comportant quatre griffes au revers (fig. 607, n° 6). Le départ de petites languettes en partie extérieure laisse supposer que ce fragment appartenait à un artefact de plus grande dimension : peut-être une broche ou une enseigne profane. 3.4.9.4.Réflexion sur les enseignes, ampoules et médailles découvertes en Provence ou provenant de Provence La répartition des lieux de découverte des enseignes provenant de sanctuaires provençaux (fig. 608) éclaire, au vu des données actuelles, sur la renommée des pèlerinages. Les sanctuaires de Saint-Gilles et de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume viennent en tête. Ils sont connus sur une large échelle géographique et le premier est plus visité que le second comme le confirme le nombre des enseignes inventoriées. D’une façon assez surprenante, l’Allemagne est pauvre en découvertes alors qu’elle est un foyer notoire du culte à saint Gilles. Les deux sanctuaires apparaissent donc comme une destination prisée des pèlerins venant de loin, un objectif principal au cours de leurs pérégrinations. À un niveau inférieur, le pèlerinage auprès des reliques de saint Antoine, à l’abbaye de Montmajour à Arles, touche tout le Midi de la France. Méconnu, si ce n’est inconnu, il y a à peine plus d’une dizaine d’années, les publications et leur mise à jour offrent une idée beaucoup plus précise d’un culte qui n’est pratiquement pas renseigné par les sources textuelles. À ces deux premiers niveaux s’ajoute un troisième regroupant des sanctuaires provençaux à renommée locale : Notre-Dame de Doms, l’église des Célestins d’Avignon avec la sépulture du bienheureux Pierre de Luxembourg, Saint-Cézaire d’Arles, l’abbaye de Montmajour avec la dévotion à saint Pierre 6092 Se reporter par exemple à Br. Spencer 1990, n° 14 – musée de Salisbury – et Spencer 2010², n° 37 à 54 – musée de Londres – pour des enseignes à l’effigie de saint Thomas Becket, et à Spencer 1990, n° 261, 262, Spencer 2010², n° 297b, Bruna 1996, n° 578 – musée de Cluny – pour des fauconniers à cheval. 1321 3. Approche croisée du mobilier archéologique et à la sainte Croix. Les enseignes, à l’exception de celles découvertes au Castelet de Fontvieille où un atelier de fabrication pourrait avoir existé, sont au mieux attestées par quelques unités. L’enseigne de Pierre de Luxembourg mise au jour à Dordrecht et celle à l’effigie de saint Césaire retrouvée à Londres ne sont donc pas représentatives de la célébrité de ces lieux de culte. Les pièces retrouvées sont en l’état actuel des données trop isolées. Ces objets ont-ils été acquis par des pèlerins ayant ajouté, à leur périple initial, la visite d’un sanctuaire voisin, ou par des marchands étrangers ayant eu affaire dans les villes concernées ? Les sanctuaires situés hors de la région d’étude et dont sont issues des enseignes mises au jour en Provence (fig. 608 et 609) sont, pour une partie d’entre eux, géographiquement proches. C’est le cas de Notre-Dame-de-Vauvert, de Saint-Pierre-de-Lézan, de Notre-Damedu-Puy. La relative proximité de ces sites a pu favoriser les déplacements : s’y rendre prend peu de temps et le voyage à accomplir comporte moins de périls. Notre-Dame-de-Vauvert et Notre-Dame-du-Puy, bien qu’ayant eu une audience internationale, attirent donc préférentiellement les pèlerins de proximité. Le sanctuaire de Saint-Pierre-de-Lézan jouit d’une renommée plus locale comme l’illustre la localisation, à Arles et à Avignon, des deux seules enseignes connues. A contrario, accéder aux sanctuaires du Volto Santo de Lucques et de Saint-Jacques-de-Compostelle exige un investissement beaucoup plus important, d’une part, d’un point de vue moral et spirituel, d’autre part d’un point de vue physique et financier. Le sanctuaire galicien ne fournit que peu d’enseignes : quelques coquilles Saint-Jacques de l’espèce Pecten Maximus, ainsi que des bourdonnets (fig. 603). Les données archéologiques confirment le succès de Notre-Dame-du-Puy et d’une certaine façon celui de Saint-Jacques-de-Compostelle observé par N. Coulet dans les testaments aixois6093. Les nombreuses coquilles de type Pecten Jacobeus du corpus, bien que ne provenant pas du sanctuaire galicien, n’acquièrent de signification que du faite de l’existence de ce sanctuaire. Les données rassemblées montrent qu’il existe à l’évidence une certaine dichotomie entre les pèlerinages mentionnés dans les testaments et ce qu’illustre l’archéologie. Dans le contexte aixois des années 1390 - 1450, les mentions de pèlerinage provençaux sont en proportion minoritaire, mais le contraire est observé pour les enseignes répertoriées pour le bas Moyen Âge. Il a déjà été évoqué que la nature de l’acte peut influencer le choix des testateurs, et il est probable que cette raison en est la principale cause. Il faut aussi considérer que l’étude de N. Coulet s’applique à une ville unique sur un laps de temps réduit ; qu’en est-il ailleurs ? Un autre travers, et non des moindres, et le choix du 6093 Coulet 1972, p. 248-251. 1322 3. Approche croisée du mobilier archéologique support de dévotion fait par le sanctuaire : une statuette en plâtre, une estampe sur papier, un objet végétal, un simple chapelet, etc., peuvent constituer un souvenir de pèlerinage. L’intensité, variable, des recherches archéologiques entreprises sur le territoire provençal qui se conjuguent avec la nature des sites étudiés et les contextes stratigraphiques rencontrés constitue un autre biais. À Aix-en-Provence, les fouilles archéologiques intra-urbaines sont rares car le centre-ville est protégé, il n’est donc guère surprenant qu’aucune enseigne de pèlerinage n’ait été découverte. À Marseille, en dépit de nombreuses opérations archéologiques dans la ville médiévale, aucune enseigne n’a également été retrouvée et une seule et unique ampoule a été mise au jour. Les causes relevées sont l’entretien régulier des sols, le faible nombre de dépotoirs domestiques et l’absence de dépotoirs collectifs dans l’emprise des fouilles. La gestion des déchets semble avoir fait l’objet d’une politique municipale6094. À l’opposé, les contextes funéraires de la Cathédrale de Digne et les fouilles d’habitats à Avignon se sont révélés propices à la découverte des enseignes. Le site du Castelet de Fontvieille constitue un cas particulier puisque la presque totalité des objets a été récupérée lors de fouilles illégales. Il paraît bien difficile, au regard de ces données disparates et des difficultés de fouilles rencontrées sur certains lieux d’envisager actuellement des réflexions plus avancées sur la pratique du pèlerinage en Provence. Une dernière constatation doit cependant être faite : alors que les découvertes anciennes proviennent essentiellement des cours d’eau, les objets apparaissant lors des basses eaux ou lors de dragages, les trouvailles récentes sont presque exclusivement terrestres grâce au développement de méthodes de fouilles scientifiques et à la diffusion à grande échelle des détecteurs de métaux. Il est souvent écrit que le jet des enseignes dans une rivière ou dans un fleuve provient d’un rite ancien qui se pratiquait après avoir prononcé un vœu, mais il semble important de préciser que ces espaces représentent aussi de gigantesques dépotoirs à ciel ouvert. De ce fait, les enseignes récupérées en contexte fluvial ont été, pour leur majeure partie, jetées dans le fleuve non pas dans un cadre apotropaïque ou pour empêcher l’appropriation des enseignes par des condamnés au pèlerinage pénitentiel, mais avec d’autres déchets dans le seul but de s’en débarrasser. La lecture des comptes-rendus de l’abbé Desnoyers sur les artefacts retrouvés dans la Loire dans le dernier tiers du XIXe siècle6095 en est une illustration : on y trouve de tout. 6094 6095 Thuaudet et Chazottes 2014, p. 347 ; Abel et Parent 2014, p. 259. Par exemple Desnoyers 1873 et Desnoyers 1876. 1323 3. Approche croisée du mobilier archéologique Avant d’en terminer avec l’analyse des contextes, il est nécessaire de s’attarder sur un point : les ampoules de pèlerinage sont pratiquement absentes des contextes funéraires provençaux et les enseignes métalliques y sont rares – seulement deux exemplaires – au contraire des coquilles Saint-Jacques, beaucoup moins fréquentes en dehors des zones funéraires. Ce constat peut être étendu à plus grande échelle, avec peu d’adaptation, au territoire ouest européen6096. Les coquilles sont essentiellement découvertes isolées dans les sépultures, parfois avec un ferret de bâton6097, ou avec d’autres dépôts tel qu’un pégau ou une lampe en verre6098. Il est d’usage de considérer que ces coquilles sont cousues sur le vêtement du défunt, mais il n’existe en fait aucune contre-indication au fait qu’il ait pu être disposé ces insignes sur le corps, éventuellement sur des zones où elles sont habituellement portées. Une telle discrimination dans la nature des contextes de découverte des insignes religieux n’est pas anodine. Elle montre que la coquille Saint-Jacques et les ampoules et enseignes métalliques possédaient des fonctions différentes. Les enseignes métalliques semblent avoir eu avant tout un rôle de protection durant la vie terrestre. Par contre, il est attesté dans les temps préhistoriques, durant l’Antiquité et le haut Moyen Âge que les coquillages, parfois percés, servaient d’ornements ou d’offrandes mortuaires6099. Ce rôle protecteur dans l’au-delà s’est très certainement transmis aux coquilles diffusées par le sanctuaire de Galice. Sans doute a-til joué un rôle important dans le succès de ce pèlerinage. La fortune du saint de Galice tient également à ce que dans l’imaginaire médiéval, fondé sur une interprétation de l’Épitre de Saint Jacques, celui-ci est censé se manifester à l’heure de la mort, accompagnant le défunt lors du temps de passage de la Terre vers le Ciel, mais aussi être présent dans le Royaume des 6096 Rares sont les découvertes d’ampoules en contexte funéraire : il en a été mise une au jour dans une sépulture du Xe ou de la première moitié du XIe siècle dans l’Église Saint-Laurent de Grenoble en Isère (Colardelle 1999, t. 2, p. 49 ; Colardelle 2008, p. 297). Les enseignes de pèlerinage ne sont guère plus fréquentes : se reporter à Egan 1968, p. 144 pour un relevé de quelques découvertes dans le nord de l’Europe. 6097 Dans le quart sud-est de la France, il y a le cas des sépultures 1193 (XIVe - XVIe siècle) et 1201 (XIVe - XVIe siècle) du site de la cathédrale Notre-Dame du Bourg de Digne. Non loin de là, en Ardèche, deux sépultures avec coquilles de fin XIIe - XIIIe siècle et fin XIIIe - XIVe siècle contenaient un bâton ferré (Esquieu 1988, p. 71). Dans la Drôme, à Notre-Dame de Montcham, à Malataverne, une inhumation (XIe - XIVe siècle) contenait un pégau près de la tête, une coquille sur la poitrine et une ferrure de bâton près du tibia gauche (Gagnière et Granuer 1971, p. 184). 6098 L’inhumation 1022 (XIVe - XVIe siècle) de la cathédrale de Digne contenait trois coquilles et deux pégaus, la n° 1118 (XIVe - XVIe siècle), une coquille, une lampe en verre et deux pégaus, la n° 1148 (XIIe - XIIIe siècle), deux coquilles et une lampe en verre, la n° 1193, une coquille, un ferret de bâton et une gargoulette, la n° 1216 (XIIe - XIIIe siècle), une coquille, une lampe en verre et un pégau, la n° 1402, une coquille et deux pégaus (XIVe - XVIe siècle). 6099 Köster 1985, p. 86. 1324 3. Approche croisée du mobilier archéologique Morts, lors du Jugement dernier, et être lui-même capable de procéder à des résurrections6100. La présence d’une statue de saint Jacques avec son chapeau porteur d’une coquille sur le tombeau du cardinal Philippe de Cabassole mort en 1372, autrefois à la Chartreuse de Bonpas, n’est pas sans valeur symbolique6101. Il n’est nul besoin d’être allé à Saint-Jacques en Galice pour se mettre sous sa protection. Par extension, la coquille de type Pecten suffit, quel que soit son origine, pour peu qu’elle soit ressemblante avec celle donnée aux pèlerins en Galice. Le signe matériel ou sous forme d’image a la même valeur que la coquille véritable. D’après D. Bruna, les enseignes métalliques de pèlerinage ont eu un succès florissant jusqu’au XVIe siècle puis elles disparaissent6102. Cependant, l’enseigne de Notre-Dame-duPuy (fig. 595, n° 5) découverte dans une épave du XVIIe siècle, peut-être de la seconde moitié, laisse supposer que leur vente continue bien après. De même, les ampoules du quartier du Thor à Sisteron (fig. 605, n° 7, 8 et 12) ont été retrouvées avec de petits pistolets en matériau blanc (fig. 580) datables du XVIIIe siècle. Cependant, ce mobilier a été mis au jour dans le cadre d’une fouille illégale, et conséquemment, la valeur de cette constatation est entachée d’un doute. Les principales difficultés, actuellement rencontrées dans l’étude des enseignes, viennent du fait que, pour leur majeure partie, elles proviennent du lit des rivières et des fleuves ou sont retrouvées hors stratigraphie. En outre, juger de la datation des enseignes d’après des motifs purement stylistiques peut s’avérer contestable car les moules créés peuvent être utilisés pendant de longues périodes et les empreintes être ensuite plusieurs fois reproduites à l’identique. De même, sur le long terme, l’image d’une enseigne, même archaïque, a pu être préférée lors de la production, à celle d’une figuration plus récente. Elle met l’accent sur le caractère ancien du sanctuaire, sa pérennité et se fait, dès lors, le témoin de la continuité des bienfaits du lieu. De la même façon, des caractères archaïsants ont pu être conservés dans la conception des moules de gravures ultérieures. Les observations stylistiques sont donc à considérer avec beaucoup de prudence, et ce n’est forcément l’enseigne qui est datée par des observations d’histoire de l’art qu’un hypothétique premier moule original. La diversité des enseignes pour un même sanctuaire – les exemplaires identiques sont extrêmement rares – peut indiquer, soit que les moules s’usent vite en raison d’une production importante, soit que plusieurs moules ou plusieurs empreintes fonctionnent simultanément. Moules et empreintes peuvent être fort différents : quatre moules en pierre pour la fonte avec une ou deux empreintes distinctes sont connues pour le seul et éphémère pèlerinage de la 6100 Péricard-Méa 2000, p. 12, 57-76. Les éléments restants de ce tombeau sont conservés au musée du Petit Palais à Avignon. 6102 Bruna 2006, p. 236. 6101 1325 3. Approche croisée du mobilier archéologique Vierge de Ratisbonne qui apparaît en 1519 et ne dure que six ou sept ans6103 ; au moins vingtet-un moules différents ont été reconnus parmi les vingt-cinq enseignes de Notre-Dame du Puy, du modèle « à pignon », répertoriées par J. Berger6104. Bien que relativement rares, les datations archéologiques fiables attestent que le Bas Moyen Âge est la période principale de diffusion des enseignes religieuses. Le développement de nouveaux supports de dévotion avec lesquels elles cohabitent à la fin du Moyen Âge et au début de l’Époque moderne pourrait ensuite expliquer l’intérêt décroissant qui semble être observé au XVIe siècle pour les enseignes. Au bas Moyen Âge, se développent la production des images religieuses, peintes sur cuir, papier ou parchemin, des estampes produites à l’aide de plaques de bois – la xylographie – ou à l’aide de plaques de cuivre gravées, la taille-douce. La véronique peinte sur parchemin (fig. 585), conservée sur un Livre d’Heures de la Bibliothèque Inguimbertine de Carpentras (ms 59) et exécutée entre 1485 et 1490 pour le receveur particulier du diocèse de Nîmes l’illustre. L’estampage par plaques de bois, attesté dès 1420 à Avignon, se raréfie à la fin du XVIIe siècle dans la cité vauclusienne, il est alors remplacé par la gravure sur cuivre, notamment au moyen de la taille-douce6105. Ce dernier procédé permet une plus grande précision dans le dessin et voit son essor lié à l’imprimerie et l’utilisation du papier L’apparition de la médaille religieuse que D. Bruna place au XVIe siècle pourrait également être une cause de la désaffection à l’égard des enseignes de pèlerinage. Cependant, le chercheur ne définit pas réellement ce qu’est une médaille6106 et ce qui la caractérise afin de saisir l’évolution de ces petits objets de dévotion. Actuellement, une médaille religieuse est reconnue comme étant un objet métallique dont les deux faces portent généralement une représentation figurée, sujet de dévotion et/ou une inscription. Une simple bélière, à son sommet, en permet la suspension ou la fixation, que ce soit sur le vêtement ou sur une pièce de bois par exemple. Qu’en est-il de sa forme ? Usuellement, elle est circulaire ou ovale, parfois rectangulaire, mais une forme en croix peut également être couverte par le terme de médaille. Ce point est d’importance car il change la perception que l’on peut avoir du mobilier. Doit-on parler de croix ou de médaille cruciforme ? La seconde acceptation paraît la plus logique à la lumière des éléments qui vont être évoqués. Une autre question se précise : 6103 Bruna 1992. Berger 2009, p. 93. 6105 Chobaut 1943, p. III-IV. 6106 Les remarques de D. Bruna concernant l’apparition de la médaille restent pour cette raison quelques peu confuses (2006, p. 235). 6104 1326 3. Approche croisée du mobilier archéologique l’enseigne se distingue-t-elle de la médaille par son matériau ? Cela paraît peu probable, et le corpus l’illustre (fig. 604, n° 5 et 6). Des enseignes embouties en alliage cuivreux ou en argent, sont en usage dans la seconde moitié du XVe siècle et durant une partie du XVIe siècle6107 et il a probablement existé tout autant d’enseignes que de médailles en métal précieux. En opposition à la médaille dont la définition a été évoquée précédemment, l’enseigne ne porterait pas de figure, d’ornement ou d’inscription sur son revers et plusieurs œillets en bordure de l’objet assurent sa fixation. Quelques exemplaires du bas Moyen Âge comportent néanmoins, au revers, un hachurage. C’est le cas d’une enseigne du corpus à l’effigie de saint Gilles (fig. 592, n° 2 et 3) datée stylistiquement par K. Köster et D. Bruna des XIIIe et XIVe siècles6108, et de quelques autres conservées, pour certaines, au musée de Cluny : une enseigne du saint Suaire de la seconde moitié du XIVe siècle ou de la première moitié du siècle suivant6109, une enseigne de saint Claude attribuée au XVe siècle. Une enseigne de saint Mathurin datée stylistiquement du XIVe siècle présente ce même quadrillage oblique, mais il encadre une Vierge à l’Enfant6110. Au revers de quelques enseignes du pèlerinage de SaintLéonard-de-Noblat, datées du XVe siècle, c’est une croix processionnelle qui est représentée. Au regard de la définition proposée pour le terme médaille, les plus anciens exemplaires connus, ornés sur les deux faces et possédant un seul œillet ou bélière au sommet, sont en forme de croix. Ils sont datés stylistiquement des XIVe ou XVe siècles dans le catalogue de Cluny. Ils figurent le Christ sur une face et la Vierge à l’Enfant ou des éléments d’ornementation au revers. Un peu plus tard, la figure d’un abbé peut y être observée6111. Des médailles estimées de la fin du XVe siècle et du début du XVIe siècle prennent la forme de la Sainte Tunique d’Argenteuil avec à l’avers le Christ sur sa croix et au revers la Vierge à l’Enfant6112. La date d’apparition des médailles circulaires ou ovales à bélière ne peut, pour le moment, être établie en raison d’un manque de précision dans les datations des contextes sépulcraux modernes, lieux archéologiques où les médailles religieuses se rencontrent le plus fréquemment. En outre, aucune étude d’envergure n’a été, à ce jour, entreprise sur ces objets. Un exemplaire en matériau blanc, avec une bélière, trouvé aux Pays-Bas, porte la Vierge à 6107 Bruna 1998, p. 147. Köster 1983, p. 101-102, n° G3 ; Bruna 2003, fig. 6. 6109 Bruna 1996, p. 61, n° 27, p. 125, n° 163. 6110 Ibid., p. 174-175, n° 257. 6111 Bruna 1996, p. 72-77. 6112 Ibid., p. 58-60. 6108 1327 3. Approche croisée du mobilier archéologique l’Enfant sur une face et le Christ sur la croix sur l’autre ; il est attribué stylistiquement à la seconde moitié du XVe siècle par J. Koldeweij6113. Des enluminures du Livre d’heures Metteneye, du début du XVIe siècle, comportent des marges figurant des chapelets porteurs de médailles cruciformes et circulaires avec bélière6114. La médaille en vermeil, étudiée par les frères Bosq et présentée précédemment, porte la date de 1557, mais il n’est pas mentionné qu’elle ait eu une bélière : il pourrait s’agir de l’exemplaire unique d’un objet non destiné à être porté ou fixé sur un support. Un inventaire des marchandises d’Adrien Moret, marchand d’Avignon, dressé en 1565, et l’inventaire après-décès des biens d’Honoré de Tributis, conseiller au parlement, enregistrent ainsi qu’il a déjà été signalé de possibles médailles religieuses. Quelques spécimens en alliage cuivreux diffusés à l’occasion de la célébration d’un évènement liturgique particulier apportent quelques bases à la réflexion. Les médailles antérieures à 1650 sont relativement rares : une médaille portant la date de 1600 provient d’une sépulture du carré Saint-Jacques à La Ciotat6115, cinq autres, célébrant l’année sainte de 1625, ont été découvertes dans un caveau de la cathédrale Saint-Sauveur d’Aix6116, dans des sépultures du carrés Saint-Jacques à La Ciotat6117, dans l’église Saint-Laurent de Grenoble6118, Place des Halles à Troyes6119. Une dernière médaille portant la date de 1626 et célébrant un évènement relatif au saint Suaire de Besançon provient de l’église Saint-Georges d’Hermance dans le canton de Genève en Suisse6120. Au vu de ces données, il apparaît que la distinction entre enseigne et médaille n’est pas aussi tranchée qu’on pourrait le croire. Les médailles apparaissent comme le résultat d’une évolution morphologique et ornementale des enseignes qui s’enclenche aux XIVe et XVe siècles, avec le développement d’un décor au revers, puis la mise en place d’un unique point de fixation au sommet de l’objet. Ce n’est que dans un troisième temps et de façon très tardive, au tournant des XVIe et XVIIe siècles, que les médailles deviennent exclusivement en alliage cuivreux. La nature des datations, stylistiques pour les objets les plus anciens, impose évidemment une certaine prudence. Quoiqu’il en soit, ce n’est donc pas la perte d’intérêt pour les enseignes au début de l’Époque moderne qui doit poser question, mais celle plus globale 6113 Koldeweij 2006, p. 53, n° 3.21. Koldeweij 2006, p. 251, fig. 18.4. 6115 Richier (dir.) 2011, p. 128. 6116 Guild et al. 1983, p. 228. 6117 Richier (dir.) 2011, p. 128 (deux exemplaires). 6118 Colardelle 1999, t. 2, p. 49. 6119 Lenoble et al. 1997, p. 100. 6120 Bonnet 1973, p. 85. 6114 1328 3. Approche croisée du mobilier archéologique qui concerne les enseignes et médailles de pèlerinage, car au-delà de l’évolution formelle de ces petits objets de dévotion, il appert un faible nombre des insignes religieux attribuables ou datés du XVIe siècle. La Réforme catholique, au milieu du XVIe siècle eut-elle un effet sur la désaffection pour les enseignes de pèlerinage ? Cette période marque un tournant dans la pratique de la foi et dans la liturgie. Les résultats du concile de Trente seront pour beaucoup diffusés par deux ordres religieux : les capucins et les jésuites. Des thèmes disparaissent des nouvelles productions d’images, quel qu’en soit le support, au profit des thématiques du mystère du Rosaire, de la bonne mort ou des âmes du Purgatoire. Progressivement, au XVIIe siècle, de nouvelles figures saintes sont mises en avant : saint François de Sales, saint François Xavier, saint Ignace de Loyola, saint Charles Borromée. De nombreuses médailles découvertes en Provence les représentent. La dévotion aux saints traditionnels et notamment à MarieMadeleine reste néanmoins vivace régionalement dans la sphère privée mais aussi dans les églises. En outre, que ce soit avant ou après la réforme du concile de Trente, la dévotion au Christ souffrant et à la Vierge à l’Enfant reste de loin la plus importante en Provence6121. Les résultats de la Réforme catholique sont diffusés de manière progressive dans la société. S’ils ont pu jouer un rôle dans le succès des médailles modernes, ce qui reste à prouver, ils n’ont eu cet effet qu’assez tardivement puisque les médailles ovales ou circulaires ne deviennent usuelles qu’à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle. Des médailles de pèlerinage existent encore aux XVIIe et XVIIIe siècles comme celles frappées pour les années jubilaires à Rome, ou bien encore quelques autres attachées à un lieu de culte, même s’il est probable que beaucoup d’entre elles aient été diffusées par l’intermédiaire de marchands ; cependant, elles sont peu signalées dans la production. Les datations des enseignes et médailles de pèlerinage enregistrées dans les catalogues spécialisés attestent d’une moindre diffusion de ces objets antérieurement au concile de Trente. La Réforme n’aurait donc été ni un élément déclencheur ni même un élément accélérateur de cette évolution. D’autres causes peuvent être avancées pour expliquer la dévalorisation des enseignes. D. Bruna pense notamment, que la banalisation de l’enseigne suite au développement d’un pèlerinage de masse, la prolifération des pèlerinages locaux ainsi que le commerce illicite des 6121 Se conférer à N. Coulet 1972 pour un dépouillement de testaments aixois des années 1350-1450, à O. Berton 2000 pour une étude d’inventaires après-décès varois des années 1693-1769, à B. Cousin pour une analyse des tableaux et ex-voto provençaux du XVIIe au XIXe siècle. On lira également avec intérêt le travail de B. Henin (1984) sur la maison et la vie domestique à Marseille au XVIIe siècle, plus particulièrement les pages 342 à 351. 1329 3. Approche croisée du mobilier archéologique enseignes hors des sanctuaires, mais aussi l’apparition de mendiants et escrocs portant le costume et les enseignes des pèlerins pour provoquer plus de dons ont eu raison de la valeur symbolique détenue par l’objet6122. En outre, à la veille de la Réforme, l’acte de pèlerinage est encore plus critiqué qu’il ne l’était auparavant et l’adoration des images discréditée par les Protestants. Si l’enseigne conserve un temps son rôle de relique secondaire protectrice, elle perd donc rapidement celui de signe d’identité. Elle se voit dépossédée de son sens, submergée par d’autres objets souvenirs, se transforme progressivement et prend l’apparence de ces petites médailles pieuses encore connues de nos jours. 6122 Bruna 2006, p. 234-235. 1330 3. Approche croisée du mobilier archéologique 3.4.10. Synthèse générale Le bijou est un ornement porté par les deux sexes directement sur le corps, parfois sur le vêtement. Il est un élément indicateur du statut social et de la richesse de son propriétaire, parfois de sa culture littéraire, de sa piété, de ses croyances, de ses liens d’allégeance et de fidélité. Dans la littérature et d’une certaine manière dans les règlements somptuaires6123, les bijoux apparaissent comme parure légitime des femmes et comme coquetterie qu’il faut dénoncer lorsque leur nombre et leur somptuosité sont excessifs. Si les bagues, les colliers et les objets de dévotion tels que le chapelet, l’ampoule et l’enseigne sont à l’usage des deux sexes, le bracelet, la boucle d’oreille et la plupart des bijoux de coiffure, à l’exception des appliques de chapeau ou de coiffe, sont avant tout employés par les femmes. La documentation textuelle, mais aussi la documentation iconographique par la rareté des représentations, montre cependant que les bijoux de coiffure féminins sont rarement arborés. Ils le sont lors de grands évènements tel que le mariage ou à l’occasion de l’entrée en ville de puissants personnages. Quant au bracelet, il ne réapparaît dans les archives qu’au début du XVe siècle, au milieu du siècle dans les archives provençales. Pendant longtemps, la boucle d’oreille a été un des symboles caractérisant les populations réprouvées ou étrangères. Par un retournement de situation que la documentation ne permet pas actuellement de comprendre, elle perd cette signification au XVIe siècle et se retrouve au lobe des élégantes. Le bracelet, la boucle d’oreille et les bijoux de coiffure sont surtout l’apanage des classes aisées. Pour la période d’étude, ces bijoux n’ont été pas imités à travers des productions moins coûteuses. Plusieurs raisons peuvent être évoquées. Bien que connu dès le XVe siècle dans les inventaires de la noblesse du royaume de France, le bracelet n’apparaît que dans la seconde moitié du XVIe siècle dans les archives provençales et à travers quelques rares mentions. La boucle d’oreille est un tout nouveau bijou au XVIe siècle et il est encore rare. Il n’est pas non plus impossible que la connotation négative qui lui a longtemps été attachée persiste encore dans une large partie de la population. Enfin, les bijoux de coiffure féminins n’ont de valeur symbolique que s’ils sont faits de matières précieuses : la valeur financière de l’ornement qui couronne sa tête honore la jeune mariée. La production artistique orfévrée, dans laquelle s’instille parfois certains des codes de la littérature courtoise, est avant tout destinée à une clientèle privilégiée constituée de la 6123 Se reporter à l’annexe 7. 1331 3. Approche croisée du mobilier archéologique noblesse et de la bourgeoisie aisée, même si cela est peu moins vrai à la fin du Moyen Âge pour les ornements de tête portés à l’occasion du mariage, les familles moins fortunées étant prêtes à certains sacrifices pour cet évènement d’importance. Bien évidemment, ces ornements ont disparus, à cause du recyclage des matériaux, privant le chercheur de beaucoup de données. La bague est en Provence le seul bijou de corps pour lequel il existe une production en alliage cuivreux, exceptionnellement en fer, inspirée des bagues orfévrées. Les symboliques attachées à la bague et le fait que ce bijou a toujours été porté par l’ensemble de la population y sont certainement pour beaucoup. Les ampoules et enseignes de pèlerinage sont par essence le plus souvent en matériau blanc pour une large diffusion dans la société, et les perles que l’on peut supposer être de chapelets, sont dans la grande majorité des cas sphéroïdales ou annulaires. Les bijoux sont des objets à caractère ornementaux, significatifs de liens sociaux mais pas seulement, ils sont aussi porteurs pour certains d’entre eux de symboles et d’emblèmes profanes ou sacrés, investis de pouvoirs de protection ou thaumaturgiques liés éventuellement liés à leurs matériaux : ce sont les bagues, les chapelets, des pendentifs, les ampoules, les enseignes et les médailles. Ils peuvent témoigner de liens d’affection, mais aussi des croyances privées d’une population qui, dans sa grande majorité, se rassure en se procurant de menus objets protecteurs. Les croix, trigrammes au nom de Jésus et autres inscriptions demandant la protection des saints apparaissant sur les bagues constituent des remparts contre le mal. Les vertus supposées des pierres font de même. Son lien intime avec la main, agissante, source de signes et de symboles, fait de la bague un parfait intermédiaire avec les puissances surnaturelles positives ou négatives. La documentation ne renseigne pas de manière directe et évidente sur la perception des provençaux concernant les pierres et leur couleur ou plus fréquemment les verres colorés censés les imiter qui ornent les bagues. Il existe une littérature spécialisée, celles des lapidaires, qui concentre les savoirs sur les vertus de chaque gemme, mais son accès est restreint à celui des élites cultivées. Il est probable, cependant, que les propriétés de quelques-unes d’entre elles soient véhiculées oralement, en tant qu’élément de la culture populaire. Les pendentifs de collier en os prenant la forme d’une dent ou consistant en fragments de branche de corail en sont les témoins. Le matériau des perles de certains chapelets, corail, ambre, jais, peut aussi avoir été choisi dans ce sens. Ces accessoires du costume sont des objets qui font partie du quotidien de leur propriétaire et ont été acquis dans leur environnement immédiat. De même, les provençaux préfèrent visiter un sanctuaire local pour demander une faveur particulière et ne goûtent pas outre-mesure les 1332 3. Approche croisée du mobilier archéologique pèlerinages lointains. Les enseignes qu’ils y achètent ont pour rôle de les protéger de leur vivant. Au contraire, la coquille Saint-Jacques, qui pourrait très bien avoir été vendue par des marchands itinérants, a pour rôle de protéger dans la mort. Les croyances populaires ne sont pas étrangères aux objets trouvés dans les sépultures. Les bijoux que l’on retrouve usuellement dans les sépultures sont des bagues, des perles ayant pu appartenir à un collier ou à un bracelet mais beaucoup plus vraisemblablement à un chapelet. En effet, lorsque leur localisation est connue, la majeure partie d’entres elles sont retrouvées à hauteur des mains, parfois disposées le long du corps, parfois réunies au bas du thorax. Ces effets personnels ne donnent aucune indication sur le fait que le corps ait été ou non habillé. La bague peut être celle du mariage ou une bague de dévotion et le chapelet celui que possédait le défunt avant de mourir ou bien peut-être a-t-il été acquis pour être spécialement disposé dans la tombe. La présence d’un chapelet dans de rares sépultures avant le XVIe siècle, dans une proportion plus importante par la suite montre bien qu’une de ses vocations est d’accompagner les morts dans leur dernier voyage, et ce quelle que soit le sexe et l’âge. Peut-être prend-t-il sur ce point la suite de la fonction de la coquille Saint-Jacques qui tend à se faire rare dans les sépultures d’Europe de l’Ouest passé le XVe siècle ? 1333 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle Les accessoires métalliques du costume sont le produit d’un processus économique qui répond à un besoin. Ce besoin peut être d’ordre fonctionnel, d’ordre ornemental, d’ordre fonctionnel et ornemental. Des aspects symboliques peuvent s’y attacher. La nature des accessoires du costume reflète d’une certaine manière la société qui les a fabriqués. Nous nous proposons dans ce dernier chapitre de synthétiser les données de notre recherche en y intégrant des informations complémentaires dans le cadre de deux axes de réflexion : - la production et le commerce des accessoires métalliques du costume, - les accessoires du costume comme éléments constitutifs de faits sociétaux. Nous traitons dans la conclusion générale de notre thèse des accessoires du costume dans le cadre de l’évolution de la mode. 4.1. Réflexions sur la production et le commerce des accessoires métalliques du costume De nombreuses observations relatives aux procédés de fabrication du mobilier du corpus ont été effectuées tout au long de l’étude typologique. Notre but n’est pas ici de revenir sur ces données, mais de s’intéresser aux personnes qui participent à la production et au commerce des accessoires métalliques du costume. Nous présentons dans un premier souschapitre les indices ou preuves d’une production d’accessoires du costume en Provence et nous nous interrogeons sur l’identité des artisans qui ont produit ou qui ont pu produire ces objets. Notre propos est centré sur les matériaux métalliques, sujet de notre recherche, et nous n’évoquerons donc pas directement les autres matières6124. Les artisans et commerçants assurant la vente des accessoires du costume et le coût de ces objets sont l’objet d’un deuxième sous-chapitre. Notre objectif n’est pas de faire une étude complète des acteurs de la vie économique concernés par les accessoires métalliques du costume mais d’apporter des éclaircissements sur les rôles respectifs des acteurs majeurs. La plupart d’entre eux, par 6124 Signalons que l’artisanat des matières dures d’origine animale est l’objet de la thèse de MarieAstrid Chazottes, doctorante à l’Université d’Aix-Marseille. 1334 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle exemples les orfèvres, les merciers et les marchands pourraient se voir consacrer une étude particulière tant les données disponibles sont nombreuses. 4.1.1. Les accessoires métalliques du costume : quels indices pour une production en Provence ? Le propos est organisé en cinq sous-chapitres. Le premier traite de l’artisanat de l’or et de l’argent dont l’importance sur le plan économique n’est pas à démontrer, le second de l’artisanat du fer, matériau qui est, pour la période d’étude, le plus utilisé dans la culture matérielle médiévale même s’il n’est pas le plus fréquent pour les accessoires du costume. L’artisanat du cuivre et de ses alliages est ensuite étudié : la majeure partie des pièces du corpus sont en ces matériaux. Pour finir, nous nous intéressons à l’artisanat de l’étain, du plomb et des alliages d’étain et de plomb. 4.1.1.1. L’artisanat de l’or et de l’argent La réutilisation ou le recyclage des métaux devait fournir la plus grande part des matériaux utilisés par les artisans, notamment en ce qui concerne l’or. Son exploitation n’a en effet été que ponctuelle et de faible envergure dans le sud-est de la France6125. Au contraire, la recherche de l’argent a donné lieu à de nombreux travaux dans les Alpes, les massifs varois, le Languedoc, le Roussillon et les régions immédiatement limitrophes. Le transport de l’or et surtout de l’argent depuis les lieux d’exploitation, depuis des centres urbains hors de Provence ou à l’intérieur de la Provence a marqué les tarifs de péage de son empreinte même si leur statut de métaux précieux et donc leur forte valeur financière a sans doute également eu une influence (fig. 7 et 8). Le nombre d’attestations dans les tarifs de péage reste toutefois inférieure à celui du fer et de l’acier ce qui donne une idée de l’ordre de grandeur de l’intensité des échanges (fig. 9 et 10). Rappelons que le rôle économique des matériaux précieux a conduit à l’élaboration de certaines dispositions. Charles II proscrit en 1298 l’exportation de l’argent hors d’Avignon6126. Les criées du 5 octobre 1372 en rappellent 6125 Se reporter au chapitre 2.2.1. Lettre transcrite dans Maulde La Clavière 1879 (p. 302, pièce XXVIII) d’après les ms 4658 et 4686 du fond latin de la BNF. Cette missive se retrouve également dans le registre AA 1 (2 MI 370) des archives communales d’Avignon, aux folios 70 r° et 70 v°. 6126 1335 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle l’interdiction6127. Elle est étendue à l’or en 14586128. Le tarif de Meyrargues de 1369 taxe la sortie des métaux précieux de la ville à 8 sous la charge alors que leur passage par la ville n’est redevable que de 5 sous (fig. 7). De même, les municipalités de Marseille et d’Avignon ont organisé un contrôle de la qualité des matières premières par des spécialistes mandatées par elles avant la mise en œuvre des métaux ou au moment de leur vente6129. L’épicier Jean Marin apporte ainsi à l’argentier avignonnais Claude Avinent 2 onces et 23 deniers d’or pesé et poinçonné pour réaliser la chaîne qu’il souhaite6130. Le recyclage des métaux précieux nécessite des compétences particulières lorsque l’alliage d’or ou d’argent n’est pas à la proportion en or ou en argent voulue ou imposée par la réglementation. La teneur en métal précieux peut être corrigée par adjonction d’un élément d’alliage. Les différents éléments d’alliage peuvent être séparés par « affinage ». Cette opération est de la compétence des « affinateurs d’or et d’argent ». L’argentier turinois Jacques Mercier se propose d’apprendre ce savoir-faire de l’affinator avignonnais Pierre Fabre en 1430 et ce contre une forte rétribution : 66 florins6131 ! Le travail de l’or et de l’argent est avant tout l’œuvre des orfèvres et des argentiers. Les premiers travaillent théoriquement plus spécifiquement l’or et les seconds l’argent. Toutefois, il n’existe pas de frontière imperméable entre les deux. Les orfèvres sont beaucoup plus nombreux que les argentiers dans les sources écrites provençales. Du fait de l’absence de découvertes archéologiques relatives aux ateliers des artisans de l’or et de l’argent en Provence, seules les sources textuelles renseignent sur le sujet. Les orfèvres et argentiers y apparaissent relativement nombreux, notamment dans les grandes villes. Ils produisent de la vaisselle6132, des instruments liturgiques6133, des reliquaires6134 mais surtout des accessoires du costume. Le mobilier provençal n’est pas représentatif de l’étendue de la production des accessoires du costume en or et en argent. Treize bagues, un serti et une boucle d’oreille sont en or. Onze bagues et le serti comprennent également un morceau de verre, une pierre ou une perle. Dix-sept bagues sont en argent et le serti de l’une d’elles retient du corail. Trois 6127 Girard et Pansier 1909, p. 78. Ibid., p. 134, articles 27 et 28. 6129 Pour une analyse plus détaillée, se reporter au paragraphe 2.2.1. 6130 AD Vaucluse, 3 E 8 454, f° 166 v°. 6131 Se reporter au chapitre 2.2.1. 6132 Voir par exemple Pansier 1913 (p. 91, 92, 108). 6133 Se reporter par exemple à Schäfer 1911 (p. 281 et 306, etc.), à Pansier 1912 c (p. 118, 122, etc.) ou à Pansier 1913 (p. 87 et 90). 6134 Voir par exemple Pansier 1912 c (p. 126, 128) ou (Pansier 1913, p. 89). 6128 1336 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle enseignes religieuses dont deux cousues dans des livres sont également en argent et une médaille est en vermeil. La totalité des artefacts en matériaux précieux du corpus sont donc des bijoux – presque tous des bagues – et des objets de dévotion. La plupart de ces objets ont été retrouvés en contexte funéraire, dans des sépultures ou dans les remblais. Les bijoux ont été déposés avec les corps qui les portaient ce qui a permis leur préservation jusqu’à leur découverte. Le mobilier mis au jour dans les remblais résulte pour une large part d’inhumations bouleversées. Les objets en or et en argent trouvés sur d’autres sites ont été perdus et non jetés dans un dépotoir. Leur valeur financière conduit en effet logiquement à une réutilisation de la matière des objets. Les sources écrites mentionnent très régulièrement des accessoires de la ceinture en argent et en argent doré, très rarement en or. Il semble que la production de ces éléments métalliques ait constitué avec les bagues, souvent en or, une partie notable de l’activité des artisans. Les orfèvres du roi René sont régulièrement sollicités pour la fabrication de bagues et de bijoux de cou, notamment des colliers. Les colliers apparaissent toujours en or. L’élaboration d’ornements de la coiffure, de bracelets, de boutons, est pratiquement absente des sources provençales et n’est illustrée que par des travaux réalisés par des orfèvres du pape ou du roi René. Ces pièces sont en or. La fabrication d’enseignes en métal précieux pour les sanctuaires provençaux est illustrée indirectement par les comptes du roi René : acquisition d’enseignes en argent de saint Pierre de Luxembourg en 1447, d’enseignes en argent de sainte Marie-Madeleine en 1478. Ces achats sont complétés par la fabrication d’enseignes par les orfèvres du roi6135. Dans un contrat daté de 1490, les religieux de l’abbaye de Montmajour accordent à l’orfèvre arlésien Antoine Fet, contre douze florins par an, l’exclusivité de la production d’images en or et en argent relatives au pèlerinage de saint Antoine6136. La production d’épingles, d’agrafes vestimentaires, de boucles d’oreille et de perles orfévrées n’est pas attestée en Provence par la documentation rassemblée. La fabrication des épingles n’est pas véritablement un travail d’orfèvrerie et les boucles d’oreilles qui ne sont connues que pour la fin de la période d’étude demeurent un bijou très rare. Pour le reste, le nombre des attestations rencontrées dans la bibliographie est sans doute représentatif de la fréquence de la production des accessoires par les artisans des métaux précieux. Les orfèvres et argentiers fabriquent différents produits qu’ils proposent ensuite à la vente. Une partie de leur activité est lié à des commandes. Elles devaient constituer une part 6135 6136 Arnaud d’Agnel 1908, n° 546 et 996. Baudat 1999, p. 19. 1337 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle notable de l’activité des artisans employés par le roi René. Les artisans les plus souvent rencontrés dans les comptes du roi sont Charles Raoulin entre 1447 et 1451, Jean Nicolas entre 1451 et 1453, le dénommé Gabilleau entre 1476 et le début de l’année 1479, Jacques d’Escalles de 1477 à 1480. La proportion des commandes dévolues à ces artisans est plus importante pour la première période que pour la deuxième, car le nombre des artisans sollicités augmente sensiblement durant les dernières années de la vie du roi René. Les comptes de la chambre apostolique d’Avignon font assez peu référence à des orfèvres ou argentiers pour la fabrication d’accessoires du costume. Ces pièces sont en effet pour la plupart achetées à des marchands ou leur fabrication confiée à ces personnes qui se chargent d’employer les artisans nécessaires. Concernant les commandes du reste de la population, nous avons déjà évoqué dans ce chapitre le cas de Claude Avinent et de la chaîne qu’il souhaite obtenir avec l’or qu’il procure. Nous avons également traité dans le chapitre 3.4.5 de la commande datée du 6 novembre 1422 d’un collier en or avec des clochettes par un marchand d’Avignon à un orfèvre de la même ville, l’artisan devant faire le collier selon la forme et maniere qu’il – le marchand ? – a baille en pourtraiture en ung papier et rendre le métal net et bruni. Le poids du bijou et la nature de l’alliage d’or utilisé sont fixés de même que la forme des rubis balais, diamants et perles à ajouter, et la forme et la couleur des pendants émaillés6137. Nous pouvons également rapporter un prix-fait établi le 24 janvier 1469 entre Jean Milon nourriguier d’Aix et Henri Johannet, argentier de cette même ville6138. L’argentier est chargé de réaliser, pour un prix de 23 florins, trois ceintures avec des pièces métalliques en argent, à la teneur en argent de la « curie », pour un poids total de trois marcs et deux onces, tissu inclus. Chaque ceinture doit comporter une boucle avec sa chape – le mot mordant est ici utilisé pour désigner la chape –, douze appliques carrées dorées dont huit avec une petite tôle (?) émaillée (cum tauletis malhatis) et quatre avec une bossette (cum bolhonis) qu’il devra disposer sur une lanière de tissu de couleur pers longue de quatre palmes et de largeur laissée au choix de l’artisan. L’artisan promet de rendre les ceintures terminées aux prochaines fêtes de Pâques. La fourniture du tissu est à la charge de l’artisan jusqu’à concurrence de six gros la palme. Audelà, le surcoût est à la charge du nourriguier. Dans le cas où la masse de la ceinture, argent inclus, serait supérieure au poids fixé, Jean Milon doit payer le supplément jusqu’à un maximum d’une once. Jean Henriet est tenu de rembourser Jean Milon au prorata du poids qui 6137 6138 AD Vaucluse, 3 E 12 969, f° 15 r° - 16 r°. Annexe 8, doc. 15. 1338 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle n’aurait pas été atteint. Dans ce document comme dans plusieurs actes notariés étudiés dans le chapitre 3.1.1.2, la valeur des ceintures est évaluée en tenant compte de son poids total, pièces métalliques et tissu inclus. De fait, la masse d’argent mise en œuvre reste indéterminée et donc l’évaluation du coût de ce matériau dans le prix total. Le coût du travail de l’artisan est rarement signalé même dans les prix-faits où il est porté plus d’attention aux caractéristiques des objets à produire qu’au relevé précis du détail des coûts. Dans les comptes du roi René, par exemple, les dépenses sont régulièrement accompagnées d’une formule type, pour or, facon et dechiet ou a lui facon, esmailleure et dechiet6139. Quelques documents fournissent toutefois une information détaillée. En 1422, un orfèvre d’Avignon reçoit 18 florins courant de Paris pour chacun des sept marcs d’or à 20 carats au poids de Paris travaillés à l’élaboration d’un collier à clochettes6140. Ce bijou, commandé par un marchand parisien, doit peser entre six et sept marcs, une perte en métal est donc prévue. En 1447, le travail de l’orfèvre d’Avignon Ligier dans la fabrication d’enseignes en argent pour le roi René équivaut à 55,6 % du prix final, à 44,4 % pour des enseignes en or6141. Il correspond à 36,5 % du prix estimé de cinq douzaines de bagues dans un inventaire de marchandises à Avignon en 15666142. Il s’élève à 43 % pour un bijou de coiffure mêlant or et argent dans ce même document6143. La perte de métal est calculable une fois dans la documentation étudiée : en 1477, à la fin de la fabrication d’une bague pour le roi René, il reste 81,4 % du poids initial de 21 deniers 12 grains d’or6144. L’orfèvre et l’argentier travaillent dans un atelier avec éventuellement des compagnons, apprentis et ouvriers sous leurs ordres. Sept actes notariés provençaux permettent de donner un aperçu assez complet de l’ameublement de travail, des outils, ustensiles et machines utilisés dans l’art de l’orfèvrerie (fig. 611) mais, pour nombre d’entre eux, également susceptibles d’être employés pour le travail du fer et des alliages cuivreux. Ces documents sont d’autant plus intéressants que nous manquons d’informations sur les artisans des matériaux non précieux ayant produits des accessoires du costume. Le plus ancien acte notarié, daté de 1415, est un inventaire après-décès de l’ensemble des biens de l’orfèvre marseillais Bertrand de Vellaux6145, y compris de sa butiqua. Un deuxième document de 6139 Arnaud d’Agnel 1908, n° 849. AD Vaucluse, 3 E 12 969, f° 15 r° - 16 r°. Mentionné dans Bayle 1883, p. 448-449. 6141 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 537 et 546. 6142 Annexe 8, doc. 25. 6143 Annexe 8, doc. 25. 6144 Arnaud d’Agnel 1908, n° 931 et 936. 6145 AD BDR Marseille, 351 E 142, f° 28 r° - 29 v°. 6140 1339 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle même nature, enregistré en 1418, mentionne les ferres de l’atelier de l’argentier aixois Jean de Piémont6146. Le troisième acte est relatif à une location d’outils (ferramenta) entre deux orfèvres d’Avignon signée en 14956147. Deux autres actes concernent des contrats de location d’une même maison d’Avignon avec atelier d’argentier et ses utencila, l’un daté de juillet 1497 avec un loyer annuel de 18 florins, l’autre de juillet 1498 avec un loyer de 22 florins. Dans les deux cas, les locataires sont deux argentiers associés6148. Les deux dernières pièces sont des inventaires après-décès, pour le plus ancien, établi en 1498, de l’argentier de Draguignan Elzéar de Gleize6149, pour le plus récent, dressé en 1587, de l’orfèvre aixois Elzéar Jartoux6150. Les meubles de l’atelier consistent en des bancs et sièges en bois, en des plots auxquels sont attachés des outils, en un établi et/ou des tables de travail, éventuellement avec des tiroirs (cayssoni) et une ou des pelles6151. Une claie peut être posée sur la surface de travail pour recevoir les déchets métalliques qui seront refondus. L’interprétation n’est pas certaine pour les mots gabia et trellis (Pr.) et trelirum (La.) qui pourraient désigner un treillis auquel sont attachées les productions de l’atelier pour la vente. Pour éviter le vol, une vitrine en noyer fermant à clef permet de présenter les produits. Les instruments et outils peuvent être distribués en plusieurs groupes. Le premier groupe inclut les instruments destinés à évaluer la qualité et la masse des matériaux mis en œuvre et des objets tout au long du processus de fabrication. La nature des alliages est déterminée au moyen de la pierre de touche, variété de pierre noire qui reçoit, par frottement, une trace laissée par l’objet à tester. Des échantillons d’or ou d’argent à divers titres sont passés sur la pierre : ces traces sont dénommées « touches ». Un acide, différent selon qu’il s’agit d’or ou d’argent, est versé sur la pierre. Selon la couleur finale de la trace observée, il est proposé une estimation du pourcentage de métal précieux dans l’alliage. La formulation toca de lacce rapportée dans l’inventaire de 1418 est particulièrement révélatrice : elle est vraisemblablement issue de l’italien toccare, toucher et luce, lumière6152. Une ou plusieurs balances accompagnées de poids sont utilisées pour le pesage des métaux. Deux désignations 6146 Annexe 8, doc. 10. Annexe 8, doc. 11. 6148 AD Vaucluse, 3 E 9 (1) 524 (11 mars 1497) et annexe 8, doc. 13 pour le plus complet (9 juillet 1498). 6149 Annexe 8, doc. 12. 6150 Annexe 8, doc. 14. 6151 La signification de ce mot reste obscure. 6152 Se reporter au dictionnaire de A. Antonini, 1770. 6147 1340 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle sont adoptées pour nommer l’instrument de pesée : le mot « balance » et le terme « trébuchet ». Le premier peut tout aussi bien désigner une balance à colonne qu’une balance à fléau. Dans la balance à colonne, le support vertical fixe ou colonne est percé par un prisme en acier qui traverse perpendiculairement le fléau, en son milieu et donc en son point d’équilibre. Aux extrémités du fléau sont suspendus les plateaux, mentionnés dans un cas par le terme taceus. Une variété de balance à colonne, qui permet une plus grande précision, est le trébuchet6153. La balance à fléau ne repose pas sur une colonne mais comporte une pièce métallique qui permet de la suspendre. Dans les actes consultés, l’ensemble des poids depuis le plus petit jusqu’au plus gros d’une masse d’un marc est nommé « poids d’un marc ». L’inventaire de 1418 enregistre un marc de deux onces : est-ce un ensemble de poids dont le plus lourd est de deux onces ? Nous le pensons et sommes tenté d’identifier ces « marcs » avec ces poids tronconiques qui s’imbriquent tels des poupées russes et dont il est visible des exemplaires devant saint Éloi, patron des orfèvres, dans une peinture de Petrus Christus datée vers 1449 (fig. 622). Un deuxième groupe inclut (fig. 611) des instruments de traçage qui assistent l’artisan dans la confection des formes des pièces à fabriquer. L’artisan peut s’appuyer sur l’emploi de patrons en plomb, d’une équerre ou d’un compas pour les figures géométriques. Le plomb offre l’avantage de se fondre et de se travailler aisément ce qui facilite l’élaboration de patrons qui peuvent être recyclés une fois leur fonction achevée. Les instruments et outils relatifs au foyer métallurgique sont relativement peu nombreux. Le foyer lui-même n’est mentionné qu’une unique fois, en 1498, par le terme fabrica. Il est alors muni de soufflets. Ces derniers apparaissent invariablement dans les documents, au contraire du tisonnier. Le foyer est une structure probablement en argile ou en briques, comportant peut-être un peu de pierre, qui n’a pas de valeur financière et n’a donc pas lieu d’être citée par le notaire. Outre cette construction, l’inventaire de 1498 mentionne deux fornelli. Il est probable qu’il s’agisse de fourneaux, c’est-à-dire de petits récipients remplis de braise. Un ou des creusets de ressuage en matière réfractaire6154 servent à séparer l’or ou l’argent d’éléments d’alliage. Le métal est coulé dans des moules pour obtenir des pièces ou des parties de pièces, dans des lingotières – éventuellement cloisonnées 6153 Il existe des trébuchets de Limoges : un trebuchet de Limoges avec ses pois et balances est vendu trente sous en 1601 lors d’une vente à l’encan à Bollène dans le Vaucluse (B 1526, f° 494 r°). 6154 « Les qualités essentielles des bons creusets sont celles-ci : ces vaisseaux doivent résister au plus grand feu sans se casser et sans se fendre ; ils ne doivent rien fournir aux matières qu’ils doivent contenir ; enfin ils ne doivent être pénétrés par aucune substance ni les laisser échapper à travers leurs pores » (Julia de Fontenelle 1832, t. 1, p. 388). 1341 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle (mejanum6155) – pour en faire des lingots. Ces derniers sont ensuite travaillés par déformation plastique pour fabriquer de la tôle ou des tiges susceptibles de passer à la filière. L’obtention de fils métalliques passe par le tréfilage : il s’effectue par le passage en force du fil métallique par les trous de plus en plus petits d’une filière. Plusieurs procédés ont été utilisés pour tirer le fil durant la période d’étude : par la seule force humaine, l’extrémité du fil étant pincée par les mors d’une tenaille tenue par l’artisan, éventuellement assis sur une balançoire pour économiser les déplacements ; ou au moyen d’une machine. Cela peut être un banc à tirer : les tenailles sont fixées à l’extrémité d’une sangle qui s’enroule autour du rouleau d’un treuil. Une autre méthode utilise de petites roues à manivelle disposées de part et d’autres de la filière. Une analyse plus approfondie des différentes techniques est menée dans l’annexe 1. Signalons que le roi René fait payer dix escus de gages – soit 25 florins – pour le mois d’août 1478 à Maître Leornardo, ouvrier d’or tiré6156. Un nombre important d’opérations du processus de fabrication et notamment la plupart de celles relatives à la déformation plastique du métal ne peut être réalisé sur l’établi ou d’autres tables de travail. Des outils en métal, en bois ou en pierre servent alors de support. La majorité d’entre eux sont des enclumes ou tas montés sur une queue enfoncée dans l’un des trous creusé depuis la face supérieure d’un affût ou billot de bois dur. L’artisan emploie l’enclume dont la forme est adaptée à la tournure de la pièce en cours d’exécution ou de celle qu’il veut lui donner. Le support de frappe doit s’approcher au plus près du rayon de courbure de la pièce afin d’éviter les déformations et déchirures6157. L’orfèvre prend aussi en compte la nature du métal travaillé. Les coups donnés à la pièce, maintenue en place sur l’enclume au moyen de pinces, sont plus doux avec une enclume en laiton telle que celle mentionnée dans l’inventaire de 1418, que s’ils sont donnés sur une enclume en fer. À chaque type de déformation plastique correspond un tas ou enclume ainsi qu’un marteau spécifique. Parmi les types de déformations plastiques, la rétreinte et le planage sont des opérations typiques de la fabrication des récipients et de quelques ustensiles de table. Par conséquent, les outils nécessaires n’ont pas été utilisés pour la confection des accessoires du costume et il n’est donc pas utile de s’y attarder6158. L’enclume ou tas à forger est le type de 6155 Le terme mejana équivaut à mitoyen, cloisonné dans le dictionnaire de F. Mistral (1879-1882). Arnaud d’Agnel 1908, n° 1009. 6157 Nous avons pu lors de notre master 1 interviewer un dinandier sur le travail de la tôle (Thuaudet 2007, annexes, p. 56). 6158 La rétreinte est une opération qui utilise un marteau avec une panne à bec à l’extrémité arrondie, en bougeant légèrement la pièce d’une main, après chaque coup, et en gardant un certain angle par rapport au support de frappe, afin d’incliner la tôle. La tôle initialement plate se transforme peu à peu 6156 1342 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle support à tout faire. S’il comporte deux excroissances en forme de corne il est dénommé bigorne. Un petit tas à tête bombée permet de donner de la courbure aux pièces. Le triboulet est une barre de fer à bout conique qui permet d’arrondir des tiges, de souder des cercles, d’élargir des bagues. De configuration totalement différente, la pierre de marbre est une plaque de cette pierre sur laquelle sont probablement battus la tôle et la feuille d’or ou d’argent. Le battage de l’or est aussi l’objet d’un métier spécifique en Provence6159. Voici quelques-uns des noms relevés : pour Avignon, Gilles Loparel en 13216160, le sieur Nerio en 13496161, Antoine Cordié ou son fils en 14986162 et Benoit Daudre en 16016163 ; pour Aix-enProvence, Sébastien Vaneren en 15236164. Selon leur finesse, les feuilles sont employées à la dorure, à des travaux d’orfèvrerie ou découpées pour faire des ornements de costume : de l’or clicant est découpé avec des ciseaux pour décorer le costume de danseurs de moresque à Avignon en 14786165. Le matériau des marteaux mentionnés dans les actes notariés étudiés (fig. 611) n’est pas renseigné : de nombreux exemplaires ont dû être en fer mais l’usage d’exemplaires en bois – des maillets – paraît probable car leurs coups sont plus doux. Les marteaux ne sont pas seulement employés au contact direct du matériau à travailler, ils sont également nécessaires pour le fonctionnement des outils percutés que sont les poinçons, famille d’outils à laquelle en une forme bombée. L’artisan ne doit pas frapper trop longtemps au même endroit, car dans le cas contraire, il détruit le travail effectué auparavant, et si le métal s’écrouit, la tôle risque au coup suivant de se déformer ou de se fendre. Le phénomène d’écrouissage concerne les métaux comme l’or, l’argent et le cuivre et consiste en un durcissement de la matière à force de coups. Les métaux qui ne s’écrouissent pas, comme l’étain et le plomb ne peuvent pas se fendre mais éventuellement se trouer. La rétreinte consiste donc à repousser le métal et à faire élever les parois de la pièce. La tôle s’allonge et perd ainsi en épaisseur. L’opération de planage a pour but de faire disparaître les déformations liées au travail du métal ainsi que les traces d’outils. Elle s’exécute à l’aide d’un marteau à planer à panne plate et polie sur un tas plat et poli en tapant successivement et également sur toutes les parties du métal, ordinairement de la base vers la circonférence dans le cas d’un récipient, afin d’enlever tous les plis. Il provoque un gonflement du métal car les plis en se résorbant augmentent le rayon de la pièce. Cette opération a aussi pour effet d’unir l’épaisseur de la pièce ce qui diminue les risques de cassure et de déformation liés à l’hétérogénéité de la matière. L’artisan alterne les passes de rétreinte et de planage avec un recuit – réchauffage de la pièce de métal – afin de lui redonner de la ductilité. Ces données sont issues d’une enquête menée fin 2006 auprès du maître dinandier Jean Marty qui opérait à Apt (consultable dans Thuaudet 2007). On peut également se reporter à Jullien et Valério 1846, 1981², à Perrier 1979. 6159 Se reporter au chapitre 2.2.1. pour une étude plus détaillée. 6160 Faucon 1884, p. 92-94. 6161 Schäfer 1914, p. 908. 6162 Bayle 1888, p. 152. 6163 Annexe 1, doc. 9. 6164 AD BDR Aix, 307 E 489, f° 68 r° - 69 v°. 6165 Bayle 1888, p. 22. Pour plus de précisions de reporter au chapitre 3.2.1.1. 1343 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle appartiennent les emporte-pièces, les étampes, les emboutissoirs et les repoussoirs. L’emporte-pièce permet de découper et d’enlever en un seul coup une pièce de forme particulière dans la tôle métallique. L’étampe est une matrice en acier qui imprime un motif sur le métal. Elle est utilisée dans le cadre de la fabrication de « bulettes », de « boulons », de pièces de la ceinture, de croix, etc. Le terme emboutissoir n’est présent que dans l’inventaire de 1418 qui mentionne également l’étampe. Ces deux mots pourraient désigner le même type d’outil. Deux fers à confectionner des tasses sont mentionnés en 1415 : sont-ce des gabarits ou des outils percutés ? Le repoussoir se distingue par sa petite tête qui, à la suite de coups multiples, va faire apparaître une forme en relief au revers de la tôle. L’inventaire de 1498 enregistre vingt trois poinçons pour faire des perles de chapelet et des pièces de ceinture et une livre et demie de poinçons gravés de lettres, chaque lettre étant représentée par deux poinçons. La déformation plastique peut également s’opérer sans l’aide du marteau, au moyen de tenailles pour plier la tôle ou pour enrouler du fil. Des « fers » de cuivre ou de laiton sont employés ad torsendum cathenas : sont-ce des mandrins entre lesquels est enroulé du fil pour la confection des maillons6166 ? La tôle et le fil peuvent être découpés au moyen d’une cisaille. Ainsi que les pièces issues de fonte, ils sont susceptibles d’être travaillés au burin, avec des ciseaux ou un ciselet pour ciseler et graver la surface du métal. Les usages du foret et de la lime sont multiples. L’assemblage des pièces en métal est réalisé par brasage ou rivetage. Pour le rivetage, il peut être fait usage d’un petit massif métallique comportant un œil – un trou sur la face supérieure – pour permettre à la pointe d’un poinçon de traverser le métal. Cette perforation est ensuite comblée par un rivet dont le bout en contact avec l’enclume est maté en même temps qu’un petit marteau écrase la tête. Le chasse-rivet est une sorte de poinçon qui permet de river les clous en cuivre. Le brasage est précédé par un limage des zones à réunir pour les nettoyer. Ces zones sont ensuite recouvertes de borax en poudre contenu dans un rochoir (rochador), une petite boîte percée dans sa partie inférieure6167. La poudre de borax forme un film protecteur sur la surface métallique qui évite la formation d’oxydes et absorbe les scories. Au moyen de brucelles – de petites pinces plates – l’artisan appose un ou des fragments de brasure à l’état solide qu’il recouvre de borax. L’ensemble est ensuite légèrement chauffé afin 6166 Se reporter aux planches du métier de chaînetier dans le volume 2a des planches de l’Encyclopédie de D. Diderot et J. le R. d’Alembert (1751-1776). 6167 On peut se reporter à l’article Rochoir de l’Encyclopédie de D. Diderot et J. le R. d’Alambert (1751-1776). 1344 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle que le borax sèche et que la brasure ne tombe pas. Du fil de fer peut être utilisé pour empêcher les pièces de bouger pendant le brasage. Une autre méthode consiste à chauffer le bout d’un fer à braser, une tige de métal dans un manche en bois, puis à le tremper dans de la brasure et à l’appliquer sur la zone à réunir6168. Avant d’en terminer avec sa pièce, l’artisan nettoie le métal avec une gratte-boësse (fig. 611). Il polit ensuite le métal nu avec un touret, une sorte de petit tour, ou avec un brunissoir qui peut être en métal, en os ou une « pierre sanguine ». L’ensemble ou une partie de la surface de la pièce peut alors être dorée, argentée ou émaillée. La dorure et l’argenture se font par application au moyen d’un pinçon, d’un tissu, d’une coquille d’œuf, etc., d’un amalgame d’or ou d’argent et de mercure6169 depuis une plaque à dorer où le mélange a été préparé. La pièce dorée ou argentée est ensuite chauffée pour faire s’évaporer le mercure. Un brunissage permet de boucher les pores et de donner une meilleure adhérence à la couverte d’or ou d’argent. L’émaillage commence par la pose des pigments, préalablement broyés dans un mortier, en suspension dans une huile qui se volatilise à haute température. Les pigments fondus adhèrent ainsi au support. La dorure est une opération qui peut être l’objet d’un métier spécialisé. Un certain Thierry d’Ayser, daurerius, est connu par son testament daté du 5 juin 14776170 et par la location d’une maison pour sept ans à douze florins par an le 18 septembre 14856171. D’après la documentation rassemblée par L. Honoré pour les XVIIe - XVIIIe siècles, le doreur est chargé de tous travaux de dorure quel que soit le support : tableau, bois, pierre, métal, etc.6172. La dorure et l’argenture pouvaient sans doute aussi être pratiquées par les artisans du fer et des alliages cuivreux pour leur propre production. Les orfèvres et argentiers mettent en œuvre des pierres pour des bijoux. Elles leur sont confiées par les clients ou ils se les procurent 6168 Se reporter aux articles Souder et Soudure de l’Encyclopédie de D. Diderot et J. le R. d’Alambert (1751-1776) et aux articles Brucelles, Instruments à souder et Rochoir du tome 1 du Manuel du bijoutier de J. S. E. Julia de Fontenelle (1832). 6169 Un mandat de paiement de la ville d’Avignon à un argentier signale la dorure au mercure pour une lampe d’argent appartenant à l’église Notre-Dame-des-Doms : Item pour dorer ladite lampe pour argent vif et pour la penne dudit argentier fl. V (Pansier 1912c, p. 118). Il en est de même pour la dorure de la châsse de cette église : ... Plus pour neuf lyvres et demye d’argent vif à raison de dix gros la lyvre, monte fl. VII gr. XI. Plus en charbon, charges six à raison de gr. VI den. IIII la charge, fl. IIII gr. I (Pansier 1912c, p. 128). 6170 AD BDR Aix, 307 E 77, n. f. 6171 AD BDR Aix, 308 E 583, f° 171 v° - 172 r°. 6172 L. Honoré a répertorié en Basse-Provence pour les XVIIe - XVIIIe siècles trente-six doreurs, huit ouvriers à la fois peintre et doreur, sept autres à la fois sculpteur et doreur, trois argenteurs, une personne peintre et orfèvre, une autre orfèvre et graveur, une autre à la fois musicien et orfèvre. Il a également enregistré 128 orfèvres pour les les XVe - XVIIIe siècles, la très grande majorité pour les deux derniers siècles (Honoré 1927, p. 21, p. 22-124). 1345 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle auprès de marchands ou de lapidaires. C’est à ces derniers qu’est ordinairement confié la taille des pierres dures : en 1470, Antoine Cruce, membre de la maison du roi René, donne à Pierre Grossellier, taliator diamentum sive diamans, dix-neuf diamants du poids de 26 carats à tailler « en table »6173. En 1472, les comptes du roi René enregistrent l’achat à deux individus d’un total de 18 carats de diamens brutz pour taillez des camaieux, c’est-à-dire des camés6174. La taille de ces pierres a pu être réalisée par un orfèvre attaché à la personne royale. Le travail du corail est l’objet d’un artisanat particulier qui a eu une grande importance à Marseille. Le corail est utilisé par les orfèvres sans que l’on sache s’ils taillent eux-mêmes la matière ou se contentent d’inclure des morceaux de branche ou des fragments de corail acquis auprès d’artisans spécialisés dans ces bijoux : en 1498, l’inventaire après-décès des biens d’Elzéar de Gleize, orfèvre de Draguignan, comprend une livre et demie de branches de corail, petites et grandes, garnies d’argent6175. L’orfèvre a la possibilité de procéder lui-même à l’entretien de certains de ses instruments de travail (fig. 611) tels que les outils tranchants – ciseaux, emporte-pièces, tenailles à couper, etc. – en les réaffûtant avec une pierre à aiguiser. Trempée dans l’huile pour un affutage encore plus fin, elle prend le nom de pierre à huile. Plusieurs méthodes existent pour retailler les limes, Théophile, l’auteur du De diversis artibus rédigé au XIIe siècle en mentionne trois : par percussion avec un marteau à double tranchant, par percussion avec un ciseau, par l’emploi d’un « couteau »6176. Ce dernier outil est mentionné dans l’inventaire de 1418. Actuellement nommé raclette, il consiste en une barre quadrangulaire dont seuls les angles sont munis de dents qui taillent la surface de la lime par raclage6177. Quelques autres outils ou instruments relevés dans la documentation sont de fonctionnement inconnu et éventuellement d’usage indéterminé. Le maniement et la configuration du fer à fabriquer des aiguillettes n’ont pu être reconstitués pour le moment. La fonction du « passe-limaille » reste pour le moins imprécise : est-ce une sorte de réceptacle pour la limaille d’or et d’argent à refondre ? Enfin, les deux gries mentionnées dans l’inventaire de 1418 avec des burins et des ciseaux n’ont pu être identifiés. L’absence dans les documents étudiés de poinçons d’atelier ou du moins identifiés comme tels, pour procéder au marquage de la production, peut surprendre alors que dans de 6173 Se reporter au chapitre 2.3.1 pour plus d’informations sur ce contrat. Arnaud d’Agnel 1908, n° 889 et 890. 6175 Annexe 8, doc. 12. 6176 Hendré (Édit.) 1847, p. 222, 224 (livre III, chapitre XIX). 6177 Manet 2012, p. 4. 6174 1346 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle nombreuses villes6178 l’enregistrement de ces marques et leur insculpation sur les produits était obligatoire et avait pour but de garantir l’acheteur contre la fraude. Une criée avignonnaise de 1458 spécifie toutefois que la teneur en or et en argent de la matière première et des objets produits par les orfèvres et argentiers doit être vérifiée par un expert mandaté par la cité qui appose le poinçon de la ville. Seuls les objets de trop petite taille échappent au marquage6179. Si le client apportait la matière première, celle-ci devait tout de même avoir été vérifiée et poinçonnée : en 1475, l’orfèvre Claude Avinent d’Avignon confesse avoir reçu de Jean Marin, épicier habitant Avignon, 2 onces 23 deniers d’or fait pesé et poinçonné par ledit Marin, pour faire une chaîne en or6180. Il n’est jamais fait mention dans les sources écrites provençales consultées de l’apposition d’un poinçon d’atelier. Ce type de poinçon, au contraire du poinçon municipal obligatoire dont l’objectif est de contrôler l’origine et la qualité des marchandises, peut avoir un intérêt économique. Dans le cas d’un atelier dont la qualité de la production est reconnue, apposer sa marque lui permet de rallier une clientèle et lui procure donc un avantage concurrentiel6181. Le lieu de fabrication des outils mentionnés dans les documents étudiés n’est pas renseigné. Certains ont pu venir d’Italie, les centres métallurgiques de Florence, de Milan mais aussi de Gênes, dans une moindre proportion, fournissent de nombreux outils à la boutique avignonnaise de la compagnie Datini. Un certain nombre de ces outils étaient destinés à œuvrer le fer mais quelques-uns d’entre eux sont spécifiques au travail de l’argent. C’est le cas des gratte-boësses (grattapugie), fil de laiton pour nettoyer l’argent6182, des limes (lime) pour argentier6183, de deux paires de tenailles à becs pour le rivetage des pièces d’argent des ceintures (tanalgle becchute da lato per ischiavare cinture d’argento)6184, de deux filières pour tirer le fil d’argent (ferri da trarre filo d’ariento), l’une pour des fils très minces, l’autre pour des fils de tous diamètres, quelques trous devant être du diamètre d’un cheveu (sottile come uno chapello)6185. Des étuis à outils de forge (ferriere) en cuir noir sont aussi mentionnés6186. 6178 En 1466, les marques d’atelier des orfèvres jurés d’Angers étaient enregistrées sur un tableau de cuivre (Lecoy de la Marche 1875, t. 2, n° 578). 6179 Girard et Pansier 1909, p. 134-135, articles 31 à 33, p. 175, article 216. 6180 AD Vaucluse, 3 E 8 454, f° 166 v°. 6181 Pfister 2008, p. 175, 177, 183. 6182 Frangioni 2002, p. 146, 159. 6183 Ibid., p. 118. 6184 Ibid., p. 115. 6185 Ibid., p. 159. 6186 Ibid., p. 115, 130. 1347 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle Dans la documentation provençale, les outils les plus onéreux sont les soufflets de forge et les enclumes. Les premiers ainsi que la majorité des enclumes sont utilisables par la plupart des artisans des métaux. Ils font couramment l’objet de locations par des artisans n’ayant pas les moyens de les acheter. En 1487, un orfèvre d’Aix prend en location une enclume pesant un quintal marquée du signe de la corde, signata signo ad modum cordis, pour un an au prix de 1 florin6187. Toujours à Aix, en 1549, un serrurier de Pertuis loue à l’orfèvre Etienne Pollet des bouges et ung inclume du poids d’un quintal et demi pour un an à raison de 7 florins6188. En 1562, un autre orfèvre de la même ville reçoit d’un de ses confrères deux grosses souffles à raison de 40 sous par an6189. Beaucoup moins coûteux est un petit tas rond et bombé de fer que se procure un orfèvre d’Aix, en 1570, au prix de 6 sous par an, auprès de la veuve d’un orfèvre6190. Les variations de prix observées sont relatives au poids de métal, à l’état et, sans doute pour une grande part, à l’offre et à la demande. Le coût de location de la grande enclume de fer et des soufflets de forge reste cependant extrêmement élevé. Il est donc particulièrement surprenant de constater qu’un orfèvre d’Avignon ne demande en 1495 à un de ses confrères que 16 sous de loyer annuel pour 45 outils et machines nécessaires à son travail dont de nombreuses enclumes et tas ainsi que des soufflets (fig. 611). Un lien familial ou amical particulier devait lier ces deux personnes. Peu de temps après, dans la cité comtadine, une maison avec un atelier d’argentier garni d’outils est louée 18 florins par an en 1497 et 22 florins en 1498 avec des outils supplémentaires (fig. 611). À la même époque, la location annuelle d’une maison équivalente ne s’élève qu’à 8 florins6191 ! Il est donc logique de constater que dans les contrats susmentionnés de 1497 et 1498 deux orfèvres s’associent pour prendre la location de l’atelier. 4.1.1.2. L’artisanat du fer Les gisements de fer provençaux, essentiellement concentrés dans le Var et dans le Vaucluse, sont peu nombreux et les rares martinets à fer, attestés ponctuellement, ne devaient 6187 AD BDR Aix, 308 E 700, f° 125 r°. AD BDR Aix, 306 E 384, f° 1082 v° - 1084 r°. 6189 AD BDR Aix, 306 E 646, f° 783 r° - 784 v°. 6190 AD BDR Aix, 308 E 1024, f° 666 r° - 667 r°. 6191 AD Vaucluse, 3 E 9 (1) 524, n.f. (10 février 1498). 6188 1348 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle pas permettre un approvisionnement régulier et en quantité6192. Ces martinets pouvaient aussi être employés à des travaux de grande forge telle que la fabrication de canons ou de tirants métalliques. Pour la période d’étude, le fer vient essentiellement des Alpes, mais à partir du milieu du XVe siècle le fer alpin perd de son importance face aux importations de fer du Roussillon, puis à partir du milieu du XVIe siècle, de fer pyrénéen. Une partie des besoins devait être couverte par le recyclage. Plusieurs indices prouvent qu’il était relativement important. Son transport et donc son commerce sont par exemple soumis à la taxation dans les péages d’Avignon, de Saint-Gilles, de Salon et de Pertuis (fig. 10). Des analyses de composition et de métallographie réalisées sur des fers de construction du palais des Papes à Avignon ont montré que plusieurs d’entre eux avaient été fabriqués avec une part de vieux fer. En 1596, les statuts des serruriers de Marseille interdisent aux revendeurs de cumuler leur commerce de vieux fers et l’art de la serrurerie6193. Près de 95 % des objets en fer du corpus sont des anneaux, des boucles avec ou sans chape et des ardillons. Le reste se partage entre des épingles, des agrafes, des appliques et une bague. Une part sans doute importante des anneaux et boucles en fer ne fut pas utilisée dans le costume. Des ateliers de travail du fer datés de la période d’étude ont été découverts en Provence, par exemple lors de l’opération archéologique au quartier Sainte-Barbe à Marseille6194 dans les Bouches-du-Rhône, dans un bâtiment de l’abbaye du Thoronet6195 ou dans une construction au castrum de Marsens au Muy6196 dans le Var6197. Aucun déchet de fabrication ou lot d’objets ne prouve cependant qu’il y ait été produit des accessoires du costume. La documentation provençale consultée ne donne aucun indice de la présence d’un atelier spécialisé en Provence ou du moins dont une grande partie de l’activité eut été la fabrication d’accessoires du costume. Cependant, les archives interrogées ne constituent qu’une infime part des fonds disponibles et aucun élément de la bibliographie régionale ne s’intéresse à ce sujet. Un indice de l’absence d’une production provençale d’envergure pourrait venir de l’importation massive, par la succursale d’Avignon de la compagnie Datini, 6192 Se reporter au chapitre 2.2.2. Billioud 1951, p. 516 et note 1. 6194 Marchesi et al. 1997. 6195 Fixot et Pelletier 1989 ; Fixot et Pelletier 1990 ; Ploquin et Bailly-Maître 1990. 6196 Bérato et Vasseur 2000, p. 14. 6197 Sur le site du castrum de Rougiers, un bâtiment interprété comme une forge a fait l’objet d’un sondage par G. Démians d’Archimbaud (1980, p. 222-223). La fouille a mis en évidence un sol qui pourrait avoir été soumis au feu. Une fouille complète du bâtiment serait nécessaire pour confirmer ou infirmer cette identification. 6193 1349 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle dans le troisième quart du XIVe siècle, d’anneaux et de boucles en fer pour la fixation des éperons, de pièces d’armures et de pièces pour le harnachement des équidés. Toutefois, des considérations telles que la qualité des produits et leur coût peuvent entrer en ligne de compte : comment expliquer autrement la demande de fourniture en 1367 de douze douzaines d’éperons à la mode de Nîmes à la succursale de Milan6198 ? L’année suivante, tout de même, l’éperonnier maître Gachi de Nîmes est chargé de fournir dix-huit paires6199, mais en 1369, Milan doit à nouveau en envoyer dix douzaines6200. Le travail de l’artisan de Nîmes n’était-il pas satisfaisant, ses capacités de production trop faibles ou ses prix trop élevés ? Il s’agit en tout cas dans la correspondance conservée d’une des seules tentatives d’approvisionnement dans le sud de la France. Pour de multiples raisons, la fourniture en produits de la succursale d’Avignon s’est faite presque exclusivement auprès des maisons de commerce de Milan, Florence et Gênes, centres métallurgiques reconnus et dont les massifs voisins sont riches en gisements de fer. Les archives de la compagnie Datini sont d’une nature exceptionnelle mais il serait hasardeux de croire que l’image qu’elles fournissent offre un panorama complet de la production et du commerce des biens métalliques en Provence. La compagnie italienne n’en est qu’un des multiples acteurs et pas le plus important. Une piste à explorer est celle de la mise en forme finale de produits importés ainsi que la pratique la boutique avignonnaise de F. Datini. Entre 1363 et 1370, un minimum de 159 pièces de fil de fer d’au moins trois diamètres différents est requis par l’établissement avignonnais de la compagnie Datini auprès de sa succursale milanaise pour fabriquer des ardillons de boucles. En 1385, trente autres pièces sont demandées avec le même objectif6201. Or, parmi les très nombreux outils réclamés aux fournisseurs par la succursale d’Avignon pour être utilisés sur place, il apparaît des tenailles (tanagle, lacciatoie) pour fabriquer des mailles dont certaines pour faire des boucles de chaussures6202. En dehors d’une éventuelle production de masse, il a existé une fabrication opportuniste : un serrurier, un maréchal-ferrant, un charron, un forgeron ont si besoin fabriqué quelques anneaux et boucles comme éléments constitutifs des produits qu’ils proposent ou pour répondre à une demande particulière. 6198 Frangioni 2002, p. 120. Ibid., p. 131. 6200 Ibid., p. 139. 6201 Ibid., p. 131, 146, 171. 6202 Ibid., p. 86, 115, 132. 6199 1350 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle Les ventes et locations d’ateliers avec les outils et les inventaires d’artisans du fer ne sont pas rares et fournissent une vision très intéressante des outils utilisés. L’ensemble constitué d’un atelier et de tous les outils nécessaires représente un coût important6203. La correspondance de la succursale d’Avignon de la Compagnie Datini fait état de la demande de fourniture depuis les centres métallurgiques italiens de différents outils et instruments pour le travail du fer dans l’atelier de la boutique tels que enclume (anchudine), marteau (martello, martellino), tenailles (tanaglie, lacatoie), cisaille (cesoie), lime (lima), poinçon (inbrochato), brunissoir (inbrunito), balance (bilancia) avec ses poids (marchi) jusqu’à 5 livres. Nous ne nous étendrons pas plus sur le sujet des outils des artisans du fer car cela nous entrainerait hors du cadre de notre étude. D’ailleurs, même si la taille et la forme peuvent varier, nombre de ces outils sont interchangeables d’une activité à l’autre et ont déjà été mentionnés dans le sous-chapitre précédent. L’activité des artisans du fer dépassait sans doute très régulièrement le cadre strict de la dénomination du métier, notamment en milieu rural : l’inventaire de l’atelier d’un maréchal-ferrant de Roquemaure dans le Vaucluse, rédigé en 1488, mentionne des cloutières destinées à faire des clous pour les portes et les roues6204. À Pourrières, en 1423, les outils mentionnés dans le contrat de concession d’une forge à un forgeron par la communauté villageoise indiquent que l’artisan s’occupera autant de maréchalerie que de la réparation des outils agricoles6205. En 1476, un serrurier – de Tarascon ? – reçoit du roi René un don de 1 florin pour la confection d’une boucle a la facon d’Almaigne6206. La production d’accessoires du costume en fer en Provence reste bien difficile à saisir faute de documentation archéologique et par manque de données textuelles. 6203 À Garéoulx, en 1579, la location annuelle d’un atelier de maréchal-ferrant avec ses outils représentait entre 27 et 30 % de la valeur du capital (Leclercq 1979, p. 56-57) ! Location d’outils de forgeron : à Marseille, AD BDR Marseille, 355 E 116, f° 86 v° (2 mai 1425), à Grasse (Malaussena 1969, p. 199-200). Location d’une maison et d’outils à des forgerons à Marseille : AD Marseille, 355 262, f° 52 v° - 53 r°, f° 132 v° - 133 r° (16 juin et 4 novembre 1433) ; Location d’outils de serrurier : à Avignon, AD Vaucluse, 3 E 5 1045, f° 172 v° - 173 r° ; à Aix-en-Provence, AD BDR Aix, 308 E 926, f° 239 r° - 239 v°. Location d’une boutique de serrurier à Aix : AD BDR Aix, 308 E 358, cahier 10, f° 162 v° - 163 v°. Inventaire de biens de serruriers aixois : AD BDR Aix, 308 E 425, cahier 6, f° 1 r° - 3 r° (23 juillet 1446) ; AD BDR Aix, 308 E 795, f° 141 v° - 150 r° (10 juillet 1505). Inventaires des biens d’un charron : AD Vaucluse, B 1505, 7 décembre 1588 ; Vente à l’encan d’outils et roues d’un charron : AD Vaucluse, B 1526, f° 536 r° - 537 v° (novembre 1601). 6204 Pansier 1925, t. 2, p. 236 ; Bailly-Maître 2001, p. 214. 6205 Il est mentionné les soufflets, l’enclume, la tuyère, deux marteaux, six tenailles pour aller au feu, une tenaille à ferrer et un marteau, un billot, une cloutière, un cure-feu, un filet pour tenir les animaux durant le ferrage, une aissette pour apprêter les manches de charrue (Coulet 2012, p. 40). 6206 Lecoy de La Marche 1875, n° 88, p. 375. 1351 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle 4.1.1.3. L’artisanat du cuivre et de ses alliages Le cuivre utilisé par les artisans provençaux provenait pour partie des exploitations localisées en Provence. Des martinets à cuivre sont attestés près des massifs varois et plus encore dans le Comtat Venaissin mais ils ne traitaient pas forcément du minerai. Des approvisionnements plus importants se faisaient depuis les mines de cuivre argentifère de la partie nord des Alpes françaises jusqu’au milieu du XIVe siècle, et sans doute à partir du Languedoc et du Roussillon. Ils étaient probablement sans commune mesure avec le cuivre issu des gisements du Tyrol, qui parvient en Provence par la voie fluviale à travers Lyon6207. L’absence de la mention de la calamine dans les tarifs de péage montre que son commerce, s’il a existé, ne devait pas avoir une très grande importance. Ces documents laissent penser que l’élément zinc parvenait en Provence sous la forme d’alliages cuivreux sans doute produits dans les régions avoisinant les zones d’extraction de la calamine dans le Nord de l’Europe : le bassin de la Meuse, les contreforts des Ardennes et le massif de l’Eifel6208. Le cuivre et les alliages cuivreux constituent la très grande majorité du mobilier du corpus. Anneaux, boucles, chapes, mordants et terminaisons de ceinture, appliques et branlants de courroie et de vêtement, épingles, ferrets de lacet, œillets, agrafes et bagues sont généralement voire presque exclusivement en cuivre ou en alliage cuivreux. Les fouilles archéologiques provençales ont livré quelques déchets de fonte (fig. 123) ou des déchets de découpe de tôle mais ces artefacts n’ont pas pu être rapprochés d’une activité métallurgique particulière. Deux ensembles d’ateliers de « bronzier » médiéval ont été découverts à ce jour en Provence6209, l’un rue Carreterie à Avignon, en 1990, l’autre impasse de l’Oratoire, en 1991 et 1993. Le premier atelier est daté du deuxième tiers du XIVe siècle et fait partie d’un quartier d’habitation entièrement fouillé6210. Le bâtiment n’a fait l’objet que d’une notice dans une publication sur les maisons médiévales en France et l’activité métallurgique n’en était pas l’objet6211. Nous n’avons pas reçu l’autorisation d’accéder aux données de fouille et une partie du mobilier trouvé sur le site n’a pu être retrouvée dans les réserves, notamment celui provenant d’une fosse dépotoir ayant livré des moules, des objets ratés, un stock de métal de récupération et des creusets. Les quelques valves de moules qui ont pu être observées et dont 6207 Se reporter au chapitre 2.2.6. Se reporter aux chapitres 2.2.5 et 2.2.6. 6209 Nous ne comptons pas les installations relatives à la fonte de cloches. 6210 Carru 1990 b. 6211 Carru 1998 b. 6208 1352 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle la localisation sur le site est inconnue portaient l’empreinte de méreaux. Un ensemble d’ateliers mis au jour Impasse de l’Oratoire, est daté du XVIe siècle et a livré cinq fours, des creusets, des déchets d’alliage cuivreux et une fosse avec plusieurs valves de moules. Ces éléments de moule sont gravés de méreaux ou taillés de formes partielles et indéterminées. Cette structure est mentionnée dans les notices du bilan scientifique des années 1991 et 19936212. La documentation de terrain est accessible auprès des fouilleurs. Les sources écrites mentionnent de nombreux artisans travaillant le cuivre et ses alliages en Provence, mais très peu d’entre eux sont formellement identifiables comme fabricant des accessoires du costume : l’épinglier (spinolarius) Pierre Reynaud et un confrère en 1466 à Avignon6213, un autre épinglier à Avignon en 15956214. Notons qu’un rebut de fabrication d’épingle a été trouvé dans un contexte pour le moment non daté sur le site de la Rue Banasterie dans la cité comtadine (fig. 384, n° 1). L’étude typologique du mobilier a montré que certains types d’anneaux et boucles associés ou non à certains modèles de chapes ont été produits dans le sud de la France et pour plusieurs d’entre eux en Provence. La question de la fabrication d’un type de bouton dans notre région d’étude est envisageable. Les analyses de composition réalisées sur un corpus d’objets issus du castrum Saint-Jean à Rougiers6215 ont révélé que les artisans à l’origine de la fabrication de ces anneaux, boucles, chapes et boutons avaient une bonne connaissance des propriétés des matériaux. Elles ont aussi parfois confirmé la spécificité des productions qui viennent d’être mentionnées en mettant en évidence des compositions d’alliage particulières. Une fabrication en Provence peut paraître évidente pour des bagues portant une inscription en l’honneur de MarieMadeleine (fig. 551, n° 2 et 5) mais dans les faits rien ne le prouve formellement, la dévotion à Marie-Madeleine ne se restreignant pas à cette région. Un aperçu des principaux artisanats du cuivre et de ses alliages mentionnés dans les sources écrites peut permettre de se faire une idée de ceux qui ont été susceptibles de produire des accessoires du costume. Les artisans qui se rencontrent le plus couramment sont les peyroliers ou chaudronniers6216, puis les fondeurs et beaucoup plus rarement les campaniers et 6212 Boiron et al. 1991, Boiron et Paone 1993. Girard et Pansier 1909, p. 43. 6214 Achard 1874, p. 10. 6215 Voir l’annexe 2. 6216 Cet artisanat devait avoir une certaine importance à Avignon puisqu’à partir du milieu du XIVe siècle, une rue de la ville porte le nom de carreria Payrolaria (Hayez 1985, p. 35). Un siècle plus tard, en 1452, un accord est signé entre les représentants des maitres chaudronniers de la ville d’une part, et ceux de leurs companhons varletz, de l’autre, concernant l’exercice du métier et les relations entre les différentes parties (Girard, Pansier 1909, p. 115-117 et surtout Bernardi 2006). 6213 1353 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle les bombardiers. Ces deux derniers métiers sont suffisamment proches pour pouvoir être exercés par la même personne : c’est le cas de Jean Sillete et de Gérald de Soler qualifiés de campaneriis seu bombarderiis dans les comptes de la ville d’Avignon de 1410 à l’occasion de la refonte de la grande bombarde d’Aix qui a explosé lors d’un accident6217. Ces deux spécialistes et un certain Dominique de Rico, campanier, interviennent également la même année lors de la fabrication d’une autre bombarde pour la ville d’Avignon6218. Il est peu probable que de tels techniciens se soient intéressés à la production de menus objets en alliage cuivreux. La fonte d’objets de plus petite taille est le domaine des fondeurs tel Gaspard Garrel, fondeur de Lorgues, habitant à Marseille, qui vend le 6 février 1560 un mortier de bronze d’un quintal et demi à cinq sous la livre d’Aix à Pierre Dumoustier, apothicaire d’Aix6219. Cependant, ces artisans peuvent également produire grand : par exemple Imbert Bataudier, eletratium sive lotonerium de Marseille, à qui l’archevêque d’Aix fournit notamment commande de six piliers de dix-huit palmes de haut pour l’autel de la cathédrale6220. Le travail de la tôle est l’œuvre des peyroliers dont quelques-uns sont également potiers d’étain : le campanier Jacques Bertrand, habitant Aix, doit une forte somme d’argent, sans doute pour du métal, à Jean Carrayron, peyrolier et potier d’étain d’Avignon6221. Ces artisans batteurs de tôle de cuivre possèdent les connaissances techniques pour être martinarii, c’est-à-dire officiant d’un martinet à cuivre, ou vice-versa6222. Plus inattendu, le 30 mars 1503, le peyrolier Jaume Rigault s’engage à refondre la cloche du portat de Las legnas d’Avignon et livre la cloche du poids de 86 livres le 11 avril suivant6223. En 1509, Jean Vaugier qui a en charge le martinet de Gaspard Saignet, seigneur de Vaucluse, s’engage à lui fabriquer des canons6224 ! En 1519, la cloche de Montfavet, pour être refondue, doit être descendue de son clocher, c’est un peyrolier qui est chargé de briser la cloche en morceaux transportables6225. Ces éléments relativisent la séparation entre les métiers et offrent de nouvelles perspectives quant à la question de la production des accessoires de la ceinture. 6217 Pansier 1923, p. 126. Ibid., p. 128. 6219 AD BDR Aix, 308 E 1110, f° 11 r°. 6220 AD BDR Aix, 309 E 424, f° 1030 v° - 1032 v°. Cet artisan apparaît également dans une quittance datée du 19 janvier 1514 concernant des sommées d’annone (AD BDR Aix, 309 E 426, f° 89 r° 89 v°). 6221 AD BDR Aix, 308 E 442, f° 561 r° - 562 r°. 6222 Lacave 1971, p. 220. 6223 Pansier 1913, p. 99. 6224 Lacave 1971, p. 220. 6225 Pansier 1927, p. 89. 6218 1354 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle Malheureusement, aucun inventaire d’atelier d’un artisan œuvrant le cuivre et ses alliages n’a pu être retrouvé. La fonte permet la production d’une grande partie des anneaux et boucles du corpus, d’un certain nombre d’appliques, de quelques rares mordants et chapes. A contrario, le travail de la tôle a été mis en œuvre pour la presque totalité des chapes et la plupart des mordants et appliques, pour quelques anneaux et boucles. Les différences de procédés de fabrication constituent-elles une restriction à ce que l’ensemble de ces activités soient exercées par les mêmes artisans ? Il a été montré précédemment que des artisans œuvrant la tôle pouvaient s’engager dans des travaux de « grande fonte ». Le saut dans les connaissances techniques, considérable, a pourtant été franchi. La « petite fonte » à laquelle appartient la production des accessoires du costume ne demande qu’assez peu de savoir-faire tant qu’il est question de fonte dans des moules en pierre et non de fonte à la cire perdue6226. De même, la découpe de la tôle au moyen de ciseaux ou d’emporte-pièces ne demande aucune capacité particulière. Seule la confection des emporte-pièces, des moules en pierre et le battage de la tôle demandent des connaissances techniques particulières. Un même artisan a donc pu produire la totalité des éléments métalliques d’une ceinture, au besoin en se fournissant en demi-produits et en outils prêts à l’emploi. Une autre hypothèse qui peut être envisagée pour la confection des anneaux, boucles et autres accessoires de courroie est celle de l’association d’artisans comme elle se rencontre pour d’autres métiers : un gainier et un armurier d’Aix s’associent par exemple le 12 février 14736227. Pourquoi ne pas envisager une collaboration entre un peyrolier et un fondeur ? Des artisans ou ouvriers peuvent aussi être employés par d’autres artisans ou par une personne qui se charge du financement de l’activité : Guillaume Catusse, de Villefranche en Rouergue, s’engage à exercer son art de la payrolerie pour le potier d’étain aixois Antoine Montaurosi pendant un an pour un salaire de 40 florins en 14696228. Un atelier pouvait regrouper des artisans ou des ouvriers aux compétences diverses permettant de couvrir l’étendue des travaux métallurgiques. La fonte des alliages cuivreux et le travail du fer ont été pratiqués simultanément dans un atelier fouillé récemment à Pise et 6226 Il existe, pour le bas Moyen Âge, un très rare cas de moule en os de seiche découvert Tudor Street à Londres, mais il a servi à la fonte d’enseignes religieuses attribuées stylistiquement au XVe siècle (Spencer 1998, p. 155, n° 166 ; Berger 2006, fig. 5-6). 6227 AD BDR Aix, 308 E 444, f° 515 v° - 517 r° 6228 AD BDR Aix, 308 E 441, f° 317 v° - 318 v°. 1355 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle qui a fonctionné du début du XIIIe siècle jusqu’à probablement 14066229. Tout aussi intéressant est un atelier parisien actif dans le deuxième quart du XIVe siècle. Les alliages cuivreux y étaient élaborés et les tôles de métal martelées jusqu’à la bonne épaisseur. De même, il y était pratiqué la petite et la moyenne fonderie ainsi que la production d’objets en tôle. L’évaluation de la productivité de l’atelier – par exemple, 15 000 à 30 000 boucles obtenues pour une journée de coulée –, la nature et la diversité des produits, les relations avec le marché, conduisent N. Thomas à proposer une division du travail au sein de la structure en une série d’étapes ne nécessitant pas de hautes compétences, et donc l’emploi d’une main d’œuvre peu qualifiée, pour réduire les coûts et permettre une production de masse, sous l’autorité d’un « chef d’industrie »6230. Avec une production d’une telle importance – elle reste tout de même à prouver – et même si les boucles ne sont pas les seuls objets fabriqués dans cet atelier, il suffirait de peu de centres de production pour fournir l’ensemble de l’Europe de l’Ouest. 4.1.1.4. L’artisanat des matériaux blancs Le plomb est un matériau peu coûteux et très courant qu’il est aisé de se procurer. Une partie conséquente de la matière première devait provenir du recyclage, une autre partie de l’extraction proche de minerais de plomb dans le cadre de l’exploitation de minerais polymétalliques à teneur en argent en Savoie, dans le Dauphiné, de temps à autre dans le Var, mais aussi dans le Roussillon6231. L’étain provient essentiellement d’Angleterre et parvient en Provence par voie terrestre ou maritime. À partir du XVIe siècle, l’étain en provenance des gisements de Bohême et de Saxe commence à être documenté dans les archives notariales provençales6232. Le recyclage, comme pour les autres métaux, a certainement eu un rôle important même si les sources écrites ne le laissent pas percevoir. Parmi les cent-quarante-quatre objets en matériau blanc du corpus, quatre-vingt-quatre sont des enseignes religieuses ou civiles, quinze des ampoules de pèlerinage, vingt-sept des anneaux et boucles, dix des appliques. Il est également enregistré trois boutons, trois mordants, une clochette et un sifflet. Rappelons qu’une partie des enseignes inventoriées a été 6229 Ducci et al. 2010. Thomas 2009, p. 931-949. 6231 Se reporter au chapitre 2.2.3. 6232 Se reporter au chapitre 2.2.4. 6230 1356 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle trouvée hors de Provence mais que ces objets proviennent de sanctuaires provençaux à proximité desquels ils ont été fabriqués. La production d’enseignes de pèlerinage est renseignée par plusieurs documents que nous avons déjà traités en détail dans le chapitre 3.4.9.3. Elle est déléguée à des commerçants qui agissent en tant que capitalistes et non pas directement aux artisans du métal. Il n’est pas certain que cette production ait été ensuite confiée à ces artisans. La fonte des matériaux blancs ne demande pas des connaissances techniques très pointues. Des ouvriers non qualifiés ont pu être employés. La gravure et la fabrication du moule nécessitent par contre un savoirfaire spécifique. Cette étape n’est pas renseignée dans la documentation provençale. Peu après la peste de 1348, à Saint-Maximin, de nouveaux arrivants font graver des moules pour leur propre compte, à l’encontre de la coutume, alléguée depuis au moins 1311, qui veut que ce soit le prieur du couvent de Saint-Maximin qui remette les moules aux personnes qu’il choisit6233. Ces moules étaient sans doute fabriqués localement. En 1359, les religieux de l’abbaye de Montmajour fournissent à maître Jean de Squire de Tournai, plâtrier d’Arles, les moules nécessaires à la fabrication des « images de saint Pierre », vraisemblablement des statuettes en plâtre6234. Dans ces deux cas, les bénéfices sont partagés à égalité entre les parties. En 1424, un mercier et un boulanger arlésiens reçoivent le monopole de la confection des images de saint Pierre et des clefs de plomb et d’étain6235. Une forte concentration d’enseignes de la Sainte-Croix et d’enseignes de Saint-Antoine abbé a été trouvée sur le site du Castelet à Fontvieille, non loin de l’abbaye de Montmajour où s’effectuaient les pèlerinages relatifs à ces enseignes. Elle indique probablement l’emplacement d’un atelier de fabrication. Nous avons signalé à plusieurs reprises la diversité des enseignes pour un même sanctuaire. Cette variété peut indiquer soit que les moules s’usaient vite en raison d’une production importante, soit que plusieurs moules ou plusieurs empreintes fonctionnaient simultanément. La fabrication d’enseignes s’accompagnait peut-être de la production d’autres objets relatifs au pèlerinage comme des clochettes et des sifflets, ou d’emploi profane comme 6233 Faillon 1865, t. 1, p. 971, t. 2, p. 963-968 ; Carru et Gagnière 1992, p. 57. Benoit 1927, p. 112-113. Baudat 1999, p. 18-19 ; Baudat 2001, p. 43. P. Benoît, qui ne donne aucune origine à cette information, spécifie que les religieux doivent également livrer le plomb, mais. M. Baudat ne mentionne pas le plomb lorsqu’il fournit le renseignement et renvoie à un manuscrit du chanoine L. Bonnemant à la Bibliothèque municipale d’Arles qu’il ne nous a pas été possible de consulter. 6235 Stouff 1999, p. 29. 6234 1357 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle des enseignes civiles, des anneaux, des boucles, des mordants et des boutons. Les comptes du roi René rapportent l’achat de grans patenostres d’estain du prix de 3 gros en 14766236. En dehors des enseignes de pèlerinage, aucun renseignement n’a pu être trouvé dans les archives concernant les productions d’accessoires du costume en matériau blanc et les personnes qui les fabriquent. Les seuls artisans travaillant spécifiquement l’étain, le plomb et leurs alliages et signalés dans la documentation consultée sont les potiers d’étain. Leur activité est peu ou pas réglementée : une criée de la cour temporelle d’Avignon édictée vers 1458 interdit de produire ou de faire produire de la vaisselle qui n’est pas d’étain pur ou dont la proportion de plomb dépasse douze livres et demi par quintal sous peine d’une amende de cent livres. L’ajout de plomb fait baisser les coûts mais diminue la qualité du produit en le rendant moins solide. La toxicité du plomb n’est pas ici en cause car dans ce cas il eut suffi d’interdire l’emploi du plomb pour la vaisselle et il n’eut pas été fait par exemple un si grand usage de la tuyauterie de plomb au bas Moyen Âge6237. Le reste de la production n’est pas soumis aux mêmes impératifs et les règlements communaux n’ont pas de raison particulière de le mentionner. Il est possible que quelques-uns des nombreux potiers d’étain connus en Provence aient pu compléter leur activité en produisant de menus accessoires du costume. Les ventes ou locations d’outils de potier d’étain et les inventaires après-décès ne fournissent pas d’indices dans ce sens puisqu’ils ne mentionnent que des formes (molles, formas sive autisses) en métal ou en pierre pour faire de la vaisselle6238, objets dont la fabrication était l’activité principale de ces artisans. Des appliques en matériau blanc ont pu être produites en Provence s’il s’avère que la valve de moule en calcaire microlithique découverte sur le site de la Rue Banasterie à Avignon (fig. 332), dont la datation du contexte n’est pas actuellement connue, a bien été utilisée pour la fonte de l’étain, du plomb ou des alliages d’étain et de plomb et non pas du cuivre et de ses alliages. 6236 Arnaud d’Agnel 1908, n° 2577. Benoît 2007. 6238 Quelques exemples pour Aix-en-Provence, Location : AD BDR Aix, 308 E 363, f° 46 r° - 46 v° (19 février 1444) ; 308 E 977, f° 378 v° - 381 v° (6 novembre 1526). Vente : AD BDR Aix, 303 E 111, f° 19 v° - 20 v°, f° 145 v° - 146 v° (29 mars 1594). Inventaire : AD BDR Aix, 308 E 1122, 12 avril 1544. 6237 1358 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle 4.1.1.5. La mise en place des objets métalliques sur les accessoires et pièces vestimentaires À l’exception des bijoux, des objets de dévotion et des épingles, les éléments métalliques du costume sont généralement disposés sur les accessoires et pièces de vêtement avant que ces derniers soient vendus ou fournis au client. Ce sont les anneaux, boucles, chapes, mordants et terminaisons de courroie, les appliques, les ferrets de lacet, les boutons, les œillets et les attaches. Il était cependant possible de s’en procurer la plupart à la pièce auprès des orfèvres, des merciers et des marchands comme l’indique la documentation écrite étudiée tout au long du chapitre 3. Les tailleurs fournissent les vêtements avec leurs éléments de fixation. Leur mise en place est incluse dans le coût de la main d’œuvre ainsi qu’il est mentionné pour les boutons dans un règlement marseillais établi entre 1294 et 1297 concernant le coût du travail des tailleurs6239 et dans une ordonnance de 1348 du sénéchal Raimond d’Agout qui ne paraît pas voir reçu de commencement d’application6240. Ce texte avait pour objectif de limiter la hausse des prix consécutive à l’épidémie de peste en fixant un prix plafond pour un certain nombre de produits manufacturés ou non et de services. Les autorités locales avaient le pouvoir de l’adapter. Le matériau des boutons n’est pas explicité dans les deux documents6241. L’ordonnance du sénéchal précise également le prix maximal que peut exiger le cordonnier pour la fabrication de différents types de semelles et de chaussures et la rémunération que peuvent exiger ses employés. Le prix indiqué est celui de la chaussure avec son ou ses éléments de fermeture. Les chaussures d’homme comportent le plus souvent une ou deux boucles6242. L’élevage ovin en Provence et notamment dans la plaine de la Crau assurait aux artisans du cuir une abondante matière première. La documentation, outre les cordonniers, est riche de leur mention : boursier, aiguilletier, gainier, gantier, etc. Chacun d’eux était susceptible d’intégrer à sa production les éléments métalliques nécessaires à sa fermeture – anneau, boucle, bouton, agrafe –, à sa décoration – appliques et branlants –, à son attache éventuelle à la ceinture – chaînette et crochet de suspension – et acquis auprès des artisans du cuivre et de ses alliages ou auprès de merciers et de marchands. L’activité de fabrication des 6239 Pernoud 1949, livre VI, n° 43. AC Brignoles, AA 504 ou DR 14 (nouvelle cote). Voir également Braid 2008, p. 373. 6241 Pour plus de précisions sur ces documents, se reporter au chapitre 3.3.4.1. 6242 Se reporter au chapitre 3.1.1.6 pour des renseignements supplémentaires. 6240 1359 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle lacets fut particulièrement florissante en Provence6243. Le commerce des feuilles métalliques utilisées pour en ferrer l’extrémité est illustré par plusieurs documents : la commande en 1369 d’une balle de feuilles de fer étamé par la succursale avignonnaise de la compagnie Datini auprès de la filiale de Milan6244, un inventaire établi en 1575 mentionnant un total de 42 livres de laiton à cet usage dans la boutique d’un marchand marseillais6245, un règlement rédigé en 1593 par les États du Comtat Venaissin fixant le prix maximal du laiton pour aiguillette6246. La mise en place des ferrets pouvait aussi être réalisée par des marchands tels ceux de la compagnie Datini, des merciers comme Jean de Vitry, d’Aix-en-Provence, qui conserve dans sa boutique une pièce de plomb servant de support pour la ferrure des lacets6247. En 1418, l’inventaire après-décès de l’argentier aixois Jean de Piémont enregistre un outil utilisé pour ferrer les aiguillettes (fig. 611). D’après les comptes du roi René, la ferrure des lacets avec des feuilles d’or est confiée à des orfèvres6248. La mise en place de l’anneau ou de la boucle et des éventuels autres éléments métalliques – chape, mordant ou terminaison de courroie, appliques – sur la ceinture est ordinairement réalisée pour les pièces en matériaux précieux par les orfèvres et argentiers. Hormis quelques achats de garnitures de ceinture, la clientèle se procure l’objet fini auprès de l’artisan du métal. Les actes de vente enregistrés par les notaires, les comptes du roi René, le prix-fait pour la fabrication de ceintures à pièces d’argent précédemment signalé dans le chapitre 4.1.1.1, mais aussi les inventaires après-décès d’artisans le démontrent. L’inventaire des biens de l’argentier draguignanais Elzéar de Gleize enregistre ainsi deux lanières de tissu longues d’une demi-canne et larges de un ou deux doigts, ainsi que plusieurs autres de couleurs variées, dans huit cas décorées de figures, pour une valeur totale de 36 florins. Aucune d’entre elles n’a encore reçue de pièces en métal6249. Concernant les courroies à pièces métalliques en alliage cuivreux, en fer ou en matériau blanc, les sources d’archives provençales laissent apparaître à plusieurs reprises la mention de ceinturiers. Dans un contrat d’apprentissage daté du 25 juillet 1433, Hosbalde Corno, senturerius habitant Aix, s’engage à former Elzéar de Vitry, fils de Joseph, marchand 6243 Se reporter au chapitre 3.3.2.1. 1 balla di foglia di ferro istagniato sottile per fare aghuugliette ed altre chose ma vuole esere buona e be salda e bene istagniata che qua vale il chintale f. 14 di gralio e ‘ntendesi 120 libre il chintale, avisati chostì (Frangioni 2002, p. 136). 6245 Annexe 8, doc. 26. 6246 AD Vaucluse, B 1516, f° 132 r° - 149 v° et plus particulièrement f° 136 v° pour la mention. 6247 Annexe 8, doc. 20. 6248 Arnaud d’Agnel 1908, n° 558, 882, 1101. 6249 Annexe 8, doc. 12. 6244 1360 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle d’Aix, in arte centurerie durant trois ans et à le nourrir durant cette période. En contrepartie, le père donnera dix florins au maître artisan à la fin de la seconde année. Joseph est tenu de vêtir et chausser son fils6250. Un peu plus tard, le 22 octobre 1461, c’est un contrat d’apprentissage un peu particulier qui est signé entre Jacob Bonfils, ceinturier (senturerius) d’Aix, et Bartholomé Rebuffel, fils de la veuve Marguerite. L’artisan s’engage à instruire Bartholomé in arte senturerie et messarie, l’apprenti devant pourvoir à sa nourriture et à sa vêture les deux premières années, le maître lui fournissant la nourriture, des souliers et une paire de chausses la dernière année. En contrepartie, l’artisan, sans doute dans le besoin, s’engage à vivre chez Marguerite et Bartholomé Rebuffel6251, à louer – à un tarif avantageux – une maison pour 5 florins par an qu’il doit entretenir et il est mis à sa disposition une boutique6252. Ce même Jacob Bonfils eut au moins deux apprentis en même temps puisque Stéphane Pinholi, de Villa Daurati, habitant d’Aix, lui donne quittance de son apprentissage le 13 août 1464 et reconnaît avoir été vêtu et chaussé convenablement6253. D’après les relevés de L.-H. Labande, les ceinturiers sont relativement nombreux à Avignon dans la deuxième moitié du XVe siècle6254. Entre 1464 et 1495, dix-sept actes impliquant dix ceinturiers (cingturerius, senturerius, singturerius, factor zonarum) ont pu être répertoriés : Robin Bordon entre 1464 et 14736255, Monnet Sauteri en 14656256, Pierre Lambergue, ceinturier et marchand entre 1465 et 14846257, Jean Saludant (ou de Salidan), originaire du diocèse du Puy, entre 1465 et 14866258, Guillaume Guigonier en 14686259, Jean Trolhet en 14706260, Pierre 6250 AD BDR Aix, 306 E 96, f° 108 v°, 25 juillet 1433. Le même Bertrand Rebuffel apparaît avec sa mère dans des quittances datées du du 15 octobre 1462 (307 E 169, feuille volante) et du 4 août 1463 (307 E 169, n.f.). Le fils est qualifié de ceinturier dans le premier acte mais aucun nom de métier ne lui est attribué dans le deuxième. 6252 AD BDR Aix, 307 E 169, 22 octobre 1461. 6253 AD BDR Aix, 307 E 170, f° 3 r° - 3 v°. 6254 Bibl. Ceccano, ms 5787, fiches 1024 à 1027. 6255 Prête 50 fl. (AD Vaucluse, 3 E 5 752, f° 453 r° - 453 v°, 18 août 1464) Témoin (3 E 5 753, f° 69 r° - 70 r°, 12 février 1465) ; Quittance pour cause de testament pour maître Robin (3 E 9 (1) 61, f° 111 v° - 112 r°, 7 août 1473). 6256 Reconnaît une dette (AD Vaucluse, 3 E 5 753, f° 179 r° - 179 v°, 13 avril 1465). 6257 Achat d’une vigne par Pierre Lambergue, senturerio et mercatore (AD Vaucluse, 3 E 9 (1) 46, f° 14 r° - 15 r°, 30 janvier 1465) ; Témoin (3 E 9 (1) 74, f° 87 r° - 89 r°, 1er février 1484). 6258 Témoin (AD Vaucluse, 3 E 5 753, f° 69 r° - 70 r°, 12 février 1465) ; Achat d’une vigne au ceinturier Jean Trolhet, suit la reconnaissance (1 G 728, f° 16 r° - 17 v° et f° 26 r° - 27 r°, 10 mars 1470 et 13 avril) ; Témoin (3 E 9 (1) 67, f° 38 r° - 38 v°, 22 février 1476) ; Loue une maison (3 E 9 (1) 69, f° 116 r° - 117 r°, 15 septembre 1478) ; Témoin (3 E 5 1017, f° 180 r° - 180 v°, 19 août 1486). 6259 Témoin (AD Vaucluse, 3 E 9 (1) 52, f° 44 r° - 44 v°, 29 juin 1468). 6260 Vente d’une vigne au ceinturier Jean Saludant ; suit la reconnaissance (AD Vaucluse, 1 G 728, f° 16 r° - 17 v° et f° 26 r° - 27 r°, 10 mars 1470 et 13 avril). 6251 1361 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle Embert en 14716261, Guillaume de Hollande en 14736262, Claude la Croix en 14786263, Jacques Chapuis en 14956264. Aucun des nombreux artisans du cuir mis en évidence par les dépouillements de N. Coulet dans les registres aixois n’est également qualifié de ceinturier. Ils exercent pourtant souvent plusieurs métiers tel Jean Coraiosi, originaire de Genève qui, au milieu des années 1440, est dit boursier, aiguilletier, blanquier et mercier, ou bien encore Jean de Vitry, natif de Mâcon, qualifié de mercier ou de marchand qui, en 1437, promet d’enseigner à son apprenti l'art de la mégisserie, de la ganterie, de la teinture des cuirs, de la fabrication des parchemins, des bourses et des aiguillettes6265. Si l’on s’en tient aux sources notariales – rappelons qu’elles ne donnent qu’une vision parcellaire de la réalité – les ceinturiers ne paraissent pas travailler le cuir mais seulement assembler les différents éléments constitutifs de la ceinture. Toutefois, certains d’entre eux ont pu en organiser la production soit par le moyen de contrats d’associations, soit en employant directement les ouvriers compétents. Parmi les ceinturiers aixois et avignonnais, quelques-uns sont aussi décrits comme merciers ou marchands. Outre l’assemblage des demi-produits, ils écoulent donc leur production avec d’autres biens. L’activité des ceinturiers provençaux est similaire à celle des « corroyers » parisiens telle qu’elle est décrite dans le livre des métiers d’Étienne Boileau6266. Une partie des ceintures confectionnées approvisionne également la balle des colporteurs et les étals des merciers et marchands. Les ceinturiers n’étaient sans doute pas les seuls à produire des ceintures. Des ateliers métallurgiques du cuivre et de ses alliages, des artisans du cuir ou des tissus ont pu se procurer les éléments étrangers à leur production. Les bourreliers par exemple achètent les pièces métalliques qui leur sont nécessaires : l’inventaire en 1521 d’un atelier d’Avignon mentionne des bloquae de peu de valeur, peut-être pour la fixation des pièces de harnachement, estimées 10 gros, ainsi que vingt-sept bloqueres (sic) de forrecaus, c’est-à-dire 6261 Témoin (AD Vaucluse, 3 E 9 (1) 58, f° 61 r°, 19 mai 1471). Témoin (AD Vaucluse, 3 E 9 (1) 61, f° 34 v° - 35 r°, 25 février 1473) ; Reçoit quittance d’une dette qu’il a contracté (3 E 9 (1) 61, f° 35 r° - 35 v°, 23 février 1473. Le notaire a fait une erreur de date puisque cet acte est rédigé après un document daté du 25 février 1473. Il n’y a pas d’inversion possible de feuillets. 6263 Constitué procureur par son père, tailleur de pierre (AD Vaucluse, 3 E 9 (1) 69, f° 84 r° - 84 v°, 1er octobre 1478). 6264 Témoin (AD Vaucluse, 3 E 9 (1) 84, 7 septembre 1495). 6265 Coulet 1988, p. 479-480. 6266 Lespinasse et Bonnardot (Édit.) 1879, p. 188-193. 6262 1362 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle des boucles ou attaches de fourreau évaluées à 9 gros6267. Les comptes du roi René mentionnent l’existence en 1476 d’un faiseur de saintz de Catheloingne6268, et en 1478, d’ung petit ytalien, qui fait les ceincts brodez d’or, et les ceinctures6269. La localisation de ces artisans, qui habitent en Provence, n’est pas renseignée. Les ceintures à la mode catalane semblent correspondre aux touailloles et ceintures mauresques que se procure le roi René. Elles sont le plus souvent apportées par des navires italiens. Rien ne prouve que ces accessoires aient été conçus au Maghreb, en Espagne musulmane ou en Méditerranée orientale. La production peut être italienne et, comme le prouve la mention des artisans, elle est parfois provençale. Les renseignements disponibles font penser que ces ceintures catalanes sont des ceintures sans éléments métalliques. Les fabricants de lanière textiles sont donc aussi susceptibles d’être vendeurs. Il en est probablement de même pour l’ytalien. En effet, celui-ci fait les ceincts brodez d’or mais aussi les ceinctures. Celles-ci se différencient donc des ceincts que l’artisan brode de fil d’or et qui, peut-être, ne comportent pas d’éléments métalliques contrairement aux ceinctures. Cette personne confectionnerait donc les lanières et y fixerait éventuellement les éléments métalliques qu’il se procure par ailleurs. Des merciers et des marchands, sans être qualifiés de ceinturiers, ont pu avoir la même activité que ceux-ci. L’exemple fourni par la boutique d’Avignon de la compagnie Datini, dans la deuxième moitié du XIVe siècle, est intéressant6270. Outre des ceintures toutes faites, les marchands font venir des annelets et du fil de fer pour confectionner des bouclettes de chaussure, mais aussi des boucles de diverses sortes pour ceinture, pour des pièces d’armure, pour des éperons, pour du harnachement d’équidé. Ils en font faire le montage sur des courroies de cuir et s’approvisionnent dans ce but en outils spécifiques : des tranchets (choltelle da taglare choregie) pour découper des lanières de cuir (fig. 612), des ciseaux (iscarpelli) à cuir, d’autres outils coupants (lengnii) pour tailler, une planche de bois (ase di fusta da talgliare coiame) sur laquelle réaliser ces opérations, des étampes (istanpe, pionbo per istanpare) pour imprimer le cuir appliquées avec de petits marteaux ou maillets (mazuoli), des compas (seste) en fer, des alênes (lesine) pour les coutures6271. Quelques peintures allemandes des XVe et XVIe siècles issues des registres de la Stadtbiblioteck de Nuremberg et ayant appartenu à des maisons abritant des artisans 6267 AD Vaucluse, 3 E 8 417, n. f. Arnaud d’Agnel 1908, n° 2519. 6269 Ibid., n° 826. 6270 Frangioni 2002. 6271 Frangioni 2002, p. 85, 147. 6268 1363 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle nécessiteux, les établissements Mendel et Landauer, illustrent des étapes de la fabrication des ceintures de cuir. La première image montre un artisan frappant au moyen d’un marteau un poinçon appliqué sur une boucle de type O disposée sur un tas en pierre ou en métal (fig. 613) : s’agit-il de la mise en place de l’ardillon que comportent déjà les exemplaires visibles sur la table ? Une seconde peinture illustre un atelier comprenant un foyer métallurgique construit en maçonnerie et son soufflet, différents outils pour la forge – enclume, marteau, pinces – et l’artisan assis sur un banc devant son établi avec une enclumette, un marteau, une lime et différentes boucles. Le bouclier est en train de limer le cadre d’une boucle ayant déjà son ardillon (fig. 614). Il est douteux que l’illustration soit réaliste sur ce point. Cette opération destinée à faire disparaître les dernières imperfections du travail de forge ou de la fonte devrait être réalisée avant le positionnement de l’ardillon. Les boucles visibles sont des types C1, C8 et J8 et leurs chapes sont de type A2. Une peinture datée de 1586 (fig. 615) figure un artisan en train de fixer la chape d’une boucle de type P sur une courroie en martelant les têtes des rivets. Un tranchet pour le cuir, une lime et des pinces sont posés sur la table de travail. Deux peintures du XVe siècle (fig. 617 et 618) représentent le perçage des courroies de cuir pour la fixation d’appliques à œillet de type B avant ou après la mise en place de la boucle. Le poinçon et l’ouverture centrale de l’applique sont disposés au-dessus d’un œil de l’enclume puis l’outil est frappé d’un coup de marteau (fig. 618). Dans certaines images, l’artisan frappe le poinçon avec un couteau à dents (fig. 617)6272, ce qui est totalement irréaliste. Une erreur a pu être commise par un premier peintre puis recopiée ultérieurement par d’autres artistes qui, sans doute, n’ont jamais observé les artisans au travail. La copie des peintures antérieures par des peintres plus récents est évidente dans de nombreux cas. Les images nurembergeoises dans leur ensemble doivent être étudiées avec prudence. Une autre peinture datée vers 1425 et non figurée montre un bouclier frappant les rivets d’une applique avec son marteau pour la riveter6273. Sur quelques images, le ceinturier fabrique aussi des bâts et des courroies de harnachement (fig. 618)6274 ou met en place les courroies de fixation des éperons (fig. 619). Le travail effectué dépasse le cadre strict de ce que pourrait laisser penser la dénomination du métier. 6272 Voir également Amb 317.2, f° 63 v° (1441) et Amb 317.2, f° 160 v° (1539). Amb 317.2, f° 14 r° (vers 1425). 6274 Ibid. 6273 1364 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle 4.1.2. La vente et le coût des accessoires du costume métalliques ou comportant des pièces métalliques Le prix de vente d’un accessoire du costume est soumis à de multiples variables depuis l’approvisionnement de la matière première par le ou les ateliers jusqu’à son achat par un client. Certaines variables sont strictement liées à des considérations économiques comme la masse et le prix unitaire des matières premières, la technicité du travail et donc le coût de la main d’œuvre, l’amortissement des outils, installations et bâtiments, la marge des éventuels intermédiaires, le transport – péage, entretien et paiement du personnel, animaux de bâts, etc. –, la marge du vendeur final, le coût éventuel de la leyde, etc. Des facteurs sociétaux tels que le statut de l’objet, sa rareté, sa symbolique peuvent aussi avoir une importance. Les prix rencontrés dans les archives ne sont pas toujours aisément comparables. Outre le facteur temps et dans une moindre mesure à l’échelle de la Provence, le facteur géographique, les dénominations et les éventuelles descriptions sont généralement trop peu précises. Il faut également distinguer la valeur des marchandises lorsqu’elles sont évaluées dans les inventaires de marchands du prix pratiqué lors de la vente. La différence constitue le bénéfice du commerçant. La vente des accessoires métalliques du costume en or, en argent ou en argent doré est le plus souvent faite par les orfèvres et argentiers eux-mêmes, nous l’avons signalé à plusieurs reprises. L’iconographie l’illustre également, par exemple avec cette peinture de Petrus Christus datée vers 1449 représentant saint Éloi, saint patron des orfèvres, dans sa boutique avec deux clients (fig. 622). Le présentoir est garni de plusieurs accessoires du costume : un chapelet à perles de corail et de cristal de roche, trois fermaux, deux pendentifs, des bagues avec ou sans chatons à un ou deux sertis à pierre rouge ou bleue, une boucle de ceinture de type H avec chape disposée sur un morceau de tissu rouge garni de trois appliques de type O et terminé par un mordant. L’objet est trop court pour être fonctionnel en l’état mais il se pourrait que l’extrémité libre du mordant puisse recevoir le bout d’une courroie de tissu de plus grande longueur, offrant au client la possibilité d’apporter une touche personnelle au sujet de la couleur, du matériau, d’une décoration brodée ou brochée. L’inventaire après-décès des biens de l’argentier de Draguignan Elzéar de Gleize (fig. 611) mentionne une monstre de boutique de boys de noyer avec son verre rompu fermant à clef et serure – une sorte de meuble à vitrine – et ung treillis de noyer garny de fer pour mettre au-devant la bouticque, rompu sur lequel était peut-être disposé un drap et épinglé des bijoux comme il apparaît sur le 1365 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle tableau de Petrus Christus (fig. 622) et sur une image peinte en marge d’un Livre d’Heures produit dans les Flandres vers 1490 (fig. 623). Le vendeur et l’une des clientes sont munis d’une baguette avec laquelle ils pointent différents bijoux au cours de leur discussion. Outre, la présentation de produits destinés à la vente, les meubles d’exposition d’Elzéar de Gleize lui permettent de montrer l’étendue de son savoir-faire. Les merciers et marchands pouvaient s’approvisionner auprès des artisans des métaux précieux et en revendre la production. Les comptes d’une mercerie de Carpentras enregistrent en 1397 l’échec de la vente de deux ceintures à pièces en argent6275 et d’une ceinture à pièces de vermeil6276. Elles sont retournées par la clientèle. Des ceintures à pièces en or ou en argent sont mentionnées dans l’inventaire des marchandises d’Adrien Moret en 15756277. Les marchands qui approvisionnent les papes d’Avignon au XIVe siècle leur fournissent très régulièrement de l’orfèvrerie et parmi elle des accessoires du costume6278. Ils servent également d’intermédiaires entre la papauté et les artisans : la fabrication ou la réparation des bijoux leur est confiée. Les colporteurs qui chargent leur marchandise dans des brouettes ou à dos d’homme et surtout les merciers itinérants, qui la disposent sur des animaux de bât, pouvaient voyager sur de longues distances. Nous avons vus dans le chapitre 3.1.1.2 l’exemple du mercier d’Aix Pierre Cambafort et d’un employé de mercier d’Aix Pierre Gilles dont les marchandises sont transportées à dos de cheval. En 1343, Pierre Cambafort part d’Aix-en-Provence, arrive à Paris le 20 février, est revenu à Aix après un voyage aller-retour d’environ trente-trois jours. Il y écoule une partie de son stock, repart pour Montpellier au début du mois d’avril où il effectue de nouveaux achats, quitte la ville le 16 avril en compagnie de Pierre Gilles avec qui il voyage de concert pour le retour et revient en passant par Arles où il vend un peu de mercerie, par Salon où il ne vend rien, arrive à Aix le 19 avril après trois semaines d’absence et trois jours de route. Il écoule aussitôt une partie de sa marchandise à Aix et le stock restant est envoyé à Saint-Maximin6279. Le 14 novembre de la même année, lors d’un deuxième passage par Aix-en-Provence, les articles de sa balle ont été achetés à Avignon et à Beaucaire6280. Les merciers sédentaires se distinguent difficilement des marchands. Ils sont d’ailleurs parfois désignés sous l’un ou l’autre nom au bas Moyen Âge et au début de 6275 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 224 r°. Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 145 r°. 6277 Annexe 8, doc. 24. 6278 Schäfer 1911, Schäfer 1914, Schäfer 1937. 6279 Billioud 1929, p. 52 ; Annexe 8, doc. 18. 6280 Billioud 1929, p. 52 ; Annexe 8, doc. 19. 6276 1366 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle l’Époque moderne. La dénomination de mercier tient autant à la nature des marchandises vendues, c’est-à-dire de la mercerie proprement dite mais aussi des vêtements et du drap, qu’à leur appartenance éventuelle à la confraternité des merciers, organisation régie par un roi des merciers assisté de lieutenants, comme par exemple Pierre Torcati nommé en 14956281, et qui est chargée de défendre les intérêts de ses membres et d’assurer une certaine solidarité tout au moins à partir du XIVe siècle6282. Les inventaires de colporteurs, de merciers et de marchands consultés livrent des marchandises des plus variées où les accessoires du costume et les vêtements ont la plus grande place6283. Un décalage s’observe avec l’iconographie qui ne montre que la vente d’accessoires du costume, généralement des bourses et/ou des ceintures (fig. 620, 621 et 625). La figuration de quelques marchandises emblématiques suffit à la bonne compréhension de la représentation. La mention de l’origine des marchandises dans les sources écrites – à ne pas confondre avec la façon : à la manière d’Avignon par exemple – est rarement renseignée. Il est difficile d’établir une hiérarchie dans la valeur des types d’accessoires du costume orfévrés car leur prix est très variable à l’intérieur même d’une catégorie. La nature et la quantité de métal précieux, la nature et le nombre de pierres ou de perles mises en œuvre, plus que le coût de la main d’œuvre, ont une forte influence sur la valeur des pièces. La mise en gage en 1474 de la bague la sarazine du roi René permet de débloquer 1000 florins6284, or la ceinture en or ou à pièces d’or fabriquée par l’orfèvre Jacques Scalle en 1479 pour le souverain n’atteint qu’un prix de 800 florins. Pourtant, les bagues orfévrés sont, parmi les accessoires du costume, ceux dont le prix peut être le plus bas : en 1396-1397, dans une mercerie de Carpentras6285, la bague en argent est vendue entre 4 et 10 sous, celle en or, entre 30 et 48 sous. Seuls des ferrets de lacet en or à 3,5 sous la pièce6286 et des enseignes de pèlerinage achetées par le roi René sont d’un prix inférieur : 3 sous l’enseigne de saint Pierre de Luxembourg en 14476287. Le prix s’élève à 27 sous pour des enseignes en or à la figuration non renseignée6288. La finesse de la tôle de métal constituant ces objets n’est pas étrangère à ce faible coût. Le trop faible nombre de données disponibles ne permet pas de comparer 6281 Annexe 8, doc. 17. Bourilly 1923 et 1929. 6283 Annexe 8, doc. 18 à 27. 6284 Arnaud d’Agnel 1908, n° 894. 6285 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882. 6286 Arnaud d’Agnel 1908, n° 558. 6287 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 537. 6288 Arnaud d’Agnel 1908, n° 546. 6282 1367 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle précisément les boutons, les agrafes hors fermaux et les boucles d’oreille avec les bagues et les enseignes mais nous supposons que la valeur des deux premiers est en général comprise entre celle des enseignes et celle des bagues. Pour les autres accessoires du costume, pour les raisons déjà évoquées, nous n’avons pas pu mettre en évidence de différence de valeur significative entre les ceintures, les bijoux de coiffure, les bracelets et les chapelets. Les colliers, par contre, entièrement métalliques, sont en moyenne d’un coût plus élevé. Il en était sans doute de même des fermaux dont nous avons pu voir qu’ils étaient souvent le support d’une ornementation orfévrée. De nombreux accessoires orfévrés ne sont pas rencontrés dans les sources écrites dans les matériaux plus communs que sont le cuivre et ses alliages, le fer et les matériaux blancs. Ces objets sont la plupart des bijoux, c’est-à-dire les ornements de coiffure, les bijoux de cou, les boucles d’oreilles, les bracelets et les bagues ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils ne pouvaient pas exister dans ces matières. Cependant, à l’exception des bagues en alliage cuivreux, très courantes, l’absence ou la rareté de ces bijoux dans le corpus mobilier et plus largement dans la bibliographie rassemblée pour l’Europe de l’Ouest pour la période d’étude est particulièrement révélatrice. Les œillets métalliques sont les accessoires en matériau « commun » les moins coûteux. Ils sont vendus à quelques sous le millier. Le prix des épingles est à peine plus élevé puisqu’il peut atteindre dans certains cas quelques gros le millier. Les ferrets de lacet étant vendus au poids de métal, et probablement seulement à des artisans et commerçants, il n’est pas possible de les insérer stricto-sensu à notre raisonnement mais leur coût devait être négligeable dans le prix final des lacets et aiguillettes. Les aiguillettes sont cédées entre quelques deniers et quelques sous la douzaine, les lacets pour plusieurs sous la douzaine. Alors que les épingles et les annelets ne s’achètent que chez des merciers ou des marchands, les cordons peuvent aussi être acquis auprès d’artisans du cuir. Des rubans de tissu peuvent faire office de cordon. Les boutons métalliques sont vendus de l’ordre de quelques sous la douzaine dans une mercerie de Carpentras en 1396-1397. Les ventes mises en parallèle avec des achats effectués par cette boutique permettent de calculer la marge du commerçant dont le facteur s’établit à 3,7 ou 46289. Les grelots sont vendus à l’unité pour quelques sous par la mercerie de Carpentras. Le décalage constaté avec les autres pièces métalliques du costume signifie peut-être que ces grelots ont eu un usage autre que dans le costume. Quelques sous permettent à un marchand de se procurer une douzaine de boucles d’épée ou de sous-vêtement, mais de nombreux anneaux et boucles devaient être moins 6289 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 236 r°, 275 v°. 1368 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle coûteux. En 1397, la mercerie de Carpentras acquiert 2500 boucles de chaussure pour treize sous, soit 6,24 deniers la centaine6290. Elles sont revendues à deux sous la centaine, soit une marge de facteur 2,85. Le prix des ceintures est très variable. Les moins chères, en cuir et pour enfant, s’achètent pour quelques deniers, les plus chères, en soie, pour quelques florins. Toute une échelle de valeur transparaît en fonction du matériau – du cuir jusqu’à la soie en passant par la laine et le drap – de sa couleur, de son ornementation, des dimensions de la courroie, du sexe auquel la ceinture est destinée. Dans l’inventaire après-décès des biens du mercier d’Aix Jean de Vitry en 1443, les ceintures de jeunes garçons sont moins coûteuses que celles des adultes, mais celles des jeunes filles sont d’un prix à peu près équivalent à celles des adultes de sexe masculin. Les plus onéreuses sont celles des femmes. Nous reviendrons dans le chapitre 4.2.2 sur ce que cette constatation révèle sur le rôle social dévolu à la femme. L’influence du coût des éléments métalliques de la ceinture dans le prix total n’est pas une information accessible à partir de la documentation consultée. La masse des objets est un facteur à prendre en compte dans l’évaluation de leur valeur même si elle n’en est pas le seul et sans doute pas le plus important. Le coût de la fabrication, la marge de l’artisan, le coût du transport et la marge du marchand, qui peut être nous l’avons vu très importante, sont parmi les principaux facteurs. Nous avons procédé à une mesure de la masse de nombreux artefacts du corpus. Beaucoup d’éléments influent sur la valeur obtenue : pour les bagues, par exemple, la largeur, l’épaisseur, le diamètre, l’absence ou la présence d’un chaton avec ou sans serti, la perte ou la conservation de l’élément de serti. D’une manière générale, les éléments les plus notables sont le ou les matériaux, la ou les techniques de fabrication – les pièces en tôle sont en moyenne plus légères que celles issues de la fonte – et les dimensions. Si nous ne prenons en compte que les objets en alliage cuivreux en bon état et complets, sans fragment de tissu ou de cuir conservé, la masse des systèmes d’agrafage en fil varie entre 0,5 et 3,1 grammes, celle des boutons en tôle fluctue généralement entre 0,2 et 1,8 gramme, entre 0,15 et 0,5 gramme pour les ferrets de lacet6291, entre 0,05 et 0,3 gramme pour les épingles. Toutefois, les pièces les plus longues peuvent peser jusqu’à 1,36 gramme dans le corpus. Une épingle trouvée sur le site du château d’Apcher en Lozère a un poids de 1,79 gramme (fig. 425). Les annelets et œillets fabriqués avec du fil pèsent entre 0,06 et 0,5 gramme, les anneaux et boucles fabriqués par la fonte entre 0,35 et 39,3 grammes, ceux en tôle généralement entre 1,05 et 7,65 grammes mais le poids de 6290 6291 Ibid., f° 280 v°. Les pièces conservant des fragments de cuir ou de tissu n’ont pas été prises en compte. 1369 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle quelques rares pièces monte jusqu’à 25,3 grammes. La masse des annelets en fer est comprise entre 0,25 et 0,7 gramme, celle des bouclettes entre 0,35 et 0,85 gramme, celles des anneaux et boucles entre 1,6 et 82,8 grammes avec une proportion plus importante entre 5 et 22 grammes. Les anneaux et boucles en matériau blanc pèsent entre 2,15 et 5,3 grammes. Le poids des ardillons en alliage cuivreux varie entre 0,65 et 5,85 grammes et celui des exemplaires en fer entre 3,7 et 18,5 grammes. Les chapes en tôle en alliage cuivreux du corpus ont une masse qui fluctue entre 1,05 et 7,65 grammes. Les mordants et terminaisons en tôle pèsent de 1,1 jusqu’à 17,7 grammes et ceux issus de la fonte de 5,4 jusqu’à 28 grammes. La masse des appliques en tôle en alliage cuivreux varie généralement entre 0,03 et 1 gramme mais de nombreuses pièces ont une masse supérieure, jusqu’à 6 grammes. Les appliques fabriquées par la fonte pèsent entre 0,65 et 7,45 grammes mais pour la plupart entre 1 et 3 grammes. Parmi les bijoux, la plupart des bagues en alliage cuireux pèsent entre 0,3 et 3 grammes. Les exemplaires en or et en argent ont une masse comprise entre 0,72 et 3,02 gramme. La masse des enseignes et ampoules complètes en matériau blanc varie entre quelques grammes et un peu plus de deux dizaines de grammes. Nous avons pu relever dans les archives notariales provençales un certain nombre de prix des métaux (fig. 23). Pour les décennies 1320-1340, nous obtenons un prix d’environ 65 deniers le gramme d’or, 6,3 deniers le gramme d’argent, 0,042 denier le gramme pour le cuivre et l’étain, de 0,01 denier le gramme pour le fer et le plomb. Une boucle avec chape de type F3b, par exemple, trouvée dans un niveau daté vers 1309/1315 - vers 1345 sur le site du castrum Saint-Jean (fig. 206, n° 10), du poids de 23,23 grammes ne coûterait que 0,98 deniers en matériau. Même en y ajoutant des appliques et un mordant, l’ensemble resterait très abordable. Cependant, les autres coûts mentionnés précédemment devaient sans nul doute augmenter notablement le prix. Ces autres composantes du prix ne pouvant être évaluées précisément à l’exception de la marge du commerçant qu’il a été possible de calculer dans quelques cas, notre raisonnement ne peut se poursuivre. 1370 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle 4.2. Les accessoires du costume : des objets signifiants Les accessoires métalliques du costume ne peuvent être réduits à un rôle utilitaire et/ou décoratif, ils participent aussi de faits sociétaux. Ceux-ci sont autant liés à la fonction des accessoires qu’aux symboliques qui leurs sont attachées. Nous avons présenté tout au long de notre recherche des symboliques propres aux différents éléments métalliques du costume. Cependant, ces objets sont également signifiants au-delà de leur prise en compte individuelle. Un groupe d’accessoires peut détenir un sens supplémentaire que les pièces prises individuellement ne possèdent pas. Nous écartons ici les questions complexes liées à l’iconographie et aux sources littéraires dont le traitement nécessite des regards spécialisés, tant pour faire la part de ce qui relève de la construction du discours littéraire ou de l’image que pour mettre en évidence les formules et conventions. Nous nous focalisons sur ce que nous apprennent les archives notariales et livres de comptes. Quatre axes ont retenu notre attention. Le premier est celui des accessoires du costume en tant que moyen de thésaurisation, le second celui du costume de la femme comme image du statut social, le troisième a rapport aux accessoires métalliques du costume comme marqueurs de la hiérarchie et du pouvoir, le dernier concerne le legs de ces objets. D’autres pratiques de dons comme la charité ne peuvent être envisagése avec les données rassemblées. Une peinture d’un manuscrit du troisième quart du XVe siècle conservé à la Stattsbibliothek de Berlin (fig. 625) figure une femme sortant d’un coffre rempli de ceintures un de ces accessoires pour l’offrir. Le don à portée symbolique d’accessoires du costume est aussi illustré par les sources écrites et l’iconographie (fig. 626). Nous en avons fait mention tout au long de notre étude et nous n’y reviendrons pas ici. 4.2.1. Les accessoires du costume : moyen de thésaurisation Les objets en matériaux précieux sont destinés à être vus, à étaler la richesse et le pouvoir de leur propriétaire. Sans doute prennent-ils encore plus de sens lorsqu’il s’agit d’accessoires du costume car ils concernent l’apparence de leur propriétaire. Leur intégration dans une construction du paraître est encore plus complète. Ces éléments métalliques constituent aussi un moyen de thésaurisation plus utile que l’accumulation de numéraire dans un coffre, capital immobilisé sans emploi. Les pièces désuètes peuvent être refondues pour produire des accessoires au goût du jour. En cas de nécessité, les pièces orfévrées peuvent être 1371 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle revendues au poids du métal précieux ou en tant qu’accessoires du costume pour dégager des fonds. En 1358, pour financer la reconquête de la Romagne, Innocent VI se dessaisit d’une partie de son argenterie. Parmi ces objets se trouvent cinq paires et demie de gants avec un émail rapporté, deux couronnes à fleurs de lys en argent doré avec des perles et des pierres d’un poids de métal précieux d’un marc, sept onces et un quart, plusieurs ceintures dont deux exemplaires de soie avec pièces d’argent d’un poids de sept onces et demie6292. Le prêt sur gages est un moyen facile et rapide d’obtenir des liquidités en cas de problèmes financiers ou pour réaliser un investissement. Les accessoires métalliques du costume sont les principaux types de gages proposés aux prêteurs. Ce genre de transaction est utilisé par toutes les classes sociales, pour toutes sortes de raisons et pour une très large échelle de valeurs. Nous en donnons ici quelques exemples. En 1382, le pape Clément VII met en gage de nombreux joyaux sur lesquels 55 citoyens de Marseille avancèrent 25000 florins afin d’armer des galères pour sauver la reine Jeanne emprisonnée à Naples6293. Le 26 avril 1396, Jean de Barbentane rachète une bague en or avec un diamant pour 1 florin 6 sous et 8 deniers6294. La femme d’un maçon engage une ceinture d’or et d’argent, une ceinture de femme en argent, une bague en or et des appliques en argent, le 6 avril 1424, pour le paiement d’une rançon jusqu’à 40 florins pour ramener son mari prisonnier d’une galère catalane6295. En 1474, le roi René a recours à la mise en gage d’une bague pour récupérer 1000 florins6296. Trois ans plus tard, la reine Jeanne de Laval reçoit 3000 florins de François Perussis d’Avignon pour un camail6297 afin de payer les serviteurs de la cour. L’année suivante, ce sont deux colliers qu’elle dépose auprès du Chapitre de l’Église d’Aix6298 et d’un arlésien6299 en échange de 1800 et 1250 florins. Le 17 juillet 1481, Jaume Deydier, dans un règlement de comptes avec Johan Constans, son bouvier, lui remet 3 florins qu’il emploiera à racheter une ceinture d’argent mise en gage6300. Des religieux de Saint-Andiol ayant besoin de liquidités donnent en gages, en 1492, une mule et différents ornements dont deux ceintures orfévrées et 6292 Müntz et Faucon 1882, p. 223. Villard 1907, p. 81-82. 6294 Bonnet 1995, p. 25, 104. 6295 AD BDR Marseille, 351 E 288, f° 15 r° - 15 v° 6296 Arnaud d’Agnel 1908, n° 894. 6297 Ibid., n° 1046. 6298 Ibid., n° 1018. 6299 Ibid., n° 989. 6300 Ribbe 1898, p. 145. 6293 1372 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle deux chaînes en or6301. Ils ont probablement reçu ces accessoires du costume de particuliers qui leur en ont fait don par testament. Dans le dernier quart du XVe siècle, pour soutenir son train de vie très dispendieux, le cardinal de Foix a souvent recours à Pierre Barroncelli, « capitaliste » italien implanté à Avignon, auprès duquel il met ses revenus et biens, notamment ses bijoux, en gages pour un total de plusieurs milliers d’écus6302. Le prêt sur gages est malgré tout peu fréquent dans les registres notariés. À la suite de N. Coulet6303 pour Aix, G. Le Dantec6304 considère que le prêt est de l’ordre de l’écrit à Cavaillon. La rareté de la mention de ce type de transaction dans la documentation notariale est pour lui le signe de sa faible fréquence dans la société. Il se pourrait pourtant que cet acte soit le plus souvent établi sous seing privé ou par accord oral : les trois documents qui vont suivre sont des inventaires après-décès répertoriant notamment l’ensemble des prêts octroyés par les défunts et non remboursés à la date de leur mort. Il n’est fait aucune mention d’un enregistrement chez un notaire ou sur un quelconque papier. Dans un cas, il est fait appel à la mémoire de la veuve pour déterminer les objets mis en gage, la somme prêtée et le nom de l’emprunteur. Peut-être les documents écrits ont-ils été perdus. Le premier inventaire date de 1391 et concerne les biens du marchand marseillais Jean Casse6305. Un total de vingt-neuf prêts de 2 à 30 florins est mentionné : huit sont demandés par des femmes dont trois religieuses et une juive, vingt-et-un par des hommes dont quatre juifs. Dix-huit de ces transactions sont des prêts sur gages. Trois femmes et quinze hommes dont les cinq membres de la communauté juive y ont souscrits. La valeur des prêts est quantifiée en numéraire dans vingt-sept cas pour un total d’environ 250 florins. Les prêts sur gages représentent 62 % du nombre de ces transactions mais correspondent à 88 % des sommes prêtées. La moyenne est de 12,2 florins par prêt sur gage. Les accessoires du costume remis au prêteur sont des ornements de tête, des bagues, des ceintures, des broches. Ils sont présents dans 72 % des prêts sur gages, la plupart du temps seuls, parfois avec d’autres objets ou vêtements précieux, pour un total de 68,5 % de la valeur de ces prêts, soit une moyenne de 11,6 florins par acte. 6301 AD Vaucluse, 3 E 5 1027, f° 61 r° - 61 v° Girard 1957, p. 32-33. 6303 Coulet 1988, p. 511. 6304 Le Dantec 2004, p. 312. 6305 Villard 1907, p. 78, 112. 6302 1373 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle Dans un inventaire des biens de l’orfèvre de Draguignan Elzéar d’Ecclesia établi en 1498, l’ensemble des prêts ont été accordés contre un ou des gages6306. Les quinze transactions concernent onze habitants de Draguignan, une personne de Fréjus, trois autres du Muy, de Trans et de Roquebrune. Leur profession est signalée dans quatre cas : ce sont un apothicaire, un notaire, un hôtelier et un chaussetier. La valeur du prêt varie entre 1,5 et 40 florins pour un total de 138,5 florins, soit une moyenne de 9,2 florins par prêt. Des accessoires du costume, sous la forme d’une ou deux ceintures, d’un fronteau, d’une barrette, d’un chapelet, ont été mis en gage dans treize transactions soit 86,7 % d’entre elles. Elles représentent 79,8 % de la valeur totale des prêts pour une moyenne de 8,5 florins par acte. Les deux autres transactions concernent de l’argenterie ou un demi-écu. Le dernier inventaire, daté de 1573, concerne les biens du marchand de vin aixois Philippe Brun. Sa veuve est appelée à identifier les objets mis en gage, le montant accordé et le nom de l’emprunteur. Souvent, elle n’a plus en mémoire la somme prêtée et encore plus régulièrement le nom du débiteur. Vingt-neuf prêts sur gages sont signalés. Ils concernent des bijoux en or ou en argent, des vêtements, du linge de maison, de la vaisselle en étain, des cuillères en argent, des écus (monnaie) déposés par au moins huit hommes et cinq femmes. Le montant avancé – entre 20 sous et 21 florins – est renseigné pour vingt-quatre prêts pour un total d’environ 145 florins. Les deux tiers de ces transactions concernent des accessoires du costume : un clavier et une bague, deux bagues et un chapelet, par deux fois une chaîne d’argent, pour le reste entre une et trois bagues. Leur valeur globale est presque équivalente aux deux tiers (64 %) du total des montants renseignés. La somme moyenne accordée lorsque les gages sont seulement des bagues est de 3,6 florins. Elle s’élève à 5,8 florins en y ajoutant les autres accessoires du costume. Dans ces trois documents, il n’a pu être fait aucune corrélation entre la production de l’artisan ou les marchandises vendues par les marchands et les prêts accordés. Lors de certaines ventes, le prêt sur gages est pourtant un moyen temporaire de paiement6307. En 1396 et 1397, quelques clients d’une boutique de Carpentras ont pu emporter les produits qu’ils étaient venus chercher en laissant un gage : une ceinture à pièces d’argent6308, une bague6309, 6306 Annexe 7, doc. 14. Les comptes des frères Bonis, marchands montalbanais, mentionnent un chapelet et un fermail parmi les gages (Forestié 1890-1893, t. 1, p. 5, 121). 6308 Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 882, f° 29 r°, 266 v°. 6309 Ibid., f° 163 r°. 6307 1374 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle des chapelets6310, une cotte de maille6311. Ce sont deux bagues en argent – chacune valant 1 sou 3 deniers tournois – et une bague en or avec un saphir imparfait qui sont remis à une draperie par des clients contre des achats de drap en 14076312. 4.2.2. L’apparence de la femme, image du statut social de la famille En Provence et plus largement dans une partie de l’Europe occidentale, la femme, mineure sur le plan du droit, est conditionnée au rôle d’épouse, de mère ou de fille, se doit d’être soumise à son père, à son mari, aux clercs. Elle doit rester modeste et sobre tant dans les gestes que dans la parole ou l’apparence. Son costume doit être l’exemple même de l’honnêteté et ne pas enflammer les désirs ni inciter à la luxure. La femme doit être protégée d’elle-même et des autres. Paradoxalement, il lui est aussi socialement dévolu par son apparence un rôle majeur dans l’affichage du statut de sa famille6313. Les archives notariales provençales le prouvent abondamment avec les accessoires métalliques du costume, que ce soient les inventaires après-décès, les achats de ces accessoires du costume, les constitutions de dot et même la documentation commerciale. Dans l’inventaire des biens du mercier d’Aix Jean de Vitry en 14436314, les ceintures de jeunes garçons sont les moins coûteuses, celles des petites filles sont d’un prix à peu près équivalent à celles des adultes de sexe masculin alors que celles des femmes sont les plus onéreuses. Tout en visant à restreindre sa parure, les règlements somptuaires provençaux mettent également en évidence cette fonction de l’apparence de la femme6315. L’attention presque exclusive portée au sexe féminin dans ces textes avant le milieu du XVe siècle en est un premier indice. La différence établie dans ces documents pour cette même période entre le costume des prostituées et celui des femmes honnêtes en est aussi révélateur. Les règlementations vexatoires et les interdits qui s’appliquent aux femmes de petite vertu ont pour objectif d’éviter toute confusion entre elles et les autres femmes. Dans un premier temps, le voile et éventuellement le manteau sont interdits aux prostituées. Elles ne peuvent soustraire leur visage, leurs cheveux et les formes de leur corps aux désirs qu’elles suscitent de par leur condition. En revêtant des toilettes luxueuses, les filles de joie se font séductrices, pour les besoins de la luxure, mais les autorités 6310 Ibid., f° 25 r°, 150 r°. Ibid., f° 175 r°. 6312 Higounet-Nadal 1965, p. 340. 6313 Se reporter à l’annexe 7. 6314 Annexe 8, doc. 20. 6315 Se reporter à l’annexe 7, chapitres 2.1.1 et 2.1.2. 6311 1375 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle municipales estiment que cette luxure ne doit pas être provoquée outre mesure. Les tissus et les fourrures les plus précieux peuvent donc leur être prohibés, un signe ou un vêtement spécifique leur être imposé. À Avignon, en 1458, les autorités municipales rajoutent aux pièces interdites l’ensemble des accessoires orfévrés du costume6316. L’usage de ces objets serait donc réservé aux seules femmes honnêtes dans les limites fixées par les règlements. Le conditionnel doit être employé car aucun élément ne permet actuellement de juger de l’application de ces textes. Ils traduisent cependant des modes de pensée. La minutie avec laquelle sont traités les accessoires orfévrés des femmes et la place plus importante accordée aux vêtements et accessoires textiles des femmes dans les règlements proposés à partir du milieu du XIVe siècle sont symptomatiques6317. Dans les ordonnances somptuaires des rois de France dont l’application est légalement effective en Provence après le rattachement du comté en 1482 mais dont la mention dans les registres d’enregistrement des actes royaux du Parlement de Provence n’est pas antérieure à 15436318, il n’est accordé une place significative aux femmes qu’à partir de l’édit de 15496319. La qualité des tissus et notamment l’accès à la soie et aux draps d’or et d’argent servent alors de marqueur de la division de la société en classes, entraînant une gradation de l’apparence selon l’origine sociale. Les accessoires orfévrés du costume ne sont réellement pris en considération qu’avec l’édit de 15736320 et une plus grande attention est alors portée aux ornements portés par les femmes. Cette attention est autrement plus méticuleuse dans l’édit de 15836321 où les pièces orfévrées du costume deviennent le signe de la hiérarchisation sociale. Les règlements somptuaires nous renseignent sur l’importance du costume féminin lors de la cérémonie du mariage. Le texte proposé par l’archevêque d’Aix Jean Peissoni aux édiles marseillais en 1365 propose de proscrire le port de la couronne, du fronteau ou des autres ornements de tête sauf au moment des fiançailles ou du mariage des jeunes filles vierges6322. Le règlement marseillais de 1381, sous prétexte de la volonté de faire partager aux 6316 Girard et Pansier 1909, p. 128-129. Se reporter à l’annexe 7, chapitre 2.1.2. 6318 Se reporter à l’annexe 7, chapitre 1.1. 6319 AD BDR AIX, B 3322, f° 243 r° - 248 v°. Texte publié par P. Lacroix (1869, p. 20-24). Pas d’indication de date d’enregistrement. Autre version de cette ordonnance dans le registre B 3324, f° 1124 v° à 1128 r°. 6320 AD BDR Aix, B 3322, f° 611 r° - 616 r°. Pas d’indication de date d’enregistrement. Ce même texte a été repris dans son entier par le Parlement de Paris, avec un préambule supplémentaire, à la date du 23 avril 1573 (Lacroix 1869, p. 48-54). 6321 AD BDR Aix, B 3335, f° 65 r° - 73 v°. Texte lu au Parlement de Provence le 12 mai 1583. Publié par P. Lacroix (1869, p. 60-67). 6322 AM Marseille, BB 24, f° 211 r° - 213 v°. 6317 1376 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle habitants de la cité la douleur de la reine Jeanne emprisonnée par Charles de Duras, prohibe entre autres ces mêmes ornements6323. Les mariées, toutefois, peuvent y contrevenir le jour de leur mariage. Dans le règlement établi à Aix-en-Provence en 1544, de multiples interdits sont formulés relativement aux tissus, fourrures et peaux pour les cinq états de la population définis mais des accommodements sont autorisés lors de l’avènement des princes, lors des mariages, des baptêmes et des fêtes de même nature6324. En 1563, Charles IX défend aux demoiselles de porter dorures a la teste, de quelque sorte qu'elles soyent, sinon la premiere annee qu'elles seront mariees6325. Les constitutions de dot mentionnent fréquemment des vêtements et des accessoires du costume orfévrés. Ces objets sont généralement des ceintures. Des bijoux de coiffure apparaissent également régulièrement. Les bagues, chapelets et autres bijoux sont beaucoup moins courants. Les vêtements comme les accessoires doivent concourir à faire de la mariée la reine de cette journée. Elle est donc couronnée d’un bijou de coiffure, ceinte d’une ceinture qui garantit sa virginité jusqu’à son ouverture par l’époux. Elle reçoit de celui-ci une bague qui symbolise le lien indéfectible qui dorénavant les unit. 4.2.3. Les accessoires du costume comme marqueurs de la hiérarchie et du pouvoir L’ensemble des pièces vestimentaires et des accessoires qui composent le costume traduisent à la fois la personnalité du porteur, ses moyens financiers ou ceux de la personne qui le vêt et son statut social. Les accessoires du costume ne sont qu’une composante d’un ensemble de signes mis en œuvre pour la construction du paraître. Ainsi qu’il apparaît à la lecture des comptes de la chambre apostolique d’Avignon ou de ceux du roi René, le nombre de vêtements, leur variété et la fréquence du renouvellement des vêtements ne sont pas moins importants que les caractéristiques de ces éléments du costume : couleur, qualité et quantité des tissus, fourrures, peaux, etc6326. Ainsi que l’a mis en évidence F. Piponnier à propos de la distribution de drap noir opérée pour vêtir les membres de la cour lors de l’enterrement de la première épouse du roi René en 1453, « derrière l’uniformité de cette couleur conventionnelle du deuil, se dessine une hiérarchie aux nombreux échelons que définissent la valeur et la 6323 AM Marseille, BB 28, f° 79 r° - 79 v°. Annexe 8, doc. 28. 6325 Lacroix 1869, p. 38. 6326 On lira avec par exemple avec intérêt Henriot 2009 et Wild 2011. 6324 1377 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle quantité de drap attribué à chacun »6327. Un cercle restreint de gentilshommes et écuyers du roi René reçoit des dons de vêtement6328. Les dons les plus coûteux font apparaître un niveau supérieur de la classe seigneuriale composé des gentilshommes du roi reçus dans son Ordre du Croissant, de grands seigneurs apparentés à la famille princière, d’anciens compagnons d’armes et de joutes6329. La plupart des autres dons sont faits à des écuyers apportant des cadeaux ou des messages d’autres membres de la noblesse et sont « proportionnés au rang de leur suzerain et à la valeur du cadeau apporté autant qu’à leur dignité personnelle »6330. Au sein de la cour du roi René, les différents groupes de personnels sont vêtus en fonction de leur hiérarchie en partie basée sur leur degré de visibilité et de représentation du roi. Une hiérarchie interne à ces corps existe également. Les évolutions dans la gradation vestimentaire révèlent les modifications dans la composition de l’entourage royal et dans les réseaux de relation. À tout ceci se mêlent des considérations esthétiques comme l’homogénéité des couleurs6331 et des bijoux pour un groupe particulier. Quelques exemples sont traités plus loin. La hiérarchie des apparences révélée par les tissus et dont l’objectif premier est l’exaltation du roi se perçoit également à travers les bijoux. Le souverain ne garde pour son usage personnel qu’un peu moins de la moitié des accessoires orfévrés dont la fabrication ou l’achat est mentionné dans ses comptes. Le reste est offert par le souverain. Celui-ci prend garde, cependant, de s’octroyer des pièces particulièrement coûteuses pour l’affichage de son statut. L’étude menée par F. Piponnier sur le vêtement à la cour du roi René n’a pas d’équivalent pour les comptes de la chambre apostolique d’Avignon. Nul doute, toutefois, que leur analyse révélerait pareillement une construction consciente et ordonnée de l’apparence dont le costume papal constituerait l’échelon le plus élevé. Pierres, perles, or, argent, fils d’or, soies et draps de qualité, fourrures, peaux ou vêtements et bijoux déjà fabriqués et destinés au pape font l’objets d’achats très réguliers. Ses vêtements et sa mitre sont ornés de perles et de pierreries, sa main ornée de bagues. Ces ornements sont le symbole de son pouvoir spirituel et terrestre et la bague la preuve, comme pour les autres clercs et les religieuses, de son mariage avec le Christ. Dans les comptes du roi René, une hiérarchisation se constate dans le choix des accessoires du costume offerts. Le collier orfévré n’est porté selon les sources écrites et dans 6327 Piponnier 1970, p. 196. Ibid., p. 207. 6329 Ibid., p. 207. 6330 Ibid., p. 207-208. 6331 Ibid., p. 212-288. 6328 1378 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle l’iconographie que par des personnes de la noblesse et de la bourgeoisie fortunée. Le souverain prend plaisir à en offrir des exemplaires aux dames de la cour dont sa fille et ses épouses, aux femmes de grands seigneurs ou de personnes de passage ayant rendu service à la cour6332. Par contre, le collier orfévré masculin n’est attesté dans les comptes du roi René que pour son fils René d’Anjou, pour Jacques de Laval beau-frère de la reine Jeanne de Laval, pour les membres de l’Ordre du Croissant et pour certains personnels de la cour : son fou Triboulet et des musiciens. La chaîne en argent offerte à Triboulet en 1452 est particulièrement somptueuse6333, ce qui n’a rien de surprenant, son rôle de fou nécessitant qu’il puisse contrefaire le costume royal : il reçoit d’ailleurs régulièrement à cet effet des textiles et habits quasi-princiers6334. Lors de son mariage en 1452, il lui est offert un fillet d’or de faible valeur6335. Une fois déchargé de son rôle, il devient un personnage plus ordinaire à la cour. Les musiciens sont appréciés par le roi René dont on connaît l’attirance pour les Arts. En 1478, il donne à chacun des ménestrels un émail doré à ses armes6336. L’Ordre du Croissant, créé par le roi René, constitue un moyen d’attirer et de fidéliser des partisans dans le cadre de la lutte pour faire valoir ses prétentions en Italie. Le collier d’un ordre, par la distinction sociale qu’il opère de facto, est le signe évident du statut élevé de son propriétaire. Un exemple particulièrement flagrant de la hiérarchisation de l’apparence à la cour du roi René est la distribution d’enseignes du pèlerinage de Sainte-Catherine de Fierbois dans le Maine-et-Loire opérée par le roi en 1451 : le roi, la reine et sa fille ont chacun une grande enseigne en or, les six chambellans en reçoivent chacun une petite, vingt-quatre grandes enseignes en argent sont offertes aux gentilshommes et damoiselles et quarante-huit petites de même matériau aux officiers6337. Les variations de taille et de matériau des enseignes remises traduisent la position de chacun dans une hiérarchie pyramidale parfaite au sommet de laquelle se place la cellule familiale du roi René. Cette symbolique pourrait être l’aboutissement d’une réflexion intellectuelle ébauchée quatre ans auparavant. De nombreux achats ou commandes d’enseignes en argent ou en or sont alors effectués : 18 enseignes en 6332 F. Piponnier a noté concernant les pièces vestimentaires, dans le cas des femmes de milieux modestes, le penchant du roi René à offrir au beau sexe des tissus de qualité (Piponnier 1970, p. 276). 6333 Arnaud d’Agnel 1908, n° 862. 6334 Piponnier 1970, p. 236-237. 6335 Arnaud d’Agnel 1908, n° 865. 6336 Ibid., n° 1019. 6337 Ibid., n° 853. 1379 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle argent de saint Pierre de Luxembourg6338, douze enseignes en or pour les chevaliers du roi et 108 autres enseignes en argent à la représentation indéterminée quelques mois plus tard6339. La rareté et l’exotisme sont d’autres aspects à prendre en compte pour la caractérisation de la hiérarchisation de l’apparence. Nous avons mentionné précédemment le cas du collier. Le bracelet dont le roi René fait fabriquer quelques-uns des premiers exemplaires en 14536340, la boucle d’oreille qui devient en Italie dès le début du XVIe siècle et en France à partir de la fin du siècle un bijou caractéristique de la haute noblesse, les ceintures « moresques » et autres touailles dont l’ « exotisme » est révélateur d’une ouverture au monde qui n’est pas permise à tous, autant financièrement que par sa transcription dans le costume dans une société où le regard des autres est un frein à l’ « innovation », sont des accessoires dont la possession est symptomatique d’un statut social élevé. Les dons de vêtements et d’accessoires du costume font partie intégrante des échanges attendus dans les sphères politiques pour établir et entretenir les réseaux de pouvoir et/ou d’amitié et familiaux. Ceci peut aussi bien se traduire par l’octroi du collier d’un ordre que par le cadeau de bijoux moins emblématiques. En 1308, lors d’un dîner offert par le cardinal de Pelegrue dans les environs d’Avignon, l’hôte offre à chaque invité un cadeau d’une valeur proportionnée au degré d’intimité avec le pape6341. Le roi de France Philippe V entretient des rapports particuliers et étroits avec le pape Jean XXII. Il lui fait parvenir à la fin des années 1310 un important lot d’orfèvrerie dont six bagues comportant un petit saphir, un petit rubis ou une grande émeraude6342. Le rite, semble-t-il initié par Innocent VI, le 25 décembre, du présent de l’épée d’honneur, objet accompagné de son fourreau et de sa ceinture de soie couverte d’argent, est destiné à récompenser un brillant fait d’armes ou un personnage ayant mené une importante négociation diplomatique. Son objectif premier est avant tout d’attacher à la personne papale ou de récompenser des proches de la papauté. Il en est de même de la rose d’or, pièce orfévrée purement ornementale, offerte le quatrième dimanche de Carême6343. Grégoire XI entretient de bonnes relations avec son neveu Raymond de Turenne, et le gratifie en 1373 pour son service dans les guerres en Italie d’une ceinture à pièces d’argent doré6344, 6338 Lecoy de La Marche 1875, t. 2, n° 537. Arnaud d’Agnel 1908, n° 546. 6340 Ibid., n° 879, hors de Provence. 6341 Müntz 1899, p. 403, 404 ; Bosco 1913. Se reporter également au chapitre 3.1.1.2. 6342 Coulon 1894, p. 614. 6343 Müntz 1901. 6344 Schäfer 1937, p. 425, 458. 6339 1380 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle en 1374, de 168 perles6345. L’inventaire du roi de France Charles V garde la trace du don par Grégoire XI d’une bague en or avec un rubis de couleur violette et d’une bague en or avec une émeraude carrée6346. Lors de leur entrée dans la ville d’Avignon, les hauts personnages recevaient des cadeaux des autorités communales. Par exemple, le nouveau légat Charles de Bourbon et son proche entourage reçoivent en 1473 de fortes sommes en numéraire et en argenterie6347. Les accessoires du costume n’y apparaissent cependant pas. Le paraître vestimentaire et la volonté de magnificence qui peut s’y rapporter sont autant de manifestations visuelles d’un pouvoir économique ou politique. Il ne peut exister que s’il ne constitue pas la norme. Le renouveau économique et commercial amorcé fin Xe début XIe siècle6348 dans quelques régions comme Arles et ses environs pour la Provence, et plus amplement installé aux XIIe et XIIIe siècles en Europe occidentale6349 conduit à l’apparition de nouveaux consommateurs qui se sont élevés par leur travail, notamment les marchands et les artisans. La qualité et le renouvellement du costume de ces catégories sociales va progresser et concurrencer les pratiques de la noblesse. Les rois de France vont tenter de contrôler cette évolution de la société avec les premières ordonnances somptuaires de Philippe-le-Hardi en 12796350, de Philippe-le-Bel en 12946351. À la même époque sont rédigés en Provence6352 et en Castille les premiers textes statuant sur le luxe du costume6353. En Italie, hormis quelques très rares exemples antérieurs, la majorité des communautés ne règle également l’apparence qu’à partir de la seconde moitié du XIIIe siècle6354. Si l’on excepte les ordonnances françaises, les premières règlementations somptuaires ont pour objectif de limiter les dépenses de ceux qui, dans la population, seraient tentés de paraître d’un niveau social plus élevé que leur niveau réel et donc de se ruiner. En Provence, la législation ne vise que les femmes. Une première réglementation promouvant une distinction sociale est préparée en Provence à Marseille en 1365 mais non mise en pratique. Cette criée 6345 Ibid., p. 504. Müntz 1891, p. 198. 6347 Pansier 1913 b, p. 196. 6348 Février 1964, p. 213 ; Pernoud 1951, p. 131 ; Poly 1976, p. 214-223 ; Weiberger 1990, p. 12. 6349 Pour la Provence : Février 1964, p. 213, Pernoud 1951, p. 133-136 ; pour l’Europe : Bois 2000, p. 45-53. 6350 Duplès-Agier 1854. 6351 Laurière 1723, p. 541-542 ; Lacroix 1869, p. 3-6. 6352 Se reporter à l’annexe 7, chapitre 1.1. 6353 Gonzáles Arce 1998, p. 27, 31. 6354 Kovesi Kolerby 2002, p. 28-29 ; Ottaviani 2005 ; Giuseppina Muzzarelli 2002. C. Kovesi Kolerby rappelle, dans son introduction (2002, p. 24-27), un certain nombre de règlementations somptuaires promulguées en Europe de l’Ouest depuis la fin de l’Empire carolingien jusqu’à 1300. 6346 1381 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle ne se proposait de distinguer que les milites, c’est-à-dire les nobles et leurs femmes – auxquels plus d’options sont autorisées – et les proxénètes et prostituées – pour lesquels les interdictions sont plus nombreuses – du reste de la population6355. Elle rappelle en cela les textes italiens antérieurs qui ne limitent pratiquement que le costume du popolo. C’est au légat Pierre de Foix que revient d’avoir inauguré à Avignon, en 1462, un type de règlement somptuaire6356, jusque-là inexistant en Provence, où le costume de chacun est conditionné à son statut et à son sexe. La constitution d’une hiérarchie des classes apparaît dans la législation castillane bien plus tôt, dans le deuxième quart du XIVe siècle6357, dans celle d’Italie à l’extrême fin du XIVe siècle6358. Dans tous les cas, les deux sexes sont concernés. Les tentatives de la seconde moitié du XIIIe siècle de la monarchie française pour conditionner le costume de chacun en fonction de son statut – en tenant compte du nombre de vêtement et de leur renouvellement – n’ont pas de postérité immédiate puisqu’il faut attendre 1485 et Charles VIII pour que ces préconisations soient renouvelées6359. Jusqu’en 1543, les ordonnances royales ne se conforment pas au mouvement général puisqu’elles tentent d’interdire le port des draps d’or et d’argent et de la soie à tous sauf à quelques classes supérieures de la société dont le nombre va en s’accroissant au cours du temps. Le texte de Pierre de Foix divise la société en quatre états dont les distinctions sont avant tout fondées sur la qualité du tissu de soie ou de drap et sur la possession des accessoires du costume. Le texte d’Aix-en-Provence, daté de 1544, scinde la société en cinq degrés6360. La distinction entre ces degrés est établie sur la qualité du drap et de la soie qui leurs sont autorisés mais les accessoires métalliques du costume ne sont pas considérés. L’ordonnance française de 1549 marque un tournant dans l’approche royale du luxe du costume6361. À chaque catégorie de la société correspond des ornements et des tissus autorisés et parfois des couleurs dont le luxe s’amplifie à mesure qu’on s’élève vers le roi, la soie restant l’unité de mesure. À tous cependant, restent interdits les draps d’or et d’argent, et la couleur cramoisie n’est autorisée 6355 AM Marseille, BB 24, f° 216 v° - 217 v° ; 234 r° - 235 r°. Voir Girard et Pansier 1909, p. 192. 6357 Gonzáles Arce 1998, p. 105. 6358 Kovesi Kolerby 2002, p. 86. 6359 Lacroix 1869, p. 13-14. Lacroix (1869, p. 12-14) reproduit un long passage d’un ouvrage, dont il ne donne ni l’auteur ni le titre, qui prouverait que Charles VII aurait promulgué un édit après sa victoire définitive contre les anglais, donc entre 1453 et 1461 : « Il est à noter que, après que le roy Charles septiesme de ce nom eut glorieuses victoires contre les anciens ennemys de son royaulme, il en voulut louer glorifier et regracier Dieu le Créateur, cognoissant que c'estoit par l’influence de sa divine pitié et miséricorde... ». 6360 Annexe 8, doc. 28. 6361 Se reporter à l’annexe 7, chapitre 2.1.3. 6356 1382 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle qu’aux princes et princesses, emblèmes du pouvoir royal6362. Des exemptions sont formulées au sujet des harnois de guerre des soldats du roi et de celui de leurs chevaux, les jours de bataille, dans l’optique d’une ostentation de la monarchie6363, peut-être même de la perduration d’un idéal chevaleresque comme dans le royaume de Castille6364. L’ordonnance de 1583 marque un nouveau changement. La place des accessoires du costume, relativement restreinte lors de la période précédente, augmente fortement. Ils deviennent l’étalon pour la mise en évidence de la hiérarchie sociale. Au XVIIe siècle, la monarchie opère un retour en arrière en revenant à une prohibition générale6365. Jusqu’au XVIe siècle, la conception régissant l’établissement des législations royales est celle d’une hiérarchisation des différentes classes de la société. Le nivellement général opéré par la suite traduit un changement d’orientation : la monarchie ne reconnaît plus à la noblesse le droit de se distinguer par son costume. Elle cesse de la défendre des atteintes de la bourgeoisie et s’attribue seule la possibilité d’exalter sa puissance par l’ostentation. À la fin du Moyen Âge, dans bon nombre de villes, la chevalerie ne définit plus la noblesse : cet état est obtenu par reconnaissance des pairs6366. Par exemple, des familles bourgeoises ou des lignées d’artisans participant à la vie communale y accèdent, d’autres encore prennent une certaine dimension sur la place politique nationale. Face à une noblesse en perte de vitesse et dont les pouvoirs s’amenuisent considérablement, la royauté semble prendre le parti de ne plus lui accorder la même considération. 4.2.4. Le legs des accessoires du costume après la mort Le contenu d’un testament est le reflet de chaque époque et de chaque individu. Le droit familial, les préoccupations religieuses, les liens familiaux et d’affection y transparaissent. Le testament débute ordinairement par des formulations religieuses, se poursuit par les modalités des funérailles et l’élection de sépulture, continue avec les 6362 Les dépouillements de C. Mérindol (1989, p. 195-200) dans les inventaires princiers et royaux du XIVe siècle illustrent l’importance des rouges et de leur degré de saturation comme signe du pouvoir, même si la bourgeoisie s’y met peu à peu. Le cramoisi interviendrait progressivement au XIVe siècle. D’après le témoignage de Christine de Pisan, la reine Jeanne de Bourbon, femme de Charles V, « estoit vestue d’habits royaux larges et flottants, en Sambucs pontificales, qu’ils appellent chappes ou manteaux de drap d’or ou de soye couverts de pierreries » (cité par Aragon 1921, p. 41-42). 6363 Même raisonnement pour les communes italiennes (Kovesi Kolerby 2002, p. 89-90). 6364 Gonzáles Arce 1998, p. 108-109, 155-160. 6365 Se reporter à l’annexe 7, chapitre 2.1.3. 6366 Voir l’exemple de Tarascon (Hébert 1975, p. 53-57). 1383 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle demandes de messes commémoratives, fondations de messes et legs pie avant d’aborder l’héritage proprement dit. Plusieurs héritiers particuliers sont mentionnés puis l’héritier universel est désigné. Le plus souvent, ce sont des terres, des bâtiments et de l’argent qui sont légués. Régulièrement, des pièces vestimentaires telles qu’un manteau ou une robe sont offerts, mais le don post-mortem des accessoires métalliques du costume n’est pas particulièrement courant. Aucune étude n’a malheureusement été menée en Provence sur la question des legs, ce qui est dommageable pour la compréhension de la signification et de l’ampleur de cette pratique. Une étude générale concernant la nature des biens donnés dans plusieurs centaines d’actes répartis selon des critères temporels, géographiques et sociétaux pourrait être menée. Elle éclairerait sur l’évolution de la pratique du legs des accessoires métalliques du costume et sur sa place dans les différentes couches de la société. D’une manière générale, d’après ce que nous pouvons en juger par la bibliographie et nos recherches dans les archives qui nous ont amené à rencontrer de nombreux testaments, les femmes lèguent préférentiellement des éléments du costume à d’autres femmes et les hommes à d’autres hommes. Les testaments de ces derniers mentionnent rarement des accessoires métalliques du costume. Ceux qui sont listés dans les testaments sont tous en matériaux précieux. La valeur économique de ces biens est une condition sine qua non à leur mention. Elle est un gage de la nature du lien qui unit le testateur et l’héritier. Le choix des biens transmis découle de considérations relatives à la forme et à l’intensité des liens personnels ou religieux, de la nécessité de préserver le patrimoine familial, de la nature des biens possédés en propre par les femmes. L’un des dons d’accessoires du costume les plus courants est celui que réalise l’époux envers sa femme. Dans le droit provençal, celui-ci reste en effet propriétaire des bijoux de la dot et de ceux qu’il achète pour son épouse jusqu’à sa mort. Ils sont ensuite normalement transmis à son décès à ses enfants ou à défaut aux parents de l’épouse. En 1581, dans le cas où sa femme meurt sans enfants, le sergent Aldovande de Saint Liberat promet de rendre les bijoux et autres biens dotaux au père et capitaine corse, Rodilhe de la Casa Bianca, qui tient garnison à Sisteron6367. Léguer ses ornements à son épouse est une marque d’amour. En 1274, le testament de Bertrand des Baux mentionne le legs à sa femme Dragonette de 10 000 sous tournois et de tous ses meubles et bijoux6368. En 1405, Bernard de Littera, d’Aix, rend sa dot de 400 florins à sa femme et lui lègue tous ses vêtements et joyaux, quels qu’ils soient ou qui 6367 6368 Laplane 1843, t. 2, p. 518. Barthélémy 1882, p. 165-166, n° 578. 1384 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle pourront exister, omnia sua joqualia quecumque sint et vestes si que sint vel esse possunt seu possent6369. Neuf ans plus tard, Jean de Montiles, citoyen de Marseille, lègue à sa femme 1000 francs d’or outre sa dot ainsi que ses habits et bijoux : omnes et singulas raupas et jocalia6370. En 1453, Antoine Raynaud lègue à sa bien-aimée femme pour ce qu’elle ne cesse de faire nuit et jour, qu’il soit en bonne santé ou malade, tous ses vêtements et les joyaux d’or et d’argent et de perles qu’elle a portés les jours de fêtes et les jours ordinaires, quels que soient leur prix, leur état et leur forme, et un coffre de noyer, neuf : pro bonis per eam michi factis et impensis seruiciis et que facere non desinit nocte dieque, tam in sanitate quam infirmitate meis videlicet omnes suas vestes et jocalia auri et argenti et perlarum, tam festinatas quam cotidianas cuiuscumque valoris, conditionis e forme existant, item unam capsiam nucis nouam6371. En 1566, à Auriol, le contrat de mariage entre Pierre Ancelme, écuyer, et sa femme Marie Achard, habitants d’Avignon, stipule que toutes les robes, bagues et autres joyaux de Marie appartiendront au survivant des mariés6372. En 1498, Raoul Perussis restitue sa dot à sa femme, lui abandonne l’ensemble de ses habits et bijoux, lui laisse de la nourriture et des vêtements ainsi que les vêtements de deuil qu’elle devra porter6373. D’autres considérations que la simple preuve d’amour peuvent s’inscrire dans le legs : en 1524, Louis de Cassin, seigneur de Peypin et La Destrousse, habitant d’Auriol, lègue à sa femme Louise de Ramesan tant qu’elle restera veuve sous son nom tous les revenus de ses fiefs ainsi que les vêtements, linges et joyaux à l’usage personnel de la légataire6374. Nous remarquons que les enfants ne sont pas les principaux bénéficiaires du legs des accessoires du costume de leurs parents. Peut-être certains de ces éléments leur sont-ils transmis du vivant du testateur ? Pour les filles mariées, il est possible que la dot ait compris des objets de parure de leur mère. Celle-ci en conserve d’autres à son usage personnel et peut souhaiter les distribuer à ses enfants à sa mort : en 1470, Jeanne Mollet, femme de Jacques Gombert de Sisteron, veut laisser à ses cinq filles trois ceintures d’argent, dont deux garnies de corail et la troisième de jais, une chaîne d’argent doré, deux fronteaux de perles et deux 6369 Ramière de Fortanier 1973, p. 41. AD BDR Marseille, 351 E 167, f° 81 r° - 83 v°. Ce genre de formule est très courant. En voici un autre exemple : Dans le testament de 1473 de Pierre Cadard d’Avignon, sa femme Catherine reçoit à la mort de son mari tous ses vêtements et ses bijoux en or et en argent qu’elle a ou qu’elle aura : omnes vestes et omnia jocalia sua auri et argenti que habet et habitura est tempore mei obitus (Pansier 1931, p. 63). 6371 Ramière de Fortanier 1973, p. 135. 6372 AD Vaucluse, 3 E 12 1347, f° 556 r° - 559 v°. 6373 Guilhermier 1960, p. 66. 6374 Raimbault 1921, p. 5. 6370 1385 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle chapelets de corail et d’argent6375. Dans son testament de 1482, Anne Pelos, habitante d’Avignon, peut-être parce qu’elle n’a pas eu de fille, lègue à son fils Guillaume trois ceintures avec tissu de soie garnies d’argent6376. Vingt ans plus tard, la riche Alayete Maurisse prévoit de donner à sa fille de nombreux vêtements, des tasses et un trenon de perles pesant quatre onces d’or6377. Ainsi qu’il a été souligné, les hommes lèguent peu d’accessoires métalliques du costume. En voici toutefois un exemple : Pons Trenquier, docteur en droit d’Avignon, lègue à son fils un manteau et la meilleure de ses ceintures de vermeil d’après un document de 14556378. Beaucoup de bijoux sont donnés à d’autres membres de la famille. Par exemple, dans son testament de 1413, la veuve Catherine Novel, de Marseille, lègue 40 florins, un chapelet d’ambre, un autre de corail et cinq de ses bagues à sa belle-fille Louise6379. Gaufride Forbin, veuve de Guillaume Forbin habitant de Marseille, veut transmettre en 1432 à sa petite fille Dulciette sa ceinture d’argent et à une deuxième du nom de Gaufride ses perles en ambre6380. Elles sont alors toutes deux mariées. L’évêque Paul de Sade donne deux de ses ceintures d’argent doré à un membre de sa famille par un acte daté de 14336381. Dans son testament, en 1496, Catherine, fille de Johan Forbin, armateur marseillais, lègue à sa sœur sa ceinture de mariage à condition qu’elle dise ou fasse dire les sept psaumes pendant une année complète, sans y manquer une seule fois6382. En 1502, Hélène Ranquis, femme d’un barbier d’Aix, souhaite donner à son frère une chaîne en or pesant quatre écus et une bague en or que sa mère lui avait donnée6383. Le legs peut ne prendre effet qu’au moment du mariage de l’héritière comme il apparaît dans le testament de deux marseillaises : celui de 1415 de Ludovica Mayni et celui de 1427 de Rixende Calver. L’objet du legs peut donc être considéré comme partie intégrante de la dot. Dans le premier document, trois filles de son entourage dont sa filleule ne recevront une bague avec un saphir seul ou entouré de quatre ou six perles qu’à l’occasion de cet évènement6384. Dans le deuxième acte, la filleule entre en possession de la bague d’une valeur 6375 Laplane 1843, p. 516-517. AD Vaucluse, 3 E 5 1006, f° 66 r° - 67 v°. 6377 AD BDR Aix, 308 E 814, 1er cahier, f° 10 r° - 13 v°. 6378 Bayle 1884, p. 458. 6379 AD BDR Marseille, 351 E 166, f° 70 r° - 72 r°. 6380 AD BDR Marseille, 351 E 242, f° 201 r° - 202 v°. 6381 Albanès et Chevalier 1899, pièce 686. 6382 Ribbe 1898, p. 156. 6383 AD BDR Aix, 308 E 814, 1er cahier, f° 15 r° - 16 r°. 6384 AD BDR Marseille, 351 E 167, f° 99 v° - 102 r°. 6376 1386 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle de 2 florins ad earum maritagium et non ante6385. Il en est de même, en 1502, pour une bague en or gravée du nom de Jean destinée à une jeune fille de l’entourage de Catherine Galice, d’Aix. Elle lègue également à sa cousine germaine sa ceinture à boucle, mordant et appliques en forme de rose en vermeil et à une de ses proches un trenon de perles6386. Dans de nombreux cas, les liens familiaux, s’ils existent, ne sont pas apparents, et il est donc probable que le legs soit fait à des ami(e)s. Par exemple, en 1354, Gassende Raynaud d’Aix lègue à Jacobeta la fille d’Alasacie Boete de Martigues un chapelet en ambre6387. En 1407, l’« allemand » Hugon Salabart, habitant de Marseille, non marié, gisant au lit par infirmité, lègue à l’épouse d’un mercier et à un homme deux bagues en or qu’il porte à ses doigts, l’une avec une pierre bleue, l’autre avec une pierre rouge6388. Ordinairement, les legs pour la célébration des messes et pour l’Œuvre des filles à marier se font en numéraire. Quelques rares contre-exemples ont été rencontrés. Guimone, femme de Guilhem Vial, transmet à l’Œuvre par son testament de 1351 des chapelets en ambre totalisant 200 perles6389. En 1502, Alayete Maurisse donne au prêtre Pierre Fulcon sa chaine en argent d’une valeur de 50 florins pour un trentenier de messes pour son âme. Ce prix est largement supérieur à celui qui a pu être constaté ailleurs pour le même service. Elle lègue au prédicateur Jean Fabre une tasse en argent pesant un marc, un chapelet d’argent pesant six onces avec ses signets de corail, quatre bagues en or dont deux sont serties d’un diamant ou d’une émeraude6390. Cette testatrice est semble-t-il une ardente pratiquante. D’autres testatrices prévoient de faire remettre des éléments orfévrés du costume à des Œuvres ou à des édifices religieux après leur mort pour financer la fabrication, l’entretien ou la réparation des objets cultuels. La marseillaise Ludovica Mayni lègue ainsi en 1415 sa bague en tôle d’or à l’église Sainte Marie-Majeure, dans laquelle elle a élu sépulture, pour la dorure d’un calice6391. En 1484, la veuve Lhautard, de Sisteron, donne au couvent des cordeliers sa ceinture évaluée à plus de 60 florins à condition qu’il en soit fait un calice6392. Dix-huit ans plus tard, dans son testament, Catherine Galice, d’Aix, donne une chaîne double en argent, des chapelets de corail fin et d’argent ainsi que sa ceinture à boucle, mordant et appliques en 6385 AD BDR Marseille, 351 E 236, f° 235 r° - 238 r°. AD BDR Aix, 308 E 814, 1er cahier, f° 24 v° - 30 r°. 6387 Ramière de Fortanier 1973, p. 21. 6388 AD BDR Marseille, 351 E 226, f° 33 v° - 34 v°. 6389 Pansier 1907, p. 331, 350. 6390 AD BDR Aix, 308 E 814, 1er cahier, f° 10 r° - 13 v°. 6391 AD BDR Marseille, 351 E 167, f° 99 v° - 102 r°. 6392 Laplane 1843, p. 517. 6386 1387 4. Les accessoires métalliques du costume : éléments de la culture matérielle argent à la cathédrale Saint-Sauveur. Les objets seront vendus et le produit permettra de contribuer à la remise en état d’une image du Christ. Elle lègue également sa bague en or émaillé à pierre jaune pour la réparation et l’ornementation de la tête reliquaire de Sainte Marie-Madeleine à Saint-Maximin6393. Catherine Cabesse, d’Avignon, va plus loin puisque, semble-t-il sans héritier, elle fait don de ses biens à l’Aumône de la Fusterie. L’inventaire dressé en 1375 mentionne entre autres de nombreux vêtements et une bague en or avec saphir6394. L’improbité des religieux peut faire obstacle à l’accomplissement du legs. En 1423, à l’approche de la mort, le chanoine d’Aix Guillaume de Littera éprouve des remords et ressent le besoin de soulager sa conscience : il lui a été remis par le passé un legs de 20 florins reçus de la vente d’une ceinture ayant appartenue à une dame Todora et qu’elle avait destiné à l’église du castrum de Rognes pour en faire un calice. Il ordonne que ces vingt florins soient remis à l’église6395. En 1456, Jeannette Veilhon, de Barjols, lègue sa plus grande ceinture d’argent au chef de Saint-Marcele et son anneau avec six grosses pierres au bras du même saint6396. Dans son étude des dons de particuliers à la fabrique de la cathédrale de Strasbourg à la fin du Moyen Âge, C. Stanford remarque que les femmes sont largement majoritaires dans les legs de vêtements civils et de joaillerie6397. Les hauts dignitaires catholiques, dans leur testament, font parfois don à leur église d’un costume liturgique complet comprenant souvent une ceinture. C’est ce que fait le prévôt de Marseille Pierre Bermond en 1214, la ceinture étant à pièces d’argent6398. En 1334, l’évêque et les chanoines de Marseille réceptionnent un tel legs du défunt évêque Aimar Amiel. La ceinture est de soie blanche et verte6399. L’évêque de Marseille Jeans Gasqui, dans son testament de 13446400, et le cardinal Pierre Girard, dans un acte daté de 14106401, font de même. Dans tous ces cas, les vêtements appartenaient au testateur. Il ne s’agit pas du legs d’une somme d’argent ayant vocation à être employée à l’achat de pièces de costume comme cela se rencontre dans le royaume de France aux XIVe et XVe siècles6402. 6393 AD BDR Aix, 308 E 814, 1er cahier, f° 24 v° - 30 r°. Pansier 1925-1927, t. 2, p. 91. 6395 Ramière de Fortanier 1973, p. 71. 6396 Aubenas 1927, p 89. 6397 Stanford 2010, p. 185-186. 6398 Albanès et Chevalier 1899, pièce 1141. 6399 Ibid., pièce 488. 6400 Ibid., pièce 514. 6401 Albanès et Chevalier 1920, pièce 1674. 6402 Piponnier 1997. 6394 1388 Conclusion et perspectives de recherche Conclusion et perspectives de recherche L’identification de la plupart des objets du corpus comme des éléments du costume ne pose pas de véritable problème. Il en est autrement pour les anneaux et boucles et dans une moindre mesure pour les appliques. L’analyse statistique nous a aidé dans le cadre des anneaux et boucles à fenêtre semi-ovale à proposer des hypothèses à ce sujet. Elle a également permis pour plusieurs formes de boucles à double fenêtre symétrique de proposer une utilisation dans la chaussure, emploi dont l’apparition peut être fixée au XIVe siècle et qui perdure au-delà de la période d’étude. D’une manière générale, les anneaux, boucles et autres éléments d’attache ont eu dans le costume de multiples fonctions qui varient selon les époques. Les accessoires métalliques du costume que nous avons étudiés constituent les ultimes témoins matériels de pratiques vestimentaires anciennes. Or, le costume est un fait social et les objets qui en font partie ne peuvent donc être étudiés isolément, hors du contexte de la société dans laquelle ils ont été fabriqués et utilisés. L’utilisation à bon escient des sources écrites et iconographiques, dont l’étude constitue un domaine scientifique à part entière que nous ne pouvions aborder que très partiellement dans le cadre de notre approche, est donc nécessaire pour compléter l’étude du mobilier archéologique et la mettre en perspective. Un tel programme de recherche nécessite beaucoup de temps et d’investissement. Il a également fallu concilier travail professionnel et travail de recherche. Chaque objet est fabriqué à partir d’un ou de plusieurs matériaux dont l’approvisionnement est régi par des relations économiques que les comptes de péage et d’autres sources d’archives permettent de mieux comprendre. Marseille constitue l’un des points névralgiques du commerce régional. La ville est à la fois le point de départ et d’aboutissement de nombreuses routes terrestres et maritimes. La vallée du Rhône et la vallée de la Durance sont les principales voies de circulation internes à la Provence. Nous avons démontré qu’elles sont empruntées par les chargements de métaux et d’alliages en provenance des Alpes ou du nord de l’Europe. Depuis l’est et passant par Saint-Gilles et Arles, d’autres convois approvisionnent la Provence. Ces importations de matériaux, parfois très lointaines dans le cas de l’étain et pour la calamine dont le commerce ne s’effectue que sous forme d’alliage avec le cuivre, sont nécessaires à la bonne activité des artisans, l’exploitation minière provençale n’étant pas suffisante pour couvrir les besoins locaux et ne fournissant ni étain ni calamine. Le nombre important d’artisans des métaux en Provence traduit la bonne régularité des approvisionnements. Le coût des métaux et des alliages augmente avec le 1389 Conclusion et perspectives de recherche temps, en partie à cause de l’érosion monétaire, en partie à cause de l’évolution de l’offre et de la demande. Il est aussi soumis à des variations de cours dont les raisons exactes restent à identifier. Les prix de l’or, de l’argent et de l’étain varient de façon importante. Les métaux les moins chers sont le fer et le plomb. La valeur du cuivre, plus élevée, est cependant inférieure à celle de l’étain. Le coût de l’or et de l’argent est sans commune mesure avec celui des autres métaux. La valeur de la calamine n’étant pas connue, il n’est pas possible de la comparer avec celle de l’étain, et ainsi de vérifier leur influence respective sur le choix des alliages cuivreux. Les métaux précieux sont mis en œuvre par les orfèvres et les argentiers, artisans dont une part sans doute importante de l’activité de fabrication des accessoires du costume se fait sur commande. Leur production s’étend presque à l’ensemble de ces accessoires : seules les épingles paraissent en être exclue. Lorsqu’elle n’est pas le résultat d’une commande, elle est vendue auprès de grands marchands ou directement dans leur boutique. Les artisans ayant produit de façon régulière des accessoires du costume en fer ou en alliage cuivreux – au-delà donc de la fabrication opportuniste d’un forgeron ou d’un serrurier pour répondre à un besoin ou à une demande précise – n’ont pu être clairement identifiés dans les sources écrites provençales. Les quelques fondeurs connus, lorsqu’ils apparaissent, procèdent à la fonte d’objets de grande dimension mais leur mention dans les archives est liée à la valeur des biens à fabriquer. Ceci ne préjuge donc pas du reste de leur activité. Les chaudronniers en tant qu’ouvriers de la tôle ont pu produire des pièces métalliques du costume, mais rien ne le prouve. Les sources d’archives provençales montrent que l’activité des artisans ne peut pas toujours être réduite à la dénomination du métier qui leur est donnée. Par exemple, des personnes travaillant la tôle apparaissent comme ayant aussi les compétences pour réaliser de la grande fonte. Même si la plupart des accessoires du costume découverts en Provence ont pu être importés, notre étude typologique montre que l’aire de diffusion de plusieurs types d’anneaux et boucles, leurs chapes et les mordants qui leur étaient associés révèle qu’ils ont été très certainement fabriqués dans la région. La distribution des attestations d’une forme de bouton et de plusieurs autres types de boucles montre également qu’une production de ces pièces en Provence et/ou dans les régions limitrophes est très probable. Ces cartes de diffusion ont été systématiquement comparées à des cartes répertoriant les éléments de comparaison de la bibliographie rassemblée pour éviter les erreurs d’interprétation. Concernant les artefacts en matériaux blancs, c’est-à-dire en étain, plomb et leurs alliages, il est possible que des potiers 1390 Conclusion et perspectives de recherche d’étain, artisans dont le nombre est relativement important en Provence, les aient produits. Toutefois, la fonte des matériaux blancs ne demande pas des connaissances très pointues et la fabrication de ces objets a pu également être réalisée par un artisan du cuivre et de ses alliages. Nous avons constaté que les pièces en matériau blanc et celles en cuivre ou en alliage cuivreux ont un aspect semblable. Les données archéologiques hors de Provence et les sources écrites provençales attestent des cas d’associations d’artisans de corps de métiers distincts ou d’ateliers dans lesquels des procédés métallurgiques différents étaient mis en œuvre par des ouvriers plus ou moins spécialisés. La disposition des accessoires métalliques sur le costume, bijoux et objets de dévotion exceptés, est effectuée par plusieurs types de professionnels. Les orfèvres se chargent de placer les anneaux, boucles, chapes, mordants ou terminaisons de la ceinture et les appliques en argent ou en or sur les courroies. Ce travail constitue l’activité des ceinturiers pour les ceintures à pièces métalliques en métal ou en alliage non précieux. Les boutons, œillets, lacets à ferrets et agrafes sont mis en place par les tailleurs. La clientèle peut néanmoins se procurer ces différents éléments isolément auprès de colporteurs, de merciers et de marchands. L’activité des premiers est exclusivement itinérante, celle des seconds peut l’être. Alors que les marchandises sont chargées à dos d’homme ou dans une brouette pour les premiers, les merciers non sédentaires possèdent des animaux de bâts. Les merciers sédentaires se distinguent difficilement des marchands. Ils sont d’ailleurs parfois désignés sous l’un ou l’autre nom au bas Moyen Âge et au début de l’Époque moderne. La dénomination de mercier tient autant à la nature des marchandises vendues, c’est-à-dire de la mercerie proprement dite mais aussi des vêtements et du drap, qu’à leur appartenance éventuelle à la confraternité des merciers, organisation régie par un roi des merciers assisté de lieutenants et qui est chargée de défendre les intérêts de ses membres tout au moins à partir du XIVe siècle. Le renouveau économique constaté aux XIIe et XIIIe siècles en Provence et plus largement en Europe occidentale a, comme nous avons pu le prouver, de multiples conséquences sur les accessoires du costume. L’activité minière augmente fortement et également les échanges commerciaux. Les métaux sont plus aisément disponibles, notamment ceux de provenance lointaine tels que l’étain et la calamine sous forme de laiton. L’activité des artisans des métaux s’accroît pour suivre l’évolution des besoins. Les analyses de composition réalisées sur un corpus d’accessoires du costume en alliage cuivreux mis au jour sur le site du castrum Saint-Jean à Rougiers révèlent la bonne maîtrise des propriétés des 1391 Conclusion et perspectives de recherche alliages par les artisans6403. Les pièces fabriquées par la fonte comportent régulièrement du plomb, ce qui permet de faire baisser les coûts, celles en tôle n’en présentent pas ou très peu afin de laisser à l’alliage toutes ses propriétés mécaniques lors de la mise en œuvre de la déformation plastique. Le cuivre non allié est choisi lorsque les accessoires, généralement obtenus par la fonte, doivent être dorés. Du fait de la nouvelle disponibilité de l’étain et de la calamine, l’emploi du cuivre non allié diminue au cours du temps au profit du bronze, du laiton rouge ou du laiton6404. Les pièces en laiton rouge ou en laiton arborent une couleur dorée conséquence de la teneur en zinc. Ces pièces, presque toujours en tôle, ne présentent pas de trace de dorure. Même la plupart des artefacts en bronze, souvent fabriqués par la fonte, possèdent une teneur en zinc pour obtenir une couleur de l’alliage plus proche de celle de l’or. Les accessoires du costume sont fabriqués pour être vus. Leur ornementation tient à la fois à leur forme, aux reliefs issus de la fonte ou de l’emboutissage, à la gravure, au poinçonnage, aux ajours qui laissent apparaître le tissu ou le cuir, aux traitements mécaniques de surface (polissage, abrasion), à l’emploi de métaux et alliages de couleurs différentes, à la dorure, à l’argenture, à l’étamage et au niellage. D’autres matériaux comme des pierres, du corail, de l’os, du verre peuvent être associés aux métaux, notamment pour les bagues. La luminosité du verre, des pierres, du métal a son importance. Le caractère ornemental des accessoires métalliques du costume a un grand rôle puisqu’il polarise l’attention et entraîne le regard tout au long de la silhouette en différents points du corps visibles et en mouvement, la tête et le cou, les bras, la taille, les pieds6405. Ces accessoires constituent donc un élément majeur dans l’appréciation de l’apparence. Le succès des alliages cuivreux dans la fabrication des accessoires du costume est lié à plusieurs facteurs. Ce matériau offre tout d’abord plus de possibilités de mises en forme que le fer, bien que celui-ci soit moins cher. La fonte permet facilement l’obtention de reliefs complexes. Les reliefs peuvent aussi être obtenus par emboutissage de la tôle, moins coûteuse en termes de quantité de matière première et au travail nécessitant moins de compétences techniques que la fonte. L’emboutissage permet d’obtenir le décor directement ce qui élimine les travaux de gravure et de poinçonnage. Le cuivre et ses alliages sont généralement plus faciles à inciser que le fer ou à creuser pour l’application d’émaux. Les possibilités de coloration offertes par le dosage des éléments d’alliage et notamment l’obtention d’un aspect 6403 Se reporter à l’annexe 2. Nous reprenons ici les dénominations techniques décrites dans l’annexe 2. Le terme de « laiton rouge » ne préjuge pas de la couleur du matériau. 6405 Nous nous inspirons ici d’une formulation de G. Bartholeyns (2007, p. 250 et 253). 6404 1392 Conclusion et perspectives de recherche doré sont un avantage par rapport au fer et aux matériaux blancs. L’aspect argenté de ces derniers peut cependant avoir incité à les utiliser. Le coût du cuivre et des éléments d’alliage n’est pas un réel obstacle comparé aux possibilités offertes, car la quantité de matière mise en jeu dans la plupart des accessoires reste minime. Avec le renouveau économique constaté pour les XIIe et XIIIe siècles, certaines classes de la population s’enrichissent, accordent plus d’importance ou ont plus de moyens à consacrer à leur apparence. L’augmentation de la diversité typologique des anneaux, boucles, chapes et appliques que nous avons mise en évidence à la toute fin du XIIe siècle et dans la première moitié du XIIIe siècle est révélatrice de cet intérêt. Auparavant, d’après l’iconographie, les ceintures nouées sont la norme. Les chapes, les anneaux et les boucles sont bien plus souvent dorés ou émaillés que par la suite. Des motifs héraldiques, d’animaux fabuleux, de chevaliers à cheval ou à pied ornent souvent les chapes durant la fin du XIIe siècle et le XIIIe siècle. Ils ont été en partie diffusés par les productions émaillées limogeoises de cette époque et les pièces en comportant semblent pouvoir être attribuées au costume élitaire. Le développement des coiffures, des voiles couvrant la tête et des manches interchangeables paraissent expliquer en partie l’apparition de nouveaux accessoires du costume : nombre de types d’épingles, de ferrets de lacets, d’œillets, de boutons et d’agrafes font leur apparition ou connaissent une forte progression de leur utilisation, traduisant des pratiques vestimentaires nouvelles que nous avons cependant du mal à identifier dans l’iconographie. Peut-être sont-elles pour partie relatives à des vêtements de dessous. Remarquons que la diffusion en Provence des boutons et donc des vêtements où ils sont employés semble de provenance italienne. Le laçage a l’avantage de permettre au porteur de desserrer son vêtement sans avoir à l’ouvrir totalement ou devoir s’en dévêtir afin de gagner en liberté de mouvement ou pour s’adapter à la chaleur. Les éléments d’attache susmentionnés remplacent en partie ou totalement d’autres éléments plus anciens qui ne sont plus au goût du jour ou, dans le cas des fermaux, dont l’aspect et l’utilisation vont se modifier. L’emploi des bijoux s’accroît également au cours du XIIIe siècle d’après leurs mentions dans les règlementations somptuaires. Le phénomène est attesté en contexte archéologique pour les bagues. Les disponibilités financières conduisent à une progression de la fréquentation des lieux de pèlerinage, mais la grande majorité des pèlerins tourne ses pas vers des lieux proches. Une petite métallurgie produisant des enseignes et ampoules se développe autour de ces centres religieux. Les règlementations somptuaires qui apparaissent en Provence et ailleurs en 1393 Conclusion et perspectives de recherche Europe dans la seconde moitié du XIIIe siècle constituent une réaction à la somptuosité nouvelle constatée dans la société et dont les accessoires du costume retrouvés en contexte archéologique, rarement en métaux précieux, constituent une traduction. Les accessoires orfévrés, d’une manière générale, constituent du superflu pour la plus grande partie de la population. Mais il en est également pour eux de la plupart des bijoux, ornements de coiffure, boucles d’oreilles, bracelets, parures du cou hormis quelques pendentifs. Les bagues en alliage cuivreux et les chapelets sont par contre couramment utilisés. La diversité typologique des anneaux, boucles, chapes et appliques connaît un pic durant le XIVe siècle. Ces objets participent de phénomènes de mode que l’iconographie ne laisse percevoir qu’incomplètement et dont l’évolution précise est actuellement difficile à caractériser par le mobilier archéologique. Notons que les anneaux et boucles à double fenêtre asymétrique ou à simple fenêtre à chape intégrée ont une faveur plus précoce, dès le XIIIe siècle, que les exemplaires à fenêtre semi-ovale moulurée ou à barre ont un grand succès au XIVe siècle et que celui des spécimens à double fenêtre asymétrique perdure au moins jusqu’au XVIe siècle. Les anneaux et boucles sont le plus souvent en alliage cuivreux, moins fréquemment en fer ou en matériau blanc. D’autres matières comme l’os et la nacre – dans ce cas spécifiquement pour des appliques – apparaissent plus rarement. Les ceintures sont généralement décorées d’un seul type d’applique, parfois de deux modèles disposés alternativement. Les autres combinaisons sont très rares. Les appliques circulaires avec ou sans œillet sont les plus courantes. En termes de fréquence, elles sont suivies des appliques polylobées. L’analyse des artefacts archéologiques et de leur contexte de découverte nous permet d’identifier des types d’accessoires de la ceinture, d’une qualité supérieure à la moyenne, portés par des femmes ou très probablement portés par des femmes. Les motifs rappelant des formes de l’architecture, le monde végétal et les thématiques courtoises connaissent au XIVe siècle une forte expansion. Les boucles de chaussure en matériau blanc ou en alliage cuivreux font leur apparition au cours de cette période. Elles ne cessent pas d’être utilisées par la suite. Au cours du XIVe siècle, le port de la ceinture répond de plus en plus à des exigences esthétiques : sa position sur le corps – sur les hanches, à la taille, sous la poitrine –, sa configuration – longue, courte, demi-ceint, ceinture articulée, etc. –, son matériau et ses ornements – soie, laine, cuir de différentes qualités, broderies de fils d’or et/ou d’argent, pièces métalliques ou non, émaux, etc. – sont les différents facteurs sujets à variation. Le raccourcissement progressif du costume masculin ouest européen et son resserrement pour 1394 Conclusion et perspectives de recherche souligner les formes du corps donnent naissance à un costume masculin court et ajusté dont les premières manifestations en Europe occidentale datent des années 1330 - 13406406. Le costume féminin est également impacté par l’ajustage du vêtement à hauteur du buste. La ceinture devient beaucoup plus visible et joue un rôle important dans le découpage du corps. Elle met en valeur le buste féminin, au naturel, le torse masculin, éventuellement rembourré pour être plus saillant. La ceinture sépare le corps en deux parties égales, marque la structure de l’anatomie et, dans le cas du costume court et ajusté masculin signale la jointure du vêtement. Elle fixe également les plis décoratifs du vêtement de dessus. Dans l’iconographie de Provence comme du reste de l’Europe occidentale, la ceinture masculine, souvent portée basse sur les hanches dans la seconde moitié du XIVe siècle, remonte rapidement à la taille. C’est dans cette position qu’elle figure dans les représentations d’ouvriers et d’artisans exerçant leur activité afin de ne pas gêner leurs mouvements. La ceinture à plaques métalliques articulées est portée par des hommes d’armes dès le dernier tiers du XIVe siècle. Elle est aussi signalée autour des reins de personnages civils jusque tard dans le XVe siècle. Au XVe siècle, le vêtement masculin de dessus peut être plus ample. La ceinture féminine est portée haute sous la poitrine en Italie du Nord dès vers 1320 13306407, mais ce port ne se développe qu’à partir de la fin du XIVe siècle dans la partie occidentale de l’Europe. Il perdure jusqu’au début du XVIe siècle. Souvent, durant le XVe siècle, la ceinture est très large et sa boucle est à fenêtre en accolade. Elle est bouclée sur le devant du corps, sur le côté ou dans le dos. La ceinture féminine peut également être disposée basse sur les hanches ou à la taille. Une ceinture sous forme d’une chaîne fermant par agrafage apparaît sur les hanches des dames dans l’iconographie de l’Europe occidentale au milieu du XVe siècle, à l’extrême fin du XVe siècle dans celle de Provence. La ceinture serrée serrée de manière assez lâche à la suite suit au XVIe siècle l’orientation du corset baleiné et pointe vers le bas. Le même mouvement s’observe pour la ceinture masculine au XVIe siècle, peut-être inspiré sur ce point du costume féminin. Les sources écrites attestent aussi de l’existence de ceintures pour femmes, pour hommes, mais également pour jeunes filles et jeunes garçons, pour enfants d’une manière générale. On sait que la ceinture matérialise chez les enfants le passage de la petite enfance à l’autonomie vers l’âge de sept ans6408. Les ceintures féminines sont plus coûteuses que les ceintures masculines en accord avec la fonction sociale attribuée à l’apparence de la femme 6406 Piponnier 1989 ; Margaret 2009, p. 97. Zingraff 2014, p. 456. 6408 Alexandre-Bidon 1989, p. 138. 6407 1395 Conclusion et perspectives de recherche comme révélateur du statut de sa famille6409. Les lanières seraient préférentiellement en cuir et de faible largeur d’après les découvertes archéologiques en Europe occidentale, généralement en tissu selon les sources écrites, de largeurs variées d’après l’iconographie. La conservation différentielle des cuirs et des textiles, les premiers se conservant mieux que les seconds, explique très certainement l’écart entre les sources. L’étude du mobilier et les nombreux rapprochements réalisés révèlent une grande homogénéité des accessoires du costume dans toute l’Europe occidentale. Les comparaisons avec l’iconographie le montrent également dans une certaine mesure. Les sources écrites précisent quelquefois l’origine des pièces métalliques ou la « façon » spécifique à telle ville qui a été reproduite. Ces mentions, quoique peu nombreuses, illustrent tout de même l’existence de courants commerciaux de grande ampleur que l’on connaît bien pour les textiles et que l’étude du mobilier archéologique révèle en montrant l’étendue de la diffusion de la plupart des types particuliers d’accessoires du costume. Avec le développement du costume masculin court et près du corps, de vêtements plus proches du buste de la femme, les besoins en boutons, épingles, cordons à bouts ferrés et agrafes augmentent. Les aiguillettes, des cordons courts, sont employés pour lier les manches, chausses ou chaussures, les lacets, plus longs, ferment le col, le décolleté ou le devant d’un vêtement de dessus. Les fentes et ouvertures des vêtements ainsi que la forme et la couleur des accessoires qui les clos et le degré d’ajustement participent de l’apparence. Ces ruptures dans l’unité du vêtement attirent le regard en différents points : y disposer des accessoires en métaux précieux ou colorés, c’est attirer d’autant plus l’œil. Au XVe siècle, la variété des anneaux, boucles et chapes diminue tout aussi rapidement qu’elle avait augmenté au XIIIe siècle traduisant un moindre intérêt pour l’ornementation de la ceinture mais aussi le développement de nouveaux types de ceinture fermant par agrafage. Cette évolution se perçoit plus distinctement dans l’iconographie et les sources écrites durant le XVIe siècle. Durant cette période, plusieurs types d’attaches du costume cessent d’être employés. Ils sont remplacés par d’autres modèles d’agrafes et de boutons, certains en os. Les bagues à serti à griffes, quoique connues depuis au moins le milieu du XIIe siècle, deviennent beaucoup plus fréquentes à partir du XVIe siècle. Les bracelets et les boucles d’oreilles, bien que rares, sont d’une utilisation un peu plus courante mais n’apparaissent qu’au poignet et aux oreilles des dames de la noblesse. Les enseignes de pèlerinage en matériau blanc deviennent rares. Elles sont progressivement remplacées par des 6409 Se reporter au chapitre 4.2.1 et à l’annexe 7. 1396 Conclusion et perspectives de recherche médailles. Ces objets sont le résultat d’une évolution morphologique et ornementale des enseignes qui s’enclenche aux XIVe et XVe siècles, avec le développement d’un décor au revers, puis la mise en place d’un unique point de fixation au sommet de l’objet. Les médailles ne se rencontrent en alliage cuivreux qu’à partir des environs de 1600. Le XVIe siècle apparaît comme un tournant dans l’évolution des accessoires du costume que l’analyse future de mobilier plus récent doit permettre de mieux caractériser, tout en corrigeant l’effet de source, conséquence des bornes chronologiques choisies pour notre étude et de la bibliographie rassemblée. Les accessoires métalliques sont le plus souvent retrouvés isolés en contexte archéologique. Outre que les matières périssables sur lesquelles ils ont pu être disposés ont disparu, les autres éléments métalliques avec lesquels ils pouvaient être associés n’ont généralement pas été découverts avec eux. À l’exception des trouvailles dans des sépultures, le mobilier n’est parvenu jusqu’à nous que parce qu’il a été perdu ou jeté. Le recyclage, dont l’importance est difficile à mesurer, ainsi que la perte par oxydation nous privent sans doute d’une partie importante du mobilier original. Notre vision est donc fragmentaire. L’étude typologique en elle-même, quoique nécessaire pour fonder le discours, en tant que construction de l’esprit du chercheur, introduit un biais irrésoluble. Les productions humaines artisanales ne peuvent être totalement réduites à un ensemble de normes et de caractéristiques telles qu’elles existent pour les biens fabriqués dans nos sociétés actuelles. En tant qu’éléments du costume, les objets du corpus doivent être replacés dans le contexte de l’habillement de l’époque. Ils y prennent tout leur sens mais ils ne sont pas seulement fonctionnels, ils sont aussi signifiants, chargés de la pensée médiévale et du début de l’Époque moderne. L’épingle, par sa grosse tête rappelle l’extrémité du membre masculin nous disent les sources écrites. Offrir des épingles peut être vu comme une invitation à la luxure. La ceinture et le lacet ou l’aiguillette sont porteurs d’un caractère érotique. Leur ouverture ou leur délacement permet d’accéder au corps et à la consommation charnelle. La ceinture orfévrée de la mariée est l’ultime gardien d’une virginité à laquelle l’époux va mettre fin. Le bijou de coiffure qui peut couronner l’épouse le jour de la célébration du mariage fait d’elle une reine l’espace de quelques heures. Quant à la ceinture de son mari, elle est une métaphore de son autorité. Sobre et fermée par un nœud, la ceinture est pour le moine et le clerc le symbole de la continence et de la chasteté de l’âme et du corps : elle lui rappelle par sa conformation l’épisode de la flagellation du Christ et constitue une de ses armes spirituelles pour détruire les œuvres du malin. La ceinture militaire est durant un temps également le 1397 Conclusion et perspectives de recherche symbole de la chasteté dont le chevalier doit se vêtir pour exercer son devoir en suivant les vertus théologales et cardinales. Elle proclame la force et les pouvoirs dont est investi celui qui la porte. Ces symboliques disparaissent progressivement avec la perte d’influence de la chevalerie dans la société. Le fermail de type plaque ou de type mors de chape est un symbole du pouvoir des ecclésiastiques et en même temps un signe de leur union avec Dieu comme le révèle l’iconographie. La bague est un gage d’amour et de fidélité pour l’amante comme pour la femme mariée. Elle peut être inscrite de messages religieux ou d’amour, des initiales du Christ, du nom de l’aimé(e), porteuse de la figuration d’un cœur. Des motifs allégoriques ou caractéristiques de l’amour courtois s’observent sur des bagues en alliage cuivreux, mais aussi sur des accessoires de la ceinture, traduisant la transmission de ces symboliques hors du cadre des sphères supérieures de la société. La bague est le signe du mariage spirituel des clercs et religieux avec Dieu, un signe de pouvoir pour certains abbés, les évêques, les cardinaux et le pape. Hors du cadre particulier de l’iconographie, le port de la boucle d’oreille passe d’un statut négatif durant le bas Moyen Âge – objet provoquant en perçant l’oreille une altération de la création divine – à celui de bijou caractérisant la haute noblesse au XVIe siècle. Ce statut est acquis au bracelet dès son apparition et le reste pendant longtemps pour le collier orfévré. Celui-ci est un support privilégié de l’emblématique à travers les colliers d’Ordres chevaleresques, princiers et royaux tels celui de la Jarretière, de la Toison d’or ou bien encore l’Ordre du Croissant créé par le roi René. Le chapelet, tenu à la main, est à la fois un ornement et un objet utile à la dévotion privée. Cette dévotion peut s’appuyer sur une ampoule de pèlerinage contenant un peu d’eau bénite, de cire de bougie ou de terre des environs du sanctuaire. Les enseignes ont aussi un caractère ornemental en plus des vertus prophylactiques et protectrices qui leur sont prêtées lorsqu’elles sont de nature religieuse. Elles sont portées sur le costume du pèlerin ou peut-être du dévot qui s’en sera procuré un exemplaire auprès d’un colporteur ou d’un mercier, ou cousues dans des livres d’heures où elles servent de support à la dévotion. Elles peuvent aussi sans doute être conservées précieusement dans une bourse tout comme les ampoules qui ont également la possibilité d’être pendues au cou. Les enseignes métalliques semblent avoir eu avant tout un rôle de protection durant la vie terrestre. La coquille Saint-Jacques, enseigne du célèbre sanctuaire de Galice, possède cette fonction mais aussi un rôle de protection dans l’au-delà comme l’indique sa découverte régulière dans les sépultures. La diffusion des lapidaires ou la transmission orale de leur contenu influencent le choix des pierres ou des verres colorés qui ornent les bagues et plus largement les bijoux. Des 1398 Conclusion et perspectives de recherche vertus prophylactiques ou protectrices leur sont attribuées. Les couleurs rouge à l’image du rubis, bleue à l’image du saphir et blanc ou transparent pour le diamant sont les plus courantes. Les deux premières sont particulièrement indiquées pour les membres les plus élevés de la hiérarchie ecclésiastique pour lesquels elles symbolisent respectivement l’amour divin et la sphère céleste. D’autres pierres comme la « crapaudine » préservent de l’empoisonnement. Les pendentifs avec une branche de corail protègent les très jeunes enfants de bien des maux. La luminosité des pierres, des perles et des métaux, notamment de l’or et de l’argent, est un élément important dans leur choix car dans la société médiévale ce qui est brillant et lumineux est beau. La valeur économique de l’or, de l’argent, des pierreries et perles mis en œuvre pour les accessoires métalliques orfévrés en font des moyens de thésaurisation ; elle donne aussi son sens au don et au legs des accessoires du costume. Les legs d’accessoires du costume sont destinés à perpétuer après la mort le souvenir des liens intimes ou particuliers unissant le testateur et ses proches ou de la ferveur religieuse du testateur quand les legs bénéficient à des Œuvres ou à des instruments liturgiques et des reliquaires d’un lieu de culte, pour lequel il peut avoir une affection. Le don d’accessoires du costume entre dans un ensemble plus large de pratiques concernant le costume dans son ensemble et qui ont pour objectif d’entretenir les liens particuliers, d’égalité ou de subordination, d’amitié ou de pouvoir régissant les individus. Les accessoires orfévrés comme les tissus de qualité sont indicateurs du statut social et de la richesse de son propriétaire. Ils sont la parure légitime des femmes et la coquetterie qu’il faut dénoncer lorsque leur nombre et leur somptuosité sont excessifs. Graduer l’accès aux tissus et à l’orfèvrerie en fonction du statut social est un moyen de confiscation du pouvoir, de perpétuation d’un idéal jamais atteint d’une hiérarchisation parfaite de la société. Nos travaux présentés dans cette thèse sont à la fois l’aboutissement de plusieurs années d’études et le point de départ de nouvelles recherches. Comme souvent, les résultats obtenus suscitent de nouvelles questions. Nous poursuivrons nos recherches sur les accessoires métalliques du costume tout en continuant d’analyser du mobilier métallique d’autres origines afin de caractériser des mouvements de fond d’ordres techniques ou économiques, mais également pour élargir la réflexion et conserver un plus grand esprit critique en ne restant pas concentré sur le seul point de vue du fait vestimentaire. Nous poursuivrons également l’étude croisée des sources archéologiques, écrites et iconographiques 1399 Conclusion et perspectives de recherche dont les résultats prouvent incontestablement la validité et l’apport à la compréhension du mobilier et plus largement à une culture matérielle. Les ateliers métallurgiques du cuivre et de ses alliages en Provence n’ont pour le moment encore jamais fait l’objet d’études spécifiques, l’accès aux données de fouilles du seul exemplaire connu, à Avignon, n’étant pas autorisé. Nous fonderons nos recherches sur les inventaires de prospections réalisés en de nombreux points de la Provence, consulterons la communauté scientifique régionale pour tenter de trouver un ou plusieurs de ces ateliers et en mener la fouille archéologique, avec des protocoles tenant compte des spécificités d’un tel site et des problématiques possibles. Nous avons également l’intention avec l’aide de spécialistes de développer les analyses de composition sur les accessoires métalliques du costume et de procéder à des analyses métallographiques sur des objets en tôle ou en fil. L’ethnoarchéologie est une voie à développer. L’observation du travail des artisans et des traces laissées par leurs outils est susceptible de compléter ces données. Sur la base de ces résultats et de l’analyse visuelle des artefacts, nous procéderons à des expérimentations. Notre objectif est de mieux caractériser les choix des artisans tant du point de vue des matériaux que des techniques utilisées. Si la possibilité nous est offerte de pouvoir réaliser des analyses de composition sur des déchets, rebuts et objets issus d’un atelier métallurgique, nous pourrons mieux appréhender les conditions de réalisation des alliages et la place du recyclage. Cet axe de recherche profitera très certainement à l’étude typologique des artefacts. En effet, outre la caractérisation de l’évolution de l’intensité de l’emploi et de l’intérêt porté aux accessoires du costume en tant qu’objet de mode, l’étude typologique des accessoires du costume que nous avons mené a eu également pour objectif de poser les bases d’une utilisation de ces objets en tant qu’élément participant à la datation des couches archéologiques comme le sont déjà la céramique ou le verre. L’important corpus mobilier analysé et les nombreux éléments de comparaison rassemblés nous ont permis de proposer d’ores et déjà pour nombre d’objets des datations typologiques. Nos recherches vont continuer dans cette voie avec pour objectif d’augmenter encore le nombre des accessoires pris en compte afin de réduire celui de types d’artefacts pour lesquels les données disponibles sont faibles et aboutir à un resserrement des fourchettes chronologiques. L’objectif est d’améliorer continûment la précision de l’outil « accessoires du costume » comme outil de datation des couches archéologiques. 1400 Conclusion et perspectives de recherche Le mobilier métallique d’Époque moderne a pour le moment suscité beaucoup moins d’intérêt dans la communauté archéologique que celui de notre période d’étude. De ce fait, nous avons eu des difficultés à comparer notre mobilier avec des objets de cette époque et par conséquent de mesurer l’évolution des accessoires métalliques au XVIe siècle et leur devenir immédiat durant le siècle suivant. Nous comptons améliorer notre connaissance des éléments métalliques du costume en étudiant des lots d’artefacts d’Époque moderne conservés dans les dépôts et musées provençaux mais aussi dans les régions limitrophes. La forme et l’ornementation des accessoires métalliques du costume s’inscrivent au sein de courants décoratifs et artistiques même s’ils n’en sont que de modestes traductions ou interprétations. Les figurations animalières, de monstres ou de chevaliers en émail champlevé et/ou incisées dans le métal, de figures féminines embouties dans de la tôle, peintes sur du verre et insérées dans les accessoires, de motifs floraux et plus largement végétaux poinçonnés, emboutis dans de la tôle, gravés ou donnant leur configuration aux objets, de motifs architecturaux ajourés et gravés ou reproduits sous la forme d’accessoires renvoient à des aspects multiples de la société médiévale. La collaboration avec des spécialistes en iconographie, en orfèvrerie, en architecture, dans l’étude du verre, etc. est absolument nécessaire. Nous avons d’ores et déjà pris des contacts pour développer cet axe de recherche. La nature des sites archéologiques – seigneurial, ecclésiastique, urbain, rural, etc. – ayant livré des objets ne peut pas à elle seule servir de base à l’interprétation de leur appartenance à un groupe social : la plupart des châteaux, par exemple, ne sont pas habités en permanence par le seigneur et des personnes de statut très différents peuvent y vivre. Les avancées dans la compréhension des choix relatifs aux matériaux et aux techniques de fabrication, la multiplication des informations issues de l’analyse typologique, la mise en relation de la forme et de l’ornementation des accessoires métalliques du costume avec leurs modèles doit permettre de proposer à terme la constitution de groupes de qualité6410. Les sources écrites et l’iconographie constituent un immense champ d’étude. Les dépouillements en archives doivent être continués. Les efforts seront concentrés sur plusieurs axes. Nous procèderons à la recherche d’autres comptes de marchands, de prix-faits, d’actes de ventes d’accessoires, d’autres inventaires après-décès de colporteurs, de merciers et de marchands. Il serait intéressant de mener des études d’une large ampleur sur les constitutions de dot, les testaments et les inventaires après-décès en collaboration avec d’autres chercheurs intéressés par d’autres problématiques et dans le cadre d’une étude englobant le contenu de 6410 Voir à ce sujet Bourgeois 2014. 1401 Conclusion et perspectives de recherche ces documents. Elles seraient conduites sur plusieurs milliers d’actes répartis selon des considérations temporelles et géographiques (capitales régionales, villes, villages), en diversifiant les registres de notaires pour toucher les différents secteurs des villes et donc les différentes populations, pour ne pas être orientés par les pratiques propres à certains notaires. Relativement à notre sujet, l’importance des accessoires orfévrés du costume – les accessoires non orfévrés n’apparaissent qu’exceptionnellement – dans la société serait mieux perçue. L’iconographie est une source d’information dont l’utilisation nécessite d’en comprendre le « langage » et une certaine prudence car elle « représente » autant qu’elle « symbolise ». La première approche que nous avons faite doit être complétée en collaboration avec des spécialistes de l’iconographie pour une analyse plus approfondie. Il s’agira de déterminer d’une façon plus précise le discours qui existe derrière la représentation du costume et de ses accessoires. Que nous indique-t-il sur les symboliques spécifiques à l’iconographie, sur des symboliques d’origines littéraires ou autres, sur les pratiques d’atelier, sur la volonté des commanditaires, quelle est l’influence du courant artistique, de la thématique du sujet, etc., et en définitive quelles informations peut-on mettre en parallèle avec le mobilier archéologique ? Nous avons pu grâce à nos travaux améliorer la connaissance des accessoires métalliques du costume pour la seconde partie du Moyen Âge et le début de l’époque moderne. Notre recherche est à la fois une contribution à l’analyse du mobilier métallique et un apport à l’étude du costume médiéval et du début de l’époque moderne. Ses résultats ouvrent également sur une meilleure compréhension de certains faits sociétaux. Ils illustrent le constat que l’étude du mobilier métallique ne peut que bénéficier de l’apport des sources écrites et de l’iconographie. Chacune de ces sources complète utilement les autres et leur confrontation est bénéfique à la compréhension générale du mobilier fourni par les fouilles archéologiques mais aussi à celui dont les sources écrites et iconographiques révèlent l’absence. Les artefacts archéologiques ne correspondent pas seulement à une forme et à des possibilités d’emploi, ils appartiennent à une culture matérielle dont la parfaite connaissance, même si elle ne sera jamais atteinte, ne peut être approchée qu’en dépassant le cadre strict de l’analyse archéologique dès lors que d’autres sources d’informations sont disponibles. De l’approvisionnement des matériaux nécessaires à leur fabrication jusqu’à leur utilisation et leur recyclage, réutilisation ou rejet, les accessoires métalliques du costume sont intégrés dans un réseau de relations de tous ordres au démêlement desquels nous espérons avoir contribué. 1402