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Jean Hiernard

UN TÉMOIN ARCHÉOLOGIQUE EXCEPTIONNEL DES

INVASIONS DU IIIe SIÈCLE : LA TROUVAILLE DE

HAGENBACH (RHÉNANIE-PALATINAT)

Peu de textes décrivent de façon aussi vivante que le chroniqueur byzantin Zonaras les circonstances de l'accession de Postume au pouvoir : « Postume, commis à la garde du Rhin pour interdire aux barbares qui habitaient au-delà du fleuve le passage en territoire romain, s'en prit à un parti qui avait réussi à traverser le fleuve à son insu et revenait chargé de butin (καί λείαν έπαγ- ομένοις πολλήν) : il en tua un grand nombre, leur enleva tout le butin (την δε λείαν άφείλετο ξύμπασαν) et le partagea aussitôt entre ses soldats. Albanus [recte Silvanus], l'ayant appris, lui envoya l'ordre de le lui livrer, ainsi qu'au jeune Gallien [recte Salonin]. Postume appela alors ses soldats et leur réclama leur part de butin (είσέπραττεν έξ αυτών τα της λείας) dans le but de les exciter à la révolte ; ce qui advint » (Zon., XII, 24). Ces lignes sont les seules à évoquer de façon concrète l'atmosphère qui régnait sur la frontière du Rhin lorsque Postume se fit proclamer empereur en 260 : les Germains franchissaient régulièrement le fleuve pour aller piller les provinces gauloises et, après un laps de temps plus ou moins long, regagnaient le barba- ricum chargés des fruits de leurs rapines. L'interception d'une de ces bandes par le général romain, la récupération du butin et le conflit qui s'ensuivit au sujet de sa dévolution entre lui et le pouvoir colonais représenté par Salonin et son « conseiller » Silvanus furent l'arrière-plan et le prétexte de l'usurpation. Des découvertes archéologiques récentes effectuées en Rhénanie- Palatinat éclairent de manière saisissante, non point l'événement précis rapporté par Zonaras, mais l'un des multiples épisodes de même nature, impliquant le convoiement du butin et sa perte dans les eaux du fleuve, qui durent émailler l'histoire de la Rhénanie romaine dans la seconde moitié du IIIe siècle.

Il s'agit de plusieurs « récoltes » d'objets métalliques effectuées dans la région de Spire et de Karlsruhe au cours de dragages réguliers dans l'ancien lit du Rhin transformé en multiples étangs, bras morts et gravières lors des travaux de régularisation du XIXe siècle. Deux ensembles, distants de 12 km seulement, ont surtout attiré l'attention de nos collègues allemands, ceux de Neupotz et de Hagenbach (Landkreis Germersheim), constitués respectivement de plus de 1000 et de 346 objets de métal, précieux ou non. Le premier a bénéficié, grâce aux efforts d'une équipe d'archéologues et d'historiens conduits par Ernst Kiinzl, d'une vaste publication en quatre volumes qui fait

Cahiers Glotz,Vlll, 1997, p. 255-260