ANTIQUITÉ TARDIVE
MOYEN ÂGE
MODERNE
CONTEMPORAINE
Cahiers LandArc 2020 - N°39
MOYEN ÂGE
Du hachoir au « fer à fibres » : retour
sur un objet à la fonction mal définie
provenant des sépultures féminines
privilégiées de l’époque mérovingienne.
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ANTIQUITÉ TARDIVE
MOYEN ÂGE
MODERNE
CONTEMPORAINE
Du hachoir au « fer à fibres » : retour sur un objet
à la fonction mal définie provenant des sépultures
féminines privilégiées de l’époque mérovingienne.
Franck Abert(1), Madeleine Châtelet(2) et Thomas Fischbach(3)
Mots-clés :
Mots-clés : hachoir, sépultures, mérovingien, textile, artisanat.
Keywords:
Key-words : Chopper, graves, Merovingian, textile, handcraft.
Résumé :
Les tombes riches féminines de l’époque mérovingienne renferment parfois en dépôt un objet énigmatique, défini le
plus souvent comme hachoir en France et d’outil servant à broyer les fibres textiles en Allemagne. Il se présente sous
la forme d’une lame en fer rectangulaire ou sub-rectangulaire, prolongée au dos par deux ou trois soies destinées à
fixer le manche. La découverte de sept nouveaux exemplaires en Alsace a été l’occasion de revenir sur la fonction de
cet objet. L’étude s’est appuyée sur l’inventaire réalisé par U. Koch pour la France, l’Allemagne et la Suisse, qui a été
complété. Les 105 objets recensés ont permis de préciser le contexte funéraire et les caractéristiques morphologiques
de cet outil et d’en tirer une première ébauche de typologie. Grâce à cette analyse mais aussi aux parallèles
ethnographiques, l’interprétation d’un outil destiné à broyer ou à racler les fibres textiles a pu être privilégiée. Cette
fonction a conduit néanmoins à s’interroger sur la présence de cet objet dans la tombe des femmes mérovingiennes
de condition sociale élevée et sur sa signification éventuellement symbolique.
Abstract:
Rich female tombs of the merovingian period sometimes contain an enigmatic object, most often defined as a
chopper (hachoir) in France and as a tool used to grind textile fibers in Germany. It is in the form of a rectangular or
sub-rectangular iron blade, extended at the back by two or three bristles intended to fix the handle. The discovery of
seven new specimens in Alsace was an opportunity to return to the function of this object. The study was based on
the inventory carried out by U. Koch for France, Germany and Switzerland, which was completed. The 105 objects
inventoried made it possible to specify the funerary context and the morphological characteristics of this tool and to
draw a first outline of its typology. Thanks to this analysis, but also to the ethnographic parallels, the interpretation of a
tool designed to grind, or scrape textile fibers was favored. However, this function led to questions about the presence
of this object in the graves of merovingian women of high social status and its possible symbolic significance.
.............................................................
(1) Archéologie Alsace.
(2) Inrap, UMR 7044 Archimède.
(3) ANTEA Archéologie, UMR 7044 Archimède.
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INTRODUCTION
Le Projet collectif de recherches « Espaces et pratiques
funéraires en Alsace aux époques mérovingienne et
carolingienne » intègre dans ses objectifs de normaliser la
nomenclature utilisée pour désigner les objets présents dans
les tombes. Parmi les outils, l’un s’est avéré plus difficile
à définir en raison de ses diverses appellations liées à
une méconnaissance de sa fonction. Il s’agit d’une pièce
singulière, se présentant sous la forme d’une plaque de fer
plus ou moins rectangulaire, prolongée au dos par deux ou
trois soies, présente dans les tombes riches féminines. Cet
objet est souvent en France appelé hachoir en raison de sa
forme qui laisse supposer de prime abord qu’il est destiné
au domaine culinaire. Dans la littérature germanophone
en revanche, après avoir été diversement interprété, il est
défini aujourd’hui comme un outil servant à la préparation
des fibres textiles. Rares sont cependant les auteurs qui ont
cherché à étudier plus spécifiquement cet outil, restant souvent
mal décrit, et sa fonction et ses diverses interprétations n’ont
jamais été soumises réellement à une analyse approfondie.
Fig. 1 – Les fers alsaciens.
La découverte récente de nouveaux exemplaires en Alsace
a donc été l’occasion de s’interroger une nouvelle fois sur
cet ustensile énigmatique. Un premier recensement, encore
incomplet, en a été réalisé pour la France, l’Allemagne et
la Suisse, permettant d’en dresser une carte de répartition
et d’avancer une ébauche de typologie. L’approche
ethnographique a complété cette première étude pour tenter
de cerner la fonction de cet objet. Pour ne pas orienter
d’emblée sa fonction vers telle ou telle autre hypothèse, il a
été choisi de le désigner par le terme neutre de « fer ».
1. Les exemplaires alsaciens
L’Alsace compte sept de ces objets répartis dans quatre
nécropoles à Illfurth, Ensisheim, Erstein et Vendenheim.
Probablement faut-il y ajouter un huitième exemplaire provenant
d’une découverte ancienne faite à Achenheim (fig. 1).
Illfurth SP 319
La sépulture 319 d’Illfurth « Buergelen » (Haut-Rhin) est
aménagée dans une chambre funéraire large à organisation
bipartite orientée est/ouest(4) (fig. 2). Elle contenait une femme
d’âge adulte, accompagnée de nombreuses parures : deux
boucles d’oreilles en alliage cuivreux, une grande épingle
dans le même métal, une fibule en or à verroteries montées
en bâte, 143 perles en pâte de verre et en ambre formant
un collier et une bague en alliage cuivreux. À la taille se
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Fig. 2 – La sépulture 319 d’Illfurth. En 8 le fer, en 9 la probable goupille
(Roth-Zehner, Cartier 2007, vol. 2, p. 359, cliché 175).
trouvaient deux ceintures, l’une refermée par une plaqueboucle de ceinture en fer, l’autre faite de maillons en fer
à laquelle pendait une châtelaine. À cette dernière étaient
suspendus de nombreux éléments, dont une grande rouelle
en alliage cuivreux à motifs anthropomorphes et une petite à
motifs aviformes, un cyprée, un couteau dans son fourreau,
.............................................................
(4) Roth-Zehner, Cartier 2007, vol. 2, p. 355-359.
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ainsi que trois perles en ambre et en pâte de verre. Enfin,
des garnitures en alliage cuivreux témoignent de bandes
molletières. Un tremissis de la Civitas Arvernorum frappé
entre la fin du VIe et le début du VIIe siècle, découvert dans
le crâne, avait probablement été déposé dans la bouche de
la défunte. Le fer, de section quadrangulaire et muni de deux
soies, se trouvait dans l’angle sud-est de la fosse sépulcrale
dans la partie dévolue au dépôt des objets mobilier. La lame
mesure 17,4 cm de long pour 2,8 cm de large. Dans son
prolongement, à une dizaine de centimètres du fer, se situait
un autre élément en fer interprété comme étant une attache
mais qui pourrait correspondre à une goupille. L’objet,
figurant sur la photo, n’a malheureusement pas été dessiné,
ni reproduit. Grâce au mobilier, la sépulture peut être datée
entre 600/610 et 630/640, soit à la phase MR1.
Trois fers proviennent de la nécropole d’Ensisheim
« Reguisheimer Feld » (Haut-Rhin)(5). L’architecture des sépultures,
particulièrement mal conservée dans un substrat de gravier et
de sable, n’a pu faire l’objet que de quelques observations.
Ensisheim SP 2094
La sépulture 2094 en chambre funéraire large a subi un acte
de pillage qui a perturbé toute la partie supérieure du squelette
d’une jeune femme âgée de plus de quinze ans. Deux perles,
une fusaïole en os et des fragments de fer disposés le long
et à l’extérieur du membre inférieur gauche suggèrent la
présence d’une châtelaine. Le fer était localisé le long et à
l’extérieur du membre inférieur droit, à hauteur du genou,
directement au contact du fémur. D’une longueur de 19,2
cm, il est doté de trois soies présentant des vestiges de bois
du manche et surmontées d’une barre en fer. La lame est de
section triangulaire. Deux céramiques étaient déposées dans
la tombe, l’une à l’extrémité des pieds de la défunte et l’autre
du côté sud, dans la partie dévolue aux dépôts mobilier. La
seconde est un pot biconique en céramique fine tournée de
type Eschentzwiller qui permet de dater la tombe du dernier
tiers du VIe ou du tout début du VIIe siècle, soit du MA3.
Ensisheim SP 2239
La sépulture 2239, profonde et étroite mais dont l’aménagement
n’a pas pu être précisé, a également subi un pillage qui a
perturbé l’intégralité des ossements. Ils appartenaient à une
femme de plus de 20 ans, auxquels étaient associés quatre
perles, une boucle de ceinture en fer, des éléments d’une
châtelaine dont des anneaux en fer et en alliage cuivreux, une
bague filiforme en alliage cuivreux, des fragments de peigne
et une fusaïole en os. Le fer était situé le long de la paroi
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sud, à proximité du corps, à hauteur théorique des jambes ou
des pieds de la défunte. Sa position dans l’axe de la fosse,
légèrement inclinée vers le centre, le tranchant vers le haut,
suggère qu’il était encore en place et que sa localisation n’a
pas été affectée par le pillage. Son inclinaison pourrait faire
penser qu’il a été placé dans un cercueil monoxyle. La lame,
de section triangulaire au tranchant peu prononcé, mesure
19,8 cm de longueur. Elle est dotée de deux soies et comporte
entre les deux, un petit relief triangulaire décentré. Les éléments
mobilier conservés ne permettent de donner qu’une datation
large de la sépulture, entre le MA1 et le MA3, soit la période
comprise entre 470/480 et 600/610.
Ensisheim SP 2244
La sépulture 2244, en chambre particulièrement volumineuse,
était la plus profonde de la nécropole avec deux mètres de
creusement conservés qui n’ont pas empêché son pillage.
Les restes osseux d’une femme de plus de 20 ans reposaient
le long de la paroi sud. Les parures non dérobées étaient
constituées d’un collier de perles d’ambre et de pâte de
verre et de deux fibules rondes incrustées de grenats. Le reste
du mobilier associé au corps se compose d’une boucle en
alliage cuivreux avec un ardillon en fer, d’une petite plaqueboucle avec un ferret de jarretière en argent et des éléments
ferreux parmi lesquels un couteau et un anneau de châtelaine,
ainsi que d’un petit plateau en alliage cuivreux provenant
vraisemblablement d’une balance. Le fer était situé sous le
crâne de la défunte. D’une longueur de 22,8 cm, il est doté
de trois soies, celle située au centre étant plus courte que les
deux autres. La section de la lame est triangulaire. Au nord
de la défunte, étaient déposés un peigne, placé le long de
la paroi est et un pot biconique en céramique fine tournée
de type Eschentzwiller, placé à la hauteur des jambes de
l’inhumée. Le pot permet de dater la sépulture du dernier tiers
du VIe siècle, soit du MA3.
Deux autres fers sont issus du site de Vendenheim « Entrepôt
Atlas-Fly » (Bas-Rhin)(6).
Vendenheim SP 172
La sépulture 172 est en fosse étroite non coffrée avec un
contenant rigide, orientée est/ouest. L’individu inhumé, tête
à l’ouest, était une jeune femme âgée entre 15 et 19 ans.
Elle disposait d’un collier de 112 perles en pâte de verre
et en ambre et d’une autre parure de 75 perles en pâte de
.............................................................
(5) Rapport en cours.
(6) Barrand Emam et al., 2013.
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verre au niveau du thorax, d’une boucle de ceinture en fer
au niveau du bassin et d’une châtelaine composée de cinq
anneaux en fer, d’un anneau en alliage cuivreux, d’une clef
de même alliage et d’un couteau en fer découvert entre les
fémurs. Le fer se trouvait contre le bras gauche et devait être
associé à ce qui a été interprété comme un clou et qui se
situait dans son prolongement, à une dizaine de centimètres
plus loin, au niveau du crâne. Plus vraisemblablement, il doit
s’agir d’une goupille fixée au manche en bois de l’outil pour
assurer sa suspension. La lame, munie de deux soies, mesure
17,9 cm de longueur pour 3,6 cm de largeur. Sa section
est quadrangulaire. La sépulture a été datée par le mobilier
entre 520/530 et 600/610, soit des phases MA2 à MA3.
Vendenheim SP 489
Le deuxième fer provient de la sépulture 489. Il s’agit d’une
chambre funéraire coffrée à organisation bipartite orientée
nord-est/sud-ouest. L’individu, tête au sud-ouest, est une femme
de plus de 20 ans portant un collier composé de 95 perles
en pâte de verre, en ambre et en or. Deux fibules discoïdes
cloisonnées se situaient l’une au niveau du cou et l’autre au
niveau du thorax. Elles étaient associées à deux fibules ansées
dissymétriques, placées entre les fémurs de la défunte. Plusieurs
éléments de châtelaine étaient disposés le long des membres
inférieurs dont une petite clef en alliage cuivreux, une sphère
en cristal de roche sertie d’argent, six perles en pâte de verre,
une paire de force en fer, deux anneaux en alliage cuivreux,
un anneau en fer, une rouelle en alliage cuivreux entourée
d’un anneau en ivoire d’éléphant, une sacoche munie d’un
fermoir et un couteau en fer. Un coffret en bois dont seules
les ferrures en fer étaient conservées se trouvait aux pieds du
squelette, à l’extrémité nord-est de la sépulture. Dans l’angle
sud-ouest de la fosse sépulcrale, dans la partie dévolue au
dépôt de mobiliers, se trouvait un fer similaire à celui de la
sépulture 172, muni de deux soies et associé également à
un probable élément de suspension, interprété aussi comme
un clou. Il se situait néanmoins en arrière du fer et non dans
son prolongement, à une quinzaine de centimètres de celuici. La lame, de section quadrangulaire, mesure 17,1 cm de
longueur pour 3,2 cm de largeur. Le mobilier permet de dater
cette sépulture vers 560/570, soit à la fin de la phase MA2
ou au début de la phase MA3.
Erstein SP 49
La sépulture 49 d’Erstein est une chambre à organisation
bipartite orientée est-ouest. L’étude biologique n’a pas permis
de déterminer le sexe et l’âge au décès de l’individu(7) ; le
mobilier cependant indique un genre féminin. La défunte
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était richement parée : au niveau du cou, 28 perles formant
un collier et une fibule discoïde cloisonnée de grenats ; au
niveau du thorax, une seconde fibule discoïde cloisonnée ; à
la taille, une boucle de ceinture en fer ; entre les fémurs, deux
fibules ansées dissymétriques. Des boucles, des anneaux,
un couteau en fer et un ferret en alliage cuivreux le long des
membres inférieurs composent les éléments d’une châtelaine.
Des appliques de coffret en tôle d’alliage cuivreux décorées
au repoussé ainsi qu’un peigne en matière dure animale
étaient situés aux pieds de la défunte. Dans la moitié sud
de la sépulture, à hauteur du bras droit, se trouvaient deux
pots en céramique, associés à un dépôt alimentaire. Le fer
était placé sur le sol en biais par rapport à l’axe du corps,
à l’emplacement de la main droite. Comme il était en partie
glissé sous le fémur, il devait être situé soit dans, soit sous le
contenant dans lequel reposait la défunte. La lame, de forme
rectangulaire de 21,3 cm × 3,9 cm, était muni de deux
soies, dont une partiellement conservée. L’autre disposait
encore des restes de bois du manche qui débordait au moins
de 5 cm du fer sur le côté. Une goupille avec un anneau
a été également retrouvée dans la tombe mais sa position
n’est pas connue. Elle pourrait appartenir au fer. La paire de
fibules cloisonnées du type A2-A5 de K. Vielitz et la paire de
fibules ansées dissymétriques du type Burghagel de A. Koch
permettent de dater la tombe de la seconde moitié du VIe
siècle (fin de la phase MA2 et phase MA3)(8).
Achenheim SP 6
Cette dernière sépulture a livré un élément qui pourrait être
interprété également comme un fer. Elle s’intègre dans la
nécropole, anciennement fouillée, située aux lieux-dits
Auswärts der Linde/Totenallee. Le mobilier en a été acquis
par le musée archéologique de Strasbourg en 1916 sans
qu’il ait été donné de précisions sur son contexte(9). Le fer, qui
mesure 14,5 cm de longueur, est identifié comme un fermoir
d’aumônière. D’après son dessin, il est cependant comparable
par sa morphologie aux précédents exemplaires. La lame,
de section quadrangulaire, est légèrement convexe et devait
être dotée à l’origine de deux soies dont une seulement est
partiellement conservée. Les parures associées indiquent
qu’il s’agit de la sépulture d’une femme : elles comprennent
un collier de perles et deux fibules, l’une aviforme et l’autre
en S dont les types permettent de dater la tombe à la phase
MA2 (520/30 - 560/70).
.............................................................
(7) Baillif 2018.
(8) Schnitzler, Rohmer 2004, p. 39 et 41.
(9) Schnitzler et al. 2009, p. 13-14.
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1. RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE ET CONTEXTE
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avec une forte concentration dans l’espace franc, autour du
Rhin inférieur et moyen, comme l’ont déjà souligné divers
auteurs (fig. 3 et 4)(12). Pour l’Alémanie, N. Krohn envisage
une possible influence de la domination franque dans la
diffusion de ces outils(13).
Répartition géographique
L’inventaire des fers dressé dans le cadre de cette étude ne
doit pas être tenu comme complet. Partant de la liste publiée
par U. Koch en 2001(10), il a été réalisé par le dépouillement
des publications et des rapports de fouille qui étaient à
disposition. Au total, 105 objets dans 65 nécropoles ont pu
être recensés(11).
.............................................................
(10) Koch 2001, p. 548-549.
(11) Il faut ajouter à cet inventaire l’exemplaire découvert à Hondouville,
dans l’Eure, que nous a signalé Florence Carré peu de temps avant
de rendre cet article. Il n’a donc pas été intégré à cette étude.
(12) Moosbrugger-Leu 1971, p. 240 ; Koch 1968, p. 104-105 ;
Krohn 1998, p. 31.
(13) Krohn 1998, p. 37.
La répartition des outils montre une diffusion sur un territoire
qui s’étend du nord-est de la France au sud de l’Allemagne
Fig. 3 – Carte de répartition des fers recensés (Crédits : CIAT-CSI SRTM : http://srtm.csi.cgiar.org ; ©EEA).
Fig. 4 – Liste des sites figurant sur la carte de répartition de la fig. 3.
N° carte
Commune
Lkr/Dpt/Kt
Pays
Nb fer
N° de sépultures
1
Altenerding
Erding
D
6
34, 113, 127, 447, 618, 773
Sage 1984
Bibliographie
2
Barbing-Irmlauth
Regensburg
D
1
38
Koch 1968
3
Binningen
Constance
D
1
1
4
Charnay-lès-Mâcon
Saône-et-Loire
F
1
5
Cutry
Meurthe-et-Moselle
F
1
873
6
Darmstadt-Bessungen
Darmstadt
D
1
XV
7
Eick
Wesel
D
1
17
8
Elsdorf
Rhein-Erft
D
1
Fingerlin 1962
d’après Koch 2001
Legoux 2005
d’après Koch 2001
Mann 1969
d’après Koch 2001
>>>
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Fig. 4 – Liste des sites figurant sur la carte de répartition de la fig. 3 (suite).
N° carte
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28 29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
60
61
62
63
63
64
65
66
Commune
Eltville
Flomborn
Friedberg i. Hessen
Güdingen
Heidelberg-Kirchheim
Hemmingen
Ingelheim
Köln-Junkersdorf
Kaltenengers
Kärlich
Kelheim-Gmünd
Koenigsmacker/Métrich
Köln-Müngersdorf
Kösingen
Minden
Mommenheim
Montenach
Niedernberg
Pleidelsheim
Rittersdorf
Rodenkirchen
Rübenach
Salgen
Selzen
Sprendlingen
Straubing
Torgny
Undenheim
Unterthürheim
Weilbach
Weil-der-Stadt
Weimar
Wellin
Welschingen
Wendelsheim
Westheim
Lausanne-Bel-Air
Güttingen Stadt Radolfzell
Therwil-Benkenstrasse
Saint-Vit
Klengen
Vitry-sur-Orne
Quiéry-la-Motte
Lavoye
Vendenheim
Illfurth
Ensisheim
Erstein
Thiancourt
Kirchberg
Kleinlangheim
Enheim
Arcy-Sainte-Restitue
Oyes
Sissach-St-Jakob
Mannheim-Strassenheim
Mannheim-Hechstheim
Achenheim
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Lkr/Dpt/Kt
Rheingau-Taunus-Kreis
Alzey-Worms
Wetterau
Saarbrücken
Heidelberg
Ludwigsburg
Mainz-Bingen
Cologne
Mayence-Coblence
Mayence-Coblence
Kelheim
Moselle
Cologne
Ostalbkreis
Eifel Bitburg-Prüm
Mainz-Bingen
Moselle
Miltenberg
Ludwigsburg
Eifel Bitburg-Prüm
Cologne
Coblence
Unterallgäu
Mainz-Bingen
Mainz-Bingen
Straubing-Bogen
Luxembourg
Mainz-Bingen
Dillingen/Donau
Main-Taunus-Kreis
Böblingen
Luxembourg
Constance
Alzey-Worms
Weissenburg-Gunzenhausen
Vaud
Constance
Baselland
Doubs
Schwarzwald-Baar
Moselle
Pas-de-Calais
Meuse
Bas-Rhin
Haut-Rhin
Haut-Rhin
Bas-Rhin
Territoire de Belfort
Rheingau-Taunus-Kreis
Kitzingen
Kitzingen
Aisne
Marne
Bâle-Campagne
Mannheim
Mannheim
Bas-Rhin
Pays
D
D
D
D
D
D
D
D
D
D
D
D
D
D
D
D
F
D
D
D
D
D
D
D
D
D
BE
D
D
D
D
D
BE
D
D
D
CH
D
CH
F
D
F
F
F
F
F
F
F
F
D
D
D
F
F
CH
D
D
F
Nb fer
1
1
1
1
1
1
1
1
2
1
2
2
5
1
1
1
1
2
1
7
1
1
1
1
1
2
1
1
1
2
1
2
1
1
1
1
1
1
1
1
1
2
1
1
2
1
3
1
1
1
2
1
1
2
1
1
1
1
N° de sépultures
163, 61
9
1
38
52
41a
156
41, 44
59, 85, 89, 91b, 101b, 122
31 III
6
5
8
39, 8
5, 89, 126, 140
13, 25, 34, 80, 89, 145, 160
302
10
3
2, 5
313
10
55
20, 23
53, 84
19
19, 83, 38
169
38
48
149
9
31, 173
122
307
172, 489
319
49
HS
9
226, 227
20
127
20
53
52
6
Bibliographie
Schoppa 1977
d’après Koch 2001
d’après Koch 2001
Stein 1988
Clauss 1971
Müller 1976
Zeller 1989/1990
La Baume 1967
d’après Koch 2001
d’après Koch 2001
Koch 1968
Clermont-Joly 1978
Fremersdorf 1955
Knaut 1993
Böhner 1958
Zeller 1992
d’après Koch 2001
d’après Koch 2001
Koch 2001
Böhner 1958
d’après Koch 2001
d’après Koch 2001
d’après Koch 2001
Zeller 1992
Zeller 1992
Koch 1968
Lambert 1988
Schnellenkamp 1935
Grünewald 1988
Schoppa 1959
d’après Koch 2001
Schmidt 1976
Evrard 1984
Garscha 1970
d’après Koch 2001
Reiss 1994
Moosbrugger-Leu 1971
Krohn 1998
Marti 2000
Urlacher et al. 2008
Brather, Friedrich 2013
Guillotin, Mauduit, 2012
Rorive, Louis 2010
Joffroy 1974
Barrand-Emam et al. 2013
Roth-Zehner, Cartier 2005
Inédit
Inédit
d’après Urlacher et al. 2008
Sippel 1989
Pescheck 1996
Pütz 2019
d’après Marti 2000
Poulain 1992
d’après Marti 2000
Wieczorek et al. 1996
Wieczorek et al. 1996
Schnitzler et al. 2009
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ANTIQUITÉ TARDIVE
MOYEN ÂGE
Contextes funéraires
La présence de ces fers spécifiquement dans les tombes de
femmes de statut social élevé a été mise en évidence dès
la fin des années 1960 avec la multiplication des études
sur les nécropoles mérovingiennes(14). Les exemples recensés
ont confirmé sans exception cette constatation. L’analyse a
porté sur 74 sépultures dont le contexte de découverte et le
mobilier associé était connu. Le genre a pu être déterminé
pour 64 d’entre-elles et il est systématiquement féminin. Sur
les 21 dont l’âge a été défini, 19 correspondent à des
jeunes filles ou des femmes de plus de quinze ans et deux
sont des enfants. Les tombes correspondent souvent à des
chambres, larges ou étroites, autant qu’elles puissent être
identifiées à partir des descriptions et des relevés. La qualité
du mobilier confère clairement un statut social privilégié aux
défuntes. Les cinquante sépultures non pillées recensées ont
toutes livré un mobilier et des éléments de parure prestigieux.
Trois-quarts des femmes disposaient au moins d’une fibule
à leurs vêtements ; à leur châtelaine étaient rattachés de
nombreux éléments remarquables tels que des rouelles
en alliage cuivreux, des disques en bois de cervidé, des
cyprées, des sphères en cristal de roche et une cuillère en
argent. Parmi le mobilier en dépôt dans la tombe, dans cinq
cas ont été recensés un coffret décoré d’appliques ou de
MODERNE
CONTEMPORAINE
ferrures, dans un cas un seau et dans cinq cas également un
bassin en bronze.
La datation des tombes renfermant les fers est relativement
bien circonscrite. Les tombes les plus précoces remontent à la
fin du Ve ou au début du VIe siècle(15) et les plus tardives qui
se concentrent principalement en marge orientale du royaume
franc sont datées du VIIe siècle(16). La majorité appartient
cependant à la seconde moitié du VIe siècle(17).
La localisation du fer dans la tombe semble ne répondre à
aucune règle particulière à l’image des autres objets déposés
dans la sépulture. Il est placé le plus souvent à l’extérieur du
contenant où repose la défunte, dans la partie dévolue au
dépôt du mobilier (23 cas recensés sur 46). Dans cet espace,
il apparait à divers endroits, souvent contre le contenant
(fig. 5 n° 1)(18) mais aussi à l’écart de celui-ci, au nord
.............................................................
(14) Koch 1968, p. 104-105 ; Krohn 1998, p. 31 ; Koch 2001,
p. 202-203 ; Legoux 2005, p. 121 ; Urlacher et al. 2008, p. 167.
(15) Koch 2001, p. 203 ; Legoux 2005, p. 120-121.
(16) Krohn 1998, p. 32-34 ; Burnell 1998, p. 152 ; Marti 2000, p. 127.
(17) Koch 1968, p. 104-105 ; Grünewald 1988, p. 130 ; Krohn 1998,
p. 32-34 ; Marti 2000, p. 127 ; Legoux 2005, p. 120-121 ; Urlacher
et al. 2008, p. 167.
(18) Altenderding SP 113 et 127, Cutry SP 873, Köln-Müngersdorf SP
122, Vitry-sur-Orne SP 173.
Fig. 5 – Localisation du fer dans la tombe. 1. À l’extérieur du contenant - 2. À l’intérieur - 3. Glissé du couvercle ? (d’après Koch 2001, fig. 57
p. 139 ; Krohn 1998, fig. 2 ; Sage 1984, pl. 181).
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ANTIQUITÉ TARDIVE
MOYEN ÂGE
comme au sud (fig. 2), exceptionnellement à l’est (Quieryla-Motte SP 122) et dans ces zones, parfois au centre mais
plus généralement sur les côtés. Plus rarement, le fer a été
déposé dans le contenant même, avec la défunte (17 cas
recensés sur 46). Dans huit tombes, il apparait plaqué contre
un des membres supérieurs ou inférieurs, supposant qu’il a
été glissé entre la paroi du contenant et le corps (fig. 5 n° 2).
À Sissach-St-Jakob dans le canton de Bâle-Campagne en
Suisse et à Wellin et Torgny dans la province de Luxembourg
en Belgique, il était associé aux objets faisant partie de la
châtelaine au bas des membres inférieurs. Même s’il paraît
étonnant que des objets de cette taille et de ce poids
puissent être portés au pendant, l’hypothèse ne peut être
écartée. Enfin, quelques fers ont été retrouvés sur le corps,
près du crâne (Altenerding SP 447 et 618, fig. 5 n° 3),
sur le thorax (Cutry SP 980) ou sur la main (HeidelbergKirchheim SP 38). Cette position, singulière pour des outils,
laisse envisager qu’ils aient pu être posés initialement sur le
couvercle du contenant qui, en s’effondrant, les a fait glisser
sur le corps de la défunte. Cette hypothèse est renforcée par
la découverte de quelques exemplaires dans le comblement
de la tombe, à 35/40 cm centimètres au-dessus du sol,
dans leur situation probablement primaire : à Hemmingen,
le fer se situait directement au-dessus de la défunte ; à
Pleidelsheim, dans les sépultures 89 et 126, il était posé
pour l’un à l’extrême limite du contenant supposé et pour
l’autre, à l’écart, nécessitant d’envisager un possible dépôt
sur le couvercle de la chambre. Le dernier cas est celui de
la sépulture 2244 à Ensisheim : le fer y a été retrouvé sous
le crâne. Plutôt qu’un dépôt en guise d’oreiller, il est possible
que l’objet ait été glissé ici sous le contenant qui devait être
soit réhaussé sur des madriers comme souvent dans le sud de
l’Allemagne, soit être un lit. Un autre fer, celui de la tombe 49
d’Erstein, pourrait être dans le même cas : il était posé sur le
sol à l’emplacement initial de la main droite. Son orientation
en biais par rapport à l’axe du corps, en partie glissé sous le
fémur, tend à penser qu’il se situait sous le contenant.
MODERNE
CONTEMPORAINE
soit partielles, sur la dimension des objets, la forme et le profil
des lames, le nombre de soies et la constitution du manche.
Les informations sur les objets diffèrent selon les sources.
Ainsi, la longueur n’est connue que pour 64 exemplaires, la
forme des lames pour 68, leur section pour 42, le nombre
de soie pour 71 et 41 exemplaires ont livré des indices ou
des restes du manche. Comme tous les fers ne disposaient
pas des mêmes informations, les données n’ont pas pu être
toujours croisées.
Dans l’ensemble, les fers recensés en France, en Suisse et
en Allemagne partagent la même morphologie globale qui
a permis de les classer dans la même catégorie d’objets. Les
différences visibles concernent leur longueur, la forme des
lames, leur section, le nombre de soies et la morphologie du
manche (fig. 6, page suivante).
La longueur des fers
Pour les 64 fers dont les dimensions sont connues, la longueur
oscille entre 10,5 cm pour l’outil le plus court (Hemmingen
52) et 26,7 cm pour le plus long (Welschingen, sépulture
découverte en 1887) (fig. 7). Les exemplaires découverts
en Alsace se situent dans la moyenne, le plus court étant
celui d’Achenheim avec 14,5 cm et le plus long, celui de
la sépulture 2244 d’Ensisheim avec 22,8 cm. Le graphique
présentant la longueur des exemplaires recensés ne montre
pas de réelles ruptures, si ce n’est avec les trois plus grands,
qui mesurent entre 26 et 27 cm. La rupture ne paraît pas
cependant suffisante pour en distinguer des objets aux
fonctions différentes.
2. TYPOLOGIE
La typologie présentée ici est une première ébauche qu’il
faut considérer comme provisoire : elle a été établie à partir
des seuls dessins et descriptions des publications et rapports
de fouille consultés(19), sans retour au mobilier, exception faite
pour une partie des exemplaires alsaciens. Néanmoins, pour
77 fers, des données ont pu être renseignées, soit complètes,
Cahiers LandArc N°39
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Fig. 7 - Longueur des fers.
.............................................................
(19) Compte tenu de la fermeture des bibliothèques suite aux mesures
sanitaires prises pour contrer la covid19, toutes les sources recensées
n’ont pas pu être consultées et de nombreux exemplaires n’ont pas
pu être intégrés à l’étude.
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ANTIQUITÉ TARDIVE
MOYEN ÂGE
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Fig. 6 – Typologie des fers (sources des illustrations dans figure 4 et dans Koch 2001, p. 548-549, Liste 6).
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ANTIQUITÉ TARDIVE
MOYEN ÂGE
La forme des lames
Les lames présentent quelques variations. La plupart
comportent une partie active plate avec des angles aux
extrémités qui peuvent être anguleux ou arrondis. Dans ce
dernier cas, la lame peut aller jusqu’à une forme convexe
comme pour Mainz-Hechtsheim 52 et Achenheim 6. Parmi les
68 exemplaires renseignés, 41 ont des angles anguleux, 22
arrondis et 5 semblent mixtes, c’est-à-dire qu’ils disposent d’un
côté d’un bord incurvé et de l’autre d’un bord anguleux. Cette
différence entre les angles pourrait être liée dans certains
cas à un mauvais état de conservation mais la corrosion ne
semble pas pouvoir toujours être incriminée. Par exemple, le
fer de la sépulture 980 de Cutry montre d’un côté un angle
arrondi surmonté d’une soie fine perpendiculaire au tranchant
et de l’autre un angle anguleux surmonté d’une soie plus
large prolongeant en biais le bord de la lame. Une symétrie
originelle de la lame ne peut être reconstituée à partir de cette
forme, quel que soit l’action de la corrosion (fig. 6). Il est à
souligner que la forme des angles n’offre pas de corrélation
directe avec la section de la lame ou le nombre des soies, les
trois types étant susceptibles d’avoir une section triangulaire ou
quadrangulaire et d’être reliés au manche par deux ou trois
soies. Les exemplaires alsaciens rassemblent cinq cas à angles
anguleux (Ensisheim 2094, 2239 et 2244 ; Vendenheim 172
et 489), deux à angles arrondis (Illfurth 319 et Achenheim 6)
et un de type mixte (Erstein 49).
La section de la lame
La section de la lame a fait l’objet d’une attention toute particulière
par les auteurs cherchant à déterminer la fonction exacte de
ces objets. En effet, un tranchant affuté pourrait indiquer une
fonction de couteau ou de hachoir, alors qu’un tranchant moins
affuté est plus à lier au traitement des plantes textiles ou au
travail du cuir. En se référant aux 42 dessins où la section est
représentée, 26 fers apparaissent avec une section triangulaire
et 16 avec une section non triangulaire. Les sections de ces
derniers sont rarement franchement quadrangulaires (Eick 17).
Le plus souvent, elles présentent une surface active plus fine que
le dos de la lame (Binningen 1 ; Cutry 980) qui les rend parfois
difficiles à distinguer des sections triangulaires. Les inventaires
ne précisent que rarement la section. Si c’est le cas, les lames
sont décrites le plus souvent comme émoussées (Kösingen 31III ;
Pleidelsheim 126), sans véritable tranchant (Sissach-Saint-Jakob
20) ou sans tranchant aiguisé (Pleidelsheim 5). Une seule
(Pleidelsheim 140) est présentée comme presque tranchante(20).
Les nuances décrites n’apparaissent pas clairement sur les
dessins, comme pour les fers 126 et 140 de Pleidelsheim
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qui présentent sur les planches la même section. L’altération
du fer, la restauration parfois trop zélée de l’objet ainsi que
l’éventuelle usure du tranchant ne permettent pas de proposer
une restitution précise de la section originelle des lames. Leur
profil, qui n’est presque jamais décrit comme affuté, exclut
cependant une fonction d’outil tranchant. En Alsace, la section
des lames est triangulaire pour les trois exemplaires d’Ensisheim
et quadrangulaire pour les exemplaires de Vendenheim, d’Illfurth
et d’Achenheim.
Le nombre de soies
Sur les 71 fers au nombre de soies documentées, 37 sont
dotés de deux soies et 31 de trois soies, un nombre ainsi quasi
équivalent. Enfin, trois exemplaires n’en ont pas, du moins
conservées (Cutry 900 ; Gütingen 38 ; Hemmingen 14). La
taille des lames n’a pas d’incidence sur le nombre de soies :
la longueur des exemplaires à deux soies oscille entre 10,6
cm et 26 cm et celle des exemplaires à trois soies de 12 cm
à 26,7 cm. Les fers à trois soies se déclinent en deux modèles
différents : l’un où la soie centrale est de longueur équivalente
ou plus longue que les soies latérales (8 cas) et l’autre où la
soie centrale est nettement plus courte que les soies latérales (13
cas). Dans ce dernier modèle, la soie centrale peut se limiter
à une simple excroissance triangulaire, comme sur le fer de la
sépulture 34 de Rittersdorf (fig. 6). Enfin, dix fers ne disposent
pas d’une soie centrale suffisamment bien conservée pour être
attribués à l’un ou l’autre groupe. Selon cette typologie, quatre
fers alsaciens sont à deux soies (Vendenheim 172 et 489 ;
Erstein 49 ; Achenheim 6). Sur les quatre exemplaires à trois
soies, l’un est à soie centrale longue et dispose en outre de
l’aménagement d’une barre supérieure (Ensisheim 2094) ; un
autre est à soie centrale courte bien visible (Ensisheim 2244)
mais sur les deux autres, elle est beaucoup plus discrète. D’après
la radiographie, l’excroissance triangulaire un peu décentrée est
avérée sur le dos de la lame 2239 d’Ensisheim (fig. 8). Une
excroissance similaire semble se dessiner au dos de l’exemplaire
319 d’Illfurth, à moins qu’il ne s’agisse seulement de corrosion.
Fig. 8 – Radiographie de l’exemplaire de la sépulture 2239
d’Ensisheim.
.............................................................
(20) « Kante fast schneidenartig » (Koch 2001, p. 474).
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ANTIQUITÉ TARDIVE
MOYEN ÂGE
Le manche
La présence de restes de bois sur les soies d’un grand
nombre de fers atteste l’existence d’un manche dont la forme
et le type sont difficiles à restituer dans le détail. Sur les fers
où les éléments ligneux sont les mieux conservés comme à
Erstein 49, Mainz-Hechtsheim 52, Köln-Müngersdorf 91b,
Klengen 9 ou Therwil-Benkenstrasse (fig. 9), les restes de
bois recouvrent toute la hauteur des soies témoignant d’un
manche qui venait s’encastrer sur le dos sans laisser de
jour(21). Il débordait sur les côtés de la lame et était maintenu
parfois au dos soit par une barre métallique transversale (5
cas dont Ensisheim 2094)(22) (fig. 10, 9 et 1), soit par des
rivets fixés sur l’extrémité des soies (3 cas)(23) (fig. 10 et 6) ou
encore par le repli de la pointe des soies (2 cas)(24) (fig. 6).
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CONTEMPORAINE
(fig. 10). Ces éléments destinés à la suspension de l’outil ou
à renforcer l’extrémité de la poignée ont généralement été
découverts dans le prolongement de la lame, à une distance
pouvant osciller entre moins d’une dizaine de centimètres et
vingt centimètres du fer. Pour trois exemplaires, Altenerding
447, Binningen 1 et Vendenheim 489, la goupille avec
son anneau étaient situés à l’arrière du dos, pour les deux
premiers à quelques centimètres et pour le dernier, à une
quinzaine de centimètres (fig. 5). Cette position, difficilement
compatible avec un manche se prolongeant d’un côté, peut
s’envisager si la poignée est brisée, à moins que la goupille
ait été déplacée de sa position originelle par un fouisseur ou
mal positionnée sur le plan.
Un dernier cas est représenté par la tombe 149 de Saint-Vit.
Le fer était situé dans une zone non touchée par le pillage
de la tombe. Il comportait dans son prolongement d’un
côté une virole en alliage cuivreux et de l’autre un anneau
avec des restes de tissu(28) (fig. 10, page suivante). L’un et
l’autre étaient distants d’une dizaine de centimètres du fer.
Cet exemple est le seul pour lequel la présence de deux
poignées peut être proposée. Ainsi, la présence d’une (ou
exceptionnellement deux) poignée latérale est probable pour
la moitié des fers ayant conservé des vestiges du manche.
Pour les autres, sa morphologie n’est pas restituable.
.............................................................
(21) La restitution proposée pour l’exemplaire de la sépulture 19 de
Wellin, montrant un jour entre la lame et le manche, est de ce fait
improbable (fig.6) (Evrard, 1984, fig. 3).
Fig. 9 – Vestiges de bois des manches des fers des sépultures 9 de
Klengen et 91b de Köln-Müngersdorf (d’après Brather, Friedrich 2013,
fig. 7 p. 17 ; Fremersdorf 1955, pl. 16,14).
(22) Friedberg 9 ; Kelheim-Gmünd 41 ; Köln-Müngersdorf 91b et 122 ;
Ensisheim 2094.
La prolongation du manche sur un côté pour former une
poignée peut être envisagée pour les fers auxquels était associé
une goupille à laquelle était intégrée souvent un anneau
(9 cas certains dont Erstein 49 et 5 autres probables dont
Illfurth 319(25) (fig. 2 : élément 9 dans le prolongement du
fer à espader 8)), une virole (4 cas)(26) ou exceptionnellement
un anneau seul (1 cas) ou une chaînette (1 cas)(27). Les anneaux
sont en fer, les viroles sont confectionnées le plus souvent en
alliage cuivreux décorées parfois d’incisions géométriques
(24) Pleidelsheim 89 ; Ingelheim 41a.
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(23) Altenerding 113, 618 et 773.
(25) Goupille avec ou non un anneau : Altenerding 447, Binningen 1,
Erstein 49, Köln-Müngersdorf SP 59, 89, 91b et 101b, Vendenheim
489 - Virole et goupille avec un anneau : Altenerding 113 - Probable
goupille : Eick 15, Illfurth 319, Kösingen 31 III, Pleidelsheim 140,
Vendenheim 172.
(26) Cutry 900, Güttingen 38, Köln-Müngersdorf 85, Weilbach 23.
(27) Anneau seul : Eick 17 - Chaînette : Köln-Junkersdorf 156.
(28) Nous remercions F. Passard pour nous avoir apporté quelques
précisions sur l’identification et la position des éléments associés au
fer.
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ANTIQUITÉ TARDIVE
MOYEN ÂGE
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CONTEMPORAINE
3. UN OUTIL DIFFICILEMENT CLASSABLE :
LES ATERMOIEMENTS D’UNE RECHERCHE
Dès l’origine, l’outil a été interprété diversement selon
les auteurs en Allemagne comme en France. Les frères
Lindenschmidt en 1848 l’ont qualifié de couteau à double
poignées (Messer mit zwei Handhaben)(29). Jusqu’en 1970, il
a été interprété tantôt de hachoir (Hackmesser)(30), de couteau
de cuisine (Küchenmesser)(31) ou à pain (Brotmesser)(32)
ou encore de racloir (Schabeisen, Schabmesser)(33) et plus
exceptionnellement de briquet (Feuerschlagmesser)(34) ou de
fermoir d’aumônière (Taschenbügel)(35).
Généralement, c’est la similitude des formes avec ces
ustensiles qui a conduit à avancer ces fonctions. Quelques
auteurs ont cherché cependant à analyser plus précisément
l’objet. F. Fremersdorf, le premier, tenta de préciser sa fonction
par ses caractéristiques morphologiques et son contexte. Il
releva la présence de restes de bois entre les deux soies sur
l’exemplaire de la sépulture 91b de Cologne-Müngersdorf
et sur celui de la nécropole d’Undenheim où ces restes
débordaient sur les côtés au-delà de la lame. Il envisagea
ainsi l’existence d’un manche dont les extrémités, épaissies,
pouvaient être recourbées vers le haut, ce qui laissait
supposer un outil destiné à résister à une certaine pression.
Comme il n’apparaît que dans les sépultures féminines, il en
a conclu qu’il pouvait s’agir difficilement d’un racloir, d’un
hachoir ou d’un couteau de sculpteur (Schnitzmesser), mais
qu’il fallait y voir plutôt un couteau à pain (!) tel qu’il était
encore utilisé par les anciennes générations(36). K. Böhner,
prenant également pour argument l’association exclusive
de l’outil aux femmes, l’a interprété quant à lui comme un
couteau de cuisine (!)(37).
.............................................................
(29) Lindenschmit, Lindenschmit 1848, p. 20.
(30) Besson 1909, p. 175.
(31) Böhner 1958, p. 215 ; Schoppa 1959, p. 62, 79 ; Clauss 1971,
p. 137.
(32) Fremersdorf 1955, p. 127 ; Joffroy 1974, p. 129.
(33) Götze 1912, p. 13 ; Werner 1935, pl. 1 ; Koch 1968, p. 104-105 ;
Müller 1976, p. 85 ; Schmidt 1976, p. 84 et 87 ; Sage 1984,
p. 50, 53, 130, 207 ; Sippel 1989, p. 192-193 ; Reiss 1994,
p. 139 ; Burnell 1998, p. 152.
Fig. 10. Fers disposant d’un renforcement du manche au dos (d’après
Behrens 1939, fig. 68 ; Sage 1984, pl. 15, 3 ; Koch, 2001, pl. 36)
et fers disposant d’un manche se prolongeant sur le ou les côtés, muni
d’éléments de suspension (goupille et anneau) ou de renforcement
(virole) de la poignée (d’après Krohn 1998, fig. 1 ; Sage 1984,
pl. 15,3 ; Sippel 1989, p. 193, fig. 59 ; Urlacher et al., pl. 72,6).
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(34) Kühn 1940, p. 328.
(35) Fingerlin 1962, p. 104 ; Joffroy 1974, p. 129.
(36) Fremersdorf 1955, p. 127. Tout en se référant à des exemples
ethnographiques, il n’en donne malheureusement pas les sources.
(37) Böhner 1958, p. 215.
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12
ANTIQUITÉ TARDIVE
MOYEN ÂGE
U. Koch en 1968 reconsidéra l’objet dans ses caractéristiques
morphologiques et technologiques et retint plutôt la fonction
de racloir. Elle releva que la partie active n’était pas
tranchante (mais n’en évacua pas pour autant l’idée d’un
couteau) et observa que sur les exemplaires où des restes du
manche en bois avaient été conservés au niveau des soies,
la poignée apparaissait soit débordante de part et d’autre
de la lame, soit ajustée à sa largeur. Cette disposition laissait
ainsi supposer qu’on exerçait une pression égale sur toute
la longueur de la surface active qui devait plutôt racler que
couper(38).
C. Grünewald insista également sur l’importance du
manche pour l’interprétation de l’outil. Il attira l’attention
sur la présence parfois, à une distance de 10 à 15 cm
de la lame, d’un anneau associé à une goupille qui, fixé
vraisemblablement à l’extrémité du manche, devait servir à
accrocher l’instrument. Cela supposait que le manche était
débordant, au moins d’un côté. S’il ne l’était pas de l’autre,
il faudrait alors interpréter l’objet comme un hachoir ; dans
le cas contraire, C. Grünewald envisage d’autres fonctions
sans les préciser néanmoins(39). K. Sippel publia l’année
d’après une restitution graphique de ces deux hypothèses(40)
(fig. 11).
Fig. 11 – Restitution par K. Sippel du manche du fer pourvu d’un
système de suspension selon l’éventualité d’une ou de deux poignées
(d’après Sippel 1989, fig. 59 p. 193).
La fonction de Flachsbrecher ou fer à espader qui,
aujourd’hui, est largement admise par la communauté
scientifique de langue allemande(41), n’a été proposée
que discrètement en 1971 par R. Moosbrugger-Leu dans
une note de bas de page de son ouvrage consacré à la
Suisse à l’époque mérovingienne(42). Cette hypothèse,
restée non argumentée, fut reprise et développée par N.
Krohn en 1998(43). En raison des différentes possibilités
de préhension évoquées par K. Sippel, il observa que la
lame ne pouvait être employée qu’horizontalement. Il récusa
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l’idée d’un couteau à pain ou de cuisine par l’absence
d’une lame tranchante. Il écarta également l’hypothèse d’un
racloir utilisé pour le travail du cuir, comme pourraient le
suggérer certains parallèles ethnographiques, en invoquant
que ce travail ne faisait pas partie a priori des activités
domestiques spécifiquement féminines. L’artisanat du textile
l’était en revanche. C’est donc l’outil servant à traiter le lin
qui apparaissait comme l’hypothèse la plus plausible pour
un objet présent exclusivement dans les tombes féminines.
N. Krohn avança deux fonctions d’après des outils encore
en usage jusqu’au début du XXe siècle pour le traitement du
lin : la braie (Racke en Allemagne du Nord) pour broyer les
tiges de lin et le fer à espader ou racloir (Flachsbrecher)
pour polir et assouplir les brins. Toutefois, il n’a pas établi
clairement le lien entre ces instruments récents, de forme et
de fonctionnement différents, avec l’outil mérovingien.
4. UN OU PLUSIEURS TYPES D’OUTILS ?
RETOUR AUX PARALLÈLES ETHNOGRAPHIQUES
Il était ainsi nécessaire de revenir sur ces exemples
ethnographiques pour analyser plus précisément leur
utilisation et leur fonction et déterminer le ou lesquels
pouvaient correspondre à l’outil employé par les femmes de
l’aristocratie mérovingienne.
La braie, broie ou maque, envisagée par N. Krohn et R.
Marti, servait à broyer les tiges pour en extraire la filasse.
Il s’agit de la première étape du traitement des plantes
textiles après la macération dans l’eau et le séchage des
tiges au soleil ou au four(44). Cette opération nécessitait
une véritable installation qui pouvait être plus ou moins
complexe. L’appareil consistait en un madrier posé sur un
chevalet, pourvu sur sa longueur d’une ou d’une double
fente. Selon le nombre de fentes, une ou une double-lame
en bois, parfois renforcée par du métal, était fixée par une
charnière à l’extrémité de cette installation et pouvait être
actionnée en levier par un mouvement vertical grâce à un
.............................................................
(38) Koch 1968, p. 104-105.
(39) Grünewald 1988, p. 130.
(40) Sippel 1989, p. 192-193.
(41) Zeller 1989, p. 325 ; Wieczorek et al. 1996, vol. 2, p. 1037 ;
Marti 2000, p. 127 ; Koch 2001, p. 202-203 ; Brather, Friedrich
2013, p. 16.
(42) Moosbrugger-Leu 1971, p. 240, note 4.
(43) Krohn 1998, p. 36.
(44) Diderot, d’Alembert,1753, Encyclopédie, vol. III, p. 150.
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ANTIQUITÉ TARDIVE
MOYEN ÂGE
Broyage
Battage
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CONTEMPORAINE
Le seul objet qui pourrait s’intégrer à un tel dispositif est le
fer de la sépulture 38 de Westheim(47). Différent des autres,
il présente une lame effilée de 18,5 cm de longueur,
prolongée d’un côté par une grande soie et de l’autre par
un long manche de section circulaire, perforé à l’extrémité
par un œillet (fig. 14). Cet orifice, d’1,8 cm de diamètre,
pouvait ainsi recevoir un axe permettant d’articuler la lame
et de l’utiliser comme une braie. Cet objet ne possède qu’un
autre parallèle à l’époque mérovingienne, dans la tombe
112 de la nécropole de Krainburg en Slovénie(48).
Fig. 12 – Les différentes étapes du traitement du chanvre et ses outils
d’après Diderot et d’Alembert (1762, planches tome I, chanvre,
planche 1ère). 1. L’atelier - 2. La braie ou broye avec en haut sa
partie active - 3. L’espadon (source ENCCRE ©2017 Académie des
sciences).
manche, pour s’encastrer dans les fentes du madrier (fig. 12,
1 et 2). Les tiges, placées entre les « deux mâchoires de
la broye »(45), étaient ainsi broyées pour séparer la filasse
présente dans l’écorce, de la matière ligneuse du cœur de la
tige appelée chènevotte. L’outillage utilisé sur l’habitat du XIe
siècle de Charavines était plus rudimentaire. Il se composait
également des deux éléments, la pièce de bois avec sa fente
et le hachoir, mais ce dernier n’était pas articulé : constitué
d’une lame en bois munie d’un manche, il était pris à part
par l’artisan pour être frappé sur les tiges (fig. 13)(46).
Fig. 14 – Possible braie en fer de la sépulture 38 de Westheim. 1. Plan
de la tombe avec l’outil posé contre la paroi nord – 2. L’outil (d’après
Reiss 1994, fig. 104 p. 267 et pl. 29).
.............................................................
(45) Diderot, d’Alembert, 1762, Planches tome I, Chanvre, planche 1ère,
5.
(46) Mille et al. 1989, p. 252.
Fig. 13 – Braie en bois retrouvée dans le village du XIe siècle de
Charavines (d’après Mille et al. 1989, fig. 1).
Cahiers LandArc N°39
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(47) Reiss 1994, p. 139-140, 267 et pl. 29.
(48) Cité par R. Reiss 1994, p. 140.
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ANTIQUITÉ TARDIVE
MOYEN ÂGE
MODERNE
CONTEMPORAINE
Les autres fers mérovingiens, dont les soies sont au dos de la
lame, correspondent à un autre type d’outil. Son utilisation
diffère cependant selon le type de manche, au dos ou se
prolongeant latéralement par une poignée : dans le premier
cas, il sert à racler, dans le second à écraser dans un
mouvement de volée. Deux outils employés pour le traitement
des fibres textile correspondent à cet emploi : l’espadon et
le racloir.
L’espadon ou battoir, parfois appelé aussi écang ou
écouche, était utilisé au battage des tiges intervenant après
leur broyage par la braie. Il servait à séparer la filasse des
derniers résidus de chènevottes et à assouplir une première
fois les fibres(49). Pour ce faire, la poignée de lin ou de
chanvre était placée dans l’encoche semi-circulaire d’un
chevalet appelé planche à écanguer ou poisset et battue
avec l’espadon, lame en bois munie d’un manche latéral,
similaire à l’outil utilisé pour broyer les tiges à Charavines
(fig. 12, 3). Une variante articulée est décrite par J.N.
Schwerz et L. Bonnetat. Le support vertical pourvu d’une
encoche monte jusqu’à la hauteur de l’ouvrier. L’écang est
fixé par une charnière sur le côté, au-dessus de l’encoche,
et actionné par un manche permettant par un mouvement
descendant de broyer les tiges(50).
Le racloir était employé dans une seconde étape pour
continuer à assouplir la filasse. Diderot et d’Alembert n’en
font pas mention dans leur Encyclopédie. Cette opération
est évoquée par L. Bonnetat(51). Elle consistait à passer
le racloir à plusieurs reprises sur la filasse, placée sur le
tablier en cuir de l’ouvrier, « pour la polir et la rendre plus
brillante ». L’outil, dont la lame non tranchante est similaire
à celle des exemplaires mérovingiens, est doté au dos d’un
manche en bois légèrement débordant fixé par deux soies
(fig. 15). Cette opération pouvait être effectuée également
avec un fer à espader. Dans ce cas, la lame non tranchante
Fig. 16 – Utilisation du fer à espader pour l’assouplissement
du chanvre présentée dans le cadre de la fête de l’artisanat à
Grand’Combe-Châteleu dans le Jura en 2019 (photo M. Châtelet).
était fixée par les soies, soit verticalement sur un pilier, soit
horizontalement sur une bille de bois(52). Les fibres réunies
en botte, empoignées aux extrémités, étaient alors frottées
contre la lame par un mouvement de va-et-vient jusqu’à les
rendre plus souples (fig. 16). Si le fer à espader ressemble
étrangement aux fers mérovingiens par sa forme et ses
deux soies, il s’en distingue cependant par sa taille (une
cinquantaine de centimètres de long) et par l’absence de
manche, rendu inutile par sa fixation sur un support. Il est
donc peu probable que les fers avaient été utilisés de la
sorte à l’époque mérovingienne, une majorité d’entre eux
ayant montré la présence d’un manche.
.............................................................
(49) Diderot, d’Alembert 1753, Encyclopédie, vol. III, p. 153-154 ;
Schwerz 1847, p. 64-68 et pl. II ; Bonnetat 1907, p. 22.
(50) Bonnetat 1907, p. 22.
(51) Bonnetat 1907, p. 23.
Fig. 15 – Racloir utilisé au XIXe siècle pour le traitement du chanvre
d’après Bonnétat, 1907, fig. 12 p. 23 (source gallica.bnf.fr /
Bibliothèque nationale de France). Sans échelle.
Cahiers LandArc N°39
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(52) https://www.le-fil-du-rouet.fr/--2/le-chanvre-le-lin/ ;
http://www.patrimoine-pays-de-montbeliard.fr/fileadmin/user_
upload/Publications/fiche_chanvre_verquelure.pdf ;
https://ecomuseegapeau.org/broie-a-chanvre/
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ANTIQUITÉ TARDIVE
MOYEN ÂGE
L’existence d’une poignée latérale sur un nombre non
négligeable de fers mérovingiens tendrait à orienter
l’interprétation de ces outils vers l’espadon, bien que sur les
exemples ethnographiques, il soit toujours confectionné en
bois : ce matériau, plus souple, permettait vraisemblablement
de limiter le risque de casse des fibres textiles. Dès lors,
l’emploi du métal pour les objets déposés dans les tombes
pourrait-il aller dans le sens d’outils symboliques, non
fonctionnels, représentant la tâche sous une forme matérielle
dérivée, dans un matériau plus noble, en accord avec
le statut de la défunte ? Que des femmes appartenant à
l’aristocratie aient pu pratiquer cette activité de battage,
traditionnellement dévolue aux hommes car très physique,
peut paraître néanmoins étonnant.
Si une partie des outils comportait une poignée latérale, rien
n’exclut a priori que d’autres aient pu être dotés d’un simple
manche dorsal ou de deux poignées comme à Saint-Vit et
avoir été utilisés comme racloir. Cela supposerait que les fers
recouvraient au moins deux types d’outils que seul le manche
pourrait différencier, les lames a priori ne permettant pas
d’établir des distinctions fonctionnelles.
6. UN OBJET SYMBOLIQUE ?
Que peut-on ainsi conclure de l’analyse de ces données
et des parallèles ethnographiques ? L’objet constituait
indubitablement un insigne des femmes de niveau social
élevé, au même titre que la vaisselle en métal et les diverses
parures et pendeloques en matériaux précieux ou rares dont
elles étaient parées. Sa lame et la présence d’un manche
tendent à le considérer comme un outil qui, par l’absence
apparent d’un tranchant coupant, devait être utilisé non
pas dans le cadre culinaire mais plutôt pour des activités
artisanales. D’après les exemples ethnographiques, des
outils de ce type pouvaient intervenir dans deux domaines,
le travail du cuir, écarté par N. Krohn à juste titre car étant
une activité plutôt masculine, et celui du traitement des fibres
Cahiers LandArc N°39
Décembre 2020
MODERNE
CONTEMPORAINE
textiles. Selon qu’il était pris par une poignée latérale ou par
le dos, l’objet pouvait servir soit à écraser les tiges pour en
détacher les derniers résidus ligneux, soit à racler la filasse
pour l’assouplir.
Il reste néanmoins que ce travail était aussi physique que
celui du cuir, amenant à s’interroger si, réellement, il avait été
pratiqué à l’époque mérovingienne spécifiquement par les
femmes de statut social élevé. Faut-il dès lors les considérer
comme des objets symboliques pour figurer le travail textile
dans son ensemble, en incluant le filage et le tissage
pratiqués quant à eux par les femmes de toutes conditions,
y compris de haut rang(53) ? L’hypothèse peut être avancée
tout en supposant que les textiles travaillés étaient dans ce
cas probablement les plus nobles. La signification de ces
outils dans le rituel funéraire serait alors à rapprocher de
celle des lames de tisserand, présentes aussi dans les tombes
riches, et dont le caractère non fonctionnel et probablement
symbolique a été proposé également(54).
L’outil continue donc d’être énigmatique. Une attention
particulière à la fouille comme à la restauration permettrait
certainement de recueillir d’autres indices sur sa morphologie.
Sa localisation dans la tombe, les éventuels éléments du
manche (restes de bois et armature métallique), leur position
exacte par rapport au fer et une surface active tranchante
ou non, sont autant d’éléments à noter qui permettraient
d’avancer dans la compréhension de cet objet. Malgré ces
réserves, la fonction de cet outil est dorénavant mieux définie.
Elle n’a aucun lien avec le domaine culinaire mais est en
revanche liée à la préparation de fibres textiles végétales. En
l’absence de réponse définitive, nous proposons de nommer
l’objet « fer à fibres » afin de l’éloigner de la dénomination
de hachoir, qui implique l’idée sous-jacente fausse qu’il
appartient au domaine culinaire.
.............................................................
(53) Krohn 1998, p. 37.
(54) Fischbach et al. 2015.
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ANTIQUITÉ TARDIVE
MOYEN ÂGE
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MODERNE
CONTEMPORAINE
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ANTIQUITÉ TARDIVE
MOYEN ÂGE
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