Academia.eduAcademia.edu
L'Africa romana Atti dell'XI convegno di studio Cartagine, 15 -18 dicembre 1994 a cura di Mustapha Khanoussi, Paola Ruggeri e Cinzia Vismara ** Editrice Il Torchietto - Ozieri Carmen Alfaro Giner La teinture de draps dans les provinces romaines du nord de l'Afrique Les procédés de teinture des textiles, aussi bien que les éléments colorants Ies plus convenables à employer, ont été soigneusement sélectionnés par les différentes civilisations. La couleur distinguait, délimitait et identifiait des positions sociales, des ages, des différences momentanées, des rituels sacrés, etc. C'est-à-dire, elle représentait tout un langage qui arriva avec une grande vitalité dans la période c1assique de notre culture gréco-romaine l. Or sous l'usage de la couleur existait une technologie et des systèmes de travail qui, basés sur des procédés chimiques plus ou moins compIexes et connus plus ou moins bien par ceux qui les produisaient, permettaient l'obtention des genres de teintures les plus variées pour leur application textile 2• Les matières premières employées conditionnèrent les résultats finaux quant à la qualité, durabilité des produits et Ieur prix, et cela se répercuta de meme, évidemment, sur les formes de la demande du marché. L'incidence économique de ces techniques apparait dans le fait que nombreuses furent les matières colorantes ainsi que Ies mordants et les fixatifs qui furent contr01és par le pouvoir, demandés comme imp6ts et utilisés souvent comme forme de paiement 3• Meme si les restes textiles antiques conservent une grande variété de tonalités, les analyses des colorants qui y furent utilisés laissent entrevoir un éventail de possibilités beaucoup plus grand. Selon les combinaisons des • Universidad de Valencia. Malgr61e fait qu 'elle doit elre revue et corrigée en ce qui concerne de nombreux aspects, com me Ph. Broncau l'à déjà signal6 (<<REO» 85,1972, pp. 199 ウNILiGセオカイ・@ de M. REINHOLD, History 01 Purple as a Status Symbol in Antiquity, Coli. Latomus 116, Bruselas 1970, pp. Il ss •• est toujours int6ressante. 2 Sur le 、」セ@ de d6veloppement des procéd6s qui conformenl ce que DOUS enlendons par science chimiquc M. BEJt11lELOT, Die Chemie imAltertUm unti Un Mitteltllter, Leipzig-Vicnne 1909 (repr. Hildeshcim-N. York 1970); A. SaoonT, Drogen unti DrogmJumdel imAllertum, dans M.I. FlNWi(ed.),AncientEconomicHistory,N. York 1979. pp. 18-24. Lescolorantssontcomp0s6sde mol6cules organiques d6riv6es principalement des planles. :I Dans la vallk du Nil depuis les 6poques les plus anciennes jusqu'aux premicrs ウゥセャ・@ de la culture islamique. Voir R. B. SERlEANT, MaIUiollor a History ollslmnic Textiles up lo the Mongol Conquest, «Ars IslamiC3», XIII-XIV, 1948, pp. 105, 115-118. J 824 Carmen Alfaro Giner matières teinturières avec les divers mordants ou fixatifs4, selon les quantités employées des unes et des autres, selon la composition métallique du chaudron où le mélange pour teindre était chauffé, selon le temps d' exposition au soleil dans le cas de la teinture à la pourpre etc., Ies résultats obtenus variaient énormément. D'autre part, nous devons tenir compte du fait que l'analytique, la base la plus solide pour arriver à une connaissance réelle des techniques de teinture de draps dans l' antiquité, n'est pas une science exacte et pose de nombreux problèmes; ainsi par exemple, l' indigotine, responsable de beaucoup des tons bleus que nous conservons, peut procéder d'une ampIe variété de plantes dont, évidement, l'indigofera tinctoria L. L'idée que la pourpre était la seule teinture solide de l'antiquité manque absolument de base. La tourbe acide, les algues et les lichens (comme le Fucus ou Lichen roccella L.), quelques minéraux (terre ocre, charbon, bitume, etc.) mais sourtout les plantes les plus variées (la guède ou paste} des teinturiers, l'indigo, le lutum, la garance, le carthame, les étamines du safran ... ), permettaient l'obtention de brillants résultats. Pourtant, certains produits teinturiers (comme, par exemple, ceux qui comportent du tanin), malgré le fait qu'i1s ne soient pas cités par les sources écrites, sont détectés dans les tissus conservés dans de hauts pourcentages s. Certes, les difficultés sont nombreuses quand nous cherchons à obtenir une vision d'ensemble d'une industrie qui, d'une manière ou d'une autre, affecta tant de personnes et sur laquelle nous conservons une information très dispersée que nous appliquons souvent (peut-etre dangereusement) à d' amples zones géographiques, en présupposant une homogénéité de connaissances partout qui reste à démontrer. À travers l' exemple de toutes les provinces nordafricaines, avec leurs informations variées, nous voulons rendre compte du fait qu'une ampIe révision de nos connaissances est nécessaire, au moyen d'une prospection systématique des lieux de production et des possibles milieux biologiques, ainsi que d'une analyse des restes textiles conservés. Nous pourrons percer, comme cela, les proportions réelles de l'usage des différents types de teinture employés dans l' Antiquité. • Les mordants sont dcs substances qui facilitent l'union du colorant avec Ics molécules des fibres. Selon leur utilisation ils modifient le résultat final d'un me me colorant. Certains sont appliqu6i avant la teinture (alun, sans doute le plus utilisé); d'autres, comme le sulfate de cuivre ou le chlorure d' étain, sont mélang6i li'eau avec le colorant. L' oxide de fcr est appliqué sur la fibre après sa teinture, simplement en ajoutant quelques clous au mélange. 5 Ce pigmeot est présent dans Ics noix de galle, dans les écorces des arbres comme le chene. l'orme, le saule. ainsi que dans la peau du raisin et d'autres fruits, ce qui le rend très accessible. Une bonne vision générale sur les matières premières et sur les systèmes de travail peut-etre trouvée dans RJ. FORBf.S, Studies in Anciem Technology.lV, Leiden. 1956, pp. 99 ss. La (einture de draps dans les provinces romaines du nord de l'Afrique 825 Nous allons faire référence, surtout, à la période impériale avancée, justement où nous trouvons le plus grand volume d'informations parmi les restes archéologiques et la documentation écrite. Malheureusement, le volume d' informations littéraire et épigraphique qui fait référence au grand territoire du nord de l'Afrique n'est pas très ampie. Ainsi un auteur en est arrivé à condure, au début de notre siède, que «la Mauritanie, la Numidie, Carthage, les còtes des Syrtes et de la Cyrénalque eurent peu d'importance pour l'industrie de la teinture jusqu'à ce que Carthage fut fondée par les Phéniciens, et meme là et plus tard, quand elles arrivèrent toutes à etre des provinces romaines, cette activité se développa très peu» 6. C'est d'une certaine façon l'impression que procure la lecture de l' Expositio totius mundi et gentium qui fah référence au nord de l' Afrique. Pourtant, quelques informations éparses foumissent des indices sur la teinture, ça et là, avec un type de matériel ou un autre, et la production avait dépassé le milieu local pour acquérir une renommée intemationale. Nous savons par Pline (N. H. XXII, 3) que, du moins à son époque, les graines de coccum d' Afrique 7, parmi d'autres d'origine différente, servaient à teindre les habits militaires de l' empereur et de sa famille avec la belle couleur rouge propre à sa dignité (imperatoriis dicatum paludamentis). Nous apprenons aussi que la pourpre plus recherchée, en Afrique, était celle de l'ile de Meninx et, surtout, celle de la còte gétule de l'Océan 8 ; il y eut là-bas une importante production, qui fut augmentée par le roi Juba II quand il décida d'établir certaines tribus des Autololes dans quelques unes des iles proches de la còte afin qu' ils travaillent dans des comptoirs d' extraction de pourpre, raison pour laquelle elles furent dénommées «Bes Purpuraires» 9. Les mentions 6 H. Bl.ÙMNER, Die geberbliche Tiiliglceil der VOllcer des Klassischen Alterlhums, Leipzig, 1869 (Repr. New York, 1970), p. 1. 7 Certaines des variétés méditerranéennes: Kermococcus vermi/io Planch ou Kermes i1icis L. • Pline dans ce cas fait référence à la pourpre d'origine marine: N.H. V, 1 et 12; IX, 127 et XXXV, 45. NotTe information sur la pourpre de Gétulie procède aussi des allusions à son sujet faites par les poètes Horace (Leltres II, 2, 181 et Carm. II 16,35: bis Afro murice linctae lanae; Afro, ac セイ@ hoc Mauro, significaI enim purpuram Girbitanam) et Juvenal (8,101 et 9, Il). 9 Mela III, 104 (Nigritarum Gaetulorumque vaganlium ne /ilora quidem infecunda sunI, purpura et murice efficacissimis ad tinguendum et ubique quod tinxere c1arissimum.) et Plinc, N. H. V, 12(omnes scopuliGaetuli muricibus,purpuris) et VI, 201 (insulas)paucas modo constat esse a adverso AUlolo/um, a Juba repertas, in quibus Gaetulicam purpuram tingere instituerat). La question de la pourpre de GétuJie a été amplement étudiée à notre époquc: voir en ce sens le travail c1assique de D. et J. HERBER, La pourpre de Gétulie, .. Hcsperis.. , XXV, 1938, pp. 98 ss.; 1. P. DESlAcoUESetP. KOfBERLP..,Mogadoretlcs/lesPurpuraires, «Hesperis .. , XLII, 1955, pp. 193202; J. GAlTEfOSSt, La pourpre gétule, «Hesperis .. , XLIV, 1957, pp. 329-334 et A. lODlN, Les établissemenlS du roi Juba II aux /Ics Purpuraires (Mogador), Tanger, 1967, p. 256. Carmen Alfaro Giner 826 concernant cette production mauritanienne furent constantes sous l'Empire, avec l' indication meme des manufactures que l' on teignait avec celle-ci: habits en laine, nappes et dessus-de-lit 'o. A l'époque tardive les vetements formaient une partie importante de l' exportation globale de la Mauritanie et de la Numidie " . En Numidie et en Afrique proconsulaire la technique de la teinture avec la pourpre marine fut sans doute connue depuis la fondation des colonies phéniciennes. D'après Solinus, la ville de Chullu pouvait équiparer ses tissus teints de pourpre à la laine de Tyr 12. La pourpre de Carthage était exceptionnellement appréciée par Ies Romains, comme Tibulle et Silius Italicus nous l' apprennent 13, mais depuis Iongtemps elle produisait des tapis et des coussins colorés, "poikila" selon l' auteur athénien Hermipe, dans un texte recueilli par Athénée l4 • Naturellement à l'époque où est écrite la Notitia Dignitatum la production globale africaine dut etre importante si nous nous en tenons au fait que, panni les neufs procuratores bafiorum cités pour la partie occidentale de l'Empire, deux correspondaient aux provinces du nord de l' Afrique; l'un était destiné concrètement. à la province d' Afrique (Procurator bafiorum omnium perAfricam) et l' autre s' occupait du contròle de la production de la Tripolitaine (Procurator bafii Girbitani, prouinciae Tripolitanae) 15. Nous ne savons pas si le territoire de l'ile de Méninx (Djerba) 16 fonnait alors partie d'un tout plus grand: les bafii Girbitani. Peut-etre tous ces ateliers (bafi') étaient concentrés dans l'ile, comme il semble que c'était le cas du bafium des Baléares (peut-etre IO Horace,loc. ciI. (vestes Gaetulo muriee tinetas. Sunt qui non habeant: c'est à dire qu'i1 semble que les カセエ」ュョウ@ gétulcs sont typiqucs quand ils sont teints, car il est dit qu'il existe d'autres types); Vopiscus, Aurelianus 12, cite tapetiaAfra deeem, stragula Maura decem, panni les prix de divers matériaux teints; avcc celte pourpre étaient teints les couvre-lits des Iits de la salle à mangcr (triclinaria): Pii ne N.H. IX, 137. Il &posi/io totius mundi, 60: Quae provincia vestem et mancipia negotÙltur INumidia. .. negotÙl habet: vestem l'ariam et animalia optima; nous ignorons si, comme pour d'autres périodes, il s'agissait là de vetcments tcints. Il 26, l. Quand Pii ne parle de celte ville il ne cite en aucun cas l'existence d'une importante industrie de pourpre. p・オエMセイ@ cela peut nous faire penser, étant donné que nous ne connaissoDs pas la source de Solinus daDs ce cas, que celte exploitation fut crée apres la mort de Pline et qu'elle était déjà importante au III" siècle. Il Tib. Il, 3, 57 SS.; Sii Ital. VII, 641. Athénée I, 28 A; Hermippe vécut au V' siècle avaDt J.-C. Not. Dig. pars oceid., Xl, 69 s. (Ed. O. Seeck, Franlcfurt 1%2, p. 151). n faut dire quand me me que, en 69, certains manuscrits utilisent les termes bafuorum, bosnorum ou bafnorum et en 70 il existe aussi des variantes com me grebitani. 16 N.H., IX. 127; XXXV, 45. 14 U La teinture de draps dans les provinces romaines du nord de l'Afrique 827 àIbiza). Les nouvelles qui font référence à la Libye et aux Syrtes sont beaucoup moins importantes. Silius Italicus cite le Libycus murex comme quelque chose de connu 17, et le coccum Cinyphium, sans doute abondant dans le bassi n du fleuve Cinips l8. Et, meme s'il s'agit seulement d'un toponyme, le promontorium Phycus, qui ressort face à la Crète entre Ptolemals et Cyrène 19, peut etre en relation avec la possible exploitation de l' algue qui lui donne son nom, étant donné qu'elle était utilisée en teinturerie pour obtenir un rouge "pourpre" (Roccella tinctoria)'1lJ. Comme nous pouvons l'observer, selon les données citées, la production de pourpre marine est celle qui ressort le plus, c'était aussi celle qui intéressait le plus les importations de Rome; viennent après les teintures qui pouvaient la remplacer (le kermès) et les imitations faites en Gétulie; cependant, il est fai t aJJusion aussi à d'autres colorants d'origine terrestre, qui auraient une grande importance numérique et dont la tradition était sans doute antérieure à la colonisation phénicienne du territoire. Grace à une inscription très intéressante (CIL VIII, 4508) trouvée dans la ville caravanière de Zaral, l' actuelle Zraia (Numidie), puis emmenée à l' actuelle Lambaesis, concrètement au prétoire de la legio 1/1 Augusta, nous pouvons savoir quelque chose quant à la question du paiement du portorium et sa relation avec la teinturerie 21. Il s' agit d'une Lex portus post discessum coh. instituta de l'époque de Septime Sévère. Des quatre chapitres conservés (Lex capitularis, Lex vestis peregrina e, Lex coriaria, Lex portus maxima), il n'y a que le deuxième et le quatrième qui nous intéressent. Parmi les vestes peregrina e le sagum purpurium est cité. Comme le reste des habits mentionnés, il faut supposer que son passage par ce contrale devait etre abondant; il ne ressort pas par son prix en sesterces. Mais ce qui est du plus grand intéret est la dénomination de purpurium: purpureus a le sens de "semblable à la pourpre", 17 VIII, 437. Il XVI,354. 19 PUne, N. H. V, 32. lO Pline, N. H. XXVI, 103, l'appelle phycos thalassion, sclon le nom grec .\l1co«;. Strabon, XVII, 3, 20, décrit le promontoire et signale une petite ville du ュセ・@ nom, ainsi que Lucain IX, 39-41, Ptolémée, IV, 4, 3 et Synesios, Ep. LI, CI, CXIV, CXXIX et CXXXIl. O. le commentaire de J. l>EsANoES du Iivre V de Pline et J. rッオセ@ Recherches sur /'organisation du commerce 11Ulritime en Médite"anée sous l'Empire ramoin, Paris, 1966, p. 113. 21 J.-P. DARMON, Note sur le tari! de Zarai, «Les Cahiers de Tunisie,., XII, 1964, pp. 7-23; P. ÒAsm>, Quattuor publica Africae: Customs Duties or Landtax?, L'Africa Romana, IX. Sassari, 1992, pp. 813-829. Carmen Alfaro Giner 828 ce qui indiquerait qu' il s' agit d'un manteau teinté "couleur de pourpre", non pas avec de la pourpre marine, mais plutot avec n'importe quel type de teinture végétale avec laquelles ont obtenait des couleurs très brillantes et de grande beauté 22• Comme l'indication cetera vestisAfra in singulas lacinias apparait plus loin, et suivant la logique ce type de controles indique toujours un mouvement des produits d'aller et retour, il faut supposer que nous nous trouvons face à la description de manufactures locales réalisées avec des teintures non somptuaires 23 • L'interprétation de ce que l'inscription appelle tunica ternaria est plus douteuse. Les éditeurs n'identifient pas bien ce qualificatif, que l'on a essayé de mettre en relation avec le prix 24 • Nous pouvons soumettre à discussion trois hypothèses: - Il pourrait s'agir d'un certa in type de tuniques qui aient subi trois processus de teinture. Les tuniques de lin n'absorbaient pas la couleur facilement et pouvaient avoir besoin d' etre teintes trois fois. Nous connaissons la dénomination grecque dibaphos et tribaphos pour les habits teints deux ou trois fois avec de la pourpre. - Néanmoins, nous nous trouvons peut-etre face à un cas d'application de la technique appelée de "résistance à la teinte" (resisting dyes). Les trucs employés en Égypte pour obtenir la teinte de draps avec des couleurs différentes, malgré leur submersion dans un bain de teinte monocolore, attirèrent beaucoup l'attention de Pline 2.S. La technique n'était pas excessivement com- 2l Nous ne sommes pas d'accord avec J.-P. Darmon et son identification taxative du sagum purpurium: «le lissu de pourpre ne peul provenir que des cOtes de Médilerranée», op. ciI. p. 17. 1) L'interprétation de J.-P. DARMON nous semble fortjusle, op. cito pp. 13 SS., qui pense que, étant donnée la nature des matériaux intercbangés, il s' agirail plutot d'un commerce entre les zones d'élevage de l'intéricur (le Sud) et la cOte. O'après N. FEROOOU et A. GABIUON, Une inscription grtcque magiqut de la région de BouArada (Tunisie), ou les quatre plaiesde l'agriculture anlique tI proconsulaire, dans Histoire et archéologie de l'Afrique du Nord, Ile Colloque Intemational (Grenoble, 5-9 AvriI1983), Pari s, 1985, p.120, aux environs de]a vi1Je de FurnosMaius, dans la region du Ojebel Mansour et de la baute vallée de l'oued Kebir, il y avait certaines espèces dc cbènes verts qui auraient élé exploitées pour, au moins, deux raisons: elles servaient à l'élevagc des cochenilles qui constituaient la base d'une teinture rouge vif et en outte parce que le tanin contenu dans l'écorce pouvait alimenter dcs tanneries. Or, on peut songer aussi à l'utilisation du tanin dans la confection des tcinlurcs. 24 SculJ.-P. OARMON,Op. cit., n. 7, p.14,disaitdéjà «qu'il se rapporte au mode de tissageou de tcinture», sans accepter la possibilìté d'une relation du terme ternaria avec le prix des manufactures en questiono Z$ N. H. XXXV, 150. La teinture de draps dans les provinces romoines du nord de l'Afrique 829 pliquée. Une fois imprégnées certaines zones du tissu avec des mordants déterminés, celui-ci était introduit dans un bain de teinte, en obtenant, selon les réactions chimiques déchainées par les mordants, des résultats chromatiques totalement différents. - Ou, simplement, les zones que l' on ne voulait pas colorer étaient couvertes de cire 26 • Si l'on cherchait à obtenir des tissus de trois couleurs ou plus, la cire pouvait aussi le permettre. Il ne fallait que réaliser l'opération en trois étapes: dans la première les surfaces non protégées seraient teintes, dans )a seconde, en employant une autre couleur, les parties OÙ la cire serait enlevée (ce que l'on pouvait faire simplement en introduisant le tissu dans de l'eau chaude); et dans la troisième le reste était teint, après aussi l' élimination de la cire (nous connaissons aujourd'hui cette technique comme Batik). IJ est possible que de tels systèmes égyptiens arrivèrent à s' étendre sur les territoires nord-africains; l' existence de ces tunicae ternariae pourrait etre un indice. Dans la demière partie de l'inscription divers produits sont énumérés parmi lesquels la poix et l' al un nous intéressent. La première avait évidemment de nombreux emplois parmi lesquels il y avait aussi la décoration de tissus déterminés. Nous disposons de certains tissus égyptiens traités ainsi dans la collection du Musée Archéologique National de Madrid 21 • La technique était très simple et semble avoir été très utilisée. Elle consistait en l'application de la matière fondue et chaude sur la surface du tissu lisse. Un pinceau devait etre utilisé pour cela avec lequel on créait des losanges, formes géométriques qui, dans le cas de l' exemple mentionné, étaient complétées avec de petits détails de couleur. De son còté l'alun, nous l'avons dit, consti tu ai t un élément important comme mordant dans les processus de teintures de draps 28. Sur un caisson (sarcophage) de 0,60 m. d 'haut et 0,40 m.large, trouvé près de Batna, et omé dans sa partie supérieure uniquement avec deux coquilles de murex, nous conservons une autre inscription don t le texte est très simple: Purlpurilorum (CIL VIII, 2523); elle fait surement allusion à un marchand de tissus de pourpre, proche de la meme région de Zaral; mais son caractère concis ne fait que certifier l' existence de tels professionnels. Quant aux restes de tissus en eux-memes, nous devons dire que nos trouvailles proviennent, presque exc1usivement, d'Égypte, de Nubie et du op. cit., IV, p.135. C. AuARO GlNER, Tejidos egipcios del Museo ArqueolOgico Nacional de Madrid, (en préparation). 2Ii FORBES, 17 ZI Plin. phis. Bamb., 48, 4: aluminis Spani tinctorum optimi; Pline, N.H. XXXV, 183-188; cf. Marc. med. 4, 24: alumen infectorium. Carmen Alfaro Gmer 830 Soudan, pour ce qui est du monde africain. Si cela nous empeche de disposer d'une réelle connaissance des résultats obtenus dans les vastes territoires nordafricains, nous sommes récompensés par la quantité et la qualité des matériaux arrivés jusqu'à nous. La vivacité des couleurs et la permanence des pigments et mordants avec lesquels ils furent fabriqués nous permettent en faire ressortir des conclusions d' intéret pour le sujet qui nous occupe. Dans l' état actuel de nos connaissances, il est vrai que, malgré l' énorme volume de notre information Iittéraire et les traces de son utilisation sur des amoncellement de coquilles, la pourpre marine n'est pas détectée dans les tissus antiques conservés avec la fréquence que l'on pourrait espérer. Les analyses actuels de teintures démontrent que la pourpre marine est utilisée dans un très bas pourcentage par rapport à une utilisation massive de matériaux végétaux et minéraux 29 • L'éloignement de la mer put conditionner, dans le cas des tissus d'origine nubi enne, ce résultat. Cependant, dans d'autres parties de la Basse et Moyenne Égipte, la prépondérance des teintures végétales semble etre de meme la tendance générale. Il ne s'agit pas ici de systématiser comment l'on obtenait chaque couleuf, mais nous pouvons dire que la complexité des mélanges obtenus cOincide avec celle présentée dans les recettes teinturières de nombreux papyrus. Etant donnée l' énorme différence de prix entre chacun de ces systèmes de teinte, très tot se sont développées des imitations ou des falsifications de la pourpre marine à travers l' emploi de végétaux et de certains insectes de la famille des coccidiens. Il s' agissait d' obtenir les deux tons des deux variétés de pourpre Blatte les plus appréciées: celles dénommées Tyrienne et Améthystine JO• Nous savons par Thémistius 3J qu'il existait des formules pour la vérification de son authenticité, de meme que pour l'or et les pierres précieuses, et seulement le degré de perfection si élevé auquel ces imitations parvinrent, contraint Théodose, Arcadius et Honorius à leur interdiction 32. Interdiction qui n'était pas nouveUe, car à l'époque de César 331'utilisation de vetements teints 2f L MAssatEl..EJN-Ki.EtNEJt, LRJ. MAES, The Dyes, dans ClI. C. MAYER THURMAN, B. Wll.UAMS, aャicゥセG@ Tali/es /rom Nubia. Meroitic, X-Group and Christian Fabrics /rom Ballana tmd QusIIII, Chicago, 1979, pp. 52, 55. Presque cent échantillons de l'ensemble de tissus qui comtituent le fond セ@ l'lnstitut Orientai de l'Université de Chicago furent analysés, ce qui nous appone una large Vision sur les techniques préférées. )I W.A. Scm.mrr,Forschungen aufdem GebietedesAlterthums, I, Berlin, 1842, pp. 104 5.<;. Oral. 21, 247 b. .u CJ. 111, Il,8. U Suétone, Caa. 43. lO La teinture de draps dans les provinces romaines du nord de l'Afrique 831 avee les lons dénommés eonehyliens fut Iimitée (mais non pas l'emploi de pourpre pour les larges clavii des tuniques). Auguste interdit que personne qui ne fUt sénateur portat un habit complètement en pourpre J4 , mais il n'eut guère de succès, et Tibère renonça à ceUe restriction 3S • Néron interdit avec une plus grande énergie les teintures qui imitaient les variétés Tyrienne et Améthystine 36• Mais depuis cette époque, seules de rares interdictions, comme celle de Gallien qui interdisait le port de vetements entièrement en pourpre par les femmes 37, empechèrent la libre circulation du produit et son utilisation sans contraintes. A l'époque de Constantin existait déjà un bureau (bafium) de pourpre impériale à Tyr et le manteau de pourpre ou indumentum regale 38 était interdit; cependant les limitations affectent toujours des types concrets de pourpre. Selon le Code de Justinien (I, 4, 40) «aucune personne privée ne peut avoir le droit de teindre avec de la pourpre ou de la vendre, autant pour celle dénommée Blatta comme pour l'Oxyblatta (Tyrienne) ou la Hyacinthine (ou Améthystine), ni sur de la soie ni sur de la laine. Si elle vendait n'imporle quel flocon du murex susdit, sa fortune sera confisquée et elle souffrira la deminutio capitis». La pourpre Blatta et ses deux variétés étaient done interdites. Les autres étaient exemptes d'une telle interdietion. Mais les hauts dignitaires consommaient-ils toute la production que nous cite la Notitia Dignitatum seulement pour la partie occidentale de l'Empire? Pourquoi n'est-il pas fait mention des ateliers orientaux, mis à part Tyr? Peut-etre parce que celui-ci était le seuI qui foumissait le palais impérial. Les autres pouvaient etre controlés par leurs procuratores correspondants, mais seulement comme moyen de prévention pour l'encaissement des impf>ts aux divers ateliers privés qui composaient, semble-i1, ce que l' on appelait un bafium. Le procurator bafiorum omnium per Africam et le procurator bafii Girbitani, déjà cités, devaient done controler par leurs inspections d'amples zones 39 • Si à travers l' analyse des restes textiles l' emploi des teintures végétales et minérales semble avoir été la plus courante, dans le cas des restes arehéoJogiques identifiables avec des ateIiers de fabrication de colorants, le phénomène )4 Dio Casssius 49, 16. J5 Dio Cassius 57,13. l6 CJ. III, Il, 8. l7 Suétone, Caes. 43. 31 Ammien Marcelin XIV, 9, 7. )9 W.A ScHMIDT, pp. 185 s. Carmen Alfaro Giner 832 s'inverse. Les restes des mollusques constituent un élément d'information de premier ordre et ]eurs accumulations spectaculaires permettent de suivre facilement la piste aux lieux de fabrication des teintures d'origine marine. Les restes matériels que nous pouvons conserver du travail avec les végétaux sont beaucoup moins frappants. SeuI la présence d' amoncellements de certains sables ou des mordants eux-memes, comme le natrum ou l'alun 40, permettent de témoigner de la présence d'une activité que les matériaux textiles conservés certifient sans équivoque comme de premier ordre. L'existence de baignoires de différentes tailles, de fours pour chauffer, etc., est commune aux deux systèmes. Malgré cela il nous manque des sondages exhaustifs qui permettraient d' obtenir une situation et une chronologie précises des amoncellements de murex qui ont survécu. Dans le monde punique il n'y a pas de doute que l'industrie teinturière d'origine marine fut une des activités majeures dans les villes comme Carthage. Les amas de murex sont fréquents sur le littoral nordafricain, avec une présence particulière dans l'ile de Djerba, mentionnée par Strabon (XVII, 3, 18) et Pline (N. H. IX, 127). Nous comptons avec les lieux d'extraction de pourpre les zones du Kram et les Andalouses; ainsi qu'avec les abondants restes de murex des alentours de la ville de Kairouan 41. C'est justement dans cette zone OÙ apparurent, il y a déjà des années, de nombreuses cavités réalisées dans la roche, destinées, possiblement, à servir de support aux conteneurs (céramiques ou métalliques?) où était préparé le liquide et où l' on attendait qu'i1 vire de couleur par exposition au soleil. La mention de Pline (N.H. IX, 127) sur l'importante production de Méninx montre que les territoires insulaires furent sans doute particulièrement indiqués pour la réalisation de ces travaux, qui étaient vraiment insalubres 42 • A travers le texte d'un papyrus de IIIC siècIe (P. Oxy. 1648, 59-63), concernant la vente d'un atelier de teinturerie moyen, nous connaissons les dénominations habituelles des dépendances dont comptaient ces industries: la terrasse (OOlCoxnç), où devaient-etre séchés les matériaux teintés; les locaux l' équipement immobilier (I es È1CXUaEtç) pour le travail (Èpyacm;pta セ。DャQ」I[@ セ@ Nous savons qu'à celte époque en Égypte furent employés: l'alun, les sels de fer, l'acétate preparé avec du fer et du vinaigre, ainsi que le sul fate d'aluminium. 4\ E. LIP, dans Dictionnaire de la Civilisation Phénicienne et punique, s.v. «Pourpre». Un des Iieux les plus prometteurs dc la Méditerranée occidentale en ce sens est Ibiza, avec dc très nombreux restes dc murex à IIIa Plana, Sa Sal Rossa, Es Jondal et Canal d'en Marti, ou à S' aイァ。ュウNセ@ et Es Pou d'Es L1e6, avec peut-ctre des restes dc fours (communication orale dc C. G6mez Bellart). L'ile forma sans doute une partie importante du Baphium tardif des Baléares cité par la Notitia Dignitatum (SmMIDT, loc. cit.). 42 La teinture de draps dans les provinces romaines du nord de l'Afrique 833 et le matériel meuble (un Xo).,lCetOV J.lo)"uJ30ùv, un 1ti6oç òmpalClVoç), consistant en conteneurs pour teindre 43 • La difficulté réside dans le fait de distinguer si dans n'importe lequel de ces ateliers l'on teignait avec des matériaux terrestres ou marins, ou me me les deux. Les pecheurs de pourpre (1topqmpetç44), dénommés par les Romains murileguli et conchylioleguli (Cod. Théod., X, 20; Cod. Just., XI, 7), après avoir capturé les animaux, pouvaient les stocks pendant 50 jours au maximum. Mais l'idée insinuée par Columelle (VIII, 16, 7 et 8) est plus intéressante dans le sens de l' élevage contròlé dans des viviers. Nous pourrions imaginer un type de baignoire taillée artificiellement dans la roche, mais communiquant avec la mer pour permettre une vie saine de l'animai pendant le temps qu'il serait nécessaire de les maintenir là. Un simple filet dans l'ouverture de communication serait suffisant pour permettre le renouvellement de l' eau. A El Campello (Alicante), un petit comptoir punique identifié avec la fabrication du garum, on trouve, presque au niveau de la mer, les restes de bassins tai11és et communiquant entre eux qui nous semblent convenables pour cela. De plus, nous croyons que l' on pourrait envisager, avec toutes les réserves nécessaires, la possibilité que certains des cothon connus, ceux de plus peti te taille, auraient pu etre utilisés pour cela aussi (peut-etre celui de Rachgoun en Algérie?)4S. Quand on parle d' ateliers de teinture, étant donné le manque d' indications écrites qui les mettent en relation avec une activité déterminée, des imprécisions et des généralisations sont commises qui ne font qu'augmenter encore plus le problème de leur identification. Une première question à déterminer est le fait de savoir si nous devons parler d'un lieu unique où étaient préparées les teintures et où les fibres, fils ou tissus confectionnés étaient teints 46, ou si nous devons penser en un processus plus complexe avec, au moins, deux ateliers, l'un pour la production de la teinture et l' autre de teinture en elle-me me. Si bien dans le cas des teintures végétales nous pouvons admettre un atelier unique, dans le cas de la teinture à la pourpre une infrastructure plus importante fut 43 E. WIPSZYCKA, L'industrie textile dans l'Égypte romaine, Varsovia 1965, p. 148. « Le tenne JCOvxuÀetx; avait aussi eu dans les périodes antérieures le sens de pecheur de pourpre, cf. J. et L. ROBERT, «Bull. ￉ーゥァイNセ^L@ 1970,625. 45 Dans l'actualité nous savons que ces techniques d'aquaculture sont couramment pratiquées dans des pays comme l'lndonésie ou Panama. Dans le premier cas il s'agirait de ce que nous pourrions dénommer de petits "parcs-Iagunes" ou habitent ensembles (dans le cadre de l'économie familiale) des canards, des carpes et d'autres poissons d'eau douce; dans le deuxième il s'agit de policultures plus grandes avec des poissons, des crevettes et d'autres fruits de mero 46 Pu. BRUNEAU, Documents sur l'industrie délienne de la pourpre, «B.C.H.,., 93, 1969, pp. 759-791. 834 Carmen Alfaro GilJer sans doute nécessaire: un Iieu proche de la mer pour la préparation de la teinture (où l'on pourrait aussi teindre de la laine en fibres) et un autre où l'on pouvait teindre non seulement la laine en brut mais surtout les tissus déjà confectionnés"7. Si ce deuxième atelier était urbain (dans le cas des officinae infectoriae et offectoriae pompéiennes), il devait surement recevoir la pourpre déjà préparée. Nous savons que la pourpre marine ne pouvait etre transportée à des distances excessivement longues. Nos sources écrites ne parlent pas de la possibilité du transport. Mais, une récente trouvaille à Tel-Shiqmona (Israel), meme s'il s'agit d'un atelier beaucoup plus ancien (IXe siècle avo J.-C.), peut nous fournir la preuve que cela était possible 48 • A l'intérieur d'un grand conteneur céramique il y avait des restes de pourpre concentrés dans une fine bande près de l'ouverture du vase. Celte marque de pourpre e correspondait à la surface du liquide préparé, concrètement avec la couche qui était rentrée en contact avec l'air. Cela veut dire que, si bien la surface du liquide s'oxydait rapidement et virait du blanc originel aux tons pourpres (vert, bleu et finalement rougeatre), la masse interne de celui-ci ne variai t pas de couleur, étant donné qu'il ne leint pas le reste du vase. Logiquement il pouvait etre utilisé, postérieurement, transvasé dans des récipients à ouverture étroite et bien fermés, à l'intérieur desquels il pouvait arriver à des ateliers assez éloignés de la cote. La difficulté réside dans le fait de savoir quelle était la distance maximale que pouvait parcourir la teinture en vase, sans perdre ses qualités. En principe nous pourrions signaler un rayon d'action de deux jours, car à partir du troisième jour la préparation commence à perdre ses qualités et à se décomposer 49 • Sans doute un atelier comme celui découvert par Petrie à Athribis (Haute Égypte) ne travailla jamais avec cette matière, mais avec des végétaux et des minéraux 50, tandis que celui conservé à Tebtunis (El Fayoum) le fit peut-etre SI • 47 (I n'y a aucun doute que la laine était teintée avant le tissage dans la zone d'influencc sémitique. M. GIACCHERO, Commerci e produzioni delle aree fenicia e punica nell'Edictum de Preliis Dioclezianeo,Atti dell Congresso/nlemozionale di Studi Fenici e Punici, III, Roma 1983. pp. 882, n. 27. 41 N. KARMoN et E. SPANlER, Remains ofa Purple Dye /ndustry lound al Tel Shiqmona, «Israc l Exploration JournaJ», 38,1988, pp. 184-186. 49 Pline, N. H. IX, 133; après cuisson avec du seI, elle était plus stable. ,., W.M.F. P1muE, Athribis, Brilish School 01Archaeology in Egipt and Egyptian Research Account, Londres, 1908, Il; certains bassins de teinture conservaieot encore les couleurs bleuatres ou rougdtre dans toutes leurs surfaces internes. Nous pouvons eo déduire que les teiotures végétalcs étaient toujours utilisées dans leur propre bassio seloo les tons. " FORBES, op. ciL, IV, Leiden 1964, p. 136. La leinture de draps dans les provinces romaines du nord de l'Afrique 835 Le célébre Caius Pupius, purpurarius, du Musée de Panne, un commerçant en pourpre de haut niveau, apparait représenté sur sa dalle funéraire avec ses instruments de travail. Justement les petits récipients qui l'accompagnent ont la fonne de bouteille à col étroit et portent tous leur bouchon S2 • Conclusion. Nous pourrions penser que les territoires còtiers du nord de l' Afrique, et en particulier la zone de Carthage, furent sans doute pour des raisons évidentes de fondation, contacts et devenir historique de leurs centres urbains, les héritiers directs de deux systèmes différents de teinture: - celui que nous pourrions dénommer de tradition "phénicienne marine", développé dans le monde punique à travers la continuité des techniques apprises dans leur terre d'origine et qui serait basé sur l'exploitation des mollusques marins S3• - et celui qui pourrait-etre identifié, pour plus de facilité, comme de tradition "egyptienne terrestre", qui provient du fond des temps et est certifié par une très ampIe gamme de matériaux de teinture qui ne laissent aucune trace de leur utilisation, sauf celle des mordants dont elle a besoin, par les possibles structures des ateliers, par les tissus teints eux-memes ou par le maigre reflet de celte activité dans les sources écrites. Les deux cohabitèrent surement sans interférences. La difficulté réside aujourd'hui dans le fait de déterminer les proportions d'usage de ces deux fonnes de travaiI, dont chacune avait sans doute sa propre cIientèle. Dans l' état actuel de nos connaissances nous pouvons dire que, si nous nous tenons aux sources Iittéraires, la première semble prévaloir, pendant qu' à travers l' analyse directe des restes textiles le poids spécifique plus important de la deuxième devient patent. Certaines choses ont été écrites et réfléchies sur ces sujets; cependant nous fait défaut une vision globale qui nous permette de quantifier, dans la mesure du possible, l'usage proportionnel de chacune de ces techni$2 P. DE LulA, Iscrizioni antiche collocate ne' muri della scala Farnese, Panna 1818, p. 102, n.79. $3 Sur l'origine de l'exploitation de la pourpre dans la Méditerranée orientale voir R. R. SllEGUI'Z, The Minoan Origin 01 Tyrian Purple, «Biblical Archaeologisb, 57,1994, pp. 46-54; R.H. MIOIEL, Royal Purple and the Pre-Phoenician Dye Industry 01 Lebanon, «Masca Joumal,., 3, 1984, pp. 67 s. 836 Carmen Alfaro Giner ques 54. L'objectif final de ceux qui sont intéressés par ce sujet devrait etre de pouvoir déterminer les pourcentages d'utilisation des matières végétales face aux matières beaucoup plus renommées d'origine animale et marine, surtout car l'expérience des rares restes textiles anaIysés de façon fiable démontre c1airement que les premiers étaient vraiment Ies plus empIoyés. Cela permettrait de finir avec cette fausse image d'un monde antique majoritairement vetu de pourpre, authentique ou falsifiée 55 , pour nous rapprocher d'une réalité beaucoup plus polychrome, de tons vifs et de prix meilleur marché, et qui est toujours aujourd'hui conservée dans les maigres restes de vetements et autres effets domestiques que gardent certains musées. 54 Ce chemin est déjà commencé avec succès dans les territoires nord-européens, OÙ il cxiste une plus grande tradition au sujet de l'anaJyse des types de fibres et de teintures. Ces analyscs permettent d'obtenir des concJusions sur l'emploi proportionnel des matériaux de tcinture. Cf. L. BENDER JORGENSEN et P. W ALTON, Dyes and F/eece Types in Prehistoric Texti/es from Scandinavia and Germany, «Joumal of Danish Archaeology», 5, 1986, pp. 177-188; P. W ALTON, Dyes and Woo/s in Iron Age Textiles form Norway and Denmark, «JoumaJ of Danish Archacology», 7, 1988, pp. 144-158; P. WALTON, Dyes ofthe Vi/cingAge: A Sumary ofRecent Work, «Dyes in History and Archaeology», 7,1988, pp. 14-20. 55 gatefosセ@ loc. cito (n. 9), fait meme mention de tentatives d'identifier la pourpre de Tyr gracc à certains lichens (E. PERROT, Matières premières usuelles du Règne végétal, Paris, 1944, t. l, p. 439).