Société archéologique de Picardie
PréSident
Philippe Racinet
PréSident d’honneur
Jean-Louis cadoux
Vice-PréSident
Daniel Piton
Vice-PréSident d’honneur
Marc duRand
Secrétaire
Esclarmonde Monteil
SecrétaireS adjointS
François BlaRy, Benoît clavel
tréSorier
Christian SanvoiSin
tréSorier adjoint
Jean-Marc FéMolant
MeMbreS de droit
Jean-Luc collaRt
Conservateur du Patrimoine, SRA de Picardie
MaRc talon, INRAP
daniel Piton
Siège social
Laboratoire d’archéologie
Université de Picardie Jules Verne
Campus, chemin du Thil
F - 80 025 AMIENS CEDEX
Adresse administrative
47 rue du Châtel
F - 60 300 SENLIS
musee.breteuil@wanadoo.fr
(Questions d’ordre général)
rap.sanvoisin@wanadoo.fr
(commandes - trésorerie)
rap.daniel.piton@orange.fr
(publications)
Cotisation
5 € de cotisation
Abonnement 2007
2 numéros annuels 50 €
Attention, les règlements doivent être libellés à
l’ordre de Revue aRchéologique de PicaRdie
la PoSte lille 49 68 14 K
site internet
http://revuearcheo.picardie.free.fr
Dépôt légal - janvier 2010
N° ISSN : 0752-5656
Sommaire
S
oMMaire
Revue aRchéologique de PicaRdie
. tRiMeStRiel . 2009 . n° 3-4.
Directeur de la publication
Daniel Piton
rap.daniel.piton@orange.fr
Les gestuelles funéraires au second âge du Fer
adresse administrative et
commerciale
47 rue du Châtel
F - 60 300 SENLIS
musee.breteuil@wanadoo.fr
(Questions d’ordre général)
rap.sanvoisin@wanadoo.fr
(commandes - trésorerie)
La Revue Archéologique de Picardie
est publiée avec le concours de la Région
de Picardie, des Conseils généraux de
l’Aisne, de l’Oise et de la Somme, de
l’Université de Picardie Jules Verne, du
Ministère de la Culture (Sous-direction
de l’Archéologie & SRA de Picardie).
Comité de lecture
Didier BayaRd, Tahar BenRedjeB,
François BlaRy, Françoise BoStyn,
Nathalie Buchez, Jean-Louis cadoux,
Benoît clavel, Jean-Luc collaRt,
Bruno deSachy, Marc duRand, JeanPierre FagnaRt, Jean-Marc FéMolant,
Gérard FeRcoq du leSlay, Bruno FoucRay, Mariannick le Bolloch,
Vincent legRoS, Jean-Luc locht,
noël Maheo, François MalRain,
Patrice Méniel, Esclarmonde Monteil,
Daniel Piton, Philippe Racinet,
Marc talon
couverture
Estelle PinaRd &
Sylvain thouvenot
(Inrap, UMR 7041)
iMPRiMeRie : PieRRe tRollé iMPRiMeRie
F - 62870 BuiRe-le-Sec
tél : 03 21 84 46 60
Site Internet
http ://revuearcheo.picardie.free.fr
5 • Avant-propos par Jean-Luc collaRt.
7 • Présentation de la table-ronde et remerciements par Estelle
PinaRd & Sophie deSenne.
11 • L’impasse de la pratique. L’apport des « rites de passage »
à l’approche systémique des gestuelles funéraires par Pascal
RuBy.
L’implantation de l’espace funéraire
25 • Implantation et occupation des espaces funéraires au second
âge du Fer en Picardie par Sophie deSenne, Geertrui
BlancquaeRt et al.
47 • Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène
ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne à partir
des fouilles récentes par Lola BonnaBel, Sylvie culot et al.
61 • Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du
Fer dans le Nord - Pas-de-Calais par Sophie oudRyBRaillon.
71 • La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles
celtiques de la Champagne par Jean-Jacques chaRPy.
85 • L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-surIndre (Indre-et-Loire) : état de la question sur les hypothèses de
topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations
protohistoriques et antiques par Jean-Philippe chiMieR &
Sandrine RiquieR.
97 • Discussion
Les défunts
101 • La population ensevelie et les traitements funéraires des corps
au second âge du Fer en Picardie par Estelle PinaRd, Valérie
delattRe & Sylvain thouvenot
113 • Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthode et
analyse de cas par Isabelle le goFF et al.
129 • Pluralité des gestes funéraires pendant la période de La Tène à
Bobigny (Seine-Saint-Denis) par Cyrille le FoReStieR.
139 • Discussion.
Les structures
143 • Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer par
Frédéric gRanSaR & François MalRain.
157 • Les chambres funéraires et les aménagements de surface des
tombes de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional par
Lydie Blondiau & Nathalie Buchez.
171 • Discussion.
Les dépôts
e
173 • Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2 âge du
Fer en Picardie par Sophie deSenne, Ginette auxiette,
jean-Paul deMoule et al.
187 • Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites
nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse) par Mireille
RuFFieux.
aristocratiques aux âges
201 • De la composition des dépôts funéraires
e er
du Fer en Europe occidentale (VIII -I s. avant J.-C.) : entre
compétition et identité sociale par Luc BaRay.
de char dans les tombes de Gaule Belgique
211 • Les dépôtse de pièces
er
entre le III et le I s. avant J.-C. par Nathalie ginoux,
Germaine leMan-deleRive & Christian SeveRin.
223 • La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix,
assemblages et usages par Muriel FRiBoulet.
233 • Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des
assemblages funéraires du IIIe siècle avant J.-C. dans les sépultures
des environs de Paris par Stéphane MaRion.
245 • De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle
dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne par
Marion SauRel.
263 • Discussion.
Posters
265 • Quelques sépultures du second âge du Fer à Orléans par Pascal
joyeux avec la collaboration de Hervé heRMent.
• La nécropole gauloise de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit
269 Marais" (Aisne) par Marc gRanSaR.
273 Liste des participants
RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer
avant-propos
Jean-Luc COLLART
La table-ronde organisée à Soissons les 6 et 7 novembre 2008, qui fait l’objet de cette publication, est le résultat
d’un important travail réalisé dans le cadre des Projets actions scientiiques (PAS - désormais baptisés projets de
recherche Inrap - PRI), coordonné par Estelle Pinard et Sophie Desenne. Ces actions internes à l’établissement
public, permettent à ses agents de mettre en commun des données, principalement issues de l’archéologie
préventive, avec pour objectif d’en tirer une analyse scientiique.
Cette démarche s’imposait, car les découvertes funéraires relatives au champ chronologique retenu,
le second âge du Fer, ont été très nombreuses depuis 20 ans en Picardie. Le bilan régional réalisé en 20042005, avait révélé que cette abondante documentation n’était pas pleinement exploitée (cf. F. Malrain, St.
Gaudefroy, F. Gransar et coll., La Protohistoire récente : IIIe siècle-première moitié du Ier siècle avant notre ère, La
recherche archéologique en Picardie : bilans et perspectives. Journées d’études tenues à Amiens les 21 et 22 mars 2005,
Revue archéologique de Picardie, 2005, n° 3-4, p. 127-176) et qu’un travail de synthèse était nécessaire. Ce point
était souligné dans les conclusions du bilan : « Signalons en particulier, que, si l’habitat gaulois en Picardie (et
particulièrement les établissements agricoles) est bien représenté dans la littérature scientiique, il y a un net
déicit pour les sites funéraires ». Cette action répond donc parfaitement aux voeux formulés dans cette même
conclusion : la poursuite du travail d’analyse et de synthèse.
Les pages qui suivent montrent que le but recherché a été atteint. D’une part, les données collectées de
façon rigoureuses, ont permis une analyse détaillée, en partie fondée sur une approche statistique, ce qui
est très appréciable. D’autre part, l’élargissement de l’aire géographique aux régions contiguës (ChampagneArdennes et Île-de-France) a permis d’utiles et fructueuses comparaisons. Le grand nombre de contributeurs
atteste que ce travail a eu un caractère réellement collectif. Son ampleur est démontrée par le riche ensemble
d’articles, de très bonne tenue scientiique, publiés ici. Enin, je tiens à souligner la rapidité avec laquelle les
articles ont été réunis, relus, amendés et publiés. Désormais, la recherche régionale dispose d’un outil de
référence solide pour poursuivre l’étude des pratiques funéraires au second âge du Fer et aborder la fouille
des nouveaux sites selon des perspectives scientiiques renouvelées.
7
RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer
IntroDUCtIon Et rEMErCIEMEnts
Estelle PINARD & Sophie DESENNE
Cette table-ronde a été organisée à Soissons les 6 et 7 novembre 2008, pour clore trois ans de travaux collectifs,
dans le cadre des Projets Actions Scientiiques de l’Inrap, portant sur les gestuelles funéraires au second âge du
Fer en Picardie et ses marges. Ces travaux ont permis de recenser les différents gestes pratiqués, du choix de
l’implantation de l’espace funéraire à la clôture de la fosse sépulcrale, de La Tène ancienne à l’Augustéen.
La caractérisation des gestuelles funéraires s’est appuyée sur quatre thèmes, maillons incontournables des
chaînes opératoires.
Les différentes approches ont concouru à ouvrir sur de nouvelles perspectives en élargissant le cadre
géographique des études des gestuelles funéraires du second âge du Fer et de confronter les points de vue.
L’ouverture de ces journées a été assurée par une communication sur l’approche systémique des gestuelles
funéraires de Pascal Ruby.
Le premier thème abordé a été l’implantation de l’espace funéraire : choix de l’emplacement, perduration
et délimitation des espaces, avec les communications de Lola Bonnabel, Sylvie Culot, Vincent Desbrosses,
Marion Saurel, puis de Sophie Oudry, de Jean-Jacques Charpy, de Jean-Philippe Chimier et de Sophie Desenne,
Geertruï Blancquaert, Stéphane Gaudefroy, Marc Gransar, Bénédicte Hénon, Nathalie Soupart.
Le deuxième thème a porté sur les défunts : de la préparation (habillement, objets personnels), au traitement
du corps (inhumation, incinération) avec les communications d’Isabelle Le Goff, puis de Cyrille Le Forestier et
enin d’Estelle Pinard, Sylvain Thouvenot, Valérie Delattre.
Le troisième thème a concerné les structures : le creusement et l’aménagement des fosses et des monuments,
avec les communications de Lydie Blondiau, de Frédéric Gransar et François Malrain.
Et enin le quatrième thème s’est intéressé aux dépôts et « viatiques » : mise en scène, organisation, fonction
et chronologie des mobiliers (faune, services…) avec les communications de Mireille Rufieux, puis de Luc
Baray, de Nathalie Ginoux, Germaine Leman-Delerive, Christian Severin, de Muriel Friboulet, de Stéphane
Marion, de Marion Saurel et pour inir de Sophie Desenne, Ginette Auxiette, Jean-Paul Demoule, Stéphane
Gaudefroy, Bénédicte Hénon, Sylvain Thouvenot.
En appui de ces présentations, les posters de Pascal Joyeux et de Marc Gransar ont été exposés.
Ces deux jours ont permis des échanges fructueux, aussi bien entre les communicants qu’avec les auditeurs,
qui ont été retranscrits après chaque thème, nous adressons nos remerciements à tous les participants.
Cette table-ronde n’aurait pu être menée à son terme sans les aides, collaborations et soutiens matériels et
amicaux de Marie-Claude Fournier et de Jean-Marie Chevalier conseillers délégués aux Affaires Culturelles
de la ville de Soissons, de Dominique Roussel, Conservateur du Musée archéologique de Soissons, de Ginette
Auxiette de l’ASAVA (Association pour le Sauvetage Archéologique de la Vallée de l’Aisne), du CRAS (Centre
de Recherches Archéologiques de Soissons), de l’Inrap Nord-Picardie, du Service Régional de l’Archéologie
de Picardie, de l’ArScAn UMR 7041 « Protohistoire européenne » du CNRS, de la Revue Archéologique de
Picardie, du personnel du centre culturel et de loisirs de Soissons et du personnel du Musée archéologique de
Soissons que nous tenons à saluer et surtout à vivement et chaleureusement remercier.
9
RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires.
L’IMpassE DE La pratIQUE. L’apport DEs « rItEs DE passaGE »
à L’approCHE sYstéMIQUE DEs GEstUELLEs FUnéraIrEs
Pascal RuBy
IntroDUCtIon
Les gardiens du « temple » du domaine funéraire
que sont devenus certains « anthropologues
biologistes » sont largement responsables d’une
orientation particulière donnée à l’approche
des sociétés anciennes à travers les données
archéologiques. Pour autant qu’E. Crubézy puisse
être considéré comme l’un de leurs principaux
représentants, ses positions ont au moins le
mérite d’être explicites. Dans un ouvrage récent,
sous l’intertitre « des pratiques et non des rites »,
est souligné à juste titre le « dificile passage des
pratiques aux rites » mais il en tire argument pour
conclure, après avoir rappelé qu’ « archéologues et
anthropologues mettent en évidence […] des faits
[…] voire la reconstitution de gestes », soit les deux
composantes des « pratiques funéraires », que « les
rites funéraires, association d’une pratique et d’une
croyance (ig. 1), nous sont complètement inconnus »
(Crubézy 2000, p. 14). C’est ainsi que sont évacués les
« rites » en général et que des auteurs comme van
Gennep ou Hertz, sont systématiquement ignorés
de toutes les bibliographies de l’ouvrage. Signe des
temps cependant, Les rites de l’au-delà de J.-P. Mohen
ne connaissent pas ce sort (Mohen 1995).
R ite s F u n é r a ir e s
C r o ya n c e s
P r a tiq u e s
F a its
G e s te s
Fig. 1 - Schématisation des propositions théoriques
d’E. C rubézy . En tiretés, les domaines qui seraient
« inaccessibles ».
Dans la position exprimée par E. Crubézy, on
croirait presque relire les critiques de Saint Augustin
à l’égard de Varron : « que recherche-t-il […] sinon
des croyances en des choses bien vaines » (1). Il
s’agit bien là, même si ce n’est pas le seul domaine
de la discipline à être concerné, d’un empirisme
renouvelé qui marque l’archéologie - et en particulier
l’archéologie française, sans doute à cause de
l’importance et de la qualité de « l’archéologie
funéraire » qui y est pratiquée - depuis le début des
années 80, et qui se tient volontairement éloigné
de tout ce qui pourrait ressembler à un courant
théorique explicite. Je ne prétends bien évidemment
pas que tous les anthropologues biologistes se
rangent derrière ces positions. Les préoccupations
de cette anthropologie « de terrain » comme on l’a
longtemps qualiiée, paraissent néanmoins rejoindre,
au moins par moments, celles des archéologues
« post-processuels ». Avant eux, la question des
pratiques funéraires n’était pas ignorée - il sufit de
se reporter au texte fondateur de L. Binford sur les
Mortuary practices (binford 1971). Mais avec eux, la
question des pratiques s’est en partie fondue avec celle
de la pratique, c’est-à-dire essentiellement celle de la
pratique sociale. Rien n’oblige cependant à suivre
cette direction. Il faudrait se demander si catégoriser
tout ce qui ne relève pas du concret comme de la
« croyance » ne revient pas justement à élever a priori
un mur infranchissable à l’étude et si, à l’inverse, en
cherchant à appréhender ce domaine avec un autre
éclairage, notamment en termes plus généraux
d’« idéel », de « représentations », on ne pourrait pas,
au moins, mieux cerner les problèmes. L’idée même
que l’on ne peut appréhender les « rites » funéraires
parce que les « croyances » nous sont inaccessibles,
repose sur une conception peut-être un peu trop
schématique du « rite » et semble ne pas se soucier
des travaux des folkloristes, des ethnologues, des
historiens, des anthropologues et des sociologues sur
le sujet, même s’il faut reconnaître que ce n’est pas un
sujet simple à aborder. C’est sur cette question posée
à l’archéologie qu’on cherchera à s’interroger dans la
suite de cette communication.
1 - Je me réfère ici aux commentaires d’A. sChnapp (1993,
64-65).
Pour commencer, d’autres dichotomies sontelles possibles ? Jean-Pierre Vernant dans son
introduction au colloque tenu il y a plus de trente
L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires.
11
RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires.
ans à Naples et publié en 1982 sous le titre La mort,
les morts dans les sociétés anciennes, estimait que la
prise en compte de la mort par les vivants s’articule
autour deux domaines, celui des pratiques, celui des
discours, on dira des « représentations » (Vernant
1982, p. 5). Pour les sociétés protohistoriques,
le domaine des représentations nous est certes
très dificilement accessible, mais ce n’est pas
une raison pour ne faire de la gestion de la mort
qu’une série de pures pratiques « matérielles ». Les
deux aspects ne sont distincts que sur le plan de
l’analyse externe, etic pour reprendre les catégories
de l’anthropologie, alors que les représentations
conditionnent les pratiques en même temps que ces
dernières inluent en retour sur les représentations.
Pour reprendre la belle formule de P. Bourdieu,
vers lequel nous nous tournerons plus loin, les rites
ont la capacité « d’agir sur le réel en agissant sur la
représentation du réel » (bourdieu 1982, p. 59). Les
pratiques et les représentations sont articulées les
unes aux autres dans les rites, les rites funéraires.
Si l’on cherche à dépasser la stricte vision etic des
sociétés pour approcher dans la mesure du possible
du domaine emic – celui des catégories mentales
des sociétés du passé – il faut vraisemblablement
se tourner vers les rites pour ce rôle d’articulation.
Jean-Pierre Vernant ajoutait également une autre
chose : l’intérêt de la comparaison ne porte pas
seulement sur la communauté des morts et la société
des vivants d’un même groupe humain, mais aussi
sur l’attitude de groupes humains différents devant
la mort (Vernant 1982, p. 6). Au total, en termes
de dichotomies, il faudrait prévoir d’explorer les
suivantes :
- les pratiques et les représentations ;
- les communautés des morts et les sociétés des
vivants ;
- envisager aussi bien le comparatisme intrasociétal (les morts vs les vivants dans une même
communauté) et inter-sociétal (quelles conceptions
de la mort dans telle société et dans telle autre ?).
12
C’est cette double exigence exprimée par J.-P.
Vernant qui semble avoir été singulièrement tenue à
l’écart ces vingt-cinq dernières années. Pourtant, le
programme ainsi ixé paraît encore d’actualité. Mais
pour cela, il faut disposer de l’outillage conceptuel
qui rende les comparaisons possibles ain que l’on
compare bien ce qui doit être comparé ; à condition
aussi qu’on estime utile et pertinente la comparaison.
La prise en compte des « rites funéraires » dans leur
globalité et en tant que « rites de passage » peut être
la réponse à cette double exigence. Ces « rites de
passage » paraissent aujourd’hui bien connus, c’est
ainsi qu’ils ont été caractérisés au début du XXe s.
par A. van Gennep. La réalité risque toutefois d’être
éloignée de ces premières impressions. La récente
publication du colloque de Sens (baray, brun et al.
2007) montre, s’il en était encore besoin, que l’on
peut parler du funéraire en archéologie sans plus
aujourd’hui faire référence au travail fondateur
de van Gennep : une seule communication - en
l’occurrence la mienne (ruby 2007) - comporte en
bibliographie le titre du folkloriste. Le colloque
souligne aussi combien le corpus théorique est
limité dans l’approche archéologique actuelle du
domaine funéraire. La raison en est sans doute que
le thème du colloque est spéciique car il vise à faire
le bilan des approches sociales à partir des données
funéraires.
Le relatif désintérêt vis-à-vis des travaux de van
Gennep n’est pas propre aux études regroupées
dans le volume en question. Dans celui de M. Parker
Pearson, van Gennep n’est mentionné que deux fois,
dont une pour réduire singulièrement l’intérêt de
son approche à travers une citation un peu tronquée
de Metcalf et Huntington (parker pearson 1999,
p. 22 et 45 ; voir infra). J’y reviendrai. Il convient
toutefois de souligner que les différentes notions
liées aux « rites de passage », dans la terminologie
française ixée par van Gennep, ou britannique ixée
par V. Turner, sont très présentes dans l’ouvrage et
ces aspects ne sont absolument pas négligés.
Limitons-nous à la question des « rites de
passage » de van Gennep. Je voudrais dans la
suite de cette communication suggérer combien le
« schéma » du folkloriste a des chances de fournir
la grille conceptuelle dont nous - archéologues
- avons encore besoin pour appréhender les
pratiques - c’est-à-dire aussi les gestuelles funéraires.
Un ConCEpt CrItIQUE :
LEs « rItEs DE passaGE »
Bien que datant de 1909, l’ouvrage d’A. van
Gennep est encore dans les rayonnages des bonnes
librairies, grâce à une réédition récente (Van
Gennep 1991). Ce n’est pas si souvent qu’un livre
aussi ancien sur un sujet aussi pointu est encore si
facilement accessible. Ce n’est pas nécessairement
un gage de pertinence mais, dans le cas du travail
de Van Gennep, ça l’est.
PRéSENTATIoN DES « RITES DE PASSAGE »
D’A. VAN GENNEP
Ce n’est pas le lieu de revenir ici sur la genèse
de la formalisation que représentent les « rites de
passage ». on rappellera seulement qu’au départ,
A. van Gennep déplore le caractère imparfait ineficace - des typologies des rites existantes.
Elles lui paraissent en particulier incapables
d’expliquer la succession récurrente de certains
rites, la « séquence cérémonielle » qu’ils constituent.
De ces constats vient la nécessité de regrouper
les cérémonies dans un « schéma ». Pour A. van
Gennep, les pratiques que l’on rencontre dans la
plupart des sociétés à l’occasion de changement
d’étapes dans la vie sociale pour des individus ou
RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires.
des groupes - initiation, mariage, funérailles etc. s’articulent en trois groupes, on dira en l’occurrence
des « rites » - rites de séparation, rites de marge,
rites d’agrégation ou rites préliminaires, liminaires
et postliminaires - la combinaison des trois formant
la catégorie des « rites de passage » (Van Gennep
1991, p. 14). C’est plus qu’une catégorie : un rite de
passage est systématiquement articulé en une séquence
comprenant un rite de séparation, de marges et
d’agrégation.
Des trois stades rituels, c’est souvent le rite de
marge qu’on perçoit le plus facilement, sans doute
parce qu’il se manifeste la plupart du temps par un
jeu autour de la vêture (homme habillé en femme
ou le contraire, port d’un vêtement particulier, noir
pour le deuil, blanc pour le mariage, kaki pour le
service militaire), et par un jeu autour de la pilosité :
les personnes qui ont les cheveux longs les coupent,
tout ou partie, ou les rasent (chez les militaires) ; les
autres pourront se laisser pousser qui les cheveux,
qui la barbe et la moustache, etc. Ce moment des
marges est également souvent marqué, ou la
dramatisation du moment est renforcée, par une
réclusion comme le service militaire, la retraite de
communion des catholiques, etc. : dans chaque cas,
à l’issue de cette période de marge, l’individu ou le
groupe rejoignent la communauté normale.
Il est d’ailleurs symptomatique que l’ancien
service militaire français ait encore été organisé
sur ce même schéma mental de « rite de marge »
puisqu’on y combine une forme de réclusion,
un jeu sur le vêtement et un autre sur la pilosité
même si, dans ce dernier cas, le discours oficiel
cherche à s’en distancier en mettant cette pratique
sur le compte de contraintes hygiéniques (éviter
les parasites capillaires). Cela permet de rappeler,
si besoin était, que toutes les sociétés, y compris
les nôtres, réputées « modernes », ont besoin de
dramatiser ces passages entre étapes de la vie
sociale (ou religieuse) sous la forme de rites, des
pratiques collectives, collectivement contrôlées
selon des règles explicites, qui ont un début, un
milieu et une in, et a priori valables pour tous. M.
Segalen en mentionne plusieurs exemples, tels que
les premiers voyages en avion étudiés par J. PittRivers qui a montré que ceux-ci fonctionnaient
comme un rite de passage (seGalen 1998, p. 34-35).
Par parenthèse, on vériiera que les « rites de
passage » n’ont pas systématiquement à faire avec
le sacré ou le religieux, mais s’accommodent fort
bien du profane.
Les « rites de passage » de van Gennep constituent
donc une schématisation, une formalisation, très
puissante. L’ « armature interne » que l’auteur
repère contre la « complexité formelle des rites de
passage » préigure sans aucun doute la notion de
« structure » qui sera élaborée par d’autres un peu
plus tard (Van Gennep 1991, p. 210). La puissance de
l’outil tient donc à sa conception « structuraliste » avant
l’heure. Mais ce n’est pas le seul point à retenir. Pour
n’en donner qu’un exemple, l’un des enseignements
de van Gennep est qu’un même geste rituel peut
avoir des signiications contraires selon sa place dans
la séquence rituelle : selon la direction, il pourra être
rite de séparation ou rite d’agrégation (Van Gennep
1991, p. 32). Nous aurons un exemple concret dans le
cas d’étude retenu pour la troisième partie. C’est un
argument supplémentaire pour ne pas se contenter de
repérer des « gestes », fussent-ils funéraires. Malgré
des qualités dont seules certaines ont été mentionnées
ici, les propositions d’A. van Gennep ont fait l’objet
de critiques : il convient de leur attribuer une place
signiicative si l’on veut disposer au bout du compte
d’un outil conceptuel puissant et iable.
LES CRITIquES
Dès le départ, les critiques des propositions de
van Gennep n’ont en effet pas manqué, comme
en témoignent les comptes rendus de l’ouvrage
publiés à l’époque. Celui de M. Mauss dans l’Année
sociologique est rédigé, comme le relève N. Belmont,
« en des termes peu élogieux et non sans un peu
de mauvaise foi » (belMont 1974, p. 73). C’est peutêtre d’une certaine manière « la réponse du berger
à la bergère » car dans une note de bas de page au
début de son ouvrage, A. van Gennep reprochait à
la classiication des rites de Hubert et Mauss d’être
« trop artiicielle » (Van Gennep 1991, p. 5, n. 1) : il y
avait sans doute façon plus conciliante de se référer
aux travaux de ses collègues. un compliment proche
est renvoyé par M. Mauss qui juge les distinctions
proposées par van Gennep « quelque peu arbitraires »
(Mauss 1910, p. 202). on peut compléter le lorilège
des critiques de Mauss à l’encontre du livre en
question :
- l’auteur voit des rites de passage « partout » ;
- il propose une « loi » [en réalité A. van Gennep
ne parle que de « schéma »] ;
- par sa généralité, la « thèse » ne relève que
du « truisme » sans que le terme soit cependant
prononcé ; « il n’est pas de rite qui n’implique
quelque passage » ;
- « La séquence proposée - séparation, marge,
agrégation - n’est pas exacte dans un grand nombre
de cas » ;
- sa « nomenclature… est fautive sur ce point », c’està-dire la caractérisation des moments du sacriice ;
- les cas ethnographiques convoqués à l’appui
de la construction de l’auteur ne constituent qu’une
de « ces revues tumultueuses » produite par « une
sorte de randonnée à travers toute l’histoire et toute
l’ethnographie » selon une méthode « en usage dans
l’école anthropologique » [sous-entendu « anglaise »] ;
- en conclusion, M. Mauss préfère sa terminologie,
à savoir les « rites positifs et négatifs ».
Au total, le texte de M. Mauss dit assez combien
il n’a pas compris ou pas voulu comprendre la portée
13
RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires.
14
des travaux d’A. van Gennep. Plus généralement,
comme le souligne N. Belmont, l’école sociologique
a accueilli le concept de rites de passage « par
un jugement sévère » (belMont 1974, p. 74). Ce
reproche de « truisme » implicite chez Mauss va
être explicité par d’autres. Ainsi, plus près de nous,
les anthropologues Metcalf et Huntington sont
moins critiques à l’égard des propositions de van
Gennep mais certaines de leurs remarques peuvent
donner l’impression de rejoindre, au moins en
partie, celles du grand ethnologue français.
Pourtant, à lire M. Parker Pearson, on pourrait
avoir l’impression que les deux anthropologues
sont très critiques à l’égard des propositions de van
Gennep (parker pearson 1999, p. 22). Il convient en
réalité d’y regarder de plus près. Dans leur préface,
les auteurs soulignent en effet que tant le travail de
van Gennep que celui de Hertz ont « dificilement »
été améliorés à ce jour (MetCalf & huntinGton 1991,
p. xi). C’est cependant à propos des cas malgaches
que les deux auteurs soulignent des « problèmes »
posés par les théories de van Gennep (de Hertz
également d’ailleurs). Ces problèmes sont toutefois
à relativiser car ils portent essentiellement sur des
questions de symbolisation et l’absence de valeur
universelle de ces symboles. Cette question me
semble accessoire pour des analyses archéologiques
voire en contradiction avec la démarche même du
folkloriste français qui montre à longueur de page
qu’il faut dépasser les caractères formels des rites - et
donc les symboles qu’ils véhiculent - pour s’intéresser
aux « armatures ». Par ailleurs, ce ne sont pas les
« rites de passage » du folkloriste qui constitueraient
« simplement un vague truisme » en paraphrasant
M. Mauss - c’est pourtant ce qu’a retenu M. Parker
Pearson (parker pearson 1999, p. 22) - mais sa notion
qu’un rite funéraire peut être envisagé comme
une transition débutant par une séparation et se
terminant par l’intégration du mort à un nouveau
monde « pour autant qu’elle [la notion] n’est pas
de façon positive reliée aux valeurs d’une culture
particulière ». Cependant, poursuivent les auteurs,
ce n’est pas le schéma tripartite de van Gennep
qui présente encore de l’intérêt mais sa capacité à
s’articuler avec les « valeurs culturelles » propres à
chaque groupe humain (MetCalf & huntinGton 1991,
p. 111-112). on aura compris que ce n’est pas l’intérêt
des rites de passage en tant que « grille de lecture
universelle » proposée par van Gennep que retiennent
Metcalf et Huntington, mais sa capacité à s’articuler
avec les « valeurs culturelles » propres à chaque
groupe humain autrement dit à appréhender des
cultures particulières. Sans du tout nier cette qualité
qu’ils mettent en avant, je ne pense pas que le schéma
tripartite soit secondaire dans l’analyse des rites de
passage. Dans la théorie de van Gennep, les rites
de passage présentent justement ces deux qualités
conjointes d’être en mesure de prendre en compte
des particularismes culturels tout en les replaçant
dans un schéma d’analyse globale qui les éclaire et
qui en permet l’analyse et la comparaison. J’essaierai
de montrer pourquoi plus loin en soulignant leur
potentiel heuristique. Pour conclure provisoirement
sur Metcalf et Huntington, retenons qu’il s’agit bien
d’une forme de considération critique à l’égard de
la « théorie » de van Gennep, peut-être pas aussi
radicale toutefois que l’a retenue Parker Pearson et
en tout cas pas vraiment recevable.
De son côté, P. Bourdieu manifeste un
enthousiasme très mesuré à l’égard des rites de
passage de van Gennep. Assez injustement semblet-il, il estime que le folkloriste français n’a fait
que « nommer le rite » en question, en négligeant
le caractère essentiel, c’est-à-dire sa « fonction »
(bourdieu 1982, p. 58). La critique n’est pas totalement
recevable là encore, car Bourdieu néglige simplement
le fait que van Gennep a pris en compte au moins
deux autres dimensions, le temps et, comme on va
le voir, l’espace. Pour Bourdieu en effet, le caractère
essentiel du rite est sa fonction d’institution, non pas
dans sa séquence diachronique mais dans la création
symbolique d’une ligne séparant « ceux qui sont
passés » de « ceux qui ne sont pas encore passés » ou
surtout « qui ne passeront jamais ».
Cette remarque pourrait suggérer que les rites
funéraires constituent une catégorie à part dans
celle des rites de passage ou d’institution car cette
« institution » ne vaut que pour certains rites,
essentiellement ceux qui impliquent des personnes
vivantes : la ligne créée ou plutôt réactualisée à
chaque fois passe entre les morts et les vivants, tout
en sachant que ces derniers la passeront un jour.
Toutefois, les critiques de Bourdieu permettent
de rappeler qu’il ne sufit pas de dire que la mort
est une réalité pour qu’elle en soit une dans une
société. Metcalf et Huntington ont d’ailleurs
souligné combien les conceptions de la mort étaient
éloignées de tout universel : c’est à la société de
dire, d’afirmer, à sa façon, qui est mort et qui est
vivant, en imposant ses propres catégories idéelles,
en les actualisant, voire en les modiiant avec le
temps et les circonstances (MetCalf & huntinGton
1991 p. 74-75). C’est ce que veut dire Bourdieu
même s’il n’a apparemment en tête que la société
des vivants et point la communauté des morts : il
faut que la société des vivants institue via le rite
qui est mort et qui est à sa place parmi les vivants.
L’ « institution » produit ce qu’elle désigne : on
retrouve la « magie performative » qu’ont en
commun tous les actes d’institution. En ce sens, le
rite de passage est un rite d’institution, mais les
rapports entre les deux notions ne sont pas simples
car elles ne se recouvrent pas parfaitement : comme
le souligne M. Segalen, « il y a de l’un dans l’autre,
notamment dans les effets agrégatifs » (seGalen 1998,
p. 38). quoi qu’il en soit, c’est ce pouvoir performatif
du rite funéraire comme rite d’institution qui
explique comment la « communauté des morts » peut
être très sensiblement différente de la « société des
vivants », pour reprendre les heureuses formulations
RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires.
de B. d’Agostino, (d’aGostino 1985) en créant des
catégories de richesse, des catégories d’importance
à l’intérieur du groupe, par exemple celle du
« fondateur », celle du soldat symbolique dans le
cas du « soldat inconnu » (il n’est inconnu que dans
la mort, vivant, ce n’était un soldat ni symbolique
ni anonyme). Cela ne veut pas dire que toutes les
sociétés éprouveront le même besoin performatif :
certaines ainsi expriment, soulignent, renforcent
dans la mort les différences entre les sexes par des
rites particuliers, mais cela peut n’être que sous la
forme du « genre » plus que du sexe « biologique »
puisque certaines classes d’âge peuvent n’être pas
concernées par ces différenciations.
Au passage, cette lecture de Bourdieu me semble
fournir d’autres arguments pour formuler des
critiques à l’égard des postulats des archéologues
post-processualistes et souligner des contradictions
dans leurs propos. La « théorie de la pratique » de
Bourdieu repose en effet sur la notion d’ « habitus » :
un cadre de référence, de connaissances et de façon
d’agir intégré par l’individu dès l’enfance dans
son subconscient, à travers des comportements
quotidiens et ordinaires. De ce point de vue, il faudrait
vériier que les pratiques funéraires constituent
ces activités banales - l’anglais utilise le faux ami
« mundane » - qui forment l’habitus. Pour rendre
compatible ces deux gammes de pratiques,
un archéologue post-processualiste comme
M. Parker Pearson se trouve contraint de proposer
que « les rites funéraires » ne sont qu’une « arène
de représentation parmi d’autres » et qu’en réalité
« l’expérience humaine n’est pas compartimentée
entre le ritualisé et le quotidien » (parker pearson
1999, p. 33, mes italiques). Cela revient à dire que
l’habitus de Bourdieu ne s’alimente pas des seules
activités quotidiennes que son auteur retenait : je
ne suis pas sûr que cela ne sape pas les fondations
bourdieusiennes de façon irrémédiable.
Les critiques ne sont toutefois pas les seules à
permettre de préciser les théories de van Gennep :
les commentaires aussi.
LES COMMENTAIRES : SCANSION DES TEMPS,
BALISAGE DES ESPACES, DISTINCTION
DES FONCTIONS
La formalisation de van Gennep a également
fait l’objet de commentaires variés plus ou moins
distants de la démarche du folkloriste français.
C’est notamment le cas d’ E. Leach, l’anthropologue
des Kachin de Birmanie, qui aborde la question des
rites dans un chapitre consacré à la « représentation
symbolique du temps » (leaCh 1968). Il cherche à
aller plus loin que la formalisation de van Gennep
pour avancer sur le terrain des explications quant
au caractère « universel » de certaines pratiques.
Pour les rites de passage, il distingue quatre
phases, en ajoutant pour l’essentiel une phase « D »
Fig. 2 - Rites et cours général du temps. D’après leaCh
1968, p. 227, ig. 17.
de « vie séculière normale » après les trois phases
habituelles du rite de passage, ce qui ne change
fondamentalement rien (ig. 2). Un autre aspect
mis en exergue ici est plus important. D’une part,
le rite de passage est une séquence de rites qui sont
récurrents, d’autre part il scande le temps social pour
les communautés, et selon Leach, il aurait peut-être
même cette fonction première, à savoir de créer le
temps pour les groupes humains, par la répétition,
le rythme, la disparition, ou le vieillissement. Les
rites de passage quant à eux rythment la vie sociale
des individus et des groupes en en marquant les
étapes par une dramatisation. Le temps serait ainsi
scandé par cette succession de moments sacrés
venant interrompre de longues périodes profanes.
Commentant les développements de Leach,
Pierre Vidal-Naquet a souligné un autre aspect
important dans les rites de passage, c’est-à-dire
leur inscription non seulement dans un temps mais
aussi dans un espace, scandé lui aussi :
« Il est clair que cette disposition suppose aussi,
et même d’abord, un découpage du temps et de
l’espace qui est propre aux “rites de passage”. Le
temps ? Son rythme n’est pas celui, continu, qu’ont
inventé les mathématiciens, “la régularité du temps
ne fait pas intrinsèquement partie de la nature
c’est une notion faite de main d’homme que nous
avons projetée sur notre environnement à des ins
qui nous sont particulières” [= citation de leaCh
1968]. Le temps des rites de passage est, lui aussi,
œuvre humaine : l’année est scandée par les rites,
et le rite lui-même fait passer l’initié du quotidien
à l’exceptionnel, puis de nouveau au quotidien,
mais celui-ci est désormais assumé. Pour que le
rite s’inscrive également dans l’espace, il faut que
celui-ci soit lui aussi divisé : espace humanisé de la
vie en société, espace des marges, qui pourra être, à
volonté, lieu sacré symbolique, “brousse” réelle ou
igurée, forêt ou montagne », il importe peu, pourvu
qu’il soit senti comme autre : à la limite, l’enfer et
le paradis de la “marelle” fournissent un exemple
excellent » (Vidal-naquet 1981a, p. 188-189).
Il est évident que ce temps et cet espace scandés
nous interpellent en tant qu’archéologue plus
encore qu’en tant qu’historien, car ce sont des
notions auxquelles nous sommes habitués, que
nous savons appréhender intellectuellement :
15
RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires.
l’archéologie, on se plait à le répéter, est au moins
autant une discipline géographique (elle évolue
systématiquement dans un espace) qu’historique
(elle évolue systématiquement dans un temps).
Au total, on le sait bien, ce qui ne tue pas rend
plus fort. Les commentaires mais aussi les critiques,
notamment celles de Bourdieu, permettent de
préciser les trois dimensions des rites de passage :
- une dimension temporelle, essentielle, par la
succession des séquences – des stades – rituelles et
des rituels dans les séquences ;
- une dimension spatiale car chaque séquence
doit être associée à un ou des espaces particuliers,
par exemple un espace de réclusion souvent associé
à un rite de marge ;
- une dimension fonctionnelle, car les rites ont
des fonctions, et pour reprendre la terminologie de
Bourdieu, ils « instituent ».
Ainsi élaborés, les « rites de passage » acquièrent
une pertinence et une capacité heuristique qu’il
reste encore à tester avant de les appliquer à une
situation archéologique particulière.
EXEMpLEs DU potEntIEL
HEUrIstIQUE DU ConCEpt
Pour mettre en avant le potentiel heuristique de
la schématisation de van Gennep, je retiendrai dans
un premier temps deux exemples, volontairement
éloignés du domaine qui nous occupe ici.
LE BANquET D’ASTéRIX
On souligne souvent que, dans le cadre de
pratiques funéraires, la troisième catégorie de
pratiques ou de procédures qui constituent les rites
d’agrégation, devait permettre au mort de rejoindre
ses semblables et de rester là où il devait être pour
laisser en paix les vivants. Mais précisément, il ne
faut pas négliger le fait que les rites d’agrégation
concernent aussi, sinon surtout, les vivants. Et dans
cette perspective, un certain nombre de pratiques
funéraires sont dirigées vers les vivants. Ces
pratiques s’insèrent aussi dans les différents rites
constituant les rites de passage.
16
L’une des pratiques les plus universellement
répandues qui constituent les rites d’agrégation
est le banquet, très à la mode en ce moment en
protohistoire. Pour le deuxième âge du Fer, une
représentation domine, qui sera couramment
qualiiée - ou disqualiiée - d’image d’épinal, celle
du banquet d’Astérix. Il est habituel d’emprunter
aux albums du héros gaulois la scène de banquet
inal pour illustrer le « festin » gaulois. Ce n’est
pas mon intention ici. Mais on peut ne pas se
satisfaire de la manière dont M. Poux évacue la
représentation : « lncarnation même du way of life
version gauloise, il s’y réduit à une image d’épinal
plus ou moins inspirée des textes antiques, mâtinée
d’éléments matériels hétéroclites » (poux 2002, 345).
Il me semble au contraire que la représentation
en question, pour fantaisiste qu’elle soit, ne se
réduit justement pas à un assemblage d’éléments
hétéroclites. Je voudrais pour étayer la lecture
inverse rester dans le domaine des rites de passage.
Après M. Segalen qui propose une analyse de la
société métaphorique de l’éléphant Babar sous
l’angle du rituel politique (seGalen 1998, p. 76-77),
je n’ai pas de scrupule à chercher à appréhender la
société « gauloise » d’Astérix sous l’angle du rituel
et notamment du rite de passage. On sait tous que
ces représentations sont des créations d’auteurs de
talent, au moins d’un auteur de talent comme
R. Goscinny. Elles n’en constituent pas moins un
point de départ intéressant pour une rélexion sur
notre sujet.
En effet, les histoires d’Astérix sont la plupart
du temps conçues selon une séquence dramatique
proche de celle que l’on peut discerner dans les
rites de passage. une situation particulière met en
cause la communauté des irréductibles Gaulois, ce
qui amène Astérix et obélix à « bannir » ensemble
comme dit Obélix. Il y a donc séparation, qui
est parfois suivie par un moment de marges
(géographiques) souligné par un jeu vestimentaire,
notamment quand nos deux Gaulois font les
légionnaires, quand ils s’habillent en égyptiens, etc.,
le temps que la situation se décante et qu’on élimine
le problème que rencontrait la communauté. quand
ce problème est réglé, il est temps de mettre un
terme au moment des marges : nos héros peuvent
rentrer, d’où un autre rite, d’agrégation cette fois,
qui est dramatisé sous la forme du célèbre banquet
qui clôt tous les albums. Ce rite marque un retour
à la normale et, dans le cas des histoires d’Astérix,
c’est bien de cela qu’il s’agit. La « normale », c’est
que chacun retrouve sa place :
- ceux qui mangent à la table circulaire sont les
Gaulois, les hommes seuls ;
- la plupart du temps les femmes sont à l’écart,
ou apportent les sangliers, c’est à peu près la seule
participation qu’on leur concède ;
- les très rares enfants que l’on voit dans la
communauté sont eux aussi à l’écart ;
- il faut qu’Assurancetourix soit attaché et
baîllonné dans son arbre (les exceptions – sa
participation au rite d’agrégation - sont rares voire
exceptionnelles, mais là encore signiicatives) ;
- les Romains, s’ils sont présents, sont par terre,
en train de chercher à recouvrer leurs esprits.
Au total, dans les histoires d’Astérix, le banquet
est le signe distinctif d’un « club d’hommes, club
de guerriers » pour paraphraser la célèbre formule
d’H.I. Marrou complétée par P. Vidal-Naquet à
propos de la cité grecque (Vidal-naquet 1981b, p.
269). Dans tous les rites de passage, les pratiques
de commensalité sont le moyen le plus commode
RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires.
de dramatiser, de mettre en scène, ce retour à la
normale que constitue le rite d’agrégation, par
la reformation du groupe de convives, car tous
ceux qui le peuvent récupèrent leur place d’avant
la séparation, de façon à ce que la communauté
fonctionne à nouveau normalement : ceux qui
ont changé de statut peuvent y participer à leur
tour, la participation ayant un rôle performatif
en conirmant et concrétisant ces modiications
statutaires. Le banquet est l’occasion du partage,
pas forcément un partage égalitaire mais au moins
équitable : à chacun sa part selon sa place.
LE MARIAGE DE LA FEMME SPARTIATE
SELON PLuTARquE
un autre exemple très éclairant quant au
potentiel de la formalisation de van Gennep est
celui du mariage spartiate tel qu’il nous est raconté
par Plutarque dans la Vie de Lycurgue. Ce potentiel, on
va le voir, s’exprime d’une autre manière, puisque le
« schéma » des rites de passage rend « pertinentes »
des absences.
Soit, pour commencer le récit de Plutarque, sur
le mariage spartiate :
« On se mariait à Sparte en enlevant sa femme
qui ne devait être ni trop petite ni trop jeune, mais
dans la force de l’âge et de la maturité. La jeune
ille enlevée était remise aux mains d’une femme
appelée “ nympheutria ”, qui lui coupait les
cheveux ras, l’affublait d’un habit et de chaussures
d’homme et la couchait sur une paillasse, seule et
sans lumière. Le jeune marié, qui n’était pas ivre, ni
amolli par les plaisirs de la table, mais qui, avec sa
sobriété coutumière, avait dîné aux phidities (repas
pris en commun), entrait, lui déliait la ceinture, et,
la prenant dans ses bras, la portait sur le lit. Après
avoir passé avec elle un temps assez court, il se
retirait décemment et allait, suivant son habitude,
dormir en compagnie des autres jeunes gens »
(plutarque, Vie de Lycurgue, XV, 4-7).
On laissera de côté les questions relatives au
« réalisme » de ces descriptions de la part d’un
auteur qui écrit plusieurs siècles après la situation
mentionnée. L’interprétation de ce court texte pose
par ailleurs peu de problèmes : le mariage est conçu
- et cela ne surprendra personne - comme un rite
de passage, qui est très dramatisé ici, avec une
séparation mise en scène sous la forme d’un rapt,
et un rite de marges qui est triplement mis en scène,
sous la forme d’une réclusion, d’un vêtement, et
d’une coiffure. Cela s’accompagne d’une inversion
des sexes (Vidal-naquet 1981c, p. 164), car un tel
traitement correspond à celui que recevaient les
jeunes garçons durant leur rite d’initiation au
passage entre deux classes d’âge vers 7 ans. La
réclusion n’est ici pas un vain mot car c’est dans une
véritable cellule, que la future mariée attend.
La suite est intéressante : le jeune marié, qui a
dîné avec ses amis masculins, vient retrouver son
épouse, lui dénoue sa ceinture, ce qui constitue la
métaphore du rapport sexuel (c’est aussi celle de
l’accouchement), et peu après s’en va rejoindre
ses collègues. Ce qui frappe ici, c’est que pour un
rite de passage, il manque tout simplement le rite
d’agrégation. Ce n’est pas l’union sexuelle pratiquée
de façon subreptice qui peut remplir ce rôle. On a
bien sûr souvent noté le caractère de clandestinité
des relations entre le mari et la femme : la raison
donnée par Plutarque est que cela sert à entretenir
le désir entre époux pour les rendre plus féconds.
Le rite d’agrégation serait remis à plus tard ou à
jamais.
Mais dans le cas de ce mariage spartiate, les
absences sont multiples : d’abord les jeunes illes ne
connaissent pas à Sparte de division en classes d’âges
aussi articulées que les garçons ; elles ne connaissent
pas de véritable rite d’initiation (ou de passage)
avant celui qui intervient au moment du mariage. Il
apparaît clairement que la position de la femme dans
la société spartiate est déterminée par la conception
spartiate de la famille. Précisément, ce qui caractérise
cette cité, c’est l’effort fait pour exclure la famille
des principes organisateurs et reproducteurs de
la société spartiate : la famille est en effet « réduite
à sa plus simple expression » (finley 1984, p. 42),
elle est à chaque niveau remplacée par des groupes
masculins qui, pour reprendre les termes de Finley,
« empiètaient les uns sur les autres (classes d’âge,
couplage homosexuel, corps d’élite, syssities) ». La cité
spartiate organise non pas le mariage, mais des unions
sexuelles pour avoir des futurs citoyens-soldats. On
y trouve une parfaite disjonction du mariage et de
la procréation : on peut choisir l’épouse d’un autre,
on peut faire se reproduire avec un autre sa propre
épouse, etc. et tous les pères ont autorité sur tous les
enfants. Le mariage était encouragé dans le seul but
de la procréation d’enfants. Le célibat est, d’après
Plutarque, interdit ou tout au moins très déconsidéré
et les célibataires étaient ridiculisés (les trembleurs) et
supportent des diminutions de leurs droits. On n’est
pas libre de se marier quand on le souhaite : d’après
Xénophon, c’est Lycurgue qui a interdit cela.
On comprend mieux pourquoi le mariage
spartiate tel qu’il est décrit par Plutarque escamote
le troisième temps du rite de passage : si le rite
d’agrégation n’a pas lieu c’est qu’il n’y a simplement
pas d’agrégation. Le mariage ne débouche pas sur
la formation d’une nouvelle entité, une famille, ni
sur l’entrée des mariés dans la famille étendue de
l’un ou l’autre. L’absence, dans la pratique rituelle,
a donc du sens. Et c’est bien la formalisation des
rites de passage qui seule permet de repérer cette
absence. qu’il s’agisse en l’occurrence d’une cité
et de pratiques largement « fantasmées » par des
témoins de l’extérieur, et postérieurs, nous importe
peu ici car même si c’est de la iction étrangère à
Sparte, elle conserve une parfaite logique systémique
(Mosse 1983, p. 81).
17
RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires.
LES ENSEIGNEMENTS DE CES EXEMPLES
De ces commentaires, de ces critiques, de ces
exemples, on peut retirer plusieurs enseignements
pour notre démarche, notamment que :
- les rites de passage et leur rythme ternaire sont
universels, il n’y a aucune chance pour que des
pratiques par exemple funéraires ne s’inscrivent
pas dans cette grille ; et s’il manque un des rites,
cette absence a toutes les chances d’être signiicative
et pourra, voire devra, être prise en compte ;
- les rites de passage articulent des pratiques
dont on sait qu’elles ont des rapports entre elles en
des ensembles cohérents – des systèmes -, comme les
funérailles et les banquets funéraires par exemple ;
- les rites de passage scandent le temps,
découpent l’espace, même virtuellement ; l’enquête
archéologique est la plus à même pour mettre en
relation ces découpages et en évidence que tel
espace est parcouru à tel moment du rite, tel autre à
tel autre moment ;
- les rites de passage assument aussi des fonctions
au sein de la société, et c’est à travers ces rites et ces
fonctions que l’on peut approcher les sociétés que
l’on étudie ;
- les « rites de passage » ne constituent pas qu’une
grille interprétative, mais aussi une construction
heuristique, je veux dire par là « qui doit aider à
la découverte », par exemple la recherche d’espaces
secondaires, lieux de pratiques plus discrètes.
Ainsi « outillé », il est possible d’envisager la
brève étude de cas funéraire et archéologique.
« ConsIDératIons CrItIQUEs MaIs non
poLéMIQUEs » : LE Cas DE La néCropoLE
DE LaMaDELaInE
J’emprunte une partie du titre à M. Godelier
(Godelier 1984, p. 229) pour souligner que mon
propos n’est pas de rejeter les interprétations
antérieures mais au contraire d’envisager en quoi
une rélexion basée sur les « rites de passage »,
à partir d’un travail d’une grande qualité, peut
dépasser les propositions interprétatives faites
initialement. La nécropole de Lamadelaine a en
effet été fouillée par d’autres, étudiée par d’autres,
publiée par d’autres et tout cela très bien.
18
Même si la publication de la nécropole
est devenue un « classique » de l’archéologie
protohistorique, les traits principaux doivent
être rappelés (Metzler-zens, Metzler et al. 1999).
Le champ de repos considéré est l’une des deux
nécropoles associées à l’oppidum du Titelberg.
Soixante-quatorze tombes ont été mises au jour,
certaines renfermant plusieurs individus, qui sont
estimés à 82 au moins. Pour l’essentiel, il s’agit
d’incinérations, l’inhumation étant réservée aux
très rares cas de tombes d’enfant de moins d’un an.
Enin la nécropole est utilisée sur une période de
plus d’un siècle (120 ans), pour l’essentiel le Ier siècle
avant n. è., entre la in de l’âge du Fer et le début de
l’époque gallo-romaine.
Je voudrais explorer dans cette partie l’intérêt de
recourir à la grille de lecture des « rites de passage »
sur ce cas bien étudié. Auparavant, il convient de
mentionner les stimulantes analyses qui ont déjà été
proposées.
LES INTERPRéTATIONS DES DONNéES DE LA
NéCROPOLE DE LAMADELAINE
Il est inutile de chercher à résumer en
un paragraphe les denses observations et
interprétations publiées par les archéologues à
propos de la nécropole de Lamadelaine. Dans
le cadre nécessairement limité de ce texte, je ne
relèverai ici que les traits les plus signiicatifs pour
mon propos. En particulier, les archéologues ont
formulé l’hypothèse d’une exposition prolongée
des corps avant leur incinération qui s’appuie
sur plusieurs catégories d’indices (Metzler-zens,
Metzler et al. 1999, p. 405-409) parmi lesquels on
peut prioritairement retenir :
- l’identiication de plusieurs tombes à
incinération multiples ;
- la présence de dents humaines non brûlées qui
n’ont pu se détacher que de squelettes décharnés ;
- l’état du matériel, comme les ibules et
d’autres objets métalliques dont la corrosion ou la
fragmentation ne seraient compatibles qu’avec une
exposition à l’air.
Cette exposition aurait été pratiquée par exemple
sur des constructions à quatre ou huit poteaux.
Une exposition similaire peut être proposée pour
des chevaux sacriiés (Metzler-zens, Metzler et
al. 1999, p. 413-414). De son côté, la découpe très
poussée subie par le cochon et accessoirement par
le bœuf, ainsi que des traces sur les os de porc
incitent P. Méniel à penser qu’il s’agit de morceaux
conservés un certain temps, notamment sous la
forme de jambons salés et fumés (Metzler-zens,
Metzler et al. 1999, p. 264 et 414).
Pour l’interprétation globale des rites attestés à
travers ces pratiques, quatre étapes (ou paliers) sont
distinguées (ig. 3), chacune associée à un élément
fondamental (Metzler-zens, Metzler et al. 1999, p.
443-446) :
- la première étape est celle de l’exposition, et
c’est l’action de l’air qui va provoquer la disparition
des chairs du mort ; cette étape est accompagnée
d’offrandes animales, sous la forme de l’exposition
du cheval d’un côté, et de banquet ;
- la 2e correspond à la crémation des os décharnés,
accompagnée à nouveau d’offrandes animales,
végétales, de boissons alcoolisées ; un autre sacriice
serait effectué, dont une partie init sur le bûcher,
une autre dans la tombe, une 3e serait sans doute
consommée ;
RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires.
Homme
Animal non comestible
Animaux comestibles
cheval
porc, coq, boeuf, chien...
décès
mise à mort
mise à mort
découpe
quartiers de viande
lieu d’exposition
brûlés?
1er sacrifice
consommés? conservés
banquet?
os décharnés
bûcher
mise à mort
découpe
quartiers de viande
2e sacrifice
consommés
banquet
eau ?
tombe
Fig. 3 - Schéma de lecture en quatre paliers des pratiques funéraires de Lamadelaine. D’après Metzler-zens, Metzler et
al. 1999, p. 444, ig. 397.
- la 3e étape est celle de la mise en terre des
différents vestiges et offrandes ; on insiste sur le fait
qu’une partie seulement de la crémation humaine
est recueillie ;
- la 4e étape, non vériiée archéologiquement,
correspondrait à la dispersion dans les eaux du
reste de la crémation.
Au total, ces quatre étapes seraient chacune
associées à un élément fondateur du monde (ig. 4),
air, feu, terre, eau, les auteurs se référant plus ou
moins explicitement à des catégories mises en avant
par l’école pythagoricienne (Metzler-zens, Metzler
et al. 1999, p. 446 et 448-449).
LES TEMPS DES RITES
Grâce à la très grande qualité du travail réalisé
sur la nécropole de Lamadelaine et notamment
la quantité d’observations faites sur le terrain au
moment de la fouille, il est peut-être possible de
Sphère celeste
apport à l'air
apport au feu
exposition
crémation
mort
immersion?
enterrement
apport à l'air?
apport au feu
Sphère chtonienne
Fig. 4 - Les quatre paliers rituels mis en relation avec les
« quatre éléments fondamentaux ». D’après Metzlerzens, Metzler et al. 1999, p. 446, ig. 398.
19
RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires.
faire des propositions complémentaires. Il serait
d’ailleurs souhaitable qu’une telle situation se
reproduise plus souvent. à l’interprétation en
quatre temps des auteurs, et en modiiant à peine
le schéma proposé par eux, je souhaiterais en effet
substituer une interprétation en trois temps, en
appliquant, on l’aura deviné, la grille de lecture que
constituent les « rites de passage » tels qu’explicités
plus haut (ig. 5).
Dans le cas présent, les rites de séparation
débutent après la mort de l’individu, mais on peut
suggérer qu’ils sont étirés par des sacriices comme
celui du cheval, et éventuellement des sacriices
d’autres animaux tués à des ins alimentaires
différées : la tenue d’un banquet ne serait pas dans
cette logique indispensable à cette étape.
Cheval
Rites de
séparation
Le moment des marges est, comme souvent,
incontestablement le plus facile à identiier :
l’exposition du mort sur une plateforme, dans un
lieu spécialisé, correspond sans aucun doute à ce
moment liminaire : on pourrait suggérer que le
choix d’une plate-forme suspendue entre ciel et terre
constituerait l’aspect essentiel de ce moment des
marges, avec l’exposition du cheval tué au moment
du rite de séparation. Dans cette perspective, les
parties des animaux sacriiés précédemment et
dont on sait que certaines au moins ont subi des
traitements comme le fumage (et le séchage ?),
connaîtraient une forme parallèle à l’exposition.
Viendraient enin les pratiques constituant le rite
d’agrégation, dont on peut se demander s’il s’agit
d’une agrégation double : du mort avec les morts,
individu
mort
animaux “bons à
consommer”
Traitements du corps ?
Sacrifice
“Société”
des Vivants
Traitements corporels ?
Sacrifice
Exposition
Rites de
marges
de l’animal
du mort
des parties
animales (fumages
séchage ?)
Vêture particulière ?
Sacrifice
Offrandes animales et libation
Rites
d’agrégation
Crémation
Mise en terre
"Banquets"
Retour à la normale
Fig. 5 - Schéma de lecture du rite de passage en trois étapes rituelles – séparation, marges, agrégation – des pratiques
funéraires de la nécropole de Lamadelaine.
20
RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires.
des vivants entre survivants. Du point de vue des
vivants, c’est à l’articulation des deux moments
qu’interviendraient les boissons alcoolisées – vin et/
ou bière - qui pourraient être (c’est une caractéristique
universelle et particulièrement mise en évidence
dans la mentalité grecque par exemple) envisagées
comme les instruments du passage entre une étape
du rite – liminaire - et l’autre – postliminaire. Cela
se doublerait du second sacriice animal repéré par
les archéologues grâce à la présence d’os frais dans
les offrandes funéraires, sacriice précédant la tenue
d’un banquet (sans exclure un partage des parties
animales prenant la forme d’une distribution de
morceaux consommés plus tard). La pratique de
commensalité permet aussi au monde animal, dans
sa diversité, de retrouver la ou les places normales
par rapport à celui des hommes. En partant de cette
idée, j’aurais tendance à exclure tout banquet suivant
le premier sacriice et l’interprétation des opérations
de séchage et fumage de la viande comme une
analogie assez stricte avec la forme d’exposition que
connaît le défunt humain : pendant cette période
des marges, les grandes oppositions humain/
animal s’estomperaient en partie par des pratiques
parallèles et homologues, sans que les frontières
soient jamais complètement effacées. D’ailleurs, la
remarque quant à une opposition entre viande de
cheval, destinée à se décomposer, et viande de porc
fumée et salée pour se conserver, paraît tout à fait
pertinente et convaincante (Metzler-zens, Metzler et
al. 1999, p. 444). De leur côté, les limites entre l’homme
mort et l’animal mort ne seraient pas entièrement
abolies mais singulièrement estompées. Les rites
d’agrégation à l’occasion desquels chaque catégorie
retrouverait sa place, viseraient aussi, en retour, à la
réafirmation de ces séparations irrémédiables entre
vivants et morts, entre humain et animal.
quant à la question de l’agrégation du mort,
un trait noté par les archéologues de la nécropole
donne à penser : on a émis l’hypothèse que des
aménagements étaient réalisés dans la tombe qui
permettaient le versement de libation directement
dans le contenu de la tombe, par l’intermédiaire de
quelque tube, dans le cadre d’un culte des ancêtres
(Metzler-zens, Metzler et al. 1999, p. 434). On ne
peut s’empêcher de faire le rapprochement avec la
pratique mentionnée par A. van Gennep à propos
des morts mordvines que les vivants « nourrissent »
régulièrement par un trou dans la terre et le cercueil
(Van Gennep 1991, p. 233). Ce n’est pas l’analogie
qui nous importe ici mais plutôt le fait que ce
nourrissage est le signe que la période de marge
ne s’est pas encore interrompue. On pourrait alors
se demander si à Lamadelaine, cette pratique n’est
pas associée à l’idée que les morts n’ont pas encore
rejoint leur communauté et que l’agrégation, au
moins pour eux, n’a pas encore eu lieu.
Au total, comme repéré dans d’autres situations,
le moment des marges se trouverait encadré par
deux pratiques symétriques se traduisant ici par
des sacriices animaux : mais alors que le premier
n’aurait pas nécessairement débouché sur une
pratique de commensalité, le second sacriice aurait
précédé un repas communautaire, car la symétrie
exclut justement que les deux pratiques soient
strictement équivalentes.
Cette lecture, il faut le souligner, n’est pas
incompatible avec les interprétations symboliques
des fouilleurs autour des quatre éléments
fondamentaux : mais de mon point de vue, avancer
de telles propositions est déjà aller un peu trop
loin par rapport à nos données, et je ne suis pas
sûr qu’il faille avoir pour but cette archéologie des
symboles. Les différences entre les deux schémas
explicatifs pourront paraître secondaires. C’est
justement sur des nécropoles aussi précisément
fouillées, analysées et publiées qu’il faut tester cette
démarche interprétative de façon à l’envisager avec
plus de sécurité sur des terrains archéologiquement
plus ingrats.
D’une façon générale, les « rites de passage » ne
doivent pas être limités à une sorte de casiers dans
lesquels on ferait entrer de force les comportements
funéraires : on le sait d’avance, les funérailles ont
toutes les chances d’être organisées en séquences
ternaires de séparation, marges et agrégation. Les
archéologues de Lamadelaine ne méconnaissent pas
la notion de « rite de passage » mais ne cherchent
pas à l’exploiter davantage (Metzler-zens, Metzler
et al. 1999, p. 405 et 443). De mon point de vue, il
ne s’agit pas de se satisfaire de repérer les trois
gammes de rites, mais d’en faire un véritable
outil de découverte qui permette à l’archéologue
d’interroger autrement ou plus précisément encore
les vestiges qu’il a sous les yeux ou justement ceux
qui ne sont pas immédiatement perceptibles. Dans
un deuxième temps, cela permettrait d’envisager
des comparaisons à l’intérieur de la communauté
des morts concernés, puis entre sites funéraires, sur
des bases plus pertinentes que les simples ou seuls
aspects formels.
Au total, la démarche que je propose ici vise à
élaborer une sorte d’idéal-type des funérailles –
en l’occurrence celles de Lamadelaine - composée
à partir de toutes les observations faites lors des
fouilles et des analyses et propositions formulées
ensuite : un idéal-type au sens weberien, ain de
dégager un modèle de funérailles qui n’auraient
sans doute jamais eu lieu. Dans un second temps,
et ce travail sera présenté en un autre endroit, il est
nécessaire de rapprocher chaque tombe particulière
de cet idéal-type ain de dégager d’éventuelles
régularités ou évolutions, des attirances et des
répulsions de tel ou tel groupe social par rapport
à ce rite de passage. Je rejoins de cette manière la
démarche adoptée par Laurence Hérault à propos du
mariage vendéen, qui a d’abord dégagé des modèles
21
RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires.
théoriques pour ensuite rapprocher les différents
mariages « réels » de ces modèles (seGalen 1998,
p. 97). On obtient une sorte de moyenne théorique
à partir de laquelle il est possible d’envisager les
écarts, les écarts à la moyenne pour emprunter à la
statistique. Et l’on sait, l’analyse factorielle nous l’a
appris, que ce sont eux qui sont signiicatifs.
ConCLUsIon
Concluons. L’intérêt de la formalisation - ou la
schématisation - de van Gennep comme instrument
heuristique est de fournir une grille commune,
universelle, à l’intérieur de laquelle les différents
gestes identiiés sur différentes nécropoles peuvent
et pourront à l’avenir prendre une place dans une
séquence temporelle et des espaces articulés. Cette
grille de lecture doit permettre d’aller chercher
des données qu’on aurait ignorées ou laissées de
côté jusque-là. Comme cela s’est produit pour la
« technologie » qui disposait en amont du corpus
théorique nécessaire avec les travaux d’A. LeroiGourhan et de B. Gilles, sur le plan des gestuelles
funéraires, les inventaires n’auront de pertinence
que si la formalisation théorique les précède. Les
rites de passage d’A. van Gennep pourraient en
constituer les fondations.
C’est d’ailleurs le seul objet d’une démarche
théorique : elle ne cherche pas à proposer des
réponses, elle vise à mieux poser les bonnes
questions. Dans cette perspective, je fais mienne
cette rélexion de l’économiste D. Villey à propos
des « historicistes » de l’école historique allemande :
« par crainte de déformer les faits en leur imposant
l’ordre de l’esprit, ils ont introduit dans leur esprit
le désordre même des faits » (Villey dans Villey &
neMe 1996, p. 196). On la rapprochera utilement du
commentaire de N. Belmont à propos du schéma
des rites de passage de A. van Gennep : « c’est un
schéma heuristique et méthodologique qui permet
d’appliquer un ordre dans la forêt vierge des faits
ethnographiques » (belMont 1974, p. 75). Tel est bien
l’enjeu de nos études des sociétés anciennes à partir
des données funéraires : à n’envisager que les faits et
les gestes comme certains le proposent, on ne pourra
jamais dépasser le stade de la compilation, cette sorte
de catalogue dans le meilleur des cas « raisonné » ;
dans le pire des cas, les archéologues seront ensevelis
sous une quantité de données extrêmement variées
dont il sera impossible d’extraire la moindre rélexion
pertinente à propos des sociétés concernées. Il
importe de sortir de la forêt.
22
BIBLIoGrapHIE
BARAy Luc, BRuN Patrice et al. (2007) - Pratiques
funéraires et sociétés. Nouvelles approches en archéologie et en
anthropologie sociale. Actes du colloque interdisciplinaire de
Sens, éd. universitaires de Dijon, Dijon, Collection Art,
archéologie & patrimoine, 419 p.
BELMONT Nicole (1974) - Arnold van Gennep, le créateur
de l’ethnographie française, Payot, Paris, Petite bibliothèque
Payot. Collection Science de l’homme, 187 p.
BINFORD Lewis R. (1971) - « Mortuary practices : their
study and their potential » dans BRoWN James Allison
- Approaches to the Social Dimensions of Mortuary Practices,
Society for American Archaeology, Washington, Memoirs
of the Society for American Archaeology 25, p. 6-29.
BOuRDIEu Pierre (1982) - « Les rites comme actes
d’institution » dans - Rites et fétiches, Actes de la Recherche en
Sciences Sociales, 43(1), Maison des Sciences de l’homme,
Paris, p. 58-63.
CRuBEZy Eric (2000) - « L’étude des sépultures, ou du
monde des morts au monde des vivants » dans CRUBEZY
éric, MASSET Claude et al. - Archéologie funéraire, Errance,
Paris, Collection « archéologiques », p. 8-54.
D’AGOSTINO Bruno (1985) - « Società dei vivi, Comunità
dei Morti : un rapporto dificile » , DialA, 1, Edizioni
quasar, Roma, p. 47-58.
FINLEY Moses I. (1984) - « Sparte et la société spartiate »
dans FINLEy Moses I. - économie et Société en Grèce Ancienne,
éditions La Découverte, Paris, p. 35-58.
GODELIER Maurice (1984) - L’idéel et le matériel. Pensée,
économies, sociétés, Fayard, Paris, 348 p.
LEACH Edmund Ronald (1968) - Critique de l’anthropologie,
PuF, Paris, SuP. Le Sociologue ; 16, 238 p.
MAuSS Marcel (1910) - « Compte rendu de A. van
Gennep, les rites de passage », Année sociologique, 11, p.
200-202.
METCALF Richard & HuNTINGTON Peter (1991) Celebration of death. The anthropology of mortuary ritual,
Cambridge university Press, Cambridge, 252 p.
METZLER-ZENS Nicole, METZLER Jeannot et al. (1999) Lamadelaine, une nécropole de l’oppidum du Titelberg, Musée
National d’Histoire et d’Art, Luxembourg, Dossiers
d’archéologie du musée national d’histoire et d’art VI,
471 p.
MOHEN Jean-Pierre (1995) - Les rites de l’au-delà, O. Jacob,
Paris, 330 p.
MOSSE Claude (1983) - La Femme dans la Grèce antique,
Albin Michel, Paris, L’Aventure humaine, 189 p.
PARKER PEARSON Mike (1999) - The Archaeology of death
and burial, Sutton, Stroud, 250 p.
POuX Matthieu (2002) - « L’archéologie du festin en Gaule
préromaine. Acquis, méthodologie et perspectives » dans
MENIEL Patrice & LAMBOT Bernard - Repas des vivants
et nourriture pour les morts en Gaule : découvertes récentes de
l’âge du fer dans le massif des Ardennes et ses marges. Actes
du XXVe colloque de l’A.F.E.A.F. (Charleville-Mézières
2001), BSocAChamp, Société archéologique champenoise,
Reims, Mémoire ; 16, p. 345-374.
RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires.
RuBy Pascal (2007) - « Et l’on brûlera tous les héros…
Poésie épique, pratiques funéraires et formes du pouvoir
dans la protohistoire méditerranéenne du début du Ie
millénaire avant n.è. » dans BARAY Luc, BRUN Patrice
et al. (2007) - Pratiques funéraires et sociétés. Nouvelles
approches en archéologie et en anthropologie sociale. Actes du
colloque interdisciplinaire de Sens, éd. universitaires de
Dijon, Dijon, Collection Art, archéologie & patrimoine, p.
321-349.
SCHNAPP Alain (1993) - La conquête du passé. Aux origines
de l’archéologie, Carré, Paris, 384 p.
SEGALEN Martine (1998) - Rites et rituels contemporains,
Nathan université, Paris, Collection 128, 128 p.
VAN GENNEP Arnold (1991) - Les rites de passage. étude
systématique des rites de la porte et du seuil, de l’hospitalité, de
l’adoption, de la grossesse et de l’accouchement, de la naissance,
de l’enfance, de la puberté, de l’initiation, de l’ordination, du
couronnement, des iançailles et du mariage, des funérailles, des
saisons, etc., Picard, Paris, 288 p.
VIDAL-NAquET Pierre (1981a) - « Le cru, l’enfant grec
et le cuit » dans VIDAL-NAQUET Pierre - Le Chasseur
noir. Formes de pensée et formes de société dans le monde grec,
François Maspéro, Paris, p. 177-207.
VIDAL-NAquET Pierre (1981b) - « Esclavage et
gynécocratie dans la tradition, le mythe, l’utopie »
dans VIDAL-NAquET Pierre - Le Chasseur noir. Formes
de pensée et formes de société dans le monde grec, François
Maspéro, Paris, p. 267-288.
VIDAL-NAquET Pierre (1981c) - « Le chasseur noir et
l’origine de l’éphébie athénienne » dans VIDAL-NAQUET
Pierre - Le Chasseur noir. Formes de pensée et formes de société
dans le monde grec, François Maspéro , p. 151-175.
VILLEy Daniel & NEME Colette (1996) - Petite histoire
des grandes doctrines économiques, éditions Litec - M.-Th.
Génin, Paris, 474 p. (1e éd. 1944).
VERNANT Jean-Pierre (1982) - « Introduction » dans
GNOLI Gherardo & VERNANT Jean-Pierre - La mort, les
morts dans les sociétés anciennes, Cambridge university
Press ; éditions de la Maison des sciences de l’homme,
Cambridge - Paris, p. 5-15.
L’auteur
Pascal RuBy - université Paris 1, ArScan, uMR 7041, équipe Protohistoire européenne.
résumé
En s’appuyant sur la qualité et la quantité des données produites par l’anthropologie funéraire, certains
chercheurs ont pu faire le choix de se détourner des questions posées par les rituels, qui seraient largement
ou totalement inaccessibles aux archéologues. C’est justement aux rituels appréhendés par l’archéologie que
s’intéresse la présente communication. Il est rappelé qu’au prix de quelques approfondissements théoriques, le
schéma interprétatif d’A. van Gennep sur les « rites de passage » constitue encore un puissant outil heuristique
pour les acteurs de cette discipline et notamment pour envisager en une séquence dynamique les vestiges
matériels statiques des différents gestes funéraires. Le potentiel des « rites de passage » est illustré par le
réexamen « critique mais non polémique » de l’interprétation globale qui avait été proposée au moment de la
publication de la nécropole de Lamadelaine (Luxembourg).
Mots-clefs : Rites de passage, banquet, post-processualisme, habitus, idéal-type, van Gennep, Bourdieu,
Leach, Mauss, Metcalf et Huntington, Sparte, Lamadelaine.
abstract
Invoking the high quality and quantity of the data yielded by funerary anthropology, certain scholars
have in the past chosen to leave aside any consideration concerning the actual rites, supposed to be largely or
totally out of reach for archaeologists. This paper deals precisely with the rites as they may be comprehended
by archaeology. We remind the reader that, with a few theoretical adjustments, A. van Gennep’s concept of
“rites of passage” is still a powerful heuristic tool for researchers in this discipline, and especially when it
comes to recreating a dynamic sequence of funerary gestures from the static physical remains left in the grave.
In illustration of the potential of the “rites of passage” approach, we present a “critical but non-polemical”
re-examination of the global interpretation included in the publication of the burial site of Lamadelaine
(Luxembourg).
Key words : Rites of passage, banquet, “ post-processualism”, habitus, ideal-type, van Gennep, Bourdieu,
Leach, Mauss, Metcalf & Huntington, Sparta, Lamadelaine.
Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX.
23
RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires.
Zusammenfassung
Die Problematik der Rituale ist den Archäologen größtenteils oder vollständig unzugänglich. Einige
Forscher haben sich, aufgrund der qualität und der quantität der Informationen der Bestattungsanthropologie
zugewandt. Der vorliegende Beitrag beschäftigt sich eben mit den von der Archäologie aufgezeigten Ritualen.
Wir möchten daran erinnern, dass das Interpretationsschema A. van Genneps zu den Übergangsriten mit
einigen theoretischen Ergänzungen immer noch ein wichtiges heuristisches Instrument für die Beteiligten
dieser Disziplin darstellt. Insbesondere dient es dazu, eine dynamische Sequenz der statischen materiellen
Spuren der unterschiedlichen Bestattungsgesten ins Auge zu fassen. Das Potenzial der Übergangsriten wird
durch die "kritische aber nicht polemische" Überprüfung der globalen Interpretation veranschaulicht, die zur
Zeit der Veröffentlichung der Nekropole von Lamadelaine (Luxemburg) vorgeschlagen worden war.
Schlüsselwörter : Übergangsriten, Leichenmahl, Post-Prozessualismus, habitus, Idealtypus, van Gennep,
Bourdieu, Leach, Mauss, Metcalf und Huntington, Sparta, Lamadelaine.
Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr).
24
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie.
IMpLantatIon Et oCCUpatIon DEs EspaCEs FUnéraIrEs
aU sEConD âGE DU FEr En pICarDIE
Sophie DESENNE, Geertrui BLANCquAERT, Stéphane GAuDEFROy,
Marc GRANSAR, Bénédicte HéNON & Nathalie SOuPART
IntroDUCtIon
Dans le cadre du projet Les gestuelles funéraires
au second âge Fer en Picardie, nous avons tenté de
caractériser l’implantation et l’occupation des
espaces funéraires durant les cinq derniers siècles
avant notre ère.
L’étude s’appuie sur l’analyse de 73 occupations
funéraires, soit près de 683 tombes (ig. 1), réparties
dans le quart nord-ouest du Bassin parisien, du
littoral normand et picard aux conins de l’Aisne
champenoise, de La Tène ancienne à La Tène
inale. Les ensembles réunis sont qualitativement et
quantitativement inégaux, avec d’une part des sites
fouillés dans leur intégralité, ou partiellement, du fait
de la recherche, ou de destructions et d’autre part, une
répartition chronologique et géographique inégale
des sites au sein de notre zone d’étude (ig. 2). En
effet, le début de la séquence est fortement représenté
dans les départements de l’Aisne et de l’Oise et quasiabsent dans la Somme. à l’inverse, on note une surreprésentation de La Tène moyenne et inale dans la
Somme et un faible effectif dans l’Oise. Notre étude
est centrée sur la Picardie, mais ne se restreint pas
aux limites administratives strictes. Aussi, quelques
ensembles ont été sélectionnés aux portes de cette
région. Ain de caractériser les espaces funéraires
laténiens et leur évolution, nous souhaitons déinir
ici les différentes étapes de l’utilisation du cimetière,
de sa création à son abandon. À cette in, nous avons
observé les choix réalisés lors de l’implantation
des sites funéraires en termes géographique et
topographique, les différentes formes données à ces
espaces dévolus aux défunts et leur développement
spatial.
L’EnvIronnEMEnt GEoGrapHIQUE,
topoGrapHIQUE Et HUMaIn
La majorité des sites funéraires est localisée sur
les plateaux (67 %), près d’un quart en fond de
vallée (ig. 3) ; quelques uns le long du littoral (8 %)
et un seul en plaine (ig. 3). Rappelons que plusieurs
sites comme Bernay-en-Ponthieu (tikonoff 1994c),
Noyelles-sur-Mer (baray et al. 1994), SaillyImplantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie.
Flibeaucourt (tikonoff 1994a) ou Grand-Laviers
(defffressiGne 1994a), aujourd’hui situés dans les
terres, en raison de l’évolution marquée du paysage
et du déplacement du rivage, étaient en bord de
mer à l’âge du Fer (soMMé 1979).
Les versants, rebords et replats sont les positions
les plus fréquentes avec chacun 20 % des effectifs
(ig. 3) au détriment des terrasses et des buttes.
Dès La Tène A et B, les sites sont localisés
en vallée, préférentiellement sur les terrasses et
versants. Ce modèle d’implantation perdure jusqu’à
la in de la séquence dans la vallée de l’Aisne.
à partir de La Tène C1, une majorité de sites
est implantée sur les plateaux, essentiellement sur
des versants dans l’Oise et sur des rebords et des
replats dans la Somme. Dans ce département, les
sites sont installés à une altitude comprise entre 84
et 100 m NGF, alors que ceux de Seine-Maritime
et de l’Oise sont entre 150 et 165 m NGF. Cette
préférence topographique tend à se modiier dans
le temps avec, à La Tène D, une implantation sur
des positions plus élevées entre 135 et 180 m NGF.
La dichotomie entre La Tène ancienne (sites de
fond de vallée) et La Tène moyenne/inale (sites
de plateau) est remarquable. Mais nous devons
rester prudent et observer que la répartition des
sites funéraires inventoriés semble révéler, en
grande partie, non pas une réalité historique mais
une réalité économique liée aux aménagements du
territoire, et donc l’état des recherches (cf brun et al.
2005 et Malrain et al. 2005 , dans le bilan régional
sur la Picardie) !
L’environnement topographique et humain se
caractérise par (ig. 4) :
- la présence ou l’absence d’un point remarquable
naturel (point haut, butte de terre, pente), ou
artiiciel (tertre funéraire de l’âge du Bronze) ;
- la « mémoire des lieux » (habitat ou batterie de
silos des générations précédentes) ;
- le contexte local humain (espace funéraire isolé,
associé à un habitat, ou confondu à l’habitat.
25
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie.
Boulognesur-Mer
Étaples
Ca
67
23
Lille
Ly
s
69
nc
he
68
Au
thi
e
Arras
So
mm 22 21
e
31
35
17 24
Amiens
43
33
49 4811
4142
38
28
34
27
l‘A
39
40
vr
e
26
Le Havre
65
Rouen
Ep
te
66
Th
ér
ain
37
64
54/55
Aisne
Compiègne
62
Soissons
2
52
5
1
ise
4
Eu
re
56
53
Vesles
ChateauThierry
50
Paris
63
71
Creil
O
e
in
Se
3
Laon
Noyon
7
Beauvais
8
9
Risle
70 Saint-Quentin
51
So
mm
e
10
6
Orne
13 14 47
12 36 15 16
se
30
Oi
Dieppe
20 44/45/46
25
19
18
32
l‘Ou
rcq
29
e
Marn
Meaux
Marne
la Ferté
S/s Jouarre
Fontainebleau
g
Loin
Yo
n
26
ne
Sens
Fig. 1 - Cartographie des sites funéraires inventoriés : 1 - Longueil-sainte-Marie "Près des Grisards", 2 - Verberie "La Plaine
de Saint Germain", 3 - Chambly "La Remise Ronde", 4 - Baron "Le Buisson Saint Cyr", 5 - Canly "Les Trois Noyers", 6 - Oroër
"Sous le Bois Saint Martin", 7 - Noirémont / Chaussée du Bois d’Ecu "Beaufort/La Coignée", 8 - Allonne/Saint Sulpice "La
Chaussée de la Reine Blanche", 8 – Allonne "Les quarante Mines", 9 - Auteuil "Le Moulin", 10 - Villers-Vicomte "La Rosière",
11 - Cachy "Les Fiermonts", 12 - Framerville-Rainecourt "Le Fond d’Herleville", 13 - Soyecourt "La Sole des Tombeaux", 14
- Fresnes-Mazancourt "La Sole du Moulin", 15 - Cizancourt/Licourt "La Sole des Galets", 16 - Athies "Le Chemin de Croix",
17 - Vignacourt "Le Collège 2", 18 - Francières "Grand-Hétroye/Les quatorze", 19 - Abbeville "Sole à Baillon", 20 - GrandLaviers "Le Mont Henry", 21 - Sailly-Flibeaucourt "Voie de Port/Les Anglais’, 22 - Noyelles-sur-Mer "La Côte des Fossés
aux Renards", 23 - Bernay-en-Ponthieu "Tirancourt", 24 - Saint-Sauveur "Le Champ à Trois coins (secteur 1)", 25 - Bouchon
"Le Rideau Miquet", 26 - Fransures "Les Longuets/Les Corroyeurs", 27 - Loeuilly "Les Terres du Lieutenant Général/
La Fosse à Cornouiller", 28 - Dury "Le Camp Rolland", 29 - Vismes-au-Val "Le Bois des Dix-Sept", 30 - Bouillancourt-enSéry "La Fosse aux Chats", 31 - Le Translay "Le Chemin de Morival", 32 - Bettencourt-St-Ouen "Bois de Bettencourt", 33
- Saleux "La Vallée du Bois de Guignémic", 34 - Croixrault "L’Aérodrome", 35 - Saint-Vaast-en-Chaussée "Le Chemin du
Marais", 36 - Estrées-Deniécourt "Derrière le Chemin du Berger", 37 - Roye "Le Puits à Marne", 38 - Hornoy-le-Bourg "Les
Treize/Les Vingt-Huit", 39 - Vraignes-les-Hornoy "Bois de Vraignes", 40 - Croixrault "La Dériole", 41 - Revelles "à la Ferme
d’Henneville", 42 - Clairy-Saulchoix "Champs Mugotte/Au Chemin de Pissy", 43 - Pont de Metz "La Ferme aux Mouches
(1)", 44 à 46 - Pont-Rémy "Le Fond Baraquin/la queute", 47 - Ennemain "Notre Dame de Joie", 48 - Gentelles "Le Bois de
Tronville" 49 - Glisy "Les Terres de Ville", 50 - Roissy-en-France "La Fosse-Cotheret", 51 - Beauvois-en-Vermandois "Le Pied
de Bœuf", 52 - Limé "Les Sables", 53 - Maizy "Le Bois Gobert", 54 - Bucy-le-Long "La Héronnière", 55 - Bucy-le-Long "L e
Fond du Petit Marais", 56 - Cuiry-lès-Chaudardes "Les Fontinettes", 62 - Villeneuve-Saint-Germain "Les Etomelles", 63 Soupir "Le Parc", 64 - Jaux "Le Camp du Roi", 65 - Saint-Aubin-Routot "Le Four à Chaux 2", 66 - Cottévrard "La Plaine de
la Bucaille", 67 - La Calotterie "La Fontaine aux Linottes", 68 - Hénin-Beaumont "Le Marais de Labiette", 69 - Nesles "Fond
Vassal", 70 - Vermand "Le Champ du Lavoir", 71 - Orainville "La Croyère" (la bibliographie jointe à cet article englobe
l’ensemble des données disponibles pour ces sites).
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie.
Sur l’ensemble, 66 sites sont implantés dans un
lieu « désert » sans topographie particulière (point
remarquable), et 60 ne présentent aucune relation
avec une occupation antérieure.
Fig. 2 - Répartition chronologique des sépultures par
département.
Cependant, on remarque, pour certains sites
l’existence de points marquants qui ont pu jouer
un rôle attractif dans l’implantation. Au sein de ces
éléments, le tertre de terre, ancien tumulus de l’âge
du Bronze, retient l’attention. Est-ce l’attrait pour
ce relief remarquable qui agrège un site funéraire
gaulois, ou bien, à plusieurs siècles de distance,
reste-t-il un souvenir du rôle funéraire de ces lieux ?
à cela s’ajoute le contexte local humain antérieur ou
contemporain. Aménager un espace funéraire sur un
lieu chargé de « mémoire » est peut-être un moyen
de s’approprier une certaine légitimité territoriale,
ou les bonnes grâces des ancêtres. Lorsque le hiatus
entre deux implantations est long, on peut toutefois
douter d’une telle préméditation.
En cinq siècles, sépultures isolées, associées ou
confondues à l’habitat se côtoient, impliquant des
choix dans l’aménagement du territoire, révélant
des pratiques et des comportements différents face
à la mort.
6
1
plateau
contexte géographique
naturel
vallée
18
plaine
51
littoral
Localisation
géographique
versant
9
2
replat
contexte
topographique
4
21
rebord
butte
20
terrasse
indéterminé
20
Fig. 3 - Récapitulatif des différents critères descriptifs concernant la localisation géographique et topographique des sites.
27
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie.
absence
66 sites
présence (points hauts, butte de terre, tertre)
10 sites
point remarquable
sans
Implantation
mémoire des lieux
contexte local
humain
60 sites
avec (habitat, batterie de silos)
5 sites
indéterminé
11 sites
isolé
35 sites
associé à un habitat
27 sites
confondu à l'habitat
8 sites
indéterminé
6 sites
Fig. 4 - Récapitulatif des différents critères descriptifs concernant l’implantation des sites.
L’observation de l’environnement humain dans
lequel l’espace funéraire s’intègre, indique qu’à partir
de La Tène C1 près de la moitié des sites est liée à un
habitat (ig. 5). Pour la période précédente, à La Tène
ancienne, les sites de l’Aisne sont préférentiellement
localisés à l’emplacement d’habitats antérieurs ou
d’enclos circulaires de l’âge du Bronze. Dans ce
dernier cas, les exemples suggèrent non pas une
perduration du lieu, mais une reconsidération d’un
territoire (marqué par des tumuli), les hommes du
début du second âge du Fer se réappropriant le lieu
en tant qu’espace cultuel/religieux. à ces ensembles
s’ajoutent les nombreux squelettes retrouvés dans
des silos, révélant des pratiques funéraires au sein
d’un espace domestique. Ces derniers n’ont pas été
pris en considération dans cette étude.
EFFECtIF Et DUréE D’oCCUpatIon
Les ensembles funéraires se caractérisent à la
fois par des critères d’ordre quantitatif, effectif de la
population enterrée, durée d’occupation, surface et
densité, mais également par des critères qualitatifs
comme la présence ou non de délimitation et
l’évolution de l’organisation de l’espace.
Au sein de ces sites, les effectifs varient de la
personne isolée au regroupement de plus de 200
individus, répartis sur 1 à 8 phases. La répartition
chronologique du nombre de sépultures par
ensemble funéraire révèle des différences
marquées et de profonds changements caractérisés
par un abandon des espaces funéraires à la in
du IVe siècle avant notre ère puis au contraire
l’implantation massive de nouveaux sites durant
le IIIe siècle (ig. 6).
Une classiication du nombre de tombes par
espaces funéraires a permis de déterminer 6
catégories (ig. 7), de la tombe isolée (catégorie 1)
à la nécropole d’un effectif supérieur à 100 tombes
(catégorie 6), avec comme seul cas Bucy-le-Long "La
Héronnière" (tab. I).
28
Fig. 5 - Répartition chronologique des types de contexte
(isolé ou associé à l’habitat) par ensemble funéraire (les
tombes en silo ne sont pas inclues dans ce graphique).
Les tombes isolées (catégorie 1) n’existent pas
à La Tène A et B. à l’inverse, on remarque un net
développement de cette pratique à La Tène C1 (plus
de 10 % des ensembles), qui s’intensiie à La Tène D1
(près d’un quart des effectifs) puis à La Tène D2 (près
de la moitié). Ces tombes isolées sont rares, dans la
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie.
500
02-Bucy-le-Long
La Héronnière
60-Chambly
La Remise Ronde
60-Longueil-Sainte-Marie
Près des Grisards
450
400
350
300
250
200
150
100
50
0
300
250
200
150
100
50
0
02-Limé
Les Sables
02-Beauvois-en-Vermandois Le Pied de Boeuf
02-Maizy
Le Bois Gobert
95-Roissy-en-France
La Fosse-Cotheret
02-Orainville
La Croyère
60-Allonne
80-Gentelles
60-Auteuil
60-Allonne/Saint Sulpice
80-Cachy
80-Dury
80-Fransures
80-Fresnes-Mazancourt
Les Quarante Mines
Le Bois de Tronville
Le Moulin
La Chaussée de la Reine Blanche
Les Fiermonts
Le Camp Rolland
Les Longuets/Les Corroyeurs
La Sole du Moulin
80-Glisy
80-Noyelles-sur-Mer
80-Saint-Vaast-en-Chaussée
02-Soupir
80-Vignacourt
02-Villeneuve-Saint-Germain
80-Ennemain
80-Loeuilly
Les Terres de Ville
La Côte des Fossés aux Renards
Le Chemin du Marais
Le Parc
Le Collège 2
Les Etomelles
Notre Dame de Joie
80-Bouchon
Les Terres du Lieutenant Général/La Fosse à Cornouiller
Le Rideau Miquet
02-Bucy-Le-Long
Le Fond du Petit Marais
80-Grand-Laviers
Le Mont Henry
80-Pont-Rémy
Le Fond Baraquin/La Queute
62-La Calotterie
La Fontaine aux Linottes
76-Cottévrard
La Plaine de la Bucaille
80-Abbeville
80-Bernay-en-Ponthieu
60-Le Translay
62-Hénin-Beaumont
80-Framerville-Rainecourt
60-Jaux
Sole à Baillon
Tirancourt
Le Chemin de Morival
Le Marais de Labiette
Le Fond d’Herleville
Le Camp du roi
80-Cizancourt/Licourt
80-Saint-Sauveur
02-Vermand
80-Vismes-au-Val
60-Noirémont
80-Francières
La Sole des Galets
Le Champ à Trois coins
Le Champ du Lavoir
Le Bois des Dix-Sept
Beaufort/La Coignée
Grand-Hétroye/Les Quatorze
60-Villers-Vicomte
62-Nesles
60-Canly
80-Athies
76-Saint-Aubin-Routot
02-Cuiry-les-Chaudardes
80-Croixrault
60-Verberie
60-Baron
80-Sailly-Flibeaucourt
La Rosière
Fond Vassal
Les Trois Noyers
Le Chemin de Croix
Le Four à Chaux 2
Les Fontinettes
L’Aérodrome
La Plaine de Saint Germain
Le Buisson Saint Cyr
Voie de Port/Les Anglais
500
450
400
350
Fig. 6 - Répartition chronologique des sépultures par ensemble funéraire (l’épaisseur des traits correspond au nombre de
sépultures, seuls les sites phasés sont intégrés à ce graphique).
29
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie.
La Tène
A1
A2
B1
B2
Catégorie 1 (1)
C1
C2
5
Catégorie 2 (2 à 5)
Catégorie 3 (6 à 15)
2
Catégorie 4 (16 à 40)
1
Catégorie 5 (41 à 100)
2
Catégorie 6 (+ de 100)
1
D1
D2
Total
2
5
12
5
27
1
13
3
5
2
7
1
1
7
1
2
13
9
4
1
tab. I - Récapitulatif de la répartition des effectifs de tombes par catégories au sein des différentes étapes chronologiques
(seuls sont intégrés les ensembles dont la phase de fondation est attribuée à une étape précise).
100
Nombre
de sépultures
cat. 6 + de 200 tombes
95
90
85
80
75
70
65
cat. 5
60
55
50
45
40
35
30
cat. 4
25
20
15
cat. 3
10
5
cat. 2
cat. 1
0
Fig. 7 - Classiication du nombre de tombes par espaces
funéraires.
vallée de l’Aisne, avec un unique cas à La Tène D2
à Cuiry-les-Chaudardes "Les Fontinettes"(hénon
& auxiette 1997). Les espaces funéraires de faible
effectif (catégorie 2), sont absents à La Tène A,
rares à La Tène B (un seul cas à La Tène B2), mais
se développent largement à La Tène C1 avec près
de 40 % des ensembles. Cette coniguration, 2 à 5
individus au sein d’un même espace funéraire, se
rencontre jusqu’à La Tène D2 sur l’ensemble de la
région. Les espaces funéraires regroupant de 6 à 15
individus (catégorie 3) se distribuent entre La Tène
B1 et La Tène D1, sans préférence géographique
et chronologique. Les espaces funéraires de taille
moyenne regroupant de 16 à 40 défunts (catégorie
4) se répartissent chronologiquement de La Tène
30
A2 à La Tène D1. Les nécropoles regroupant de 40
à 100 individus (catégorie 5) et plus (catégorie 6),
sont fondées au début de la séquence, à La Tène A1.
On note ensuite, à La Tène C1, la mise en place de
nouveaux grands ensembles funéraires appartenant
à la catégorie 5.
La répartition de ces catégories d’effectifs révèle
une évolution des pratiques, avec la création de
vastes ensembles funéraires à La Tène A, qui
regrouperont jusqu’à plus de 200 individus, puis
le développement, dès La Tène B, d’ensembles de
taille plus modeste, de 2 à 15 individus (ig. 8). À
La Tène C1, l’émergence de nouveaux espaces
funéraires va de pair avec une grande variété
dans les pratiques, de la tombe isolée, jusqu’au
cimetière regroupant plus de 40 individus. La in de
la période est marquée par l’installation d’espaces
funéraires destinés uniquement à de petits groupes
d’individus. Excepté pour le début de la période où
les sites font défaut dans la Somme, l’évolution du
nombre d’individus par espace funéraire semble
commune au secteur géographique retenu, hormis
pour la vallée de l’Aisne où les sépultures isolées
sont rares (1 seul cas à La Tène D2). Les profonds
changements observés dans la gestion des espaces
funéraires de La Tène A1 à La Tène D2 sont sans
doute une réalité chrono-culturelle des pratiques, à
moduler en fonction de l’état de la recherche.
La durée d’occupation ou d’utilisation de
l’espace funéraire varie de « quelques jours » à
environ 3 siècles. On note, en effet, l’existence
de sites qui se caractérisent par le dépôt d’un
seul individu à un instant donné, sans trace de
manipulation ou de réaménagement ultérieur de
l’espace. à cela, s’ajoutent des ensembles d’un
effectif inférieur à 16 individus (catégories 2 et 3)
qui se répartissent à de rares exceptions près sur
une seule phase d’occupation, et des ensembles
d’un effectif supérieur à 16 individus (catégories
4 à 6) qui présentent une durée d’occupation plus
longue, de 2 à 8 phases. Les phases d’occupations
enregistrées dans notre base de données proviennent
d’une documentation hétérogène qui regroupe à la
fois des publications de sites aux analyses détaillées
et des rapports plus succincts mettant à notre
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie.
40
Le deuxième paramètre prend en compte
l’organisation générale des tombes qui sont :
- seules ;
- réparties de façon diffuse ;
- en noyaux ;
- ou organisées suivant un axe, de façon linéaire.
Nombre d’espaces funéraires
35
30
25
20
15
10
5
0
La Tène A1
A2
B1
B2
C1
C2
D1
D2
Etape de fondation des espaces funéraires
Catégorie 1 (1)
Catégorie 3 (de 6 à 15)
Catégorie 5 (de 41 à 100)
Catégorie 2 (de 2 à 5)
Catégorie 4 (de 16 à 40)
Catégorie 6 (+ de 100)
Fig. 8 - Répartition des catégories d’effectifs au sein de
chaque étape chronologique.
disposition une première estimation chronologique.
Les données ne présentent donc pas la même inesse
d’analyse, une phase d’occupation à l’échelle d’un
site oscillant entre 25 et 50 ans.
Les hiatus chronologiques au sein d’un ensemble
funéraire sont rares. Néanmoins à Maizy "Le Bois
Gobert" co-existent deux occupations, l’une de
La Tène B1 et l’autre de La Tène D1 (robert et al.
2008). La présence d’un tertre (tumulus de l’âge
du Bronze) a sans doute, par sa topographie
caractéristique et/ou une « connotation sacrée
du lieu », suscité l’implantation successive de ces
nécropoles laténiennes.
Le troisième paramètre prend en compte la
présence ou non d’éléments structurants qui
sont de légers reliefs, micro-buttes naturelles ou
artiicielles, ou des sépultures aristocratiques.
Dans cette dernière coniguration, on remarque
des regroupements de tombes autour de celles-ci.
Le rang social de l’individu déposé dans la tombe
joue vraisemblablement dans ces cas, un rôle
fédérateur « attractif », qui entraîne, durant une
à plusieurs phases, une structuration de l’espace
autour de sa sépulture (par exemple, Bucy-Le-Long
"La Héronnière" (desenne et al. 2007), et "Le Fond du
Petit Marais" (brun et al. 1991 et 1992), Cottévrard
(blanCquaert 1998), La Calotterie (blanCquaert &
defossés 1998), Maizy (robert et al. 2008), Vismesau-Val (barbet & bayard 1996).
Enin l’organisation spatiale de certaines
nécropoles révèle, entre des sépultures implantées
densément, certains espaces vides (Abbeville
(baray 1997b), Bernay-en-ponthieu (tikonoff
1994c), Cizancourt/Licourt (lefeVre 2002), EstréesDeniécourt (prilaux 2007), Longueil-Sainte-Marie
(breuiller 1992), Pont-Rémy (prilaux 2000b) qui
peuvent peut-être correspondre à l’emplacement de
lieux de culte.
L’évoLUtIon spatIaLE
L’analyse spatiale des différents sites n’étant
pas notre propos, nous tenterons ici d’évoquer les
différents schémas d’évolution observés au sein des
20 sites de notre corpus qui présentent une durée
d’occupation supérieure à une phase.
MorpHoLoGIE DEs EspaCEs FUnéraIrEs
Différents critères permettent de déinir l’espace
funéraire (ig. 9).
Le premier paramètre retenu prend en compte
l’implantation de cet espace, avec des sites :
- ouverts, sans aucune délimitation reconnue (et
sans rapport spatial direct avec un habitat) ;
- fermés dans un enclos et isolés ;
- dans un enclos/ accolés à l’enclos d’habitat,
selon un plan curviligne ou rectangulaire ;
- en bordure de chemin, localisés soit à l’entrée
des habitats, au niveau des interruptions des fossés
d’enclos, soit le long ou à l’extrémité de chemins
matérialisés par un ou deux fossés ;
- le long de fossés ou de palissades entourant
l’habitat ;
- ou encore associés à l’habitat, le défunt étant/
ayant été déposé dans une structure domestique …
Au sein de ces cimetières, on remarque une très
forte majorité de sites (16 cas) qui se caractérisent
par une densiication sur place. on y observe un
accroissement du nombre de sépultures à proximité
des premières tombes. Dans trois cas, ce phénomène
va de pair avec une extension du site en périphérie
(Bucy-Le-Long "Le Fond du Petit Marais"), une
extension et un déplacement (Bucy-Le-Long "La
Héronnière"), ou une multiplication du nombre de
noyaux (Cottévrard).
à Cottévrard, Saint-Sauveur et Bouchon l’espace
funéraire se développe de façon unilatérale (baray
2002).
à Maizy, il s’agit d’un changement radical avec
un hiatus entre les deux phases (voir ci-dessus). à
La Tène ancienne, un noyau de sépultures s’organise
autour d’un tertre de l’âge du Bronze, tandis qu’un
31
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie.
ouvert
29 sites
délimitation
isolé
enclos
accolé à l’habitat
Morphologie
éléments
structurants
9 sites
enclos isolé + ouvert
2 sites
le long d'un chemin ou dans un chemin
9 sites
le long d'un fossé d'habitat
4 sites
autre (dans l'habitat, dans une batterie de silos)
9 sites
indéterminé
orgarnisation des
sépultures
2 sites
seules
12 sites
4 sites
diffuses (avec ou sans alignement)
4 sites
en noyau (avec ou sans alignement)
40 sites
linéaire
2 sites
mixte
4 sites
indéterminé
22 sites
absence
4 sites
présence (monument, sép. aristo., espace vierge)
15 sites
indéterminé
57 sites
Fig. 9 - Récapitulatif des différents critères descriptifs concernant la caractérisation morphologique des sites.
second groupe est localisé plus à l’ouest. à La Tène
inale, l’espace funéraire se déplace et des tombes
à enclos sont implantées en dehors de l’espace
funéraire de La Tène B1, de façon linéaire, sur un
micro-relief.
à Pont-Rémy "Le Fond Baraquin"/"La queute",
l’occupation funéraire est accolée à l’habitat et suit le
déplacement de l’occupation domestique, révélant à
la lecture des plans des espaces funéraires distincts
(prilaux 2000b).
32
En revanche, à Estrées-Déniécourt "Derrière le
Chemin du Berger", l’analyse du site révèle 3 espaces
funéraires qui correspondent vraisemblablement
à un même établissement rural (prilaux 2007).
L’analyse ine de la chronologie, des modes
d’ensevelissement et des dépôts devrait permettre
de conirmer cette interprétation des données.
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie.
CaraCtérIsatIon DEs EspaCEs
FUnéraIrEs
Il est possible, de déinir les différents types
d’espaces à travers l’examen de leur composition et
de leur structuration.
La grille d’analyse retenue repose sur la
combinaison des différents critères précédemment
décrits (ig. 9).
LES ESPACES FuNéRAIRES OuVERTS
Au sein des espaces funéraires ouverts (ig. 10),
trois groupes se distinguent :
Le premier est constitué de tombes isolées qui
ne sont associées à aucune autre structure (5 cas). Il
s’agit de tombes seules qui peuvent être modestes
comme à Noyelles-sur-Mer, ou aristocratiques
comme à Cuiry-les-Chaudardes.
Le deuxième se compose de tombes groupées
(17 cas). Ces nécropoles sont isolées de l’habitat.
La densité des structures est variable avec dans
de rares cas un maillage lâche et irrégulier (soupir,
hénon et al. 2005). Les sépultures aristocratiques
sont associées à des tombes plus modestes comme
à Vignacourt (baray 2002) ou au contraire isolées
du reste de la communauté comme à Allonne (paris
1998).
Le troisième groupe est constitué de tombes
organisées en noyaux (6 cas). On remarque une
implantation préférentielle sur les microreliefs
naturels ou artiiciels et les tombes sont fréquemment
organisées autour de sépultures à caractère
monumental comme à Bucy-le-Long "Le Fond du
Petit Marais". L’analyse spatiale du cimetière de
Bucy-le-Long "La Héronnière" révèle à la fois une
structuration en noyaux et des secteurs au maillage
lâche et diffus, ainsi qu’une organisation autour
d’une tombe monumentale.
au-Val, ou délimités à la fois par un enclos d’habitat
et un chemin ; Bernay-en-Ponthieux en est une
bonne illustration. Les enclos curvilignes doublent
l’enclos d’habitat ; à Loeuilly, il s’agit d’une tombe
aristocratique (Gonnet 1993), ou s’adossent à ce
dernier (Cizancourt/Licourt).
Il est sans doute possible d’associer à ce
groupe les enclos en agrafe joints ou accolés aux
enclos d’habitat. Les sites qui présentent de telles
caractéristiques sont malheureusement issus de
fouilles de petites surfaces qui rendent la lecture
dificile (comme à Ennemain, buChez et al. 2000).
LES ESPACES FUNéRAIRES EN « BoRDURE »
Au sein des sites de bordure (ig. 12), associés à
des fossés d’habitat, deux groupes se distinguent :
Le premier est constitué de sépultures localisées
à proximité d’un chemin (8 cas). Les tombes peuvent
être situées à l’entrée d’un habitat, au niveau d’une
interruption d’enclos comme à Roye (Collart 1996),
le long d’un chemin comme à Cottévrard, ou au
bout d’un chemin comme à Grand-Laviers.
Le second se compose de sépultures accolées à
un enclos d’habitat (4 cas). Les tombes s’alignent à
l’extérieur des enclos, le long de fossés ou à l’angle
d’enclos et de chemins.
On note également l’existence de sépultures
associées directement à des structures domestiques
comme les sépultures en silos. Ces dernières sont
situées soit à l’intérieur d’un enclos d’habitat soit
dans une batterie de silos en aire ouverte.
Nous pouvons souligner qu’au sein d’un
même site, plusieurs types d’implantations et
d’organisations sont perceptibles, comme l’illustre
Estrées-Déniécourt où une tombe isolée en enclos,
côtoie deux groupes de tombes, accolés aux fossés
d’enclos de l’habitat.
ConCLUsIon
LES ESPACES FuNéRAIRES ENCLOS
Au sein des espaces funéraires enclos (ig. 11),
deux groupes se distinguent :
Le premier regroupe les sépultures délimitées
par un enclos isolé (4 cas), scindé quelquefois en
2 noyaux, l’un clôturé, l’autre ouvert, comme à La
Calotterie.
Le second est constitué de sépultures délimitées
par un enclos accolé ou adossé à un enclos d’habitat
(9 cas). L’enclos funéraire peut être rectiligne, ou
curviligne et les sépultures présentent fréquemment
des alignements ou des regroupements qui
délimitent des espaces vides. Les enclos rectilignes
sont accolés aux enclos d’habitat comme à Vismes-
La répartition chronologique et géographique
des différents types d’espaces funéraires que nous
avons caractérisés, révèle des diversités historiques
et culturelles (ig. 13).
à La Tène ancienne, les espaces funéraires
ouverts à sépultures groupées ou en noyaux sont
les seules occupations reconnues. Les sites sont
concentrés dans l’Aisne et l’Oise. Les nécropoles
implantées à La Tène A, regrouperont de 16 à plus
de 200 individus (catégories 4 à 6) durant plus de
150 ans, alors que celles établies plus tardivement
à La Tène B1 ne dépasseront pas un effectif de 15
individus (catégorie 3) sur moins d’une centaine
d’années. L’ensemble de ces sites est abandonné
dès le début de La Tène moyenne (La Tène B2). Ces
33
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie.
A
65
Groupe 1 :
tombes isolées
F
Groupe 3 :
tombes oragnisées
en noyaux
B
C
E
Groupe 2 :
tombes groupées
N
O
E
S
0
D
5 m
G
Fig. 10 - Plans schématiques d’espaces funéraires ouverts (trait plein, limite de décapage ; trait pointillé, limite de
présentation). Groupe 1 – A Noyelles-sur-Mer et B Cuiry-les-Chaudardes ; Groupe 2 – C Villeneuve-Saint-Germain et D
Roissy-en-France ; Groupe 3 – E Chambly ; F Abbeville ; G Bucy-Le-Long "Le Fond du Petit Marais".
34
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie.
N
Groupe 1 :
enclos isolé
O
0
E
S
5 m
A
Groupe 2 :
enclos adossé ou
accolé à l'habitat
B
C
Fig. 11 - Plans schématiques d’espaces funéraires enclos : Groupe 1– A La Calotterie ; Groupe 2 – B Cizancourt/Licourt
(enclos curviligne) et C Vismes-au-Val (enclos rectangulaire).
35
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie.
Groupe 1 :
tombes à proximité
ou dans un chemin
N
O
E
S
0
5 m
A
Groupe 2 :
tombes accolées à un
enclos d'habitat
B
Fig. 12 - Plans schématiques d’espaces funéraires en « bordure » : Groupe 1 – A Grand-Laviers ; Groupe 2 – B EstréesDeniécourt.
nécropoles regroupent des défunts appartenant
vraisemblablement à une même communauté, et,
ce durant plusieurs générations. Dans le secteur
de la vallée de l’Aisne, les études menées par JeanPaul Demoule ont démontré l’existence d’un réseau
dense de nécropoles, au sein duquel sont implantées
selon un maillage régulier des nécropoles à
tombes à char qui présentent un deuxième niveau
d’intégration (deMoule 1999). à Bucy-le-Long "La
Héronnière" l’existence de 5 tombes monumentales
dont 4 tombes à char révèlent vraisemblablement
un troisième niveau d’intégration, à l’échelle d’une
grande partie de la vallée.
La Tène moyenne se caractérise par 2 étapes bien
distinctes, La Tène B2 et La Tène C1.
Les espaces funéraires implantés à La Tène B2
sont rares et de courte durée d’occupation ; les seuls
36
sites inventoriés dans notre corpus proviennent de
l’Aisne et du Val-d’Oise. Il s’agit de sites ouverts
groupés de faible effectif (catégorie 2 et 3) au sein
desquels de riches sépultures se distinguent par
la présence d’un char, (Roissy-en-France), d’un
monument (Orainville, desenne et al. 2005), ou de
mobilier métallique exceptionnel (Roissy-en-France
et orainville). Le déicit de sites tant funéraires que
domestiques sur l’ensemble de la zone d’étude,
milite en faveur d’un dépeuplement attribué à des
mouvements de population, ou d’un redéploiement
topographique majeur des différentes installations.
La Tène C1 se distingue par le développement de
nouveaux espaces funéraires et la multiplication des
formes d’occupations, de l’espace ouvert à l’espace
enclos ou implanté en bordure d’habitat. Les sites
ouverts aux tombes groupées ou en noyaux se
rencontrent sur l’ensemble de la région. Il s’agit dans
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie.
25
Effectifs
20
15
10
5
0
La Tène
A1
A2
B1
B2
C1
C2
D1
D2
Bordure d'un enclos d'habitat
Bordure de chemin
Ouvert en noyaux
Enclos accolé
Ouvert groupées
Enclos isolé
Ouvert isolée
Fig. 13 - Répartition des types de sites au sein de chaque étape chronologique.
le premier cas, de nécropoles regroupant un faible
effectif, de 3 à moins de 15 individus et dans le second
cas, d’ensembles d’effectifs élevés (catégories 5). Les
tombes monumentales sont présentes dans les deux
types d’occupation, avec parfois un regroupement
de monuments. L’existence de sépultures isolées
en espace ouvert est attestée dans l’Oise et la
Somme uniquement. Cette position retirée n’exclut
cependant pas la présence de dépôts importants
ou de structures monumentales, comme à Auteuil,
où l’individu est déposé avec 17 céramiques, dans
une tombe monumentale (leMaire 1993). Dans le
secteur de la Somme, on note, parallèlement à cela,
l’émergence d’ensembles à enclos isolés, accolés, ou
en « bordure » de chemin ou d’enclos d’habitat qui
regroupent des effectifs très variables. Le chemin,
qu’il soit matérialisé par un fossé, une haie ou une
entrée, est l’endroit privilégié pour l’implantation
des tombes, et forme une sorte de trait d’union
entre le monde des vivants et celui des morts. Les
tombes monumentales sont rares dans ces types de
contextes. à l’inverse, dans l’Aisne et dans l’Oise,
on note l’utilisation exclusive d’espaces ouverts
dissociés de l’habitat.
À La Tène inale, les espaces funéraires ouverts
groupés sont présents sur l’ensemble de la région,
mais semblent rares dans la Somme avec comme seul
exemple le petit ensemble funéraire de Le Translay
situé dans le Vimeu, en périphérie (barbet 1992). à
l’inverse, comme à La Tène moyenne, les espaces
enclos sont exclusivement retrouvés dans ce secteur.
Les sites en bordure d’habitat, particulièrement
développés à La Tène C1 se raréient et se
concentrent exclusivement dans la partie occidentale
de la Picardie. Les cimetières fondés à La Tène
inale présentent de faibles effectifs, moins de
vingt tombes, et une durée d’occupation excédant
rarement une phase, seuls les sites de Vismes-auVal et de Saint-Sauveur semblent perdurer sur deux
générations. Ces espaces regroupent sans doute
une partie des défunts appartenant à des groupes
communautaires de petite taille (issus de fermes
ou de hameaux), sur une génération, voire deux
maximum. Ils ne fédèrent pas plusieurs familles
d’un même territoire sur plusieurs générations,
comme c’était le cas précédemment à La Tène
ancienne et sur certains sites de La Tène moyenne.
Les rares ensembles supra communautaires de La
Tène inale, quand ils existent sont antérieurs à
la création d’ensembles proto-urbains vers - 120.
Seuls les cimetières des établissements ruraux sont
représentés et nous devons souligner ici l’absence
d’ensembles funéraires associés aux oppida.
L’étude de l’implantation des sites funéraires
est limitée par l’inégalité des ensembles tant
du point de vue chronologique que spatial, et
relète inévitablement l’état de la recherche,
autant si ce n’est plus que la réalité historique.
Certains résultats s’imposent cependant. Les sites
funéraires du début du second âge du Fer sont
souvent implantés à l’emplacement de monuments
funéraires plus anciens, considérés alors comme
marqueurs territoriaux mais aussi comme lieu
d’une permanence sacrée. à La Tène ancienne,
37
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie.
de grandes nécropoles ouvertes rassemblent sans
doute les populations de différents habitats pendant
plus d’un siècle ; par la suite ce sont plutôt de petits
ensembles liés à un unique habitat sur une ou deux
générations. Ainsi, La Tène C1 semble une période
charnière où les sites funéraires montrent une plus
grande variabilité et des spéciicités régionales
notables.
BIBLIoGrapHIE DEs sItEs
ANCIEN Anne-Marie & LOBJOIS Gilbert (1983) - « Les
bracelets gaulois de Bucy-le-Long », Revue Archéologique
de Picardie, 3, Amiens, p. 16-23.
AuXIETTE Ginette (1995) - « L’évolution du rituel
funéraire à travers les offrandes animales des nécropoles
gauloises de Bucy-le-Long (450/100 avant J.C.) » dans
L’animal dans l’espace humain, l’homme dans l’espace animal,
Actes du 5e colloque international « l’homme et l’animal »,
23-25 novembre 1994, Genève, Anthropozoologica, 21,
Paris, p. 245-252.
AuXIETTE Ginette, DESENNE Sophie, GuICHARD
yves & GRANSAR Marc (1993) - « Bucy-le-Long, "La
Héronnière" (Aisne) », Les Fouilles Protohistoriques de la
Vallée de l’Aisne, 21, Soissons, p. 45-66.
AuXIETTE Ginette, DESENNE Sophie & GuICHARD
Yves (1994) - « Bucy-le-Long, "La Héronnière" (Aisne) », Les
Fouilles Protohistoriques de la Vallée de l’Aisne, 22, Soissons,
p. 89-103.
AuXIETTE Ginette, HENON Bénédicte & ROBERT
Bruno (1995) - « Limé "Les Sables Sud", fouille 1995 », Les
Fouilles Protohistoriques de la Vallée de l’Aisne, 23, Soissons,
p. 277-298.
AuXIETTE Ginette, DESENNE Sophie, GRANSAR
Frédéric, HENON Bénédicte, POMMEPuy Claudine,
THOuVENOT Sylvain & BOuLEN Muriel (1995) - « Le
site du début du second âge du Fer de Bucy-le-Long "Le
Fond du Petit Marais", "Le Chemin de Vénizel" (Aisne)»,
Les Fouilles Protohistoriques de la Vallée de l’Aisne, 23,
Soissons, p. 235-276.
AuXIETTE Ginette, DESENNE Sophie, GRANSAR
Frédéric, Gransar Marc, NAZE yves & POMMEPuy
Claudine (1996) - Le site du début du second âge du Fer
de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais", "Le Chemin
de Vénizel" (Aisne), Document Final de Synthèse, SRA
Picardie, AFAN Nord-Picardie.
AuXIETTE Ginette, DESENNE Sophie & POMMEPuy
Claudine (2002) - « Des viatiques et des banquets :
alimentation des défunts, alimentation des vivants sur la
nécropole de La Tène ancienne de Bucy-le-Long (Aisne) »
dans Repas des vivants et nourriture pour les morts en Gaule.
Actes du XXVe colloque de l’A.F.E.A.F., Charleville-Mézières
24-27 mai 2001. Bulletin de la Société Archéologique
Champenoise, mémoire n° 16, Reims, p. 317-336.
BAKELS Corie (1999) - « Dury "Le Moulin" : étude des
restes botaniques », Revue Archéologique de Picardie,
n° 1/2, Amiens, p. 237-246.
BARAy Luc (1997a) - « Les tombes aristocratiques de
La Tène C2 de Bouchon "Le Rideau Miquet" (Somme) :
présentation liminaire des fouilles récentes de l’autoroute
A16 nord », Archälogisches Korrespondenzblatt 27, Stuttgart,
p. 113-126.
38
BARAy Luc (1997b) - « Le cimetière protohistorique
d’Abbeville "La Sole de Baillon" (Somme) : présentation
liminaire des fouilles récentes de l’autoroute A16 nord »,
BSPF, tome 94, n°2, Paris, p. 274-281.
BARAy Luc (1998) - « Les cimetières à crémation de la
basse vallée de la Somme d’après les découvertes de
l’autoroute A16 Nord », dans Les rites de la mort en Gaule du
Nord à l’âge du Fer, Actes de la table-ronde de Ribemontsur-Ancre, les 4 et 5 décembre 1997, Revue Archéologique
de Picardie, n°1-2, Amiens,p. 211-232.
BARAy Luc (2002) - « Les tombes à crémation des
cimetières de Saint-Sauveur, Bouchon et Vignacourt
(Somme) », dans L’aristocratie celte à la in de l’âge du Fer
(IIe s. avant J.-C., Ier s. après J.-C.), table ronde, Centre
archéologique européen du Mont Beuvray, 1999, Gluxen-Glenne, p. 119-138.
BARAy Luc, BOuILLOT Jocelyne, CLEMENT PALLu DE
LESSERT Marie-Paule, COLIN Anne, COLLET Hélène,
DEFRESSIGNE Sylvie, HOSDEZ Christophe, HuMBERT
L, PLuTON S., PRILAuX Gilles & TIKONOF Nicolas
(1998) - Les cimetières protohistoriques de l’autoroute A16
Nord, DFS, 2 tomes, SRA de Picardie, Amiens, 434 p.
BARBET Pierre (1990) - Le Translay, "Le Chemin de Morival",
rapport d’évaluation, SRA de Picardie, Amiens.
BARBET Pierre (1992) - Le Translay, "Le Chemin de Morival",
rapport de sauvetage, SRA de Picardie, Amiens.
BARBET Pierre (1999) - Cachy "Les Flermonts", rapport
d’évaluation, SRA de Picardie, Amiens.
BARBET Pierre (2002) - « Noirémont/ La Chaussée du
Bois d’Ecu "Sous Le Bois"/"Beaufort"(Somme) », Bilan
scientiique Régional, SRA de Picardie, Amiens, p. 67.
BARBET Pierre & GONNET Olivia (1991) - Bouillancourten-Séry "La Fosse aux Chats", rapport de fouille, SRA
Picardie, Amiens.
BARBET Pierre & BAyARD Didier (1996) - « Les tombes
de Vismes au Val (Somme) dans le contexte du Belgium »,
Revue Archéologique de Picardie, n° 3/4, Amiens, p. 177188.
BAyARD Didier, BARBET Pierre, BAHEu Didier (1990)
- Autoroute A28, Abbeville sud-Blangy-sur-Bresle, rapport
d’évaluation, SRA de Picardie, Amiens.
BAyARD Didier (1993) - « Sépultures et villae en Picardie
au Haut Empire : quelques données récentes », dans
FERDIERE Alain (dir.) - Monde des morts, monde des
vivants en Gaule rurale, 6e sup. à la Revue Archéologique
du Centre, Tours, p. 69-80
BAyARD Didier (1996) - « La romanisation des campagnes
en Picardie à la lumière des fouilles récentes : problèmes
d’échelles et de critères », dans BAYARD Didier &
COLLART Jean-Luc (dir.) - De la ferme indigène à la villa
romaine, la romanisation des campagnes de la Gaule, Revue
Archéologique de Picardie, n° spécial 11, Amiens, p. 157184
BAyARD Didier & LEMAIRE Patrice (2000) - Les sites galloromains de l’autoroute A16 nord, section Amiens-Boulogne,
Document Final de Synthèse,AFAN, SRA de Picardie,
Amiens, p. 16-17.
BEAuJARD Stéphane (2003a) - Allonne, Extension "ZAC de
Ther", rapport de diagnostic. SRA de Picardie, Amiens.
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie.
BEAuJARD Stéphane (2003b) - Allonne, Extension "ZAC
de Ther", rapport de fouille. SRA de Picardie, Amiens.
BLANCquAERT Gertrude & DuFLOT Laurent (1992) « Saint-Aubin-Routot, RN 15 », Bilan scientiique Régional,
SRA de Haute-Normandie, p. 101-102.
BLANCquAERT Gertrude (1998) - « Cottévrard "La
Plaine de La Bucaille" (Seine-Maritime). Présentation
préliminaire de la nécropole laténienne », dans Les Rites
de la mort en Gaule du Nord à l’âge du Fer , actes de la
table-ronde de Ribemont-sur-Ancre, 4-5 déc. 1997. Revue
Archéologique de Picardie, n° 1/2, Amiens, p. 171-184.
BLANCquAERT Gertrude & DESFOSSES yves (1998) « La nécropole gauloise à incinération de La Calotterie
"La Fontaine aux Linottes" (Pas-de-Calais) ». Revue
Archéologique de Picardie, n° 1/2, Amiens, p. 135-162.
BLANCquAERT Gertrude (2000) - « La nécropole à
incinérations de la zone IV », dans DESFoSSES Yves (dir.)
- Archéologie préventive en vallée de Canche, Nord-Ouest
archéologie n° 11, p. 364-427
BLANCquAERT
Gertrude,
BuCHEZ
Nathalie,
LEFEVRE PHilippe, LE GOFF Isabelle, MENIEL Patrice
& ROuGIER Richard (2000) - La protohistoire récente sur
le tracé de l’autoroute A29. Résultats et bilan méthodologique.
Etudes et synthèse, AFAN, SRA de Picardie, Amiens.
BOyER yannick (1993) - Occupation indigène, chemin et
petite nécropole en bordure de la voie Brunehaut, Allonne "La
Chaussée de La Reine Blanche", DFS d’évaluation, SRA de
Picardie, Amiens.
BRETON Cécile (1995) - « Les torques à torsade de La Tène
ancienne dans l’Aisne : approche techno-typologique »,
Antiquités Nationales, 27, p. 99-131.
BRETON Cécile (1999) - « Les torques torsadés de l’Aisne à
La Tène ancienne : données techniques », Centre de Recherche
sur les Techniques Gréco-Romaines n° 15, Techniques antiques
du bronze 2, Méthodes d’étude - procédés de fabrication,
université de Bourgogne, p. 9-30.
BREuILLER Jean-François & GAuDEFROy Stéphane
(1990) - « La nécropole gauloise de Longueil-Sainte-Marie
"Près des Grisards" (oise) », Programme de surveillance et
d’étude archéologique des sablières de la moyenne vallée de l’Oise.
Rapport de fouille, AFAN, SRA de Picardie, Amiens.
BREuILLER Jean-François (1991) - Une nécropole de La
Tène ancienne à Longueil-Sainte-Marie (Oise). Mémoire de
Maîtrise, Paris I, 2 vol. Multigraphiés.
BREuILLER Jean-François (1992) - « La nécropole de
La Tène ancienne de Longueil-Sainte-Marie "Près des
Grisards" (oise) », dans MALRAIN François & PRoDéo
Frédéric (dir.), Rapport d’activité 1991, AFAN, SRA de
Picardie, Amiens, p. 223-236.
BLANCquAERT Gertrude & desfossés yves (2001) « La plate-forme multimodale Delta 3 de Dourges.
Un diagnostic archéologique aux résultats prometteurs »,
Bulletin de la commission départementale d’histoire et
d’archéologie du Pas-de-Calais, XIX, p. 3-24.
BRuN Patrice, GRANSAR Frédéric, GRANSAR Marc,
GuICHARD yves, PION Patrick & POMMEPuy Claudine
(1991) - Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais", Rapport de
fouille, SRA de Picardie, Amiens.
BLANCquAERT Gertrude (2004) - « Cottévrard "La
Plaine de la Bucaille" et Saint-Aubin-Routot "Le Four à
Chaux 1 et 2" », dans Six nécropoles du second âge du Fer en
Haute-Normandie, Nord-Ouest Archéologie n° 13, p. 330394.
BRuN Patrice, CONSTANTIN Claude, FARRuGIA JeanPaul, GRANSAR Frédéric, GuICHARD yves, ILETT
Mike, PION Patrick & POMMEPuy Claudine (1992)
- « Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais" », Sauvetage
archéologique dans la vallée de l’Aisne, Rapport de fouille,
SRA de Picardie, Amiens, p. 5-15.
BLONDIAu Lydie, BuCHEZ Nathalie, GuERLIN Olivier
& SOuPART Nathalie (2002) - A29 Aumale-Amiens,
rapport de sondages supericiels, INRAP Nord-Picardie, SRA
Picardie, Amiens.
BOuILLOT Jocelyne (1994a) - Vignacourt "Le Collège
2", "Les Englées", "Les Terres de La Forêt 1 et 2", rapport
d’évaluation, AFAN, SRA de Picardie.
BOuILLOT Jocelyne (1994b) - Saint-Vaast-en-Chaussée,
"Au Dessus du Grand Rideau", "Le Chemin du Marais",
"La Vallée à Leux", rapport d’évaluation, AFAN, SRA de
Picardie, Amiens.
BOuILLOT Jocelyne (1995) - Vignacourt "Au Chemin du
Haut Nord", rapport préliminaire de sauvetage urgent,
AFAN, SRA de Picardie, Amiens.
BOuILLOT Jocelyne & MATHIS Pascal (1994a) - Sondages
archéologiques secteur 1 (d’Argoeuves à Bettencourt-SaintOuen), rapport de sondages, AFAN, SRA de Picardie,
Amiens.
BOuILLOT Jocelyne & MATHIS Pascal (1994b) Vignacourt "Au Chemin du Haut Nord", "Le Collège 1",
rapport d’évaluation, AFAN, SRA de Picardie, Amiens.
BOyER yannick (1990) - « Allone-La Chaussée de La reine
Blanche », Bilan scientiique Régional, SRA de Picardie,
Amiens, p. 69.
BRuN Patrice, BuCHEZ Nathalie, GAuDEFROy
Stéphane & TALON Marc (2005) - « Bilan de la protohistoire
ancienne en Picardie », dans La recherche archéologique en
Picardie : bilans et perspective. Revue Archéologique de
Picardie, n° 3-4, 2005, p. 99-126.
BuCHEZ Nathalie & TALON Marc (2005) - « L’âge du
Bronze dans le bassin de la Somme. Bilan et périodisation
du mobilier céramique », dans BoURGEoIS J. & TALoN
M. (dir.) - L’âge du Bronze du Nord-Ouest de la France dans
le contexte européen occidental, actes de la table ronde
APRAB, 125e congrès national des sociétés historiques et
scientiiques Lille 2000, Paris CTHS, 2005, p. 159-188.
BuCHEZ Nathalie, BARBET Pierre, CANTRELLE S.,
CONVERTINI F., DuCROq Thierry, FERAy Philippe,
LEFEVRE Philippe, PRILAuX Gilles, ROuGIER Richard,
SoUPART Nathalie & WoZSNY Luc (2000) - Les sites de la
protohistoire ancienne sur le tracé de l’autoroute A29. Etudes et
Synthèse, AFAN Nord-Picardie, SRA de Picardie, Amiens.
CLEMENT PALLu DE LESSERT Marie-Paule (1995) Bouchon "Le Rideau Miquet", rapport d’évaluation, AFAN,
SRA de Picardie.
COLLART Jean-Luc (1996) – « La naissance de la villa en
Picardie : la ferme gallo-romaine précoce », dans BAYARD
Didier et COLLART Jean-Luc (dir.), De la ferme indigène à
la villa romaine, la romanisation des campagnes de la Gaule,
Revue Archéologique de Picardie, n° spécial 11, Amiens,
p. 121-156.
39
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie.
COLIN Anne (2000) - « Les habitats ruraux de l’âge du
Fer en Picardie nord-occidentale, d’après les fouilles
de l’autoroute A16 », dans MARIoN Stéphane &
BLANquAERT Gertrude (eds.) - Les installations agricoles
de l’âge du Fer en France septentrionale, actes du colloque
de Paris, 29-30 novembre 1997, Paris, p. 445-462 (études
d’histoire et d’archéologie 6).
COquIDE Catherine (1990) - Vismes-au-Val "Bois des
Dix-Sept", rapport d’évaluation, AFAN, SRA de Picardie,
Amiens.
COquIDE Catherine (1991) – Vismes-au-Val "Bois des
Dix-Sept", rapport de fouille, AFAN, SRA de Picardie,
Amiens.
DEFFRESSIGNE Sylvie (1994a) - Vauchelles-les-Quesnoy/
Nouvion, Secteur III, Rapport de sondages A16 Nord,
AFAN, SRA de Picardie, Amiens.
DEFFRESSIGNE Sylvie (1994b) - Abbeville "Sole de Baillon",
rapport d’évaluation, AFAN, SRA de Picardie, Amiens.
DELATTRE Valérie (2000) - « Les inhumations en silos
dans les habitats de l’âge du Fer du Bassin parisien », dans
MARION Stéphane & BLANquAERT Gertrude (eds.) - Les
installations agricoles de l’âge du Fer en France septentrionale,
actes du colloque de Paris, 29-30 novembre 1997, Paris, p.
299-311 (études d’histoire et d’archéologie 6).
DEMOuLE Jean-Paul (1999) - Chronologie et société dans
les nécropoles celtiques de la culture Aisne-Marne du VIe au IIe
siècle avant notre ère, Revue Archéologique de Picardie,
n° spécial 15, Amiens.
DERBoIS Martine (1993) - « Allonne "Les Bornes" », Bilan
scientiique Régional, SRA de Picardie, p. 67.
DERBOIS Martine (1995) - Allonne "Les Bornes, 2e partie",
DFS de sauvetage urgent, AFAN, SRA de Picardie,
Amiens.
DESCHEyER Nathalie (2001) - La céramique laténienne
des sites "Aux Longuets" et "Les Corroyeurs" de Fransures
(Somme), Mémoire de Maîtrise, Lille, 2001, 2 vol.
DESENNE Sophie (1991) : La nécropole de La Tène
ancienne de Bucy-le-Long "La Héronnière" (Aisne). Étude et
comparaisons. Mémoire de l’Ecole des Hautes études en
Sciences Sociales, Paris, 3 volumes.
DESENNE Sophie (1993) - Bucy-le-Long «La Héronnière»,
Bilan scientiique Régional, SRA de Picardie, p. 44-45.
DESENNE Sophie (1994) - « Bucy-le-Long "La Héronnière" »,
Bilan scientiique Régional, SRA de Picardie, p. 64-65.
DESENNE Sophie (1997) - « L’apport des méthodes
qualitatives et quantitatives à l’analyse spatiale des
nécropoles de La Tène », dans AUXIETTE Ginette,
HACHEM Lamys & ROBERT Bruno (eds.) - Espaces
physiques, espaces sociaux dans l’analyse interne des sites du
Néolithique à l’âge du Fer. Actes du 119e Congrès national
des sociétés historiques et scientiiques, Amiens, 26-30
octobre 1994, éditions du C.T.H.S., Paris, p. 369-380.
40
DESENNE Sophie, COLLART Jean-Luc, AuXIETTE
Ginette, MARTIN Gérard & RAPIN André, avec la
collaboration de DuVETTE Luc (2005) - « La nécropole
d’Orainville "La Croyère" (Aisne), un ensemble
attribuable au Aisne-Marne IV », dans Hommages à
Claudine Pommepuy, Revue Archéologique de Picardie,
n° spécial 22, p. 233-288.
DESENNE Sophie & POMMEPuy Claudine (1992) « La nécropole de La Tène ancienne de Bucy-le-Long "La
Héronnière". Présentation de la tombe à char », Bulletin
intérieur de l’Association Française pour l’étude de l’âge du
Fer, 10, p. 14-16.
DESENNE Sophie, AuXIETTE Ginette, DEMOuLE
Jean-Paul & THOuVENOT Sylvain (2007) - « Reflet
d’une communauté celtique à travers ses pratiques
funéraires : étude d’un cas, la nécropole de Bucy-leLong "La Héronnière" (Aisne) », dans BARAY Luc,
BRuN Patrice & TESTART Alain (dir.) - Pratiques
funéraires et sociétés, Nouvelles approches en archéologie et en
anthropologie sociale, Actes du colloque interdisciplinaire
de Sens tenu les 12-14 juin 2003, p. 155-168.
DESENNE Sophie, POMMEPuy Claudine & DEMOuLE
Jean-Paul (dir.) à paraître - La nécropole de Bucy-le-Long "La
Héronnière, La Fosse Tounisse" (Aisne), Revue Archéologique
de Picardie, n° spécial, Amiens.
DuFOuR Jean-yves & GROS Joeël (1992) - Oroër "Sous
le Bois Saint-Martin" Abbeville "La Castille", rapport de
sondage, AFAN, SRA de Picardie, Amiens.
DuVETTE Laurent (1994) - Limé "Les Sables Sud", DFS,
SRA Picardie, Amiens, 14 p.
DuVETTE Laurent (2002a) - Site 16A, Croixrault "La
Dériole", rapport d’évaluation, INRAP Nord-Picardie,
SRA de Picardie, Amiens.
DuVETTE Laurent (2002b) - Site 16A, Croixrault "La
Dériole", rapport de fouille, INRAP Nord-Picardie, SRA
de Picardie, Amiens.
FEMOLANT Jean-Marc (1991a) - Fransures "Les
Corroyeurs", "Aux Longuets", "La Galette", rapport de
sondage, demande de diagnostic approfondi, SRA de
Picardie, Amiens.
FEMOLANT Jean-Marc (1991b) - Loeuilly "La Fosse à
Cornouiller" (Somme), rapport de sondage, demande de
diagnostic approfondi, SRA de Picardie, Amiens.
FEMOLANT Jean-Marc (1991c) - « Verberie (Oise). un
établissement rural gaulois au lieu-dit "la Plaine de Saint
Germain" », dans Archéologie et Grands Travaux. Les Fouilles
du TGV Nord et de l’Interconnexion. Catalogue d’Exposition,
SNCF, Ministère de la Culture, 1991, p. 42-43.
FEMOLANT Jean-Marc (1997) - « Les sépultures de La
Tène D2 découvertes dans le Valois sur le tracé du TGV
Nord », Revue Archéologique de Picardie, n° 1-2, Amiens,
p. 115-126.
FEMOLANT Jean-Marc & MALRAIN François (1996) « Les établissements ruraux du deuxième âge du Fer et
leur romanisation dans le département de l’oise », dans
BAyARD Didier & COLLART Jean-Luc (dir.) - De la ferme
indigène à la villa romaine, la romanisation des campagnes de
la Gaule, Revue Archéologique de Picardie, n° spécial 11,
Amiens, p. 39-53.
FLuCHER Guy (1991) - Bouillancourt-en-Séry, "La Fosse aux
Chats" 1990, rapport d’évaluation, SRA de Picardie, Amiens.
FRIBOuLET Muriel (2004) - Revelles "à La ferme
d’Henneville", rapport d’évaluation, INRAP NordPicardie, SRA de Picardie, Amiens.
GAILLARD Denis (1992) – « Oroer "Sous le Bois SaintMartin" », Bilan scientiique Régional, SRA de Picardie, p. 69.
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie.
GAuDEFROy Stéphane (2002) - Croixrault "L’Aérodrome",
Autoroute A 29, Neufchâtel-en-Bray/Amiens, Tronçon Aumale
- Amiens (Somme), Rapport préliminaire, SRA de Picardie,
Amiens.
GAuDEFROy Stéphane (2003) - Saleux "La Vallée du Bois
de Guignémicourt", Autoroute A 29 Neufchâtel-en-Bray/
Amiens, Tronçon Aumale - Amiens (Somme), Rapport de
fouille, SRA de Picardie, Amiens.
GAuDEFROy Stéphane & PINARD Estelle (1997) « Les incinérations gauloises de Canly "Les Trois
Noyers"(oise) ». Revue Archéologique de Picardie, n° 1-2,
Amiens, p. 89-105.
GAuDEFROy Stéphane, LE GOFF Isabelle & MENIEL
Patrice (2000) - Glisy "Les Terres de Ville" Zac de la Croix
de Fer, l’occupation du premier âge du Fer et l’établissement
agricole de La Tène moyenne, Document inal de synthèse,
SRA de Picardie, Amiens.
GRANSAR Frédéric, MALRAIN Frédéric & MATTERNE
Véronique (1997) - « Analyse spatiale d’un établissement
rural à enclos fossoyés du début de La Tène inale : Jaux
"Le Camp du Roi" (oise) », dans AUXIETTE Ginette,
HACHEM Lamys & ROBERT Bruno (eds.) - Espaces
physiques, espaces sociaux dans l’analyse interne des sites du
Néolithique à l’âge du Fer. Actes du 119e Congrès national
des sociétés historiques et scientiiques, Amiens, 26-30
octobre 1994, éditions du C.T.H.S., Paris.
LEFEVRE Philippe (1999b) - Beauvois-en-Vermandois "Le
Pied de Bœuf", rapport d’évaluation, SRA de Picardie,
Amiens.
LEFEVRE Philippe (2002) - « La nécropole de Cizancourt
(Somme). Présentation des indices de hiérarchisation
interne des tombes » dans GUICHARD Vincent &
PERRIN Frédéric (dir.) - L’aristocratie celte à la in de l’âge
du Fer (du IIe siècle avant J.-C. au Ier siècle après J.-C.), Actes
de la table-ronde organisée au Mont-Beuvray, 10/11 juin
1999, Bibracte 5, Glux-en-Glenne, p. 109-112.
LE GOFF Isabelle (1996) - Cottévrard "La Plaine de la
Bucaille", Saint-Aubin-Routot "Le Four à Chaux 2". Les
sépultures à incinération, DFS, SRA de Normandie, Rouen,
Inédit.
LE GOFF Isabelle (1998a) - « étude anthropologique de
la nécropole gauloise de La Calotterie (Pas-de-Calais) »,
dans Les rites de la mort en Gaule du Nord à l’âge du Fer,
Actes de la table-ronde de Ribemont-sur-Ancre, les 4 et 5
décembre 1997, Revue Archéologique de Picardie, n° 1-2,
Amiens,p. 163-170.
LE GOFF Isabelle (1998b) - « étude anthropologique des
sépultures laténiennes de Cottévrard (Seine-Maritime) »,
dans Les rites de la mort en Gaule du Nord à l’âge du Fer,
Actes de la Table-ronde de Ribemont sur-Ancre, Revue
Archéologique de Picardie, n° 1/2, p. 185-190.
GONNET Olivia (1992a) - Loeuilly (Somme) "La Fosse à
Cornouiller", habitat gaulois et gallo-romain, rapport de
sauvetage urgent, SRA de Picardie, Amiens.
LE GOFF Isabelle (2000) - « étude anthropologique », dans
DESFOSSES yves (dir.) - Archéologie préventive en vallée de
Canche. Nord-Ouest archéologie n° 11, p. 398-413.
GONNET Olivia (1992b) - « Loeuilly "La Fosse à
Cornouiller" », Bilan scientiique Régional, SRA de Picardie,
p. 93.
LE GOFF Isabelle (2004) - « Le traitement funéraire des
défunts de Cottévrard et Saint-Aubin-Routot », NordOuest Archéologie, n° 13, p.395-402.
GONNET Olivia (1993) - « Loeuilly "La Fosse à
Cornouiller" », Bilan scientiique Régional, SRA de Picardie,
p. 129.
LEMAIRE Patrick (1993) - Auteuil "Le Moulin", rapport de
fouille, inédit.
HARNAy Véronique (2000) - Athies "Le Chemin de Croix",
rapport de fouille, SRA de Picardie, Amiens.
LEMAIRE Patrick (1994) - Bettencourt-Saint-Ouen
"Le Bacquet-La Socour", Bettencourt-St-Ouen "Bois de
Bettencourt", DFS d’évaluation archéologique, AFAN,
SRA de Picardie.
HARNAy Véronique & LAPERLE Gilles (1992) - Fransures
"Les Corroyeurs" et "Aux Longuets", gisement protohistorique
et gallo-romain, rapport d’évaluation, demande de fouille,
SRA de Picardie, Amiens.
LEMAIRE Patrick (1998) - Bettencourt-Saint-Ouen "Bois de
Bettencourt", rapport de fouille, AFAN, SRA de Picardie.
HENON Bénédicte & AuXIETTE Ginette (1997) - « une
tombe de la Tène D2 à Cuiry-lès-Chaudardes (Aisne) »,
Revue Archéologique de Picardie, n°1/2, p. 107-114.
HENON Bénédicte, AuXIETTE Ginette, PINARD Estelle
& ROBERT Bruno (2005) - « Deux ensembles de la Tène
C1 dans la vallée de l’Aisne », dans Hommages à Claudine
Pommepuy, Revue Archéologique de Picardie, n° spécial
22, p. 371-379.
HuMBERT L. & PLuTON Sylvie (1996) - Les incinérations
des sites protohistoriques de l’autoroute A16 nord, DFS, SRA
de Picardie, Amiens.
HuMBERT L. (1997) - étude anthropologique des incinérations
de l’autoroute A16 (nord), DFS, SRA de Picardie, Amiens.
JAKUBoWSKY Jean-François (1994) - « Limé "Les Sables
Nord" », Bilan scientiique Régional, SRA de Picardie, p. 75.
LEFEVRE Philippe (1999a) - Cizancourt-Licourt "La Sole
des Galets" (Somme), Tome I et II, DFS, AFAN, SRA de
Picardie, Amiens.
LEMAIRE Patrick (2000) dans BAyARD Didier &
LEMAIRE Patrick - Les sites gallo-romains de l’autoroute
A16 nord, section Amiens-Boulogne, DFS, AFAN, SRA de
Picardie, Amiens, p. 16-17.
LEMAIRE Patrick, MALRAIN François & MENIEL Patrice
(2000) - « un établissement enclos de La Tène moyenne à
Vermand Aisne : études préliminaires » dans Des enclos
pourquoi faire ? Actes de la table ronde de Ribemontsur-Ancre de décembre 1999, Revue Archéologique de
Picardie, n° 1-2, Amiens, p. 161-179.
LOBJOIS Gilbert (1974a) - « La nécropole gauloise de
Bucy-le-Long (Aisne), première étude : les tombes 001 à
051 », Cahiers Archéologiques du Nord-Est, XVIII, 31, p.67.
LOBJOIS Gilbert (1974b) - « une nécropole de La Tène IA,
Bucy-le-Long (Aisne) », Cahier Archéologique de Picardie, 2e
trimestre, p. 70.
LOBJOIS Gilbert (1977) - « La nécropole gauloise de Bucyle-Long (Aisne), deuxième étude : les tombes 052 à 082 »,
Cahiers Archéologiques du Nord-Est, XX, 36, p. 11-52, fasc.
37, p. 55-94.
41
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie.
LoCHT Jean-Luc (1992) - « Auteuil "Le Moulin" », Bilan
scientiique Régional, SRA de Picardie, p. 47.
MALRAIN François & PINARD Estelle, avec les
collaborations de GAuDEFROy Stéphane, LEROyER
Chantal, MATTERNE Véronique, MENIEL Patrice,
PASTRE Jean-François & POMMEPuy Claudine (2006)
- Les sites laténiens de la moyenne vallée de l’Oise du Ve au
Ier siècle de notre ère, Revue Archéologique de Picardie,
Amiens, n° spécial 23, 272 p. et un CDrom.
PINARD Estelle, DELATTRE Valérie, FRIBOuLET
Muriel, BRETON Cécile & KRIER Vincent (2000) « Chambly "La Remise Ronde" (Oise) : une nécropole de
La Tène ancienne », Revue Archéologique de Picardie,
n° 3/4, Amiens, p. 3-75.
MALRAIN François, MENIEL Patrice & TALON Marc
(1994) - « L’établissement rural de Jaux "Le Camp du
Roi" (oise) », dans BUSCHENSCHUTZ olivier (dir.) - Les
Installations agricoles de l’âge du Fer en Île-de-France, Paris,
p. 159-184 (études d’histoire et d’archéologie 4).
PION Patrick, POMMEPuy Claudine, GRANSAR
Frédéric, GuICHARD yves & BRuN Patrice (1991)
- « L’habitat gaulois et gallo-romain et la nécropole laténienne
de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais" », Fouilles
protohistoriques de la vallée de l’Aisne, n° 18, Soissons.
MALRAIN François, GRANSAR Frédéric, MATTERNE
Véronique & LE GOFF Isabelle (1996) - « une ferme de La
Tène D1 et sa nécropole : Jaux "Le Camp du Roi" (oise) »,
Revue Archéologique de Picardie, n° 3-4, Amiens, p. 245306.
POMMEPuy Claudine, BRuN Patrice, GRANSAR
Frédéric & PION Patrick (1990) - « L’habitat gaulois et
gallo-romain et la nécropole laténienne de Bucy-le-Long
"Le Fond du Petit Marais" », Fouilles protohistoriques de la
vallée de l’Aisne, n° 19, Soissons.
MALRAIN François, GAuDEFROy Stéphane &
GRANSAR Frédéric (2005) - « La protohistoire récente : IIIe
siècle-1ere moitié du premier siècle avant notre ère », dans
La recherche archéologique en Picardie : bilans et perspective.
Revue Archéologique de Picardie, n°3-4, 2005, p. 127-176.
POMMEPuy Claudine, AuXIETTE Ginette, DESENNE
Sophie (1998) - « Ruptures et continuités dans les
pratiques funéraires de La Tène ancienne et moyenne/
inale à Bucy-le-Long (Aisne) », Revue archéologique de
Picardie, n° 1/2, Amiens, p. 85-98.
MARTIN Gérard (1984) - Anthropologie et paleopathologie
d’une nécropole de La Tène 1 à Bucy-le-Long (Aisne). Thèse
de Médecine. université de Reims, 364 p.
POMMEPuy Claudine, AuXIETTE Ginette, DESENNE
Sophie, GRANSAR Frédéric & HENON Bénédicte (2000)
- « Des enclos à l’âge du Fer dans la vallée de l’Aisne :
le monde des vivants et le monde des morts », dans Des
enclos, pourquoi faire? Actes de la Table-Ronde de Ribemontsur-Ancre de décembre 1999, Revue Archéologique de
Picardie, n° 1/2, Amiens, p. 197-216.
MENIEL Patrice (1990) - « Les offrandes animales de
la nécropole gauloise "Près des Grisards" à LongueilSainte-Marie (oise) », Programme de surveillance et d’études
archéologiques des sablières de la moyenne vallée de l’Oise,
Rapport d’activité 1990, vol. II, études et analyses, p.131134.
MEuNIER Nelly (2002) - « Analyse fonctionnelle de la
céramique de la nécropole de Bucy-le-Long "Le Fond du
Petit Marais" (Aisne), La Tène C1-D1 », dans Repas des
vivants et nourriture pour les morts en Gaule. Actes du XXVe
colloque de l’A.F.E.A.F., Charleville-Mézières 24-27 mai
2001. Bulletin de la Société Archéologique Champenoise,
mémoire n° 16, Reims, p. 81-94.
PARIS Pascal (1991a) - Allonne, "ZAC de Ther", rapport de
fouille, SRA de Picardie, Amiens.
PARIS Pascal (1991b) - « Allonne, "ZAC de Ther" », Bilan
scientiique Régional, SRA de Picardie, p. 38.
PARIS Pascal (1998) - « Les sépultures à incinérations de
La Tène moyenne de la ZAC du Ther à Allonne (oise) »,
dans Les rites de la mort en Gaule du Nord à l’âge du Fer,
Actes de la table-ronde de Ribemont-sur-Ancre, les 4 et 5
décembre 1997, Revue Archéologique de Picardie, n° 1-2,
Amiens, p. 271-329.
PINARD Estelle, AuXIETTE Ginette, DESENNE Sophie,
GRANSAR Marc, HENON Bénédicte, LE GuEN Pascal,
LEJARS Thierry & ROBERT Bruno (2005) - Maizy "Le Bois
Gobert" Zone 2000 (Aisne), DFS, INRAP, SRA de Picardie,
Amiens, 156 p.
PINARD Estelle (1994) - Résultats et nouvelles perspectives
des études paléoanthropologiques des ensembles funéraires des
âges du Fer pour le Nord-Est de la France. Mémoire de DEA,
Paris I, 1 vol. Multigraphié.
42
PINARD Estelle (1997) - « étude anthropologique
de la nécropole de Longueil-Sainte-Marie "Près des
Grisards"(oise) - La Tène ancienne, La Tène moyenne »,
Revue Archéologique de Picardie, n° 1/2, p. 57-88.
PRILAUX Gilles (1992a) - « Villers-Vicomte "La Rozière" »,
Bilan scientiique Régional, SRA de Picardie, p. 75.
PRILAuX Gilles (1992b) - Loeuilly "Les Terres du Lieutenant
Général", gisement néolithique et protohistorique, rapport
d’évaluation, demande de sauvetage urgent, SRA de
Picardie, Amiens.
PRILAuX Gilles (1992c) - « Loeuilly "Les Terres du
Lieutenant Général" », Bilan scientiique Régional, SRA de
Picardie, p. 95-96.
PRILAuX Gilles (1994a) - Villers-Vicomte "La Rozière",
DFS de Sauvetage urgent, tome 1 et 2, SRA de Picardie,
Amiens.
PRILAuX Gilles (1994b) - Ville-le-Marclet "La Couture",
Résultats des sondages archéologiques du secteur 2,
rapport de sondage, AFAN, SRA de Picardie, Amiens.
PRILAuX Gilles (1994c) - Pont-Rémy "La Queute" et "Le
Fond de Baraquin", rapport d’évaluation, demande de
sauvetage programmé, AFAN, SRA Picardie, Amiens.
PRILAuX Gilles (1997) - Pont-Rémy "La Queute" et "Le
Fond de Baraquin", DFS, sauvetage urgent, AFAN, SRA
Picardie, Amiens.
PRILAuX Gilles (2000a) dans BAyARD Didier &
LEMAIRE Patrick - Les sites gallo-romains de l’autoroute
A16 nord, section Amiens-Boulogne, Document Final de
Synthèse, AFAN, SRA de Picardie, Amiens, p. 22-24.
PRILAuX Gilles (2000b) - « une ferme gauloise spécialisée
dans le travail du sel à Pont-Rémy "La queute" et "Le
Fond de Baraquin" (Somme). évolution et particularité
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie.
de l’espace enclos » dans Des enclos pourquoi faire ? Actes
de la table ronde de Ribemont-sur-Ancre de décembre
1999, Revue Archéologique de Picardie, n° 1-2, Amiens,
p. 233-255.
SOuPART Nathalie, COLLART Jean-Luc, DuVETTE
Laurent & PISSOT Véronique (1995) - Limé "Les Sables".
Nécropole antique fouille 1994-1995, DFS, SRA de Picardie,
Amiens, 112 p.
PRILAuX Gilles (2002) - La production du sel à l’âge du Fer.
Contribution à l’établissement d’une typologie à partir des
exemples de l’autoroute A16, Protohistoire européenne 5,
Montagnac, 109 p.
SOuPART Nathalie, BLONDIAu Joël, COquERELLE
Sylvie, COLLART Jean-Luc & DuVETTE Laurent (1997)
- Limé "Les Sables". Nécropole Antique, fouille 1996-1997,
DFS, SRA Picardie, Amiens, 95 p.
PRILAuX Gilles (2007) - « Le site d’Estrées-Déniécourt
(80) "Derrière le Jardin du Berger». Découverte de
probables tubes à libations chez les Viromanduens", dans
Feux des morts, foyers des vivants, les rites et symboles du feu
dans les tombes de l’âge du Fer et de l’époque romaine, Actes
du XXVIIe colloque international de HALMA-IPEL uMR
8164, Revue du Nord, p. 51-64.
SOuPART Nathalie & DuVETTE Laurent avec la
collaboration de PISSOT Véronique (2005) - « Limé
"Les Sables" (Aisne), les sépultures et les dépôts de La
Tène », dans Hommages à Claudine Pommepuy, Revue
Archéologique de Picardie, n° spécial 22, p. 289-326.
PRILAuX Gilles & HAuRILLON Roland (1992) - Loeuilly
(Somme) "Les Terres du Lieutenant Général", gisement
protohistorique et gallo-romain.
quEREL Pascal & FEuGERE Michel (2000) - L’établissement
rural antique de Dury (Somme) et son dépôt de bronzes (IIIe s.
avant J.-C. - IVe après J.-C.), Revue du Nord, hors série
n° 6, 201 pages.
RICHE Pierre & RICHE Corinne (1992) - Allonne (Oise)
"Les Bornes", Rapport d’évaluation, demande de fouille,
août 1992, SRA de Picardie, Amiens.
ROBERT Bruno, PINARD Estelle, AuXIETTE Ginette,
GRANSAR Marc & HENON Bénédicte (2008) - « une
sépulture aristocratique à Maizy "Le Bois Gobert"(Aisne)»,
Revue Archéologique de Picardie, 3/4, Amiens, p. 23-60.
ROuGIER Richard (1998a) - Soyecourt "La Sole des
Tombeaux", Rapport d’évaluation, AFAN, SRA Picardie,
Amiens.
ROuGIER Richard (1998b) - Fresnes-Mazancourt "La Sole
du Moulin", rapport d’évaluation, demande de fouille,
AFAN, SRA Picardie, Amiens.
SyLAVIE Steven (1994) - Saint-Sauveur "Le Champ à Trois
Coins", DFS d’évaluation archéologique, AFAN, SRA de
Picardie, Amiens.
TALON Marc & MALRAIN François (1994) - « Jaux
"Le Camp du Roi" », Bilan scientiique Régional, SRA de
Picardie, p. 86-88.
THEVENET Corinne (2002) - Les inhumations et les
incinérations de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais"
(Aisne) : archéo-anthropologie d’une population de la in de
l’âge du Fer. Mémoire de maîtrise, université de Paris I,
datylographié, 2 volumes.
TIKONOFF Nicolas (1994a) - Sailly-Flibeaucourt "Voie de
Port", "Les Anglais", rapport d’évaluation, AFAN, SRA de
Picardie, Amiens.
TIKONOFF Nicolas (1994b) - Sondages archéologiques
secteur 4 (de Nouvion à Nampont-Saint-Martin), rapport de
sondages, AFAN, SRA de Picardie, Amiens.
TIKONOFF Nicolas (1994c) - Bernay-en-Ponthieu
"Tirancourt", rapport d’évaluation, AFAN, SRA de
Picardie, Amiens.
ROuGIER Richard (1998c) - Gentelles "Bois de Tronville",
rapport d’évaluation, AFAN, SRA Picardie, Amiens.
TIKONOFF Nicolas - BAyARD Didier & LEMAIRE
Patrick (2000) - Les sites gallo-romains de l’autoroute A16
nord, section Amiens-Boulogne, DFS, AFAN, SRA de
Picardie, Amiens, p. 34-35.
ROuGIER Richard (1998d) - Framerville-Rainecourt "Le
Fond d’Herleville", rapport d’évaluation, AFAN, SRA
Picardie, Amiens.
WATEL F. (1998) - Rapport taphonomique sur les squelettes de
Fresnes-Mazancourt et Framerville-Rainecourt, SRA Picardie,
Amiens.
SOMMé J. (1979) – « quartenary coastlines in northern
France ». Annales Quing. Cel., 2, 1979, p. 147-158.
SOuPART Nathalie (2004) - Vraignes-lès-Hornoy "Le Bois
de Vraignes" (Somme), rapport d’Evaluation, INRAP, SRA
de Picardie, Amiens.
43
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie.
Les auteurs
Sophie DESENNE, INRAP, UMR 7041 « Protohistoire Européenne »
Geertrui BLANCquAERT, INRAP
Stéphane GAuDEFROy, INRAP
Marc GRANSAR, INRAP, UMR 7041 « Protohistoire Européenne »
Bénédicte HENoN, INRAP, UMR 7041 « Protohistoire Européenne »
Nathalie SOuPART, INRAP, uMR 8164
résumé
L’étude s’appuie sur l’analyse de 73 occupations funéraires réparties dans le quart nord-ouest de la France,
du Aisne-Marne IIA (La Tène A1) à La Tène D2. L’approche méthodologique tend à caractériser les espaces
funéraires laténiens et leur évolution dans la région picarde. À cette in, nous avons élaboré une grille d’analyse
qui prend en compte en premier lieu des critères concernant l’environnement géographique (plateau, vallée,
plaine et littoral), topographique (terrasse, versant, rebord, replat et butte), mais aussi humain (accolé ou à
proximité d’un site d’habitat, d’un tertre de terre ou tumulus) ; puis, en second lieu, des critères concernant
la morphologie, l’organisation et l’évolution de l’espace funéraire. Ces espaces sont ouverts ou fermés avec
des éléments de délimitation de type chemins ou enclos, accolés ou non à une occupation domestique. Les
sépultures sont isolées, groupées, en noyaux, organisées de façon linéaire ou implantées de façon aléatoire
sans organisation apparente. Dans certains cas, on note la présence d’éléments structurants, anciens tumulus,
sépultures aristocratiques contemporaines ou légèrement antérieures, espaces vides. L’évolution du site, elle,
est perceptible à travers le nombre de phases et le développement de l’espace funéraire avec une densiication
sur place, une extension ou un déplacement. L’analyse de ces paramètres permet de déinir des catégories de
sites et de mettre en évidence des choix différents d’un point de vue chronologique et géographique.
L’objectif est d’appréhender l’évolution générale de la structuration sociale et de mettre en évidence les
choix d’implantation et de gestion de l’espace funéraire au cours du second âge du Fer.
Mots-clés : Choix d’implantation des espaces funéraires, second âge du Fer, Picardie, typologie des sites.
abstract
This paper is based on the analysis of 73 burial sites spread out over the northwestern quarter of France,
dating from the Aisne-Marne II A (La Tène A1) to the La Tène D2 periods. The methodological approach aims
to characterize the La Tène burial areas and their evolution in Picardy. To this end, we drew up an analytical
grid which takes into account, in the irst place, criteria related to the geographical situation (plateau, valley,
plain and coastal region), to topographical features (terrace, side, edge, shelf and hill), but also to the human
environment (attached to or in close proximity to a dwelling zone, a mound or tumulus); and, in the second
place, criteria related to the morphology, the organization and the evolution of the burial area itself. These areas
may be open, or delimited by boundaries such as paths or enclosures; they may be attached to a settlement,
or not. The burials may be isolated, or form groups, or nuclei; they may be distributed in lines or scattered at
random with no apparent organization. In certain cases, we may note the existence of structuring factors such
as pre-existing tumuli, contemporary or slightly earlier aristocratic burials, empty spaces. As concerns the
evolution of the site, it may be traced in the number of stages and in the growth of the cemetery, with either a
densiication on the spot, or an expansion, or a shift to another zone. The study of these parameters enables us
to deine certain groups of sites and to highlight certain differences in the options adopted according to time
and space.
The aim is to understand the general evolution of the social structuring, and to highlight the choices
governing the installation and management of the funerary space during the La Tène period.
Key words : choice of funerary sites, La Tène, Picardy, site typology.
Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX
Zusammenfassung
Die Studie stützt sich auf die Analyse von 73 im nordwestlichen Viertel Frankreichs gelegenen Gräbern
aus Aisne-Marne IIA (Latène A1) bis Latène D2. Ziel der methodologischen Betrachtung ist es die Eigenarten
der latenezeitlichen Gräberfelder und deren Entwicklung in der Picardie aufzuzeigen. Hierfür haben wir ein
44
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie.
Analyse-Schema ausgearbeitet, das in erster Linie Kriterien des geographischen (Plateau, Tal, Ebene, Küste)
und topographischen (Terrasse, Hang, Rand, Ebene, Anhöhe) umfeldes berücksichtigt, daneben jedoch
auch menschliche Kriterien nicht außer Acht lässt (Lage direkt bei oder in der Nähe einer Siedlung, einer
kleinen, aus Erde aufgeschütteten Anhöhe oder eines Tumulus); an zweiter Stelle stehen morphologische
Kriterien sowie Kriterien der Organisation und der Entwicklung des Grabbereiches. Diese Bereiche sind offen
oder durch Wege oder Umfriedungen eingefasst, in der Nähe eines Siedlungsbereiches gelegen oder nicht.
Die Grabstätten liegen entweder einzeln, in kleinen Gruppen, in Reihen oder anscheinend zufallsbedingt,
ohne sichtbare Organisation. In einigen Fällen bemerkt man das Vorhandensein strukturierender Elemente,
ehemaliger Tumuli, zeitgenössischer oder wenig älterer Fürstengräber, oder auch Leerräume. Die Fundstelle
weist mehrere Phasen auf, die im Grabbereich an einer Verdichtung, Ausweitung oder Verlegung fassbar
sind. Die Analyse dieser Parameter erlaubt es Fundplatzkategorien zu deinieren und unterschiedliche
chronologische und geographische Entscheidungskriterien aufzuzeigen.
Ziel ist es, die allgemeine Entwicklung der sozialen Strukturierung zu erfassen und aufzuzeigen, welche
Kriterien bei der Standortwahl des Grabbereiches eine Rolle gespielt hatten welchen Veränderungen dieser
Bereich im Laufe der jüngeren Eisenzeit unterlag.
Schlüsselwörter : Auswahlkritrien der Standortwahl der Grabbereiche, jüngere Eisenzeit, Picardie,
Typologie der Fundstellen.
Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr).
45
RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à
partir des fouilles récentes.
IMpLantatIon Et orGanIsatIon DEs EspaCEs FUnéraIrEs
à La tènE anCIEnnE Et aU DéBUt DE La tènE MoYEnnE En
CHaMpaGnE à partIr DEs FoUILLEs réCEntEs
Lola BONNABEL , Sylvie CuLOT, Vincent DESBROSSE & Marion SAuREL
La Champagne a été intensément occupée
pendant le deuxième âge du Fer. Ce pourtour
oriental du Bassin parisien est un gisement
exceptionnel en sépultures de l’âge du Fer. Cette
richesse a eu un coût, car il est peu d’autres régions
de France où le passé a été aussi systématiquement
pillé. Au XXe siècle, ces saccages se sont accélérés,
s’aidant du repérage par photographie aérienne et
d’un usage abusif du détecteur à métaux, mais de
véritables fouilles scientiiques ont aussi été mises
en place. Au cours de ce siècle, l’intérêt va dépasser
l’échelle de l’objet pour atteindre celle de la tombe
et du site. Ces travaux scientiiques (par exemple
faVret 1927, brisson et al. 1970 et 1972, rozoy 1987)
furent la base principale d’une synthèse publiée en
1999 (deMoule 1999).
L’archéologie préventive a permis de
multiplier les observations et d’agrandir encore
les échelles d’analyse : les décapages et sondages
systématiques ouvrent des fenêtres de milliers
d’hectares offrant à l’examen l’organisation spatiale
des sites entre eux tandis que des décapages plus
ou moins extensifs permettent d’appréhender la
morphologie des occupations funéraires. L’étude de
ces occupations elles-mêmes, de leur structuration,
de leur dynamique d’implantation, se fonde sur la
confrontation de données de natures variées telles
que l’architecture et la mise en scène de la tombe,
le traitement des corps, l’identité des défunts, la
chrono-typologie… Dans le cadre de cet article,
nos objectifs restent limités. Il s’agit tout d’abord
d’observer 2 fenêtres géographiques où occupations
funéraires et habitat se côtoient. La question des
types de sites funéraires sera ensuite évoquée
ainsi que certains aspects caractéristiques de leur
morphologie. L’étude s’appuie sur les travaux d’un
projet de recherche initié en 2006 s’intitulant Pratique
funéraire et sociétés de l’âge du Fer en ChampagneArdenne auquel participent les auteurs.
IMpLantatIon rELatIvE DEs CIMEtIèrEs
Et HaBItats ContEMporaIns
En 1999, Jean-Paul Demoule notait que la position
de la nécropole vis-à-vis de l’habitat reste problématique
puisqu’elle n’a pu être observée qu’à Chassemy (Aisne)
où l’habitat qui a été partiellement mis au jour au cours
d’un sauvetage (rowlette & boureux 1969) se trouvait
à 500 m environ de la nécropole fouillée au siècle dernier
(deMoule 1999, p 179).
En effet, retrouver les associations entre habitats
et nécropoles laténiennes et comprendre comment
les uns s’organisent par rapport aux autres se
heurtent à plusieurs dificultés. Tout d’abord, les
surfaces prospectées doivent être sufisamment
vastes et/ou bien positionnées. Ensuite se pose le
problème de la détection des petites occupations
notamment domestiques. Enin, dernier écueil,
il faut disposer d’une quantité de mobilier datant
sufisante pour pouvoir proposer une éventuelle
contemporanéité entre les deux occupations. Les
exemples où l’on peut mettre en relation un lieu
funéraire et un habitat sont donc peu nombreux.
Deux secteurs de la plaine crayeuse se prêtent
néanmoins à cet exercice.
Les communes de Witry-lès-Reims et de Caurel,
à quelques kilomètres au nord-est de Reims, ont
fait l’objet d’intenses prospections à la in du
XIXe et au début du XXe siècle puis, récemment
ces terroirs ont été concernés par des opérations
d’archéologie préventive. Ainsi, aux 5 cimetières
connus depuis un siècle, sont venus s’en ajouter
deux. Les découvertes fortuites (réalisées lors de
la construction de maisons à partir de 1840, puis,
en 1875, du fort de Witry) pouvaient contribuer à
corriger le biais des méthodes de prospection de
l’époque qui privilégiaient certaines approches
comme la toponymie, la position topographique, etc.
En outre, la grande quantité de cimetières fouillés
au XIXe siècle permettait déjà de noter quelques
implantations préférentielles. Ainsi, en 1908, dans
son article sur les cimetières gaulois de Witry-lèsReims, Auguste Bourin notait que contrairement à la
plupart des cimetières gaulois situés le plus souvent sur le
penchant d’une colline, [celui de la Neufosse] se trouve
dans une gorge dont la direction est du nord-est au sudest (bourin 1908). Les opérations archéologiques des
quinze dernières années ont permis d’aborder des
milieux topographiques variés. Les deux nouvelles
occupations funéraires, Witry-lès-Reims, "La
Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à partir des fouilles récentes.
47
RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à partir
des fouilles récentes.
50 m
130 m
structures et bâtiment de La Tène C
structures et bâtiments protohistoriques
antérieurs à La Tène C ou mal calés
structures et bâtiments gallo-romains
structures et bâtiments non datés
0
100 m
DAO: Nathalie Achard-Corompt, Inrap
Mise en forme : Vincent Desbrosse, Inrap
Fig. 1 - Bussy-Lettrée (Marne), "Europort de Vatry, ZAC 2", "En Haut des Gravelles", site 24 -25. Responsable de la fouille:
Nathalie aChard-CoroMpt Inrap.
Commelle" et Caurel, "Le Puisard" se situent toutes
les deux dans la partie haute de versants. La partie
explorée du cimetière de Caurel, implanté près d’une
crête molle, a livré des tombes datées entre l’Aisne
Marne II B et l’Aisne-Marne III C (bonnabel et al.
2004 et note 1). Au nord, en descendant cette pente
douce, 3 noyaux d’habitat ont été détectés, mais un
seul est connu intégralement. Le premier est situé à
seulement 250 m des tombes. L’occupation principale
se concentre de l’Aisne-Marne IIB au IIIA (saurel,
dans lenda en cours). Le deuxième « pôle » est marqué
par un silo, situé à 530 m en bordure de projet. Le
mobilier le rattache à la période laténienne sans qu’il
soit possible d’être plus précis (laloo 2005). Enin,
le dernier ensemble de structures, situé entre 550 et
1 - Le site a été appréhendé lors de deux campagnes ; la
première en 1997 sous la direction de Bruno robert et la
seconde sous celle de Lola bonnabel en 2001.
48
750 m de la nécropole, est daté de l’Aisne-Marne IIB –
IIC ("Le Puisard" 5, 7 et 8) et de l’Aisne-Marne III ("Le
Puisard 14" ; desenne dans koehler 1997). La distance
relevée sur le site de Chassemy, 500 m (deMoule 1999),
entre donc dans la fourchette de celles observées à
Caurel. Dans ce dernier cas, la présence de plusieurs
noyaux de structures indique qu’il s’agit soit d’un
établissement qui s’est déplacé (le chevauchement
étant lié aux fourchettes de datation) soit de plusieurs
habitats contemporains. Si la deuxième hypothèse se
vériiait, ceci pourrait expliquer l’existence de plusieurs
noyaux synchrones peu espacés, dans des nécropoles
comme celle de Witry-lès-Reims "La Commelle", car
plusieurs établissements contemporains auraient
enterré leurs morts sur le même relief. Pour pouvoir
l’afirmer, il faudrait disposer d’une quantité de
mobilier sufisante et approfondir la comparaison
des productions des points de vue morphologiques et
techniques.
RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à
partir des fouilles récentes.
Le deuxième secteur est celui de l’Europort de Vatry
où sur les 470 ha de ZAC sondés, 3 sites funéraires
laténiens ont été repérés puis fouillés : DommartinLettrée "Les Coupes" comptant 15 individus (AisneMarne IIIB-IIIC ; paresys 2007), Bussy-Lettrée "La
Basse Cour" , 3 défunts (2 femmes et un enfant ; La
Tène B2-C1 ; riquier et al. 2007) et Bussy-Lettrée "En
Haut des Gravelles" (ig. 1), 5 défunts pour 4 tombes
(3 femmes et 2 enfants dont un incinéré ; La Tène C ;
aChard-CoroMpt et al. 2006). Ces sites funéraires,
ainsi que les autres nécropoles fouillées à proximité,
se trouvent dans la partie sommitale des petits monts
(bailleux & riquier 2005). Seul le décapage d’"En
Haut des Gravelles" a livré des structures d’habitat
contemporaines, La Tène C, de la nécropole située
à proximité. Le maillage très lâche des occupations,
dans ces terres crayeuses éloignées des vallées,
renforce cette probable contemporanéité. Là aussi
le cimetière domine les structures d’habitat qui sont
situées entre 50 et 150 m en contre bas, à l’est et
au sud. à partir de la dernière structure d’habitat
laténienne datée, on trouve successivement 3
tombes, un enclos quadrangulaire puis, au-delà,
une fosse d’extraction non datée mais qui pourrait
avoir un lien avec le monument. un cimetière du
même type - 4 tombes à proximité d’un petit enclos
quadrangulaire - a été mis au jour à Perthes (HauteMarne) dans un secteur sans relief signiicatif
(lalleMand 1999). Cet espace recelant également
plusieurs occupations domestiques diachroniques,
il n’est pas aisé d’en rattacher, l’une en particulier,
au cimetière.
Dans ces deux cas de la plaine crayeuse, Caurel
et Bussy-Lettrée, le site funéraire est situé plutôt
en haut de versant avec un ou plusieurs habitats
contemporains implantés à proximité, plus bas
dans la pente. Pour mieux vériier cette relation et
replacer le cimetière dans le paysage de l’époque, il
conviendra de développer le corpus en prenant en
considération l’ensemble des vestiges découverts y
compris les vestiges d’habitat les plus discrets.
DEs sItEs FUnéraIrEs DE
MorpHoLoGIE varIéE
La culture Aisne-Marne se développe pour
l’essentiel dans la partie septentrionale de la plaine
crayeuse.
Quatre types d’occupation funéraire ont pu être
observés grâce aux décapages extensifs :
- les nécropoles (dont l’étendue peut être plus ou
moins exhaustivement décapée)
- les petits groupes de tombes ;
- la tombe isolée ;
- les inhumations en structure réutilisée, voire
détournée.
La taille des lieux funéraires est peut-être
corrélée à celle des habitats ou à leur durée
d’occupation. Cependant, on observe également
des variations géographiques, variations pouvant
être d’origine culturelle car concernant des groupes
humains différents, ou d’origine chronologique,
toute la région n’étant pas occupée de manière
homogène sur toute la période. Il convient aussi
de noter que ces différents types de sites n’ont pas
été détectés de la même manière. Les nécropoles
ont systématiquement été perçues lors des phases
de diagnostic. En revanche les autres formes
d’occupations ont pu échapper aux tranchées et
n’être découvertes que lors du décapage (bonnabel
et al. 2007). Ceci tend évidemment à donner une
image prépondérante de l’usage de la nécropole et
à sous-estimer le nombre des petits ensembles.
Les différents types d’occupations ne se
répartissent pas de manière aléatoire d’un point
de vue géographique (ig. 2). En frontière sud-est
de la culture Aisne-Marne, dans le Perthois, zone
alluvionnaire aux riches couvertures limoneuses,
extrêmement exploitée archéologiquement, aucune
nécropole de La Tène ancienne n’a été découverte
ces 20 dernières années. En revanche, des tombes
de cette période, dont une à char, ont été mises en
évidence à Plichancourt "Les Monts" (2), dispersées
au sein d’un lieu funéraire utilisé à différentes phases
du néolithique puis à la in de l’âge du Bronze et au
Hallstatt inal. Sur le site voisin de Perthes, carrière
bénéiciant d’un suivi archéologique depuis 1992,
on dénombre un petit groupe de 5 tombes de La
Tène moyenne (lalleMand et al 1999) puis, 500 m
plus loin, 2 autres sépultures isolées de la même
période distantes de 140 m l’une de l’autre (3).
La répartition géographique se combine avec
une distribution chronologique particulière. Deux
autres petits groupes de tombes de 3 et 5 défunts
de La Tène moyenne se situent dans l’espace de
l’Europort de Vatry, donc, comme à Perthes, au sud
de la culture Aisne-Marne. un troisième, regroupant
8 défunts (durost et al. 2007), est localisé encore plus
au Sud, près de Troyes, en dehors de l’aire culturelle
de l’Aisne-Marne. Particulièrement dans cette
zone des alentours de Troyes et plus généralement
dans l‘Aube, il est frappant de constater que les 4
autres opérations de fouilles récentes ayant révélé
des squelettes laténiens livrent des inhumations
en structures réutilisées (ig. 2), totalisant 23
défunts. La proportion de défunts en structures
réutilisées issus des fouilles récentes (4) est là de 66
% contre 9 % à l’échelle régionale ! D’un point de
vue chronologique, il semble que la pratique des
inhumations en silos prend un essor particulier à
partir de La Tène B2/C1.
2 - Onze hectares sondés et plus de six décapés.
3 - Découvertes lors d’opération successivement réalisées
sous la responsabilité de G. Verbrugghe puis y. Thomas
4 - Ce résultat pourrait peut-être se trouver tempéré par les
résultats de diagnostique que nous n’avons pas intégrés.
49
RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à partir
des fouilles récentes.
nécropoles
sépultures en silos
Charleville
31
17
4
10-11
36-37
26
Reims
35
12-13
30
25-32
34
3
1-2
6
Châlons-en-Champagne
28
7-8-9
29
22-23
21
16
14
Vitry-le-François
18-19-20
Saint-Dizier
1. Auve, La Vigne
2. Auve, Le Chemin de Ternière
3. Avenay-Val-D’Or, Sorange
4. Brienne-sur-Aisne, La Croizete
5. Buchères, Parc Logistique
6. Bussy-le-Château, Le Bout des Forces
7. Bussé-Letrée, La Basse Cour
8. Bussy-Letrée, En Haut des Gravelles
9. Bussy-Letrée, Le Petit Vau Bourdin
10-11. Caurel, Le Puisard
12-13. Champfleury, A Mi Champ/RN51
14. Dommartin-Letrée, Le Petit Variouse
15. Lavau, Les Corvées
16. Loisy-sur-Marne, Le Grand Champ
17. Neuflize, Le Clos
18-19-20. Perthes, Pièce des Essarts, La Grande Pièce
21. Plichancourt, Les Monts
22. Pogny, Les Acletes
23. Pogny, Les Baraques
24. Pont-sur-Seine, Marnay, La Gravière et La Justice
25. Puilsieulx, Le Mont de la Cuche
26. Reims, ZAC de la Neuvillete
27. Saint-André-les-Vergers, Rocade Ouest de
Troyes
28. Saint-Memmie, Rue du Pont Alips
29. Sarry, Les Auges
30. Sillery, Le Clos Harlogne
31. Tagnon, Les Avergères
32. Taissy, Le Mont de la Cuche
33. Torvilliers, Zone d’Activité
34. Val-de-Vel, Moncheux
35. Vrigny, Les Robogniers
36. Witry-les-Reims, La Commelle
37. Witry-les-Reims, Le Village-La Commelle
24
Perthois
15
33
Troyes
27
5
Langres
- 100 m
100 à 200 m
200 à 300 m
300 à 400 m
400 à 500 m
0
50 km
Fig. 2 - Répartition des sépultures et inhumations en structures réutilisées de La Tène ancienne et du début de à La Tène
moyenne fouillées depuis 1997. Mise à jour novembre 2007 Christelle laGatie (SRA) sur un fond de carte de Erick tappret
(†, SRA).
50
RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à
partir des fouilles récentes.
LEs néCropoLEs DE La tènE anCIEnnE :
aspECts DE L’orGanIsatIon
La nécropole n’est donc pas le seul lieu
d’inhumation. Elle concerne néanmoins la majorité
des défunts qui nous sont parvenus. Sur un corpus
de 475 défunts, datés de La Tène A et La Tène C, 3
sites regroupent à eux-seuls 48,6 % des individus
(5). On trouve ensuite de plus petits ensembles dont
les limites spatiales ont été atteintes : 2 nécropoles
de 29 individus chacune - 12,2 % des défunts - (6) et
des petits groupes de 3 à 8 tombes (4,6 %). D’autres
individus sont issus de structures d’ensilage
réutilisées (9 %) ou sont isolés (1,2 %). Enin les
derniers exemples proviennent d’ensembles dont
les limites sont incertaines.
Des propositions concernant l’organisation des
nécropoles ont déjà été formulées, notamment
par J.-P. Demoule (deMoule 1999) et J.-G. Rozoy
(rozoy 1981). L’apport des données récentes permet
de décrire une réalité à la fois plus complexe et
davantage normée.
Les sites ont été décapés de manière plus ou
moins étendue en fonction des aménagements, sur
une surface de 3 000 m2 à environ 3 ha (ig. 3 et 4).
à plusieurs reprises, des limites des nécropoles ont
été atteintes par le décapage. Elles sont souvent
inscrites dans un espace parallélépipédique, mais
parfois la morphologie générale n’est pas décelable,
comme à Val-de-Vesle ou à Reims "La Neuvillette",
et la forme « ellipsoïdale » (deMoule 1999, p. 181) ne
permet pas non plus de les décrire.
L’oRIENTATIoN « PRINCIPALE » DES SéPULTURES
Si les défunts ont presque toujours la tête
disposée vers l’ouest, l’amplitude des variations
va du sud-ouest au nord-ouest. L’orientation la
plus septentrionale (Sarry "Les Auges", Pogny "Les
Baraques", ig. 3) est à 90° de la plus méridionale
(Auve "Le Chemin de Ternière", ig. 4). Au sein d’une
même nécropole, les divergences paraissent liées
aux regroupements de sépultures. Les cas de tombes
disposées de manière antipodiques sont répétitifs.
L’orientation des tombes semble parfois avoir pour
objet de souligner les limites de la nécropole, comme
à Caurel "Le Puisard" voire à Auve. L’homogénéité
des situations au sein d’une même nécropole lui
confère un aspect plus ou moins organisé. Ainsi, les
nécropoles très structurées telles que Brienne-surAisne, Sarry, Auve, Pogny, voire Val-de-Vesle (ig. 3
et 4) présentent chacune une orientation dominante
très reconnaissable.
Pour Champleury, les 2 groupes de tombes
présentent chacun une direction principale
différente : nord pour le groupe sud et ouest pour
le groupe nord (ig. 4). Ces données récentes ne
paraissent donc pas conirmer strictement ce que
proposait J.-P. Demoule, soit une disposition des
tombes vers le nord-ouest pour le sud et l’ouest de
la zone Aisne-Marne, incluant Witry-lès-Reims et
Sarry, même si elle paraît en effet la plus courante.
En revanche, l’orientation plus franchement
occidentale repérée pour le nord de la zone, soit le
sud des Ardennes s’observe à Brienne-sur-Aisne
(deMoule 1999, p. 182).
Au sein même de la nécropole, 4 paramètres
présentent des variations signiicatives :
- la densité des tombes ;
- l’orientation dominante des sépultures ;
- l’organisation en groupe ;
- la structuration globale, au delà de l’échelle du
groupe.
DE L’ORGANISATION D’uN GROuPE à
LA STRuCTuRATION DE L’ENSEMBLE
D’uNE NéCROPOLE
LA DENSITé DES TOMBES
L’association la plus proche est le partage de
la tombe, puisque pour certaines nécropoles, le
regroupement de plusieurs individus au sein d’une
même fosse concerne plus de la moitié des défunts.
Cette pratique ne sera pas abordée dans cet article
où nous nous concentrerons sur l’organisation
visible en plan (7). De même nous n’aborderons
pas les hypothèses relevant de l’interprétation de la
volonté de regrouper les défunts.
Pour un nombre de défunts équivalent (74), la
nécropole de Sarry "Les Auges" occupe moins de la
moitié des 7 300 m2 décapés, soit à peine 3 250 m2,
tandis que celle de Reims "La Neuvillette" s’étend
sur les 3 ha décapés, même si les tombes sont plus
concentrées en partie centrale et plus dispersées en
périphérie.
Les nécropoles paraissent structurées en fonction
de deux nécessités : associer les défunts et organiser
l’espace commun les accueillant.
Le regroupement de deux tombes, le plus souvent
côte à côte et parallèles, est très fréquent. Ce type
5 - Nécropoles de : Sarry "Les Auges", Reims "La
Neuvillette", Val de Vesle "Moncheux", fouillées sous la
responsabilité de L. bonnabel, en collaboration avec S.
desenne pour la nécropole de Reims.
6 - Pogny "Les Baraques" et Brienne-sur-Aisne "La
Comelle".
7 - La pratique de l’inhumation successive atteste
cependant du marquage des tombes et de sa durabilité
(rozoy 1981). Les données récentes ont en outre permis
d’illustrer les modes opératoires de ces pratiques.
51
RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à partir
des fouilles récentes.
Pogny
"Les Acletes"
Ro : D. Rollin
Val de Vesle
“Moncheux”
Ro : L. Bonnabel
Vrigny
"Les Robogniers"
Ro : L. Bonnabel
Brienne sur Aisne
"La Croisete"
Ro : L. Bonnabel
Silo
Silo avec défunt
Sarry
"Les Auges"
Ro : L. Bonnabel
0
52
Reims
"ZAC La Neuvillete"
Ro : L. Bonnabel et S. Desenne
100 m
Fig. 3 - Plans simpliiés de nécropoles de La Tène ancienne (fouilles Afan-Inrap).
RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à
partir des fouilles récentes.
Dommartin-Letrée
"Les Coupes"
Ro : C. Paresys
Caurel
"Le Puisard"
2001
Ro : L. Bonnabel
Caurel
"Le Puisard"
1997
Ro : B. Robert
Witry les Reims
"La Comelle"
Ro : B. Robert
Champfleury
"A mi Champ"
2005
Ro : S. Culot
Auve
"Le chemin de Ternière"
Ro : L. Bonnabel
0
100 m
Fig. 4 - Plans simpliiés de nécropoles de La Tène ancienne (fouilles Afan-Inrap).
Champfleury
"A mi Champ"
2003
Ro : L. Bonnabel
53
RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à partir
des fouilles récentes.
d’association est clairement établi à Brienne-surAisne, Caurel "Le Puisard" et Pogny "Les Aclettes"
(8) , voire à Witry-lès-Reims "La Comelle" (9).
Parfois, plus de deux tombes sont installées côte
à côte, formant ainsi des rangées. C’est le cas à Auve
mais également à Sarry et à Pogny, ce qui accentue
l’impression d’une gestion globale de l’espace
funéraire. Dans le cas de Pogny, des fosses accouplées
peuvent s’organiser en rangées, permettant ainsi
de répondre aux deux exigences : associer certains
défunts et structurer un espace commun.
Le regroupement peut également se faire en
« grappe », comme à Witry-lès-Reims "La Comelle".
Dans d’autres cas, il s’agit de petits paquets plus ou
moins parallélépipédiques, les tombes s’organisant
parfois à angle droit les unes par rapport aux autres
comme à Reims "La Neuvillette" ou à Champleury
"à Mi Champ". On retrouve, en réduction dans la
forme de ces petits groupes, ce que J.-P. Demoule a
déini comme étant les deux types de morphologie
des nécropoles : quadrangulaire et ellipsoïdales
(deMoule 1999, p. 181).
Si les sépultures groupées semblent disposées
selon une logique propre à ce regroupement, les
indices d’une organisation générale sont également
plus ou moins apparents. Cette dernière se fait selon
un maillage souple, à tendance orthonormé, avec,
d’une part, des axes plus ou moins transversaux
aux tombes, qui correspondent aux rangées (mais
qui peuvent parfois être une bande de terrain
incluant plusieurs tombes non strictement alignées),
et, d’autre part, des axes correspondant plus ou
moins à l’axe longitudinal de plusieurs fosses que
nous appellerons « enilades ». Des enilades de
tombes sont perceptibles sur les sites de Val-deVesle, Brienne-sur-Aisne, Sarry, Pogny, Reims,
Champleury, et parfois même sur des sites ou
aucune rangée n’est perceptible comme à Reims ou
Champleury.
Rangées et enilades permettent de souligner
un autre élément structurant des nécropoles :
les espaces préservés de sépultures. Ces espaces
peuvent être allongés et alors interprétés comme
des lieux de circulation ou dédiés à des pratiques
en rapport avec l’inhumation ou le souvenir. Ce
fait est particulièrement frappant à Val-de-Vesle,
où une enilade de tombes s’étend le long d’un
espace accueillant des bâtiments qui peut être
considéré comme le principal axe de circulation de
la nécropole. Dans d’autres cas, l’espace préservé
de sépultures s’étend sur tout le pourtour des
8 - Fouille réalisée sous la responsabilité de Denis rollin,
Afan, 1994.
54
9 - Fouille sous la responsabilité de B. Robert, (bonnabel
et al. 2004)
15
115
5
0
50 m
Inhumation avec enclos ne rencontrant aucune
autre inhumation dans un rayon de :
- 9 m autour de la sépulture 115
- 15 m autour de la sépulture 5
- 25 m autour de la sépulture 15
(dimensions prises à partir du centre de la fosse
sépulcrale)
Inhumation
Silo et fosse
Fossé d'un chemin postérieur
Fig. 5 - Espaces préservés autour des enclos sur la
nécropole de Brienne-sur-Aisne
monuments funéraires. Il en est ainsi à Brienne-surAisne (ig. 5) où la zone vide paraît, en outre, avoir
un lien avec le caractère ostentatoire de la tombe,
puisque le l’espace préservé le plus important est
associé à la tombe à char dans son monument en
trou de serrure. à Reims "La Neuvillette" également,
l’espace le plus vaste entoure le monument en trou
de serrure. Cependant, dans ce cas, une tombe isolée
est, à chaque fois, installée dans cette zone qui, de
ce fait, ne peut être considérée comme totalement
préservée, mais apparait plutôt comme réservée.
Les monuments peuvent aussi souligner des
axes de circulation comme à Val-de-Vesle, axe le
long duquel sont également installées plusieurs
sépultures qui présentent des indices d’ostentation
ou de richesse sans que des traces d’architecture
externe nous soient parvenues.
Les sépultures monumentales, outre ces espaces
préservés qu’elles initient ou qu’elles soulignent,
structurent la nécropole en en marquant les limites.
Si l’on examine plus spéciiquement les tombes à
char, celles de Brienne, Reims "La Neuvillette", Sarry
et Caurel, sont toutes en position périphérique.
Dans le cas de Reims "La Neuvillette", il semble
que l’organisation générale est dessinée par des
RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à
partir des fouilles récentes.
sépultures dites « isolées », dont le caractère
monumental n’est pas toujours apparent. quelques
unes d’entre elles libèrent un espace vide de
structure d’environ 25 m de rayon, mais d’autres
ne présentent aucun indice de ce type, participant
simplement à une enilade. Pour cette nécropole,
un enclos circulaire, peut-être plus ancien, est
également structurant puisque certaines de ces
tombes isolées sont installées autour de lui de
manière concentrique. à Val-de-Vesle, des tumulus
lithiques qui déinissent des bandes et rythment
l’espace interne ont été mis en évidence (ig. 6).
à la périphérie de la culture Aisne-Marne, la
nécropole de Dommartin-Lettrée se distingue
totalement des sites précédemment exposés
par son organisation en petits enclos carrés
regroupant plusieurs sépultures. D’un point de
vue chronologique, elle est parmi les plus récentes.
Cependant, celle d’Auve présente aussi les dernières
phases de La Tène ancienne. L’origine de cette
différence est sans doute davantage d’ordre régional,
cet ensemble appartenant à la région de Vatry où
d’autres nécropoles de ce type ont déjà été fouillées
plus ou moins anciennement. Cette organisation en
A
C
Phase de fondation :
Fin Hallstat - La Tène A ancienne
datation probable
datation incertaine
B
Phase d'extension :
La Tène A récente
datation probable
datation incertaine
C
Phase finale :
Fin La Tène A récente - début La Tène B
datation probable
datation incertaine
Inhumation sans datation précise
Tumulus lithique
0
Fig. 6 - Plan des phases de la nécropole de Val-de-Vesle
50 m
55
RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à partir
des fouilles récentes.
fonction d’enclos carrés se mettrait en place dans
cet espace géographique dès le milieu de La Tène
ancienne subissant sans doute l’inluence culturelle
du Sénonais.
DyNAMIquE D’OCCuPATION
L’impression générale qui se dégage des
observations précédentes est que la nécropole se
dessine au fur et à mesure du temps mais suivant
une logique prédéinie peut être dès sa fondation.
à Auve, les sépultures sont d’abord implantées en
rangées, de manière à constituer la limite ouest de la
nécropole, puis, partant des deux tombes externes de
cette rangée se forment en alternance deux enilades,
l’une Nord, l’autre Sud tandis que les dernières
sépultures sont installées au dessus d’une tombe
plus ancienne, au milieu de l’enilade Nord. Cette
impression de construction de l’espace commun
au il du temps se retrouve à Brienne-sur-Aisne :
3 sépultures monumentales marquent les limites
de l’espace funéraire, or, la dernière, ceinte par un
enclos carré, est l’une des tombes les plus récentes
de la nécropole. À Witry-lès-Reims, les « grappes » se
développent simultanément pendant les différentes
phases de constitution de la « nécropole ».
Pour la nécropole de Val de Vesle (ig. 6), malgré
les dificultés rencontrées pour dater des tombes
perturbées qui appartiennent en outre à une
phase d’occupation très brève, concentrée pour
l’essentielle sur La Tène A, nous avons proposé une
chronologie en 3 phases, « fondation », « extension »,
et « inale».
Lors de la phase de fondation, les sépultures sont
dispersées sur la presque totalité des zones A et B.
L’étendue de l’espace serait ainsi déinie dès les
premières installations. En revanche, l’orientation
des tombes initiales ne souligne en rien ce qui sera
celle de la nécropole lors de la phase d’extension.
Une enilade de 3 tombes est perceptible à la
perpendiculaire d’un effet de « rangée » entre 3
autres tombes pourtant assez éloignées entre elles.
En outre, 4 sépultures paraissent s’organiser en arc
de cercle. Si cette disposition a pu être montrée à
Reims "La Neuvillette" pour des tombes entourant
un monument, ce type d’aménagement n’est pas
ici perceptible peut-être du fait d’un problème de
conservation. un tumulus de terre et de pierre paraît
être installé (10) en bordure de la zone C qui pourrait
donc être déjà conçue comme un espace préservé.
56
plus septentrionale. Les variations dans l’orientation
des tombes se multiplient et des sépultures plus
anciennes servent de repère à l’implantation des
nouvelles avec lesquelles elles sont plus ou moins
en rangée dans une même bande de terrain. L’espace
préservé C paraît alors clairement déini comme
un axe majeur. Il est souligné par des tombes en
enilade en zone A et il sert de repère d’implantation
et d’orientation. L’organisation de la zone B est
moins évidente. un tumulus en partie lithique (11)
est aménagé en zone A, sur la limite nord-est de
la zone, « en face » d’un tumulus du même type
construit lors de l’étape précédente, et un second
se trouve au sud de cette ancienne sépulture. un
troisième est établi en in de période, également en
bordure nord-est de la zone A.
Lors de la phase inale, 3 sépultures en zone A
bordent la zone C et soulignent sa limite sur un
peu de sa moitié sud : elles sont en enilade, avec
une quatrième placée en bordure sud-est de la
nécropole. Deux autres tombes prennent place au
cœur de la zone B. Les orientations présentent le
maximum de variation. Deux de ces sépultures sont
surmontées d’un tumulus en partie lithique. L’une
d’elles est implantée dans la « rangée » dessinée par
deux autres sépultures tumulaires, une fondatrice
et une autre datant de la phase d’extension, à midistance entre ces deux tombes. Cette rangée, qui
s‘est constituée de manière régulière au cours des
3 phases de la nécropole, révèle une cohérence
dans la gestion de l’espace et souligne la volonté de
dessiner un paysage commun sur la durée. L’autre
sépulture à tumulus lithique de cette dernière phase
est installée en zone B où elle crée une rangée plus
ou moins parallèle à la précédente, avec une tombe
tumulaire installée en bordure nord-est de la zone
A à la toute in de la phase d’extension. outre les
rangées, cette organisation qui s’inscrit sur la durée
de la nécropole est également lisible à travers les
enilades qui sont également constituées de tombes
des différentes phases.
RELATION ENTRE NéCROPOLES ET ESPACES à
VOCATION DISTINCTE
Lors de la phase d’extension, la multiplication
des enilades et des rangées impulse une nouvelle
dynamique d’orientation à la nécropole, légèrement
Sur toutes les nécropoles de La Tène ancienne, on
a systématiquement noté, à proximité, la présence
de structures autre que des tombes (silos, trous
de poteau). Pour l’instant, lorsqu’une chronologie
relative entre les deux occupations a pu être
proposée, l’occupation funéraire est, soit postérieure
(Val-de-Vesle, Auve), soit antérieure (Sarry, Brienne
sur Aisne), mais jamais contemporaine. Dans tous
les cas, les espaces ne se superposent pas totalement
et ils peuvent être seulement juxtaposés.
10 - La datation n’est pas certaine mais les propositions
à partir du métal, sur un bracelet à emboîtement et
incisions, et de la céramique sur une forme simple sont
convergentes.
11 - Des comblements de sédiment puis de pierre ont été
mis en évidence dans des sépultures à coffrage lors de la
fouille, ce qui a permis d’identiier des tumulus en partie
lithique.
RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à
partir des fouilles récentes.
NéCROPOLES DE LA FIN DE LA TèNE ANCIENNE
ET DE LA TèNE MOyENNE
La caractéristique principale de ces ensembles,
si l’on fait abstraction d’une tombe de Bussy-leChâteau qui doit appartenir à un ensemble plus
vaste, est la faible quantité de défunts réunis : de
3 à Bussy-Lettrée "La Basse Cour" à 8 à Lavau "Les
Corvées". Rappelons que tous ces ensembles sont,
soit en limite sud de la culture Aisne-Marne (les
deux sites de Bussy Lettrée, Perthes), soit encore
plus loin vers le sud (Lavau, près de Troyes). Ce
dernier ensemble se distingue des précédents par
d’autres aspects : son installation dans une ancienne
zone d’extraction, la disposition des tombes et le
recoupement partiel des fosses sépulcrales (durost
et al. 2007).
une autre parenté, pour 3 des 5 exemples, est la
présence d’enclos carrés. L’aire de ces derniers peut
renfermer une sépulture (Bussy-le-Château) ou pas
(Bussy-Lettrée "En Haut Les Gravelles" Perthes).
Les orientations sont de préférence nord/sud et,
lorsqu’elles sont est/ouest, la tête est plus souvent à
l’est. Ces choix dans les orientations marquent donc
une rupture très nette avec La Tène ancienne.
ConCLUsIon
Les zones de la plaine champenoise activement
sondées et fouillées montrent que les sites funéraires
apparaissent de préférence situés plus haut sur le
versant, surplombant les habitats contemporains.
Il sera cependant nécessaire d’élargir l’observation
pour conirmer cette tendance.
Les données actuelles permettent de souligner
la très grande variété des sites funéraires. Si la
nécropole est un lieu regroupant la majorité des
défunts qui nous sont parvenus, ceux-ci peuvent
également reposer dans une tombe isolée ou
appartenant à un petit groupe ou, encore, avoir
été inhumés dans une structure de stockage
abandonnée. Pour ce qui est des nécropoles, la
typologie en deux groupes principaux - nécropoles
à tombes groupées en rangée et à tombes dispersées
- ne tient plus. Il apparaît, à la lumière des données
récentes, qu’une nécropole comme celle de Briennesur-Aisne caractérisée par peu de sépultures et
une faible densité peut être très structurée tout
en ne présentant pas de rangées réelles. Certaines
grandes nécropoles dense (Val-de-Vesle) ou non
(Reims "La Neuvillette") ne livrent leur organisation
qu’à l’issue d’une analyse spatiale ine. Au vu de
la disposition des tombes, l’existence de marquage
ne fait pas de doute, mais l’aspect monumental de
ces marquages, parfois évident (fossés d’enclos),
ne peut-être que restitué dans d’autres cas en
étudiant les espaces vides périphériques préservés
sur le pourtour des sépultures. Espaces préservés
et tombes monumentales contribuent à structurer
le paysage funéraire aux différentes phases de son
histoire : monuments soulignant l’axe de circulation
et tumulus lithiques « alignés » comme à Val-deVesle ou maintien d’un vide périphérique plus ou
moins vaste sur le pourtour des tombes, comme à
Brienne. Pour lire ce paysage funéraire dans toute
sa complexité, il s’agit de considérer les modes de
compromis entre l’association de certains défunts
et l’organisation générale, l’un ou l’autre pouvant
paraître primer en fonction des ensembles. Cet
espace commun, utilisé pendant des décennies,
voire parfois sur plus de deux siècles, est structuré,
architecturé, marqué et signiiant pour les groupes
pratiquant l’inhumation de leurs défunts et leur
souvenir. Lors du choix de l’emplacement d’une
tombe, en fonction de critères liés à l’identité
sociale du défunt, différents éléments vont servir
durablement de repère : les monuments, les espaces
préservés ainsi que l’emplacement et l’orientation
des tombes précédentes qui peuvent être organisées
en rangées ou enilades, croisant ou soulignant les
zones vides utilisées comme axes de circulation
ou vouées à accueillir pratiques sociales et/ou
cultuelles. Dans les alentours de Reims, notamment
sur les communes de Caurel, Witry-lès-Reims,
Champleury, Vrigny, il est dificile de savoir si l’on a
affaire à plusieurs petits cimetières distincts ou non.
L’objectif à venir, au fur et à mesure des opérations,
sera de comprendre si, comme à La Neuvillette, ce
qui parait être des groupes dispersés ne s’organise
pas plutôt à l’échelle de grandes nécropoles. Dans
d’autres cas, les distances concernées sont telles
que l’on est probablement plus dans le cadre d’une
seule et même nécropole. Pour la zone Witry/
Caurel, l’hypothèse de différents noyaux d’habitat
venant inhumer leurs défunts dans différents
groupes de tombes, de préférence sur la pente des
rares et faibles éminences du secteur, peut être
émise, mais peut-être le territoire dévolu aux morts
de ces différents groupes est-il lui même régi par
des règles collectives, comme c’est le cas à Reims
"La Neuvillette". C’est une hypothèse qu’il s’agira
de vériier : si elle s’avérait exacte, cela montrerait,
pour le paysage comme pour la nécropole, deux
niveaux de décision, celui du groupe et celui d’une
collectivité de groupes ou d’une autorité centrale
qui organise l’espace entre les groupes.
BIBLIoGrapHIE
ACHARD-COROMPT Nathalie, BOCquET Sylvie,
BONNABEL Lola, CAMBOu C., FRIBOuLET Muriel,
GESTREAu Raphaël, GIRy Karine, PARESyS C. &
yVINEC Jean-Hervé (2006) - Bussy-Lettrée (Marne) "site
24-25", Europort de Vatry, ZAC 2, Document inal de
synthèse, Inrap SRA Champagne-Ardenne, 2 vol.
BAILLEuX Grégoire & RIquIER Vincent (2005) « Colonisation et occupation de la plaine crayeuse à
l’époque protohistorique » dans CoLLECTIF (2005) Europort Vatry : les pistes de l’archéologie. Quand la plaine
n’était pas déserte…, éditions Dominique Guéniot, p. 119127.
57
RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à partir
des fouilles récentes.
BONNABEL Lola, DESENNE Sophie, ROBERT Bruno
(dir.) & BRETON Cécile, MARTIN Gérard, MOuLHERAT
Christophe, RAPIN André, ROZAS Suzanne, PAICHELER
Jean-Claude, SuNDER Frédérique (2004) - Witry-lès-Reims
(51) "La Comelle" et Caurel (51) "Le Puisard" Les nécropoles
gauloises, 3 vol. (texte, catalogue, inventaire) document
inal de synthèse Afan, dépôt SRA de Champagne
Ardenne, Châlons en Champagne
BONNABEL Lola, PARESyS Cécile & KOEHLER Alain
(2007) - « Diagnostic en milieu funéraire en ChampagneArdenne » dans Le diagnostic des ensembles funéraires,
textes rassemblés par AuGEREAu Anne, Guy Hervé,
Les cahiers de l’Inrap n°1
BOuRIN Auguste (1908) - « Extraits du journal d’un
fouilleur. Les cimetières gaulois de Witry-lez-Reims »,
Bulletin de la Société Archéologique Champenoise, I, p. 27-31.
BRISSON André, HATT Jean-Jacques & ROuALLET
Pierre (1970) - « Le cimetière de Fère-Champenoise,
faubourg de Connantre », Mémoire de la Société d’agriculture,
commerce, sciences et arts du département de la Marne,
t. LXXXV, p. 7-26
BRISSON André, HATT Jean-Jacques & ROuALLET
Pierre (1972) - « Le cimetière gaulois Le Tène Ia du MontGravet à Villeneuve-Renneville », Mémoire de la Société
d’agriculture, commerce, sciences et arts du département de la
Marne, t. LXXXVII, p. 7-48
DEMOuLE Jean-Paul (1999) - Chronologie et société dans
les nécropoles celtiques de la culture Aisne-Marne du VIe au IIIe
siècle avant notre ère. Revue archéologique de Picardie,
n° spécial 15, Amiens, 406 p.
DuROST Raphaël, PARESyS Cécile & RIquIER Vincent
(2007) - « Occupations domestique et funéraire de l’âge
du Fer à Lavau (Aube) », Revue archéologique de l’Est, t. 56,
p. 87-108.
KOEHLER Alain (1997) - Caurel (Marne), "Le Puisard",
Document inal de synthèse, Inrap SRA ChampagneArdenne.
LALLEMAND David (1999) - Perthes (Haute-Marne), "La
Pièce des essarts", Document inal de synthèse, Afan SRA
Champagne-Ardenne.
LALOO Pieter (2005) - Caurel (Marne), "Le Puisard", 2e
phase, Rapport de diagnostic archéologique, Inrap SRA
Champagne-Ardenne.
LENDA Stéphane (en cours) - Caurel (Marne), "Le Puisard",
Document inal de synthèse, Inrap SRA ChampagneArdenne.
PARESyS Cécile (2007) - Dommartin-Lettrée (Marne),
"Les Coupes", Document inal de synthèse, Inrap SRA
Champagne-Ardenne.
RIquIER Vincent, BONNABEL Lola, DuDA David,
MAILLy Sylvie, PARESyS Cécile & SAuREL Marion
(2007) - Bussy-Lettrée (Marne), "ZAC 1 Europort Vatry", site
1 à 3, "La Basse Cour", Document inal de synthèse, Inrap
SRA Champagne-Ardenne.
ROZOy Jean-Georges (1981) - « quelques structures
de nécropoles celtiques à La Tène 1 dans la France du
Nord, et leur signiication », dans l’âge du Fer en France
septentrionale, Mémoires de la Société archéologique
Champenoise n° 2, supplément au bulletin n° 1, 1981,
p. 177, 229.
ROZOy Jean-Georges (1987) - Les Celtes en Champagne, Les
Ardennes au second Age du fer : Le Mont Troté, Les Rouliers,
Mémoire de la Société Archéologique Champenoise, n° 4,
2 vol.
TRuC Marie-Cécile (2002) - Caurel (Marne), "Le Puisard",
1e phase, Rapport de diagnostic archéologique, Inrap SRA
Champagne-Ardenne.
FAVRET Pierre.-Marcel (1927) - « Les nécropoles des
Jogasses à Chouilly »,, Revue archéologique, Ve série, t. 25,
1927, p. 326-348, Ve série, t. 26, 1927, p. 80-146.
Les auteurs
Lola BONNABEL
Inrap Grand Est Nord, Champagne-Ardenne. uMR 7041 Arc-Scan.
Sylvie CuLOT
Inrap Grand Est Nord, Champagne-Ardenne.
Vincent DESBROSSE
Inrap Grand Est Nord, Champagne-Ardenne.
Marion SAuREL
Inrap Grand Est Nord, Champagne-Ardenne. uMR 8546.
58
RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à
partir des fouilles récentes.
résumé
Depuis une dizaine d’années, l’essor de l’archéologie préventive a permis de constituer un nouveau corpus
de sites funéraires de La Tène ancienne et moyenne en Champagne et de mieux saisir leur environnement
grâce aux décapages extensifs et à la concentration des opérations sur certains secteurs. Dans les deux
exemples présentés, les tombes sont localisées à une distance variable de l’habitat, mais plus en hauteur sur le
versant. Si la nécropole reste le lieu d’où proviennent la plupart des défunts, ceux-ci peuvent également être
inhumés isolés, en petits groupes, ou dans des structures d’habitats réutilisées, avec des variations d’ordre
chronologique et géographique. Pour les nécropoles de l’espace Aisne-Marne, l’alignement des sépultures, les
espaces préservés et les tombes monumentales contribuent à structurer le paysage funéraire aux différentes
phases de son histoire et invitent à réléchir sur les modes de compromis entre association de certains défunts
et organisation générale.
Mots clés : Territoire. Organisation des nécropoles. Monuments funéraires. Aisne-Marne. La Tène.
Champagne.
abstract
Over the last 10 years or so, the boom in preventive archaeology has provided us with a renewed corpus
of Early and Middle La Tène burial sites in the Champagne district, together with a better understanding of
their context, thanks to large-scale scraping and to the concentration of works in certain areas. As concerns the
two cases under discussion here, the distances between the burials and the settlements vary, but the burials
are higher on the slope. If most of the deceased are found in the necropolis itself, some have also been buried
alone, or in small groups, or in reused dwellings, with certain chronological and geographical variations. As
concerns the cemeteries of the Aisne-Marne area, the rows of burials, the empty spaces and the monumental
tombs are the major features giving shape to the funerary landscape during the different periods of its history,
and they lead us to envisage the various ways in which general social organization is relected in the groupings
of certain of the deceased.
Key words : territory, organization of cemeteries, funerary monuments, Aisne-Marne, La Tène, Champagne
district.
Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX
Zusammenfassung
Seit ungefähr zehn Jahren konnte aufgrund der zahlreichen Rettungsgrabungen ein neues Corpus der
Grabstätten der Früh- und Mittellatènezeit in der Champagne zusammengestellt werden. Zudem konnten die
Gräber dank der Flächengrabungen einerseits und der Konzentration der Operationen auf bestimmte Sektoren
andererseits besser in ihre umgebung eingeordnet werden. In den beiden vorliegenden Beispielen wurden die
Gräber in unterschiedlicher Entfernung zum Siedlungsbereich lokalisiert. Sie befanden sich aber etwas weiter
oberhalb in Hanglage. Zwar wurde der überwiegende Teil der Toten in der Nekropole bestattet, doch man
indet ebenso Einzelgräber, Gräber in kleinen Gruppen, oder in wiederverwendeten Siedlungsstrukturen,
wobei sowohl chronologische als auch geographische Variationen festzustellen sind. Bei den Nekropolen des
Raumes Aisne-Marne tragen die Reihungen der Grabstätten, unbelegte Bereiche sowie die monumentalen
Gräber dazu bei, den Grabbereich in den unterschiedlichen Phasen seiner Geschichte zu strukturieren und
laden ein, sich über die Kompromisse zwischen der Nähe bestimmter Verstorbener und der allgemeinen
Organisation der Nekropolen Gedanken zu machen.
Schlüsselwörter : Territorium, Organisation der Nekropolen, Grabmonumente, Aisne-Marne, Latène,
Champagne.
Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr).
59
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie oudry-braillon, Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais ?
vErs UnE GéoGrapHIE DEs GEstEs FUnéraIrEs aU sEConD
âGE DU FEr Dans LE norD-pas-DE-CaLaIs ?
Sophie OuDRy-BRAILLON
IntroDUCtIon
Les avancées de l’archéologie préventive
ces dernières années ont permis de renouveler
considérablement la documentation disponible
dans de nombreux domaines. Dans la région NordPas-de-Calais, ces découvertes récentes ne sont pas
uniquement le fait des grands tracés, mais aussi des
aménagements de vastes ZAC et les découvertes
sont ainsi très inégalement réparties sur le territoire
considéré. à l’instar de nombreux thèmes, les
données sur le domaine funéraire sont en constante
évolution comme, par exemple, les informations
sur les structures liées à la crémation des corps.
Les rélexions proposées ici ne sont donc qu’un
bilan d’étape, la recherche étant à approfondir ;
ceci implique des choix aussi bien dans la période
étudiée que dans le cadre géographique retenu.
LE CaDrE rEtEnU
Pour des raisons essentiellement pratiques
d’accès aux sources, les résultats ne prennent pas
en compte les découvertes réalisées en Belgique. De
même, pour éviter des redondances avec d’autres
articles de cette table-ronde, aucune sépulture
de Picardie n’a été prise en considération. Ce
découpage ne correspond donc pas à la réalité des
groupes culturels du Nord de la France – encore à
déinir pour certains - mais à l’entité administrative
constituée par la région Nord - Pas-de-Calais, au sein
de laquelle de grands ensembles géographiques se
distinguent : les collines d’Artois, la plaine lamande,
la côte ouest, le Valenciennois et le Cambrésis.
La délimitation chronologique est plus dificile à
établir et plus sujette à débats. Pour la tranche haute
de la période, le choix se fait par défaut : le très faible
nombre de sites funéraires bien identiiés du premier
âge du Fer rend assez aisée la distinction entre les deux
phases de l’âge du Fer dans la région. En revanche,
la différenciation entre la in du second âge du Fer
et le début de la période romaine est nettement plus
complexe. Même si les sites ont été étudiés récemment
et ne nécessitent pas une nouvelle étude du matériel,
la dificulté de datation du mobilier céramique -
notamment dans le Nord de la région - empêche
pour l’instant une attribution chronologique iable.
C’est pourquoi certains sites funéraires, bien que très
intéressants, n’ont pas été retenus.
LEs EnsEMBLEs FUnéraIrEs :
EFFECtIF Et CHoIX DU traItEMEnt
Cinquante-six ensembles funéraires (ig. 1) ont
été retenus ; ils correspondent à 251 sépultures
dont 234 sépultures à incinération (tab. I). En
comparaison, lors de la publication de la Carte
Archéologique de la Gaule pour le Nord et le Pasde-Calais (delMaire et al. 1996 ; delMaire et al. 1994),
16 sépultures seulement étaient connues.
Le nombre d’études anthropologiques est très
faible et ne peut s’expliquer par la simple existence
de sépultures sans ossements conservés. Il y a donc
un réel déicit d’information sur les défunts euxmêmes qu’il conviendra de combler rapidement.
Par ailleurs, dans un grand nombre de cas, des
informations importantes comme les dimensions
des fosses ne sont pas connues.
Inci.
LT ancienne
5
Inhum.
Sép. étudiées
4
2
LT moyenne
43
3
4
LT moyenne-inale
136
6
52
LT inale
38
4
0
Second âge du Fer
12
0
0
TOTAL
234
17
58
tab. I - Traitement du corps et sépultures dont la fosse et
les ossements ont été étudiés.
Le nombre de sépultures par site (tab. II) fait
également apparaître une nette prédominance
de ceux avec une ou deux sépultures. Ces petits
ensembles peuvent être la conséquence des
opérations de diagnostic qui limitent la visibilité
spatiale. Toutefois d’autres opérations nous
renseignent et il s’agit bien, le plus souvent, de
sépultures réellement isolées ou de petits groupes
très diffus et par conséquent dificiles à cerner.
Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais ?
61
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie oudry-braillon, Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais ?
DUNKERQUE
0
CALAIS
10
20 km
Plaine flamande
sépultures à incinération
r
Yse
Aa
sépultures à inhumation &
sépultures atypiques
sites avec les deux types de
traitement
zones urbanisées
BOULOGNESUR-MER
SAINT-OMER
Liane
Lys
LILLE
Artois
Ca
nch
e
e
ois
n
Ter
Au
rpe
DOUAI
Sca
Valenciennois
thi
e
VALENCIENNES
Es
ca
ut
ARRAS
bre
Sam
CAMBRAI
AVESNESSUR-HELPE
Cambrésis
So
mm
e
Fig. 1 - Carte de répartition des sites funéraires du second âge du Fer.
DUNKERQUE
0
CALAIS
Plaine flamande
20 km
sépultures à incinération
r
Yse
sépultures à inhumation &
sépultures atypiques
sites avec les deux types de
traitement
zones urbanisées
Aa
BOULOGNESUR-MER
10
SAINT-OMER
Liane
Lys
LILLE
3
Artois
Ca
nch
e
e
ois
n
Ter
Au
DOUAI
thi
e
pe
r
Sca
ARRAS
2
5
4
VALENCIENNES
6
Es
cau
t
1
Valenciennois
bre
CAMBRAI
So
mm
e
Sam
AVESNESSUR-HELPE
Cambrésis
Fig. 2 - Carte de répartition des sites de La Tène ancienne. 1 : Dainville "Les quatorze" (Pas-de-Calais) ; 2 : Duisans "La
Sèche épée" (Pas-de-Calais) ; 3 : Houplin-Ancoisne "Rue Max-Dormoy" (Nord) ; 4 : Lambres-lèz-Douai "ZAC de l’Ermitage"
(Nord) ; 5 : onnaing "Toyota - site 15" (Nord) ; 6 : Wancourt "La Maye" (Pas-de-Calais).
62
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie oudry-braillon, Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais ?
1 sép.
1 à 5 sép.
6 à 15 sép.
> 15 sép.
17 sites
8 sites
4 sites
27 sites
l’individu et le bracelet métallique se rapprochent
plutôt des types observés à la in du premier âge du
Fer en Normandie (Verney 1993).
tab. II - Nombre de sépultures par site.
Le nombre de sépultures par ensemble est en
général peu important (de 1 à 5) sauf dans le cas de
la "ZAC" d’Hordain (Gaillard & Gustiaux 2006) où
14 tombes ont été repérées. Il est possible qu’elles
ne soient pas toutes à rattacher à la même période.
La fouille de ce site devrait apporter des précisions
dans ce domaine.
Les ensembles funéraires de La Tène ancienne
et du début de La Tène moyenne (ig. 2) sont peu
nombreux (6 sites et 8 sépultures) ; il ne s’agit que
de découvertes isolées ou faites dans le cadre de
diagnostics sans suite. Ces opérations sont récentes,
postérieures à 1994. On ne peut donner de grandes
lignes de comparaisons car les informations
concernant le mobilier manquent pour 5 des 9
sépultures.
un ensemble funéraire particulièrement
atypique a été découvert en 1913 à Mœuvres, lors
du creusement du canal du Nord : plus de 200 corps
sans crâne ont été mis au jour par les ouvriers. Ils
étaient associés à des pièces d’armement, de
harnachement et de parure (pour la bibliographie
complète cf. delMaire et al. 1996).
L’effectif augmente au cours de La Tène
moyenne (ig. 3) : on dénombre 46 sépultures
dont 43 incinérations. Les trois inhumations sont
dissemblables : une sépulture « classique » (individu
inhumé sur le dos, les membres en extension) à
Gavrelle "Le Chemin de Bailleul" (debiak et al. 1998,
JaCques & rossiGnol 2001 n° 18), une sépulture en
silo à Hordain "ZAC" (Gaillard & Gustiaux 2006)
et enin la tombe de Fampoux "Entre les Deux
Chemins" découverte en 1980 (JaCques & leManDeleriVe 1979-80 ; JaCques & rossiGnol 2001 n° 20)
dont la datation est problématique. La position de
Pour la in de La Tène moyenne et le début de La
Tène inale (ig. 4), on dénombre 38 sépultures dont
6 inhumations, réparties en 10 ensembles funéraires,
ce qui traduit une nette augmentation de l’effectif
persiste. Les « grands » ensembles datent tous de
cette période :
- 48 sépultures à La Calotterie "La Fontaine aux
Linottes" (blanCquaert & desfossés 1998) ;
DUNKERQUE
0
CALAIS
10
20 km
Plaine flamande
sépultures à incinération
r
Yse
Aa
sépultures à inhumation &
sépultures atypiques
sites avec les deux types de
traitement
zones urbanisées
BOULOGNESUR-MER
SAINT-OMER
Liane
Lys
12
15
LILLE
Artois
Ca
nch
e
8
e
ois
n
Ter
Au
DOUAI
Valenciennois
13
thi
10
ARRAS
4
3
1
16
2
6 Scarpe
5
VALENCIENNES
7
Es
cau
9
t
e
11
So
mm
e
14
17
bre
CAMBRAI
Sam
AVESNESSUR-HELPE
Cambrésis
Fig. 3 - Carte de répartition des sites de La Tène moyenne. 1 : Achicourt "Les Vingt" (Pas-de-Calais) ; 2 : Arras "La Flaque"
(Pas-de-Calais) ; 3 : Dainville - Achicourt "Le Picotin - Gérico" (Pas-de-Calais) ; 4 : Dainville "Le Champ Cailloux" (Pas-deCalais) ; 5 : Fampoux "Entre les Deux Chemins" (Pas-de-Calais) ; 6 : Gavrelle "Au Chemin de Bailleul" (Pas-de-Calais) ; 7 :
Hordain "ZAC" (Nord) ; 8 : Lens "Mont d’Avion" (Pas-de-Calais) ; 9 : Maizières "Le Chemin de Saint-Pol" (Pas-de-Calais) ;
10 : Maroeuil "Le Fief" (Pas-de-Calais) ; 11 : Moeuvres (Nord) ; 12 : Nesles "Le Fond Vassal" (Pas-de-Calais) ; 13 : Onnaing
"Toyota - site 16" (Nord) ; 14 : Orville (Pas-de-Calais) ; 15 : Saint-André "Pont Royal" (Nord) ; 16 : Saint-Laurent-Blangy "Les
Chemins Croisés" (Pas-de-Calais) ; 17 : Vaulx-Vraucourt "Chemin de Morchies" (Pas-de-Calais).
63
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie oudry-braillon, Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais ?
DUNKERQUE
0
CALAIS
Plaine flamande
Aa
sépultures à inhumation &
sépultures atypiques
sites avec les deux types de
traitement
zones urbanisées
2
SAINT-OMER
20 km
sépultures à incinération
r
Yse
BOULOGNESUR-MER
10
Liane
10
Lys
LILLE
Artois
3Can
che
e
ois
n
Ter
Au
DOUAI
Valenciennois
thi
e
ARRAS 9
1
7
8
rpe
VALENCIENNES
Sca
6
Es
ca
ut
5
4
bre
CAMBRAI
So
mm
e
Sam
AVESNESSUR-HELPE
Cambrésis
Fig. 4 - Carte de répartition des sites de la in de La Tène moyenne et du début de La Tène inale. 1 : Arras "Les Bonnettes"
(Pas-de-Calais) ; 2 : Bavinchove "Castel Veld" (Nord) ; 3 : La Calotterie "La Fontaine aux Linottes" (Pas-de-Calais) ; 4 :
Duisans "Le Bois d’Hattecourt" (Pas-de-Calais) ; 5 : Duisans "La Cité" (Pas-de-Calais) ; 6 : Hordain "La Fosse à Loups"
(Nord) ; 7 : Saint-Laurent-Blangy "Actiparc - site R" (Pas-de-Calais) ; 8 : Saint-Laurent-Blangy "Actiparc - site V" (Pas-deCalais) ; 9 : Saint-Laurent-Blangy "Les Fontaines" (Pas-de-Calais) ; 10 : Wattrelos "PA du Beck" (Nord).
64
- 18 sépultures à Saint-Laurent-Blangy "Actiparc
- Site R" (JaCques & prilaux 2004) ;
- 20 sépultures à Hordain "La Fosse à Loups"
(MarCy 2004, seVerin 2006) ;
- 22 sépultures à Duisans "La Cité" (JaCques &
rossiGnol 2001 n° 5).
L’IMpLantatIon DEs EnsEMBLEs
FUnéraIrEs Et DEs sépULtUrEs
à La Tène inale (ig. 5), le nombre de sépultures
par nécropole se rapproche des chiffres connus
pour la première partie du second âge du Fer :
16 ensembles funéraires regroupent 42 tombes
parmi lesquelles on dénombre 38 incinérations.
Les individus qui n’ont pas été incinérés ne sont
pas pour autant inhumés de façon habituelle : deux
d’entre eux ont été jetés dans des puits à Fresnes-lesMontauban "Le Chemin des Vaches" (blanCquaert
& desfossés 1992, JaCques & rossiGnol 2001 n°
19). Les deux autres sont en fait des portions de
crâne découvertes dans des fossés d’habitat. L’un
provient de Saint-Laurent-Blangy "ZAC Actiparc AC" (JaCques & prilaux 2004), l’autre de Hamblainles-Prés (JaCques & rossiGnol 2001 n° 21). D’autres
structures atypiques sont, elles, liées à la crémation
: ce sont quelques fragments osseux incinérés et
des charbons découverts dans les fossés d’enclos
quadrangulaires à Hondeghem "La Bréarde" (Cabuy
et al. 1990). On ne connaît pas la fonction exacte de
ces enclos et la seule présence d’ossements brûlés
dans le remplissage ne sufit pas à en faire des
sépultures.
Les sites apparaissent peu concentrés à
l’exception de l’Arrageois, avec une extension
le long de la vallée de la Scarpe en direction de
Douai. Dans le Cambrésis, la densité semble être
également un peu plus importante. Dans certains
secteurs, l’absence de site funéraire est un relet
de l’état de la recherche : le secteur compris entre
les autoroutes A16 et A26 (soit entre les deux axes
Boulogne-Abbeville et Calais-Arras) fait l’objet de
très peu d’opérations d’archéologie, qu’elles soient
préventives ou programmées. L’absence de site dans
l’Avesnois semble résulter du même phénomène.
En revanche, l’agglomération lilloise et la bande
le long de l’autoroute A1 entre Lille et Arras sont
très fréquemment diagnostiquées et fouillées. Elles
livrent de nombreuses occupations d’autres périodes
ou bien des habitats du second âge du Fer, mais très
peu de sites funéraires. Compte tenu du nombre
d’hectares diagnostiqués, on doit considérer qu’il y
a une réelle absence de sépultures du second âge du
Fer dans ce secteur.
uNE LOCALISATION GéOGRAPHIquE
SPéCIFIquE
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie oudry-braillon, Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais ?
DUNKERQUE
0
CALAIS
sépultures à incinération
r
Yse
sépultures à inhumation &
sépultures atypiques
sites avec les deux types de
traitement
zones urbanisées
Aa
Liane
20 km
14
Plaine flamande
BOULOGNESUR-MER
10
13
SAINT-OMER
8
Lys
9
LILLE
Artois
nch
e
16
e
nois
Ter
Au
10
rpe
DOUAI
Sca
Valenciennois
5
thi
e
1
2
3
6
VALENCIENNES
7
Es
ca
ARRAS 12
ut
Ca
15
4
11
CAMBRAI
So
mm
e
bre
Sam
AVESNESSUR-HELPE
Cambrésis
Fig. 5 - Carte de répartition des sites de La Tène inale. 1 : Achicourt "Le Fort" (Pas-de-Calais) ; 2 : Arras "Point D" (Pas-deCalais) ; 3 : Bailleul-Sir-Berthoult "Actiparc - site X" (Pas-de-Calais) ; 4 : Cambrai "Avenue du Cateau" (Nord) ; 5 : Dechy
"Zone du Luc secteur C" (Nord) ; 6 : Fresnes-lès-Montauban "Le Chemin des Vaches" (Pas-de-Calais) ; 7 : Hamblain-les-Prés
(Pas-de-Calais) ; 8 : Hondeghem "La Bréarde" (Nord) ; 9 : Neufchâtel-Hardelot "RD 308" (Pas-de-Calais) ; 10 : NoyellesGodault "Rue de Beaumont" (Pas-de-Calais) ; 11 : Raillencourt-Sainte-Olle "Le Grand Camp - Actipôle de l’A2" (Nord) ;
12 : Saint-Laurent-Blangy "Actiparc - site AC" (Pas-de-Calais) ; 13 : Salperwick "Les Nouvelles Marnières" (Pas-de-Calais) ; 14 :
Steene "Castel Veld" (Nord) ; 15 : Tilloy-lès-Cambrai "Site Fleury Michon" (Nord) ; 16 : Vendin-le-Vieil "ZA du Bois Rigault"
(Pas-de-Calais).
Le bassin minier qui est fortement urbanisé
depuis plusieurs décennies ne livre que très peu de
sites funéraires. Ils ont pu être détruits anciennement
ce qui introduit un biais dans la documentation.
Certains ensembles funéraires apparaissent
isolés : c’est le cas notamment de La Calotterie "La
Fontaine aux Linottes", dont l’effectif global est
très surprenant pour la région. Deux autres sites,
proches, ont néanmoins été repérés (NeufchâtelHardelot : andré & duMont 1998 et Nesles : Caron
& desChodt 1995).
Lorsque l’on fait une distinction dans la manière dont
les morts ont été traités (en simpliiant incinération,
inhumation et sépultures atypiques), on observe
une différence dans la localisation géographique.
Les sépultures à inhumation « classiques » (individu
inhumé complet sur le côté ou sur le dos, dans une
fosse qui paraît avoir été creusée à son intention), sont
concentrées autour d’Arras pendant toute la durée du
second âge du Fer. De même, les sépultures atypiques
(corps incomplets dans les fossés, sépultures en
silos, ensemble de type sanctuaire) sont également
concentrées dans la frange centrale de la région.
Lorsque la localisation des ensembles
funéraires est sufisamment précise, il apparaît
que l’implantation est de préférence en position
dominante (rebord de plateau, zone en léger
surplomb) comme à La Calotterie "La Fontaine
aux Linottes" (blanCquaert & desfossés 1998), à
Achicourt "Les Vingt" (lorin 2004) ou à Salperwick
"Les Nouvelles Marnières"(Gaudefroy & MiChel
1996).
Les sites sont aussi localisés sur le versant de la
vallée, comme à Vendin-le-Vieil "ZA du Bois Rigault"
(feray 2005) ou Duisans "La Sèche épée" (JaCques &
rossiGnol 2001 n° 7). Si cette position dominante ou
en léger surplomb est fréquente pour les sépultures,
il arrive qu’elles soient creusées sur la partie basse
d’un versant, comme cela a été observé à Coquelles
"Les Terrasses de Coquelles" (desCheyer 2006).
Pour certaines sépultures de l’Artois, publiées
en 1998 (debiak et al.), les auteurs avaient avancé
l’hypothèse d’une localisation préférentielle des
espaces funéraires à proximité des limites de
communes actuelles. Cette hypothèse ne peut être
conirmée ou inirmée en raison du manque de
précisions sur la localisation de certains sites.
65
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie oudry-braillon, Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais ?
En ce qui concerne le choix de la nature du
terrain, il ne semble pas qu’il y ait de préférences
(craie, argile, limon, etc.). Cependant, lorsque les
observations ont pu être réalisées sur de grandes
surfaces comme sur le site d’Actiparc (JaCques &
prilaux 2004) à Saint-Laurent-Blangy, l’habitat et
les sépultures sont visiblement installés sur des
terrains peu fertiles, contrairement aux secteurs
choisis pour l’agriculture, localisés sur des terrains
plus riches. Cela indiquerait une rélexion en amont
au sujet de l’implantation des tombes, ain d’éviter
les zones fertiles.
LA PéRENNITé DES OCCuPATIONS
FuNéRAIRES
Enin un dernier élément est primordial dans
le choix du site pour l’implantation des espaces
funéraires durant tout le second âge du Fer, c’est
l’installation à proximité d’occupations funéraires
antérieures. Le lien entre des structures funéraires
de l’âge du Bronze et des sépultures laténiennes a
été mis en évidence à plusieurs reprises, notamment
à Dainville-Achicourt "Le Picotin - Gérico" (prilaux
& JaCques 2005) et sur le site V d’Actiparc (JaCques
& prilaux 2004). à Achicourt "Les Vingt" (lorin
2004), l’incinération de La Tène moyenne est
également localisée à proximité d’un ensemble
funéraire du Bronze inal. Dans certains cas, des
sépultures viennent s’installer par petits groupes
pendant tout le second âge du Fer : à Dainville "Le
Champ Cailloux" (JaCques & rossiGnol 2001 n° 8),
on dénombre sur une surface de 7 000 m² : 1 tombe
à incinération de La Tène ancienne, 4 incinérations
de La Tène moyenne et 5 incinérations de la in de
La Tène moyenne et du début de La Tène inale. à
Cambrai "Avenue du Cateau" (Gaillard & Gustiaux
2005 ; asseMat et al. 2007), on note une installation
sans rupture de La Tène inale au Haut-Empire. Ce
phénomène a également été observé à Wattrelos
"Le Beck" (querel 2003). Sur le site V d’Actiparc
(cf. supra), l’occupation se poursuit durant toute la
période gallo-romaine jusqu’au Bas-Empire.
C’est donc une pérennité très marquée des
occupations funéraires qui transparaît dans tous
ces exemples : le plus frappant étant à nouveau
l’exemple de La Calotterie "La Fontaine aux Linottes"
(blanCquaert & desfossés 1998), avec la superposition
d’enclos de l’âge du Bronze, de l’enclos laténien
avec ses sépultures à incinération et enin d’une très
importante nécropole mérovingienne.
uN LIEN FORT AVEC L’HABITAT ET
L’IMPORTANCE DES éLéMENTS
STRuCTuRANTS Du PAySAGE
Au sein des sites eux-mêmes, deux points sont
fréquemment observés. Le premier est le lien
très fort avec l’habitat. à Arras "Les Bonnettes"
(JaCques & rossiGnol 2001 n° 4) ou à Duisans "Le
Bois d’Hattecourt" (JaCques & rossiGnol 2001 n° 6),
les sépultures sont localisées parmi les structures
66
d’habitat. Il arrive qu’elles soient organisées en
petits groupes disséminés sur le domaine agricole,
comme cela a été observé sur l’ensemble des
opérations d’Actiparc (JaCques & prilaux 2004),
ou imbriquées au parcellaire, comme à DainvilleAchicourt "Le Picotin - Gérico" (prilaux & JaCques
2005). Le lien avec les fossés est marqué. Les
sépultures sont parfois implantées dans les fossés
eux-mêmes, comme à Bavinchove "Castel Veld"
(pion & GuiChard 1993, p. 193) ou à Arras "Les
Bonnettes" (JaCques & rossiGnol 2001 n° 4). Les
enclos ne sont toutefois pas nécessairement liés au
domaine funéraire : nous avons vu l’importance du
lien avec l’habitat et dans de nombreux cas, ce sont
bien les fossés d’habitat qui attirent ou sont attirés
par l’espace funéraire. Dans d’autres cas, les enclos
ont une fonction qui semble uniquement dédiée
à la structuration de la zone funéraire elle-même
ou de la tombe : il s’agit le plus souvent d’enclos
quadrangulaires de plus petites dimensions comme
à Hordain "La Fosse à Loups" (MarCy 2004 ; séVerin
2006) ou à Raillencourt-Sainte-Olle "Le Grand
Camp" (bouChe et al. 2005).
Hormis ces cas d’organisation très visible de
l’espace funéraire - un enclos quadrangulaire lié
à une sépulture principale ou première autour
de laquelle viennent s’agglomérer des sépultures
secondaires (La Calotterie "La Fontaine aux Linottes"
(blanCquaert & desfossés 1998)) - l’agencement des
tombes entre elles est souvent peu apparent. Dans
les cas nombreux de sites de moins de 5 sépultures,
il est évident que l’agencement des tombes risque
d’être peu apparent. Lorsqu’il est discernable,
il s’agit de petits groupes de tombes comme
sur le site R d’Actiparc à Saint-Laurent-Blangy
(JaCques & prilaux 2004) où les tombes, localisées à
l’extrémité d’un enclos et à proximité de l’habitat,
sont dispersées en deux groupes principaux de 7
et 9 tombes et en deux tombes isolées. Les raisons
qui déterminent l’appartenance d’une sépulture à
tel ou tel groupe sont encore à éclaircir ; il arrive
malheureusement souvent que les informations
manquent pour mettre en place une rélexion à
ce sujet. On sait très peu de choses sur la forme
et les dimensions de la fosse, les informations de
base sur le recrutement des individus, la datation
des tombes, etc. Tous ces éléments, s’ils étaient
disponibles, permettraient certainement d’avancer
des hypothèses concernant la constitution de ces
groupes et dans des exemples comme le site R
d’Actiparc de tenter de comprendre les raisons de
l’isolement de deux des sépultures.
LE traItEMEnt DU DéFUnt :
DU CaDavrE à La toMBE
LA NETTE PRéDOMINANCE DES
INCINéRATIONS - uN STATuT DIFFéRENT
DES INHuMATIONS ?
Nous avons vu l’écrasante prédominance des
sépultures à incinération, ce qui en fait une région à
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie oudry-braillon, Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais ?
part - avec le nord-ouest de la Picardie (pinard et al.,
ce volume) - dans la zone située au nord du Bassin
parisien au second âge du Fer. Les secteurs comme
l’est et le sud de la Picardie et la Champagne-Ardenne
présentent en revanche un ratio incinérations/
inhumations quasiment inversé par rapport au
Nord-Pas-de-Calais. (desenne et al. pour la Picardie
dans ce volume et bonnabel et al. pour la Champagne
dans ce volume). Parmi les sépultures dites « à
inhumation », il faut bien distinguer les sépultures
« classiques » des ossements isolés et notamment
des crânes incomplets découverts dans les fossés,
qui n’ont certainement pas la même signiication
qu’un individu inhumé allongé dans une fosse avec
ou sans mobilier. Lorsque cette distinction est faite,
on obtient en réalité 13 inhumations pour tout le
second âge du Fer, ce qui représente à peine plus de
5 % du corpus. Se pose alors la question du choix de
l’inhumation pour certains individus. à "Actiparc
site V", c’est un enfant qui a été inhumé, comme cela
a déjà été observé dans la vallée de la Somme (Boves
"La Forêt de Boves", fouille Nathalie buChez 2008,
DFS en cours). Six des 13 inhumations sont en réalité
des inhumations en puits ou en silo : Fresnes-lèsMontauban "Le Chemin des Vaches" (blanCquaert
& desfossés 1992 ; JaCques & rossiGnol 2001 n°
19) ; Hordain "La Fosse à Loups" (MarCy 2004 ;
séVerin 2006 ; Duisans "La Sèche épée" (JaCques
& rossiGnol 2001 n° 7) Hordain "ZAC" (Gaillard
& Gustiaux 2006) qui n’ont pas non plus la même
signiication qu’une inhumation allongée en fosse.
Ce phénomène est observé pendant toute la durée
du second âge du Fer, il ne s’agit donc pas d’une
question de datation. Dans les autres cas, à Gavrelle
"Le Chemin de Bailleul" (JaCques & rossiGnol 2001
n° 18), Fampoux "Entre les Deux Chemins" (JaCques
& rossiGnol 2001 n° 20), Arras "Les Bonnettes"
(JaCques & rossiGnol 2001 n° 4) et Duisans "Le Bois
d’Hattecourt" (JaCques & rossiGnol 2001 n° 6), on
ne sait pas ce qui a poussé la communauté à ne pas
brûler ces individus. Le mobilier associé au défunt,
lorsqu’il existe, n’est apparemment pas différent
de celui déposé dans les sépultures à incinération.
De plus, ces sépultures ne sont pas complètement
isolées des autres : dans le cas des deux sites
d’Hordain, les individus inhumés sont intégrés au
même espace funéraire que les individus incinérés.
En marge des inhumations, il faut rappeler le cas
des traitements atypiques du corps humain, avec la
présence à quatre reprises de fragments de calotte
crânienne dans des fossés : Arras "Les Bonnettes"
(JaCques & rossiGnol 2001 n° 4) ; Hamblain-les-Prés
(JaCques & rossiGnol 2001 n° 21) ; Saint-LaurentBlangy "Actiparc AC" (JaCques & prilaux 2004) et
Houplin-Ancoisne "Rue Max-Dormoy" (bourGeois
et al. 2001). à nouveau, le phénomène est observé
durant tout le second âge du Fer.
TRAITS COMMuNS Au TRAITEMENT Du
MORT BRÛLé
La mise en évidence de points communs dans le
traitement du mort brûlé est rendue extrêmement
délicate par le faible nombre de sépultures à
incinération qui ont fait l’objet d’une étude,
même succincte. Les informations minimales que
l’on peut acquérir rapidement telles que forme,
structure globale et dimensions de l’amas osseux,
poids total des ossements, présence ou absence des
restes du bûcher, font cruellement défaut dans les
publications et même dans les rapports d’opération.
Les observations qui suivent sont donc réalisées sur
la base des données disponibles à l’heure actuelle,
qui ne représentent que 50 des 234 sépultures à
incinération.
Il est très surprenant de constater qu’à l’heure
actuelle nous n’avons pas de mention de structure
de crémation (bûcher) datée du second âge du
Fer, ce qui est bien évidemment problématique
et ne peut s’expliquer par une méconnaissance
des structures ; pour la période gallo-romaine, de
nombreuses structures de crémation ont été mises
au jour durant les dernières années. une hypothèse
qui pourrait expliquer cette non reconnaissance
serait la localisation très éloignée des sites de
crémation des corps par rapport aux lieux de
sépultures déinitifs. Cependant l’étude de très
grandes surfaces, comme la ZAC d’Actiparc au
nord-est d’Arras ou l’opération d’Onnaing près de
Valenciennes, n’a pas permis la découverte de telles
structures. Il est dificile de croire qu’il y ait là un
simple problème d’attribution chronologique et que
le rattachement de tous les bûchers découverts à la
période gallo-romaine soit abusif.
Lorsque les observations existent, on note un tri
des restes du bûcher et donc l’absence de résidus
de combustion tels que charbons et nodules de
terre rubéiée dans les amas osseux. Après la
crémation et le tri des ossements, ces derniers sont
quasiment exclusivement déposés dans la tombe
à l’aide d’un contenant en matériau périssable et
non dans une urne. Ceci a été noté durant toute la
période. Cependant, dans de trop nombreux cas à
nouveau, on ne sait pas, d’après les rapports ou les
publications, si les ossements étaient regroupés en
amas - et donc s’il y avait contenant - ou bien s’ils
étaient dispersés sur le fond de la tombe ou dans le
comblement de celle-ci.
LES FOSSES ET LE MOBILIER :
uNE éVOLuTION ?
Même si une grande diversité de formes et
de dimensions de fosses a été notée, on peut
tout de même mettre en avant quelques aspects
récurrents. Au cours de La Tène moyenne, le
type le plus fréquemment rencontré est une fosse
quadrangulaire avec une céramique et parfois
un dépôt de faune : c’est par exemple le cas de la
67
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie oudry-braillon, Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais ?
sépulture 10.05b de Dainville "Le Champ Cailloux"
(JaCques & rossiGnol 2001 n° 8). Les dimensions des
fosses n’ont pas de lien direct avec la quantité ou le
type de mobilier durant cette phase : les tombes avec
du mobilier métallique ne sont pas nécessairement
les plus grandes, ni les plus riches en céramique. La
sépulture n° 110 de Dainville-Achicourt "Le Picotin
- Gérico" (prilaux & JaCques 2005) est la plus grande
du site, mais n’a livré que deux céramiques et un
dépôt de faune.
à la in de La Tène moyenne et au début de La
Tène inale, les sépultures sont majoritairement
ovales avec une céramique parfois associée à
une ibule. Le matériau de la ibule n’étant pas
systématiquement précisé, il est impossible de
mettre en évidence un lien éventuel entre un type
de matériau et une quantité de céramique. On
observe l’apparition et le développement de la
vaisselle métallique, comme les seaux, des pièces
de harnachement, des équipements de toilette et
de l’armement qui avaient été aperçus auparavant
pour certains, mais de façon très discrète. L’exemple
le plus représentatif pour cette période est la tombe
n° 604 de La Calotterie "La Fontaine aux Linottes"
(blanCquaert & desfossés 1998, ig. 5). Pour cette
phase, seules 7 tombes n’ont pas livré de mobilier
et ce ne sont pas les sépultures les plus petites. Les
tombes les plus grandes (plus de 1m x 1m) sont
quasi systématiquement rectangulaires. La faune
est encore peu présente parmi les dépôts associés
au défunt : seules 11 sépultures en ont livré et
nous n’avons pas de détail sur l’animal concerné.
Enin, quelques éléments nouveaux apparaissent,
comme la perle en pâte de verre bleue et jaune de la
sépulture R3 de la ZAC d’Actiparc à Saint-LaurentBlangy (JaCques & prilaux 2004).
à La Tène inale, les différences entre les tombes
s’accentuent : on observe aussi bien des sépultures
de dimensions très petites - 40 x 40 cm à Vendinle-Vieil "ZA du Bois Rigault" (feray 2005) - que des
tombes de dimensions considérables comme la
tombe n° 31 de Raillencourt-Sainte-Olle de 4 m sur
3,20 m (bouChe et al. 2005). Il est rare qu’il y ait moins
de deux céramiques déposées et les tombes de petites
dimensions peuvent livrer un mobilier conséquent :
à Saint-Laurent-Blangy "Les Fontaines", (JaCques &
rossiGnol 2001 n° 15), une fosse quadrangulaire de
60 cm de côté a livré 3 céramiques, une ibule en fer
et un dépôt de faune.
Durant La Tène inale, dans le Cambrésis
apparaissent des sépultures aménagées de
dimensions plus importantes. Elles livrent un
mobilier très riche, comme on peut l’observer sur
les deux sites principaux de cette période : Cambrai
"Avenue du Cateau" (Gaillard & Gustiaux 2005) et
Raillencourt-Sainte-Olle "Le Grand Camp" (bouChe
et al. 2005). En effet, la tombe la moins dotée de
La Tène inale à Cambrai a livré pas moins de 9
éléments de mobilier. à Raillencourt-Sainte-Olle,
la sépulture la moins dotée a livré 5 céramiques
68
et la plus riche recelait, entre autres, des dépôts
peu connus dans la région, notamment une perle
d’ambre et une paillette d’or. Les sépultures de ces
deux sites montrent des aménagements qui étaient
certainement visibles au-dessus du sol : enclos
quadrangulaires individuels à Cambrai ou trous de
poteaux encadrant les tombes à Raillencourt-SainteOlle. Nous n’avons pas assez d’informations pour
tirer des généralités de l’orientation des tombes.
On observe donc une évolution des fosses
sépulcrales et du mobilier au cours du second âge du
Fer. Le faible nombre de tombes de La Tène ancienne
et le manque d’informations les concernant font
qu’elles sont exclues des rélexions sur l’évolution
des fosses et du mobilier. Les formes des fosses sont
diverses mais tendent à devenir systématiquement
quadrangulaires à la in de la période. Les
dimensions sont très variables avec une moyenne
autour de 80 x 60 cm. Les aménagements (trous
de poteaux et/ou enclos individuel) apparaissent
plus fréquemment à la in de la période. Le type
de mobilier évolue : dans la première moitié de la
période, le dépôt est constitué de céramiques et de
rares éléments de parure - le plus souvent une seule
ibule ; à la in de la période, se développe la panoplie
complète des tombes laténiennes : céramique,
faune, dépôts de matériaux organiques et mobilier
métallique spéciique. Le type de mobilier se
diversiie et le nombre d’éléments constituant le
dépôt augmente. On note globalement quelle que
soit la période le faible nombre de ibules, de pièces
d’armement et de tombes à éléments de char. Enin
les tombes ayant livré du mobilier de type banquet
(seau, chaudron, etc.) sont exclusivement datées de
La Tène inale et localisées dans le Cambrésis. Cela
pourrait s’expliquer par la proximité de la Picardie
où ce type de tombe est plus fréquent.
ConCLUsIon
Au terme de cette rélexion, même si certains
aspects ont pu être mis en évidence, comme
l’apparition des « grands » ensembles funéraires à
la in de La Tène moyenne et au début de La Tène
inale, ainsi qu’une évolution dans le mobilier,
de nombreuses zones d’ombre et interrogations
subsistent : pourquoi un tel déicit de tombes du
premier âge du Fer et du début du second ? En
effet, nous avons vu que sur de nombreux sites,
l’occupation funéraire est présente de l’âge du
Bronze jusqu’à la toute in de la période romaine,
à l’exception de la première partie de l’âge du Fer.
S’agit-il d’une mauvaise identiication des sépultures
? Les individus de cette période ont-ils choisi
d’installer leurs morts ailleurs (des sites d’habitat,
même peu nombreux existent pourtant)? Un grand
travail reste également à faire sur le recrutement
des ensembles funéraires ain d’afiner les raisons
de la distinction entre incinération et inhumation et
de tenter de cerner l’organisation de ces ensembles
funéraires. Il faudra également éclaircir les écarts de
statut qui sont apparus entre les sites. Cela permettra
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie oudry-braillon, Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais ?
peut-être d’esquisser une déinition de groupes
culturels locaux ; en effet on observe des différences
entre les sites du Cambrésis, les sites de l’Arrageois
et de la vallée de la Scarpe et des sites comme La
Calotterie, qui se rapprocheraient plutôt plutôt de
ceux observés sur la partie littorale de la Somme et
en Haute-Normandie.
DEBIAK Rudy, GAILLARD Denis, JACquES Alain,
ROSSIGNOL Patrick, LEPETZ Sébastien & BuRA Pascal
(1998) - « Le devenir des restes humains après la mort, en
Artois, aux IVe et IIIe siècles avant J-C » dans BRUNAUX
Jean-Louis (éd.) - Les rites de la mort chez les Celtes du Nord.
Actes de la table-ronde de Ribemont-sur-Ancre (Somme),
les 4 et 5 décembre 1997, Revue Archéologique de Picardie,
n° 1/2, p. 25-57.
Enin sur la in de la période, des phénomènes
nouveaux apparaissent, à nouveau nettement
visibles dans le Cambrésis : une hiérarchisation
plus importante, qui témoigne d’un accroissement
des richesses et probablement de la mise en place
de nouveaux circuits commerciaux. Ces évolutions
sont peut-être liées à un autre aspect qu’il s’agira de
mettre en évidence : la romanisation des pratiques
funéraires.
DELMAIRE Roland, JACquES Alain, LEMANDELERIVE Germaine & SEILLIER Claude (1994) - Carte
Archéologique de la Gaule, le Pas-de-Calais. Paris, Maison
des Sciences de l’Homme, 2 vol, 607 p.
DELMAIRE Roland, LEMAN-DELERIVE Germaine,
SEILLIER Claude & THOLLARD Patrick (1996) - Carte
Archéologique de la Gaule, le Nord. Paris, Maison des
Sciences de l’Homme, 497 p.
BIBLIoGrapHIE
DESCHEyER Nathalie (2006) - Coquelles "Les Terrasses
de Coquelles" (Pas-de-Calais), DFS de diagnostic, SRA du
Nord-Pas-de-Calais, Villeneuve-d’Ascq.
ANDRé Mireille & DuMONT Christine (1998) - NeufchâtelHardelot "RD 940-RD 308" (Pas-de-Calais). DFS de fouille.
SRA du Nord-Pas-de-Calais, Villeneuve-d’Ascq.
FERAy Philippe (2005) - Vendin-le-Vieil "ZA du BoisRigault" (Pas-de-Calais), DFS de diagnostic, SRA du NordPas-de-Calais, Villeneuve-d’Ascq.
ASSEMAT Hélène, GINOuX Nathalie, LEMANDELERIVE Germaine & LORIDANT Frédéric (2007) « Le cimetière du "Nouveau Monde" à Cambrai. étude
préliminaire », Bulletin de l’Association Française pour
l’étude de l’âge du Fer, n° 25, p. 71-73.
GAILLARD Denis & GuSTIAuX Michèle (2005) - Cambrai
"Avenue du Cateau" (Nord), DFS de diagnostic, SRA du
Nord-Pas-de-Calais, Villeneuve-d’Ascq.
BLANCquAERT Gertruui & DESFOSSéS yves (1992) « L’âge du Fer dans le Nord-Pas-de-Calais : l’apport des
fouilles du TGV-Nord. L’exemple des sites de Zuytpeene,
Fresnes-lès-Montauban, Broxeele, oxelaëre et Flêtre »,
Bulletin de la Commission départementale d’Histoire et
d’Archéologie du Pas-de-Calais, t. XIII, n° 2, p. 221-275.
BLANCquAERT Gertruui & DESFOSSéS yves (1998) « La nécropole gauloise à incinération de La Calotterie «La
Fontaine aux Linottes» (Pas-de-Calais) » dans BRUNAUX
Jean-Louis (éd.) - Les rites de la mort chez les Celtes du Nord.
Actes de la table-ronde de Ribemont-sur-Ancre (Somme),
les 4 et 5 décembre 1997, Revue Archéologique de Picardie
n° 1/2, p. 135-162.
BOuCHE Karl, BLANCquAERT Geertrui & GINOuX
Nathalie (2005) - « Raillencourt-Sainte-Olle : un ensemble
aristocratique de la in de l’âge du Fer » dans KRUTA
Venceslas & LEMAN-DELERIVE Germaine (dir) - Feux
des morts, foyers des vivants : les rites et les symboles du feu
dans les tombes de l’âge du Fer et de l’époque romaine. Actes du
XXVIIe colloque international de Halma-Ipel, université
Charles-de-Gaulle, Lille III, Revue du Nord, hors-série,
collection Art & Archéologie n° 11, Villeneuve-d’Ascq,
p. 13-34.
GAILLARD Denis & GuSTIAuX Michèle (2006) - Hordain
"ZAC" (Nord), DFS de diagnostic, SRA du Nord-Pas-deCalais, Villeneuve-d’Ascq.
GAuDEFROy Stéphane & MICHEL Karine (1997) Salperwick "Les Nouvelles Marnières" (Pas-de-Calais), DFS de
fouille, SRA du Nord-Pas-de-Calais, Villeneuve-d’Ascq.
JACquES Alain, LEMAN-DELERIVE Germaine (19791980) - « L’occupation du sol dans la Haute vallée de
la Scarpe à l’âge du Fer ». Bulletin de la Commission des
Monuments Historiques du Pas-de-Calais, t. X, n° 4, p. 285294.
JACquES Alain & PRILAuX Gilles (2004) - "ZAC
Actiparc" (Pas-de-Calais), DFS de diagnostic pour les
sondages et les évaluations, SRA du Nord-Pas-de-Calais,
Villeneuve-d’Ascq.
JACquES Alain & ROSSIGNOL Patrick (1996) - « La
céramique laténienne en Artois : premiers résultats des
fouilles des années 1990-1995 » dans BRUNAUX JeanLouis (éd.) - La chronologie du Second âge du Fer dans le
Belgium. Actes de la table-ronde tenue à Ribemontsur-Ancre (Somme) les 21 et 22 octobre 1994. Revue
Archéologique de Picardie n° 3/4, p. 23-39.
BOuRGEOIS Ignace, LEMAN-DELERIVE Germaine &
RéVILLION Stéphane (2001) - Houplin-Ancoisne "Rue
Max-Dormoy", Notice du Bilan Scientiique Régional. SRA
du Nord-Pas-de-Calais, Villeneuve-d’Ascq, p. 49.
CABuyyves, LEMAN-DELERIVE Germaine, LOuRDAuX
Sylvie, MEES Nathalie, NILESSE Olivier & ROuTIER JeanClaude (1990) - « Fouilles et découvertes récentes de l’âge
du Fer dans le département du Nord », Revue du Nord Archéologie, t. LXXII, n° 286, p. 7-28.
JACquES Alain & ROSSIGNOL Patrick (2001) - « Pratiques
et rituels après la mort en Artois à l’époque laténienne.
Comparaisons avec le début de l’époque gallo-romaine » dans
GEOFFROy Jean-François & BARBé Hervé - Les nécropoles
à incinérations en Gaule Belgique : synthèses régionales et
méthodologie. Actes du XIXe colloque international du
Centre de Recherches Archéologiques de l’univertisté
Charles-de-Gaulle, Lille III (13-14 décembre 1996), Revue
du Nord, hors-série, Collection Art & Archéologie n° 8,
Villeneuve-d’Ascq, p. 29-61.
CARON Laurent & DESCHODT Laurent (1995) - Nesles
"Le Fond Vassal" (Pas-de-Calais). DFS de fouille. SRA du
Nord-Pas-de-Calais, Villeneuve d’Ascq.
LORIN yann (2004) - Achicourt "Les Vingt" (Pas-deCalais), DFS de diagnostic, SRA du Nord-Pas-de-Calais,
Villeneuve-d’Ascq.
69
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie oudry-braillon, Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais ?
MARCy Thierry (2004) - Hordain "La Fosse à Loups Tranche 1" (Nord), DFS de diagnostic, SRA du Nord-Pasde-Calais, Villeneuve-d’Ascq.
quéREL Pascal (2003) - Wattrelos "PA du Beck"(Nord), DFS
de diagnostic, SRA du Nord-Pas-de-Calais, Villeneuved’Ascq.
PION Patrick & GuICHARD Vincent (1993) - « Tombes
et nécropoles en France et au Luxembourg entre le IIIe et
le Ier siècle avant J.-C. Essai d’inventaire » dans CLIQUET
Dominique (dir.) - Les Celtes en Normandie. Les rites
funéraires en Gaule (IIIe-Ier siècles avant J.-C.), Actes du XIVe
colloque de l’AFEAF, évreux, 1990, Revue Archéologique
de l’Ouest, suppl. n° 6, évreux, p. 175-200.
SéVERIN Christian (2006) - Hordain "La Fosse à Loups Tranche 1" (Nord), Notice du Bilan Scientiique Régional,
SRA du Nord-Pas-de-Calais, Villeneuve-d’Ascq, p. 90-97.
PRILAuX Gilles & JACquES Alain (2005) - DainvilleAchicourt "Le Picotin - Gérico" (Pas-de-Calais), DFS de
fouille, SRA du Nord-Pas-de-Calais, Villeneuve-d’Ascq.
VERNEy Antoine (1993) - « Les nécropoles de l’âge
du Fer en Basse-Normandie. Bilan de trois siècles de
découvertes », dans CLIQUET Dominique (dir.) - Les
Celtes en Normandie. Les rites funéraires en Gaule (IIIe-Ier
siècle avant J.-C.), Actes du XIVe colloque de l’AFEAF,
évreux, 1990, Revue Archéologique de l’Ouest, suppl. n°
6, évreux, p. 95-113.
L’auteur
Sophie OuDRy-BRAILLON, Inrap, uMR 7041, 11 rue des Champs,
F - 59650 Villeneuve-d’Ascq
résumé
Les découvertes de sites funéraires du second âge du Fer se sont multipliées ces quinze dernières années à
l’échelle nationale, et la région Nord - Pas-de-Calais n’échappe pas à ce phénomène. Même si l’effectif global
de sépultures est moins important que dans les régions limitrophes, nous sommes actuellement en possession
de nombreux éléments pour entamer une rélexion sur les gestes funéraires de cette période. Il apparaît que les
pratiques des occupants de cette région se distinguent nettement de celles observées dans l’est de la Picardie
et en Champagne-Ardenne, à commencer par le choix du traitement du corps : les inhumés représentent une
faible minorité. Nous passons en revue un certain nombre de points en tentant de mettre en évidence les
caractéristiques générales à l’échelle de la région sur la période, mais également en distinguant les aspects qui
évoluent au cours du temps.
Mots-clés : Nord - Pas-de-Calais, second âge du Fer, sépulture, inhumation, incinération, pratiques funéraires.
abstract
The number of discoveries of La Tène burial sites has increased nationwide over the last ifteen years,
and the Nord – Pas-de-Calais region is no exception. Even if the global number of burials is smaller than in
neighbouring areas, we now have at our disposal a large corpus which enables us to formulate new theories
concerning the burial rites of this period. It appears that the populations of this region practised rites that were
very different from those found in eastern Picardy and Champagne-Ardenne, notably in the way bodies were
processed: inhumation concerns only a small minority. We review a certain number of issues, with a view not
only to bringing out the general characteristics of the period in this region, but also to identifying those aspects
that evolve over time.
Key words : Nord – Pas-de-Calais, La Tène, burial, inhumation, cremation, burial rites.
Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX.
Zusammenfassung
In den 15 letzten Jahren haben sich die Entdeckungen von Nekropolen aus der jüngeren Eisenzeit in ganz
Frankreich gehäuft, und auch die Region Nord - Pas-de-Calais ist von diesem Phänomen nicht ausgeschlossen.
Selbst wenn die Gesamtzahl der Gräber unter der der Nachbarregionen liegt, verfügen wir heute über genügend
Elemente, um uns mit den Bestattungsritualen dieser Periode zu beschäftigen. Es stellt sich heraus, dass die
Sitten der Bewohner dieser Region sich deutlich von denen unterscheiden, die im Osten der Picardie und der
Region Champagne-Ardenne beobachtet werden. Zunächst geht es um die Bestattungsart: Körperbestattungen
sind in der Minderheit. Wir überprüfen bestimmte Punkte, indem wir versuchen die allgemeinen, für diese
Zeit und diese Region gültigen Eigenschaften aufzuzeigen, ohne dabei die Aspekte zu vernachlässigen, die im
Laufe dieser Periode einem Wandel unterliegen.
Schlüsselwörter : Nord - Pas-de-Calais, jüngere Eisenzeit, Grabstätte, Körpergrab, Brandgrab,
Bestattungssitten.
70
Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr).
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne.
La QUEstIon DE La ContInUIté oU DE La DIsContInUIté
Dans LEs néCropoLEs CELtIQUEs DE La CHaMpaGnE
Jean-Jacques CHARPy
La gestuelle funéraire du second âge du Fer
commence par le choix des lieux d’implantation
des nécropoles et la nature de la sépulture, sujets
dont on a déjà de nombreuses fois débattu. C’est
un point resté quelque peu en suspens, celui de la
continuité d’utilisation du site ou de la discontinuité
d’occupation de celui-ci. Cet aspect important repose
sur une analyse chronologique ine et de ses divisions
en séquences les plus courtes possibles. à ce titre, la
Champagne offre un terrain unique et inégalé pour
mener une telle étude suite au nombre important
de cimetières mis au jour depuis le milieu du XIXe
siècle. D’autre part, la chronologie établie par JeanJacques Hatt et Pierre Roualet constitue l’outil le
mieux adapté, encore actuellement, pour envisager ce
travail. Ainsi se pose la question de la ou des durées
d’utilisation des nécropoles, c’est au-delà de la réponse
ouvrir le débat sur l’origine de ces populations,
celui de leurs développements, de leurs marqueurs
ethnographiques, de leurs déplacements.
LEs ConDItIons DE L’EnQUêtE
Les archives aussi imparfaites soient-elles
constituent la base du fonds documentaire. On se
doit de procéder en premier lieu à la confrontation
des archives manuscrites avec celles publiées. Puis
dans un second temps, il apparaît obligatoire de
procéder au recensement le plus exhaustif possible
des mobiliers conservés en collections particulières
ou publiques. une critique sévère de ces deux sources
est alors indispensable. C’est seulement à ce stade
que peuvent se dégager les premières inesses de
l’approche chronologique puis celles de la perception
sociologique et psychologique des auteurs des fouilles
anciennes. D’autre part, l’examen minutieux des
objets publiés comme de ceux rangés, voire oubliés
dans les réserves des musées permet de repérer des
indices technologiques, voire d’autres décoratifs
comme représentatifs d’une période ou spéciiques
à certains milieux. C’est aussi le moyen de mieux
percevoir des associations signiicatives. Il convient
donc pour atteindre ce but de recenser, d’un côté, la
documentation la plus iable livrée par les fouilles
modernes et, de l’autre, toutes les informations
permettant une connaissance la plus large possible.
L’exemple reconnu à Dormans "Les Varennes" a
permis de constater que les résultats de la recherche
étaient conformes à ceux attendus pour les périodes
concernées par ces fouilles. Pour la phase de
recherche ancienne, chaque structure présentait
une situation simple que l’on pourrait résumer à
cette maxime : une structure / une période. Pour les
recherches récentes de 1963, la situation se révélait
complexe : une structure / plusieurs périodes. Des
mobiliers oubliés retrouvés dans des emballages
d’époque, la découverte de dessins inédits ont
permis de modiier les résultats connus et de
pouvoir les superposer avec ceux des recherches
récentes (1).
C’est donc sur ces bases que dès 1990 j’ai tenté
de dresser des tableaux départementaux ain de
coller au plus près de la réalité régionale. Cet état ne
saurait être considéré comme une inalité puisqu’il
est impossible dans la suite des documents qui
vont suivre de pouvoir notiier par exemple les
pourcentages chiffrés de la représentativité d’une
séquence chronologique par rapport à une autre. Il
n’est pas non plus possible de faire une différence
entre les phases archaïque et récente d’une même
période. Ce type d’analyse ne représente donc
qu’un moyen de déinir des tendances qui doivent
impérativement être vériiées par d’autres sur
des séries d’objets, de tombes, d’assemblages de
mobilier, etc.
Les tableaux qui vont suivre ont été établis pour
les quatre départements composant la ChampagneArdenne auxquels s’ajoute celui de l’Aisne. Les
sept colonnes correspondent à un découpage en
chronologie relative de l’époque celtique réalisé
comme suit, les datations en chronologie absolue
pouvant varier selon les classiications hautes ou
basses proposées par les chercheurs.
1 - Charpy Jean-Jacques (1996) - Les Celtes en Champagne du
VIe au IIIe siècle avant J.-C., la nécropole de Dormans (Marne)
dans son contexte régional. Thèse de doctorat, E.P.H.E., 3
vol. 654 p. et 432 pl.
La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne.
71
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne.
Dans les tableaux qui vont suivre :
Le Jogassien correspond au Hallstatt inal IIaIIb (530-475 avant J.-C.). On a éliminé la phase I qui
ne concerne que le sud de la région au-dessous du
cours de la Marne. Elle en aurait alourdi la lecture
Le Marnien du Ve siècle (475-400 avant J.-C.)
répond à la division La Tène ancienne Ia puis Ib,
périodes qui correspondent à ce qui est appelé
Marnien. La question des rites funéraires de cette
période a été développée autour de la question des
inhumations et des incinérations découvertes dans
le département de la Marne (2).
Le IVe siècle se divise en deux phases : La Tène
ancienne IIa (400-360 avant J.-C.) dite phase préDuchcov et La Tène ancienne IIb (460-300 avant J.-C.)
soit les horizons des ibules Duchcov classiques.
Cette courte séquence a été mise en évidence par
les travaux de Pierre Roualet pour l’exposition Les
Celtes en Champagne, cinq siècles d’histoire à Epernay
en 1991. Il a ensuite développé spéciiquement par
l’analyse des parures (3).
La colonne IIIe siècle couvre uniquement La Tène
ancienne III, soit les horizons des ibules évoluées
puis tardives de Duchcov ainsi que celui des ibules
de Münsingen et les plus anciens modèles de
schéma La Tène II. La coupure intervenant vers le
dernier tiers du IIIe siècle. On a délivré un aperçu de
la question à l’occasion de l’exposition de Tournai :
Les Celtes , rites funéraires en Gaule du Nord entre le VIe
et le Ier siècle avant J.-C. (4).
Le IIe siècle répond à La Tène moyenne et au
début de La Tène inale, la coupure entre les deux
phases se faisant vers 175 avant J.-C.
Le Ier siècle est divisé à peu près en son milieu par
la Conquête, la première séquence correspondant
à la in de l’indépendance et la seconde au galloromain précoce s’achevant vers 10/20 de notre ère.
Le Gallo-romain correspond au début de l’Empire.
Le lecteur pourra se reporter à la récente synthèse
de Bernard Lambot (5).
2 - Charpy Jean-Jacques (1998) - « Les pratiques funéraires
en Champagne au Ve siècle avant J.-C. », Revue archéologique
de Picardie, 1/2, Amiens, p. 99-109.
3 - roualet Pierre (1993) - « La période de La Tène
ancienne Iia en Champagne » dans Actes du IXe Congrès
international d’études celtiques, Paris 1991. études celtiques
XXVIII, 1991, p. 375-398.
4 - Charpy Jean-Jacques (1998) - « Les rites funéraires en
Champagne celtique » dans leMan-deleriVe Germaine,
(dir.) - Les Celtes, rites funéraires en Gaule du Nord entre le
VIe et le Ier siècle avant J.-C. études et Documents fouille - 4,
Namur, p. 30-40.
72
On notera que le point dans une case correspond à
la présence au moins d’un objet datable de la période.
Le point d’interrogation répond à la possibilité d’une
occupation attestée seulement par les descriptions
trouvées en archives ou à des informations non
vériiées, documentées seulement par un témoignage
oral ou par des objets que l’on n’a pas pu observer
physiquement au cours de nos recherches. Les
tableaux ci-dessous reposent principalement sur
l’analyse des cimetières publiés.
L’IntErprétatIon DEs taBLEaUX
Les tableaux ci-dessous relètent à la fois l’état de
la recherche dans les différents secteurs concernés
mais aussi les carences. Il est donc bien dificile de
tenter une généralisation des propos sur une aussi
vaste entité géographique qu’est la Champagne sans
procéder à des sectorisations. On notera cependant
que des absences, lorsqu’elles sont répétitives,
peuvent reléter une certaine réalité statistique (ex.
le vide du début du IVe s. avant J.-C.).
Pour le département de l’Aube, l’occupation du
Hallstatt inal I n’apparaît pas sur les tableaux. Elle a
fait l’objet de plusieurs publications de Louis Lepage
(6) et de l’auteur (7). Ces études montrent l’extension
assez large de cette culture, au sud du cours médian
et inférieur de la Marne qui en constitue la limite
septentrionale de diffusion. D’autre part, la phase
jogassienne y est faiblement représentée tout
comme celle de La Tène initiale. Cette situation
est donc bien différente de ce que l’on va observer
pour le département voisin de la Marne. Les
quelques sépultures que l’on peut attribuer à cette
époque sont essentiellement féminines et tardives.
Elles peuvent relever d’inluences du milieu dit
Marnien et témoigner d’une forme de colonisation
de ce territoire. Les fouilles souvent anciennes ne
peuvent fournir la certitude d’une présence du
dépôt céramique dans la tombe. L’occupation la
plus dense est celle qui correspond à la longue phase
Duchcov-Münsingen. Elle puise parfois ses origines,
à l’extrême in du Ve siècle ou au début de celui qui
suit (phase pré-Duchcov). Son évolution se place
directement dans la continuité de celles de la in de
la phase antérieure bien illustrée par la répartition
géographique des torques à extrémités renlées et
tronconiques. Ces nécropoles paraissent s’arrêter à
5 - laMbot Bernard (2006) - « La Champagne et les Rèmes »
dans Collectif - Celtes, Belges, Boïens, Rèmes, Volques…,
Musée de Mariemont, p. 222-241.
6 - lepaGe Louis (1989) - « Bracelets du Hallstatt Moyen
en Champagne et en Lorraine méridionales » dans La
civilisation de Hallstatt. études et recherches archéologiques
de l’université de Liège, n° 36, p. 321-339.
7 - roualet Pierre & Charpy Jean-Jacques (1991) - Les Celtes
en Champagne, cinq siècles d’histoire. Epernay, p. 36-37.
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne.
Localité
Avon-la-Pèze
Barberey-Saint-Sulpice
Barbuise-Courtavant "Les Grèves"
Barbuise-Courtavant "Le Crépin"
Barbuise-Courtavant-La Saulsotte
"Bois Pot Vin" "Les Terres de Frécul"
Barbuise-Courtavant-La Saulsotte
"Les Grèves"
Barbuise-Courtavant-La Saulsotte
"Les Grèves de Frécul"
Barbuise-Courtavant "Le Mont les
Noix"
Barbuise-Courtavant
"Les Grèves de la Villeneuve"
Barbuise-Courtavant (coll. Revailler)
Bar-sur-Aube
Bar-sur-Seine
Bercenay-en-Othe
Boulages
Bouranton "Champneux"
Bouranton "Michaulot"
Creney-près-Troyes
Courceroy
Courtavant "Les Grèves de Bouligny"
Dampierre
Dienville
Estissac "La Côte d'Ervaux"
Fontaine-Mâcon
Fonvannes
Fresnoy
Isle-Aumont "La Chèvre"
Jessains "Queue de Poêle"
Luyères "Les Vermilonnes"
Mailly-le-Camp "Romainecourt"
Méry-sur-Seine
Molins
Neuville-sur-Seine (La)
Neuville-sur-Vanne (La)
Nogent-sur-Seine Hameau du Mériot
Pâlis "Le Buisson Gendre"
Pavillon-Sainte-Julie
Plancy-l'Abbaye
Plessis-Barbuise "La Bouverie"
Polisot*
Pont-Sainte-Marie "Le Moulinet
Pougy-sur-Aube
Ramerupt
Rigny-la-Nonneuse "Les Tomes"
Romilly-sur-Seine
Château de Sellier
Rouilly Saint-Loup
Hameau de Rouillerot
Saint-Benoit-sur-Seine
"La Perrière"
Saint-Loup-de-Buffigny
"Haut du Blossier"
Saint-Martin-de-Bossenay
Salon "Les Jaquemards"
Saulsotte (La) "Frécul"
Saulsotte (La) "Vieux Bouchy"
Semoine
Trouans "Fosses Ribaudes I"
Trouans "Fosses Ribaudes II"
Troyes "La Charme"
Troyes, Rue de la Paix
Vinets "Les Grèves"
Vinets "La Grande Contrée"
Voué "La Providence"
Jogas
Ve
IVe
IIIe
IIe
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Ier
G.R.
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
•
•
?
?
•
?
?
•
?
?
•
•
•
•
•
?
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
?
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
?
?
•
•
•
•
•
•
?
•
•
•
?
?
•
•
•
tab. I - Les nécropoles de l’Aube.
73
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne.
Localité
Argers
Auberive
Auberive "Les Carmes"
Auberive "Les Grandes Fontaines"
Aulnay-aux-Planches "Les Heurts"
Aulnay-aux-Planches
"Chemin des Bretons"
Aulnay-sur-Marne "Le Champ Pralié"
Aulnizeux
Auve
Avize "Les Hauts Némerys"
Bagneux "Le Champ du Curé"
Barbonne-Queudes "Les tartres"
Bassuet "Les Fournais"
Bazancourt
"Au Dessous du Pré Bréart"
Beine "L'Argentelle"
Beine "La Motelle"
Beine-Prunay "Quartier Saint-Basle,
Noue d'Ambigny"
Beine "Le Montéqueux"
Beine "Les Bouverets"
Beine "Les Cris"
Bergères-les-Vertus "Le Puy"
Bergères-les-Vertus "Les Crons"
Bergères-les-Vertus
"Les Terres de Monsieur"
Bergères-les-Vertus "Montaignesson"
Berru "Le Terrage"
Berru "Les Flogères"
Bétheniville "Le Fer à Cheval"
Bétheny "Bas de Suzy"
Bétheny "Les Courtètes"
Bethon "Monte en Baudet"
Bezannes
"Les Marsillers"
Bourgogne
Chemin rural du Blanc Boucher
Bouy "Les Varilles"
Bouy "Chemin de Vadenay"
Bouy "Le Guillardet"
Bouzy (coll. Chance)
Bouzy "La Côte aux lièvres"
Brébant (coll. Richard)
Breuvery -sur-Coole "La Potence"
Broussy-le-Grand "Le Pralat"
Bussy-le-Château (coll. Morel)
Bussy-le-Château
"La Croix Meunière"
Bussy-le-Château "Les Govats"
Bussy-le-Château
"Le Mont-Saint-Basle"
Bussy-le-Château
"Le Mont des Temps"
Bussy-le-Château "Le Cul Vidame"
Bussy-le-Château "Le Mont Dinet"
Bussy-le-Château "Le Mont Piémont"
Bussy-Lettrée –fouilles Brisson
Bussy-Lettrée "Le Petit Vau Bourdin"
Bussy-Lettrée "En Haut des
Gravelles"
Caurel "Fosse Minore"
Cauroy-les-Hermonville
Cernay-les-Reims et Reims
"Champ Dolent"
Cernay-les-Reims
"Le Mont de Nogent"
Cernay-les-Reims "Le Mont Epié"
Cernay-les-Reims "Les Barmonts"
tab. II - Les nécropoles de la Marne.
74
Jogas
Ve
IVe
•
•
•
IIIe
IIe
•
•
•
?
•
•
?
?
•
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Ier
G.R.
•
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
?
?
•
•
•
•
•
•
?
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
?
•
•
•
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne.
Localité
Cernay-les-Reims "Les Charmes"
Cernon-sur-Coole "La Côte des Prés"
Cernon-sur-Coole "Le Moulin Brûlé"
Châlons-sur-Marne
Avenue de Strasbourg
Châlons-sur-Marne "Le Manège"
Châlons-sur-Marne
"Le Mont Saint-Michel"
Chouilly "Les Jogasses"
Chouilly « La Croix des Huguenots »
Chaussée-sur-Marne (La) -coll. E.
BaffetCheppe (La) "La Tome"
Cheppe (La) "Le Mont de Larnaud"
Cheppe (La) "Le Buisson de Suippes"
Cheppe (La) "Le Montois"
Clamanges "Faignières"
Coizard-Joches "Le Moulin"
Condé-sur-Marne
"Le Mont de Marne"
Conflans-sur-Seine "Les Grèves"
Connantray « Tumulus »
Connantre "Le Différend"
Corroy "Au Dessus des Roseaux"
Corroy "Le Bas de la Justice"
Corroy "Le Pont de l'Isle"
Corroy-Gourgançon "Saint-Mard"
Courtisols "La Motte du Château"
Courtisols "L'Homme Mort"
Courtisols
"Les Closeaux de la Conche"
Courtisols "Les Grands Ayeux"
Couvrot "La Motelle"
Croix-en-Champagne (La) "La Butte"
Croix-en-Champagne (La)
"La Grosse Epine"
Crugny "Le Bois de Perthes"
Cuperly "La Grammonerie"
Cuperly "L'Arbre Jesson"
Cuperly "Vau Herbeau"
Dampierre-au-Temple "Les Crayères"
Dampierre-au-Temple
"Le Mont de Gravonne"
Dommartin-Lettrée
"La Côte des Perrières"
Dormans "Les Varennes"
Ecury-le-Repos "Fin de Sère"
Ecury-le-Repos "L'Homme Mort"
Ecury-le-Repos "Le Crayon"
Ecury-le-Repos "La Noue du popelin"
Ecury-le-Repos "Les Ormes"
Ecury-sur-Coole
"Les Côtes en Marne"
Epernay
rue Malakoff et rue de Bernon
Epoye "La Conge"
Epoye "Montmorillon"
Epine (L')
Esclavolles-Lurey "Bécheret"
Esclavolles - sablières
Etoges "Les Petits Noyers"
Etrechy "Beauregard"
Etrechy "Moulin à Vent"
Fagnières "La Noue du moulin"
Fère-Champenoise
"Faubourg de Connantre"
Fère-Champenoise "La Fin d'Ecury"
Fèrebrianges "Le Martrot"
Flavigny
Fontaine-en-Dormois
Fontaine-sur-Coole
"Le Mont Coutant"
Jogas
•
•
Ve
?
IVe
•
•
?
•
•
•
?
?
•
•
•
•
•
•
•
IIIe
IIe
•
•
•
•
•
•
•
?
•
•
?
•
Ier
G.R.
•
•
•
?
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
?
•
•
•
•
•
?
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
tab. II - Les nécropoles de la Marne (suite).
75
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne.
Localité
Germinon
Gourgançon
"Au Dessus des Petites Roises"
Gourgançon "La Corbillère"
Gourgançon "Les Poplainneaux"
Grandes-Loges (Les)
"Les Mortes Vaches"
Gueux Parc du Château
Haussimont "La Fontaine Rouge"
Haussimont "La Pernelette"
Heiltz-l'Evêque "Charvais"
Heutrégiville "Le Mont sapinois"
Humbeauville - entrée du village
Hurlus
Jalons-les-Vignes -Route nationale
Jonchery-sur-Suippe
Jonchery-sur-Vesle
Mutualité agricole
Juvigny-Vraux "Le Mont de Vraux"
Juvigny "Les Vignettes"
Laval-sur-Tourbe
Lavannes "Le Mont Jouy"
Lavannes "Le Mont de la Fourche"
Lavannes "Le Mont Fruleux"
Lavannes-Caurel "Le Mont de Bury"
Lenharrée -carrière
Linthelles "Les vallées"
Livry-Louvercy "Les Echonas"
Loisy-en-Brie
Loisy-en-Brie
hameau du Petit Loisy
Loisy-sur-Marne
"La Clôture des Vignes"
Mairy-Sogny "Le Champ Mayart"
Mareuil-le-Port "Le Thym"
Mareuil-sur-Aÿ
Margerie-Hancourt "Le Tumois"
Marson "Les Vignettes"
Marson "Le Voyet"
Marson "Les Savarts"
Marson "Montfercault"
Mesneux (Les) -sablière
Mesnil-les-Hurlus
Montcetz-l'Abbaye "Le Champ Lien"
Montépreux "Le Cul du Sac"
Morains "Les Brûlefer"
Morains "Les Champs Ecus"
Morains "Les Terres Rouges"
Normée "La Tempête"
Oiry "Le Champ de Parc"
Pierre-Morains "Le Calvaire"
Pierre-Morains (Coll. de Baye)
Pierre-Morains "La Vigne"
Pleurs "Les Buttes"
Pogny "Le Grand Mont"
Poix "Les Ecoutrets"
Pomacle "Les Moutèves"
Pontfaverger "La Croix Boileau"
Pontfaverger "Les Husses"
Pontfaverger "La Wardelle"
Pontfaverger "Pont-Chaton"
Pontgivart propriété Moreau
Prosnes "La Voie de Baconnes"
"La Voie de Sept-saulx"
Prosnes "Le Terrage"
"Le Buisson Mouton"
Prosnes "Les Vins de Bruyères"
Prosnes "Constantine"
Prunay "Les Marquises"
Prunay "Les Commelles"
Prunay "Le Champ la Guerre"
Prunay "Les Champs Cugniers"
Jogas
IVe
IIIe
•
•
•
•
•
•
IIe
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
G.R.
•
•
•
•
•
•
•
Ier
?
•
•
•
•
•
?
?
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
?
•
?
?
•
•
•
•
?
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
?
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
tab. II - Les nécropoles de la Marne (suite).
76
Ve
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
?
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne.
Localité
Ville-sur-Tourbe
Villedommange
Villeneuve-Renneville
"Le Mont-Gravet"
Villeneuve-Saint-Vistre
Villers-le-Sec
Villers-Marmery "La Voie du Puits"
Villeseneux "La Barbière"
Villevenard "La Croix de Cour"
Vitry-le-François "Les Marvis"
Vitry-le-François "Le Bois Legras"
Vrigny "Le Mont de Vannes"
Warmeriville "La Motelle"
Witry-les-Reims "La Voie Carlat"
Witry-les-Reims
"Les Puisy, La Neufosse"
Witry-les-Reims Fort militaire
Jogas
Ve
•
•
IVe
IIIe
IIe
•
•
•
G.R.
Ie
G.R.
•
•
?
•
?
Ier
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
?
•
tab. II - Les nécropoles de la Marne (suite).
Localité
Acy-Romance - Centre F.P.A.
Acy-Romance "La Croizette"
Acy-Romance "La Noue Mauroy"
Acy-Romance "Le Terrage"
Aiglemont "L'Homme Mort"
Alincourt "Gersay"
Annelles "Devant la Garenne"
Annelles "Le Mont des Craies"
Arnicourt
Asfeld
Aure "L'Homme Mort"
Aure "La Grosse Tommelle"
Aure "Les Rouliers"
Aussonce "La Motelle"
Aussonce "La Côte des Braies"
Aussonce "Le Mont d'Alincourt"
Aussonce "Le Mont Rouillon"
Bannogne-Recouvrance
"Sous le Chemin de Forest"
Barby "Juconval"
Bar-les-Buzancy
Biermes "Le Calvaire"
Bignicourt
Château-Porcien "L'Aiguillon"
Château-Porcien "Le Joassen"
Granville (La) "Arnival"
Hannogne "La Terre à L'Argent"
Hauviné "Arnel"
Hauviné "Bois Gilbert"
Hauviné "Feneux"
Hauviné "La Motelle"
Hauviné "Verboyon"
Hauviné "La Poterie"
Hauviné "Le Fond Saint-Hilaire"
Hauviné "La Crayère"
Hauviné "Le Terme Badaud"
Hauviné "Les Heurteaux"
Hauviné "Pays"
Juniville "La Côte de Hollande"
Juniville "La Voie Godard"
Juniville "Le Mont Croupsault"
Juniville "Sous Blousseru"
Neuville-en-Tourne-à-Fuy
"Le Mont de Fosse"
Liry "La Hourgnotte"
Liry "Le Beau Petit Mont"
Manre "L'Homme Mort"
Manre "Le Mont Troté"
Jogas.
Ve
IVe
IIIe
IIe
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
?
•
?
•
•
?
•
•
?
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
•
tab. III - Les nécropoles des Ardennes.
77
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne.
Localité
Jogas
Marvaux
Ménil-Annelles
"Le Montant de l'Obit"
Ménil-L'Epinois
"Le Mont Frulleux"
Mézières "Bertaucourt"
Perthes (coll. Bosteaux)
Quilly "Le Fichot"
Rethel déviation
Saint-Clément-à-Arnes
"La Motelle de Germiny"
Saint-Clément-à-Arnes
"Le Chemin de St-Pierre
Saint-Clément-à-Armes
"Le Montant de Griotte"
Saint-Etienne-à-Arnes
(coll. Bosteaux)
Saint-Germainmont "Le Poteau"
Saint-Germainmont
Sapogne-sur-Marche
"Le Vieux Monty"
Saulces-Champenoise
"Le Mont Renard"
Saulces-Champenoise
"Le Fond de Bernois"
Saulces-Montclin
Saulces aux Tournelles
Savigny-sur-Aisne
Semide "Le Mont Fagny"
Semide "La Tommelle aux Mouches"
Semide "Le Mont Parré"
Seraincourt "La Terre à l'Argent"
Sevigny-la-Forêt "Les Pothées"
Theux (Le)
Thugny-Trugny "Le Maillet"
Vieux-les-Asfeld "Longs-Beaumonts"
Ville-sur-Retourne
"Budant à la Route de P."
Ville-sur-Retourne
"Le Chemin d'Imbry"
Villers-Semeuse -carrière Dauchy
Ve
?
IVe
IIIe
IIe
Ier
G.R.
?
•
•
•
•
?
?
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
•
tab. III - Les nécropoles des Ardennes (suite).
Localité
Attancourt
Auberive
"Grand Combe"
Auberive "Maigrefontaine"
Bourdons-sur-Rognon
Bussy-Vecqueville
Chamouilley
Châtenay-Mâcheron
Cohons
Courcelles-sur-Aujon "Moulin Brûlé"
Courcelles-en-Montagne
"Champ Rougeau"
Courcelles-en-Montagne
"Motte Saint-Valentin
Cusey "Combotte"
Cusey "Les Têtes"
Cusey "Sur Vesvres"
Dampierre "Combe Ournot"
Dardenay "Le Mortot"
Dommarien
Esnoms-au-Val "Champberceau"
Esnoms-au-Val "Les Gros Meurgers"
Esnoms-au-Val "Les Montoilles"
Essey-les-Eaux
78
Ve
Jogas
•
•
•
•
IVe
IIIe
IIe
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
tab. Iv - Les nécropoles de la Haute-Marne.
Ie
G.R.
•
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne.
Localité
Montsaugeon
Montsaugeon I
Montsaugeon II
Montsaugeon "Croix Saint-Thibault"
Nijon "La Mottote"
Nogent-en-Bassigny
Nogent-en-Bassigny
"Forêt du Marsois"
Perrogney
Perthes
Rivières-les-Fosses
Rouelles
Saint-Dizier "Base 113"
Saint-Dizier
"Fosse aux Loups"
Semoutiers "Le Champ du Pré"
Vitry-les-Nogent "Le Châtelet"
Jogas
Ve
•
•
•
?
•
IVe
IIIe
IIe
Ier
G.R.
Ie
G.R.
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
tab. Iv - Les nécropoles de la Haute-Marne (suite).
Localité
Aguilcourt
Arcy-Sainte-Restitue
Armentières-sur-Ourcq
Berry-au-Bac
Bouconville-Vauclair
Braine -route de Brenelle
Breny
Brienne-sur-Aisne
Bruyères "Trugny"
Bucy-le-Long "La Héronnière"
Bucy-le-Long
"Le Fond du Petit Marais"
Chassemy "La Plaine de Bourfaux"
Chassemy "La Fosse Chapelet"
Chouy
Ciry-Salsogne
Crouy
Crouy "Les Grands Champs"
Dravegny
Evergnicourt
« Le Tournant du Chêne »
Fère-en-Tardenois -Sablonnières
Limé"Le Martois"
Limé "Villa d'Ancy"
Limé « Les Sables »
Maizy-sur-Aisne
Mercin et Vaux
Montigny-sur-Crécy
Moÿ-de-l'Aisne
Nogent-l'Artaud "Les Champailles"
Orainville « La Croyère »
Oulchy-la-Ville
"Le Bois de la Bayette"
Paars "Le Paradis"
Pernant "Le Port"
Pont-Arcy
Presles et Boves "Saint-Audebert"
Soissons "Les Feuillants"
Soupir "La Haute Borne"
Soupir (sondage1989) « Le ¨Parc » ?
Vailly-sur-Aisne "La Barbeaucane"
Villeneuve-St-Germain
« Les Etomelles »
Villers-en-Prayères
Ve
Jogas
IVe
IIIe
IIe
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
•
•
•
•
•
•
?
?
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
?
•
?
•
•
•
•
?
•
•
•
?
tab. v - Les nécropoles de l’Aisne.
79
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne.
peu près simultanément dans le courant du IIIe siècle
même si certaines perdurent quelque peu. on signale
que cette éventualité se rencontre aussi en d’autres
secteurs champenois. L’association du Nogentais
au groupe du Sénonais reste bien établie jusqu’à La
Tène moyenne. On note une absence de témoignages
funéraires pour l’époque de la in de l’Indépendance
mais, cette perception semble actuellement ne pas
se vériier dans le domaine de l’habitat grâce à des
fouilles récentes et inédites faites le long du cours de
la Seine, notamment en Bassée, près de la conluence
avec l’yonne. L’homogénéité des gestes funéraires
observables (dépôt de l’équipement personnel : parure
ou armement ; absence d’offrandes céramiques ;
inhumation en cercueil ou en fosse non colmatée)
dans les nécropoles n’existe massivement que
pendant la phase Duchcov-Münsingen puis tend
progressivement à se réduire pour disparaître avant
La Tène inale.
Dans le département des Ardennes, la situation
est beaucoup plus complexe. La nature géologique
du sol divise le département en deux zones. Le
nord, milieu de collines très boisées, coupé selon
un axe nord-sud par la vallée de la Meuse semble
très peu occupé. à l’inverse, le sud qui est crayeux
apparaît comme le prolongement naturel de la
culture marnienne. Les phases jogassiennes sont
assez faiblement représentées mais on peut noter
un accroissement net du nombre des tombes
de la seconde phase (Hallstatt inal IIb). Elles
constituent souvent l’origine même des cimetières
du Ve siècle. Ceux-ci sont nombreux et en tout point
semblables aux nécropoles du nord de la Marne.
L’exemple, encore inédit, d’Acy-Romance (8) "Le
Terrage"témoigne du fait que certaines nécropoles y
sont aussi abandonnées assez tôt à l’image de ce qui
est connu dans le Marnien. Ce cimetière constitue
tout de même une exception. L’absence de tombe
de la première moitié du IVe siècle avant J.-C. est
assez généralisée à l’exception de quelques cas de
nécropoles riveraines du milieu Beine-Suippes. La
réoccupation des cimetières intervient, selon les
cas, à des moments différents de la longue phase
Duchcov-Münsingen (460-260 av. J.-C.). Les sites
cessent majoritairement d’être utilisés dans le
courant du IIIe siècle, cependant, à l’exemple de
Liry "La Hourgnotte", certains peuvent connaître
une occupation jusqu’à La Tène moyenne. Les
cimetières datables de La Tène inale sont tous des
créations nouvelles qui couvrent soit une longue
période (Acy-Romance "La Warde"), soit des
séquences plus limitées mais ils sont alors datables
de peu avant la Conquête et le plus souvent d’après
(Hauviné et Saint-Clément-à-Arnes). Ces derniers
paraissent témoigner du déplacement de petits
groupes humains sur un territoire limité suite à
8 - Nos remerciements vont à Bernard Lambot pour nous
avoir communiqué sa documentation.
80
un épuisement des terres agricoles. Le mobilier et
les rites observables de ces nécropoles sont en tous
points identiques à ceux des cimetières de la région
rémoise. On peut donc attribuer l’espace compris
entre la limite géographique nord du département de
la Marne et le cours de l’Aisne comme appartenant
au territoire des Rèmes.
Dans le département de la Haute-Marne, il
est dificile de faire une synthèse aussi ine des
découvertes. Elles se répartissent en deux secteurs
principaux résultant probablement de l’activité
de la recherche. Peu de fouilles récentes y ont été
réalisées. L’étude des mobiliers laisse apparaître
une utilisation très discontinue des cimetières et une
assez faible représentation de chacune des phases
composant l’époque laténienne. Toutefois, c’est La
Tène ancienne I qui reste la mieux documentée.
Les premières décennies du IVe siècle sont sous
représentées. Les tombes ou les objets s’y rapportant
se comptent en très petite quantité. On observe
que les contextes les plus récents provenant soit
d’inhumations, soit d’incinérations correspondent,
selon les sites, à des phases différentes du IIIe siècle
avant J.-C. Les époques de La Tène moyenne et
inale ne sont attestées que par des découvertes
éparses et souvent mal documentées provenant soit
d’habitats (Gourzon "Le Châtelet") ou de nécropoles
(Saint-Dizier "Base 113"). Cette région correspond à
ce que l’on pourrait considérer comme les marches,
au nord du milieu champenois et au sud, du milieu
bourguignon. Les types de sépultures en sont le relet,
respectivement, au nord, par l’inhumation en fosse et,
au sud, par l’inhumation en tumulus dont l’origine
du monument remonte le plus souvent à l’âge du
Bronze. Pendant la phase Duchcov-Münsingen, on
peut noter des parentés avec le mobilier funéraire du
Plateau Suisse et des inluences centre-européenne.
La vallée de la Marne a certainement joué un rôle
important de communication.
Dans le département de l’Aisne, on se retrouve
dans une division similaire à celle du département
des Ardennes. En fait, seul le Tardenois et la vallée
de la rivière jusqu’à la hauteur de Soissons forment
le secteur occidental du Marnien du Ve siècle avant
J.-C. Il se caractérise, en l’état de la connaissance, par
une absence presque totale des phases du Hallstatt
inal. on n’a pu seulement identiier, dans les
collections, que deux ibules pouvant se rapporter à
cette période. L’occupation de cette région ne débute
véritablement qu’avec La Tène ancienne Ia. On peut
noter, à l’analyse des tombes féminines comportant
des parures, une augmentation démographique
assez sensible dans la période La Tène ancienne Ib.
quelques unes de ces tombes peuvent se classer
dans les premières années du IVe siècle avant J.-C.
C’est le cas pour les dernières tombes de la nécropole
de Pernant et pour au-moins deux des sépultures
à char de Bucy-le-Long mises au jour récemment.
Antérieurement, on ne connaissait qu’une seule
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne.
tombe, à Chassemy "La Fosse Chapelet", datée
par sa ibule comme de la phase La Tène ancienne
IIa. La réoccupation de certains sites se produit
dans le courant de l’époque Duchcov-Münsingen.
Les cimetières attribuables à cette phase cessent
d’être utilisés dans le courant du IIIe siècle. Le
cas exceptionnel de la nécropole de Bucy-le-Long
"La Héronnière" par l’importance du nombre de
tombes qui la compose est à comparer aux quelques
très rares grands cimetières de la Marne (Prosnes
"Les Vins de Bruyères", Mairy-Sogny "Le Champ
Mayart"). Les époques postérieures ne sont attestées
que par des découvertes isolées comme la tombe à
char d’Attichy et quelques petites nécropoles de La
Tène inale dont la datation ine mériterait d’être
précisée comme à Bucy-le-Long (9). On peut donc
constater qu’il n’existe aucun cimetière dont la
durée d’utilisation couvre l’ensemble de l’époque
laténienne. Ce secteur présente des afinités étroites
avec le site de Dormans si l’on se réfère, d’une
part aux séquences d’occupation et d’absence, et
d’autre part, pour le Ve siècle marnien à certaines
productions de céramiques. Les cimetières et les
habitats datables de La Tène inale actuellement
connus ne permettent pas une identiication précise
du territoire occupé par les Suessions.
Dans la Marne, les sites très nombreux ne font
que conirmer, dans les grandes lignes, les constats
faits précédemment avec néanmoins la mise en
évidence de quelques différences. Au Hallstatt
inal I, seul le sud du département semble occupé,
le cours de la Marne formant peut-être une frontière
naturelle à l’expansion septentrionale de cette
culture. La phase du Hallstatt inal IIa (début du
Jogassien) est principalement attestée sur le cours de
la rivière depuis Heiltz-l’Evêque jusqu’à Chouilly.
Dans la période qui suit, on note un développement
sensible du Jogassien vers le nord dans les vallées
des rivières (Vesle, Suippe, Retourne). Comme on
l’a évoqué pour les Ardennes, les sépultures de cette
époque y constituent le plus souvent l’origine des
nécropoles marniennes. Il existe de nombreux cas
où cette antériorité n’existe pas (Fagnières, Joncherysur-Vesle, Villeneuve-Renneville "Le Mont Gravet").
On notera que l’expansion marnienne vers le sud
s’arrête à la zone de petites collines qui constituent la
ligne de partage des eaux entre le bassin de la Marne
et celui de la Seine. Lorsque l’on aborde l’époque
pré-Duchcov, on ne peut que constater un abandon
généralisé de toutes les nécropoles de la périphérie
9 - Cette nécropole datée du IIe siècle, début de La Tène
inale n’est connue que par le catalogue : Bucy-le-Long,
découvertes 1990. Exposition du Musée de Soissons,
16 mars - 16 avril 1992, 10 iches. La datation proposée
dans cet ouvrage pour le site n’est pas celle que l’on peut
déduire de la céramique publiée qui est, à notre avis, plus
tardive (1er siècle avant J.-C.). C’est par recoupement avec
des publications récentes de Bernard Lambot que l’on
peut situer cette nécropole au lieu-dit "Le Fond du Petit
Marais".
de la zone d’expansion maximum de la culture
marnienne du Ve siècle. Ce phénomène aujourd’hui
admis de tous a été mis en évidence en 1971, lors de la
publication de la nécropole de Villeneuve-Renneville
et corrélé avec le départ des populations vers l’Italie
du Nord. Il existe cependant deux petits groupes, de
densité très différente, où la continuité est perceptible
pendant ces premières décennies du IVe siècle. Le
premier et le plus important se localise sur les actuels
cantons de Beine et de Suippes et quelques communes
environnantes. Le second est plus au sud, sur les
limites orientales des Marais de Saint-Gond. Cette
vision un peu trop tranchée est sans doute à moduler
quelque peu. Dès la seconde moitié du IVe siècle, on
observe dans certaines nécropoles, notamment vers
Châlons-sur-Marne, une réoccupation progressive
de certains sites abandonnés dans la seconde moitié
du Ve ou au tout début du suivant. Dans les régions
plus éloignées, ce phénomène apparaît un peu plus
tardivement, soit peu avant le début du IIIe siècle.
C’est précisément à cette période que l’on observe
la création de nouvelles nécropoles dans le sud de
la Marne. Elles sont, en bien des points, identiques à
celles du nord de l’Aube et du Sénonais. C’est dans ces
cimetières que l’on note l’introduction de nouveaux
rites sans équivalent aucun dans le milieu local où il
y a continuité d’occupation depuis les débuts du Ve
siècle. Progressivement ces nouvelles coutumes vont
gagner le nord et l’on peut les observer dans certains
sites de la région rémoise. Tous ces cimetières cessent
d’être utilisés dans le courant du IIIe siècle avec plus
ou moins de décalage. Les tombes les plus tardives
ne dépassent pas La Tène moyenne. Le passage de
cette période à La Tène inale est dificile à percevoir
dans certains cas. Mais il est évident que tout le sud
du département est exempt de toute découverte de
cimetière ou d’habitat des deux phases précédant
la Conquête, tout comme l’Aube et une partie du
Sénonais. Au nord, en région rémoise, des nécropoles
sont créées en nombre à cette période et témoignent
toute d’un même rite et d’un dépôt funéraire très
stéréotypé. La zone déinie par ces nécropoles
est jalonnée, de l’ouest au sud-est, par une série
d’habitats fortiiés ou non mais d’une importance
relative. Il apparaît donc qu’un territoire se dessine
nettement, celui des Rèmes. Le cours de l’Aisne,
dans sa traversée du département de la Marne,
constituerait sa limite nord.
ConCLUsIon
La sélection des nécropoles les mieux documentées
et celles pour lesquelles on possède encore au moins
pour partie le mobilier laisse apparaître une situation
qui permet quand elle est confrontée aux données
démographiques que l’on peut en tirer, de dresser
un bilan certes imprécis pour certaines zones mais
bien représentatif pour une très grande majorité
du territoire de la Champagne. D’autres fouilles de
cimetières et surtout celles, nouvelles, des habitats
viendront conirmer ou inirmer les interprétations
81
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne.
que l’on peut faire à partir des informations
disponibles à ce jour, même si elles sont souvent
anciennes et parfois bien lacunaires.
Les tableaux ci-dessus présentent le défaut
d’une uniformisation des données. Mais, la reprise
de celles-ci en fonction de l’importance des séries
(torques, armes,…) permettra de mieux mettre en
évidence les représentativités des sépultures par
phases et de tendre à une meilleure perception des
variations de population dans les différents secteurs
de la Champagne.
On avait a plusieurs reprises traité de la
perception des gestes par l’étude des tombes, des
mobiliers et des règles ethnographiques. Mais on
n’avait pas encore livré les données relatives à la
chronologie des nécropoles. La zone marnienne s’en
détache clairement et l’analyse des gestes funéraires
dans ce milieu permet d’établir une iliation parfaite
par continuum entre ce milieu et celui déini pendant
les phases jogasso-marnienne.
L’auteur
Jean-Jacques CHARPy, Conservateur en chef du Patrimoine, Musée d’Epernay, 13, Avenue de Champagne
F - 51200 EPERNAy
résumé
L’approche des gestuelles funéraires que l’on propose est un aspect non encore présenté dans nos travaux sur ce
thème. Le travail sur les nécropoles nécessite un long travail de dépouillement des différentes sources imprimées,
un recoupement des données obtenues par une recherche systématique des objets. une fois ces résultats établis, on
peut alors procéder à des classements chronologiques en séquences les plus courtes. Les assemblages permettent
alors de repérer les points communs et les absences. On a donc tenté de résumer les différentes situations constatées
sur les départements qui composent la Champagne-Ardenne en y ajoutant pour des raisons évidentes la partie
orientale de l’Aisne. La réalisation de tableaux départementaux donne les grandes lignes de l’étude. La rupture
du début du IVe siècle avant J.-C. y apparaît très clairement généralisée sauf dans des secteurs très précis du
département de la Marne. La conjonction entre la répartition géographique et les mobiliers qui constituent des
marqueurs ethnographiques permet de suivre dans les grandes lignes l’évolution démographique des populations.
Enin au sein de cette très large région qui est parfois considérée comme monolithique, on note de très grandes
variations et l’on y reconnaît, sans problème, l’aire géographique du Marnien du Ve siècle avant J.-C.
Mots-clés : Ardennes, Aube, Champagne, Haute-Marne, Marne, Marnien, nécropole, Rème, Suession.
abstract
In this paper we present an aspect of the study of funeral practices that has not yet been considered in our
previous works on this subject. Working on burial sites requires a thorough overhaul of the various printed
sources, and the cross-checking of these with the data obtained from the systematic collection of pertinent
objects. Once these results established, it becomes possible to classify very short chronological sequences. From
the combinations, it is possible then to point out the common features and the blanks. We have thus attempted
to sum up the different situations found in the “départements” of the Champagne-Ardenne region – adding
for obvious reasons the eastern part of the Aisne. The broad outline of this study is based on the local charts
that we have drawn up for each “département”. The break at the beginning of the 4th century B.C. shows itself
clearly as a general phenomenon, except in some very speciic areas of the Marne. Taken in conjunction with
those objects that constitute ethnographic markers, the geographical distribution enables us to determine the
main lines of the evolution of these populations. Finally, in this very vast area that is sometimes regarded as a
monolithic one, we notice some very large variations among which the area occupied by the 5th century B.C.’s
Marnian is easily recognisable.
Key words : Ardennes, Aube, Champagne, Haute-Marne, Marne, Marnian, Rème , Suession.
Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX
82
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne.
Zusammenfassung
In unseren bisherigen Studien haben wir uns der hier vorgeschlagenen Betrachtung der Bestattungssitten
noch nicht gewidmet. Die untersuchung der Nekropolen erfordert eine langwierige Auswertung der
unterschiedlichen quellen sowie deren Kreuzung mit den durch die systematische Bergung des Mobiliars
erhaltenen Informationen. Nachdem die Ergebnisse erfasst sind, kann man sie in kürzestmögliche
chronologische Sequenzen einordnen. Die Fundvergesellschaftung ermöglicht es nun, Gemeinsamkeiten und
fehlende Elemente aufzuzeigen. Wir haben uns bemüht, die unterschiedlichen Befunde der Departements
der Region Champagne-Ardenne zusammenzufassen und aus offensichtlichen Gründen den östlichen Teil
des Departements Aisne zugefügt. Die für diese Departements erstellten Tabellen geben die Linien der
Studie in groben Zügen vor. Abgesehen von einigen Sektoren des Departements Marne ist der am Anfang
des 4. Jh. v. Chr. festgestellte Bruch offensichtlich sehr verbreitet. Die Studie der Verbreitungskarte und des
für die ethnische Zugehörigkeit bezeichnenden Fundmobiliars, erlaubt es, die demographische Entwicklung
der Bevölkerung in ihren großen Zügen zu verfolgen. Schließlich ist diese sehr ausgedehnte, mitunter als
„monolithisch“ angesehene Region, von sehr großen unterschieden gezeichnet und das Gebiet, in dem das
Marnien im 5. Jh. v. Chr. vorherrscht, ist deutlich zu erkennen.
Schlüsselwörter : Ardennes, Aube, Champagne, Haute-Marne, Marne, Marnien, Nekropole, Remer,
Suessionen.
Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr).
83
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Philippe ChiMier & Sandrine riquier, L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question
sur les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques.
L’orGanIsatIon spatIaLE DEs EspaCEs FUnéraIrEs
D’EsvrEs-sUr-InDrE (InDrE-Et-LoIrE)
état DE La QUEstIon sUr LEs HYpotHèsEs
DE topoGrapHIE FUnéraIrE Et sUr L’orGanIsatIon tErrItorIaLE
DEs oCCUpatIons protoHIstorIQUEs Et antIQUEs
Jean-Philippe CHIMIER & Sandrine RIquIER
N
une série de 5 ensembles funéraires, datés
de la in IIe s. avant J.-C. au IIe s. de notre ère,
a été reconnue et partiellement fouillée sur la
commune d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire). Ils
comprennent environ 80 sépultures, se regroupent
en deux zones, «Vaugrignon» et «La Haute-Cour»
et se répartissent sur une surface totale de 15 ha.
La nécropole de Vaugrignon a été fouillée en 1999
par S. Riquier et largement publiée depuis (riquier
2004). La seconde zone funéraire, la nécropole de
«La Haute-Cour», est connue depuis le début du
XXe s. et a été caractérisée à l’occasion de récentes
opérations d’archéologie préventives (bobeau 1909
; blanChard & ChiMier, riquier 2006 ; ChiMier 2009a
; ChiMier 2009b). Elle est elle-même composée de
trois ou quatre ensembles distincts bien que proches
les uns des autres.
1
Ces nécropoles constituent les éléments les mieux
connus d’un site plus vaste, intégré au sein du corpus
du Projet collectif de recherches (PCR) Agglomérations
secondaires antiques de Région Centre. (Coord. C.
Cribellier ; cf bellet et al. 1999, Cribellier et al. 2009 à
paraître). un système d’information géographique a
été élaboré dans ce cadre. Il regroupe l’ensemble de la
documentation ancienne et les données plus récentes
de l’archéologie préventive. Cet article dresse un bilan
des connaissances sur les occupations funéraires et
leur environnement, reprenant les données publiées
antérieurement et complétées par les informations
récentes (blanChard, ChiMier & riquier 2006 ). Il
permet de poser les axes de recherche à venir sur le
site protohistorique et antique d’Esvres.
LEs EnsEMBLEs FUnéraIrEs IDEntIFIés
2
0
20 km
Fig. 1 - Localisation de la commune d’Esvres-sur-Indre.
1. Territoire communal ; 2. Limites de la cité des Turons.
Fond de plan : département d’Indre-et-Loire (infographie
V. Chollet/Inrap d’après hervé 2007).
des noyaux spatialement distincts les uns des
autres et présentant des caractéristiques propres.
Ils semblent être établis à la même période,
durant le IIe s. avant J.-C., mais sont abandonnés
progressivement, entre le milieu du Ier s. avant et
le IIe s. après J.-C. «Vaugrignon» correspond à un
ensemble unique alors que trois ou quatre ensembles
constituent la nécropole de «La Haute-Cour». Tous
n’ont été fouillés que partiellement (ig. 2).
VAuGRIGNON
Esvres-sur-Indre est une commune du
département d’Indre-et-Loire (Région Centre),
située dans la vallée de l’Indre, à 15 km au sud-est
de Tours. Le bourg actuel est localisé sur le coteau
nord de la vallée. Les ensembles funéraires sont
tous situés en limite du bourg, sur le plateau. Esvres
est localisée au centre du territoire reconnu comme
celui de la cité des Turons (ig. 1 ; herVé 2007).
Les cinq ensembles funéraires identiiés sont
composés de petits groupes de sépultures, formant
La nécropole de Vaugrignon compte une trentaine
de tombes qui sont datées du milieu du IIe s. avant
J.-C. à l’époque augustéenne ; elles se répartissent
sur environ 1 000 m2 (riquier 2004). Les contraintes
extensives du décapage ne permettent d’assurer que
la limite nord de cette nécropole (ig. 3).
Les tombes s’organisent selon 3 groupes distincts,
distants de 10 à 16 m, alors qu’aucune limite ou
contrainte topographique n’a pu été observée.
L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question sur les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation
territoriale des occupations protohistoriques et antiques.
85
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Philippe ChiMier & Sandrine riquier, L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question sur
les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques.
N
5
3
2
4
1
1
2, 3, 4, 5
6
0
100 m
Fig. 2 - Localisation cadastrale. 1. Localisation supposée de l’ensemble 1 de la Haute-Cour ; 2. La Haute-Cour, ensemble 2 ; 3.
La Haute-Cour, ensemble 3 ; 4. La Haute-Cour, ensemble 4 ; 5. Vaugrignon.
Chacun d’entre eux se compose de tombes
d’enfants et d’adultes parmi lesquelles au moins
une tombe de guerrier, caractérisée par le dépôt
d’arme et d’amphore.
une fourchette plus large, comprenant peut-être la
période augustéenne et pour l’essentiel les Ier et IIe
siècles de notre ère (riquier 2004, §9 ; blanChard
2005 ; blanChard & ChiMier, riquier 2006).
L’organisation spatiale, l’association d’adultes et
d’enfants, la nature des dépôts funéraires (fragments
de manipule de bouclier déposés aux pieds de deux
des enfants) suggère qu’il s’agit de groupements
à caractères familiaux, dédiés à une classe sociale
privilégiée (riquier 2004 ; voir aussi riquier 1999,
2000, 2007 et 2008b).
Cet ensemble correspond à un espace funéraire
composé d’enfants et d’adultes ; la composition des
dépôts funéraires ne permet pas une caractérisation
sociale.
LA HAuTE-COuR, L’ENSEMBLE 1
En 1909, Octave Bobeau publie les résultats de
fouilles réalisées sur le site de la Haute-Cour à Esvres
(bobeau 1909). L’article s’attache essentiellement au
mobilier issu des tombes. L’organisation générale
du site est peu ou mal décrite. La localisation du
site comme la topographie interne de la nécropole
nous sont inconnues. L’auteur précise seulement
qu’il s’agit d’inhumations d’adultes et d’enfants,
réparties sur un hectare, alignées et orientées estouest. Les terrains fouillés sont traditionnellement
identiiés à ceux jouxtant l’ensemble 2 au sud (dubois
1982, p. 143 ; blanChard, ChiMier & riquier 2006,
p. 110-114 ; ChiMier 2009b).
O. Bobeau date les sépultures qu’il a mises au jour
du IIe siècle de notre ère. un examen préliminaire
du mobilier déposé en mairie d’Esvres propose
86
LA HAuTE-COuR, L’ENSEMBLE 2
L’ensemble 2 de la Haute-Cour a en partie
été fouillé durant l’hiver 2008. Vingt sépultures
implantées autour d’un enclos (enclos 1) ont
été reconnues sur environ 480 m², à l’occasion
d’un décapage (ChiMier 2009b). Si les limites
septentrionales et orientales de l’ensemble sont bien
attestées dans l’emprise de cette fouille, l’occupation
funéraire se poursuit dans les parcelles situées
immédiatement au sud et à l’ouest du décapage
(ig. 4, 5).
L’acidité du sous-sol n’a pas permis la
conservation des ossements : seule la sépulture
d’adulte S110 a livré une partie des restes de
l’individu. C’est la taille réduite de la plupart des
fosses et surtout, pour 9 d’entre elles, celle des
contenants des corps (jusqu’à 1,30 m lorsqu’ils ont
pu être restitués) qui suggèrent des inhumations
d’enfant pour la majorité des sépultures.
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Philippe ChiMier & Sandrine riquier, L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question
sur les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques.
N
F.181
F.165
F.163
F.159
F.106
F.167
F.177
F.140
F.162
F.152
F.161
F.110
F.144
F.131
F.151
F.150
F.132
F.128
F.133
F.120
F.139
F.147
F.130
F.116
F.135
F.168
F.127
F.129
Tranchées du diagnostic
F.125
Structures vues au diagnostic
Sépultures
Epandages de mobilier
F.123
F.124
F.126
Structures médiévales
Structures néolithiques
0
5m
Fig. 3 - Vaugrignon : plan général de la fouille (d’après riquier 2004, ig. 3).
87
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Philippe ChiMier & Sandrine riquier, L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question sur
les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques.
N
S109
S1
S103
S101
Enclos 1
S110
S112
S114
S106
S102
S105
S2
S113
S100
S115
S108
S107
S104
S4
S111
S3
1
2
0
10m
Fig. 4 - La Haute-Cour : plan général des structures funéraires de l’ensemble 2. 1. Sépultures ; 2. Enclos (infographie V.
Chollet/Inrap).
N
S206
S201
S208
S203
S204
S200
S202
Enclos 2
S207
1
2
S205
3
0
10m
Fig. 5 - La Haute-Cour : plan général des structures funéraires de l’ensemble 3. 1 et 3. Sépultures ; 2. Enclos (infographie V.
Chollet/Inrap).
88
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Philippe ChiMier & Sandrine riquier, L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question
sur les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques.
L’enclos 1 est constitué de 4 fossés formant un
trapèze de 69 m². Il n’est pas possible de déterminer
s’ils sont associés à des talus, à un tertre ou encore
à une plate-forme. La sépulture S114 installée à
l’intérieur est postérieure à sa mise en place ; elle est
datée des années 60 à 120.
son extension n’est pas reconnue, ses limites nord
et est sont établies et il est topographiquement
bien distinct des ensembles 3 et 4. En revanche, il
est possible qu’il soit contigu à l’ensemble 1, dans
l’hypothèse où un positionnement de ce dernier
immédiatement au sud est retenu.
Les inhumations sont réalisées en continu à
partir de la in du IIe s. avant notre ère, jusqu’au
début du IIe s. après J.-C. L’organisation générale du
site permet cependant de déterminer deux phases
qui correspondent à l’évolution de la topographie
comme élément des pratiques funéraires. L’enclos
est un élément structurant de l’ensemble, au moins
de sa partie fouillée. Il est peut-être contemporain
des premières inhumations. Les sépultures les plus
anciennes (phase 1 : de -100 à +10 ; 11 sépultures)
s’organisent globalement suivant un axe orienté
selon le coté sud de l’enclos. à partir du premier
quart du Ier s. de notre ère (phase 2 : de +10 à +120 ;
8 sépultures), la topographie du site est moins
contraignante : les tombes sont installées autour de
l’enclos et ne sont plus exclusivement cantonnées
à l’espace situé au sud. La localisation de S114,
qui constitue avec S1 la sépulture la plus récente
du site, pourrait correspondre à une éventuelle
3e phase d’utilisation, où la fonction de l’enclos
est abandonnée même s’il constitue toujours un
élément attractif.
LA HAuTE-COuR, LES ENSEMBLES 3 ET 4
L’ensemble 2 correspond ainsi à un espace
funéraire composé en grande partie d’enfants,
utilisé du IIe s. avant J.-C. au Ier s. de notre ère. Si
Les ensembles 3 et 4 correspondent à deux
groupes de sépultures fouillés séparément, dont
l’étude est actuellement en cours. Il n’est pas encore
possible de préciser s’il s’agit d’un ou de deux
noyaux distincts (ChiMier 2009a ; ChiMier, CouVin &
deleMont 2008). un espace de 25 m au maximum
est inoccupé entre les deux ensembles, il résulte soit
d’un effet de limite lié aux modalités de diagnostic,
soit d’une modiication de la densité des sépultures,
ou encore d’une réelle rupture de l’occupation
funéraire entre les ensembles 3 et 4. Les limites
ouest, nord et sud sont bien marquées. En revanche
l’extension sud n’est pas connue, mais il est certain
que cet espace funéraire ne se poursuit pas jusqu’à
l’ensemble 2 (ig. 4, 6 et 7).
Ces deux concentrations comprennent 22
sépultures avérées et 3 enclos reconnus sur une
surface d’environ 630 m² (soit 300 m² pour l’ens. 3 et
330 m² pour l’ens. 4). Les restes osseux permettent
de déterminer la présence de 2 adultes et 9 enfants
appartenant aux classes d’âge 1-4 ans et 5-9 ans.
Onze autres tombes n’ont pas livré d’ossements.
N
1
2
3
S254
S250
Enclos 4
S255
S257
S261
S260
S258
S256
Enclos 3
S262
S251
S252
S253
S259
0
10m
Fig. 6 - La Haute-Cour : plan général des structures funéraires de l’ensemble 4. 1 et 3. Sépultures ; 2. Enclos (infographie V.
Chollet/Inrap).
89
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Philippe ChiMier & Sandrine riquier, L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question sur
les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques.
N
Hypothèse initiale
L
’In
0
dre
500 m
Seul l’enclos 2 a été fouillé intégralement. Il se
compose de 4 tranchées formant une structure
carrée de 98 m². Les deux autres enclos (3 et 4) sont
hors emprise. Leur surface respective est estimée à
81 et 76 m². La datation précise des tombes est en
cours mais les informations fournies par le mobilier
céramique montrent qu’elles sont mises en place
dans le courant du IIe s. avant J.-C. Alors que les
sépultures de l’ensemble 4 sont toutes antérieures
à la période augustéenne, au moins trois tombes
de l’ensemble 3 sont datées du Ier s. de notre ère
(+40/+70).
N
Hypothèse A
LEs HYpotHèsEs DE
topoGrapHIE FUnéraIrE
L
’In
0
dre
500 m
N
Hypothèse B
L
’In
0
dre
500 m
N
Hypothèse C
L
’In
0
dre
500 m
N
Hypothèse D
L
’In
0
90
dre
500 m
Fig. 7 - Hypothèses de topographie funéraire (infographie
V. Chollet/Inrap).
L’hypothèse initiale, issue de la publication de
Bobeau, considérait un espace funéraire unique daté
de la période romaine et s’étendant sur un hectare
(herVé 1991). En s’appuyant sur le mobilier (?) et
peut-être sur la pratique de l’inhumation comme
marqueur culturel du Bas-Empire, l’utilisation de la
nécropole jusqu’au IVe siècle a été proposée (proVost
1988, p. 68). Avec la découverte de la nécropole de
"Vaugrignon", situé à 300 m à l’est de l’emplacement
supposé de la Haute-Cour, de nouvelles hypothèses
ont été formulées (ig. 8).
Suite à la fouille de 1999, un abandon strict puis
un déplacement de la nécropole de "Vaugrignon"
vers "La Haute Cour" à l’époque augustéenne
(hypothèse A), ont été suggérés (riquier 2004, §9,
325). Cette déduction s’appuyait d’une part sur la
mise en évidence d’une seconde nécropole à Esvres
et d’autre part sur la continuité chronologique
entre les deux ensembles. "Vaugrignon" pouvait
ainsi constituer la nécropole gauloise et "La HauteCour" le cimetière antique d’un même site d’habitat
occupé depuis l’époque gauloise.
Après le diagnostic de 2005, qui a montré que
l’ensemble 2 de "La Haute Cour" était en partie
contemporain de celui de "Vaugrignon", l’hypothèse
a été reformulée (blanChard, ChiMier & riquier 2006,
p. 118) : soit il s’agit d’une vaste nécropole unique
(hypothèse B), soit il s’agit de deux zones funéraires
distinctes, se rattachant à la même occupation, mais
ne « recrutant » pas la même catégorie de population
(hypothèse C). Cette dernière proposition a alors
été favorisée. En effet, les défunts de "Vaugrignon"
appartiennent à un groupe privilégié : il s’agit de
guerriers, éventuellement des auxiliaires gaulois
de l’armée romaine (riquier 2008b, p. 74-75). Ils se
distinguent manifestement de ceux de "La HauteCour" où ni armes ni amphores n’ont été mises au
jour.
La découverte des ensembles 3 et 4 a permis de
préciser ces propositions. une nouvelle hypothèse
(D) peut ainsi être maintenant avancée : celle
d’une vaste aire funéraire constitué de plusieurs
concentrations familiales ou sociales, occupant
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Philippe ChiMier & Sandrine riquier, L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question
sur les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques.
N
1
2
4
6
5
3
A
B
C
0
2 km
Fig. 8 - Le site d’Esvres et son environnement de la in de l’âge du Fer au début de l’Antiquité. A. Emprise des ensembles
funéraires de Vaugrignon et de la Haute-Cour ; B. Extension supposée de la l’agglomération antique ; C. Occupations
rurales reconnues. 1. Les Billettes ; 2. Le Bois de la Duporterie ; 3. Vontes ; 4. La Vallée de Beaulieu ; 5. Sur Le Peu ;
6.Vaugrignon-Varidaine (infographie V. Chollet/Inrap d’après Chimier 2009c).
l’espace situé en amont du site du bourg d’Esvres.
"Vaugrignon" constituerait l’un d’eux, au même
titre que ceux de "La Haute-Cour". La discontinuité
spatiale est bien établie entre les groupements
des ensembles 1 et 2 et des ensembles 3 et 4 de
"La Haute-Cour" et bien sûr entre ces espaces
funéraires et celui de "Vaugrignon". De plus, si le
regroupement spatial des ensembles 3 et 4 de "La
Haute-Cour" est possible, celui de l’ensemble 1 et de
l’ensemble 2 reste hypothétique et ne s’appuie sur
aucun élément iable. En outre certains ensembles
présentent des spéciicités propres : sépultures de
guerriers à "Vaugrignon" ou sépultures d’enfants
dans l’ensemble 2 de "La Haute-Cour". Si tous les
ensembles sont établis quasiment simultanément,
dans la seconde moitié du IIe s. avant notre ère,
ils sont abandonnés successivement de la période
augustéenne au IIe s. après J.-C. Ce sont les plus
excentrés, "Vaugrignon" et l’ensemble 4 de "La
Haute-Cour" qui sont abandonnés les premiers.
Il est possible que dans le courant du Ier siècle, la
topographie funéraire se recompose : l’occupation
jusqu’alors extensive se rétracte pour se concentrer
dans le secteur de l’ensemble 1 de "La Haute
Cour". Ce modèle multipolaire et son évolution
en une nécropole unique, devra être soumis à une
vériication passant par la prospection générale de
la zone évoquée.
néCropoLEs Et
orGanIsatIon tErrItorIaLE
LE MONDE DES VIVANTS : quELLE FORME DE
L’HABITAT POuR quELLES NéCROPOLES ?
Les interventions d’archéologie préventive se
sont multipliées sur le territoire communal depuis
1998. Le site bénéicie d’un suivi patrimonial et
scientiique soutenu, qui a permis de renouveler
les
connaissances
antérieures
provenant
essentiellement de prospections au sol et de
découvertes fortuites pour la plupart anciennes.
Plus de 125 hectares ont maintenant été sondés,
exclusivement au nord de l’Indre (ChiMier, dubois &
91
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Philippe ChiMier & Sandrine riquier, L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question sur
les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques.
leroy 2007).
Les informations issues des écrits de Grégoire
de Tours (Historia Francorum ; Vitae Patrum, 19,
Vita sanctae Monegundis) permettent de proposer
l’hypothèse d’une agglomération secondaire antique
à l’emplacement du bourg d’Esvres à la in de
l’Antiquité (herVé 1991 p. 68, blanChard, ChiMier &
riquier 2006, p. 119 ; ChiMier 2009c ; dubois 2009). La
documentation archéologique est réduite à quelques
découvertes fortuites anciennes et à des observations
ponctuelles qui conirment l’occupation du site
durant l’Antiquité (bobeau 1909, p. 216, 218 ; proVost
1988, p. 68 ; ChiMier 2008). Le bourg actuel occupe la
vallée de l’Indre et le rebord du plateau, la zone est
limitée par deux vallées perpendiculaires à la rivière.
Cet espace, jusqu’à la nécropole de "La Haute-Cour",
occupe environ 25 hectares.
rapprocher les nécropoles d’Esvres avec un habitat
en particulier. Elles peuvent tout autant relever d’un
seul ou de plusieurs sites actuellement reconnus. La
proximité de l’agglomération supposée a conduit
pour l’instant à privilégier l’hypothèse d’une
nécropole liée à ses premières phases d’occupation.
Mais paradoxalement, c’est l’extension supposée
du site de "La Haute Cour", envisagé initialement
sur un hectare, qui a conduit à la considérer comme
une nécropole d’agglomération (herVé 1991, p.
68). Par la suite, ce sont les espaces funéraires
de "Vaugrignon" et de "La Haute-Cour" qui ont
constitué les principales sources archéologiques en
faveur d’une agglomération (blanChard, ChiMier &
riquier 2006, p. 118-120)…
Par ailleurs, les récents travaux d’archéologie
préventive ont permis la découverte d’occupations
rurales contemporaines des nécropoles, (ChiMier &
GeorGes 2007), au "Bois de la Duporterie" (trebuChet
2007), aux "Billettes" (fouillet et al. 2007), à « La
Vallée de Beaulieu » (Munos et al. 2007b ; CouderC
et al. 2009, à "Vaugrignon-Varidaine" (Munos et al.
2007b) et à "Sur le Peu" (ChiMier et al. 2007 ; fouillet
et al. 2009 à paraître).
Les ensembles de comparaison locaux sont
très rares, seules deux exemples de nécropoles
contemporaines à celles d’Esvres sont connus dans
la cité de Turons : la nécropole de la rue Grande
à Tavant (riquier & sale 2006) et celle de "GrandOrmeau" à Sublaines (frenee 2008). Le cimetière
de Tavant, partiellement fouillé, comprend 24
sépultures datées de la seconde moitié du Ier s. avant
notre ère au IIIe s. après J.-C. Le site du "GrandOrmeau" à Sublaines correspond à une nécropole
d’une trentaine de sépultures fonctionnant du début
du second âge du Fer jusqu’au Ve siècle de notre
ère. Cette nécropole se caractérise par sa densité
d’occupation relativement faible compte-tenu de
sa longue période d’utilisation et de la présence de
12 enclos funéraires attribués au second âge du Fer.
un troisième site, composé d’enclos carrés datés de
façon large de La Tène, sans sépultures associées,
a été découvert aux "Vignes de la Cornicherie" à
Sainte-Maure-de-Touraine (Cayol 2005). Aucun
de ces exemples n’est cependant comparable
aux nécropoles d’Esvres : il s’agit soit de petits
ensembles, soit de nécropoles incomplètes. Dans
tous les cas, le contexte est mal connu et il n’est pas
possible de les associer à un habitat.
à l’exception de "Vontes", dont les premières
occupations reconnues sont datées de la in du
Ier siècle après J.-C., ces sites, qui ont une origine
protohistorique, perdurent durant les premiers
siècles de l’Antiquité. Le site des " Billettes " est
le plus ancien : la première période reconnue
couvre la première moitié du IIe s. et le Ier s. avant
J.-C. ; elle correspond aux premières occupations
des nécropoles. La nature de ces sites est variable
: occupations rurales ténues et mal déinies à
"Vaugrignon-Varidaine", établissements agricoles
bien documentés aux "Billettes", à "La Pièce des
Goupillières" et à "La Vallée de Beaulieu", peutêtre une villa à "Vontes". Le site de "Sur le Peu" est
actuellement en cours d’étude, mais les premières
informations disponibles suggèrent à la fois une
occupation précoce (IIe s. avant J.-C.) et importante,
éventuellement un hameau agricole (informations
N. Fouillet ; fouillet et al. 2009).
Les fouilles et diagnostics montrent un
territoire largement mis en valeur à la in de la
Protohistoire et durant l’Antiquité, en périphérie
nord de l’éventuelle agglomération. Ce point est
d’autant plus à souligner que la documentation
archéologique est quasi muette pour les périodes
postérieures à l’Antiquité. Il ne semble pas s’agir
d’un effet de source, des sites du haut Moyen âge,
par exemple, ont été détectés ailleurs, notamment
sur le tracé de l’autoroute A85 qui traverse Esvres et
les communes limitrophes (par ex. tourneur 2005).
92
En l’état de la documentation, il est dificile de
ENSEMBLES DE COMPARAISON
Les nécropoles d’Esvres constituent un exemple
local singulier, d’autant plus que nous ne disposons
d’aucun exemple d’ensembles funéraires gaulois
associés à des agglomérations. Les seules références
en la matière sont celles des sites antiques, mais
aucun ne présente une continuité chronologique
de ses espaces funéraires de la période gauloise au
Haut-Empire (note 1 et blanChard, ChiMier & riquier
2006, p. 120). L’exemple régional de topographie
funéraire urbaine le plus proche pourrait être celui
1 - Seules les agglomérations antiques d’Allaines (Eureet-Loir ; selles 1999 ; JalMain, olaGnier & selles 2009),
d’Orléans (Loiret ; GeorGes, Joyeux & riquier 2006) et
peut-être celle de Fréteval (Loir-et-Cher ; aubourG &
Josset 1994) ont aussi livré des sépultures gauloises.
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Philippe ChiMier & Sandrine riquier, L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question
sur les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques.
de Saint-Marcel-Argentomagus, dans la première
moitié Ier s. de notre ère. Deux ensembles, "Les
Ripottes" et "Les Palais", sont installés en arrière
de l’oppidum celtique, à la charnière du quartier
du plateau des Mersans et de l’extension urbaine
antique des Courattes (allain, fauduet & tuffreaulibre 1992, p. 220-228 ; duMasy & paillet 2002, p.
60 ; durand 2002, p. 107-108 ; CouVin et al. 2007,
p. 37-38, 50). La documentation extra régionale
concernant les nécropoles d’agglomérations est aussi
relativement indigente (fiChtl 2005, p. 163-165).
Toutefois, la distinction sociale entre l’ensemble de
"Vaugrignon" et au moins une partie de ceux de "La
Haute-Cour" n’est pas sans rappeler l’organisation
des nécropoles du Titelberg (Metzler, Metzler-zens
& Méniel 1999 ; blanChard, ChiMier & riquier 2006,
p. 120) ou encore celles d’Acy-Romance (laMbot
& Méniel 2000, p. 104-120), même si la quantité et
la qualité des données concernant Esvres n’est pas
comparable à ces deux exemples.
pErspECtIvEs DE rECHErCHE
Esvres apparait comme un site complexe occupé
depuis le IIe s. avant notre ère, dont les nécropoles
constituent à la fois les éléments les plus anciens
et les mieux documentés archéologiquement. Ce
sont elles qui révèlent l’origine protohistorique et
antique des occupations connues par les textes :
le vicus de l’Antiquité tardive et l’agglomération
du haut Moyen âge. La nature de l’habitat auquel
elles se rapportent reste toutefois inconnue et
l’hypothèse d’une agglomération de la in de l’âge
de Fer, comme celle d’un réseau d’établissements
ruraux, sont toutes deux à prendre en considération.
La caractérisation du site dans son ensemble
passe par l’intégration des données existantes
dans le SIG mis en œuvre dans le cadre du PCR
Agglomération secondaires antiques de Région Centre
et la production de documentation nouvelle, issue
de l’archéologie programmée comme d’opérations
préventives. Les diagnostics semblent montrer une
occupation spéciique de l’espace rural. Elle sera à
conirmer dans la mise en œuvre d’une évaluation
archéologique globale d’Esvres et de son territoire
passant par la réalisation de prospections au sol.
BIBLIoGrapHIE
ALLAIN Jacques, FAuDuET Isabelle & TuFFREAuLIBRE Marie (1992) - La nécropole gallo-romaine du
"Champ de l’Image" à Argentomagus (Saint-Marcel, Indre),
3e supplément à la Revue Archéologique du Centre de la
France, Tours, Féracf.
AuBOuRG Viviane & JOSSET Didier (1994) - Fréteval
(Loir-et-Cher), déviation de Fontaine, RN 10, Document inal
de synthèse, Orléans, SRA Centre, consultable à la DRAC
du Centre.
BEL Valérie (2002) - Pratiques funéraires du Haut-Empire
dans le Midi de la Gaule. La nécropole gallo-romaine du
Valladas à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), Monographie
d’Archéologie Méridionale, 11, Lattes, 539 p.
BELLET Michel-édouard, CRIBELLIER Christian,
FERDIERE Alain & KRAuSZ Sophie (1999) dir. Agglomération secondaires antiques en Région Centre, 17e
supplément à la Revue Archéologique du Centre de la
France, vol. 1, Tours, Féracf,
BLANCHARD Philippe et al. (2005) - Esvres-sur-Indre,
(Indre-et-Loire), "Derrière le Parc", rue du chanoine Carlotti,
redécouverte du cimetière antique de la Haute-Cour, rapport
d’évaluation archéologique, INRAP, Tours, SRA Centre,
consultable à la DRAC du Centre.
BLANCHARD Philippe, CHIMIER Jean-Philippe &
RIquIER Sandrine (2006) - Nouvelles considérations sur les
espaces funéraires protohistoriques et antiques du site d’Esvressur-Indre (Indre-et-Loire), Ensembles funéraires gallo-romains
de la région Centre, vol. 1, 29e supplément à la Revue
Archéologique du Centre de la France.
BOBEAu Octave (1909) - « Fouilles d’un cimetière galloromain à Esvres (Indre-et-Loire) », Bulletin archéologique
du Comité des Travaux Historiques et Scientiiques, p. 216230.
CAyOL Nicolas (2005) - Sainte-Maure-de-Touraine, "Les
Vignes de la Cornicherie" (Indre-et-Loire), Rapport inal
d’opération de diagnostic archéologique, INRAP, Tours,
SRA Centre, consultable à la DRAC du Centre.
CHIMIER Jean-Philippe (2008) - Découverte fortuite de
vestiges antiques à Esvres-sur-Indre. Rue du stade, novembre,
note adressée à la DRAC du Centre, 15 décembre.
CHIMIER Jean-Philippe (2009a) - « Les ensembles
funéraires de la Haute-Cour à Esvres-sur-Indre (37), Ier
s. avant n.-è / IIe s. ap. J.-C. », Bulletin de l’Association
française pour l’étude de l’âge du Fer, 27.
CHIMIER Jean-Philippe et al. (2009b) à paraître - Esvressur-Indre (Indre-et-Loire), La nécropole de La Haute-Cour,
ensemble 2. Fouille de la rue du chanoine Noël Carlotti, janvierfévrier 2008, Rapport Final d’Opération, INRAP, Tours,
SRA Centre, consultable à la DRAC du Centre.
CHIMIER Jean-Philippe (2009c) à paraître - « Esvres-surIndre et son territoire » dans ZADoRA-RIo élizabeth
(dir.) - Atlas archéologique de Touraine, http://a2t.univtours.fr/, uMR 6173 CITERES, Laboratoire Archéologie
et Territoires.
CHIMIER Jean-Philippe, COuLON Jean-François,
CHAMBON Marie-Pierre & RIquIER Sandrine (2007)
- Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire), L’établissement rural
protohistorique et antique de "Sur le Peu", lotissement des
Allées du Peu, Rapport d’évaluation archéologique, INRAP,
Tours, SRA Centre, consultable à la DRAC du Centre.
CHIMIER Jean-Philippe, COuVIN Fabrice & DELEMONT
Marielle (2008) - Esvres-sur-Indre, (Indre-et-Loire),
Rue de la Haute-Cour, Rue du chanoine Carlotti, parcelle
E2613, évaluations d’avril 2008, Dossier de Synthèse
(diagnostics), INRAP, Tours, SRA Centre, consultable à la
DRAC du Centre
CHIMIER Jean-Philippe, DuBOIS Jacques & LEROy
Damien (2007) - « 1997-2007 : 10 années d’archéologie
préventive à Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) », Bulletin
de la Société Archéologique de Touraine, 53, p. 95-98.
CHIMIER Jean-Philippe, GEORGES Patrice (2007)
- « L’évaluation archéologique du "Clos-Rougé" à
Vontes, commune d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) :
93
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Philippe ChiMier & Sandrine riquier, L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question sur
les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques.
un établissement rural gallo-romain réoccupé durant le
haut Moyen âge », Bulletin de la Société Archéologique de
Touraine, 53, p. 83-94.
COuDERC et al. (2009) - Esvres-sur-Indre, "Vallée de
Beulieu" (2), Les jardins du Vallon (Indre-et-Loire), Rapport
Final d’Opération, INRAP, Tours, SRA Centre, consultable
à la DRAC du Centre.
COuVIN et al. (2007) - Le site funéraire de Saint-Marcel "Les
Palais" (Rue du Rio), Rapport Final d’Opération, INRAP,
SRA Centre, Tours.
CRIBELLIER Christian (2009) dir. - Agglomération
secondaires antiques en Région Centre, supplément à la
Revue Archéologique du Centre de la France, vol. 2,
Tours, Féracf, à paraître.
DuBOIS Jacques (1982) - « Archéologie aérienne.
Prospections 1981 en Touraine », Bulletin de la société
archéologique de Touraine, p. 133-152.
DUBoIS Jacques (2009) - « Esvres (37) », dans CRIBELLIER
2009 à paraître.
DuMASy Françoise & PAILLET Patrick (2002) dir. Argentomagus, nouveau regard sur la ville antique, catalogue
d’exposition, musée d’archéologique d’Argentomagus.
DURAND Raphaël (2002) - « Mourir à Argentomagus »,
dans DuMASy & PAILLET 2002, p. 107-112.
FICHTL Stephan (2005) - La ville celtique. Les oppida de 150
avant J.-C. à 15 après J.-C., 2000, réed. 2005, Paris, Errance.
FOuILLET Nicolas et al. (2007) - L’établissement rural
protohistorique et antique "Les Billettes" découvert à Esvres
sur le Tracé de l’autoroute A85 (37 179 026 AH), Bulletin de
la Société Archéologique de Touraine, 53, p. 69-76.
FOuILLET Nicolas et al. (2009) à paraître - Esvres-surIndre (Indre-et-Loire), L’établissement rural protohistorique
et antique de "Sur le Peu", lotissement des Allées du Peu,
Rapport Final d’Opération, INRAP, Tours, SRA Centre,
consultable à la DRAC du Centre.
FRENEE Eric (2008) dir. - A85 Sublaine "Le Grand Ormeau"
(Indre-et-Loire), Rapport Final d’Opération, INRAP, Tours,
SRA Centre, consultable à la DRAC du Centre.
GEORGES Patrice, JOyEuX Pascal & RIquIER Sandrine
(2006) - « une mandibule dans une fosse gauloise du site
de la "Place de Gaulle" à Orléans : anecdote ou information
archéologique ? », Revue Archéologique du Loiret, 29, p.
39-42.
GRéGoIRE DE ToURS - « Historia francorum » dans
Monumenta Germaniae Historica, Scriptores rerum
merovingicarum, Libri Historiarum X, tomus I, pars I, fasc
II (lib. VI-X), B. Krusch et W. Levison, Hanovre, 1942.
GRéGOIRE DE TOuRS - Vitae Patrum dans Monumenta
Germaniae Historica, Scriptores rerum merovingicarum,
Gregorii episcopi Turonensis miracula et opera minora, tomus
I, pars II, B. Krusch, Hanovre, 1885.
HERVE Christèle (1991) - Les agglomérations secondaires
de la Civitas Turonorum, mémoire de maîtrise sous la
direction de N. Gauthier, université F. Rabelais, Tours :
65-68.
94
HERVE Christèle (2007) - « De la cité des Turons au
diocèse de Tours », Atlas Archéologique de Touraine, http://
a2t.univ-tours.fr/notice.php?id=16, 2007.
JALMAIN Dominique, OLLAGNIER Anne & SELLES
Hervé (2009) à paraître - « Allains-Mervilliers (28) » dans
Agglomérations secondaires antiques en région Centre, vol. 2,
à paraître.
LAMBOT Bernard & MéNIEL Patrice (2000) - « Le centre
communautaire et cultuel du village gaulois d’AcyRomance dans son contexte régional » dans VERGER
Stéphane (2000) dir. - Rites et espaces en pays celtes et
méditerranéen : étude comparée à partir du sanctuaire d’AcyRomance (Ardennes, France), Coll. l’école française de
Rome, 276, p. 7-139.
METZLER Jeannot, METZLER-ZENS Nicole & MéNIEL
Patrice (1999) - Lamadeleine : une nécropole de l’oppidum du
Titelberg, Luxembourg, Dossier d’Archéologie du Musée
National d’Histoire et d’Art, 1.
MuNOS Matthieu et al. (2007a) - Esvres, "Vaugrignon",
Varidaine, 37, Rapport de diagnostic archéologique,
INRAP, Tours, SRA Centre, consultable à la DRAC du
Centre.
MuNOS Matthieu et al. (2007b) - Esvres, "Vallée de
Beaulieu", Les jardins du vallon 2, 37, Rapport de diagnostic
archéologique, INRAP, Tours, SRA Centre, consultable à
la DRAC du Centre.
PROVOST Michel (1988) - Indre-et-Loire, 37, coll. Carte
archéologique de la Gaule, Académie des Inscriptions et
Belles Lettres : 68.
RIquIER Sandrine (1999) dir. - Vaugrignon II, Document
Final de Synthèse, INRAP, Tours, SRA Centre, consultable
à la DRAC du Centre.
RIquIER Sandrine (2000) - « Esvres-sur-Indre, Vaugrigon
II », Bulletin de l’Association française pour l’étude de l’âge
du Fer, 18.
RIquIER Sandrine (2004) - La nécropole gauloise de
"Vaugrignon" à Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire), Revue
archéologique du Centre de la France, Tome 43, [En ligne],
mis en ligne le 01 mai 2006. uRL : http://racf.revues.org/
index100.html. Consulté le 25 février 2009.
RIquIER Sandrine (2007) - « La nécropole d’Esvressur-Indre (Indre-et-Loire) » dans BERTRAND Isabelle
& MAGuER Patrick (2007) - De pierre et de terre, les
gaulois entre Loire et Dordogne, catalogue de l’exposition
de Chauvigny, 15 mai - 14 octobre 2007, Association des
publications chauvinoises, Mémoire XXX, p. 148-151.
RIquIER Sandrine (2008a) - « L’armement républicain
dans les sépultures de Gaule centrale » dans PoUX
Matthieu (dir.) - Sur les traces de Cérar, Actes de la table
ronde de Glux-en-Glenne du 17 octobre 2002, Bibracte, 14,
Glux-en-Glenne.
RIquIER Sandrine (2008b) - « La nécropole gauloise de
Vaugrignon à Esvres-sur-Indre », Les dossiers d’Archéologie,
326, Dijon, p.72-75.
RIquIER Sandrine & SALE Philippe (2006) - La nécropole du
Haut-Empire de Tavant (Indre-et-Loire), Ensembles funéraires
gallo-romains de la région Centre, vol. 1, 29e supplément à la
Revue Archéologique du Centre de la France, p. 7-108.
SELLES Hervé dir. (1999) - Une agglomération secondaire
pré-romaine et romaine. Allaines-Mervilliers, liaison RN 154
- A10, Document inal de synthèse, AFAN, orléans, SRA
Centre, consultable à la DRAC du Centre.
RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Philippe ChiMier & Sandrine riquier, L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question
sur les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques.
TREBuCHET émilie (2007) - « un établissement rural
protohistorique et antique au "Bois de la Duporterie" à
Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) », Bulletin de la Société
Archéologique de Touraine, 53, p. 77-81.
TOuRNEuR Jérôme (2005) - L’habitat mérovingien de
Truyes "Les Grandes Maisons" (Indre-et-Loire), Rapport Final
d’Opération, INRAP, Tours, SRA Centre, consultable à la
DRAC du Centre.
Les auteurs
Jean-Philippe Chimier, INRAP, centre archéologique de Tours, uMR 6173 Citeres - LAT
Sandrine Riquier, INRAP, centre archéologique d’Orléans, uMR 8546 AOROC
résumé
Cinq ensembles funéraires de la in de l’âge du Fer, dont une partie perdure durant le Haut Empire, sont
connus à Esvres-sur-Indre. Différentes hypothèses de topographie funéraire ont été proposées ; la plus récente
suggère une zone funéraire composée de plusieurs petits ensembles familiaux ou sociaux. L’habitat auquel
ces nécropoles se rapporte n’est pas identiié mais il pourrait s’agir d’une agglomération, à l’origine du bourg
actuel.
Mots-clefs : nécropoles, topographie funéraire, organisation territoriale, La Tène inale, Haut Empire,
Turons.
abstract
Five burial groups of the late Iron Age, some of which were still in use up until the Early Roman Empire,
are known at Esvres-sur-Indre. Different hypothesis for the burial organisation have been proposed. The
most recent one suggests a burial area composed of a few small family or social groups. The dwelling zone
associated with this necropolis, although it has not been identiied, could be an agglomeration that gave rise
to the current village.
Keywords : cemeteries, funeral topography, territorial organisation, late La Tène, Early Roman Empire,
Turons.
Zusammenfassung
In Esvres-sur-Indre sind fünf an das Ende der Eisenzeit datierte Bestattungsensembles bekannt, einige
bestehen in der frühen Kaiserzeit weiter. Verschiedene Hypothesen der Bestattungstopographie wurden
vorgeschlagen; die neueste legt einen Grabbereich mit mehreren kleinen familiären oder sozialen Ensembles
nahe. Der Siedlungsbereich, zu dem diese Nekropolen gehören, wurde nicht identiiziert, doch es könnte sich
um eine Siedlung handeln, aus der sich der moderne Ort herausgebildet hat.
Schlüsselwörter: Nekropolen, Bestattungstopographie, territoriale Organisation, Spätlatène, Frühe
Kaiserzeit, Turonen
Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr).
95
RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer
DIsCUssIon
tHèME : LEs IMpLantatIons
Modérateur Jean-paul DEMoULE
Marc Talon pour Nathalie Buchez
M. T. : Je ne suis pas spécialiste du second âge du Fer,
mais je voulais attirer votre attention sur les problèmes de
taphonomie liés à l’acidité des sols et notamment du fait
de la couverture lœssique du Nord de la France. En effet
dans ce type de sol, les ossements, qu’ils soient animaux ou
humains, ne se conservent pas, mais l’on a déjà pu mettre
en évidence pour l’âge du Bronze et le début de l’âge du
Fer, des structures en creux avec des dépôts funéraires,
l’emplacement supposé d’un inhumé qui a disparu, aussi
je voulais savoir si vous aviez pu faire ce même constat
pour les périodes qui nous intéressent aujourd’hui, ce
qui pourrait permettre d’expliquer ce défaut d’inhumés
aussi important et qui comme par hasard coïncide avec
ces zones là ?
N. B. : Pour la Somme, qui est dans ces zones là, il y
a effectivement ce type de problème de conservation qui
est attesté à partir de La Tène B2. On a des fosses avec du
matériel qu’on a tendance à attribuer à des inhumations
non préservées, mais cela ne règle pas le problème du
déicit pour les périodes antérieures, c’est-à-dire pour le
reste de La Tène ancienne.
Jean-Paul Demoule pour Nathalie Buchez
J.-P. D. : Vous pensez que ce n’est pas un déicit
taphonomique ?
N. B. : Ou alors ce serait des fosses complètement
vides et non reconnues comme funéraires de ce fait ?
J.-P. D. : Ou alors c’est hors des zones concernées par
l’archéologie préventive ?
N. B. : Peut-être puisque effectivement dans la Somme,
on travaille plutôt sur les plateaux, et pas dans les vallées,
contrairement aux autres régions.
Germaine Leman-Delerive pour Sophie Oudry
G. L.-D. : évidemment travailler dans le cadre du Nord
- Pas-de-Calais, c’est très intéressant, c’est très facile, mais
à mon avis cela pose quand même un petit problème,
parce que quand vous parlez de sépultures atypiques, en
fait ce qu’il faudrait voir c’est que vous vous trouvez à
ce moment là dans les Flandres et il faudrait chercher de
l’autre côté de la frontière et là vous verriez que l’on se
trouve dans toute une série de manifestations funéraires
qui vont jusqu’au sud de la Hollande. à ce moment là
je ne sais pas si l’on peut garder le terme d’atypique ? Il
faut que vous m’expliquiez parce là cela me dérange un
petit peu.
S. O. : Je les appelle « atypiques » par rapport au
nombre total de sépultures qui vraiment détonne sur le
nombre de sépultures à incinération, pour moi elles ne
sont pas uniquement localisées dans les Flandres, il y en
a aussi quelques-unes dans l’Artois et sur la frange nord
du Cambrésis, voilà.
G. L.-D. : Oui.
S. O. : On est tout à fait d’accord, effectivement ça me
paraît tout à fait indispensable d’aller chercher du côté de
la Belgique.
G. L.-D. : Il ne faut pas vous arrêter là.
S. O. : C’est une première étape, c’est prévu puisqu’il
n’y a pas de raisons de s’arrêter à la frontière actuelle, qui
n’a pas de sens.
Stéphane Rottier pour Lola Bonnabel et Sylvie Culot
S. R. : Vous avez montré un début de rélexion sur
les espaces vides autour des monuments, est-ce que
vous pouvez évoquer les hypothèses que vous avez par
rapport à ça ? J’ai cru voir des calculs mathématiques,
j’aurais voulu avoir des éclaircissements.
L. B. : Je vais passer le micro à Sylvie Culot.
S. C. : Je vais essayer de répondre. En fait, c’est un
début de travail comme l’a expliqué Lola dans le cadre
d’un PAS sur les nécropoles de l’âge du Fer, le travail
que j’ai effectué avec la collaboration de tous ceux qui
participent au PAS s’est concentré autour des monuments
qui étaient reconnus sur une même nécropole. Comme
on a pu le voir sur la ZAC de La Neuvillette, où autour
de ces monuments il y a un espace vide qui est assez
particulier et assez lagrant, qui peut s’élever jusqu’à
une trentaine de mètres pour certains. Cela va entre 18
et plus de 35 m à peu près, une mise en valeur de ces
espaces vides par le tracé de grands cercles a été réalisée.
Dans un second temps j’ai aussi essayé d’appliquer ces
espaces vides sur des tombes qui étaient isolées. Sur la
ZAC de La Neuvillette, certaines sépultures présentent
un vide de toute structure visible allant jusqu’à 25 m de
rayon, ce qui est assez énorme. On peut par conséquent
imaginer un module de monument reconnu sur le site et
l’appliquer sur ces tombes dites isolées pour essayer de
voir, d’imaginer un monument vu du ciel.
L. B. : Nous avions déjà, depuis un certain temps,
l’impression qu’il y avait des sortes de « rythmes » dans
l’organisation des nécropoles. De plus, on sait que des
monuments ont pu exister et ne laisser aucun enclos.
Par exemple, je vous ai parlé tout à l’heure des tumulus
lithiques que nous avons pu reconnaître à la fouille à Val
de Vesle. Nous avons essayé d’identiier et de mettre en
valeur graphiquement ces « rythmes » de toutes sortes de
manières, notamment en travaillant sur les alignements.
Le travail de Sylvie, s’appuyant sur des cercles, a permis
de clariier plusieurs points. Il met en particulier en valeur
deux choses, certes la présence de ce qu’elle appelle des
« vides » autour de monuments avérés et autour d’autres
tombes qui étaient, de fait, peut-être monumentales,
mais elle montre également des systèmes de distances
répétées entre certaines tombes isolées qui contribuent à
expliquer justement cette impression de rythme que nous
avions. C’est particulièrement frappant à la Neuvillette
où des tombes sont agglomérées en petit groupe tandis
que des tombes isolées structurent l’ensemble soit par
le « vide » qu’elles initient, soit par le rythme qu’elles
paraissent donner en étant disposées selon des distances
équivalentes.
Jean-Paul Demoule : Il y a effectivement des
conigurations qui évoquent Bucy-le-Long - Sophie
Desenne peut sûrement le conirmer - avec des
agglomérations de tombes à La Tène A, la première période
de la nécropole. Puis la nécropole éclate, avec des tombes
qui vont avoir un peu ce même rôle de délimitation au
97
RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer
début de la période suivante (La Tène B1), et puis après le
reste des tombes va s’organiser à l’intérieur de ce nouvel
espace.
Sophie Desenne : à Bucy, comme Jean-Paul l’a très
bien dit, on a quatre tombes à char, dont une tombe qui
semble structurer l’espace ou jouer un rôle important
dans l’organisation de la nécropole. En effet, les tombes
sont implantées autour d’un espace vide sur deux
phases et à la troisième phase l’espace vide qui est très
bien délimité sert de lieu d’implantation d’une tombe à
char, comme si le lieu avait été préservé pour la défunte.
Il y a déjà ce premier phénomène, ensuite les autres
tombes monumentales ont plutôt l’air de marquer la
périphérie du site et c’est vrai que c’est un site qui a une
durée d’occupation d’environ 5 phases, et à partir de la
quatrième phase on voit l’organisation de la nécropole qui
change complètement, puisqu’au début c’est plutôt nordsud et après il y a une organisation est-ouest beaucoup
plus lâche et là il y a des tombes féminines qui semblent
délimiter le cimetière.
Sophie Desenne pour Lola Bonnabel
S. D. : Je voulais savoir, les tombes à char que vous avez
présentées ont dans certains cas un espace vide préservé
autour du monument, et d’autres cas, où au contraire,
vous avez des agglomérations de tombes autour, comme
si elles fédéraient des tombes, il y a un cas que vous avez
présenté.
L. B. : Sylvie Culot, a calculé l’étendue des vides autour
des tombes monumentales puis a appliqué de manière
systématique des modules théoriques autour des tombes
isolées. à la Neuvillette, il y a effectivement dans un cas
des tombes qui s’organisent en arc de cercle autour d’un
monument qui pourrait être plus ancien mais à distance,
autour du vide. Et aussi, toujours sur ce site, pour le
monument qui pourrait être plus ancien, et pour les deux
autres qui sont des monuments de l’âge du Fer (avec des
tombes centrale, dont une à char), dans ce grand espace
qui est conçu comme vide, qui est respecté comme vide
parce qu’il entoure une tombe particulière, les trois fois,
ce vide accueille une tombe.
L’enclos de la tombe à char lui-même est réoccupé aussi
par une sépulture. Il y a une espèce de vide symbolique,
qui peut dans certains cas être respecté ou effectivement
réoccupé.
Stéphane Rottier : Ces problèmes, ces constatations
d’espaces que moi j’ai appelé « réservés » pour l’âge du
Bronze parce j’avais fait cet exercice il y a quelques années,
où l’on retrouve exactement la même chose, des zones
où on n’a pas du tout implanté. On a appelé cela réservé
plutôt que vide pour éviter d’avoir cet aspect de néant,
alors qu’au contraire à mon avis c’est un espace qui est
plein, tellement plein de sens qu’on ne met pas n’importe
quoi à l’intérieur. Voilà c’est des choses effectivement qui
semblent se retrouver, on est décalé dans le temps, mais
on a exactement cette structuration avec des tombes qui
semblent isolées et qui en fait sont loin d’être isolées.
Elles sont au sein de cet espace réservé, elles structurent
l’ensemble de la nécropole et là je suis assez intéressé
pour voir exactement la même chose à mille ans d’écart.
L. B. : Il y a, comme tu le dis, ce qui se passe autour
des monuments, mais il y a également des vides
allongés, parfois en entonnoir, que j’ai appelé « axes de
circulation ». C’est une façon de parler car ils sont très
vastes, ils peuvent comme à Val de Vesle accueillir des
constructions, qui ne sont pas sépulcrales puisqu’elles ne
livrent pas de défunts, mais qui sont funéraires au sens
qu’elles participent sans doute à la fonction funéraire du
lieu et doivent attirer des pratiques liées à cette fonction
Pascal Joyeux : Oui, à propos des monuments, des
vides autour, il y a l’exemple de ce qu’a fouillé David
Josset à Chevilly sur l’A19. Effectivement, il a un enclos
quadrangulaire entouré d’une palissade circulaire, pour
le vide circulaire, c’est un exemple parfait, il n’y a pas
de sépulture dans ce cercle, en revanche c’est là qu’on
a les dépôts de chiens couplés, on se demande si cela
98
relève du rite funéraire avant l’ensevelissement parce
que les tombes sont autour de la palissade, on a vraiment
l’impression que ce vide n’est pas si vide que cela, qu’il y
a vraiment une vraie signiication.
Jean-Paul Demoule pour Lola Bonnabel et Vincent
Desbrosse
J.-P. D. : qu’est ce qu’on peut dire par rapport aux
habitats dans l’état actuel ?
L. B. : Je vais passer à Vincent ! Plutôt la relation entre
les deux ?
J.-P. D. : Oui la relation entre les deux, et le fait que l’on
a plutôt l’impression qu’il s’agit d’habitats dispersés.
L. B. : Je ne suis pas la meilleure personne pour parler
de cela !
V. D. : Oui, en fait c’est le début de la recherche, pour
le colloque, j’ai commencé à travailler avec Lola sur ce
thème, c’est vraiment les premières impressions !
Mais, on a vraiment un problème au niveau des
données, déjà au niveau de l’archéologie préventive il faut
avoir des surfaces assez particulières pour avoir l’habitat
et le site funéraire. Et ensuite, les sites d’habitats semblent
peu denses, donc pour qu’il y ait une prescription de
fouille pour voir vraiment comment cela s’organise, c’est
plus dificile !
Bon après ce qui avait été fouillé sur le Barreau par
Alain Koeller, et c’est Sophie Desenne qui avait fait l’étude
céramique, on voyait qu’il y avait trois fosses qui étaient à
proximité les unes des autres qui appartenaient à la même
phase et une fosse qui était à quelques dizaines de mètres,
d’une phase plus récente. On est dans des secteurs où l’on
a vraiment très peu de traces. Et c’est sûr, que quand on
voit l’organisation des cimetières dans le secteur de Witryles-Reims/Caurel, c’est Lola qui connaît mieux ! On voit
que l’on n’a pas un groupement de tombes, mais plutôt
une tombe autour de laquelle s’agrègent des tombes plus
récentes. Donc on aurait plus l’idée de petits noyaux qui
viennent enterrer sur une ligne de relief. Mais là l’habitat,
on n’en a pas assez.
L. B. : Je crois que la question de Jean-Paul est plus
sur l’organisation. C’est plutôt comment se structure
l’espace domestique pendant cette période ? En gros
l’espace funéraire s’organise avec des vides, des pleins,
des groupes et des alignements et comment se structure
l’espace habité ?
V. D. : C’est plutôt des petits noyaux ouverts.
J.-P. D. : On peut avoir le modèle de plusieurs noyaux
d’habitats utilisant une même nécropole ou bien d’autres
conigurations.
V. D. : Non mais il y a des sites qui ont été fouillés
il n’y a pas longtemps, on est un peu avant, c’est quand
même plutôt des habitats …
L. B. : On peut imaginer qu’il puisse y avoir une espèce
de relet ou de réponse entre la façon d’organiser l’espace
domestique et l’organisation de l’espace funéraire. Nous
l’avons proposé pour un site néolithique par exemple.
Pour la zone de Witry, comme dit Vincent, il y a des petits
habitats et des petits noyaux de tombes. Le problème c’est
que l’on ne sait pas pour l’instant si ces petits groupes de
tombes s’organisent entre eux. à La Neuvillette, on a eu
la chance de décaper 3 hectares, il y a des petits groupes
qui sont organisés en une nécropole. à Caurel ou Witry,
l’échelle est plus grande, il faudra voir encore au il des
opérations de sondages et de fouille si l’on peut mettre en
évidence une organisation générale à confronter à celle
des habitats.
V. D. : Moi je pense qu’il y a un gros problème de
détection, j’ai un exemple en tête c’est pour le Hallstatt
C/D, il y avait un trou de poteau dans un sondage,
soixante mètres plus loin il y avait un autre trou de
poteau dans un sondage, et on fait des fenêtres autour
et on ne comprend pas trop, et en fait on avait une ligne
entre les deux qui était reliée. En fait si on prend, quand
on fait les sondages on a tendance à suivre les reliefs si on
a une implantation perpendiculaire à la ligne de sondage,
si on a un chablis ou un trous d’obus qui vient manger
RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer
un trou de poteau, le site, on ne va pas le comprendre.
Donc après pour comprendre comment cela s’organise ce
n’est vraiment pas évident d’arriver à détecter des sites
d’habitat. Et si on a un silo et qu’il y a un trou de poteau
un peu plus loin, il va y avoir plus d’hésitation à prescrire
la fouille. Alors que s’il y a deux, trois tombes de La Tène
ancienne, on sait que là ce sera plus facile de prescrire.
J.-P. D. : C’est vrai qu’il y a un problème global de la
prescription. Nous avions tâché de montrer collectivement
lors de la table ronde de Châlons-en-Champagne tenue en
2005 (et publiée) qu’il fallait effectivement travailler sur
de grandes surfaces - et essayer de faire passer ce message
à nos collègues des CIRA, par exemple. Car on rencontre
encore très souvent cette idée, qui remonte au XIXe siècle,
que l’on n’ouvre des fenêtres que là où on a trouvé quelque
chose, et pas plus. Alors que l’archéologie spatiale, celle
des grandes surfaces, cela existe maintenant depuis trente
ou quarante ans au moins un peu partout dans le monde.
Et pour ceux qui travaillaient dans les vallées alluviales
et sur les carrières, inalement le système des diagnostics
en tranchées, c’est un progrès à l’échelle de toute la
France parce qu’il y a eu généralisation de l’archéologie
préventive, mais cela a plutôt été une régression là où il y
avait jusque là des décapages intégraux, sous surveillance
archéologique, liés aux carrières.
V. D. : En fait la plaine crayeuse a un avantage, on n’a
pas les mêmes densités que dans les vallées alluviales. on
arrive quand même à assez bien isoler un noyau, quand
on a un noyau, on est à peu près sûr qu’il est homogène,
cela va assez bien. Mais par contre, le fait que les noyaux
soient isolés, cela fait des faibles densités, donc après
si on est en carrière et que l’on a une occupation de La
Tène ancienne qui se superpose à une occupation du
Bronze inal, on a une densité de structures, après on a
des problèmes pour démêler les différentes occupations
mais au moins on a une densité pour prescrire alors que
si on a des petits noyaux pas denses c’est sûr que l’on va
avoir un problème de prescription. Et par exemple pour
Vatry, il y a un ensemble funéraire, après il y a quelques
structures de La Tène, qui sont trouvées à proximité c’est
parce qu’il y a un site romain qui a été fouillé, donc il
y a une grosse densité pour l’occupation romaine, après
sur le décapage, on trouve des occupations antérieures
mais il n’y aurait pas eu d’occupation romaine au même
endroit peut être que l’on n’aurait pas eu les informations
sur l’habitat qui se trouve à 50 mètres ou 135 mètres du
site funéraire. Donc pas facile d’en parler.
J.-P. D. : Oui, cela demande un peu plus d’imagination
dans la prescription, y compris en se disant que l’on
prévoit de décaper large et que, s’il n’y a rien, la fouille
s’arrêtera là ; ce n’est donc pas forcément un problème
de coût.
V. D. : non non, parce qu’en plus une fouille d’habitat
protohistorique ce n’est pas ce qui coûte le plus cher, une
fois que c’est décapé, surtout sur la plaine crayeuse, on a
30 cm de terre à enlever, après cela se mécanise bien donc
ce n’est pas un problème de coût, c’est plus la prise de
risque.
Bernard Lambot à la communauté
B. L. : Je sais bien que ce n’est plus à la mode, mais
je pense qu’il serait nécessaire d’aller relire quelques
archéologues qui ont publié quand même les seules
nécropoles qui ont été fouillées intégralement. D’abord
fouillées et publiées intégralement, c’est à dire d’aller relire
Rozoy, puis j’encourage tout le monde à ce moment là de
commencer au premier mot et de inir au dernier mot. Et
depuis ce matin, j’entends toutes les questions que Rozoy
se posait, en abordant énormément d’aspects, notamment
sur le recrutement funéraire, sur les interventions dans
les tombes, sur les espaces autour des enclos, sur la
datation de ces enclos. Des nécropoles qui sont en tombes
séparées ou en petits groupes entre des enclos de l’âge
du Bronze ou du premier âge du Fer. qui se posait la
question du départ de l’installation des nécropoles en
rangées, en invitant à en chercher au maximum. On en
connaît maintenant pas mal en prospections aériennes.
qui semble dire que ce sont des nécropoles de nouveaux
arrivants, de grandes nécropoles qui s’installent. Il y a
plein de questions comme cela, en fait, toutes celles que
j’ai entendues ce matin, Rozoy les posait déjà et je n’ai
pas entendu beaucoup d’avancées. D’autre part pour
trouver les villages, au moins les habitats correspondant
aux nécropoles -je parle essentiellement pour La Tène
ancienne, parce que pour La Tène inale on commence
à en connaître- ce n’est pas l’archéologie préventive qui
apportera une réponse. Parce qu’il faut obligatoirement se
poser les bonnes questions, avoir déjà quelques données
disponibles par les prospections aériennes. Ce sont les
silos isolés. S’il y a un silo isolé, il y a peut-être des morts
ou s’il y a au moins deux ou trois silos, il y a certainement
des morts pas très loin et il n’y a que des programmes de
recherches qui permettront de répondre à ces questions.
J.-P. D. : Je ne crois pas, Bernard, que le problème soit
celui entre les jeunes et les vieux ; d’autant que, maintenant
que les vieux vont travailler jusqu’à 80 ans, il n’y aura plus
de césure entre les générations. Et je crois que nous avons
tous ici utilisé aussi le matériel des fouilles anciennes. Et
les fouilles de Rozoy d’ailleurs étaient en grande partie
préventives, puisque les nécropoles de Manre et Aure
étaient en cours de pillage par un groupe rémois bien
connu. Cela existait déjà, et les fouilles de Pernant et de
Bucy-le-Long par Lobjois, c’était aussi de l’archéologie
préventive.
Jean-Jacques Charpy : Le point soulevé par B. Lambot
montre qu’à l’évidence des questions étaient posées
par Lobjois à Pernant (Aisne), par Rozoy à Maure et
Aure (Ardennes), par Brisson et Roualet à Villeneuve
Renneville (Marne). Or on constate que l’on n’a pas
réellement progressé.
J.-P. D. : Je ne pense pas que personne ici souhaite faire
semblant qu’il n’y ait pas eu de fouilles avant.
Lola Bonnabel : Non, et je crois, je pense que l’on a à
peu près tous lu, enin ceux qui travaillent sur la zone
de Lobjois et de Rozoy. Pour ce qui concerne le PAS, les
données funéraires de notre région sont extrêmement
riches. Jean-Jacques a travaillé sur les données issues
des collections des musées et des publications et nous,
il se trouve qu’avec nos 550 squelettes, on a déjà fort à
faire avec nos données. Cela ne veut pas dire que l’on
ignore ce qui s’est passé avant, et tu as tout à fait raison
évidemment.
Les questions d’associations et les questions de
manipulations, les questions d’organisations ont été
effectivement traitées, de manière tout à fait intéressante
par Jean-Georges Rozoy et j’ai beaucoup de respect pour
son travail. Dans le cadre de la communication là, ce
n’était pas trop le lieu et en plus je crois que justement sur
la question de l’organisation des nécropoles en rangées
ou par petits groupes, il semblerait que l’origine de ces
organisations ne soit pas uniquement chronologique.
Et je pense que d’avoir augmenté les exemples
et d’avoir décapé un certain nombre de sites permet
d’aller plus inement et plus loin dans l’observation des
phénomènes qui, effectivement on déjà été perçus, et
parfois très bien par des auteurs plus anciens. On se situe
dans la continuité et dans l’apport de données différentes,
ce qui permet de réalimenter des questions même si elles
ont déjà été posées.
François Malrain pour Sophie Desenne
F. M. : Juste un mot pour essayer de faire un petit
peu avancer les choses. Est ce que vous avez des pistes
interprétatives pour expliquer la grande diversité de
mobilier qui apparaît sur vos graphiques pour La Tène
C1? Il y a un cumul avec ceux des périodes antérieures, et
après une raréfaction de certaines pratiques. quelles sont
vos pistes de rélexions ?
S. D. : Je pense qu’il peut y avoir plusieurs hypothèses
de travail. Il y a une multiplication des types d’espaces
funéraires et il y a à la fois une baisse de la population et
donc on se dit qu’il se passe sans doute quelque chose. On
99
RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer
parle de dépeuplement et de mouvement de population,
je ne sais pas si l’on a tous les éléments pour le démontrer,
mais c’est toujours quelque chose de perceptible dans ce
que l’on a, au niveau de l’implantation des sites d’habitat
et des espaces funéraires. Les mouvements de population
ne sont pas forcément d’est en ouest ou vers le sud, il y
a des mouvements de population en provenance de la
Belgique. Ce sont des choses qui peuvent faire apparaître
de nouveaux types d’implantation, des choix différents
dans les pratiques avec la volonté d’implanter les morts
près de l’habitat, alors qu’aux périodes précédentes ils
sont mis en retrait. En Picardie, on est sur deux entités
très différentes, le phénomène d’implantation des
cimetières près des habitats, c’est quelque chose que l’on
ne perçoit pas dans le secteur de l’Aisne. On est dans
une aire d’inluence différente de celle de l’oise et de
la Somme. Pour la Somme et l’oise, il y a peut-être des
apports nouveaux, qui entraînent une structuration de
l’espace différente …
F. M. : Venant de Normandie ?
S. D. : Pour dire le point de départ et d’arrivée, je
préfère ne pas m’avancer, Jean-Paul aurait peut-être une
vision globale …
J.-P. D. : En tout cas, si l’on regarde la situation,
migration ou pas, tout parle pour une restructuration
globale idéologique, topographique, économique, etc …
C’est le symptôme de cela. L’hypothèse classique qu’a
rappelée Jean-Jacques Charpy, qui était déjà développée
par Hatt, Roualet, Kruta, etc … c’est qu’il s’agirait du
départ des migrations vers le sud de l’Europe. La région
se vide et, de fait, dans la vallée de l’Aisne, à part Bucyle-Long, on n’a rien de La Tène B, on n’a que La Tène
A. Et puis de ce vide se crée autre chose, globalement,
que des gens aient bougé ou non physiquement. Mais en
tout cas, cette espèce de prolifération de pratiques diverses
suggère qu’autre chose est en train de se mettre en place ;
puis ensuite apparaissent des normes. C’est souvent cela
que l’on constate dans un changement culturel, il y a
beaucoup de nouveaux éléments à la fois, puis après cela
s’organise et cela se norme.
J.-J. C. : Je vais revenir sur un exemple ancien, c’est
celui de la publication des cimetières d’Hauviné et de
Saint-Clément à Arne, qui relève de fouilles anciennes,
reprises par Roualet. Et où l’on a structurellement des
choses qui sont un petit peu différentes d’un cimetière
à l’autre et pour lesquelles Roualet a bien montré en in
de publication qu’il y avait des déplacements ponctuels
des occupations autour d’un point déterminé. C’est-àdire qu’il y a probablement quelque chose qui relève de
l’usure des terres à un moment, qui fait que les gens sont
obligés de se déplacer, qu’il n’y a plus de bois, qu’il n’y a
plus les éléments nécessaires à la vie de la communauté.
Alors ils ne se déplacent pas sur des grandes distances
mais seulement sur quelques kilomètres.
Je pense en voyant certaines cartes que l’on a
l’impression de regarder le ciel. à voir les étoiles on en
oublie le local. Alors essayons de nous rapprocher des
micro-entités avant de passer quelquefois sur un plan
macrographique trop large qui va gommer l’information
des rapprochements locaux pour une dilution. C’est par
la mise en évidence de règles locales que l’on pourra
mieux percevoir les différences et encore mieux asseoir
la chronologie. Je le crois depuis longtemps et pense que
c’est incontournable.
L. B. : Par rapport au corpus des fouilles récentes, là
je m’adresse à Marion Saurel et à Sophie Desenne. La
sensation que l’on a, ce n’est pas vraiment d’une rupture
pour les nécropoles au moment du IVe, mais plutôt dans le
IIIe, à La Tène C1. Il y a un truc un peu compliqué, quand
on fait la correspondance entre l’Aisne-Marne et La Tène
si j’ai bien tout compris, pour certaines phases. Mais j’ai
quand même l’impression qu’il ressort de vos travaux
qu’il y a un peu de tombe du Ve, pas mal du IVe et que
surtout tout à coup au bout d’un moment, ce sont celles
du IIIe qui font défaut. Et au niveau des habitats, Marion
est très bien placée pour le dire, il me semble qu’elle a
100
quelque chose qui est même encore un peu plus décalé,
où elle a du IVe, où elle a même pas mal de IIIe, mais une
rupture s’observe plus tard dans le siècle. Les nécropoles
sont abandonnées mais plutôt plus tardivement que dans
ce trou que l’on voit dans le travail qu’à présenté JeanJacques en tout cas pour le corpus que l’on a vu. La rupture
dans l’occupation est un petit peu décalée entre l’habitat
et la nécropole. Il pourrait y avoir une phase avec de
nouvelles pratiques funéraires, plus discrètes pour leurs
traces archéologiques, qui pourraient d’ailleurs peut-être
correspondre à la phase ou l’on met plus de monde dans
les silos alors qu’il y a encore des habitats qui sont très
occupés. Puis ensuite, une phase d‘abandon réelle à la
fois des habitats et des nécropoles. Je ne sais pas si Marion
ou Sophie ont quelque chose à dire là-dessus.
J.-P. D. : Il y a un autre Marion, qui a envie de parler.
Stéphane Marion : Alors, je ne répondrais pas sur le
trou du IVe parce que je n’en sais pas grand chose.
Mais, plus globalement ce que l’on observe assez
nettement et ce qui rejoint ce qu’a dit Jean-Paul : on a une
phase qui est quelque part au début du IIIe siècle, dans
les chronologies classiques on appellerait cela du B2 B ou
quelque chose comme cela, à la charnière IVe/IIIe, où il y
a beaucoup de choses nouvelles qui apparaissent un peu
dans tous les domaines. Cela se marque différemment
selon les régions, en Champagne notamment c’est la
raréfaction des tombes, ce qu’a montré Sophie tout à
l’heure, c’est la diversiication d’un certain nombre de
pratiques dans les nécropoles, cela se marque aussi dans
certaines régions par l’apparition des grands sanctuaires,
cela se marque dans certaines régions par l’apparition
des sépultures alors qu’avant on en avait peu, etc … Ce
sont des phénomènes qui n’ont pas toujours la même
traduction factuelle, mais qui semblent tous intervenir au
même moment. Donc on peut penser en effet qu’il y a eu
quelque chose de très fort qui n’est pas simplement lié
au départ ou au retour de quelques personnes dans une
région donnée, mais qui traverse toute l’Europe Celtique,
en quelque sorte, puisque l’on retrouve aussi cette même
rupture en Europe centrale avec un nombre de tombes très
important, qui apparaissent à ce moment-là, de nouveaux
cimetières fondés et toute une série de choses de ce goûtlà. On a là quelque chose de très important, d’assez
général qui correspond sans doute à une recomposition
de la société. Donc il y a plusieurs hypothèses possibles,
certains ont avancé le fait que c’était à ce moment-là que
des entités politiques se mettent en place, cela paraît assez
bien tenir la route, bien que, pour mettre en évidence une
entité politique au IIIe siècle je ne sais pas bien comment
on fait. On sait bien avec les oppida parce que l’on a les
monnaies et parce que l’on a quelques textes, mais, pour le
IIIe siècle c’est un peu plus compliqué. Donc ce serait à ce
moment là que cela se met en place et c’est curieusement
aussi à ce moment là que l’on pressent les prémices d’un
certain nombre de phénomènes économiques, comme
l’apparition des toutes premières fermes à enclos qui
suppose sans doute un nouvel essor dans l’exploitation
du terroir etc, il y a éventuellement des changements aussi
dans les techniques métallurgiques, le développement du
fer, le développement des productions en série etc…
Frédéric Gransar : Ce que j’ai trouvé intéressant quand
même ce matin, c’est cette espèce d’effet miroir qu’on a,
quand on regarde la structuration interne et l’évolution
de la structuration interne des cimetières. On a vraiment
l’impression qu’il y a un « avant La Tène C1 » et un « après
La Tène C1 ». on a l’impression que l’histoire des espaces
réservés, qui ont déjà été vus à Vasseny, à Bucy, cela à l’air
de marcher aussi pour l’âge du Bronze, on a l’impression
qu’à La Tène ancienne, on a des espaces réservés donc
on bouche les trous. Alors qu’ensuite à partir de La Tène
C1 on plante un monument et puis on agrège autour. Je
pense qu’y a deux façons assez radicalement différentes
de voir et de percevoir l’espace funéraire et sans doute en
partie sa signiication.
RAP - 2009, n° 3/4, Estelle pinard, Valérie delattre & Sylvain thouVenot, La population ensevelie et les traitements funéraires des corps
au second âge du Fer en Picardie
La popULatIon EnsEvELIE Et LEs traItEMEnts FUnéraIrEs
DEs Corps aU sEConD âGE DU FEr En pICarDIE
Estelle PINARD, Valérie DELATTRE & Sylvain THOuVENOT
La popULatIon EnsEvELIE
Nombre de sépultures picardes inventoriées :
uN éCHANTILLON REPRéSENTATIF ?
Comme pour toute approche paléodémographique, nous ne disposons que d’une partie
de la population ensevelie, dont on sait qu’elle
ne correspond pas à la communauté des vivants.
Sa représentation est, non seulement corrélée
aux états de conservation des sépultures et de la
matière osseuse, mais aussi à la gestion des défunts
(inhumation ou incinération), aux types d’ensembles
funéraires étudiés, aux modes de sépultures…
Au terme de toutes ces interactions impliquant à
chaque fois des « déicits », les défunts accessibles
ne sont qu’un échantillon non quantiiable d’une
population vivante, aux structures et schémas
sociétaux méconnus.
LE CORPuS ET SES LIMITES
Si la base de données établie au il de cette
investigation recense 63 ensembles funéraires
picards, l’étude synthétique de la population
ensevelie est demeurée strictement conditionnée à
la réalisation complète et/ou à la disponibilité des
analyses anthropologiques. Sur ce corpus, 32 études
anthropologiques plus ou moins inalisées ont pu
être utilisées, ce qui représente un peu moins de 50 %
du total, soit 72,3 % des inhumations et 31,8 % des
incinérations (tab. I).
La répartition géographique de ces ensembles
montre d’évidents déséquilibres, de fortes disparités
nb. incinérations
372
461
Nombre de sépultures dont l'étude
anthropologique est disponible :
nb. inhumations
nb. incinérations
269
147
tab. I - Corpus des sépultures de Picardie recensées dans
la base de données et corpus des sépultures intégrées à
l’analyse de la population ensevelie et des traitements des
corps.
en nombre et en répartitions chrono-culturelles,
aussi bien au sein d’une même entité géographique
qu’entre les entités elles-mêmes (ig. 1). Ainsi, le
territoire de l’Aisne a-t-il majoritairement livré
des inhumations (258 pour 38 incinérations),
alors que dans la Somme, ce sont les découvertes
d’incinérations qui dominent, à savoir 351 pour 6
inhumations. En revanche, dans l’Oise, les nombres
d’inhumations et d’incinérations apparaissent
plus équilibrés, avec 108 inhumations pour 72
incinérations. Ces disparités conditionnent et
restreignent forcément la lecture de différences
territoriales dans l’expression des gestuelles
funéraires communautaires.
Nombre de sépultures
Le critère « population » constitue l’un des
éléments prioritairement retenus dans le cadre
de cette étude visant à modéliser les chaînes
opératoires. Ces dernières caractérisent les pratiques
déployées autour du défunt, communément
dénommées « gestuelle funéraire » : les modalités
de recrutement démographique, au même titre que
d’autres critères, apparaissent déterminantes dans le
choix d’implantation topographique des ensembles
funéraires, dans l’agencement du défunt, la « mise
en scène » des dépôts, la clôture, la signalisation et
même l’entretien des sépultures.
nb. inhumations
400
350
300
250
200
150
100
50
0
Aisne
Oise
Somme
Inhumation Incinération
Fig. 1 - Répartition géographique des sépultures recensées
dans la base de données.
La population ensevelie et les traitements funéraires des corps au second âge du Fer en Picardie
101
RAP - 2009, n° 3/4, Estelle pinard, Valérie delattre & Sylvain thouVenot, La population ensevelie et les traitements funéraires des corps
au second âge du Fer en Picardie
Malgré ces remarques, l’étude synthétique
de l’échantillon, bien que prudente, permettra
de proposer plusieurs éléments caractéristiques
concernant les proils de la population, le traitement
des corps inhumés et incinérés et les modes de
dépôts des restes humains.
LES PROFILS DE LA POPuLATION
Les individus inhumés
Tout au long de la phase chronologique
considérée, du Ve au Ier siècle avant notre ère,
l’inhumation est pratiquée et ce, en proportions
très variables (ig. 2). Elle connaît une décroissance
brutale à partir du milieu du IVe siècle jusqu’au
milieu du IIIe siècle. Après le milieu du IIIe siècle, le
déclin se poursuit mais beaucoup plus lentement et
sans cette apparence de rupture profonde.
On le sait, l’estimation très précise de l’âge au décès
d’un individu adulte reste illusoire et il convient
d’être mesuré en considérant, en règle générale, de
grandes classes d’âges ventilant les sujets entre
« adultes jeunes », « adultes matures » et « adultes
âgés ». Il est, en revanche plus aisé de considérer l’âge
au décès des enfants et des sujets immatures en raison
d’évidentes et lisibles variabilités ostéologiques.
Mais dès lors, pour homogénéiser cette étude et
éviter de sombrer dans tous les biais d’une lecture
subjective, seule la distinction entre nourrisson (0 à
1 an), enfant/sujet immature (1 à 16 ans) et adulte
(17 ans et plus) a été retenue.
La population inhumée comprend donc :
174 sujets adultes,
67 sujets immatures (enfants)
0 nourrisson
28 sujets indéterminés.
Nombre de sépultures
Il convient de souligner que la pratique de
la sépulture individuelle est quasi-exclusive et
concerne plus de 95 % du corpus auquel on doit
seulement soustraire de très rares exemples de
120
100
80
60
40
20
0
Les « enfants/sujets immatures » représentent
un peu moins de 25 % du corpus, ce qui est
particulièrement peu conséquent. Il est, en effet,
reconnu que les populations pré-jennériennes (avant
la découverte de la vaccine) présentent un taux de
mortalité infantile compris entre 400 et 500 0/00. à
titre d’exemple, dans ce type de société, les mortalités
infantile (de 0 à 1 an) et juvénile (de 1 à 10 ans) sont
très fortes : sur cent individus nés vivants, environ 25
meurent avant leur premier anniversaire et 25 autres
entre 1 et 10 ans (dedet et al. 2001). Par ailleurs, et s’il
fallait encore un exemple précis de cette forte sousreprésentation, la classe d’âge Infans I (0 à 6 ans) ne
comprend, dans notre échantillon, que 18 individus
issus de seulement deux ensembles funéraires (Bucyle-Long "La Héronnière, La Fosse Tounise" et "Le
Fond du Petit Marais" dans l’Aisne (theVenet 2002).
La répartition « adultes » et « enfants/sujets
immatures » par grandes phases chronologiques
a ainsi été tentée (ig. 3). Elle montre que les
« enfants/sujets immatures » ne représentent
jamais plus de 45 % des défunts inhumés par
phases chronologiques, avoisinant plutôt 12,5 à
40 % du total. Aux IIIe et IIe siècles avant notre
ère (de la in de La Tène B2 au début de La Tène
D1), le taux de mortalité infantile peut être
considéré comme relativement proche de celui
des populations pré-jennériennes ; en effet, les
« enfants/sujets immatures » appartenant à ces
phases chronologiques semblent largement moins
sous-représentés.
En règle générale, le sous-effectif « enfants/sujets
immatures » et l’absence caractérisée de nourrissons
suggèrent une particularité dans l’accomplissement
des gestuelles funéraires, que l’on peut également
observer en d’autres temps et d’autres lieux, y
Adultes Enfants/Immatures
100%
75%
50%
25%
0%
e
V s.
e
IV s.
e
III s.
e
II s.
A1-A2
B1-B2
B2-C1 C1-C2-D1 D1-D2
I
er
s.
Chronologie
102
sépultures doubles (associant deux sujets adultes),
comme à Bucy-le-Long "La Héronnière, La Fosse
Tounise" (desenne et al. à par).
Fig. 2 - Nombre d’inhumations du Ve au Ier siècles avant
notre ère.
e
V s.
e
IV s.
e
III s.
A1-A2
B1-B2
B2-C1
II e s.
I
er
s.
C1-C2-D1 D1-D2
Chronologie
Fig. 3 - Répartition des adultes et enfants/immatures
inhumés du Ve au Ier siècle avant notre ère.
compris dans l’Occident médiéval chrétien. Les
spécialistes s’accordent à constater que cette classe
d’âges est généralement la grande absente des
études paléodémographiques. Même si l’on peut
considérer que ces inhumations « déicitaires » ont
été implantées moins profondément que les autres
et ont été soumises à des destructions précoces, que
les ossements de ces jeunes individus ne se sont pas
conservés en raison de propriétés physico-chimiques
particulières, il semble que l’accès à la nécropole
communautaire n’ait pas été systématique pour
tous, déini par des critères universels régissant le
statut et l’inclusion du nourrisson et de l’enfant au
sein de son groupe (alduC-le-baGousse 1997).
Nombre de sépultures
RAP - 2009, n° 3/4, Estelle pinard, Valérie delattre & Sylvain thouVenot, La population ensevelie et les traitements funéraires des corps
au second âge du Fer en Picardie
80
60
40
20
0
e
V s.
e
IV s.
e
III s.
e
II s.
A1-A2
B1-B2
B2-C1 C1-C2-D1 D1-D2
I
er
s.
Chronologie
Fig. 5 - Nombre d’incinérations du Ve au Ier siècles avant
notre ère.
Les individus incinérés
La diagnose sexuelle à partir du squelette
demeurant encore un problème pour les sujets
immatures et a fortiori pour les enfants décédés
en très bas âge, aucune étude en ce sens n’a été
envisagée et seule, celle réalisée sur des sujets
adultes a été considérée avec iabilité.
Ces estimations concernent un peu plus de 64 %
du corpus :
- 84 sujets de sexe féminin,
- 76 sujets de sexe masculin,
- 14 sujets de sexe indéterminé.
Ces résultats déinissent une très légère
surmortalité féminine (sex ratio = 0,904), qui ne semble
pas révélatrice de phénomènes démographiques
spéciiques.
La répartition du nombre de femmes et
d’hommes par grandes phases chronologiques (ig.
4) montre que si cette légère surmortalité féminine
s’observe, du Ve au IIe siècles avant notre ère, elle
est cependant nettement plus importante au IIIe
siècle avant notre ère (sex ratio = 0,33). à noter que
l’apparente surmortalité masculine observée au Ier
siècle, fondée sur seulement 2 individus, ne peut
être retenue dans le cadre de cette étude.
Hommes Femmes
100%
Comme pour l’inhumation, la pratique de
l’incinération des corps concerne l’ensemble
des périodes (ig. 5). Pour le Ve siècle, elle paraît
anecdotique, mais peut s’être appliquée à des
individus particuliers. à partir du milieu du Ve siècle
avant notre ère, elle est de plus en plus présente, et ce,
jusqu’au milieu du IIe siècle. Dès lors, la décroissance
constatée paraît biaisée : en effet, même si plusieurs
ensembles funéraires de ces périodes ont été inclus
à l’étude, les analyses anthropologiques ne sont pas
disponibles.
Les diagnoses sexuelles pour les individus
incinérés demeurent réellement inenvisageables,
sachant que la crémation a, tout ou partie, détruit les
critères ostéologiques autorisant cette identiication.
Par ailleurs, les estimations des âges au décès se
limitent à la reconnaissance de sujets « adultes »
(ostéologiquement matures) et « enfants/ sujets
immatures » (présence d’esquilles proposant des
surfaces non encore épiphysées). En revanche, il est
parfois possible, notamment lorsque des éléments
dentaires sont présents, d’afiner l’âge au décès des
« enfants/sujets immatures ».
Ainsi, parmi les 147 sépultures à incinération
dont l’analyse anthropologique est disponible, on
dénombre :
- 94 sujets adultes,
- 26 sujets « enfants/immatures »
- 34 sujets indéterminés.
75%
Les quelques sépultures doubles recensées
(esquilles en doublon ou différence de maturité
osseuse au sein d’un même amas) proposent un
NMI de 154 pour 147 sépultures.
50%
25%
0%
e
V s.
e
IV s.
A1-A2
B1-B2
e
III s.
e
II s.
I
er
s.
B2-C1 C1-C2-D1 D1-D2
Chronologie
Fig. 4 - Répartition des adultes hommes et femmes
inhumés du Ve au Ier siècles avant notre ère.
Là encore, les « enfants/sujets immatures » sont
déicitaires, ils n’excédent pas plus de 21,6 % des
individus dont l’âge au décès est connu. Au même
titre que pour les sujets inhumés, les « enfants/sujets
immatures » sont sous-représentés et n’excèdent
jamais plus de 31 % (ig. 6). En outre, même si le
corpus est peu conséquent, on peut noter que les
« enfants/sujets immatures » ne sont présents dans
103
RAP - 2009, n° 3/4, Estelle pinard, Valérie delattre & Sylvain thouVenot, La population ensevelie et les traitements funéraires des corps
au second âge du Fer en Picardie
Enfants/Immatures
Nombre de sépultures
Adultes
100%
75%
50%
25%
0%
e
V s.
e
IV s.
e
III s.
A1-A2
B1-B2
B2-C1
e
II s.
I
er
120
100
80
60
40
20
0
s.
e
V s.
e
IV s.
e
III s.
A1-A2
B1-B2
B2-C1
Fig. 6 - Répartition des adultes et enfants/immatures
incinérés du Ve au Ier siècle avant notre ère.
les incinérations qu’à partir du IIIe siècle avant
notre ère. La systématisation de l’incinération,
avant cette période, ne semble concerner que les
adultes, renvoyant là encore à des spéciicités de
pratiques funéraires liées à l’âge et réservées aux
plus jeunes membres de la communauté.
Indépendamment du volume de sépultures
(plus conséquent dans l’Aisne), l’évolution
chronologique de la pratique de l’inhumation
est similaire dans l’Oise et dans l’Aisne, le déclin
s’amorce aux mêmes périodes, un peu plus marqué
dans l’Aisne que dans l’oise (ig. 8). En revanche,
l’évolution de l’incinération est plus singulière dans
l’oise : elle s’afirme à partir du milieu du IVe siècle
avant notre ère, mais contrairement à la Somme et
e
II s.
I
er
s.
C1-C2-D1 D1-D2
Fig. 7 - Nombre d’inhumations et d’incinérations du Ve au
Ier siècle avant notre ère.
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
MISE EN PERSPECTIVE DES PRATIquES :
éVOLuTION CHRONOLOGIquE
ET/Ou TERRITORIALE
Ce premier niveau d’analyse thématique, certes
limité, a tout de même permis de dégager quelques
grandes caractéristiques démographiques. Sur
l’ensemble de la période considérée, la population
ensevelie dont l’étude anthropologique est
disponible, comprend 268 adultes, 103 enfants
ou sujets immatures et 62 indéterminés. Même si
l’inhumation et l’incinération sont constamment
présentes, en proportion inégales et modulables,
l’évolution des pratiques se caractérise par une
décroissance relativement brutale des inhumations
entre le milieu du IVe et le milieu du IIIe siècle avant
notre ère au proit de l’incinération (ig. 7). La
population inhumée présente toujours une légère
surmortalité féminine. Inhumés ou incinérés, les
enfants et sujets immatures sont sous-représentés,
à toutes les phases chronologiques, excepté au
Ier siècle avant notre ère. Par ailleurs, il apparaît
qu’aucun enfant ou sujet immature ne soit incinéré
avant le IIIe siècle avant notre ère.
Nb Inhumations
Chronologie
C1-C2-D1 D1-D2
Chronologie
104
Nb. Incinérations
Inhumés (en nb.)
e
V s.
e
IV s.
e
III s.
A1-A2
B1-B2
B2-C1 C1-C2-D1 D1-D2
Aisne
e
II s.
Oise
I
er
s.
Somme
Incinérés (en nb.)
25
20
15
10
5
0
e
V s.
e
IV s.
e
III s.
e
II s.
A1-A2
B1-B2
B2-C1 C1-C2-D1 D1-D2
I
er
s.
Chronologie
Fig. 8 - évolution des pratiques du Ve au Ier siècle avant
notre ère dans l’Aisne, l’Oise et la Somme.
l’Aisne, elle ne semble pas s’intensiier. Par ailleurs,
la croissance constatée dans la Somme apparaît un
siècle avant celle observée pour l’Aisne.
Ces remarques peuvent raisonnablement
témoigner
d’un
changement
d’inluences
territoriales. Aux Ve et IVe avant notre ère, l’Oise
et l’Aisne paraissent suivre un même schéma,
alors qu’à partir du milieu du IVe et du IIIe siècle
avant notre ère, ce sont la Somme et l’Aisne qui
connaissent la même évolution.
RAP - 2009, n° 3/4, Estelle pinard, Valérie delattre & Sylvain thouVenot, La population ensevelie et les traitements funéraires des corps
au second âge du Fer en Picardie
traItEMEnts Et aGEnCEMEnts
DEs Corps
LES CORPS INHuMéS
Le processus de décomposition des cadavres,
appréhendé par l’observation des phénomènes
taphonomiques, renvoie aux modalités d’inhumation
des défunts et renseigne quant à la disposition du
corps, la présence d’un contenant, d’un mobilier
d’accompagnement, la présence de parures et/ou
d’accessoires vestimentaires. Il met ainsi l’accent
sur les gestuelles funéraires déployées à l’intention
du défunt, dans son immédiate proximité, ainsi
que sur leur horizon culturel. On oppose souvent
une « décomposition en espace vide » à une «
décomposition en espace colmaté », observation
certes avérée, reposant sur l’apport ou non de
sédiment colmatant et déinissant l’éventuelle
présence d’un contenant rigide périssable, mais
en négligeant pourtant la forte incidence des
enveloppes textiles, de lecture parfois plus ténue.
La reconnaissance d’enveloppe textile chez
les sujets adultes
L’utilisation d’enveloppe textile ayant ceint les
corps lors de leur dépôt dans la fosse est souvent
mise en évidence. Des effets de compression latérale,
le maintien en équilibre instable de certaines
pièces osseuses, l’organisation des os libérés par la
décomposition des chairs, sont observés de manière
très ponctuelle ou plus complète sur les squelettes,
lorsque la matière osseuse présente un bon état de
conservation (ig. 9).
Outre ces indices taphonomiques, la présence
de ibules (en un seul exemplaire ou par paire),
leur répartition sur le corps, l’existence d’éléments
de parure ou d’anneau, relètent des inhumations
habillées ou en linceul, peut-être mixtes.
vêtements et/ou linceul ?
Certaines observations taphonomiques permettent
d’attester que le défunt a été inhumé habillé : un effet
de contention s’exerce notamment sur le gril costal,
indépendamment de celui lisible sur les humérus,
suggérant la présence d’un textile « à manches »
alors que les membres inférieurs, parallèles et
non rapprochés (patella en place sur l’extrémité
condylienne du fémur), peuvent avoir été, eux aussi,
individuellement « enveloppés ».
La présence des ibules conirme parfois que les
défunts pouvaient être inhumés avec des vêtements
maintenus par ces accessoires vestimentaires. Si l’on
se livre à une cotation systématique de la répartition
de ces éléments métalliques sur le corps, et malgré
leur grand nombre, il est intéressant de constater
Fig. 9 - Indices d’enveloppement conjoint (linceul).
que peu d’entre eux ont été retrouvés en contexte
d’usage, le plus souvent sur les épaules du défunt.
En effet, les observations taphonomiques
mettent parfois en évidence l’existence de textile
souple enveloppant la totalité du corps (contention
exercée conjointement sur le thorax et les membres
supérieurs) ; les membres inférieurs sont rapprochés
et sans doute maintenus à hauteur des genoux
(légère rotation interne des fémurs et glissement des
patellas) et des chevilles par des liens périssables.
Nombre des ibules mises au jour ont ainsi servi à
fermer le linceul après son enveloppement autour
du corps. En unique exemplaire, en duo, voire même
en trio, ces ibules se retrouvent essentiellement en
partie haute du corps.
Les ibules en contexte de port :
les sépultures dites habillées
Si nombre de défunts ont été déposés habillés,
souvent parés (torques et/ou bracelets) ou munis
d’une panoplie guerrière, seulement 48 d’entre
eux présentent des ibules en contexte de port,
principalement disposées sur les épaules, le thorax
ou le cou. Ces ibules peuvent être en exemplaire
unique ou en situation bilatérale sur chaque épaule.
105
RAP - 2009, n° 3/4, Estelle pinard, Valérie delattre & Sylvain thouVenot, La population ensevelie et les traitements funéraires des corps
au second âge du Fer en Picardie
Les ibules servant de fermeture de linceul
Il apparaît que 15 ibules ont été utilisées pour
fermer des linceuls plus ou moins contraignants.
Ce mode de dépôt concerne 13 individus, certains
d’entre eux présentant plusieurs ibules ou
l’association ibule et anneau. En règle générale, la
ibule, unique ou doublée, est mise au jour au niveau
du crâne, des membres et on peut envisager que le
corps a été enserré dans un textile enveloppant.
Ce mode d’attache métallique, assuré par la
(ou les) ibule(s) peut être parfois renforcé par de
probables liens périssables (cordelettes, bandelettes...)
enserrant les chevilles l’une sur l’autre.
outre ces ibules, il faut noter la présence
de quelques anneaux (7) dont la fonction est
indubitablement celle d’accentuer le maintien du
linceul, souvent en association avec une ibule et à
l’image de ces modes d’enroulement de bandelettes
notamment documentés par l’iconographie du haut
Moyen âge (treffort 1996).
Le maintien de la tête : présence de coussin céphalique
quinze cas de présence d’un coussin céphalique
en matériau périssable, déposé sous la nuque et
restituable par la seule observation des processus
taphonomiques affectant le calvarium, la mandibule
et les premières cervicales ont été observés. Ainsi,
pour des nécropoles ayant fait l’objet d’une même
intention anthropologique de terrain, on observera
la fréquence des coussins céphaliques à Bucy-leLong (Aisne) et leur quasi-absence à Chambly dans
l’oise (ig. 10 et pinard et al. 2000).
Les modes de dépôts
Au second âge du Fer, aucun contenant en
matériau pérenne n’étant recensé, la discussion
quant au mode de dépôt du défunt dans la fosse
s’articule essentiellement autour de la présence
ou non d’un cercueil périssable ou de la simple
installation directe du cadavre dans la sépulture.
Parfois, l’observation de traces ligneuses renvoie
à la présence de bois (planches, coffrages, tronc de
bois évidé,…).
Mais le plus souvent, seul le mode de
décomposition des corps, restituable via
l’observation des processus taphonomiques,
renseigne quant à cette présence d’un contenant
originel disparu.
106
En effet, et de façon plus générale, le processus
de décomposition des cadavres, tel qu’il peut être
appréhendé par l’observation des phénomènes
taphonomiques, renvoie aux modalités d’inhumation
des défunts et renseigne quant à la disposition
du corps, la présence d’un contenant, d’un dépôt
Fig. 10 - Indices de la présence d’un coussin céphalique.
d’accompagnement. Il met ainsi l’accent sur la
gestuelle funéraire usitée et sur son horizon culturel.
Modalités de décomposition en « espace vide »
La décomposition en « espace vide » suppose
que le dépôt du corps n’a pas été suivi d’un apport
sédimentaire immédiat et que la destruction des
contentions articulaires a favorisé le déplacement
des pièces osseuses au sein des vides créés et
non comblés. De l’observation minutieuse de ces
processus taphonomiques, on peut donc suggérer
la présence ou l’absence d’un coffrage en matériau
périssable.
Au sein de l’ensemble des nécropoles considérées,
le corpus précisément daté propose 273 dépôts ayant
pu faire l’objet d’observations d’ordre taphonomique.
Ainsi, 95,2 % des défunts se sont décomposés alors
que la fosse n’était pas comblée (tab. II).
Espace « vide »
Espace colmaté
Indéterminé
260
7
6
tab. II - Nombre de sépultures et espace de décomposition.
On observe une très nette surreprésentation du
dépôt en espace vide (toutes phases chronologiques
confondues) supposant une inhumation des corps
en contenant rigide périssable, sans qu’il soit encore
possible de distinguer de simples appareillages de
planches, de véritables coffres fermés ou de troncs
d’arbre évidés.
La décomposition des corps en « espace vide »
couvre l’ensemble de la chronologie, du IVe au
Ier siècle avant notre ère. Les très rares cas de
décomposition en espace colmaté ont été répertoriés
entre la in du Ve et le début du IVe siècle avant
notre ère (Limé "Les Sables Nord", Aisne ; soupart
et al. 2005).
RAP - 2009, n° 3/4, Estelle pinard, Valérie delattre & Sylvain thouVenot, La population ensevelie et les traitements funéraires des corps
au second âge du Fer en Picardie
L’agencement du défunt
9% 0%
Déposés dans un contenant périssable, les
défunts sont agencés et on observe une très
grande majorité de dépôt en décubitus (94%, cf.
tab. III) ; si les dépôts en position latérale sont très
minoritaires dans le cadre des nécropoles (1,5%),
leur proportion augmenterait considérablement si
l’on prenait en compte, pour le coup, les dépôts en
structure d’ensilage. Pour les quelques cas picards,
les individus sont mis dans les silos en position
latérale droite ou gauche, les membres repliés,
comme à Glisy (Somme) ou Vermand (Aisne).
Pour les nombreux cas inventoriés à la conluence
Seine-Yonne, les corps ont été « jetés » avec plus ou
moins de soin dans des fosses souvent profondes et la
posture du squelette ne saurait être considérée comme
le relet d’une pratique d’agencement intentionnel
du corps. Faut-il considérer les 1,5 % de dépôts en
position latérale comme des cas particuliers ou de
simples anecdotes ? Cette position marquerait-elle
une volonté de mise à l’écart du groupe, tout en y
participant puisque les individus ont, malgré tout,
été inhumés au sein de la nécropole ? Ou bien encore,
le statut (voire même une pathologie osseuse) de ces
individus nécessitait-il un agencement particulier
du corps?
Décubitus
Latéral
Indéterminé
252
4
12
tab. III - Agencement des individus inhumés en nombre.
LES CORPS INCINéRéS
La crémation et la représentativité des défunts
Les témoins de l’habillement
Contrairement aux inhumations, où l’observation
des processus taphonomiques nous renseigne sur la
présence de vêtements et/ou d’enveloppes textiles
souples, les sépultures à incinération ne livrent
que des accessoires vestimentaires, des objets
personnels préservés, dispersés ou agencés dans un
amas osseux. Les plus représentées sont les ibules
et 231 d’entre elles proviennent ici des incinérations
de 29 ensembles funéraires (157 sépultures) : 94 %
sont en fer pour seulement 6 % en bronze. Cette
disproportion pourrait s’expliquer en partie par la
conservation du fer lors de la crémation, là où le
bronze aura fondu. Lorsqu’elles sont présentes, leur
nombre varie de 1 à 6 avec une prépondérance pour
l’exemplaire unique (ig. 11).
Dans le cas des incinérations, l’association des
ibules à des accessoires vestimentaires passe par
un examen de l’état de conservation précis de
l’objet. L’indication ou pas d’un passage au feu peut
témoigner de la crémation d’un individu habillé ou
l’ajout, dans la tombe, d’un dépôt complémentaire
1% 1%
1 fib
2 fib
3 fib
4 fib
5 fib
6 fib
23%
66%
11%
15%
74%
dans Amas
hors Amas
indéterminé
Fig. 11 - Nombre de ibules par sépultures à incinération et
localisation des ibules dans les sépultures à incinération.
de vêtements ou de textiles à ibule associée dans la
tombe. Auquel cas, l’objet ne présente aucune trace de
crémation, même inime. Enin, leur association avec
le dépôt osseux peut aussi témoigner de la fermeture
ultime d’un contenant souple, « réceptacle » des os
incinérés (ig. 11).
Parmi les autres accessoires, des éléments de
ceinture en fer ou en bronze (de 1 à 4 objets par cas)
ont été identiiés dans 11 ensembles funéraires. Plus
encore que pour les inhumations, ce décompte est
partiel et aléatoire car nombre de petits objets comme
les anneaux, les boutons, les tubes, les agrafes ou les
rivets peuvent se rapporter tant au vêtement qu’à
d’autres objets incluant de la bouclerie : coffrets,
harnais...
La crémation
Pour appréhender et caractériser les gestes liés
à la crémation des individus, des observations
quantitatives et qualitatives sont nécessaires. Elles
concernent les issurations des pièces osseuses,
indices de l’état (frais ou sec) du corps lors de la
crémation, les colorations des ossements permettant
d’estimer le degré de crémation et celle des
sédiments déterminant un possible traitement postcrématoire des restes. Les degrés de fragmentation
des esquilles, eux aussi témoins de manipulations
lors de ou après la crémation peuvent être appréciés
par la mesure des pièces les mieux préservées et les
plus représentatives. Puis, pour mettre en évidence
107
RAP - 2009, n° 3/4, Estelle pinard, Valérie delattre & Sylvain thouVenot, La population ensevelie et les traitements funéraires des corps
au second âge du Fer en Picardie
les gestuelles lors de la mise en terre, la quantité
d’ossements (l’amas complet et par catégorie
anatomique représentée dans la collecte) doit être
enregistrée.
Tous ces éléments ont été très diversement, voire
faiblement, enregistrés dans la base de données
et seules quelques observations qualitatives sont
disponibles pour 70 sépultures (13,15 % du corpus).
Elles concernent les colorations des restes osseux et
la présence de témoins de combustion. Ainsi, ces
éléments soulignent des crémations abouties, le seuil
de destruction de la matière organique (disparition
de la coloration noirâtre liée à la présence de carbone)
étant atteint pour tous ces dépôts. Avant d’être
déposées, les pièces osseuses ont été débarrassées
des restes du bûcher (traitements post-crématoires)
pour 25 dépôts. Pour 68 dépôts, la crémation a été
conduite sur des cadavres alors que pour deux
autres dépôts, un traitement préalable semble avoir
été anticipé par les contemporains, car les corps ont
subi un temps d’attente assez long, peut-être une
dessiccation (active ou passive ?) avant l’ustion
(Allones "Les quarante Mines", Oise ; paris 1998)
Bien que l’échantillon sur lequel repose cette analyse
soit très faible, il est à souligner que ces deux gestes
sont pratiqués sur l’ensemble de la chronologie.
est préservée et suggère des précautions d’étude
drastiques : en effet, des crémations s’enchaînant sur
un bûcher à usages successifs avec des ramassages
imparfaits des restes osseux peut proposer la lecture
illusoire de sépultures multiples. Sur les dépôts
dont les analyses qualitatives et quantitatives sont
renseignées, 13 ont clairement été identiiés comme
multiples, appartenant majoritairement au IIIe siècle
(80 %) et au IIe siècle avant notre ère (20 %).
Les modes de dépôts
Les modes de dépôt des restes incinérés ont pu être
identiiés pour 150 sépultures, ils correspondent à :
- 59 dépôts en urne,
- 90 dépôts en contenant périssable,
- 1 dépôt mixte associant à la fois une urne
céramique et un contenant périssable.
Les contenants périssables désignent des
enveloppes souples de type « sac » (textile, cuir….)
ou des enveloppes rigides de type « coffret »
(bois, vannerie… ; cf. ig. 12). Ils sont identiiés
par la fouille des blocs osseux en laboratoire, par
la reconnaissance du maintien en place de pièces
osseuses révélant des effets de parois rectilignes,
souples ou sub-circulaires.
un autre geste lié à la crémation et relevant
de la longue chaîne des gestuelles funéraires est
perceptible, celui de l’association de restes animaux
incinérés avec les restes humains, ici représenté par
seulement deux cas.
La collecte des restes osseux
Les observations quantitatives sont disponibles
pour 86 dépôts. Les poids des restes osseux des
dépôts individuels d’adultes et dont l’intégralité des
restes osseux est préservée (73 dépôts), oscillent entre
4,7 et 1 445 g. Seuls, sept représentent l’intégralité
d’un corps adulte incinéré, communément admise
comme proche de 1 500 g dans les conditions d’un
bûcher protohistorique (Minozzi 2008). Pour tous
les autres, les dépôts sont très faibles (de type
« prélèvement symbolique » de quelques restes
osseux sur le bûcher) à conséquent.
Avec toutes les précautions requises, puisque
l’échantillon est très faible, on peut noter que les
dépôts exhaustifs ne sont présents qu’à partir du IIe
siècle avant notre ère, alors que les dépôts partiels
couvrent l’ensemble de la chronologie. Par ailleurs,
plus la pratique de l’incinération s’intensiie, plus
les poids des restes mis en terre sont variables.
108
L’identiication de dépôts multiples repose sur la
reconnaissance de pièces osseuses dont la maturité
est différente et/ou par la présence de doublons. Elle
nécessite une analyse sur un dépôt dont l’intégralité
Fig. 12 - Exemple de contenant rigide (coffret).
Les pratiques des dépôts en contenant périssable
et en urne, bien que concomitantes, connaissent
des évolutions différentes. Le dépôt en contenant
périssable est en usage sur l’ensemble des phases
chronologiques, la pratique s’accroissant jusqu’au
début du IIe siècle avant notre ère, mais de façon
irrégulière. La pratique du dépôt en urne semble
s’installer à partir du milieu du Ve siècle avant notre
ère pour s’éteindre, assez brusquement, au début du
IVe siècle avant notre ère. Elle renaît à la in du IVe
siècle et progresse rapidement et de façon régulière
jusqu’au milieu IIe siècle avant notre ère.
Bien que moins nombreux, les dépôts en urne
semblent pourtant se substituer aux dépôts en
contenant périssable au IIe siècle avant notre ère
RAP - 2009, n° 3/4, Estelle pinard, Valérie delattre & Sylvain thouVenot, La population ensevelie et les traitements funéraires des corps
au second âge du Fer en Picardie
Même si les pratiques de l’inhumation et de
l’incinération sont concomitantes sur l’ensemble
de la chronologie, l’inhumation prédomine du Ve
au milieu IIIe siècle avant notre ère (elle décroît
manifestement à partir du milieu du IVe siècle avant
notre ère) et l’incinération est, de plus en plus,
pratiquée à partir du milieu du IVe siècle avant notre
ère pour devenir « la norme » au milieu du IIIe siècle
avant notre ère.
35
30
25
20
15
10
5
0
LT A1 A2
B1
B2
C1
C2
D1
D2 Aug.
Nb. Urne
Nb. Contenant périssable
Nb. Urne et contenant périssable
Fig. 13 - évolution chronologique des contenants en
matériaux périssables et des urnes cinéraires.
(ig. 13). La pratique du dépôt en urne et en
contenant périssable (restes osseux contenus dans
une enveloppe souple, et déposés dans une urne)
paraît anecdotique, un seul cas a été identiié au
milieu du IIe siècle avant notre ère.
sYntHèsE Et ConCLUsIon
Si cette première approche peut paraître dificile,
parfois peu concluante au regard de l’investissement
collectif engagé, elle a le mérite de replacer l’être
humain (le défunt) au cœur de la problématique, au
titre d’acteur principal de l’ensemble des gestuelles
déployées. Son étude (ostéologique, taphonomique,
biologique,…) n’est pas reléguée comme « annexe »,
il demeure le point d’ancrage, puisque toutes les
pratiques et tous les gestes mis en œuvre lui sont
strictement et intrinsèquement adossés.
Malgré le biais incontournable de l’échantillon
de la population vivante sur lequel reposent
les résultats, plusieurs phénomènes ont été
constatés. Ainsi, les enfants et les sujets immatures,
notamment les plus petits, sont sous-représentés
aussi bien parmi les individus inhumés que parmi
ceux incinérés, tout au long de la période traitée,
à l’exception des IIIe et IIe siècles avant notre ère,
où le taux de mortalité infantile peut être considéré
comme proche de celui d’une population préjennérienne. Tout en tenant compte des problèmes
de conservations des restes des enfants, la question
de l’accès à la nécropole communautaire, pour cette
classe d’âge, se pose.
Par ailleurs, toujours pour les enfants et sujets
immatures, il semble qu’en Picardie, la pratique
de l’incinération ne leur soit autorisée qu’à partir
du IIIe siècle avant notre ère alors qu’elle s’accroît
considérablement depuis le milieu IVe siècle avant
notre ère. Là encore, se pose la question du statut des
enfants lorsque de nouvelles pratiques funéraires
deviennent prédominantes.
Comme observé par ailleurs et notamment
dans l’ensemble des travaux conduits pour la
même période à la conluence Seine-Yonne (sud
de la Seine-et-Marne), il apparaît que la discussion
inale s’articule autour d’une éventuelle sélection
démographique favorisant ou non l’accueil de tous
au sein de la nécropole. Bien sûr, pour toute région
ou ensemble culturel, il est délicat de proposer un
modèle-type de la nécropole du second âge du
Fer : en Île-de-France, doit-on considérer Bobigny
et ses presque 1 000 tombes comme le modèle
incontestable, suggérant de cruels déicits partout
ailleurs dans la région ? Ou les petits ensembles de
quelques dizaines de sépultures sont-ils la norme,
le millier de tombes de Bobigny étant un unicum à
déinir ? (Marion et al. 2006-2007).
Des sélections, d’ordre démographique ou non,
peuvent déjà s’expliquer : ainsi, à la conluence
Seine-yonne, des travaux récents ont-ils montré
qu’une part non négligeable de la population
féminine (mature et âgée) se retrouve inhumée
dans des structures d’ensilage, dans le cadre de
pratiques cultuelles domestiques ici avérées et
récurrentes (delattre et al. 2000 ; seGuier & delattre
2005 ; delattre & seGuier 2007). De même, comme
à Nanterre (Hauts-de-Seine), la mise à l’écart des
certains sujets immatures (des nourrissons en ce cas)
et de quelques sépultures d’adultes, dispersées dans
l’habitat, renvoie à des modalités de marginalisation
encore méconnues mais bien attestées.
Dans le même ordre d’idée, lors de la fouille
de 27 habitats laténiens dans l’Aisne et l’Oise, 223
restes humains (adultes et enfants) ont été exhumés,
correspondant à un NMI de 70. Sur ces mêmes
habitats, 2 ont livré les squelettes de 6 périnataux.
Par ailleurs, parmi les habitats laténiens picards, 9
ont livré 13 individus inhumés en « silos » (pinard à
par.). Toutes ces formes d’ensevelissement montrent
non seulement une grande diversité de traitement
des corps, mais aussi que la « nécropole » est loin
d’être accessible à tous les défunts. Pour la Picardie,
ce phénomène est faiblement perceptible durant les
Ve et IVe siècles avant notre ère (2 sites pour 3 NMI),
mais à partir du IIIe siècle avant notre ère, il devient
indéniable.
109
RAP - 2009, n° 3/4, Estelle pinard, Valérie delattre & Sylvain thouVenot, La population ensevelie et les traitements funéraires des corps
au second âge du Fer en Picardie
BIBLIoGrapHIE
ALDuC-LE-BAGOuSSE Armelle (1997) - « Comportements
à l’égard des nouveau-nés et des petits-enfants dans les
sociétés de la in de l’Antiquité et du haut Moyen Age »
dans BuCHET Luc (dir.), L’enfant, son corps, son histoire,
Actes des 7e Journées anthropologiques, juin 1994, Sophia
Antipolis, Editions APDCA , p. 81-95.
DEDET et al. (2001) - « Sépultures d’enfants en bas âge
dans l’agglomération du Puech de Mus à Sainte Eulalie
de Cernon (Aveyron) au Ve s. avant J.-C. », Documents
d’Archéologie méridionale, 24, p. 127-162.
DELATTRE Valérie, GOuGE Patrick & BuLARD Alain
(2000) - « De la relégation sociale à l’hypothèse des
offrandes : l’exemple des dépôts en silos protohistoriques
au conluent Seine-Yonne (Seine-et-Marne) », Revue
archéologique du Centre de la France, 39, p. 5-30.
SEGuIER Jean-Marc & DELATTRE Valérie (2007) - « Du
cadavre à l’os sec », dans BARRAL Ph., DAuBIGNEy
A., DuNNING C., KAENEL G., ROuLIèRE-LAMBERT
M.-J. (éds.) - L’âge du Fer dans l’arc jurassien et ses marges.
Dépôts, lieux sacrés et territorialité à l’âge du Fer, Actes du
XXIXe colloque international de l’AFEAF, Bienne, 5-8 mai
2005, vol. 2, Besançon, Presses universitaires de FrancheComté, p. 605-620.
DESENNE Sophie, POMMEPuy Claudine & DEMOuLE
Jean-Paul (Dir) (à par) - La nécropole de Bucy-le-Long "la
Héronnière, la Fosse Tounisse" (Aisne), Revue Archéologique
de Picardie.
MARION Stéphane, LE BECHENNEC yves & LE
FORESTIER Cyrille (2006-2007) - « Nécropole et bourgade
d’artisans : l’évolution des sites de Bobigny (Seine-SaintDenis), entre La Tène B et La Tène D », Revue Archéologique
du Centre, tome 46-46, p. 6-50.
MINOZZI Simona (2008) - « Méthodes de l’analyse des
incinérations », dans CHARLIER Ph. (dir) - Ostéo-archéologie
et techniques médico-légales, tendances et perspectives. Pour un
« manuel pratique de Paléopathologie humaine ». Collection
Pathographie 2. De Broccard, p. 249-267.
PARIS Pascal (1998) - « Les sépultures à incinérations de La
Tène moyenne de la ZAC du Ther à Allonne (oise) » dans
Les Rites de la mort en Gaule du Nord à l’âge du Fer, Actes
de la table ronde de Ribemont-sur-Ancre, 4-5 décembre
1997. Revue Archéologique de Picardie, 1-2, p. 271-329.
PINARD Estelle (à par) - « Les dépôts humains dans les
structures désaffectées d’habitats du Bronze ancien à la
Tène inale en Picardie et Nord-Pas-de-Calais », dans Morts
anormaux, sépultures bizarres, Questions d’interprétation en
archéologie funéraire. Actes de la Table-ronde tenu à Sens
les 29, 30, 31 mars et 1er avril 2006.
PINARD Estelle, DELATTRE Valérie, FRIBOuLET Muriel,
BRETON Cécile & KRIER Vincent (2000) - « Chambly "La
Remise Ronde" (oise) : une nécropole de La Tène ancienne ».
Revue archéologique de Picardie, 3-4, p. 3-75.
SEGuIER Jean-Marc & DELATTRE Valérie (2005) « Espaces funéraires et cultuels au conluent Seine-Yonne
(Seine-et-Marne) de la in du Ve au IIIe siècle avant J.-C. »,
R.A.C.F., Suppl. 26, Actes du XXVIe Colloque international
de l’AFEAF, Paris et Saint-Denis, p. 241-260.
SOuPART Nathalie & DuVETTE Laurent avec la
collaboration de Pissot Véronique (2005) - « Limé "les
Sables" (Aisne). Les sépultures et les dépôts de la Tène »,
dans AuXIETTE Ginette & MALRAIN François (dir),
Hommages à Claudine Pommepuy, Revue archéologique de
Picardie, n° spécial 22, p. 289-326.
THEVENET Corinne (2002) - Les inhumations et les
incinérations de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais"
(Aisne) : archéo-anthropologie d’une population de la in de
l’âge du Fer. Mémoire de Maîtrise, université Paris I
(Panthéon-Sorbonne), 173 p.
TREFFORT Cécile (1996) - L’église carolingienne et la mort,
Christianisme, rites funéraires et pratiques commémoratives,
Centre interuniversitaire d’histoire et d’archéologie
médiévales, Presse universitaires de Lyon, Lyon, 216 p.
Les auteurs
Estelle PINARD, Inrap NP, uMR 7041 ArScAn
Inrap NP, Centre de Passel, Parc d’activité de Passel, Avenue du Parc
F- 60400 Passel
estelle.pinard@inrap.fr
Valérie DELATTRE, Inrap CIF, uMR 5594, ARTeHIS - valerie.delattre@inrap.fr
Sylvain THOuVENOT, Inrap NP, uMR 7041 ArScAn - sylvain.thouvenot@inrap.fr
résumé
Dans le cadre du Projet d’Action Scientiique Inrap « Les gestuelles funéraires au second âge du Fer en
Picardie », une base de données regroupant 70 sites funéraires en Picardie et ses marges, datés du Ve au Ier siècle
avant notre ère et fouillés récemment, a été constituée. Ce projet a pour but la caractérisation des gestuelles et
la modélisation des chaînes opératoires, pour la mise en évidence de variations chronologiques, régionales,
sociales et/ou culturelles. Il s’articule autour de plusieurs thèmes, dont celui, ambitieux et transversal de
« la population ». Fondée sur cette base de données, une étude synthétique de la population ensevelie a été
envisagée, au même titre qu’ont été analysés les traitements et agencements des corps selon que l’individu a
été inhumé ou incinéré.
110
Mots-clés : Inhumation, incinération, études anthropologiques, second âge du Fer, Picardie.
RAP - 2009, n° 3/4, Estelle pinard, Valérie delattre & Sylvain thouVenot, La population ensevelie et les traitements funéraires des corps
au second âge du Fer en Picardie
abstract
As part of an INRAP Research Project, « La Tène burial rites in Picardy », a data bank has been drawn up,
covering 70 burial sites in Picardy and the surrounding areas, dating from the 5th to the 1st centuries B.C.
and recently excavated. The aim of this project is to characterize types of gestural behaviour and to model
the operational sequences, so as to highlight any chronological, local, social and/or cultural variations. It is
organized around a number of topics, one of which, wide-ranging and transversal, is entitled “the population”.
Based on this data bank, a global study of the buried population has been initiated, as well as an examination
of the way the corpses were processed and laid out, whether for inhumation or cremation.
Key words : inhumation, cremation, anthropological research, La Tène, Picardy.
Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX.
Zusammenfassung
Im Rahmen des Forschungsprojektes des INRAP über die Bestattungsrituale in der jüngeren Eisenzeit
in der Picardie wurde eine Datenbank erstellt, die 70 kürzlich ergrabene Nekropolen aus der Zeit vom 5.
bis 1. Jh.#v.#Chr. in der Picardie und den angrenzenden Gebieten umfasst. Ziel dieses Projektes war die
Charakterisierung der Rituale und die Modellisierung der Handlungsabläufe, um chronologische, regionale,
soziale und/oder kulturelle unterschiede aufzuzeigen. Das Projekt artikuliert sich um mehrere Themen,
darunter das ehrgeizige und transversale Thema der "Bevölkerung". Eine auf dieser Datenbank basierende
Erfassung der bestatteten Bevölkerung war ebenso geplant, wie die Analyse der Behandlungen und Anordnung
der Körper je nachdem, ob es sich bei den Individuen um Körper- oder Brandbestattungen handelte.
Schlüsselwörter: Körperbestattung, Brandbestattung, anthropologische untersuchungen, jüngere Eisenzeit,
Picardie.
Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr).
111
RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas.
LE DEvEnIr DU CaDavrE InCInéré En GaULE BELGIQUE
MétHoDEs Et anaLYsE DE Cas
Isabelle LE GOFF
avec les collaborations de G. LAPERLE, P. MILLERAT & S. CuLOT (INRAP)
Le corps mort garde la forme familière de la
personne, mais il devient un objet fragile, instable
qu’il convient de traiter. Diverses solutions sont
envisagées comme le montrent par exemple les
travaux de L.-V. Thomas ou l’encyclopédie des
savoirs et des croyances (thoMas 2000 ; lenoir &
tonnaC 2004). Le feu représente un des traitements
possibles qui marque nos esprits par son caractère
radical. Au-delà de la crémation, il subsiste toutefois
quelque chose du corps, présent encore au monde
sous la forme d’os brûlés. Car si les chairs se sont
consumées, réduites en cendres, il reste bel et bien
de la matière, des os brûlés associés éventuellement
à du mobilier, de la faune et aux restes du bûcher ou
ceux du cercueil. quel est ensuite leur devenir ?
La question est abordée d’abord par le biais de
leur intégration sociale. quand on compare, de ce
point de vue, les sociétés, et notamment celles du
passé, on est frappé par le contraste des situations
possibles. Sans entrer dans une démarche de
comparaison, trois exemples illustrent le fait que
ces « restes » osseux, comme le corps lui-même,
véhiculent des représentations et des valeurs. Cette
approche conduit à concevoir les dépôts cinéraires
non plus en tant qu’entité biologique (ossements),
mais en tant que produit façonné y compris
dans ses aspects les plus « naturels » (couleur,
fragmentation …). Il s’agira de montrer le paradoxe
de la crémation. Car s’il y a bien destruction de la
dépouille, il en va aussi d’une construction sociale
avec la réalisation d’un dépôt cinéraire destiné à la
tombe, qui subit comme toute action culturelle, les
effets concrets de normes ou d’habitudes.
La première partie de ce travail s’ouvre sur les
perspectives méthodologiques et sur les problématiques qu’offre cette approche des sépultures
anciennes. qu’est-ce qu’un dépôt cinéraire ? quels
gestes techniques le façonnent ? Comment aborder en
archéologie l’intégration sociale des os brûlés ?
En seconde partie, la démarche est illustrée par
l’exemple de la nécropole laténienne de La Calotterie
(Pas-de-Calais).
Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas.
LE DEpÔt CInéraIrE CoMME MoDE
D’IntéGratIon soCIaLE DEs os BrûLés
LE DEVENIR DES OS BRÛLéS : TROIS
EXEMPLES D’INTéGRATION SOCIALE
Le premier exemple concerne les crémations
modernes. Dans les crématoriums, après la réduction
du cadavre par le feu, le protocole conduit souvent
à pulvériser les os brûlés dans un « cendrier »
avant de les remettre aux familles. Le souhait est,
notamment, de rendre méconnaissables les pièces
osseuses encore identiiables. Des cérémonies,
laïques ou religieuses, accompagnent les proches
le temps de la crémation, puis ils se trouvent seuls
avec l’urne cinéraire, emportée à domicile dans
60 % des cas, avant de trouver une destination
inale (hanus 2006). C. Bersay, de la Société de
Thanatologie, souligne la grande liberté dont
jouissent les familles quant au devenir des os épandage sur les pelouses des jardins du souvenir,
dispersion dans l’air ou dans l’eau, dépôt dans un
columbarium, ensevelissement …, les possibilités
d’action étant limitées cependant par le respect des
dernières volontés du défunt, par l’interdiction de
dispersion sur les voies publiques. Plus récemment,
la loi relative à la législation funéraire sanctionne
également la création de sites funéraires privés.
La rapidité du processus, le peu de valeur
accordée aux restes osseux et la disparition du
corps créent un malaise autour de la fugacité des
« traces » que laisse le défunt (Gerard-rosay 2004).
La pratique de la crémation, dans nos sociétés,
s’inscrit dans une perspective de destruction du
cadavre, d’anéantissement du défunt. à titre
d’illustration, F. Sarcey en mars 1894 a proposé, en
assemblée générale, de débaptiser la « Société pour
la propagation de la crémation » en vue de substituer
« incinération » à « crémation » car « incinérer est
le mot vrai : il marque que l’Homme qui n’est que
poussière doit retourner en poussière ». Les adeptes
de la crémation militent pour rendre « la terre aux
vivants » allant, dans les discours les plus radicaux,
jusqu’à prôner la disparition des cimetières. Cette
philosophie de la mort sans trace, ni lieu, peut
113
RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas.
conduire à une culpabilisante impression d’en
inir trop vite avec le défunt, notamment en cas
d’épandage des os brûlés.
Pour d’autres, « ces traces » matérialisent,
malgré tout, les ultimes marques de ce qui reste
du corps ; traces embarrassantes dans un monde
ambivalent qui oscille entre le traditionnel
ensevelissement du cadavre dans un espace
collectif et la modernité d’une philosophie de la
dématérialisation. J.-D. urbain constate toutefois,
depuis 1979, un développement de la vogue
crématiste qui s’accompagne d’une modiication de
la perception des mots crémation et incinération. « Il
s’agit de dissocier le défunt « passé à la lamme » de
ce type d’associations dévalorisantes (incinération,
ordure ménagère) synonymes d’évacuation, de
négation, d’abolition ontologique, et de conserver
à « celui qui fut », même réduit en poudre, le statut
de dépouille » (urbain 2004). Selon l’auteur, un
syncrétisme entre crémation et inhumation serait
en cours, avec l’apparition de concept nouveau (le
cavurne) « qui associe la réduction cinéraire à des
usages anciens : un objet différent (les cendres à la
place du cadavre) à une technique (le caveau) et à
un geste traditionnel (la mise en terre) ».
Nous soulignerons ici que la revalorisation des
os s’effectue par la réintégration du corps dans
le discours funéraire, investi à nouveau de sens
grâce aux gestes d’ensevelissement. La relation
symbolique os/corps/défunt à nouveau possible,
les os brûlés y « gagnent en corporalité ». De manière
explicite, la forme initiale du cadavre est évoquée
en utilisant des mini cercueils en guise d’urne.
Le deuxième exemple d’intégration sociale des
os nous conduit dans le monde hellénistique. Vu au
travers de l’analyse de J-P. Vernant, le devenir des os
brûlés viserait à ancrer le défunt dans son territoire.
Les « vestiges du cadavre, puriié par les lammes
de tout élément corruptible, sont placés dans une
fosse, le mort demeure en étroite connexion (…) avec
un territoire. Davantage, l’érection d’un tumulus
(…) souligne la volonté d’inscrire la présence du
défunt jusque sur la surface du sol et de la signaler
en permanence aux vivants » (Vernant 1989). Le
traitement des os, qu’il convient impérativement
d’ensevelir comme le demande Patrocle (1), suggère
qu’ils restent « actifs » après crémation. Ainsi que le
rappelle J. Zurbach, la fonction première de ce rituel
est aussi de permettre aux morts de rejoindre les Enfers
(zurbaCh 2005). Mais à quelles conditions ? à travers
l’exemple de la mort de Patrocle, J.-P. Vernant précise
le sens donné à la crémation « (…) les valeurs vitales
et « mondaines » de force, de beauté, de juvénilité,
1 - « Ensevelis-moi au plus vite et que je franchisse les
portes d’Hadès. » (Chant XXIII Iliade, traduction Menier
1956).
114
d’ardeur au combat, acquièrent une consistance,
une stabilité, une permanence qui les font échapper
à l’inexorable déclin marquant toutes les choses
humaines. En arrachant à l’oubli le nom du héros,
c’est en réalité tout un système de valeurs que la
mémoire sociale tente d’implanter dans l’absolu,
pour le préserver de la précarité, de l’instabilité, de
la destruction (…) » (Vernant 1989). Dans l’idéal
de la mort grecque, le corps du héros est conservé
dans sa « belle forme » sous une forme immatérielle
véhiculée par la mémoire (stèles, épopées…).
Les os eux-mêmes, dans leur forme et leur
composition, restent signiiants pour les vivants
comme le montre le soin apporté au respect de
l’intégrité du corps ; il s’agit de ne pas mélanger les
os de Patrocle avec ceux de ses douze compagnons
et de ses animaux brûlés avec lui. « Distinguons-les
avec soin ; ils sont faciles à reconnaître, car il gisait
au milieu du feu, tandis que les autres, hommes et
chevaux, se consumaient à l’écart, entassés pêlemêle sur le bord du bûcher » (Chant XXIII Iliade,
traduction Meunier 1956). La valorisation des os se
perçoit encore par le soin donné à leur aspect et à
leur identiication ; le vin versé sur le bûcher a pour
effet d’affaisser la cendre dite épaisse, facilitant ainsi
le repérage topographique des restes de Patrocle
puis leur collecte. une des conséquences en est la
séparation des os et des cendres. Il est dit ensuite
quelques mots de la qualité même des os. « (…)
Ils recueillirent les blancs ossements de leur doux
compagnons, dans une urne en or (…) ». La couleur
blanche des os prend du sens en faisant écho aux
qualités corporelles, la « belle forme », du corps du
héros.
Pour le troisième exemple, il s’agit d’un texte
intitulé Quand un grand péché arrive à Harrusa …
(ChristMann-franCk 1971). à visée normative, il
relate sur 14 jours le déroulement des funérailles
royales hittites, le deuxième jour concernant les os
brûlés. « une fois les ossements recueillis (sur le
bûcher), elles (les femmes) les enveloppent avec le
tissu et le linge in et les posent assis sur une chaise ;
mais s‘il s’agit d’une femme, c’est sur un tabouret.
(…) Devant la chaise sur laquelle sont installés les
ossements, on place une table ». Puis il est précisé
que, dans un premier service peut-être destiné au
défunt, des pains sont rompus et dans un second
temps, de la nourriture est distribuée à tous ceux
qui sont venus recueillir les ossements, geste qu’A.
Testart propose de lire comme une rémunération de
leur travail rituel (testart 2005).
Les os brûlés, dans cet exemple, sont impliqués
dans le rituel. Bien que sans chair, ni peau, ni même
un squelette articulé, les manipulations ritualisées
des restes brûlés introduisent explicitement des
références corporelles ; l’ensemble osseux « est
posé assis », il« est couché ». De la nourriture lui est
présentée. Les actions du rite suggèrent le maintien
RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas.
d’une continuité symbolique entre les différents
états du corps. Continuité également avec le statut
social, signiié ici par le maintien des marques du
genre, que rappelle le choix des sièges.
LE DéPôT CINéRAIRE ET LA CONSTRuCTION
SOCIALE Du CORPS Au-DELà DE LA MORT
La construction sociale du corps
à travers ces exemples, on soulignera que
les vestiges osseux, tantôt niés (traces) tantôt
valorisés (pureté des os blancs), restent « actifs »
après la destruction de la dépouille et qu’ils sont
notamment perçus comme une continuité du
corps. Selon le point de vue adopté ici, les enjeux
du devenir des os brûlés seraient liés à ceux dont
le corps est l’expression. L’idée, développée en
anthropologie et en sociologie, qu’il résulte d’une
construction sociale, en rupture avec la tradition
occidentale d’une chose donnée par la nature met
en relief la part culturelle intervenant dans sa
fabrication (detrez 2002). Le constat de M. Godelier
à partir de 26 sociétés comparées et interrogées
sur le processus de fabrication d’un enfant est
que dans aucun cas les « (…) gens pensent qu’un
homme et une femme sufisent pour fabriquer un
enfant, que cet enfant soit un humain ordinaire, ou
un humain extraordinaire, un chef ou un hommedieu. Partout, quels que soient les systèmes de
parenté, ou les structures politico-religieuses, un
homme et une femme ne fabriquent qu’un fœtus,
celui-ci appelant pour devenir un enfant humain
complet, l’intervention d’agents plus puissants que
les humains – ancêtres, des esprits ou des dieux »
(Godelier 2007).
Focalisant plus encore sur les aspects
habituellement considérés comme « naturels »
du corps, pour S. Breton, il est « engendré, pas
seulement par ses père et mère, il n’est pas fabriqué
non plus par celui qui l’habite, mais par d’autres»
(breton 2007). La thèse soutenue par l’auteur, et qui
nous intéresse ici, s’attache à « la façon dont telle
et telle culture déinit ce avec quoi une relation est
établie sous la forme du corps : avec Dieu, avec
les ancêtres, avec le sexe maternel, avec les êtres
peuplant le monde » (breton 2007).
Si l’on étend l’idée d’une construction sociale
du corps au-delà de la mort, ce point de vue ouvre
des perspectives particulièrement riches en sens
dans le domaine de la crémation. La question
du devenir des os brûlés devient alors une
interrogation sur une construction dont l’existence
est souvent occultée tant l’aspect destructeur de la
crémation s’impose. à une phase de destruction
du corps, succède paradoxalement une phase de
construction. Comme le corps vivant, le cadavre
brûlé ne relève pas uniquement de données
biologiques. L’impact de la culture se fait en effet
sentir à deux moments des funérailles en particulier :
d’abord lors de l’intervention dans le processus de
décomposition (techniques de crémation), puis lors
de la constitution du dépôt cinéraire. Ainsi au-delà
de la mort, est progressivement donné « corps » à
une nouvelle forme, le dépôt cinéraire, qui a son
importance car il justiie la sépulture.
Ces moments de destruction et de construction
pourraient documenter les séquences des funérailles
si l’on considère que la crémation est « assimilable
à un mode de sépulture provisoire, avec un temps
écourté pour la première phase de funéraire. En
effet, les premières funérailles qui correspondent au
rituel d’exposition du mort ont pour but de l’apaiser
(le défunt) et de l’acheminer vers une puriication
qui ne s’achève qu’avec le processus de pourriture.
Elles trouvent leur équivalent dans les rites qui
accompagnent la manipulation du cadavre pendant
la période généralement courte qui se situe entre le
décès et sa combustion sur le bûcher. Les secondes
obsèques concernent les restes calcinés et puriiés
correspondant aux rites d’intégration du mort dans
son statut d’au-delà » (thoMas 2000).
En d’autres termes, du devenir des os brûlés,
il en va de la production d’une identité au-delà de
la mort. Cette hypothèse, fondamentale pour les
stratégies de fouille et d’analyses des sépultures
anciennes, conduit à en rechercher les effets
concrets sur la coniguration des dépôts cinéraires.
Cela revient à rechercher les actions techniques qui
donnent forme au dépôt cinéraire (le Goff 2005,
2002, 1998 et note 2).
percevoir le façonnage du dépôt cinéraire
Par « dépôt cinéraire », on entend à la fois une
dynamique et un objet. Il s’avère donc complexe :
composé d’éléments différents, issus du bûcher,
qui partagent des relations de proximité (os brûlés,
mobilier placé directement sur les os …) et des
liens fonctionnels (urne/couvercle, contenu/
contenant …). quant aux dynamiques, elles sont
perceptibles notamment dans le mode d’assemblage
des éléments et dans le mode de transfert du dépôt
dans la tombe.
2 - La question de la forme des ensembles osseux a été
abordée par d’autres auteurs, principalement pour rendre
compte de la typologie des tombes ou de la fonction
des bûchers. On citera, pour l’âge du Fer, les travaux
entre autres de J.-L. flouest (1993), L. baray (2003), et la
typologie élaborée à partir de tombes gallo-romaines, de
A. Van doorselaer (2001), fréquemment usités. Pour la
notion de chaîne opératoire appliquée dans au domaine
de la crémation, voir les travaux de G. Grévin. Il propose
notamment une restitution des étapes de la crémation à
l’époque romaine à partir des textes antiques (G. GréVin
1997).
115
RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas.
On peut considérer que la constitution du dépôt
cinéraire débute après la in de la crémation, même
si les objets et le cadavre suivent auparavant un
parcours complexe qui conditionnement également
la forme du dépôt cinéraire. Dans ces grandes lignes,
se distingue alors un enchaînement de 5 séquences
d’actions principales (ig. 1) :
- sélectionner les os, les cendres, le mobilier
(gestes : choisir, exclure, regrouper ou disperser,
modiier des relations topographiques entre
combustible, os et objets brûlés à l’issue de la
combustion, ramasser des os selon un ordre
anatomique… note 3) ;
- prendre (gestes : préhension avec ou sans outils)
regrouper dans un contenant (pot, main, etc) ;
- assembler les os avec des éléments qui ne
proviennent pas du bûcher ;
- déplacer le dépôt cinéraire ;
- l’intégrer dans la sépulture (gestes : déposer
« contenu » ou déposer par versement, élaborer ou
non un système de couverture, établir la relation
avec les autres éléments de la tombe …).
1- sélectionner les éléments souhaités
(exclure, regrouper, disperser, modifier les relations
topographiques entre les éléments brûlés)
2 - prendre, regrouper (en contenant ou hors contenant ...)
3 - assembler les éléments sélectionnés avec d'autres
ne provenant pas du bûcher
Nous utiliserons l’exemple de la nécropole
laténienne de la Calotterie "La Fontaine aux Linottes"
localisée sur les côtes de la Manche, dans le Pasde-Calais, pour présenter des gestes techniques
d’intégration du dépôt cinéraire dans la tombe, plus
particulièrement les gestes de « dépôt contenu » et
ceux par « dépôt déversé ».
L’IntEGratIon DEs os Dans La toMBE :
Un Cas DE GaULE BELGIQUE
La nécropole de la Calotterie offre un bon
exemple de la diversité des situations rencontrées
en Gaule Belgique au cours de La Tène moyenne.
La crémation en Gaule Belgique s’inscrit d’ailleurs
dans une longue tradition attestée dès le Ve siècle
et dont les témoignages se multiplient au IVe siècle
dans la Somme (Thieulloy-L’Abbaye "Au Buquet
Zabelle Le Chemin des Charbonniers"), ou en
Artois comme sur le site de Saint-Laurent-Blangy
"Les Fontaines" (buChez en cours ; debiak et al.
1998). Cette pratique se poursuit sans discontinuité
jusqu’au Bas-Empire. Pour intégrer les os dans la
tombe, on constate ainsi, pour plusieurs centaines de
sépultures, la permanence de l’usage de contenants
périssables, préférés aux pots en céramique. Se
pose alors, bien souvent au cours de la fouille, le
problème de la reconnaissance du mode de dépôt ;
les ossements sont dits en pleine terre, en tas ou en
contenant périssable, sans autre précision.
En collaboration principalement avec P. Millerat
puis G. Laperle, un enregistrement systématique de
la forme des amas osseux nous a conduit à chercher
des critères d’identiication ain d’apporter des
3 - Voir dans GuiMier-sorbets et Morizot 2005
116
4 - déplacer le dépôt cinéraire
5 - intégrer le dépôt dans la tombe
(déposer le contenu ou le déverser. L'associer avec les
autres éléments de la tombe)
Fig 1 - La fabrique du dépôt cinéraire : les séquences
d’actions (d’après I. le Goff , dessins S. Culot, INRAP).
précisions méthodologiques utiles à la lecture des
contenants, et plus largement, de rendre compte de
la diversité des actions de dépôt (le Goff et al. 2006 ,
1998 a et ig. 3 a et b). Les amas osseux ont été traités
RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas.
Fig 2 - Plan et phasage de la nécropole de La Calotterie "La Fontaine aux Linottes" d’après G. blanCquaert (2000, p. 365).
Phasage : phase 1 in IIIe s. - phase 2a début La Tène C2 - phase 2b in La Tène C2 - phase 3 transition La Tène C2/D1). Les
cercles matérialisent les deux probables pôles de tombes qui se développent de concert.
comme des objets, c’est-à-dire dégagés de leur
gangue de terre jusqu’à la base, sans démonter les
fragments au fur et à mesure qu’ils apparaissent.
La nécropole de La Calotterie se structure en
deux groupes de tombes ; l’un est délimité par
un enclos fossoyé interrompu à l’est et au sein
duquel sont implantées 16 structures (12 tombes à
incinération et 4 vases sans ossement, dits isolés)
et le second se développe à proximité, sans fossé
d’enclos le délimitant (ig. 2 et note 4). Il comprend
27 sépultures (5). Les deux pôles de tombes se
développent de concert, dès l’extrême in du IIIe
siècle (phase 1) autour d’une tombe centrale. Au
cours de La Tène C2 (début : phase 2a - in : phase
2b), l’ensemble funéraire se densiie. C’est au cours
de la transition de La Tène C2/D1 que la nécropole
semble être abandonnée.
4 - La totalité de l’espace funéraire est connue et un
second décapage complet de ce secteur a été mené en in
de fouille ain de vériier si toutes les incinérations avaient
été dégagées (blanCquaert, 2000, p. 364).
5 - Pour plus de précisions quant à la fouille menée sous la
direction d’y. desfossés ou quant à l’analyse qu’en propose
G. blanCquaert, on se référera à la publication parue en
2000, dont sont extraites ici les informations concernant le
phasage du site, son organisation et le mobilier.
LES GESTES DE DéPôTS RECONNuS
à LA CALOTTERIE
Les tombes individuelles (6), aux architectures
simples, accueillent un ou plus rarement deux dépôts
cinéraires, composés d’un amas osseux et de mobilier
métallique. Il s’agit fréquemment de ibules (12 cas)
et parfois d’accessoires de toilette (4 cas : une pince,
ou un rasoir ou un assemblage forces/rasoir) placés
avec les os auxquels sont ajoutés, à distance, entre
un et trois pots. Le dépôt cinéraire constitue même
parfois le seul élément de la tombe.
Dans la perspective de comprendre le mode
de dépôt, nous avons pu étudier seize ensembles
osseux sur 39, sélectionnés sur le critère de leur
conservation. D’après cet ensemble, plusieurs
habitudes se distinguent : coexistence de différents
modes de dépôt (contenu et déversé), usage pour le
moins de 3 types de contenant.
Les dépôts contenus
Ils utilisent un récipient ou une enveloppe qui
renferme des éléments sélectionnés (os, mobilier
6 - Il s’agit ici d’une estimation du nombre minimal
d’individu.
117
RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas.
A - SITUATION ARCHÉOLOGIQUE
INDICES (par expérimentation)
INTERPRÉTATION
forme de l'amas et effet de parois
amas contraint par une enveloppe souple
enveloppe souple
forme d'un amas versé en tas
Amas en contenant avec un angle coupé :
-> témoin négatif
ou -> glissement des os dans le contenant ?
B - SITUATION ARCHÉOLOGIQUE
INDICES
enveloppe rigide, type coffret
DAO CL Isabelle Le Goff INRAP
INTERPRÉTATION
Os déversés d'un récipient
Os déversés d'un récipient, dans un mouvement
de va-et-vient. Jardin du souvenir de Valenton
Os déversés d'un récipient(pot, main ...)
Expérimentation :
Os déversés d'un contenant (pot)
Fig 3 - La Calotterie. - a Restitution des modes de dépôt « contenu » en contenants périssables - b Restitution des modes de
dépôt « déversé ». Les actions de déversement.
en dépôt primaire ou secondaire …). Ces actions
conduisent à former un ensemble spéciique du
point de vue de la relation spatiale et ce, à double
titre : en créant une proximité entre les éléments
contenus et en les séparant des autres objets de la
tombe.
118
L’usage d’un pot en terre : Geste le plus facile
à identiier, il est peu usité. Une seule tombe
individuelle (n° 50) se distingue par l’emploi d’un
vase cinéraire mais dans des conditions particulières.
Les os sont en effet répartis en deux amas : un
amas trouvé en pleine terre, sans autre précision
RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas.
possible, est dit principal en raison de l’importance
de l’ensemble osseux (351 g), et un autre en pot dit
annexe (14 g). En raison de sa faible masse, qui ne
semble pas résulter d’un problème de conservation,
il est considéré comme subordonné au premier.
Par ailleurs, les vestiges correspondent à ceux d’un
sujet adulte, mais il est délicat de préciser s’il s’agit
des ossements d’un ou de deux adultes.
L’usage d’un contenant périssable, sans doute à paroi
souple : les vestiges osseux de 7 défunts présentent
les indices d’un dépôt en contenant, à paroi souple.
Les arguments reposent sur la forme circulaire de
l’amas, sur les effets de parois discontinus. Les effets
de contention exercés sur les os situés en périphérie
de l’amas s’avèrent discrets et provoquent peu
de superposition, sur une faible hauteur. Lors
d’expérimentations, de tels effets de contrainte sont
reproduits en enserrant les os dans un ilm plastique
souple ce qui conduit à proposer l’usage d’une
enveloppe à paroi souple ; un tissu plus ou moins
fortement noué aux 4 coins ou un objet préformé
souple (bourse de cuir, vannerie ... cf. ig. 3a). La
dimension des amas varie le plus souvent entre 22
et 30 cm de diamètre (tab. I).
L’usage d’un contenant à paroi rigide, de forme
rectangulaire : Il est attesté une seule fois. L’amas de
la tombe 206 présente des effets de paroi rectilignes
et continus d’une quinzaine de centimètres de long
formant deux angles droits. Les indices évoquent
un contenant rigide rectangulaire de 15 cm de côté
dont un des angles est vide d’os (ig. 3a).
L’absence de contenant - des gestes de versement : Dans 9
cas, les vestiges trouvés en pleine terre ne présentent
pas d’indice de contrainte. La morphologie de ces
dépôts est plus variée, punctiforme ou étirée, et
les fragments osseux souvent disjoints. Ce type
de contexture s’avère plus délicat à interpréter car
des amas versés se différencient plus dificilement
des amas perturbés. L’hypothèse d’os déversés,
envisagée ici, se fonde sur la bonne conservation
des structures et sur les indices résultants
d’expérimentations (ig. 3b). La distribution
disjointe des os est obtenue en les versant en un seul
mouvement hors d’un contenant (pot, main …) ou,
pour les amas étirés en longueur, en saccadant le
geste de versement.
L’un des amas (n° 588), de masse plus importante
et de forme sinueuse, évoque une variation de
l’action. La quantité d’os implique assurément
l’emploi d’un contenant autre que les mains ; toute
la masse osseuse ne pourrait en effet y tenir. Ensuite
le geste donne l’impression d’un mouvement de
déplacement onduleux sur 40 cm en versant les os
(ig. 3b).
De manière générale, le volume osseux placé dans
la tombe est faible, la plupart des cas appartiennent
à la classe 1-250 g. La seconde caractéristique se
rapporte à la forte amplitude des masses d’os ; à
une majorité d’amas de faible importance s’oppose
un unique amas nettement plus lourd, plus de 1 000 g
(ig. 4). D’après le corpus des seize amas osseux
traités, usage de contenant et quantité d’os ensevelis
Tombes
Mode de dépôt
Dimensions de l’amas
Poids en os
50
Double : en « pleine terre » sans précision et en urne
Information non disponible
information non disponible
urne : 14 g
1025
Contenu dans une enveloppe souple, forme circulaire
14 cm de diamètre
136g
206
Contenu dans une enveloppe rigide, forme rectangulaire
15 cm de côté
91 g
240
Contenu dans une enveloppe souple, forme circulaire
22 cm de diamètre
291 g
609
Contenu dans une enveloppe souple, forme circulaire
23 cm de diamètre
308 g
203
Contenu dans une enveloppe souple, forme circulaire
24 cm de diamètre
367 g
604
Contenu dans une enveloppe souple, forme circulaire
28 cm de diamètre
1067 g
202
Contenu dans une enveloppe souple, forme circulaire
30 cm de diamètre
471 g
593
Déversée
8 cm
118 g
1024
Déversée
14 cm
106 g
591
Déversée
15 cm
84 g
596
Déversée
16 cm
46 g
598
Déversée
20 cm
111 g
605
Déversée
30 cm
70 g
588
Déversée
40 cm
336 g
603
Déversée
incertain
3 g immature
tab. I - Dimensions des amas contenus et des amas déversés (Corpus sélectionné sur le critère de la conservation : 16
dépôts cinéraires)
119
RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas.
fréquence
(n)
35
30
25
20
15
10
5
0
1-250
250-500
500-750
750-1000
1000-1250
poids (g)
Fig. 4 - Aperçu global- Poids de tous les amas osseux conservés répartis par classe de 250 g (n = 36)
seraient liés. Les amas de plus de 250 g sont presque
tous ensevelis en contenant. En moyenne, sont
intégrés 440 g de vestiges tandis que l’action de
déverser sur le fond de fosse concerne en moyenne
131 g.
On note une exception. Le dépôt cinéraire 588
composé d’un amas de masse plutôt importante
pour le site (388 g) résulterait d’une action de
déversement d’un récipient. Il se trouve en quelque
sorte en situation intermédiaire : les os sont
transportés « contenus » puis intégrés dans la tombe
par déversement (ig. 5).
quANTITé D’OS INTéGRéS DANS LA TOMBE
ET RICHESSE DE LA TOMBE
Les tombes de La Calotterie s’avèrent peu
fournies en céramique, elles ne comprennent
jamais plus de 3 vases. De même, la sobriété
des objets relatifs au corps (parures, vêtement
…), limités en général à une ibule, correspond
à une habitude locale, y compris dans les tombes
qualiiées d’aristocratiques comme à RaillencourtSaint-Olle dans le Nord (Ginoux 2007). En revanche,
les tombes fondatrices 202 et surtout la 604, se
distinguent des autres, car elles regroupent un plus
poids en g
1200
1000
800
600
365 g
dont 14g
en urne
x = 440 g
x = 131 g
400
200
91g
0
urne rectangulaire
circulaire
dépôt cinéraire en contenant
120
dépôt cinéraire déversé
mode de dépôt non identifié
Fig. 5 - Aperçu du poids des amas osseux selon leur mode de dépôt. à titre d’informations, est donné le poids des autres
ensembles dont le mode de dépôt n’a pas été déterminé.
RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas.
grand nombre d’objets notamment métalliques.
Au côté du bassin et de la bouteille en céramique
destinés aux ablutions (Ginoux 2007), igurent 7
objets métalliques - un seau, une paire de forces, un
rasoir, une pince, deux mors, une ibule - donnant au
défunt une place particulière au sein de la nécropole.
Certaines catégories d’objets, comme les pièces de
harnachement considérées comme éléments de
tombe à char, signe de l’aristocratie ou emblème
de la fonction d’un artisan enrichi, couplées aux
éléments architecturaux confèrent à ces défunts
une importance sociale certaine (blanCquaert 2000 ;
baray 2002).
Outre les dépôts secondaires d’objets, se lisent
d’autres indices de la présence d’objets, placés cette
fois sur le bûcher : traces de bronze ou de fer sur les
os, présence de tessons résiduels au sein de l’amas.
qu’en est-il du devenir des ossements de ces
personnes ? De ce point de vue également, ils se
distinguent également des autres par un dépôt cinéraire
qui comprend plus d’os, voire pour la tombe 604 une
quantité sufisamment importante pour envisager
l’intégration dans la tombe d’une bonne partie du
corps. En quelque sorte, leur corps est physiquement
mieux représenté dans la tombe (ig. 6).
que se passe-t-il pour les autres défunts,
ensevelis dans des tombes moins dotées en
mobilier ? Pour les ensembles osseux de 250-500 g,
et plus nettement encore pour ceux de moins de
250 g, la quantité d’objets en métal diminue. Elle
se limite à un objet, une ibule en fer associée aux
os. Plusieurs tombes ne comprennent plus aucun
objet en métal. quant au mobilier céramique, le
nombre de pot se limite à un exemplaire, voire
à aucun dépôt de sorte que certaines sépultures
se résument à l’équivalent d’une poignée d’os
déversés.
LA TECHNIquE DE DéPôT DES OS DANS LES
TOMBES : uN GESTE NORMé ?
Au cours de La Tène C2, les techniques
d’intégration des os se diversiient ; dépôt dans
une enveloppe à paroi souple circulaire, en pot, en
contenant quadrangulaire rigide et dépôt déversé.
Les techniques d’intégration mises en évidence à La
Calotterie relètent des actions reconnues à l’échelle
du nord de la Gaule Belgique.
Les contenants à paroi souple, circulaires, ont
déjà été observés dans la Somme au sein d’un
ensemble funéraire comme celui d’Ennemain
"Notre Dame de Joie" qui fonctionne de La Tène
C1 à La Tène C2 (buChez et al.). Leur usage est en
fait attesté dans ce département tout au long du IIe
siècle. On citera à titre d’exemple des nécropoles
au statut contrasté : soit l’ensemble de 2 tombes
dites isolées de Méaulte (site 9) dont l’étude est en
cours, la nécropole aristocratique de Marcelcave
"Le Chemin d’Ignaucourt" (bayard & buChez 1998 ,
buChez et al 1998), le site 4 de Méaulte (en cours)
ou celui d’Estrée-Deniécourt "Derrière le Jardin
du Berger" nécropole sud (prilaux 2007) et le cas
de Cizancourt "La Sole des Galets" (lefeVre 2002).
Dans ce dernier exemple, l’enveloppe circulaire
semble par ailleurs placée dans un contenant rigide
de forme quadrangulaire (double enveloppe). Le fait
est aussi observé plus tardivement à La Tène D1 à
Cizancourt et, plus au nord, sur le territoire de la
cité des Nerviens, dans l’ensemble aristocratique
de Raillencourt-Saint-Olle st. 23, 1204, (bouChe et al.
2007 et ig. 7 a).
Le contenant rigide quadrangulaire, type boîte,
de la Calotterie trouve lui aussi des comparatifs dès
nombre d'objets
10
tombe fondatrice
(n° 604)
9
8
tombe fondatrice
(n° 202)
7
6
5
4
3
2
1
0
----------------- 1 - 250 g ---------------------
250- 500 g
1079 g
Fig. 6 - Nombre d’objets (vase en orange et pièce métallique en rouge) par tombe classé en fonction de la quantité d’os
ensevelis (n = 29)
121
RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas.
CONTENANT A PAROI SOUPLE de FORME CIRCULAIRE
La Calotterie "La Fontaine aux Linottes"
(cliché
(clichéISL)
I Le Goff)
Raillencourt-St-Olle " Le Grand Camp" tb 23
(cliché P. Millerat)
"
CONTENANT A PAROI SOUPLE de FORME CIRCULAIRE placé en contenant quadrangulaire
Estrée "Derrière le Jardin du Berger"
(tb 1119)
effet de paroi quandrangulaire
Méaulte site 4
Cizancourt "La Sile des Galets"
(tb 1)
effet de paroi courbe
20 cm
Marcelcave "Le Chemin d'Ignaucourt". tb 9,
Buchez et al. 1998 (Cliché D. Bayard)
Fig 7 a - Les dépôts cinéraires contenus en usage au cours du IIe siècle avant J.-C. : le contenant à paroi souple, circulaire.
122
RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas.
Somme, son usage, toujours rare (cf. note infra),
est reconnu principalement sur la frange ouest du
département, notamment sur les sites de Vismesau-Val, de Bouchon et du Grand-Laviers (bayard
& barbet 1996 - huMbert & pluton 1996). Le vase
angle coupé est alors utilisé soit seul comme unique récipient
cinéraire ou associé avec un autre mode de dépôt
(baray 2002). Pour l’Artois, « les ossements sont
toujours, en état actuel de la recherche, regroupés
en tas sur le sol ce qui suggère l’existence d’un
contenant en matériau périssable. Les premières
urnes en céramique sont attestées dans la seconde
moitié du 1er siècle avant notre ère » (JaCques &
rossiGnol 2001).
Contenant rectangulaire à angle coupé.
L'angle inoccupé est interprété comme un témoin négatif ou
comme le résultat du glissement des os dans le contenant
angle coupé
La Calotterie (tb 206)
Raillencourt-Saint-Olle (tb 12-5)
Méaulte site 2.12 (tb 26)
(DAO GL)
Estrée (tb 1134)
20 cm
Fig 7 b - les dépôts cinéraires contenus en usage au
cours du IIe siècle avant J.-C. : le contenant à paroi rigide,
quadrangulaire.
la 1ère moitié du IIIe siècle sur le site 4 de Méaulte et
tout au long du IIe siècle dans la Somme (Marcelcave,
Cizancourt (7), et Estrée-Deniecourt). Les contenants
de forme rectangulaire ou carrée y caractérisent
même la majorité des dépôts cinéraires. outre les
choix qui semblent normés, la façon d’employer ces
contenants présente des similitudes. un des angles
est en effet fréquemment trouvé vide d’os, ce qui
évoque au moins deux hypothèses qui ne seront pas
examinées plus avant ici : le témoin négatif est crée
suite à la décomposition d’un objet ou alors un vide
est généré par le glissement des os dans le reste du
contenant (ig. 7 b). on trouve la même situation sur
le site plus tardif de Raillencourt-Saint-Olle (Nord).
Le troisième mode d’intégration des os observé
à La Calotterie utilise un pot. Si le geste paraît
minoritaire (1 cas), il s’intègre à nouveau dans la
coniguration régionale contemporaine. Dans la
7 - D’après la relecture des données (contribution I. le
Goff) du rapport de P. lefèbre 1999.
L’usage cinéraire des pots, s’avère régulièrement
observé dans les nécropoles du littoral comme le
montrent notamment, les contributions de l’ouvrage
consacré à 6 nécropoles du second âge du Fer de
Haute-Normandie (dilly 2002, buChez en cours).
On soulignera toutefois que toutes ces situations
ne relètent pas le même usage du récipient. Ainsi
à Vismes-au-Val, il regroupe l’ensemble des os
ensevelis tandis qu’à La Calotterie ou encore à
Raillencourt-Saint-Olle, il est employé dans les cas
de dépôts cinéraires multiples, pour constituer un
dépôt dit « annexe ».
En bordure orientale de la Gaule Belgique, on
trouve à nouveau l’usage de pots en combinaison
fréquente avec des dépôts dit en tas (laMbot et al.
1994, flouest 1993).
Ces trois actions d’intégration « contenue » des
os coexistent à La Calotterie et toutes rappellent
des situations rencontrées dans des secteurs
géographiques proches.
En revanche le dépôt par « versement » trouve
peu d’écho. Il est plus délicat à son sujet d’envisager
des gestes normés car l’absence de comparaison
provient en partie des critères d’identiication qui
posent souvent problème (technique de fouille
adaptée, différencier le geste de la bioturbation …).
Sur le site de La Calotterie, il fait partie de choix
récurrents de La Tène C2 à la in de l’occupation de
la nécropole. On sait qu’il y a moins d’os transférés
dans la tombe dans les cas de déversements (ig. 5).
DES GESTES TECHNIquES à L’INTéGRATION
SOCIALE DES OS BRÛLéS
Les actions techniques intégrant les os (quantité
d’os, mode de dépôt, relation aux mobiliers …) dans
la tombe évoquent un discours qui évolue à la in
du IIe siècle vers une simpliication de la tombe que
nous interprétons comme un effacement graduel
du corps. On soulignera, les signes de plus en plus
ténus de sa présence :
- les actions de dépôt « contenu » concernant
assurément les rares défunts dont le rang est
123
RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas.
clairement afiché. Pour les plus nombreux, le dépôt
s’effectue simplement par déversement, abolissant
tout effet de délimitations entre les os et l’espace de
la tombe. Moins de mobilier est impliqué (absence
de contenant cinéraire) ;
- la masse d’os ensevelis tend à diminuer : en
moyenne 311 g au début de La Tène C2 puis 204 g à la
in et 80 g à la transition C2/D1 d’après le corpus de
tombes datées (ig. 9). on en conclut que le défunt
est de moins en moins physiquement représenté
dans la tombe. On a vu que ce critère pouvait se
combiner, dans les tombes fondatrices, avec des
signes du pouvoir. Le corps de ces défunts y est
mieux représenté ;
- le nombre d’objets et la complexité des
assemblages (contenant cinéraire compris) diminuent
(ig. 8) de sorte que le contenu de certaines tombes ne
se résume qu’à une « poignée » d’os ;
- dans ce contexte sépulcral sobre, les quelques
objets présents évoquent le corps. En majorité, il
s’agit de ibules (attaches de vêtement, de linceul
ou d’enveloppe cinéraire). Pour quelques défunts
seulement, les objets évoquent les soins corporels
(vase pour les ablutions, toilette). Le type de
mobilier le mieux représenté renvoie donc le plus
souvent au corps sauf dans une seule tombe (604).
On y trouve des mors de cheval qui rappellent
cette fois les fonctions sociales de la personne. En
l’absence d’objets emblématiques du corps social, la
coniguration des tombes donne l’impression de se
concentrer sur les témoignages matériels du corps
du défunt. Leur composition devient plus sobre
à la in du IIe s.lorsque les signes du corps se font
plus discrets. Pas de signes du corps social, moins
de présence du corps physique, plus d’objets liés
à son entretien (vêtement, soins, contenant pour
l’ensevelissement …). Les gestes conduisent à
des sépultures composées seulement de quelques
grammes d’ossements.
Quelles réalités mentales revêtent ces séquences
d’actions ? On peut pour l’heure constater qu’elles
évoluent et qu’elles s’expriment par ailleurs
différemment selon le rang des défunts afiché dans
les tombes. Mais le contenu particulier des tombes
fondatrices ne brouille-t-il pas la lecture des pratiques
inéraires. La disparition des quelques signes du rang
de la personne ou de richesse des tombes pourrait
ne pas avoir pour seul moteur le changement de
statut des défunts regroupés dans la nécropole. Il
relèverait d’un imaginaire funéraire en évolution.
on pourrait observer dans ces tombes à la in du
IIIe et au cours du IIe siècle avant J.-C, quelque chose
en lien avec la modiication de la représentation du
corps, la conception de la tombe se concentrant sur
les vestiges osseux.
nombre
10
9
8
7
6
5
4
3
i
2
i
1
0
phase 1
phase 2a
phase 2b
phase 3
Fig. 8 - Nombre d’objets associés (vase en hachuré et pièce métallique en gris) au défunt par phase d’occupation
(n = 16).
124
RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas.
poids (g)
1200
1000
800
x = 769 g
x = 311 g
x = 204 g
x = 80 g
600
400
200
i
i
0
phase 1
phase 2a
phase 2b
phase 3
Fig. 9 - Poids des amas osseux par phase d’occupation (I : immature- x : moyenne – n = 16).
BIBLIoGrapHIE
BARBET Pierre & BAyARD Didier (1996) - « Les tombes
de Vismes-au-Val dans le contexte du Belgium » Revue
Archéologique de Picardie, 3-4, Amiens, p. 177-188.
BAyARD Didier & BuCHEZ Nathalie (1998) - « Les
tombes gauloises du Belgium, découvertes récentes »
dans LEMAN-DELERIVE Germaine (dir.). Les Celtes : rites
funéraires en Gaule du nord entre le VIe et le Ier siècle avant
J.-C., recherches récentes en Wallonie, Namur, Direction de
l’Archéologie, (études et Documents, Fouilles, 4),
p. 57-62.
BARAy Luc (2002) - « Les tombes à crémation des
cimetières de Saint-Sauveur, Bouchon, et Vignacourt
(Somme) » dans GUICHARD Guy & PERRIN Franck L’aristocratie celte à la in de l’âge du Fer (du IIe siècle avant
J.-C. au 1er siècle après J.-C.). Actes de la table-ronde tenue
les 10 et 11 juin 1999 à Glux-en-Glenne, Glux-en-Glenne :
Centre archéologique européen du Mont Beuvray, (Coll.
Bibracte 5), p. 87-108.
BERSAY Claude (2004) - « La crémation », Thanatologie
n° 125, Le monde des funérailles, Paris, p. 91-96.
de Marcelcave "Le Chemin d’Ignaucourt" (Somme), dans
BRuNAuX Jean-Louis, LEMAN-DELERIVE Germaine
& POMMEPuy Claudine éds. - Les rites de la mort en
Gaule du Nord à l’âge du Fer, Actes de la table-ronde de
Ribemont-sur-Ancre, des 4 et 5 décembre 1997, RAP 1-2,
p. 191- 210.
BuCHEZ Nathalie avec une contribution de LE GOFF
Isabelle (en cours) - La protohistoire récente, le funéraire.
Fouille des sites funéraires de La Tène B2 à La Tène D sur
les tracés linéaires en Picardie : questions méthodologiques et
résultats scientiiques.
CHRISTMANN-FRANCK Lisbeth (1971) - « Le rituel des
funérailles royales hittites », Revue hittite et asianique, tome
XXIX, p 83.
DEBIAK Rudy, GAILLARD Denis, JASquES Alain &
ROSSIGNOL Patrick (1998) - « Le devenir des restes
humains après la mort, en Artois, aux IVe et IIIe siècle avant
J.-C. dans BRuNAuX Jean-Louis, LEMAN-DELERIVE
Germaine & POMMEPuy Claudine (éd) - Les rites de la
mort en Gaule du Nord à l’âge du Fer. Actes de la tableronde de Ribemont-sur-Ancre les 4 et 5 décembre 1997,
Revue Archéologique de Picardie n° 1/2, p. 25-58.
BLANCquAERT Geertrui (2000) - «La nécropole à
incinérations de la zone IV » dans DESFoSSES Yves
(dir) - Archéologie préventive en vallée de Canche. Les sites
protohistoriques fouillés dans le cadre de la réalisation de
l’autoroute A.16. Nord-ouest archéologie n° 11, CRADC :
Berck-sur-Mer, p. 364-422.
DETREZ Christine (2002) - La construction sociale du corps.
Paris, éd. du Seuil, 257 p.
BOuCHE Karl, BLANCquAERT Geertrui & GINOuX
Nathalie (2007) - « Raillencourt-Sainte-Olle : un ensemble
aristocratique de la in de l’âge du Fer », Revue du Nord
n° 11 Hors série (coll. art et archéologie), Lille, p. 13-34.
FLOuEST Jean-Loup (1993) - « L’organisation interne
des tombes à incinération du IIe au Ier avant J.C. Essai de
description méthodique ». Revue Archéologique de l’Ouest,
6, p. 201-209.
BuCHEZ Nathalie, DuMONT Christine, GINOuX
Nathalie & MONTARu Diana (1998) - « Les tombes à
incinération de Villers-les-Roye "Les Longs Champs"et
GERARD-ROSAy Hélène (2004) - « Devenir des traces
après la crémation », Thanatologie n° 125 Le monde des
funérailles, Paris, p. 105-117.
DILLy Georges dir. (2002) - Six nécropoles du second âge du
Fer en Haute-Normandie. Nord-Ouest archéologie n° 13,
CRADC - Berck-sur-Mer, 415 p.
125
RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas.
GREVIN Gilles (1997) - « La crémation à l’époque romaine:
un os resectum dans le monument funéraire de Marcus
Nonius Balbo ad Herculanum », dans PALLLARDo U.
- Nuove testimonianze su Marco Nonio Balbo ad Ercolano
(con un appendice antropologica di Gilles Grévin, CNRS
Draguignan). Bullettino del l’Instituto Archeologico
Germanico Sezione Romanana, vol. 104, p. 429-433.
GuIMIER-SORBETS Anne-Marie & MORIZOT yvette
(2005) - « Des bûchers de Vergina aux Hydries de Hadra,
découvertes récentes sur la crémation en Macédoine et à
Alexandrie » dans BACHELoT Luc & TENU Aline (dir.) Entre mondes orientaux et classiques : la place de la crémation.
Colloque international de Nanterre 26-28 février 2004,
Ktéma n° 30, Strasbourg, p. 137-152
GINOuX Nathalie. (2007) - « Les élites du Nord de la
Gaule (IIe-Ier s. avant J.-C.). Les tombes à ustensiles du feu
de trois nécropoles de Gaule Belgique : Cizancourt "La
Sole des Galets", Marcelcave "Le Chemin d’Ignaucourt"
(Somme) et Raillencourt-Sainte-Olle (Nord) : un ensemble
aristocratique de la in de l’âge du Fer », Revue du Nord
n° 11 Hors série, Lille, (coll. art et archéologie), p. 65-85.
GODELIER Maurice (2007) - Au fondement des sociétés
humaines. Ce que nous apprend l’anthropologie, éd. Albin
Michel, 293 p., (Coll. bibliothèque Idées).
HANUS Michel (2006) - « Le défunt crématisé »,
Thanatologie n° 126, Le cadavre, Paris, p. 133-143.
HuMBERT Laure & PLuTON Sylvie (1996) - Les
incinérations des sites protohistoriques de l’autoroute A16
nord. Etude anthropologique. DFS, Amiens SRA de Picardie,
137 p.
JACquES Alain & ROSSIGNOL Patrick (1998) - « Les
rites funéraires en Artois aux IVe et IIIe siècles avant J.C.
Les tombes de Saint-Laurent-Blangy, "Les Fontaines" dans
LEMAN-DELERIVE Germaine (dir.) - Les Celtes : rites
funéraires en Gaule du nord entre le VIe et le Ier siècle avant
J.C., recherches récentes en Wallonie, Namur, Direction de
l’Archéologie, p. 63-74 (études et Documents, Fouilles, 4).
LAMBOT Bernard, FRIBOuLET Muriel & MENIEL Patrice
(1994) - Le site protohistorique d’Acy-Romance (Ardennes) II :
les nécropoles dans leur contexte régional (Thugny-Trugny et
tombes aristocratiques) 1986-1988-1989, Reims, Mémoires
de la Société Archéologique Champenoise, 8, Dossiers de
Protohistoire, 5, p. 315.
LEFEVRE Philippe (2002) - « La nécropole de Cizancourt
(Somme) : présentation des indices de hiérarchisation
interne des tombes » dans GUICHARD Guy & PERRIN
Franck - L’aristocratie celte à la in de l’âge du Fer (du IIe siècle
avant J.-C. au 1er siècle après J.-C.), Actes de la table-ronde
tenue les 10 et 11 juin 1999 à Glux-en-Glenne, Glux-enGlenne, Centre archéologique européen du Mont Beuvray,
(Coll. Bibracte 5), p. 109-112.
LE GOFF Isabelle (1998a) - De l’os incinéré aux gestes
funéraires. Essai de palethnologie à partir des vestiges de la
crémation. Thèse de Préhistoire, ethnologie, anthropologie,
université de Paris I, 2 volumes, 945 p.
LE GOFF Isabelle (1998b) - « étude anthropologique de la
nécropole gauloise de la Calotterie (Pas-de-Calais) » dans
BRuNAuX Jean-Louis, LEMAN-DELERIVE Germaine &
POMMEPuy Claudine (éd) - Les rites de la mort en Gaule du
Nord à l’âge du Fer, Actes de la table-ronde de Ribemontsur-Ancre les 4 et 5 décembre 1997, Revue Archéologique
de Picardiue n° 1/2, p. 163-170.
126
LE GOFF Isabelle (2002) - « Les vestiges de la crémation :
témoins privilégiés des protocoles funéraires », Archéopages,
n° 6, Paris, p. 10-18.
LE GOFF Isabelle (2005) - « à propos de la nécropole à
incinération de Tell Shioukh Faouqâni (Syrie) : recherche
des séquences temporelles du protocole funéraire » dans
BACHELOT Luc & TENu Aline (dir.) - Entre mondes
orientaux et classiques : la place de la crémation. Colloque
international de Nanterre 26-28 février 2004, Ktéma n° 30,
Strasbourg, p. 21-28.
LE GOFF Isabelle, LAPERLE Gilles & MILLERAT Patrice
(2006) - « Le dépôt des vestiges humains brûlés au cours
de La Tène. Une question de peau ? », AFEAF , bull. n° 24,
p. 73-76.
LENOIR Fréderic & TONNAC Jean-Philippe 2004 (dir.)
- La mort et l’immortalité. Encyclopédie des savoirs et des
croyances, Paris, Bayard, p. 1685
LEROI-GOuRHAN André (1964) - Le geste et la parole. II
La mémoire et les rythmes, Paris, Albin Michel (Sciences
d’aujourd’hui), 285 p.
MEuNIER Mario (1956) - Homère. Iliade. Traduction et
présentation, Paris, Albin-Michel, 615 p.
PRILAuX Gilles (2007) - « Le site d’Estrées-Deniécourt
(80) "Derrière le Jardin du Berger" Découvertes de
probables tubes à libations chez les Viromanduens » dans
KRuTA Venceslas & LEMAN-DELRIVE Germaine (dir) Feux des morts, foyers des vivants. Les rites et symboles du feu
dans les tombes de l’âge du Fer et de l’époque romaine. Revue
du Nord, hors série n° 11, université Charles de Gaulle lille 3, p. 51-64.
THOMAS Louis-Vincent (2000) - Les chairs de la mort.
Corps, mort, Afrique, Paris, Sanoi-Synthélabo, (Coll. les
empêcheurs de tourner en rond), 557 p.
TESTART Alain (2005) - « Le texte hittite des funérailles
royales au risque du comparatisme » dans BACHELoT
Luc & TENu Aline (dir.) - Entre monde orientaux et
classiques : la place de la crémation. Colloque international
de Nanterre 26-28 février 2004, Ktéma n° 30, Strasbourg,
p. 28-36.
uRBAIN Jean-Didier (2004) - « La cendre et la trace.
La vogue de la crémation » dans LENoIR Frédéric &
TONNAC Jean-Philippe (dir.) - La mort et l’immortalité.
Encyclopédie des savoirs et des croyances, Paris, Bayard,
p. 1207-1217.
VERNANT Jean-Pierre (1989) L’individu, la mort, l’amour.
Soi-même et l’autre en Grèce ancienne, Paris, éd. Gallimard,
(bibliothèque des histoires), 232 p.
VAN DOORSELAER André (2001) - « Les tombes
à incinération à l’époque gallo-romaine en Gaule
septentrionale : introduction générale » Actes du
XIXe colloque international du CRAu, Les nécropoles à
incinération en Gaule Belgique tenu les 13 et 14 décembre
1996. Revue du Nord, n° 8 hors série, (art et archéologie),
p. 9-14.
ZURBACH Julien (2005) - « Pratique et signiication de
l’incinération dans les poèmes homériques. quelques
observations » dans BACHELoT Luc & TENU Aline (dir.)
- Entre monde orientaux et classiques : la place de la crémation.
Colloque international de Nanterre 26-28 février 2004,
Ktéma n° 30, Strasbourg, p. 161- 172.
RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas.
Les auteurs
Isabelle LE GOFF, (INRAP uMR 7041), INRAP GEN, Centre de Reims, 28 rue R. Fulton
F - 516809 Reims Cedex 2.
Gilles LAPERLE, INRAP NP, Centre d’Amiens, 518 rue St Fuscien
F - 80090 Amiens
Patrice MILLERAT, INRAP NP, Centre d’Amiens, 518 rue St Fuscien
F - 80090 Amiens
S. CuLOT (INRAP) GEN, Centre de Saint-Martin-sur-le-Pré, 38 rue des Dats, ZI
F - 51520 Saint-Martin-sur-le-Pré.
résumé
à partir des sépultures de la nécropole laténienne de La Calotterie "La Fontaine aux Linottes" (Pas-deCalais), sont abordées les techniques de dépôt des ossements brûlés. La diversité des situations rencontrées
est mise en relation avec les signes plus ou moins forts de la présence du corps.
Auparavant, sont montrés les enjeux de la fouille et de l’étude des dépôts cinéraires ; ils documentent les
séquences de la chaîne opératoire qui donne forme, après la crémation, aux vestiges du cadavre. Le point de
vue adopté ici considère effectivement le dépôt cinéraire comme une construction sociale et culturelle. L’idée
que des conventions et des représentations le façonnent, y compris dans ses aspects les plus « naturels », est
introduite par trois exemples.
Mots-clés : Os brûlés, mode de dépôt, fabrique du dépôt cinéraire, intégration sociale, La Tène.
abstract
Our study tackles the question of the various ways cremated bones were deposited in graves, as evidenced
by the burials in the La Tène cemetery at La Calotterie “La Fontaine aux Linottes” (Pas-de-Calais). The diverse
practices observed are juxtaposed with the more or less evident traces of the presence of the corpse.
This study is introduced by a consideration of the issues at stake in the excavation and study of cremated
deposits. They give evidence of the sequence of operations that, following the cremation, give a particular
form to the remains of the body. Indeed, our working hypothesis is that the cinerary deposit constitutes a
social and cultural construction. The idea that it is shaped by conventions and symbols – even where it appears
the most “natural” – is supported by three examples.
Key words : cremated bones, deposition process, shaping of cremated deposits, social integration, La
Tène.
Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX.
Zusammenfassung
Von den Gräbern der latènezeitlichen Nekropole La Calotterie "La Fontaine aux Linottes" (Departement Pasde-Calais) ausgehend werden die unterschiedlichen Depottechniken des Leichenbrandes zur Sprache gebracht.
Die Vielfalt der Situationen wird im Zusammenhang mit den mehr oder weniger deutlichen Anzeichen für die
Präsenz des Körpers betrachtet.
Vorab wird die Problematik der Ausgrabung und der untersuchung der Aschedepots aufgezeigt; sie
dokumentieren die einzelnen Etappen der den Leichenbrand betreffenden Handlungsabschnitte. Die
Deponierung der Asche wird in der Tat als soziale und kulturelle Aktion betrachtet. Die Vorstellung, dass
diese von Konventionen und Vorstellungen geprägt ist, zu denen auch seine „natürlichsten“ Aspekte zählen,
wird an drei Beispielen aufgezeigt.
Schlüsselwörter : Leichenbrand, Depotarten, Herstellung des Aschedepots, soziale Integration, Latène
Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr).
127
RAP - 2009, n° 3/4, Cyrille le forestier, Pluralité des gestes funéraires pendant la période de La Tène à Bobigny (Seine-Saint-Denis).
pLUraLIté DEs GEstEs FUnéraIrEs
pEnDant La pérIoDE DE La tènE à BoBIGnY
(sEInE-saInt-DEnIs)
Cyrille LE FORESTIER
à partir de la in du IVe siècle, on assiste en Îlede-France et dans le sud de la Champagne, à une
augmentation du nombre de sépultures et surtout
à une multiplication de sites funéraires. Il s’agit le
plus souvent d’ensembles de taille relativement
réduite (10 à 30 sujets) qui peuvent être structurés
par des enclos fossoyés et sont parfois interprétés
comme des regroupements familiaux. C’est
vraisemblablement à cette catégorie de site que
se rattachent les quelques sépultures fouillées à
l’emplacement des stades de la Motte. Dans ce
contexte, la mise en évidence d’un ensemble de plus
d’un demi-millier de sépultures constitue une des
originalités du site de l’Hôpital Avicenne.
Riche d’un important corpus ostéologique, cet
ensemble permet une étude taphonomique pertinente
grâce à la bonne qualité osseuse des squelettes.
LEs InDICEs arCHéoLoGIQUEs
FUnéraIrEs DE La tènE a BoBIGnY
Les découvertes archéologiques liées au
funéraire sont présentes en grand nombre sur les
différentes opérations de Bobigny, menées de 1992
à 2008 (ig. 1).
Sur le site de "La Vache à l’Aise" (le beChenneC
1998), la fouille a permis la mise en évidence de
vestiges humains erratiques, présents dans treize
unités stratigraphiques. Parmi les os retrouvés, ont
été déterminés sept fragments de calvaria, un radius
droit, des os des membres inférieurs et une vertèbre
lombaire. Ces vestiges ne sont pas regroupés. Il
est dificile de leur accorder une valeur cultuelle
eu égard à la faiblesse du corpus. une sépulture
primaire a également été fouillée sur ce site. Seul
le membre inférieur gauche subsiste. Ce sujet a été
déposé au sein d’une fosse d’extraction.
Lors de la fouille des stades de la Motte (1997),
un ensemble funéraire de La Tène B2-C1 de cinq
sépultures a été mis au jour (le beChenneC 2001). Les
individus sont orientés selon un axe nord-sud, dans
des fosses oblongues et reposent en décubitus. Les
corps ont parfois été déposés au sein de contenants.
Il s’agit de trois hommes, une femme et un adulte
de sexe indéterminé.
Le site des Cuisines, au sein de l’hôpital Avicenne
a livré sept sépultures primaires de La Tène D
(Metrot 1992). Leur particularité réside dans les
structures utilisées. Cinq sujets ont été déposés dans
des fosses d’extraction, un dans une fosse de fonction
indéterminée et un autre dans une fosse d’ensilage.
Il s’agit de trois immatures et de quatre adultes.
D’autre part, 44 pièces osseuses ont été retrouvées
dans les comblements des structures artisanales. Il
s’agit uniquement de restes d’immatures. Les deux
tiers de cet effectif concernent des individus décédés
avant un an. Ces jeunes sujets inhumés à l’origine
dans, ou à proximité, de structures d’habitat
peuvent résulter de pratiques de décharnement
(laMbot 1998) ou de perturbations postérieures. Ce
sont peut-être les ultimes vestiges des sépultures
d’enfant : les os, rejetés involontairement au fond
des structures excavées, se seraient conservés, à
l’inverse de ceux des sépultures primaires disparus
du fait de l’érosion et sous l’action biomécanique et
chimique des éléments exogènes.
Aucune sépulture primaire n’a été observée sur
le site de la Radiothérapie de l’hôpital Avicenne
(Marion 2007). Seuls quelques ossements erratiques
retrouvés dans sept unités stratigraphiques ont été
recensés.
La dernière occupation funéraire fouillée à ce
jour concerne le site du Bâtiment d’hospitalisation
(Marion 2007). La partie sud de l’emprise est occupée
par plus de cinq-cents sépultures primaires du IIIe
siècle, La Tène B2 et C1. La stricte contemporanéité
de ces sépultures avec les structures d’habitat qui
livrent des restes humains n’a pu être établie. Sur
le site même du Bâtiment d’hospitalisation, des os
erratiques sont présents au sein d’une trentaine
d’unités stratigraphiques liées à des structures
d’habitat. une dizaine de fragments de crâne
igurent dans cet inventaire.
Pour la période de la in de la Tène ancienne et
de La Tène moyenne, soit les IIIe et IIe siècles, ce sont
Pluralité des gestes funéraires pendant la période de La Tène à Bobigny (Seine-Saint-Denis).
129
RAP - 2009, n° 3/4, Cyrille le forestier, Pluralité des gestes funéraires pendant la période de La Tène à Bobigny (Seine-Saint-Denis).
Fig.1 - Localisation des différents sites de La Tène à Bobigny (N. latsanopoulos, CG93 ; C. le forestier, INRAP).
donc près de 530 sépultures qui ont été découvertes
sur la commune de Bobigny. Les différents chantiers
présentent la particularité de documenter les
principaux types de gestion funéraire attestés à
l’époque gauloise : nécropole dense (inhumation
et crémation), petite nécropole, sépultures isolées
au sein des structures d’habitat. De nombreux
ossements erratiques, témoins de sépultures
antérieures ou d’interventions post-mortem sur les
individus sont également attestés par les diverses
opérations d’archéologie préventive. Dans le
concert des contextes funéraires de la période, seul
le sanctuaire fait défaut.
La néCropoLE : GénéraLItés
Les fouilles de la nécropole de Bobigny (20022003) ont livré 514 sépultures se répartissant sur
une surface de 1 200 m² (ig. 2). La stratigraphie
du site, complexe et dense, s’étage parfois sur plus
d’un mètre cinquante. Les répartitions par sexe et
par âge n’ont pas révélé un recrutement particulier.
Toutes les classes d’âges sont bien représentées, à
l’exception des fœtus, des périnataux et des sujets
décédés entre 0 et 1 an.
130
Sur l’ensemble du site moins de dix sépultures à
armes ont été fouillées. Toutes ne sont pas équipées
d’une panoplie complète. Trois d’entre elles sont
dépourvues d’épées et ne possèdent qu’une pièce
d’armement (umbo, chaîne de suspension ou fer
de lance). Les sept autres sont accompagnées au
minimum de l’épée dans son fourreau et de son
système de suspension.
quant au mobilier de parure, trente-cinq
sépultures (7 % de l’ensemble) ont livré des
éléments en association avec l’individu. Il s’agit
de torques, de bracelets en fer, en alliage à base
cuivre ou en lignite, de bagues et de ceintures. Le
traitement funéraire (orientation, fosse, mode de
décomposition) des individus portant des parures
n’est pas différent de ceux qui en sont dépourvus.
En ce qui concerne les ibules, 348 éléments (entière
ou fragments) proviennent de 243 sépultures et ont
été retrouvées pour la plupart au niveau du thorax.
La présence de ibule ne semble ni liée à l’âge ni au
sexe des individus.
De part et d’autre de la nécropole, les limites
sont parfois fossoyées, parfois naturelles. Elles ont
pu être mises en évidence à l’ouest et au sud-est. La
majorité des individus est orientée nord-sud, la tête
au sud pour 75 % et au nord pour 11 %. Seuls 5 %
des sujets ont été inhumés est-ouest, la tête à l’ouest
ou à l’est. Le fossé bordant la nécropole au sud-est
est également orienté nord-sud. Ce dernier, creusé à
l’époque gauloise et élargi probablement à l’époque
romaine, est une limite forte de la nécropole. étaitelle matérialisée par une structure éradiquée par
RAP - 2009, n° 3/4, Cyrille le forestier, Pluralité des gestes funéraires pendant la période de La Tène à Bobigny (Seine-Saint-Denis).
Fig. 2 - Plan de la nécropole de Bobigny, Bâtiment hospitalier (C. le forestier, INRAP).
le fossé postérieur ? Cette zone, la plus dense de
la nécropole, se trouve en limite d’emprise et n’a
pu être fouillée totalement. Il est évident que la
nécropole se poursuit au-delà de l’emprise de
fouille. quant aux autres limites (nord et est), seule
l’absence de sépultures les rend tangibles. Il peut
s’agir soit d’une limite non fossoyée (arborée ?), soit
d’une absence de conservation des structures (fossés,
trous de poteau). un axe nord-sud (chemin ?) semble
se dessiner dans la nécropole par une interruption
de sépultures sur une largeur de trois mètres, ni
la topographie, ni la géologie, ne paraissant être à
l’origine de ce vide.
La densité des sépultures est importante, nous
avons dénombré en moyenne 0,6 inhumation par
mètre carré (ig. 3). L’organisation générale fait
apparaître trois types d’occupation : une zone
dense, une zone en bordure et des sépultures isolées
de l’ensemble funéraire de près de trente mètres.
Aucune sépulture dite de relégation n’a été
identiiée. Les défunts ont tous bénéicié d’un soin
particulier.
Fig. 3 - Exemple de densité d’inhumations (C. le forestier,
INRAP).
131
RAP - 2009, n° 3/4, Cyrille le forestier, Pluralité des gestes funéraires pendant la période de La Tène à Bobigny (Seine-Saint-Denis).
LEs pratIQUEs FUnéraIrEs
Deux types de gestion des corps sont présents :
l’inhumation et la crémation. Le premier mode
concerne 499 sépultures, le second 15.
LES INHuMATIONS
Pour les inhumations, la position des corps
varie peu. La plupart des sujets ont été déposés en
décubitus, les mains le long du corps et les membres
inférieurs alignés. Deux individus ont été déposés
en procubitus, d’autres en décubitus latéral.
un seul sujet a été retrouvé les os des carpes
et des mains reposant au niveau de la ceinture
scapulaire. L’absence de compression au niveau
des épaules ne permet pas d’imputer cette position
à la présence d’un emmaillotement. S’agit-il d’une
maladie contraignant le sujet dans cette position ?
Aucune lésion osseuse n’a cependant été observée
sur le squelette.
Les membres inférieurs sont généralement
alignés dans l’axe du corps. Les pieds reposent en
hyperlexion ou en hyperextension. Les os des pieds
ont rarement été découverts en fagot (argumentant
la présence de chaussures).
Parmi les inhumations de la nécropole, deux
principaux types de fosses sont présents : oblongues
et rectangulaires. Plus rarement le creusement est
trapézoïdal ou ovoïde.
132
un lien étroit a été mis en évidence entre la forme
du creusement et l’individu, le traitement funéraire
ou bien la présence d’offrandes. La forme du
creusement est parfois régie par l’invalidité du sujet
à inhumer. C’est par exemple le cas d’un individu
atteint de lésions fémorales ayant été déposé dans
la position même de son invalidité (jambes léchies)
et ne pouvant donc être placé à plat. La forme de la
structure peut être conditionnée par le mode de dépôt.
C’est en effet le cas de nombreuses sépultures où le
sujet est déposé au sein d’un contenant en matériau
périssable, impliquant une fosse quadrangulaire. à
l’inverse, les fosses oblongues ont plus volontiers
accueilli les défunts inhumés en pleine terre. La
forme de la fosse dépend également de la présence
d’offrandes. Cela concerne les sujets placés contre
une paroi latérale du creusement, laissant ainsi de
l’espace pour y déposer des céramiques ou des
morceaux de viande animale. Dans ce cas, la fosse est
bien plus large. Ces pratiques concernent davantage
les jeunes individus. quelques fosses présentent
la particularité d’être d’une largeur inférieure à la
corpulence relative de l’individu, ce qui a entraîné
une compression générale du squelette et des
anomalies anatomiques (torsion du rachis, crâne
en vue supérieure, effondrement des membres sous
l’effet de la gravité). Dans ce cas, le sujet est plaqué
contre une des parois latérales, légèrement de chant
ou bien le crâne et les os des pieds reposant contre
les parois des extrémités.
Les dépôts en pleine terre (colmatage rapide)
représentent près de 30 % des gestes funéraires. Il
s’agit surtout d’individus adultes sans distinction de
sexe. Les fosses sont pour la plupart oblongues. Nous
retrouvons dans ce groupe deux cas où les corps ont
glissé le long d’une des parois latérales. Ce mode de
dépôt semble davantage lié à la manipulation des
fossoyeurs qu’à un acte de relégation.
Pour les sujets déposés au sein d’un contenant
(35 %), une seule sépulture comporte des traces
ligneuses, longeant le squelette appendiculaire.
Aucun élément de ixation n’a été retrouvé. Il faut
alors envisager un système d’assemblage des parois
du contenant à l’aide de pièces de bois. De même,
aucun élément de calage, permettant la mise en
évidence de coffrage n’a été retrouvé à la fouille. La
déduction de la présence d’un contenant se fonde
exclusivement sur l’étude taphonomique : effet de
paroi bilatéral et migrations osseuses principalement
en dehors du volume corporel originel.
Dans 15 % des cas, le comblement des masses
molles des cadavres est progressif. Les connexions
aux articulations sont généralement maintenues
(strictes ou lâches). Il semble que d’autres éléments,
nous échappant encore aujourd’hui, aient entouré
les cadavres (offrandes en matériau périssable ?
aménagement interne ?). Les sépultures des porteurs
d’armes se trouvent dans ce groupe. Bien que les
défunts se soient décomposés au sein d’un espace
colmaté rapidement, des espaces vides ponctuels
ont existé. Le bouclier est un élément à l’origine de
ce genre de phénomènes : le plateau de bois a créé
un vide sous-jacent autorisant des déplacements
importants. C’est le cas de la sépulture 047, dans
laquelle le dépôt du bouclier sur le corps est attesté
par la position de l’umbo. un deuxième métacarpien
droit a migré d’une dizaine de centimètres vers le
bord nord de la fosse. Ce déplacement semble lié à
l’espace vide entre la partie en bois du bouclier et le
fond de la fosse. Si dans ce cas la pièce d’armement
peut-être restituée grâce à la présence de l’umbo,
d’autres vestiges ne laissent pas de traces (paillasse,
panier, éléments textiles, etc.) et peuvent entraîner
les mêmes phénomènes taphonomiques.
Les individus qui se sont décomposés à l’intérieur
d’un espace vide, d’où un comblement différé, sont
à 75 % des immatures. Il peut s’agir d’un choix
social, rituel, selon lequel le corps de l’enfant doit
être dissimulé ou d’une contrainte économique,
la corpulence d’un enfant ne nécessitant pas, en
effet, la collecte de planches de grandes dimensions
mais plutôt de simples éléments de bois sans doute
bien plus disponibles (récupération de bois utile à
l’artisanat, par exemple).
RAP - 2009, n° 3/4, Cyrille le forestier, Pluralité des gestes funéraires pendant la période de La Tène à Bobigny (Seine-Saint-Denis).
Fig. 4 - Position des agrafes en fer dans la sépulture 138
(C. le forestier, INRAP).
La présence en grand nombre d’agrafes de fer
(75 dans 34 sépultures) permet de proposer une
alternative quant à l’aménagement des fosses
(ig. 4). Ces éléments pourraient provenir, non pas
de contenants, assemblés dans ou en dehors de
la fosse, mais d’un simple élément de couverture
en bois reposant sur le haut du creusement. Cela
pourrait expliquer le désordre quasi systématique
des agrafes retrouvées lors de la fouille, dans des
positions et à des emplacements incompatibles
avec un contenant. Le pourrissement des planches,
s’effectuant progressivement, aurait libéré les
agrafes de ixation. Ces dernières auraient alors
pu migrer en désordre vers le fond du creusement.
Cette proposition n’est acceptable que pour les
individus dont l’étude taphonomique n’a pas révélé
d’effets de parois bilatéraux.
quatre sépultures doubles ont été fouillées.
L’association adulte-immature est systématique. Le
soin accordé à l’une d’entre elles est original (ig. 5).
La tête d’un enfant d’entre huit et dix ans repose sur
l’avant-bras droit d’une femme mature. Des restes
osseux de mouton ainsi que des offrandes contenus
dans une céramique ont été disposés à droite du
jeune sujet. La fosse, surdimensionnée, a été conçue
pour accueillir les deux défunts. Le petit nombre de
sépultures doubles ne permet pas de les considérer
comme une pratique courante, mais plutôt comme
un geste anecdotique, de circonstance. La raison
d’un tel regroupement peut être de l’ordre de la
mort simultanée (maladie ? accident ?). En l’absence
d’indices de traumatisme sur les os, l’hypothèse du
sacriice n’a pu être retenue.
Fig. 5 - Sépulture 478. Deux corps inhumés simultanément
(C. le forestier, INRAP).
une seule réduction de corps est strictement
contemporaine de la nécropole. Deux autres ont
été pratiquées, mais elles sont postérieures aux
phases d’utilisation de la nécropole et liées à la
restructuration du lieu au Ier siècle avant J.C. La
réduction concerne un adulte. Les os de la ceinture
pelvienne ainsi que le fémur droit ont été rassemblés
en fagot sur les jambes de la sépulture primaire. Les
os des sujets perturbés se retrouvent généralement
dans les remblais des sépultures, sans aucune
organisation.
Une seule sépulture semble avoir bénéicié
d’une superstructure (toiture ?). quatre fosses de
petites dimensions entourent l’individu, deux au
niveau des épaules, deux des pieds. Celles-ci ont
pu accueillir des poteaux. Par ailleurs on notera
que cette sépulture est la seule qui présente comme
unique pièce d’armement une grande lancebaïonnette.
LES DISPOSITIFS INTERNES
Certaines dispositions, certes plus anecdotiques,
concernent des sépultures dont l’agencement du
défunt dans la fosse est lié à son invalidité. Deux
sujets ont ainsi été inhumés en décubitus latéral.
Après l’analyse des vestiges osseux, il est apparu
que plusieurs vertèbres présentaient des troubles
intervertébraux importants (spondylarthrose).
133
RAP - 2009, n° 3/4, Cyrille le forestier, Pluralité des gestes funéraires pendant la période de La Tène à Bobigny (Seine-Saint-Denis).
un autre défunt a été déposé à l’intérieur d’un
appareillage mixte de bois et de fer (ig. 6). La
sépulture contient une barre courbe d’une quinzaine
de centimètres de longueur maintenue par des
crampons. Ce dispositif se situe sous le crâne du
sujet, en épouse la courbure et est présent également
au niveau des membres inférieurs. Le squelette,
féminin, présente sur la face des fémurs (diaphyse
et extrémité proximale) des ostéophytes importants,
témoins de myosite ossiiante. La position de cette
femme, dont les membres inférieurs sont léchis,
devait être celle qu’elle avait de son vivant. L’objet
dont témoignent ces pièces d’assemblages pourrait
s’interpréter comme un appareillage destiné à
soutenir l’individu et adapté à son inirmité.
L’étude microscopique de l’élément métallique a
révélé des traces ligneuses sur la partie inférieure
et des tiges de graminées sur la partie supérieure,
ce qui conirme la présence de bois constituant
l’assemblage et signale peut-être l’existence d’un lit
de paille à l’intérieur de la structure.
Un autre système original igure dans la
sépulture 254 (ig. 7). Il se compose d’une barre en
fer, longue de 80 cm et large de 5 cm, assujettie à
une ou plusieurs pièces de bois au moyen de cinq
crampons disposés régulièrement et espacés les
uns des autres de 13 à 15 centimètres. Ce système
peut être interprété comme une pièce de renfort
d’assemblage. Il se trouve en position axiale
sous l’individu. De ce fait, il peut participer de
Fig. 6 - Sépulture 437. Le corps de cette femme,
handicapée, a été déposé dans un brancard (C. le
forestier, INRAP).
134
Fig. 7 - Sépulture 254. un appareillage composite (C. le
forestier, INRAP).
l’assemblage d’un plancher ixe ou d’un brancard
mobile. L’aspect extrêmement robuste de l’ensemble
et la quantité de métal employée plaident plutôt en
faveur d’un élément mobile de type brancard. La
construction d’un plancher sur le fond de la fosse ne
nécessitait pas, en effet, la mise en place un système
d’assemblage aussi élaboré.
Dans cette sépulture, se trouvent également
quatre autres agrafes. Elles se situent au dessus de
l’individu, au niveau du thorax et encadrent l’umbo
de bouclier. Soit il s’agit d’éléments d’une couverture
qui viendrait se surimposer au bouclier ce qui est
Fig. 8 - Sépulture 471. Cet homme a été placé en position
semi-assise au moment de l’inhumation (C. le forestier,
INRAP).
RAP - 2009, n° 3/4, Cyrille le forestier, Pluralité des gestes funéraires pendant la période de La Tène à Bobigny (Seine-Saint-Denis).
peu probable, soit il s’agit d’agrafes utilisées pour
l’assemblage des planches du bouclier.
un autre sujet a, semble t-il, été inhumé semiassis dans la fosse (ig. 8). Les déconnexions
importantes au niveau du squelette axial et
appendiculaire supérieur ainsi que le maintien des
connexions des os du squelette inférieur indiquent
une migration progressive du haut du corps vers le
fond du creusement. Ce sujet, un homme mature,
avait également les mains dans le dos au moment
du dépôt. La seule présence d’un emmaillotement
ne sufit pas à provoquer de telles dislocations
ostéo-articulaires.
LE TRAITEMENT DES ENFANTS
Les sépultures d’enfants présentent la
particularité d’être accompagnées d’offrandes
contenues dans des céramiques, à l’inverse des
adultes (ig. 9).
Des vestiges d’os animaux (principalement du porc)
ont été retrouvés en grand nombre à l’intérieur des
urnes cinéraires.
Ces crémations sont concentrées exclusivement
dans la partie sud-est de la nécropole (ig. 10). Cette
pratique est contemporaine des inhumations eu
égard aux relations stratigraphiques. La coexistence
des pratiques est donc bien établie : il ne s’agit pas
d’un changement brutal. L’existence de ce secteur
de crémations est problématique. Les limites
de l’emprise archéologique n’ont pas permis de
circonscrire l’étendue de la zone où cette pratique
est présente.
Le manque de place peut être une raison dans le
choix de la crémation. La densité des inhumations
atteste bien d’une forte contrainte foncière. Il semble
étonnant qu’une pratique, avec tout ce qu’elle
comporte de croyance et de rituel soit modiiée par
la seule contrainte topographique.
Un recrutement spéciique selon le sexe et l’âge
est l’hypothèse la moins probable. Les objets associés
aux défunts brûlés sont féminins et masculins - paire
de forces ou boucle de ceinture féminine - (ig. 11).
La crémation ne semble pas une pratique
réservée à une population spéciique (le mobilier est
de qualité tant dans les sépultures à inhumations
qu’à crémation). Peut-être faudrait-il davantage
envisager que la crémation représente un choix
social d’une partie de la population, correspondant
à quelques familles, ou une lente évolution des
pratiques funéraires.
Fig. 9 - Sépulture 513. quelques os animaux ainsi qu’une
céramique ont été déposés à la droite du défunt (C. le
forestier, INRAP).
La majorité des céramiques ont été retrouvées
déposées à droite du squelette (20 sur 24). Le plus
souvent, le dépôt funéraire se limite à un seul vase.
Seules 5 sépultures présentent deux céramiques.
Elles concernent 3 adultes et deux immatures.
Les sépultures d’immatures se distinguent
donc bien à la fois par le traitement du corps,
fréquemment placé à l’intérieur d’un contenant
(ou emmaillotés), et par la présence d’offrandes
contenues dans des céramiques. Les dépôts
d’offrandes animales ne sont cependant pas
réservés à cette jeune population, mais concernent
toutes les classes d’âges et les deux sexes.
LEs CrEMatIons
quinze creusements contiennent une ou
plusieurs céramiques et des esquilles d’os brûlés.
Les sujets ne sont représentés que partiellement.
Le IIIe siècle correspond à une période pendant
laquelle le bi-ritualisme est une récurrence sur
l’ensemble de l’Europe celtique. Cette dernière
se caractérise par de fortes variabilités régionales
ou micro-régionales dans le choix de la pratique
dominante. Les tendances de l’évolution générale
semblent s’orienter vers une progression sensible
de la crémation. Les rythmes et la chronologie de
cette évolution sont très différents selon les régions.
En Île-de-France, le secteur situé autour de Paris se
singularise par la perduration de la prépondérance
de l’inhumation. Les nécropoles à inhumations
dominantes voire exclusives, existent toujours au
IIe s. (La Tène C2 ; Marion 2004), alors qu’elles ne
sont plus attestées ailleurs dans le Bassin Parisien.
Les découvertes de vestiges funéraires sur la
commune de Bobigny permettent de valider la
coexistence d’une kyrielle de pratiques à l’époque
de La Tène. La pluralité des pratiques concerne à
la fois le traitement des corps (inhumés ou brûlés),
l’aménagement autour de l’individu (contenants,
pleine terre) et le dépôt d’objets ou d’offrandes
alimentaires. Ces variations sont conditionnées à la
fois par le statut de l’individu (armement pour la
135
RAP - 2009, n° 3/4, Cyrille le forestier, Pluralité des gestes funéraires pendant la période de La Tène à Bobigny (Seine-Saint-Denis).
Fig. 10 - Localisation des crémations dans la nécropole (C. le forestier, INRAP).
Fig. 11 - Trois crémations de corps en cours de fouille (C.
le forestier, INRAP).
classe dirigeante), par l’âge (offrandes davantage
présentes dans les sépultures des plus jeunes) ou
bien par l’invalidité du sujet. Le sexe des individus
ne semble pas être un critère de différenciation, tout
comme le choix de la crémation par une partie de la
population, qui serait plutôt de l’ordre privé.
136
Fig. 12 - AVI3258. Fouille d’une urne cinéraire. Des restes
brûlés d’un adulte masculin et d’une ibule constituent le
premier comblement de la céramique (L. Brun, INRAP).
RAP - 2009, n° 3/4, Cyrille le forestier, Pluralité des gestes funéraires pendant la période de La Tène à Bobigny (Seine-Saint-Denis).
BIBLIoGrapHIE :
LAMBOT Bernard (1998) - « Essai d’approche
démographique du site de La Tène inale d’Acy-Romance
(Ardennes) » dans BRUNAUX Jean-Louis, LEMANDELERIVE Germaine & POMMEPuyS Claudine (éd.) Les rites de la mort en Gaule du Nord à l’âge du Fer, actes de la
table-ronde de Ribemont-sur-Ancre, 4-5 décembre 1997.
Revue archéologique de Picardie, 1/2, p. 71-84.
LE BECHENNEC yves & MARION Stéphane (1998) Bobigny, Seine-Saint-Denis, "La Vache à l’Aise". Document
inal de synthèse. Epinay-sur-Seine. Centre départemental
d’archéologie de Seine-Saint-Denis, Service Régional de
l’Archéologie de L’Ile-de-France, 322 p.
MARION Stéphane, LE BECHENNEC yves & LE
FORESTIER Cyrille (2007) - Bobigny, Seine-Saint-Denis,
Hôpital Avicenne : Bâtiments hospitalier et de radiothérapie.
Document inal de synthèse. épinay-sur-Seine. Centre
départemental d’archéologie de Seine-Saint-Denis, Service
Régional de l’Archéologie de L’Île-de-France, 852 p.
LE BECHENNEC yves, BuquET Cécile, HERON Claude,
MARION Stéphane, METROT Pascal, MuNOZ Christelle
& yVINEC Jean-Hervé (2001) - Bobigny, Seine-Saint-Denis,
"Les Stades de la Motte". Document inal de synthèse.
épinay-sur-Seine. Centre départemental d’archéologie de
Seine-Saint-Denis, Service Régional de l’Archéologie de
L’Ile-de-France, 165p.
MARION Stéphane (2004) - Recherche sur l’âge du Fer en
Île-de-France. Analyse des sites fouillés entre Hallstatt et La
Tène inale, Chronologie et société, British Archaeological
Reports, international series 1231, Oxford 2004, 2 vol., 1
121 p.
MARION Stéphane, LE BECHENNEC yves & LE
FORESTIER Cyrille (2008) - Nécropole et bourgade d’artisans
: l’évolution des sites de Bobigny (Seine-Saint-Denis), entre La
Tène B et La Tène D, Revue archéologique du Centre de
la France, Tome 45-46, 2006-2007, [En ligne], mis en ligne
le 30 mai 2008. uRL: http://racf.revues.org//index654.
html.
METROT Pascal, LE BECHENNEC yves & HERON
Claude (1992) - Bobigny, Seine-Saint-Denis, "Les Cuisines de
l’hôpital Avicenne". Document inal de synthèse. épinaysur-Seine. Centre départemental d’archéologie de SeineSaint-Denis, Service Régional de l’Archéologie de L’Îlede-France, 78p.
L’auteur
Cyrille LE FORESTIER, Archéo-anthropologue, INRAP, Centre - Île-de-France.
Associé à l’uMR 6130 du CNRS
résumé
Les nombreux chantiers d’archéologie préventive ont permis la mise au jour de 530 sépultures de La Tène
sur la commune de Bobigny depuis près de 15 ans. Fouillée en 2002-2003 au sein de l’hôpital Avicenne, la
nécropole de 514 sépultures à inhumation et crémation constitue un des plus grands ensembles funéraires de
cette période. Cette contribution traite de l’ensemble des gestes funéraires observés à Bobigny.
abstract
Over the last 15 years, the large number of preventive excavations in the town of Bobigny have revealed
530 burials of the La Tène period. Dug in 2002-2003 on the site of the Avicenne Hospital, the cemetery of 514
burials, including both cremation and inhumation, is one of the biggest burial sites of this period. The present
paper deals with all the various burial rites observed at Bobigny.
Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX.
Zusammenfassung
Bei den zahlreichen Rettungsgrabungen der letzten 15 Jahre wurden auf dem Gebiet der Gemeinde
Bobigny 530 Gräber der Latènezeit freigelegt. Die 2002-2003 im Sektor des Krankenhauses Avicenne ergrabene
Nekropole mit 514 Körper- und Brandgräbern stellt eines der größten Bestattungensembles aus dieser Zeit
dar. Dieser Beitrag behandelt sämtliche in Bobigny beobachteten Bestattungsrituale.
Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr).
137
RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer
DIsCUssIon
tHèME : LEs DéFUnts
Modérateur stéphane MarIon
Dominique Corde pour Isabelle Le Goff
D. C. : Je n’ai pas entendu, ou cela n’a pas été évoqué
peut-être, des crémations qui auraient été rejetées, j’en ai
pas mal en ce moment en Basse-Normandie, des rejets
dans les fosses, des couches complètement étalées, avec
des os épars et du mobilier associé. Et c’est vrai que je
n’en ai pas entendu parler, donc est-ce que vous avez des
cas similaires ?
I. L. G. : une des caractéristiques des sépultures, des
ensembles funéraires que j’ai cités, c’est qu’en fait il y en
a très très peu, à Estrées-Déniécourt, la fouille a montré
que des résidus de combustion et quelques ossements
étaient placés probablement sur la sépulture et tombés à
l’intérieur, on ne peut pas parler de dépôt dans la sépulture,
mais c’est rare, dans la sépulture elle-même, il n’y a pas
de pot avec des cendres, il n’y a pas de tas de cendres. Par
contre à Méaulte, on a quelques exemples d’épandages
de résidus de combustion avec des ossements associés
aux ossements sur le coffre ou à côté, cela reste un geste
relativement rare dans les ensembles que j’ai pu observer
jusqu’à maintenant en Picardie.
Jean-Paul Demoule à Estelle Pinard
J.-P. D. : Il y a un débat depuis des années pour savoir
si les nécropoles « classiques » de La Tène ancienne à
inhumations contiennent ou non toute la population.
On considère souvent que la preuve que tout le monde
n’y ait pas été inhumé, c’est qu’on trouve des tombes
dans des silos. Mais ces dépositions en silos paraissent
relativement marquées, et participer de pratiques
cérémonielles particulières, et non pas être un autre mode
de sépulture. Alors est-ce qu’il y a des arguments - je sais
bien qu’il y a des problèmes de représentativité aussi et
d’effectifs - pour penser que, à côté des nécropoles où
il y a un équilibre entre les sexes et une pyramides des
âges normale (compte tenu de la sous représentation des
immatures), il y aurait eu un autre mode, au moins pour
La Tène ancienne, de traitement des cadavres ?
E. P. : En fait les individus que l’on découvre dans
les silos, surtout dans l’Aisne, disposent d’un véritable
traitement funéraire, par exemple à Menneville, les
enfants inhumés en silos portent des ibules, ils ont été
inhumés en linceul.
J.-P. D. : Oui, on a des sépultures en silos dans
différentes régions, dans la Somme, dans le Loiret sur
l’autoroute A19, et c’est bien un traitement funéraire.
Mais c’est quelque chose d’assez minoritaire. Est-ce un
argument sufisant pour dire que cela constitue un autre
mode de traitement du cadavre ?
E. P. : Non, probablement pas, mais des classes sont
absentes des nécropoles dites « classiques », par exemple,
il n’y a pas de nourrissons…
J.-P. D. : Oui, bien sûr, il y a sous représentation des
immatures, mais sinon à part ça ? quant on regarde une
nécropole, il y a un équilibre, il y a une répartition à peu
près normale des sexes, des âges, et même des catégories
sociales. Pour la Champagne ?
Lola Bonnabel : Pour le sex ratio, si tu regardes petit
bout par petit bout, tu peux avoir des grosses variations,
puisqu’il y a effectivement les petits groupes de tombes du
IIIe siècle qui sont féminins et au contraire des parties de
nécropoles Ve - IVe qui sont masculines, mais si tu regardes
la totalité des morts sur tout l’ensemble effectivement, ça
fait moitié-moitié pour tout le corpus récent. Pour ce qui
est des immatures, c’est pareil, en fonction des nécropoles,
ça varie de 7 à 40 % on va dire, sachant que 7 % c’est
une nécropole qui est extrêmement arasée, il y a aussi
des partie de nécropoles qui sont spécialisées dans leur
recrutement, et si tu regardes à l’échelle globale, c’est le
travail d’Isabelle Richard qui est présente dans la salle,
dans le cadre du PAS, si tu regardes à l’échelle globale
sur la totalité des nécropoles, tu as effectivement un
quart à peu près des individus qui sont des immatures,
qui correspond de façon assez marrante à la proportion
dans les silos également, où un quart des individus qui
des immatures. Dans les silos, on observe un recrutement
préférentiellement d’hommes et d’enfants et plutôt une
exclusion des femmes.
D’un point de vue social, c’est dificile au regard de
notre société, où les inégalités sont si fortes, de savoir si
on a tout le monde dans une nécropole. Ce qui est certain
c’est que l’on a des niveaux de richesse différents que
ce soit du point de vue mobilier et également de l’état
sanitaire. Cependant, pour l’état sanitaire, en dehors de la
mortalité qui peut frapper des classes d’âge normalement
peu touchées, les jeunes adultes par exemples, on n’a pas
de gens dans des états aussi déplorables que pour des
populations récentes. Mais peut-être que les gens dans
ces états déplorables n’existaient pas à cette époque là.
Stéphane Marion : Pour rebondir là-dessus, il y a aussi
un problème, la question se pose de taphonomie ou en
tout cas de conservation des sites, des niveaux supérieurs
des sites, on a vu avec l’exemple de Bobigny, que là où
les niveaux supérieurs étaient bien conservés on avait
tendance à avoir un peu plus d’immatures qu’ailleurs.
On a aussi des immatures profonds mais ce n’est plutôt
pas la règle et d’autre part les rares cas, mais ça c’est
plutôt pour le VIe-Ve, les rares cas où l’on a pu fouiller,
que cela soit en Suisse ou même en région parisienne,
des habitats avec niveaux de sol conservés, on a une mise
en évidence d’au moins une ou plusieurs sépultures de
nourrissons ou de très jeunes enfants, donc on peut penser
qu’éventuellement ils sont là, mais comme on n’a que des
sites où les niveaux d’occupation ne sont pas conservés,
évidemment on ne les trouvera jamais. Ils peuvent se
trouver là ou dans les niveaux supérieurs des nécropoles,
on n’a pas évidemment de réponse déinitive.
Marc Talon pour Estelle Pinard
M. T. : Est-ce que vous avez des morceaux d’ossements
humains en contexte d’habitat comme on peut en avoir
au Bronze inal, notamment en Angleterre, pour la in du
Bronze inal dans le sud de l’Angleterre. Ils ne trouvaient
139
RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer
pas dans les nécropoles et les sépultures alors qu’il y en
avait avant et une des solutions qu’ils proposent parce
qu’ils se sont aperçus qu’il y avait une augmentation
importante des restes humains qui trainent en contexte
d’habitat, cela peut les aider à interpréter un petit peu où
auraient pu passer les morts, donc là je ne parle pas de
sépultures en contexte d’habitat je parle de restes errants,
de fragments d’os.
E. P. : En Picardie, pour l’instant, il n’y a que l’Aisne
et l’Oise qui sont vraiment référencés, il y a 47 sites
d’habitats, qui ont, surtout à partir de La Tène moyenne
jusqu’à La Tène inale, livré des restes humains, les NR
vont de 1 à plus de 100.
Stéphane Marion : Pour quelques sites que je peux
connaître, par exemple à Bobigny, Cyrille a montré tout
à l’heure qu’il y avait des restes humains également dans
l’habitat. On est sur des sites peu denses, c’est toujours
un peu délicat de savoir s’il s’agit d’une part de possibles
sépultures qui ont été perturbées dont quelques bouts
traineraient dans l’habitat, d’autre part de possibles
sépultures en structures d’habitat antérieures puisque l’on
est sur des sites qui vivent un certain temps, qui auraient
elles-mêmes été perturbées et qui se retrouveraient dans
des structures postérieures ou de véritables os erratiques
qui auraient subi un traitement quelconque avant
d’arriver dans l’habitat. Il y a de l’os humain erratique
dans les habitats de La Tène, ça je crois que c’est une
certitude, maintenant à quoi cela correspond, je n’en sais
rien.
Lola Bonnabel pour Estelle Pinard
L. B. : En fait quand tu parlais des représentations
féminine ou masculine, tu as choisi le terme de mortalité
féminine, donc plutôt que de recrutement, je voulais
savoir pourquoi tu faisais le choix de parler de la
mortalité féminine alors que tu nous expliquais que peutêtre justement on n’avait pas la totalité de la population,
tu vois ce que je veux dire, est-ce que c’est juste parce que
c’est la même chose ?
E. P. : C’est un abus de langage.
L. B. : Et puis sinon aussi par rapport au corps qui
peut être d’une part habillé et ensuite enveloppé dans
un linceul, les exemples que l’on a sont plutôt sur la in
de la chronologie c’est-à-dire pour La Tène moyenne,
notamment au sud du corpus donc Perthes, Bussy, etc…
on a des accessoires en position vestimentaire, on va dire
classique, effectivement épaules ou sternum, en position
fonctionnelle d’accessoires vestimentaires et en plus des
effets de contraintes sur le corps qui eux sont associés à
des grosses ibules en fer qui peuvent être sur le bras.
140
Jean Paul Demoule pour Stéphane Marion et Cyrille Le
Forestier
J.-P. D. : Sur Bobigny, c’est quand même un cas très
atypique, par rapport à ce que l’on connaît plus au Nord.
qu’est-ce que les fouilleurs de Bobigny ont comme point
de comparaisons ? Au niveau des pratiques funéraires,
comme disait Cyrille tout à l’heure, cela fait plutôt penser
à du Moyen âge ?
S. M. : Le caractère le plus atypique de Bobigny,
Cyrille si tu veux répondre…Non, alors je vais prendre
la parole pour nous deux. Le caractère le plus atypique,
c’est en effet cette densité, densité à la fois dans l’espace,
et densité, j’ai envie de dire, dans l’espace-temps puisque
c’est un peu plus de 500 individus pour un siècle. Par
rapport à nos ensembles funéraires habituels de l’âge du
Fer c’est quelque chose d’à peu près inconnu, ce n’est pas
à Jean-Paul que je vais apprendre ça, il y a des nécropoles
qui ont plus de 500 individus, mais en général ça dure
beaucoup plus longtemps. Pour cette notion de ratio
densité-temps, c’est pour l’instant la plus importante,
donc on n’a pas d’exemples véritablement comparables.
On a quelques nécropoles du IIIe siècle en Europe centrale,
singulièrement en Hongrie, qui atteignent environ une
centaine d’individus sur un siècle, c’est parmi les éléments
les plus proches, on va dire, dans la même tranche
chronologique et puis on a peut-être une autre nécropole
qui pourraient être du même type que Bobigny, y compris
dans son recrutement, dans le traitement des enfants, etc…
qui est la nécropole fouillée très anciennement au début du
XXe s. à Saint-Maur des Fossés, donc à quelques encablures
de Bobigny, où en relisant les vieilles descriptions après
avoir fouillé Bobigny on prend quelques sueurs froides
parce que ça semble exactement la même chose. on a du
mal à estimer le nombre de tombes qu’ils ont fouillées,
plusieurs personnes se sont succédées sur la fouille et
puis ils n’ont pas fouillé évidemment toutes les tombes,
mais on oscille entre 180 et 300, donc là on est dans
quelque chose qui pourrait ressembler. On a des enfants
mentionnés systématiquement, on a à peu près les mêmes
modalités de port de parure, donc on a peut-être là deux
sites comparables à quelques kilomètres de distance.
Pour le reste, pour la densité, il y en a un autre qui est en
termes de densité au mètre carré à peu près aussi proche,
c’est Ensérune, pour de l’incinération et sur un relief très
contraint.
Nathalie Ginoux : Il n’y a quasiment pas de guerriers à
Bobigny alors qu’il y en a quand même…à Ensérune
S. M. : Oui, oui, oui, c’est très différent Ensérune, mais
c’est simplement la densité au mètre carré qui est à peu
près similaire.
Sylvie Culot pour Cyrille Le Forestier
S. C. : C’est au sujet des restes végétaux qui ont été vus
sur la barre sous la femme, est-ce qu’il y a eu des analyses
précises ?
C. L. F. : Il faut savoir que la barre en fer mesure
dans son ensemble 40 cm, c’est en deux parties, et donc
l’analyse on l’a faite sur la partie interne, la partie sur
laquelle repose l’individu, tout le long on a des restes
végétaux qui sont organisés dans le même sens, donc
ça ne pourrait pas être de l’herbe tombée par hasard,
c’est bien une litière sous l’individu. Pour l’instant les
analyses sont macroscopiques, après il faut voir si à
l’arrière on a vraiment du bois qui est organisé avec les
traces ligneuses, il nous manque les clous en fait dans la
barre qui permettent de tenir justement le bois qui est en
dessous. Donc c’est bien un appareillage complexe. C’est
une étude à pousser au maximum.
Sébastien Ducongé pour Stéphane Gaudefroy
S. B. : Je suis assez surpris pour la in de la période de
La Tène, avec la quantité de données qui sont présentes
dans la région qu’il n’y ait aucun rapprochement entre
les pratiques funéraires et les peuples qui sont cités dans
les textes, est-ce que c’est une volonté des chercheurs de
passer ça sous silence ?
S. G. : Tu dis qu’il y a beaucoup de données pour la in
de la période. Non, en fait il n’y a pas beaucoup de données,
Estelle l’a montré dans les histogrammes : La Tène D1 et
La Tène D2 ne sont absolument pas représentatives car on
ne dispose que de quelques individus, quelques tombes
seulement, donc faire une corrélation entre les textes et
ce genre de document reste hasardeux ; en l’état, à mon
avis, ça ne tiendrait pas la route, en tous cas chez nous.
Rien que pour la Somme, on a plus de 400 tombes et bien
que les textes antiques nous disent qu’Amiens est une
ville importante au moment de la Guerre des Gaules,
cette période n’est quasiment pas représentée dans
l’effectif. En fait, on a un vrai problème pour reconnaître
du mobilier La Tène D2 dans les tombes et, de manière
plus globale, sur les sites d’habitat y compris les oppida.
Je pense d’ailleurs, pour revenir sur une des questions
de ce matin sur la surreprésentation de La Tène C1, que
l’on a des problèmes de méthodes et nous sommes en
train de travailler sur une redéinition des mobiliers pour
RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer
essayer d’afiner un peu cette période là, parce que c’est
devenu un peu une période « fourre-tout ». Il faudra sans
doute redistribuer une partie de ces sites sur les phases
antérieures ou postérieures pour essayer d’avoir quelque
chose d’un peu plus homogène.
Jean-Jacques Charpy : Juste une petite précision par
rapport à ce que l’on vient de nommer «la barre de
Bobigny». on a parlé de plaque. Il y a même des clous. Je
veux dire que ce type d’objet existe de manière récurrente
en Champagne. On en connaît au moins deux exemplaires
publiés depuis 1898 dans la Champagne Souterraine.
Jacques Piette en a mis un au jour dans le secteur du
Nogentais et il en existe aussi un autre à Morains «Les
Brûlefer» dans les fouilles de Brisson. Ces pièces là sont
fabriquées à partir, soit de tôles de fer, soit à partir de
fragments d’épées transpercés par des clous. Ces pièces
se retrouvent de manière récurrente et uniquement dans
des contextes datables du IIIe siècle.
François Malrain : Et elles servent à quoi ?
J.-J. C. : Ça on n’en sait strictement rien. On ne possède
que les éléments métalliques avec des clous qui font 5 cm
d’épaisseur environ et sont repliés à 90° puis à nouveau la
pointe est elle-même repliée à 90° ain de rentrer dans du
bois. Les traces ligneuses sont bien visibles. Ces plaques
se rencontrent en divers emplacements dans la sépulture.
Le cas de Morains «les-Brûlefer» correspond à une
tombe d’enfant sans doute pré-adolescent sise dans un
enclos carré un peu à l’écart d’un groupe de trois autres
tombes. Le plan laisse supposer un dépôt à droite et en
partie sur le corps. L’objet occupe une longueur allant
du niveau de l’aisselle jusqu’à dépasser celui du genou.
Malheureusement pour les fouilles anciennes (Courtisols,
Marne) on ne possède pas d’informations. quant à la
fouille de J. Piette, il faut le contacter ; j’ai seulement vu le
mobilier au laboratoire de Compiègne.
Jean-Paul Demoule : Pour revenir sur cette question des
« peuples », je pense qu’effectivement il vaudrait mieux
l’affronter puisque on a la chance d’avoir des témoignages
textuels, et qu’il est dans ce cas très intéressant de pouvoir
confronter les textes et l’archéologie pour savoir ce qu’il en
est, si les ethnies existent, si l’on peut confronter cultures
archéologiques et ethnies, et si donc, par rapport aux
peuples qui sont nommés par les textes historiques, il y
a ou non une distribution signiicative, d’un point de vue
archéologique, de la typologie des pratiques funéraires,
etc… Je crois que l’on n’a pas du tout raison de s’en
désintéresser. Il ne faut effectivement pas tomber dans le
cercle vicieux qui consisterait à dire : là c’est le peuple
X et donc tous les objets que l’on trouve dans le diocèse
actuel de X, toute la poterie par exemple, appartiennent
au peuple X et le caractérisent. Là on serait effectivement
dans un cercle vicieux et ce ne serait pas très intéressant.
Mais on peut en revanche essayer de fabriquer des
« patates » culturelles à partir de la distribution de
l’ensemble des données de la culture matérielle,
architecture, pratiques funéraires, typologie des objets,
etc, et voir si cela est cohérent ou non. On sait à la fois que
ces peuples existaient, que c’étaient des formations protoétatiques. Et on sait aussi par l’ethnologie qu’il n’y a pas
forcément coïncidence entre des entités politico-ethniques
et la culture matérielle. Donc c’est un champ de recherche
tout à fait intéressant. On a vu et on verra, par exemple,
que la Picardie est coupée en deux, entre l’Est et l’Ouest,
visiblement entre deux entités culturelles.
Stéphane Marion : Ce qui est un peu compliqué aussi,
je rebondis là-dessus parce que ça me saute à l’esprit, c’est
que en effet, on a, tout ce que l’on veut, des pratiques,
des typologies, des traits culturels, qui sont évidemment
répartis dans le temps et dans l’espace, mais qui n’ont pas
des aires de répartition toutes congruentes les unes des
autres. La fameuse vision politique des territoires marche
assez bien quand on compare deux zones relativement
éloignées, donc par exemple ce qu’a montré Luc Baray,
puisque je le vois là dans le fond de la salle, entre les
Sénons et la Picardie, là on a clairement des oppositions,
mais je vous montrerai demain que quand on va voir ce
qui se passe dans les zones qui sont justement entre ces
pôles éloignés, entre ces deux pôles, on a là des choses
plus mélangées et que les interprétations ne sont pas si
nettes. Donc, on a l’impression qu’il y a des répartitions
de phénomènes, de pratiques de tout ce que l’on veut,
mais que ça ne déinit pas forcément des entités ethniques,
politiques ou autres, homogènes.
141
RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer.
LEs MonUMEnts FUnéraIrEs En pICarDIE
aU sEConD âGE DU FEr
Frédéric GRANSAR & François MALRAIN
IntroDUCtIon
Le corpus des nécropoles, et des sépultures les
constituant, mobilisé dans le cadre du projet sur les
Gestuelles Funéraires au second âge du Fer en Picardie
et ses marges ne saurait être perçu comme exhaustif
(pinard & desenne 2006, 2007, 2008). Comme cela
a été mentionné dans l’introduction des actes de
la table-ronde, ce corpus résulte au contraire de
choix sélectifs rationnels pratiqués en intégrant
les ensembles les plus complets, sur les plans du
potentiel informatif, d’une part, et des études
spécialisées qui ont pu être réalisées, d’autre part
(pinard & desenne, ce volume).
Au sein des ensembles retenus pour l’étude
(74 nécropoles totalisant 687 tombes), 16 % des
cimetières sont dotés d’au moins une tombe
monumentale. Ces sépultures monumentales ne
représentent, en revanche, que 5 % des tombes (ig. 1).
La première information importante concernant les
monuments funéraires est donc leur rareté.
Les monuments ne sont pas répartis
uniformément dans l’espace et dans le temps. En
ce qui concerne la première variable, de nature
géographique, on enregistre leur surreprésentation
dans la partie orientale de notre zone d’étude, plus
particulièrement dans le département de l’Aisne,
qui en totalise un peu plus des deux tiers. Les
Nécropoles avec monument funéraire
16 %
contextes de découverte très différents déjà mis en
évidence lors du Bilan de l’archéologie picarde de 2005
(Malrain et al. 2005), entre travaux linéaires à l’ouest
et surveillance de grands décapages en carrière à
l’est, ne sont probablement pas étrangers à cette
situation, même si la variable chrono-culturelle
semble jouer un grand rôle.
Pour l’ensemble de notre zone d’étude, six
nécropoles ont livré un unique monument funéraire,
quatre en ont livré trois, une en a livré cinq et enin,
une seule nécropole en a livré quatorze. Cette dernière
est celle de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais"
dans l’Aisne, occupée entre La Tène C1 et La Tène D1
(poMMepuy et al. 2000 ; Gransar, ce volume).
TyPOLOGIE DES MONuMENTS
Nous avons procédé à une classiication
morphologique des monuments funéraires,
qui ont été subdivisés en deux catégories, celle
des monuments « simples », dont l’élaboration
repose sur une seule technique d’édiication ou
de creusement, et celle des monuments dits «
complexes », pour lesquels l’élaboration a fait appel
à plusieurs techniques associées.
Les monuments funéraires simples regroupent
les édiices à trous de poteau, au nombre de 4 ou de 8
dans notre corpus, et les enclos fossoyés, qu’ils soient
Sépultures avec monument funéraire
5%
n = 74
Nécropoles sans monument funéraire
84 %
n = 687
Sépultures sans monument funéraire
95 %
Fig. 1 - Proportions respectives des nécropoles et des sépultures monumentales.
Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer.
143
RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer.
Les monuments funéraires "simples"
- Les bâtiments à trous de poteau -
4 poteaux
8 poteaux
- Les enclos fossoyés -
Enclos circulaires
Enclos quadrangulaires
circulaires ou quadrangulaires (ig. 2). Il convient
toutefois de préciser qu’il existe des bâtiments
plus vastes dotés d’un nombre supérieur de trous
de poteau, à l’image de ceux fouillés par Bernard
Lambot dans les Ardennes (laMbot et al. 1994), par
exemple, mais que ceux-ci sont absents du corpus
picard. De même, cette classiication ne fait pas état
des éventuels réaménagements d’enclos fossoyés
sous la forme d’épisodes palissadés. quelques
enclos de notre documentation en ont livré, mais
ces derniers exemples restent marginaux.
Les monuments funéraires complexes associent
plusieurs éléments et techniques différents. On
peut mentionner l’association d’un enclos et d’un
bâtiment interne sur trous de poteau, l’association
d’un enclos et d’une entrée monumentale sur
poteaux, ou encore l’association « enclos fossoyé,
bâtiment interne et entrée monumentale ». Il
est évident que l’utilisation de plusieurs types
d’éléments, faisant appel à des techniques variées,
implique un temps de travail supérieur à celui
engendré par la réalisation de monuments « simples »
et que la monumentalité devait en être accentuée.
N
W
E
S
0
10 m
Les monuments funéraires "complexes"
- Enclos et bâtiment -
- Enclos et entrée monumentale -
- Enclos, bâtiment et entrée monumentale -
Fig. 2 – Classiication typologique des monuments
funéraires.
144
Fig. 3 – Photographie verticale de la tombe à char 114 de
Bucy-le-Long "La Héronnière" (cliché Y. GuiChard, UMR
7041 « Protohistoire européenne »).
RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer.
Fig. 4 – Reconstitution en image de synthèse de la tombe à char 114 de Bucy-le-Long "La Héronnière" (document S. thouvenot,
UMR 7041 « Protohistoire européenne »).
Certaines fosses sépulcrales ont été dotées
d’aménagements internes, de type « boisage »,
qui devaient participer à la monumentalité de
l’ensemble. C’est particulièrement vrai au début de la
séquence, avec l’exemple édiiant de la tombe à char
114 du cimetière de Bucy-le-Long "La Héronnière"
(ig. 3 et 4). Cependant, nous avons choisi de ne pas
intégrer ce critère à l’étude en raison des biais induits
par les divers degrés de lisibilité archéologique
des contextes sédimentaires de comblement des
structures. En d’autres termes, nous ignorons si les
aménagements des fosses étaient rares, ou si ils sont
archéologiquement peu lisibles.
Les monuments à trous de poteau mesurent
entre 3 m2 et 45,5 m2, avec une moyenne à 14 m2.
Leur distribution, jugée gaussienne, est relative à
une seule population statistique (ig. 5).
Les monuments à enclos, quant à eux, mesurent
entre 18 m2 et 103 m2, avec une moyenne à 93 m2.
Ils sont sécables en deux groupes surfaciques : celui
des petits et moyens enclos, très majoritaires, et
celui des grands à très grands enclos. Notre corpus a
livré un enclos fossoyé, celui de Maizy dans l’Aisne
(robert et al. 2008), atteignant 713 m2, ce qui en fait
une exception.
40
800
Maizy
700
35
600
30
500
25
400
20
300
15
200
10
100
0
Moyenne 93 m2
Moyenne 14 m2
5
0
Superficie des monuments enclos (m2)
Superficie des monuments sur poteaux (m2)
Fig. 5 – Distributions des surfaces des monuments à trous de poteau et des enclos fossoyés.
145
RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer.
16
Bâtiments à 4 poteaux
Surface (m2)
14
12
10
8
6
4
2
0
50
Habitat
Funéraire
Observations
Bâtiments à 8/9 poteaux
Surface (m2)
45
Fig. 8 – Photographie verticale du cercle fossoyé
entourant la tombe à char 150 de Bucy-le-Long "La Fosse
Tounise"(cliché Y. GuiChard, UMR 7041 « Protohistoire
européenne »).
40
35
30
25
20
15
Habitat
Funéraire
10
5
Observations
Fig. 6 – Distributions comparées des surfaces des
monuments funéraires et des monuments d’habitat entre
La Tène C1 et La Tène D1 (4 poteaux et 8/9 poteaux).
L’effectif important des édiices funéraires
sur poteaux de la nécropole de Bucy-le-Long "Le
Fond du Petit Marais" entre La Tène C1 et D1 nous
autorise à pratiquer une comparaison de leurs
dimensions avec celles des bâtiments du même type
livrés par des habitats contemporains du cimetière
(ig. 6). Ces bâtiments issus de la documentation
d’habitat sont généralement interprétés comme des
greniers. on compare donc des édiices funéraires
et domestiques à 4 poteaux (graphique du haut),
et des bâtiments funéraires à 8 poteaux et tombe
centrale avec des bâtiments domestiques à 9 poteaux
(graphique du bas). Les édiices à 4 poteaux, qu’ils
proviennent du domaine funéraire ou de celui de
l’habitat, présentent une remarquable homogénéité
dimensionnelle. Il s’agit statistiquement d’une
seule et même population. En revanche, on
enregistre deux populations distinctes avec grands
bâtiments funéraires à 8 poteaux et petits bâtiments
domestiques à 9 poteaux. Cette dernière observation
conirme la monumentalité ostentatoire des grands
bâtiments funéraires.
tYpo-CHronoLoGIE DEs MonUMEnts
Ces
premières
observations
morphodimensionnelles doivent être complétées en
introduisant à l’étude la variable chronologique
(ig. 7).
Sur la igure 7, tous les monuments sont présentés
à la même échelle, excepté l’enclos fossoyé de
Maizy, en gris au bas du graphique, qui est présenté
à l’échelle 1/2.
146
On enregistre d’abord une surreprésentation des
monuments dits simples par rapport aux monuments
dits complexes, ensuite une certaine faiblesse des
effectifs dans la première partie de la séquence
chronologique. Les monuments n’apparaissent,
au sein de notre corpus, qu’à la transition entre La
Tène A2 et B1. Il s’agit alors d’enclos circulaires
délimitant une tombe à char (ig. 8).
On enregistre ensuite le passage de la
morphologie circulaire à la morphologie
quadrangulaire à la transition entre La Tène B1
et B2, avec le remarquable monument hybride en
forme de bouchon de champagne provenant de
la nécropole de Bucy-le-Long "La Héronnière"
(poMMepuy et al. 2000 ; desenne et al., dir., à paraître).
On estime que la morphologie quadrangulaire
s’impose dans le courant de La Tène B2, avec
l’unique exemple provenant du site d’Orainville
(desenne et al. 2005). Enin, c’est à La Tène C1 que
l’on voit apparaître les édiices à trous de poteau,
ainsi que le type complexe associant enclos et
bâtiment interne. C’est toujours à La Tène C1 que
l’on enregistre pour la première fois dans notre
corpus des monuments dans le département de la
Somme, ceux des étapes précédentes étant issus
exclusivement du département de l’Aisne.
Les deux rituels funéraires, inhumation et
incinération, sont concernés par le phénomène
des tombes monumentales (ig. 9). L’inhumation
domine au début de la séquence et l’incinération est
exclusive à partir de La Tène C2. L’étape charnière
de La Tène C1 présente une forte hétérogénéité en
raison de l’apparition des premiers monuments en
Picardie occidentale, où le rituel est l’incinération,
alors que le rituel de l’inhumation est toujours
pratiqué en Picardie orientale (département de
l’Aisne).
RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer.
Monuments "simples"
Monuments "complexes"
La Tène A1
La Tène A2
La Tène B1
La Tène B2
La Tène C1
La Tène C2
La Tène D1
La Tène D2
Bâtiments sur poteaux
Enclos fossoyés
Fig. 7 – Typo-chronologie des monuments funéraires.
147
RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer.
Inhumation
Incinération
Monuments "simples"
Monuments "complexes"
La Tène A1
La Tène A2
La Tène B1
La Tène B2
La Tène C1
La Tène C2
La Tène D1
La Tène D2
Bâtiments sur poteaux
Fig. 9 - évolution du rituel funéraire dans les sépultures monumentales.
148
Enclos fossoyés
RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer.
La détermination sexuelle n’a été possible que
dans cinq tombes monumentales à inhumation. Il
n’est donc pas étonnant que cette détermination ne
concerne que des tombes du début de la séquence,
dans le département de l’Aisne. Parmi ces cinq
tombes monumentales, quatre sont féminines et
une seule masculine. On enregistre à La Tène A2/
B1 trois tombes à char féminines, à monument
simple ou complexe, et à La Tène C1 une tombe à
char masculine à monument complexe, sépulture
fondatrice de la grande nécropole de Bucy-le-Long
"Le Fond du Petit Marais".
Le recrutement funéraire apporte quelques
éléments de rélexion intéressants. Alors que les
rares sépultures monumentales du début de la
séquence ne concernent que des adultes, on voit
apparaître des tombes monumentales pour des
enfants et des immatures à partir de La Tène C1, y
compris des monuments dits « complexes » de haut
statut hiérarchique. Cette pratique tangible montre
une évidente transmission héréditaire du pouvoir à
partir de La Tène C1, ce qui ne signiie pas qu’elle
ne l’était pas antérieurement, mais en tout cas pas
perceptible sur le même mode.
restreint et sur une séquence chronologique assez
longue où la dichotomie culturelle entre Picardie
orientale et occidentale est assez marquée.
Si l’on envisage d’abord le nombre de céramiques
déposées, une certaine « logique hiérarchique » semble
respectée, car les tombes les plus monumentales
sont en général abondamment dotées (ig. 10). Mais
on remarque également que certaines tombes à
bâtiment peuvent être aussi abondamment pourvues
en poteries, notamment quelques petits édiices à 4
poteaux, à partir de La Tène C1. L’absence de forte
corrélation entre les niveaux hiérarchiques potentiels
des monuments funéraires et le degré de richesse en
nombre de récipients déposés dans les tombes mérite
d’être soulignée.
L’introduction à l’étude de variables qualitatives
et quantitatives concernant les assemblages
mobiliers déposés dans les tombes monumentales
permet d’enrichir notre perception hiérarchique
du phénomène. Gardons cependant en mémoire
que nous travaillons sur un corpus volontairement
Les éléments constitutifs des trousseaux (rasoir,
scalpel, pince à épiler, scalptorium et forces) sont
globalement peu représentés (ig. 12). Quand ils
le sont, ils peuvent provenir de tombes à char, de
sépultures à grands enclos ou à petits bâtiments à 4
poteaux, comme de tombes simples.
Nombre de poteries
MonUMEnts Et DépÔts
Le raisonnement peut être étendu à d’autres
catégories de mobilier. Si l’on considère
maintenant le nombre de ibules déposées dans les
tombes (ig. 11), en essayant de lisser la variable
chronologique par une lecture préférentiellement
horizontale du graphique, on constate une fois de
plus l’absence de corrélation forte entre niveau
hiérarchique monumental potentiel et degré de
richesse ou d’abondance de cette catégorie de
parure.
25
24
23
22
21
20
19
18
17
16
15
14
13
12
11
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
La Tène A2
La Tène B1
La Tène B2
La Tène C1
La Tène C2
La Tène D1
La Tène D2
Fig. 10 - Variation des effectifs de céramiques déposées dans les sépultures monumentales (lecture des effectifs au niveau
de la tombe centrale).
149
RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer.
1
2
3
4
5
Bronze
Fibules
Fer
Monuments "simples"
Monuments "complexes"
La Tène A1
La Tène A2
La Tène B1
La Tène B2
La Tène C1
La Tène C2
La Tène D1
La Tène D2
Bâtiments sur poteaux
Enclos fossoyés
Fig. 11 - Effectifs des ibules retrouvées dans les sépultures monumentales (effectifs par matériau non cumulés).
150
RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer.
1
Trousseaux
2
3
(rasoir, scalpel, pince à épiler, scalptorium, forces)
Monuments "simples"
Monuments "complexes"
La Tène A1
La Tène A2
La Tène B1
La Tène B2
La Tène C1
La Tène C2
La Tène D1
La Tène D2
Bâtiments sur poteaux
Enclos fossoyés
Fig. 12 – Effectifs des éléments constitutifs des trousseaux dans les sépultures monumentales.
151
RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer.
1
Dépôt d'offrandes animales
2
3
4
(niveaux de richesse et de complexité élaborés par G. Auxiette)
Monuments "simples"
Monuments "complexes"
La Tène A1
La Tène A2
La Tène B1
La Tène B2
La Tène C1
La Tène C2
La Tène D1
La Tène D2
Bâtiments sur poteaux
Enclos fossoyés
Evocation du banquet
(cuillère, fourchette, gril, landier, crémaillère)
152
Fig. 13 - Degrés de richesse des dépôts alimentaires animaux et évocation du banquet dans les sépultures monumentales.
RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer.
Des seaux et bassins en tôle de bronze, qui ne
concernent que la seconde moitié de la séquence
chronologique, ont été déposés dans 4 tombes à
petits bâtiments à 4 poteaux, ainsi que dans une tombe
à grand bâtiment à 8 poteaux. Ils sont totalement
absents dans les sépultures contemporaines à grand
enclos et à monument complexe.
De même, la présence de couteaux,
généralement associés aux offrandes animales,
n’est pas directement corrélée au statut potentiel
des différents types de monuments. En revanche, il
convient de préciser que les couteaux sont présents
dans les tombes simples à hauteur de 7 % de
l’effectif, alors que 27 % des tombes monumentales
en contiennent au moins un.
Les offrandes animales déposées dans les
sépultures ont fait l’objet d’une étude détaillée par
Ginette Auxiette, qui a déterminé quatre niveaux
de richesse (le niveau 4 étant le plus élevé) sur la
base d’arguments qualitatifs (parties anatomiques,
associations d’espèces) et quantitatifs (poids de
viande) pour l’ensemble des tombes mobilisables
(ig. 13). on constate d’abord que les deux niveaux
de richesse inférieurs sont absents du corpus des
tombes monumentales et ne concernent que les
sépultures simples. une fois de plus, la logique
hiérarchique ne semble pas pleinement respectée
puisqu’on enregistre des dépôts de niveau 4 (le
plus élevé) dans des tombes à petits édiices à 4
poteaux, au moins à La Tène C1 et D1, alors que
les monuments les plus vastes et les plus complexes
qui leur sont respectivement contemporains sont
dotés de dépôts de niveau 3.
Le mobilier évoquant le banquet (cuillère,
fourchette, gril, landier, crémaillère) est très
peu représenté (ig. 13). En dépit de ces effectifs
restreints, la présence de ce type de mobilier dans
une tombe à char, dans la tombe de l’enclos le plus
vaste du corpus et dans trois sépultures à petits
édiices à 4 poteaux, à l’exclusion des sépultures
dotées des monuments les plus complexes, mérite
d’être soulignée.
HIérarCHIE DEs MonUMEnts
Au terme de ce tour d’horizon des sépultures
monumentales, il nous semble indispensable d’en
présenter un essai de gradation hiérarchique. Cette
tentative repose principalement sur une appréciation
empirique du degré d’effort, en temps et énergie de
travail, ainsi que de l’investissement en matériaux
architecturaux, concédés pour la réalisation des
monuments, à laquelle s’ajoute un certain nombre
de critères mobiliers parmi ceux que nous venons
de présenter (ig. 14).
à un niveau hiérarchique légèrement supérieur
à celui des tombes simples, on trouve à partir de La
Tène B2/C1 les petits enclos fossoyés (rang 6), puis les
petits bâtiments et les grands enclos fossoyés (rang
5), ensuite les grands bâtiments et les très grands
enclos fossoyés (rang 4). Il est important de préciser
que ces trois rangs hiérarchiques de monuments
sont inexistants à La Tène A1, A2 et B1 dans notre
corpus. Viennent ensuite le rang 3 des monuments
complexes, puis les deux rangs supérieurs des
tombes à char. La distinction des rangs 1 et 2
repose sur la « simplicité » ou la « complexité » des
monuments. Etant donnés les effectifs très faibles,
nous ignorons si cette distinction sur les tombes à
char traduit une réalité hiérarchique interne ou une
évolution chronologique.
Il est en revanche indéniable que la gradation
hiérarchique présumée des sépultures à monument
n’est pas directement corrélée au nombre d’objets
déposés dans les tombes, mais peut-être davantage
à la qualité de certains d’entre eux. Dans les
tombes à char de la nécropole de La Tène ancienne
de Bucy-le-Long "La Héronnière" par exemple,
une bague et deux boucles d’oreilles en or valent
peut-être beaucoup plus qu’un torque, des ibules
et des bracelets en bronze à cabochon de corail,
accompagnés d’anneaux et de perles en verre,
pâte de verre et ambre. Cette question soulève le
problème de l’appréciation de la valeur des dépôts.
ConCLUsIon
Au sein des espaces funéraires, les tombes
monumentales ont généré une structuration spatiale
dynamique de dimension sociétale. Le passage
de la structuration à « emplacement réservé »
pour les tombes à char de La Tène ancienne à la
structuration à « agrégation » est datable de La
Tène C1. Les sépultures monumentales montrent
à partir de ce moment une gradation hiérarchique
plus prononcée, une plus forte diversité morphodimensionnelle, ainsi qu’une fréquence plus
importante. Les cimetières sont alors fondés par
une imposante tombe monumentale, qui polarise à
la fois des monuments plus petits et les sépultures
simples (ig. 15). Cette gradation hiérarchique devait
être visible de l’ensemble de la population.
Comme cela a été mentionné, on aurait pu
s’attendre à une forte corrélation entre rang
hiérarchique des monuments et degré de richesse
des dépôts dans les fosses sépulcrales. Or, la
corrélation est plutôt faible, ce qui implique peutêtre une imbrication incomplète des sphères de
la société, du groupe restreint, de la famille et de
l’individu, certains hauts niveaux de richesse
de mobilier dans des tombes monumentales de
statut inférieur pouvant résulter d’une forme de
« mesure compensatoire ». Autrement dit, si l’on
a le monument que l’on mérite, en fonction de son
statut social, il pourrait avoir existé une forme de
compensation d’ordre familial, par exemple, en
terme de richesse déposée, et par la suite cachée,
lors de la fermeture de la tombe.
153
RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer.
Tombes à char à
monument complexe
1
Tombes à char à monument simple
2
Tombes à monument
complexe
Rang hiérarchique
3
Tombes à grand bâtiment
et à très grand enclos
4
Aménagements
Tombes à
petit bâtiment
et à
grand enclos
inexistants
5
à La Tène
A2 et B1
6
Tombes à petit enclos
Sépultures simples (sans monument)
La Tène
A2
La Tène
B1
La Tène
B2
La Tène
C1
La Tène
C2
La Tène
D1
La Tène
D2
Fig. 14 - Proposition de gradation hiérarchique des sépultures monumentales en fonction de leurs caractéristiques morphodimensionnelles et de la « richesse » des dépôts (distinction entre les tombes à char de niveaux 1 et 2 incertaines).
154
RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer.
Fig. 15 - Photographie illustrant l’agrégation des tombes simples et des sépultures monumentales de rang inférieur à la
tombe à char monumentale fondatrice du cimetière. Exemple provenant de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais" à La
Tène C1 (cliché Y. GuiChard, UMR 7041 « Protohistoire européenne »).
BIBLIoGrapHIE
DESENNE Sophie, COLLART Jean-Luc, AuXIETTE
Ginette, MARTIN Gérard & RAPIN André, avec la
collaboration de DuVETTE Laurent (2005) - « La
nécropole d’Orainville "La Croyère" (Aisne). un ensemble
attribuable au Aisne-Marne IV », Revue Archéologique de
Picardie n° spécial 22, Hommages à Claudine Pommepuy,
p. 233-287.
DESENNE Sophie, DEMOuLE Jean-Paul & POMMEPuy
Claudine (dir.), à paraître - « La nécropole de La Tène
ancienne de Bucy-le-Long "La Héronnière, La Fosse
Tounise" (Aisne) », Revue Archéologique de Picardie.
LAMBOT Bernard, FRIBOuLET Muriel & MéNIEL
Patrice (1994) - « Le site protohistorique d’Acy-Romance
(Ardennes) – II, Les Nécropoles dans leur contexte régional
(Thugny-Trugny et tombes aristocratiques) 1986-19881989 ». Mémoire de la Société Archéologique Champenoise-8,
supplément au bulletin N 2, Châlons-sur-Marne, 315p.
MALRAIN François, GAuDEFROy Stéphane &
GRANSAR Frédéric (2005) - « La Protohistoire récente :
IIIe siècle - 1ère moitié du Ier siècle avant notre ère ». La
recherche archéologique en Picardie : bilans et perspectives.
Journées d’études tenues à Amiens les 21 et 22 mars 2005.
Revue Archéologique de Picardie n° 3/4, p. 127-167.
PINARD Estelle, DESENNE Sophie, dir. (2006) - Rapport
INRAP 2006 sur le projet Les gestuelles funéraires au second
âge du Fer en Picardie et ses marges.
PINARD Estelle & DESENNE Sophie, dir., (2007) Rapport INRAP 2007 sur le projet Les gestuelles funéraires
au second âge du Fer en Picardie et ses marges.
PINARD Estelle & DESENNE Sophie, dir., (2008) Rapport INRAP 2008 sur le projet Les gestuelles funéraires
au second âge du Fer en Picardie et ses marges.
POMMEPuy Claudine, AuXIETTE Ginette, DESENNE
Sophie, GRANSAR Frédéric & HENON Bénédicte (2000)
- « Des enclos de l’âge du Fer dans la vallée de
l’Aisne : le monde des vivants et le monde des morts ».
Revue Archéologique de Picardie n° 1/2, p. 197-217.
ROBERT Bruno, PINARD Estelle, AuXIETTE Ginette,
GRANSAR Marc & HENON Bénédicte (2008) - « une
sépulture aristocratique de La Tène D1 à Maizy (Aisne) ».
Revue Archéologique de Picardie, n° 3/4, p. 23-61.
155
RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer.
Les auteurs
Frédéric GRANSAR, INRAP Nord-Picardie, UMR 7041 « Protohistoire européenne »
Centre archéologique, Abbaye Saint-Jean-des-Vignes, F - 02200 Soissons.
frederic.gransar@inrap.fr
François MALRAIN, INRAP Nord-Picardie, UMR 7041 « Protohistoire européenne »
Centre archéologique, Parc d’Activités, avenue du Parc, F - 60400 Passel.
francois.malrain@inrap.fr
résumé
à partir d’un corpus de 687 sépultures élaboré dans le cadre d’un projet scientiique de l’INRAP sur Les
gestuelles funéraires au second âge du Fer en Picardie et ses marges les auteurs tentent de mettre en évidence une
hiérarchie interne des tombes monumentales, ces dernières ne représentant que 5 % de l’effectif. La typologie
des monuments, leur évolution chronologique et le croisement avec les données de la culture matérielle font
partie des critères mobilisés pour explorer cet axe de recherche.
Mots clés : second âge du Fer, Picardie, monuments funéraires, hiérarchie.
abstract
From a corpus of 687 graves drawn up as part of an INRAP research programme concerning La Tène burial
rites in Picardy and its surroundings [ Les gestuelles funéraires au second âge du Fer en Picardie et ses marges],
the authors aim to distinguish a possible hierarchy among the monumental burials, which total no more than
5% of the whole. The typology of these monuments, their chronological evolution and the comparison with the
data of the material culture represent some of the criteria applied in this line of investigation.
Key words : La Tène, Picardy, monumental tombs, hierarchy.
Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX.
Zusammenfassung
Im Rahmen eines Les gestuelles funéraires au second âge du Fer en Picardie et ses marges (Die Bestattungsrituale
in der jüngeren Eisenzeit in der Picardie und den angrenzenden Gebieten) betitelten Forschungsprojektes
des INRAP wurde ein Corpus von 687 Gräbern erarbeitet. Anhand des Corpus’ versuchen die Autoren eine
interne Hierarchie der monumentalen Grabbauten aufzuzeigen, wobei letztere nur 5 % des Gesamtbestandes
ausmachen. Die Typologie der Bauwerke, ihre Entwicklung und die Kreuzung der Informationen mit den
Ergebnissen der untersuchungen des Mobiliars gehörten zu den Kriterien, die ausgewählt wurden, um näher
auf die Bestattungsrituale einzugehen.
Schlüsselwörter : jüngere Eisenzeit, Picardie, Grabmonumente, Hierarchie.
Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr).
156
RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional.
LEs CHaMBrEs FUnéraIrEs Et LEs aMénaGEMEnts DE
sUrFaCE DEs toMBEs DE vILLErs-BoCaGE (soMME)
Dans LEUr ContEXtE réGIonaL
Lydie BLONDIAu & Nathalie BuCHEZ
présEntatIon GénéraLE DEs EnsEMBLEs
FUnéraIrEs
Le site de Villers-Bocage "ZAC de la Montignette"
est localisé à une dizaine de kilomètres au nord
d’Amiens et de la vallée de la Somme (ig. 1), sur un
plateau limoneux mollement ondulé.
Sur le secteur étudié, l’occupation de La Tène se
matérialise par plusieurs réseaux de fossés émanant
d’établissements localisés en dehors de l’emprise de
PAS-DE-CALAIS
N
ABBEVILLE
DOULLENS
Villers-Bocage
SOMME
NORD
ALBERT
AMIENS
AISNE
la ZAC, sans doute au nord de celle-ci (ig. 2). Les
fenêtres ouvertes sur ces réseaux ne permettent, ni
d’en percevoir l’organisation, ni d’en restituer la
chronologie. Trois espaces funéraires, dont l’un au
moins apparaît établi sur une parcelle qui lui est
propre, ont successivement été utilisés de La Tène
B2 à La Tène D. Ils sont distants de 50 m à 150 m les
uns des autres.
L’un de ces espaces, le plus récent (La Tène D),
ne comprend qu’une seule tombe mais le décapage
n’a pas été aussi extensif dans ce secteur que dans
les deux autres (ig. 7).
Le cimetière le plus ancien, datant de La Tène
B2-C1 (1) et situé à l’extrémité est de l’emprise
sondée, pourrait avoir été délimité par des fossés
curvilignes au sud et au sud-est créant une entrée en
chicane (ig. 3). Toutefois, rien ne permet d’attester
d’une contemporanéité entre tombes et fossés. Dans
une telle hypothèse, l’entrée serait rapidement
investie par des sépultures.
ROYE
SEINE-MARITIME
MONTDIDIER
OISE
0
Fig. 1 - Localisation géographique.
20 km
1 - Ou datant essentiellement de cette période. Dans
l’attente d’une étude complète du mobilier métallique,
soulignons qu’une structure a livré un rasoir qui pourrait
être plus récent.
N
secteur 3
secteur 1
0
100 m
Fig. 2 - localisation des espaces funéraires.
Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional (Rachid KaddèChe et Eric mariette).
157
RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional.
N
9
7
0
50 m
Fig. 3 - Plan des tombes de La Tène B2-C1 du secteur 1
Cet ensemble comporte 14 structures funéraires.
Deux tombes présentent un caractère monumental.
L’une d’elles livre, en outre, des indices architecturaux
autorisant une reconstitution de sa chambre funéraire.
Le cimetière de La Tène C2 localisé vers l’ouest
est, quant à lui, clairement cerné de fossés. Il
est constitué de 4 tombes et de plusieurs fosses
renfermant des rejets de combustion. Deux grandes
tombes gardent le témoignage d’une architecture
interne élaborée.
LEs toMBEs DE La tènE B2-C1
La tombe 9 est entourée d’une structure
fossoyée longiligne (ig. 4). L’hypothèse d’une
tombe fondatrice est plausible. Le dépôt céramique,
à situer à la in de La Tène B2 (-300/-250) d’après
la périodisation établie pour la région d’Amiens
(buChez 2009), apparaît en effet comme l’un des
plus anciens du cimetière.
N
1
NO
1
coupe 1
SE
1
6
5
4
1
2
amas osseux
3
Coupe 1
Coupe 2
SO
coupe 2
NE
1
1
1. Limon argileux gris.
1
Fig. 4 - La tombe 9.
158
1
1
Plan
0
5m
Coupes
0
2,5 m
RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional.
La structure fossoyée est disposée à 2,20 m des
parois de la tombe. Son tracé général est globalement
quadrangulaire (7,10 m sur 6,20 m), avec des angles
très arrondis. Les angles, comme ceux de la fosse
sépulcrale, sont orientés par rapport aux points
cardinaux. La largeur du creusement oscille entre
0,22 m et 0,30 m pour une profondeur maximale de
0,20 m sous la semelle de labours. Le fond est en
cuvette et les parois sont obliques à sub-verticales.
Cette structure fossoyée s’interrompt au centre de
son petit côté sud-est, sur 1,40 m.
dans le remplissage de la tranchée pourraient
témoigner de la présence, à l’origine, d’éléments
constituant une palissade ou une paroi. Dans
le cas du tracé courbe de la structure de VillersBocage, c’est sans doute l’hypothèse du fossé qu’il
faut retenir, à moins d’envisager une palissade de
poteaux jointifs.
La fosse sépulcrale quadrangulaire, de 2,20 m sur
1,94 m, est conservée sur 0,25 m de profondeur sous
la semelle de labours. Les parois sont globalement
verticales. Le fond est plan. Le comblement se
compose de limon argileux gris homogène. Le dépôt
est constitué de 6 vases et d’un objet en fer (2).
Elle est entourée de 4 poteaux externes situés
aux angles et distants de 3,60 m d’axe en axe (ig. 5),
en rapport avec un aménagement monumental de
surface. D’un diamètre de 0,60 m, ces creusements
sont profonds de 0,20 à 0,30 m. Les comblements
sont homogènes et constitués de limon brun, sauf
dans un cas, où un double remplissage signale
l’emplacement du poteau ou un recreusement.
Les formes hautes, qui occupent l’angle sudest de la tombe, ont basculé alors que la fosse était
partiellement colmatée, ce qui plaide en faveur de
l’existence d’un système de couverture et de son
effondrement postérieurement à une phase de
sédimentation par iniltration au travers de cette
couverture. Les quelques centimètres de sédiment
plus sombre retrouvés sous la base des vases
restés en place supposent par ailleurs l’existence
d’un plancher ou, tout au moins, d’un matériau
périssable disposé sur le fond de fosse. Les vases
les plus proches des parois sont situés à 3 cm de
distance de celles-ci malgré la pression qui s’est
exercée latéralement dans un cas (cf. ig. 4, vase 6),
ce qui rend l’hypothèse d’un coffrage plausible.
Il s’agit toutefois là du seul indice, indirect, allant
dans ce sens.
Les découvertes récentes de tombes entourées
de structures fossoyées continues concernent les
sites de Méaulte "plate-forme industrielle", site 4
(3) et de Salouel "Hôpital Sud" (buChez 2008). Parmi
les sites anciennement fouillés, on retiendra celui
d’Allonville, proche d’Amiens (ferdière et al. 1973),
et celui de Tartigny, géographiquement plus éloigné
(nord de l’Oise, en limite sud de la Somme, Massy
et al. 1986).
L’interprétation la plus communément admise
est celle d’un simple fossé de délimitation ou enclos,
voire d’une palissade, mais dans une partie des cas
au moins, caractérisés par des côtés relativement
rectilignes, il peut aussi s’agir de tranchées de
fondation pouvant servir à l’implantation d’une
superstructure sur sablière. En l’occurrence, des
traces de sablière ont été relevées à Méaulte. à
Salouel, des effets linéaires et verticaux perceptibles
2 - Détermination en cours.
3 - Rapport en cours.
La tombe 7 de Villers-Bocage est éventuellement
postérieure, mais de peu, à la tombe 9. Son mobilier
se compose de 5 vases.
En outre, 4 trous de poteau internes occupent
les angles de la fosse, quadrangulaire, qui mesure
2,50 m de côté. Moins larges que les trous de poteau
externes, avec un diamètre de 0,20 à 0,35 m, et d’une
profondeur de 0,20 m, ces creusements présentent
un proil variable et un comblement de limon gris
homogène.
La fosse sépulcrale est conservée sur une
profondeur de 0,70 m sous la semelle de labours.
Les parois sont légèrement obliques et le fond est
plan, mais assez irrégulier.
Sur le fond de la fosse, du côté est, l’empreinte
d’un aménagement est encore visible. Il a été observé
sur une longueur de 1,80 m contre la paroi entre les
deux poteaux d’angle. Sa largeur est de 16 cm pour
une profondeur de 5 cm. Le proil est à fond plat et
à bords verticaux. On observe aussi, toujours sur le
fond de fosse, deux creusements circulaires situés
parallèlement à la trace longiligne et juste en avant
de celle-ci. Ils prennent la forme de petites cuvettes
à fond plat, larges de 20 cm et profondes, au mieux,
de 10 cm.
Le comblement de la fosse sépulcrale se caractérise
par des couches de limon gris chargées en poches et
nodules blanchâtres hydromorphes (4). En certains
points de la fosse, on remarque, à la base de la paroi,
la présence de masses de sédiment limoneux orangé
proches du terrain naturel interprétées, dans un
premier temps, comme des effondrements contenus
contre cette paroi par un système de coffrage (ig. 5,
coupe 2, couche 4 et coupe 1, couche 5).
4 - Description liminaire, dans l’attente de l’exploitation
de la colonne de sédiment prélevée en vue d’une étude
micro-morphologique.
159
RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional.
coupe 1
O
coupe 2
SO
E
NE
1
2
5
1
2
3
2
4
6
3
7
11
10
9
8
N
O
E
Tp 4
Tp 1
O
Tp 4
E
Tp 1
7
coupe 1
5
4
3
2
E
O
Tp 5
E
1
Tp 2
Tp 5
O
Tp 2
coupe 2
8
8
1. Limon gris foncé mêlé à du charbon de bois, à des fragments de silex et à des poches de limon blanchâtre hydromorphe.
2. Limon beige orangé mêlé à du limon gris.
3. Limon gris mêlé à 50% de petites poches blanchâtres hydromorphes, à des fragments de silex et à du charbon de bois.
4 et 5. Limon brun orangé.
6. Limon gris mêlé à 50% de petites poches blanchâtres hydromorphes, à des poches de limon orangé (30%), à des fragments de silex et à du charbon de bois.
7. Limon orangé rapporté (aménagement).
8. Limon gris homogène.
9. Limon argileux orangé.
10. Limon argileux orangé hydromorphe mêlé à des taches noirâtres.
Plan, coupes
11. Limon argileux gris blanchâtre hydromorphe, avec un liseré d’oxydation sur le fond.
0
Trou de poteau interne : limon gris clair mêlé à du charbon de bois.
2,5 m
Fig. 5 - La tombe 7.
Le mobilier se compose de 4 formes hautes et
d’une forme basse (ig. 6). Trois des formes hautes
n’ont pas été retrouvées en position verticale.
L’une d’elle, munie d’un pied, s’est effondrée
alors qu’elle était vide de tout contenu solide sur
la forme basse, quant à elle partiellement remplie
de sédiment. Deux autres formes hautes se sont
renversées alors qu’elles étaient partiellement
colmatées et ont alors subi une forte pression
verticale. Seule la plus grande et la plus trapue des
formes hautes est demeurée verticale et ne présente
aucune déformation importante. L’ensemble de ces
160
déplacements peut s’expliquer par la détérioration
d’un dispositif protégeant la chambre sépulcrale et
son effondrement postérieurement à une première
phase de remplissage par iniltration.
On est tenté de considérer les poteaux internes
comme des éléments constitutifs de l’architecture
de la chambre funéraire servant au maintien de la
couverture selon un système comparable à celui
mis en évidence dans les tombes plus récentes elles sont datées du second quart du premier siècle
avant J.-C. - de Vieux-les-Asfeld (Ardennes, tombe 3,
RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional.
3
1
5
4
2
S. Lancelot, Inrap
0
10 cm
Fig. 6 - Mobilier de la tombe 7.
laMbot et al. 1994) et de Clémency (Luxembourg,
Metzler et al. 1991). La reconstitution alors proposée,
avec sablières basses et hautes (laMbot et al. 1994,
p. 215), s’appuie sur les données issues du site de
Clémency où les pièces de bois du coffrage étaient
bien conservées.
L’empreinte longiligne observée à Villers-Bocage,
le long de la paroi, d’un côté, peut être interprétée
comme la trace laissée au sol par une sablière basse
disposée entre les poteaux d’angle et qui se serait
légèrement enfoncée dans le limon par pression.
Dans l’hypothèse d’un planchéiage surmontant ces
sablières, son mode d’assemblage n’est pas déini.
Soulignons simplement qu’il serait alors dépourvu
d’élément métallique (clou, crampon). Toutefois,
certains des dépôts de limon orangé observés à la
base des parois - les plus massifs (ig. 5, coupe 2,
couche 4) - s’expliquent mal dans la coniguration
d’un parement boisé, à moins de supposer que celuici n’était que partiel (présent seulement du côté est ?)
ou était placé en avant du dispositif de poteaux et
sablières, ce qui est incompatible avec la position de
l’un des vases. Peut-être ce limon représente t-il le
parement lui-même constitué de torchis plutôt que
de planches ?
à Vieux-les-Asfeld, comme à Clémency, où
les chambres funéraires sont de dimensions plus
imposantes (respectivement 3,40 m x 3,10 m et 4,30
x 4,20 m), 4 poteaux médians s’ajoutent aux poteaux
d’angle, ce qui n’est pas le cas à Villers-Bocage. En
revanche, les deux petits creusements circulaires
répertoriés à Villers-Bocage en avant de la sablière
basse ne sont pas sans rappeler l’installation du
même type relevée dans la tombe 3 de Vieux-lesAsfeld et interprétée sur ce site comme un autel,
une table d’exposition ou des éléments symbolisant
l’architecture intérieure d’une maison.
un autre aménagement prend place au centre
la chambre funéraire à Villers-Bocage. Constitué
de limon identique au sédiment encaissant, il se
présente sous la forme d’un plaquage carré de 0,50 m
de côté reposant sur le sol de la fosse. L’épaisseur
de ce placage est de quelques centimètres, excepté
au nord où l’on observe un bourrelet continu, épais
d’environ 10 cm. Cette structure est recouverte d’une
masse de « charbon de bois ». Des aménagements,
de même dimension et de même morphologie, avec
dans tous les cas une partie plane et un bourrelet sur
l’un des côtés, ont été mis en évidence dans plusieurs
tombes de la même période (LTB2-LTC1) récemment
fouillées dans l’Amiénois à Salouel "Hôpital Sud" et
161
RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional.
N
8
7
0
50 m
Fig. 7 - Localisation des tombes de La Tène C2 (secteur 3) et de La Tène D (structure isolée).
Boves "Foret de Boves" 1, (buChez 2008 et note 5).
Il est tentant d’interpréter ces structures, là encore,
comme des autels, ou d’y voir, étant donné leur
situation centrale dans la tombe, une représentation
du foyer qui préigureraient les exemples de La
Tène C2-D1 dans lesquels chaudron et landiers sont
placés au centre de la fosse (cf. infra).
Ces agencements du fond de fosse sont, quoi
qu’il en soit, incompatibles avec un plancher. De
fait, dans tous les cas, la base des vases reposent
directement sur le sol de la fosse (absence de niveau
sédimentaire intermédiaire).
LEs toMBEs DE La tènE C2
Les tombes 7 et 8 du secteur oriental sont plus
récentes comme l’indique leur mobilier marqué par
la présence des formes basses moulurées (ig. 8) qui
semble caractériser le faciès de La Tène C2 (-200/-150)
de la région d’Amiens.
162
5 - En outre, on peut envisager que les « structures
argileuses » anciennement découvertes sur le site de
Tartigny, et notamment dans la tombe 3 qui se distingue
par la présence de mobilier métallique (bassin en bronze
et seau orné), sont des aménagements du même type
(Massy et al. 1986).
La tombe 7 est une fosse quadrangulaire de 1,88 m
sur 1,50 m, conservée sur 0,70 m de profondeur
sous le niveau de décapage (6). Les parois sont
globalement verticales. Le fond est plan. Le
comblement, homogène à l’œil nu, est constitué de
limon argileux brun mêlé à 50 % de limon orangé.
Le dépôt comprend 6 vases (ig. 9), un chaudron
en alliage cuivreux, deux landiers et une crémaillère.
une petite masse de charbon de bois (longue
de 18 cm, large de 14 cm et épaisse de quelques
millimètres), a été retrouvée entre le chaudron, la
crémaillère et les chenets.
Tous les vases ont subi une pression verticale et
se sont tassés sur eux-mêmes tout en restant bien en
place. Des fragments de vase ont chutés ; ils reposent
non pas sur le fond de la fosse mais sur une dizaine
de centimètres de sédiment : ils sont arrivés là alors
que l’espace était partiellement comblé, ce qui
suppose l’existence d’un système de couverture et un
colmatage lent par iniltration. Le tassement des vases
est habituellement mis en relation avec la pression
6 - Dans ce secteur, un horizon grisâtre de 0,40 m à
0,50 m se place entre le labour et le BT franc, gênant
considérablement la lecture des structures.
RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional.
coupe 1
N
amas
osseux
métal
coupe 2
6
7
5
1
4
2
3
négatif de la planche
1. Limon argileux gris.
coupe 1
1
coupe 2
1
0
1m
Fig. 8 - La structure 7.
163
RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional.
4
6
5
3
2
1
0 S. Lancelot, Inrap 10 cm
Fig. 9 - Mobilier de la tombe 7.
exercée par l’effondrement de cette couverture (cf.
supra). Toutefois, on relève alors généralement une
succession de couches plus ou moins en pendage
vers le centre de la structure devenue un espace
en creux, ce qui n’est pas le cas ici. Le comblement
parait résulter sur toute la hauteur, assez importante,
d’une même phase de colmatage lent par iniltration
(issues des déblais du creusement constituant un
tertre surmontant la fosse ?).
164
La question de la présence de matériaux
périssables sur le sol de la chambre funéraire se
pose : un centimètre de sédiment plus brun sépare
la base des vases du fond de la fosse.
se détachant plus nettement alors du sédiment qui
comble cette dernière. L’hypothèse d’un coffrage
massif constitué de planches épaisses empilées
horizontalement ou disposées verticalement est
la plus plausible. Au vu de la largeur du négatif,
cette hypothèse prévaut sur celle d’un dispositif
sur sablière basse. Ponctuellement, le négatif est
plus large sur 10 à 20 cm de long, ce qui plaide en
faveur de l’existence d’un système de blocage devant
des planches empilées. Dans l’hypothèse d’une
organisation verticale des planches - alors maintenue
en place en force contre la paroi par le système de
couverture ? - ces excroissances représenteraient des
planches plus épaisses que les autres.
Au sol, on observe par ailleurs une tranchée
périphérique sur tout le pourtour de la fosse, large
en moyenne de 20 cm (ig. 8). Le proil de cette rigole,
à fond plat et vertical dans sa partie basse sur 8 cm,
conduit à restituer une planche épaisse de 6-8 cm
reposant au fond d’une tranchée de fondation plus
large (20 cm). un négatif de 6-8 cm de large est visible
sur deux côtés de la tombe. Bien que probablement
présent sur toute ou partie de la hauteur de la fosse,
il n’a cependant pu être distingué qu’à partir du
niveau d’apparition de la tranchée de fondation,
Des aménagements similaires de rigoles
périphériques ont été découverts à Vieux-les-Asfeld
(laMbot et al. 1994, ig. 105, 127). Dans ce cas, l’existence
de poteaux d’angle est supposée, le dispositif avec
tranchée périphérique étant donc considéré comme
une variante de celui où les sablières basses sont
disposées en surface du sol de la fosse (cf. supra,
tombe 7 du secteur ouest). Aucun indice en faveur de
cette proposition n’a pu être relevé à Villers-Bocage
et c’est sans doute l’hypothèse d’un autre mode de
construction qu’il faut retenir.
RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional.
La tombe 8 se présente sous la forme d’une fosse
quadrangulaire de 1,80 m sur 1,62 m conservée sur
0,48 m de profondeur sous le niveau de décapage.
Les parois sont obliques. Le fond est plan. Le
comblement est, là aussi, unique et homogène : il
est constitué de limon argileux brun mêlé à 30 % de
poches de limon orangé.
Le dépôt comprend 5 vases et un unique landier.
L‘un des vases se résume à un fond déposé en
l’état et retrouvé éclaté sur le sol de la tombe. Les
vases complets ont également subi une pression
verticale entraînant, dans deux cas, leur éclatement.
L’hypothèse de l’effondrement d’un système de
couverture est probante malgré l’aspect homogène
du comblement.
Les vases reposent sur un ou deux centimètres de
limon plus foncé, témoignant de la décomposition
d’un probable plancher.
Comme dans le cas de la tombe 7, on distingue,
sur le pourtour de la fosse, une rigole large de 20 cm
en moyenne. Le proil du creusement est à fond plat,
vertical, et profond au maximum de 20 cm. Cette
largeur ne dépasse guère 10 cm de large sur certains
tronçons (côté nord), ce qui conduit à restituer, comme
dans la tombe 7, une paroi de planches épaisses.
Les découvertes de Villers-Bocage documentent
des modes de construction qui n’ont pas été
répertoriés ailleurs dans la Somme, si ce n’est à
Bouchon "Le Rideau Miquet" où l’une des tombes
de La Tène C2 comporte 4 poteaux internes de 0,20 m
à 0,35 m de diamètre (st. 15, baray 1997, baray dir.
1998). Ces trous de poteau sont, à Bouchon comme
à Villers-Bocage, d’un diamètre moins important
que ceux disposés à l’extérieur des mêmes tombes
(Villers-Bocage) ou non (Bouchon, respectivement
st. 1 et 25) et pouvant être mis en relation avec des
architectures de surface. La disposition des mobiliers
- dont 9 vases, un chaudron et deux landiers - est
compatible avec la présence d’une sablière basse
entre les poteaux d’angle.
Ailleurs, les coffrages ne sont généralement que
supposés au travers d’indices ténus (effets de paroi
dans les comblements, sédiment sombre plaqué
contre la paroi, ex. tombe 1 de Bouchon), voire
seulement potentiellement envisageables lorsqu’il
est matériellement possible de restituer un cadre
quadrangulaire entre la paroi et le mobilier (ex.
tombe 9 de Villers-Bocage présentée ci-dessus).
On peut se demander quel mode architectural
représentent ces traces ténues, pour autant que
la détection des trous de poteau et des rigoles ne
tienne pas uniquement à de meilleures conditions
de conservation et de lecture.
ConCLUsIons : CHaMBrEs CoFFréEs Et
aMénaGEMEnts DE sUrFaCE Dans La
réGIon D’aMIEns, poUr QUELLEs toMBEs ?
Si les indices de couverture concernent toutes les
catégories de fosses sépulcrales, y compris les plus
petites et les plus modestes d’après la quantité et la
qualité des dépôts, les chambres funéraires coffrées
correspondent aux plus grandes tombes qui se
distinguent également par leur mobilier. Néanmoins
des contre-exemples existent : la disposition des
dépôts funéraires n’est pas toujours compatible avec
une chambre funéraire planchéiée, y compris dans
le cas des plus grandes tombes considérées comme
relevant de l’élite locale. On ne dispose pas toujours
de plans et de descriptions sufisamment précis pour
documenter cet aspect (7), mais on peut suggérer
que ces contre-exemples ont plus à voire avec la
nature du terrain, crayeux et donc plus stable, dans
lequel s’implantent les tombes qu’avec une question
de statut. Les grandes tombes 641 de Poulainville
"Pôle Logistique" (buChez 2004) et 7-8 du secteur
occidental de Villers-Bocage, contemporaines ou
sub-contemporaines au vu de leur mobilier (LT C2),
présentent des similitudes dans leurs composantes
(dépôts d’ustensiles liés au feu et de vaisselles
tournées dénotant le statut privilégié du défunt),
à l’exception près de leur architecture : d’un côté
(Poulainville), la tombe, creusée dans la craie, n’a
probablement pas été coffrée, de l’autre (VillersBocage), la fosse, implantée dans les limons,
comporte indubitablement un boisage massif.
D’un point de vue chronologique, les indices
d’architecture interne élaborée remontent à La Tène
C1 avec la structure 7 du secteur est de VillersBocage qui se place parmi les plus grandes fosses
sépulcrales de son époque à l’échelle régionale.
Il s’agit, en outre, d’une tombe monumentale
signalisée par un aménagement de surface sur
poteaux plantés.
Les aménagements de surface sous forme
de fossés ou matérialisés par une tranchée de
fondation sont tous à situer dans une fourchette La
Tène B2-La Tène C1 (ig. 10). Les aménagements sur
poteaux plantés sont toujours attestés plus tard, à
La Tène C2 mais les premiers exemples remontent
également à La Tène B2. Pour autant que l’image
ne résulte pas d’un simple état de la recherche, on
ne peut donc pas parler, comme cela est le cas pour
la partie orientale de la Picardie, d’un passage de
la structure fossoyée vers le monument construit
sur poteaux (poMMepuy et al. 2000). Dans le nordouest de la Picardie, région où la crémation des
corps se généralise plus tôt qu’en Picardie orientale,
l’architecture sur poteaux plantés semble également
7 - La distance entre les mobiliers et la paroi n’a pas
toujours été précisément cotée.
165
RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional.
début La Tène B2
Thieulloy-l'Abbaye
torque
fin La Tène B2
Tartigny
La Tène C1
bassin en bronze
0
12,50 m
La Tène C2
Poulainville
mobiliers liés au feu/banquet
0
12,50 m
La Tène D1
N
O
littoral
partie orientale de la Somme
E
S
0
12,50 m
mobilier spécifique
Fig. 10 - Tableau récapitulatif.
166
RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional.
attestée plus tôt, dès le début La Tène B2 (-375/-300),
en association avec la tombe à incinération de
Thieulloy L’Abbaye "Au Buquet Zabelle Le
Chemin des Charbonniers" (Millerat & buChez
2004). Il s’agit alors d’un monument à 7 poteaux,
éventuellement ouvert d’un côté. Les constructions
sur poteaux sont ensuite plus couramment attestées
sur des sites de La Tène B2 à La Tène C2, un seul
exemple pouvant être daté de La Tène D1. Il s’agit
d’aménagements modestes, presque tous composés
de 4 poteaux. Seuls deux sites se démarquent par
des constructions plus importantes : Tartigny, « Le
Chemin du Moulin » daté de La Tène C1 (Massy et
al. 1986), et Poulainville "Pôle logistique" daté de La
Tène C2 (buChez 2004).
à partir de La Tène C2, toutes les grandes
tombes comportant un aménagement de surface
- en l’occurrence, il s’agit donc, à cette époque, de
constructions sur poteaux plantés - renferment des
mobiliers spéciiques comme les ustensiles liés au
feu évoquant le banquet, objets considérés comme
les marqueurs des sépultures de l’élite. Pour
autant, la corrélation entre monument et mobiliers
spéciiques n’est pas stricte. Dès cette période,
comme c’est le cas à Villers-Bocage avec les tombes
7 et 8 du secteur ouest, ce type de mobilier peut
apparaître dans des tombes ne comportant pas de
signalétique monumentale ou de superstructure
tangible, mais le constat est surtout valable pour la
période suivante (ig. 10). Ainsi, à partir de La Tène
D, et apparemment en décalage avec la Picardie
orientale, le monument funéraire - ou tout au moins
le monument tangible, ancré au sol ? - ne semble
plus la norme pour les tombes de l’élite locale.
moitié du IIe s. avant J.-C. (La Tène C2) du fait
de l’adoption d’un modèle funéraire incluant les
ustensiles liés au feu (chaudron, landiers ou chenets
notamment), on peut se demander quelle strate de
la société représentent les tombes à aménagement
de surface, et à chambre funéraire coffrée, de
La Tène B2-C1, telle la tombe 7 du secteur est de
Villers-Bocage et son éventuel autel ou évocation de
foyer. Ces tombes pourraient être celles des élites de
l’époque, à moins que seul l’individu de la tombe 3
de Tartigny, accompagné de son bassin en bronze et
de son seau à cerclage décoré, ne représente alors
cette strate de la société. De fait, l’ensemble du site,
et notamment la tombe 1 et son grand bâtiment de
7,80 m de côté implanté dans un enclos, apparaît
plus monumental.
Si cette dernière hypothèse est exacte, c’est la
démultiplication, à l’échelle régionale, du nombre de
tombes dites « à caractère aristocratique » à La Tène
C2-D1 qu’il faut souligner (ig. 10). Au travers de
l’apparition de ces nouveaux mobiliers métalliques,
mais aussi au travers de l’accumulation de vaisselles
céramiques tournées dans les dépôts, c’est peut-être
surtout l’essor d’une société rurale qui se marque ainsi
ostensiblement dans les tombes de ses élites. Notons
cependant, qu’au sein de cet ensemble de tombes,
un site se distingue à nouveau, comme Tartigny,
par son aspect plus monumental : Poulainville, son
aménagement sur poteaux de 12,40 m de côté et son
grand enclos.
Les données récemment acquises dans le nordouest de la Picardie conduisent à revoir le classement
hiérarchique des tombes précédemment proposépour
cette région (baray 2002). Deux groupes de tombes
étaient distingués : l’un, caractérisé par la présence
de marqueurs statutaires dits aristocratiques
(torque, armes, pièces de harnachement, ustensiles
liés au feu, vaisselle métallique), l’aspect élaboré de
la fosse sépulcrale et une signalisation monumentale ;
l’autre, ne présentant qu’une partie des éléments,
« à la manière de », à savoir une architecture élaborée
et monumentale mais pas de mobiliers spéciiques.
L’introduction de la variable chronologique dans
ce classement fait apparaître que les tombes du
premier groupe - elles se distinguent plus, en outre,
par leur mobilier spéciique que par une architecture
élaborée et monumentale -, appartiennent toutes,
à deux exceptions près (Thieulloy-l’Abbaye et
Tartigny, ig. 10), à La Tène C2-D1, tandis que les
tombes du second groupe sont antérieures
(LT B2-LT C1).
Si les tombes de l’élite - doit-on alors parler
d’aristocrates terriens ? (Gaudefroy 2006) - se
distinguent clairement à partir de la première
167
RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional.
BIBLIoGrapHIE
BARAy Luc (1997) - « Les tombes aristocratiques de
La Tène C2 de Bouchon "Le Rideau Miquet" (Somme) :
présentation liminaire des fouilles récentes de l’autoroute
A16 nord», Archälogisches Korrespondenzblatt 27, p. 113-126.
BARAy Luc (2002) - « Les tombes à crémation des
cimetières de Saint-Sauveur, Bouchon et Vignacourt
(Somme). Contribution à la déinition d’un modèle
funéraire aristrocratique en Gaule Belgique », dans
GuICHARD V. & PERRIN F. dir. - L’aristocratie celte à la
in de l’âge du Fer (du IIe siècle avant J.-C. au Ier siècle après
J.-C.), Actes de la table-ronde organisée au Mont-Beuvray,
Glux-en-Glenne 10,11 juin 1999, p. 119-138. (Bibracte 5).
BARAy Luc dir. , BOuILLOT Jocelyne, CLEMENT PALLu
DE LESSERT Anne., COLIN Anne, DEFRESSIGNE Sylvie,
HOSDEZ Christophe, HuMBERT Laura, PLuTON
Sylvie, PRILAuX Gilles & TIKONNOF Nicolas (1998) Les Cimetières protohistoriques de l’autoroute A16 nord. DFS.
Service régional de l’archéologie de Picardie, inédit.
BuCHEZ Nathalie (2004) - Amiens-Poulainville "pôle
logistique", zone B et C, rapport de fouille, Amiens : SRA
Picardie-INRAP Nord-Picardie, non publié.
BuCHEZ Nathalie (2008) - Salouel "Nouvel Hôpital", zone B,
Rapport inal d’opération, région Picardie, INRAP, inédit
BuCHEZ Nathalie (2009) - La protohistoire récente, le
funéraire. Fouille des sites funéraires de La Tène B2 à La Tène D
sur les tracés linéaires en Picardie : questions méthodologiques
et résultats scientiiques, rapport thématique de l’ACR
15 ans d’archéologie préventive sur les grands tracés
linéaires en Picardie, inédit.
GAuDEFROy Stéphane (2006) - La protohistoire récente.
Recherche et fouille de sites de La Tène moyenne à La Tène inale
sur les tracés linéaires en Picardie : questions méthodologiques
et résultats scientiiques, rapport thématique de l’ACR
15 ans d’archéologie préventive sur les grands tracés
linéaires en Picardie, inédit.
LAMBOT Bernard, FRIBOuLET Muriel & MENIEL Patrice
(1994) - Le site protohistorique d’Acy-Romance (Ardennes)-II
: Les nécropoles dans leur contexte régional (Thugny-trugny
et tombes aristocratiques) 1986-1988-1989. (Mémoire de la
Société Archéologique Champenoise 8, sup. au bulletin
n° 2).
MASSy Jean-Luc., MANTEL Etienne, MENIEL Patrice &
RAPIN André (1986) - « La nécropole gauloise de Tartigny
(oise) », Revue Archéologique de Picardie, 3/4 , p. 13-81.
METZLER Jeannot, WARINGo Raymond & METZLERZENS Nicole (1991) - Clémency et les tombes de l’aristocratie
en Gaule Belgique. Dossiers d’archéologie du Musée
d’Histoire et d’Art I.
MILLERAT Patrice &
BuCHEZ Nathalie (2004) Thieulloy-L’Abbaye "Les Terres à Douze" - "Au Buquet
Zabelle au Chemin des Charbonniers", rapport d’évaluation,
Amiens : SRA Picardie-INRAP direction interrégionale
Nord-Picardie, 2004.
POMMEPuy Claudine, AuXIETTE Ginette, DESENNE
Sophie, GRANSAR Frédéric & HENON Bénédicte (2000)
- « Des enclos à l’âge du Fer dans la vallée de l’Aisne : le
monde des vivants et le monde des morts », dans Les enclos
celtiques, Actes de la Table Ronde de Ribemont-sur-Ancre
(Somme), 9-10 décembre 1999, Revue Archéologique de
Picardie n° 1/2, p. 197-216.
FERDIERE Alain, GAuDEFROy R., MASSy Jean-Luc,
MARMOZ C., MOHEN Jean-Pierre & POPLIN François
(1973) - « Les sépultures gauloises d’Allonville (Somme) »,
Bulletin de la Société de préhistorique française, t.LXX, p. 479492.
Les auteurs
Lydie BLONDIAu, INRAP, Halma-Ipel 8164, EA3912.
Nathalie BuCHEZ, INRAP, uMR 5608 – traces (CRPPM)
résumé
La construction d’un parc d’activité en 2007 sur la commune de Villers-Bocage (Somme) est à l’origine de
la mise au jour de tombes qui ont conservées, pour certaines, les traces d’une architecture interne ou d’un
aménagement de surface.
Du fait du développement des infrastructures autoroutières et autres aménagements liées à l’expansion de
la ville d’Amiens, la région dans laquelle se localise cette découverte est la mieux documentée de la Somme
pour ce qui est du funéraire au second âge du Fer. Au travers de la présentation des tombes de Villers-Bocage,
c’est un état de la question concernant l’architecture des tombes dans cette micro-région et plus globalement
dans le nord-ouest de la Picardie - frange littorale exceptée - qui est proposé, à mettre en perspective avec
l’image obtenue par ailleurs, à l’échelle de l’ensemble de la Picardie (Gransar & Malrain, ce volume).
Mots clés : incinération, architecture, âge du Fer.
168
RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional.
abstract
The creation, in 2007, of a business park in the urban district of Villers-Bocage (Somme) revealed a burial
site in which some of the graves had retained traces of an internal architecture or surface features.
Because of the fast-growing motorway infrastructure and other developments related to the growth of
the urban district of Amiens, the area in which this discovery is located provides the best information in the
Somme district concerning La Tène burials. With the presentation of the Villers-Bocage burials, we propose a
review of the question of funeral architecture in this micro-region and, more comprehensively, in the northwest of Picardy (excluding the coastal fringe), to be assessed in the context of the larger picture that emerges
from the study of Picardy as a whole (Gransar & Malrain, in this book).
Key words : cremation, architecture, Iron Age..
Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX
Zusammenfassung
Als 2007 auf dem Gebiet der Gemeinde Villers-Bocage (Departement Somme) ein Industriepark
angelegt wurde, stieß man auf Gräber, von denen manche Spuren einer internen Architektur oder einer
oberlächengestaltung bewahrt hatten.
Aufgrund der Expansion der Stadt Amiens, die den Ausbau der Autobahnen und andere Baumaßnahmen
nach sich gezogen hat, ist diese Region, was den Gräberkult in der jüngeren Eisenzeit angeht, die am besten
dokumentierte des Departements Somme. Anhand der Präsentation der Gräber von Villers-Bocage wird
eine Bilanz der Grabarchitektur dieser Mikro-Region und der nordwestlichen Picardie - der Küstenstreifen
ausgenommen - vorgelegt. Diese Architektur wird mit der Grabarchitektur der gesamten Picardie (GRANSAR
& MALRAIN, in diesem Band) verglichen.
Schlüsselwörter : Brandbestattung, Architektur, Eisenzeit.
Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr).
169
RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer
DIsCUssIon
tHèME : LEs strUCtUrEs
Modérateur Marc taLon
Sylvain Thouvenot pour Lydie Blondiau
S. T. : Je voulais simplement poser la question de
travaux complémentaires éventuellement faits sur
l’analyse des espaces vides dans tes merveilleuses tombes,
parce que, encore une fois, on évoque les problèmes de
richesse de dépôts etc., et ce que l’on a pu constater dans
ton exposé c’est que l’on avait des grandes tombes dites
aristocratiques ou tout du moins de rang élevé, avec des
dépôts conservés très bien rangés, organisés et de très
grands espaces vides. Je voulais savoir compte tenu du
fait que c’est dans des lœss et qu’en général, les pollens
par exemple sont plutôt bien conservés, si il y avait eu des
études de faites de ce genre là ?
L. B. : Non, il n’y a pas eu d’études sur les pollens.
Nathalie Ginoux : Ce n’est pas une question, c’est
une observation concernant la richesse des dépôts, je
pense qu’il faut vraiment aussi attirer l’attention sur les
matériaux organiques, qu’évidemment l’on retrouve
dificilement, dans les contextes, notamment les limons de
plateaux, et chaque fois que l’on a du mobilier métallique,
c’est très important de les rechercher, parce que l’on peut
trouver des signes de richesse, par exemple dans une
des tombes que j’ai fouillées au Plessis-Gassot, on a un
textile décoré, des broderies, on a des éléments qui ne
sont pas forcément visibles à la fouille, mais qui peuvent
être recherchés et donner des indications sur les signes de
richesse disparus.
Stéphane Marion pour Frédéric Gransar et François
Malrain
S. M. : Sur ces histoires de corrélations entre le niveau
hiérarchique, ce n’est pas corrélé entre la richesse en
mobilier et ce que l’on peut imaginer par ailleurs, enin
c’est faiblement corrélé on va dire, qu’est-ce qui se passe
dans les différentes catégories de mobilier ? Est-ce que
la richesse en céramique est toujours corrélée avec la
complexité des dépôts animaux, avec la richesse des
différentes choses qui ont été vues ou pas ? Ou est-ce que
chaque catégorie a sa logique propre.
F. G. : C’est un travail de synthèse, il faudra déjà
attendre la communication sur les dépôts, tout à l’heure.
L’impression que j’avais, c’est que les corrélations sont
toujours faibles à moyennes, il n’y a pas de truc tranché,
c’est vrai que les rangs hiérarchiques que l’on a proposés
sont des paliers, donc un palier c’est forcément un lissage
de quelque chose, mais, en gros on peut s’attendre à des
oscillations complexes, il y a des niveaux hauts qui sont,
peut-être pas incompatibles, mais assez dificiles à mettre
en relation avec des statuts semble-t-il un peu inférieurs
dans les monuments funéraires.
Stéphane Gaudefroy pour Frédéric Gransar et François
Malrain
S. G. : Oui, tout à l’heure je vous présenterai le travail
que l’on a fait sur les dépôts, mais malheureusement vu
le temps imparti on survolera, on ne pourra pas rentrer
dans le détail. Mais pour te répondre, dans cette partie
du travail nous nous sommes attachés à l’ensemble des
données, et maintenant on a vraiment besoin de revenir
à une approche plus chrono-culturelle, parce que l’on a
quand même des entités très différentes. Il faut essayer
de voir ce qui se passe réellement dans le détail, dans des
régions un peu plus limitées, parce qu’entre l’Aisne et la
Somme il se passe quand même des choses très différentes.
Pour l’instant on n’a pas encore vraiment fait ce travail,
de corréler entre eux chaque matériau, chaque élément,
et comme le disait Fred, effectivement, on constate qu’il
y a des orientations dans certaines tombes, mais ça reste
vraiment à préciser.
Maintenant, par rapport aux textiles et à l’organique,
on se rend compte que dans ces tombes il y a beaucoup
d’espaces vides, qui permettent d’envisager de tels
dépôts. La présence de broderies ou de textile décoré,
dans certaines tombes est remarquable mais il est dificile
d’en déduire un niveau de richesse compte tenu que
l’on a très peu d’éléments de comparaison : on ne peut
pas savoir si les textiles brodés étaient quelque chose de
courant ou pas, on a quand même des descriptions qui
disent que ces gens là aimaient beaucoup les vêtements
colorés, qui devaient donc être répandus.
Juste une question, j’ai été assez surpris par le classement
hiérarchique de voir que les tombes avec chaudrons,
landiers … etc. c’est-à-dire celles que l’on considère dans
la Somme comme appartenant à l’aristocratie, certes pas
l’aristocratie guerrière mais certainement terrienne, que
inalement ces tombes se retrouvent un peu dans le bas
du classement. Alors est-ce que c’est plutôt par rapport à
l’Aisne qu’elles se retrouvent à cette place là ?
F. G. : C’est la dificulté de l’exercice, c’est de comparer
deux mondes différents, l’Aisne est champenoise, la
Somme est, on va dire atlantique, donc c’est une région
coupée en deux, ce qui fait qu’il faut ensuite regarder
dans le détail, mais après c’est aussi une question de
corpus, est-ce que les effectifs sont, pour le moment,
sufisamment nombreux pour commencer à travailler
la-dessus ? Peut-être que les niveaux hiérarchiques sont
identiques et qu’ils ne s’expriment pas de la même façon,
ça c’est une possibilité aussi. Cela fait partie de ces effets
de lissage.
S. G. : Il faudrait en discuter avec d’autres collègues
d’autres régions, car effectivement quand nous parlons
d’aristocratie pour ce genre de tombes, nos collègues nous
regardent bizarrement. Parce que par rapport à d’autres
régions, on fait quand même pâle igure.
F. G. : Il est où le char ?
S. G. : Oui, voilà.
Nathalie Buchez : Je voulais dire simplement qu’à
l’échelle de la Somme, il y a effectivement ces tombes
de type aristocratique situées dans le bas de classement
et puis il y a un exemple qui ressort qui est celui de
Poulainville, avec un bâtiment qui est beaucoup plus
vaste, même s’il est lié à deux tombes, il y a peut-être un
niveau supérieur aussi dans la Somme.
171
RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer
F. G. : Oui, mais qui n’était pas intégré dans le corpus,
c’est pour cela que l’on précise toujours « d’après notre
corpus ». Bernard Lambot a fouillé dans les Ardennes des
monuments funéraires à vingt poteaux, je crois, on n’en
a pas dans notre corpus, j’ai mentionné que cela existait
mais on ne l’avait pas, donc on travaille sur le corpus
constitué.
Lola Bonnabel pour Frédéric Gransar et François
Malrain
L. B. : J’aurais voulu savoir si vous vous êtes intéressés
aux monuments funéraires mais non sépulcraux, comme
on a des monuments qui sont associés à la nécropole mais
qui n’ont pas forcément de tombe au milieu ?
F. M. : Non, on ne l’a pas encore fait dans un premier
temps, mais il n’y en pas que dans les nécropoles d’ailleurs,
il y en a aussi sur des habitats, je pense notamment à un
site de l’oise, où l’on a un enclos que l’on peut qualiier
d’aristocratique, avec visiblement un plan préconçu y
compris un petit enclos quadrangulaire dans lequel on a
des dépôts mais pas de tombe centrale, mais on ne les a
pas pris en considération ici.
Isabelle Le Goff : une curiosité au sujet de la fonction
des enclos, y aurait-il des dépôts à l’intérieur et
éventuellement aussi des sépultures ?
F. G. : Il faut poser la question à quelqu’un qui s’y
connait vraiment en funéraire, il faut demander à Estelle,
à Sophie.
F. M. : On a travaillé à partir de la base de données,
mais on n’a pas repris tous les remplissages de fossés
etc. enin il y aurait très long à dire sur l’ensemble des
coupes de certains des plans que l’on a montrés, je
pense que Fred l’a rappelé dans l’introduction, il y a
plein de réaménagements et peut-être éventuellement
d’agrandissements que l’on n’a pas pris en compte dans
172
l’ensemble du raisonnement, c’est encore un autre aspect
à prendre en compte dans un exercice exhaustif.
Sophie Desenne : Au moins pour le site de Maizy, c’est
le très grand enclos funéraire avec une tombe centrale,
dans le fossé d’enclos il y avait une tombe à inhumation
et également des dépôts de faunes incinérées. Il y a
quelques cas où il y a une, on va dire, une réutilisation de
l’enclos au cours de son comblement.
Stéphane Rottier pour Frédéric Gransar et François
Malrain
S. R. : Je voulais savoir par rapport aux différentes
planches que vous avez montrées, est-ce que les
orientations de monuments sont respectées ?
F. G. : C’est du nord-sud.
S. R. : Parce que ce qui est assez marquant sur les
enclos quadrangulaires fossoyés et sur poteaux d’ailleurs,
c’est qu’à la Tène C2, c’est l’orientation qui se différencie
des autres.
F. G. : Il faudrait que je vériie, mais j’ai peur que cela
ne soit qu’un seul site à La Tène C2, donc c’est peut-être
une logique, une dynamique propre au site.
S. R. : C’était ma question, de savoir si c’était quelque
chose comme ça ou si c’était quelque chose de général.
F. G. : Je ne sais plus, il faut que je vériie.
Nathalie Soupart : Juste un mot pour reparler peutêtre de ces problèmes de réaménagements des tombes
monumentales ou de leurs reconstructions. Sur la
nécropole de Méaulte, un des sites funéraires qui serait
daté de La Tène B2-C1, nous avons probablement la preuve
de deux reconstructions sur deux tombes monumentales,
bon là je suis sur le rapport de fouille, mais peut-être que
ces données pourront être intégrées plus tard dans une
synthèse sur la Picardie.
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie.
DépÔts, panopLIEs Et aCCEssoIrEs Dans LEs sépULtUrEs
DU sEConD âGE DU FEr En pICarDIE
Sophie DESENNE, Ginette AuXIETTE, Jean-Paul DEMOuLE , Stéphane GAuDEFROy,
Bénédicte HENON, Sylvain THOuVENOT
avec la contribution de Thierry LEJARS
Dans le cadre du projet de recherche sur les
gestuelles funéraires, l’étude de près de 700
ensembles laténiens (de La Tène A1 à La Tène D2)
en Picardie et ses marges a permis l’élaboration
d’une grille de lecture autorisant une présentation
hiérarchisée des données ainsi qu’une approche
synthétique des dépôts funéraires.
L’analyse rencontre certaines limites liées à l’état
des connaissances. Le corpus n’est, en effet pas
réparti uniformément dans le temps et dans l’espace,
ce qui entraîne la sous-représentation de certaines
étapes chronologiques dans plusieurs secteurs
géographiques. Ainsi les sites de La Tène ancienne
(La Tène A et B) sont quasi absents dans la Somme,
et les sites de La Tène moyenne et inale (La Tène
C et D) sont peu nombreux dans le département de
l’Aisne (desenne et al. ce volume).
statut social de l’individu, qu’il soit inhumé ou
incinéré. Comme l’attestent souvent les traces
d’utilisation sur ces objets, leur origine serait issue
d’un prélèvement direct sur les biens du défunt
ou dans certains cas de ses proches. L’image de
l’individu ainsi transposée du vivant vers l’audelà nous renseigne donc assez idèlement tant sur
l’évolution des pratiques funéraires que sur celle
des modes et des coutumes en cours dans la culture
laténienne en Picardie.
Trois catégories d’objets se rapportant directement
au corps ont été déinies : les accessoires vestimentaires,
la parure et l’armement. Deux autres catégories
correspondent à des dépôts en relation avec les
activités de l’individu : les trousseaux et les couteaux.
LES ACCESSOIRES VESTIMENTAIRES
La pratique de l’incinération pour une partie des
ensembles funéraires exclut toute analyse ine du
costume, tel qu’il peut être révélé par la position des
ibules ou des différentes parures. Sont également
exclues de cette analyse toutes les éventuelles pièces
composées de matières organiques de type plume,
bois, ibres végétales ou animales. Cette présentation
ne prend en compte que le mobilier en matière non
périssable, de type métal, os, verre, pierre …
Les accessoires vestimentaires regroupent
les objets liés directement aux vêtements ou aux
enveloppes périssables des corps inhumés ou des
amas osseux incinérés. Il s’agit principalement des
ibules, mais aussi de certains objets ubiquistes
rattachés aux traitements du corps comme les
anneaux, les agrafes ainsi que les ceintures.
Malgré ces lacunes, nous disposons d’un corpus
de plus de 4300 objets, répartis en différentes
catégories fonctionnelles (deMoule 1999, baray 2003),
qui correspondent aux effets personnels, à l’outillage,
au petit mobilier, à l’alimentation, au transport.
Dans 35,5 % des cas, les ensembles funéraires ont
livré des ibules dont 90 % sont en fer et 10 % en bronze.
On observe aussi de rares ajouts de matériaux
précieux comme le corail et l’or. Ces proportions
globales masquent de grandes disparités
chronologiques dans la nature, la fonction, et l’usage
de ces pièces.
Portés par les défunts ou déposés dans la tombe,
ces objets semblent dotés d’une fonction ordinaire,
voire symbolique, qui évoque le statut de l’individu,
sa fonction, ou sa capacité à polariser une certaine
quantité de nourriture (auxiette et al. 2002).
LEs EFFEts pErsonnELs
Les effets personnels déposés dans les tombes
expriment la volonté de marquer, après la mort,
le sexe, probablement la classe d’âge et surtout le
Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie.
Les ibules
Au Ve s. avant notre ère, la ibule est déposée
dans moins de 15 % des sépultures (ig. 1). Elle est
souvent unique. En fer ou en bronze, elle se présente
principalement comme une attache de vêtement,
portée à hauteur des épaules et de préférence par
les hommes.
Du IVe au milieu du IIIe s. avant notre ère, le
nombre de ibules par tombe tend à augmenter ainsi
173
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie.
Fig. 1 - Répartition chronologique des tombes à ibule et
ceinture.
Fig. 3 - Une ibule en bronze à orainville "La Croyère",
tombe 3 (cliché, Conservare).
et la position préférentielle sur le thorax supposent
une modiication sensible de leur usage, même si
la ibule demeure un objet commun. Un abandon
de l’emploi comme attache de vêtement au proit
de celui d’attache de « linceul » est fortement
envisagé.
Fig. 2 - Distribution sexuelle des tombes à ibule par étape
chronologique.
que la proportion de sépultures qui en contiennent,
jusqu’à 67 % de l’ensemble du corpus. Si on trouve
des ibules chez tous types d’individus, cette
augmentation met toutefois en évidence l’apparition
d’une nouvelle mode féminine (ig. 2). Alors que le
port de la ibule unique chez les hommes évolue
peu, chez les femmes en revanche, elles vont
souvent par paires et sont portées symétriquement
aux épaules. De plus, la part des exemplaires en
bronze et décorés atteint alors son maximum. La
ibule comme accessoire vestimentaire féminin
s’afiche ici comme élément de parure et de richesse.
L’expression la plus ostentatoire de ce phénomène
se retrouve dans la grande broche à décor plastiques
d’orainville (ig. 3, desenne et al. 2005).
Dans les dernières inhumations de la seconde
moitié du IIIe s. avant notre ère, la prédominance des
exemplaires en fer, le nombre réduit par sépulture
174
Dans les incinérations de La Tène moyenne
et inale, près d’une tombe sur deux contient au
moins une ibule et leur nombre peut atteindre six
exemplaires. Elles sont presque toutes en fer. Dans
74 % des cas, ces objets sont associés à l’amas osseux.
Leur rôle d’attaches de contenants périssables pour
les restes incinérés semble donc privilégié bien qu’il
soit aussi possible d’envisager leur présence comme
un témoignage matériel d’un prélèvement sur les
restes d’un défunt habillé.
Les anneaux et les agrafes
Dans certaines tombes des Ve et le IVe s. avant
notre ère, des anneaux et des agrafes en bronze ou
en fer sont parfois associés au corps du défunt sans
qu’il soit possible de leur attribuer un autre usage
que celui d’élément d’attache de vêtements ou de
« linceul ».
Les ceintures
Les ceintures considérées ici sont uniquement les
accessoires vestimentaires et ne comprennent donc
pas les éléments de ceinturon et de suspension des
armes de poing et des couteaux.
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie.
Fig. 4 - une ceinture à anneaux en bronze à Orainville "La
Croyère" tombe 4 (cliché, Hervé paitier, INRAP).
Il s’agit de ceintures métalliques articulées et
strictement féminines attestées dans moins de 2 %
du total des sépultures. Essentiellement en bronze,
plus rarement en fer, cet attribut caractérise une
mode vestimentaire qui n’apparaît pas avant le
milieu du IVe s. avant notre ère (ig. 1 et 4). Elle
s’exprime surtout durant la première moitié du
IIIe s. avant notre ère, dans 7,4 % des tombes. On
retrouve ponctuellement ce type d’objets jusqu’à La
Tène C2 dans certaines incinérations.
LES éLéMENTS DE PARuRE
Les éléments de parure englobent les objets
portés par le défunt, dont la fonction est décorative,
statutaire et/ou apotropaïque. Ce mobilier semble
préférentiellement porté par les défunts inhumés
entre le Ve et le milieu du IIIe s. avant notre ère
(La Tène A1 à B2). Il se raréie nettement dans les
incinérations et ce jusqu’à La Tène D2.
Sur l’ensemble des individus, seuls 19 % des
défunts sont parés de bijoux. Le mobilier conservé se
compose essentiellement de « parures annulaires »
(deMoule 1999) constituées de torques (55), bracelets
(141), anneaux (44), bagues (7), boucles d’oreille (5),
mais aussi de perles (266) et pendeloques (4) parfois
montées sur un il métallique (11).
Fig. 5 - Répartition chronologique des tombes à torque,
bracelet, perle, anneau et autre pendentif.
Les bracelets et brassards
Les bracelets sont portés seuls, ou par paire et
parfois par trois. Attributs essentiellement féminins,
ils sont aussi présents dans des tombes masculines.
Plus fréquents que les torques (14 % des sépultures),
ils suivent cependant la même évolution que ces
derniers au il de la séquence (ig. 5). Leur plus forte
fréquence est observée à la charnière des Ve et IVe
s. avant notre ère, période à laquelle un individu
sur deux en possède. Ils sont alors généralement
en bronze et rarement en fer (ig. 6), portés
préférentiellement par paire chez les femmes. Ils
accusent une nette diminution vers le milieu du
IIIe s. Par la suite, le port du bracelet est plus rare,
moins spéciique d’un sexe et les matériaux sont
plus variés : bronze, fer, verre et lignite. Enin, les
brassards sont anecdotiques et ne concernent que
trois défunts dont deux hommes.
Les torques
Portés au cou, les torques concernent moins de
10 % des sépultures. Attribut féminin spéciique,
hormis dans deux cas, il ne s’acquiert pas avant
l’âge de cinq ans. Il est en bronze ou rarement en
fer, porté seul, à l’exception d’un cas. Il constitue
l’élément central d’une panoplie qui associe
régulièrement des bracelets et des pendeloques.
Caractéristique des parures des Ve et IVe s. avant
notre ère, sa plus forte représentation est située au
début du IVe s., où 37 % des individus en possèdent
(ig. 5). Il disparaît ensuite totalement vers le milieu
du IIIe s., alors qu’apparaissent ibules décoratives
et ceintures métalliques.
Fig. 6 - Répartition chronologique des bracelets par
matériaux.
175
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie.
nombre de sépultures
nombre de sépultures
Quelques données semblent signiicatives dans
l’évolution de ce mobilier (ig. 5). Les perles sont
portées par des individus dès le plus jeune âge avec
plusieurs cas d’enfants de 12 à 18 mois. Attributs
féminins, leur fréquence suit celle des torques et des
bracelets. On note en particulier un pic des grands
anneaux de verre à la in du Ve s. avant notre ère.
La même phase est marquée par l’association des
perles de verre et d’ambre. Les perles en corail
sont spéciiques des tombes féminines à char de la
première moitié du IVe s. Vers le milieu du IIIe s., la
plupart de ces éléments tendent à disparaître pour
ne plus exister que de manière sporadique dans les
phases suivantes. Les perles d’ambre réapparaissent
dans les incinérations à La Tène C1 et celles en verre
plutôt à La Tène D1.
14
12
10
8
6
4
2
La Tène A1
0
1
2
3
4
5
6
7
nombre de parure
8
14
12
10
8
6
4
2
La Tène A2
0
1
2
3
4
5
6
7
nombre de parure
8
14
12
10
8
6
4
2
La Tène B1
0
nombre de sépultures
Les perles, les anneaux et autres pendentifs
représentent 314 objets retrouvés isolés ou groupés,
et plus ou moins bien représentés sur l’ensemble
de la séquence. Ils étaient attachés par des liens
organiques ou liés par des ils métalliques et
suspendus, pour la plupart, directement au cou ou
au torque. On note une grande variété de formes et
de matériaux : métal, verre, ambre, corail.
nombre de sépultures
Les perles, les anneaux et autres pendentifs
1
2
3
4
5
6
7
nombre de parure
8
14
12
10
8
6
4
2
0
La Tène B2
1
2
3
4
5
6
7
nombre de parure
8
Les 532 éléments de parure représentent 237
« bijoux » (exemple : un collier pouvant regrouper
12 éléments) et se distribuent dans 117 sépultures.
La répartition de ce mobilier sur l’ensemble du
faciès chrono-culturel révèle de fortes disparités
entre les différentes étapes chronologiques (ig. 7) et
un effectif moyen compris entre 1 et 3,8 parures.
176
à La Tène A1, la majorité des défunts sont
dotés de parures, celles-ci peuvent être modestes
et constituées d’une seule pièce ; seuls de rares
individus bénéicient de 4 à 5 bijoux. À La Tène
A2, on note une diminution du nombre d’individus
parés, et l’existence de tombes très richement
dotées. Parmi les individus bénéiciant de ce type
de mobilier, on remarque un degré de richesse plus
marqué avec une majorité de défuntes portant des
nombre de sépultures
nombre de sépultures
évolution de la parure
nombre de sépultures
Les bagues et les boucles d’oreille sont rares,
respectivement présentes dans sept et trois tombes ;
elles seraient plutôt féminines mais sans distinction
d’âge. En bronze ou en or, elles n’apparaissent
qu’entre le Ve et le IIIe s. avant notre ère. La nature
même de ces objets ne semble pas révéler de statut
particulier chez les individus, à l‘exception des
exemplaires en or, caractéristiques des tombes à
char féminines de la première moitié du IVe s. Dans
ces derniers cas, la valeur du matériau semble
prépondérante sur la nature de l’objet.
nombre de sépultures
Les bagues et les boucles d’oreille
14
12
10
8
6
4
2
0
La Tène C1
?
1
2
3
4
5
6
7
nombre de parure
14
12
10
8
6
4
2
0
8
La Tène C2
?
1
2
3
4
5
6
7
nombre de parure
8
14
12
10
8
6
4
2
0
La Tène D1
1
2
3
4
5
6
7
nombre de parure
8
14
12
10
8
6
4
2
0
La Tène D2
1
2
3
4
5
6
7
nombre de parure
8
Fig. 7 - Distribution de la richesse des parures par étape
chronologique (en nombre d’objets).
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie.
ensembles réunissant de 2 à 4 parures. La diminution
du nombre de défunts bénéiciant de ce mobilier
et, à l’inverse, l’augmentation du nombre moyen
de bijoux, révèlent peut-être une hiérarchisation
plus marquée et un plus grand écart dans les
différences de richesse. à La Tène B1, le nombre de
défunts dotés de parure tend à augmenter, et l’on
remarque deux groupes d’individus, le premier,
majoritaire, portant de 1 à 2 bijoux et le second
plus restreint portant des ensembles de 3 à 6 pièces.
Ces quelques indices indiquent sans doute une
meilleure répartition de ce type de mobilier sur
l‘ensemble de la population, mais ne peuvent être
comparés aux pratiques du début de la séquence
chronologique (La Tène A1). Avec seulement un
quart des défunts parés, s’amorce, à La Tène B2, un
profond changement dans les pratiques, illustré par
une diminution importante de la part de la parure
dans « l’habillement du défunt ». Cette tendance
ira grandissant puisque les sépultures à parure
représenteront moins de 10 % à partir de La Tène
C1 avec des ensembles dépassant très rarement 2
objets. La pratique de l’incinération peut être ici
l’un des éléments moteurs de ces modiications.
La parure annulaire (torque, bracelets …)
abondante au début de la séquence, se raréie à
La Tène B2 pour quasi disparaître à La Tène C1. à
l’inverse, les ibules au rôle polyvalent (accessoire
vestimentaire/parure), rares au tout début se
développent à La Tène B1 et deviennent par la suite
l’élément de « parure » métallique utilisé de façon
presque exclusive.
L’ARMEMENT
Les tombes à armes, strictement masculines, ne
représentent que 5 % de l’ensemble des sépultures.
Mais entre le Ve et le milieu du IIIe s. avant notre ère,
leur proportion avoisine 10 %, alors qu’elle chute à
moins de 3 % à partir de La Tène C1 (ig. 8).
Des évolutions sensibles dans le choix de ces
armes en fer (rapin 1990) et de leur mode de dépôt
sont aussi perceptibles.
Fig. 8 - Répartition chronologique des tombes à armes et
à couteau.
Fig. 9 - Poignard et épée en fer à Bucy-le-Long "La Héronnière" (cliché Hervé paitier INRAP).
177
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie.
Au Ve s. avant notre ère, l’arme de poing des
hommes adultes est constituée par le poignard,
porté dans son fourreau à la ceinture. De une à
quatre pointes de lances placées le long du corps
complètent la panoplie militaire de cette période.
Les jeunes garçons sont eux dotés de lances ou de
javelots à embout ferré, lequel est qualiié parfois à
tort de talon de lance.
à partir du IVe s. avant notre ère, l’épée
supplante le poignard, mais elle n’est plus portée
(ig. 9). Elle est toujours déposée le long du bras
droit avec fourreau et ceinturon ou baudrier. Le
nombre de pointes de lances par individu tend alors
à diminuer. Le bouclier, dont seul le manipule s’est
conservé, n’apparaît que vers le milieu du IVe s. Il
est déposé sur la partie gauche du corps. Le passage
à l’incinération marque ensuite une modiication
sensible des gestuelles. à partir de La Tène C1, les
armes se raréient. Qu’il s’agisse d’épées, de pointes
de lance isolées ou d’éléments de bouclier, ils sont
brisés, pliés ou simplement représentés par un
fragment.
LES TROuSSEAuX
Sous le vocable de « trousseaux » sont réunis
des objets personnels souvent associés au sein d’un
même dépôt ou parfois isolés qui évoquent la toilette
ou l’outillage du défunt. Dans de nombreux cas, ces
instruments et outils ont été réunis dans la tombe
au sein de contenants périssables dont subsistent
les seuls éléments métalliques de bouclerie :
anneaux, tubes terminaux de sangles, anses et
poignées. Ces lots d’objets incluent aussi parfois des
céramiques. Ces « trousseaux » se retrouvent dans
14 % des sépultures, mais là encore des variations
chronologiques tant quantitatives que qualitatives
dans la nature des dépôts sont sensibles. Les éléments
de bouclerie sont particulièrement signiicatifs
des riches tombes féminines de la seconde moitié
du Ve s. avant notre ère (LT A2, desenne et al. à
paraître). Ces dépôts contiennent des fusaïoles,
des aiguilles à chas et surtout des petites trousses
de toilette avec pince à épiler et scalptorium en fer.
Ces mêmes trousses de toilette, ainsi que le rasoir,
constituent le pendant masculin contemporain. Les
éléments de bouclerie en sont toutefois absents.
À la in du Ve s. avant notre ère, un pic est atteint
avec 44 % des sépultures possédant des trousseaux.
Jusqu’au milieu du IIIe s., cette proportion ne cesse
de baisser, pour remonter ensuite à hauteur de 20
% des tombes. à La Tène C1, un bouleversement
important intervient (ig. 10). Quatre faits sont
marquants : les scalptoriums disparaissent tandis
qu’apparaissent les forces ; les petites pinces à épiler
souvent assemblées en trousses sont supplantées par
de grandes pinces ; les rasoirs se diversiient et les
premiers outils à vocation artisanale apparaissent
(haches, gouges, alène, ciseau et autres faucilles).
178
Fig. 10 - évolution de la « toilette ».
à La Tène C2 et surtout à La Tène D1, la forme et
l’association fréquente des pinces à épiler, des rasoirs
et des forces pose le problème de leur fonction.
Identiiés comme nécessaire de toilette, fonction
traditionnellement admise, l’hypothèse d’outils
qui pourraient être liés par exemple au travail de la
laine et des peaux, semble aussi envisageable.
LES COuTEAuX
Les couteaux en fer sont attestés dans 8 % des
sépultures. Ils couvrent toute la séquence mais sont
particulièrement fréquents au IVe s. avant notre ère
où ils se rencontrent dans plus de 20 % des sépultures
(ig. 8). Dans 54 % des cas, cet objet est en relation
directe avec le dépôt de viande, en particulier le
porc. Dans 10 % des cas, il apparaît comme un effet
personnel, mis dans un étui et associé voire porté à
la ceinture. Ces objets spéciiques sont des attributs
masculins et sont contemporains des poignards
portés au Ve s. avant notre ère.
LE transport
Le corpus comprend 12 ensembles funéraires
ayant livré des mobiliers se rapportant aux véhicules
hippomobiles et aux harnachements. Ces sépultures
représentent 1,7 % de l’ensemble du corpus. à
l’image de leurs équivalents extrarégionaux,
ces ensembles se singularisent par la nature, la
quantité et la qualité du mobilier métallique et
correspondent à des sépultures de haut rang social
tant féminines que masculines. Elles se dissocient
en deux groupes diachrones : 7 tombes à char et
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie.
à inhumation de La Tène A/B/C1, d’une part et
5 tombes à harnachements et à incinération de La
Tène C2/D, d’autre part.
Dans le premier groupe à inhumations, le
véhicule est déposé complet avec le harnachement
des chevaux. En revanche, dans les incinérations,
seul le harnachement pour deux chevaux est
représenté. Il est donc permis de voir dans ces
derniers ensembles, non pas des tombes de cavalier
mais plus vraisemblablement des « tombes à char »
symboliques dont le simple harnachement constitue
la pars pro toto du char funèbre marquant ainsi la
permanence, sous plusieurs modes de représentation
symbolique, du char comme emblème du pouvoir
de l’individu sur sa communauté (desenne &
thouVenot 2007).
LEs DépÔts sUGGérant L’aLIMEntatIon
Les dépôts d’aliments sont suggérés par des
témoins directs, comme les restes osseux des pièces
de viande, et des témoins indirects comme la
vaisselle en céramique, en métal, et dans de rares
cas des ustensiles de cuisine.
LE MoBILIEr CéraMIQUE : évoLUtIon
DEs pratIQUEs FUnéraIrEs Et
DEs MoDEs « aLIMEntaIrEs »
La base de données rassemble 628 ensembles
céramiques, soit 2086 récipients. Présent dans 92 %
des tombes, le récipient céramique constitue donc
l’objet le plus commun qui accompagne presque
tous les défunts. Mais les différences entre individus
n’en restent pas moins marquées et s’expriment au
travers de très fortes variations tant quantitatives
que qualitatives.
Pour l’ensemble du corpus, le nombre de vases
déposés varie de 1 à 26, mais près de trois quart des
tombes ne contiennent que 1 à 3 vases.
Le nombre moyen de vases par tombe est très
luctuant, entre La Tène A où il est à son minimum
(2,6 individus) et La Tène D1 où il atteint son
maximum (4,6 individus, ig. 11).
Ces moyennes recouvrent des écarts plus ou
moins marqués suivant les périodes. En effet, si à
La Tène B et D, l’ensemble des tombes est bien doté,
à La Tène C, à l’exception de quelques rares cas, le
dépôt d’un vase unique est majoritaire.
La richesse du dépôt évolue également en
fonction du sexe et de l’âge de l’individu.
Les tombes masculines sont en moyenne mieux
dotées que les tombes féminines au début de la
séquence, mais cette tendance s’inverse à la in
du IVe s. avant notre ère. Aux étapes ultérieures,
la pratique de l’incinération ne permet plus de
confronter les données.
Fig. 11 - évolution du nombre moyen de vases par tombe.
Aucune tombe d’enfant n’apparaît parmi les
plus riches quelles que soient les époques, même si
certains dépôts sont conséquents.
Ain d’appréhender les évolutions dans la
composition des dépôts céramiques, nous avons
établi un classement fonctionnel fondé sur des
critères morphologiques et volumétriques.
Nous avons distingué des récipients destinés au
stockage, à la présentation et à la consommation,
des solides comme des liquides (ig. 12 et 13). Aucun
récipient destiné à la transformation des aliments
comme les faisselles ou les vases de cuisson, n’a été
identiié.
Les récipients de stockage se caractérisent par
une grande capacité de contenance et servent de
réserve, a priori pour des aliments, de type céréales
ou salaisons. Ils sont très peu représentés dans les
dépôts (3% des récipients déterminés). Les vases de
préparation dominent largement les ensembles
(38 %), suivis par les vases de consommation de
solides (33 %) puis des vases de consommation de
liquides (26 %).
Les récipients destinés à la préparation et la
présentation réunissent les ustensiles avec lesquels
on aura confectionné les repas solides et dans une
moindre mesure les boissons (passoires).
Parmi eux, près de la moitié correspondent à
des formes ouvertes et profondes (jattes ou plats
creux, 47 %). Les pots fermés constituent l’autre
série dominante (40 %). Les formes hautes ouvertes
179
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie.
100%
1
0
0
20
80%
35
1
23
0
7
69
34
4
4
11
25
60 %
4
48
18
18
19
44
44
21
57
40 %
71
20 %
0%
44
1
A1
24
31
2
4
A2
B1
19
0
B2
70
67
7
2
4
C1
C2
D1
11
2
D2
pot à onguent
consommation de solides (assie�e, écuelle)
consommation de liquides (gobelet, bouteille)
présentation/préparation
stockage
Fig. 12 - évolution proportionnelle des catégories
fonctionnelles.
sont moins fréquentes (11 %). quant aux ustensiles
spéciiques, couvercles et passoires, leur présence
reste très rare (1 %).
Les récipients destinés à la consommation
s’apparentent à nos assiettes et sont dominés par
les récipients surbaissés ouverts (assiettes, 44 %),
suivis par les récipients ouverts peu profonds
(écuelles, 37 %) et les formes fermées basses (19 %).
Les récipients destinés à la consommation
des liquides sont très nettement dominés par la
présence des bouteilles (60 %), suivis des gobelets
(38 %). Les amphores sont très rares (2 %) et toujours
incomplètes.
Ces différentes catégories fonctionnelles sont
très inégalement représentées dans les dépôts.
Même dans les tombes où le nombre de récipients
est très élevé, l’ensemble des catégories n’est
jamais représenté. Au contraire, on observe
180
souvent une orientation du service, tantôt vers les
récipients destinés à la présentation, tantôt vers les
récipients destinés aux liquides. Les récipients de
consommation de solides restent bien présents mais
sont rarement les plus nombreux.
Le service à boire connaît son apogée à la in de
La Tène B où la bouteille et le gobelet ont parfois
la même forme, voire le même décor ; ce service
s’étend également à d’autres récipients, ceux
de consommation de solides notamment. Pour
les périodes suivantes cet appariement tend à
disparaître.
Les cratères des phases anciennes montrent
les plus grandes capacités de contenance (jusqu’à
150 l) et sont régulièrement associés à de petits
gobelets retrouvés à l’intérieur. Ces objets d’usage
collectif présents dans 40 % des tombes à La Tène
B1, sont supplantés par des bouteilles de moins
grande contenance, plus fermées, suggérant une
évolution des modes de consommation à La Tène
C2. Ces vases ne sont plus présents que dans 13 %
des tombes.
Dans le même ordre d’idée, la raréfaction de
l’assiette au proit de l’écuelle, au milieu du IIIe s.
avant notre ère, pourrait être mis en relation avec
un changement des habitudes alimentaires. Elle
correspond d’ailleurs à l’augmentation des jattes
de préparation, qui montrent sans doute un goût
accru pour les plats semi-liquides. La mise en scène
au sein de la tombe relète aussi des différences
dans les façons de « dresser » la table. Aux phases
anciennes, les vases couverts par une assiette sont
fréquents ; cet usage tend largement à disparaître
par la suite.
Si à La Tène A, l’assiette caractérise les tombes
riches en céramiques à l’inverse à La Tène inale,
la jatte est la forme standard des ensembles à vase
unique. à cette étape, on ne trouve les écuelles que
dans les ensembles les plus conséquents.
Concernant le cas d’utilisation de certains
récipients en tant qu’urne cinéraire, on constate
qu’il n’existe pas de forme spéciique destinée à
accueillir les cendres du mort (ig. 13). Sur les 19
urnes du corpus, toutes les catégories de récipients
ont servi, à l’exclusion des gobelets.
Enin, quelques récipients en forme d’ « ampoule »,
se retrouvent tout au long de la période. Sans
exclure une fonction culinaire, l’analogie de forme avec
l’aryballe grecque, qui servait au transport de l’huile
utilisée lors des cérémonies et parfois des rites funéraires
doit être soulignée. De même, de très petits récipients,
parfois simple cupule grossière, pourraient avoir servi
de mortiers (pigments ?).
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie.
A1
A2
B1
B2
C1
C2
D1
D2
D1
D2
fermé bas
CONSOMMATION
écuelle
assiette
LIBATION
bouteille, cratère
gobelet
PREPARATION
ouvert haut
jatte
fermé moyen
La Tène
A1
A2
B1
B2
C1
C2
urne
Fig. 13 - évolution de la fréquence des récipients dans les tombes.
181
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie.
LES DéPôTS DE MOBILIER MéTALLIquE
Aux récipients en céramique s’ajoute un très
faible effectif d’objets associés à la préparation et à
la cuisson du repas (n=17) tels que les chaudrons,
landiers, crémaillères, grils, fourchettes à chaudron,
et cuillères ; ainsi que des seaux (n=16) et bassins
(n=3) que l’on associe aux rites de boisson. Ces
objets sont toujours issus de tombes moyennement
ou richement dotées, associés à d’autres éléments
du « repas funéraire », voire du banquet.
Les chaudrons, crémaillère et landiers sont
exclusivement représentés à La Tène C, dans
la Somme, alors que les grils apparaissent plus
tardivement à La Tène D, dans l’Aisne et la
Somme.
LES DENRéES ALIMENTAIRES : VARIABILITéS
ET éVOLuTIONS DES OFFRANDES ANIMALES
Vingt-deux nécropoles sur soixante-treize ont
livré des données exploitables sur les offrandes
animales. Parmi celles-ci et pour une «fréquentation»
d’environ 5 siècles (- 475 / + 50), ce sont près de 50 % des
tombes qui ont livré des indices de viande avec de
l’os. La précision est importante car nous n’avons
aucune idée des pièces de viande désossées qui
pouvaient être déposées.
Il ressort de cette analyse que le dépôt de pièces
de viande est avéré dans 60 % des inhumations
attribuées à La Tène ancienne d’une part, et qu’une
chute très nette de cette pratique caractérise les
tombes de La Tène moyenne et inale d’autre
part au moment où la crémation se substitue à
l’inhumation.
Les offrandes animales se présentent sous la
forme d’os frais, notamment à La Tène ancienne et
aussi au début de La Tène moyenne dans l’Aisne
et l’Oise particulièrement ; puis la pratique de
l’offrande incinérée (sur le bûcher) s’ajoute aux
offrandes fraîches ou s’y substitue dans de rares
cas. C’est d’ailleurs ce qui explique en grande partie
la fréquence des « offrandes indéterminées » qui
augmente considérablement à La Tène C et à La
Tène D.
Sur l’ensemble du corpus, l’espèce la mieux
représentée est le porc (30 %, ig. 14 et 15) ; ce sont
dans la plupart des cas des sujets juvéniles. Le
mouton tient la deuxième place et devient de plus
en plus discret au cours du temps ; on voit alors
s’afirmer le couple porc/poulet. Le bœuf occupe
la troisième place des espèces sélectionnées et
disparaît des offrandes funéraires à partir de La
Tène moyenne.
182
quelques associations récurrentes telles que le
porc/mouton, le porc/bœuf et le porc/poulet sont
40
%
35
30
25
20
15
10
5
0
Indét
Autres
combinaisons
Fig. 14 - Proportion des différentes espèces animales.
notables. D’autres associations d’espèces existent
également mais sont anecdotiques.
Le chien et le cheval sont absents des offrandes
animales. Les rares occurrences de fragments osseux
issus d’espèces sauvages sont toujours associées
aux espèces domestiques.
Les associations d’espèces dans une même tombe,
dites offrandes multiples (auxiette 1995) sont le porc
et le bœuf, le porc et le mouton, parfois le bœuf et
le mouton. Dans de rares cas, certains inhumés ont
reçu des offrandes triples : porc/mouton/bœuf,
porc/bœuf/poulet, porc/mouton/poulet mais
jamais bœuf/mouton/poulet. L’association de
plusieurs espèces dans une même tombe caractérise
certaines des tombes les plus riches.
Durant les cinq siècles, les offrandes simples
sont beaucoup plus nombreuses que les offrandes
multiples et ce indépendamment du sexe des
défunts. Elles constituent la base de toute offrande
animale. Les différents morceaux déposés sont en
connexion plus ou moins stricte, dans la majorité
des cas. Ils sont parfois disjoints avant d’être
déposés, mais la désarticulation n’a pas laissé de
trace sur la surface de l’os. Les os sont presque
toujours entiers.
Des traces de découpe très nettes apparaissent
au cours de La Tène moyenne avec la découpe du
rachis et le sectionnement du bassin. La tête de porc
fait quant à elle, toujours l’objet d’une découpe
sagittale, quelle que soit la période.
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie.
100%
90%
80%
indet.
indet
70%
autres
60%
porc-mouton-bœuf
porc-poulet
mouton-bœuf
50%
porc-bœuf
porc-mouton
poulet
40%
bœuf
30%
mouton
porc
20%
10%
0%
La Tène
ancienne
La Tène
moyenne
La Tène
finale
Fig. 15 - évolution de la proportion des différentes espèces
Globalement, en l’absence de fracture et de traces
de découpe sur les ossements, on peut supposer que
les morceaux de viande n’ont pas été consommés
mais qu’ils ont été cuisinés, ce qui explique les
nombreux cas de désarticulation « propre »
fréquemment rencontrés.
à La Tène ancienne, la partie anatomique du
porc la plus souvent déposée est l’épaule. À la in
de La Tène moyenne et au début de La Tène inale,
les crânes refendus, les épaules et les jambons
sont présents dans des proportions plus ou moins
similaires. L’offrande de rachis, quasi absente des
phases les plus anciennes, tend à se multiplier.
Les pieds des trois espèces principales ne sont
presque jamais déposés ; le pied de porc apparaît
dans les offrandes funéraires au cours de La Tène
moyenne.
Les offrandes incinérées sont dificiles à
appréhender et les rares occurrences ne laissent
pas entrevoir des pratiques distinctes des offrandes
fraîches quant au choix des espèces et des
morceaux.
ConCLUsIon
Malgré l’importance du corpus, nous devons
souligner certaines disparités régionales et un
certain déséquilibre, les nécropoles de La Tène
A et B1 étant moins présentes à l’ouest, celles
de La Tène B2 à D1, moins présentes à l’est et La
Tène D2 étant très peu représentée en général. De
même, certains problèmes taphonomiques peuvent
se poser, notamment avec le développement de
l’incinération.
Le corpus des sites étudiés se situe sur deux
zones culturelles distinctes ; à l’est, l’Aisne, dont
les conins s’ouvrent vers la Champagne et les
Ardennes, et à l’ouest, l’Oise tournée vers la Somme
voire au-delà. Ces différences s’expriment aussi bien
dans les pratiques que dans le style des objets.
Malgré les différences et évolutions, notamment
dans le costume funéraire ou les dépôts alimentaires,
on ne peut qu’être frappé par une homogénéité des
pratiques funéraires durant ces cinq siècles. En
effet, le matériel funéraire représente une certaine
183
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie.
sélection des objets manipulés par les vivants. S’il
n’y a pas de céramique spéciiquement funéraire,
seule la céramique ine est déposée dans les tombes ;
de plus, la nourriture carnée préparée et offerte aux
défunts est différente de celle traditionnellement
consommée par les vivants, en proportion des
animaux représentés, avec le porc nettement
majoritaire en contexte sépulcral.
Il existe néanmoins une coupure autour de La
Tène B2 et de la in du IIIe s. avant notre ère (La Tène
C1), marquée par un remodelage des implantations
funéraires et par des transformations dans certaines
pratiques de dépôts, mais aussi par une forte
baisse de l’échantillon dans certaines régions.
Cette coupure peut être mise en relation avec des
événements historiques, migratoires notamment.
Au cours du temps, on constate une diminution
des dépôts de valeur, en particulier des parures
annulaires et des armes, qui pourrait correspondre
en partie à une attitude différente vis-à-vis de ces
objets, désormais conservés et transmis aux vivants,
plutôt qu’abandonnés déinitivement dans les
tombes. On remarque que la diminution des dépôts
d’armes coïncide avec une période où les activités
guerrières sont importantes, comme l’attestent aussi
bien les textes que l’archéologie.
Il existe un premier pic de richesse des dépôts à
La Tène B1, contemporain de la plupart des tombes
à char, à une période où les habitats paraissent peu
se différencier les uns des autres ; et un second pic
aux phases les plus récentes (La Tène C et D), au
moment où se mettent en place les oppida et les
fermes aristocratiques.
Ce protocole descriptif a permis d’élaborer une
vision évolutive des pratiques funéraires durant
toute la période laténienne. Dans un avenir proche,
l’intégration de nouvelles données issues des
fouilles récentes de l’archéologie préventive devrait
permettre de combler les lacunes de ce corpus et
d’afiner notre perception de la société celtique.
BIBLIoGrapHIE
à cette bibliographie s’ajoute celle de l’article
« Implantation et occupation des espaces funéraires
au second âge du Fer en Picardie » présent dans ce
volume. Cette dernière correspond à l’ensemble de
la bibliographie disponible concernant les espaces
funéraires intégrés à notre analyse.
AuXIETTE Ginette (1995) - « L’évolution du rituel
funéraire à travers les offrandes animales des nécropoles
gauloises de Bucy-le-Long (450/100 avant J.C.) » dans
L’animal dans l’espace humain, l’homme dans l’espace animal,
Actes du 5e colloque international l’homme et l’animal,
23-25 novembre 1994, Genève, Anthropozoologica, 21,
Paris, p. 245-252.
184
AuXIETTE Ginette, DESENNE Sophie & POMMEPuy
Claudine (2002) - « Des viatiques et des banquets :
alimentation des défunts, alimentation des vivants
sur la nécropole de La Tène ancienne de Bucy-le-Long
(Aisne) » dans Repas des vivants et nourriture pour les
morts en Gaule. Actes du XXVe colloque de l’A.F.E.A.F.,
Charleville-Mézières 24-27 mai 2001. Bulletin de la Société
Archéologique Champenoise, mémoire n° 16, Reims,
p. 317-336.
BARAy Luc (2003) - Pratiques funéraires et sociétés de l’âge
du Fer dans le Bassin parisien (in du VIIe - troisième quart du
IIe s. avant J.-C.), 56e suppl. à Gallia, Paris, CNRS éditions,
454 p.
DEMOuLE Jean-Paul (1999) - Chronologie et société dans
les nécropoles celtiques de la culture Aisne-Marne du VIe au IIe
siècle avant notre ère, Revue Archéologique de Picardie, n°
spécial 15, Amiens.
DESENNE Sophie, COLLART Jean-Luc, AuXIETTE
Ginette, MARTIN Gérard & RAPIN André, avec la
collaboration de DuVETTE Luc (2005) - « La nécropole
d’Orainville "La Croyère" (Aisne), un ensemble
attribuable au Aisne-Marne IV », dans Hommages à
Claudine Pommepuy, Revue Archéologique de Picardie, n°
spécial 22, p. 233-288.
DESENNE
Sophie,
BLANCquAERT
Geertruï,
GAuDEFROy Stéphane, GRANSAR Marc, HENON
Bénédicte, SOuPART Nathalie (2009) - Implantation et
occupation des espaces funéraires au second âge du Fer
en Picardie, dans Actes de la table ronde Les gestuelles
funéraires au second âge du Fer à Soissons, les 6 et 7
novembre 2008, Revue Archéologique de Picardie, 3/4 ,
p. 21-40.
DESENNE Sophie, POMMEPuy Claudine, DEMOuLE
Jean-Paul (dir), à paraître - La nécropole gauloise de Bucyle-Long "La Héronnière" (Aisne), Revue Archéologique de
Picardie, n° spécial 26, Amiens.
DESENNE Sophie, THOuVENOT Sylvain (2007) « Fluctuations internes de la complexité sociale au sein
de la culture « Aisne-Marne ». Le cas des tombes à char
féminines », Signes de pouvoir, Archéopages, n° 19, Inrap,
p. 6-13.
RAPIN André (1990) - « L’armement il conducteur
des mutations du second âge du Fer », dans Les Gaulois
d’Armorique, la in de l’âge du Fer en Europe tempérée, Duval
Alain (éd.), Le Bihan J.-P. (éd.) & Menez yves (éd.), XIIe
colloque de l’AFEAF, quimper, 1988. Rennes : ADRAOF,
1990, supplément à la RAO, 3, p. 287-298.
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie.
Les auteurs
Sophie DESENNE, INRAP, UMR 7041 « Protohistoire Européenne »
Ginette AUXIETTE, INRAP, UMR 7041 « Protohistoire Européenne »
Jean-Paul DEMoULE, Université de Paris I, UMR 7041 « Protohistoire Européenne »
Stéphane GAuDEFROy, INRAP
Bénédicte HENoN, INRAP, UMR 7041 « Protohistoire Européenne »
Sylvain THoUVENoT, INRAP, UMR 7041 « Protohistoire Européenne »
Thiery LEJARS, uMR 8546
résumé
L’étude de près de 700 ensembles funéraires, soit 4 300 objets, répartis de La Tène A1 à La Tène D2 en
Picardie et ses marges, a permis la mise en place d’une grille de lecture autorisant une présentation hiérarchisée
des données et des différentes catégories fonctionnelles igurées dans la tombe, ainsi qu’une approche
synthétique.
Les effets personnels du défunt portés ou déposés à ses côtés sont évoqués par des éléments de parure,
d’armement, d’accessoires vestimentaires et des trousses (de toilette ou d’outils). Même si le statut du défunt
est perceptible à certains horizons chrono-culturels, à travers le type de « panoplies », nous ne disposons
d’aucun objet pour déinir la fonction de l’individu au sein du groupe. Seule la présence d’armes peut révéler
à la fois un statut social et une fonction de type militaire.
L’alimentation est suggérée à la fois par des consommables et des vases liés au service de la table, à la
préparation et parfois au stockage. La variation des formes et des effectifs caractérise ici des changements dans le
mode de sélection des récipients déposés dans les sépultures et l’existence de différents types de « service », qui
relètent l’évolution des pratiques alimentaires mais aussi des orientations dans les fonctions mises en avant.
Les différentes conigurations matérielles, fonctionnelles et symboliques enregistrées au sein de notre
corpus de La Tène A1 à La Tène D2 en Picardie, illustrent l’éventail des choix de « l’habillement » des défunts
et des dépôts qui les accompagnent. Elles mettent en évidence également de profondes variations dans les
gestuelles funéraires, qui ont présidé à ces dépôts.
Mots clefs : gestuelles funéraires, catégories fonctionnelles, La Tène, Picardie, parure, armement, accessoires
vestimentaires, instrumentum, vaisselles, pièces de viande.
abstract
The survey of nearly 700 sets of burial deposits, that is 4300 items, dating from La Tène A1 to La Tène D2
, in Picardy and on its fringes, has enabled us to establish a model allowing a hierarchical presentation of the
data and of the various functional groups which appear in the graves, as well as facilitating a global approach.
The personal possessions worn by or deposited alongside the deceased are represented by jewels, weapons,
dress accessories and toilet or tool bags. Even if the social status of the deceased may be determined, in certain
chrono-cultural levels, thanks to the type of accessories displayed, we cannot rely on any speciic item which
would indicate the position of the person in the group. Only the presence of weapons may attest both a social
status and a military position.
Diet is suggested both by edible goods and recipients belonging to table sets, or related to cooking and
sometimes storage. Variations in shapes and numbers are typical here of changes in the way the pottery
deposited in the burials was selected, and of the existence of different sorts of “sets”, showing not only an
evolution in dietary practices, but also a deliberate exercise of choice in the functions highlighted.
The varied practical, functional and symbolic aspects observed in our corpus, in the periods from La Tène
A1 to La Tène D2 in Picardy, are examples of the wide range of choice in the way the deceased were “dressed
up”, and in the offerings that accompany them. They also highlight some deep differences in the funerary rites
which governed these offerings.
Key words : burial rites, functional groups, La Tène, Picardy, jewels, weapons, dress accessories,
instrumentum, dishes, cuts of meat.
Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX
185
RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie.
Zusammenfassung
Anhand der untersuchung von an die 700 Bestattungsensembles mit 4 300 Fundstücken aus der Zeit von
Latène A1 bis Latène D2 aus der Picardie und den angrenzenden Gebieten konnte eine Zuordnungsliste
erstellt werden, die neben einer hierarchisierten Darstellung der Daten und der unterschiedlichen im Grab
angetroffenen funktionellen Kategorien eine synthetische Betrachtungsweise ermöglicht.
Der persönliche Besitz, Kleidung oder Grabbeigaben sind durch Schmuck, Waffen, Trachtbestandteile
und Toilettgegenstände oder Werkzeug vertreten. Selbst, wenn der Status des Verstorbenen in einigen
chronologisch-kulturellen Horizonten an der Ausstattung erkennbar ist, haben wir keine materiellen Spuren
gefunden, die uns über die Funktion des Individuums innerhalb der Gruppe Auskunft gegeben hätten. Allein
das Vorhandensein von Waffen kann zugleich von einer soziale Stellung und einer militärische Funktion
zeugen.
Nahrungsreste sowie Tisch- und Kochgeschirr und Vorratsgefäße erlauben Rückschlüsse auf die
Ernährungsgewohnheiten. Die unterschiede hinsichtlich der Form und der Anzahl der Gefäße sind bezeichnend
für die Auswahlkriterien der als Grabbeigaben dienenden Keramik und die Existenz unterschiedlicher Typen
von „Geschirrsätzen“, die ebenso die Entwicklung der Ernährungsgewohnheiten widerspiegeln wie die
jeweils hervorgehobenen Funktionen.
Die unterschiedlichen, innerhalb unseres Corpus’ von Latène A1 bis Latène D2 in der Picardie angetroffenen
materiellen, funktionalen, und symbolischen Konigurationen veranschaulichen die Unterschiede in der
„Totenkleidung“ und den Grabbeigaben. Sie zeugen auch von einer großen Bandbreite der Bestattungsrituale,
die der Deponierung vorausgingen.
Schlüsselwörter : Bestattungsrituale, funktionale Kategorien, Latène, Picardie, Schmuck, Waffen,
Trachtbestandteile, Instrumentum, Geschirr, Fleisch.
Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr).
186
RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse).
CoMpLEXIté Et DIvErsIté DEs rItEs FUnéraIrEs
Dans DEUX pEtItEs néCropoLEs Lt D1
DU Canton DE FrIBoUrG (sUIssE)
Mireille RuFFIEuX
IntroDUCtIon
Pour l’époque de La Tène ancienne et moyenne, le
Plateau suisse offre, sur le plan du rite funéraire, une
image relativement homogène, avec la présence quasi
exclusive de nécropoles plus ou moins importantes,
regroupant des tombes plates à inhumation. Le
mobilier funéraire se compose d’objets de parure
en métal ou en verre, parfois d’armes. à La Tène
inale, on observe une rupture importante dans le
rite funéraire, avec la réapparition de la pratique
de l’incinération - l’inhumation perdure cependant
jusqu’à la in de la période -, des changements dans
le mobilier et le retour des offrandes alimentaires.
Dans l’état actuel des recherches, les sépultures
attribuées à La Tène D, en particulier les incinérations,
sont peu nombreuses sur le Plateau suisse (ig. 1). Ce
corpus peu étoffé comprend un certain nombre de
tombes « isolées » (en général une tombe, parfois
deux), dont les contextes de découverte sont
différents. Il peut s’agir d’une incinération dans une
nécropole regroupant des inhumations ou des tombes
plus tardives, d’une sépulture unique rattachée à une
ferme, ou d’une tombe découverte fortuitement et
dont l’environnement n’est pas connu. L’observation
de ces tombes révèle certes des différences (dépôt des
os en urne ou en pleine terre par exemple), mais leur
isolement limite la compréhension du rituel funéraire,
Fig. 1 - Carte de répartition des incinérations La Tène inale mises au jour sur le Plateau Suisse (information disponible
jusqu’en 2008) : 1- Châbles "Les Biolleyres 3" ; 2- Frasses "Les Champs Montants" (dessin Reto Blumer).
Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse).
187
RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse).
Str 13
Fossé de la voie
T 10
T5
Str 3
Str 8
Voie Romaine
T 8b
Str 1
T 8a
T 12
Str 2
T6
Str 4
T9
T7
Fossé de la voie
T 11
La Tène
Romain
Moderne
Indéterminé (La Tène ou Romain)
Limite de fouille
Limite de l'étude
N
0m
1m
Fig. 2 - Plan général de la nécropole de Châbles "Les Biolleyres 3" (dessin Pascal Grand).
d’où l’importance des quelques nécropoles mises au
jour. Seules quatre nécropoles, comptant chacune une
dizaine d’incinérations, ont été fouillées récemment,
entre 1989 et 2000 : Lausanne "Chavannes 11" dans
le canton de Vaud, qui comprenait 13 incinérations et
17 inhumations et dont l’étude exhaustive n’est pas
encore publiée (brunetti 2005), Elgg/Breiti à Zurich,
constituée de 7 incinérations en pleine terre (Mäder
2002) ainsi que Châbles "Les Biolleyres 3" et Frasses
"Les Champs Montants" (ig. 1, n° 1 et 2), dans le
canton de Fribourg. Ces deux nécropoles, localisées
sur la rive sud du lac de Neuchâtel, ont été fouillées
dans le cadre des recherches archéologiques menées
sur le tracé de l’autoroute A1. Bien qu’elles soient
contemporaines et distantes de seulement 4 km, leur
étude minutieuse a permis de mettre en évidence
un certain nombre de différences qui témoignent
manifestement de la complexité du rituel funéraire
à La Tène inale (1).
CHâBLEs "LEs BIoLLEYrEs 3"
Découverte suite à la fouille et au démontage
d’une voie romaine bordée de fossés de drainage
latéraux, cette nécropole comprend 9 tombes et
quelques structures de fonction indéterminée. Malgré
l’ouverture d’une surface de près de 2 000 m2
(décapage à la truelle et à la pelle mécanique), les
seules sépultures mises au jour se trouvaient sous la
voie. L’étendue initiale de la nécropole ne peut être
1 - L’étude exhaustive de ces deux nécropoles
(mobilier, structures, sédimentologie, anthropologie et
archéozoologie), a été publiée dans ruffieux et al. 2006.
188
estimée, la construction de la voie ayant sans doute
protégé les seules tombes qui nous sont parvenues
tout en détruisant d’éventuels marquages de surface.
Enin, un prolongement de la nécropole vers le nord
n’est pas totalement exclu.
Une première distinction peut être opérée
d’après le type de structures, entre des enclos
quadrangulaires fossoyés (ig. 2, T. 5, 8B et 9), un
type de tombe qui n’avait encore jamais été attesté
en Suisse pour cette époque, et des fosses ovales ou
quadrangulaires (ig. 2, T. 6, 7, 8A, 10, 11 et 12). La
quantité d’ossements permet en outre de différencier
les « vraies » tombes, qui ont livré entre 240 et 600 g
d’os (il s’agit des tombes à enclos ainsi que de la
tombe en fosse 8A), des tombes « symboliques » qui
en contenaient moins de 25 g. Précisons que même
les poids les plus importants ne correspondent pas
à la totalité des ossements incinérés d’un défunt. En
effet, selon les données recueillies par I. Le Goff,
le poids moyen d’un squelette incinéré est compris
entre 1 770 et 2 361 g ; elle-même retient le poids de
1 000 g pour différencier un dépôt exhaustif d’un
dépôt partiel (le Goff 1998, p. 247 ss). Des urnes
sont uniquement présentes dans les tombes à enclos
mais elles ne contenaient qu’une inime partie des
ossements (entre 9 et 17 g), la majeure partie ayant
été déposée en pleine terre ou dans des contenants
périssables.
RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse).
uN EXEMPLE DE TOMBE à ENCLOS :
LA SéPuLTuRE 5
Au centre de l’espace délimité par le fossé,
dans une petite fosse, avaient été déposés un
tonnelet et un pot. L’existence de cette fosse, dont
les limites n’étaient pas très nettes en plan comme
en stratigraphie, a été conirmée par des analyses
micromorphologiques (ruffieux et al. 2006, 30-33).
Bien que le tonnelet ait été retrouvé couché sur le
pot, ces deux récipients ont dû être placés en position
verticale, séparés par une planche. L’hypothèse d’une
« étagère » est déduite de l’observation précise de la
position des récipients. Le pot faisait ofice d’urne
puisqu’il renfermait quelques restes osseux.
La tombe 5 (ig. 3) se présentait sous la forme
d’une structure quadrangulaire délimitée par un
petit fossé formant un enclos (L. : 2,10 à 2,60 m,
l. : 0,30 à 0,45 m, prof. : 0,20 m). une importante
concentration d’os incinérés et de charbon de bois, à
laquelle étaient mêlés des objets de parure en bronze,
en fer et en verre le plus souvent fragmentaires et
brûlés, était située dans l’angle ouest de ce fossé.
Les ossements et les offrandes avaient été placés
non lavés dans un contenant souple en matériau
périssable. Ce contenant n’était pas conservé mais
sa présence était attestée par la forme du dépôt
nettement circonscrit, par la position verticale de
plusieurs ossements situés sur le pourtour et par
la forte concentration du matériel. Sa nature est
déduite d’une empreinte de tissu visible dans la
terre qui recouvrait un morceau de verre fondu
situé en bordure du dépôt.
N
un petit groupe d’ossements calcinés qui se
trouvait devant les récipients, à mi-hauteur du pot
(ig. 3, dépôt 3), provient de l’urne d’où il a été sorti
par un rongeur. Deux petits dépôts d’os d’environ
7 g ont encore été mis en évidence dans l’espace
circonscrit par le fossé (ig. 3, dépôts 1 et 2). Les os
incinérés découverts dans ces dépôts et dans l’urne
avaient été lavés (absence de charbons).
os brûlés
céramiques
verre
bronze
fer
charbon
Dépôt 2
Dépôt 1
Dépôt 3
Dépôt
central
Dépôt
principal
Alt 600.20
0m
1m
Fig. 3 - Châbles, tombe 5, plan et coupe (dessin Pascal Grand).
189
RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse).
L’analyse anthropologique a permis d’individualiser dans cette sépulture deux sujets, un adulte
de sexe indéterminé vraisemblablement âgé (signes
d’arthrose) et une adolescente (12-14 ans). Le défunt
âgé n’étant représenté que par 6,2 g d’os, la question
du dépôt volontaire ou accidentel (« pollution »
d’une précédente crémation) de ces restes s’est posée.
De faibles masses d’ossements étant relativement
courantes dans les incinérations de La Tène inale,
l’hypothèse d’un dépôt volontaire symbolique est
plausible ; nous serions alors en présence d’une tombe
double.
La grande majorité des ossements de la tombe
5 de Châbles est attribuée à une adolescente (le
sexe a pu être déterminée d’après le rocher, selon la
méthode exposée dans Graw et al. 2005). Le corps a
probablement été brûlé peu de temps après sa mort,
si l’on se réfère à la forme des cassures des os longs
et à la présence de tâches « goudronnées ». Après
la crémation, seule une partie des restes osseux a
été collectée et déposée dans la tombe. Si toutes
les parties du corps sont représentées, les restes
de la tête puis ceux du tronc semblent avoir été
privilégiés ; cependant, la présence d’un seul rocher
temporal (un os d’une certaine taille et facilement
reconnaissable) montre qu’il n’y a manifestement
pas eu volonté d’ensevelir l’ensemble des vestiges
crâniens.
disposition, la structure 8 a été interprétée comme
une aire de crémation partiellement conservée. Le
bûcher édiié directement sur le sol, et non dans
ou sur une fosse, explique les limites peu nettes
et l’étendue de cette anomalie. Les traces laissées
par un bûcher sont en effet très fugaces, comme
l’a démontré notamment le bûcher expérimental
d’Acy-Romance (laMbot et al. 1994, p. 250-261 ; le
Goff 1998, p. 94ss).
La sépulture 8B (ig. 4 et 5) est une tombe à enclos
comparable à la tombe 5 (L. : 1,70 à 2,20 m, l. : 0,20 à
0,30 m, prof. : 0,20 m). Ici, la majorité des ossements
et du mobilier n’est cependant pas concentrée dans
un angle du fossé mais répartie sur deux côtés.
De plus, le mobilier comprenait, outre les objets
de parure, une écuelle brûlée et fragmentée, dont
tous les tessons avaient été récoltés sur le bûcher et
disséminés dans l’enclos fossoyé. Dans une petite
fosse au centre de la tombe avait été déposé un
pot surmonté d’une bouteille (ig. 5). Le pot a été
utilisé comme urne. Les quelques os qu’il contenait
avaient été placés dans une petite bourse en étoffe
ou en cuir, fermée par une ibule en fer et coiffée
d’une petit coupe retournée. C’est la position des
différents éléments qui permet de reconstituer la
présence d’une bourse, qui n’est pas attestée dans
les autres urnes.
La tombe 9 est un enclos quadrangulaire (L. : 2,50
et 2,80 m ; l. : 0,30 à 0,50 m ; prof. : 0,25 m) semblable
à la tombe 5 (ig. 2). Une partie des restes du défunt
et des offrandes funéraires avait été déposée dans
un contenant souple au milieu du côté sud-ouest
du fossé, tandis qu’une autre partie a été épandue
irrégulièrement dans le fossé-enclos. quelques os
lavés, enin, ont été mis dans l’urne placée dans une
fosse au centre de la tombe. Le défunt est un adulte
de sexe masculin, d’après des critères de robustesse
des os crâniens.
uN ENSEMBLE PARTICuLIER : L’ENSEMBLE 8
190
La fouille et l’étude des structures 8, 8A et 8B (ig.
2) ont révélé un ensemble d’une certaine complexité.
Partiellement arasé par la construction de la voie
romaine, cet ensemble se présentait, à son niveau
d’apparition, sous la forme d’une grande anomalie
sédimentaire (str. 8) grossièrement ovale mesurant
environ 4 x 2 m. Elle était caractérisée par un sédiment
plus gris que l’encaissant, des points de charbon,
quelques petits nodules de terre cuite, des esquilles
d’ossements calcinés, des éléments métalliques et
des galets fragmentés au feu. Ses limites étaient
plutôt loues et son épaisseur très faible (1-2 cm).
Par la suite, deux structures s’individualisaient : une
tombe en fosse très charbonneuse (T. 8A) au centre
de l’anomalie et une tombe à enclos quadrangulaire
(T. 8B) empiétant sur le quart oriental de l’anomalie
et se poursuivant à l’est. Malgré le peu d’indices à
Fig. 4 - Châbles, tombes 8B et 8A en cours de fouille. La
fosse centrale de la tombe 8B n’a pas encore été mise au
jour (photo Pascal Grand).
Fig. 5 - Châbles, tombe 8B, moitié ouest : au centre l’urne
surmontée de la bouteille. Les galets visibles au premier
plan appartiennent à un niveau protohistorique antérieur
à la nécropole (photo Pascal Grand).
RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse).
Distante de 0,30 m, la sépulture 8A (voir ig. 4) est
la seule tombe en fosse de la nécropole qui a livré
une quantité respectable d’ossements. De forme
ovalaire, mesurant 1 m x 0,60 m et conservée sur
0,15 m de profondeur, elle se distinguait nettement
par son sédiment très charbonneux. En plus
des ossements et de quelques objets de parure,
elle contenait un gobelet découvert en position
horizontale et vide, qui n’a pu servir d’urne, vu la
localisation des ossements. La tombe 8A aurait été
creusée, si l’on accepte l’interprétation proposée
pour la structure 8, à l’emplacement même de l’aire
de crémation ; elle peut donc être considérée comme
une tombe à bustum.
Les sépultures 8A et 8B entretiennent plus qu’une
proximité géographique, comme a permis de le
démontrer l’analyse anthropologique. Elles ont en
effet livré les restes de deux enfants, l’un âgé entre 0
et 6 ans (Infans I), l’autre entre 12 et 15 ans (limite entre
Infans II et Juvenis) et ayant des problèmes de santé
(épaississement périosté des corticales d’humérus).
En outre, les ossements de ces deux enfants offrent
la particularité d’avoir été mélangés dans les deux
tombes, comme le prouvent des collages entre des
os provenant de chaque ensemble. D’après des
différences de couleur, de robustesse, de maturité,
environ 65 % des ossements ont pu être attribués à
l’un ou l’autre des enfants. Il en ressort que la tombe
8A contenait 70 % des restes de l’enfant le plus âgé
et 30 % du plus jeune, les proportions inverses se
retrouvant dans la 8B. La distinction par région
anatomique des restes qui ont pu être attribués à
l’un ou l’autre individu met en évidence le caractère
partiel et sélectif du ramassage des ossements : les
restes des membres ont été privilégiés chez le plus
âgé, ceux de la tête chez le plus jeune. Cependant,
les deux rochers (os du crâne) de l’enfant le plus âgé
se trouvaient dans la tombe 8A, alors qu’un rocher
du plus jeune était dans la 8B (fossé) et l’autre dans
l’aire de crémation. En outre, quelques os de chaque
individu ont été lavés et déposés dans l’urne placée
au centre de la sépulture 8B.
La masse des os contenus dans ces deux tombes
est inférieure à celle des autres tombes à enclos.
Cependant, le poids total des ossements humains
découverts dans l’ensemble 8 (str. 8, T. 8A et T. 8B),
soit 580,61 g, est semblable à celui que renfermaient
les sépultures 5 (576,45 g) et 9 (593,7 g). Nous
pensons qu’il ne s’agit pas de coïncidences mais
d’une volonté.
Devant ce cas particulier du mélange des
ossements de deux défunts dans deux tombes, se
pose la question de savoir s’il y a eu un ou plusieurs
bûchers. Sur la base de l’analyse des tombes
doubles de Ménil-Annelles et Ville-sur-Retourne
(Ardennes), lorsque les restes de deux individus
sont mélangés dans plusieurs amas, l’un contenant
davantage des restes du premier sujet, et l’autre du
second, on estime généralement que l’incinération a
eu lieu sur le même bûcher et que les restes ont été
collectés selon leur localisation (flouest 1993). Si l’on
accepte cette hypothèse d’un bûcher commun pour
les tombes 8A et 8B de Châbles, il reste à expliquer
la différence de coloration des ossements : les os
du plus jeune enfant sont en effet blancs à blanc
grisâtre avec des plages noires, ce qui indique, en
principe, une température qui n’a pas dû dépasser
de manière continue 500 à 600°, tandis que ceux de
l’adolescent sont blancs, parfois crayeux, avec une
sonorité de céramique. Dans ce cas la température
a dû être élevée et dépasser les 700 à 800°. Une
crémation irrégulière ou une différence de taille et
de corpulence pourraient-elles être à l’origine de
cette différence ? Nous n’avons malheureusement
aucune réponse à cette question.
Enin, il est intéressant de noter que le ramassage
des ossements n’a été que partiel, alors que tous les
fragments de l’écuelle, sans doute brisée sous l’effet
des lammes du bûcher, ont été soigneusement
récoltés pour être placés dans la tombe. La
signiication de ces gestes nous échappe.
TOMBES SyMBOLIquES ET
AuTRES STRuCTuRES
Les tombes en fosse de Châbles, à l’exception de la
sépulture 8A (voir ci-dessus), n’ont livré qu’une très
faible quantité d’ossements (moins de 25 g). De forme
plus ou moins ovale ou rectangulaire, ces structures
étaient en général très lessivées. Elles mesuraient
entre 1,30 m et 2,30 m de longueur et 0,10 à 0,16 m
de profondeur. Outre quelques restes humains,
elles renfermaient une, voire deux offrandes (objet
métallique ou faune).
L’arasement partiel de ces tombes n’explique pas
à lui seul la faible quantité d’ossements retrouvée
puisque d’autres sépultures de cette nécropole,
soumises au même problème de conservation, en ont
livrés nettement plus. Il s’agit de tombes symboliques,
qui témoignent de rites funéraires complexes.
D’autres structures ont été mises au jour à
Châbles, mais leur datation, leur fonction et donc
leur appartenance ou non à la nécropole laténienne
n’ont pu être déterminées. Les plus importantes sont
un alignement rectiligne et relativement compact
composé de deux à trois niveaux de galets (str. 1, L.
cons. 9,50 m, l. 0,30 m) ainsi qu’une concentration de
galets perpendiculaire à la structure 1 mais moins
dense (str. 2, L. cons. 4 m); plusieurs galets, situés en
aval, semblaient provenir de son démantèlement.
Quelques anomalies sédimentaires (ig. 2, str. 3, 4 et
13) pourraient autant être des restes de tombes ou
d’enclos que des structures liées à une occupation
postérieure.
191
RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse).
LES OFFRANDES
Les offrandes découvertes dans les tombes
de Châbles se répartissent en trois catégories:
alimentaire, objets personnels (parure) et dépôts à
fonction symbolique ou rituelle. Bien que les traces
de feu, en particulier sur le mobilier en fer, soient
parfois dificiles à identiier, la majorité de ces
offrandes semble être passée sur le bûcher comme
l’attestent les nombreuses gouttes de bronze.
Les offrandes alimentaires sont représentées en
premier lieu par les restes de faune, attestés dans 5
tombes (T. 5, 6, 8A, 8B et 10) mais en très faible quantité
(poids total : moins de 32 g). Le capriné est l’espèce
la mieux représentée, alors que le porc prédomine
souvent dans les sépultures de cette période. Des
restes de bœuf, de porc et d’oiseau (dont au moins
un gallinacé) ont aussi été identiiés. La présence,
exceptionnelle, de coquilles d’œuf est à relever. La
découverte d’un os d’amphibien, le seul reste non
brûlé, pourrait résulter aussi bien d’une intrusion
ultérieure que d’une offrande funéraire (2). Nous
supposons qu’aucun animal entier n’a été brûlé, vu la
faible quantité d’ossements ; l’identiication, dans les
tombes 8A et 8B, d’os correspondant à au moins un
gigot gauche de capriné atteste plutôt l’offrande de
quartiers de viande. Le dépôt de quartiers de viande,
non brûlés, a par exemple été mis en évidence dans la
nécropole de Lamadeleine (Luxembourg ; Metzlerzens et al. 1999, p. 362-368).
Les trois vases fermés à pâte claire déposés dans
les sépultures, soit une bouteille et un tonnelet
peints qui surmontaient une urne (T. 8B et 5)
ainsi qu’un gobelet (T. 8A), devaient contenir des
offrandes alimentaires. Les deux vases ouverts (T.
8B) sont les seuls qui présentaient des traces de feu
plus ou moins marquées. Dans la tombe, l’écuelle
était en morceaux et la petite coupe faisait ofice
de couvercle, mais leur fonction sur le bûcher était
peut-être différente (ig. 6).
Fig. 6 - Ensemble des récipients en céramique découverts
dans les tombes de Châbles - excepté le récipient de droite
qui vient de la structure 13 (photo Claude ZauGG).
192
2 - Des os de sept batraciens ont été mis au jour dans
une sépulture d’Acy-Romance "La Croisette". Bien que
ces ossements se trouvassent dans un vase fermé par un
autre, leur appartenance à la tombe y est tout de même
mise en doute (laMbot et al. 1994, p. 190).
Fig. 7 - Choix de ibules provenant de l’ensemble 8 de
Châbles (photo Claude ZauGG).
Les objets de parure comprennent une quinzaine
de ibules en fer ou en bronze (ig. 7), des chaînettes
en bronze et en fer ainsi qu’un bracelet en bronze. Des
fragments de verre, déformés par le feu, proviennent
probablement de bracelet(s), éventuellement d’une
perle pour le plus petit. Les ibules permettent de
dater cette nécropole du début de LT D1b : en effet
les ibules iliformes en fer à ressort en arbalète et
pied de schéma La Tène inale (fossile-directeur
de LT D1a) côtoient dans les mêmes sépultures les
ibules de Nauheim (LT D1b).
Un objet en fer (T. 7 ; voir ig. 13) a été identiié
comme un élément de fourreau (frette) ou de garde
d’épée (quillon). Il peut être considéré comme une
offrande symbolique.
La composition des offrandes varie d’une tombe
à l’autre, mais le nombre de sépultures est trop
faible pour tirer des conclusions concernant les
critères qui ont procédé à leur choix. Il y a cependant
une corrélation entre la quantité des offrandes et
la masse des ossements. En outre, si les tombes à
faible quantité d’ossements n’ont livré qu’un objet
métallique et/ou des restes de faune, l’association
métal-céramique caractérise par contre le mobilier
des sépultures à « forte » quantité d’ossements.
Concernant les céramiques, nous avons vu qu’elles
revêtaient diverses fonctions. Plusieurs d’entre
elles correspondent à des formes courantes dans
des habitats contemporains mais sont ici de
dimension réduite (par exemple le tonnelet et le
gobelet). Le choix des récipients (forme, taille,
pâte) n’a sans doute pas été laissé au hasard et
correspond probablement à une symbolique, dont
la signiication nous échappe. Enin, même si les
tombes à « faible » quantité d’ossements nous
paraissent très pauvres, les offrandes qu’elles ont
livrées (fragment d’arme, restes de faune et ibule)
sont d’une certaine qualité. L’élément d’épée est à
l’image de la fonction essentiellement symbolique
que devaient revêtir ces structures.
RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse).
FrassEs "LEs CHaMps Montants"
La fouille du site de Frasses "Les Champs
Montants", implanté sur le lanc nord d’une butte
morainique, a permis la découverte de 9 tombes à
incinérations (ig. 8). Aucune autre sépulture n’a
été mise au jour malgré la fouille et le contrôle à la
machine d’une surface relativement grande (plus
de 1 600 m2). Par contre la découverte de plusieurs
fragments de ibule hors structure laisse supposer
la disparition de tombes supplémentaires suite à
l’érosion du site. Aucun aménagement délimitant
la nécropole ni marquage de surface n’a été mis
en évidence. L’absence de recoupement entre
les tombes, très proches pour certaines, suggère
toutefois qu’elles devaient être signalées d’une
manière ou d’une autre en surface.
La nécropole est constituée de 3 ensembles
géographiques distincts, composés respectivement
d’une, 3 et 5 sépultures. Cependant, ni l’étude
de la composition des mobiliers, ni l’analyse
anthropologique n’ont permis de mettre en évidence
des différences entre ces groupes.
En outre, une fosse rectangulaire était située une
dizaine de mètres à l’est (ig. 8, str. 2610.1). Mesurant
1,50 x 0,80 m pour 0,30 m de profondeur, elle était
caractérisée par des parois fortement rubéiées, un
fond plat et la présence de fragments de charbons
de bois. D’après sa position stratigraphique et sa
datation C14, cette structure était contemporaine
de la nécropole. Il s’agit sans doute d’une fosse
de crémation, malgré l’absence de mobilier et
d’ossements. Des structures comparables, dont les
parois, mais rarement le fond, sont rubéiées, ont
été mises au jour par exemple dans la nécropole
laténienne d’Elgg/Breiti (Mäder 2002, p. 38-40 et pl.
19-20 : Bf 86 et 87) ou dans des nécropoles romaines
proches, comme Avenches "Au Port" (canton de
Vaud, Suisse ; str. 36 ; Castella 1999, note 3) ou
Avenche "à la Montagne" (str. 91 ; blanC 2002).
Diverses hypothèses concernant le fonctionnement
de ce type de structure ont été avancées ; celle d’une
fosse de ventilation pour le bûcher dressé au dessus
nous paraît convaincante (le Goff 1998, p. 165172).
ARCHITECTuRE DES TOMBES
ET MODE DE DéPôT
Toutes les sépultures de Frasses sont des
incinérations en fosse, mais des différences
morphologiques sont perceptibles. à l’exception des
tombes 4 et 6 plutôt quadrangulaires, les autres ont,
en plan, une forme ovale (ig. 9).
Parmi les tombes ovalaires, une distinction
peut être faite entre les fosses profondes et les
fosses évasées. Les premières sont caractérisées par
une profondeur plus grande ou égale à la largeur
N
1m
N
os brûlés
0
céramique - terre cuite
Str 2610.1
fer
charbon
SONDAGE
33
T. 2
590
T. 1/7
T. 6
T. 3
0
T. 4
1m
T. 5
T. 9
479.00
T. 10
T. 8
478.50
580
370
360
Fig. 8 - Plan général de la nécropole de Frasses "Les
Champs Montants" (dessin Pierre-Alexandre huGuet).
Fig. 9 - Frasses, tombe 2, plan et coupe (dessin PierreAlexandre huGuet).
193
RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse).
(profondeur comprise entre 0,40 et 0,70 m) ; les tombes
2, 5 et 10 font partie de ce groupe. Si la sépulture 2
se distingue par un proil en V, les sépultures 5 et
10 le sont par un proil en forme de trou de poteau.
Les secondes (T. 1/7, 3, 8 et 9), dont la largeur est
nettement supérieure à la profondeur (profondeur
comprise entre 0,30 et 0,40 m), ont un fond plat ou
légèrement convexe.
représentation du défunt et la richesse du mobilier
d’accompagnement a par exemple pu être mise en
évidence dans la nécropole de La Calotterie (Pasde-Calais) attribuée à La Tène moyenne (le Goff
1998, p. 250-251). à Frasses, la masse d’ossements
n’est pas proportionnelle à la richesse du mobilier,
puisque la tombe 6, sans doute la plus riche de la
nécropole, ne contenait que 314 g d’os.
Les
ossements
et
les
offrandes
ont
vraisemblablement été déposés directement en
pleine terre dans le cas de la tombe 6. Pour les
autres tombes par contre, les restes de la crémation
ont probablement été placés dans un contenant
périssable déposé dans la fosse, vu la bipartition
sédimentaire qui les caractérise ainsi que la
concentration des ossements et du mobilier. Ce
contenant devait être souple dans la majorité des cas
(textile, peau) en raison de la forme plutôt ovale de
l’anomalie sédimentaire plus sombre. un contenant
rigide est supposé pour les tombes 5 et 10 (forme
du proil) et pour la tombe 4 (fosse quadrangulaire
et présence d’un anneau en bronze situé au milieu
du côté sud).
D’après les ossements déterminés, les différentes
régions anatomiques ne sont pas représentées
dans chaque tombe, ce qui semble indiquer un
dépôt partiel, sans souci de représenter même
symboliquement chaque partie du corps, ni de
privilégier systématiquement une partie du
corps. La répartition horizontale et verticale des
ossements à l’intérieur des tombes montre qu’il n’y
a pas eu mise en place des vestiges selon un ordre
anatomique.
LES OSSEMENTS
La quantité d’ossements, sans distinction entre
l’homme et l’animal, est relativement importante,
puisque les sépultures en renfermaient entre
204 et 2 750 g. En raison de leur fragmentation
élevée, la majorité des ossements (soit 73 %) n’a
pu être déterminée, ce qui limite en partie les
interprétations (3). quelques faits ont cependant
pu être mis en évidence. Les tombes peuvent être
classées en 3 grands groupes d’après la masse totale
de fragments osseux : entre 200 et 600 g (T. 5, 6,
8, 9, 10), entre 1 000 et 2 000 g environ (T. 1/7, 2
et 3) et plus de 2 000 g (T. 4). Cette masse n’est pas
liée à la profondeur ou à la surface de la tombe : les
2 sépultures parmi les plus profondes (T. 5 et 9) ont
livré une quantité d’os relativement modeste, alors
que la tombe 4, conservée sur 0,20 m de profondeur,
en renfermait près de 3 kg. Trois tombes sont
multiples (T. 1/7, 2 et 3) ; chacune d’elles contenait
les restes d’au moins un adulte de sexe masculin (4)
et d’un immature, ce dernier n’étant représenté que
par quelques fragments. Ces trois tombes, ainsi que
la 4 sont celles qui ont livré la plus grande quantité
de restes osseux et les seules avec des restes d’adultes
de sexe masculin. Toutes les tombes avec moins de
600 g d’os renfermaient des restes de femmes ou des
restes indéterminés. La quantité d’os semble donc
liée au sexe du défunt. une corrélation entre la forte
3 - Tous les poids d’ossements cités dans ce paragraphe
consistent en la masse totale (homme, faune et
indéterminée) trouvée dans une tombe.
4 - La détermination sexuelle se base essentiellement sur
des critères relatifs comme l’appréciation de la robustesse,
et sur des comparaisons de mesures. Pour une explication
détaillée de la méthode, voir ruffieux et al. 2006, p. 61.
194
LES OFFRANDES
Des offrandes ont été déposées dans chaque
sépulture, mais en quantité, qualité et diversité
variables, indépendantes de la taille de la tombe
comme du sexe des défunts. La tombe 6 se distingue
par la richesse de son mobilier.
Les restes de faune, brûlés, sont présents dans
toutes les tombes, en quantité plus ou moins
importante : les sépultures abritant au moins un
défunt de sexe masculin ont livré entre 100 g et 600 g
d’ossements animaux identiiés, les autres moins de
65 g. Huit espèces animales sont attestées. La faune
domestique est prépondérante, avec en tête, le porc
suivi du cheval, du bœuf et des caprinés. Des restes
d’oiseaux, notamment du coq ou de la poule, ont été
identiiés dans 7 des 9 tombes. La faune sauvage,
généralement peu représentée dans les habitats et
les tombes de La Tène inale, est attestée par des
ossements de lièvre (T. 4 et T. 6) et de cerf (T. 4);
fait intéressant, des restes de chien et de cheval ont
aussi été découverts dans ces tombes. On peut se
demander si les défunts de ces deux sépultures, un
homme et une femme, pratiquaient une activité liée
à la chasse ou bénéiciaient d’un rang privilégié.
Ces dépôts de faune revêtent probablement
diverses signiications. Plusieurs morceaux de choix,
tels un demi-porc (T. 1/7), une épaule et un jambon
de porc (T. 2), une épaule et un jarret de bœuf (T. 2
et 4), constituent vraisemblablement des offrandes
alimentaires (viatiques pour le défunt ou vestiges
de banquets funéraires). En revanche, d’autres
ossements proviennent de parties peu riches en
viande, comme le crâne et les extrémités de pattes de
caprinés (T. 2 et 3), les bas de pattes postérieures ou
antérieures de bœuf (T. 1/7, 3, 10) ou de cheval (T. 3
et 4), les fragments de pattes ainsi qu’une vertèbre de
lièvre (T. 4 et 6), ou les vestiges d’une patte antérieure
de cerf (T. 4). Leur présence dans les tombes doit
donc plutôt avoir un caractère symbolique.
RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse).
Enin, un fragment d’os décoré de trois rainures
(T. 4), de petite taille, provient d’un objet non
identiié.
Le mobilier funéraire est essentiellement
métallique. Les objets liés à la parure et à l’habillement sont peu nombreux et fragmentaires : 3 ibules
(2 en bronze et une en fer), des maillons de chaînette
en fer et un bracelet en fer (T. 1/7 et 6). un fragment
de verre fondu, provenant sans doute d’un bracelet,
complète les éléments de parure.
L’essentiel du mobilier est en fait composé
de pièces de quincaillerie et d’assemblage,
généralement de petite taille : clous, agrafes, iche
à boucle. Parmi les 70 clous, l’un est un clou de
soulier, les autres, des pointes (60) et des clous à tête
forgée (9). Les pointes sont petites (L. 9 à 35 mm) et
légères et ont le plus souvent une tête écrasée. Les
pointes et les clous à tête forgée ont probablement
servi à assembler des coffrets. Leur répartition
dans les tombes (en particulier T. 1/7, 2, 6 et 8 qui
en ont livré entre 11 et 26) n’atteste pas le dépôt
de coffrets entiers dans les sépultures mais semble
plutôt correspondre à des vestiges de coffrets
brûlés. Plusieurs anneaux en fer (T. 2, 4 et 6) ou en
bronze (T. 4) pourraient éventuellement provenir
de coffrets, mais en raison de la polyvalence de ce
type d’objet, leur fonction ne peut être déterminée
de manière certaine.
Quelques objets prestigieux méritent d’être cités,
en particulier un fragment d’anse et son attache en
bronze (T. 6 ; voir ig. 12), un fermoir ou élément de
serrurerie composé de deux tôles de bronze et d’un
pêne en fer (T. 6 ; ig. 10, n° 1) , et une tôle de bonze
en forme de selle de cheval, peut-être un élément
décoratif de joug (T. 1/7 ; ig. 10, n° 3). De petits
fragments d’or ont aussi été mis au jour (T. 3 et 4)
mais ils n’ont pu être retrouvés lors de l’étude du
mobilier.
Fig. 10 - Frasses, choix d’objets métalliques : fermoir (n° 1) en bronze et fer (T. 6), ibule (n° 2) et élément décoratif (n° 3) en
bronze (T. 1/7), échelle 1:1 (dessin Odile Gendre et Evencio Garcia CristoBal).
195
RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse).
Les rares tessons de céramique laténienne sont
probablement des éléments en position secondaire,
ce qui n’est pas le cas des 56 éléments en terre cuite
(ig. 11), grossièrement façonnés et de petite taille,
découverts dans les tombes 6 et 1/7. Leur forme
est triangulaire (39 ex. ; L. : 15 à 25 mm), conique
à base circulaire plus ou moins plate (4 ex.,
H. : 15 à 30 mm), ou en forme de plaque (13 ex.).
Leur fonction n’a pu être déterminée. Nous avions
proposé, faute de mieux, d’y voir de petits éléments
de calage. L’hypothèse de jetons de jeu a été
proposée par Stéphane Marion : des jetons et une
table de jeu avaient été déposés dans la tombe dite « du
docteur » à Stanway (Colchester, Grande-Bretagne),
elle-même située dans un enclos daté vers 55 après
J.-C. (CruMMy 2002). Bien que le matériau et la
forme de ces jetons soient différents des éléments de
terre cuite de Frasses, l’idée reste intéressante. Les
terres cuites de forme conique évoquant quelque
peu des fruits, peut-être faut-il envisager d’autres
interprétations.
Châbles
Frasses
X
X
modeste
8B
X
X
X
X
X
modeste
X
X
X
8A
X
X
modeste
X
X
X
6
X
X
faible
X
7
X
X
faible
10
X
X
faible
11
X
X
faible
12
X
X
faible
1/7
X
X
importante
X
?
2
X
X
importante
X
?
3
X
X
importante
4
X
X
5
X
X
6
X
8
X
9
10
X
X
X
X
X
X
X
élément
d’épée (fe)
X
X
X
X
X
X
X
X
X
élément
décoratif (bz)
X
X
anneau (fe)
X
X
or ?
X
importante
X
anneaux (fe,bz),
objet en os, or ?
modeste
X
modeste
X
X
modeste
X
X
X
modeste
X
X
X
modeste
X
?
X
X
?
X
X
X
X
X
anneaux (fe),
anse (bz),
fermoir
X
X
X
X
X
tab. I - Tableau comparatif des nécropoles de Châbles "Les Biolleyres 3" et Frasse "Les Champs Montants".
196
X
X
X
tombes symboliques
X
X
tombes simples
X
X
Type
autres
9
X
quincaillerie
modeste
autres parures
X
ibules
X
terre cuite
X
céramique
X
fosse
5
Offrandes funéraires
faune
quantité
d’os
en pleine terre
Dépôt
contenant périssable
Forme
urne
Tombe
enclos
Site
tombes multiples
Fig. 11 - Frasses, tombe 6 : quelques objets en argile cuite
(photo Claude ZauGG).
X
RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse).
Sur la base du mobilier, nous attribuons cette
nécropole à LT D1. Il est cependant dificile d’être
plus précis : le meilleur élément typochronologique
est une variante, ou un prototype, de la ibule de
Nauheim (ig. 10, n° 2).
sYntHèsE
Les deux petites nécropoles de Châbles "Les
Biolleyres 3" et de Frasses "Les Champs Montants"
témoignent d’une diversité des gestes funéraires qui
se lit dans l’architecture des tombes, le traitement
des ossements et le mode de dépôt ainsi que la
composition des offrandes (tab. I).
La différence la plus évidente concerne
l’architecture des tombes. Les sépultures de Frasses,
qui se présentent toutes sous la forme de fosses ovales
voire quadrangulaires montrent, malgré quelques
variations, une certaine homogénéité. à Châbles,
deux types de tombes sont attestés, certaines en fosse
simple, d’autres à enclos quadrangulaires fossoyés.
Les tombes à enclos constituent une nouveauté sur
le territoire suisse, aucun autre exemple n’étant
pour le moment attesté dans le faible corpus des
tombes de La Tène inale. Elles sont par contre
fréquentes dans le Nord de la France durant toute
la période laténienne. Les enclos de Châbles s’en
distinguent cependant par leur taille, plus réduite,
et par leur fonction. Le fossé ne sert pas seulement à
circonscrire un espace dans lequel une ou plusieurs
sépultures ont été établies, mais il fait partie
intégrante de la tombe puisque la majeure partie
du mobilier et des ossements y a été déposée. Le
fossé a ensuite été refermé et n’était probablement
plus visible, même si un marquage en surface de ces
tombes devait exister. Si, dans les exemples français,
les enclos délimitent les sépultures et peuvent donc
être considérés comme un monument funéraire,
dans notre modeste nécropole le fossé-enclos
constitue une partie de la tombe. Enin, pouvoir
bénéicier d’une tombe à enclos ne semble pas, dans
la population de Châbles, un privilège lié à l’âge ou
au sexe des défunts.
une autre différence tient à la masse d’ossements
ensevelis. Si aucune sépulture ne renfermait la
totalité des restes d’un défunt incinéré, la quantité
d’ossements varie d’une tombe à l’autre. Les
quantités les plus importantes ont été déposées dans
des tombes de Frasses, les plus faibles dans celles de
Châbles interprétées comme tombes symboliques
(moins de 25 g d’ossements). Même si les dépôts ne
sont pas exhaustifs, il y a manifestement eu volonté
de représenter toutes les régions anatomiques des
défunts dans les 4 « vraies » tombes de Châbles ;
cette volonté ne se retrouve pas à Frasses (exceptée
peut-être la 2), mais la part importante d’ossements
indéterminés limite les interprétations. Les tombes
masculines de Frasses contenaient davantage d’os
que les tombes féminines, mais vu le faible nombre
de sépultures, il est dificile de savoir si cet état de
fait correspond à un geste intentionnel.
Les tombes « symboliques » de Châbles ne
constituent pas un cas unique à l’époque de La
Tène inale. En effet, de très faibles quantités
d’os se trouvaient aussi dans certaines tombes
d’Elgg/Breiti (Zurich, Suisse; Mäder 2002, p. 87102) ou d’Acy-Romance (Ardennes ; laMbot et al.
1994, p. 177-186) pour ne citer que ces exemples.
Elles témoignent de l’existence de rites complexes
entre le moment du décès et le dépôt d’une partie
symbolique des restes humains.
un tiers des sépultures de ces deux nécropoles
se sont révélées être des tombes multiples, ce qui est
relativement fréquent à La Tène inale. L’association
adulte-immature qui caractérise les tombes
multiples de Frasses a aussi été mise en évidence
pour la nécropole de Lamadeleine au Luxembourg
(laMbot et al. 1996, Metzler et al. 1999). Le mélange
de deux individus dans deux sépultures différentes
comme dans l’ensemble 8 de Châbles constitue par
contre un cas exceptionnel.
Le mode de dépôt des ossements est aussi
différent. à Frasses, les ossements ont généralement
été regroupés dans un contenant, lui-même placé
dans une fosse ; dans un seul cas, ils ont été déposés
directement en pleine terre.
Les tombes à enclos de Châbles sont caractérisées
par un dépôt multiple : une inime partie des os a été
déposée dans l’urne au centre de la tombe, le reste
dans le fossé-enclos. Dans cet enclos, les os étaient
soit disséminés, soit regroupés dans un contenant.
De petits dépôts d’os de quelques grammes en
divers endroits de la tombe complètent l’ensemble.
Selon le dépôt, les os sont lavés ou non. Il n’y a
manifestement pas de préférence anatomique
d’après le type de dépôt ou sa localisation. De
plus, les urnes auraient pu contenir davantage
d’ossements ; le dépôt multiple correspond donc
à une volonté et non à une contrainte technique.
Ce phénomène a aussi été mis en évidence à AcyRomance (cf. friboulet, ce volume).
Le traitement des ossements des défunts semble
donc avoir obéi à des règles complexes, différentes
entre les deux communautés.
Le degré de fragmentation des ossements,
élevé dans les deux nécropoles, apporte aussi
quelques indices sur les gestes funéraires. une
telle fragmentation ne peut être due à la crémation
seule, mais nécessite une intervention humaine.
Des observations ethno-archéologiques conirment
le rôle important du crémateur qui augmente
la fragmentation des os en les déplaçant lors de
la crémation ou après, en les nettoyant. Les os
peuvent aussi avoir été fragmentés volontairement
pour entrer dans un contenant (GreVin 2004).
L’état des os semble indiquer une fragmentation
intentionnelle dont le but, ou le sens, nous échappe
totalement.
197
RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse).
Les offrandes funéraires, qui sont souvent
passées sur le bûcher, diffèrent également d’une
nécropole à l’autre. à Châbles, elles sont constituées
essentiellement de ibules en bronze et en fer, de
restes de faune et de récipients en céramique. La
diversité des offrandes est plus grande dans les
tombes à « forte » quantité d’ossements que dans
les autres. à Frasses, les ibules sont rares et les
récipients en céramique absents. Des vestiges
fauniques ont été identiiés dans chaque sépulture,
en quantité et en diversité plus grande qu’à
Châbles. Les nombreux clous et pointes en fer sont
plus atypiques ; ils attestent peut-être la présence de
coffrets sur les bûchers.
Quelques objets devaient revêtir une valeur
symbolique importante, notamment l’anse de
Frasses et son attache en bronze ainsi que l’élément
de fourreau ou d’épée de Châbles ; ces deux éléments
témoignent probablement de la coutume de la pars
pro toto, rite qui consiste à symboliser un objet entier
par une seule de ses parties (ig. 12 et 13). Les petits
objets en terre cuite de Frasses, dont l’interprétation
est encore obscure, devaient probablement aussi
jouer un rôle symbolique.
Il n’a pas été possible, à l’intérieur de chaque
nécropole, de mettre en évidence une différence
dans la composition des offrandes funéraires selon
le sexe ou l’âge des défunts.
La diversité des rites funéraires mise en exergue
dans ces deux modestes nécropoles ne peut
s’expliquer par des différences chronologiques
ou géographiques. Elle témoigne peut-être d’une
Fig. 13 - Châbles, tombe 7 : élément en fer provenant
d’une épée ou d’un fourreau (photo Claude ZauGG).
faible standardisation des pratiques funéraires, à
une époque qui voit réapparaître dans notre région
l’incinération et les offrandes alimentaires. Elle
pourrait aussi indiquer l’existence de deux groupes
sociaux distincts. Cette hypothèse est dificile à
étayer sur la base du mobilier découvert, même si
l’on peut supposer que la nécropole de Frasses, au
vu, notamment, de l’anse en bronze, de l’abondance
de la faune et de la présence de restes de chasse,
abritait des défunts un peu plus aisés que celle de
Châbles. Cette dernière se distingue par la complexité
des tombes à enclos fossoyé, un type d’architecture
funéraire observé pour la première fois en Suisse.
Les enclos quadrangulaires sont caractéristiques
des nécropoles laténiennes du Nord de la France
et leur origine remonte aux enclos circulaires de
la in de l’âge du Bronze (voir par exemple baray
1989 ou laMbot 2000). De telles structures ne sont
pas attestées en Suisse à l’époque hallstattienne.
Par contre des enclos funéraires empierrés avaient
été édiiés à Châbles à l’âge du Bronze moyen ; un
rapport entre ces structures et les tombes laténiennes,
même s’il nous semble peu probable, ne peut être
totalement exclu. Autre hypothèse, la communauté
de Châbles pourrait avoir une origine culturelle
différente de celle de Frasses et partager des racines
avec les communautés du Nord de la France. Seules
de nouvelles découvertes apporteront peut-être des
éléments de réponse.
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier chaleureusement toutes les
personnes qui ont participé à la fouille ou à l’étude
de ces deux nécropoles. Mes remerciements vont
en particulier à Henri Vigneau, responsable de la
fouille de Châbles, qui est l’auteur de nombreuses
hypothèses concernant l’architecture des tombes
et les rites funéraires ; son enthousiasme a été
communicateur.
Fig. 12 - Frasses, tombe 6 : anse et son attache en bronze,
(photo Claude ZauGG).
198
Je remercie également Bernard Lambot, Martin
Schönfelder et Stéphane Marion qui m’ont fait
part de leurs hypothèses pour l’interprétation de
plusieurs objets.
RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse).
BIBLIoGrapHIE
BARAy Luc (1989) - « Les enclos du second âge du Fer
du Nord Sénonais », dans BUCHSENSCHUTZ olivier
& OLIVIER Laurent - Les Viereckschanzen et les enceintes
quadrilatérales en Europe Celtique, Actes du IX colloque de
l’AFEAF, Chateaudun 1985, Errance, Paris (Archéologie
Aujourd’hui), p. 123-136.
BLANC Pierre (2002) - « Avenche "à la Montagne" »,
Bulletin de l’Association Pro Aventico, 44, Avenches, p. 152157.
BOISAuBERT Jean-Luc, BuGNON Dominique &
MAuVILLy Michel (dir.) (2008) - Archéologie et autoroute
A1, destins croisés. 25 années de fouilles en terres fribourgeoises
(1975-2000), premier bilan, Academic Press, Fribourg, 476
p. (Archéologie fribourgeoise 22).
BRUNETTI Caroline (2005) - « La in de l’âge du Fer à
Lausanne : les sites de la Cité et de Vidy », dans BERTI
ROSSI Sylvie & MAy CASTELLA Catherine - La fouille
de Vidy "Chavannes 11" 1989-1990. Trois siècles d’histoire
à Lousonna. Archéologie, architecture et urbanisme, Cahiers
d’archéologie romande, Lausanne (Lousonna 8 ; Cahiers
d’archéologie romande 102), p. 343-362.
GREVIN Gilles (2004) - « L’ethnologie au secours des
archéologues : l’étude des crémations sur bûchers »,
Archéologia 408, Dijon, p. 44-51.
LAMBOT Bernard (2000) - « Les enclos funéraires en
Champagne : indicateurs chronologiques, sociaux et
culturels ? », Revue archéologique de Picardie 1/2, Amiens,
p. 147-159.
LAMBOT Bernard, FRIBOuLET Muriel & MéNIEL Patrice
(1994) - Le site protohistorique d’Acy-Romance (Ardennes). II
Les nécropoles dans leur contexte régional (Thugny-Trugny
et tombes aristocratiques) 1986-1988-1989, Reims, 315 p.
(Mémoires de la Société Archéologique Champenoise 8).
LAMBOT Bernard, MENIEL Patrice & METZLER Jeannot
(1996) - « à propos des rites funéraires à la in de l’âge du
Fer dans le nord-est de la Gaule », Bulletin et Mémoires de
la Société d’Anthropologie de Paris n.s. 8.3-4, Paris, p. 329343.
LE GOFF Isabelle (1998) - De l’os incinéré aux gestes
funéraires. Essai de paléoethnologie à partir des vestiges de la
crémation, Thèse de doctorat sous la direction de C. Masset
(Paris I), Paris, 2 vol., 506 p.
CASTELLA Daniel (1999) - La nécropole gallo-romaine
d’Avenches "En Chaplix". Fouilles 1987-1992, Cahiers
d’archéologie romande, Lausanne, vol. 1, 334 p.
(Aventicum IX ; Cahiers d’archéologie romande 77).
MÄDER Andreas (2002) - Die spätbronzezeitlichen und
spätlatènezeitlichen Brandstellen und Brandbestattungen
in Elgg (Kanton Zürich). Untersuchungen zu Kremation
und Bestattungsbrauchtum, Baudirektion Kanton Zürich,
Hochbauamt Kantonsarchäologie, Zürich/Egg, 2 vol.,
211 p. (Zürcher Archäologie 8-9).
CRuMMy Philip (2002) - « Des tombes aristocratiques
à Stanway (Colchester, Grande-Bretagne) », dans
GuICHARD Vincent & PERRIN Franck (dir.) - L’aristocratie
celte à la in de l’âge du Fer (IIe s. avant J.-C. - Ier s. après J.C.), Actes de la table ronde des 10 et 11 juin 1999 à Gluxen-Glenne, Centre archéologique européen du Mont
Beuvray, Glux-en-Glenne (Bibracte 5).
METZLER-ZENS Nicole et Jeannot, MéNIEL Patrice,
BIS Romain, GAENG Catherine & VILLEMEuR Isabelle
(1999) - Lamadelaine, une nécropole de l’oppidum du Titelberg
Luxembourg, 471 p. (Dossiers d’Archéologie du Musée
national d’Histoire et d’Art VI).
FLOuEST Jean-Loup (1993) - « L’organisation interne des
tombes à incinération du IIe au Ier s. avant J.-C. Essai de
description méthodologique », dans GUICHARD Vincent
& VAGINAy Michel - Les rites funéraires en Gaule (IIIe-Ier
siècle avant J.-C.), Actes du XIVe colloque de l’AFEAF,
Evreux 1990, RAO, Rennes (Revue archéologique de
l’Ouest, supplément 6), p. 201-209.
RuFFIEuX Mireille, VIGNEAu Henri, MAuVILLy
Michel, DuVAuCHELLE Anika, GuELAT Michel,
KRAMAR Christiane, OLIVE Claude & uLDIN Tanya
(2006) - « Deux nécropoles de La Tène inale dans la
Broye : Châbles "Les Biolleyres 3" et Frasses "Les Champs
Montants", Cahiers d’Archéologie Fribourgeoise, 8, Fribourg,
p. 4-111.
GRAW Matthias, WAHL, Joachim & AHLBRECHT
Matthias (2005) - « Course of the meatus acusticus
internus as criterion for sex differentiation », Forensic
Science International 147, 2005, Amsterdam, p. 113-117.
L’auteur
Mireille RuFFIEuX
Service archéologique de l’état de Fribourg,
Planche-Supérieure 13,
CH - 1700 Fribourg, Suisse.
rufieuxm@fr.ch
199
RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse).
résumé
Deux petites nécropoles de La Tène inale ont été fouillées dans le canton de Fribourg (Suisse). Leur étude
a permis de mettre en évidence un certain nombre de différences concernant l’architecture des tombes, le
traitement et le dépôt des ossements ainsi que la composition des offrandes. En outre, un type de tombe,
caractérisé par un petit enclos fossoyé, y a été mis au jour pour la première fois en Suisse. Au vu de l’indigence
actuelle du corpus funéraire de cette période en Suisse, ces découvertes, certes modestes, ont toute leur
importance.
Mots clés : La Tène D1, nécropoles, tombes à enclos, rite funéraire, Suisse.
abstract
Two small Late La Tène burial sites have been excavated in Canton Fribourg (Switzerland). They have
revealed several variations with regard to grave architecture, bone handling and bone deposits, as well as
grave goods. Furthermore, a tomb with a small trench enclosure, a hitherto unique discovery in Switzerland,
was also unearthed. These modest discoveries are fairly important, given the current scarcity of funerary
offerings from this era in Switzerland.
Key-words: La Tène D1, burial sites, trench enclosure, burial rites, Switzerland.
Traduction : Fiona Mc CULLOUGH
Zusammenfassung
Die wissenschaftliche Auswertung zweier kleiner latènezeitlicher Nekropolen im Kanton Freiburg
(Schweiz) zeigt unterschiede in der Grabarchitektur, in der Behandlung des Leichenbrandes und in der
Beigabendeponierung auf. Erstmals in der Schweiz gelang ausserdem der Nachweis eines mit einem Gräbchen
eingefassten Grabgartens. Vor allem auch die Tatsache, dass bislang nur relativ wenige Grabfunde dieser
Zeitstellung aus der Schweiz bekannt sind, unterstreicht die Bedeutung der Befunde für unsere Kenntnis der
lokalen und regionalen Grabsitten.
Stichworte : Latène D1, Nekropolen, Grabgarten, Bestattungssitten, Schweiz.
Traduction : Gabriele GRAENERT
200
RAP - 2009, n° 3/4, Luc baray, De la composition des dépôts funéraires aristocratiques aux âges du Fer en Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) : entre compétition
et identité sociale.
DE La CoMposItIon DEs DépÔts FUnéraIrEs
arIstoCratIQUEs aUX âGEs DU FEr En EUropE oCCIDEntaLE
(vIIIe - Ier sIèCLE avant J.-C.) :
EntrE CoMpétItIon Et IDEntIté soCIaLE
Luc BARAy
IntroDUCtIon
L’intérêt grandissant pour l’étude des
pratiques funéraires se signale depuis près de
trois décennies par la multiplication des travaux
universitaires et, corrélativement, par celle de
manifestations scientiiques de type table ronde
ou colloque. Cet engouement tient pour l’essentiel
à un renouvellement des protocoles d’analyse des
sépultures lié à un développement sans précédent
de l’archéologie préventive. Pour autant, si les
méthodes d’analyse se sont perfectionnées grâce au
fait qu’il est désormais possible de disposer d’une
documentation de qualité, les résultats se font
encore attendre en ce qui concerne l’approche de la
structure sociale des populations protohistoriques.
Les raisons sont multiples, mais il ne m’appartient
pas ici de les énoncer toutes ni de les analyser dans
le détail. Plus simplement, je tenterai de montrer
que la résolution de ce problème passe, entre
autres, par une approche qui tienne compte des
mécanismes d’élaboration du discours funéraire
des élites protohistoriques à travers sa dimension
idéologique.
Après un rapide énoncé d’un certain nombre
de problèmes méthodologiques touchant au mode
d’analyse traditionnelle de la composition des
assemblages funéraires, je tenterai de montrer
en quoi la compréhension des mécanismes de
construction de l’idéologie funéraire des élites est à
même de nous aider à envisager autrement l’étude
et l’interprétation de leurs assemblages funéraires.
Je terminerai mon exposé par l’évocation rapide de
la spéciicité des dépôts funéraires aristocratiques
de La Tène C et D du nord de la Gaule.
CrItIQUEs DEs approCHEs
traDItIonnELLEs DE L’étUDE
DEs DépÔts FUnéraIrEs
Selon une attitude largement répandue, l’objet
est considéré dans sa dimension fonctionnelle
primaire. C’est-à-dire qu’il sera analysé et interprété
en fonction de l’emploi qui lui est traditionnellement
reconnu dans la vie quotidienne et ce, quel que soit
le contexte de découverte. une épée est une arme ;
cette arme sert à combattre donc la présence d’une
épée dans une tombe, pour prendre un exemple
classique, signiie que l’on est en présence d’un
combattant, c’est-à-dire d’un guerrier.
C’est par ce processus de rapprochement
analogique que la fonction des objets est déterminée
et que la composition des assemblages funéraires est
interprétée. Certains chercheurs, dans la mouvance
d’une histoire positiviste, vont plus loin. Ils proposent
d’expliquer la présence de chaque objet en référence
à une activité spéciique à laquelle le défunt aurait
été directement associé (MilCent 2004 ; VerGer 2003 ;
2006). Ils vont jusqu’à interpréter la présence sur les
objets méditerranéens de scènes mythologiques ou
de décors en lien direct avec les pratiques guerrières,
politiques ou religieuses du défunt ou de la défunte.
De même, mais sans atteindre toutefois de telles
libertés, la plupart des chercheurs ont interprété la
présence de la vaisselle métallique méditerranéenne
dans les tombes princières d’Europe occidentale
en référence aux connaissances que l’on avait des
pratiques du symposium telles qu’elles avaient été en
usage en Grèce ou en étrurie.
Dans la mouvance de cette conception
traditionnelle de l’analyse et de l’interprétation
des dépôts funéraires, les recherches consacrées à
l’étude des pratiques funéraires se préoccupent,
consciemment ou inconsciemment, du rapport de
l’homme avec la mort (1). Conception empreinte de
valeurs eschatologiques, elle se réfère explicitement
à la religion. Les objets déposés dans les tombes
sont là pour témoigner d’une croyance dans un audelà conçu comme une sorte de décalque de la vie
terrestre. Il est dès lors logique de déposer dans la
tombe tout ce dont le défunt pourrait avoir besoin
1 - Cf. par exemple, ferdière 2004, p. 122 : En effet,
comme pour tout ce qui concerne le domaine des mentalités,
du spirituel, et notamment ici de l’attitude face à la mort, il
est bien nécessaire d’admettre que ces comportements mêmes
ne peuvent pas être considérés comme neutres, ce qui devrait
pourtant être la condition nécessaire pour s’autoriser à établir
une relation directe, « objective », entre la sélection des objets
déposés dans la tombe et le statut social de l’individu concerné.
De la composition des dépôts funéraires aristocratiques aux âges du Fer en Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) : entre compétition et identité sociale.
201
RAP - 2009, n° 3/4, Luc baray, De la composition des dépôts funéraires aristocratiques aux âges du Fer en Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) : entre compétition
et identité sociale.
pour son dernier voyage, mais aussi tout ce dont
il aura besoin pour signiier dans l’autre monde,
comme il l’a fait de son vivant, son appartenance à
l’élite de la société. Selon cette conception, l’objet n’a
d’autre fonction que de signiier le statut du défunt.
La richesse du dépôt funéraire étant considérée
comme révélatrice des oppositions hiérarchiques qui
devaient exister du vivant des défunts (2), diverses
méthodes de classiication de la richesse des dépôts
funéraires ont ainsi été testées pour tenter d’en rendre
compte. Les techniques de classiication mises en
œuvre ont indifféremment porté sur la quantité et/
ou la qualité des objets, l’absence ou la présence de
certaines catégories fonctionnelles. Plusieurs auteurs
ont proposé d’attribuer des points aux objets en
fonction d’une échelle d’évaluation de leur plus ou
moins grande technicité et du temps nécessaire à
leur fabrication selon la spécialisation des artisans
(par exemple, waldhauser 1978 ; hinton 1986). Des
corrélations entre groupes techniques et catégories
fonctionnelles ont également été envisagées sans plus
de résultats probants (Manolakakis 2004), bien que
l’approche présente une avancée méthodologique
indéniable au regard des tentatives précédentes. Tous
ces essais ont abouti à des classiications en plusieurs
groupes de richesses fondées sur une vision qui se
veut objective des écarts de richesses existant dans la
composition des différents assemblages funéraires des
tombes d’un même cimetière ou d’une même région.
Interprétées comme le relet objectif d’inégalités
sociales et économiques, ces « inégalités » de richesse
sont perçues comme autant de rangs ou de statuts
sociaux. Pour la culture Aisne-Marne, Jean-Paul
Demoule a proposé une classiication en 4 « rangs »
principaux, chaque rang étant déini par la présence
ou l’absence d’un certain nombre d’objets, selon le
sexe et l’âge des défunts (deMoule 1999, p. 196-198).
Les approches rapidement présentées ici ne vont
pas sans poser des problèmes méthodologiques. Il y
a plusieurs raisons à cela :
- premièrement, accepter l’idée qu’un objet,
quel qu’il soit, présent en contexte funéraire ait pu
remplir la même fonction que du vivant du défunt,
c’est tout simplement faire i des modiications
que le passage de l’état de vivant à l’état de défunt
fait subir à la fois aux êtres et aux choses qui les
accompagnent ;
- deuxièmement, les contextes culturels étant
différents, on ne peut pas préjuger du mode
d’utilisation des objets exotiques. Pascal Ruby l’a
bien montré, il convient d’établir une distinction
nette entre fonction et usage. « La fonction d’un
2 - Cf. par exemple, deMoule 1999, p. 198, note 44 : … il
faut bien postuler une correspondance entre le degré de richesse
de la tombe et le statut social du défunt de son vivant.
202
objet, nous rappelle l’auteur (ruby 1993, p. 801),
est déterminée par les caractères intrinsèques de
celui-ci, ses propriétés physiques, géométriques
et sémiotiques. L’usage est au contraire ce que le
groupe humain qui le possède décide d’en faire
et comment il l’utilise : l’usage est par déinition
arbitraire et imprévisible. Cela explique pourquoi
un objet possédant une fonction unique peut avoir
des usages différents selon les latitudes, l’époque,
les choix culturels des groupes humains qui le
possèdent : un objet n’est jamais isolé, mais est
toujours intégré à un système technique particulier
et cohérent ». C’est parce qu’il y a fréquemment
confusion entre fonction et usage que la vaisselle
métallique méditerranéenne est le plus souvent
perçue comme le signe univoque d’une acculturation
des élites nord-alpines aux pratiques du symposion
gréco-étrusque (par exemple, boulouMié 1988 ; poux
2004, p. 363-369) ;
- troisièmement, toutes les tentatives de
classiication supposées objectives du mobilier
funéraire et de détermination de groupes sociaux
pêchent toujours par la subjectivité des critères
retenus. Rien ne permet en effet de supposer que les
échelles de valeurs retenues correspondent à une
réalité antique ;
- quatrièmement, l’étude des sociétés antiques,
notamment grecques, a pu montrer que les élites
ne constituaient pas un ensemble replié sur luimême, isolé au sein de la société. Bien au contraire,
les élites formaient plutôt un ensemble ouvert en
perpétuelle interaction avec le reste des membres
de la société globale. Entre les élites et les gens du
commun il existait un continuum, pour reprendre
le vocabulaire d’Alain Duplouy (duplouy 2007, p.
74), « fait de multiples statuts aux frontières mal
déinies et très perméables ». M.I. Finley (finley
1984, p. 147 sqq.) parlait du reste de « spectre de
statut » pour qualiier la situation qui prévalait en
Grèce ancienne. Dès lors, il ne faut pas s’étonner
de l’inanité de la plupart de nos classiications
archéologiques. Seuls les extrêmes, c’est-à-dire
les tombes situées à chaque extrémité de l’échelle
de valeur retenue, sont parfaitement identiiables.
Pour le reste, l’évaluation de la richesse du mobilier
funéraire aboutit toujours, ou presque toujours, à
la mise en évidence d’un continuum au sein duquel
il est bien dificile, voire impossible, d’établir des
distinctions signiicatives.
Se pose dès lors la question de la validité de
telles démarches et plus particulièrement la validité
de la notion de richesse telle qu’elle est utilisée en
archéologie pour classer les assemblages funéraires.
Comment dépasser ce premier niveau d’observation
qui consiste à reconnaître l’existence de différences
parfois importantes, tant quantitatives que
qualitatives, dans les assemblages funéraires d’une
même communauté ?
RAP - 2009, n° 3/4, Luc baray, De la composition des dépôts funéraires aristocratiques aux âges du Fer en Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) : entre compétition
et identité sociale.
La CoMpétItIon soCIaLE aU FonDEMEnt
DE L’IDéoLoGIE arIstoCratIQUE
« Toujours être le meilleur et surpasser les autres »,
c’est en ces termes que Hippoloque, au moment
d’envoyer son ils Glaucos guerroyer sous les murs
de Troie, lui recommandait de ne pas déshonorer
la race de ses pères (Iliade, VI 208). Cette phrase
laconique résume à elle seule l’idéal intemporel
aristocratique. Idéal qui aurait régi durant des siècles
tous les comportements de distinction des élites.
Les travaux récents d’Alain Duplouy sur les modes
de reconnaissance sociale des élites dans la Grèce
archaïque et classique, reprenant ceux désormais
anciens de J. Burckhardt et de F. Nietzsche, ont en
effet permis d’attirer notre attention sur cette éthique
de l’émulation et sur l’inluence considérable
qu’elle a du avoir sur le comportement des élites
et sur l’échelle d’évaluation de la communauté, qui
était, rappelons-le, la garante ultime de l’estime
portée aux individus entreprenants. Il ne fait guère
de doute, les données de l’archéologie et des textes
antiques sont là pour en témoigner, que cette
mentalité agonistique fut tout autant au fondement
de la dynamique de la reconnaissance sociale dans
les sociétés protohistoriques d’Europe occidentale.
Pour autant, cet idéal aristocratique qui explique
la compétition parfois acharnée que se livrèrent
entre elles les élites pour la prééminence sociale
ne peut se limiter à la recherche de la gloire et du
prestige, comme nous y invite Alain Duplouy
(duplouy 2006 ; 2007). Comme la renommée, la
richesse ou l’ascendance prestigieuse, la gloire et
le prestige ne sont proitables, voire rentables, que
s’ils permettent d’accéder au plus haut sommet de
la hiérarchie sociale, c’est-à-dire s’ils permettent
de dominer la société et de lui imposer ses propres
vues. En d’autres termes, la gloire et le prestige ne
sont que des moyens et non pas une in en soi. Ce
sont les moyens d’accéder au pouvoir suprême.
C’est grâce à eux qu’un individu pourra légitimer
sa domination sur tout ou partie du groupe. En cela,
la composition des assemblages funéraires ne se
limite pas à signaler le statut social des défunts ou
leur richesse, et ce, même de manière symbolique ou
idéale, comme l’a récemment proposé P. Brun (2004).
La composition des assemblages funéraires, parce
qu’elle participe comme bien d’autres pratiques
sociales (le banquet, la guerre, la chasse, le sport…)
ou discursives (énonciation d’une ascendance
prestigieuse) à manifester ostensiblement l’idéologie
aristocratique de compétition et d’excellence,
conine nécessairement à la sphère du pouvoir. C’est
seulement parmi ceux à qui la société reconnaît une
certaine prééminence sociale dans l’accomplissement
de certaines activités, que seront choisis ceux à qui
elle coniera le soin de diriger ses affaires.
Il ne faut donc pas se leurrer, quand bien même
le dépôt funéraire paraîtrait modeste aux yeux
de l’archéologue, quand bien même la société
aurait fait le choix de privilégier une politique
de distribution plutôt qu’une politique de dépôt
funéraire, la compétition est latente et la recherche
de l’excellence toujours présente. Seuls les moyens
mis en œuvre pour l’aficher symboliquement
dans la tombe changent. Il convient donc de ne
pas accorder trop d’importance aux changements
quantitatifs ou qualitatifs des assemblages funéraires
pour déterminer les accroissements ou les chutes
dans un processus de complexiication sociale néoévolutionniste (contra deMoule 1993 ; 1999).
La composition des dépôts funéraires agit plutôt
comme un baromètre des orientations idéologiques
des élites qui tentent ainsi de peser sur le sens de
l’histoire. Le dépôt funéraire n’est rien d’autre
qu’une manifestation matérielle de l’idéologie d’un
groupe qui cherche à se maintenir ou à accéder au
pouvoir, autrement dit, qui cherche à légitimer ses
prétentions à diriger la société.
L’idéologie, parce qu’elle touche à des intérêts
concrets et qu’elle est en prise directe avec le vécu de
ceux qui s’en réclament, se présente différemment
selon l’évolution du contexte historique. Elle
apparaît de fait comme particulièrement sensible
aux luctuations qui touchent de manière plus ou
moins forte la position des acteurs au sein de la
société globale, révélatrice en cela des malaises et
des attentes sociétales.
Dans la mesure où le conlit est latent et que
la recherche de l’excellence mobilise et dynamise
toutes les énergies, le recours à des interprétations
faisant état de l’existence de luttes sociales ou de
tensions sociales pour expliquer la dimension plus
ou moins ostentatoire des assemblages funéraires
s’apparente de fait à des truismes. Il convient plutôt
de se poser la question de savoir ce que dissimule
une idéologie qui se présente plutôt sous les traits
d’une société d’essence apparemment paciique.
Certaines représentations funéraires tendent en
effet à minorer l’idée même du conlit, à le nier
en tant que tel. or, le conlit, qu’il soit interne ou
externe, est par essence latent et ne demande qu’à
s’exprimer ouvertement. Du reste, tout concourt
dans le fonctionnement des sociétés inégalitaires,
qualiiées de chefferies par les anthropologues
anglo-saxons, à y entretenir un climat délétère
particulièrement propice aux affrontements et aux
conlits sociaux internes et/ou externes. Minorer
le conlit, le gommer en quelque sorte, revient à
dire la puissance et le pouvoir du chef qui par son
action tend à maintenir la concorde et la cohésion
au sein du groupe. Dès lors que le groupe tend à
se structurer sur des valeurs communautaires,
l’exploit guerrier, par essence individuel, se verra
supplanté par une idéologie faisant la part belle à
l’exaltation de la prospérité du groupe à travers celle
de son chef. C’est cette opposition fondamentale
203
RAP - 2009, n° 3/4, Luc baray, De la composition des dépôts funéraires aristocratiques aux âges du Fer en Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) : entre compétition
et identité sociale.
que l’on perçoit dans la composition différente des
assemblages funéraires des sépultures du Hallstatt
C et de La Tène A et B, comparativement à celles des
autres étapes chronologiques des deux âges du Fer.
Pour autant, il n’est pas question ou, tout du
moins, pas toujours question de gommer l’idée
même de l’inégalité sociale qui est au fondement
même de la construction sociale et ce, quand bien
même il s’agirait de privilégier une représentation
fondée sur des valeurs communautaires comme au
Hallstatt D2/3 ou à La Tène C et D. Ces sociétés
n’hésitent donc pas à aficher le fait qu’elles soient
traversées par de fortes inégalités, notamment
économiques comme en témoignent éloquemment
les différences perçues dans la composition des
dépôts funéraires. Ces inégalités transparaissent
également dans l’architecture funéraire (tumulus
;simple signalisation au sol ; chambre funéraire
simple fosse…) et dans la relation à l’espace, selon
que les tombes sont englobées ou non dans un
espace funéraire communautaire ou isolées dans le
paysage.
Un sCHèME CULtUrEL partICULIèrEMEnt
préGnant
D’une étape chronologique à l’autre, l’image des
élites, telle que l’on peut la percevoir à travers la
composition des assemblages funéraires, change.
Le changement ne se fait toutefois pas de manière
aléatoire. Bien au contraire, on observe une grande
stéréotypie des modes de représentation funéraire
d’une étape à l’autre. L’analyse des assemblages
funéraires sur le long terme indique clairement que
les élites se sont visiblement référées à un schème
culturel puissant qui en a déterminé, tout au long des
âges des métaux, la composition. Ce schème culturel,
dont on n’identiie que la dimension purement
matérielle, s’articule autour d’un nombre ini
d’objets : parures en or, armes, char, harnachement
équestre, vaisselle métallique, instruments du foyer
(chaudron, gril, chenet, fourchette), seau en bois et
éléments métalliques, amphore vinaire. à chaque
étape chronologique, les associations de ces objets
entre eux changent et nous donnent ainsi à voir une
nouvelle facette des élites au pouvoir. La dynamique
de ce changement, le moteur de cette évolution est à
rechercher dans cet esprit de compétition qui anime
et structure toute la pensée aristocratique.
La forte stéréotypie des assemblages funéraires,
que l’on perçoit sur de vastes régions à chaque
grande étape chronologique, tend par ailleurs à
prouver que la part de l’individuel et du familial,
même si elle ne peut être totalement ignorée, est
cependant peu importante. D’ailleurs, quand
elle semble s’être manifestée, c’est apparemment
toujours dans les limites étroites autorisées
vraisemblablement par les normes socio-culturelles
propres aux élites, puisque ces variations ne
204
présentent pas un caractère tout à fait aléatoire.
Même à ce niveau de « liberté », on retrouve souvent
des constantes dans la composition des biens ajoutés
qui témoigne de la forte prégnance du modèle socioculturel. Il est donc normal, le contraire étant peu
vraisemblable, que les assemblages funéraires ne
présentent pas une identité de composition stricte.
Il est d’ailleurs intéressant de noter que selon les
étapes chronologiques et selon les régions, la part de
l’individuel ou du familial peut être plus ou moins
importante dans le choix des biens personnels
déposés dans la tombe. Si au Hallstatt C, la plupart
des sépultures masculines à grande épée de bronze
ou de fer ne possèdent que cette dernière arme pour
se signaler ostensiblement dans la mort, il en va
tout autrement au Hallstatt D2 ou D3 et même à La
Tène A / B où le défunt emporte un nombre plus
conséquent de biens personnels, en plus du char à
quatre ou deux roues.
Il ne peut donc être question d’identité mais
seulement de stéréotypie pour qualiier les
ressemblances observées au sein d’une même région
ou micro-région, à un moment donné de l’évolution
des sociétés protohistoriques. à chaque étape
chronologique, on obtient ainsi une image stéréotypée
des membres de l’aristocratie, que j’ai proposée
d’interpréter comme la manifestation matérielle de
l’idéologie des élites (baray 2004 ; 2007 ; 2008).
L’homogénéité
toute
apparente
de
la
composition de leurs assemblages funéraires rend
de fait caduque l’idée généralement admise que le
mobilier déposé dans la tombe correspondrait à la
fortune du défunt. Nonobstant les problèmes de
conservation différentielle des matériaux périssables
qui participèrent sans doute au lustre de la tombe et
des cérémonies funéraires, il convient de garder à
l’esprit que les biens déposés dans la tombe ne sont
tout au plus que le relet de la richesse du défunt et
non pas sa richesse proprement dite.
Du reste, l’ethnographie et l’histoire nous
apprennent que les critères qui interviennent dans
le choix des objets composant les assemblages
funéraires sont divers et n’entretiennent que
rarement des relations univoques avec l’idée de
richesse telle qu’on l’utilise habituellement en
archéologie. Il est en effet possible de faire trois parts
du mobilier composant les assemblages funéraires.
Chaque part renvoie à une catégorie d’objets
relevant respectivement des biens personnels du
défunt, de son viatique, et de ses biens de prestige :
- la catégorie des objets personnels du défunt
regroupe tous les objets dont ne pouvaient pas
décemment hériter les survivants. Ce sont en
particulier les armes des hommes ou les parures
des femmes. Les nécessaires de toilette, ainsi que
les outils, font vraisemblablement partie de cette
première catégorie ;
RAP - 2009, n° 3/4, Luc baray, De la composition des dépôts funéraires aristocratiques aux âges du Fer en Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) : entre compétition
et identité sociale.
- la catégorie du viatique comprend la vaisselle
en céramique qui a pu, parfois, mais pas toujours,
contenir des aliments ou des liquides, ainsi que
les dépôts alimentaires. Toutefois, la présence de
ce viatique ne s’explique pas nécessairement en
référence à des croyances religieuses. Elle peut,
comme dans le cas des Indiens d’Amérique du
Nord, renvoyer de manière symbolique au dernier
repas qu’aurait pris l’individu avant de mourir. Elle
peut également signaler l’idée qu’il faille étancher
la soif et la faim du défunt ain de lui faciliter
l’accomplissement de son dernier voyage. à cette
idée ne sont pas non plus nécessairement associées
des croyances religieuses ;
- la troisième part qu’il est possible de faire des
objets déposés dans la tombe relève indéniablement
de la catégorie des biens de prestige (vaisselle
métallique locale ou importée, char, éléments de
harnachement équestre, plaquage d’orfévrerie…).
Pour autant, le choix de déposer des biens de
prestige ne peut se limiter à la seule volonté de la
part des survivants de signaler ostensiblement la
richesse du défunt, c’est-à-dire sa position sociale.
D’autres préoccupations, comme nous l’avons vu
précédemment, ont joué à l’évidence.
Soulignons cependant que la plupart des objets
déposés dans les tombes des élites, compte tenu de
leurs caractéristiques intrinsèques déterminées par
les moyens économiques supérieurs dont disposent
ces mêmes élites (qualité et/ou quantité des
matériaux utilisés pour leur fabrication, technique
et style de la décoration…), possèdent un statut
ambivalent, à la fois comme bien personnel et bien
de prestige. C’est notamment le cas des armes, mais
aussi et surtout des parures en or que l’on trouve
dans les fameuses tombes princières du Hallstatt
D2 et 3 ou plus rarement dans celles de La Tène A
ou B.
La toMBE CoMME « séMIospHèrE »
quelles que soient les valeurs sur lesquelles
se fonde l’idéologie aristocratique, le message
qu’adressent les proches du défunt à travers le
choix qu’ils font des objets destinés à composer
l’assemblage funéraire a pour objectif de donner à
voir à chacun, aux pairs comme aux membres de
la société globale, le domaine d’activité, représenté
symboliquement dans la tombe, d’où émerge les
modèles socio-culturels en vigueur et prônés par le
défunt en tant que membre des élites.
Elle ne fait qu’exprimer les craintes et les
aspirations d’un groupe donné, au sein d’une
société donnée, à un moment « T » de son histoire.
« L’idéologie exprime une perspective sur le monde ;
elle est un système rationalisé et abstrait qui découle
au moins partiellement de la lutte sociale tout en
contribuant à la modeler » (Meynaud & lanCelot
1964, p. 102). De fait, l’idéologie évolue dans son
contenu et dans son rôle, par suite des changements
de l’évolution des valeurs et des transformations
politiques.
à travers sa composition fortement stéréotypée,
l’assemblage funéraire manifeste les valeurs et les
attentes des élites. Il délivre un message adressé aux
pairs indiquant l’intégration et la reconnaissance
du défunt comme membre à part entière du groupe
étroit de ceux qui détiennent le pouvoir. C’est
assurément pour répondre à cette attente que le
défunt de Hochdorf a été doté d’objets qu’il ne
possédait pas de son vivant. Par ce geste, ses proches
tentaient sans aucun doute de coller à l’image que
le groupe était en droit d’attendre d’un individu
censé partager la même idéologie, les mêmes
normes et les mêmes valeurs socio-culturelles. En
agissant ainsi, les proches ne se contentaient pas
de faire connaître une position sociale déjà acquise,
mais travaillaient prioritairement à sa construction
et à sa légitimation. La composition des dépôts
funéraires aristocratiques renvoie ainsi à l’« identité
narrative » du défunt, c’est-à-dire à la manière dont
le défunt se percevait ou était perçu par ses proches
(famille étroite ou élargie) qui avaient en charge
l’organisation de ses funérailles, ainsi que par les
membres du groupe social auquel il appartenait
ou auquel il désirait s’identiier. L’espace funéraire,
constitué par la tombe et le mobilier funéraire qui
y est déposé, forme ce que L. Turgeon propose de
nommer « une sémiosphère, c’est-à-dire un univers
saturé de signes qui fonctionnent comme vecteurs
d’identiication, des signes eux-mêmes construits à
partir d’éléments historiques disparates et visant à
former un ensemble repérable comme tel » (turGeon
2002, p. 304).
Toutefois, comme on l’a vu précédemment, bien
plus que le statut du défunt, le dépôt funéraire est
aussi et surtout le relet d’une idéologie du pouvoir.
Par sa composition, il donne ainsi à voir le lieu
du pouvoir. Il est vrai que l’idéologie participe
tout autant à la manifestation de processus
d’identiication que de processus d’antagonismes
sociaux, économiques et politiques au sein du
groupe aristocratique. Comme le reste de la société,
le groupe des aristocrates ne forme pas en effet un
bloc monolithique. Il est également traversé par
des courants opposés. Ce sont ces contradictions
parfois irréductibles qui participent activement au
changement social. De fait, l’idéologie aristocratique
connaît des évolutions constantes qui se marquent,
entre autres, par les modiications apportées à la
composition des assemblages funéraires.
Le rythme de cette évolution est cependant
relativement lent. Cette lenteur apparente s’explique
aisément par le fait que l’idéologie aristocratique
est fondée sur l’idée de stabilité et sur le recours
constant au passé comme élément justiicateur. Plus
205
RAP - 2009, n° 3/4, Luc baray, De la composition des dépôts funéraires aristocratiques aux âges du Fer en Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) : entre compétition
et identité sociale.
précisément, elle se présente comme « un jeu constant
d’interactions entre des contingences présentes et
l’héritage du passé » (bendix 1956, p. 443, cité par
roCher 1968, p. 104). Plus généralement, et c’est
ce à quoi nous assistons tout au long des âges des
métaux, des valeurs nouvelles sont prônées. Mais il
s’agit « en réalité des valeurs anciennes ou actuelles,
que l’idéologie redéinit par rapport à un contexte
nouveau, ou auxquelles elle donne un sens qui était
demeuré implicite, ou encore qu’elle présente sous
un jour différent par l’arrangement qu’elle leur
fait subir dans un nouveau système d’idées et de
jugements » (roCher 1968, p. 90). Par ce processus
sans in, l’idéologie cherche à « provoquer l’action
historique d’une collectivité », c’est-à-dire qu’elle
cherche à « incurver dans le sens qu’elle désire
le cours de l’histoire ». Plus exactement, « elle est
élaborée et diffusée par des acteurs qui cherchent
à inluencer le cours historique de leur société »
(roCher 1968, p. 87-88). Parce qu’elle permet de
manière explicite de justiier une situation sociale
donnée et qu’elle propose des orientations à l’action
historique, elle offre aux aristocrates, qui afichent
ostensiblement leur puissance et leur prestige dans
la mort, la possibilité de déinir les raisons de leur
prééminence sociale et de leur domination. De
fait la composition des dépôts funéraires ne peut
être rapportée, comme je l’ai souligné à plusieurs
reprises, à une simple manifestation du statut du
défunt.
Ce sont les élites, en tant qu’agents du
changement, qui permettent à l’idéologie de
s’exprimer et qui la manipulent. L’idéologie
n’est évidemment pas un facteur unique de
changement. D’autres facteurs, comme la
pression démographique, les modiications des
conditions économiques ou techniques, les conlits,
interviennent concurremment ou successivement
dans le processus du changement social. Mais
contrairement à l’idéologie, ces autres facteurs ne se
laissent guère manipuler par les élites qui doivent
au contraire en tenir compte dans la mesure du
possible pour construire un discours qui présente
sufisamment de cohérence et qui ne soit pas trop
en décalage par rapport à la réalité vécue.
Sachant par ailleurs que l’idéologie ne s’afiche
pas de manière concrète et qu’elle passe toujours
par le médium de la symbolique, c’est donc
de manière symbolique ou métaphorique que
l’idéologie diffuse ses valeurs et son système de
référence. L’assemblage funéraire peut être dès lors
compris comme une manifestation symbolique,
non seulement des valeurs du groupe des élites,
mais aussi et surtout de la relation que ses membres
entretiennent avec le pouvoir.
L’EXEMpLE DEs sépULtUrEs
arIstoCratIQUEs DE La tènE C Et D
Les conditions politiques ayant changé entre
la in du IVe siècle et le début du IIIe siècle avant
J.-C., la composition des assemblages funéraires
change également. à partir du moment où il
existe des institutions (sénat, assemblée populaire)
servant de médiation entre les élites et l’accession
au pouvoir, les signes de pouvoir de l’élite n’ont
plus guère leur place dans la tombe. Le pouvoir de
fait (qui serait dû au charisme de l’individu ou à
sa richesse, voire à un rapport privilégié avec les
dieux ou les esprits…), dont on pouvait exhiber
ostensiblement les signes dans la tombe, a laissé la
place au pouvoir de droit, c’est-à-dire à un pouvoir
obtenu à la suite de fonctions politiques exercées et
justiiées par le recours à des procédures juridiques
(loi, règlement…). Désormais, les élites désireuses
de recourir à la politique de dépôt pour signaler
leur prééminence sociale, n’emportent plus leurs
armes ou leur char dans la tombe, mais plutôt
un chaudron, accompagné ou non d’une paire
de chenets, plus rarement un grill. La présence
récurrente de ces ustensiles du banquet s’explique
aisément en référence au système de relation de
clientèle qui domine si largement, aux dires des
auteurs classiques, tous les aspects de la vie de ces
sociétés.
Le chaudron, car c’est l’objet de loin le plus
fréquent en contexte funéraire, symbolise à travers
sa matérialité, probablement le seul domaine où
les aristocrates puissent encore faire montre de
leur superbe et de leur indépendance, à savoir
les grands banquets auxquels tout ou partie du
peuple est convié à leur invitation. Poseidonios (in
Athénée, Deipnosophistes IV 152d-f) et Phylarque
(in Athénée, Deipnosophistes IV 34 150d-f) nous ont
laissé tous deux la description d’un de ces grands
rassemblements où chacun, qu’il soit membre de la
communauté ou étranger, pouvait venir librement
se restaurer aux frais du chef.
Le nombre, parfois élevé de vases en
céramique, comme l’abondance et la qualité
des dépôts alimentaires, qui accompagnent
souvent les ustensiles du banquet, participent
vraisemblablement à renforcer l’image de
bienfaiteur public du défunt. C’est ainsi que l’on
peut expliquer l’idée d’abondance qui semble
ressortir distinctement de la lecture de certains
inventaires funéraires. Signiiant l’abondance des
mets et des provisions de bouches, le chaudron
comme la vaisselle en céramique se sufisent à euxmêmes pour symboliser l’opulence alimentaire que
la famille du défunt met à la disposition de tous.
Les plans de certaines tombes, particulièrement
bien pourvues, indiquent clairement que les
survivants ont également cherché à travers
206
RAP - 2009, n° 3/4, Luc baray, De la composition des dépôts funéraires aristocratiques aux âges du Fer en Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) : entre compétition
et identité sociale.
l’organisation spatiale du mobilier funéraire
et parfois dans l’empilement des récipients
en céramique, à accentuer cette impression
d’abondance, à l’instar de celle qui faisait la
renommée des banquets offerts par le défunt de son
vivant.
Derrière cette mise en scène autour des dépôts
alimentaires et des ustensiles du banquet, se proile
une idéologie comparable à celle qui a prévalu
parmi les élites de la in du VIe et du début du Ve s.
avant J.-C. : tout est fait pour associer déinitivement
le souvenir du défunt à l’idée de prospérité et de
magniicence. Garant de la prospérité de ceux qui leur
sont attachés, les chefs se doivent d’être prodigues.
C’est là la source de leur pouvoir de fait.
Comme César le dit très clairement, à l’instar
d’autres auteurs classiques, seuls les riches, les
puissants avaient la possibilité d’« acheter des
hommes », c’est-à-dire de s’entourer d’une masse
toujours plus importante de clients et de débiteurs
(César, Guerre des Gaules, II, 1). Cette clientèle
constitue ainsi une garde armée, sorte d’armée
privée, qui participe à la politique d’accession au
pouvoir du chef.
Le banquet participe d’un tel système de
représentation publique. Il est le lieu fondamental
où s’exerce le principe de la distribution de prestige.
En effet, à travers cette pratique publique, c’est la
puissance de celui qui offre le banquet au peuple
ou à ses pairs qui apparaît. Et parce que cette
distribution détermine et conditionne le rang de
chacun, le banquet possède une dimension sociale
essentielle.
Ainsi ces banquets offerts par les puissants
participent à l’élaboration, au maintien ou à
l’amélioration de la position sociale des aristocrates,
tout particulièrement dans les trois derniers
siècles avant J.-C. (baray 2004). C’est au travers
des ustensiles du banquet, objets les plus chargés
symboliquement, que s’expriment les actions
publiques du défunt. En fait, à cette période, la
dimension guerrière du pouvoir est largement
minorée, comme elle l’avait déjà été au cours du
VIe siècle avant J.-C., à la différence cependant
que désormais, l’accession au pouvoir passe par
la médiation d’institutions autonomes et par les
relations de clientèle.
ConCLUsIon
Trois points essentiels méritent d’être soulignés :
1) il convient de se départir de l’idée que le dépôt
funéraire puisse s’interpréter comme le relet idèle
de la position ou du statut social du défunt. Il me
paraît évident qu’il renvoie plutôt à une construction
idéologique permettant à des individus, proches du
pouvoir ou ayant les moyens économiques adéquats,
de se montrer à leur avantage dans la mort ;
2) l’absence de manifestations ostentatoires
de pouvoir au cours d’une étape chronologique
ou dans une région en particulier ne doit pas
être interprétée nécessairement comme le signe
univoque d’une faible ou d’une absence totale de
hiérarchisation sociale. La politique de distribution
constitue un mode d’expression alternatif à la
politique de dépôt funéraire. Le dépôt funéraire
n’est qu’une expression parmi d’autres d’exaltation
de la compétition que se livraient les élites pour la
prééminence sociale. Il convient dès lors d’accepter
l’idée d’un transfert d’un champ d’expression à
l’autre selon un schéma évolutif présentant des
rythmes différents en fonction des régions ou des
étapes chronologiques prises en compte ;
3) la compréhension des modalités d’expression
funéraire des différentes idéologies qui se sont
succédées entre le Hallstatt C et La Tène D ne peut
se faire que si l’analyse, qui se doit d’être globale
et non pas limitée à un domaine spéciique d’étude
(habitat, funéraire, artisanat, religion…), se fonde
sur une approche diachronique englobant un espace
géographique sufisamment vaste.
BIBLIoGrapHIE
BARAy Luc (2004) - « Du dépôt fastueux au dépôt modeste.
L’idéologie funéraire aristocratique et la dynamique
sociale aux VIe et Ve s. avant J.-C. en Europe occidentale »,
dans BARAy Luc (dir.) - Archéologie des pratiques funéraires.
Approches critiques, actes de la table ronde de Glux-enGlenne, 7 et 9 juin 2001. Glux-en-Glenne, Bibracte, Centre
archéologique européen, p. 65-78 (Bibracte, 9).
BARAy Luc (2007) - « Dépôts funéraires et hiérarchies
sociales aux âges du fer en Europe occidentale : aspects
idéologiques et socio-économiques », dans BARAY
Luc, BRuN Patrice & TESTART Alain. (dir.) - Pratiques
funéraires et sociétés. Nouvelles approches en archéologie
et en anthropologie sociale, Dijon : EuD, p. 169-189. (Art,
Archéologie et Patrimoine).
BARAy Luc (2008) - « Dimension socio-économique
et symbolique des dépôts funéraires aristocratiques
d’Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) » dans
BAILLy Maxence &PLISSON Hugues. (dir.) - La valeur
fonctionnelle des objets sépulcraux, actes de la table ronde
d’Aix-en-Provence, 25-27 oct. 2006. Aix-en-Provence,
édtions APPAM, p. 183-208 (Préhistoire anthropologie
méditerranéennes, 14).
BENDIX Reinhard (1956) - Work and Authority in Industry :
ideologies of Management in the Course of Industrialization,
New york, Evanston, Harper and Row. 464 p.
BOuLOuMIé Bernard (1988) - « Le Symposion grécoétrusque et l’aristocratie celtique » dans Les Princes Celtes
et la Méditerranée, actes du colloque de l’école du Louvre,
mai 1988. Paris, La Documentation Française, p. 343-383.
(Rencontres de l’école du Louvre).
207
RAP - 2009, n° 3/4, Luc baray, De la composition des dépôts funéraires aristocratiques aux âges du Fer en Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) : entre compétition
et identité sociale.
BRUN Patrice (2004) - « Rélexion sur la polysémie des
pratiques funéraires protohistoriques en Europe », dans
BARAy Luc. (dir.) - Archéologie des pratiques funéraires.
Approches critiques, actes de la table ronde de Glux-enGlenne, 7 et 9 juin 2001. Glux-en-Glenne, Bibracte, Centre
archéologique européen, p. 55-64 (Bibracte, 9).
DEMOuLE Jean-Paul (1993) - « L’archéologie du pouvoir :
oscillations et résistances dans l’Europe protohistorique »
dans DAuBIGNEy Alain. (éd.) - Fonctionnement social de
l’âge du Fer : opérateurs et hypothèses pour la France, actes de
la table ronde internationale de Lons-le-Saulnier (Jura),
24-26 oct. 1990. université de Besançon, p. 259-274.
DEMOuLE Jean-Paul (1999) - Chronologie et société dans
les nécropoles celtiques de la culture Aisne-Marne du VIe au
IIIe siècle avant notre ère, Amiens, Revue archéologique
de Picardie, 406 p. (Revue archéologique de Picardie.
Numéro spécial, 15).
DuPLOuy Alain (2006) - Le Prestige des élites. Recherches
sur les modes de reconnaissance sociale en Grèce entre les Xe
et Ve siècles avant J.-C., Paris, Les Belles Lettres. 414 p.
(Histoire).
DuPLOuy Alain (2007) - « La cité et ses élites : modes de
reconnaissance sociale et mentalité agonistique en Grèce
archaïque et classique » dans FERNoUX Henri-Louis
STEIN Christian (dir.) - Aristocratie antique. Modèles et
exemplarité sociale, Dijon, éditions universitaires de Dijon,
p. 57-77.
FERDIèRE Alain (2004) - « Archéologie funéraire et société
en Gaule romaine. Interprétation ou sur interprétation ? »
dans BARAy Luc. (dir.) - Archéologie des pratiques funéraires.
Approches critiques, actes de la table ronde de Glux-enGlenne, 7 et 9 juin 2001. Glux-en-Glenne, Bibracte, Centre
archéologique européen, p. 121-129 (Bibracte, 9).
FINLEy Moses I. (1984) - économie et société en Grèce
ancienne, Paris, éditions la découverte. 320 p.
HINTON Harwood P. (1986) - « An analysis of burial rites
at Münsingen-Rain : an approach to the study of iron age
society » dans DUVAL Alain. & GoMEZ de SoTo José.
(dir.) - Sur les âges du Fer en France non méditerranéenne,
actes du VIIIe colloque de l’AFEAF, Angoulême, 18-20
mai 1984. Bordeaux, éditions de la Fédération Aquitania,
p. 351-368 (Suppl. Aquitania, 1).
MEyNAuD Jean & LANCELOT Alain (1964) - Les attitudes
politiques, Paris, PuF. 126 p. (que sais-je ?, 993).
MILCENT Pierre-yves (2004) - « Statut et fonctions d’un
personnage féminin hors norme » dans RoLLEY Claude
(dir.) - La Tombe princière de Vix, Paris, éditions Picard,
p. 312-366.
POuX Matthieu (2004) - L’Âge du vin. Rites de boisson, festins
et libations en Gaule indépendante, Montagnac, éditions
Monique Mergoil. 637 p. (Protohistoire européenne, 8).
ROCHER Guy (1968) - Introduction à la sociologie générale. 3.
Le changement social, Paris, éditions HMH. 321 p. (Points.
Sciences humaines).
RuBy Pascal (1993) - « Tarquinia, entre la Grèce et Sala
Consilina. éléments pour l’étude de la circulation des
biens de prestige dans l’Italie centrale et méridionale
protohistorique », MEFRA, 105/2, p. 779-832.
TuRGEON Laurier (2002) - « La MRC des Basques ou la
construction d’une mémoire ethnoscopique basque au
Québec » dans oUELLET Pierre, HAREL Simon., LUPIEN
Jocelyne & NOuSS Alexis (dir.) - Identités narratives.
Mémoire et perception, Les Presses de l’université Laval,
p. 303-323.
VERGER Stéphane (2003) - « qui était la dame de Vix ?
Propositions pour une interprétation historique » dans
CéBEILLAC-GERVASONI Mireille & LAMOINE Laurent.
(éds.) - Les élites et leurs facettes : les élites locales dans le
monde hellénistique et romain, Rome, école française de
Rome / Clermont-Ferrand, Presses universitaires BlaisePascal, p. 583-625 (Coll. école française de Rome, 309).
VERGER Stéphane (2006) - « La grande tombe de
Hochdorf, mise en scène funéraire d’un cursus honorum
tribal hors pair », Siris, 7, p. 5-44.
WALDHAUSER Johann (1978) éd. - Das keltische Gräberfeld
bei Jenisuv Ujezd in Böhmen, Teplice, Krajké Muzeum
Teplice, 2 vol. (Archeogicaky vyzkum v severnich
Cechach, 6 7).
MANOLAKAKIS Laurence (2004) - « Les très grandes
lames de la nécropole de Varna. Essai d’interprétation
de la valeur d’un mobilier funéraire » dans BARAY
Luc. (dir.) - Archéologie des pratiques funéraires. Approches
critiques, actes de la table ronde de Glux-en-Glenne, 7 et 9
juin 2001. Glux-en-Glenne, Bibracte, Centre archéologique
européen, p. 289-301 (Bibracte, 9).
L’auteur
Luc BARAy, CNRS – uMR 5594 ARTeHIS, Sens, 5 rue Rigault
F - 89100 Sens
recherche@cerep-musees-sens.net
luc.baray01@u-bourgogne.fr
208
RAP - 2009, n° 3/4, Luc baray, De la composition des dépôts funéraires aristocratiques aux âges du Fer en Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) : entre compétition
et identité sociale.
résumé
Le développement sans précédent de l’archéologie préventive a permis à la communauté scientiique
de disposer d’une documentation de qualité engendrant un renouvellement des protocoles d’analyse des
sépultures en liaison avec l’étude des pratiques funéraires. Cependant, l’approche de la structure sociale des
populations protohistoriques est une thématique rarement abordée en tant que telle. Les raisons sont multiples
mais il apparaît, et c’est le propos de cet article, que la résolution de ce problème passe, entre autres, par une
approche qui tienne compte des mécanismes d’élaboration du discours funéraire des élites protohistoriques à
travers sa dimension idéologique.
Mots clés : pratiques funéraires, structure sociale, dépôts funéraires, aristocratie, compétition sociale,
identité sociale, âge du Fer, Europe occidentale.
abstract
The unprecedented development of preventive archaeology has provided the scientiic community with
reliable new data and generated a renewal of the analytical procedures applied to graves within the context of
the study of funerary practices. However, the actual social organization of the Iron Age populations remains
a topic that has scarcely ever been tackled as such. There are many reasons for this, but it appears that – and
such is the purpose of the present paper- the solution to this dificulty depends, among other things, on an
approach which would take into account the process of elaboration of the funerary message of the Iron Age
elite, as seen in its ideological aspect.
Key words : burial practices, social organization, grave goods, aristocracy, social competition, social identity,
Iron Age, western Europe.
Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX
Zusammenfassung
Dank der ständig zunehmenden Zahl der Rettungsgrabungen steht den Wissenschaftlern eine qualitativ
hochwertige Dokumentation zur Verfügung. Hieraus ergibt sich eine Revision der Analyse-Protokolle
der Grabstätten in Verbindung mit der untersuchung der Bestattungssitten. Die Sozialstruktur der
frühgeschichtlichen Bevölkerungsgruppen als solche wird dennoch nur selten angesprochen. Die Gründe
hierfür sind zahlreich, doch es scheint, und das ist das Thema dieses Artikels, dass das Problem u.a. dadurch
gelöst werden kann, dass man sich mit der Frage beschäftigt, wie sich die Ideologie der frühgeschichtlichen
Eliten in ihren Bestattungsritualen widerspiegelt.
Schlüsselwörter : Bestattungssitten, Sozialstruktur, Grabbeigaben, Aristokratie, sozialer Wettstreit, soziale
Identität, Eisenzeit, Westeuropa.
Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr).
209
RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre
le IIIe et le Ier siècle avant J.-C.
LE DépÔt DE pIèCEs DE CHar Dans LEs toMBEs
DE GaULE BELGIQUE EntrE LE IIIe Et LE Ier s. avant J.-C.
Nathalie GINOuX, Germaine LEMAN-DELERIVE & Christian SEVERIN
un peu éclipsé par les tombes à char fastueuses
du Hallstatt D3 et de La Tène ancienne, ou par
les tombes de la in de l’âge du Fer - celles de
l’aristocratie trévire (Metzler et al. 1991), de
l’exceptionnelle sépulture de Boé dans le Lot-etGaronne ; (sChönfelder 2002) et de Verna dans
l’Isère (perrin & sChönfelder 2003)- le phénomène
des tombes à char de Gaule Belgique s’inscrit dans
un vaste complexe dont l’extension géographique
est circonscrite entre les vallées de la Seine, de
la Meuse et la haute vallée de l’Escaut. Celle-ci
comprend les ensembles funéraires du groupe de la
Haine (Mariën 1961) et la tombe d’Hordain, qui fait
l’objet d’une présentation liminaire dans cet article
(note 1 et ig. 1).
En Gaule Belgique, le répertoire regroupe
aujourd’hui trente ensembles funéraires (2), ou lots
de pièces, auxquels le qualiicatif « aristocratique » ne
s’applique pas nécessairement et que nous préférons
appeler « tombes privilégiées ». Dans ces ensembles,
ont été déposés des éléments de char, d’attelage, et/
ou des pièces appartenant à l’équipement équestre.
Dans un article paru en 1993, Alain Duval avait
proposé de rectiier l’appellation tombes à char (qui
se référait selon lui aux tombes du Ve s. av. J.-C.) en
tombes à éléments de char dans lesquelles les éléments
sont peu nombreux et le char démonté (duVal &
Verron 1993). Du point de vue de la question qui
retient notre attention, à savoir les changements et la
continuité des occupations en Gaule Belgique entre
le IIIe et le Ier siècle avant J.-C., il paraît inadéquat de
marquer cette distinction. Nous notons simplement
qu’il s’agit de tombes élitaires, dans lesquelles le char
et l’équipement équestre sont bien matérialisés.
1 - Ouvrons ici une parenthèse, pour rappeler l’antériorité
de la pratique de déposer de tels éléments, sélectionnés,
dans les tombes d’individus privilégiés, attestée au
Hallstatt D3/LT A ancienne, dans quelques sépultures
du grand quart nord-ouest de la Gaule (VerGer 1995),
et ce, parallèlement aux tombes à char du Ha D et des
incinérations en urnes métalliques d’Armorique, de
Saintonge et du Limousin, comme le montrent par exemple
la découverte du tumulus du Bonethève à Pressignac, en
Charente et d’autres contextes comme Jumilhac-le-Grand
en Dordogne et Ergué-Armel dans le Finistère (GoMez de
soto 2007).
Ainsi, vu à travers le iltre des usages funéraires,
le phénomène dégage un caractère unitaire, mais
avec des nuances qu’il convient de souligner. Il
couvre en réalité des pratiques plus hétérogènes
qu’il n’y paraît au premier abord.
Des critères secondaires permettent de proposer
des groupes :
1 - le véhicule a été déposé entier, assemblé ;
2 - ou déposé entier démonté ;
3 - ou déposé partiellement ;
4 - le harnachement a été déposé complet ;
5 - ou partiellement à partir d’éléments sélectionnés ;
6 - il en est de même pour l’attelage.
De nombreuses découvertes sont mal
documentées, parce qu’il s’agit soit de fouilles
anciennes, soit de découvertes fortuites. Dans ces
deux cas, nous ne possédons quasiment jamais
d’informations sur l’agencement de la tombe, son
architecture, son caractère monumental (tab. 1).
La lecture du tableau appelle deux remarques
relatives aux contextes. La première concerne la
chronologie, centrée essentiellement sur les IIIe et IIe
siècles avant J.-C. Cette période correspond au passage
de l’inhumation à l’incinération avec quelques cas
de biritualité au sein d’une même nécropole. Les
inhumations avec char, constatées dans les Ardennes,
à Neufchâteau, Sberchamps, Tremblois-lez-Rocroi, et
dans la région parisienne à Roissy-en-France (leJars
2005), Nanterre (hubert 1902), Bouqueval (GuadaGnin
1978), Plessis-Gassot (Ginoux 2003), sont datées du
deuxième quart du IIIe s. avant J.-C. Toutefois, comme
le démontre l’examen de cas particuliers, le dépôt de
pièces de char se poursuit dans les incinérations datées
du Ier siècle avant J.-C. (Léry, Armentières-sur-Ourcq,
Hannogne…).
2 - La très hypothétique découverte de L’Hay-les-Roses
(Val-de-Marne ; panthier & leClerC 1931 p. 13 et XII) n’est
pas prise en compte dans la mesure où le contexte est
inconnu, le matériel introuvable ; de même, la découverte
de Mons (Belgique) ne peut être attribuée de façon assurée
à une tombe à char (Mariën 1961, contra sChönfelder
2002). Enin, autre cas problématique, celui de la tombe de
Pontfaverger "La Wardelle", découverte en 1938 qui entre
dans la série des sépultures multiples dont le dépôt du char
doit, selon J. -J. Charpy, être attribué à une inhumation du
Ve siècle avant J. -C. (Charpy 2003, p. 15-16)
Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre le IIIe et le Ier siècle avant J.-C.
211
RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre
le IIIe et le Ier siècle avant J.-C.
in
Me
u se
Rh
Aa
Yser
Lys
De
nd
re
r
Ru
La Calotterie
Ca
nc
he
Leval-Trahegnies
ut
re
ca Estinnes-au
S a mb
Estinnes-auEs
Abbeville
Mont
Mont
So Bouchon
mm
e
Hordain
Oise
Tremblois-l-Rocroi
Oise
Belboeuf
Pîtres
Léry
Lacroix-St-Ouen ?
e
Marcilly
s-Eure
Neufchâteau
Hannogne
Attichy Soissons
in
Se
Risle
La Maillerayes-Seine
Eu
Ourcq
Sberchamps
ne
Ais
Trugny
Pomacle
re
Le-Plessis-G. Roissy-en-F.
Armentières-s-O
Bouqueval
Nanterre
Ve
sle
Hauviné
Bouy
Paris
Fig. 1 - Carte de répartition des tombes à char (symbole carré) ou à équipement équestre (symbole arrondi).
En second lieu, en dépit des incertitudes liées
aux circonstances des découvertes, il apparaît
assez nettement que la fonction guerrière n’est pas
systématiquement représentée (3). En témoignent
les exemples de Neufchâteau-le-Sart, tombelle II, où
le char déposé entier est associé à une inhumation
féminine, de même qu’à Bouqueval, t. 11. Pareillement,
les enfants ne sont pas exclus de ce rite si on en juge
par les exemples de dépôt d’un véhicule, démonté
ou partiel, respectivement dans l’inhumation n° 3 de
Bouqueval et l’incinération 4020 d’Hordain.
Sur le territoire de Gaule Belgique, nous
observons deux concentrations régionales de
tombes de guerriers, dans lesquelles, char et cheval
apparaissent liés à cette fonction.
Comme nous venons de le voir, la plus ancienne
apparaît dans des contextes à inhumation de la
première moitié du IIIe siècle, dans la moyenne
vallée de la Seine, sur le territoire des Parisii. un
groupe plus récent se rapporte à des contextes à
incinération datés des IIe et Ier siècles avant J.-C. en
basse vallée de Seine. Il s’agit des ensembles de La
3 - Contrairement aux tombes trévires, plus tardives
(Metzler 2002).
212
Mailleraye, de Léry "Champ des Corvées" (Cliquet
& sChaaff 1990), de Pîtres "La Remise", t. 40 (Cerdan
& Cerdan 1993), et de Marcilly-sur-Eure à quelques
kilomètres de l’oppidum de Fort-Harrouard (duVal
& Verron 1993).
Le contenu des tombes dépend des habitudes
régionales. En particulier, le nombre de contenants
céramiques est variable. On relève aussi l’écart
entre le caractère frustre des vases (à l’exception
de l’exemplaire décoré d’Hordain) et la qualité des
dépôts métalliques.
La DéCoUvErtE D’HorDaIn (norD)
Cette découverte récente, datable de la deuxième
moitié du IIIe siècle, est importante à plusieurs titres.
Elle illustre une phase chronologique intermédiaire
entre les inhumations de la première moitié du IIIe
siècle et les crémations des IIe et Ier siècles avant J. -C.
C’est une incinération associée à un véhicule et à un
équipement équestre.
Située à une quinzaine de kilomètres de Cambrai,
la commune de Hordain est implantée sur la rive
droite de l’Escaut à la conluence avec la Sensée,
son premier afluent d’importance. Ces cours d’eau,
dominés par l’imposante fortiication d’Etrun-sur-
RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre
le IIIe et le Ier siècle avant J.-C.
Localité
Mobilier
Leval-Trahegnies anneaux de rênes,
clavette, tige
Description
Armes
Sexe
Datation
e
e
Bibliographie
contexte imprécis
?
?
2 quart III s.
Mariën 1961
ibules, agrafes,
collier, 2 vases
inhumation, char
entier assemblé
non
femme
2e quart IIIe s.
Cahen-Delhaye
1997
Sberchamps
joug, mors,
phalères, ibule
inhumation, char
entier assemblé
non
?
IIe s.
Cahen-Delhaye
& Hurt 1994
Tremblois-lesRocroi.
Les Pothées,
t. 1938
bandages, caisse,
2 mors, couteau,
céramiques
inhumation
épée
mil. IIIe s.
Flouest 1984
char entier
pointe de lance, umbo
Estinnes-auMont
anneaux, passeguides, céramique
incinération
dépôt partiel
attelage
non
?
IIe-Ier s.
Cahen-Delhaye
et alii 1986
Hordain
3 mors, clavettes,
joug, couteau,
rasoir, ibules,
9 vases
incinération
dépôt partiel :
équipement
équestre,
véhicule, attelage
non
jeune
enfant
et sujet
adulte?
2e moitié IIIe s.
inédit
La Calotterie
t. 604
mors, seau, pince,
forces, rasoir,
anneau, ibule,
2 vases
incinération
dépôt partiel :
équipement
équestre
non
F
IIIe - IIe s.
Blancquaert
2000
Abbeville t.3
clavette
incinération
dépôt partiel :
véhicule
non
?
IIe s. ?
Baray 1998
Bouchon t. 25
mors, phalères de
bronze, ibule,
5 céramiques
incinération
dépôt partiel :
équipement
équestre
non
?
IIe s.
Baray 1998
Attichy
bandages de roue,
anneau de joug,
pièce de ixation
ornée
?
?
2e quart IIIe s.
Duval &
Blanchet 1974
Lacroix-SaintOuen
élément de
harnais, moyeu,
céramique, clef,
pelle à feu.
tombe ?
lance
?
Ier s.
Blanchet 1983
Belboeuf,
Inglemare
frettes de roue,
mors, éléments
d’attache ornés de
bovidés
découverte
ancienne
?
?
IIe - Ier s.
Duval 1975
Pîtres t. 40
mors, anneaux,
pendeloques.
incinération
épée
?
Lery, Champ
des Corvées
rasoir, ciseau,
mors de ilet,
seau, torque
incinération
contexte incertain
épée, lance ?
?
IIe - Ier s.
Cliquet &
Schaaff 1990
Marcilly-surEure
bandages de
incinération
roue, pièces de
suspension, outils,
chaudron
épée
umbo
?
2e moitié IIe s.
Duval & Verron
1993
3 épées
5 lances
2 haches
4 umbos
?
IIe s.
Lequoy 1993
non
?
Ier s.
Moreau 1882
Neufchâteau-leSart
La Mailleraye-s- 6 mors, chenets,
incinération
Seine
trépied, crémaillère,
vases métalliques,
hache, ibule
Armentièressur-Ourcq
anneau de joug,
mors, ibules, anneaux, céramique
Cerdan 1993
213
RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre
le IIIe et le Ier siècle avant J.-C.
Hannogne
jantes, clavettes,
mors, amphore,
chaudron,
oenochoé, patelle,
ibule, forces
incinération
Soissons
plusieurs chars :
tiges à œillets,
pièces de joug,
oss. animaux
inhumation ?
Hauviné,
La Poterie
fragment de joug
incinération
contexte incertain
bouleversée
Pomacle
2 anses de seau, 1
mors de bride, 3
haches, 1 crochet
incinération
Bouy
anneau passe-guide
Trugny
Ier s.
Flouest & Stead
1977
?
?
Ier s.
Schönfelder
2002
non
?
IIe-Ier s.
Roualet 1977
non
?
Ier s.
Fromols 1938
non
?
IIe-Ier s.
Chossenot 1997
douille de lance
er
harnais, mors,
phalères, éperons
Roissy-en-France bracelet, applique inhumation
en bronze, 1 ibule
en fer, forces
rasoirs, divers
objets (sachet à
amulettes), jet de
coulée de bronze,
2 outils, frettes en
bronze, clavettes
en bronze, petites
pièces ajourées
en bronze, 5
garnitures de
joug, mors,
harnais, offrande
animale, 2 vases
en céramique, un
récipient en bois
et bronze
Iere moitié IIIe s.
Lejars 2005
guerrier
Iere moitié IIIe s.
Lejars 2005
guerrier
Iere moitié IIIe s.
Hubert 1902
Roissy-en-France Ceinturon, peutêtre une cuirasse
en cuir, 2 parures
annulaires, 2
ibules en fer,
1 rasoir en
fer, offrandes
animales (porc),
paire de mors,
joug (passe-guides)
T. 5002
inhumation
épée
char entier
assemblé
lance
contexte imprécis
(2 tombes ?)
joug : anneaux
char entier
assemblé
harnachement,
véhicule et
attelage
véhicule
parure
Déchelette 1914
?
char entier
assemblé
harnachement : 2
mors
I s.
non
T. 1002
Nanterre
214
adulte
épée
bouclier
2 épées
lance
javelot
Olivier et
Schönfelder
2002
RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre
le IIIe et le Ier siècle avant J.-C.
Bouqueval
harnais de tête et
éléments du char,
2 ibules en fer,
1 amulette en alliage cuivreux ; 2
bracelets (lignite
et bronze)
t. 3
inhumation
non
enfant
2e quart IIIe s.
Guadagnin 1978
non
femme
2e quart IIIe s.
Guadagnin 1978
guerrier
2e quart IIIe s.
Ginoux 2003,
2009
?
IIIe s.
Jacobsthal 1944 ;
Duval 1977
char démonté
Bouqueval
1 ibule en fer ; 1 inhumation
cornière en alliage
cuivreux ajourée, 3 clous en
alliage cuivreux ;
éléments de char
en fer
T. 11
char entier
assemblé
Le Plessis Gassot harnachement : 2
mors, harnais de
tête,
T. 1004
attelage :
6 anneaux de
joug, 1 grand
vase à pied
peint en rouge,
divers matériaux
organiques, 1
fragment de
plaque en fer
inhumation
épée
char entier
démonté,
harnachement,
attelage
lance
Paris
aucun contexte
clavette, anneau
décoré
bouclier
?
tab. I -
Escaut, sont considérés comme la frontière entre les
Atrébates, à l’ouest, et les Nerviens, à l’est.
N
0
Tombe
monument 2
des
C
uls
tou
t nu
s
Tombe 4022
monument 1
em
in
La nécropole d’une supericie d’environ 2 500 m2
se situe sur le sommet d’un vallon sec, en bordure
du chemin agricole dit "Des Culs tout nus", ancien
itinéraire, attesté depuis le début du Moyen âge.
Elle rassemble 2 monuments funéraires avec tombe
centrale, 17 sépultures et une inhumation dans une
fosse en silo (ig. 2).
10 m
Ch
La découverte de la nécropole laténienne résulte
d’une opération de fouilles préventives menées
conjointement par la Communauté d’agglomération
du Douaisis et l’Inrap en 2005 et 2006 sur la ZAC
Hordain-Hainaut, une plate forme industrielle de
70 ha où de nombreux sites d’habitat s’échelonnant
du Bronze inal au IVe siècle de notre ère ont
également été mis au jour. La restauration des
objets qui vient de se terminer permet de mesurer
aujourd’hui l’importance de la découverte.
Fig. 2 - Hordain (Nord) : plan de la nécropole (Direction de
l’Archéologie, Communauté d’agglomération du Douaisis).
215
RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre
le IIIe et le Ier siècle avant J.-C.
La structure 4020 (tombe à monument 1) contient,
pour l’heure, la sépulture la plus richement dotée
en offrandes, en particulier un dépôt de pièces de
char et de harnachement.
Le monument 1 est constitué d’un enclos
rectangulaire (longueur : 14 m, largeur : 10,10 m)
circonscrit par un fossé continu et ininterrompu
(L : 80 cm, profondeur conservée : 60 cm) dont le
creusement relativement soigné au proil en V et
à fond en cuvette n’a pas fait l’objet de réfection,
même ponctuelle. Son remplissage, uniforme et
symétrique, ne témoigne pas de la présence d’un
talus bordier.
Dans la partie est de l’enclos, 4 trous de poteaux
alignés sur l’axe nord/sud font face à la tombe,
placée au centre du tiers ouest de l’enclos. Ils sont
espacés d’environ un mètre les uns des autres
parallèlement à l’axe du fossé dont ils sont distants
de 2 m. Cet alignement correspond sans doute à
un aménagement spéciique dont la nature reste
à déterminer (porche, vestiges d’un bâtiment
partiellement conservé ?).
La tombe est une fosse de forme rectangulaire, à
parois verticales (L : 2,10 m, l : 1,80 m, profondeur
conservée : 20 cm) qui ne présentait aucune trace,
même induite, d’aménagement interne tel, par
exemple, un boisage des parois.
Compte tenu de leur extrême fragilité, les
éléments métalliques ont été prélevés en bloc en
vue d’un traitement en laboratoire. Cette opération
a été coniée au laboratoire Conservare à Compiègne
qui a réalisé le dégagement et la restauration des
objets contenus dans ce dépôt.
Dans la fosse, les objets se répartissaient en
deux groupes, disposés autour de l’amas osseux.
Le premier comprenait les éléments d’attelage et de
harnachement : 3 mors, les restes d’un joug et un
ensemble d’une quinzaine de cabochons. Le second
groupe rassemblait un mobilier plus hétérogène : 2
clavettes d’essieu, 3 ibules, un rasoir et un couteau
en fer.
Fig. 3 - Hordain (Nord) : ibules de la tombe 4020 (Cliché
Gilbert naessens, HALMA-IPEL)
Fig. 4 - Hordain (Nord) : mors en fer de la tombe 4020
(Cliché Gilbert naessens, HALMA-IPEL)
Les trois ibules sont typologiquement complètes
(ig. 3). Elles appartiennent au schéma LT. II et
permettent de dater l’ensemble de la seconde moitié
du IIIe siècle avant J.-C., voire du début du siècle
suivant. On note la présence assez exceptionnelle
en Gaule du Nord à cette époque, d’une ibule en
bronze. Il s’agit en outre d’un modèle plus évolué
que les deux exemplaires en fer (suter 1984).
216
Les trois mors associent d’une part, une paire
identique en fer, recouverts de bronze, que l’on
attribue à l’attelage, d’autre part une pièce en
bronze, dont la forme est différente, que l’on affecte
à un cheval monté (ig. 4-5).
Fig. 5 - Hordain (Nord) : mors en bronze de la tombe 4020
(Cliché Gilbert naessens, HALMA-IPEL)
RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre
le IIIe et le Ier siècle avant J.-C.
Fig. 6 - Hordain (Nord) : fragment de joug décoré, tombe 4020 (Cliché Gilbert naessens, HALMA-IPEL)
Les restes du joug, dont les parties en matériaux
périssables ont disparu, sont exclusivement
métalliques (ig. 6). Ce sont des cabochons à tête
hémisphérique, creuse, en bronze, soudée à des
agrafes en fer, qui étaient, à l’origine, enfoncées
dans le joug en bois. Ces pièces sont de deux
modules différents. Les plus grandes ont un
diamètre maximum de 8 cm, les plus petites
un diamètre de 4 cm. Il s’agit sans aucun doute
d’appliques décoratives dessinant un motif dont
on peut reconstituer partiellement la composition
géométrique à base de chevrons, qui semble
analogue à celle de l’exemplaire retrouvé en position
secondaire dans le secteur de la fortiication de
l’oppidum de Kelheim (Lkr Kelheim) en Allemagne
(herMann 1973).
Les deux clavettes d’essieu ont une tête en bronze
en forme de demi-lune ; leur tige courbée, en fer, se
termine par un bouton en bronze (ig. 7). Elles sont
comparables aux exemplaires de La Maillerayesur-Seine en Seine-Maritime (lequoy 1993) et de La
Tène dans le Canton de Neuchâtel en Suisse (VouGa
1923), deux contextes, l’un funéraire, l’autre non
funéraire, datés de la première moitié du IIe siècle
avant J.-C.
L’association du couteau en fer et d’un rasoir de
même métal est classique pour cette période en Gaule
du Nord (ig. 8). on souligne cependant, qu’à l’instar
Fig. 8 - Hordain (Nord) : couteau et rasoir de la tombe
4020 (Cliché Gilbert naessens, HALMA-IPEL).
de l’exemplaire de la tombe 31 de RaillencourtSainte-Olle (Nord), il s’agit d’un couteau de petite
taille muni d’une soie (bouChe et al. 2007).
Le dépôt céramique se compose de 10 vases
qui étaient répartis en 3 groupes déposés
respectivement, le long de la paroi ouest, au centre
de la paroi nord et dans l’angle nord-est de la fosse.
Le vase 1, à la panse globulaire et au fond à balustre
très court est recouvert par un décor complexe (ig. 9)
réalisé à l’aide d’une molette large dont on connaît
2 exemplaires dans le Douaisis : l’un à Dechy (en
contexte également funéraire) et l’autre à LauwinPlanque dans un contexte d’habitat (inédit).
L’amas osseux était concentré au centre de la fosse
sépulcrale. C’est autour de ce dépôt qu’avaient été
disposés les éléments de char et de harnachement.
quelques ossements calcinés, plus épars, sont
apparus le long de la paroi sud de la fosse. Il semble
toutefois qu’il s’agisse d’une dispersion accidentelle,
causée par une bioturbation.
Fig. 7 - Hordain (Nord) : clavette de la tombe 4020 (Cliché
Gilbert naessens, HALMA-IPEL).
Les restes osseux représentent un ensemble
de 339 g d’os brûlés dont 25 g sont attribués à
des restes de faune. quatre-vingt treize grammes
217
RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre
le IIIe et le Ier siècle avant J.-C.
Le contexte du Plessis-Gassot (second quart du
IIIe siècle avant J.- C) est celui d’un petit ensemble
funéraire de 18 tombes. une incinération en urne,
qui appartient à l’un des dépôts les plus tardifs
d’après la forme des vases, réoccupe l’emplacement
d’une tombe à char plus ancienne. La caisse (ou
plateforme ?) du véhicule avait été séparée de
l’essieu mais tous les éléments d’attelage, de
harnais étaient déposés. Il s’agit de la sépulture
d’un guerrier, équipé d’une enseigne et d’une arme
richement ornée. L’architecture funéraire était en
bois et terre, le bâtiment a été démonté avant le
dépôt de l’incinération.
Fig. 9 - Hordain (Nord) : vase 1 de la tombe 4020 (Cliché
Gilbert naessens, HALMA-IPEL). Direction de l’Archéologie.
Communauté d’agglomération du Douaisis.
appartiennent à un sujet adulte d’âge et de sexe
indéterminé et 221 g (c’est-à-dire les deux tiers)
correspondent aux restes d’un enfant de 5 ans (+ ou
– 16 mois). L’âge a été déterminé à partir des germes
dentaires présents (4).
LEs toMBEs DU tErrItoIrE DEs PARISII
La fameuse tombe à char de Nanterre, dont le
mobilier est conservé par le Musée d’Archéologie
Nationale, témoignerait de l’existence d’un complexe
funéraire plus vaste, orienté sur une terrasse
dominant le cours de la Seine. D’après Henri
Hubert, 4 sépultures, mal documentées, auraient
été sauvées. S’ajoute une découverte attribuée au
IIIe siècle, à Saint–Cloud, avec la trouvaille en 1938
au lieu-dit "Les trois Bouillons", d’une épée, d’un
mors et d’une pointe de lance (hubert 1902).
Selon ce même auteur, le char était accompagné
de plusieurs chevaux, dont aucun ossement ne
subsiste. Les garnitures métalliques du char sont
associées à un joug, aux mors de 2 chevaux, 2 épées
en fer (dont l’une a conservé son fourreau en fer),
2 chaînes de suspension en fer, une pointe et un
talon de lance en fer, ainsi qu’une pointe de javelot
de même métal. Henri Hubert ajoute à l’inventaire
plusieurs objets aujourd’hui perdus : une troisième
épée, ainsi qu’une « chaîne de bronze » qu’il attribue
à « un collier de cheval ». Un lot d’objets, entrés
au Musée en 1902, comprend plusieurs moulages
dont celui d’un des anneaux passe-guides émaillés
du char (dont l’original a été donné au Musée),
un bracelet en bronze, censé provenir de la tombe
à char, et enin un petit ensemble de parures en
bronze. Cet ensemble, homogène du point de vue
chronologique, recouvre à l’évidence le mobilier de
plusieurs dépôts (oliVier &, sChönfelder 2002).
4 - Identiication Nuria Villena Mota (Direction de
l’Archéologie, Communauté d’Agglomération du Douaisis).
218
à Bouqueval, comme à Roissy-en-France, le
dépôt du char n’est pas nécessairement lié à la
fonction militaire, puisqu’il s’agit dans un cas d’une
femme (tombe n° 11), dans l’autre d’un enfant (tombe
n° 3). Dans la première tombe, les roues du char ont
été démontées. Dans la tombe 3, l’inhumation d’un
enfant reposait sur la caisse d’un char dont les roues
semblent avoir été démontées et posées à plat. Le
mobilier associé aux deux objets ornés comprend : 2
ibules en fer, un bracelet en lignite, 12 phalères, une
« bossette », un anneau, un clou à tête, un élément de
crémaillère en fer, une paire de mors de ilet en fer, 2
clavettes d’essieu, un fragment de bandage de roue
et 8 objets en fer très corrodés et indéterminés.
LEs toMBEs DEs arDEnnEs Et
DE CHaMpaGnE
Au sein du groupe méridional des tombelles
ardennaises, dans la nécropole de Neufchâteau-LeSart (Belgique), Anne Cahen-Delhaye a observé un
exemple de réoccupation d’un lieu funéraire au IIIe
siècle avant J.-C. après un abandon de près d’un siècle
(Cahen-delhaye 1997). Cette deuxième phase de la
nécropole est inaugurée par la tombe double d’enfant
(tombelle I-3), datée du premier tiers du IIIe siècle av.
J.-C. L’interprétation de ce fait par l’auteur est celle
d’une réactivation du lieu par une même population,
ayant conservé les rites et les symboles traditionnels
du pouvoir, comme le dépôt du char à deux roues.
Les tombes dont l’une à char, fouillées en 1938
et 1939 à Tremblois-les-Rocroi (Ardennes), ont été
publiées par J. Fromols en 1955 (froMols 1955).
Ces ensembles ont été réexaminés en 1990 par
J.-L. Flouest qui a conclu à l’existence d’une seule
tombe à char de guerrier, peut-être une inhumation,
datée du milieu du IIe siècle. L’autre, qui n’a livré
aucune trace de char ni de harnachement, étant une
sépulture plus ancienne, à lit funèbre, caractérisé par
des poignées en bronze coulé, datées du VIe siècle
avant J. C. La forme de la fosse et les aménagements
pour les roues sont rapprochés par l’auteur du
milieu des Ardennes Belges (flouest 1990).
Mais la tombe la plus richement dotée, et
également la plus tardive, est celle d’Hannogne-
RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre
le IIIe et le Ier siècle avant J.-C.
Saint-Remy, fouillée en 1961. Dans cette tombe,
les roues du char ont peut-être été démontées. Elle
contenait aussi un équipement militaire (flouest &
stead 1977). La découverte d’Armentières-sur-Ourcq
(Aisne) est sans doute contemporaine ; la relation
ancienne de la trouvaille ne permet toutefois pas
d’afirmer la présence d’un char complet, ou d’un
attelage (Moreau 1882). Il semble en effet plausible
que dans cette région également, on ne constate
que le seul dépôt de pièces de harnachement au Ier
siècle, si on se fonde par exemple sur la découverte
de Pomacle, "Montève" qui réunissait céramiques,
anses de seau, haches et mors (froMols 1938), de
Trugny qui livra mors, phalères, harnais et même
éperon (déChelette 1914). à Bouy "Le Chemin de
Vadenay", c’est un anneau passe-guide qui a été
découvert dans un fossé d’enclos (Chossenot 1997).
LEs toMBEs DE La partIE oCCIDEntaLE
DE La GaULE BELGIQUE
L’ensemble issu de la tombe 604 de La Calotterie
"La Fontaine aux Linottes" (Pas-de-Calais) présente
un bon exemple de l’adaptation, de la mise en
conformité du nécessaire à ablutions, méditerranéen,
avec la tradition gauloise : un bassin et une bouteille
en céramique sont associés à 7 objets métalliques
dont un seau, une paire de forces, un rasoir, et une
ibule, une pince à épiler, un rasoir interprété comme
outil destiné au travail du cuir (blanCquaert 2000).
En revanche, l’interprétation des 2 mors de chevaux
comme emblématiques du statut du fabricant de
harnachements de chevaux peut être discutée. on
note que les mors sont chacun d’un type différent,
indiquant davantage la représentation de chevaux
montés que d’un attelage. Nous avons vu qu’à
Hordain l’attelage est représenté par 2 mors
identiques, le troisième pourrait être celui d’un
cheval monté.
Les découvertes de la vallée de la Somme,
une clavette à Abbeville, un mors et des phalères
à Bouchon (baray 1998) restent encore trop rares
pour être analysées avec pertinence. En revanche,
les pièces d’Attichy (duVal & blanChet 1974) ne
sont pas sans évoquer directement les tombes de la
région parisienne.
Dans la basse vallée de la Seine, également,
l’ancienneté des trouvailles contrarie l’approche
régionale du phénomène. Il semble toutefois que la
présence du char, entier ou démonté, à Belbeuf, La
Mailleraye (Seine-Maritime), ou à Pîtres (Eure), soit
plus fréquente que le simple dépôt des pièces du
harnais.
IntErprétatIon
Au sein de ce vaste complexe, on observe
plusieurs situations qui soulèvent la question
des changements et des permanences dans le
peuplement de ces territoires : sur les hauts
plateaux ardennais, apparaît une continuité dans
l’occupation. à Neufchâteau-Le-Sart, comme on
vient de le voir, la nécropole est utilisée, malgré une
interruption au IVe siècle avant J.-C. par la même
population, comme le montre la permanence des
rites funéraires.
En région parisienne, on assiste dans le
premier tiers du IIIe siècle, à une redistribution du
peuplement, sur un territoire sans doute à faible
densité démographique avec un apport externe,
originaire de l’ouest de la cuvette karpatique (Ginoux
2003, Ginoux 2009 sous presse). Le dépôt du char n’y
est pas nécessairement lié à la fonction guerrière. La
présence de femmes, enfants et adolescents suggère
un statut transmis ou une position dans une lignée,
ou dans un clan guerrier, dans ces petites nécropoles
de « primo-arrivants ».
La situation semble identique dans le Hainaut
Belge, à Leval-Trahegnies où apparaissent à cette
même époque, des éléments d’origine centreeuropéenne, sans antécédent dans le milieu local,
caractéristiques des décors de la seconde phase du
Style plastique (Mariën 1961).
Dans le Cambrésis (Nord ; ig. 10), la séquence
des tombes privilégiées à incinération débute
pour l’instant avec la tombe à char de Hordain, et
se poursuit avec les ensembles de Cambrai ZAC
"Nouveau Monde" fouillés en 2006 (asseMat 2007) et
Raillencourt-Sainte-Olle (bouChe et al. 2007), ces deux
dernières nécropoles n’ayant pas livré d’élément
de char, d’attelage, d’équipement équestre, de
harnachement et quasiment pas d’armement non
plus. Seul un fer de lance pourrait matérialiser la
chasse comme activité aristocratique.
Ainsi, il apparaît nettement que les dépôts liés
au char et à la fonction équestre, phénomène à
première vue unitaire, recouvrent des pratiques
hétérogènes, liées au peuplement et en cela il
s’agit bien d’une illustration supplémentaire des
différentes particularités régionales de Gaule
Belgique, que l’on aurait parfois trop tendance à
considérer comme une seule entité.
219
Es
ca
ut
RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre
le IIIe et le Ier siècle avant J.-C.
Hordain
Etrun
Raillencourt-S-Olle
Cambrai
ABG
Fig. 10 - Localisation des tombes élitaires du Cambrésis (cartographie Xavier deru).
BIBLIoGrapHIE
ASSEMAT Hélène (2007) - « Le cimetière du Nouveau
Monde à Cambrai (avenue du Cateau) (France) », Lunula,
Archaeologia protohistorica, Leuven, p. 213-215.
BARAy Luc (1998) - « Les cimetières à crémation de la
basse vallée de la Somme d’après les découvertes de
l’autoroute A 16 Nord », Revue archéologique de Picardie,
1/2, Amiens, p. 211-231.
BLANCHET Jean-Claude (1983) - « Inventaire des sites
du second âge du Fer dans l’oise », dans Les Celtes dans
le Nord du Bassin parisien (VIe-Ier siècle avant J. –C), Actes
du colloque de Senlis, Revue archéologique de Picardie,
1, p. 254-263.
BLANCquAERT Geertrui (2000) - « Les nécropoles de
l’âge du Fer de La Calotterie. La nécropole à incinérations
de la Zone IV. Synthèse générale » dans DESFoSSES
yves (dir.) - Archéologie préventive en vallée de Canche. Les
sites protohistoriques fouillés dans le cadre de la réalisation de
l’autoroute A 16, Nord-Ouest-Archéologie 11, p. 364-398,
413-420.
BOuCHE Karl, BLANCquAERT Geertrui & GINOuX
Nathalie (2007) - « Raillencourt-Sainte-Olle, un ensemble
aristocratique de la in de l’âge du Fer » dans KRUTA
220
Venceslas & LEMAN-DELERIVE Germaine (dir.) - Feux
des morts, foyers des vivants. Les rites et symboles du feu
dans les tombes de l’Âge du Fer et de l’époque romaine, Revue
du Nord, hors série, collection Art et Archéologie, 11,
université Charles-de-Gaulle-Lille 3, p. 13-34.
CAHEN-DELHAyE Anne (1997) - Nécropole de La
Tène à Neufchâteau-Le Sart, Bruxelles, (Monographies
d’archéologie nationale 10),110 p.
CAHEN-DELHAyE Anne, VAN PAMEL P. & CAHEN
Daniel (1986) - « Sauvetage d’une sépulture à char de La
Tène III à Estinnes », Archaeologia Belgica II, 1, Bruxelles,
p. 41-45.
CAHEN-DELHAyE Anne, & HuRT Véronique (1994) « Trois tombelles de La Tène I à Saint-Pierre-Sberchamps
(comm.de Libramont, Lux.) », Archéo-Situla, TreignesLibramont, 21-24, p. 51-56.
CERDAN Michèle & CERDAN Antoine (1993) - « La
nécropole gauloise et gallo-romaine de Pitres-La Remise
(Eure) », dans CLIQUET Dominique, REMY-WATTE
Monique, GuICHARD Vincent & VAGINAy Michel (éd.)
- Les Celtes en Normandie. Les rites funéraires en Gaule (IIIe-Ier
s. avant J. –C.), Actes du 14e colloque de l’AFEAF, Evreux
1990, Revue archéologique de l’Ouest, Supplément n° 6,
Rennes, p. 149-153.
RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre
le IIIe et le Ier siècle avant J.-C.
CHARPy Jean-Jacques (2003) - « Les tombes à char en
Champagne (2e partie) », Amis des études Celtiques, bulletin
de liaison, 33, février-mars, Paris, p. 10-20
MOuLHERAT Christophe, Revue du Nord, hors série
collection art et archéologie 14, Lille (sous presse).
CHOSSENOT Michel (1997) - Recherches sur La Tène moyenne
et inale en Champagne. étude des processus de changement,
Mémoire de la Société archéologique champenoise n° 12,
Supplément au bulletin n° 1, Reims, 409 p.
GOMEZ DE SOTO (2007) - « Le tumulus du Bonethève à
Pressignac (Charente, France) et les tombes du premier et
du début du second âge du Fer à éléments d’équipement
équestre ou pièces de char en Gaule occidentale ».
Archäologisches Korrespondenzblatt, 37, 2, 2007, p. 221-232.
CLIquET Dominique & SCHAAFF ulrich (1990) - « Lery
(Eure), Champ des Corvées », dans Les Celtes en Normandie,
Catalogue d’exposition, Musée d’Evreux, 21 avril-25 juin
1990, p. 50-53
GuADAGNIN Rémy (1978) - « La nécropole celtique
de Bouqueval », Bulletin de la Jeunesse Préhistorique et
géologique de France, 8, p. 12-65.
DECHELETTE Joseph (1914) - Manuel d’archéologie
préhistorique, celtique et gallo-romaine II, 3e partie, Second âge
du Fer ou époque de La Tène, Paris, (éd. 1927), 1163 p.
DuVAL Alain (1975) - « quelques aspects nouveaux de la
sépulture d’Inglemare (commune de Belbeuf », Revue des
Sociétés savantes de Haute-Normandie, Lettres et Sciences
humaines, 77, Rouen, p. 35-46
DuVAL Alain & BLANCHET Jean-Claude (1974) - « La
tombe à char d’Attichy (oise) », Bulletin de la Société
Préhistorique française, études et Travaux, t. 71, 1, Paris, p.
401-408.
DuVAL Alain & VERRON Guy (1993) - « La tombe avec
éléments de char de Marcilly-sur-Eure (Eure), La Croix
du Breuil » dans CLIQUET Dominique, REMY-WATTE
Monique, GuICHARD Vincent & VAGINAy Michel (éd.)
- Les Celtes en Normandie. Les rites funéraires en Gaule (IIIeIer s. avant J.-C.), Actes du 14e colloque de l’AFEAF, Evreux
1990, Revue archéologique de l’Ouest, Supplément n° 6,
Rennes, p. 135-147.
FLOuEST Jean-Loup (1984) - « Les tombes à char de La
Tène en Champagne-Ardenne. Résultats des recherches
effectuées entre 1938 et 1983 », Keltski Voz, Brezice, p.
61-69.
FLOuEST Jean-Loup (1990) - « une tombe de La Tène
III à Hannogne (Ardennes) », dans LEMAN-DELERIVE
Germaine (éd.) - Les Celtes en France du Nord et en Belgique.
VIe-Ier siècle avant J. -.C., Catalogue d’exposition Musée de
Valenciennes, Bruxelles, 280 p. , p. 125-128.
FLOuEST Jean-Loup & STEAD Ian M. (1977) - « une
tombe de La Tène III à Hannogne (Ardennes) », Mémoires
de la Société Agriculture, Commerce, Sciences et Arts du
département de la Marne, Châlons-sur-Marne, 92, p. 55-72.
FROMOLS Jean (1938) - « Découvertes et communications
régionales, Pomacle », Bulletin de la Société archéologique
champenoise, p. 157-180 cf. p. 169.
FROMOLS Jean (1955) - « Recensement des tumulus
et fouilles archéologiques dans la forêt des Pothées
(Ardennes). Fouilles de MM. Brisson, Loppin et Hégly
en 1938 et 1939 », Mémoires de la Société d’Agriculture,
Commerce, Sciences et Arts du département de la Marne, 2e
série, t. XXIX, p. 5-32.
GINOuX Nathalie (2003) - « L’excellence guerrière et
l’ornementation des armes aux IVe et IIIe siècles avant
J.-C : découvertes récentes », études Celtiques, 35, Paris,
p. 33-67.
GINOuX Nathalie (2009) - élites guerrières au nord de la
Seine au début du IIIe siècle avant J.-C. La nécropole celtique
du Plessis-Gassot (Val-d’Oise), avec les contributions de
CAMMAS Cecilia, DELATTRE Valérie & MARTI Fabrice,
HERMANN F.-R. (1973) - « Die Grabung am inneren Wall
im oppidum von Kelheim im Jahre 1971 », Germania 51,
p. 133-146.
HUBERT Henri (1902) - « Sépulture à char de Nanterre »,
Anthropologie, 13, Paris, p. 66-73
LEJARS Thierry (2005) - « Le cimetière celtique de La Fosse
Cotheret, à Roissy (Val-d’Oise) et les usages funéraires
aristocratiques dans le nord du Bassin parisien à l’aube du
IIIe siècle avant J.-C. », dans BUSCHENSCHUTZ olivier
& BuLARD Alain & LEJARS Thierry. (éds.), L’âge du Fer
en Île-de-France, Actes du XXVI) colloque de l’Association
Française pour l’étude de l’âge du Fer, Paris et Saint-Denis
9-12 mai 2002, 26e supplément à la Revue Archéologique
du Centre de la France, Tours, p. 73-85.
LEquOy Marie-Clotilde (1993) - « Le dépôt funéraire
de la Mailleraye-sur-Seine (Seine-Maritime) » dans
CLIQUET
Dominique,
REMY-WATTE
Monique,
GuICHARD Vincent & VAGINAy Michel (éd.) - Les
Celtes en Normandie. Les rites funéraires en Gaule (IIIe-Ier s.
avant J.-C.), Actes du 14e colloque de l’AFEAF, Evreux
1990, Revue archéologique de l’Ouest, Supplément n° 6,
Rennes, p. 121-133.
MARIËN Marcel-Edouard (1961) - La période de La Tène en
Belgique. Le Groupe de la Haine, Bruxelles, (Monographies
d’archéologie nationale, 2), 212 p.
METZLER Jeannot, WARINGo Raymond, BIS Romain
& METZLER-ZENS Nicole (1991) - Clemency et les tombes
de l’aristocratie en Gaule Belgique, Luxembourg, (Dossiers
d’archéologie du Musée national d’histoire et d’art I), 182 p.
METZLER Jeannot (2002) -« Rélexions sur les sépultures
aristocratiques en pays trévire » dans GUICHARD
Vincent & PERRIN Frank - L’aristocratie celtique à la in de
l’âge du Fer (IIe s. avant. J.-C.- Ier s. après). Actes de la table
ronde, Glux-en-Glenne, 1999, Glux-en-Glenne, Centre
archéologique du Mont-Beuvray, 416 p., p. 175-186.
MOREAu Frédéric (1882) - Album Caranda, pl. 24.
OLIVIER Laurent & SCHÖNFELDER Martin (2002)
- « Nanterre (Hauts de Seine). un char de parade de La
Tène moyenne » dans GUICHARD Vincent & PERRIN
Frank, L’aristocratie celtique à la in de l’âge du Fer (IIe s.
avant. J. –C.- Iee s. ap.). Actes de la table ronde, Glux-enGlenne, 1999, Glux-en-Glenne, Centre archéologique du
Mont-Beuvray, 416 p., p. 113-118.
PANTHIER Auguste, LECLERCq Paul (1931) - « Les
fouilles de Paul Leclerc à l’Hay-les-Roses et Chevilly, 2e
partie, Gaulois », Le Bulletin des Amis de Sceaux, 7e année,
p. 7-56, pl. I-XIV.
PERRIN Franck & SCHÖNFELDER Martin (2003) - La
tombe à char de Verna (Isère) : témoignage de l’aristocratie
celtique en territoire allobroge, Lyon, 151 p.
221
RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre
le IIIe et le Ier siècle avant J.-C.
SCHÖNFELDER Martin (2002) - Das spätkeltische
Wagengrab von Boé (dép. Lot-et-Garonne). Studien zu Wagen
und Wagengräbern der jüngeren Latènezeit, Mainz,
Römisch-Germanisches Zentralmuseum, 428 p.
VERGER Stéphane (1995) - « De Wix à Weiskirchen : la
transformation des rites funéraires aristocratiques en
Gaule du Nord et de l’Est au Ve s. avant J. –C. », Mélanges
de l’école française de Rome, 107, 1, Rome, p. 335-458.
SuTER Peter J. (1984) - « Neuere MittellatèneGrabkomplexe aus dem Kanton Bern, Ein Beitrag zür
Latène C Chronologie des Schweizerischen Mittellandes
», Jahrbuch des Schweizerischen Gesellschaft für Ur- und
Frügeschichte, 67, p. 73-93.
VOuGA Paul (1923) - La Tène, Monographie de la station
publiée au nom de la Commission des fouilles de La Tène, Karl
W. Hiesermann, Leipzig, 169 p.
Les auteurs
Nathalie GINOuX, INRAP / CNRS uMR 8164 – HALMA-IPEL (CNRS, Lille 3, MCC).
Germaine LEMAN-DELERIVE, CNRS uMR 8164 – HALMA-IPEL (CNRS, Lille 3, MCC).
Christian SEVERIN, Direction de l’Archéologie, Communauté d’agglomération du Douaisis.
résumé
La découverte à Hordain (Nord) d’une tombe contenant un lot de pièces de char, d’attelage (en particulier
un joug décoré) et de harnachement a permis de faire le point sur un rite funéraire fréquemment observé dans
le nord de la Gaule entre le IIIe et le Ier s. avant J.-C., à savoir le dépôt de pièces de char. Si elle n’est pas liée
systématiquement à une fonction guerrière, cette coutume constitue en revanche un critère de différenciation
entre les différents peuplements de la Gaule Belgique.
Mots clefs : char, harnachement, joug, incinération, inhumation, peuplement, Gaule Belgique.
abstract
The discovery at Hordain (Nord) of a grave with a set of chariot and harness parts (in particular a decorated
yoke) enables us to give an account of a type of burial rite frequently attested in northern Gaul, i.e. the offering
of chariot parts. Even if this custom is not necessarily indicative of a warrior status, it is nevertheless a criterion
by which the various tribes of Gallia Belgica may be distinguished.
Key words : chariot, harness, yoke, cremation, inhumation, tribes, Gallia Belgica.
Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX
Zusammenfassung
Die Entdeckung in Hordain (Departement Nord) eines Grabes mit Teilen von einem Wagen, einem
Wagengespann (insbesondere eines verzierten Jochs) und Pferdegeschirr hat es erlaubt, einen Bestattungsbrauch
zu erörtern, der im Norden Galliens zwischen dem 3. und dem 1. Jh. v. Chr. oft beobachtet wird, nämlich
die Deponierung von Wagenteilen. obwohl er keinen systematischen Bezug zu einer kriegerischen Funktion
aufweist, so stellt dieser Brauch doch ein unterscheidungsmerkmal der Völker der Gallia Belgica dar.
Schlüsselwörter : Wagen, Pferdegeschirr, Joch, Brandgrab, Körpergrab, Besiedlung, Gallia Belgica.
Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr).
222
RAP - 2009, n° 3/4, Muriel friboulet, La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages.
La CéraMIQUE DEs CIMEtIèrEs D’aCY-roManCE (arDEnnEs) :
CHoIX, assEMBLaGEs Et UsaGEs
Muriel FRIBOuLET
présEntatIon
DEsCrIptIon DE L’EFFECtIF
Les cimetières d’Acy-Romance appartiennent à un
habitat d’une quinzaine d’hectares, principalement
occupé à La Tène D. Intégralement fouillés par
Bernard Lambot et son équipe de 1988 à 1994, leur
chronologie relative relète l’évolution du village,
avec un pic d’occupation durant La Tène D1. Les
130 tombes, toutes à incinération, se répartissent
à l’intérieur ou aux abords immédiats de 5 enclos
localisés en périphérie du village (ig. 1).
Tous cimetières confondus, le corpus comporte
plus de 600 vases, base de la sériation chronologique
des 130 ensembles, de La Tène C2 à La Tène D2b.
Les hypothèses de classement fonctionnel s’appuient
sur des critères techniques et morphologiques. Les
récipients se distribuent en deux grandes catégories.
La céramique grossière rassemble les vases de
conservation, de préparation et de cuisson ; la
céramique ine comporte les vases de présentation
et de consommation. Pour chacune de ces deux
catégories, le volume, les proportions et les caractères
techniques permettent de distinguer ceux qui sont
adaptés à contenir les aliments luides ou solides, un
usage de stockage d’un usage de préparation et de
cuisson, un usage convivial d’un usage individuel.
La terminologie adoptée est volontairement réduite
et commune à ces catégories. Outre quelques vases
spéciiques tels des gobelets et des couvercles, la
majeure partie du corpus se répartit entre jarres, vases
hauts élancés, urnes, vases hauts trapus, et écuelles,
vases bas. quantitativement, l’effectif rassemblant les
vases hauts, jarres et urnes, est légèrement inférieur
au groupe des écuelles.
Les restes fauniques des sépultures ont été étudiés
en totalité par P. Méniel, l’étude anthropologique
des incinérations, réalisée par I. Le Goff et H. Guillot,
est aboutie pour l’enclos de "La Croizette" et l’un
des enclos de "La Noue Mauroy", qui ont été publiés
(laMbot, friboulet & Méniel 1994). La sériation
des tombes, l’étude des mobiliers et la mise en
perspective avec les composantes des pratiques
funéraires régionales ont été l’objet d’une thèse de
doctorat en 1997 (friboulet 1997).
outre l’intérêt qu’elle présente pour la
chronologie, la vaisselle funéraire permet l’analyse
des fonctions et des assemblages. Plus facilement
que dans les contextes détritiques de l’habitat
peuvent s’y observer les représentations igées de
compositions volontairement choisies, et leur rôle
dans ce contexte spéciique.
La Noue de Barue
La Noue Mauroy
La Warde
La Croizette
Fig. 1 - Plan schématique du site d’Acy-Romance (Ardennes).
La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages.
La vaisselle grossière de conservation,
préparation et cuisson a peu sa place dans les tombes,
puisqu’elle ne représente que 9 % de l’effectif. Elle
est toutefois un peu mieux représentée dans l’enclos
méridional de "La Noue Mauroy". La typologique
de ces vases, aussi bien dans les cimetières que
dans l’habitat, est relativement igée dans le temps.
quelques récipients de petit stockage domestique
d’une capacité de 6 à 15 l, quelques urnes analogues
aux pots à cuire de l’habitat, d’une capacité de 2 à
4 l, des gobelets frustes et des écuelles profondes,
à paroi épaisse, bien adaptées aux préparations,
contiennent entre 1 et 2 l. Certaines de ces écuelles
présentent un résidu charbonneux, vestige d’un
usage domestique antérieur ou formé lors de la
cérémonie funèbre, près du bûcher. Enin, 2 vases
bas de catégorie ine, à fond perforé, généralement
considérés comme des faisselles, igurent dans 2
sépultures comportant chacune 1 fusaïole. Des
fonctions funéraires spéciiques de brûle-parfum ou
223
RAP - 2009, n° 3/4, Muriel friboulet, La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages.
Les écuelles profondes et peu profondes, qui
contiennent de 1 à 7 l, permettent la présentation
et la consommation d’aliments consistants, chacun
se servant au même plat. La nature de ces mets,
accompagnements ou présentation de pièces de
viande, pourrait expliquer une si grande diversité
des volumes.
Les innombrables écuelles de petite taille, plus
ou moins profondes, seraient d’usage individuel.
Leur contenance est toujours inférieure à 1/2 l.
Leur utilisation comme vases à boire individuels,
face à la très faible représentation de cette catégorie
fonctionnelle, est également possible.
Il est dificile de déterminer s’il s’agit de
récipients neufs, prélevés en bon état dans le
vaisselier domestique, ou bien encore mis au rebut,
car, pour la plupart, leur aspect a été modiié par une
exposition plus ou moins forte au bûcher funéraire,
puis aux racines des cultures agricoles. Au plus,
des signes d’usure sont quelquefois décelables,
certains fonds de jarres sont érodés, et une écuelle
porte des entailles sur son bord interne. Il n’y a pas
d’aménagements particuliers perceptibles, tels des
percements ou des bris volontaires de l’encolure. La
plupart des vases conservent donc surtout les traces
évidentes de leur participation à la crémation. Ils
peuvent présenter des altérations très prononcées,
avec des parois érodées, ou des issurations
rendant leur transport depuis l’aire de crémation
certainement délicate. Les dommages subis les
rendent bien souvent inutilisables, avec des écuelles
réduites à des moitiés, des jarres qui ont perdu une
partie de leur panse ou bien leur fond. De plus,
les tessons totalement isolés sont fréquents, qu’ils
soient trouvés dans le sédiment du comblement, sur
le fond de la fosse ou encore dans le comblement
des récipients. Tout se passe donc comme si cette
vaisselle, participant à la première étape, qualiiée
d’offrande primaire, devait, malgré son aspect, se
retrouver en grande partie dans la tombe, servant
de couvercles à d’autres, ou déposée telle quelle.
224
Le concept de dépôt partiel symbolique est en
général volontiers évoqué lorsqu’il s’agit de tessons
LEs assEMBLaGEs
Le nombre de vases déposés est inconstant,
puisque, tessons compris, il varie de 1 à 21 éléments
(ig. 2). La majorité des ensembles comporte
moins de 6 vases, 35 % en comportent seulement
1 ou 2. Ces variations s’expliquent en partie par le
pillage de plusieurs tombes, en particulier celles
de l’enclos de "La Noue Mauroy", mais aussi par
la chronologie : tous cimetières confondus, cette
moyenne évolue peu jusqu’à La Tène D1b, puis
diminue progressivement jusqu’à la dernière phase
d’utilisation des cimetières, à La Tène D2b. Les
tombes de cette période ne comporteront souvent
qu’un fond de cruche et quelques tessons.
% tombes
Les vases sont bien le résultat d’une sélection,
puisque la céramique ine de présentation et de
consommation domine très largement dans les
dépôts funéraires. Les jarres et les urnes en pâte
ine tournée ont une fonction équivalente : elles
sont aptes à la présentation des boissons. Leurs
capacités se répartissent dans une fourchette très
large, de moins de 2 à 12 l. Les vases à boire sont
plus dificiles à reconnaître, il pourrait s’agir des
petites jarres et urnes d’un volume de 0,5 l environ.
d’amphores ou de pièces de char, mais plus rarement
dans ce cas. Pourtant, dans une sépulture de "La
Noue Mauroy", un fragment de col provient d’une
jarre de la tombe voisine. Des ramassages aléatoires
après les crémations sont une explication, mais ces
deux tombes peuvent aussi, de la sorte, avoir été
liées symboliquement. D’ailleurs d’autres partages
de mobilier, trop discrets, ont pu également passer
inaperçus.
65%
27%
8%
1 à 5 vases 6 à 10 vases 11 à 21 vases
Distribution des tombes suivant le nombre de vases
nbre moyen de
vases/tombe
de passoire à boisson peuvent alors être évoquées.
un seul vase de ce type servait de vase cinéraire
dans une tombe de "La Noue Mauroy".
6
4
2
LT C2/D1a
LT D1b/D2a LT D2b/Auguste
Évolution du nombre moyen de vases par tombe
Fig. 2 - Distribution globale des céramiques funéraires.
La constitution des assemblages nous ramène
à la notion de service, dont M. Bats donne une
déinition : « un ensemble assorti de récipients de
forme et de fonction différentes » (bats 1989, p. 24).
Dans le cadre de cette analyse, c’est une déinition
plus large du service de vaisselle qui est retenue,
pour déterminer si les réunions de récipients
comportent à la fois des vases à liquides et des
vases à mets solides, et si ces services de table sont
destinés à un unique ou à plusieurs convives.
Vingt-et-une tombes ne comportent qu’un seul
vase. Mais la plupart du temps c’est une jarre ou
une urne qui a été choisie, une écuelle de bois
n’ayant laissé aucune trace pouvait compléter le
RAP - 2009, n° 3/4, Muriel friboulet, La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages.
La Noue Mauroy, I. 13
La Noue Mauroy, I. 95
La Noue de Barue, I. 10
La Noue de Barue, I. 10
La Noue Mauroy, I. 87
La Noue Mauroy, I. 63
10 cm
0
Fig. 3 - Les services funéraires, type 1
225
RAP - 2009, n° 3/4, Muriel friboulet, La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages.
La Croizette, I. 112
La Noue Mauroy, I. 68
La Noue Mauroy, I. 83
10 cm
0
La Noue Mauroy, I. 36
La Noue Mauroy, I. 65
La Noue Mauroy, I. 70
Fig. 4 - Les services funéraires, type 2
226
RAP - 2009, n° 3/4, Muriel friboulet, La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages.
dépôt. Trois autres ensembles seulement n’ont
que des écuelles, en 2 ou 3 exemplaires. Tous les
autres, soit plus de 80 % des tombes, comportent
un assemblage des 2 catégories, vases à boissons et
vases à mets, constituant donc un véritable service.
Il existe différents types d’associations, dont
certaines sont répétitives, indépendamment de la
chronologie. Les analogies les plus évidentes se
situent du côté des vases à boisson, qui semblent
charpenter l’ensemble. Le premier type de service
correspond à une vingtaine de tombes, n’ayant
reçu qu’une jarre ou une urne pour la boisson.
Le nombre d’écuelles associées varie de 1 à 5. Le
service peut compter un couvercle, adaptable aux
deux catégories (ig. 3).
Trente ensembles comportent 2 vases à boisson,
jarres ou urnes. à cette fonction se rattache parfois
un gobelet d’une taille inférieure, sous la forme
d’un tonnelet ou d’une petite urne, comme dans
les tombes I. 36, I. 65 et I. 70 de "La Noue Mauroy".
Le nombre d’écuelles est alors comparable au cas
précédent, et ne dépasse pas 6 exemplaires (ig. 4).
Les vaisseliers des tombes privilégiées montrent
des similitudes encore plus marquées. La tombe I. 27
de "La Noue Mauroy" comporte, pour le service de
la boisson, 3 jarres complétées par 1 urne. Le service
à mets compte 7 écuelles. une grande urne grossière,
côtoyant une seille en bois à cerclages de fer, évoque
un usage particulier, ablutions ou préparation d’une
boisson fermentée.
Les deux services igurés à la suite concernent 2
tombes comportant une épée et d’autres éléments
d’armement, I. 14 et I. 94 de "La Croizette". Chacun
comporte 4 jarres, 9 écuelles et 2 couvercles pour
le service à mets. Très rarement, un récipient intact
peut être placé dans un autre, comme ici un gobelet,
sommairement modelé, dans l’une des jarres de la
tombe I. 94 (ig. 5).
quelques indices laissent penser que le genre du
défunt puisse déterminer en partie la constitution du
service : tombes féminines et masculines ne seraient
pas dotées des mêmes vases à boissons. Malgré
les dificultés de l’identiication des os incinérés,
l’étude anthropologique réalisée pour les tombes
de "La Croizette" et de "La Noue Mauroy" fournit
quelques éléments, et par défaut, des indices sont
apportés par le mobilier associé. Les 28 ensembles
disponibles ne constituent évidemment qu’un quart
du corpus, mais il se dessine tout de même plus
qu’une tendance : les 4 tombes à armes possèdent
une ou plusieurs jarres, toutes les tombes à fusaïole,
sauf une, ne comportent que des urnes.
DIsposItIons Et assoCIatIons avEC
LEs aUtrEs DépÔts
Pour la période de la in de l’âge du Fer en
Gaule, les tombes aristocratiques Trévires et
Bituriges ont constitué les premiers contextes d’une
recherche approfondie sur la structuration des
différents dépôts funéraires. Ces travaux se sont
attachés à reconnaître une signiication idéologique
aux composants et à l’organisation interne de
la sépulture (Metzler, warinGo, bis & Metzlerzens 1991; ferdière & Villard 1993). Aujourd’hui
largement diffusé dans des contextes d’apparence
moins complexes, ce type d’analyse a pu être
en partie adapté aux tombes d’Acy-Romance, et
notamment aux dépôts de céramique. Les éléments
suivants et quelques exemples montrent que la
disposition générale de la vaisselle et la place
relative des différents services présentent certaines
constantes, dont les exemples suivants illustrent
l’essentiel (ig. 6).
Il s’observe d’une manière répétitive, une
disposition linéaire, comme en I. 14 de "La Noue
Mauroy", ou encore en L comme en I. 22 du même
cimetière. Cet arrangement se retrouve aussi dans
des espaces plus étroits, non coffrés, avec un nombre
plus restreint de vases. Dans les 4 tombes suivantes,
qui résument les mises en place les plus habituelles,
soit le regroupement du vaisselier semble laisser
une partie de l’espace disponible pour des mobiliers
aujourd’hui disparus, textiles ou vanneries, comme
dans les tombes I. 102 et I. 24 de "La Noue Mauroy",
soit les céramiques occupent une grande partie du
fond de la fosse, comme dans les tombes I. 21 et I.
29 de "La Noue Mauroy". Mais dans la plupart des
cas, chaque catégorie fonctionnelle est regroupée,
même si des exemplaires des 2 catégories peuvent
être concernés par un usage funéraire stricto sensu,
comme vases cinéraires.
quelques autres situations observées restent
assez marginales, notamment la superposition de
vases. une panse de jarre, et 5 fragments d’urnes
ont été ainsi utilisés, contre 17 écuelles, dont 6
seulement étaient à coup sûr en position retournée,
les autres étant empilées. Paradoxalement, les
formes couvercles ne sont pas retrouvées en position
fonctionnelle.
Le cas de la tombe I. 26 de "La Noue Mauroy" est
exceptionnel. La petite fosse quadrangulaire, à parois
régulières taillées dans la craie, a été partiellement
approfondie pour caler un assemblage de 2
premiers vases cinéraires, des écuelles superposées,
qui sont protégées par une troisième, fragmentaire
et retournée. Deux autres vases cinéraires, déposés
complets, 1 urne et 1 faisselle, ont été disposés à côté
et couverts de moitiés de jarres et d’écuelles dont les
fragments complémentaires ferment le comblement
supérieur, avec les tessons de 2 autres individus
(ig. 7).
227
RAP - 2009, n° 3/4, Muriel friboulet, La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages.
La Noue Mauroy, I. 27
La Noue Mauroy, I. 14
10 cm
0
La Noue Mauroy, I. 94
Fig. 5 - Les services funéraires, type 3.
228
RAP - 2009, n° 3/4, Muriel friboulet, La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages.
La Noue Mauroy, I. 14
La Noue Mauroy, I. 22
1m
0
La Noue Mauroy, I. 102
La Noue Mauroy, I. 21
La Noue Mauroy, I. 29
La Noue Mauroy, I. 24
Localisation de l'incinération :
dépôt principal
dépôt complémentaire
Fig. 6 - Dispositions et liens entre céramique et incinération
229
RAP - 2009, n° 3/4, Muriel friboulet, La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages.
La Noue Mauroy, I. 26
10
3
1
2
5
4
0
10 cm
6
9
7
8
Incinération (dépôts principaux)
Fig. 7 - I. 26, La Noue Mauroy, restitution schématique en coupe.
rELatIons EntrE La CéraMIQUE
Et LEs aUtrEs éLéMEnts
Une partie des vases cinéraires identiiés a été
fouillée en laboratoire, et le sédiment de tous les
autres récipients a systématiquement été tamisé. Cent
quatre-vingts vases, soit près d’un tiers de l’effectif,
comportaient, parfois réunis, des os humains
incinérés, des restes fauniques et du mobilier.
En ce qui concerne l’élément essentiel,
l’incinération, son mode de dépôt fait l’objet de
pratiques d’une singulière diversité : unique ou
divisé, au sol ou dans un contenant périssable, ou
encore dans un vase. En cas de fractionnement, les
dépôts pondéralement dominants ont été considérés,
dans l’étude anthropologique, comme les dépôts
principaux, les autres, réduits souvent à quelques
esquilles, comme les dépôts complémentaires.
Les deux modes, soit au sol ou dans un contenant
périssable, soit en vase, sont bien représentés, mais
230
dans la majorité des autres cas, ils se combinent
de manière si variée que chaque ensemble semble
témoigner d’une pratique originale (ig. 6).
Les vases cinéraires ne se distinguent pas du reste
du vaisselier. Théoriquement, cette fonction serait
mieux remplie par un récipient sinon intact, du moins
pas trop altéré, n’ayant pas subi de recuisson. C’est
la règle dans les tombes à incinération du monde
méditerranéen. Il n’en est rien ici, car ces contenants
ont été, comme les autres, exposés au bûcher.
Il n’a donc pas semblé nécessaire de placer
l’incinération dans un récipient particulier. Ces
vases cinéraires font partie d’un ensemble constitué
pour accompagner la crémation, ensemble dont
les pièces sont touchées de manière plus ou moins
intense suivant les cérémonies, la disposition sur le
bûcher, l’intensité des lammes, et les éventuelles
offrandes contenues (liquides ou consistantes) dont
les seuls vestiges sont des restes fauniques.
RAP - 2009, n° 3/4, Muriel friboulet, La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages.
De plus, aucune catégorie fonctionnelle ne s’est
trouvée exclue de cet usage. Mais les sujets plus
hauts que larges sont plus volontiers sélectionnés
pour contenir le ou les dépôts principaux. une seule
écuelle a été choisie, contre 11 jarres et urnes. Et ce
sont 2 jarres qui contiennent les ensembles osseux
pondéralement les plus importants. Cependant,
même ces grands récipients ne sont remplis qu’à
moitié de leur capacité, ce qui montre bien que la
dispersion des restes entre plusieurs dépôts n’est
pas explicable par une simple contrainte matérielle.
Aussi bien, ces incinérations sont lacunaires, et
ne représentent que très rarement le poids total
théorique d’un corps incinéré.
Parmi les vases cinéraires à dépôts
complémentaires, on trouve aussi 12 jarres et 11 urnes
renfermant des poids très minimes, inférieurs à 10 g d’os.
données acquises par l’étude anthropologique des
cimetières de "La Croizette" et de "La Noue Mauroy"
montrent la rareté d’une telle sélection par type
d’os : seuls 3 dépôts complémentaires comportent
une sélection anatomique, membre ou crâne. Et
dans les dépôts principaux, toutes les parties du
squelette sont représentées.
Le nombre de dépôts peut aussi témoigner du
nombre des acteurs du rituel, chacun recueillant
et déposant une partie de l’incinération de façon
individuelle. Tout le vaisselier ayant servi au
lavage des os puis à leur transport jusqu’à la fosse,
quelques dépôts minimes peuvent y être restés lors
des mises en place. Ou bien ces vases, en quelque
sorte consacrés par cette gestuelle, doivent alors en
conserver une trace, même symbolique.
De façon assez habituelle, c’est soit un seul soit
3 vases qui sont concernés au sein d’une même
tombe, mais leur nombre ne dépasse jamais 6.
Lorsque la tombe renferme les restes de plusieurs
sujets, comme c’est le cas pour 5 tombes de "La
Croizette" et de "La Noue Mauroy", leurs restes sont,
soit réunis dans un vase ou un contenant organique,
soit séparés.
Au total, un tiers des vases servent de protection
aux restes humains et à des offrandes, d’autres seront
déposés vides, ou apparaissent comme tels. Parmi
ceux là, 88 % sont destinés aux restes du défunt,
alors que moins de 10 % présentent seulement une
offrande alimentaire carnée. Le dépôt de mobilier,
parures ou outils, isolé dans un vase, est marginal,
avec seulement deux cas.
La dispersion caractérisée par un dépôt principal
en contenant organique ou au sol, associé à plusieurs
dépôts complémentaires en vases apparaît plutôt
comme une pratique réservée aux ensembles
masculins les mieux dotés, notamment les tombes
à armement de "La Noue Mauroy".
L’utilisation effective des vases concerne 65 %
des tombes, sans évolution chronologique. Il est
plausible que la disparition de certaines offrandes,
boissons ou restes organiques non incinérés, nous
donne une image très incomplète de cette pratique.
une forme de dispersion similaire, avec cette fois
un vase cinéraire pour le dépôt principal, pourrait
caractériser les tombes féminines du même niveau
social élevé, puisqu’elles ne comportent pas de
mobilier spéciiquement masculin, comme I. 29 et
I. 63 de "La Noue Mauroy".
Les contenus des vases réunissant à la fois
l’incinération principale, une ou plusieurs offrandes
carnées et des mobiliers peuvent être considérés
comme les équivalents des dépôts principaux sur le
fond de la fosse (ou beaucoup plus probablement
sur ou à l’intérieur d’un contenant organique), qui
présentent des associations analogues. Ainsi, les
trois quarts des vases cinéraires principaux sont
concernés par ces associations, et seulement un
quart des vases ayant reçu quelques esquilles d’os.
Ils sont aussi plus souvent protégés par une écuelle
ou un fragment de jarre que les autres récipients de la
tombe. un élément textile pouvait aussi envelopper
ou couvrir les incinérations, mais aucun indice n’en
a été décelé.
Les sépultures pour lesquelles l’incinération est
l’objet d’un dépôt unique sont donc minoritaires.
Toutes les autres sont caractérisées par une mise
en place plus ou moins complexe, dans laquelle
transparaît le souci d’intégrer le plus largement
possible les restes humains à l’espace constitué
pour eux, et au service céramique. On perçoit
que le nombre de sujets réunis dans la même
fosse, l’identité sociale mais sans doute aussi les
manipulations préalables à la mise en terre, sont
déterminants dans ces dispositions.
S’il est délicat de trouver un sens à cette
dispersion et cette intrication de l’incinération et
du vaisselier, qui concerne tout de même les deux
tiers des tombes, ce phénomène est bien tangible
et répétitif. Plusieurs signiications peuvent être
avancées, et notamment une volontaire séparation
des différentes parties anatomiques. Mais les
En ce qui concerne l’intégration des dépôts de
faune au vaisselier, la plupart des restes fauniques
déposés dans les récipients ont été incinérés, ils y sont
soit isolés, soit placés dans le ou les vases cinéraires
principaux. Seulement 10 fois des quartiers de porc
frais, et 8 fois des oiseaux et des coqs sont ainsi
présentés, ces derniers dans des écuelles. Il en est de
Cette complexité est commune à tous les
cimetières, et s’afirme surtout pendant La Tène D1
et à La Tène D2a.
231
RAP - 2009, n° 3/4, Muriel friboulet, La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages.
même pour le mobilier personnel. Les ibules et les
autres parures sont placées avec les restes incinérés
et non isolés dans un récipient. Dans 2 tombes
seulement, des couteaux posés sur le rebord d’écuelles
vides, ou aux contenus disparus, transposent dans ce
contexte une gestuelle domestique.
ConCLUsIon
Les réunions de plusieurs vases constituent
effectivement de véritables services, disposés dans
la tombe pour restituer le décor d’un repas, mais
il s’agit en même temps d’un mobilier rescapé du
bûcher, parfois très fragmenté ou incomplet, et
largement utilisé comme contenant cinéraire. La
plupart de ces services sont constitués d’un ou
deux vases de chaque fonction, boire et manger,
et semblent destinés, de manière symbolique, au
seul défunt, ou à une communauté familiale très
restreinte. Les tombes comportant les restes de
plusieurs individus, du moins pour celles qui ont
été identiiées comme telles, ne comportent pas
pour autant un service doublé ou triplé.
Dans la dizaine de sépultures les mieux pourvues,
des séries plus ou moins importantes de vases presque
semblables ont été disposées de façon à évoquer un
repas auquel participe un groupe plus large, parentèle
ou hôtes alliés. D’autres conventions touchant un
groupe restreint sont perceptibles, et notamment le
dépôt de vases tonnelets peints, habituellement une
des particularités des tombes aristocratiques rèmes,
qui caractérise ici le petit cimetière de "La Noue de
Barue", d’un niveau de richesse moyen.
Enin sans répondre strictement à la notion
contemporaine du service de table, qui suppose une
unité morphologique et décorative, ces ensembles
présentent des associations de caractères stylistiques
renouvelés au même rythme que dans la sphère
domestique.
BIBLIoGrapHIE
BATS Michel (1994) - Vaisselle et alimentation à Olbia
de Provence (v. -350-v. 50 avant J-C) : modèles culturels et
catégories céramiques. CNRS - Revue archéologique de
Narbonnaise, Supplément 18, s.I., 271 p.
FERDIERE Alain & VILLARD Anne (1993) - La tombe
augustéenne de Fléré-la-Rivière (Indre) et les sépultures
aristocratiques de la cité des bituriges. Mémoire 2 du Musée
d’Argentomagus, Saint-Marcel, 320 p.
FRIBOuLET Muriel (1997) - Les cimetières du village gaulois
d’Acy-Romance (Ardennes). Thèse de doctorat, sous la
direction d’Olivier Buchsenschutz (Paris I), non publié,
314 p.
LAMBOT Bernard, FRIBOuLET Muriel & MéNIEL Patrice
(1994) - Le site protohistorique d’Acy-Romance (Ardennes), II
- Les nécropoles dans leur contexte régional 1986 - 1988 - 1989.
Mémoires de la Société Archéologique Champenoise n°
8, Dossiers de Protohistoire n° 5, CNRS, uMR 126–6, s.
I., 315 p.
METZLER Jeannot, WARINGo Raymond, BIS Romain &
METZLER-ZENS Nicole (1991) - Clémency et les sépultures
aristocratiques en Gaule Belgique. Dossiers d’Archéologie du
Musée National d’Histoire et d’Art, Luxembourg, 182 p.
L’auteur
Muriel FRIBOuLET, INRAP, uMR 8546, Centre de recherches archéologiques de Passel, Parc d’activités,
Avenue du Parc, F - 60400 PASSEL
résumé
Les cimetières à incinération d’Acy-Romance (Ardennes) ont livré une somme d’informations sur les
pratiques et les dépôts funéraires de la in de La Tène en Champagne, et en particulier sur la composition, la
place et le rôle des vaisseliers déposés dans les tombes.
Mots clés : incinérations, céramique, dépôts funéraires, La Tène D, Champagne.
abstract
The cremation cemeteries at Acy-Romance (Ardennes) have yielded abundant information on the burial
rites and offerings of Late La Tène in the Champagne district, and more speciically on the composition, the
placing and the role of the dishes deposited in the graves.
Key words : burial rites, functional groups, La Tène, Picardy, jewels, weapons, dress accessories,
instrumentum, dishes, cuts of meat. cremation, pottery, burial offerings, La Tène D, Champagne district.
Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX
Zusammenfassung
Die Friedhöfe mit Brandgräbern von Acy-Romance (Departement Ardennes) haben zahleiche Informationen
zu den Bestattungssitten und Grabbeigaben am Ende der Latènezeit in der Champagne geliefert, insbesondere
zur Komposition, Stellung und Rolle der in den Gräbern deponierten Geschirrsätze.
Schlüsselwörter : Brandbestattungen, Keramik, Grabbeigaben, Latène D, Champagne.
232
Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr).
RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures
des environs de Paris.
DEs oBJEts Dans LEs toMBEs : éLéMEnts D’IntErprétatIon
DEs assEMBLaGEs FUnéraIrEs DU IIIe sIèCLE avant J.-C.
Dans LEs sépULtUrEs DEs EnvIrons DE parIs
Stéphane MARION
IntroDUCtIon
La partie centrale du Bassin parisien a
longtemps été une zone marginale de la recherche
en raison d’une réelle indigence des données pour
le second âge du Fer. Les découvertes réalisées au
cours des dernières années ont permis un profond
renouvellement du corpus. Plusieurs centaines de
sépultures sont maintenant connues, principalement
pour le IIIe siècle (La Tène B2 et La Tène C1), période
jusque là sous-représentée en Celtique occidentale.
Elles révèlent une diversité et une complexité
inattendues du paysage funéraire, tant du point de
vue de la nature et de la composition des sites que
du fonctionnement interne de chacun d’entre eux.
En effet, sur une supericie relativement restreinte,
la région située aux environs de Paris a livré des
sites funéraires contemporains très différents les
uns des autres (ig. 1). Ils obéissent à des logiques
de recrutement spéciiques et ne semblent pas
concerner la même fraction de la population. on
peut opposer au moins deux grandes catégories de
sites : des ensembles très élitistes où se concentrent
sépultures à char et mobilier d’exception et de
très vastes sites dans lesquels une large part de la
1-5
5 - 10
10 - 20
20 - 40
200
500
0
20 Km
Fig. 1 - Carte de répartition des sépultures du IIIe siècle
avant J.-C. en Île-de-France. La zone d’étude apparaît sur
fond blanc.
population semble représentée. Les contours de
cette documentation déinissent une zone d’étude
qui s’inscrit à l’intérieur du futur territoire des
Parisii historiques.
On peut estimer pour cette période que plus
de 800 sépultures ont été fouillées depuis la in du
XIXe siècle. Sur ce total, près de 600 (578) sont à peu
près documentées ou susceptibles de l’être dans un
futur proche, à mesure que les résultats des fouilles
récentes seront connus. Cette forte concentration de
données doit beaucoup à la fouille du site de Bobigny
"Hôpital Avicenne" qui, avec plus de 500 sépultures
représente un ensemble d’une exceptionnelle
densité pour le IIIe siècle avant notre ère (Marion,
le beChenneC & le forestier 2008). Pour autant, le
site n’est probablement pas si original qu’il le paraît
puisque la nécropole de Saint-Maur-des-Fossés
"Adamville" explorée à la in du XIXe siècle (leConte
1991) pourrait être d’une importance comparable
dans la mesure où près de 200 sépultures ont été
dégagées pour une durée d’occupation similaire. à
côté de ces deux ensembles qui présentent de forts
effectifs, igurent des sites au recrutement nettement
plus restreint qui n’en sont pas moins intéressants.
Dans au moins quatre d’entre eux, Roissy "La Fosse
Cotheret" (leJars 2005), Le Plessis-Gassot "Le Bois
Bouchard" (Ginoux 2003), Bouqueval "Longchamp"
(GuadaGnin 1984) et Nanterre "avenue Jules
quentin" (Viand 2004), se trouvent une ou plusieurs
sépultures à char, symbole s’il en est de l’aristocratie
locale, pour des sites dans lesquels la population
n’excède pas une trentaine d’individus.
Par ailleurs, à l’inverse de ce que l’on peut
observer en Picardie ou dans le Sénonais,
l’inhumation demeure la règle tout au long de la
période considérée. La pratique de l’incinération est
bien attestée mais demeure marginale puisqu’elle
représente moins de 5 % de l’effectif. De fait,
l’importance des découvertes récentes et cette
prédilection pour l’inhumation permettent de
disposer d’un référentiel particulièrement important
pour la période puisque les données biologiques et
anthropologiques y sont largement disponibles (le
forestier, ce volume).
Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures des environs de Paris.
233
RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures
des environs de Paris.
Il est évident que les assemblages mobiliers issus
des ces ensembles illustrent des aspects différents
d’une réalité sociale sans doute complexe qu’il
s’agit modestement de restituer.
Si l’on se cantonne au mobilier funéraire, la
situation apparaît très paradoxale. En règle générale,
les dépôts témoignent d’une certaine indigence, les
objets sont peu nombreux et les sépultures sans
aucun mobilier fréquentes. Dans la majorité des
cas, le dépôt se limite à la présence d’une ou deux
ibules en fer ce qui offre peu de prise à l’analyse au
delà de l’expertise typo-chronologique. Rapportées
à l’effectif global, les sépultures qui présentent
des dépôts plus diversiiés (céramique, parure,
armement, pièces de char...) sont inalement assez
rares. Cependant, favorisées par le nombre, elles
inissent par constituer un corpus relativement
étendu.
Nous nous intéresserons principalement à la
composition des dépôts funéraires en fonction des
différentes catégories d’objet qui s’y trouvent et de
leurs relations avec la composition de la population
des sites.
DéFInItIon Et LIMItEs DU CorpUs
L’étude se limitera ici à une première approche
de la composition des assemblages funéraires.
Pour ce faire, il a semblé nécessaire d’effectuer
une sélection des données à traiter. En effet, de
nombreuses sépultures semblent incomplètes soit
parce qu’elles sont perturbées soit, inconvénient des
fouilles récentes, parce qu’elles sont actuellement
insufisamment documentées pour pouvoir être
analysées.
Sur l’ensemble du corpus de départ, seules 346
sépultures paraissent sufisamment iables. Ce
sont celles pour lesquelles on peut supposer que
la totalité du mobilier funéraire qui constitue le
dépôt ou l’équipement de l’individu est représenté.
Cette sélection n’a pas été opérée de manière trop
rigoureuse et tolère une certaine marge d’incertitude.
Ainsi des ensembles légèrement perturbés, dans
des secteurs de la tombe où l’on ne trouve pas
habituellement de mobilier, ont été conservés ici de
manière à ne pas trop amoindrir l’effectif. Il s’agit
évidemment d’une option critiquable.
234
Par ailleurs, comme on l’aura compris, le corpus
s’avère particulièrement déséquilibré puisque les
ensembles issus du site de Bobigny y représentent
plus de 80 % des sépultures analysées (247 sur
346 sépultures). Si ce déséquilibre traduit bien
la situation de départ, la sur-représentation des
sépultures de Bobigny n’en risque pas moins de
masquer une partie de l’originalité des autres sites
pris en compte. De manière à contourner cet écueil,
la comparaison entre sites à effectif important
(Bobigny et Saint-Maur-des-Fossés) et sites à effectif
restreint sera réintroduite au cours de l’analyse.
Par ailleurs, en raison de l’état d’avancement
des différentes études et publications, les
incinérations déjà marginales sont largement sousreprésentées dans le corpus retenu avec seulement
deux occurrences. Au inal, les donnés analysées
présentent quelques biais dont il est nécessaire
d’avoir conscience, mais ne semblent pas trop
s’éloigner des données initiales dont elles sont
sensées rendre compte.
POPuLATION ANALySéE
Un des intérêts du corpus réside dans la
présence de données biologiques relativement
abondantes pour l’ensemble de la période
considérée. Pour autant, la situation est loin d’être
idéale ; toutes les études ne sont pas encore réalisées
ou disponibles. Ainsi il s’avère impossible pour
le moment de raisonner de manière détaillée en
fonction de différentes classes d’âge biologiques,
faute d’un référentiel sufisamment étoffé. La
part des indéterminés se révèle ici bien trop
importante. Aussi, il a semblé préférable d’opter
pour une distinction relativement simple opposant
adultes et enfants. Dans la mesure où l’on cherche
à mettre en évidence des comportements sociaux,
la catégorie enfant ne saurait se surimposer
à l’immaturité biologique. Il s’agit là de deux
phénomènes indépendants. D’un point de vue
purement théorique, ou étic, on peut supposer que
dans les sociétés qui nous occupent la maturité
sociale intervient à l’intérieur de la classe des 15-19
ans. Il s’agit là bien évidemment d’une première
estimation qui mériterait d’être afinée. Comme on
pourra l’entr’apercevoir par la suite, la perspective
d’une déinition plus émic des classes d’âge social
n’est pas totalement à exclure. En effet, et sans trop
anticiper sur les résultats, on constate que la nature
du mobilier associé à l’individu dépend en partie
de son âge. La multiplication des déterminations
précises et l’examen de cas limites qui présentent
des caractéristiques mixtes devraient permettre de
situer la tranche d’âge au cours de laquelle l’individu
atteint la maturité sociale. Par ailleurs, la distinction
relativement abrupte que nous proposons ici offre
l’avantage de tolérer une certaine part d’incertitude
qui permet notamment d’intégrer les données
issues de fouilles antérieures à la systématisation
des études d’anthropologie funéraire et pour
lesquelles les déterminations des âges semblent peu
précises. Parmi ces données anciennes et lorsque les
renseignements sont sufisamment détaillés, il est
souvent possible de distinguer les enfants de moins
de 15 ans des adultes.
Dans cette acception, la population analysée se
compose de 54 % d’adultes, 40 % d’enfants et 6 %
d’indéterminés (ig. 2). Le taux particulièrement
RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures
des environs de Paris.
Répartition par sexe (adultes) Répartition par tranche d'âge
ensemble des sites
Bobigny Avicenne
autres sites
indéterminés
Enfants
11,9%
40,4%
46,3%
51,6%
53,8%
64,4%
Adultes
n = 346
n = 287
n = 59
Hommes
23,7%
18,4%
25 %
18,4%
18,8%
indéterminés
18,9%
Femmes
n=186
n=148
n=38
Fig. 2 - Principales caractéristiques des populations de référence.
élevé des sépultures d’enfant témoigne d’une
bonne représentativité de l’échantillon. Il est assez
proche de celui d’une mortalité naturelle pour une
population pré-jennérienne. Pour autant qu’on
puisse en juger, le déicit porte principalement sur
les classes les plus jeunes, notamment les 0-1 ans qui
sans être totalement absents s’avèrent notablement
sous-représentés. On constate aussi que les enfants
sont particulièrement bien représentés à Bobigny
où ils composent 46 % du corpus alors que dans les
autres sites analysés ils représentent seulement 12 %
de la population. Cette différence de recrutement
accuse encore davantage la distinction entre les
sites à fort effectif et les sites plus élitistes à effectif
restreint et tombe à char.
Pour ce qui est du sexe, la situation est nettement
moins favorable. Parmi les adultes ou si l’on préfère
les individus matures ou sub-matures pour lesquels
les déterminations sont envisageables, près de
60 % demeurent non-sexués. Là encore, la poursuite
des études devrait permettre de faire chuter le taux
d’indétermination. Pour l’heure, il demeure trop
important pour pouvoir prendre en compte de
manière systématique les différences sexuelles qui
peuvent apparaître çà et là. Les petites variations
que l’on observe paraissent peu signiicatives, seules
les grandes tendances ou les exclusions manifestes
méritent à ce stade d’être signalées.
MoBILIEr Et popULatIon
Pour examiner la manière dont le mobilier
funéraire se trouve réparti dans la population
et surtout si cette répartition revêt une
quelconque signiication, différentes approches
complémentaires peuvent être réalisées à partir
d’un simple ichier qui recense les principales
caractéristiques biologiques des individus et les
types et catégories d’objets présents. Il va de soi ici
que seul le mobilier effectivement associé à la mise
en place de la sépulture doit être pris en compte,
qu’il s’agisse d’un dépôt proprement dit ou de
l’équipement personnel de l’individu. Il convient
notamment d’exclure les objets qui se trouvent
dans les remblais de la sépulture. Cette précaution
élémentaire peut paraître très abstraite pour un
certain nombre de sites mais revêt une grande
importance pour des sites denses comme Bobigny
dans lesquels les recoupements de sépultures
introduisent une forte part d’incertitude dans
l’attribution effective du mobilier à l’individu de la
tombe dont il est issu.
ANALySE PAR RANGS HIéRARCHISéS
La première approche consiste à associer
à chaque sépulture un rang de mobilier qui
correspond à l’élément qui semble le plus signiicatif.
235
RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures
des environs de Paris.
La méthode permet d’obtenir un aperçu général
quoique peu détaillé de la hiérarchie des dépôts
funéraires, selon une gradation théorique qui va
de la sépulture sans mobilier à la tombe à char.
Pour ce corpus on peut retenir les rangs suivants
: sans mobilier, avec ibule, avec parure, avec pièce
d’armement, avec élément de char et l’inévitable
autre qui regroupe un ensemble hétéroclite composé
de dépôts divers trop peu fréquents pour constituer
un rang autonome (céramique, faune, outil, objet
métallique indéterminé…). à ce stade de l’enquête,
chaque sépulture est associée à une et une seule
catégorie de mobilier que l’on suppose signiicatif
et qui traduit le rang mobilier de la sépulture. Ainsi,
une sépulture à char qui contiendrait également des
armes et des ibules serait comptabilisée une seule
fois dans le rang « char ». Cette classiication somme
toute classique d’évaluation des rangs de mobilier
permet de dessiner à grands traits les principales
tendances du ichier (ig. 3).
enfants
adultes
n =346
n =140
n =186
n = 287
n = 133
n = 148
n = 50
n=7!
n = 27
sites à effectif restreint
site à large effectif : Bobigny
ensemble des sites
effectif total
sans mobilier
parure
char
fibule
armement
autres
Fig. 3 - Répartition de la population selon les rangs hiérarchiques de mobilier. On remarque la faiblesse de l’échantillon
pour les sites à effectif restreint.
236
RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures
des environs de Paris.
On constate en premier lieu la proportion
relativement importante des sépultures sans
mobilier puisqu’elles représentent un cinquième du
corpus (21,4 %). Leur répartition dans la population
révèle qu’elles concernent plus volontiers les enfants
que les adultes. En effet un quart des sépultures
d’enfant sont dépourvues de tout mobilier (25 %).
Par ailleurs, les sépultures sans mobilier sont plus
fréquentes dans les sites à fort effectif (de l’ordre de
23 % à Bobigny) que dans les sites à effectif restreint
(18 %). Si les proportions respectives de sépultures
d’enfant dans ces ensembles expliquent en partie
cette différence, celle-ci n’en traduit pas moins des
modalités de recrutement particulières et nettement
plus sélectives.
Le cortège le plus abondant correspond
cependant aux sépultures qui possèdent des ibules
comme seul mobilier. Elles représentent presque la
moitié du corpus (47 %). Ici le déséquilibre favorise
légèrement les adultes (49 %). Là encore cette
catégorie relativement modeste de dépôt se trouve
faiblement représentée dans les sites à effectif
restreint (32 % seulement).
Considérées ensembles, ces deux classes les
moins dotées concernent plus des deux tiers des
sépultures (68 %), sans différence notable en
fonction de l’âge. Par contre, il apparaît clairement
que, dans les sites à effectif restreint, ces deux classes
sont moins représentées. Elles ne concernent que la
moitié du corpus (50 %).
à l’opposé, les sépultures dotées de parure
semblent également réparties entre adultes et
enfants puisqu’elles représentent des effectifs
de l’ordre de 14 % de chaque catégorie. Aucune
différence signiicative n’apparaît en fonction
du type de site considéré. Par contre les données
laissent entrevoir un très net déséquilibre selon
le sexe puisque aucun homme adulte ne semble
pourvu de parure. Cette tendance est sufisamment
marquée pour être signalée. Toutefois, il convient
de noter que quelques tombes de guerrier,
vraisemblablement attribuables à des adultes
masculins quoique aucune étude anthropologique
ne l’atteste formellement, possèdent également des
parures (4 cas sur 20).
Comme attendu, au moins de ce point de vue,
les sépultures à arme obéissent à des logiques
très différentes. Les armes sont nettement moins
fréquentes puisqu’elles caractérisent à peine 5 %
de la population et s’associent exclusivement
à des adultes (10 % des sépultures d’adulte).
Lorsque les déterminations anthropologiques le
permettent elles semblent strictement associées à
des sujets masculins. La part des indéterminés qui
représente deux tiers des cas est ici importante, soit
parce qu’il s’agit de découvertes anciennes pour
lesquelles aucune détermination n’a été effectuée,
soit en raison de la mauvaise conservation de la
matière osseuse. Les sépultures à arme viennent
accuser davantage les différences entre les deux
catégories de sites funéraires. Dans les nécropoles
à recrutement large, elles demeurent très discrètes.
Ainsi à Bobigny elles représentent une part inime
de la population (3 %), tandis que dans les sites à
recrutement plus restreint elles affectent une frange
nettement plus importante de la population (16 %)
et plus de la moitié des adultes masculins.
Cette sélection se marque de manière plus
lagrante avec les tombes à char qui se trouvent
exclusivement dans les sites à effectif restreint où
elles représentent 10 % des sépultures. Au moins
un cas indique que les enfants peuvent également
bénéicier de ce type de sépulture fastueuse.
Aucune détermination sexuelle n’est disponible ici.
Toutefois, on remarquera que le mobilier évoque
souvent la sphère masculine (armes et nécessaires
de toilette).
ANALySE PAR CLASSE D’OBJET
Pour consolider et préciser ces observations
liminaires, une première analyse factorielle des
correspondances (réalisée sur Makila développé
par P. Ruby) prendra en compte les 346 sépultures
du ichier décrites selon leurs caractéristiques
biologiques et les classes de mobilier qui s’y
trouvent. Seules les catégories adultes et enfants
seront ici prises en compte. Les attributions
sexuelles n’apparaissent pas. Elles iguraient dans
un traitement initial, mais dans la mesure où
elles n’apportaient aucune précision en raison de
l’importance des indéterminés elles n’ont pas été
conservées. Les deux grandes catégories de site
dont les sépultures sont issues apparaissent en tant
que variable supplémentaire. Elles ne jouent aucun
rôle actif dans les calculs mais se trouvent tout
de même projetées dans l’espace factoriel ce qui
permet d’en commenter le comportement. En ce
qui concerne les objets, aux classes précédemment
analysées, vient s’ajouter celle des dépôts de
vase ou de faune qui jusqu’à présent se trouvait
amalgamée à la classe « autre » dans la mesure où
elle s’avérait peu représentée ou associée à d’autres
classes par ailleurs distinguées (parure, armement,
char…). En effet, dans le cadre de cette analyse des
correspondances, les différentes classes d’objet
ne sont plus exclusives l’une de l’autre, ni même
hiérarchisées. Ainsi une sépulture sera maintenant
décrite par toutes les classes d’objet qui igurent à
son inventaire. Cette méthode permettra en outre
d’explorer les associations entre les différentes
classes d’objet.
D’un point de vue général, les résultats illustrent
bien les principales tendances déjà identiiées. Le
premier plan factoriel (ig. 4) peut s’expliquer à
237
RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures
des environs de Paris.
0,06
variable active
variable supplémentaire
axe 2
dépôt
individus = sépultures
autre
char
enfant
parure
fibule
effectif important
axe 1
enfants sans mobilier
-0,06
0,08
effecif faible
armement
adulte
adultes sans mobilier
sans mobilier
-0,06
Fig. 4 - Projection dans le premier plan factoriel de l’analyse des correspondances réalisée sur le tableau des classes d’objet
(variables) par sépulture (individus).
partir d’une série d’oppositions qui le structurent.
Le premier axe (axe 1) oppose principalement les
sépultures sans mobilier, à droite du plan, du côté
des coordonnées positives et les différentes classes
de mobiliers toutes situées à gauche du plan, du côté
des coordonnées négatives de l’axe 1. La deuxième
opposition évidente distingue les enfants, en haut
à droite, du côté des coordonnées positives sur les
deux axes, et les adultes situés en bas à gauche, du
coté des coordonnées négatives sur les deux axes. La
situation de ces différentes variables le long de l’axe
1 traduit bien l’association privilégiée des sépultures
sans mobilier et des enfants. Les sépultures d’adulte
étant plus volontiers accompagnées de mobilier,
elles se trouvent bien du coté gauche du plan.
L’axe vertical (axe 2) distingue également les
classes d’objets selon leur association mutuelle et
leur représentation respective au sein des sépultures
d’enfant ou d’adulte. L’armement se trouve de fait
isolé puisqu’il s’agit de la seule classe qui ne se trouve
jamais dans les sépultures d’enfant. Par ailleurs, cette
situation traduit aussi en partie la composition des
sépultures à arme. à l’exception notable des ibules
qui s’y trouvent systématiquement, elles associent
rarement d’autres classes d’objet. Même s’il existe
bien des sépultures à arme dotées de parure (4 cas
sur 20), de dépôt de vase (2 cas sur 20) ou de char (2
cas sur 20), le plus fréquemment elles se composent
seulement des pièces d’armement et de ibules (13
cas sur les 18 sépultures à arme et ibule).
Dans ce contexte, les sépultures à char paraissent
nettement moins originales, ce qui explique leur
position par rapport aux autres classes d’objet. En
effet, avec deux cas sur cinq seulement, l’association
du char et des pièces d’armement est loin d’être
systématique. Parmi le faible corpus des tombes à
char, il convient d’insister sur le fait que toutes les
238
classes d’objets peuvent s’y trouver alors qu’elles sont
plus rarement associées aux sépultures à arme. Par
ailleurs on recense au moins une sépulture d’enfant
avec un char. Ces caractéristiques expliquent la
situation des sépultures à char relativement à l’axe
vertical (axe 2).
La position des autres classes de mobilier
s’interprète principalement en fonction de leur
association privilégiée avec les sépultures d’enfant
ou d’adulte. Ainsi on constate que les ibules
s’associent plus volontiers aux adultes (70 %
des sépultures d’adulte) qu’aux enfants (60 %
seulement). Les dépôts de vases ou de faune sont
quant à eux nettement associés aux enfants. De
fait, plus de la moitié d’entre eux se trouvent dans
des sépultures d’enfant et moins d’un quart parmi
les adultes. Les parures quant à elles occupent
une situation médiane dans la mesure où elles se
rencontrent à la fois chez les adultes et les enfants
et sont volontiers associées aux autres classes de
mobilier.
Les différents types de sites apparaissent
faiblement discriminés. On constatera cependant
que les sites à effectif important se situent du
coté des coordonnées positives sur l’axe 1 ce qui
traduit à la fois leurs fortes proportions relatives de
sépultures d’enfant et de sépultures sans mobilier.
à l’opposé, les sites à faible effectif sont attirés par
les adultes, l’armement et les chars.
ANALySE PAR CATéGORIE D’OBJET
Maintenant que les principales tendances du
ichier ont été identiiées, il est possible de procéder
à une analyse plus détaillée des différentes
catégories d’objet présentes dans les sépultures. Le
tableau de départ recense de nombreuses catégories
RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures
des environs de Paris.
effet les sépultures de guerrier contiennent le plus
souvent un équipement complet composé de l’épée
dans son fourreau, du système de suspension, de
pièces de bouclier et d’une lance (11 cas sur 20).
Cependant tous les cas de igure se présentent :
ainsi on peut trouver l’épée seule avec son fourreau
et système de suspension (3 cas), l’épée associée
à une lance (2 cas), au bouclier (2 cas), ou encore,
la lance comme seule pièce d’armement (2 cas).
On remarquera que les deux sépultures à char qui
contiennent des armes présentent un équipement
complet. Par ailleurs il convient de noter que les rares
pièces de harnachement se trouvent exclusivement
dans l’inventaire des tombes à char, ce qui explique
la proximité de ces deux variables. un des caractères
saillants de ces résultats réside dans la très forte
divergence entre les différentes pièces de parure
(torque, bracelet, ceinture et bague).
qui étaient auparavant rassemblées dans un petit
nombre de classes. Ainsi les ibules sont séparées en
deux sous-ensembles : les sépultures dans lesquelles
ne igure qu’une seule ibule (catégorie : « 1 ibule »)
et les sépultures dans lesquelles plusieurs ibules
sont attestées (catégorie : n ibules). Les parures
se répartissent en plusieurs catégories : ceinture,
bracelet (incluant les brassards), torque et bague.
Cette dernière catégorie très peu fréquente (5
occurrences) sera traitée en élément supplémentaire.
Parmi les dépôts, on distinguera les céramiques
(« vase ») des dépôts animaux (« faune »). Pour
l’armement igurent trois catégories : lance, bouclier
et épée. Dans la mesure où l’épée se trouve toujours
déposée dans son fourreau muni de son système de
suspension, ces éléments n’ont pas été comptabilisés
en tant que tels. La catégorie « char » regroupe tous
types de pièce de char déposés dans la sépulture ;
elle se surimpose exactement à la classe « char » de la
précédente analyse. une catégorie supplémentaire
apparaît et rassemble les pièces de harnachement
éventuellement présentes. En règle générale il
s’agit de mors déposés par paire. Les nécessaires
de toilette qui se trouvaient dans la classe « autre »
constituent maintenant une variable autonome
appelée « forces/rasoir » puisque ces deux éléments
sont systématiquement associés. Enin une catégorie
outil peut également être déinie. Ces deux dernières
catégories sont cependant trop rares pour pouvoir
jouer un rôle actif dans l’analyse ; elles seront donc
analysées en tant que variable supplémentaire.
On peut se demander si la forte proportion de
sépultures sans mobilier ne perturbe pas un peu les
résultats pour les autres catégories. une nouvelle
analyse qui exclue les sépultures sans mobilier
a été réalisée pour lever cette hypothèque. Les
résultats sont peu différents (ig. 6) mais se révèlent
plus simple à interpréter pour ce qui est des
associations des différentes catégories. On retrouve
la structuration selon l’âge (enfants à droite, adultes
à gauche du plan). L’axe vertical oppose de manière
radicale les sépultures à armes aux sépultures
contenant des pièces de ceinture habituellement
associées aux femmes adultes ce que semble
conirmer ici l’analyse, mais ne peut être prouvé
faute d’un nombre sufisant de déterminations
sexuelles.
Les résultats révèlent une structuration assez
proche de ce qui a été observé lors de la précédente
analyse (ig. 5). Le premier plan factoriel est encore
dominé par l’opposition des adultes et des enfants
et celles des sépultures sans mobilier et des autres. à
ce stade on peut constater que les différentes pièces
d’armement se trouvent fortement corrélées. En
Les variables qui se trouvent projetées dans
la partie droite du plan, du côté des coordonnées
positives sur l’axe 1 correspondent à toutes les
0,06
harnachement
lance
bouclier
torque
céramique
char
faune
forces/rasoir
outil
épée
axe 2
bracelet
1 fibule
fibule
enfant
effecif faible
- 0,08
n fibules
variable active
axe 1
effectif important
0,06
bague
adulte
enfants sans mobilier
ceinture
adultes sans mobilier
variable supplémentaire
sans mobilier
individus = sépultures
-0,08
Fig. 5 - Projection dans le premier plan factoriel de l’analyse des correspondances réalisée sur le tableau des catégories
d’objet (variables) par sépulture (individus), sur l’ensemble de l’effectif y compris les sépultures sans mobilier.
239
RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures
des environs de Paris.
bouclier
épée
lance
0,1
axe 2
harnachement
torque
char
forces/rasoir
effecif faible
- 0,08
n fibules adulte
fibule
outil
bracelet
céramique
1 fibule
enfant
axe 1
effectif important
bague
0,08
faune
variable active
variable supplémentaire
ceinture
individus = sépultures
-0,15
Fig. 6 - Projection dans le premier plan factoriel de l’analyse des correspondances réalisée sur le tableau des catégories
d’objet (variables) par sépulture (individus), après élimination des sépultures sans mobilier.
catégories associées de manière privilégiée aux
sépultures d’enfant. On trouve ici les dépôts de
céramique et de faune, ainsi que les ibules en un
seul exemplaire alors qu’elles se trouvent nettement
associées aux adultes lorsqu’elles igurent en
plusieurs exemplaires dans la tombe. La position
des torques peut sembler ambiguë. Il s’agit
manifestement d’une catégorie de parure associée
aux enfants. Cependant deux cas très spéciiques
divergent du schéma général. une des sépultures de
Bouqueval contient à la fois un torque, semble-t-il
en position fonctionnelle, et des pièces d’armement.
Il serait tentant d’y voir, à l’instar de la sépulture
de Barbey (rapin 2002), un ensemble de transition
appartenant à un adolescent qui n’aurait pas
encore abandonné sa parure enfantine et serait déjà
doté de son armement. L’autre cas est encore plus
original puisqu’il s’agit de la sépulture d’un adulte
masculin de Bobigny qui contient du mobilier tout
à fait particulier dont un soliferreum, arme d’hast
ibère, et un torque en fer au côté droit, en position
manifeste de dépôt volontaire. Ces deux ensembles
expliquent la position du torque dans le premier
plan factoriel entre les enfants et les sépultures à
armes. Les bracelets, autre catégorie de parure,
semblent obéir à une logique différente. Leur
situation proche du centre des axes témoigne du
fait qu’ils se trouvent présents dans les différentes
catégories de sépultures. On peut les rencontrer
avec des enfants ou des adultes, associés ou non à
d’autres catégories de mobilier.
La position des nécessaires de toilette, composés
de forces et rasoir, traditionnellement associés aux
adultes masculins semble également signiicative.
On en connaît seulement trois exemplaires associés
à une tombe à char, une sépulture de guerrier et une
sépulture masculine à ibule.
240
Il serait inalement assez tentant d’interpréter
l’axe vertical selon une opposition masculin-féminin
ce que les données disponibles ne permettent pas
encore de conirmer.
LE PORT DES PARuRES : L’EXEMPLE DE BOBIGNy
Les différentes catégories de parure révèlent à
la fois une grande diversité dans la composition
des assemblages et une forte corrélation avec
l’âge des individus considérés. L’important
corpus de Bobigny permet d’examiner sur une
base relativement large les modalités de port des
parures qui sont souvent interprétées en termes
d’appartenance culturelle ou d’origine ethnique.
Ici l’unité de l’espace funéraire permet en partie de
s’affranchir de cette variable.
Seulement trois ceintures métalliques se
trouvaient en position fonctionnelle. Elles se
composent, soit d’une chaîne à maillons alternés et
système de fermeture en fer, soit d’anneaux et d’un
crochet en alliage cuivreux. Elles équipent toujours
des adultes qui, pour les deux individus déterminés,
sont de sexe féminin.
Les parures annulaires sont de loin les plus
fréquentes. Plusieurs critères peuvent être mobilisés
pour l’étude de celles qui ont été retrouvées en
position fonctionnelle. La position de la parure sur
l’individu permet de distinguer les bracelets situés
au niveau du poignet des brassards portés au dessus
du coude. On retiendra par ailleurs la matière des
parures (alliage cuivreux, fer ou lignite) et leur
latéralisation (port à droite ou à gauche). Le tableau
ainsi obtenu (tab. I) révèle des règles de port qui
paraissent largement observées. Les brassards en
alliage cuivreux ou en lignite sont toujours portés
RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures
des environs de Paris.
Brassard
Gauche
Bracelet
Gauche
Bracelet
Droit
Torque
Bague
Droite
Bague
Gauche
Sexe
Age
S252
indéterminé
adulte indéterminé
S224
féminin
adulte indéterminé
S308
féminin
adulte indéterminé
S356
indéterminé
adulte indéterminé
S419
féminin
adulte indéterminé
S054
féminin
adulte indéterminé
S237
indéterminé
?
S364
S494
S433
S442a
S084
S085
S063
S130
S493
S495
S078
S162
S087
S122
S483
.. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .
.. ... ..... .. ... ..... .. ... ..... .. ...
... . .... ...... . .... ...... . .... ...... . ...
. .. .. .. . .. .. .. . .. .. .. . ..
.. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .
.. .. ..
.. ... .. . .. ... .. . .. ... .. . .. ...
... . .... ...... . .... ...... . .... ...... . ...
.. ... ..... .. ... ..... .. ... ..... .. ...
... . .... ...... . .... ...... . .... ....... ... . . . . . . . . . . . .
.. ... ..... .. ... ..... .. ... ....... ... ..... .. ... ..... .. ... ..... .. ...
........... ...... . .... ...... . .... ...... . ..
............ .......... ...... ........ ...... ........ ......
.. . ... . .. . ... . .. . ... . .. . .
. ... ... ........ ... ... ........ ... ... ........ ... ...
.. . ... . .. . ... . .. . ... . .. . .
. ... ... ........ ... ... ........ ... ... ........ ... ...
.. . ... . .. . ... . .. . ... . .. . .
. ... ... ....... ... ... ....... ... ... ....... ... ...
.. . ... .... . ... .... . ... .... . .
. ... ... ........ ... ... ........ ... ... ........ ... ...
.. . ... . .. . ... . .. . ... . .. . .
. ... ... ........ ... ... ........ ... ... ........ ... ...
.. . ... . .. . ... . .. . ... . .. . .
. .. ... ..... .. ... ..... .. ... ...... ... ... ....... ... ... ....... ... ... ....... ... ...
. .. . .... .. .. . .... .. .. . .... .. .. . .
. ... ... .... . ... ... .... . ... ... .... . ... ...
.... . .... ..... . .... ..... . .... ..... . .
. ... ... .... . ... ... .... . ... ... .... . ... ...
.... . .... ..... . .... ..... . .... ..... . .
. .. ... .. . .. ... .. . .. ... .. . .. ...
immature
féminin
adulte indéterminé
indéterminé
adulte indéterminé
indéterminé
adulte indéterminé
indéterminé
immature (5-9)
féminin
adulte agé
indéterminé
immature (5-9)
indéterminé
immature (1-4)
indéterminé
immature (5-9)
indéterminé
immature (1-4)
indéterminé
immature (5-9)
indéterminé
immature (5-9)
indéterminé
adulte indéterminé
indéterminé
immature
indéterminé
immature (5-9)
indéterminé
immature (10-14)
S250
X2
féminin
adulte indéterminé
S261
X2
masculin ?
adulte indéterminé
féminin
adulte moyen
X2
S065
indéterminé
S167
. ... . .. . ... . .. . ... . .. . ...
. . . .. . . . .. . . . .. . .
..... ... .... ....... ... .... ....... ... .... ....... ... .
. .. . .. . .. . .. . .. . .. . ..
S484
Lignite
Alliage à base cuivre
masculin
immature
adulte moyen-agé
.... . .... .... . .... .... . .... ....
..... ... .... ....... ... .... ....... ... .... ....... ...
. . . . . . .
.. .. .... .. .. .... .. .. .... .. ..
Fer
tab. I - Tableau des parures annulaires trouvées en position fonctionnelle dans la nécropole de Bobigny “Hôpital Avicenne”.
241
RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures
des environs de Paris.
au bras gauche par des individus adultes de sexe
féminin (3 cas et 2 adultes non sexués). à l’opposé,
les bracelets en fer portés au bras droit caractérisent
exclusivement les sépultures d’enfants. Par contre,
les bracelets en lignite sont portés au bras gauche, le
plus souvent par des adultes de sexe féminin, plus
rarement par un enfant (2 cas). Les adultes semblent
systématiquement porter leur parure annulaire
à gauche, y compris les bracelets en fer, portés à
droite par les enfants. un seul cas paraît déroger
à cette série de règles. Il s’agit d’un enfant qui
porte un bracelet en fer au bras gauche. On notera
cependant qu’il est associé à un bracelet en lignite
qui quant à lui est toujours porté à gauche. Dans le
mesure ou le port dissymétrique des parures semble
de rigueur dans l’ensemble du Bassin parisien à
l’époque (baray 2003), cette anomalie s’explique
sans doute par l’association des deux parures. Les
torques trouvés en position fonctionnelle sont tous
en fer et associés à des enfants. On remarquera par
ailleurs que bracelets, brassards ou torque ne sont
jamais associés dans une même sépulture. Lorsque
plusieurs parures annulaires apparaissent, elles sont
de la même catégorie (brassard ou bracelet) mais de
matériaux différents. Les bagues en alliage cuivreux
ou en fer sont quant à elles portées à gauche ou à
droite, de préférence par des adultes des deux sexes,
mais peuvent également se trouver sur des enfants.
à l’exception des bagues, les parures sont
strictement associées à Bobigny à des adultes de sexe
féminin (quelques indéterminés) ou à des enfants.
D’autre part la nature des parures et les modalités de
port différent selon ces deux catégories. Les femmes
adultes peuvent être dotées de ceinture métallique
en alliage cuivreux ou en fer, de brassard en alliage
cuivreux ou en lignite, ou encore, de bracelet en
lignite ou en fer. Les enfants arborent des torques
en fer et des bracelets en lignite ou en fer. Ils sont les
seuls à porter des bracelets au bras droit.
Ainsi l’exemple de Bobigny révèle que l’essentiel
des différences observées dans les modalités de
port de la parure s’explique par la position sociale
de l’individu selon le sexe et l’âge. Ces résultats ne
signiient pas nécessairement que les interprétations
d’ordre culturel de ces modalités de port soient
systématiquement à proscrire mais soulignent
l’importance des variations à l’intérieur d’une
même population pour autant qu’on puisse afirmer
que les adultes et les enfants d’une même nécropole
appartiennent à la même entité culturelle.
242
Dans
les
autres
ensembles
funéraires
contemporains de la région, les données sont mal
connues faute de renseignements précis ou en
raison de la désastreuse conservation des squelettes.
Ainsi, à Saint-Maur-des-Fossés, de brèves mentions
signalent des sépultures d’adulte qui portent des
bracelets en fer, alliage cuivreux ou lignite au bras
gauche. Apparemment les enfants y sont dépourvus
de parure (Maitre 1888). à Nanterre, deux femmes
adultes portent un bracelet au poignet gauche, l’un
en fer, l’autre en alliage cuivreux. à Bouqueval
enin, une sépulture est dotée de deux bracelets, un
en lignite et un en alliage cuivreux, portés à droite.
Il s’agit d’un adolescent dont l’âge est estimé aux
alentours de 13-15 ans. Au inal les seuls ensembles
qui s’écartent nettement des tendances mises
en évidence à Bobigny correspondent à de rares
sépultures de guerriers ou d’individus supposés
masculins associés à des parures annulaires. On
peut ici signaler le brassard en fer de la tombe de
guerrier de Rungis, le bracelet en alliage cuivreux
de la sépulture à char 5002 de Roissy, le brassard
en alliage cuivreux de la tombe à char et armes du
Plessis-Gassot (sépulture 1004) et enin la paire de
brassards en lignite et bronze de l’autre guerrier du
site (sépulture 1002).
DES OBJETS POuR L’éLITE ?
La structuration de la géographie funéraire
de la région, marquée par la très nette opposition
des compositions et modalités de recrutement de
deux grandes catégories de sites, suggère de fortes
différences entre les populations qui s’y trouvent
représentées. Ainsi, dans les sites caractérisés par
un effectif étendu, le recrutement paraît assez
peu sélectif : les catégories les plus modestes y
igurent en grand nombre et les enfants y sont
bien représentés, de sorte que les sépultures les
plus favorisées en mobilier (parure, arme...) s’y
trouvent marginalisées. Elles représentent une
frange relativement étroite de chaque cohorte. Si
en l’espèce, cette répartition s’avère plus conforme
à l’image que l’on peut projeter de ces sociétés qui
ne sauraient se composer uniquement de vigoureux
guerriers et de riches élégantes, elle est sufisamment
lisible ici pour être soulignée.
à l’inverse, dans les sites à faible effectif,
se concentre une série de caractéristiques qui
distinguent des comportements élitistes. Ceux-ci
ne sauraient se surimposer à la seule richesse des
sépultures qui constitue un critère potentiel de
distinction parmi bien d’autres (duplouy 2006).
Ici les élites se reconnaissent essentiellement par
la pratique de la tombe à char qui accompagne
vraisemblablement un rituel particulièrement
fastueux et spectaculaire. Toutefois, il ressort des
données analysées que la présence du char ne dénote
pas nécessairement une diversité ou une richesse
exceptionnelle du mobilier qui s’y trouve associé.
Parmi ces quelques sépultures, la composition des
assemblages funéraires varie considérablement.
Comme on l’a déjà signalé, la composante guerrière
n’est pas systématiquement associée au prestige
de la tombe à char. Seules deux sépultures, l’une
à Roissy et l’autre au Plessis-Gassot, auxquelles il
convient sans doute d’associer la tombe à char de
Nanterre, contiennent un équipement guerrier
RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures
des environs de Paris.
complet (épée, lance et bouclier). Le reste du mobilier
de la tombe, si l’on excepte le char et les pièces de
harnachement, demeure relativement modeste : un
brassard en alliage cuivreux et un vase au PlessisGassot, deux ibules à Roissy. Il en est de même
des deux sépultures de Bouqueval dans lesquelles
le char est associé, pour l’une, à une seule ibule
et, pour l’autre, à deux ibules et deux bracelets
(lignite et alliage cuivreux). Ici, la seule présence du
char, signe d’un statut spéciique, semble souvent
se sufire à elle-même et épuiser les nécessités de
la proclamation de son rang ; seule la composante
guerrière s’y ajoute parfois.
Dans de rares cas cependant, les objets
permettent de pousser davantage la rélexion
dans la mesure où des fonctions ou rôles sociaux
particuliers transparaissent. Ainsi l’originalité de
certains dépôts signale des individus qui semblent
se détacher du lot commun.
La tombe à char aux bronzes ornés de Roissy
appartient
vraisemblablement
à
quelque
personnage éminent (leJars 2005), de même que
la sépulture de guerrier du Plessis-Gassot (Ginoux
2003). Ces deux ensembles présentent de nombreuses
similitudes. Ils s’accompagnent de pièces d’apparat
d’une qualité exceptionnelle : le char et la garniture
de récipient dans un cas, le bouclier dans l’autre. Par
contre ces deux personnages possèdent des parures
relativement banales, bracelet en alliage cuivreux
dans un cas et paire de brassards en lignite et alliage
cuivreux dans l’autre, et sont équipés de simples
ibules en fer. Ils sont par ailleurs dotés chacun d’un
nécessaire de toilette composé d’une paire de forces
et d’un rasoir. Ces accessoires, volontiers associés à la
sphère masculine, ne présentent d’autre singularité
que leur faible fréquence. Faut-il pour autant y voir
l’apanage d’une certaine élite comme leur présence
ici le suggère ? Il serait en effet tentant de considérer
que ce type de dépôt caractérise une frange
particulière de la cohorte des hommes adultes.
Cependant on ne peut conclure déinitivement dans
la mesure où ces éléments apparaissent aussi dans
des ensembles plus modestes comme en témoigne
une des sépultures de Bobigny dans laquelle ils
se trouvaient bien isolés. La principale originalité
de la sépulture du Plessis-Gassot réside dans la
présence de deux céramiques étrusques qui ne sont
sans doute pas là par hasard. Dans le contexte de
l’époque, les rapports des populations celtes avec la
Méditerranée ne constituent pas une surprise. Leur
implantation en Italie du Nord et leur implication
comme mercenaires dans de nombreux conlits ne
sont plus à démontrer. La signiication du dépôt
de ces céramiques étrangères est plus dificile
à établir. Il peut s’agir d’objets personnels du
défunt rapportés de ses pérégrinations lointaines.
Cependant leur origine et leur association déinitive
avec cet individu ne signiient pas nécessairement
que les deux ont voyagé de concert. On peut aussi
interpréter ces objets exotiques comme des signes
de distinction d’une élite qui contrôle les réseaux à
longue distance et tient à le manifester jusque dans
sa tombe. Comportement lié à la logique du prestige
qui trouve de nombreux équivalents en Grèce
archaïque où il est de bon ton de posséder quelque
pièce rare venue d’Orient, objets qui manifestent
clairement l’appartenance à une élite internationale
(duplouy 2006).
C’est cette piste que nous privilégions par ailleurs
pour interpréter une autre sépulture de Bobigny
dans laquelle se trouve un soliferreum ibère. En effet
si tous les objets de cette sépulture sont originaux, de
la ibule au dépôt du torque, ils n’en demeurent pas
moins de facture celtique ce qui élimine l’hypothèse
d’une inhumation étrangère. On peut dès lors
supposer qu’ils manifestent une fonction spéciique
et non une simple trajectoire individuelle atypique.
Cette hypothèse qui insiste sur le caractère socialisé
du dépôt, comme composante d’un discours pour
les vivants, se trouve confortée par une seconde
tombe hors norme de Bobigny. Ici l’individu est
accompagné d’une sorte de sistre et d’un cercle en
fer auquel sont suspendus des pendeloques et qu’il
serait tentant, dans ce contexte musical, d’interpréter
comme un cercle de tension de tambour. Là encore,
le dépôt de ces instruments rares permet sans doute
de souligner la fonction particulière de l’individu
qui s’y trouve associé, d’autant que les sources
antiques révèlent le rôle éminent du barde dans
la compétition élitiste qui anime l’aristocratie et la
déinit.
Il va de soi que ces interprétations sociales
n’épuisent pas toutes les hypothèses susceptibles
de rendre compte de l’originalité lagrante de tel
ou tel assemblage funéraire et qu’en la matière
aucune preuve déinitive ne saurait s’imposer.
Cependant, si on considère que, prises globalement,
les modalités de dépôts trahissent effectivement
des composantes de l’identité sociale des individus
qu’elles caractérisent, ce que tendent à prouver les
corrélations observées sur l’ensemble du ichier, il
semble que la compréhension des écarts individuels
à la norme, c’est-à-dire celle des sépultures
originales, a tout intérêt à privilégier en première
analyse un tel axe interprétatif.
BIBLIoGrapHIE
BARAy Luc (2003) - Pratiques funéraires et sociétés de l’âge
du Fer dans le Bassin parisien (in du VIIe - troisième quart du
IIe s. avant J.-C.), 56e suppl. à Gallia, Paris, CNRS Editions,
454 p.
DuPLOuy Alain (2006) - Le prestige des élites. Recherches
sur les modes de reconnaissance sociale en Grèce entre le Xe et le
Ve siècles avant J.-C., Les Belles Lettres, Paris, 414 p.
GINOuX Nathalie (2003) - « L’excellence guerrière et
l’ornementation des armes aux IVe et IIIe s. avant J.-C.,
découvertes récentes ». études Celtiques, XXXV, p. 33-67.
243
RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures
des environs de Paris.
GuADAGNIN Rémi (1984) - « La nécropole celtique
de Bouqueval », Bulletin de la Jeunesse Préhistorique et
géologique de France, année 1978, n°8, p. 16-65.
HUBERT Henry (1902) - « Sépulture à char de Nanterre »,
L’Anthropologie, XII, p. 66-73.
LECONTE Luc (1991) - « Les nécropoles celtiques de SaintMaur-des-Fossés (Val-de-Marne) ». Antiquités Nationales,
22/23, 1990/1991, p. 43-80.
LEJARS Thierry (2005) - « Le cimetière celtique de La Fosse
Cotheret, à Roissy (Val-d’Oise) et les usages funéraires
aristocratiques dans le nord du bassin parisien à l’aube
du IIIe siècle avant J.-C. », dans : BUCHSENSCHUTZ
Olivier (dir.), BuLARD Alain (dir.) & LEJARS Thierry
(dir.). - L’Âge du Fer en Île-de-France, XXVIe colloque de
l’Association française pour l’étude de l’âge du Fer, Paris
et Saint-Denis, 2002. Thème régional. Tours : FERACF,
2005, p. 73-83 (Supplément à la Revue archéologique du
centre de la France ; 26).
MAITRE Abel (1888) - « Cimetière gaulois de Saint-MaurLes-Fossés ». Revue Archéologique, tome 55, p. 323-340.
MARION Stéphane, LE BECHENNEC yves & LE
FORESTIER Cyrille (2008) - « Nécropole et bourgade
d’artisans : l’évolution des sites de Bobigny (Seine-SaintDenis), entre La Tène B et La Tène D ». Revue archéologique
du Centre de la France, Tome 45-46 , 2006-2007, [En ligne],
mis en ligne le 30 mai 2008. uRL : http://racf.revues.
org//index654.html.
RAPIN André (2002) – « D’un âge à l’autre ». Les Celtes
en Ile-de-France. Dossiers d’Archéologie n° 273, mai, p. 15.
VIAND Antide (2004) - « un quartier d’habitat groupé de
La Tène inale sur une nécropole du IIIe siècle avant notre
ère », Bulletin de l’AFEAF, 22, p. 5-8.
L’auteur
Stéphane MARION, Ingénieur de recherche, SRA, DRAC Lorraine. Associé à l’uMR 8546 du CNRS
résumé
Cette contribution propose une analyse de la composition des assemblages funéraires des environs de Paris
au cours de La Tène B2 et La Tène C1. Bénéiciant d’une base statistique particulièrement étoffée, elle met en
évidence de fortes corrélations entre le mobilier déposé et les principales composantes sociales de l’individu
que sont le genre, la classe d’âge et inalement le rang. Ces paramètres semblent à eux seuls expliquer une large
part de la variabilité constatée des assemblages funéraires.
Mots clés : Funéraire, âge du Fer, La Tène B2, La Tène C1, Bassin parisien,Île-de-France, mobilier funéraire,
sexe, âge, analyse factorielle, parure, armement, tombe à char.
abstract
This paper presents an analysis of the composition of funerary deposits in the Paris district during La
Tène B2 and La Tène C1.Based on a particularly rich body of statistics, it highlights some close correlations
between the grave goods and the main social characteristics of the subject, such as gender, age group and
inally, social position. These parameters appear suficient to explain most of the variability observed in the
burial combinations.
Key words : funerary, Iron Age, La Tène B2, La Tène C1, Bassin parisien, Ile-de-France, burial goods, gender,
age, factor analysis, jewels, weapons, chariot burials.
Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX.
Zusammenfassung
Dieser Beitrag schlägt eine Analyse der Zusammenstellung der Grabbeigaben in der Zeit zwischen Latène
B2 und Latène C1 in der umgebung von Paris vor. Begünstigt durch eine besonders umfangreiche Statistik
zeigt sie sehr deutlich die Zusammenhänge zwischen den Grabbeigaben und den sozialen Eigenschaften des
Individuums wie Geschlecht, Altersklasse und schließlich dessen soziale Stellung. Diese Parameter allein
scheinen zu genügen, um einen Großteil der bei den Grabbeigaben festgestellten Variabilität zu erklären.
Schlüsselwörter : Bestattung, Eisenzeit, Latène B2, Latène C1, Pariser Becken, Ile-de-France, Grabbeigaben,
Geschlecht, Alter, Faktorenanalyse, Schmuck, Waffenausstattung, Wagengrab.
Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr).
244
RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne.
DE L’HaBItat à La sépULtUrE : QUELQUEs aspECts
DU DépÔt DE vaIssELLE Dans LEs toMBEs
DU ve aU IIIe s. avant J.-C. En CHaMpaGnE
Marion SAuREL
préLIMInaIrEs
L’étude de la céramique des sépultures de la in du
premier âge du Fer et des débuts du second est riche
d’une longue tradition en Champagne. Les vases de
nécropoles ont fait l’objet en particulier d’approches
chronologiques et d’études ciblées sur la morphologie
des récipients, la recherche ornementale, mais aussi
sur leur rôle dans la sépulture (hatt & roualet 1977,
Charpy & roualet 1987, Charpy 1991, roualet 1991…).
La question du dépôt de vaisselle et des pratiques
a été plus précisément abordée dans le cadre de la
publication de certaines nécropoles, comme Manre
et Aure dans le sud des Ardennes (rozoy 1987). Les
nécropoles les mieux documentées ont été reprises
dans une première étude synthétique à l’échelle de la
zone Aisne-Marne (deMoule 1999). La vaisselle des
sépultures y tient une bonne place, non seulement
dans une approche typo-chronologique globale
précisant les étapes de l’évolution des faciès, mais
aussi dans une étude plus complète des pratiques
funéraires comme témoins de la structure sociale.
Dans une orientation commune, les travaux menés
dans la vallée de l’Aisne envisagent la gestuelle sous
tous ses aspects, à l’échelle de chaque nécropole,
puis de la région (desenne et al. 2007, à paraître). une
approche étendue à l’ensemble du Bassin parisien
entre le VIIe et le IIe s. avant J.-C. intègre aussi
différentes données champenoises (baray 2003).
- le choix de pratiquer ou non le dépôt de
vaisselle, et l’ampleur de ce dépôt (approche
quantitative) ;
- la sélection des récipients déposés : tendances
et variations.
En ce qui concerne la sélection des récipients,
l’application d’une méthode similaire à l’étude de
la vaisselle d’espaces funéraires et de lieux habités
contemporains permet une comparaison directe
de plus en plus préconisée quelles que soient les
périodes (blaizot 2007). Chaque contexte devient
alors source d’informations pour l’interprétation
de l’autre. Dans cette approche comparative, deux
points seront particulièrement développés qui
touchent aux questions de fonctions et d’emplois
des vases : d’une part, la question des vases usagés
(usures, réparations, restaurations, remplois)
et de leur fréquence et d’autre part, celle de la
combinaison fonctionnelle des récipients dans les
sépultures au regard des rejets d’habitats.
LE CorpUs Et LEs BIaIs DE L’InForMatIon
uNE CONSERVATION ALéATOIRE Du DéPôT
MOBILIER
La prise en compte des biais de la documentation
liés à l’état de conservation des tombes est un
préalable parfois dificile à maîtriser. Entre la
sépulture profonde et apparaissant bien préservée exception faite des lacunes liées à la disparition des
matériaux périssables et à l’action générale du milieu
- et la sépulture presque détruite par arasement, il
existe une ininité de stades qui laissent souvent
ouverte la question : a-t-on l’intégralité du dépôt
funéraire, dans ses composantes et dans sa forme ?
Or on ne peut retenir pour cette étude que les tombes
donnant une quantité sufisante d’informations sur
le dépôt de mobilier.
Les fouilles préventives récentes ont fourni un
nouveau corpus relativement abondant et couvrant
l’ensemble de la séquence du Ve au IIIe s. Les fouilles
préventives récentes ont fourni un nouveau corpus
relativement abondant et couvrant l’ensemble de la
séquence du Ve au IIIe s. Il fait actuellement l’objet
d’un projet de recherche intitulé Pratique funéraire
et sociétés de l’âge du fer en Champagne-Ardenne (PAS
de l’Inrap) coordonné par L. Bonnabel. L’étude
proposée ici repose sur une partie de ce corpus qui,
une fois pris en compte les biais de l’information
liée en particulier à l’état de préservation des
dépôts, permet de donner des éléments statistiques
à comparer avec les valeurs issues des travaux de
synthèse antérieurs.
Sur le corpus total des fouilles récentes, 16 zones
funéraires ont été retenues (bonnabel et al., dans ce
volume et ig. 1), soit en tout 330 sépultures dont 328
inhumations et 2 probables incinérations (Tab. I).
Dans la présente contribution, on se concentre
en particulier sur les étapes initiales liées à l’acte du
dépôt céramique :
Les tombes très mal conservées, environ 90,
représentent plus du quart de l’ensemble du
corpus, avec plusieurs cas de igure. La plupart
De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au
IIIe s. avant J.-C. en Champagne.
245
RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne.
ne
Ais
Funéraire, fouilles préventives récentes
ARDENNES
Caurel
Witry-lès-Reims
Ves
le
Vrigny
Val-de-Vesle
Les Petites Loges
Champfleury
Bussy-le-Château
Marne
Saint-Etienne-au-Temple
Auve
Saint-Memmie
Sarry
MARNE
Habitat, fouilles préventives récentes
Dommartin-Lettrée
Plichancourt
Perthes
0
Auve “Le Chemin de La Terrière” (L. Bonnabel, 2001)
Bussy-le-Château “Bout des Forces” (C. Moreau, 2001-2002)
Caurel “Le Puisard” (B. Robert 1997 ; L. Bonnabel, 2001)
Champfleury “A Mi Champ” (L. Bonnabel, 2003 ; S. Culot, 2005)
Dommartin-Lettrée “Les Coupes” (C. Paresys, 2001)
Perthes “Les Essarts” (D. Lallemand, 1999)
Plichancourt “Les Monts” (A. Koehler, 1999)
Saint-Etienne-au-Temple “Le Champ Henry” (C. Paresys, 2000)
Saint-Memmie “Rue du Pont Alips” (N. Achard-Corompt, 2003)
LGV Sarry “Les Auges” (L. Bonnabel, 2003)
Val-de-Vesle “Les Moncheux” (L. Bonnabel, 2001-2002)
Vrigny “Les Robogniers” (L. Bonnabel, 2002)
Witry-lès-Reims “Le Village, La Comelle” (B. Robert, 1997 ; S. Oudry, 2005)
50 km
Caurel “Le Puisard” (S. Lenda, 2005)
Les Petites Loges “Le Mont de Billy Remembré” (S. Lenda, 2001)
Les Petites Loges “La Grande Lèvre Remembrée” (A. Mondoloni, 2001)
Fig. 1 - Localisation et présentation des occupations mentionnées du Ve au IIIe s. av. J.-C. en Champagne.
Conservation évaluée
Commune
Lieu-dit
Année de
l’opération
Nombre de
sépultures
Bon état
Arasée
Détruite
Sépultures
retenues
pour étude
mobilier
Pillée
Les sépultures avec
céramique
Prises en
compte
Les récipients
Non prises
en compte
Pris en
compte
Non pris
en compte
Plichancourt
Les Monts
1999
18
6
6
2
10
2
0
3
1
Saint-Etienne au-Temple
Le Champ Henry
2000
28
8
5
8
18
2
1
3
1
Val de Vesle
Moncheux
2001_2002
83
4
23
53
45
43
12
109
12
Saint-Memmie
Rue du Pont Alips
2003
3
1
2
_
1
1
1
6
4
Sarry
Les Auges
2003
71
11
20
1
44
37
7
95
9
Vrigny
Les Robogniers
2002
13
1
2
_
11
11
2
44
3
Champfleury
A Mi Champ
2003
9
1
6
1
8
8
0
25
0
Champfleury
A Mi Champ
2005
10
5
3
_
7
7
1
15
1
Witry-lès-Reims
Le Village, La Comelle
2005
22
4
3
2
14
11
1
37
4
Witry-lès-Reims
Le Village, La Comelle
1997
28
9
9
3
19
17
3
50
6
Caurel
Le Puisard
1997
3
0
3
_
3
3
1
11
1
Caurel
Le Puisard
2001
11
2
3
3
9
9
0
22
0
Auve
Le Chemin de la Terrière
2001
11
0
3
3
7
7
1
17
4
Dommartin Lettrée
Les Coupes
2001
14
8
2
_
13
0
0
0
0
Perthes
Les Essarts
1999
5
1
1
_
5
0
0
0
0
Bussy le Chateau
Bout des Forces
2001
1
1
0
1
1
0
3
0
330
62
91
215
159
30
440
46
Total
76
tab. I - Présentation des effectifs retenus : le bilan sur la conservation des sépultures a été dressé à partir des relevés et
observations de terrains et les nombres sont indicatifs car l’interprétation reste souvent complexe.
d’entre elles sont presque détruites par arasement
et donc, souvent perturbées par les labours.
Certaines peuvent toutefois être prises en compte :
dans les cas où il y a eu écrasement du mobilier
en place (notamment en raison de l’effondrement
d’un plafond) et tassement du comblement, les
informations principales sont préservées sur une
dizaine de centimètres d’épaisseur. quelques autres
sépultures sont partiellement détruites par une
structure plus récente : tranchée de la guerre 14-18,
fossé de parcellaire d’époque romaine.
246
D’autres tombes sont en bon état de conservation,
mais très perturbées, trop pour que l’on puisse
reconstituer le mobilier d’origine. Ainsi dans les
cas d’inhumations multiples, l’attribution des
mobiliers, en particulier les dépôts de vaisselle,
à l’une ou l’autre de ces inhumations, n’est pas
toujours possible. Les sépultures les plus anciennes
ont souvent été perturbées par les plus récentes.
Autre question dificile à résoudre, celle des
tombes pillées, très nombreuses sur certains sites.
RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne.
à Val de Vesle "Moncheux", une cinquantaine de
sépultures, soit une grande majorité, montrent les
stigmates du passage des pilleurs (bonnabel et al.,
2009). En général, le pillage ne touche qu’une partie
de la sépulture, et concerne surtout les parures
métalliques. Le dépôt de vaisselle apparaît conservé
dans une mesure toutefois dificile à évaluer.
quelques tombes sont vides (pillages anciens ou
fosses non utilisées ?).
Les perturbations peuvent aussi avoir d’autres
origines. Les animaux fouisseurs, parfois les
racines des arbres, ont ainsi contribué à rendre la
lecture plus complexe, sans pour autant détruire
les composantes du dépôt funéraire… On peut
signaler aussi le cas de la sépulture 110 de Vrigny
"Les Robogniers", rare, mais notable (bonnabel et
al., 2009). Les vases ont été pulvérisés par un obus
dont un éclat a été retrouvé dans le remplissage du
vase 2. Les trois récipients ont été découverts en
place et quasiment « en forme », mais extrêmement
morcelés. D’autres tombes encore apparaissent
perturbées sans que l’on puisse clairement identiier
la cause et mesurer l’ampleur des modiications.
quant à l’action de l’environnement et du temps,
elle est la moins mesurable de toutes. La disparition
des dépôts et des aménagements en matériaux
périssables, ainsi que des éléments de surface nous
fait perdre irréversiblement un grand nombre
d’informations.
Au inal, après élimination des tombes
inexploitables pour l’étude du mobilier, 215 ont été
retenues, soit les deux-tiers du corpus initial. Parmi
elles, seules une soixantaine de sépultures sont dans
un bon état de préservation (Tab. I).
L’ESPACE ET LE TEMPS
Les occupations retenues se répartissent entre le
Hallstatt D, en particulier le Hallstatt D2-D3 et La
Tène C1, La Tène C2 n’étant pas représentée avec
certitude - datation fondée sur l’étude combinée
de la céramique et du mobilier métallique, avec la
collaboration de C. Moreau - (Tab. II). Elles couvrent
donc environ trois siècles et demi. Ain de mettre en
valeur les grands mouvements de l’évolution des
pratiques concernant le dépôt de vaisselle, le choix
s’est porté sur un regroupement des ensembles
funéraires par grandes étapes. Ainsi, deux cimetières
Datation proposée des occupations (céramique, métal...)
Commune
Lieu-dit
Année
Ha D1-D2
Plichancourt
L
1999
Saint-Etienne au-Temple
Le Champ Henry
2000
Val de Vesle
Moncheux
Saint-Memmie
Rue du Pont Alips
2003
Sarry
Les Auges
2003
Vrigny
Les Robogniers
2002
Champfleury
A Mi Champ
2003
Champfleury
A Mi Champ
2005
Witry-lès-Reims
Le Village, La Comelle
2005
Witry-lès-Reims
Le Village, La Comelle
1997
Caurel
Le Puisard
1997
Caurel
Le Puisard
2001
Auve
Le Chemin de la Terrière
2001
Dommartin Lettrée
Les Coupes
2001
Perthes
Les Essarts
1999
Bussy le Chateau
Bout des Forces
2001
Ha D3 LT A1
LT A2
LT B1
LT B2
LT C1
2001_2002
tab. II - Proposition de datation des occupations funéraires.
247
RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne.
illustreront la phase inale du Hallstatt qui, bien que
« hors sujet », a été retenue pour servir de point de
comparaison. Trois ensembles, dont deux vastes
nécropoles, documentent plus particulièrement
La Tène A, avec quelques éléments plus précoces
ou plus tardifs. une série importante de groupes
de sépultures, que l’on pourrait parfois associer
(proximité spatiale, mais sans continuité sûre),
couvrent pour l’essentiel une phase avancée de La
Tène A et les débuts de La Tène B, avec là encore
quelques sépultures sans doute juste antérieures,
ou postérieures. Pour inir, des petits cimetières
illustrent la toute in de La Tène B et le début de
La Tène C. Seul le cimetière d’Auve se distingue et
il sera donc isolé, d’autant qu’il présente 9 tombes
très arasées sur 11 sépultures au total. Ces quelques
sépultures témoignent d’une occupation longue, du
cœur de La Tène A jusqu’à La Tène B2-C1.
Occupation majoritaire Hallstat D
28 sépultures dont 4 avec céramique
25
20
15
10
5
0
0
1
2
3
4
5
6
7
8
Récipients
Occupation majoritaire La Tène A
90 sépultures dont 81 avec céramique
25
20
15
10
Si le corpus semble couvrir de façon équilibrée les
différents temps de l’évolution du Ve au IIIe s. avant
J.-C., il existe un certain déséquilibre géographique.
Ainsi, l’étape inale est documentée par des ensembles
qui, hormis la tombe de Bussy-le-Château, se situent
dans la partie méridionale de la zone Aisne-Marne,
voire en limite, plus proche de régions où le dépôt de
céramique est rare durant toute la période.
5
0
0
1
2
3
4
5
6
7
8
Récipients
Occupation majoritaire La Tène A2-B1
65 sépultures dont 62 avec céramique
25
20
LE GEstE DU DépÔt,
UnE approCHE QUantItatIvE
15
10
DE GRANDES TENDANCES
5
à la in du premier âge du Fer, le fait de
déposer de la vaisselle est un geste rare qui ne
concerne que 10-15 % des sépultures dans les
deux cimetières étudiés (tab. III, ig. 2). Cette
représentation s’accorde avec les proportions
observées à Heiltz-l’Evêque "Charvais" (11 %) ou
à Chouilly "Les Jogasses" (13 % ; deMoule 1999,
p. 124). Il ne semble pas y avoir une évolution
sensible au cours du Hallstatt D, les quelques
tombes concernées appartiennent apparemment
à des étapes distinctes, parfois précoces, mais une
analyse plus ine reste à faire. Il est intéressant
de constater qu’un certain nombre de sépultures
dérogent à ce qui apparaît comme un choix rituel
prédominant - l’absence de céramique - au cours
de cette période. Ces dépôts de la in du premier
âge du Fer ne dépassent que rarement un, voire
deux récipients.
Sépultures avec
céramique (%)
H
0
1
2
3
4
5
6
7
8
Récipients
Occupation majoritaire La Tène B2-C1
19 sépultures dont 1 avec céramique
20
15
10
5
0
0
1
2
3
4
5
6
7
8
Récipients
Fig. 2 - Evolution quantitative de la pratique du dépôt de
céramique au cours des grandes étapes chronologiques :
le nombre de récipients par sépulture.
Nombre de récipients (%)
1
2
4
3
6
5
8
7
4
50,0
50,0
-
-
-
-
-
-
La Tène A1-A2
90,0
28,4
28,4
21,0
9,9
6,2
3,7
1,2
1,2
La Tène A2-B1
95,4
12,9
22,6
33,9
14,5
6,5
4,8
4,8
-
La Tène B2-C1
5,3
-
-
100,0
-
-
-
-
-
tab. III - Le nombre de récipients par sépultures
248
0
RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne.
Dans la synthèse réalisée à l’échelle du
Bassin parisien, les pourcentages de tombes avec
céramique calculés pour la Champagne et les
Ardennes au premier âge du Fer apparaissent
plus élevés (baray 2003, p. 264). Faute de
présentation du corpus à l’origine de ces
chiffres, on ne peut interpréter cette discordance
(questions d’échantillonnage ? de divergences
dans les attributions chronologiques ?…). Pour
La Tène A, les chiffres concordent et l’on observe de
façon générale un passage à plus de 9 tombes sur 10
pourvues de céramique.
La proportion s’inverse donc à La Tène
A-B1 et le geste du dépôt devient un acte quasi
systématique. La dissociation des ensembles en
deux grandes étapes met en valeur une évolution
au cours du temps. Si encore 10 % des sépultures
sont dépourvues de vaisselle à La Tène A, vers le
passage de La Tène A à La Tène B, cette proportion
tombe à moins de 5 %. Ces valeurs diffèrent de
celles obtenues par H. Lorenz à partir de statistiques
faites sur 1031 sépultures de La Tène ancienne en
Champagne (lorenz 1978, p. 78-80). Selon ce calcul,
environ un quart des tombes seraient dépourvues
de céramique (soit 251). Cette différence peut
s’expliquer en particulier par une approche plus
générale de H. Lorenz fondée sur des corpus
documentés couvrant sans doute une séquence de
la in du Hallstatt à La Tène B2.
L’évolution illustrée à partir du corpus des
fouilles récentes recoupe presque exactement les
observations de J.-G. Rozoy à Manre et Aure (rozoy
1987, p. 142-143). Plus encore, la lecture de l’évolution
au sein de ces deux grandes nécropoles, d’occupation
continue sur le long terme, procure une vision plus
nuancée, moins hachée. L’auteur observe l’austérité
volontaire des sépultures de la in du premier âge
du Fer, rarement pourvues de céramique, et, le
cas échéant, d’un unique récipient (période 1).
Le passage à La Tène voit la généralisation assez
rapide du dépôt de récipient, avec toutefois encore
un pourcentage non négligeable de tombes qui en
sont dépourvues et des dépôts toujours réduits en
quantité (1 ou 2 vases). De La Tène A récente au
milieu de La Tène B2 (périodes 3 à 5), la pratique
du dépôt est générale et les tombes sans céramique
sont, en grande majorité, signalées comme « prêtant
à critique » car il s’agit pour l’essentiel de sépultures
adventices d’inhumations antérieures. Seules deux
sépultures sur un total de près de cent tombes
apparaissent bien dépourvues de dépôt céramique.
La seule incertitude, non négligeable, réside dans
les tombes non datées. Sur ces occupations, on
assiste au cours de La Tène A à un basculement de
la prédominance des tombes à un récipient à des
tombes à deux récipients, avec un accroissement du
nombre de tombes à plus de 2 récipients.
De même, dans notre corpus, si vers les débuts
de La Tène, les dépôts de un ou deux récipients (à
peu près équivalents en nombre) constituent plus
de la majorité des dépôts (57 %), plus tard, ils ne
représentent plus qu’environ un tiers de la totalité
(35 %). Les dépôts sont alors quantitativement plus
importants. Le dépôt de 3 récipients se rencontre
beaucoup plus souvent et celui de 4 vases reste assez
rare quoiqu’en légère augmentation par rapport aux
phases précédentes. La part importante des tombes
à 3 récipients ne se retrouve pas à Manre et Aure
où les dépôts binaires dominent et l’on peut ainsi
mettre en valeur les variations locales des pratiques
au sein d’une grande tendance (rozoy 1987, p. 142143). L’augmentation du nombre moyen de vases est
à mettre en rapport avec une place accrue dévolue
au dépôt « alimentaire » signalée aussi par la
complexité croissante des dépôts de faune, observée
par Ginette Auxiette tant à Bucy-le-Long (Aisne)
que sur les nécropoles régionales (desenne et al. à
paraître). à l’intérieur de cette évolution globale, la
luctuation assez importante du nombre de vases
permet de proposer une discussion sur la relation
entre nombres de récipients, niveau d’aisance et
statut social du défunt.
LE NOMBRE DE VASES :
uN CRITèRE DE DISTINCTION SOCIALE
Dans le corpus retenu, la rareté des dépôts de
4 vases et plus introduit une sorte de limite qui
indique qu’au-delà, le geste est plus exceptionnel
donc plus souligné, en lien probable avec la mise en
valeur d’un statut particulier de l’inhumé. à Manre
et Aure, la rupture se fait dès les deux récipients,
mais l’auteur note que le « système des 4 vases »
(grand vase, assiette-couvercle, gobelet-puisoir et
situle) a connu une croissance nette dans des tombes
à enclos et souvent à épée ou à grand coutelas et
a duré près de 150 ans, en se limitant à un groupe
social assez restreint (rozoy 1987, p. 142-143).
Il est d’ailleurs à noter, dans notre corpus comme
ailleurs, que les tombes à char rentrent en général
dans la catégorie des tombes à plus de 4 récipients.
L’étude critique de la documentation des fouilles
anciennes permet à S. Verger de dresser un bilan
sur le dépôt céramique dans les sépultures à char
(VerGer 1994, p. 464-465). La pratique du dépôt suit
les grandes tendances régionales et chronologiques
illustrées par les autres sépultures, allant jusqu’à
des tombes sans vase au début de La Tène A et à
la in de La Tène B et dans la zone méridionale,
mais le nombre de récipients est en moyenne
élevé. Si quelques sépultures ont donné environ
3 à 5 vases, « dans la majorité des cas (15), on en
compte entre 6 et 12 », voire 15 ou plus dans deux
sépultures d’exception. quelques fouilles récentes
de sépultures à char, assez bien préservées, ont livré
6 ou 7 récipients, par exemple dans la nécropole de
Caurel "Le Puisard" (bonnabel et al., en cours), ou
dans celle de Plichancourt "Les Monts" (koehler et
al., en cours). Il s’agit de dépôts relativement riches
249
RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne.
au regard de la moyenne générale, ou modestes si
on les compare avec les 14 ou 15 vases de la luxueuse
tombe à char de Semide (laMbot & VerGer 1995).
DE L’HaBItatIon à La sépULtUrE :
La séLECtIon DEs rECIpIEnts
LE DéPôT DE VASES uSAGéS
un élément de discussion supplémentaire porte
sur le genre des inhumés. Si des sépultures de
femmes igurent parmi les tombes à 4 récipients ou
plus, elles y apparaissent moins représentées que
celles des hommes, et cela demandera une approche
plus précise à développer par la suite, incluant aussi
la question des sépultures d’enfants se distinguant
en majorité par un plus petit nombre de récipients.
DE LA PRATIquE Du DéPôT Au CHOIX DES
CéRAMIquES
Si le choix de pratiquer ou non le dépôt
céramique suit des grands mouvements
d’évolution, le nombre de vases à La Tène A-B1,
alors que le dépôt de céramique est une pratique
généralisée dans la région, apparaît nettement
corrélé à la richesse de la sépulture et au statut du
défunt. Cela répond en partie à l’une des questions
posées à propos des dépôts céramiques dans le
cadre de la publication de la nécropole de La
Madelaine : « Le nombre de céramiques déposées
est-il le relet de la situation économique du défunt
ou simplement l’expression de rites spéciiques à
un groupe de la société à une époque donnée ? »
(Metzler-zens & Méniel 1999, p. 388). une réponse
économique peut être validée (richesse du défunt
et/ou de son groupe familial, avec par exemple
le dépôt exceptionnel d’un récipient métallique),
n’excluant pas l’importance des spéciicités locales
et/ou ethniques.
D’autres
questions-hypothèses
de
cette
publication pourraient être reprises - « Quelle
peut être la signiication de récipients en terre cuite
dans une tombe ? », « Est-ce moins le récipient
que le contenu qui doit être considéré comme
dépôt funéraire ? », « ou le récipient symbolise-til le contenu ? » - de même que les interrogations
sur le rôle de la vaisselle : permettre au défunt de
participer au banquet funèbre ou lui servir, avec le
contenu, de viatique dans l’au-delà ?… Le rituel de
l’incinération à la in de la Tène permet par ailleurs
plus aisément le retour en amont, au déroulement
de la cérémonie funèbre, aux gestes et aux choix qui
l’accompagnent. Dans le cas de l’inhumation, on a
une impression - trompeuse sans doute, mais dans
quelle mesure ? - d’un passage direct de l’habitation
à la sépulture. Par contre, l’état de conservation plus
favorable des récipients, non passés sur le bûcher
(ce qui n’est toutefois pas systématique dans les
crémations), permet une analyse plus approfondie
des traces d’usage et une comparaison directe de la
vaisselle des sépultures et des habitats.
250
petit bilan commenté des observations sur le
sujet
Depuis longtemps, le sujet des traces d’usage
sur les récipients a prêté à discussions. Ainsi,
P. Roualet, lors du colloque d’Hautvillers, en 1987,
en réponse à une interrogation de P.-R. Giot, refuse
de généraliser, arguant de la dificulté de détecter
les traces d’usure (d’autant plus, pourrait-on
ajouter, quand il s’agit de mobilier de musées ayant
vécu depuis leur sortie de terre). Il signale les cas
de dépôts de vases réparés, parfois à l’aide d’une
« espèce de résine », retaillés ou endommagés par
le feu (neiss, patrolin & Charpy dir. 1991, p. 93-94).
Ces signes d’utilisation, les plus nets, sont repris
plus récemment, précisés et illustrés (Charpy 2007,
p. 87-89). Si les cas de réparation et de remploi sont
en effet bien documentés, les cas d’utilisation au
feu domestique sont plus complexes à argumenter.
D’autres interprétations pourraient parfois être
envisagées comme une cuisson initiale ratée, ou
un accident domestique. Dans les exemples où seul
l’éclatement de la paroi de la panse sert d’argument,
on pourrait aussi proposer un lien de cause à effet
entre éclatement et qualité de fabrication du vase
(rozoy 1987, p. 131) et/ou contexte sédimentaire,
voire des dégradations lors de l’usage courant des
récipients, manipulations et autres. Ainsi, dans
la nécropole de Vrigny "Les Robogniers", le sable
acide a dissous les os, et entraîné une altération
plus ou moins marqué de la surface des vases. De
ins enlèvements, nombreux sur certains récipients,
peuvent être attribués à l’action du milieu
d’enfouissement. Dans la tombe 108, les éclats
supericiels de la surface externe d’un gobelet ont
été retrouvés dans le remplissage du grand vase
caréné dans lequel il se trouvait, démontrant qu’il
s’agissait bien là d’un phénomène taphonomique
(ig. 8). L’observation de la vaisselle d’habitat
permet de supposer que, l’exposition au feu quand
elle en arrive à éclater la surface du vase, est en
général assez violente (même localisée) pour avoir
entraîné d’autres types d’altérations, colorations et
déformations. L’expérimentation reste à faire.
J.-G. Rozoy mentionne aussi des réparations et
note les cas de vases lacunaires ou fragments plus
réduits volontairement déposés (rozoy 1987, p. 143145). Au sein du corpus récent, nous n’avons que
rarement pu émettre cette hypothèse, sauf pour la
in du premier âge du Fer où certains fragments
apparaissent assez signiicatifs et leur localisation,
choisie. Rien d’aussi clair n’est apparu en tout cas,
que la « collection de tessons remarquables, décorés »
observée dans la tombe 36 de Manre. Si L’argument
concernant l’état peu roulé des fragments est peu
RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne.
recevable car l’analyse de nombreux ensembles
d’habitat a montré que les tessons enfouis dans
les structures, provenant sans doute en partie de
tas de déblais, ne sont pas toujours roulés. Seuls
les tessons restés très longtemps en surface, et
souvent piégés dans les comblements supérieurs,
sont fortement érodés. Par ailleurs, dans certaines
nécropoles, comme celle de Val-de-Vesle implantée à
l’emplacement d’un habitat plus ancien, la présence
de tessons intrusifs antérieurs est manifeste. En
outre, des éléments en provenance des habitats
contemporains ne sont pas exclus. Pour tenter une
discrimination entre dépôt volontaire de fragments
de vases et intrusions dans les terres de comblement
ou fragmentation post-inhumation, il conviendra
donc de reprendre plus en détail le corpus des
sépultures bien préservées.
Le dépôt de vases usés : un phénomène généralisé
Le milieu en majorité calcaire de la plaine
champenoise, rarement agressif pour l’épiderme
des vases, permet une bonne lecture, une mise en
valeur des traces découlant d’actions mécaniques et
thermiques observées ailleurs (desenne et al. 2002,
p. 319).
Les premières se signalent en particulier par des
surfaces abrasées ou inement rayées (ig. 3). Parfois,
l’usure apparaît combinée à de petits enlèvements
de matière dont l’état traduit l’ancienneté. Ces
traces se localisent de préférence en certains points.
Ainsi la paroi interne des récipients présente
souvent un toucher très « lisse » par rapport à la paroi
externe. L’usure concerne alors surtout l’intérieur
de la panse, sous l’épaulement, et s’accentue en
allant vers le fond, faisant parfois ressortir les
inclusions (chamotte et autre…). C’est une usure
liée au contenu, et à l’utilisation d’ustensiles pour
mélanger ou préparer.
Au contraire des stigmates très apparents, les
signes d’usure supericielle par frottement, ou
petits chocs, les plus courants, ont été en général
négligés par les chercheurs jusqu’à une période
récente. Depuis une dizaine d’années, en particulier
grâce aux travaux des équipes de la vallée de l’Oise
et de l’Aisne, ces traces font l’objet d’une attention
accrue (Malrain, pinard & Gaudefroy 2002). Dans
la nécropole de Bucy-le-Long, les auteurs signalent
que les récipients portent « les stigmates d’une
utilisation régulière sous forme de traces d’usure,
de réparation, et, dans de rares cas, de corrosion ou
de dépôts » (desenne et al. 2007, p. 160).
Champfleury 2003, sép. 1, vase 14
La surface de pose et ses abords sont également
souvent usés, avec parfois de petits éclats surtout
liés aux chocs lors du contact avec un support
rigide. Les fonds annulaires sont souvent victimes
de ces chocs et parfois, ils ont été repris, retaillés et
la fracture, régularisée, pour retrouver la stabilité
et un aspect moins abîmé. C’est notamment le cas
pour les gobelets, très manipulés.
Vrigny, sép. 109, vase 1
Vrigny, sép. 109, vase 2
Usure de la surface de pose
Witry-lès-Reims, sép. 111, vase 3
Val-de-Vesle, sép. 135, vase 2
Usure de l'épaulement
Witry-lès-Reims, sép. 108, vase 2
Usure interne
Usure du bord
Fig. 3 - Les signes d’usures mécaniques, par abrasion et petits chocs (clichés : M. saurel, Inrap).
251
RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne.
Commune
Lieu-dit
Signes d’usure par
Restauration
Total
Réparations
abrasion, ou petits
avec matériau
récipients
(perforations)
chocs
résineux
Remploi de
fond de vase
retaillé
Etat général de conservation des céramiques
Val de Vesle
Moncheux
121
74
2
2
3
Bonne conservation
Sarry
Les Auges
104
_
_
1
_
En majorité, très altérées (érosion des sépultures)
Saint-Memmie
Rue du Pont Alips
10
8
0
0
0
Bonne conservation
Vrigny
Les Robogniers
47
31
0
1
0
Paroi des céramiques attaquée par le substratum
Champfleury
A Mi Champ, 2003-2005
41
33
3
0
0
Bonne conservation
Witry-lès-Reims
Le Village, La Comelle, 2005
41
33
1
0
0
Bonne conservation
Auve
Le Chemin de la Terrière
17
_
_
1
_
En majorité, très altérées (érosion des sépultures)
381
179
6
5
3
Total
tab. Iv - Les signes d’usage sur les récipients.
La paroi externe juste sous l’épaulement ou
l’épaulement lui-même sont aussi régulièrement
marqués par cette usure supericielle découlant
sans doute de l’empilage et de la préhension.
Au niveau de la lèvre, l’usure entraîne assez
souvent l’apparition de la couche plus claire sousjacente sous l’épiderme du vase (à moins qu’un
phénomène lié à la cuisson soit plutôt en cause ?).
Le bord, fragile, est souvent marqué par de petits
éclats anciens, voire des lacunes, dus sans doute à
divers types de chocs. un manque trop important
entraînait parfois une reprise du bord et une
régularisation de la fracture.
En ce qui concerne les stigmates liés à l’action
thermique, ils sont beaucoup plus dificiles à mettre
en évidence et il est malaisé de discriminer les traces
liées à la fabrication et celles liées à une utilisation
culinaire. Elles se présentent en particulier comme
des plages oxydées en surface externe de la panse,
vers la base, et concernent surtout des formes
fermées.
Dans tous les corpus où l’état de la céramique
permettait des observations systématiques, entre 60
et 80 % des récipients portaient des traces d’usure
par actions mécaniques plus ou moins marquées
(tab. IV). Pour les autres récipients, les observations
n’ont pas toujours pu être faites ou les traces étaient
moins marquées, voire incertaines.
réparations, restaurations et remplois
Les cas de réparations, pour des fêlures ou des
fractures, sont ponctuels, plus ou moins présents
selon les espaces funéraires (tab. IV, ig. 4). Ainsi,
plusieurs cas sont attestés dans les deux nécropoles
de Champleury, alors qu’ils n’apparaissent que
rarement par ailleurs.
Il en est de même pour les restaurations à
l’aide d’un matériau résineux (ig. 4 ; 8). Il s’agit
d’une pratique assez répandue que l’on observe
aussi bien dans la vallée de la Vesle que dans la
252
vallée de la Marne ou encore, plus à l’est, dans le
secteur de Auve. Ces restaurations, déjà signalées
par P. Roualet et J.-J. Charpy (Charpy 2007, p.
87-89), prennent plusieurs formes : rebouchage
d’une lacune, au niveau de la partie supérieure
ou du fond par exemple, remplacement d’un
pied disparu, ou encore rebouchage d’un éclat. Le
matériau résineux, malléable à une température
très basse, puis durcissant lors du refroidissement
se prête bien à un tel emploi. La coloration sombre
et brillante s’accorde avec la tonalité brun à noir
de la grande majorité des récipients et leur aspect
lustré. Enin, l’aspect fonctionnel n’est sans doute
pas négligeable et la restauration à la résine devait
permettre de prolonger la durée de vie des récipients
(imperméabilité). Dans le cas du vase de Auve, la
restauration est esthétique : un éclat paraît avoir
été régularisé avant d’être bouché (ig. 4). C’est un
même type de matériau qui était sans doute utilisé
pour le collage des fragments réparés et le bouchage
des perforations où passaient les liens. quelques
traces sont parfois conservées. Elles apparaissent
toutefois rares. Il n’y a pas souvent de résidu bien
apparent associé aux trous de réparation et aux
fractures anciennes.
Outres les vases retaillés au niveau du pied et
du bord, quelques cas de réemplois de fragments de
vases peuvent être signalés ici ou là, piédestal repris
en coupelle ou fond de vase de stockage employé
comme couvercle.
Relet du vaisselier domestique ou sélection
préférentielle de « vieux » objets ?
Le vaisselier contenait-il une grande part d’objets
usés ? C’est sans doute le cas si l’on en juge par les
rejets des habitats. Toutefois, le fait même que l’on
ne connaisse des occupants que ce qu’ils ont rejeté
comme inutilisable fausse l’image. Tout indique
toutefois, que les vases brisés étaient souvent déjà
usés et que le vaisselier contenait en règle générale
beaucoup de récipients dans un état d’usure plus
ou moins prononcé. Cela nous conduit bien sûr à
la question : quelle durée d’emploi faut-il pour de
RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne.
Witry-lès-Reims, sép. 111, vase 2
Val-de-Vesle, sép. 123,
vase 5
Vrigny, sép. 102, vase 1
Auve, sép. 103, vase 10
Fig. 4 - Les cas de réparations et de restaurations avec une matière résineuse (clichés : M. saurel, Inrap).
telles traces ? Cela reste une inconnue faute d’une
expérimentation sur le long terme. Les vases n’étant
pas en moyenne d’une cuisson très poussée (dureté
moyenne de la pâte), on peut supposer qu’un
temps relativement court sufisait à l’apparition des
premières traces.
En comparaison avec les objets de parure ou
l’équipement vestimentaire, il est peu probable
que les récipients soient déposés comme des
objets personnels, familiers et que l’on sélectionne
volontairement pour cette raison un vieil objet.
y-a-t-il un souci d’économie, de minimiser le coût
des funérailles ? Selon A. Testart, les enquêtes
anthropologiques montrent toutes que « tout dépôt
funéraire est une perte pour les vivants », du point de
vue de l’héritage (testart 2004, p. 305-306). Il invite
à ne pas sous-estimer la dimension économique des
pratiques funéraires.
La tombe 384 de Sarry peut apparaître révélatrice
d’une volonté de créer une certaine illusion (ig. 8). Le
vase assez remarquable, couvert de décors, est posé
sur un boudin de matière résineuse qui remplace le
pied, cassé. Il y a à la fois le souhait de déposer un
vase qui fasse de l’effet dans la mise en scène de la
tombe, mais un vase déjà bien altéré (le bord semble
éclaté et la base l’est) et fortement restauré, en fait
une moindre perte pour les vivants. Toutefois, il reste
impossible d’assurer que l’on utilisait de préférence
les vases les plus usagés.
APPROCHE FONCTIONNELLE DE LA
SéLECTION DES VASES
à long terme, les combinaisons de récipients
feront l’objet d’une approche plus ine. Les
principaux groupes de récipients communs ou
plus rafinés sont illustrés ici de façon globale pour
mettre en valeur de grandes tendances (ig. 5).
253
RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne.
Pots : cuire, stocker en petite quantité
Jates : cuire, préparer...
COMMUNE RUGUEUSE : PREPARATION CULINAIRE
Coupelles, bols : puiser,
consommer
Plats : préparer, présenter...
Ecuelles : présenter, consommer, couvrir..
Coupes tronconiques : présenter,
couvrir...
Coupes profondes : présenter...
Vases profonds fermés ou ouverts : stocker, mélanger, présenter...
Gobelets : puiser, verser, boire..
COMMUNE OU FINE LISSEE : PRESENTATION, CONSOMMATION...
0
5 cm
Fig. 5 - Proposition de classement de la vaisselle de La Tène A-B en Champagne - dans les habitats et les zones funéraires
et hors le stockage en grand volume - (dessins : C. perrier, M. saurel, I. turé, Inrap).
254
RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne.
Les petits récipients de la in du premier âge du Fer
La part très réduite de vaisselle culinaire
Les différents ensembles fouillés en Champagne
pour la in du premier âge du Fer montrent que non
seulement les récipients sont rares et peu nombreux
par dépôt, mais que de plus, ils sont de taille réduite,
comme c’est le cas à Saint-étienne-au-Temple (ig. 6 ;
paresys, Moreau & saurel 2009). Le dépôt céramique
tient une place minimale dans la sépulture. Ces
récipients sont le plus souvent de petits vases fermés
ou, plus encore, comme à Chouilly "Les Jogasses",
de petites formes basses, coupelles, bols, petites
coupes, voire des puisoirs, sortes de grosses cuillères
en terre cuite caractéristiques de cette période, dont
l’élément de préhension est souvent brisé (fracture
ancienne d’emploi pour celui de Saint-étienne-auTemple) (hatt & roualet 1976 et 1981). Les plus
grands vases fermés, écuelles et coupes, présents
dans les habitats, ne sont que très rarement déposés.
La petite taille du ou des récipients apparaît donc
comme un paramètre important dans la sélection,
même s’il ne découle que d’un choix utilitaire ou
symbolique. une vaisselle en bois ou des contenants
en vannerie ne pourraient remplir le rôle des grands
récipients en terre cuite. L’origine méditerranéenne
de plusieurs petites formes a été soulignée lors de
l’étude du cimetière de Chouilly. Elles font écho à
la morphologie de vases à boire. D’autres formes
sont plus ubiquistes, mais peuvent aussi être liées
au service à liquide, comme les bols et coupelles
arrondis connus dans les régions méditerranéennes
auparavant (Maziere 2007, p. 143). Ce dépôt d’un
ou deux récipients, trop petits pour traduire une
consommation communautaire, peut toutefois
la représenter ou évoquer un geste de libation
funéraire lors d’une cérémonie funèbre avant la
fermeture de la tombe. Le fait de les retrouver parfois
brisés, ou sous forme de fragments, apparemment
renversés, et dans des positions variables prendrait
alors une signiication en relation avec cet acte. Il
n’y avait donc pas nécessairement un contenu,
qu’il s’agisse de lait, de liquide parfumé ou de
boissons alcoolisées …. Le fait que ce dépôt ne soit
pas généralisé peut poser question, sans négliger
la possibilité d’un petit contenant périssable et
la variété des formes de ce dépôt reste encore à
préciser pour en saisir les nuances.
Par vaisselle culinaire, on désigne en particulier
les formes fermées (dites pots) et ouvertes (dites
jattes) à paroi relativement épaisse et pâte hétérogène
présentant souvent d’abondantes inclusions, ines à
grossières, de matière réfractaire (en majorité de la
chamotte à cette période en Champagne). La paroi
est volontairement laissée brute ou rendue rugueuse.
L’exposition au feu peut être parfois suggérée par
une tonalité plus claire de la paroi externe avec
un aspect mat. Les jattes, formes tronconiques
simples, présentent les mêmes caractéristiques
que les pots d’un point de vue technique, et tout
indique qu’elles étaient à cette époque employées
pour la cuisson, comme en témoignent l’aspect
général du matériau et certaines traces internes.
Des bandes noirâtres observées régulièrement en
haut de la paroi interne pourraient en effet résulter
de la carbonisation en surface d’un contenu semiliquide (bouillie de céréales entre autres - saurel
2007, p. 14). Ainsi, des traces similaires ont été
notées lors d’expérimentations de cuissons réalisées
par l’association Les Ambiani (communication orale
S. Gaudefroy). Cette déinition de la vaisselle
culinaire laisse de côté les vases plus lissés, parfois
probablement employés pour la cuisson (cf. supra).
Tombe 8
Tombe 9
Cette vaisselle culinaire est très présente sur les
sites d’habitat (ig. 7). Aux Petites Loges, ensembles
correspondant aux rejets de deux silos sur deux
occupations distinctes, et à Caurel (reprise des
chiffres à l’échelle de l’habitat faute d’ensembles
assez conséquents), la vaisselle culinaire représente
entre 25 et 36 % des récipients attribués à un groupe
fonctionnel, hors le stockage de gros volume (saurel
2007, p. 10, saurel dans lenda et al., en cours).
Dans les différentes nécropoles, la part de la
vaisselle culinaire est nettement plus réduite, de
moins de 10 %, comme souvent aux autres périodes
où le dépôt de céramique est pratiqué. Elle varie
légèrement d’un ensemble à l’autre. Très rare à
Val-de-Vesle (à peine 1 %), un ensemble pourtant
conséquent, avec une vaisselle d’apparence assez
modeste, elle est mieux représentée sur la nécropole
de Caurel (environ 7 %). Ces valeurs sont à nuancer,
Tombe 27 (dépôt incomplet ?)
0
5 cm
Fig. 6 - La céramique de l’espace funéraire de Saint-Etienne-au-Temple (Marne) au Hallstatt D.
255
RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne.
dans la mesure où à Caurel, cette proportion ne
correspond, somme toute, qu’à deux pots et où
certains autres vases de Val-de-Vesle pourraient
avoir servi à la cuisson.
HABITATS
Val-de-Vesle (n=107)
Vrigny (n=32)
Sarry (n=99)
Caurel (n=30)
Caurel (n=62)
Les Petites Loges (n=24)
Les Petites Loges (n=57)
Il est à noter que si, dans l’habitat, la part des
jattes excède la part des pots à cette époque au
sein de la vaisselle culinaire (saurel 2007, p. 28),
à l’inverse, dans les nécropoles, les pots sont plus
NECROPOLES
Vaisselle de présentation-consommation...
Vaisselle culinaire...
HABITATS
Les Petites Loges
Les Petites Loges
Caurel
NECROPOLES
Caurel
Sarry
Vrigny
Val-de-Vesle
Vases et gobelets, avec décor
Vases et gobelets, sans décor
Plats, écuelles, et quelques coupes, bols...
Fig. 7 - Comparaison globale de la composition
fonctionnelle des ensembles céramiques dans les habitats
et les zones funéraires (individus attribués à un groupe
fonctionnel)
256
souvent sélectionnés. Ils remplissent là la même
fonction que les vases fermés plus ins qui dominent
dans les sépultures. une seule jatte est documentée,
dans la nécropole de Vrigny, dans la sépulture 110.
En réalité il s’agit d’un fragment assez conséquent
retrouvé entre les genoux du défunt et dont le rôle
est incertain du fait du caractère perturbé de la
tombe (cf. supra). De même, l’absence d’ustensiles
communs présents sur les habitats, jattes à bord
festonné, ou faisselles, relevée aussi dans d’autres
régions, se retrouve ici (desenne et al., 2007, p. 161,
laMbot 1988, p. 51).
Une sélection au sein de la vaisselle de présentation-consommation
à La Tène A-B, la sélection s’élargit par rapport
à la in du premier âge du Fer. Les récipients
sont de volumes variés et l’on retrouve dans les
sépultures à peu près toutes les pièces du vaisselier
de présentation-consommation : vases fermés ou de
proil simple profond, de contenances variables, du
gobelet au grand cratère et écuelles ou plats, plus
grands et souvent plus profonds, de même que des
formes de coupes profondes mieux représentées
à partir de la in de La Tène A. Les petits bols et
coupelles sont, par contre relativement rares,
plus rares que dans les habitats, au contraire des
ensembles du premier âge du Fer. une analyse plus
pointue sera réalisée par la suite, mais pour l’instant,
on a limité le calcul au rapport entre formes hautes
et moyennes et formes basses, sans tenir compte des
volumes (ig. 8).
Cela permet de mettre en valeur une première
distinction : les formes basses, en particulier
les écuelles et les plats dominent dans les rejets
d’habitats. Elles constituent ainsi aux alentours
de 40-50 % du vaisselier de présentationconsommation, alors que, dans les sépultures, elles
ne représentent que 15-30 %. Cette différence est
peut-être en partie liée au fait que leur disposition
la plus courante, en couvercle, dans les tombes
entraîne souvent leur disparition en cas d’érosion.
Le fait qu’elles soient placées en couvercle indique
que leur fonction était prise en compte dans sa
relation avec le récipient couvert, et n’était pas en
général un rôle de contenant. quelques formes
basses font exception et sont posées au sol sans
doute comme plats pour la présentation d’aliments
ou autres. Il s’agit en particulier des formes les plus
grandes et les plus profondes dites « plats » ce qui
conforte la distinction fonctionnelle supposée. Cas
exceptionnel, mais révélateur, dans la tombe 303
de Val-de-Vesle, un morceau de mouton était placé
dans un plat profond (bonabel et al., 2009).
L’adéquation entre le vase et son couvercle est
plus ou moins satisfaisante et, parfois un petit
vase est pourvu d’un grand couvercle qui devait
le masquer totalement. Etait-ce simplement une
RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne.
volonté de protéger le contenu du récipient ? de
donner l’image d’un service correspondant à celui
d’une disposition de rangement domestique ? voire
de masquer le contenu ou son absence ? Cela traduit
peut-être aussi l’association fonctionnelle des deux
récipients et la combinaison vase, écuelle-couvercle
et gobelet dans plusieurs sépultures indique une
possible complémentarité, à déinir, entre l’écuelle
et le gobelet. La présence très marquée des écuelles
dans les rejets d’habitat durant tout l’âge du Fer,
témoigne de l’importance de leur rôle au sein du
vaisselier et ouvre sur l’hypothèse de l’utilisation
d’écuelles individuelles pour la consommation des
aliments (saurel 2002, p. 254). Ces objets avaient
sans doute, en fonction des périodes, plusieurs
utilisations : manger, voire boire, couvrir, présenter,
ou encore servir aux ablutions et à la toilette
(desenne et al. 2007, p. 164).
Sarry, tombe 384
Vrigny, tombe 112
0
5 cm
Vrigny, tombe 108
Le pied retaillé du gobelet
Fig. 8 - Exemples de dépôts funéraires comprenant
un gobelet dans un grand vase : des combinaisons
morphologiques variables (dessins : I. turé et clichés :
M. saurel, Inrap).
Les vases fermés ou formes profondes de rôle
apparemment équivalent, sont l’élément fort des
dépôts. Lorsque la tombe ne présente qu’un seul
vase, il s’agit en général d’un vase de ce type, d’un
volume moyen ou élevé, les gobelets ne venant
qu’en complément : c’est le vase « principal »
(deMoule 1999). Parmi ces objets, la forte proportion
de vases décorés dans les tombes par rapport aux
rejets d’habitat a déjà été constatée (desenne et al.
2007, p. 161). Les auteurs signalent que les vases
décorés représentent 30 % dans les nécropoles et
5 % dans les habitats. On retrouve ici des chiffres
similaires, avec 5-7 % de vases ornementés dans
les habitats et entre 28 et 38 % dans la plupart
des nécropoles (ig. 7). La comparaison directe de
l’habitat et de la nécropole de Caurel "Le Puisard"
est évocatrice. à l’inverse, la nécropole de Val-deVesle se démarque nettement avec un pourcentage
de vases ornementés de moins de 7 %, sur un corpus
important de vases (90) attestant de la validité du
résultat. La grande proportion de tombes pillées
ne peut seule expliquer ce chiffre - on aurait pris
en particulier les vases décorés - car le corpus de
vases est élevé et beaucoup de dépôts de céramique
paraissent « complets ». La proportion est ici
comparable à velle des habitats de la commune
voisine des "Petites Loges". Il s’agit d’une nécropole
précoce, mais c’est aussi le cas pour la nécropole de
Sarry qui a livré 38 % de vases ornementés. Ce fort
contraste demandera une analyse plus développée
en comparaison avec d’autres sites régionaux.
y-avait-il, dans les premiers temps de La Tène, des
ateliers aux productions très différenciées, certains
ne développant guère les ajouts ornementaux,
d’autres oui ? Le statut de la population de ce site
serait-il particulièrement modeste ? Il sera dificile
de l’attester dans la mesure où la parure en métal a
fait l’objet de pillages systématiques.
Le pourcentage de vaisselle ornée dans les
habitats est réduit, mais il s’agit des mêmes récipients
257
RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne.
que ceux rencontrés dans les sépultures. La sélection
préférentielle de vases ornés pour les tombes signale
que la forme - liée au contenu et/ou à l’usage et/ou
au rôle symbolique du dépôt céramique - n’est pas
le seul paramètre dans le choix. Le côté esthétique
n’apparaît pas négligé dans la plupart des cas, si l’on
excepte la nécropole de Val-de-Vesle qui démontre
que les tendances globales cachent des choix
spéciiques qui restent à préciser.
Un assortiment « inattendu » : le cas des gobelets
dans les grands vases
Dans les trois-quarts des cas, le gobelet est donc
associé à un récipient fermé de forme distincte. Les
combinaisons sont alors : le gobelet caréné à col et
le vase arrondi à col (la plus fréquente avec 5 cas), le
gobelet de proil simple dans le vase caréné à col (2
cas), le proil simple dans la situle (2 cas), le gobelet
caréné à col dans le vase de proil simple (1 cas), le
proil simple dans le vase arrondi à col (1 cas).
Le répertoire morphologique des vases de petit
stockage et de présentation de La Tène A-B1 compte
un petit nombre de formes de base déclinées en
différentes tailles : des formes simples profondes
parfois de proil sinueux, des formes carénées à col,
des formes arrondies à col et des formes carénées sans
col (situles). Selon les mots de P. Roualet, tout se passe
comme si « la forme était liée davantage à la nature
du contenu qu’à une fonction particulière » (neiss et
al. 1991, p. 92). une fois encore, les discussions du
colloque d’Hautvillers en 1987 annonçaient bien des
sujets à développer. un autre était d’ailleurs lancé
par A. Villes qui proposait de reprendre des tests faits
pour d’autres périodes pour rechercher les « couples
qui existent entre les vases de grandes dimensions et
les petits vases à boire de même forme » (neiss et al.
1991, p. 92). Le test proposé ici, encore limité, apporte
quelques informations sur cette question.
Lorsque les formes sont similaires, il s’agit en
général de proils simples profonds, hormis dans un
cas où le gobelet caréné à col est combiné à un grand
vase caréné à col. L’ensemble céramique de cette
tombe, la sépulture 108 de Vrigny, "Les Robogniers",
est d’ailleurs remarquable, non par la quantité, mais
par l’assemblage : c’est un des rares cas de service
qui combine le grand vase de stockage-cratère tel
qu’on le rencontre plus souvent dans les tombes à
char, mais qui est représenté aussi dans les habitats
(saurel 2007, p. 10), le gobelet caréné et la situle
moyenne, donnant l’image d’un service de banquet
pour une tombe relativement modeste (ig. 8). Cela
montre que la relation entre nombre de vases et
niveau d’afirmation de la richesse est à nuancer en
tenant compte en particulier des contenances, et de
la qualité des vases (qualité technique et, dans une
mesure à déinir, recherche ornementale).
De façon générale, il est vite apparu qu’au regard
du répertoire morphologique relativement faible,
la rencontre de deux récipients de morphologie
similaire était assez rare. Apparier les récipients par
leur forme ne semble pas une préoccupation lors de
la disposition du dépôt (sauf dans le cas particulier de
dépôts plus importants, dans les sépultures à char par
exemple). Le cas des gobelets en est l’illustration.
En ConCLUsIon
Le gobelet est parfois déposé dans un vase
fermé ce qui offre une association très directe
que l’on rencontre dans presque toutes les zones
funéraires du corpus. Elle est bien attestée dans
11 sépultures et probable dans 4 autres cas où les
fragments étaient entremêlés. Le vase peut être
de très grande capacité ou de contenance plus
modeste, mais quand il y a plusieurs vases fermés
et un gobelet, le gobelet est en général associé au
plus grand des vases. Cette observation vaut pour
d’autres temps et d’autres régions, comme en
Languedoc au VIIe s. avant J.-C. (Maziere 2007,
p. 143). Le rôle de puisoir dans le vase de stockage
est ainsi mis en valeur. Par là même est souligné le
fait que c’est probablement ce vase « principal »,
qu’il soit petit ou grand, qui renferme le contenu
« principal », boisson ou autre.
258
similaires dans 4 cas (deux assurés et deux probables),
alors qu’elles sont de morphologies distinctes dans
11 cas (neuf assurés et deux probables).
Sur les 15 associations d’un gobelet et d’un vase de
« stockage/présentation », les formes sont de proils
Dans cette première présentation d’un corpus
céramique récent, quelques éléments fondamentaux
de la gestuelle funéraire ont été retenus : pratique
ou non du dépôt de vaisselle, analyse quantitative
et sélection des récipients.
Le point de départ est une analyse critique du
corpus. En précurseur, J.-G. Rozoy la pratiquait
dans son étude de Manre et Aure permettant ainsi
de proposer des chiffres argumentés qui se prêtent
à la comparaison. D’un corpus de 330 tombes issues
de fouilles préventives récentes, on passe alors à
un corpus de 215 tombes exploitables pour l’étude
du dépôt céramique, et, encore, en conservant une
approche nuancée.
Si beaucoup de choses ont déjà été vues dans
les grandes tendances de la pratique du dépôt de
vaisselle - de très limitée à la in du Hallstatt jusqu’à
être quasi systématique au courant de La Tène
ancienne - dès les études approfondies de nécropoles
et les premiers travaux de synthèse, il reste encore
bien des sujets d’analyse, souvent en germe dans
les discussions du colloque d’Hautvillers en 1987.
Il sufit de concentrer le regard sur une période,
un sujet ou une zone géographique tout en tirant
bénéice des travaux déjà réalisés.
RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne.
quelques observations ont permis de proposer
un passage du dépôt de vaisselle à la dimension
économique des funérailles sans qu’il faille bien
entendu se focaliser sur cette interprétation.
Ainsi la quantité de récipients, au regard d’autres
paramètres, apparaît un indicateur relativement
iable de la richesse et du statut social. Si les dépôts
de un à trois récipients sont courants à La Tène
ancienne, le choix de déposer quatre vases ou plus
est plus rare et souligne une certaine position sociale.
Le dépôt de récipients usagés, parfois réparés voire
restaurés, est assez généralisé, et il atteste sans
doute une pratique d’économie répandue sans que
l’on puisse assurer qu’il s’agisse d’une sélection
préférentielle au sein du vaisselier.
La mise en correspondance du matériel des
habitats et des nécropoles, déjà pratiquée dans la
vallée de l’Aisne, permet de mieux saisir la spéciicité
des associations funéraires : proportion très réduite
de vaisselle culinaire, prédominance de la vaisselle
de présentation/consommation avec en priorité
des vases fermés et des formes basses compléments
de ces récipients fermés (rôle de couvercle) hormis
quelques coupes et plats de présentation, choix
préférentiel de vases décorés, avec une variation
probable en fonction des secteurs. Il reste beaucoup
à faire en afinant l’analyse. Par exemple, en dépit
d’un répertoire assez pauvre de formes de base,
on a ainsi pu voir, à partir du cas des gobelets,
que les mises en scène associent apparemment de
préférence des vases de morphologies distinctes.
une certaine complémentarité - fonctionnelle et,
sans relation, morphologique - plus que la similitude
était sans doute en arrière-plan de la composition
du « service funéraire ».
D’autres corpus enrichiront l’analyse dans les
temps à venir pour atteindre une validité statistique
plus grande sur certains aspects. une approche
sur les caractères de sexe et d’âge des défunts en
relation avec le dépôt céramique est nécessaire, de
même que la mise en relation avec les autres types
de mobiliers déposés, en particulier le dépôt de
faune et les objets en métal.
BIBLIoGrapHIE
AuXIETTE Ginette, DESENNE Sophie & POMMEPuy
Claudine (2002) - « Des viatiques et des banquets :
alimentation des défunts, alimentation des vivants sur la
nécropole de La Tène ancienne de Bucy-le-Long (Aisne) »
dans MéNIEL Patrice & LAMBOT Bernard (dir.) - Repas
des vivants et nourriture pour les morts en Gaule, Actes du
colloque de l’AFEAF de Charleville-Mézières en 2001,
Société Archéologique Champenoise (Mémoires de la
SAC ; 16), Reims, p. 317-336.
BARAy Luc (2003) - Pratiques funéraires et sociétés de l’âge
du Fer dans le Bassin parisien (in du VIIe s. - troisième quart
du IIe s. avant J.-C.), 56e supplément à GALLIA, CNRS
éditions, Paris, 454 p.
BLAIZOT Frédérique (2007) - « Traitements, modalités
de dépôt et rôle des céramiques dans les structures
funéraires gallo-romaines » dans BARAY Luc, BRUN
Patrice & TESTART Alain (dir.) - Pratiques funéraires et
sociétés : Nouvelles approches en archéologie et anthropologie
sociale, Actes du colloque interdisciplinaire de Sens en
2003, éditions universitaires de Dijon, Dijon, p. 207-226
BONNABEL Lola et al. (en cours) - La nécropole de Caurel "Le
Puisard" (Marne) : fouille 2001. Rapport inal d’opération
de fouille préventive (DFS). Châlons-en-Champagne :
SRA ; Inrap.
BONNABEL Lola et al. (2009) - LGV Est, la nécropole de
Vrigny "Les Robogniers" (Marne) : fouille 2002. Rapport
inal d’opération de fouille préventive (DFS). Châlonsen-Champagne : SRA ; Inrap.
BONNABEL Lola et al. (en cours) - La nécropole de Caurel "Le
Puisard" (Marne) : fouille 2001. Rapport inal d’opération
de fouille préventive (DFS). Châlons-en-Champagne :
SRA ; Inrap.
CHARPy Jean-Jacques & ROuALET Pierre, éd., (1987) La céramique peinte gauloise en Champagne du VIe au Ier siècle
avant Jésus-Christ, épernay, Musée Archéologique.
CHARPy Jean-Jacques (1991) - « Les situles du Ve siècle
en Champagne : formes et décors » dans NEISS Robert,
PATROLIN Alain & CHARPy Jean-Jacques (dir.) - La
céramique peinte celtique dans son contexte européen, Actes du
symposium international d’Hautvillers en 1987, Société
Archéologique Champenoise (Mémoires de la SAC ; 5),
Reims, p. 41-57.
CHARPy Jean-Jacques (2007) - « Aperçu sur les rites du
feu dans le milieu celtique champenois » dans KRUTA
Venceslas & LEMAN-DELERIVE Germaine (dir.) - Feux
des morts, foyers des vivants : Les rites et symboles du feu
dans les tombes de l’âge du fer et de l’époque romaine, Actes
du XXVIIe colloque international de HALMA-IPEL à
l’université de Lille 3, Revue du Nord, hors-série n° 11,
Lille, p. 87-96.
DEMOuLE Jean-Paul (1999) - Chronologie et société dans les
nécropoles celtiques de la culture Aisne-Marne, du VIe au IIIe
siècle avant notre ère, Revue Archéologique de Picardie,
n° spécial 15, Amiens, 406 p.
DESENNE Sophie, AuXIETTE Ginette, DEMOuLE JeanPaul & THoUVENoT Sylvain, (2007) - « Relets d’une
communauté celtique à travers ses pratiques funéraires :
étude d’un cas, la nécropole de Bucy-le-Long «La
Héronnière» (Aisne) » dans BARAY Luc, BRUN Patrice
& TESTART Alain (dir.) - Pratiques funéraires et sociétés :
Nouvelles approches en archéologie et anthropologie sociale,
Actes du colloque interdisciplinaire de Sens en 2003,
Editions universitaires de Dijon, Dijon, p. 155-167.
DESENNE Sophie, POMMEPuy C. & DEMOuLE JeanPaul, éd. (à paraître) - La nécropole gauloise de Bucy-leLong "La Héronnière" (Aisne), Revue archéologique de
Picardie.
HATT Jean-Jacques & ROuALET Pierre (1977) - « La
chronologie de La Tène en Champagne », Revue
Archéologique de l’Est et du Centre, 28, p.7-36.
HATT Jean-Jacques & ROuALET Pierre (1976) - « Le
cimetière des Jogasses en Champagne et les origines de la
civilisation de La Tène (1ère partie) », Revue Archéologique
de l’Est et du Centre-Est, XXVII, 3-4, p. 421-446.
259
RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne.
HATT Jean-Jacques & ROuALET Pierre (1981) - « Le
cimetière des Jogasses en Champagne et les origines
de la civilisation de La Tène (deuxième partie) », Revue
Archéologique de l’Est et du Centre Est, XXXII, fasc. 1 et 2,
p. 17-63.
KOEHLER Alain et al. (en cours) - La nécropole de
Plichancourt "Les Monts" (Marne) : fouille 1999. Rapport
inal d’opération de fouille préventive (DFS). Châlonsen-Champagne : SRA ; Inrap.
LAMBOT Bernard (1988) - « Les coupes à bord festonné
du Bassin parisien et du Nord de la France », Bulletin de
la Société Archéologique Champenoise, 81, n° 2, Reims, p.3183.
ROuALET Pierre (1991) - « Les vases peints marniens
de La Tène ancienne I dans leur contexte funéraire »
dans NEISS Robert, PATROLIN Alain & CHARPy JeanJacques (éd.) - La céramique peinte celtique dans son contexte
européen, Actes du symposium international d’Hautvillers
en 1987, Société Archéologique Champenoise (Mémoires
de la SAC ; 5), Reims, p. 9-39.
LAMBOT Bernard & VERGER Stéphane (1995) - Une
tombe à char de La Tène ancienne à Semide (Ardennes), Société
Archéologique Champenoise (Mémoires de la SAC ; 10),
Reims, 107 p.
ROZOy Jean-Georges (1987) - Les Celtes en Champagne. les
Ardennes au Second Age du Fer : le Mont Troté, les Rouliers,
Mémoires de la Société Archéologique Champenoise, 4,
Charleville-Mézières, 2 vol.
LENDA Stéphane et al. (en cours) - Caurel "Le Puisard"
(Marne) : fouille 2005. Rapport inal d’opération de fouille
préventive (DFS). Châlons-en-Champagne : SRA ; Inrap.
SAuREL Marion (2002) - « Boire et manger, questions de
pots à Acy-Romance (Ardennes) » dans MENIEL Patrice
& LAMBOT Bernard (dir.) - Repas des vivants et nourriture
pour les morts en Gaule, Actes du colloque de l’AFEAF
de Charleville-Mézières en 2001, Société Archéologique
Champenoise (Mémoires de la SAC ; 16), Reims, p. 247264.
LORENZ Herbert (1978) - « Totenbrauchtum und Tracht.
untersuchungen zur regionalen Gliederung in der frühen
Latènezeit » Bericht der Römisch-Germanischen Kommission,
59, Mainz, p. 1-380.
MALRAIN François, PINARD Estelle & GAuDEFROy
Stéphane (2002) - « La vaissellerie de la moyenne vallée de
l’Oise : De la typologie morpho-fonctionnelle aux statuts
sociaux » dans MENIEL Patrice & LAMBoT Bernard
(dir.) - Repas des vivants et nourriture pour les morts en Gaule,
Actes du colloque de l’AFEAF de Charleville-Mézières en
2001, Société Archéologique Champenoise (Mémoires de
la SAC ; 16), Reims, p. 167-180.
MAZIERE Florent (2007) - « Les indigènes du Midi face
à la mort : l’exemple du Languedoc occidental au VIIe
siècle avant J.-C.» dans BARAY Luc, BRUN Patrice &
TESTART Alain (dir.) - Pratiques funéraires et sociétés :
Nouvelles approches en archéologie et anthropologie sociale,
Actes du colloque interdisciplinaire de Sens en 2003,
éditions universitaires de Dijon, Dijon, p. 133-154
METZLER-ZENS Jeannot et Nicole & MENIEL Patrice
(1999) - Lamadelaine : une nécropole de l’oppidum du
Titelberg, Dossiers d’Archéologie du Musée National
d’Histoire et d’Art VI, Luxembourg, 471 p.
NEISS Robert, PATROLIN Alain & CHARPy Jean-Jacques,
éd., (1991) - La céramique peinte celtique dans son contexte
européen, Actes du symposium international d’Hautvillers
en 1987, Société Archéologique Champenoise (Mémoires
de la SAC ; 5), Reims, 336 p.
260
PARESyS Cécile, MOREAu Catherine & SAuREL
Marion (2009) - La nécropole de Saint-Etienne-au-Temple
"Champ Henry" (Marne) dans VANMOERKERKE Jan
(dir.) - « Le bassin de la Vesle du Bronze inal au Moyen
âge : à travers les fouilles du TGV Est », Bulletin de la
Société Archéologique Champenoise, tome 102, n° 2, Reims,
p. 153-192.
SAuREL Marion (2007) - « Les IVe et IIIe siècles en
Champagne-Ardenne : Apports de l’étude de la vaisselle
des habitats » dans MENNESSIER-JoUANNET Christine,
ADAM Anne-Marie & MILCENT Pierre-yves (éd.) - La
Gaule dans son contexte européen aux IVe et IIIe s. avant notre
ère, Actes du colloque de l’AFEAF de Clermont-Ferrand
en 2003, Monographies d’Archéologie Méditerranéenne,
p. 7-33.
TESTART Alain (2004) - « Deux politiques funéraires :
dépôt ou distribution » dans BARAY Luc (dir.) - Archéologie
des pratiques funéraires : approches critiques, Actes de la
table-ronde de Bibracte en 2001, Glux-en-Glenne : Centre
Archéologique européen, p. 303-316 (Bibracte ; 9).
VERGER Stéphane (1994) - Les tombes à char de La Tène
ancienne en Champagne et les rites funéraires aristocratiques
en Gaule de l’est au Ve avant J.-C., Mémoire de thèse pour
le Doctorat de l’université sous la direction de Claude
Rolley (université de Bourgogne), non publié, 3 vol.
RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne.
L’auteur
Marion SAuREL (INRAP, uMR 8546)
Centre archéologique Saint-Martin sur le Pré, 38 rue desDâts
51520 Saint-Martin sur le Pré
marion.saurel@inrap.fr
résumé
De l’analyse approfondie de nécropoles à différentes rencontres scientiiques en passant par une grande
synthèse à l’échelle de la zone Aisne-Marne, beaucoup de résultats ont déjà été obtenus sur l’évolution de
la pratique du dépôt céramique entre le Ve et le IIIe s. avant J.-C en Champagne et beaucoup de questions,
ouvertes.
un nouveau corpus, relativement conséquent, issu des fouilles préventives récentes, permet de revenir
sur différentes interrogations et de proposer une comparaison directe avec la vaisselle d’habitats. Cette
contribution est centrée sur quelques aspects de la gestuelle funéraire et leur signiication : pratique ou non
du dépôt, quantité de récipients déposés et sélection des récipients. Les forts changements dans la pratique du
dépôt à la charnière des premier et second âges du Fer (nombre, taille et nature des récipients), la « rupture des
4 vases » à La Tène ancienne, la forte représentation de la vaisselle usagée et le jeu de la complémentarité dans
les combinaisons de récipients igurent parmi les principaux éléments mis en avant et objets de discussion.
Mots-clés : céramique, âge du Fer, funéraire, Champagne.
abstract
The detailed study of burial sites, a series of scientiic symposia, and the comprehensive synthesis covering
the Aisne-Marne area have together yielded an already considerable body of evidence concerning the evolving
practice of ceramic deposits between the 5th and 3rd centuries B.C. in the Champagne district. Multiple avenues
of exploration have been opened.
A new fairly large corpus yielded by recent preventive excavations enables us to re-examine a number of
questions and to suggest a direct comparison with the domestic ware. This paper focuses on certain aspects
of the burial rites and their meaning: presence or absence of an offering; the number of vessels, and how
they were chosen. The important changes in offering practices at the transition between Hallstatt and La
Tène (number, size and kind of recipients), the “rupture des 4 vases” in Early La Tène, the large proportion
of already used ware and the various combinations in which the different recipients appear, such are, among
others, the main questions presented and discussed.
Key words : pottery, Iron Age, funeral, Champagne region.
Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX.
Zusammenfassung
Von der eingehenden Analyse von Nekropolen über eine umfassende Synthese im Raum der Aisne-MarneKultur bis hin zu verschiedenen Treffen von Wissenschaftlern liegen zu der zwischen dem 5. und dem 3. Jh. v.
Chr. in der Champagne beobachteten Sitte, dem Verstorbenen Keramikgefäße mit ins Grab zu geben, bereits
zahlreiche Ergebnisse vor. Daneben stehen noch viele Fragen offen.
Ein neues, relativ umfangreiches Corpus aus neueren Rettungsgrabungen bietet Gelegenheit, auf einige
Fragen zurückzukommen und einen direkten Vergleich mit der Siedlungskeramik anzustellen. Dieser
Beitrag betrifft insbesondere bestimmte Aspekte der Bestattungsrituale und deren Bedeutung: Deponierung
oder nicht, Menge und Auswahl der deponierten Gefäße. Die bedeutenden Änderungen, welche die Sitte
des Keramikdepots an der Wende von der älteren zur jüngere Eisenzeit erfährt (Anzahl, Größe und Art der
Gefäße), der "Bruch der 4 Gefäße" in der Frühlatènezeit, die starke Präsenz von gebrauchtem Geschirr und die
Komplementarität der Gefäßkombinationen zählen zu den wichtigsten Elementen und Diskussionsthemen.
Schlüsselwörter : Keramik, Eisenzeit, Bestattung, Champagne
Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr).
261
RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer
DIsCUssIon
tHèME : LEs DépÔts
Modérateur Jean-Jacques CHarpY
Luc Baray pour Murielle Rufieux
L. B. : êtes-vous sûre que les tombes, les ensembles
que vous appelez tombes en fosse, sont véritablement des
tombes et ne sont pas liés aux sépultures que vous appelez,
nommez sépultures en enclos ? Est-ce qu’il s’agit de deux
choses différentes ou de choses complémentaires ?
M. R. : Je ne sais pas, pour être sûre que ça soit deux
choses qui aillent ensemble, je pense qu’il pourrait y avoir
des collages entre les os, quelque chose comme ça. La
faible quantité d’os que l’on a dans ces tombes ne permet
pas vraiment de répondre.
Isabelle Le Goff pour Murielle Rufieux
I. L.-G. : Au sujet de Frasses, également quelques
questions et une remarque, dans le bûcher vous aviez des
ossement de conservés, en place, encore ? C’est un bûcher
vide ? Des matériels cassés, des céramiques ?
M. R. : Alors par rapport à la structure rectangulaire
que l’on interprète comme la structure de combustion,
c’est une structure avec des parois très rubéiées, et puis
un peu de charbons dedans. Elle est attribuée par un C14
sur les charbons, une datation large à La Tène inale,
on n’a pas d’autre occupation de cette période, on l’a
rattachée à la nécropole.
I. L.-G. : Pour la compréhension des structures de
Frasses, on a peut-être intérêt à ouvrir sur des périodes un
peu plus récentes, je pensais à des sites du Haut-Empire
où l’on a la chance d’observer une multiplication des
formes de structures liées à la crémation (des bûchers, des
fosses avec du mobilier cassé et brûlé, des fosses avec des
os épars, tombes etc). Dans le Nord et le Pas-de-Calais,
notamment, je pensais aux sites de Steene, de Cassel et
de Bully-les-Mines. Ils offrent l’occasion d’observer le
rapport spatial entre ces différentes formes de structures.
Il y a une séparation marquante entre les fonctions. On a
d’un côté les bûchers et les fosses à résidus de combustion
et mobilier cassé et les tombes de l’autre. On pourrait
dire qu’il y a une sectorisation par type d’activité, une
organisation de l’espace selon les différentes séquences
des funérailles. Aussi, je me demandais si à Frasses, on ne
pourrait pas avoir affaire à un espace qui est plutôt dévolu
au traitement du corps plutôt qu’à son ensevelissement.
Est-ce qu’il s’agit vraiment de sépultures ?
Jean-Jacques Charpy : Il n’y a pas de réponse immédiate
de l’auteur.
Stéphane Marion pour Murielle Rufieux
S. M. : Les petits objets en argile cuite, cela m’évoque
quelque chose qui est d’un domaine culturel radicalement
différent, qui sont ce qu’on appelle des géométriques
dans le Néolithique du Proche-Orient, et les premiers
néolithiques de la Grèce. On ne sait pas non plus à quoi
à ça sert, c’est parfois interprété comme des pièces de
compte : des jetons pour compter. C’est au moment où
l’on développe l’élevage, il faut que l’on puisse compter,
hypothèse recevable éventuellement. L’autre possibilité,
dont on connaît quelques exemples, pour des objets qui
ne ressemblent pas du tout à ça, mais dans les tombes de
La Tène inale, notamment une tombe d’Angleterre dont
j’ai oublié le nom, cela pourrait être des jetons de jeu.
Nathalie Ginoux : Colchester.
S. M. : Voilà Colchester, merci Nathalie.
Jean-Jacques Charpy : Ils sont en verre.
S. M. : oui, oui, ils sont en verre, ils ne ressemblent pas
du tout, à ce que nous avons vu.
J.-J. C. : Je voulais précisément faire allusion à ces
objets. Effectivement ce sont des pions. à Colchester, ils
sont en verre avec des décors en spirale de pâte de verre
blanche rapporté sur une matrice qui est bleue sombre
ou jaune. à propos des bracelets iliformes en bronze de
type à une spire et demi en général ; ce sont des bijoux
qui apparaissent dans le milieu celtique occidental,
donc chez nous, dans le courant du IIIe siècle. Ils n’ont
aucune antériorité directe. Ils sont caractéristiques d’une
relative courte séquence chronologique. Ils disparaissent
des tombes de la période La Tène inale. Je parle sous
le contrôle de Bernard, qui connait mieux que moi le
mobilier La Tène inale.
Lola Bonnabel pour Luc Baray
Lo. B. : Je pense que tous les gens qui travaillent sur
le funéraire savent que le monde des morts n’est pas
le relet du monde des vivants, que l’on a affaire à un
discours et que ce discours est idéologique, qu’il peut être
effectivement, tenu, manipulé par les pouvoirs politiques
ou religieux. Maintenant par rapport à la composition
elle-même du dépôt, il me semble qu’il y a une différence
entre le dépôt lui-même, qui forcément va être une
construction avec différents objets qui vont être apportés,
qui vont être mis en scène et les objets de la personne
eux-mêmes qui seront peut être davantage des objets de
statut, même s’ils ne peuvent pas non plus être interprétés
de manière directe, puisque l’on peut être un esclave et
avoir de très beaux bijoux. Mais je me demande s’il n’y
a pas effectivement une interprétation différentielle qui
doit se faire entre ce qui fait partie de la mise en scène
dans la tombe et ce que porte le défunt de son vivant, puis
pendant sa mort.
Lu. B. : Je ne rejette pas le fait que le dépôt funéraire ait
une dimension statutaire, ce que je dis c’est que le dépôt
funéraire n’a pas qu’une dimension statutaire, ça c’est la
première chose. La seconde chose, effectivement, il y a des
objets dont on peut faire plusieurs groupes, le groupe des
objets personnels, le groupe éventuellement du viatique,
le groupe des objets de prestige qui renvoie à un statut,
etc… Donc, on peut faire des groupes, effectivement
au sein d’une structure aristocratique, compte tenu de
la prééminence sociale du défunt, compte tenu de sa
richesse, même si je n’aime par trop employer ce terme, il
va y avoir des objets personnels qui vont être ambivalents,
qui seront à la fois des objets personnels mais compte
tenu de l’investissement en temps, en matériaux, en
technique et autres, vont être des objets privilégiés, que
l’on peut interpréter comme des objets de prestige. Donc,
ce sont, dans ce type de contexte, des objets ambivalents
qui ne renvoient pas uniquement au statut du défunt ; ils
ne renvoient pas uniquement à l’individu en tant que tel
parce que ce sont des objets de prestige, parce que ce sont
263
RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer
des objets qui renvoient à sa personne, etc… Ce sont des
objets ambivalents et c’est en cela que c’est une mise en
scène, une sémiosphère, comme le dit Laurier Turgeon,
c’est-à-dire c’est une construction qui va agglomérer des
temps différents et des niveaux d’appréhension sociaux
différents. Des temps différents parce que l’on a des objets
anciens, des objets récents ; des niveaux d’appréhension
sociaux différents parce que ces objets renvoient au
statut du défunt, mais aussi à ces différents rôles sociaux,
comme à son identité. Donc c’est vraiment quelque chose
d’idéologique, de construit ; c’est la raison pour laquelle on
peut avoir de manière globale, des femmes avec des chars
ou des enfants avec des chars. Alors on peut toujours dire
c’est le signe d’une transmission héréditaire du pouvoir,
mais on peut aussi dire que c’est tout simplement un
renvoi à une position idéologique qui n’a rien à voir avec
le statut réel de l’individu.
Jean-Jacques Charpy à Nathalie Ginoux
J.-J. C : à propos de la tombe d’Hordain, ce qui m’a
frappé et intéressé, c’est justement la juxtaposition du
double mors d’un côté et du mors supplémentaire, qui
laisserait supposer effectivement…
N. G. : quels mors, mors avec un s ?
J.-J. C. : Oui, les mors avec un s, les mors de chevaux,
de l’attelage et du mors complémentaire et de la différence
entre cette paire de mors en fer et le mors en bronze qui
est écarté des deux précédents.
N. G. : Il y a aussi deux morts, ce qui est intéressant. Il
y a trois mors S et deux morts T.
Sébastien Ducongé à Nathalie Ginoux
S. D. : Pour les sépultures à char de Gaule Belgique,
sur votre carte, je n’ai pas pu voir le point de Soissons ?
N. G. : Si, si.
S. D. : Il y était ? Bon, comme ce sont des sépultures
qui ne sont toujours pas étudiées.
N. G. : Si, si, c’était dans le tableau et sur la carte.
Jean-Jacques Charpy : Il n’y a toujours rien d’étudié
pour Soissons, c’est un lot d’objets sortis d’un trou.
De Nathalie Soupart à Ginette Auxiette
N. S. : Je me demandais si les portions de carcasses
animales retrouvées dans les tombes sont des portions
consommables, les meilleurs morceaux ou bien des
morceaux plus vulgaires, que l’on met dans la tombe et
que l’on donne au défunt pour éviter de les consommer
soi-même ?
G. A. : Alors c’est une notion délicate à manipuler car
notre regard contemporain sur les meilleurs morceaux
n’est pas forcément celui de nos ancêtres, ce que l’on
peut dire, c’est que l’on a beaucoup de morceaux qui
représentent des masses de viande conséquentes et qui
sont déposés avec la viande autour à l’exception des
rachis qui apparaissent au cours de La Tène moyenne et
qui eux sont décharnés.
De Frédéric Gransar à Stéphane Marion
F. G. : Tu as montré une arme, j’ai cru comprendre
ibère, est-ce que l’on peut la mettre en relation avec le
mercenariat IIIe siècle dans le bassin méditerranéen par
exemple ?
S. M. : Oui c’est globalement possible évidemment,
c’est une grande lance tout en fer, un soliferreum, type
d’arme qui apparaît le plus anciennement dans les
Pyrénées au Ve siècle, qui est utilisée par les Ibères, que
l’on retrouve dans certaines tombes ibères et qui est décrit
par les auteurs antiques comme une arme typiquement
ibérique, ils se les prenaient sur la igure donc ils ont
bien vu d’où elles venaient. Elles étaient évidemment
utilisées par des mercenaires ibères qui peuvent servir
dans les armées antiques, elles sont utilisées jusqu’au Ier
siècle avant notre ère. On a une mention littéraire, d’une
bataille où les Ibères se servent de ce type d’arme. Donc
évidemment, elle est un peu exotique dans nos contrées,
264
savoir à quoi ça correspond, on n’en sait pas grand-chose,
ce qui est sûr c’est que le reste du mobilier de la tombe,
je n’ai pas eu le temps de le détailler, n’est pas ibérique.
Donc ce n’est pas un Ibère qui est venu se faire enterrer,
ce qui était éventuellement une hypothèse possible, là
ce n’est pas le cas. Mais, globalement, chaque objet de
cette tombe est bizarre, ils sont clairement de tradition
celtique, mais ils ne sont pas connus dans ces types précis
notamment une ibule en fer qui doit faire 25 cm de long,
dont on connaît trois exemplaires ailleurs, décorées de
corail mais en bronze et plus petites.
Jean-Jacques Charpy : Pour rebondir sur ce que tu
viens de dire, je veux signaler que pour les ibules qui
ont en général de grandes dimensions, les travaux de
nos collègues tchèques et slovaques ont montré que ces
grandes ibules étaient en général liées à la présence du
linceul dans la sépulture. Elles n’avaient pas le même
rapport direct avec l’équipement personnel du défunt. à
propos des importations, je dois aussi signaler la lampe,
issue d’Italie du sud qui a été trouvée dans la sépulture 29
de Gourgançon "Les Poplainnaux" qui est aussi un isola
dans un milieu celtique du IIIe siècle en Champagne. Elle
fait partie de ces pièces qui ont pu être importées mais qui,
à mon sens, sont liées au mercenariat, comme celle que
nous venons de voir au cours de l’exposé de S. Marion.
Choisir l’une ou l’autre hypothèse ! C’est un problème
d’interprétation personnelle autour des découvertes qui
sont faites dans nos diverses régions.
Jean-Jacques Charpy pour Marion Saurel
J.-J. C : Pour répondre à ton interrogation sur le gros
vase sphérique sur pied. C’est à mon sens et dans celui
de Pierre Roualet qui a travaillé sur cette question de
l’évolution des formes ; c’est apparemment et avec les
réserves nécessaires, au vu de la photographie présentée,
et en ignorant tout du contexte, un modèle de l’évolution
de la forme en bulbe d’oignon datable de la in du Ve s.
Ce type apparaît dès le bronze inal, au RSFo. Il connaît
une évolution continue dans la région. Maintenant,
il faut vériier quel est le contexte de la tombe. Je ne le
connais pas. un exemple laténien ancien est celui de Vertla-Gravelle "Le Moulin" (Marne), un qui pourrait être
contemporain est celui de Beine "L’Argentelle" (Marne).
On peut encore citer celui de "Commelles" qui est au
musée de Reims mais, il y en a des quantités d’autres. Ils
sont plus ou moins décorés.
M. S. : En tout cas ce n’est pas facilement lisible pour la
in du Hallstatt. Pour le milieu et la in du Hallstatt, on n’a
pas de formes qui se rattachent très directement à celle de la
tombe de Witry-lès-Reims. Je me pose aussi la question : s’il
n’y a pas un lien avec la forme du dinos grec plus ancienne,
et/ou avec des formes de bassins métalliques. Le dinos c’est
une forme arrondie, comme ça, mais qui est normalement
sur un support, avec le fond arrondi.
J.-J. C : La forme bassin en céramique est très peu
représentée, on en connaît 3 exemplaires dont un
provient de Villeneuve-Renneville. Pour répondre à une
autre interrogation qui était la tienne, par rapport aux
décors, dans le secteur de Reims, depuis l’exposition de
1987, P. Roualet a montré que la présence de céramique
peinte dans le secteur de Reims était relativement
rare et nettement moins fréquente que dans le secteur
châlonnais. C’est particulièrement évident quand on
voit les vases de Sarry. Ils entrent complètement dans les
séries homogènes du secteur est de la Marne, c’est-à-dire
Suippes ou Châlons par rapport à ce qui existe dans le
secteur de Reims, par contre le vase de Vrigny que l’on
vient de voir entre dans les séries de productions que l’on
va retrouver jusque dans l’Aisne, où les grandes formes
n’existent que très rarement chez nous dans la Marne.
L’apprentissage par la manipulation montre qu’il y a des
variantes de couleur, de toucher que l’on peut déceler au
niveau des terres de fabrication, mais on rentre dans un
problème qui n’est pas celui de cette rencontre.
RAP - 2009, n° 3/4, Pascal Joyeux, Quelques sépultures du second âge du Fer à Orléans.
QUELQUEs sépULtUrEs DU sEConD âGE DU FEr à orLEans
Pascal JOyEuX
avec la collaboration d’Hervé HERMENT
Parmi les sépultures dites « gauloises »
mentionnées dans la littérature orléanaise, cinq
individus découverts ces dernières années,
permettent d’illustrer les questions qui se posent à
propos des espaces funéraires de la ville gauloise
d’Orléans. Elles proviennent de deux sites proches,
situés en milieu fortement urbanisé (ig. 1 et 2).
Jesset (Afan) a mis en évidence la présence de trois
sépultures. En 2004, au 8-10 rue Porte Madeleine
(O.126), une fouille conduite par Pascal Joyeux
(Inrap) à 50 m au sud-ouest de la précédente a
permis la découverte de deux nouvelles sépultures.
Cet ensemble (tab. I) a été réétudié par Pascal Joyeux
(Inrap), avec les autres sépultures connues, dans le
cadre d’une action de recherche collective menée
sous la direction de Thierry Massat (Inrap) : Orléans
gaulois : aux origines de la ville.
La fouille du 18 rue Porte Saint-Jean (O.097)
réalisée en 1999 sous la conduite de Sébastien
O.003
DiG.027
O.097
O.126
O.106
O.101
O.093
La Loire
100 m
O.003 - Campo Santo
O.093 - Ilot de la Charpenterie
O.101 - Halles-Chatelet
500 m
Découvertes anciennes (gauloises)
O.106 - Place De Gaulle
DiG.027 - Ilot 4
Restes humains
Sépultures
Hypothèse de l'emprise de l'agglomération
Fig. 1 - Localisation des restes humains Laténiens d’Orléans.
Quelques sépultures du second âge du Fer à Orléans.
265
RAP - 2009, n° 3/4, Pascal Joyeux, Quelques sépultures du second âge du Fer à Orléans.
ORL-Sep1
ORL-Sep2
les données de la thèse de Sandrine Riquier (Inrap),
des années -180/-150 pour les enfants ORL-Sép 1 et
ORL-Sép2, et des années -130/-110 pour les adultes
ORL-Sép4 et ORL-Sép5.
parUrE Et MoBILIEr D’aCCoMpaGnEMEnt
ORL-Sep3
O
Les 5 sépultures comportent du mobilier, en
nombre variable, et de types divers.
.0
97
L’individu périnatal (ORL-Sép3) est accompagné
d’un élément en fer (ibule ?) tandis que les enfants
(ORL-Sép1 et ORL-Sép2) sont accompagnés à la fois
d’un vase, d’une ibule et d’ossements animaux. Les
jeunes adultes (ORL-Sép4 et ORL-Sép5) sont eux
accompagnés de vases.
ORL-Sep 4
ORL-Sep 5
O.126
10 m
50 m
Fig. 2 - Localisation des sépultures et dépôts animaux des
sites O.126 et O.097.
répartItIon par sEXE Et âGE
DEs DéFUnts
Les estimations de l’âge au décès et du sexe de ces
cinq individus ont été réalisées par Aurore Schmitt
(CNRS, uMR 6578). Les détails de la méthode sont
disponibles dans le cadre des résultats de l’action
de recherche collective.
Les trois sépultures du site O.097 sont des enfants.
Le premier (ORL-Sép1) est un individu de 4 à 13
mois, le deuxième (ORL-Sép2) est un individu de 9
à 21 mois et le troisième (ORL-Sép3) est un périnatal
(entre 8 et 9 mois lunaires). Les deux individus de
site O.126 sont de jeunes adultes (ORL-Sép4 : 18-23
ans, ORL-Sép5 : 21-25 ans). En dehors de ce dernier
cas (probablement une femme), le sexe des inhumés
ne peut pas être déterminé.
DatatIon DEs sépULtUrEs
à l’exception de la sépulture ORL-Sép3, toutes
les sépultures sont datées grâce au mobilier déposé
dans les fosses. Ce mobilier est attribuable, selon
La position des ibules est le plus souvent inconnue,
leurs restes n’ayant pas été perçus à la fouille et ayant
été prélevés avec les ossements. Seule la sépulture
ORL-Sép2 permet de connaître la position générale
de la ibule : au niveau des vertèbres cervicales du
défunt, sans plus de précision.
Tous les dépôts de céramique se font sur le côté
droit. Les vases sont déposés au niveau des jambes
pour les enfants (ORL-Sép1 et ORL-Sép2), et vers
la partie supérieure du corps (épaule et tête) pour
les adultes (ORL-Sép4 et ORL-Sép5, précision étant
faite que cette dernière est amputée de la partie
inférieure).
Dans deux cas (ORL-Sép1 et ORL-Sép5), il
semble que les vases sont déposés sur des éléments
disparus (matériaux périssables ?), légèrement en
surélévation du corps. Cette position surélevée est
également visible pour le vase de la sépulture ORLSép2, déposé sur un méplat plus élevé que le fond
de la fosse.
Il convient de noter que tous les vases, sans
exception, portent des traces d’usure, et ne sont pas
déposés neufs.
Les dépôts de restes animaux sont au nombre
de deux. Dans la sépulture ORL-Sép1, il s’agit
d’ossements déposés dans le vase. Ils n’ont pas été
étudiés lors de la fouille et n’ont pas été retrouvés au
dépôt de la DRAC lors de notre recherche. Pour la
Adresse
Code site
Site « orléans gaulois »
Référence interne au site
Référence « Sépultures
orléans gaulois »
18 rue Porte Saint-Jean
45.234.097
O.097
Sépulture 1
ORL-Sép 1
18 rue Porte Saint-Jean
45.234.097
O.097
Sépulture 2
ORL-Sép 2
18 rue Porte Saint-Jean
45.234.097
O.097
Sépulture 3
ORL-Sép 3
8-10 rue Porte Madeleine
45.234.126
O.126
Sépulture 1
ORL-Sép 4
8-10 rue Porte Madeleine
45.234.126
O.126
Sépulture 2
ORL-Sép 5
tab. I - Correspondance entre les références internes aux sites et le ichier du projet « orléans gaulois ».
266
RAP - 2009, n° 3/4, Pascal Joyeux, Quelques sépultures du second âge du Fer à Orléans.
sépulture ORL-Sép2, il s’agit d’une hémi-mandibule
de porc et de deux fragments de crâne (appartenant
possiblement au même individu), posés sur l’hémithorax gauche de l’inhumé.
Trois fosses ont livré chacune les restes d’un ovin,
une a livré les restes de quatre ovins (dont au moins
un mâle et une femelle) et une a livré trois aigles
(une femelle reposant sur deux mâles).
UnE néCropoLE DE L’âGE DU FEr ?
Ces dépôts concernent des ovins dont l’âge, dans
les six cas où il a pu être déterminé, est compris
entre 8 et 10/11 mois. Ils sont tous déposés sur le
lan gauche et tête au sud, tournée vers l’ouest.
Les aigles (pygargues à queue blanche : Haliaeetus
albicilla) sont des adultes, déposés sur le ventre, tête
au sud.
La présence d’un ensemble aussi limité et
disparate pose de nombreuses questions. En premier
lieu, ces cinq sépultures, de datation légèrement
différente, appartiennent-elles au même espace
funéraire, utilisé sur une période longue ? En ce cas,
la découverte des enfants et des adultes en deux
groupes séparés est-elle le relet d’une séparation
physique effective, ou d’un biais apporté par les
conditions d’intervention ?
La présence de ces sépultures, le long de ce qui
est considéré comme un axe de circulation majeur de
la ville, et probablement en dehors de cette dernière
revêt-elle une signiication particulière ?
DEs DépÔts partICULIErs
Sur le site O.126, à quelques mètres au nord
des sépultures, des dépôts spéciiques ont été mis
en évidence. Il s’agit de 5 fosses ayant livré des
squelettes d’animaux (étude Stéphane Frère, Inrap).
Un LIEu CONSACRé CHEZ LEs CarnUtEs ?
Cette proximité entre des sépultures et cette série
de dépôts (dont la datation reste vague, de La Tène
inale) ainsi que l’identité entre les positions des
défunts et des animaux (tête au sud), les groupements
de structures selon leur nature (sépultures d’enfants
au nord, dépôts animaux au centre, sépultures
d’adultes au sud) laissent envisager la présence d’un
ensemble très structuré. L’hypothèse actuellement
privilégiée est celle de dépôts d’accompagnement
des défunts, vraisemblablement réalisés dans un
espace spéciiquement consacré au sein de l’espace
funéraire.
Les auteurs
Pascal JOyEuX, Inrap, centre archéologique d’Orléans, 525 avenue de la Pomme de Pin,
F - 45590 Saint-Cyr-en-Val
Hervé HERMENT, Inrap, centre archéologique d’Orléans, 525 avenue de la Pomme de Pin,
F - 45590 Saint-Cyr-en-Val
267
RAP - 2009, n° 3/4, Marc Gransar, La nécropole gauloise de Bucy-le-Long "Le Fond du petit Marais" (Aisne).
La néCropoLE GaULoIsE DE BUCY-LE-LonG
“LE FonD DU pEtIt MaraIs“ (aIsnE)
Marc GRANSAR
IntroDUCtIon
La nécropole de Bucy-le-Long "Le Fond du
Petit Marais", localisée en rive droite de l’Aisne à
5 km à l’ouest de Soissons, occupe une supericie
de 3 200 m2. Elle comprend 66 sépultures et 15
monuments s’organisant de manière linéaire
selon un axe nord/sud, en deux groupes distincts
séparés d’au moins 30 m. De nombreux monuments
funéraires sont présents et renferment des tombes
riches. L’extension du cimetière semble reconnue
bien que la destruction préalable d’une zone
intermédiaire entre les deux noyaux principaux
doive nous exhorter à la prudence. L’occupation
du cimetière débute à La Tène C1, le rituel est alors
l’inhumation et se poursuit à La Tène C2 puis D1
par le rite de l’incinération. La nécropole n’est
bordée d’aucun enclos fossoyé (ig. 1).
strUCtUratIon spatIaLE DE La
prEMIErE pHasE (La tène C1)
Les 27 sépultures à inhumation de la première
phase (La Tène C1) s’organisent autour d’une tombe
à char monumentale (St 258) considérée comme la
tombe fondatrice de la nécropole (brun et al. 1990
a et b et 1991, poMMepuy et al 2000). L’organisation
générale du cimetière laisse penser que cette
sépulture était toujours visible et entretenue
plusieurs décennies après son édiication. Elle n’a
subi aucun recoupement. Les restes du défunt
indiquent qu’elle était occupée par un adulte. Des
inhumations en fosses simples s’organisent autour
du monument en une rangée nord-sud à l’est (St
252, 255, 263, 256, 265, 261, 260, 262, 264, 257) et une
autre est-ouest au sud (St 252, 254, 249, 250, +248?).
un alignement nord-sud de 2 fosses simples semble
ébauché à l’ouest (St 259 et 266). Toutefois, deux
sépultures n’obéissent pas à l’orientation générale
des tombes (St 257 et 266) et se présentent selon
un axe nord-sud. L’une des deux (St 266) présente
cependant certaines particularités car elle est
occupée par deux défunts de sexe différent inhumés
sans leurs crânes, ces derniers ayant été prélevés
avant le dépôt des corps suite à une décapitation
(détermination y. GuiChard, dans brun et al.1992).
La nécropole gauloise de Bucy-le-Long "Le Fond du petit Marais" (Aisne).
Les enclos (St 305 et 297) semblent également
avoir joué un rôle structurant dans l’agencement
des tombes simples. L’enclos de la St 305 s’aligne
parfaitement au nord avec la tombe à char (St 258)
et la rangée de fosses simples orientée nord-sud le
borde complètement. L’enclos de la structure 297
peut avoir été ajouté ultérieurement car bien que
présentant la même orientation que l’enclos 305, il
est disposé en décalé vers l’ouest. Aucune sépulture
n’est implantée entre ces trois monuments.
La tombe à bâtiment sur 4 poteaux St 247 marque
la jonction entre les deux groupes de monuments
fossoyés (St 258, St 297 et St 305 au nord et St 245
et St 279 au sud). Les espaces inter-sépulcraux
semblent parfaitement respectés, sans recoupement
de structures. L’enclos carré sans sépulture (St 245)
est implanté très tôt et plusieurs tombes simples
viennent s’installer sur son côté est (St 267, 295, 293
et 294), comme pour les monuments des structures
258 et 305. Cet alignement se prolonge vers le sud par
une inhumation à bâtiment sur 4 poteaux (St 288) et
une inhumation en fosse simple (St 290) et pourrait
être lié à l’enclos St 245 ou à l’enclos à 3 côtés St 279,
indiquant la contemporanéité de ce dernier.
strUCtUratIon spatIaLE DE La
sEConDE pHasE (La tène C2)
La seconde phase d’occupation du cimetière (La
Tène C2) se caractérise par l’extension géographique
des sépultures vers le sud, dans le prolongement
axial initié à La Tène C1. Aucun monument bâti ou
fossoyé n’a été observé parmi le groupe des quinze
incinérations de cette seconde phase. Il est dificile
d’appréhender une quelconque organisation dans
l’implantation géométriquement aléatoire des
sépultures de ce noyau. Il existe cependant différents
degrés de richesse dans les tombes.
strUCtUratIon spatIaLE DE La
troIsIEME pHasE (La tène D1)
La structuration spatiale de la nécropole à la
troisième phase (La Tène D1) montre un éclatement
de l’espace funéraire en trois noyaux distincts.
269
RAP - 2009, n° 3/4, Marc Gransar, La nécropole gauloise de Bucy-le-Long "Le Fond du petit Marais" (Aisne).
Fig. 1 - Plan phasé de la nécropole gauloise de Bucy-le-Long
“Le Fond du Petit Marais“. En bleu : phase 1 (La Tène C1) inhumation ; en rouge : phase 2 (La Tène C2) - incinération ; en
jaune : phase 3 (La Tène D1a) - incinération ; en rose : phase 3
ou 4 ? (La Tène D1a ou D1b ?) - inhumation ; en gris : sépulture
non-datée ; trait plein : limite de décapage ; trait pointillé :
limite de présentation du plan (d’après P. brun).
315
308
312
N
303
-314-
307
299
0
298
306
297
305
257
264
10m
262
260
261
265
256
263
255
259
266
258
251
250 249 254
252
248
253
247
246
267
295
293
-245268
294
-289- 244
242
287
425
243
282 283
273
275
291
292
276
274
-279286
284
285
280
278
281
277
ZONE DETRUITE
103
100
2
101
104
110
270
102
288
290
Le premier consiste en une extension
septentrionale du cimetière, en continuité
métrique et axiale avec la première phase. Le
groupe d’incinérations au nord s’organise autour
du bâtiment, sans tombe, à 8 poteaux (St 314). un
monument à 4 poteaux vient s’accoler à l’ouest
(St 303) et trois fosses simples à l’est (St 298, St 299
et St 307).
Le second noyau vient s’implanter au sein du
groupe primitif, généralement en s’intégrant à la
trame précédente (recoupement de structures
St 246, St 425 etc …) et parfois en léger décalage, tout
en respectant les monuments précédents (St 251).
un groupe intermédiaire composé de 5 sépultures
à incinération (St 242, 243, 244, 287 et 425) est situé
au sein du noyau principal formant une grappe
compacte dont l’organisation spatiale reste dificile
à cerner. Le groupe central composé d’un bâtiment
à 8 poteaux, St 251, et d’un bâtiment à 4 poteaux
pour la structure 246 semble lié spatialement au
noyau primitif organisé auprès de la tombe à char
St 258. L’implantation de la sépulture à monument
251 respecte à la fois l’alignement axial de la
nécropole et la présence de deux inhumations de
la première phase, dont celle très particulière des
deux individus décapités (St 266). L’incinération
monumentale St 246 vient s’accoler strictement à
l’inhumation monumentale de la première phase
St 247, qui devait encore être visible, en recoupant
deux inhumations simples d’enfants St 253 et St
267 dont la présence ne devait plus être attestée en
surface.
Le troisième et dernier noyau de La Tène D1
représente une extension méridionale de l’espace
funéraire, toujours selon l’axe nord-sud des phases
précédentes, mais cette fois en discontinuité
spatiale. Au moins 30 m séparent ce troisième
groupe de 7 incinérations du noyau primitif.
Ce groupe isolé au sud s’organise à proximité
des monuments des St 101 et St 2, composés de
bâtiments à 8 poteaux. Le monument de la St 101
est toutefois plus massif et possède deux tranchées
de fondation interrompues ménageant deux
accès à la sépulture. Plusieurs fosses sépulcrales
simples sont associées à ces tombes fondatrices. La
sépulture St 102 est liée au monument de la St 101 et
les tombes simples St 103, St 104 et St 110 semblent
fonctionner avec la St 2. La tombe St 100, lanquée
d’un bâtiment à 4 poteaux prolonge l’alignement
vers l’ouest. La construction de ces trois
monuments, qui ne sont peut-être pas strictement
RAP - 2009, n° 3/4, Marc Gransar, La nécropole gauloise de Bucy-le-Long "Le Fond du petit Marais" (Aisne).
contemporains, indique que la chronologie
entre ces bâtiments débuterait avec la tombe
fondatrice St 101, par analogie avec les groupes
précédents, sa particulière monumentalité ainsi
que la richesse du dépôt. Puis viendrait s’accoler
le monument de la St 2, présentant un dépôt
funéraire abondant, mais surmonté d’un bâtiment
plus petit. un troisième monument à 4 poteaux, St
100 (cénotaphe), viendrait ensuite s’accoler à la St
2. Les tombes en fosses simples n’ont été creusées
qu’après la construction des monuments car aucun
recoupement de ces structures n’a été observé.
Le mobilier déposé près de la défunte en structure
268 place cette tombe dans la phase récente, mais
celle-ci présente certaines particularités concernant
son orientation, sa profondeur ainsi que dans le
rituel utilisé, l’inhumation. Le rattachement de cette
sépulture à la phase La Tène D1 reste dificile. Cette
sépulture pourrait être une des toutes dernières à être
implantée sur ce cimetière. Aucune stratigraphie n’a
pu être observée avec l’enclos St 245 et implique donc
que la tombe a été creusée alors que le fossé d’enclos
était encore partiellement ouvert. L’hypothèse de
l’ancienneté de cet enclos, dans la mesure où il
est spatialement respecté, suppose qu’il soit resté
visible, voire entretenu, jusqu’à la in de l’utilisation
de la nécropole. Le bâtiment à 4 poteaux St 289, sans
tombe associée mais dont l’un des poteaux recoupe
la fosse à incinération St 243, appartient à une phase
récente et reste énigmatique car les poteaux nord
s’alignent sur ceux de la sépulture à inhumation
St 288. La sépulture qui devait se trouver sous le
monument a probablement disparu.
LEs FossEs sépULCraLEs
L’orientation des tombes, ainsi que la forme des
fosses sépulcrales, varient d’une phase à l’autre. à
La Tène C1, l’orientation préférentielle des tombes
est ouest-est, mais deux sépultures se détachent du
rituel par une orientation nord-sud. à La Tène C2,
la plupart des limites de fosses sont dificilement
lisibles, mais il semble qu’il n’y ait pas de règle
particulière. L’orientation est nord-sud ou estouest. Pour la phase la plus récente (La Tène D1),
les fosses du groupe sud sont orientées nord-sud.
Le groupe central et celui du nord sont composés
de fosses carrées ou oblongues dont les orientations
varient d’est-ouest à nord-sud. Conjointement
à l’alignement très rigoureux des sépultures à
inhumation sur les côtés est des enclos carrés de la
phase ancienne, l’orientation des tombes du groupe
d’incinérations au sud de la nécropole présente une
grande homogénéité.
La popULatIon DE La néCropoLE
Toute la population est enterrée sans distinction
sexuelle ou physique. Les hommes, les femmes, les
adolescents, même présentant des particularités
anatomiques comme le bossu en St 264, ainsi que
les enfants, sont présents dans ce cimetière. Les
sépultures d’enfants sont organisées à proximité
des enclos St 245 et St 279 mais également au sein du
groupe des inhumations autour de la tombe à char
258 (St 248, St 250 et St 261). Certains ont même droit
à un enclos (St 305) ou à un bâtiment à 4 poteaux
(St 247 et St 288). Elles sont pour la plupart sans
mobilier associé ce qui ne facilite pas leur attribution
à une phase particulière de la nécropole. Toutefois
la sépulture à inhumation St 312 recoupe le poteau
nord-est du monument St 303 et appartient donc à
une phase récente. La localisation des tombes St 308
et St 315, tout à fait au nord du groupe de La Tène
D1, donc très éloignée des phases anciennes, permet
de les associer à une phase récente. La position de la
sépulture St 306 est plus ambiguë car elle peut aussi
bien se raccrocher au noyau primitif qu’au groupe
le plus récent, au nord.
Toutes les tombes d’enfants sont des
inhumations, excepté les St 274 et St 278 qui sont
des incinérations appartenant au groupe de La Tène
C2. un changement de rituel s’opère ici. à La Tène
C1, les enfants sont inhumés soit avec les adultes
(autour de l’enclos St 258), soit à part (autour des
enclos St 245 et St 279). à La Tène C2, lors du
passage à l’incinération, les enfants subissent le
même traitement que le reste de la population. à La
Tène D1, les adultes sont toujours incinérés, mais
les enfants semblent être à nouveau inhumés (St 315
datée par du mobilier, St 308 et 315 attribuées sur la
base d’un raisonnement spatial).
Bien que la plupart des sépultures soient des
inhumations individuelles, trois sépultures doubles
ont été mises au jour dans ce cimetière. Il s’agit de
la tombe St 266 dont les inhumés, décapités, ont été
déposés simultanément côte à côte. La sépulture
St 254 est composée de deux individus, un homme
et une femme, disposés l’un sur l’autre. La tombe
ne semble pas présenter de re-creusement, ce qui
attesterait la contemporanéité de l’inhumation. La
sépulture St 305 est plus énigmatique car elle recèle
deux dépôts successifs. un jeune enfant a d’abord
été inhumé à La Tène C1, puis les ossements
d’un jeune adulte incinéré ont été dispersés au
dessus du premier après recreusement de la fosse
sépulcrale à La Tène C2. Ces deux sépultures sont
donc associées spatialement malgré un décalage
chronologique. L’individu incinéré est peut-être un
personnage de rang équivalent à celui de l’enfant
inhumé une à deux génération(s) auparavant
(poMMepuy et al 2000).
Sur la nécropole du "Fond du Petit Marais",
quatre monuments n’ont pas livré de sépulture
interne. Il s’agit de deux enclos (St 245 et St 279) et
de deux bâtiments sur poteaux (St 289 et St 314).
L’intérieur des enclos carrés pouvait être surmonté
d’un tertre de terre abritant la sépulture. Les labours
271
RAP - 2009, n° 3/4, Marc Gransar, La nécropole gauloise de Bucy-le-Long "Le Fond du petit Marais" (Aisne).
successifs ont pu avoir un impact destructeur.
Les tombes pouvaient être moins enfouies que
les autres et auraient disparu, à moins qu’elles
n’aient jamais existé. Dans ce dernier cas, le défunt
a pu décéder loin des siens, mais la présence du
cénotaphe St 100 laisse à penser que, même en
l’absence du corps, le rituel doit se dérouler. Dans
le cas des deux bâtiments qui correspondent aux
phases récentes, il est possible que le décès ne soit
pas encore intervenu au moment de l’abandon de la
nécropole. Cependant, ces monuments sans tombe
peuvent également avoir été construits dans un but
cérémoniel, pour abriter les différentes activités
liées aux pratiques funéraires (rites de passage,
préparation du corps ou des dépôts, célébration
funèbre).
Le monument funéraire semble le critère
dominant pour la déinition des classes sociales.
Ces édiices complexes concernent aussi bien
les adultes et les immatures que les enfants,
montrant clairement que le statut social se transmet
héréditairement. Le passage du rite de l’inhumation
à celui de l’incinération à la transition entre La Tène
C1 et C2 semble marquer un changement global
dans le rituel funéraire de la société.
ConCLUsIon
BRuN Patrice & POMMEPuy Claudine (1990b) - « La
nécropole de La Tène moyenne et inale de Bucy-le-Long
"Le Fond du Petit Marais" », dans Sauvetage archéologique
dans la Vallée de l’Aisne, Soissons, p. 47 - 64.
L’organisation linéaire du cimetière livre un
axe préférentiel passant par l’alignement strict des
quatre grands monuments (St 314, St 258, St 245 et
St 101). La polarisation rayonnante systématique
de petits groupes de tombes simples autour d’une
ou plusieurs sépultures monumentales suggère un
groupe socialement hiérarchisé. La structuration
sociale, pour les tombes à inhumation de La Tène
C1, est visible à travers l’aspect monumental
de certaines sépultures qui agrègent les tombes
simples. Cette organisation évoque un groupe très
structuré de type villageois. L’organisation des
tombes à incinération de La Tène C2 et D1, malgré
la présence de monuments funéraires et la réelle
richesse et abondance en mobilier luxueux, offre une
image moins nette et semble plutôt correspondre à
des noyaux de types familiaux.
BIBLIoGrapHIE
BRuN Patrice, GRANSAR Frédéric, PION Patrick &
POMMEPuy Claudine (1990a) - Le site du second âge
du Fer de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais" (Aisne),
Sauvetage archéologique dans la Vallée de l’Aisne,
Soissons.
BRuN Patrice, PION Patrick & POMMEPuy Claudine
(1991) - La nécropole de La Tène moyenne et inale de Bucy-leLong "Le Fond du Petit Marais", Sauvetage archéologique
dans la Vallée de l’Aisne, Soissons.
BRuN Patrice, CONSTANTIN Claude, FARRuGIA JeanPaul, GRANSAR Frédéric, GRANSAR Marc, GuICHARD
yves, ILETT Mike, PION Patrick & POMMEPuy Claudine
(1992) - « Les habitats néolithiques, gaulois et galloromain et les nécropoles de l’âge du Bronze et de La Tène
de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais" », Les Fouilles
protohistoriques dans la Vallée de l’Aisne, n° 20, Soissons.
POMMEPuy Claudine, AuXIETTE Ginette, DESENNE
Sophie, GRANSAR Frédéric & HENON Bénédicte (2000)
- « Des enclos à l’âge du Fer dans la Vallée de l’Aisne :
Le monde des vivants et le monde des morts », Revue
archéologique de Picardie, n° 1/2, Amiens, p. 197 - 216.
L’auteur
Marc GRANSAR, INRAP, UMR 7041 « Protohistoire européenne »,
Centre archéologique de Tours, 148 avenue André Maginot,
F - 37700 Tours.
272
RAP - 2009, n° 3/4, Luc baray, De la composition des dépôts funéraires aristocratiques aux âges du Fer en Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) : entre compétition
et identité sociale.
LIstE DEs partICIpants
ARGANT Thierry, Archéodunum, Antenne Rhône-Alpes, 500 rue Juliette Récamier, F - 69970 Chaponnay.
AuXIETTE Ginette, 5 rue Saint Jean, F - 02200 Chacrise.
BARAy Luc, Musée de Sens, place de la Cathédrale, F- 89100 Sens.
BLANCquAERT Geertrui, 20 avenue du Général Sarrail, F - 51000 Châlons-en-Champagne.
CHARPy Jean-Jacques, Musée municipal d’épernay, 13 avenue de Champagne, F - 51200 épernay.
CHIMIER Jean-Philippe, Inrap - Centre de Tours, 148 avenue Maginot, F - 37100 Tours.
CuLOT Sylvie, Inrap GEN - Centre de Saint-Martin-sur-le-pré, 38 rue des Dats - ZI- F - 51520 Saint-Martinsur-le-Pré.
DELATTRE Valérie, 9 rue Saint-Rémy, F - 77100 Meaux.
DEMOuLE Jean-Paul, 25 rue Elie Giraud, F - 13200 Arles.
DESBROSSE Vincent, Inrap GEN - Centre de Saint-Martin-sur-le-pré, 38 rue des Dats - ZI- F - 51520 SaintMartin-sur-le-Pré.
DESENNE Sophie, 3 sente du Pied d’Argent, F - 02200 Soissons.
DESSAINT Philippe, Service Archéologique de la ville de Lyon, 10 rue Neyret, F - 69001 Lyon.
FRIBOuLET Muriel, 13 rue des écoliers, F - 60680 Jonquières.
GAuDEFROy Stéphane, Inrap NP - Centre de Passel, Parc d’activités de Passel, avenue du Parc, F - 60400 Passel.
GINOuX Nathalie, Inrap - Centre archéologique, 32 rue Delizy F - 93500 Pantin.
GRANSAR Frédéric, 3 sente du Pied d’Argent, F - 02200 Soissons.
GRANSAR Marc, 6 rue de la Hutterie, F - 41120 Cellettes.
HéNON Bénédicte, Inrap NP - Impasse du Ct. Gérard F - 02200 Soisson.
JOyEuX Pascal, Inrap, 525 avenue de la Pomme de pin, F - 45590 Saint-Cyr-en-Val.
LE FORESTIER Cyrille, 40 allée du colonel Fabien, F - 93320 Les Pavillons-sous-Bois.
LE GOFF Isabelle, Inrap GEN - Centre de Reims, 28 rue R. Fulton, F - 51100 Reims.
LEMAN-DELERIVE Germaine, HALMA-uMR 8142 (cnrs, lille 3, MCC), université Charles de-Gaulle, Lille 3,
BP 149, F - 59653 Villeneuve d’Ascq.
MALRAIN François, 7 route de Compiègne, F - 02600 Taillefontaine.
MARION Stéphane, SRA Lorraine, 6 place de Chambre, F - 57000 Metz.
OuDRy Sophie, Inrap NP, 11 rue des Champs, ZI de la Pilaterie, F - 59650 Villeneuve d’Ascq.
PINARD Estelle, Inrap NP - Centre de Passel, Parc d’activités de Passel, avenue du Parc, F - 60400 Passel.
RIquIER Sandrine, Inrap - Centre de Tours, 148 avenue Maginot, F - 37100 Tours.
ROTTIER Stéphane, LAPP - uMR 5199 - PACEA, université de Bordeaux I, 1 avenue des facultés,
F - 33405 Talence.
RuBy Pascal, 37 avenue de Chateaudun, F - 80000 Amiens.
RuFFIEuX Mireille, Service Archéologique de l’état de Fribourg, Planche-supérieure 13, CH - 1700 Fribourg.
SAuREL Marion, Inrap GEN - Centre de Saint-Martin-sur-le-pré, 38 rue des Dats - ZI- F - 51520 Saint-Martinsur-le-Pré.
SEVERIN Christian, 6 rue Jean Jaurès F - 59880 Saint-Saulve.
SOuPART Nathalie, 19 rue du Monument, F - 80340 Proyart.
THOuVENOT Sylvain, 38 rue Debordeaux, F - 02200 Soissons.
VIGNEAu Henri, Service Archéologique de l’état de Fribourg, Planche-supérieure 13, CH - 1700 Fribourg.
273