Academia.eduAcademia.edu
Société archéologique de Picardie PréSident Philippe Racinet PréSident d’honneur Jean-Louis cadoux Vice-PréSident Daniel Piton Vice-PréSident d’honneur Marc duRand Secrétaire Esclarmonde Monteil SecrétaireS adjointS François BlaRy, Benoît clavel tréSorier Christian SanvoiSin tréSorier adjoint Jean-Marc FéMolant MeMbreS de droit Jean-Luc collaRt Conservateur du Patrimoine, SRA de Picardie MaRc talon, INRAP daniel Piton Siège social Laboratoire d’archéologie Université de Picardie Jules Verne Campus, chemin du Thil F - 80 025 AMIENS CEDEX Adresse administrative 47 rue du Châtel F - 60 300 SENLIS musee.breteuil@wanadoo.fr (Questions d’ordre général) rap.sanvoisin@wanadoo.fr (commandes - trésorerie) rap.daniel.piton@orange.fr (publications) Cotisation 5 € de cotisation Abonnement 2007 2 numéros annuels 50 € Attention, les règlements doivent être libellés à l’ordre de Revue aRchéologique de PicaRdie la PoSte lille 49 68 14 K site internet http://revuearcheo.picardie.free.fr Dépôt légal - janvier 2010 N° ISSN : 0752-5656 Sommaire S oMMaire Revue aRchéologique de PicaRdie . tRiMeStRiel . 2009 . n° 3-4. Directeur de la publication Daniel Piton rap.daniel.piton@orange.fr Les gestuelles funéraires au second âge du Fer adresse administrative et commerciale 47 rue du Châtel F - 60 300 SENLIS musee.breteuil@wanadoo.fr (Questions d’ordre général) rap.sanvoisin@wanadoo.fr (commandes - trésorerie) La Revue Archéologique de Picardie est publiée avec le concours de la Région de Picardie, des Conseils généraux de l’Aisne, de l’Oise et de la Somme, de l’Université de Picardie Jules Verne, du Ministère de la Culture (Sous-direction de l’Archéologie & SRA de Picardie). Comité de lecture Didier BayaRd, Tahar BenRedjeB, François BlaRy, Françoise BoStyn, Nathalie Buchez, Jean-Louis cadoux, Benoît clavel, Jean-Luc collaRt, Bruno deSachy, Marc duRand, JeanPierre FagnaRt, Jean-Marc FéMolant, Gérard FeRcoq du leSlay, Bruno FoucRay, Mariannick le Bolloch, Vincent legRoS, Jean-Luc locht, noël Maheo, François MalRain, Patrice Méniel, Esclarmonde Monteil, Daniel Piton, Philippe Racinet, Marc talon couverture Estelle PinaRd & Sylvain thouvenot (Inrap, UMR 7041) iMPRiMeRie : PieRRe tRollé iMPRiMeRie F - 62870 BuiRe-le-Sec tél : 03 21 84 46 60 Site Internet http ://revuearcheo.picardie.free.fr 5 • Avant-propos par Jean-Luc collaRt. 7 • Présentation de la table-ronde et remerciements par Estelle PinaRd & Sophie deSenne. 11 • L’impasse de la pratique. L’apport des « rites de passage » à l’approche systémique des gestuelles funéraires par Pascal RuBy. L’implantation de l’espace funéraire 25 • Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie par Sophie deSenne, Geertrui BlancquaeRt et al. 47 • Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne à partir des fouilles récentes par Lola BonnaBel, Sylvie culot et al. 61 • Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais par Sophie oudRyBRaillon. 71 • La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne par Jean-Jacques chaRPy. 85 • L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-surIndre (Indre-et-Loire) : état de la question sur les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques par Jean-Philippe chiMieR & Sandrine RiquieR. 97 • Discussion Les défunts 101 • La population ensevelie et les traitements funéraires des corps au second âge du Fer en Picardie par Estelle PinaRd, Valérie delattRe & Sylvain thouvenot 113 • Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthode et analyse de cas par Isabelle le goFF et al. 129 • Pluralité des gestes funéraires pendant la période de La Tène à Bobigny (Seine-Saint-Denis) par Cyrille le FoReStieR. 139 • Discussion. Les structures 143 • Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer par Frédéric gRanSaR & François MalRain. 157 • Les chambres funéraires et les aménagements de surface des tombes de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional par Lydie Blondiau & Nathalie Buchez. 171 • Discussion. Les dépôts e 173 • Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2 âge du Fer en Picardie par Sophie deSenne, Ginette auxiette, jean-Paul deMoule et al. 187 • Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse) par Mireille RuFFieux. aristocratiques aux âges 201 • De la composition des dépôts funéraires e er du Fer en Europe occidentale (VIII -I s. avant J.-C.) : entre compétition et identité sociale par Luc BaRay. de char dans les tombes de Gaule Belgique 211 • Les dépôtse de pièces er entre le III et le I s. avant J.-C. par Nathalie ginoux, Germaine leMan-deleRive & Christian SeveRin. 223 • La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages par Muriel FRiBoulet. 233 • Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle avant J.-C. dans les sépultures des environs de Paris par Stéphane MaRion. 245 • De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne par Marion SauRel. 263 • Discussion. Posters 265 • Quelques sépultures du second âge du Fer à Orléans par Pascal joyeux avec la collaboration de Hervé heRMent. • La nécropole gauloise de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit 269 Marais" (Aisne) par Marc gRanSaR. 273 Liste des participants RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer avant-propos Jean-Luc COLLART La table-ronde organisée à Soissons les 6 et 7 novembre 2008, qui fait l’objet de cette publication, est le résultat d’un important travail réalisé dans le cadre des Projets actions scientiiques (PAS - désormais baptisés projets de recherche Inrap - PRI), coordonné par Estelle Pinard et Sophie Desenne. Ces actions internes à l’établissement public, permettent à ses agents de mettre en commun des données, principalement issues de l’archéologie préventive, avec pour objectif d’en tirer une analyse scientiique. Cette démarche s’imposait, car les découvertes funéraires relatives au champ chronologique retenu, le second âge du Fer, ont été très nombreuses depuis 20 ans en Picardie. Le bilan régional réalisé en 20042005, avait révélé que cette abondante documentation n’était pas pleinement exploitée (cf. F. Malrain, St. Gaudefroy, F. Gransar et coll., La Protohistoire récente : IIIe siècle-première moitié du Ier siècle avant notre ère, La recherche archéologique en Picardie : bilans et perspectives. Journées d’études tenues à Amiens les 21 et 22 mars 2005, Revue archéologique de Picardie, 2005, n° 3-4, p. 127-176) et qu’un travail de synthèse était nécessaire. Ce point était souligné dans les conclusions du bilan : « Signalons en particulier, que, si l’habitat gaulois en Picardie (et particulièrement les établissements agricoles) est bien représenté dans la littérature scientiique, il y a un net déicit pour les sites funéraires ». Cette action répond donc parfaitement aux voeux formulés dans cette même conclusion : la poursuite du travail d’analyse et de synthèse. Les pages qui suivent montrent que le but recherché a été atteint. D’une part, les données collectées de façon rigoureuses, ont permis une analyse détaillée, en partie fondée sur une approche statistique, ce qui est très appréciable. D’autre part, l’élargissement de l’aire géographique aux régions contiguës (ChampagneArdennes et Île-de-France) a permis d’utiles et fructueuses comparaisons. Le grand nombre de contributeurs atteste que ce travail a eu un caractère réellement collectif. Son ampleur est démontrée par le riche ensemble d’articles, de très bonne tenue scientiique, publiés ici. Enin, je tiens à souligner la rapidité avec laquelle les articles ont été réunis, relus, amendés et publiés. Désormais, la recherche régionale dispose d’un outil de référence solide pour poursuivre l’étude des pratiques funéraires au second âge du Fer et aborder la fouille des nouveaux sites selon des perspectives scientiiques renouvelées. 7 RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer IntroDUCtIon Et rEMErCIEMEnts Estelle PINARD & Sophie DESENNE Cette table-ronde a été organisée à Soissons les 6 et 7 novembre 2008, pour clore trois ans de travaux collectifs, dans le cadre des Projets Actions Scientiiques de l’Inrap, portant sur les gestuelles funéraires au second âge du Fer en Picardie et ses marges. Ces travaux ont permis de recenser les différents gestes pratiqués, du choix de l’implantation de l’espace funéraire à la clôture de la fosse sépulcrale, de La Tène ancienne à l’Augustéen. La caractérisation des gestuelles funéraires s’est appuyée sur quatre thèmes, maillons incontournables des chaînes opératoires. Les différentes approches ont concouru à ouvrir sur de nouvelles perspectives en élargissant le cadre géographique des études des gestuelles funéraires du second âge du Fer et de confronter les points de vue. L’ouverture de ces journées a été assurée par une communication sur l’approche systémique des gestuelles funéraires de Pascal Ruby. Le premier thème abordé a été l’implantation de l’espace funéraire : choix de l’emplacement, perduration et délimitation des espaces, avec les communications de Lola Bonnabel, Sylvie Culot, Vincent Desbrosses, Marion Saurel, puis de Sophie Oudry, de Jean-Jacques Charpy, de Jean-Philippe Chimier et de Sophie Desenne, Geertruï Blancquaert, Stéphane Gaudefroy, Marc Gransar, Bénédicte Hénon, Nathalie Soupart. Le deuxième thème a porté sur les défunts : de la préparation (habillement, objets personnels), au traitement du corps (inhumation, incinération) avec les communications d’Isabelle Le Goff, puis de Cyrille Le Forestier et enin d’Estelle Pinard, Sylvain Thouvenot, Valérie Delattre. Le troisième thème a concerné les structures : le creusement et l’aménagement des fosses et des monuments, avec les communications de Lydie Blondiau, de Frédéric Gransar et François Malrain. Et enin le quatrième thème s’est intéressé aux dépôts et « viatiques » : mise en scène, organisation, fonction et chronologie des mobiliers (faune, services…) avec les communications de Mireille Rufieux, puis de Luc Baray, de Nathalie Ginoux, Germaine Leman-Delerive, Christian Severin, de Muriel Friboulet, de Stéphane Marion, de Marion Saurel et pour inir de Sophie Desenne, Ginette Auxiette, Jean-Paul Demoule, Stéphane Gaudefroy, Bénédicte Hénon, Sylvain Thouvenot. En appui de ces présentations, les posters de Pascal Joyeux et de Marc Gransar ont été exposés. Ces deux jours ont permis des échanges fructueux, aussi bien entre les communicants qu’avec les auditeurs, qui ont été retranscrits après chaque thème, nous adressons nos remerciements à tous les participants. Cette table-ronde n’aurait pu être menée à son terme sans les aides, collaborations et soutiens matériels et amicaux de Marie-Claude Fournier et de Jean-Marie Chevalier conseillers délégués aux Affaires Culturelles de la ville de Soissons, de Dominique Roussel, Conservateur du Musée archéologique de Soissons, de Ginette Auxiette de l’ASAVA (Association pour le Sauvetage Archéologique de la Vallée de l’Aisne), du CRAS (Centre de Recherches Archéologiques de Soissons), de l’Inrap Nord-Picardie, du Service Régional de l’Archéologie de Picardie, de l’ArScAn UMR 7041 « Protohistoire européenne » du CNRS, de la Revue Archéologique de Picardie, du personnel du centre culturel et de loisirs de Soissons et du personnel du Musée archéologique de Soissons que nous tenons à saluer et surtout à vivement et chaleureusement remercier. 9 RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires. L’IMpassE DE La pratIQUE. L’apport DEs « rItEs DE passaGE » à L’approCHE sYstéMIQUE DEs GEstUELLEs FUnéraIrEs Pascal RuBy IntroDUCtIon Les gardiens du « temple » du domaine funéraire que sont devenus certains « anthropologues biologistes » sont largement responsables d’une orientation particulière donnée à l’approche des sociétés anciennes à travers les données archéologiques. Pour autant qu’E. Crubézy puisse être considéré comme l’un de leurs principaux représentants, ses positions ont au moins le mérite d’être explicites. Dans un ouvrage récent, sous l’intertitre « des pratiques et non des rites », est souligné à juste titre le « dificile passage des pratiques aux rites » mais il en tire argument pour conclure, après avoir rappelé qu’ « archéologues et anthropologues mettent en évidence […] des faits […] voire la reconstitution de gestes », soit les deux composantes des « pratiques funéraires », que « les rites funéraires, association d’une pratique et d’une croyance (ig. 1), nous sont complètement inconnus » (Crubézy 2000, p. 14). C’est ainsi que sont évacués les « rites » en général et que des auteurs comme van Gennep ou Hertz, sont systématiquement ignorés de toutes les bibliographies de l’ouvrage. Signe des temps cependant, Les rites de l’au-delà de J.-P. Mohen ne connaissent pas ce sort (Mohen 1995). R ite s F u n é r a ir e s C r o ya n c e s P r a tiq u e s F a its G e s te s Fig. 1 - Schématisation des propositions théoriques d’E. C rubézy . En tiretés, les domaines qui seraient « inaccessibles ». Dans la position exprimée par E. Crubézy, on croirait presque relire les critiques de Saint Augustin à l’égard de Varron : « que recherche-t-il […] sinon des croyances en des choses bien vaines » (1). Il s’agit bien là, même si ce n’est pas le seul domaine de la discipline à être concerné, d’un empirisme renouvelé qui marque l’archéologie - et en particulier l’archéologie française, sans doute à cause de l’importance et de la qualité de « l’archéologie funéraire » qui y est pratiquée - depuis le début des années 80, et qui se tient volontairement éloigné de tout ce qui pourrait ressembler à un courant théorique explicite. Je ne prétends bien évidemment pas que tous les anthropologues biologistes se rangent derrière ces positions. Les préoccupations de cette anthropologie « de terrain » comme on l’a longtemps qualiiée, paraissent néanmoins rejoindre, au moins par moments, celles des archéologues « post-processuels ». Avant eux, la question des pratiques funéraires n’était pas ignorée - il sufit de se reporter au texte fondateur de L. Binford sur les Mortuary practices (binford 1971). Mais avec eux, la question des pratiques s’est en partie fondue avec celle de la pratique, c’est-à-dire essentiellement celle de la pratique sociale. Rien n’oblige cependant à suivre cette direction. Il faudrait se demander si catégoriser tout ce qui ne relève pas du concret comme de la « croyance » ne revient pas justement à élever a priori un mur infranchissable à l’étude et si, à l’inverse, en cherchant à appréhender ce domaine avec un autre éclairage, notamment en termes plus généraux d’« idéel », de « représentations », on ne pourrait pas, au moins, mieux cerner les problèmes. L’idée même que l’on ne peut appréhender les « rites » funéraires parce que les « croyances » nous sont inaccessibles, repose sur une conception peut-être un peu trop schématique du « rite » et semble ne pas se soucier des travaux des folkloristes, des ethnologues, des historiens, des anthropologues et des sociologues sur le sujet, même s’il faut reconnaître que ce n’est pas un sujet simple à aborder. C’est sur cette question posée à l’archéologie qu’on cherchera à s’interroger dans la suite de cette communication. 1 - Je me réfère ici aux commentaires d’A. sChnapp (1993, 64-65). Pour commencer, d’autres dichotomies sontelles possibles ? Jean-Pierre Vernant dans son introduction au colloque tenu il y a plus de trente L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires. 11 RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires. ans à Naples et publié en 1982 sous le titre La mort, les morts dans les sociétés anciennes, estimait que la prise en compte de la mort par les vivants s’articule autour deux domaines, celui des pratiques, celui des discours, on dira des « représentations » (Vernant 1982, p. 5). Pour les sociétés protohistoriques, le domaine des représentations nous est certes très dificilement accessible, mais ce n’est pas une raison pour ne faire de la gestion de la mort qu’une série de pures pratiques « matérielles ». Les deux aspects ne sont distincts que sur le plan de l’analyse externe, etic pour reprendre les catégories de l’anthropologie, alors que les représentations conditionnent les pratiques en même temps que ces dernières inluent en retour sur les représentations. Pour reprendre la belle formule de P. Bourdieu, vers lequel nous nous tournerons plus loin, les rites ont la capacité « d’agir sur le réel en agissant sur la représentation du réel » (bourdieu 1982, p. 59). Les pratiques et les représentations sont articulées les unes aux autres dans les rites, les rites funéraires. Si l’on cherche à dépasser la stricte vision etic des sociétés pour approcher dans la mesure du possible du domaine emic – celui des catégories mentales des sociétés du passé – il faut vraisemblablement se tourner vers les rites pour ce rôle d’articulation. Jean-Pierre Vernant ajoutait également une autre chose : l’intérêt de la comparaison ne porte pas seulement sur la communauté des morts et la société des vivants d’un même groupe humain, mais aussi sur l’attitude de groupes humains différents devant la mort (Vernant 1982, p. 6). Au total, en termes de dichotomies, il faudrait prévoir d’explorer les suivantes : - les pratiques et les représentations ; - les communautés des morts et les sociétés des vivants ; - envisager aussi bien le comparatisme intrasociétal (les morts vs les vivants dans une même communauté) et inter-sociétal (quelles conceptions de la mort dans telle société et dans telle autre ?). 12 C’est cette double exigence exprimée par J.-P. Vernant qui semble avoir été singulièrement tenue à l’écart ces vingt-cinq dernières années. Pourtant, le programme ainsi ixé paraît encore d’actualité. Mais pour cela, il faut disposer de l’outillage conceptuel qui rende les comparaisons possibles ain que l’on compare bien ce qui doit être comparé ; à condition aussi qu’on estime utile et pertinente la comparaison. La prise en compte des « rites funéraires » dans leur globalité et en tant que « rites de passage » peut être la réponse à cette double exigence. Ces « rites de passage » paraissent aujourd’hui bien connus, c’est ainsi qu’ils ont été caractérisés au début du XXe s. par A. van Gennep. La réalité risque toutefois d’être éloignée de ces premières impressions. La récente publication du colloque de Sens (baray, brun et al. 2007) montre, s’il en était encore besoin, que l’on peut parler du funéraire en archéologie sans plus aujourd’hui faire référence au travail fondateur de van Gennep : une seule communication - en l’occurrence la mienne (ruby 2007) - comporte en bibliographie le titre du folkloriste. Le colloque souligne aussi combien le corpus théorique est limité dans l’approche archéologique actuelle du domaine funéraire. La raison en est sans doute que le thème du colloque est spéciique car il vise à faire le bilan des approches sociales à partir des données funéraires. Le relatif désintérêt vis-à-vis des travaux de van Gennep n’est pas propre aux études regroupées dans le volume en question. Dans celui de M. Parker Pearson, van Gennep n’est mentionné que deux fois, dont une pour réduire singulièrement l’intérêt de son approche à travers une citation un peu tronquée de Metcalf et Huntington (parker pearson 1999, p. 22 et 45 ; voir infra). J’y reviendrai. Il convient toutefois de souligner que les différentes notions liées aux « rites de passage », dans la terminologie française ixée par van Gennep, ou britannique ixée par V. Turner, sont très présentes dans l’ouvrage et ces aspects ne sont absolument pas négligés. Limitons-nous à la question des « rites de passage » de van Gennep. Je voudrais dans la suite de cette communication suggérer combien le « schéma » du folkloriste a des chances de fournir la grille conceptuelle dont nous - archéologues - avons encore besoin pour appréhender les pratiques - c’est-à-dire aussi les gestuelles funéraires. Un ConCEpt CrItIQUE : LEs « rItEs DE passaGE » Bien que datant de 1909, l’ouvrage d’A. van Gennep est encore dans les rayonnages des bonnes librairies, grâce à une réédition récente (Van Gennep 1991). Ce n’est pas si souvent qu’un livre aussi ancien sur un sujet aussi pointu est encore si facilement accessible. Ce n’est pas nécessairement un gage de pertinence mais, dans le cas du travail de Van Gennep, ça l’est. PRéSENTATIoN DES « RITES DE PASSAGE » D’A. VAN GENNEP Ce n’est pas le lieu de revenir ici sur la genèse de la formalisation que représentent les « rites de passage ». on rappellera seulement qu’au départ, A. van Gennep déplore le caractère imparfait ineficace - des typologies des rites existantes. Elles lui paraissent en particulier incapables d’expliquer la succession récurrente de certains rites, la « séquence cérémonielle » qu’ils constituent. De ces constats vient la nécessité de regrouper les cérémonies dans un « schéma ». Pour A. van Gennep, les pratiques que l’on rencontre dans la plupart des sociétés à l’occasion de changement d’étapes dans la vie sociale pour des individus ou RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires. des groupes - initiation, mariage, funérailles etc. s’articulent en trois groupes, on dira en l’occurrence des « rites » - rites de séparation, rites de marge, rites d’agrégation ou rites préliminaires, liminaires et postliminaires - la combinaison des trois formant la catégorie des « rites de passage » (Van Gennep 1991, p. 14). C’est plus qu’une catégorie : un rite de passage est systématiquement articulé en une séquence comprenant un rite de séparation, de marges et d’agrégation. Des trois stades rituels, c’est souvent le rite de marge qu’on perçoit le plus facilement, sans doute parce qu’il se manifeste la plupart du temps par un jeu autour de la vêture (homme habillé en femme ou le contraire, port d’un vêtement particulier, noir pour le deuil, blanc pour le mariage, kaki pour le service militaire), et par un jeu autour de la pilosité : les personnes qui ont les cheveux longs les coupent, tout ou partie, ou les rasent (chez les militaires) ; les autres pourront se laisser pousser qui les cheveux, qui la barbe et la moustache, etc. Ce moment des marges est également souvent marqué, ou la dramatisation du moment est renforcée, par une réclusion comme le service militaire, la retraite de communion des catholiques, etc. : dans chaque cas, à l’issue de cette période de marge, l’individu ou le groupe rejoignent la communauté normale. Il est d’ailleurs symptomatique que l’ancien service militaire français ait encore été organisé sur ce même schéma mental de « rite de marge » puisqu’on y combine une forme de réclusion, un jeu sur le vêtement et un autre sur la pilosité même si, dans ce dernier cas, le discours oficiel cherche à s’en distancier en mettant cette pratique sur le compte de contraintes hygiéniques (éviter les parasites capillaires). Cela permet de rappeler, si besoin était, que toutes les sociétés, y compris les nôtres, réputées « modernes », ont besoin de dramatiser ces passages entre étapes de la vie sociale (ou religieuse) sous la forme de rites, des pratiques collectives, collectivement contrôlées selon des règles explicites, qui ont un début, un milieu et une in, et a priori valables pour tous. M. Segalen en mentionne plusieurs exemples, tels que les premiers voyages en avion étudiés par J. PittRivers qui a montré que ceux-ci fonctionnaient comme un rite de passage (seGalen 1998, p. 34-35). Par parenthèse, on vériiera que les « rites de passage » n’ont pas systématiquement à faire avec le sacré ou le religieux, mais s’accommodent fort bien du profane. Les « rites de passage » de van Gennep constituent donc une schématisation, une formalisation, très puissante. L’ « armature interne » que l’auteur repère contre la « complexité formelle des rites de passage » préigure sans aucun doute la notion de « structure » qui sera élaborée par d’autres un peu plus tard (Van Gennep 1991, p. 210). La puissance de l’outil tient donc à sa conception « structuraliste » avant l’heure. Mais ce n’est pas le seul point à retenir. Pour n’en donner qu’un exemple, l’un des enseignements de van Gennep est qu’un même geste rituel peut avoir des signiications contraires selon sa place dans la séquence rituelle : selon la direction, il pourra être rite de séparation ou rite d’agrégation (Van Gennep 1991, p. 32). Nous aurons un exemple concret dans le cas d’étude retenu pour la troisième partie. C’est un argument supplémentaire pour ne pas se contenter de repérer des « gestes », fussent-ils funéraires. Malgré des qualités dont seules certaines ont été mentionnées ici, les propositions d’A. van Gennep ont fait l’objet de critiques : il convient de leur attribuer une place signiicative si l’on veut disposer au bout du compte d’un outil conceptuel puissant et iable. LES CRITIquES Dès le départ, les critiques des propositions de van Gennep n’ont en effet pas manqué, comme en témoignent les comptes rendus de l’ouvrage publiés à l’époque. Celui de M. Mauss dans l’Année sociologique est rédigé, comme le relève N. Belmont, « en des termes peu élogieux et non sans un peu de mauvaise foi » (belMont 1974, p. 73). C’est peutêtre d’une certaine manière « la réponse du berger à la bergère » car dans une note de bas de page au début de son ouvrage, A. van Gennep reprochait à la classiication des rites de Hubert et Mauss d’être « trop artiicielle » (Van Gennep 1991, p. 5, n. 1) : il y avait sans doute façon plus conciliante de se référer aux travaux de ses collègues. un compliment proche est renvoyé par M. Mauss qui juge les distinctions proposées par van Gennep « quelque peu arbitraires » (Mauss 1910, p. 202). on peut compléter le lorilège des critiques de Mauss à l’encontre du livre en question : - l’auteur voit des rites de passage « partout » ; - il propose une « loi » [en réalité A. van Gennep ne parle que de « schéma »] ; - par sa généralité, la « thèse » ne relève que du « truisme » sans que le terme soit cependant prononcé ; « il n’est pas de rite qui n’implique quelque passage » ; - « La séquence proposée - séparation, marge, agrégation - n’est pas exacte dans un grand nombre de cas » ; - sa « nomenclature… est fautive sur ce point », c’està-dire la caractérisation des moments du sacriice ; - les cas ethnographiques convoqués à l’appui de la construction de l’auteur ne constituent qu’une de « ces revues tumultueuses » produite par « une sorte de randonnée à travers toute l’histoire et toute l’ethnographie » selon une méthode « en usage dans l’école anthropologique » [sous-entendu « anglaise »] ; - en conclusion, M. Mauss préfère sa terminologie, à savoir les « rites positifs et négatifs ». Au total, le texte de M. Mauss dit assez combien il n’a pas compris ou pas voulu comprendre la portée 13 RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires. 14 des travaux d’A. van Gennep. Plus généralement, comme le souligne N. Belmont, l’école sociologique a accueilli le concept de rites de passage « par un jugement sévère » (belMont 1974, p. 74). Ce reproche de « truisme » implicite chez Mauss va être explicité par d’autres. Ainsi, plus près de nous, les anthropologues Metcalf et Huntington sont moins critiques à l’égard des propositions de van Gennep mais certaines de leurs remarques peuvent donner l’impression de rejoindre, au moins en partie, celles du grand ethnologue français. Pourtant, à lire M. Parker Pearson, on pourrait avoir l’impression que les deux anthropologues sont très critiques à l’égard des propositions de van Gennep (parker pearson 1999, p. 22). Il convient en réalité d’y regarder de plus près. Dans leur préface, les auteurs soulignent en effet que tant le travail de van Gennep que celui de Hertz ont « dificilement » été améliorés à ce jour (MetCalf & huntinGton 1991, p. xi). C’est cependant à propos des cas malgaches que les deux auteurs soulignent des « problèmes » posés par les théories de van Gennep (de Hertz également d’ailleurs). Ces problèmes sont toutefois à relativiser car ils portent essentiellement sur des questions de symbolisation et l’absence de valeur universelle de ces symboles. Cette question me semble accessoire pour des analyses archéologiques voire en contradiction avec la démarche même du folkloriste français qui montre à longueur de page qu’il faut dépasser les caractères formels des rites - et donc les symboles qu’ils véhiculent - pour s’intéresser aux « armatures ». Par ailleurs, ce ne sont pas les « rites de passage » du folkloriste qui constitueraient « simplement un vague truisme » en paraphrasant M. Mauss - c’est pourtant ce qu’a retenu M. Parker Pearson (parker pearson 1999, p. 22) - mais sa notion qu’un rite funéraire peut être envisagé comme une transition débutant par une séparation et se terminant par l’intégration du mort à un nouveau monde « pour autant qu’elle [la notion] n’est pas de façon positive reliée aux valeurs d’une culture particulière ». Cependant, poursuivent les auteurs, ce n’est pas le schéma tripartite de van Gennep qui présente encore de l’intérêt mais sa capacité à s’articuler avec les « valeurs culturelles » propres à chaque groupe humain (MetCalf & huntinGton 1991, p. 111-112). on aura compris que ce n’est pas l’intérêt des rites de passage en tant que « grille de lecture universelle » proposée par van Gennep que retiennent Metcalf et Huntington, mais sa capacité à s’articuler avec les « valeurs culturelles » propres à chaque groupe humain autrement dit à appréhender des cultures particulières. Sans du tout nier cette qualité qu’ils mettent en avant, je ne pense pas que le schéma tripartite soit secondaire dans l’analyse des rites de passage. Dans la théorie de van Gennep, les rites de passage présentent justement ces deux qualités conjointes d’être en mesure de prendre en compte des particularismes culturels tout en les replaçant dans un schéma d’analyse globale qui les éclaire et qui en permet l’analyse et la comparaison. J’essaierai de montrer pourquoi plus loin en soulignant leur potentiel heuristique. Pour conclure provisoirement sur Metcalf et Huntington, retenons qu’il s’agit bien d’une forme de considération critique à l’égard de la « théorie » de van Gennep, peut-être pas aussi radicale toutefois que l’a retenue Parker Pearson et en tout cas pas vraiment recevable. De son côté, P. Bourdieu manifeste un enthousiasme très mesuré à l’égard des rites de passage de van Gennep. Assez injustement semblet-il, il estime que le folkloriste français n’a fait que « nommer le rite » en question, en négligeant le caractère essentiel, c’est-à-dire sa « fonction » (bourdieu 1982, p. 58). La critique n’est pas totalement recevable là encore, car Bourdieu néglige simplement le fait que van Gennep a pris en compte au moins deux autres dimensions, le temps et, comme on va le voir, l’espace. Pour Bourdieu en effet, le caractère essentiel du rite est sa fonction d’institution, non pas dans sa séquence diachronique mais dans la création symbolique d’une ligne séparant « ceux qui sont passés » de « ceux qui ne sont pas encore passés » ou surtout « qui ne passeront jamais ». Cette remarque pourrait suggérer que les rites funéraires constituent une catégorie à part dans celle des rites de passage ou d’institution car cette « institution » ne vaut que pour certains rites, essentiellement ceux qui impliquent des personnes vivantes : la ligne créée ou plutôt réactualisée à chaque fois passe entre les morts et les vivants, tout en sachant que ces derniers la passeront un jour. Toutefois, les critiques de Bourdieu permettent de rappeler qu’il ne sufit pas de dire que la mort est une réalité pour qu’elle en soit une dans une société. Metcalf et Huntington ont d’ailleurs souligné combien les conceptions de la mort étaient éloignées de tout universel : c’est à la société de dire, d’afirmer, à sa façon, qui est mort et qui est vivant, en imposant ses propres catégories idéelles, en les actualisant, voire en les modiiant avec le temps et les circonstances (MetCalf & huntinGton 1991 p. 74-75). C’est ce que veut dire Bourdieu même s’il n’a apparemment en tête que la société des vivants et point la communauté des morts : il faut que la société des vivants institue via le rite qui est mort et qui est à sa place parmi les vivants. L’ « institution » produit ce qu’elle désigne : on retrouve la « magie performative » qu’ont en commun tous les actes d’institution. En ce sens, le rite de passage est un rite d’institution, mais les rapports entre les deux notions ne sont pas simples car elles ne se recouvrent pas parfaitement : comme le souligne M. Segalen, « il y a de l’un dans l’autre, notamment dans les effets agrégatifs » (seGalen 1998, p. 38). quoi qu’il en soit, c’est ce pouvoir performatif du rite funéraire comme rite d’institution qui explique comment la « communauté des morts » peut être très sensiblement différente de la « société des vivants », pour reprendre les heureuses formulations RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires. de B. d’Agostino, (d’aGostino 1985) en créant des catégories de richesse, des catégories d’importance à l’intérieur du groupe, par exemple celle du « fondateur », celle du soldat symbolique dans le cas du « soldat inconnu » (il n’est inconnu que dans la mort, vivant, ce n’était un soldat ni symbolique ni anonyme). Cela ne veut pas dire que toutes les sociétés éprouveront le même besoin performatif : certaines ainsi expriment, soulignent, renforcent dans la mort les différences entre les sexes par des rites particuliers, mais cela peut n’être que sous la forme du « genre » plus que du sexe « biologique » puisque certaines classes d’âge peuvent n’être pas concernées par ces différenciations. Au passage, cette lecture de Bourdieu me semble fournir d’autres arguments pour formuler des critiques à l’égard des postulats des archéologues post-processualistes et souligner des contradictions dans leurs propos. La « théorie de la pratique » de Bourdieu repose en effet sur la notion d’ « habitus » : un cadre de référence, de connaissances et de façon d’agir intégré par l’individu dès l’enfance dans son subconscient, à travers des comportements quotidiens et ordinaires. De ce point de vue, il faudrait vériier que les pratiques funéraires constituent ces activités banales - l’anglais utilise le faux ami « mundane » - qui forment l’habitus. Pour rendre compatible ces deux gammes de pratiques, un archéologue post-processualiste comme M. Parker Pearson se trouve contraint de proposer que « les rites funéraires » ne sont qu’une « arène de représentation parmi d’autres » et qu’en réalité « l’expérience humaine n’est pas compartimentée entre le ritualisé et le quotidien » (parker pearson 1999, p. 33, mes italiques). Cela revient à dire que l’habitus de Bourdieu ne s’alimente pas des seules activités quotidiennes que son auteur retenait : je ne suis pas sûr que cela ne sape pas les fondations bourdieusiennes de façon irrémédiable. Les critiques ne sont toutefois pas les seules à permettre de préciser les théories de van Gennep : les commentaires aussi. LES COMMENTAIRES : SCANSION DES TEMPS, BALISAGE DES ESPACES, DISTINCTION DES FONCTIONS La formalisation de van Gennep a également fait l’objet de commentaires variés plus ou moins distants de la démarche du folkloriste français. C’est notamment le cas d’ E. Leach, l’anthropologue des Kachin de Birmanie, qui aborde la question des rites dans un chapitre consacré à la « représentation symbolique du temps » (leaCh 1968). Il cherche à aller plus loin que la formalisation de van Gennep pour avancer sur le terrain des explications quant au caractère « universel » de certaines pratiques. Pour les rites de passage, il distingue quatre phases, en ajoutant pour l’essentiel une phase « D » Fig. 2 - Rites et cours général du temps. D’après leaCh 1968, p. 227, ig. 17. de « vie séculière normale » après les trois phases habituelles du rite de passage, ce qui ne change fondamentalement rien (ig. 2). Un autre aspect mis en exergue ici est plus important. D’une part, le rite de passage est une séquence de rites qui sont récurrents, d’autre part il scande le temps social pour les communautés, et selon Leach, il aurait peut-être même cette fonction première, à savoir de créer le temps pour les groupes humains, par la répétition, le rythme, la disparition, ou le vieillissement. Les rites de passage quant à eux rythment la vie sociale des individus et des groupes en en marquant les étapes par une dramatisation. Le temps serait ainsi scandé par cette succession de moments sacrés venant interrompre de longues périodes profanes. Commentant les développements de Leach, Pierre Vidal-Naquet a souligné un autre aspect important dans les rites de passage, c’est-à-dire leur inscription non seulement dans un temps mais aussi dans un espace, scandé lui aussi : « Il est clair que cette disposition suppose aussi, et même d’abord, un découpage du temps et de l’espace qui est propre aux “rites de passage”. Le temps ? Son rythme n’est pas celui, continu, qu’ont inventé les mathématiciens, “la régularité du temps ne fait pas intrinsèquement partie de la nature c’est une notion faite de main d’homme que nous avons projetée sur notre environnement à des ins qui nous sont particulières” [= citation de leaCh 1968]. Le temps des rites de passage est, lui aussi, œuvre humaine : l’année est scandée par les rites, et le rite lui-même fait passer l’initié du quotidien à l’exceptionnel, puis de nouveau au quotidien, mais celui-ci est désormais assumé. Pour que le rite s’inscrive également dans l’espace, il faut que celui-ci soit lui aussi divisé : espace humanisé de la vie en société, espace des marges, qui pourra être, à volonté, lieu sacré symbolique, “brousse” réelle ou igurée, forêt ou montagne », il importe peu, pourvu qu’il soit senti comme autre : à la limite, l’enfer et le paradis de la “marelle” fournissent un exemple excellent » (Vidal-naquet 1981a, p. 188-189). Il est évident que ce temps et cet espace scandés nous interpellent en tant qu’archéologue plus encore qu’en tant qu’historien, car ce sont des notions auxquelles nous sommes habitués, que nous savons appréhender intellectuellement : 15 RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires. l’archéologie, on se plait à le répéter, est au moins autant une discipline géographique (elle évolue systématiquement dans un espace) qu’historique (elle évolue systématiquement dans un temps). Au total, on le sait bien, ce qui ne tue pas rend plus fort. Les commentaires mais aussi les critiques, notamment celles de Bourdieu, permettent de préciser les trois dimensions des rites de passage : - une dimension temporelle, essentielle, par la succession des séquences – des stades – rituelles et des rituels dans les séquences ; - une dimension spatiale car chaque séquence doit être associée à un ou des espaces particuliers, par exemple un espace de réclusion souvent associé à un rite de marge ; - une dimension fonctionnelle, car les rites ont des fonctions, et pour reprendre la terminologie de Bourdieu, ils « instituent ». Ainsi élaborés, les « rites de passage » acquièrent une pertinence et une capacité heuristique qu’il reste encore à tester avant de les appliquer à une situation archéologique particulière. EXEMpLEs DU potEntIEL HEUrIstIQUE DU ConCEpt Pour mettre en avant le potentiel heuristique de la schématisation de van Gennep, je retiendrai dans un premier temps deux exemples, volontairement éloignés du domaine qui nous occupe ici. LE BANquET D’ASTéRIX On souligne souvent que, dans le cadre de pratiques funéraires, la troisième catégorie de pratiques ou de procédures qui constituent les rites d’agrégation, devait permettre au mort de rejoindre ses semblables et de rester là où il devait être pour laisser en paix les vivants. Mais précisément, il ne faut pas négliger le fait que les rites d’agrégation concernent aussi, sinon surtout, les vivants. Et dans cette perspective, un certain nombre de pratiques funéraires sont dirigées vers les vivants. Ces pratiques s’insèrent aussi dans les différents rites constituant les rites de passage. 16 L’une des pratiques les plus universellement répandues qui constituent les rites d’agrégation est le banquet, très à la mode en ce moment en protohistoire. Pour le deuxième âge du Fer, une représentation domine, qui sera couramment qualiiée - ou disqualiiée - d’image d’épinal, celle du banquet d’Astérix. Il est habituel d’emprunter aux albums du héros gaulois la scène de banquet inal pour illustrer le « festin » gaulois. Ce n’est pas mon intention ici. Mais on peut ne pas se satisfaire de la manière dont M. Poux évacue la représentation : « lncarnation même du way of life version gauloise, il s’y réduit à une image d’épinal plus ou moins inspirée des textes antiques, mâtinée d’éléments matériels hétéroclites » (poux 2002, 345). Il me semble au contraire que la représentation en question, pour fantaisiste qu’elle soit, ne se réduit justement pas à un assemblage d’éléments hétéroclites. Je voudrais pour étayer la lecture inverse rester dans le domaine des rites de passage. Après M. Segalen qui propose une analyse de la société métaphorique de l’éléphant Babar sous l’angle du rituel politique (seGalen 1998, p. 76-77), je n’ai pas de scrupule à chercher à appréhender la société « gauloise » d’Astérix sous l’angle du rituel et notamment du rite de passage. On sait tous que ces représentations sont des créations d’auteurs de talent, au moins d’un auteur de talent comme R. Goscinny. Elles n’en constituent pas moins un point de départ intéressant pour une rélexion sur notre sujet. En effet, les histoires d’Astérix sont la plupart du temps conçues selon une séquence dramatique proche de celle que l’on peut discerner dans les rites de passage. une situation particulière met en cause la communauté des irréductibles Gaulois, ce qui amène Astérix et obélix à « bannir » ensemble comme dit Obélix. Il y a donc séparation, qui est parfois suivie par un moment de marges (géographiques) souligné par un jeu vestimentaire, notamment quand nos deux Gaulois font les légionnaires, quand ils s’habillent en égyptiens, etc., le temps que la situation se décante et qu’on élimine le problème que rencontrait la communauté. quand ce problème est réglé, il est temps de mettre un terme au moment des marges : nos héros peuvent rentrer, d’où un autre rite, d’agrégation cette fois, qui est dramatisé sous la forme du célèbre banquet qui clôt tous les albums. Ce rite marque un retour à la normale et, dans le cas des histoires d’Astérix, c’est bien de cela qu’il s’agit. La « normale », c’est que chacun retrouve sa place : - ceux qui mangent à la table circulaire sont les Gaulois, les hommes seuls ; - la plupart du temps les femmes sont à l’écart, ou apportent les sangliers, c’est à peu près la seule participation qu’on leur concède ; - les très rares enfants que l’on voit dans la communauté sont eux aussi à l’écart ; - il faut qu’Assurancetourix soit attaché et baîllonné dans son arbre (les exceptions – sa participation au rite d’agrégation - sont rares voire exceptionnelles, mais là encore signiicatives) ; - les Romains, s’ils sont présents, sont par terre, en train de chercher à recouvrer leurs esprits. Au total, dans les histoires d’Astérix, le banquet est le signe distinctif d’un « club d’hommes, club de guerriers » pour paraphraser la célèbre formule d’H.I. Marrou complétée par P. Vidal-Naquet à propos de la cité grecque (Vidal-naquet 1981b, p. 269). Dans tous les rites de passage, les pratiques de commensalité sont le moyen le plus commode RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires. de dramatiser, de mettre en scène, ce retour à la normale que constitue le rite d’agrégation, par la reformation du groupe de convives, car tous ceux qui le peuvent récupèrent leur place d’avant la séparation, de façon à ce que la communauté fonctionne à nouveau normalement : ceux qui ont changé de statut peuvent y participer à leur tour, la participation ayant un rôle performatif en conirmant et concrétisant ces modiications statutaires. Le banquet est l’occasion du partage, pas forcément un partage égalitaire mais au moins équitable : à chacun sa part selon sa place. LE MARIAGE DE LA FEMME SPARTIATE SELON PLuTARquE un autre exemple très éclairant quant au potentiel de la formalisation de van Gennep est celui du mariage spartiate tel qu’il nous est raconté par Plutarque dans la Vie de Lycurgue. Ce potentiel, on va le voir, s’exprime d’une autre manière, puisque le « schéma » des rites de passage rend « pertinentes » des absences. Soit, pour commencer le récit de Plutarque, sur le mariage spartiate : « On se mariait à Sparte en enlevant sa femme qui ne devait être ni trop petite ni trop jeune, mais dans la force de l’âge et de la maturité. La jeune ille enlevée était remise aux mains d’une femme appelée “ nympheutria ”, qui lui coupait les cheveux ras, l’affublait d’un habit et de chaussures d’homme et la couchait sur une paillasse, seule et sans lumière. Le jeune marié, qui n’était pas ivre, ni amolli par les plaisirs de la table, mais qui, avec sa sobriété coutumière, avait dîné aux phidities (repas pris en commun), entrait, lui déliait la ceinture, et, la prenant dans ses bras, la portait sur le lit. Après avoir passé avec elle un temps assez court, il se retirait décemment et allait, suivant son habitude, dormir en compagnie des autres jeunes gens » (plutarque, Vie de Lycurgue, XV, 4-7). On laissera de côté les questions relatives au « réalisme » de ces descriptions de la part d’un auteur qui écrit plusieurs siècles après la situation mentionnée. L’interprétation de ce court texte pose par ailleurs peu de problèmes : le mariage est conçu - et cela ne surprendra personne - comme un rite de passage, qui est très dramatisé ici, avec une séparation mise en scène sous la forme d’un rapt, et un rite de marges qui est triplement mis en scène, sous la forme d’une réclusion, d’un vêtement, et d’une coiffure. Cela s’accompagne d’une inversion des sexes (Vidal-naquet 1981c, p. 164), car un tel traitement correspond à celui que recevaient les jeunes garçons durant leur rite d’initiation au passage entre deux classes d’âge vers 7 ans. La réclusion n’est ici pas un vain mot car c’est dans une véritable cellule, que la future mariée attend. La suite est intéressante : le jeune marié, qui a dîné avec ses amis masculins, vient retrouver son épouse, lui dénoue sa ceinture, ce qui constitue la métaphore du rapport sexuel (c’est aussi celle de l’accouchement), et peu après s’en va rejoindre ses collègues. Ce qui frappe ici, c’est que pour un rite de passage, il manque tout simplement le rite d’agrégation. Ce n’est pas l’union sexuelle pratiquée de façon subreptice qui peut remplir ce rôle. On a bien sûr souvent noté le caractère de clandestinité des relations entre le mari et la femme : la raison donnée par Plutarque est que cela sert à entretenir le désir entre époux pour les rendre plus féconds. Le rite d’agrégation serait remis à plus tard ou à jamais. Mais dans le cas de ce mariage spartiate, les absences sont multiples : d’abord les jeunes illes ne connaissent pas à Sparte de division en classes d’âges aussi articulées que les garçons ; elles ne connaissent pas de véritable rite d’initiation (ou de passage) avant celui qui intervient au moment du mariage. Il apparaît clairement que la position de la femme dans la société spartiate est déterminée par la conception spartiate de la famille. Précisément, ce qui caractérise cette cité, c’est l’effort fait pour exclure la famille des principes organisateurs et reproducteurs de la société spartiate : la famille est en effet « réduite à sa plus simple expression » (finley 1984, p. 42), elle est à chaque niveau remplacée par des groupes masculins qui, pour reprendre les termes de Finley, « empiètaient les uns sur les autres (classes d’âge, couplage homosexuel, corps d’élite, syssities) ». La cité spartiate organise non pas le mariage, mais des unions sexuelles pour avoir des futurs citoyens-soldats. On y trouve une parfaite disjonction du mariage et de la procréation : on peut choisir l’épouse d’un autre, on peut faire se reproduire avec un autre sa propre épouse, etc. et tous les pères ont autorité sur tous les enfants. Le mariage était encouragé dans le seul but de la procréation d’enfants. Le célibat est, d’après Plutarque, interdit ou tout au moins très déconsidéré et les célibataires étaient ridiculisés (les trembleurs) et supportent des diminutions de leurs droits. On n’est pas libre de se marier quand on le souhaite : d’après Xénophon, c’est Lycurgue qui a interdit cela. On comprend mieux pourquoi le mariage spartiate tel qu’il est décrit par Plutarque escamote le troisième temps du rite de passage : si le rite d’agrégation n’a pas lieu c’est qu’il n’y a simplement pas d’agrégation. Le mariage ne débouche pas sur la formation d’une nouvelle entité, une famille, ni sur l’entrée des mariés dans la famille étendue de l’un ou l’autre. L’absence, dans la pratique rituelle, a donc du sens. Et c’est bien la formalisation des rites de passage qui seule permet de repérer cette absence. qu’il s’agisse en l’occurrence d’une cité et de pratiques largement « fantasmées » par des témoins de l’extérieur, et postérieurs, nous importe peu ici car même si c’est de la iction étrangère à Sparte, elle conserve une parfaite logique systémique (Mosse 1983, p. 81). 17 RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires. LES ENSEIGNEMENTS DE CES EXEMPLES De ces commentaires, de ces critiques, de ces exemples, on peut retirer plusieurs enseignements pour notre démarche, notamment que : - les rites de passage et leur rythme ternaire sont universels, il n’y a aucune chance pour que des pratiques par exemple funéraires ne s’inscrivent pas dans cette grille ; et s’il manque un des rites, cette absence a toutes les chances d’être signiicative et pourra, voire devra, être prise en compte ; - les rites de passage articulent des pratiques dont on sait qu’elles ont des rapports entre elles en des ensembles cohérents – des systèmes -, comme les funérailles et les banquets funéraires par exemple ; - les rites de passage scandent le temps, découpent l’espace, même virtuellement ; l’enquête archéologique est la plus à même pour mettre en relation ces découpages et en évidence que tel espace est parcouru à tel moment du rite, tel autre à tel autre moment ; - les rites de passage assument aussi des fonctions au sein de la société, et c’est à travers ces rites et ces fonctions que l’on peut approcher les sociétés que l’on étudie ; - les « rites de passage » ne constituent pas qu’une grille interprétative, mais aussi une construction heuristique, je veux dire par là « qui doit aider à la découverte », par exemple la recherche d’espaces secondaires, lieux de pratiques plus discrètes. Ainsi « outillé », il est possible d’envisager la brève étude de cas funéraire et archéologique. « ConsIDératIons CrItIQUEs MaIs non poLéMIQUEs » : LE Cas DE La néCropoLE DE LaMaDELaInE J’emprunte une partie du titre à M. Godelier (Godelier 1984, p. 229) pour souligner que mon propos n’est pas de rejeter les interprétations antérieures mais au contraire d’envisager en quoi une rélexion basée sur les « rites de passage », à partir d’un travail d’une grande qualité, peut dépasser les propositions interprétatives faites initialement. La nécropole de Lamadelaine a en effet été fouillée par d’autres, étudiée par d’autres, publiée par d’autres et tout cela très bien. 18 Même si la publication de la nécropole est devenue un « classique » de l’archéologie protohistorique, les traits principaux doivent être rappelés (Metzler-zens, Metzler et al. 1999). Le champ de repos considéré est l’une des deux nécropoles associées à l’oppidum du Titelberg. Soixante-quatorze tombes ont été mises au jour, certaines renfermant plusieurs individus, qui sont estimés à 82 au moins. Pour l’essentiel, il s’agit d’incinérations, l’inhumation étant réservée aux très rares cas de tombes d’enfant de moins d’un an. Enin la nécropole est utilisée sur une période de plus d’un siècle (120 ans), pour l’essentiel le Ier siècle avant n. è., entre la in de l’âge du Fer et le début de l’époque gallo-romaine. Je voudrais explorer dans cette partie l’intérêt de recourir à la grille de lecture des « rites de passage » sur ce cas bien étudié. Auparavant, il convient de mentionner les stimulantes analyses qui ont déjà été proposées. LES INTERPRéTATIONS DES DONNéES DE LA NéCROPOLE DE LAMADELAINE Il est inutile de chercher à résumer en un paragraphe les denses observations et interprétations publiées par les archéologues à propos de la nécropole de Lamadelaine. Dans le cadre nécessairement limité de ce texte, je ne relèverai ici que les traits les plus signiicatifs pour mon propos. En particulier, les archéologues ont formulé l’hypothèse d’une exposition prolongée des corps avant leur incinération qui s’appuie sur plusieurs catégories d’indices (Metzler-zens, Metzler et al. 1999, p. 405-409) parmi lesquels on peut prioritairement retenir : - l’identiication de plusieurs tombes à incinération multiples ; - la présence de dents humaines non brûlées qui n’ont pu se détacher que de squelettes décharnés ; - l’état du matériel, comme les ibules et d’autres objets métalliques dont la corrosion ou la fragmentation ne seraient compatibles qu’avec une exposition à l’air. Cette exposition aurait été pratiquée par exemple sur des constructions à quatre ou huit poteaux. Une exposition similaire peut être proposée pour des chevaux sacriiés (Metzler-zens, Metzler et al. 1999, p. 413-414). De son côté, la découpe très poussée subie par le cochon et accessoirement par le bœuf, ainsi que des traces sur les os de porc incitent P. Méniel à penser qu’il s’agit de morceaux conservés un certain temps, notamment sous la forme de jambons salés et fumés (Metzler-zens, Metzler et al. 1999, p. 264 et 414). Pour l’interprétation globale des rites attestés à travers ces pratiques, quatre étapes (ou paliers) sont distinguées (ig. 3), chacune associée à un élément fondamental (Metzler-zens, Metzler et al. 1999, p. 443-446) : - la première étape est celle de l’exposition, et c’est l’action de l’air qui va provoquer la disparition des chairs du mort ; cette étape est accompagnée d’offrandes animales, sous la forme de l’exposition du cheval d’un côté, et de banquet ; - la 2e correspond à la crémation des os décharnés, accompagnée à nouveau d’offrandes animales, végétales, de boissons alcoolisées ; un autre sacriice serait effectué, dont une partie init sur le bûcher, une autre dans la tombe, une 3e serait sans doute consommée ; RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires. Homme Animal non comestible Animaux comestibles cheval porc, coq, boeuf, chien... décès mise à mort mise à mort découpe quartiers de viande lieu d’exposition brûlés? 1er sacrifice consommés? conservés banquet? os décharnés bûcher mise à mort découpe quartiers de viande 2e sacrifice consommés banquet eau ? tombe Fig. 3 - Schéma de lecture en quatre paliers des pratiques funéraires de Lamadelaine. D’après Metzler-zens, Metzler et al. 1999, p. 444, ig. 397. - la 3e étape est celle de la mise en terre des différents vestiges et offrandes ; on insiste sur le fait qu’une partie seulement de la crémation humaine est recueillie ; - la 4e étape, non vériiée archéologiquement, correspondrait à la dispersion dans les eaux du reste de la crémation. Au total, ces quatre étapes seraient chacune associées à un élément fondateur du monde (ig. 4), air, feu, terre, eau, les auteurs se référant plus ou moins explicitement à des catégories mises en avant par l’école pythagoricienne (Metzler-zens, Metzler et al. 1999, p. 446 et 448-449). LES TEMPS DES RITES Grâce à la très grande qualité du travail réalisé sur la nécropole de Lamadelaine et notamment la quantité d’observations faites sur le terrain au moment de la fouille, il est peut-être possible de Sphère celeste apport à l'air apport au feu exposition crémation mort immersion? enterrement apport à l'air? apport au feu Sphère chtonienne Fig. 4 - Les quatre paliers rituels mis en relation avec les « quatre éléments fondamentaux ». D’après Metzlerzens, Metzler et al. 1999, p. 446, ig. 398. 19 RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires. faire des propositions complémentaires. Il serait d’ailleurs souhaitable qu’une telle situation se reproduise plus souvent. à l’interprétation en quatre temps des auteurs, et en modiiant à peine le schéma proposé par eux, je souhaiterais en effet substituer une interprétation en trois temps, en appliquant, on l’aura deviné, la grille de lecture que constituent les « rites de passage » tels qu’explicités plus haut (ig. 5). Dans le cas présent, les rites de séparation débutent après la mort de l’individu, mais on peut suggérer qu’ils sont étirés par des sacriices comme celui du cheval, et éventuellement des sacriices d’autres animaux tués à des ins alimentaires différées : la tenue d’un banquet ne serait pas dans cette logique indispensable à cette étape. Cheval Rites de séparation Le moment des marges est, comme souvent, incontestablement le plus facile à identiier : l’exposition du mort sur une plateforme, dans un lieu spécialisé, correspond sans aucun doute à ce moment liminaire : on pourrait suggérer que le choix d’une plate-forme suspendue entre ciel et terre constituerait l’aspect essentiel de ce moment des marges, avec l’exposition du cheval tué au moment du rite de séparation. Dans cette perspective, les parties des animaux sacriiés précédemment et dont on sait que certaines au moins ont subi des traitements comme le fumage (et le séchage ?), connaîtraient une forme parallèle à l’exposition. Viendraient enin les pratiques constituant le rite d’agrégation, dont on peut se demander s’il s’agit d’une agrégation double : du mort avec les morts, individu mort animaux “bons à consommer” Traitements du corps ? Sacrifice “Société” des Vivants Traitements corporels ? Sacrifice Exposition Rites de marges de l’animal du mort des parties animales (fumages séchage ?) Vêture particulière ? Sacrifice Offrandes animales et libation Rites d’agrégation Crémation Mise en terre "Banquets" Retour à la normale Fig. 5 - Schéma de lecture du rite de passage en trois étapes rituelles – séparation, marges, agrégation – des pratiques funéraires de la nécropole de Lamadelaine. 20 RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires. des vivants entre survivants. Du point de vue des vivants, c’est à l’articulation des deux moments qu’interviendraient les boissons alcoolisées – vin et/ ou bière - qui pourraient être (c’est une caractéristique universelle et particulièrement mise en évidence dans la mentalité grecque par exemple) envisagées comme les instruments du passage entre une étape du rite – liminaire - et l’autre – postliminaire. Cela se doublerait du second sacriice animal repéré par les archéologues grâce à la présence d’os frais dans les offrandes funéraires, sacriice précédant la tenue d’un banquet (sans exclure un partage des parties animales prenant la forme d’une distribution de morceaux consommés plus tard). La pratique de commensalité permet aussi au monde animal, dans sa diversité, de retrouver la ou les places normales par rapport à celui des hommes. En partant de cette idée, j’aurais tendance à exclure tout banquet suivant le premier sacriice et l’interprétation des opérations de séchage et fumage de la viande comme une analogie assez stricte avec la forme d’exposition que connaît le défunt humain : pendant cette période des marges, les grandes oppositions humain/ animal s’estomperaient en partie par des pratiques parallèles et homologues, sans que les frontières soient jamais complètement effacées. D’ailleurs, la remarque quant à une opposition entre viande de cheval, destinée à se décomposer, et viande de porc fumée et salée pour se conserver, paraît tout à fait pertinente et convaincante (Metzler-zens, Metzler et al. 1999, p. 444). De leur côté, les limites entre l’homme mort et l’animal mort ne seraient pas entièrement abolies mais singulièrement estompées. Les rites d’agrégation à l’occasion desquels chaque catégorie retrouverait sa place, viseraient aussi, en retour, à la réafirmation de ces séparations irrémédiables entre vivants et morts, entre humain et animal. quant à la question de l’agrégation du mort, un trait noté par les archéologues de la nécropole donne à penser : on a émis l’hypothèse que des aménagements étaient réalisés dans la tombe qui permettaient le versement de libation directement dans le contenu de la tombe, par l’intermédiaire de quelque tube, dans le cadre d’un culte des ancêtres (Metzler-zens, Metzler et al. 1999, p. 434). On ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec la pratique mentionnée par A. van Gennep à propos des morts mordvines que les vivants « nourrissent » régulièrement par un trou dans la terre et le cercueil (Van Gennep 1991, p. 233). Ce n’est pas l’analogie qui nous importe ici mais plutôt le fait que ce nourrissage est le signe que la période de marge ne s’est pas encore interrompue. On pourrait alors se demander si à Lamadelaine, cette pratique n’est pas associée à l’idée que les morts n’ont pas encore rejoint leur communauté et que l’agrégation, au moins pour eux, n’a pas encore eu lieu. Au total, comme repéré dans d’autres situations, le moment des marges se trouverait encadré par deux pratiques symétriques se traduisant ici par des sacriices animaux : mais alors que le premier n’aurait pas nécessairement débouché sur une pratique de commensalité, le second sacriice aurait précédé un repas communautaire, car la symétrie exclut justement que les deux pratiques soient strictement équivalentes. Cette lecture, il faut le souligner, n’est pas incompatible avec les interprétations symboliques des fouilleurs autour des quatre éléments fondamentaux : mais de mon point de vue, avancer de telles propositions est déjà aller un peu trop loin par rapport à nos données, et je ne suis pas sûr qu’il faille avoir pour but cette archéologie des symboles. Les différences entre les deux schémas explicatifs pourront paraître secondaires. C’est justement sur des nécropoles aussi précisément fouillées, analysées et publiées qu’il faut tester cette démarche interprétative de façon à l’envisager avec plus de sécurité sur des terrains archéologiquement plus ingrats. D’une façon générale, les « rites de passage » ne doivent pas être limités à une sorte de casiers dans lesquels on ferait entrer de force les comportements funéraires : on le sait d’avance, les funérailles ont toutes les chances d’être organisées en séquences ternaires de séparation, marges et agrégation. Les archéologues de Lamadelaine ne méconnaissent pas la notion de « rite de passage » mais ne cherchent pas à l’exploiter davantage (Metzler-zens, Metzler et al. 1999, p. 405 et 443). De mon point de vue, il ne s’agit pas de se satisfaire de repérer les trois gammes de rites, mais d’en faire un véritable outil de découverte qui permette à l’archéologue d’interroger autrement ou plus précisément encore les vestiges qu’il a sous les yeux ou justement ceux qui ne sont pas immédiatement perceptibles. Dans un deuxième temps, cela permettrait d’envisager des comparaisons à l’intérieur de la communauté des morts concernés, puis entre sites funéraires, sur des bases plus pertinentes que les simples ou seuls aspects formels. Au total, la démarche que je propose ici vise à élaborer une sorte d’idéal-type des funérailles – en l’occurrence celles de Lamadelaine - composée à partir de toutes les observations faites lors des fouilles et des analyses et propositions formulées ensuite : un idéal-type au sens weberien, ain de dégager un modèle de funérailles qui n’auraient sans doute jamais eu lieu. Dans un second temps, et ce travail sera présenté en un autre endroit, il est nécessaire de rapprocher chaque tombe particulière de cet idéal-type ain de dégager d’éventuelles régularités ou évolutions, des attirances et des répulsions de tel ou tel groupe social par rapport à ce rite de passage. Je rejoins de cette manière la démarche adoptée par Laurence Hérault à propos du mariage vendéen, qui a d’abord dégagé des modèles 21 RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires. théoriques pour ensuite rapprocher les différents mariages « réels » de ces modèles (seGalen 1998, p. 97). On obtient une sorte de moyenne théorique à partir de laquelle il est possible d’envisager les écarts, les écarts à la moyenne pour emprunter à la statistique. Et l’on sait, l’analyse factorielle nous l’a appris, que ce sont eux qui sont signiicatifs. ConCLUsIon Concluons. L’intérêt de la formalisation - ou la schématisation - de van Gennep comme instrument heuristique est de fournir une grille commune, universelle, à l’intérieur de laquelle les différents gestes identiiés sur différentes nécropoles peuvent et pourront à l’avenir prendre une place dans une séquence temporelle et des espaces articulés. Cette grille de lecture doit permettre d’aller chercher des données qu’on aurait ignorées ou laissées de côté jusque-là. Comme cela s’est produit pour la « technologie » qui disposait en amont du corpus théorique nécessaire avec les travaux d’A. LeroiGourhan et de B. Gilles, sur le plan des gestuelles funéraires, les inventaires n’auront de pertinence que si la formalisation théorique les précède. Les rites de passage d’A. van Gennep pourraient en constituer les fondations. C’est d’ailleurs le seul objet d’une démarche théorique : elle ne cherche pas à proposer des réponses, elle vise à mieux poser les bonnes questions. Dans cette perspective, je fais mienne cette rélexion de l’économiste D. Villey à propos des « historicistes » de l’école historique allemande : « par crainte de déformer les faits en leur imposant l’ordre de l’esprit, ils ont introduit dans leur esprit le désordre même des faits » (Villey dans Villey & neMe 1996, p. 196). On la rapprochera utilement du commentaire de N. Belmont à propos du schéma des rites de passage de A. van Gennep : « c’est un schéma heuristique et méthodologique qui permet d’appliquer un ordre dans la forêt vierge des faits ethnographiques » (belMont 1974, p. 75). Tel est bien l’enjeu de nos études des sociétés anciennes à partir des données funéraires : à n’envisager que les faits et les gestes comme certains le proposent, on ne pourra jamais dépasser le stade de la compilation, cette sorte de catalogue dans le meilleur des cas « raisonné » ; dans le pire des cas, les archéologues seront ensevelis sous une quantité de données extrêmement variées dont il sera impossible d’extraire la moindre rélexion pertinente à propos des sociétés concernées. Il importe de sortir de la forêt. 22 BIBLIoGrapHIE BARAy Luc, BRuN Patrice et al. (2007) - Pratiques funéraires et sociétés. Nouvelles approches en archéologie et en anthropologie sociale. Actes du colloque interdisciplinaire de Sens, éd. universitaires de Dijon, Dijon, Collection Art, archéologie & patrimoine, 419 p. BELMONT Nicole (1974) - Arnold van Gennep, le créateur de l’ethnographie française, Payot, Paris, Petite bibliothèque Payot. Collection Science de l’homme, 187 p. BINFORD Lewis R. (1971) - « Mortuary practices : their study and their potential » dans BRoWN James Allison - Approaches to the Social Dimensions of Mortuary Practices, Society for American Archaeology, Washington, Memoirs of the Society for American Archaeology 25, p. 6-29. BOuRDIEu Pierre (1982) - « Les rites comme actes d’institution » dans - Rites et fétiches, Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 43(1), Maison des Sciences de l’homme, Paris, p. 58-63. CRuBEZy Eric (2000) - « L’étude des sépultures, ou du monde des morts au monde des vivants » dans CRUBEZY éric, MASSET Claude et al. - Archéologie funéraire, Errance, Paris, Collection « archéologiques », p. 8-54. D’AGOSTINO Bruno (1985) - « Società dei vivi, Comunità dei Morti : un rapporto dificile » , DialA, 1, Edizioni quasar, Roma, p. 47-58. FINLEY Moses I. (1984) - « Sparte et la société spartiate » dans FINLEy Moses I. - économie et Société en Grèce Ancienne, éditions La Découverte, Paris, p. 35-58. GODELIER Maurice (1984) - L’idéel et le matériel. Pensée, économies, sociétés, Fayard, Paris, 348 p. LEACH Edmund Ronald (1968) - Critique de l’anthropologie, PuF, Paris, SuP. Le Sociologue ; 16, 238 p. MAuSS Marcel (1910) - « Compte rendu de A. van Gennep, les rites de passage », Année sociologique, 11, p. 200-202. METCALF Richard & HuNTINGTON Peter (1991) Celebration of death. The anthropology of mortuary ritual, Cambridge university Press, Cambridge, 252 p. METZLER-ZENS Nicole, METZLER Jeannot et al. (1999) Lamadelaine, une nécropole de l’oppidum du Titelberg, Musée National d’Histoire et d’Art, Luxembourg, Dossiers d’archéologie du musée national d’histoire et d’art VI, 471 p. MOHEN Jean-Pierre (1995) - Les rites de l’au-delà, O. Jacob, Paris, 330 p. MOSSE Claude (1983) - La Femme dans la Grèce antique, Albin Michel, Paris, L’Aventure humaine, 189 p. PARKER PEARSON Mike (1999) - The Archaeology of death and burial, Sutton, Stroud, 250 p. POuX Matthieu (2002) - « L’archéologie du festin en Gaule préromaine. Acquis, méthodologie et perspectives » dans MENIEL Patrice & LAMBOT Bernard - Repas des vivants et nourriture pour les morts en Gaule : découvertes récentes de l’âge du fer dans le massif des Ardennes et ses marges. Actes du XXVe colloque de l’A.F.E.A.F. (Charleville-Mézières 2001), BSocAChamp, Société archéologique champenoise, Reims, Mémoire ; 16, p. 345-374. RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires. RuBy Pascal (2007) - « Et l’on brûlera tous les héros… Poésie épique, pratiques funéraires et formes du pouvoir dans la protohistoire méditerranéenne du début du Ie millénaire avant n.è. » dans BARAY Luc, BRUN Patrice et al. (2007) - Pratiques funéraires et sociétés. Nouvelles approches en archéologie et en anthropologie sociale. Actes du colloque interdisciplinaire de Sens, éd. universitaires de Dijon, Dijon, Collection Art, archéologie & patrimoine, p. 321-349. SCHNAPP Alain (1993) - La conquête du passé. Aux origines de l’archéologie, Carré, Paris, 384 p. SEGALEN Martine (1998) - Rites et rituels contemporains, Nathan université, Paris, Collection 128, 128 p. VAN GENNEP Arnold (1991) - Les rites de passage. étude systématique des rites de la porte et du seuil, de l’hospitalité, de l’adoption, de la grossesse et de l’accouchement, de la naissance, de l’enfance, de la puberté, de l’initiation, de l’ordination, du couronnement, des iançailles et du mariage, des funérailles, des saisons, etc., Picard, Paris, 288 p. VIDAL-NAquET Pierre (1981a) - « Le cru, l’enfant grec et le cuit » dans VIDAL-NAQUET Pierre - Le Chasseur noir. Formes de pensée et formes de société dans le monde grec, François Maspéro, Paris, p. 177-207. VIDAL-NAquET Pierre (1981b) - « Esclavage et gynécocratie dans la tradition, le mythe, l’utopie » dans VIDAL-NAquET Pierre - Le Chasseur noir. Formes de pensée et formes de société dans le monde grec, François Maspéro, Paris, p. 267-288. VIDAL-NAquET Pierre (1981c) - « Le chasseur noir et l’origine de l’éphébie athénienne » dans VIDAL-NAQUET Pierre - Le Chasseur noir. Formes de pensée et formes de société dans le monde grec, François Maspéro , p. 151-175. VILLEy Daniel & NEME Colette (1996) - Petite histoire des grandes doctrines économiques, éditions Litec - M.-Th. Génin, Paris, 474 p. (1e éd. 1944). VERNANT Jean-Pierre (1982) - « Introduction » dans GNOLI Gherardo & VERNANT Jean-Pierre - La mort, les morts dans les sociétés anciennes, Cambridge university Press ; éditions de la Maison des sciences de l’homme, Cambridge - Paris, p. 5-15. L’auteur Pascal RuBy - université Paris 1, ArScan, uMR 7041, équipe Protohistoire européenne. résumé En s’appuyant sur la qualité et la quantité des données produites par l’anthropologie funéraire, certains chercheurs ont pu faire le choix de se détourner des questions posées par les rituels, qui seraient largement ou totalement inaccessibles aux archéologues. C’est justement aux rituels appréhendés par l’archéologie que s’intéresse la présente communication. Il est rappelé qu’au prix de quelques approfondissements théoriques, le schéma interprétatif d’A. van Gennep sur les « rites de passage » constitue encore un puissant outil heuristique pour les acteurs de cette discipline et notamment pour envisager en une séquence dynamique les vestiges matériels statiques des différents gestes funéraires. Le potentiel des « rites de passage » est illustré par le réexamen « critique mais non polémique » de l’interprétation globale qui avait été proposée au moment de la publication de la nécropole de Lamadelaine (Luxembourg). Mots-clefs : Rites de passage, banquet, post-processualisme, habitus, idéal-type, van Gennep, Bourdieu, Leach, Mauss, Metcalf et Huntington, Sparte, Lamadelaine. abstract Invoking the high quality and quantity of the data yielded by funerary anthropology, certain scholars have in the past chosen to leave aside any consideration concerning the actual rites, supposed to be largely or totally out of reach for archaeologists. This paper deals precisely with the rites as they may be comprehended by archaeology. We remind the reader that, with a few theoretical adjustments, A. van Gennep’s concept of “rites of passage” is still a powerful heuristic tool for researchers in this discipline, and especially when it comes to recreating a dynamic sequence of funerary gestures from the static physical remains left in the grave. In illustration of the potential of the “rites of passage” approach, we present a “critical but non-polemical” re-examination of the global interpretation included in the publication of the burial site of Lamadelaine (Luxembourg). Key words : Rites of passage, banquet, “ post-processualism”, habitus, ideal-type, van Gennep, Bourdieu, Leach, Mauss, Metcalf & Huntington, Sparta, Lamadelaine. Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX. 23 RAP - 2009, n° 3/4, Pascal ruby, L’impasse de la pratique. L’apport des «rites de passage» à l’approche systémique des gestuelles funéraires. Zusammenfassung Die Problematik der Rituale ist den Archäologen größtenteils oder vollständig unzugänglich. Einige Forscher haben sich, aufgrund der qualität und der quantität der Informationen der Bestattungsanthropologie zugewandt. Der vorliegende Beitrag beschäftigt sich eben mit den von der Archäologie aufgezeigten Ritualen. Wir möchten daran erinnern, dass das Interpretationsschema A. van Genneps zu den Übergangsriten mit einigen theoretischen Ergänzungen immer noch ein wichtiges heuristisches Instrument für die Beteiligten dieser Disziplin darstellt. Insbesondere dient es dazu, eine dynamische Sequenz der statischen materiellen Spuren der unterschiedlichen Bestattungsgesten ins Auge zu fassen. Das Potenzial der Übergangsriten wird durch die "kritische aber nicht polemische" Überprüfung der globalen Interpretation veranschaulicht, die zur Zeit der Veröffentlichung der Nekropole von Lamadelaine (Luxemburg) vorgeschlagen worden war. Schlüsselwörter : Übergangsriten, Leichenmahl, Post-Prozessualismus, habitus, Idealtypus, van Gennep, Bourdieu, Leach, Mauss, Metcalf und Huntington, Sparta, Lamadelaine. Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr). 24 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie. IMpLantatIon Et oCCUpatIon DEs EspaCEs FUnéraIrEs aU sEConD âGE DU FEr En pICarDIE Sophie DESENNE, Geertrui BLANCquAERT, Stéphane GAuDEFROy, Marc GRANSAR, Bénédicte HéNON & Nathalie SOuPART IntroDUCtIon Dans le cadre du projet Les gestuelles funéraires au second âge Fer en Picardie, nous avons tenté de caractériser l’implantation et l’occupation des espaces funéraires durant les cinq derniers siècles avant notre ère. L’étude s’appuie sur l’analyse de 73 occupations funéraires, soit près de 683 tombes (ig. 1), réparties dans le quart nord-ouest du Bassin parisien, du littoral normand et picard aux conins de l’Aisne champenoise, de La Tène ancienne à La Tène inale. Les ensembles réunis sont qualitativement et quantitativement inégaux, avec d’une part des sites fouillés dans leur intégralité, ou partiellement, du fait de la recherche, ou de destructions et d’autre part, une répartition chronologique et géographique inégale des sites au sein de notre zone d’étude (ig. 2). En effet, le début de la séquence est fortement représenté dans les départements de l’Aisne et de l’Oise et quasiabsent dans la Somme. à l’inverse, on note une surreprésentation de La Tène moyenne et inale dans la Somme et un faible effectif dans l’Oise. Notre étude est centrée sur la Picardie, mais ne se restreint pas aux limites administratives strictes. Aussi, quelques ensembles ont été sélectionnés aux portes de cette région. Ain de caractériser les espaces funéraires laténiens et leur évolution, nous souhaitons déinir ici les différentes étapes de l’utilisation du cimetière, de sa création à son abandon. À cette in, nous avons observé les choix réalisés lors de l’implantation des sites funéraires en termes géographique et topographique, les différentes formes données à ces espaces dévolus aux défunts et leur développement spatial. L’EnvIronnEMEnt GEoGrapHIQUE, topoGrapHIQUE Et HUMaIn La majorité des sites funéraires est localisée sur les plateaux (67 %), près d’un quart en fond de vallée (ig. 3) ; quelques uns le long du littoral (8 %) et un seul en plaine (ig. 3). Rappelons que plusieurs sites comme Bernay-en-Ponthieu (tikonoff 1994c), Noyelles-sur-Mer (baray et al. 1994), SaillyImplantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie. Flibeaucourt (tikonoff 1994a) ou Grand-Laviers (defffressiGne 1994a), aujourd’hui situés dans les terres, en raison de l’évolution marquée du paysage et du déplacement du rivage, étaient en bord de mer à l’âge du Fer (soMMé 1979). Les versants, rebords et replats sont les positions les plus fréquentes avec chacun 20 % des effectifs (ig. 3) au détriment des terrasses et des buttes. Dès La Tène A et B, les sites sont localisés en vallée, préférentiellement sur les terrasses et versants. Ce modèle d’implantation perdure jusqu’à la in de la séquence dans la vallée de l’Aisne. à partir de La Tène C1, une majorité de sites est implantée sur les plateaux, essentiellement sur des versants dans l’Oise et sur des rebords et des replats dans la Somme. Dans ce département, les sites sont installés à une altitude comprise entre 84 et 100 m NGF, alors que ceux de Seine-Maritime et de l’Oise sont entre 150 et 165 m NGF. Cette préférence topographique tend à se modiier dans le temps avec, à La Tène D, une implantation sur des positions plus élevées entre 135 et 180 m NGF. La dichotomie entre La Tène ancienne (sites de fond de vallée) et La Tène moyenne/inale (sites de plateau) est remarquable. Mais nous devons rester prudent et observer que la répartition des sites funéraires inventoriés semble révéler, en grande partie, non pas une réalité historique mais une réalité économique liée aux aménagements du territoire, et donc l’état des recherches (cf brun et al. 2005 et Malrain et al. 2005 , dans le bilan régional sur la Picardie) ! L’environnement topographique et humain se caractérise par (ig. 4) : - la présence ou l’absence d’un point remarquable naturel (point haut, butte de terre, pente), ou artiiciel (tertre funéraire de l’âge du Bronze) ; - la « mémoire des lieux » (habitat ou batterie de silos des générations précédentes) ; - le contexte local humain (espace funéraire isolé, associé à un habitat, ou confondu à l’habitat. 25 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie. Boulognesur-Mer Étaples Ca 67 23 Lille Ly s 69 nc he 68 Au thi e Arras So mm 22 21 e 31 35 17 24 Amiens 43 33 49 4811 4142 38 28 34 27 l‘A 39 40 vr e 26 Le Havre 65 Rouen Ep te 66 Th ér ain 37 64 54/55 Aisne Compiègne 62 Soissons 2 52 5 1 ise 4 Eu re 56 53 Vesles ChateauThierry 50 Paris 63 71 Creil O e in Se 3 Laon Noyon 7 Beauvais 8 9 Risle 70 Saint-Quentin 51 So mm e 10 6 Orne 13 14 47 12 36 15 16 se 30 Oi Dieppe 20 44/45/46 25 19 18 32 l‘Ou rcq 29 e Marn Meaux Marne la Ferté S/s Jouarre Fontainebleau g Loin Yo n 26 ne Sens Fig. 1 - Cartographie des sites funéraires inventoriés : 1 - Longueil-sainte-Marie "Près des Grisards", 2 - Verberie "La Plaine de Saint Germain", 3 - Chambly "La Remise Ronde", 4 - Baron "Le Buisson Saint Cyr", 5 - Canly "Les Trois Noyers", 6 - Oroër "Sous le Bois Saint Martin", 7 - Noirémont / Chaussée du Bois d’Ecu "Beaufort/La Coignée", 8 - Allonne/Saint Sulpice "La Chaussée de la Reine Blanche", 8 – Allonne "Les quarante Mines", 9 - Auteuil "Le Moulin", 10 - Villers-Vicomte "La Rosière", 11 - Cachy "Les Fiermonts", 12 - Framerville-Rainecourt "Le Fond d’Herleville", 13 - Soyecourt "La Sole des Tombeaux", 14 - Fresnes-Mazancourt "La Sole du Moulin", 15 - Cizancourt/Licourt "La Sole des Galets", 16 - Athies "Le Chemin de Croix", 17 - Vignacourt "Le Collège 2", 18 - Francières "Grand-Hétroye/Les quatorze", 19 - Abbeville "Sole à Baillon", 20 - GrandLaviers "Le Mont Henry", 21 - Sailly-Flibeaucourt "Voie de Port/Les Anglais’, 22 - Noyelles-sur-Mer "La Côte des Fossés aux Renards", 23 - Bernay-en-Ponthieu "Tirancourt", 24 - Saint-Sauveur "Le Champ à Trois coins (secteur 1)", 25 - Bouchon "Le Rideau Miquet", 26 - Fransures "Les Longuets/Les Corroyeurs", 27 - Loeuilly "Les Terres du Lieutenant Général/ La Fosse à Cornouiller", 28 - Dury "Le Camp Rolland", 29 - Vismes-au-Val "Le Bois des Dix-Sept", 30 - Bouillancourt-enSéry "La Fosse aux Chats", 31 - Le Translay "Le Chemin de Morival", 32 - Bettencourt-St-Ouen "Bois de Bettencourt", 33 - Saleux "La Vallée du Bois de Guignémic", 34 - Croixrault "L’Aérodrome", 35 - Saint-Vaast-en-Chaussée "Le Chemin du Marais", 36 - Estrées-Deniécourt "Derrière le Chemin du Berger", 37 - Roye "Le Puits à Marne", 38 - Hornoy-le-Bourg "Les Treize/Les Vingt-Huit", 39 - Vraignes-les-Hornoy "Bois de Vraignes", 40 - Croixrault "La Dériole", 41 - Revelles "à la Ferme d’Henneville", 42 - Clairy-Saulchoix "Champs Mugotte/Au Chemin de Pissy", 43 - Pont de Metz "La Ferme aux Mouches (1)", 44 à 46 - Pont-Rémy "Le Fond Baraquin/la queute", 47 - Ennemain "Notre Dame de Joie", 48 - Gentelles "Le Bois de Tronville" 49 - Glisy "Les Terres de Ville", 50 - Roissy-en-France "La Fosse-Cotheret", 51 - Beauvois-en-Vermandois "Le Pied de Bœuf", 52 - Limé "Les Sables", 53 - Maizy "Le Bois Gobert", 54 - Bucy-le-Long "La Héronnière", 55 - Bucy-le-Long "L e Fond du Petit Marais", 56 - Cuiry-lès-Chaudardes "Les Fontinettes", 62 - Villeneuve-Saint-Germain "Les Etomelles", 63 Soupir "Le Parc", 64 - Jaux "Le Camp du Roi", 65 - Saint-Aubin-Routot "Le Four à Chaux 2", 66 - Cottévrard "La Plaine de la Bucaille", 67 - La Calotterie "La Fontaine aux Linottes", 68 - Hénin-Beaumont "Le Marais de Labiette", 69 - Nesles "Fond Vassal", 70 - Vermand "Le Champ du Lavoir", 71 - Orainville "La Croyère" (la bibliographie jointe à cet article englobe l’ensemble des données disponibles pour ces sites). RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie. Sur l’ensemble, 66 sites sont implantés dans un lieu « désert » sans topographie particulière (point remarquable), et 60 ne présentent aucune relation avec une occupation antérieure. Fig. 2 - Répartition chronologique des sépultures par département. Cependant, on remarque, pour certains sites l’existence de points marquants qui ont pu jouer un rôle attractif dans l’implantation. Au sein de ces éléments, le tertre de terre, ancien tumulus de l’âge du Bronze, retient l’attention. Est-ce l’attrait pour ce relief remarquable qui agrège un site funéraire gaulois, ou bien, à plusieurs siècles de distance, reste-t-il un souvenir du rôle funéraire de ces lieux ? à cela s’ajoute le contexte local humain antérieur ou contemporain. Aménager un espace funéraire sur un lieu chargé de « mémoire » est peut-être un moyen de s’approprier une certaine légitimité territoriale, ou les bonnes grâces des ancêtres. Lorsque le hiatus entre deux implantations est long, on peut toutefois douter d’une telle préméditation. En cinq siècles, sépultures isolées, associées ou confondues à l’habitat se côtoient, impliquant des choix dans l’aménagement du territoire, révélant des pratiques et des comportements différents face à la mort. 6 1 plateau contexte géographique naturel vallée 18 plaine 51 littoral Localisation géographique versant 9 2 replat contexte topographique 4 21 rebord butte 20 terrasse indéterminé 20 Fig. 3 - Récapitulatif des différents critères descriptifs concernant la localisation géographique et topographique des sites. 27 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie. absence 66 sites présence (points hauts, butte de terre, tertre) 10 sites point remarquable sans Implantation mémoire des lieux contexte local humain 60 sites avec (habitat, batterie de silos) 5 sites indéterminé 11 sites isolé 35 sites associé à un habitat 27 sites confondu à l'habitat 8 sites indéterminé 6 sites Fig. 4 - Récapitulatif des différents critères descriptifs concernant l’implantation des sites. L’observation de l’environnement humain dans lequel l’espace funéraire s’intègre, indique qu’à partir de La Tène C1 près de la moitié des sites est liée à un habitat (ig. 5). Pour la période précédente, à La Tène ancienne, les sites de l’Aisne sont préférentiellement localisés à l’emplacement d’habitats antérieurs ou d’enclos circulaires de l’âge du Bronze. Dans ce dernier cas, les exemples suggèrent non pas une perduration du lieu, mais une reconsidération d’un territoire (marqué par des tumuli), les hommes du début du second âge du Fer se réappropriant le lieu en tant qu’espace cultuel/religieux. à ces ensembles s’ajoutent les nombreux squelettes retrouvés dans des silos, révélant des pratiques funéraires au sein d’un espace domestique. Ces derniers n’ont pas été pris en considération dans cette étude. EFFECtIF Et DUréE D’oCCUpatIon Les ensembles funéraires se caractérisent à la fois par des critères d’ordre quantitatif, effectif de la population enterrée, durée d’occupation, surface et densité, mais également par des critères qualitatifs comme la présence ou non de délimitation et l’évolution de l’organisation de l’espace. Au sein de ces sites, les effectifs varient de la personne isolée au regroupement de plus de 200 individus, répartis sur 1 à 8 phases. La répartition chronologique du nombre de sépultures par ensemble funéraire révèle des différences marquées et de profonds changements caractérisés par un abandon des espaces funéraires à la in du IVe siècle avant notre ère puis au contraire l’implantation massive de nouveaux sites durant le IIIe siècle (ig. 6). Une classiication du nombre de tombes par espaces funéraires a permis de déterminer 6 catégories (ig. 7), de la tombe isolée (catégorie 1) à la nécropole d’un effectif supérieur à 100 tombes (catégorie 6), avec comme seul cas Bucy-le-Long "La Héronnière" (tab. I). 28 Fig. 5 - Répartition chronologique des types de contexte (isolé ou associé à l’habitat) par ensemble funéraire (les tombes en silo ne sont pas inclues dans ce graphique). Les tombes isolées (catégorie 1) n’existent pas à La Tène A et B. à l’inverse, on remarque un net développement de cette pratique à La Tène C1 (plus de 10 % des ensembles), qui s’intensiie à La Tène D1 (près d’un quart des effectifs) puis à La Tène D2 (près de la moitié). Ces tombes isolées sont rares, dans la RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie. 500 02-Bucy-le-Long La Héronnière 60-Chambly La Remise Ronde 60-Longueil-Sainte-Marie Près des Grisards 450 400 350 300 250 200 150 100 50 0 300 250 200 150 100 50 0 02-Limé Les Sables 02-Beauvois-en-Vermandois Le Pied de Boeuf 02-Maizy Le Bois Gobert 95-Roissy-en-France La Fosse-Cotheret 02-Orainville La Croyère 60-Allonne 80-Gentelles 60-Auteuil 60-Allonne/Saint Sulpice 80-Cachy 80-Dury 80-Fransures 80-Fresnes-Mazancourt Les Quarante Mines Le Bois de Tronville Le Moulin La Chaussée de la Reine Blanche Les Fiermonts Le Camp Rolland Les Longuets/Les Corroyeurs La Sole du Moulin 80-Glisy 80-Noyelles-sur-Mer 80-Saint-Vaast-en-Chaussée 02-Soupir 80-Vignacourt 02-Villeneuve-Saint-Germain 80-Ennemain 80-Loeuilly Les Terres de Ville La Côte des Fossés aux Renards Le Chemin du Marais Le Parc Le Collège 2 Les Etomelles Notre Dame de Joie 80-Bouchon Les Terres du Lieutenant Général/La Fosse à Cornouiller Le Rideau Miquet 02-Bucy-Le-Long Le Fond du Petit Marais 80-Grand-Laviers Le Mont Henry 80-Pont-Rémy Le Fond Baraquin/La Queute 62-La Calotterie La Fontaine aux Linottes 76-Cottévrard La Plaine de la Bucaille 80-Abbeville 80-Bernay-en-Ponthieu 60-Le Translay 62-Hénin-Beaumont 80-Framerville-Rainecourt 60-Jaux Sole à Baillon Tirancourt Le Chemin de Morival Le Marais de Labiette Le Fond d’Herleville Le Camp du roi 80-Cizancourt/Licourt 80-Saint-Sauveur 02-Vermand 80-Vismes-au-Val 60-Noirémont 80-Francières La Sole des Galets Le Champ à Trois coins Le Champ du Lavoir Le Bois des Dix-Sept Beaufort/La Coignée Grand-Hétroye/Les Quatorze 60-Villers-Vicomte 62-Nesles 60-Canly 80-Athies 76-Saint-Aubin-Routot 02-Cuiry-les-Chaudardes 80-Croixrault 60-Verberie 60-Baron 80-Sailly-Flibeaucourt La Rosière Fond Vassal Les Trois Noyers Le Chemin de Croix Le Four à Chaux 2 Les Fontinettes L’Aérodrome La Plaine de Saint Germain Le Buisson Saint Cyr Voie de Port/Les Anglais 500 450 400 350 Fig. 6 - Répartition chronologique des sépultures par ensemble funéraire (l’épaisseur des traits correspond au nombre de sépultures, seuls les sites phasés sont intégrés à ce graphique). 29 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie. La Tène A1 A2 B1 B2 Catégorie 1 (1) C1 C2 5 Catégorie 2 (2 à 5) Catégorie 3 (6 à 15) 2 Catégorie 4 (16 à 40) 1 Catégorie 5 (41 à 100) 2 Catégorie 6 (+ de 100) 1 D1 D2 Total 2 5 12 5 27 1 13 3 5 2 7 1 1 7 1 2 13 9 4 1 tab. I - Récapitulatif de la répartition des effectifs de tombes par catégories au sein des différentes étapes chronologiques (seuls sont intégrés les ensembles dont la phase de fondation est attribuée à une étape précise). 100 Nombre de sépultures cat. 6 + de 200 tombes 95 90 85 80 75 70 65 cat. 5 60 55 50 45 40 35 30 cat. 4 25 20 15 cat. 3 10 5 cat. 2 cat. 1 0 Fig. 7 - Classiication du nombre de tombes par espaces funéraires. vallée de l’Aisne, avec un unique cas à La Tène D2 à Cuiry-les-Chaudardes "Les Fontinettes"(hénon & auxiette 1997). Les espaces funéraires de faible effectif (catégorie 2), sont absents à La Tène A, rares à La Tène B (un seul cas à La Tène B2), mais se développent largement à La Tène C1 avec près de 40 % des ensembles. Cette coniguration, 2 à 5 individus au sein d’un même espace funéraire, se rencontre jusqu’à La Tène D2 sur l’ensemble de la région. Les espaces funéraires regroupant de 6 à 15 individus (catégorie 3) se distribuent entre La Tène B1 et La Tène D1, sans préférence géographique et chronologique. Les espaces funéraires de taille moyenne regroupant de 16 à 40 défunts (catégorie 4) se répartissent chronologiquement de La Tène 30 A2 à La Tène D1. Les nécropoles regroupant de 40 à 100 individus (catégorie 5) et plus (catégorie 6), sont fondées au début de la séquence, à La Tène A1. On note ensuite, à La Tène C1, la mise en place de nouveaux grands ensembles funéraires appartenant à la catégorie 5. La répartition de ces catégories d’effectifs révèle une évolution des pratiques, avec la création de vastes ensembles funéraires à La Tène A, qui regrouperont jusqu’à plus de 200 individus, puis le développement, dès La Tène B, d’ensembles de taille plus modeste, de 2 à 15 individus (ig. 8). À La Tène C1, l’émergence de nouveaux espaces funéraires va de pair avec une grande variété dans les pratiques, de la tombe isolée, jusqu’au cimetière regroupant plus de 40 individus. La in de la période est marquée par l’installation d’espaces funéraires destinés uniquement à de petits groupes d’individus. Excepté pour le début de la période où les sites font défaut dans la Somme, l’évolution du nombre d’individus par espace funéraire semble commune au secteur géographique retenu, hormis pour la vallée de l’Aisne où les sépultures isolées sont rares (1 seul cas à La Tène D2). Les profonds changements observés dans la gestion des espaces funéraires de La Tène A1 à La Tène D2 sont sans doute une réalité chrono-culturelle des pratiques, à moduler en fonction de l’état de la recherche. La durée d’occupation ou d’utilisation de l’espace funéraire varie de « quelques jours » à environ 3 siècles. On note, en effet, l’existence de sites qui se caractérisent par le dépôt d’un seul individu à un instant donné, sans trace de manipulation ou de réaménagement ultérieur de l’espace. à cela, s’ajoutent des ensembles d’un effectif inférieur à 16 individus (catégories 2 et 3) qui se répartissent à de rares exceptions près sur une seule phase d’occupation, et des ensembles d’un effectif supérieur à 16 individus (catégories 4 à 6) qui présentent une durée d’occupation plus longue, de 2 à 8 phases. Les phases d’occupations enregistrées dans notre base de données proviennent d’une documentation hétérogène qui regroupe à la fois des publications de sites aux analyses détaillées et des rapports plus succincts mettant à notre RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie. 40 Le deuxième paramètre prend en compte l’organisation générale des tombes qui sont : - seules ; - réparties de façon diffuse ; - en noyaux ; - ou organisées suivant un axe, de façon linéaire. Nombre d’espaces funéraires 35 30 25 20 15 10 5 0 La Tène A1 A2 B1 B2 C1 C2 D1 D2 Etape de fondation des espaces funéraires Catégorie 1 (1) Catégorie 3 (de 6 à 15) Catégorie 5 (de 41 à 100) Catégorie 2 (de 2 à 5) Catégorie 4 (de 16 à 40) Catégorie 6 (+ de 100) Fig. 8 - Répartition des catégories d’effectifs au sein de chaque étape chronologique. disposition une première estimation chronologique. Les données ne présentent donc pas la même inesse d’analyse, une phase d’occupation à l’échelle d’un site oscillant entre 25 et 50 ans. Les hiatus chronologiques au sein d’un ensemble funéraire sont rares. Néanmoins à Maizy "Le Bois Gobert" co-existent deux occupations, l’une de La Tène B1 et l’autre de La Tène D1 (robert et al. 2008). La présence d’un tertre (tumulus de l’âge du Bronze) a sans doute, par sa topographie caractéristique et/ou une « connotation sacrée du lieu », suscité l’implantation successive de ces nécropoles laténiennes. Le troisième paramètre prend en compte la présence ou non d’éléments structurants qui sont de légers reliefs, micro-buttes naturelles ou artiicielles, ou des sépultures aristocratiques. Dans cette dernière coniguration, on remarque des regroupements de tombes autour de celles-ci. Le rang social de l’individu déposé dans la tombe joue vraisemblablement dans ces cas, un rôle fédérateur « attractif », qui entraîne, durant une à plusieurs phases, une structuration de l’espace autour de sa sépulture (par exemple, Bucy-Le-Long "La Héronnière" (desenne et al. 2007), et "Le Fond du Petit Marais" (brun et al. 1991 et 1992), Cottévrard (blanCquaert 1998), La Calotterie (blanCquaert & defossés 1998), Maizy (robert et al. 2008), Vismesau-Val (barbet & bayard 1996). Enin l’organisation spatiale de certaines nécropoles révèle, entre des sépultures implantées densément, certains espaces vides (Abbeville (baray 1997b), Bernay-en-ponthieu (tikonoff 1994c), Cizancourt/Licourt (lefeVre 2002), EstréesDeniécourt (prilaux 2007), Longueil-Sainte-Marie (breuiller 1992), Pont-Rémy (prilaux 2000b) qui peuvent peut-être correspondre à l’emplacement de lieux de culte. L’évoLUtIon spatIaLE L’analyse spatiale des différents sites n’étant pas notre propos, nous tenterons ici d’évoquer les différents schémas d’évolution observés au sein des 20 sites de notre corpus qui présentent une durée d’occupation supérieure à une phase. MorpHoLoGIE DEs EspaCEs FUnéraIrEs Différents critères permettent de déinir l’espace funéraire (ig. 9). Le premier paramètre retenu prend en compte l’implantation de cet espace, avec des sites : - ouverts, sans aucune délimitation reconnue (et sans rapport spatial direct avec un habitat) ; - fermés dans un enclos et isolés ; - dans un enclos/ accolés à l’enclos d’habitat, selon un plan curviligne ou rectangulaire ; - en bordure de chemin, localisés soit à l’entrée des habitats, au niveau des interruptions des fossés d’enclos, soit le long ou à l’extrémité de chemins matérialisés par un ou deux fossés ; - le long de fossés ou de palissades entourant l’habitat ; - ou encore associés à l’habitat, le défunt étant/ ayant été déposé dans une structure domestique … Au sein de ces cimetières, on remarque une très forte majorité de sites (16 cas) qui se caractérisent par une densiication sur place. on y observe un accroissement du nombre de sépultures à proximité des premières tombes. Dans trois cas, ce phénomène va de pair avec une extension du site en périphérie (Bucy-Le-Long "Le Fond du Petit Marais"), une extension et un déplacement (Bucy-Le-Long "La Héronnière"), ou une multiplication du nombre de noyaux (Cottévrard). à Cottévrard, Saint-Sauveur et Bouchon l’espace funéraire se développe de façon unilatérale (baray 2002). à Maizy, il s’agit d’un changement radical avec un hiatus entre les deux phases (voir ci-dessus). à La Tène ancienne, un noyau de sépultures s’organise autour d’un tertre de l’âge du Bronze, tandis qu’un 31 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie. ouvert 29 sites délimitation isolé enclos accolé à l’habitat Morphologie éléments structurants 9 sites enclos isolé + ouvert 2 sites le long d'un chemin ou dans un chemin 9 sites le long d'un fossé d'habitat 4 sites autre (dans l'habitat, dans une batterie de silos) 9 sites indéterminé orgarnisation des sépultures 2 sites seules 12 sites 4 sites diffuses (avec ou sans alignement) 4 sites en noyau (avec ou sans alignement) 40 sites linéaire 2 sites mixte 4 sites indéterminé 22 sites absence 4 sites présence (monument, sép. aristo., espace vierge) 15 sites indéterminé 57 sites Fig. 9 - Récapitulatif des différents critères descriptifs concernant la caractérisation morphologique des sites. second groupe est localisé plus à l’ouest. à La Tène inale, l’espace funéraire se déplace et des tombes à enclos sont implantées en dehors de l’espace funéraire de La Tène B1, de façon linéaire, sur un micro-relief. à Pont-Rémy "Le Fond Baraquin"/"La queute", l’occupation funéraire est accolée à l’habitat et suit le déplacement de l’occupation domestique, révélant à la lecture des plans des espaces funéraires distincts (prilaux 2000b). 32 En revanche, à Estrées-Déniécourt "Derrière le Chemin du Berger", l’analyse du site révèle 3 espaces funéraires qui correspondent vraisemblablement à un même établissement rural (prilaux 2007). L’analyse ine de la chronologie, des modes d’ensevelissement et des dépôts devrait permettre de conirmer cette interprétation des données. RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie. CaraCtérIsatIon DEs EspaCEs FUnéraIrEs Il est possible, de déinir les différents types d’espaces à travers l’examen de leur composition et de leur structuration. La grille d’analyse retenue repose sur la combinaison des différents critères précédemment décrits (ig. 9). LES ESPACES FuNéRAIRES OuVERTS Au sein des espaces funéraires ouverts (ig. 10), trois groupes se distinguent : Le premier est constitué de tombes isolées qui ne sont associées à aucune autre structure (5 cas). Il s’agit de tombes seules qui peuvent être modestes comme à Noyelles-sur-Mer, ou aristocratiques comme à Cuiry-les-Chaudardes. Le deuxième se compose de tombes groupées (17 cas). Ces nécropoles sont isolées de l’habitat. La densité des structures est variable avec dans de rares cas un maillage lâche et irrégulier (soupir, hénon et al. 2005). Les sépultures aristocratiques sont associées à des tombes plus modestes comme à Vignacourt (baray 2002) ou au contraire isolées du reste de la communauté comme à Allonne (paris 1998). Le troisième groupe est constitué de tombes organisées en noyaux (6 cas). On remarque une implantation préférentielle sur les microreliefs naturels ou artiiciels et les tombes sont fréquemment organisées autour de sépultures à caractère monumental comme à Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais". L’analyse spatiale du cimetière de Bucy-le-Long "La Héronnière" révèle à la fois une structuration en noyaux et des secteurs au maillage lâche et diffus, ainsi qu’une organisation autour d’une tombe monumentale. au-Val, ou délimités à la fois par un enclos d’habitat et un chemin ; Bernay-en-Ponthieux en est une bonne illustration. Les enclos curvilignes doublent l’enclos d’habitat ; à Loeuilly, il s’agit d’une tombe aristocratique (Gonnet 1993), ou s’adossent à ce dernier (Cizancourt/Licourt). Il est sans doute possible d’associer à ce groupe les enclos en agrafe joints ou accolés aux enclos d’habitat. Les sites qui présentent de telles caractéristiques sont malheureusement issus de fouilles de petites surfaces qui rendent la lecture dificile (comme à Ennemain, buChez et al. 2000). LES ESPACES FUNéRAIRES EN « BoRDURE » Au sein des sites de bordure (ig. 12), associés à des fossés d’habitat, deux groupes se distinguent : Le premier est constitué de sépultures localisées à proximité d’un chemin (8 cas). Les tombes peuvent être situées à l’entrée d’un habitat, au niveau d’une interruption d’enclos comme à Roye (Collart 1996), le long d’un chemin comme à Cottévrard, ou au bout d’un chemin comme à Grand-Laviers. Le second se compose de sépultures accolées à un enclos d’habitat (4 cas). Les tombes s’alignent à l’extérieur des enclos, le long de fossés ou à l’angle d’enclos et de chemins. On note également l’existence de sépultures associées directement à des structures domestiques comme les sépultures en silos. Ces dernières sont situées soit à l’intérieur d’un enclos d’habitat soit dans une batterie de silos en aire ouverte. Nous pouvons souligner qu’au sein d’un même site, plusieurs types d’implantations et d’organisations sont perceptibles, comme l’illustre Estrées-Déniécourt où une tombe isolée en enclos, côtoie deux groupes de tombes, accolés aux fossés d’enclos de l’habitat. ConCLUsIon LES ESPACES FuNéRAIRES ENCLOS Au sein des espaces funéraires enclos (ig. 11), deux groupes se distinguent : Le premier regroupe les sépultures délimitées par un enclos isolé (4 cas), scindé quelquefois en 2 noyaux, l’un clôturé, l’autre ouvert, comme à La Calotterie. Le second est constitué de sépultures délimitées par un enclos accolé ou adossé à un enclos d’habitat (9 cas). L’enclos funéraire peut être rectiligne, ou curviligne et les sépultures présentent fréquemment des alignements ou des regroupements qui délimitent des espaces vides. Les enclos rectilignes sont accolés aux enclos d’habitat comme à Vismes- La répartition chronologique et géographique des différents types d’espaces funéraires que nous avons caractérisés, révèle des diversités historiques et culturelles (ig. 13). à La Tène ancienne, les espaces funéraires ouverts à sépultures groupées ou en noyaux sont les seules occupations reconnues. Les sites sont concentrés dans l’Aisne et l’Oise. Les nécropoles implantées à La Tène A, regrouperont de 16 à plus de 200 individus (catégories 4 à 6) durant plus de 150 ans, alors que celles établies plus tardivement à La Tène B1 ne dépasseront pas un effectif de 15 individus (catégorie 3) sur moins d’une centaine d’années. L’ensemble de ces sites est abandonné dès le début de La Tène moyenne (La Tène B2). Ces 33 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie. A 65 Groupe 1 : tombes isolées F Groupe 3 : tombes oragnisées en noyaux B C E Groupe 2 : tombes groupées N O E S 0 D 5 m G Fig. 10 - Plans schématiques d’espaces funéraires ouverts (trait plein, limite de décapage ; trait pointillé, limite de présentation). Groupe 1 – A Noyelles-sur-Mer et B Cuiry-les-Chaudardes ; Groupe 2 – C Villeneuve-Saint-Germain et D Roissy-en-France ; Groupe 3 – E Chambly ; F Abbeville ; G Bucy-Le-Long "Le Fond du Petit Marais". 34 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie. N Groupe 1 : enclos isolé O 0 E S 5 m A Groupe 2 : enclos adossé ou accolé à l'habitat B C Fig. 11 - Plans schématiques d’espaces funéraires enclos : Groupe 1– A La Calotterie ; Groupe 2 – B Cizancourt/Licourt (enclos curviligne) et C Vismes-au-Val (enclos rectangulaire). 35 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie. Groupe 1 : tombes à proximité ou dans un chemin N O E S 0 5 m A Groupe 2 : tombes accolées à un enclos d'habitat B Fig. 12 - Plans schématiques d’espaces funéraires en « bordure » : Groupe 1 – A Grand-Laviers ; Groupe 2 – B EstréesDeniécourt. nécropoles regroupent des défunts appartenant vraisemblablement à une même communauté, et, ce durant plusieurs générations. Dans le secteur de la vallée de l’Aisne, les études menées par JeanPaul Demoule ont démontré l’existence d’un réseau dense de nécropoles, au sein duquel sont implantées selon un maillage régulier des nécropoles à tombes à char qui présentent un deuxième niveau d’intégration (deMoule 1999). à Bucy-le-Long "La Héronnière" l’existence de 5 tombes monumentales dont 4 tombes à char révèlent vraisemblablement un troisième niveau d’intégration, à l’échelle d’une grande partie de la vallée. La Tène moyenne se caractérise par 2 étapes bien distinctes, La Tène B2 et La Tène C1. Les espaces funéraires implantés à La Tène B2 sont rares et de courte durée d’occupation ; les seuls 36 sites inventoriés dans notre corpus proviennent de l’Aisne et du Val-d’Oise. Il s’agit de sites ouverts groupés de faible effectif (catégorie 2 et 3) au sein desquels de riches sépultures se distinguent par la présence d’un char, (Roissy-en-France), d’un monument (Orainville, desenne et al. 2005), ou de mobilier métallique exceptionnel (Roissy-en-France et orainville). Le déicit de sites tant funéraires que domestiques sur l’ensemble de la zone d’étude, milite en faveur d’un dépeuplement attribué à des mouvements de population, ou d’un redéploiement topographique majeur des différentes installations. La Tène C1 se distingue par le développement de nouveaux espaces funéraires et la multiplication des formes d’occupations, de l’espace ouvert à l’espace enclos ou implanté en bordure d’habitat. Les sites ouverts aux tombes groupées ou en noyaux se rencontrent sur l’ensemble de la région. Il s’agit dans RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie. 25 Effectifs 20 15 10 5 0 La Tène A1 A2 B1 B2 C1 C2 D1 D2 Bordure d'un enclos d'habitat Bordure de chemin Ouvert en noyaux Enclos accolé Ouvert groupées Enclos isolé Ouvert isolée Fig. 13 - Répartition des types de sites au sein de chaque étape chronologique. le premier cas, de nécropoles regroupant un faible effectif, de 3 à moins de 15 individus et dans le second cas, d’ensembles d’effectifs élevés (catégories 5). Les tombes monumentales sont présentes dans les deux types d’occupation, avec parfois un regroupement de monuments. L’existence de sépultures isolées en espace ouvert est attestée dans l’Oise et la Somme uniquement. Cette position retirée n’exclut cependant pas la présence de dépôts importants ou de structures monumentales, comme à Auteuil, où l’individu est déposé avec 17 céramiques, dans une tombe monumentale (leMaire 1993). Dans le secteur de la Somme, on note, parallèlement à cela, l’émergence d’ensembles à enclos isolés, accolés, ou en « bordure » de chemin ou d’enclos d’habitat qui regroupent des effectifs très variables. Le chemin, qu’il soit matérialisé par un fossé, une haie ou une entrée, est l’endroit privilégié pour l’implantation des tombes, et forme une sorte de trait d’union entre le monde des vivants et celui des morts. Les tombes monumentales sont rares dans ces types de contextes. à l’inverse, dans l’Aisne et dans l’Oise, on note l’utilisation exclusive d’espaces ouverts dissociés de l’habitat. À La Tène inale, les espaces funéraires ouverts groupés sont présents sur l’ensemble de la région, mais semblent rares dans la Somme avec comme seul exemple le petit ensemble funéraire de Le Translay situé dans le Vimeu, en périphérie (barbet 1992). à l’inverse, comme à La Tène moyenne, les espaces enclos sont exclusivement retrouvés dans ce secteur. Les sites en bordure d’habitat, particulièrement développés à La Tène C1 se raréient et se concentrent exclusivement dans la partie occidentale de la Picardie. Les cimetières fondés à La Tène inale présentent de faibles effectifs, moins de vingt tombes, et une durée d’occupation excédant rarement une phase, seuls les sites de Vismes-auVal et de Saint-Sauveur semblent perdurer sur deux générations. Ces espaces regroupent sans doute une partie des défunts appartenant à des groupes communautaires de petite taille (issus de fermes ou de hameaux), sur une génération, voire deux maximum. Ils ne fédèrent pas plusieurs familles d’un même territoire sur plusieurs générations, comme c’était le cas précédemment à La Tène ancienne et sur certains sites de La Tène moyenne. Les rares ensembles supra communautaires de La Tène inale, quand ils existent sont antérieurs à la création d’ensembles proto-urbains vers - 120. Seuls les cimetières des établissements ruraux sont représentés et nous devons souligner ici l’absence d’ensembles funéraires associés aux oppida. L’étude de l’implantation des sites funéraires est limitée par l’inégalité des ensembles tant du point de vue chronologique que spatial, et relète inévitablement l’état de la recherche, autant si ce n’est plus que la réalité historique. Certains résultats s’imposent cependant. Les sites funéraires du début du second âge du Fer sont souvent implantés à l’emplacement de monuments funéraires plus anciens, considérés alors comme marqueurs territoriaux mais aussi comme lieu d’une permanence sacrée. à La Tène ancienne, 37 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie. de grandes nécropoles ouvertes rassemblent sans doute les populations de différents habitats pendant plus d’un siècle ; par la suite ce sont plutôt de petits ensembles liés à un unique habitat sur une ou deux générations. Ainsi, La Tène C1 semble une période charnière où les sites funéraires montrent une plus grande variabilité et des spéciicités régionales notables. BIBLIoGrapHIE DEs sItEs ANCIEN Anne-Marie & LOBJOIS Gilbert (1983) - « Les bracelets gaulois de Bucy-le-Long », Revue Archéologique de Picardie, 3, Amiens, p. 16-23. AuXIETTE Ginette (1995) - « L’évolution du rituel funéraire à travers les offrandes animales des nécropoles gauloises de Bucy-le-Long (450/100 avant J.C.) » dans L’animal dans l’espace humain, l’homme dans l’espace animal, Actes du 5e colloque international « l’homme et l’animal », 23-25 novembre 1994, Genève, Anthropozoologica, 21, Paris, p. 245-252. AuXIETTE Ginette, DESENNE Sophie, GuICHARD yves & GRANSAR Marc (1993) - « Bucy-le-Long, "La Héronnière" (Aisne) », Les Fouilles Protohistoriques de la Vallée de l’Aisne, 21, Soissons, p. 45-66. AuXIETTE Ginette, DESENNE Sophie & GuICHARD Yves (1994) - « Bucy-le-Long, "La Héronnière" (Aisne) », Les Fouilles Protohistoriques de la Vallée de l’Aisne, 22, Soissons, p. 89-103. AuXIETTE Ginette, HENON Bénédicte & ROBERT Bruno (1995) - « Limé "Les Sables Sud", fouille 1995 », Les Fouilles Protohistoriques de la Vallée de l’Aisne, 23, Soissons, p. 277-298. AuXIETTE Ginette, DESENNE Sophie, GRANSAR Frédéric, HENON Bénédicte, POMMEPuy Claudine, THOuVENOT Sylvain & BOuLEN Muriel (1995) - « Le site du début du second âge du Fer de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais", "Le Chemin de Vénizel" (Aisne)», Les Fouilles Protohistoriques de la Vallée de l’Aisne, 23, Soissons, p. 235-276. AuXIETTE Ginette, DESENNE Sophie, GRANSAR Frédéric, Gransar Marc, NAZE yves & POMMEPuy Claudine (1996) - Le site du début du second âge du Fer de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais", "Le Chemin de Vénizel" (Aisne), Document Final de Synthèse, SRA Picardie, AFAN Nord-Picardie. AuXIETTE Ginette, DESENNE Sophie & POMMEPuy Claudine (2002) - « Des viatiques et des banquets : alimentation des défunts, alimentation des vivants sur la nécropole de La Tène ancienne de Bucy-le-Long (Aisne) » dans Repas des vivants et nourriture pour les morts en Gaule. Actes du XXVe colloque de l’A.F.E.A.F., Charleville-Mézières 24-27 mai 2001. Bulletin de la Société Archéologique Champenoise, mémoire n° 16, Reims, p. 317-336. BAKELS Corie (1999) - « Dury "Le Moulin" : étude des restes botaniques », Revue Archéologique de Picardie, n° 1/2, Amiens, p. 237-246. BARAy Luc (1997a) - « Les tombes aristocratiques de La Tène C2 de Bouchon "Le Rideau Miquet" (Somme) : présentation liminaire des fouilles récentes de l’autoroute A16 nord », Archälogisches Korrespondenzblatt 27, Stuttgart, p. 113-126. 38 BARAy Luc (1997b) - « Le cimetière protohistorique d’Abbeville "La Sole de Baillon" (Somme) : présentation liminaire des fouilles récentes de l’autoroute A16 nord », BSPF, tome 94, n°2, Paris, p. 274-281. BARAy Luc (1998) - « Les cimetières à crémation de la basse vallée de la Somme d’après les découvertes de l’autoroute A16 Nord », dans Les rites de la mort en Gaule du Nord à l’âge du Fer, Actes de la table-ronde de Ribemontsur-Ancre, les 4 et 5 décembre 1997, Revue Archéologique de Picardie, n°1-2, Amiens,p. 211-232. BARAy Luc (2002) - « Les tombes à crémation des cimetières de Saint-Sauveur, Bouchon et Vignacourt (Somme) », dans L’aristocratie celte à la in de l’âge du Fer (IIe s. avant J.-C., Ier s. après J.-C.), table ronde, Centre archéologique européen du Mont Beuvray, 1999, Gluxen-Glenne, p. 119-138. BARAy Luc, BOuILLOT Jocelyne, CLEMENT PALLu DE LESSERT Marie-Paule, COLIN Anne, COLLET Hélène, DEFRESSIGNE Sylvie, HOSDEZ Christophe, HuMBERT L, PLuTON S., PRILAuX Gilles & TIKONOF Nicolas (1998) - Les cimetières protohistoriques de l’autoroute A16 Nord, DFS, 2 tomes, SRA de Picardie, Amiens, 434 p. BARBET Pierre (1990) - Le Translay, "Le Chemin de Morival", rapport d’évaluation, SRA de Picardie, Amiens. BARBET Pierre (1992) - Le Translay, "Le Chemin de Morival", rapport de sauvetage, SRA de Picardie, Amiens. BARBET Pierre (1999) - Cachy "Les Flermonts", rapport d’évaluation, SRA de Picardie, Amiens. BARBET Pierre (2002) - « Noirémont/ La Chaussée du Bois d’Ecu "Sous Le Bois"/"Beaufort"(Somme) », Bilan scientiique Régional, SRA de Picardie, Amiens, p. 67. BARBET Pierre & GONNET Olivia (1991) - Bouillancourten-Séry "La Fosse aux Chats", rapport de fouille, SRA Picardie, Amiens. BARBET Pierre & BAyARD Didier (1996) - « Les tombes de Vismes au Val (Somme) dans le contexte du Belgium », Revue Archéologique de Picardie, n° 3/4, Amiens, p. 177188. BAyARD Didier, BARBET Pierre, BAHEu Didier (1990) - Autoroute A28, Abbeville sud-Blangy-sur-Bresle, rapport d’évaluation, SRA de Picardie, Amiens. BAyARD Didier (1993) - « Sépultures et villae en Picardie au Haut Empire : quelques données récentes », dans FERDIERE Alain (dir.) - Monde des morts, monde des vivants en Gaule rurale, 6e sup. à la Revue Archéologique du Centre, Tours, p. 69-80 BAyARD Didier (1996) - « La romanisation des campagnes en Picardie à la lumière des fouilles récentes : problèmes d’échelles et de critères », dans BAYARD Didier & COLLART Jean-Luc (dir.) - De la ferme indigène à la villa romaine, la romanisation des campagnes de la Gaule, Revue Archéologique de Picardie, n° spécial 11, Amiens, p. 157184 BAyARD Didier & LEMAIRE Patrice (2000) - Les sites galloromains de l’autoroute A16 nord, section Amiens-Boulogne, Document Final de Synthèse,AFAN, SRA de Picardie, Amiens, p. 16-17. BEAuJARD Stéphane (2003a) - Allonne, Extension "ZAC de Ther", rapport de diagnostic. SRA de Picardie, Amiens. RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie. BEAuJARD Stéphane (2003b) - Allonne, Extension "ZAC de Ther", rapport de fouille. SRA de Picardie, Amiens. BLANCquAERT Gertrude & DuFLOT Laurent (1992) « Saint-Aubin-Routot, RN 15 », Bilan scientiique Régional, SRA de Haute-Normandie, p. 101-102. BLANCquAERT Gertrude (1998) - « Cottévrard "La Plaine de La Bucaille" (Seine-Maritime). Présentation préliminaire de la nécropole laténienne », dans Les Rites de la mort en Gaule du Nord à l’âge du Fer , actes de la table-ronde de Ribemont-sur-Ancre, 4-5 déc. 1997. Revue Archéologique de Picardie, n° 1/2, Amiens, p. 171-184. BLANCquAERT Gertrude & DESFOSSES yves (1998) « La nécropole gauloise à incinération de La Calotterie "La Fontaine aux Linottes" (Pas-de-Calais) ». Revue Archéologique de Picardie, n° 1/2, Amiens, p. 135-162. BLANCquAERT Gertrude (2000) - « La nécropole à incinérations de la zone IV », dans DESFoSSES Yves (dir.) - Archéologie préventive en vallée de Canche, Nord-Ouest archéologie n° 11, p. 364-427 BLANCquAERT Gertrude, BuCHEZ Nathalie, LEFEVRE PHilippe, LE GOFF Isabelle, MENIEL Patrice & ROuGIER Richard (2000) - La protohistoire récente sur le tracé de l’autoroute A29. Résultats et bilan méthodologique. Etudes et synthèse, AFAN, SRA de Picardie, Amiens. BOyER yannick (1993) - Occupation indigène, chemin et petite nécropole en bordure de la voie Brunehaut, Allonne "La Chaussée de La Reine Blanche", DFS d’évaluation, SRA de Picardie, Amiens. BRETON Cécile (1995) - « Les torques à torsade de La Tène ancienne dans l’Aisne : approche techno-typologique », Antiquités Nationales, 27, p. 99-131. BRETON Cécile (1999) - « Les torques torsadés de l’Aisne à La Tène ancienne : données techniques », Centre de Recherche sur les Techniques Gréco-Romaines n° 15, Techniques antiques du bronze 2, Méthodes d’étude - procédés de fabrication, université de Bourgogne, p. 9-30. BREuILLER Jean-François & GAuDEFROy Stéphane (1990) - « La nécropole gauloise de Longueil-Sainte-Marie "Près des Grisards" (oise) », Programme de surveillance et d’étude archéologique des sablières de la moyenne vallée de l’Oise. Rapport de fouille, AFAN, SRA de Picardie, Amiens. BREuILLER Jean-François (1991) - Une nécropole de La Tène ancienne à Longueil-Sainte-Marie (Oise). Mémoire de Maîtrise, Paris I, 2 vol. Multigraphiés. BREuILLER Jean-François (1992) - « La nécropole de La Tène ancienne de Longueil-Sainte-Marie "Près des Grisards" (oise) », dans MALRAIN François & PRoDéo Frédéric (dir.), Rapport d’activité 1991, AFAN, SRA de Picardie, Amiens, p. 223-236. BLANCquAERT Gertrude & desfossés yves (2001) « La plate-forme multimodale Delta 3 de Dourges. Un diagnostic archéologique aux résultats prometteurs », Bulletin de la commission départementale d’histoire et d’archéologie du Pas-de-Calais, XIX, p. 3-24. BRuN Patrice, GRANSAR Frédéric, GRANSAR Marc, GuICHARD yves, PION Patrick & POMMEPuy Claudine (1991) - Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais", Rapport de fouille, SRA de Picardie, Amiens. BLANCquAERT Gertrude (2004) - « Cottévrard "La Plaine de la Bucaille" et Saint-Aubin-Routot "Le Four à Chaux 1 et 2" », dans Six nécropoles du second âge du Fer en Haute-Normandie, Nord-Ouest Archéologie n° 13, p. 330394. BRuN Patrice, CONSTANTIN Claude, FARRuGIA JeanPaul, GRANSAR Frédéric, GuICHARD yves, ILETT Mike, PION Patrick & POMMEPuy Claudine (1992) - « Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais" », Sauvetage archéologique dans la vallée de l’Aisne, Rapport de fouille, SRA de Picardie, Amiens, p. 5-15. BLONDIAu Lydie, BuCHEZ Nathalie, GuERLIN Olivier & SOuPART Nathalie (2002) - A29 Aumale-Amiens, rapport de sondages supericiels, INRAP Nord-Picardie, SRA Picardie, Amiens. BOuILLOT Jocelyne (1994a) - Vignacourt "Le Collège 2", "Les Englées", "Les Terres de La Forêt 1 et 2", rapport d’évaluation, AFAN, SRA de Picardie. BOuILLOT Jocelyne (1994b) - Saint-Vaast-en-Chaussée, "Au Dessus du Grand Rideau", "Le Chemin du Marais", "La Vallée à Leux", rapport d’évaluation, AFAN, SRA de Picardie, Amiens. BOuILLOT Jocelyne (1995) - Vignacourt "Au Chemin du Haut Nord", rapport préliminaire de sauvetage urgent, AFAN, SRA de Picardie, Amiens. BOuILLOT Jocelyne & MATHIS Pascal (1994a) - Sondages archéologiques secteur 1 (d’Argoeuves à Bettencourt-SaintOuen), rapport de sondages, AFAN, SRA de Picardie, Amiens. BOuILLOT Jocelyne & MATHIS Pascal (1994b) Vignacourt "Au Chemin du Haut Nord", "Le Collège 1", rapport d’évaluation, AFAN, SRA de Picardie, Amiens. BOyER yannick (1990) - « Allone-La Chaussée de La reine Blanche », Bilan scientiique Régional, SRA de Picardie, Amiens, p. 69. BRuN Patrice, BuCHEZ Nathalie, GAuDEFROy Stéphane & TALON Marc (2005) - « Bilan de la protohistoire ancienne en Picardie », dans La recherche archéologique en Picardie : bilans et perspective. Revue Archéologique de Picardie, n° 3-4, 2005, p. 99-126. BuCHEZ Nathalie & TALON Marc (2005) - « L’âge du Bronze dans le bassin de la Somme. Bilan et périodisation du mobilier céramique », dans BoURGEoIS J. & TALoN M. (dir.) - L’âge du Bronze du Nord-Ouest de la France dans le contexte européen occidental, actes de la table ronde APRAB, 125e congrès national des sociétés historiques et scientiiques Lille 2000, Paris CTHS, 2005, p. 159-188. BuCHEZ Nathalie, BARBET Pierre, CANTRELLE S., CONVERTINI F., DuCROq Thierry, FERAy Philippe, LEFEVRE Philippe, PRILAuX Gilles, ROuGIER Richard, SoUPART Nathalie & WoZSNY Luc (2000) - Les sites de la protohistoire ancienne sur le tracé de l’autoroute A29. Etudes et Synthèse, AFAN Nord-Picardie, SRA de Picardie, Amiens. CLEMENT PALLu DE LESSERT Marie-Paule (1995) Bouchon "Le Rideau Miquet", rapport d’évaluation, AFAN, SRA de Picardie. COLLART Jean-Luc (1996) – « La naissance de la villa en Picardie : la ferme gallo-romaine précoce », dans BAYARD Didier et COLLART Jean-Luc (dir.), De la ferme indigène à la villa romaine, la romanisation des campagnes de la Gaule, Revue Archéologique de Picardie, n° spécial 11, Amiens, p. 121-156. 39 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie. COLIN Anne (2000) - « Les habitats ruraux de l’âge du Fer en Picardie nord-occidentale, d’après les fouilles de l’autoroute A16 », dans MARIoN Stéphane & BLANquAERT Gertrude (eds.) - Les installations agricoles de l’âge du Fer en France septentrionale, actes du colloque de Paris, 29-30 novembre 1997, Paris, p. 445-462 (études d’histoire et d’archéologie 6). COquIDE Catherine (1990) - Vismes-au-Val "Bois des Dix-Sept", rapport d’évaluation, AFAN, SRA de Picardie, Amiens. COquIDE Catherine (1991) – Vismes-au-Val "Bois des Dix-Sept", rapport de fouille, AFAN, SRA de Picardie, Amiens. DEFFRESSIGNE Sylvie (1994a) - Vauchelles-les-Quesnoy/ Nouvion, Secteur III, Rapport de sondages A16 Nord, AFAN, SRA de Picardie, Amiens. DEFFRESSIGNE Sylvie (1994b) - Abbeville "Sole de Baillon", rapport d’évaluation, AFAN, SRA de Picardie, Amiens. DELATTRE Valérie (2000) - « Les inhumations en silos dans les habitats de l’âge du Fer du Bassin parisien », dans MARION Stéphane & BLANquAERT Gertrude (eds.) - Les installations agricoles de l’âge du Fer en France septentrionale, actes du colloque de Paris, 29-30 novembre 1997, Paris, p. 299-311 (études d’histoire et d’archéologie 6). DEMOuLE Jean-Paul (1999) - Chronologie et société dans les nécropoles celtiques de la culture Aisne-Marne du VIe au IIe siècle avant notre ère, Revue Archéologique de Picardie, n° spécial 15, Amiens. DERBoIS Martine (1993) - « Allonne "Les Bornes" », Bilan scientiique Régional, SRA de Picardie, p. 67. DERBOIS Martine (1995) - Allonne "Les Bornes, 2e partie", DFS de sauvetage urgent, AFAN, SRA de Picardie, Amiens. DESCHEyER Nathalie (2001) - La céramique laténienne des sites "Aux Longuets" et "Les Corroyeurs" de Fransures (Somme), Mémoire de Maîtrise, Lille, 2001, 2 vol. DESENNE Sophie (1991) : La nécropole de La Tène ancienne de Bucy-le-Long "La Héronnière" (Aisne). Étude et comparaisons. Mémoire de l’Ecole des Hautes études en Sciences Sociales, Paris, 3 volumes. DESENNE Sophie (1993) - Bucy-le-Long «La Héronnière», Bilan scientiique Régional, SRA de Picardie, p. 44-45. DESENNE Sophie (1994) - « Bucy-le-Long "La Héronnière" », Bilan scientiique Régional, SRA de Picardie, p. 64-65. DESENNE Sophie (1997) - « L’apport des méthodes qualitatives et quantitatives à l’analyse spatiale des nécropoles de La Tène », dans AUXIETTE Ginette, HACHEM Lamys & ROBERT Bruno (eds.) - Espaces physiques, espaces sociaux dans l’analyse interne des sites du Néolithique à l’âge du Fer. Actes du 119e Congrès national des sociétés historiques et scientiiques, Amiens, 26-30 octobre 1994, éditions du C.T.H.S., Paris, p. 369-380. 40 DESENNE Sophie, COLLART Jean-Luc, AuXIETTE Ginette, MARTIN Gérard & RAPIN André, avec la collaboration de DuVETTE Luc (2005) - « La nécropole d’Orainville "La Croyère" (Aisne), un ensemble attribuable au Aisne-Marne IV », dans Hommages à Claudine Pommepuy, Revue Archéologique de Picardie, n° spécial 22, p. 233-288. DESENNE Sophie & POMMEPuy Claudine (1992) « La nécropole de La Tène ancienne de Bucy-le-Long "La Héronnière". Présentation de la tombe à char », Bulletin intérieur de l’Association Française pour l’étude de l’âge du Fer, 10, p. 14-16. DESENNE Sophie, AuXIETTE Ginette, DEMOuLE Jean-Paul & THOuVENOT Sylvain (2007) - « Reflet d’une communauté celtique à travers ses pratiques funéraires : étude d’un cas, la nécropole de Bucy-leLong "La Héronnière" (Aisne) », dans BARAY Luc, BRuN Patrice & TESTART Alain (dir.) - Pratiques funéraires et sociétés, Nouvelles approches en archéologie et en anthropologie sociale, Actes du colloque interdisciplinaire de Sens tenu les 12-14 juin 2003, p. 155-168. DESENNE Sophie, POMMEPuy Claudine & DEMOuLE Jean-Paul (dir.) à paraître - La nécropole de Bucy-le-Long "La Héronnière, La Fosse Tounisse" (Aisne), Revue Archéologique de Picardie, n° spécial, Amiens. DuFOuR Jean-yves & GROS Joeël (1992) - Oroër "Sous le Bois Saint-Martin" Abbeville "La Castille", rapport de sondage, AFAN, SRA de Picardie, Amiens. DuVETTE Laurent (1994) - Limé "Les Sables Sud", DFS, SRA Picardie, Amiens, 14 p. DuVETTE Laurent (2002a) - Site 16A, Croixrault "La Dériole", rapport d’évaluation, INRAP Nord-Picardie, SRA de Picardie, Amiens. DuVETTE Laurent (2002b) - Site 16A, Croixrault "La Dériole", rapport de fouille, INRAP Nord-Picardie, SRA de Picardie, Amiens. FEMOLANT Jean-Marc (1991a) - Fransures "Les Corroyeurs", "Aux Longuets", "La Galette", rapport de sondage, demande de diagnostic approfondi, SRA de Picardie, Amiens. FEMOLANT Jean-Marc (1991b) - Loeuilly "La Fosse à Cornouiller" (Somme), rapport de sondage, demande de diagnostic approfondi, SRA de Picardie, Amiens. FEMOLANT Jean-Marc (1991c) - « Verberie (Oise). un établissement rural gaulois au lieu-dit "la Plaine de Saint Germain" », dans Archéologie et Grands Travaux. Les Fouilles du TGV Nord et de l’Interconnexion. Catalogue d’Exposition, SNCF, Ministère de la Culture, 1991, p. 42-43. FEMOLANT Jean-Marc (1997) - « Les sépultures de La Tène D2 découvertes dans le Valois sur le tracé du TGV Nord », Revue Archéologique de Picardie, n° 1-2, Amiens, p. 115-126. FEMOLANT Jean-Marc & MALRAIN François (1996) « Les établissements ruraux du deuxième âge du Fer et leur romanisation dans le département de l’oise », dans BAyARD Didier & COLLART Jean-Luc (dir.) - De la ferme indigène à la villa romaine, la romanisation des campagnes de la Gaule, Revue Archéologique de Picardie, n° spécial 11, Amiens, p. 39-53. FLuCHER Guy (1991) - Bouillancourt-en-Séry, "La Fosse aux Chats" 1990, rapport d’évaluation, SRA de Picardie, Amiens. FRIBOuLET Muriel (2004) - Revelles "à La ferme d’Henneville", rapport d’évaluation, INRAP NordPicardie, SRA de Picardie, Amiens. GAILLARD Denis (1992) – « Oroer "Sous le Bois SaintMartin" », Bilan scientiique Régional, SRA de Picardie, p. 69. RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie. GAuDEFROy Stéphane (2002) - Croixrault "L’Aérodrome", Autoroute A 29, Neufchâtel-en-Bray/Amiens, Tronçon Aumale - Amiens (Somme), Rapport préliminaire, SRA de Picardie, Amiens. GAuDEFROy Stéphane (2003) - Saleux "La Vallée du Bois de Guignémicourt", Autoroute A 29 Neufchâtel-en-Bray/ Amiens, Tronçon Aumale - Amiens (Somme), Rapport de fouille, SRA de Picardie, Amiens. GAuDEFROy Stéphane & PINARD Estelle (1997) « Les incinérations gauloises de Canly "Les Trois Noyers"(oise) ». Revue Archéologique de Picardie, n° 1-2, Amiens, p. 89-105. GAuDEFROy Stéphane, LE GOFF Isabelle & MENIEL Patrice (2000) - Glisy "Les Terres de Ville" Zac de la Croix de Fer, l’occupation du premier âge du Fer et l’établissement agricole de La Tène moyenne, Document inal de synthèse, SRA de Picardie, Amiens. GRANSAR Frédéric, MALRAIN Frédéric & MATTERNE Véronique (1997) - « Analyse spatiale d’un établissement rural à enclos fossoyés du début de La Tène inale : Jaux "Le Camp du Roi" (oise) », dans AUXIETTE Ginette, HACHEM Lamys & ROBERT Bruno (eds.) - Espaces physiques, espaces sociaux dans l’analyse interne des sites du Néolithique à l’âge du Fer. Actes du 119e Congrès national des sociétés historiques et scientiiques, Amiens, 26-30 octobre 1994, éditions du C.T.H.S., Paris. LEFEVRE Philippe (1999b) - Beauvois-en-Vermandois "Le Pied de Bœuf", rapport d’évaluation, SRA de Picardie, Amiens. LEFEVRE Philippe (2002) - « La nécropole de Cizancourt (Somme). Présentation des indices de hiérarchisation interne des tombes » dans GUICHARD Vincent & PERRIN Frédéric (dir.) - L’aristocratie celte à la in de l’âge du Fer (du IIe siècle avant J.-C. au Ier siècle après J.-C.), Actes de la table-ronde organisée au Mont-Beuvray, 10/11 juin 1999, Bibracte 5, Glux-en-Glenne, p. 109-112. LE GOFF Isabelle (1996) - Cottévrard "La Plaine de la Bucaille", Saint-Aubin-Routot "Le Four à Chaux 2". Les sépultures à incinération, DFS, SRA de Normandie, Rouen, Inédit. LE GOFF Isabelle (1998a) - « étude anthropologique de la nécropole gauloise de La Calotterie (Pas-de-Calais) », dans Les rites de la mort en Gaule du Nord à l’âge du Fer, Actes de la table-ronde de Ribemont-sur-Ancre, les 4 et 5 décembre 1997, Revue Archéologique de Picardie, n° 1-2, Amiens,p. 163-170. LE GOFF Isabelle (1998b) - « étude anthropologique des sépultures laténiennes de Cottévrard (Seine-Maritime) », dans Les rites de la mort en Gaule du Nord à l’âge du Fer, Actes de la Table-ronde de Ribemont sur-Ancre, Revue Archéologique de Picardie, n° 1/2, p. 185-190. GONNET Olivia (1992a) - Loeuilly (Somme) "La Fosse à Cornouiller", habitat gaulois et gallo-romain, rapport de sauvetage urgent, SRA de Picardie, Amiens. LE GOFF Isabelle (2000) - « étude anthropologique », dans DESFOSSES yves (dir.) - Archéologie préventive en vallée de Canche. Nord-Ouest archéologie n° 11, p. 398-413. GONNET Olivia (1992b) - « Loeuilly "La Fosse à Cornouiller" », Bilan scientiique Régional, SRA de Picardie, p. 93. LE GOFF Isabelle (2004) - « Le traitement funéraire des défunts de Cottévrard et Saint-Aubin-Routot », NordOuest Archéologie, n° 13, p.395-402. GONNET Olivia (1993) - « Loeuilly "La Fosse à Cornouiller" », Bilan scientiique Régional, SRA de Picardie, p. 129. LEMAIRE Patrick (1993) - Auteuil "Le Moulin", rapport de fouille, inédit. HARNAy Véronique (2000) - Athies "Le Chemin de Croix", rapport de fouille, SRA de Picardie, Amiens. LEMAIRE Patrick (1994) - Bettencourt-Saint-Ouen "Le Bacquet-La Socour", Bettencourt-St-Ouen "Bois de Bettencourt", DFS d’évaluation archéologique, AFAN, SRA de Picardie. HARNAy Véronique & LAPERLE Gilles (1992) - Fransures "Les Corroyeurs" et "Aux Longuets", gisement protohistorique et gallo-romain, rapport d’évaluation, demande de fouille, SRA de Picardie, Amiens. LEMAIRE Patrick (1998) - Bettencourt-Saint-Ouen "Bois de Bettencourt", rapport de fouille, AFAN, SRA de Picardie. HENON Bénédicte & AuXIETTE Ginette (1997) - « une tombe de la Tène D2 à Cuiry-lès-Chaudardes (Aisne) », Revue Archéologique de Picardie, n°1/2, p. 107-114. HENON Bénédicte, AuXIETTE Ginette, PINARD Estelle & ROBERT Bruno (2005) - « Deux ensembles de la Tène C1 dans la vallée de l’Aisne », dans Hommages à Claudine Pommepuy, Revue Archéologique de Picardie, n° spécial 22, p. 371-379. HuMBERT L. & PLuTON Sylvie (1996) - Les incinérations des sites protohistoriques de l’autoroute A16 nord, DFS, SRA de Picardie, Amiens. HuMBERT L. (1997) - étude anthropologique des incinérations de l’autoroute A16 (nord), DFS, SRA de Picardie, Amiens. JAKUBoWSKY Jean-François (1994) - « Limé "Les Sables Nord" », Bilan scientiique Régional, SRA de Picardie, p. 75. LEFEVRE Philippe (1999a) - Cizancourt-Licourt "La Sole des Galets" (Somme), Tome I et II, DFS, AFAN, SRA de Picardie, Amiens. LEMAIRE Patrick (2000) dans BAyARD Didier & LEMAIRE Patrick - Les sites gallo-romains de l’autoroute A16 nord, section Amiens-Boulogne, DFS, AFAN, SRA de Picardie, Amiens, p. 16-17. LEMAIRE Patrick, MALRAIN François & MENIEL Patrice (2000) - « un établissement enclos de La Tène moyenne à Vermand Aisne : études préliminaires » dans Des enclos pourquoi faire ? Actes de la table ronde de Ribemontsur-Ancre de décembre 1999, Revue Archéologique de Picardie, n° 1-2, Amiens, p. 161-179. LOBJOIS Gilbert (1974a) - « La nécropole gauloise de Bucy-le-Long (Aisne), première étude : les tombes 001 à 051 », Cahiers Archéologiques du Nord-Est, XVIII, 31, p.67. LOBJOIS Gilbert (1974b) - « une nécropole de La Tène IA, Bucy-le-Long (Aisne) », Cahier Archéologique de Picardie, 2e trimestre, p. 70. LOBJOIS Gilbert (1977) - « La nécropole gauloise de Bucyle-Long (Aisne), deuxième étude : les tombes 052 à 082 », Cahiers Archéologiques du Nord-Est, XX, 36, p. 11-52, fasc. 37, p. 55-94. 41 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie. LoCHT Jean-Luc (1992) - « Auteuil "Le Moulin" », Bilan scientiique Régional, SRA de Picardie, p. 47. MALRAIN François & PINARD Estelle, avec les collaborations de GAuDEFROy Stéphane, LEROyER Chantal, MATTERNE Véronique, MENIEL Patrice, PASTRE Jean-François & POMMEPuy Claudine (2006) - Les sites laténiens de la moyenne vallée de l’Oise du Ve au Ier siècle de notre ère, Revue Archéologique de Picardie, Amiens, n° spécial 23, 272 p. et un CDrom. PINARD Estelle, DELATTRE Valérie, FRIBOuLET Muriel, BRETON Cécile & KRIER Vincent (2000) « Chambly "La Remise Ronde" (Oise) : une nécropole de La Tène ancienne », Revue Archéologique de Picardie, n° 3/4, Amiens, p. 3-75. MALRAIN François, MENIEL Patrice & TALON Marc (1994) - « L’établissement rural de Jaux "Le Camp du Roi" (oise) », dans BUSCHENSCHUTZ olivier (dir.) - Les Installations agricoles de l’âge du Fer en Île-de-France, Paris, p. 159-184 (études d’histoire et d’archéologie 4). PION Patrick, POMMEPuy Claudine, GRANSAR Frédéric, GuICHARD yves & BRuN Patrice (1991) - « L’habitat gaulois et gallo-romain et la nécropole laténienne de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais" », Fouilles protohistoriques de la vallée de l’Aisne, n° 18, Soissons. MALRAIN François, GRANSAR Frédéric, MATTERNE Véronique & LE GOFF Isabelle (1996) - « une ferme de La Tène D1 et sa nécropole : Jaux "Le Camp du Roi" (oise) », Revue Archéologique de Picardie, n° 3-4, Amiens, p. 245306. POMMEPuy Claudine, BRuN Patrice, GRANSAR Frédéric & PION Patrick (1990) - « L’habitat gaulois et gallo-romain et la nécropole laténienne de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais" », Fouilles protohistoriques de la vallée de l’Aisne, n° 19, Soissons. MALRAIN François, GAuDEFROy Stéphane & GRANSAR Frédéric (2005) - « La protohistoire récente : IIIe siècle-1ere moitié du premier siècle avant notre ère », dans La recherche archéologique en Picardie : bilans et perspective. Revue Archéologique de Picardie, n°3-4, 2005, p. 127-176. POMMEPuy Claudine, AuXIETTE Ginette, DESENNE Sophie (1998) - « Ruptures et continuités dans les pratiques funéraires de La Tène ancienne et moyenne/ inale à Bucy-le-Long (Aisne) », Revue archéologique de Picardie, n° 1/2, Amiens, p. 85-98. MARTIN Gérard (1984) - Anthropologie et paleopathologie d’une nécropole de La Tène 1 à Bucy-le-Long (Aisne). Thèse de Médecine. université de Reims, 364 p. POMMEPuy Claudine, AuXIETTE Ginette, DESENNE Sophie, GRANSAR Frédéric & HENON Bénédicte (2000) - « Des enclos à l’âge du Fer dans la vallée de l’Aisne : le monde des vivants et le monde des morts », dans Des enclos, pourquoi faire? Actes de la Table-Ronde de Ribemontsur-Ancre de décembre 1999, Revue Archéologique de Picardie, n° 1/2, Amiens, p. 197-216. MENIEL Patrice (1990) - « Les offrandes animales de la nécropole gauloise "Près des Grisards" à LongueilSainte-Marie (oise) », Programme de surveillance et d’études archéologiques des sablières de la moyenne vallée de l’Oise, Rapport d’activité 1990, vol. II, études et analyses, p.131134. MEuNIER Nelly (2002) - « Analyse fonctionnelle de la céramique de la nécropole de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais" (Aisne), La Tène C1-D1 », dans Repas des vivants et nourriture pour les morts en Gaule. Actes du XXVe colloque de l’A.F.E.A.F., Charleville-Mézières 24-27 mai 2001. Bulletin de la Société Archéologique Champenoise, mémoire n° 16, Reims, p. 81-94. PARIS Pascal (1991a) - Allonne, "ZAC de Ther", rapport de fouille, SRA de Picardie, Amiens. PARIS Pascal (1991b) - « Allonne, "ZAC de Ther" », Bilan scientiique Régional, SRA de Picardie, p. 38. PARIS Pascal (1998) - « Les sépultures à incinérations de La Tène moyenne de la ZAC du Ther à Allonne (oise) », dans Les rites de la mort en Gaule du Nord à l’âge du Fer, Actes de la table-ronde de Ribemont-sur-Ancre, les 4 et 5 décembre 1997, Revue Archéologique de Picardie, n° 1-2, Amiens, p. 271-329. PINARD Estelle, AuXIETTE Ginette, DESENNE Sophie, GRANSAR Marc, HENON Bénédicte, LE GuEN Pascal, LEJARS Thierry & ROBERT Bruno (2005) - Maizy "Le Bois Gobert" Zone 2000 (Aisne), DFS, INRAP, SRA de Picardie, Amiens, 156 p. PINARD Estelle (1994) - Résultats et nouvelles perspectives des études paléoanthropologiques des ensembles funéraires des âges du Fer pour le Nord-Est de la France. Mémoire de DEA, Paris I, 1 vol. Multigraphié. 42 PINARD Estelle (1997) - « étude anthropologique de la nécropole de Longueil-Sainte-Marie "Près des Grisards"(oise) - La Tène ancienne, La Tène moyenne », Revue Archéologique de Picardie, n° 1/2, p. 57-88. PRILAUX Gilles (1992a) - « Villers-Vicomte "La Rozière" », Bilan scientiique Régional, SRA de Picardie, p. 75. PRILAuX Gilles (1992b) - Loeuilly "Les Terres du Lieutenant Général", gisement néolithique et protohistorique, rapport d’évaluation, demande de sauvetage urgent, SRA de Picardie, Amiens. PRILAuX Gilles (1992c) - « Loeuilly "Les Terres du Lieutenant Général" », Bilan scientiique Régional, SRA de Picardie, p. 95-96. PRILAuX Gilles (1994a) - Villers-Vicomte "La Rozière", DFS de Sauvetage urgent, tome 1 et 2, SRA de Picardie, Amiens. PRILAuX Gilles (1994b) - Ville-le-Marclet "La Couture", Résultats des sondages archéologiques du secteur 2, rapport de sondage, AFAN, SRA de Picardie, Amiens. PRILAuX Gilles (1994c) - Pont-Rémy "La Queute" et "Le Fond de Baraquin", rapport d’évaluation, demande de sauvetage programmé, AFAN, SRA Picardie, Amiens. PRILAuX Gilles (1997) - Pont-Rémy "La Queute" et "Le Fond de Baraquin", DFS, sauvetage urgent, AFAN, SRA Picardie, Amiens. PRILAuX Gilles (2000a) dans BAyARD Didier & LEMAIRE Patrick - Les sites gallo-romains de l’autoroute A16 nord, section Amiens-Boulogne, Document Final de Synthèse, AFAN, SRA de Picardie, Amiens, p. 22-24. PRILAuX Gilles (2000b) - « une ferme gauloise spécialisée dans le travail du sel à Pont-Rémy "La queute" et "Le Fond de Baraquin" (Somme). évolution et particularité RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie. de l’espace enclos » dans Des enclos pourquoi faire ? Actes de la table ronde de Ribemont-sur-Ancre de décembre 1999, Revue Archéologique de Picardie, n° 1-2, Amiens, p. 233-255. SOuPART Nathalie, COLLART Jean-Luc, DuVETTE Laurent & PISSOT Véronique (1995) - Limé "Les Sables". Nécropole antique fouille 1994-1995, DFS, SRA de Picardie, Amiens, 112 p. PRILAuX Gilles (2002) - La production du sel à l’âge du Fer. Contribution à l’établissement d’une typologie à partir des exemples de l’autoroute A16, Protohistoire européenne 5, Montagnac, 109 p. SOuPART Nathalie, BLONDIAu Joël, COquERELLE Sylvie, COLLART Jean-Luc & DuVETTE Laurent (1997) - Limé "Les Sables". Nécropole Antique, fouille 1996-1997, DFS, SRA Picardie, Amiens, 95 p. PRILAuX Gilles (2007) - « Le site d’Estrées-Déniécourt (80) "Derrière le Jardin du Berger». Découverte de probables tubes à libations chez les Viromanduens", dans Feux des morts, foyers des vivants, les rites et symboles du feu dans les tombes de l’âge du Fer et de l’époque romaine, Actes du XXVIIe colloque international de HALMA-IPEL uMR 8164, Revue du Nord, p. 51-64. SOuPART Nathalie & DuVETTE Laurent avec la collaboration de PISSOT Véronique (2005) - « Limé "Les Sables" (Aisne), les sépultures et les dépôts de La Tène », dans Hommages à Claudine Pommepuy, Revue Archéologique de Picardie, n° spécial 22, p. 289-326. PRILAuX Gilles & HAuRILLON Roland (1992) - Loeuilly (Somme) "Les Terres du Lieutenant Général", gisement protohistorique et gallo-romain. quEREL Pascal & FEuGERE Michel (2000) - L’établissement rural antique de Dury (Somme) et son dépôt de bronzes (IIIe s. avant J.-C. - IVe après J.-C.), Revue du Nord, hors série n° 6, 201 pages. RICHE Pierre & RICHE Corinne (1992) - Allonne (Oise) "Les Bornes", Rapport d’évaluation, demande de fouille, août 1992, SRA de Picardie, Amiens. ROBERT Bruno, PINARD Estelle, AuXIETTE Ginette, GRANSAR Marc & HENON Bénédicte (2008) - « une sépulture aristocratique à Maizy "Le Bois Gobert"(Aisne)», Revue Archéologique de Picardie, 3/4, Amiens, p. 23-60. ROuGIER Richard (1998a) - Soyecourt "La Sole des Tombeaux", Rapport d’évaluation, AFAN, SRA Picardie, Amiens. ROuGIER Richard (1998b) - Fresnes-Mazancourt "La Sole du Moulin", rapport d’évaluation, demande de fouille, AFAN, SRA Picardie, Amiens. SyLAVIE Steven (1994) - Saint-Sauveur "Le Champ à Trois Coins", DFS d’évaluation archéologique, AFAN, SRA de Picardie, Amiens. TALON Marc & MALRAIN François (1994) - « Jaux "Le Camp du Roi" », Bilan scientiique Régional, SRA de Picardie, p. 86-88. THEVENET Corinne (2002) - Les inhumations et les incinérations de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais" (Aisne) : archéo-anthropologie d’une population de la in de l’âge du Fer. Mémoire de maîtrise, université de Paris I, datylographié, 2 volumes. TIKONOFF Nicolas (1994a) - Sailly-Flibeaucourt "Voie de Port", "Les Anglais", rapport d’évaluation, AFAN, SRA de Picardie, Amiens. TIKONOFF Nicolas (1994b) - Sondages archéologiques secteur 4 (de Nouvion à Nampont-Saint-Martin), rapport de sondages, AFAN, SRA de Picardie, Amiens. TIKONOFF Nicolas (1994c) - Bernay-en-Ponthieu "Tirancourt", rapport d’évaluation, AFAN, SRA de Picardie, Amiens. ROuGIER Richard (1998c) - Gentelles "Bois de Tronville", rapport d’évaluation, AFAN, SRA Picardie, Amiens. TIKONOFF Nicolas - BAyARD Didier & LEMAIRE Patrick (2000) - Les sites gallo-romains de l’autoroute A16 nord, section Amiens-Boulogne, DFS, AFAN, SRA de Picardie, Amiens, p. 34-35. ROuGIER Richard (1998d) - Framerville-Rainecourt "Le Fond d’Herleville", rapport d’évaluation, AFAN, SRA Picardie, Amiens. WATEL F. (1998) - Rapport taphonomique sur les squelettes de Fresnes-Mazancourt et Framerville-Rainecourt, SRA Picardie, Amiens. SOMMé J. (1979) – « quartenary coastlines in northern France ». Annales Quing. Cel., 2, 1979, p. 147-158. SOuPART Nathalie (2004) - Vraignes-lès-Hornoy "Le Bois de Vraignes" (Somme), rapport d’Evaluation, INRAP, SRA de Picardie, Amiens. 43 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie. Les auteurs Sophie DESENNE, INRAP, UMR 7041 « Protohistoire Européenne » Geertrui BLANCquAERT, INRAP Stéphane GAuDEFROy, INRAP Marc GRANSAR, INRAP, UMR 7041 « Protohistoire Européenne » Bénédicte HENoN, INRAP, UMR 7041 « Protohistoire Européenne » Nathalie SOuPART, INRAP, uMR 8164 résumé L’étude s’appuie sur l’analyse de 73 occupations funéraires réparties dans le quart nord-ouest de la France, du Aisne-Marne IIA (La Tène A1) à La Tène D2. L’approche méthodologique tend à caractériser les espaces funéraires laténiens et leur évolution dans la région picarde. À cette in, nous avons élaboré une grille d’analyse qui prend en compte en premier lieu des critères concernant l’environnement géographique (plateau, vallée, plaine et littoral), topographique (terrasse, versant, rebord, replat et butte), mais aussi humain (accolé ou à proximité d’un site d’habitat, d’un tertre de terre ou tumulus) ; puis, en second lieu, des critères concernant la morphologie, l’organisation et l’évolution de l’espace funéraire. Ces espaces sont ouverts ou fermés avec des éléments de délimitation de type chemins ou enclos, accolés ou non à une occupation domestique. Les sépultures sont isolées, groupées, en noyaux, organisées de façon linéaire ou implantées de façon aléatoire sans organisation apparente. Dans certains cas, on note la présence d’éléments structurants, anciens tumulus, sépultures aristocratiques contemporaines ou légèrement antérieures, espaces vides. L’évolution du site, elle, est perceptible à travers le nombre de phases et le développement de l’espace funéraire avec une densiication sur place, une extension ou un déplacement. L’analyse de ces paramètres permet de déinir des catégories de sites et de mettre en évidence des choix différents d’un point de vue chronologique et géographique. L’objectif est d’appréhender l’évolution générale de la structuration sociale et de mettre en évidence les choix d’implantation et de gestion de l’espace funéraire au cours du second âge du Fer. Mots-clés : Choix d’implantation des espaces funéraires, second âge du Fer, Picardie, typologie des sites. abstract This paper is based on the analysis of 73 burial sites spread out over the northwestern quarter of France, dating from the Aisne-Marne II A (La Tène A1) to the La Tène D2 periods. The methodological approach aims to characterize the La Tène burial areas and their evolution in Picardy. To this end, we drew up an analytical grid which takes into account, in the irst place, criteria related to the geographical situation (plateau, valley, plain and coastal region), to topographical features (terrace, side, edge, shelf and hill), but also to the human environment (attached to or in close proximity to a dwelling zone, a mound or tumulus); and, in the second place, criteria related to the morphology, the organization and the evolution of the burial area itself. These areas may be open, or delimited by boundaries such as paths or enclosures; they may be attached to a settlement, or not. The burials may be isolated, or form groups, or nuclei; they may be distributed in lines or scattered at random with no apparent organization. In certain cases, we may note the existence of structuring factors such as pre-existing tumuli, contemporary or slightly earlier aristocratic burials, empty spaces. As concerns the evolution of the site, it may be traced in the number of stages and in the growth of the cemetery, with either a densiication on the spot, or an expansion, or a shift to another zone. The study of these parameters enables us to deine certain groups of sites and to highlight certain differences in the options adopted according to time and space. The aim is to understand the general evolution of the social structuring, and to highlight the choices governing the installation and management of the funerary space during the La Tène period. Key words : choice of funerary sites, La Tène, Picardy, site typology. Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX Zusammenfassung Die Studie stützt sich auf die Analyse von 73 im nordwestlichen Viertel Frankreichs gelegenen Gräbern aus Aisne-Marne IIA (Latène A1) bis Latène D2. Ziel der methodologischen Betrachtung ist es die Eigenarten der latenezeitlichen Gräberfelder und deren Entwicklung in der Picardie aufzuzeigen. Hierfür haben wir ein 44 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Geertrui blanCquaert et al., Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie. Analyse-Schema ausgearbeitet, das in erster Linie Kriterien des geographischen (Plateau, Tal, Ebene, Küste) und topographischen (Terrasse, Hang, Rand, Ebene, Anhöhe) umfeldes berücksichtigt, daneben jedoch auch menschliche Kriterien nicht außer Acht lässt (Lage direkt bei oder in der Nähe einer Siedlung, einer kleinen, aus Erde aufgeschütteten Anhöhe oder eines Tumulus); an zweiter Stelle stehen morphologische Kriterien sowie Kriterien der Organisation und der Entwicklung des Grabbereiches. Diese Bereiche sind offen oder durch Wege oder Umfriedungen eingefasst, in der Nähe eines Siedlungsbereiches gelegen oder nicht. Die Grabstätten liegen entweder einzeln, in kleinen Gruppen, in Reihen oder anscheinend zufallsbedingt, ohne sichtbare Organisation. In einigen Fällen bemerkt man das Vorhandensein strukturierender Elemente, ehemaliger Tumuli, zeitgenössischer oder wenig älterer Fürstengräber, oder auch Leerräume. Die Fundstelle weist mehrere Phasen auf, die im Grabbereich an einer Verdichtung, Ausweitung oder Verlegung fassbar sind. Die Analyse dieser Parameter erlaubt es Fundplatzkategorien zu deinieren und unterschiedliche chronologische und geographische Entscheidungskriterien aufzuzeigen. Ziel ist es, die allgemeine Entwicklung der sozialen Strukturierung zu erfassen und aufzuzeigen, welche Kriterien bei der Standortwahl des Grabbereiches eine Rolle gespielt hatten welchen Veränderungen dieser Bereich im Laufe der jüngeren Eisenzeit unterlag. Schlüsselwörter : Auswahlkritrien der Standortwahl der Grabbereiche, jüngere Eisenzeit, Picardie, Typologie der Fundstellen. Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr). 45 RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à partir des fouilles récentes. IMpLantatIon Et orGanIsatIon DEs EspaCEs FUnéraIrEs à La tènE anCIEnnE Et aU DéBUt DE La tènE MoYEnnE En CHaMpaGnE à partIr DEs FoUILLEs réCEntEs Lola BONNABEL , Sylvie CuLOT, Vincent DESBROSSE & Marion SAuREL La Champagne a été intensément occupée pendant le deuxième âge du Fer. Ce pourtour oriental du Bassin parisien est un gisement exceptionnel en sépultures de l’âge du Fer. Cette richesse a eu un coût, car il est peu d’autres régions de France où le passé a été aussi systématiquement pillé. Au XXe siècle, ces saccages se sont accélérés, s’aidant du repérage par photographie aérienne et d’un usage abusif du détecteur à métaux, mais de véritables fouilles scientiiques ont aussi été mises en place. Au cours de ce siècle, l’intérêt va dépasser l’échelle de l’objet pour atteindre celle de la tombe et du site. Ces travaux scientiiques (par exemple faVret 1927, brisson et al. 1970 et 1972, rozoy 1987) furent la base principale d’une synthèse publiée en 1999 (deMoule 1999). L’archéologie préventive a permis de multiplier les observations et d’agrandir encore les échelles d’analyse : les décapages et sondages systématiques ouvrent des fenêtres de milliers d’hectares offrant à l’examen l’organisation spatiale des sites entre eux tandis que des décapages plus ou moins extensifs permettent d’appréhender la morphologie des occupations funéraires. L’étude de ces occupations elles-mêmes, de leur structuration, de leur dynamique d’implantation, se fonde sur la confrontation de données de natures variées telles que l’architecture et la mise en scène de la tombe, le traitement des corps, l’identité des défunts, la chrono-typologie… Dans le cadre de cet article, nos objectifs restent limités. Il s’agit tout d’abord d’observer 2 fenêtres géographiques où occupations funéraires et habitat se côtoient. La question des types de sites funéraires sera ensuite évoquée ainsi que certains aspects caractéristiques de leur morphologie. L’étude s’appuie sur les travaux d’un projet de recherche initié en 2006 s’intitulant Pratique funéraire et sociétés de l’âge du Fer en ChampagneArdenne auquel participent les auteurs. IMpLantatIon rELatIvE DEs CIMEtIèrEs Et HaBItats ContEMporaIns En 1999, Jean-Paul Demoule notait que la position de la nécropole vis-à-vis de l’habitat reste problématique puisqu’elle n’a pu être observée qu’à Chassemy (Aisne) où l’habitat qui a été partiellement mis au jour au cours d’un sauvetage (rowlette & boureux 1969) se trouvait à 500 m environ de la nécropole fouillée au siècle dernier (deMoule 1999, p 179). En effet, retrouver les associations entre habitats et nécropoles laténiennes et comprendre comment les uns s’organisent par rapport aux autres se heurtent à plusieurs dificultés. Tout d’abord, les surfaces prospectées doivent être sufisamment vastes et/ou bien positionnées. Ensuite se pose le problème de la détection des petites occupations notamment domestiques. Enin, dernier écueil, il faut disposer d’une quantité de mobilier datant sufisante pour pouvoir proposer une éventuelle contemporanéité entre les deux occupations. Les exemples où l’on peut mettre en relation un lieu funéraire et un habitat sont donc peu nombreux. Deux secteurs de la plaine crayeuse se prêtent néanmoins à cet exercice. Les communes de Witry-lès-Reims et de Caurel, à quelques kilomètres au nord-est de Reims, ont fait l’objet d’intenses prospections à la in du XIXe et au début du XXe siècle puis, récemment ces terroirs ont été concernés par des opérations d’archéologie préventive. Ainsi, aux 5 cimetières connus depuis un siècle, sont venus s’en ajouter deux. Les découvertes fortuites (réalisées lors de la construction de maisons à partir de 1840, puis, en 1875, du fort de Witry) pouvaient contribuer à corriger le biais des méthodes de prospection de l’époque qui privilégiaient certaines approches comme la toponymie, la position topographique, etc. En outre, la grande quantité de cimetières fouillés au XIXe siècle permettait déjà de noter quelques implantations préférentielles. Ainsi, en 1908, dans son article sur les cimetières gaulois de Witry-lèsReims, Auguste Bourin notait que contrairement à la plupart des cimetières gaulois situés le plus souvent sur le penchant d’une colline, [celui de la Neufosse] se trouve dans une gorge dont la direction est du nord-est au sudest (bourin 1908). Les opérations archéologiques des quinze dernières années ont permis d’aborder des milieux topographiques variés. Les deux nouvelles occupations funéraires, Witry-lès-Reims, "La Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à partir des fouilles récentes. 47 RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à partir des fouilles récentes. 50 m 130 m structures et bâtiment de La Tène C structures et bâtiments protohistoriques antérieurs à La Tène C ou mal calés structures et bâtiments gallo-romains structures et bâtiments non datés 0 100 m DAO: Nathalie Achard-Corompt, Inrap Mise en forme : Vincent Desbrosse, Inrap Fig. 1 - Bussy-Lettrée (Marne), "Europort de Vatry, ZAC 2", "En Haut des Gravelles", site 24 -25. Responsable de la fouille: Nathalie aChard-CoroMpt Inrap. Commelle" et Caurel, "Le Puisard" se situent toutes les deux dans la partie haute de versants. La partie explorée du cimetière de Caurel, implanté près d’une crête molle, a livré des tombes datées entre l’Aisne Marne II B et l’Aisne-Marne III C (bonnabel et al. 2004 et note 1). Au nord, en descendant cette pente douce, 3 noyaux d’habitat ont été détectés, mais un seul est connu intégralement. Le premier est situé à seulement 250 m des tombes. L’occupation principale se concentre de l’Aisne-Marne IIB au IIIA (saurel, dans lenda en cours). Le deuxième « pôle » est marqué par un silo, situé à 530 m en bordure de projet. Le mobilier le rattache à la période laténienne sans qu’il soit possible d’être plus précis (laloo 2005). Enin, le dernier ensemble de structures, situé entre 550 et 1 - Le site a été appréhendé lors de deux campagnes ; la première en 1997 sous la direction de Bruno robert et la seconde sous celle de Lola bonnabel en 2001. 48 750 m de la nécropole, est daté de l’Aisne-Marne IIB – IIC ("Le Puisard" 5, 7 et 8) et de l’Aisne-Marne III ("Le Puisard 14" ; desenne dans koehler 1997). La distance relevée sur le site de Chassemy, 500 m (deMoule 1999), entre donc dans la fourchette de celles observées à Caurel. Dans ce dernier cas, la présence de plusieurs noyaux de structures indique qu’il s’agit soit d’un établissement qui s’est déplacé (le chevauchement étant lié aux fourchettes de datation) soit de plusieurs habitats contemporains. Si la deuxième hypothèse se vériiait, ceci pourrait expliquer l’existence de plusieurs noyaux synchrones peu espacés, dans des nécropoles comme celle de Witry-lès-Reims "La Commelle", car plusieurs établissements contemporains auraient enterré leurs morts sur le même relief. Pour pouvoir l’afirmer, il faudrait disposer d’une quantité de mobilier sufisante et approfondir la comparaison des productions des points de vue morphologiques et techniques. RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à partir des fouilles récentes. Le deuxième secteur est celui de l’Europort de Vatry où sur les 470 ha de ZAC sondés, 3 sites funéraires laténiens ont été repérés puis fouillés : DommartinLettrée "Les Coupes" comptant 15 individus (AisneMarne IIIB-IIIC ; paresys 2007), Bussy-Lettrée "La Basse Cour" , 3 défunts (2 femmes et un enfant ; La Tène B2-C1 ; riquier et al. 2007) et Bussy-Lettrée "En Haut des Gravelles" (ig. 1), 5 défunts pour 4 tombes (3 femmes et 2 enfants dont un incinéré ; La Tène C ; aChard-CoroMpt et al. 2006). Ces sites funéraires, ainsi que les autres nécropoles fouillées à proximité, se trouvent dans la partie sommitale des petits monts (bailleux & riquier 2005). Seul le décapage d’"En Haut des Gravelles" a livré des structures d’habitat contemporaines, La Tène C, de la nécropole située à proximité. Le maillage très lâche des occupations, dans ces terres crayeuses éloignées des vallées, renforce cette probable contemporanéité. Là aussi le cimetière domine les structures d’habitat qui sont situées entre 50 et 150 m en contre bas, à l’est et au sud. à partir de la dernière structure d’habitat laténienne datée, on trouve successivement 3 tombes, un enclos quadrangulaire puis, au-delà, une fosse d’extraction non datée mais qui pourrait avoir un lien avec le monument. un cimetière du même type - 4 tombes à proximité d’un petit enclos quadrangulaire - a été mis au jour à Perthes (HauteMarne) dans un secteur sans relief signiicatif (lalleMand 1999). Cet espace recelant également plusieurs occupations domestiques diachroniques, il n’est pas aisé d’en rattacher, l’une en particulier, au cimetière. Dans ces deux cas de la plaine crayeuse, Caurel et Bussy-Lettrée, le site funéraire est situé plutôt en haut de versant avec un ou plusieurs habitats contemporains implantés à proximité, plus bas dans la pente. Pour mieux vériier cette relation et replacer le cimetière dans le paysage de l’époque, il conviendra de développer le corpus en prenant en considération l’ensemble des vestiges découverts y compris les vestiges d’habitat les plus discrets. DEs sItEs FUnéraIrEs DE MorpHoLoGIE varIéE La culture Aisne-Marne se développe pour l’essentiel dans la partie septentrionale de la plaine crayeuse. Quatre types d’occupation funéraire ont pu être observés grâce aux décapages extensifs : - les nécropoles (dont l’étendue peut être plus ou moins exhaustivement décapée) - les petits groupes de tombes ; - la tombe isolée ; - les inhumations en structure réutilisée, voire détournée. La taille des lieux funéraires est peut-être corrélée à celle des habitats ou à leur durée d’occupation. Cependant, on observe également des variations géographiques, variations pouvant être d’origine culturelle car concernant des groupes humains différents, ou d’origine chronologique, toute la région n’étant pas occupée de manière homogène sur toute la période. Il convient aussi de noter que ces différents types de sites n’ont pas été détectés de la même manière. Les nécropoles ont systématiquement été perçues lors des phases de diagnostic. En revanche les autres formes d’occupations ont pu échapper aux tranchées et n’être découvertes que lors du décapage (bonnabel et al. 2007). Ceci tend évidemment à donner une image prépondérante de l’usage de la nécropole et à sous-estimer le nombre des petits ensembles. Les différents types d’occupations ne se répartissent pas de manière aléatoire d’un point de vue géographique (ig. 2). En frontière sud-est de la culture Aisne-Marne, dans le Perthois, zone alluvionnaire aux riches couvertures limoneuses, extrêmement exploitée archéologiquement, aucune nécropole de La Tène ancienne n’a été découverte ces 20 dernières années. En revanche, des tombes de cette période, dont une à char, ont été mises en évidence à Plichancourt "Les Monts" (2), dispersées au sein d’un lieu funéraire utilisé à différentes phases du néolithique puis à la in de l’âge du Bronze et au Hallstatt inal. Sur le site voisin de Perthes, carrière bénéiciant d’un suivi archéologique depuis 1992, on dénombre un petit groupe de 5 tombes de La Tène moyenne (lalleMand et al 1999) puis, 500 m plus loin, 2 autres sépultures isolées de la même période distantes de 140 m l’une de l’autre (3). La répartition géographique se combine avec une distribution chronologique particulière. Deux autres petits groupes de tombes de 3 et 5 défunts de La Tène moyenne se situent dans l’espace de l’Europort de Vatry, donc, comme à Perthes, au sud de la culture Aisne-Marne. un troisième, regroupant 8 défunts (durost et al. 2007), est localisé encore plus au Sud, près de Troyes, en dehors de l’aire culturelle de l’Aisne-Marne. Particulièrement dans cette zone des alentours de Troyes et plus généralement dans l‘Aube, il est frappant de constater que les 4 autres opérations de fouilles récentes ayant révélé des squelettes laténiens livrent des inhumations en structures réutilisées (ig. 2), totalisant 23 défunts. La proportion de défunts en structures réutilisées issus des fouilles récentes (4) est là de 66 % contre 9 % à l’échelle régionale ! D’un point de vue chronologique, il semble que la pratique des inhumations en silos prend un essor particulier à partir de La Tène B2/C1. 2 - Onze hectares sondés et plus de six décapés. 3 - Découvertes lors d’opération successivement réalisées sous la responsabilité de G. Verbrugghe puis y. Thomas 4 - Ce résultat pourrait peut-être se trouver tempéré par les résultats de diagnostique que nous n’avons pas intégrés. 49 RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à partir des fouilles récentes. nécropoles sépultures en silos Charleville 31 17 4 10-11 36-37 26 Reims 35 12-13 30 25-32 34 3 1-2 6 Châlons-en-Champagne 28 7-8-9 29 22-23 21 16 14 Vitry-le-François 18-19-20 Saint-Dizier 1. Auve, La Vigne 2. Auve, Le Chemin de Ternière 3. Avenay-Val-D’Or, Sorange 4. Brienne-sur-Aisne, La Croizete 5. Buchères, Parc Logistique 6. Bussy-le-Château, Le Bout des Forces 7. Bussé-Letrée, La Basse Cour 8. Bussy-Letrée, En Haut des Gravelles 9. Bussy-Letrée, Le Petit Vau Bourdin 10-11. Caurel, Le Puisard 12-13. Champfleury, A Mi Champ/RN51 14. Dommartin-Letrée, Le Petit Variouse 15. Lavau, Les Corvées 16. Loisy-sur-Marne, Le Grand Champ 17. Neuflize, Le Clos 18-19-20. Perthes, Pièce des Essarts, La Grande Pièce 21. Plichancourt, Les Monts 22. Pogny, Les Acletes 23. Pogny, Les Baraques 24. Pont-sur-Seine, Marnay, La Gravière et La Justice 25. Puilsieulx, Le Mont de la Cuche 26. Reims, ZAC de la Neuvillete 27. Saint-André-les-Vergers, Rocade Ouest de Troyes 28. Saint-Memmie, Rue du Pont Alips 29. Sarry, Les Auges 30. Sillery, Le Clos Harlogne 31. Tagnon, Les Avergères 32. Taissy, Le Mont de la Cuche 33. Torvilliers, Zone d’Activité 34. Val-de-Vel, Moncheux 35. Vrigny, Les Robogniers 36. Witry-les-Reims, La Commelle 37. Witry-les-Reims, Le Village-La Commelle 24 Perthois 15 33 Troyes 27 5 Langres - 100 m 100 à 200 m 200 à 300 m 300 à 400 m 400 à 500 m 0 50 km Fig. 2 - Répartition des sépultures et inhumations en structures réutilisées de La Tène ancienne et du début de à La Tène moyenne fouillées depuis 1997. Mise à jour novembre 2007 Christelle laGatie (SRA) sur un fond de carte de Erick tappret (†, SRA). 50 RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à partir des fouilles récentes. LEs néCropoLEs DE La tènE anCIEnnE : aspECts DE L’orGanIsatIon La nécropole n’est donc pas le seul lieu d’inhumation. Elle concerne néanmoins la majorité des défunts qui nous sont parvenus. Sur un corpus de 475 défunts, datés de La Tène A et La Tène C, 3 sites regroupent à eux-seuls 48,6 % des individus (5). On trouve ensuite de plus petits ensembles dont les limites spatiales ont été atteintes : 2 nécropoles de 29 individus chacune - 12,2 % des défunts - (6) et des petits groupes de 3 à 8 tombes (4,6 %). D’autres individus sont issus de structures d’ensilage réutilisées (9 %) ou sont isolés (1,2 %). Enin les derniers exemples proviennent d’ensembles dont les limites sont incertaines. Des propositions concernant l’organisation des nécropoles ont déjà été formulées, notamment par J.-P. Demoule (deMoule 1999) et J.-G. Rozoy (rozoy 1981). L’apport des données récentes permet de décrire une réalité à la fois plus complexe et davantage normée. Les sites ont été décapés de manière plus ou moins étendue en fonction des aménagements, sur une surface de 3 000 m2 à environ 3 ha (ig. 3 et 4). à plusieurs reprises, des limites des nécropoles ont été atteintes par le décapage. Elles sont souvent inscrites dans un espace parallélépipédique, mais parfois la morphologie générale n’est pas décelable, comme à Val-de-Vesle ou à Reims "La Neuvillette", et la forme « ellipsoïdale » (deMoule 1999, p. 181) ne permet pas non plus de les décrire. L’oRIENTATIoN « PRINCIPALE » DES SéPULTURES Si les défunts ont presque toujours la tête disposée vers l’ouest, l’amplitude des variations va du sud-ouest au nord-ouest. L’orientation la plus septentrionale (Sarry "Les Auges", Pogny "Les Baraques", ig. 3) est à 90° de la plus méridionale (Auve "Le Chemin de Ternière", ig. 4). Au sein d’une même nécropole, les divergences paraissent liées aux regroupements de sépultures. Les cas de tombes disposées de manière antipodiques sont répétitifs. L’orientation des tombes semble parfois avoir pour objet de souligner les limites de la nécropole, comme à Caurel "Le Puisard" voire à Auve. L’homogénéité des situations au sein d’une même nécropole lui confère un aspect plus ou moins organisé. Ainsi, les nécropoles très structurées telles que Brienne-surAisne, Sarry, Auve, Pogny, voire Val-de-Vesle (ig. 3 et 4) présentent chacune une orientation dominante très reconnaissable. Pour Champleury, les 2 groupes de tombes présentent chacun une direction principale différente : nord pour le groupe sud et ouest pour le groupe nord (ig. 4). Ces données récentes ne paraissent donc pas conirmer strictement ce que proposait J.-P. Demoule, soit une disposition des tombes vers le nord-ouest pour le sud et l’ouest de la zone Aisne-Marne, incluant Witry-lès-Reims et Sarry, même si elle paraît en effet la plus courante. En revanche, l’orientation plus franchement occidentale repérée pour le nord de la zone, soit le sud des Ardennes s’observe à Brienne-sur-Aisne (deMoule 1999, p. 182). Au sein même de la nécropole, 4 paramètres présentent des variations signiicatives : - la densité des tombes ; - l’orientation dominante des sépultures ; - l’organisation en groupe ; - la structuration globale, au delà de l’échelle du groupe. DE L’ORGANISATION D’uN GROuPE à LA STRuCTuRATION DE L’ENSEMBLE D’uNE NéCROPOLE LA DENSITé DES TOMBES L’association la plus proche est le partage de la tombe, puisque pour certaines nécropoles, le regroupement de plusieurs individus au sein d’une même fosse concerne plus de la moitié des défunts. Cette pratique ne sera pas abordée dans cet article où nous nous concentrerons sur l’organisation visible en plan (7). De même nous n’aborderons pas les hypothèses relevant de l’interprétation de la volonté de regrouper les défunts. Pour un nombre de défunts équivalent (74), la nécropole de Sarry "Les Auges" occupe moins de la moitié des 7 300 m2 décapés, soit à peine 3 250 m2, tandis que celle de Reims "La Neuvillette" s’étend sur les 3 ha décapés, même si les tombes sont plus concentrées en partie centrale et plus dispersées en périphérie. Les nécropoles paraissent structurées en fonction de deux nécessités : associer les défunts et organiser l’espace commun les accueillant. Le regroupement de deux tombes, le plus souvent côte à côte et parallèles, est très fréquent. Ce type 5 - Nécropoles de : Sarry "Les Auges", Reims "La Neuvillette", Val de Vesle "Moncheux", fouillées sous la responsabilité de L. bonnabel, en collaboration avec S. desenne pour la nécropole de Reims. 6 - Pogny "Les Baraques" et Brienne-sur-Aisne "La Comelle". 7 - La pratique de l’inhumation successive atteste cependant du marquage des tombes et de sa durabilité (rozoy 1981). Les données récentes ont en outre permis d’illustrer les modes opératoires de ces pratiques. 51 RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à partir des fouilles récentes. Pogny "Les Acletes" Ro : D. Rollin Val de Vesle “Moncheux” Ro : L. Bonnabel Vrigny "Les Robogniers" Ro : L. Bonnabel Brienne sur Aisne "La Croisete" Ro : L. Bonnabel Silo Silo avec défunt Sarry "Les Auges" Ro : L. Bonnabel 0 52 Reims "ZAC La Neuvillete" Ro : L. Bonnabel et S. Desenne 100 m Fig. 3 - Plans simpliiés de nécropoles de La Tène ancienne (fouilles Afan-Inrap). RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à partir des fouilles récentes. Dommartin-Letrée "Les Coupes" Ro : C. Paresys Caurel "Le Puisard" 2001 Ro : L. Bonnabel Caurel "Le Puisard" 1997 Ro : B. Robert Witry les Reims "La Comelle" Ro : B. Robert Champfleury "A mi Champ" 2005 Ro : S. Culot Auve "Le chemin de Ternière" Ro : L. Bonnabel 0 100 m Fig. 4 - Plans simpliiés de nécropoles de La Tène ancienne (fouilles Afan-Inrap). Champfleury "A mi Champ" 2003 Ro : L. Bonnabel 53 RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à partir des fouilles récentes. d’association est clairement établi à Brienne-surAisne, Caurel "Le Puisard" et Pogny "Les Aclettes" (8) , voire à Witry-lès-Reims "La Comelle" (9). Parfois, plus de deux tombes sont installées côte à côte, formant ainsi des rangées. C’est le cas à Auve mais également à Sarry et à Pogny, ce qui accentue l’impression d’une gestion globale de l’espace funéraire. Dans le cas de Pogny, des fosses accouplées peuvent s’organiser en rangées, permettant ainsi de répondre aux deux exigences : associer certains défunts et structurer un espace commun. Le regroupement peut également se faire en « grappe », comme à Witry-lès-Reims "La Comelle". Dans d’autres cas, il s’agit de petits paquets plus ou moins parallélépipédiques, les tombes s’organisant parfois à angle droit les unes par rapport aux autres comme à Reims "La Neuvillette" ou à Champleury "à Mi Champ". On retrouve, en réduction dans la forme de ces petits groupes, ce que J.-P. Demoule a déini comme étant les deux types de morphologie des nécropoles : quadrangulaire et ellipsoïdales (deMoule 1999, p. 181). Si les sépultures groupées semblent disposées selon une logique propre à ce regroupement, les indices d’une organisation générale sont également plus ou moins apparents. Cette dernière se fait selon un maillage souple, à tendance orthonormé, avec, d’une part, des axes plus ou moins transversaux aux tombes, qui correspondent aux rangées (mais qui peuvent parfois être une bande de terrain incluant plusieurs tombes non strictement alignées), et, d’autre part, des axes correspondant plus ou moins à l’axe longitudinal de plusieurs fosses que nous appellerons « enilades ». Des enilades de tombes sont perceptibles sur les sites de Val-deVesle, Brienne-sur-Aisne, Sarry, Pogny, Reims, Champleury, et parfois même sur des sites ou aucune rangée n’est perceptible comme à Reims ou Champleury. Rangées et enilades permettent de souligner un autre élément structurant des nécropoles : les espaces préservés de sépultures. Ces espaces peuvent être allongés et alors interprétés comme des lieux de circulation ou dédiés à des pratiques en rapport avec l’inhumation ou le souvenir. Ce fait est particulièrement frappant à Val-de-Vesle, où une enilade de tombes s’étend le long d’un espace accueillant des bâtiments qui peut être considéré comme le principal axe de circulation de la nécropole. Dans d’autres cas, l’espace préservé de sépultures s’étend sur tout le pourtour des 8 - Fouille réalisée sous la responsabilité de Denis rollin, Afan, 1994. 54 9 - Fouille sous la responsabilité de B. Robert, (bonnabel et al. 2004) 15 115 5 0 50 m Inhumation avec enclos ne rencontrant aucune autre inhumation dans un rayon de : - 9 m autour de la sépulture 115 - 15 m autour de la sépulture 5 - 25 m autour de la sépulture 15 (dimensions prises à partir du centre de la fosse sépulcrale) Inhumation Silo et fosse Fossé d'un chemin postérieur Fig. 5 - Espaces préservés autour des enclos sur la nécropole de Brienne-sur-Aisne monuments funéraires. Il en est ainsi à Brienne-surAisne (ig. 5) où la zone vide paraît, en outre, avoir un lien avec le caractère ostentatoire de la tombe, puisque le l’espace préservé le plus important est associé à la tombe à char dans son monument en trou de serrure. à Reims "La Neuvillette" également, l’espace le plus vaste entoure le monument en trou de serrure. Cependant, dans ce cas, une tombe isolée est, à chaque fois, installée dans cette zone qui, de ce fait, ne peut être considérée comme totalement préservée, mais apparait plutôt comme réservée. Les monuments peuvent aussi souligner des axes de circulation comme à Val-de-Vesle, axe le long duquel sont également installées plusieurs sépultures qui présentent des indices d’ostentation ou de richesse sans que des traces d’architecture externe nous soient parvenues. Les sépultures monumentales, outre ces espaces préservés qu’elles initient ou qu’elles soulignent, structurent la nécropole en en marquant les limites. Si l’on examine plus spéciiquement les tombes à char, celles de Brienne, Reims "La Neuvillette", Sarry et Caurel, sont toutes en position périphérique. Dans le cas de Reims "La Neuvillette", il semble que l’organisation générale est dessinée par des RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à partir des fouilles récentes. sépultures dites « isolées », dont le caractère monumental n’est pas toujours apparent. quelques unes d’entre elles libèrent un espace vide de structure d’environ 25 m de rayon, mais d’autres ne présentent aucun indice de ce type, participant simplement à une enilade. Pour cette nécropole, un enclos circulaire, peut-être plus ancien, est également structurant puisque certaines de ces tombes isolées sont installées autour de lui de manière concentrique. à Val-de-Vesle, des tumulus lithiques qui déinissent des bandes et rythment l’espace interne ont été mis en évidence (ig. 6). à la périphérie de la culture Aisne-Marne, la nécropole de Dommartin-Lettrée se distingue totalement des sites précédemment exposés par son organisation en petits enclos carrés regroupant plusieurs sépultures. D’un point de vue chronologique, elle est parmi les plus récentes. Cependant, celle d’Auve présente aussi les dernières phases de La Tène ancienne. L’origine de cette différence est sans doute davantage d’ordre régional, cet ensemble appartenant à la région de Vatry où d’autres nécropoles de ce type ont déjà été fouillées plus ou moins anciennement. Cette organisation en A C Phase de fondation : Fin Hallstat - La Tène A ancienne datation probable datation incertaine B Phase d'extension : La Tène A récente datation probable datation incertaine C Phase finale : Fin La Tène A récente - début La Tène B datation probable datation incertaine Inhumation sans datation précise Tumulus lithique 0 Fig. 6 - Plan des phases de la nécropole de Val-de-Vesle 50 m 55 RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à partir des fouilles récentes. fonction d’enclos carrés se mettrait en place dans cet espace géographique dès le milieu de La Tène ancienne subissant sans doute l’inluence culturelle du Sénonais. DyNAMIquE D’OCCuPATION L’impression générale qui se dégage des observations précédentes est que la nécropole se dessine au fur et à mesure du temps mais suivant une logique prédéinie peut être dès sa fondation. à Auve, les sépultures sont d’abord implantées en rangées, de manière à constituer la limite ouest de la nécropole, puis, partant des deux tombes externes de cette rangée se forment en alternance deux enilades, l’une Nord, l’autre Sud tandis que les dernières sépultures sont installées au dessus d’une tombe plus ancienne, au milieu de l’enilade Nord. Cette impression de construction de l’espace commun au il du temps se retrouve à Brienne-sur-Aisne : 3 sépultures monumentales marquent les limites de l’espace funéraire, or, la dernière, ceinte par un enclos carré, est l’une des tombes les plus récentes de la nécropole. À Witry-lès-Reims, les « grappes » se développent simultanément pendant les différentes phases de constitution de la « nécropole ». Pour la nécropole de Val de Vesle (ig. 6), malgré les dificultés rencontrées pour dater des tombes perturbées qui appartiennent en outre à une phase d’occupation très brève, concentrée pour l’essentielle sur La Tène A, nous avons proposé une chronologie en 3 phases, « fondation », « extension », et « inale». Lors de la phase de fondation, les sépultures sont dispersées sur la presque totalité des zones A et B. L’étendue de l’espace serait ainsi déinie dès les premières installations. En revanche, l’orientation des tombes initiales ne souligne en rien ce qui sera celle de la nécropole lors de la phase d’extension. Une enilade de 3 tombes est perceptible à la perpendiculaire d’un effet de « rangée » entre 3 autres tombes pourtant assez éloignées entre elles. En outre, 4 sépultures paraissent s’organiser en arc de cercle. Si cette disposition a pu être montrée à Reims "La Neuvillette" pour des tombes entourant un monument, ce type d’aménagement n’est pas ici perceptible peut-être du fait d’un problème de conservation. un tumulus de terre et de pierre paraît être installé (10) en bordure de la zone C qui pourrait donc être déjà conçue comme un espace préservé. 56 plus septentrionale. Les variations dans l’orientation des tombes se multiplient et des sépultures plus anciennes servent de repère à l’implantation des nouvelles avec lesquelles elles sont plus ou moins en rangée dans une même bande de terrain. L’espace préservé C paraît alors clairement déini comme un axe majeur. Il est souligné par des tombes en enilade en zone A et il sert de repère d’implantation et d’orientation. L’organisation de la zone B est moins évidente. un tumulus en partie lithique (11) est aménagé en zone A, sur la limite nord-est de la zone, « en face » d’un tumulus du même type construit lors de l’étape précédente, et un second se trouve au sud de cette ancienne sépulture. un troisième est établi en in de période, également en bordure nord-est de la zone A. Lors de la phase inale, 3 sépultures en zone A bordent la zone C et soulignent sa limite sur un peu de sa moitié sud : elles sont en enilade, avec une quatrième placée en bordure sud-est de la nécropole. Deux autres tombes prennent place au cœur de la zone B. Les orientations présentent le maximum de variation. Deux de ces sépultures sont surmontées d’un tumulus en partie lithique. L’une d’elles est implantée dans la « rangée » dessinée par deux autres sépultures tumulaires, une fondatrice et une autre datant de la phase d’extension, à midistance entre ces deux tombes. Cette rangée, qui s‘est constituée de manière régulière au cours des 3 phases de la nécropole, révèle une cohérence dans la gestion de l’espace et souligne la volonté de dessiner un paysage commun sur la durée. L’autre sépulture à tumulus lithique de cette dernière phase est installée en zone B où elle crée une rangée plus ou moins parallèle à la précédente, avec une tombe tumulaire installée en bordure nord-est de la zone A à la toute in de la phase d’extension. outre les rangées, cette organisation qui s’inscrit sur la durée de la nécropole est également lisible à travers les enilades qui sont également constituées de tombes des différentes phases. RELATION ENTRE NéCROPOLES ET ESPACES à VOCATION DISTINCTE Lors de la phase d’extension, la multiplication des enilades et des rangées impulse une nouvelle dynamique d’orientation à la nécropole, légèrement Sur toutes les nécropoles de La Tène ancienne, on a systématiquement noté, à proximité, la présence de structures autre que des tombes (silos, trous de poteau). Pour l’instant, lorsqu’une chronologie relative entre les deux occupations a pu être proposée, l’occupation funéraire est, soit postérieure (Val-de-Vesle, Auve), soit antérieure (Sarry, Brienne sur Aisne), mais jamais contemporaine. Dans tous les cas, les espaces ne se superposent pas totalement et ils peuvent être seulement juxtaposés. 10 - La datation n’est pas certaine mais les propositions à partir du métal, sur un bracelet à emboîtement et incisions, et de la céramique sur une forme simple sont convergentes. 11 - Des comblements de sédiment puis de pierre ont été mis en évidence dans des sépultures à coffrage lors de la fouille, ce qui a permis d’identiier des tumulus en partie lithique. RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à partir des fouilles récentes. NéCROPOLES DE LA FIN DE LA TèNE ANCIENNE ET DE LA TèNE MOyENNE La caractéristique principale de ces ensembles, si l’on fait abstraction d’une tombe de Bussy-leChâteau qui doit appartenir à un ensemble plus vaste, est la faible quantité de défunts réunis : de 3 à Bussy-Lettrée "La Basse Cour" à 8 à Lavau "Les Corvées". Rappelons que tous ces ensembles sont, soit en limite sud de la culture Aisne-Marne (les deux sites de Bussy Lettrée, Perthes), soit encore plus loin vers le sud (Lavau, près de Troyes). Ce dernier ensemble se distingue des précédents par d’autres aspects : son installation dans une ancienne zone d’extraction, la disposition des tombes et le recoupement partiel des fosses sépulcrales (durost et al. 2007). une autre parenté, pour 3 des 5 exemples, est la présence d’enclos carrés. L’aire de ces derniers peut renfermer une sépulture (Bussy-le-Château) ou pas (Bussy-Lettrée "En Haut Les Gravelles" Perthes). Les orientations sont de préférence nord/sud et, lorsqu’elles sont est/ouest, la tête est plus souvent à l’est. Ces choix dans les orientations marquent donc une rupture très nette avec La Tène ancienne. ConCLUsIon Les zones de la plaine champenoise activement sondées et fouillées montrent que les sites funéraires apparaissent de préférence situés plus haut sur le versant, surplombant les habitats contemporains. Il sera cependant nécessaire d’élargir l’observation pour conirmer cette tendance. Les données actuelles permettent de souligner la très grande variété des sites funéraires. Si la nécropole est un lieu regroupant la majorité des défunts qui nous sont parvenus, ceux-ci peuvent également reposer dans une tombe isolée ou appartenant à un petit groupe ou, encore, avoir été inhumés dans une structure de stockage abandonnée. Pour ce qui est des nécropoles, la typologie en deux groupes principaux - nécropoles à tombes groupées en rangée et à tombes dispersées - ne tient plus. Il apparaît, à la lumière des données récentes, qu’une nécropole comme celle de Briennesur-Aisne caractérisée par peu de sépultures et une faible densité peut être très structurée tout en ne présentant pas de rangées réelles. Certaines grandes nécropoles dense (Val-de-Vesle) ou non (Reims "La Neuvillette") ne livrent leur organisation qu’à l’issue d’une analyse spatiale ine. Au vu de la disposition des tombes, l’existence de marquage ne fait pas de doute, mais l’aspect monumental de ces marquages, parfois évident (fossés d’enclos), ne peut-être que restitué dans d’autres cas en étudiant les espaces vides périphériques préservés sur le pourtour des sépultures. Espaces préservés et tombes monumentales contribuent à structurer le paysage funéraire aux différentes phases de son histoire : monuments soulignant l’axe de circulation et tumulus lithiques « alignés » comme à Val-deVesle ou maintien d’un vide périphérique plus ou moins vaste sur le pourtour des tombes, comme à Brienne. Pour lire ce paysage funéraire dans toute sa complexité, il s’agit de considérer les modes de compromis entre l’association de certains défunts et l’organisation générale, l’un ou l’autre pouvant paraître primer en fonction des ensembles. Cet espace commun, utilisé pendant des décennies, voire parfois sur plus de deux siècles, est structuré, architecturé, marqué et signiiant pour les groupes pratiquant l’inhumation de leurs défunts et leur souvenir. Lors du choix de l’emplacement d’une tombe, en fonction de critères liés à l’identité sociale du défunt, différents éléments vont servir durablement de repère : les monuments, les espaces préservés ainsi que l’emplacement et l’orientation des tombes précédentes qui peuvent être organisées en rangées ou enilades, croisant ou soulignant les zones vides utilisées comme axes de circulation ou vouées à accueillir pratiques sociales et/ou cultuelles. Dans les alentours de Reims, notamment sur les communes de Caurel, Witry-lès-Reims, Champleury, Vrigny, il est dificile de savoir si l’on a affaire à plusieurs petits cimetières distincts ou non. L’objectif à venir, au fur et à mesure des opérations, sera de comprendre si, comme à La Neuvillette, ce qui parait être des groupes dispersés ne s’organise pas plutôt à l’échelle de grandes nécropoles. Dans d’autres cas, les distances concernées sont telles que l’on est probablement plus dans le cadre d’une seule et même nécropole. Pour la zone Witry/ Caurel, l’hypothèse de différents noyaux d’habitat venant inhumer leurs défunts dans différents groupes de tombes, de préférence sur la pente des rares et faibles éminences du secteur, peut être émise, mais peut-être le territoire dévolu aux morts de ces différents groupes est-il lui même régi par des règles collectives, comme c’est le cas à Reims "La Neuvillette". C’est une hypothèse qu’il s’agira de vériier : si elle s’avérait exacte, cela montrerait, pour le paysage comme pour la nécropole, deux niveaux de décision, celui du groupe et celui d’une collectivité de groupes ou d’une autorité centrale qui organise l’espace entre les groupes. BIBLIoGrapHIE ACHARD-COROMPT Nathalie, BOCquET Sylvie, BONNABEL Lola, CAMBOu C., FRIBOuLET Muriel, GESTREAu Raphaël, GIRy Karine, PARESyS C. & yVINEC Jean-Hervé (2006) - Bussy-Lettrée (Marne) "site 24-25", Europort de Vatry, ZAC 2, Document inal de synthèse, Inrap SRA Champagne-Ardenne, 2 vol. BAILLEuX Grégoire & RIquIER Vincent (2005) « Colonisation et occupation de la plaine crayeuse à l’époque protohistorique » dans CoLLECTIF (2005) Europort Vatry : les pistes de l’archéologie. Quand la plaine n’était pas déserte…, éditions Dominique Guéniot, p. 119127. 57 RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à partir des fouilles récentes. BONNABEL Lola, DESENNE Sophie, ROBERT Bruno (dir.) & BRETON Cécile, MARTIN Gérard, MOuLHERAT Christophe, RAPIN André, ROZAS Suzanne, PAICHELER Jean-Claude, SuNDER Frédérique (2004) - Witry-lès-Reims (51) "La Comelle" et Caurel (51) "Le Puisard" Les nécropoles gauloises, 3 vol. (texte, catalogue, inventaire) document inal de synthèse Afan, dépôt SRA de Champagne Ardenne, Châlons en Champagne BONNABEL Lola, PARESyS Cécile & KOEHLER Alain (2007) - « Diagnostic en milieu funéraire en ChampagneArdenne » dans Le diagnostic des ensembles funéraires, textes rassemblés par AuGEREAu Anne, Guy Hervé, Les cahiers de l’Inrap n°1 BOuRIN Auguste (1908) - « Extraits du journal d’un fouilleur. Les cimetières gaulois de Witry-lez-Reims », Bulletin de la Société Archéologique Champenoise, I, p. 27-31. BRISSON André, HATT Jean-Jacques & ROuALLET Pierre (1970) - « Le cimetière de Fère-Champenoise, faubourg de Connantre », Mémoire de la Société d’agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne, t. LXXXV, p. 7-26 BRISSON André, HATT Jean-Jacques & ROuALLET Pierre (1972) - « Le cimetière gaulois Le Tène Ia du MontGravet à Villeneuve-Renneville », Mémoire de la Société d’agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne, t. LXXXVII, p. 7-48 DEMOuLE Jean-Paul (1999) - Chronologie et société dans les nécropoles celtiques de la culture Aisne-Marne du VIe au IIIe siècle avant notre ère. Revue archéologique de Picardie, n° spécial 15, Amiens, 406 p. DuROST Raphaël, PARESyS Cécile & RIquIER Vincent (2007) - « Occupations domestique et funéraire de l’âge du Fer à Lavau (Aube) », Revue archéologique de l’Est, t. 56, p. 87-108. KOEHLER Alain (1997) - Caurel (Marne), "Le Puisard", Document inal de synthèse, Inrap SRA ChampagneArdenne. LALLEMAND David (1999) - Perthes (Haute-Marne), "La Pièce des essarts", Document inal de synthèse, Afan SRA Champagne-Ardenne. LALOO Pieter (2005) - Caurel (Marne), "Le Puisard", 2e phase, Rapport de diagnostic archéologique, Inrap SRA Champagne-Ardenne. LENDA Stéphane (en cours) - Caurel (Marne), "Le Puisard", Document inal de synthèse, Inrap SRA ChampagneArdenne. PARESyS Cécile (2007) - Dommartin-Lettrée (Marne), "Les Coupes", Document inal de synthèse, Inrap SRA Champagne-Ardenne. RIquIER Vincent, BONNABEL Lola, DuDA David, MAILLy Sylvie, PARESyS Cécile & SAuREL Marion (2007) - Bussy-Lettrée (Marne), "ZAC 1 Europort Vatry", site 1 à 3, "La Basse Cour", Document inal de synthèse, Inrap SRA Champagne-Ardenne. ROZOy Jean-Georges (1981) - « quelques structures de nécropoles celtiques à La Tène 1 dans la France du Nord, et leur signiication », dans l’âge du Fer en France septentrionale, Mémoires de la Société archéologique Champenoise n° 2, supplément au bulletin n° 1, 1981, p. 177, 229. ROZOy Jean-Georges (1987) - Les Celtes en Champagne, Les Ardennes au second Age du fer : Le Mont Troté, Les Rouliers, Mémoire de la Société Archéologique Champenoise, n° 4, 2 vol. TRuC Marie-Cécile (2002) - Caurel (Marne), "Le Puisard", 1e phase, Rapport de diagnostic archéologique, Inrap SRA Champagne-Ardenne. FAVRET Pierre.-Marcel (1927) - « Les nécropoles des Jogasses à Chouilly »,, Revue archéologique, Ve série, t. 25, 1927, p. 326-348, Ve série, t. 26, 1927, p. 80-146. Les auteurs Lola BONNABEL Inrap Grand Est Nord, Champagne-Ardenne. uMR 7041 Arc-Scan. Sylvie CuLOT Inrap Grand Est Nord, Champagne-Ardenne. Vincent DESBROSSE Inrap Grand Est Nord, Champagne-Ardenne. Marion SAuREL Inrap Grand Est Nord, Champagne-Ardenne. uMR 8546. 58 RAP - 2009, n° 3/4, Lola bonnabel et al., Implantation et organisation des espaces funéraires à La Tène ancienne et au début de La Tène moyenne en Champagne, à partir des fouilles récentes. résumé Depuis une dizaine d’années, l’essor de l’archéologie préventive a permis de constituer un nouveau corpus de sites funéraires de La Tène ancienne et moyenne en Champagne et de mieux saisir leur environnement grâce aux décapages extensifs et à la concentration des opérations sur certains secteurs. Dans les deux exemples présentés, les tombes sont localisées à une distance variable de l’habitat, mais plus en hauteur sur le versant. Si la nécropole reste le lieu d’où proviennent la plupart des défunts, ceux-ci peuvent également être inhumés isolés, en petits groupes, ou dans des structures d’habitats réutilisées, avec des variations d’ordre chronologique et géographique. Pour les nécropoles de l’espace Aisne-Marne, l’alignement des sépultures, les espaces préservés et les tombes monumentales contribuent à structurer le paysage funéraire aux différentes phases de son histoire et invitent à réléchir sur les modes de compromis entre association de certains défunts et organisation générale. Mots clés : Territoire. Organisation des nécropoles. Monuments funéraires. Aisne-Marne. La Tène. Champagne. abstract Over the last 10 years or so, the boom in preventive archaeology has provided us with a renewed corpus of Early and Middle La Tène burial sites in the Champagne district, together with a better understanding of their context, thanks to large-scale scraping and to the concentration of works in certain areas. As concerns the two cases under discussion here, the distances between the burials and the settlements vary, but the burials are higher on the slope. If most of the deceased are found in the necropolis itself, some have also been buried alone, or in small groups, or in reused dwellings, with certain chronological and geographical variations. As concerns the cemeteries of the Aisne-Marne area, the rows of burials, the empty spaces and the monumental tombs are the major features giving shape to the funerary landscape during the different periods of its history, and they lead us to envisage the various ways in which general social organization is relected in the groupings of certain of the deceased. Key words : territory, organization of cemeteries, funerary monuments, Aisne-Marne, La Tène, Champagne district. Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX Zusammenfassung Seit ungefähr zehn Jahren konnte aufgrund der zahlreichen Rettungsgrabungen ein neues Corpus der Grabstätten der Früh- und Mittellatènezeit in der Champagne zusammengestellt werden. Zudem konnten die Gräber dank der Flächengrabungen einerseits und der Konzentration der Operationen auf bestimmte Sektoren andererseits besser in ihre umgebung eingeordnet werden. In den beiden vorliegenden Beispielen wurden die Gräber in unterschiedlicher Entfernung zum Siedlungsbereich lokalisiert. Sie befanden sich aber etwas weiter oberhalb in Hanglage. Zwar wurde der überwiegende Teil der Toten in der Nekropole bestattet, doch man indet ebenso Einzelgräber, Gräber in kleinen Gruppen, oder in wiederverwendeten Siedlungsstrukturen, wobei sowohl chronologische als auch geographische Variationen festzustellen sind. Bei den Nekropolen des Raumes Aisne-Marne tragen die Reihungen der Grabstätten, unbelegte Bereiche sowie die monumentalen Gräber dazu bei, den Grabbereich in den unterschiedlichen Phasen seiner Geschichte zu strukturieren und laden ein, sich über die Kompromisse zwischen der Nähe bestimmter Verstorbener und der allgemeinen Organisation der Nekropolen Gedanken zu machen. Schlüsselwörter : Territorium, Organisation der Nekropolen, Grabmonumente, Aisne-Marne, Latène, Champagne. Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr). 59 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie oudry-braillon, Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais ? vErs UnE GéoGrapHIE DEs GEstEs FUnéraIrEs aU sEConD âGE DU FEr Dans LE norD-pas-DE-CaLaIs ? Sophie OuDRy-BRAILLON IntroDUCtIon Les avancées de l’archéologie préventive ces dernières années ont permis de renouveler considérablement la documentation disponible dans de nombreux domaines. Dans la région NordPas-de-Calais, ces découvertes récentes ne sont pas uniquement le fait des grands tracés, mais aussi des aménagements de vastes ZAC et les découvertes sont ainsi très inégalement réparties sur le territoire considéré. à l’instar de nombreux thèmes, les données sur le domaine funéraire sont en constante évolution comme, par exemple, les informations sur les structures liées à la crémation des corps. Les rélexions proposées ici ne sont donc qu’un bilan d’étape, la recherche étant à approfondir ; ceci implique des choix aussi bien dans la période étudiée que dans le cadre géographique retenu. LE CaDrE rEtEnU Pour des raisons essentiellement pratiques d’accès aux sources, les résultats ne prennent pas en compte les découvertes réalisées en Belgique. De même, pour éviter des redondances avec d’autres articles de cette table-ronde, aucune sépulture de Picardie n’a été prise en considération. Ce découpage ne correspond donc pas à la réalité des groupes culturels du Nord de la France – encore à déinir pour certains - mais à l’entité administrative constituée par la région Nord - Pas-de-Calais, au sein de laquelle de grands ensembles géographiques se distinguent : les collines d’Artois, la plaine lamande, la côte ouest, le Valenciennois et le Cambrésis. La délimitation chronologique est plus dificile à établir et plus sujette à débats. Pour la tranche haute de la période, le choix se fait par défaut : le très faible nombre de sites funéraires bien identiiés du premier âge du Fer rend assez aisée la distinction entre les deux phases de l’âge du Fer dans la région. En revanche, la différenciation entre la in du second âge du Fer et le début de la période romaine est nettement plus complexe. Même si les sites ont été étudiés récemment et ne nécessitent pas une nouvelle étude du matériel, la dificulté de datation du mobilier céramique - notamment dans le Nord de la région - empêche pour l’instant une attribution chronologique iable. C’est pourquoi certains sites funéraires, bien que très intéressants, n’ont pas été retenus. LEs EnsEMBLEs FUnéraIrEs : EFFECtIF Et CHoIX DU traItEMEnt Cinquante-six ensembles funéraires (ig. 1) ont été retenus ; ils correspondent à 251 sépultures dont 234 sépultures à incinération (tab. I). En comparaison, lors de la publication de la Carte Archéologique de la Gaule pour le Nord et le Pasde-Calais (delMaire et al. 1996 ; delMaire et al. 1994), 16 sépultures seulement étaient connues. Le nombre d’études anthropologiques est très faible et ne peut s’expliquer par la simple existence de sépultures sans ossements conservés. Il y a donc un réel déicit d’information sur les défunts euxmêmes qu’il conviendra de combler rapidement. Par ailleurs, dans un grand nombre de cas, des informations importantes comme les dimensions des fosses ne sont pas connues. Inci. LT ancienne 5 Inhum. Sép. étudiées 4 2 LT moyenne 43 3 4 LT moyenne-inale 136 6 52 LT inale 38 4 0 Second âge du Fer 12 0 0 TOTAL 234 17 58 tab. I - Traitement du corps et sépultures dont la fosse et les ossements ont été étudiés. Le nombre de sépultures par site (tab. II) fait également apparaître une nette prédominance de ceux avec une ou deux sépultures. Ces petits ensembles peuvent être la conséquence des opérations de diagnostic qui limitent la visibilité spatiale. Toutefois d’autres opérations nous renseignent et il s’agit bien, le plus souvent, de sépultures réellement isolées ou de petits groupes très diffus et par conséquent dificiles à cerner. Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais ? 61 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie oudry-braillon, Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais ? DUNKERQUE 0 CALAIS 10 20 km Plaine flamande sépultures à incinération r Yse Aa sépultures à inhumation & sépultures atypiques sites avec les deux types de traitement zones urbanisées BOULOGNESUR-MER SAINT-OMER Liane Lys LILLE Artois Ca nch e e ois n Ter Au rpe DOUAI Sca Valenciennois thi e VALENCIENNES Es ca ut ARRAS bre Sam CAMBRAI AVESNESSUR-HELPE Cambrésis So mm e Fig. 1 - Carte de répartition des sites funéraires du second âge du Fer. DUNKERQUE 0 CALAIS Plaine flamande 20 km sépultures à incinération r Yse sépultures à inhumation & sépultures atypiques sites avec les deux types de traitement zones urbanisées Aa BOULOGNESUR-MER 10 SAINT-OMER Liane Lys LILLE 3 Artois Ca nch e e ois n Ter Au DOUAI thi e pe r Sca ARRAS 2 5 4 VALENCIENNES 6 Es cau t 1 Valenciennois bre CAMBRAI So mm e Sam AVESNESSUR-HELPE Cambrésis Fig. 2 - Carte de répartition des sites de La Tène ancienne. 1 : Dainville "Les quatorze" (Pas-de-Calais) ; 2 : Duisans "La Sèche épée" (Pas-de-Calais) ; 3 : Houplin-Ancoisne "Rue Max-Dormoy" (Nord) ; 4 : Lambres-lèz-Douai "ZAC de l’Ermitage" (Nord) ; 5 : onnaing "Toyota - site 15" (Nord) ; 6 : Wancourt "La Maye" (Pas-de-Calais). 62 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie oudry-braillon, Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais ? 1 sép. 1 à 5 sép. 6 à 15 sép. > 15 sép. 17 sites 8 sites 4 sites 27 sites l’individu et le bracelet métallique se rapprochent plutôt des types observés à la in du premier âge du Fer en Normandie (Verney 1993). tab. II - Nombre de sépultures par site. Le nombre de sépultures par ensemble est en général peu important (de 1 à 5) sauf dans le cas de la "ZAC" d’Hordain (Gaillard & Gustiaux 2006) où 14 tombes ont été repérées. Il est possible qu’elles ne soient pas toutes à rattacher à la même période. La fouille de ce site devrait apporter des précisions dans ce domaine. Les ensembles funéraires de La Tène ancienne et du début de La Tène moyenne (ig. 2) sont peu nombreux (6 sites et 8 sépultures) ; il ne s’agit que de découvertes isolées ou faites dans le cadre de diagnostics sans suite. Ces opérations sont récentes, postérieures à 1994. On ne peut donner de grandes lignes de comparaisons car les informations concernant le mobilier manquent pour 5 des 9 sépultures. un ensemble funéraire particulièrement atypique a été découvert en 1913 à Mœuvres, lors du creusement du canal du Nord : plus de 200 corps sans crâne ont été mis au jour par les ouvriers. Ils étaient associés à des pièces d’armement, de harnachement et de parure (pour la bibliographie complète cf. delMaire et al. 1996). L’effectif augmente au cours de La Tène moyenne (ig. 3) : on dénombre 46 sépultures dont 43 incinérations. Les trois inhumations sont dissemblables : une sépulture « classique » (individu inhumé sur le dos, les membres en extension) à Gavrelle "Le Chemin de Bailleul" (debiak et al. 1998, JaCques & rossiGnol 2001 n° 18), une sépulture en silo à Hordain "ZAC" (Gaillard & Gustiaux 2006) et enin la tombe de Fampoux "Entre les Deux Chemins" découverte en 1980 (JaCques & leManDeleriVe 1979-80 ; JaCques & rossiGnol 2001 n° 20) dont la datation est problématique. La position de Pour la in de La Tène moyenne et le début de La Tène inale (ig. 4), on dénombre 38 sépultures dont 6 inhumations, réparties en 10 ensembles funéraires, ce qui traduit une nette augmentation de l’effectif persiste. Les « grands » ensembles datent tous de cette période : - 48 sépultures à La Calotterie "La Fontaine aux Linottes" (blanCquaert & desfossés 1998) ; DUNKERQUE 0 CALAIS 10 20 km Plaine flamande sépultures à incinération r Yse Aa sépultures à inhumation & sépultures atypiques sites avec les deux types de traitement zones urbanisées BOULOGNESUR-MER SAINT-OMER Liane Lys 12 15 LILLE Artois Ca nch e 8 e ois n Ter Au DOUAI Valenciennois 13 thi 10 ARRAS 4 3 1 16 2 6 Scarpe 5 VALENCIENNES 7 Es cau 9 t e 11 So mm e 14 17 bre CAMBRAI Sam AVESNESSUR-HELPE Cambrésis Fig. 3 - Carte de répartition des sites de La Tène moyenne. 1 : Achicourt "Les Vingt" (Pas-de-Calais) ; 2 : Arras "La Flaque" (Pas-de-Calais) ; 3 : Dainville - Achicourt "Le Picotin - Gérico" (Pas-de-Calais) ; 4 : Dainville "Le Champ Cailloux" (Pas-deCalais) ; 5 : Fampoux "Entre les Deux Chemins" (Pas-de-Calais) ; 6 : Gavrelle "Au Chemin de Bailleul" (Pas-de-Calais) ; 7 : Hordain "ZAC" (Nord) ; 8 : Lens "Mont d’Avion" (Pas-de-Calais) ; 9 : Maizières "Le Chemin de Saint-Pol" (Pas-de-Calais) ; 10 : Maroeuil "Le Fief" (Pas-de-Calais) ; 11 : Moeuvres (Nord) ; 12 : Nesles "Le Fond Vassal" (Pas-de-Calais) ; 13 : Onnaing "Toyota - site 16" (Nord) ; 14 : Orville (Pas-de-Calais) ; 15 : Saint-André "Pont Royal" (Nord) ; 16 : Saint-Laurent-Blangy "Les Chemins Croisés" (Pas-de-Calais) ; 17 : Vaulx-Vraucourt "Chemin de Morchies" (Pas-de-Calais). 63 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie oudry-braillon, Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais ? DUNKERQUE 0 CALAIS Plaine flamande Aa sépultures à inhumation & sépultures atypiques sites avec les deux types de traitement zones urbanisées 2 SAINT-OMER 20 km sépultures à incinération r Yse BOULOGNESUR-MER 10 Liane 10 Lys LILLE Artois 3Can che e ois n Ter Au DOUAI Valenciennois thi e ARRAS 9 1 7 8 rpe VALENCIENNES Sca 6 Es ca ut 5 4 bre CAMBRAI So mm e Sam AVESNESSUR-HELPE Cambrésis Fig. 4 - Carte de répartition des sites de la in de La Tène moyenne et du début de La Tène inale. 1 : Arras "Les Bonnettes" (Pas-de-Calais) ; 2 : Bavinchove "Castel Veld" (Nord) ; 3 : La Calotterie "La Fontaine aux Linottes" (Pas-de-Calais) ; 4 : Duisans "Le Bois d’Hattecourt" (Pas-de-Calais) ; 5 : Duisans "La Cité" (Pas-de-Calais) ; 6 : Hordain "La Fosse à Loups" (Nord) ; 7 : Saint-Laurent-Blangy "Actiparc - site R" (Pas-de-Calais) ; 8 : Saint-Laurent-Blangy "Actiparc - site V" (Pas-deCalais) ; 9 : Saint-Laurent-Blangy "Les Fontaines" (Pas-de-Calais) ; 10 : Wattrelos "PA du Beck" (Nord). 64 - 18 sépultures à Saint-Laurent-Blangy "Actiparc - Site R" (JaCques & prilaux 2004) ; - 20 sépultures à Hordain "La Fosse à Loups" (MarCy 2004, seVerin 2006) ; - 22 sépultures à Duisans "La Cité" (JaCques & rossiGnol 2001 n° 5). L’IMpLantatIon DEs EnsEMBLEs FUnéraIrEs Et DEs sépULtUrEs à La Tène inale (ig. 5), le nombre de sépultures par nécropole se rapproche des chiffres connus pour la première partie du second âge du Fer : 16 ensembles funéraires regroupent 42 tombes parmi lesquelles on dénombre 38 incinérations. Les individus qui n’ont pas été incinérés ne sont pas pour autant inhumés de façon habituelle : deux d’entre eux ont été jetés dans des puits à Fresnes-lesMontauban "Le Chemin des Vaches" (blanCquaert & desfossés 1992, JaCques & rossiGnol 2001 n° 19). Les deux autres sont en fait des portions de crâne découvertes dans des fossés d’habitat. L’un provient de Saint-Laurent-Blangy "ZAC Actiparc AC" (JaCques & prilaux 2004), l’autre de Hamblainles-Prés (JaCques & rossiGnol 2001 n° 21). D’autres structures atypiques sont, elles, liées à la crémation : ce sont quelques fragments osseux incinérés et des charbons découverts dans les fossés d’enclos quadrangulaires à Hondeghem "La Bréarde" (Cabuy et al. 1990). On ne connaît pas la fonction exacte de ces enclos et la seule présence d’ossements brûlés dans le remplissage ne sufit pas à en faire des sépultures. Les sites apparaissent peu concentrés à l’exception de l’Arrageois, avec une extension le long de la vallée de la Scarpe en direction de Douai. Dans le Cambrésis, la densité semble être également un peu plus importante. Dans certains secteurs, l’absence de site funéraire est un relet de l’état de la recherche : le secteur compris entre les autoroutes A16 et A26 (soit entre les deux axes Boulogne-Abbeville et Calais-Arras) fait l’objet de très peu d’opérations d’archéologie, qu’elles soient préventives ou programmées. L’absence de site dans l’Avesnois semble résulter du même phénomène. En revanche, l’agglomération lilloise et la bande le long de l’autoroute A1 entre Lille et Arras sont très fréquemment diagnostiquées et fouillées. Elles livrent de nombreuses occupations d’autres périodes ou bien des habitats du second âge du Fer, mais très peu de sites funéraires. Compte tenu du nombre d’hectares diagnostiqués, on doit considérer qu’il y a une réelle absence de sépultures du second âge du Fer dans ce secteur. uNE LOCALISATION GéOGRAPHIquE SPéCIFIquE RAP - 2009, n° 3/4, Sophie oudry-braillon, Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais ? DUNKERQUE 0 CALAIS sépultures à incinération r Yse sépultures à inhumation & sépultures atypiques sites avec les deux types de traitement zones urbanisées Aa Liane 20 km 14 Plaine flamande BOULOGNESUR-MER 10 13 SAINT-OMER 8 Lys 9 LILLE Artois nch e 16 e nois Ter Au 10 rpe DOUAI Sca Valenciennois 5 thi e 1 2 3 6 VALENCIENNES 7 Es ca ARRAS 12 ut Ca 15 4 11 CAMBRAI So mm e bre Sam AVESNESSUR-HELPE Cambrésis Fig. 5 - Carte de répartition des sites de La Tène inale. 1 : Achicourt "Le Fort" (Pas-de-Calais) ; 2 : Arras "Point D" (Pas-deCalais) ; 3 : Bailleul-Sir-Berthoult "Actiparc - site X" (Pas-de-Calais) ; 4 : Cambrai "Avenue du Cateau" (Nord) ; 5 : Dechy "Zone du Luc secteur C" (Nord) ; 6 : Fresnes-lès-Montauban "Le Chemin des Vaches" (Pas-de-Calais) ; 7 : Hamblain-les-Prés (Pas-de-Calais) ; 8 : Hondeghem "La Bréarde" (Nord) ; 9 : Neufchâtel-Hardelot "RD 308" (Pas-de-Calais) ; 10 : NoyellesGodault "Rue de Beaumont" (Pas-de-Calais) ; 11 : Raillencourt-Sainte-Olle "Le Grand Camp - Actipôle de l’A2" (Nord) ; 12 : Saint-Laurent-Blangy "Actiparc - site AC" (Pas-de-Calais) ; 13 : Salperwick "Les Nouvelles Marnières" (Pas-de-Calais) ; 14 : Steene "Castel Veld" (Nord) ; 15 : Tilloy-lès-Cambrai "Site Fleury Michon" (Nord) ; 16 : Vendin-le-Vieil "ZA du Bois Rigault" (Pas-de-Calais). Le bassin minier qui est fortement urbanisé depuis plusieurs décennies ne livre que très peu de sites funéraires. Ils ont pu être détruits anciennement ce qui introduit un biais dans la documentation. Certains ensembles funéraires apparaissent isolés : c’est le cas notamment de La Calotterie "La Fontaine aux Linottes", dont l’effectif global est très surprenant pour la région. Deux autres sites, proches, ont néanmoins été repérés (NeufchâtelHardelot : andré & duMont 1998 et Nesles : Caron & desChodt 1995). Lorsque l’on fait une distinction dans la manière dont les morts ont été traités (en simpliiant incinération, inhumation et sépultures atypiques), on observe une différence dans la localisation géographique. Les sépultures à inhumation « classiques » (individu inhumé complet sur le côté ou sur le dos, dans une fosse qui paraît avoir été creusée à son intention), sont concentrées autour d’Arras pendant toute la durée du second âge du Fer. De même, les sépultures atypiques (corps incomplets dans les fossés, sépultures en silos, ensemble de type sanctuaire) sont également concentrées dans la frange centrale de la région. Lorsque la localisation des ensembles funéraires est sufisamment précise, il apparaît que l’implantation est de préférence en position dominante (rebord de plateau, zone en léger surplomb) comme à La Calotterie "La Fontaine aux Linottes" (blanCquaert & desfossés 1998), à Achicourt "Les Vingt" (lorin 2004) ou à Salperwick "Les Nouvelles Marnières"(Gaudefroy & MiChel 1996). Les sites sont aussi localisés sur le versant de la vallée, comme à Vendin-le-Vieil "ZA du Bois Rigault" (feray 2005) ou Duisans "La Sèche épée" (JaCques & rossiGnol 2001 n° 7). Si cette position dominante ou en léger surplomb est fréquente pour les sépultures, il arrive qu’elles soient creusées sur la partie basse d’un versant, comme cela a été observé à Coquelles "Les Terrasses de Coquelles" (desCheyer 2006). Pour certaines sépultures de l’Artois, publiées en 1998 (debiak et al.), les auteurs avaient avancé l’hypothèse d’une localisation préférentielle des espaces funéraires à proximité des limites de communes actuelles. Cette hypothèse ne peut être conirmée ou inirmée en raison du manque de précisions sur la localisation de certains sites. 65 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie oudry-braillon, Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais ? En ce qui concerne le choix de la nature du terrain, il ne semble pas qu’il y ait de préférences (craie, argile, limon, etc.). Cependant, lorsque les observations ont pu être réalisées sur de grandes surfaces comme sur le site d’Actiparc (JaCques & prilaux 2004) à Saint-Laurent-Blangy, l’habitat et les sépultures sont visiblement installés sur des terrains peu fertiles, contrairement aux secteurs choisis pour l’agriculture, localisés sur des terrains plus riches. Cela indiquerait une rélexion en amont au sujet de l’implantation des tombes, ain d’éviter les zones fertiles. LA PéRENNITé DES OCCuPATIONS FuNéRAIRES Enin un dernier élément est primordial dans le choix du site pour l’implantation des espaces funéraires durant tout le second âge du Fer, c’est l’installation à proximité d’occupations funéraires antérieures. Le lien entre des structures funéraires de l’âge du Bronze et des sépultures laténiennes a été mis en évidence à plusieurs reprises, notamment à Dainville-Achicourt "Le Picotin - Gérico" (prilaux & JaCques 2005) et sur le site V d’Actiparc (JaCques & prilaux 2004). à Achicourt "Les Vingt" (lorin 2004), l’incinération de La Tène moyenne est également localisée à proximité d’un ensemble funéraire du Bronze inal. Dans certains cas, des sépultures viennent s’installer par petits groupes pendant tout le second âge du Fer : à Dainville "Le Champ Cailloux" (JaCques & rossiGnol 2001 n° 8), on dénombre sur une surface de 7 000 m² : 1 tombe à incinération de La Tène ancienne, 4 incinérations de La Tène moyenne et 5 incinérations de la in de La Tène moyenne et du début de La Tène inale. à Cambrai "Avenue du Cateau" (Gaillard & Gustiaux 2005 ; asseMat et al. 2007), on note une installation sans rupture de La Tène inale au Haut-Empire. Ce phénomène a également été observé à Wattrelos "Le Beck" (querel 2003). Sur le site V d’Actiparc (cf. supra), l’occupation se poursuit durant toute la période gallo-romaine jusqu’au Bas-Empire. C’est donc une pérennité très marquée des occupations funéraires qui transparaît dans tous ces exemples : le plus frappant étant à nouveau l’exemple de La Calotterie "La Fontaine aux Linottes" (blanCquaert & desfossés 1998), avec la superposition d’enclos de l’âge du Bronze, de l’enclos laténien avec ses sépultures à incinération et enin d’une très importante nécropole mérovingienne. uN LIEN FORT AVEC L’HABITAT ET L’IMPORTANCE DES éLéMENTS STRuCTuRANTS Du PAySAGE Au sein des sites eux-mêmes, deux points sont fréquemment observés. Le premier est le lien très fort avec l’habitat. à Arras "Les Bonnettes" (JaCques & rossiGnol 2001 n° 4) ou à Duisans "Le Bois d’Hattecourt" (JaCques & rossiGnol 2001 n° 6), les sépultures sont localisées parmi les structures 66 d’habitat. Il arrive qu’elles soient organisées en petits groupes disséminés sur le domaine agricole, comme cela a été observé sur l’ensemble des opérations d’Actiparc (JaCques & prilaux 2004), ou imbriquées au parcellaire, comme à DainvilleAchicourt "Le Picotin - Gérico" (prilaux & JaCques 2005). Le lien avec les fossés est marqué. Les sépultures sont parfois implantées dans les fossés eux-mêmes, comme à Bavinchove "Castel Veld" (pion & GuiChard 1993, p. 193) ou à Arras "Les Bonnettes" (JaCques & rossiGnol 2001 n° 4). Les enclos ne sont toutefois pas nécessairement liés au domaine funéraire : nous avons vu l’importance du lien avec l’habitat et dans de nombreux cas, ce sont bien les fossés d’habitat qui attirent ou sont attirés par l’espace funéraire. Dans d’autres cas, les enclos ont une fonction qui semble uniquement dédiée à la structuration de la zone funéraire elle-même ou de la tombe : il s’agit le plus souvent d’enclos quadrangulaires de plus petites dimensions comme à Hordain "La Fosse à Loups" (MarCy 2004 ; séVerin 2006) ou à Raillencourt-Sainte-Olle "Le Grand Camp" (bouChe et al. 2005). Hormis ces cas d’organisation très visible de l’espace funéraire - un enclos quadrangulaire lié à une sépulture principale ou première autour de laquelle viennent s’agglomérer des sépultures secondaires (La Calotterie "La Fontaine aux Linottes" (blanCquaert & desfossés 1998)) - l’agencement des tombes entre elles est souvent peu apparent. Dans les cas nombreux de sites de moins de 5 sépultures, il est évident que l’agencement des tombes risque d’être peu apparent. Lorsqu’il est discernable, il s’agit de petits groupes de tombes comme sur le site R d’Actiparc à Saint-Laurent-Blangy (JaCques & prilaux 2004) où les tombes, localisées à l’extrémité d’un enclos et à proximité de l’habitat, sont dispersées en deux groupes principaux de 7 et 9 tombes et en deux tombes isolées. Les raisons qui déterminent l’appartenance d’une sépulture à tel ou tel groupe sont encore à éclaircir ; il arrive malheureusement souvent que les informations manquent pour mettre en place une rélexion à ce sujet. On sait très peu de choses sur la forme et les dimensions de la fosse, les informations de base sur le recrutement des individus, la datation des tombes, etc. Tous ces éléments, s’ils étaient disponibles, permettraient certainement d’avancer des hypothèses concernant la constitution de ces groupes et dans des exemples comme le site R d’Actiparc de tenter de comprendre les raisons de l’isolement de deux des sépultures. LE traItEMEnt DU DéFUnt : DU CaDavrE à La toMBE LA NETTE PRéDOMINANCE DES INCINéRATIONS - uN STATuT DIFFéRENT DES INHuMATIONS ? Nous avons vu l’écrasante prédominance des sépultures à incinération, ce qui en fait une région à RAP - 2009, n° 3/4, Sophie oudry-braillon, Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais ? part - avec le nord-ouest de la Picardie (pinard et al., ce volume) - dans la zone située au nord du Bassin parisien au second âge du Fer. Les secteurs comme l’est et le sud de la Picardie et la Champagne-Ardenne présentent en revanche un ratio incinérations/ inhumations quasiment inversé par rapport au Nord-Pas-de-Calais. (desenne et al. pour la Picardie dans ce volume et bonnabel et al. pour la Champagne dans ce volume). Parmi les sépultures dites « à inhumation », il faut bien distinguer les sépultures « classiques » des ossements isolés et notamment des crânes incomplets découverts dans les fossés, qui n’ont certainement pas la même signiication qu’un individu inhumé allongé dans une fosse avec ou sans mobilier. Lorsque cette distinction est faite, on obtient en réalité 13 inhumations pour tout le second âge du Fer, ce qui représente à peine plus de 5 % du corpus. Se pose alors la question du choix de l’inhumation pour certains individus. à "Actiparc site V", c’est un enfant qui a été inhumé, comme cela a déjà été observé dans la vallée de la Somme (Boves "La Forêt de Boves", fouille Nathalie buChez 2008, DFS en cours). Six des 13 inhumations sont en réalité des inhumations en puits ou en silo : Fresnes-lèsMontauban "Le Chemin des Vaches" (blanCquaert & desfossés 1992 ; JaCques & rossiGnol 2001 n° 19) ; Hordain "La Fosse à Loups" (MarCy 2004 ; séVerin 2006 ; Duisans "La Sèche épée" (JaCques & rossiGnol 2001 n° 7) Hordain "ZAC" (Gaillard & Gustiaux 2006) qui n’ont pas non plus la même signiication qu’une inhumation allongée en fosse. Ce phénomène est observé pendant toute la durée du second âge du Fer, il ne s’agit donc pas d’une question de datation. Dans les autres cas, à Gavrelle "Le Chemin de Bailleul" (JaCques & rossiGnol 2001 n° 18), Fampoux "Entre les Deux Chemins" (JaCques & rossiGnol 2001 n° 20), Arras "Les Bonnettes" (JaCques & rossiGnol 2001 n° 4) et Duisans "Le Bois d’Hattecourt" (JaCques & rossiGnol 2001 n° 6), on ne sait pas ce qui a poussé la communauté à ne pas brûler ces individus. Le mobilier associé au défunt, lorsqu’il existe, n’est apparemment pas différent de celui déposé dans les sépultures à incinération. De plus, ces sépultures ne sont pas complètement isolées des autres : dans le cas des deux sites d’Hordain, les individus inhumés sont intégrés au même espace funéraire que les individus incinérés. En marge des inhumations, il faut rappeler le cas des traitements atypiques du corps humain, avec la présence à quatre reprises de fragments de calotte crânienne dans des fossés : Arras "Les Bonnettes" (JaCques & rossiGnol 2001 n° 4) ; Hamblain-les-Prés (JaCques & rossiGnol 2001 n° 21) ; Saint-LaurentBlangy "Actiparc AC" (JaCques & prilaux 2004) et Houplin-Ancoisne "Rue Max-Dormoy" (bourGeois et al. 2001). à nouveau, le phénomène est observé durant tout le second âge du Fer. TRAITS COMMuNS Au TRAITEMENT Du MORT BRÛLé La mise en évidence de points communs dans le traitement du mort brûlé est rendue extrêmement délicate par le faible nombre de sépultures à incinération qui ont fait l’objet d’une étude, même succincte. Les informations minimales que l’on peut acquérir rapidement telles que forme, structure globale et dimensions de l’amas osseux, poids total des ossements, présence ou absence des restes du bûcher, font cruellement défaut dans les publications et même dans les rapports d’opération. Les observations qui suivent sont donc réalisées sur la base des données disponibles à l’heure actuelle, qui ne représentent que 50 des 234 sépultures à incinération. Il est très surprenant de constater qu’à l’heure actuelle nous n’avons pas de mention de structure de crémation (bûcher) datée du second âge du Fer, ce qui est bien évidemment problématique et ne peut s’expliquer par une méconnaissance des structures ; pour la période gallo-romaine, de nombreuses structures de crémation ont été mises au jour durant les dernières années. une hypothèse qui pourrait expliquer cette non reconnaissance serait la localisation très éloignée des sites de crémation des corps par rapport aux lieux de sépultures déinitifs. Cependant l’étude de très grandes surfaces, comme la ZAC d’Actiparc au nord-est d’Arras ou l’opération d’Onnaing près de Valenciennes, n’a pas permis la découverte de telles structures. Il est dificile de croire qu’il y ait là un simple problème d’attribution chronologique et que le rattachement de tous les bûchers découverts à la période gallo-romaine soit abusif. Lorsque les observations existent, on note un tri des restes du bûcher et donc l’absence de résidus de combustion tels que charbons et nodules de terre rubéiée dans les amas osseux. Après la crémation et le tri des ossements, ces derniers sont quasiment exclusivement déposés dans la tombe à l’aide d’un contenant en matériau périssable et non dans une urne. Ceci a été noté durant toute la période. Cependant, dans de trop nombreux cas à nouveau, on ne sait pas, d’après les rapports ou les publications, si les ossements étaient regroupés en amas - et donc s’il y avait contenant - ou bien s’ils étaient dispersés sur le fond de la tombe ou dans le comblement de celle-ci. LES FOSSES ET LE MOBILIER : uNE éVOLuTION ? Même si une grande diversité de formes et de dimensions de fosses a été notée, on peut tout de même mettre en avant quelques aspects récurrents. Au cours de La Tène moyenne, le type le plus fréquemment rencontré est une fosse quadrangulaire avec une céramique et parfois un dépôt de faune : c’est par exemple le cas de la 67 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie oudry-braillon, Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais ? sépulture 10.05b de Dainville "Le Champ Cailloux" (JaCques & rossiGnol 2001 n° 8). Les dimensions des fosses n’ont pas de lien direct avec la quantité ou le type de mobilier durant cette phase : les tombes avec du mobilier métallique ne sont pas nécessairement les plus grandes, ni les plus riches en céramique. La sépulture n° 110 de Dainville-Achicourt "Le Picotin - Gérico" (prilaux & JaCques 2005) est la plus grande du site, mais n’a livré que deux céramiques et un dépôt de faune. à la in de La Tène moyenne et au début de La Tène inale, les sépultures sont majoritairement ovales avec une céramique parfois associée à une ibule. Le matériau de la ibule n’étant pas systématiquement précisé, il est impossible de mettre en évidence un lien éventuel entre un type de matériau et une quantité de céramique. On observe l’apparition et le développement de la vaisselle métallique, comme les seaux, des pièces de harnachement, des équipements de toilette et de l’armement qui avaient été aperçus auparavant pour certains, mais de façon très discrète. L’exemple le plus représentatif pour cette période est la tombe n° 604 de La Calotterie "La Fontaine aux Linottes" (blanCquaert & desfossés 1998, ig. 5). Pour cette phase, seules 7 tombes n’ont pas livré de mobilier et ce ne sont pas les sépultures les plus petites. Les tombes les plus grandes (plus de 1m x 1m) sont quasi systématiquement rectangulaires. La faune est encore peu présente parmi les dépôts associés au défunt : seules 11 sépultures en ont livré et nous n’avons pas de détail sur l’animal concerné. Enin, quelques éléments nouveaux apparaissent, comme la perle en pâte de verre bleue et jaune de la sépulture R3 de la ZAC d’Actiparc à Saint-LaurentBlangy (JaCques & prilaux 2004). à La Tène inale, les différences entre les tombes s’accentuent : on observe aussi bien des sépultures de dimensions très petites - 40 x 40 cm à Vendinle-Vieil "ZA du Bois Rigault" (feray 2005) - que des tombes de dimensions considérables comme la tombe n° 31 de Raillencourt-Sainte-Olle de 4 m sur 3,20 m (bouChe et al. 2005). Il est rare qu’il y ait moins de deux céramiques déposées et les tombes de petites dimensions peuvent livrer un mobilier conséquent : à Saint-Laurent-Blangy "Les Fontaines", (JaCques & rossiGnol 2001 n° 15), une fosse quadrangulaire de 60 cm de côté a livré 3 céramiques, une ibule en fer et un dépôt de faune. Durant La Tène inale, dans le Cambrésis apparaissent des sépultures aménagées de dimensions plus importantes. Elles livrent un mobilier très riche, comme on peut l’observer sur les deux sites principaux de cette période : Cambrai "Avenue du Cateau" (Gaillard & Gustiaux 2005) et Raillencourt-Sainte-Olle "Le Grand Camp" (bouChe et al. 2005). En effet, la tombe la moins dotée de La Tène inale à Cambrai a livré pas moins de 9 éléments de mobilier. à Raillencourt-Sainte-Olle, la sépulture la moins dotée a livré 5 céramiques 68 et la plus riche recelait, entre autres, des dépôts peu connus dans la région, notamment une perle d’ambre et une paillette d’or. Les sépultures de ces deux sites montrent des aménagements qui étaient certainement visibles au-dessus du sol : enclos quadrangulaires individuels à Cambrai ou trous de poteaux encadrant les tombes à Raillencourt-SainteOlle. Nous n’avons pas assez d’informations pour tirer des généralités de l’orientation des tombes. On observe donc une évolution des fosses sépulcrales et du mobilier au cours du second âge du Fer. Le faible nombre de tombes de La Tène ancienne et le manque d’informations les concernant font qu’elles sont exclues des rélexions sur l’évolution des fosses et du mobilier. Les formes des fosses sont diverses mais tendent à devenir systématiquement quadrangulaires à la in de la période. Les dimensions sont très variables avec une moyenne autour de 80 x 60 cm. Les aménagements (trous de poteaux et/ou enclos individuel) apparaissent plus fréquemment à la in de la période. Le type de mobilier évolue : dans la première moitié de la période, le dépôt est constitué de céramiques et de rares éléments de parure - le plus souvent une seule ibule ; à la in de la période, se développe la panoplie complète des tombes laténiennes : céramique, faune, dépôts de matériaux organiques et mobilier métallique spéciique. Le type de mobilier se diversiie et le nombre d’éléments constituant le dépôt augmente. On note globalement quelle que soit la période le faible nombre de ibules, de pièces d’armement et de tombes à éléments de char. Enin les tombes ayant livré du mobilier de type banquet (seau, chaudron, etc.) sont exclusivement datées de La Tène inale et localisées dans le Cambrésis. Cela pourrait s’expliquer par la proximité de la Picardie où ce type de tombe est plus fréquent. ConCLUsIon Au terme de cette rélexion, même si certains aspects ont pu être mis en évidence, comme l’apparition des « grands » ensembles funéraires à la in de La Tène moyenne et au début de La Tène inale, ainsi qu’une évolution dans le mobilier, de nombreuses zones d’ombre et interrogations subsistent : pourquoi un tel déicit de tombes du premier âge du Fer et du début du second ? En effet, nous avons vu que sur de nombreux sites, l’occupation funéraire est présente de l’âge du Bronze jusqu’à la toute in de la période romaine, à l’exception de la première partie de l’âge du Fer. S’agit-il d’une mauvaise identiication des sépultures ? Les individus de cette période ont-ils choisi d’installer leurs morts ailleurs (des sites d’habitat, même peu nombreux existent pourtant)? Un grand travail reste également à faire sur le recrutement des ensembles funéraires ain d’afiner les raisons de la distinction entre incinération et inhumation et de tenter de cerner l’organisation de ces ensembles funéraires. Il faudra également éclaircir les écarts de statut qui sont apparus entre les sites. Cela permettra RAP - 2009, n° 3/4, Sophie oudry-braillon, Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais ? peut-être d’esquisser une déinition de groupes culturels locaux ; en effet on observe des différences entre les sites du Cambrésis, les sites de l’Arrageois et de la vallée de la Scarpe et des sites comme La Calotterie, qui se rapprocheraient plutôt plutôt de ceux observés sur la partie littorale de la Somme et en Haute-Normandie. DEBIAK Rudy, GAILLARD Denis, JACquES Alain, ROSSIGNOL Patrick, LEPETZ Sébastien & BuRA Pascal (1998) - « Le devenir des restes humains après la mort, en Artois, aux IVe et IIIe siècles avant J-C » dans BRUNAUX Jean-Louis (éd.) - Les rites de la mort chez les Celtes du Nord. Actes de la table-ronde de Ribemont-sur-Ancre (Somme), les 4 et 5 décembre 1997, Revue Archéologique de Picardie, n° 1/2, p. 25-57. Enin sur la in de la période, des phénomènes nouveaux apparaissent, à nouveau nettement visibles dans le Cambrésis : une hiérarchisation plus importante, qui témoigne d’un accroissement des richesses et probablement de la mise en place de nouveaux circuits commerciaux. Ces évolutions sont peut-être liées à un autre aspect qu’il s’agira de mettre en évidence : la romanisation des pratiques funéraires. DELMAIRE Roland, JACquES Alain, LEMANDELERIVE Germaine & SEILLIER Claude (1994) - Carte Archéologique de la Gaule, le Pas-de-Calais. Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 2 vol, 607 p. DELMAIRE Roland, LEMAN-DELERIVE Germaine, SEILLIER Claude & THOLLARD Patrick (1996) - Carte Archéologique de la Gaule, le Nord. Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 497 p. BIBLIoGrapHIE DESCHEyER Nathalie (2006) - Coquelles "Les Terrasses de Coquelles" (Pas-de-Calais), DFS de diagnostic, SRA du Nord-Pas-de-Calais, Villeneuve-d’Ascq. ANDRé Mireille & DuMONT Christine (1998) - NeufchâtelHardelot "RD 940-RD 308" (Pas-de-Calais). DFS de fouille. SRA du Nord-Pas-de-Calais, Villeneuve-d’Ascq. FERAy Philippe (2005) - Vendin-le-Vieil "ZA du BoisRigault" (Pas-de-Calais), DFS de diagnostic, SRA du NordPas-de-Calais, Villeneuve-d’Ascq. ASSEMAT Hélène, GINOuX Nathalie, LEMANDELERIVE Germaine & LORIDANT Frédéric (2007) « Le cimetière du "Nouveau Monde" à Cambrai. étude préliminaire », Bulletin de l’Association Française pour l’étude de l’âge du Fer, n° 25, p. 71-73. GAILLARD Denis & GuSTIAuX Michèle (2005) - Cambrai "Avenue du Cateau" (Nord), DFS de diagnostic, SRA du Nord-Pas-de-Calais, Villeneuve-d’Ascq. BLANCquAERT Gertruui & DESFOSSéS yves (1992) « L’âge du Fer dans le Nord-Pas-de-Calais : l’apport des fouilles du TGV-Nord. L’exemple des sites de Zuytpeene, Fresnes-lès-Montauban, Broxeele, oxelaëre et Flêtre », Bulletin de la Commission départementale d’Histoire et d’Archéologie du Pas-de-Calais, t. XIII, n° 2, p. 221-275. BLANCquAERT Gertruui & DESFOSSéS yves (1998) « La nécropole gauloise à incinération de La Calotterie «La Fontaine aux Linottes» (Pas-de-Calais) » dans BRUNAUX Jean-Louis (éd.) - Les rites de la mort chez les Celtes du Nord. Actes de la table-ronde de Ribemont-sur-Ancre (Somme), les 4 et 5 décembre 1997, Revue Archéologique de Picardie n° 1/2, p. 135-162. BOuCHE Karl, BLANCquAERT Geertrui & GINOuX Nathalie (2005) - « Raillencourt-Sainte-Olle : un ensemble aristocratique de la in de l’âge du Fer » dans KRUTA Venceslas & LEMAN-DELERIVE Germaine (dir) - Feux des morts, foyers des vivants : les rites et les symboles du feu dans les tombes de l’âge du Fer et de l’époque romaine. Actes du XXVIIe colloque international de Halma-Ipel, université Charles-de-Gaulle, Lille III, Revue du Nord, hors-série, collection Art & Archéologie n° 11, Villeneuve-d’Ascq, p. 13-34. GAILLARD Denis & GuSTIAuX Michèle (2006) - Hordain "ZAC" (Nord), DFS de diagnostic, SRA du Nord-Pas-deCalais, Villeneuve-d’Ascq. GAuDEFROy Stéphane & MICHEL Karine (1997) Salperwick "Les Nouvelles Marnières" (Pas-de-Calais), DFS de fouille, SRA du Nord-Pas-de-Calais, Villeneuve-d’Ascq. JACquES Alain, LEMAN-DELERIVE Germaine (19791980) - « L’occupation du sol dans la Haute vallée de la Scarpe à l’âge du Fer ». Bulletin de la Commission des Monuments Historiques du Pas-de-Calais, t. X, n° 4, p. 285294. JACquES Alain & PRILAuX Gilles (2004) - "ZAC Actiparc" (Pas-de-Calais), DFS de diagnostic pour les sondages et les évaluations, SRA du Nord-Pas-de-Calais, Villeneuve-d’Ascq. JACquES Alain & ROSSIGNOL Patrick (1996) - « La céramique laténienne en Artois : premiers résultats des fouilles des années 1990-1995 » dans BRUNAUX JeanLouis (éd.) - La chronologie du Second âge du Fer dans le Belgium. Actes de la table-ronde tenue à Ribemontsur-Ancre (Somme) les 21 et 22 octobre 1994. Revue Archéologique de Picardie n° 3/4, p. 23-39. BOuRGEOIS Ignace, LEMAN-DELERIVE Germaine & RéVILLION Stéphane (2001) - Houplin-Ancoisne "Rue Max-Dormoy", Notice du Bilan Scientiique Régional. SRA du Nord-Pas-de-Calais, Villeneuve-d’Ascq, p. 49. CABuyyves, LEMAN-DELERIVE Germaine, LOuRDAuX Sylvie, MEES Nathalie, NILESSE Olivier & ROuTIER JeanClaude (1990) - « Fouilles et découvertes récentes de l’âge du Fer dans le département du Nord », Revue du Nord Archéologie, t. LXXII, n° 286, p. 7-28. JACquES Alain & ROSSIGNOL Patrick (2001) - « Pratiques et rituels après la mort en Artois à l’époque laténienne. Comparaisons avec le début de l’époque gallo-romaine » dans GEOFFROy Jean-François & BARBé Hervé - Les nécropoles à incinérations en Gaule Belgique : synthèses régionales et méthodologie. Actes du XIXe colloque international du Centre de Recherches Archéologiques de l’univertisté Charles-de-Gaulle, Lille III (13-14 décembre 1996), Revue du Nord, hors-série, Collection Art & Archéologie n° 8, Villeneuve-d’Ascq, p. 29-61. CARON Laurent & DESCHODT Laurent (1995) - Nesles "Le Fond Vassal" (Pas-de-Calais). DFS de fouille. SRA du Nord-Pas-de-Calais, Villeneuve d’Ascq. LORIN yann (2004) - Achicourt "Les Vingt" (Pas-deCalais), DFS de diagnostic, SRA du Nord-Pas-de-Calais, Villeneuve-d’Ascq. 69 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie oudry-braillon, Vers une géographie des gestes funéraires au second âge du Fer dans le Nord - Pas-de-Calais ? MARCy Thierry (2004) - Hordain "La Fosse à Loups Tranche 1" (Nord), DFS de diagnostic, SRA du Nord-Pasde-Calais, Villeneuve-d’Ascq. quéREL Pascal (2003) - Wattrelos "PA du Beck"(Nord), DFS de diagnostic, SRA du Nord-Pas-de-Calais, Villeneuved’Ascq. PION Patrick & GuICHARD Vincent (1993) - « Tombes et nécropoles en France et au Luxembourg entre le IIIe et le Ier siècle avant J.-C. Essai d’inventaire » dans CLIQUET Dominique (dir.) - Les Celtes en Normandie. Les rites funéraires en Gaule (IIIe-Ier siècles avant J.-C.), Actes du XIVe colloque de l’AFEAF, évreux, 1990, Revue Archéologique de l’Ouest, suppl. n° 6, évreux, p. 175-200. SéVERIN Christian (2006) - Hordain "La Fosse à Loups Tranche 1" (Nord), Notice du Bilan Scientiique Régional, SRA du Nord-Pas-de-Calais, Villeneuve-d’Ascq, p. 90-97. PRILAuX Gilles & JACquES Alain (2005) - DainvilleAchicourt "Le Picotin - Gérico" (Pas-de-Calais), DFS de fouille, SRA du Nord-Pas-de-Calais, Villeneuve-d’Ascq. VERNEy Antoine (1993) - « Les nécropoles de l’âge du Fer en Basse-Normandie. Bilan de trois siècles de découvertes », dans CLIQUET Dominique (dir.) - Les Celtes en Normandie. Les rites funéraires en Gaule (IIIe-Ier siècle avant J.-C.), Actes du XIVe colloque de l’AFEAF, évreux, 1990, Revue Archéologique de l’Ouest, suppl. n° 6, évreux, p. 95-113. L’auteur Sophie OuDRy-BRAILLON, Inrap, uMR 7041, 11 rue des Champs, F - 59650 Villeneuve-d’Ascq résumé Les découvertes de sites funéraires du second âge du Fer se sont multipliées ces quinze dernières années à l’échelle nationale, et la région Nord - Pas-de-Calais n’échappe pas à ce phénomène. Même si l’effectif global de sépultures est moins important que dans les régions limitrophes, nous sommes actuellement en possession de nombreux éléments pour entamer une rélexion sur les gestes funéraires de cette période. Il apparaît que les pratiques des occupants de cette région se distinguent nettement de celles observées dans l’est de la Picardie et en Champagne-Ardenne, à commencer par le choix du traitement du corps : les inhumés représentent une faible minorité. Nous passons en revue un certain nombre de points en tentant de mettre en évidence les caractéristiques générales à l’échelle de la région sur la période, mais également en distinguant les aspects qui évoluent au cours du temps. Mots-clés : Nord - Pas-de-Calais, second âge du Fer, sépulture, inhumation, incinération, pratiques funéraires. abstract The number of discoveries of La Tène burial sites has increased nationwide over the last ifteen years, and the Nord – Pas-de-Calais region is no exception. Even if the global number of burials is smaller than in neighbouring areas, we now have at our disposal a large corpus which enables us to formulate new theories concerning the burial rites of this period. It appears that the populations of this region practised rites that were very different from those found in eastern Picardy and Champagne-Ardenne, notably in the way bodies were processed: inhumation concerns only a small minority. We review a certain number of issues, with a view not only to bringing out the general characteristics of the period in this region, but also to identifying those aspects that evolve over time. Key words : Nord – Pas-de-Calais, La Tène, burial, inhumation, cremation, burial rites. Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX. Zusammenfassung In den 15 letzten Jahren haben sich die Entdeckungen von Nekropolen aus der jüngeren Eisenzeit in ganz Frankreich gehäuft, und auch die Region Nord - Pas-de-Calais ist von diesem Phänomen nicht ausgeschlossen. Selbst wenn die Gesamtzahl der Gräber unter der der Nachbarregionen liegt, verfügen wir heute über genügend Elemente, um uns mit den Bestattungsritualen dieser Periode zu beschäftigen. Es stellt sich heraus, dass die Sitten der Bewohner dieser Region sich deutlich von denen unterscheiden, die im Osten der Picardie und der Region Champagne-Ardenne beobachtet werden. Zunächst geht es um die Bestattungsart: Körperbestattungen sind in der Minderheit. Wir überprüfen bestimmte Punkte, indem wir versuchen die allgemeinen, für diese Zeit und diese Region gültigen Eigenschaften aufzuzeigen, ohne dabei die Aspekte zu vernachlässigen, die im Laufe dieser Periode einem Wandel unterliegen. Schlüsselwörter : Nord - Pas-de-Calais, jüngere Eisenzeit, Grabstätte, Körpergrab, Brandgrab, Bestattungssitten. 70 Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr). RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne. La QUEstIon DE La ContInUIté oU DE La DIsContInUIté Dans LEs néCropoLEs CELtIQUEs DE La CHaMpaGnE Jean-Jacques CHARPy La gestuelle funéraire du second âge du Fer commence par le choix des lieux d’implantation des nécropoles et la nature de la sépulture, sujets dont on a déjà de nombreuses fois débattu. C’est un point resté quelque peu en suspens, celui de la continuité d’utilisation du site ou de la discontinuité d’occupation de celui-ci. Cet aspect important repose sur une analyse chronologique ine et de ses divisions en séquences les plus courtes possibles. à ce titre, la Champagne offre un terrain unique et inégalé pour mener une telle étude suite au nombre important de cimetières mis au jour depuis le milieu du XIXe siècle. D’autre part, la chronologie établie par JeanJacques Hatt et Pierre Roualet constitue l’outil le mieux adapté, encore actuellement, pour envisager ce travail. Ainsi se pose la question de la ou des durées d’utilisation des nécropoles, c’est au-delà de la réponse ouvrir le débat sur l’origine de ces populations, celui de leurs développements, de leurs marqueurs ethnographiques, de leurs déplacements. LEs ConDItIons DE L’EnQUêtE Les archives aussi imparfaites soient-elles constituent la base du fonds documentaire. On se doit de procéder en premier lieu à la confrontation des archives manuscrites avec celles publiées. Puis dans un second temps, il apparaît obligatoire de procéder au recensement le plus exhaustif possible des mobiliers conservés en collections particulières ou publiques. une critique sévère de ces deux sources est alors indispensable. C’est seulement à ce stade que peuvent se dégager les premières inesses de l’approche chronologique puis celles de la perception sociologique et psychologique des auteurs des fouilles anciennes. D’autre part, l’examen minutieux des objets publiés comme de ceux rangés, voire oubliés dans les réserves des musées permet de repérer des indices technologiques, voire d’autres décoratifs comme représentatifs d’une période ou spéciiques à certains milieux. C’est aussi le moyen de mieux percevoir des associations signiicatives. Il convient donc pour atteindre ce but de recenser, d’un côté, la documentation la plus iable livrée par les fouilles modernes et, de l’autre, toutes les informations permettant une connaissance la plus large possible. L’exemple reconnu à Dormans "Les Varennes" a permis de constater que les résultats de la recherche étaient conformes à ceux attendus pour les périodes concernées par ces fouilles. Pour la phase de recherche ancienne, chaque structure présentait une situation simple que l’on pourrait résumer à cette maxime : une structure / une période. Pour les recherches récentes de 1963, la situation se révélait complexe : une structure / plusieurs périodes. Des mobiliers oubliés retrouvés dans des emballages d’époque, la découverte de dessins inédits ont permis de modiier les résultats connus et de pouvoir les superposer avec ceux des recherches récentes (1). C’est donc sur ces bases que dès 1990 j’ai tenté de dresser des tableaux départementaux ain de coller au plus près de la réalité régionale. Cet état ne saurait être considéré comme une inalité puisqu’il est impossible dans la suite des documents qui vont suivre de pouvoir notiier par exemple les pourcentages chiffrés de la représentativité d’une séquence chronologique par rapport à une autre. Il n’est pas non plus possible de faire une différence entre les phases archaïque et récente d’une même période. Ce type d’analyse ne représente donc qu’un moyen de déinir des tendances qui doivent impérativement être vériiées par d’autres sur des séries d’objets, de tombes, d’assemblages de mobilier, etc. Les tableaux qui vont suivre ont été établis pour les quatre départements composant la ChampagneArdenne auxquels s’ajoute celui de l’Aisne. Les sept colonnes correspondent à un découpage en chronologie relative de l’époque celtique réalisé comme suit, les datations en chronologie absolue pouvant varier selon les classiications hautes ou basses proposées par les chercheurs. 1 - Charpy Jean-Jacques (1996) - Les Celtes en Champagne du VIe au IIIe siècle avant J.-C., la nécropole de Dormans (Marne) dans son contexte régional. Thèse de doctorat, E.P.H.E., 3 vol. 654 p. et 432 pl. La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne. 71 RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne. Dans les tableaux qui vont suivre : Le Jogassien correspond au Hallstatt inal IIaIIb (530-475 avant J.-C.). On a éliminé la phase I qui ne concerne que le sud de la région au-dessous du cours de la Marne. Elle en aurait alourdi la lecture Le Marnien du Ve siècle (475-400 avant J.-C.) répond à la division La Tène ancienne Ia puis Ib, périodes qui correspondent à ce qui est appelé Marnien. La question des rites funéraires de cette période a été développée autour de la question des inhumations et des incinérations découvertes dans le département de la Marne (2). Le IVe siècle se divise en deux phases : La Tène ancienne IIa (400-360 avant J.-C.) dite phase préDuchcov et La Tène ancienne IIb (460-300 avant J.-C.) soit les horizons des ibules Duchcov classiques. Cette courte séquence a été mise en évidence par les travaux de Pierre Roualet pour l’exposition Les Celtes en Champagne, cinq siècles d’histoire à Epernay en 1991. Il a ensuite développé spéciiquement par l’analyse des parures (3). La colonne IIIe siècle couvre uniquement La Tène ancienne III, soit les horizons des ibules évoluées puis tardives de Duchcov ainsi que celui des ibules de Münsingen et les plus anciens modèles de schéma La Tène II. La coupure intervenant vers le dernier tiers du IIIe siècle. On a délivré un aperçu de la question à l’occasion de l’exposition de Tournai : Les Celtes , rites funéraires en Gaule du Nord entre le VIe et le Ier siècle avant J.-C. (4). Le IIe siècle répond à La Tène moyenne et au début de La Tène inale, la coupure entre les deux phases se faisant vers 175 avant J.-C. Le Ier siècle est divisé à peu près en son milieu par la Conquête, la première séquence correspondant à la in de l’indépendance et la seconde au galloromain précoce s’achevant vers 10/20 de notre ère. Le Gallo-romain correspond au début de l’Empire. Le lecteur pourra se reporter à la récente synthèse de Bernard Lambot (5). 2 - Charpy Jean-Jacques (1998) - « Les pratiques funéraires en Champagne au Ve siècle avant J.-C. », Revue archéologique de Picardie, 1/2, Amiens, p. 99-109. 3 - roualet Pierre (1993) - « La période de La Tène ancienne Iia en Champagne » dans Actes du IXe Congrès international d’études celtiques, Paris 1991. études celtiques XXVIII, 1991, p. 375-398. 4 - Charpy Jean-Jacques (1998) - « Les rites funéraires en Champagne celtique » dans leMan-deleriVe Germaine, (dir.) - Les Celtes, rites funéraires en Gaule du Nord entre le VIe et le Ier siècle avant J.-C. études et Documents fouille - 4, Namur, p. 30-40. 72 On notera que le point dans une case correspond à la présence au moins d’un objet datable de la période. Le point d’interrogation répond à la possibilité d’une occupation attestée seulement par les descriptions trouvées en archives ou à des informations non vériiées, documentées seulement par un témoignage oral ou par des objets que l’on n’a pas pu observer physiquement au cours de nos recherches. Les tableaux ci-dessous reposent principalement sur l’analyse des cimetières publiés. L’IntErprétatIon DEs taBLEaUX Les tableaux ci-dessous relètent à la fois l’état de la recherche dans les différents secteurs concernés mais aussi les carences. Il est donc bien dificile de tenter une généralisation des propos sur une aussi vaste entité géographique qu’est la Champagne sans procéder à des sectorisations. On notera cependant que des absences, lorsqu’elles sont répétitives, peuvent reléter une certaine réalité statistique (ex. le vide du début du IVe s. avant J.-C.). Pour le département de l’Aube, l’occupation du Hallstatt inal I n’apparaît pas sur les tableaux. Elle a fait l’objet de plusieurs publications de Louis Lepage (6) et de l’auteur (7). Ces études montrent l’extension assez large de cette culture, au sud du cours médian et inférieur de la Marne qui en constitue la limite septentrionale de diffusion. D’autre part, la phase jogassienne y est faiblement représentée tout comme celle de La Tène initiale. Cette situation est donc bien différente de ce que l’on va observer pour le département voisin de la Marne. Les quelques sépultures que l’on peut attribuer à cette époque sont essentiellement féminines et tardives. Elles peuvent relever d’inluences du milieu dit Marnien et témoigner d’une forme de colonisation de ce territoire. Les fouilles souvent anciennes ne peuvent fournir la certitude d’une présence du dépôt céramique dans la tombe. L’occupation la plus dense est celle qui correspond à la longue phase Duchcov-Münsingen. Elle puise parfois ses origines, à l’extrême in du Ve siècle ou au début de celui qui suit (phase pré-Duchcov). Son évolution se place directement dans la continuité de celles de la in de la phase antérieure bien illustrée par la répartition géographique des torques à extrémités renlées et tronconiques. Ces nécropoles paraissent s’arrêter à 5 - laMbot Bernard (2006) - « La Champagne et les Rèmes » dans Collectif - Celtes, Belges, Boïens, Rèmes, Volques…, Musée de Mariemont, p. 222-241. 6 - lepaGe Louis (1989) - « Bracelets du Hallstatt Moyen en Champagne et en Lorraine méridionales » dans La civilisation de Hallstatt. études et recherches archéologiques de l’université de Liège, n° 36, p. 321-339. 7 - roualet Pierre & Charpy Jean-Jacques (1991) - Les Celtes en Champagne, cinq siècles d’histoire. Epernay, p. 36-37. RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne. Localité Avon-la-Pèze Barberey-Saint-Sulpice Barbuise-Courtavant "Les Grèves" Barbuise-Courtavant "Le Crépin" Barbuise-Courtavant-La Saulsotte "Bois Pot Vin" "Les Terres de Frécul" Barbuise-Courtavant-La Saulsotte "Les Grèves" Barbuise-Courtavant-La Saulsotte "Les Grèves de Frécul" Barbuise-Courtavant "Le Mont les Noix" Barbuise-Courtavant "Les Grèves de la Villeneuve" Barbuise-Courtavant (coll. Revailler) Bar-sur-Aube Bar-sur-Seine Bercenay-en-Othe Boulages Bouranton "Champneux" Bouranton "Michaulot" Creney-près-Troyes Courceroy Courtavant "Les Grèves de Bouligny" Dampierre Dienville Estissac "La Côte d'Ervaux" Fontaine-Mâcon Fonvannes Fresnoy Isle-Aumont "La Chèvre" Jessains "Queue de Poêle" Luyères "Les Vermilonnes" Mailly-le-Camp "Romainecourt" Méry-sur-Seine Molins Neuville-sur-Seine (La) Neuville-sur-Vanne (La) Nogent-sur-Seine Hameau du Mériot Pâlis "Le Buisson Gendre" Pavillon-Sainte-Julie Plancy-l'Abbaye Plessis-Barbuise "La Bouverie" Polisot* Pont-Sainte-Marie "Le Moulinet Pougy-sur-Aube Ramerupt Rigny-la-Nonneuse "Les Tomes" Romilly-sur-Seine Château de Sellier Rouilly Saint-Loup Hameau de Rouillerot Saint-Benoit-sur-Seine "La Perrière" Saint-Loup-de-Buffigny "Haut du Blossier" Saint-Martin-de-Bossenay Salon "Les Jaquemards" Saulsotte (La) "Frécul" Saulsotte (La) "Vieux Bouchy" Semoine Trouans "Fosses Ribaudes I" Trouans "Fosses Ribaudes II" Troyes "La Charme" Troyes, Rue de la Paix Vinets "Les Grèves" Vinets "La Grande Contrée" Voué "La Providence" Jogas Ve IVe IIIe IIe • • • • • • • • • • • • • • • • • Ier G.R. ? • • • • • • • • • • • ? • • • ? ? • ? ? • ? ? • • • • • ? ? • • • • • • • • • • • • • • • • • • ? • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • ? • ? • • ? • • • • • • • • ? ? • • • • • • ? • • • ? ? • • • tab. I - Les nécropoles de l’Aube. 73 RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne. Localité Argers Auberive Auberive "Les Carmes" Auberive "Les Grandes Fontaines" Aulnay-aux-Planches "Les Heurts" Aulnay-aux-Planches "Chemin des Bretons" Aulnay-sur-Marne "Le Champ Pralié" Aulnizeux Auve Avize "Les Hauts Némerys" Bagneux "Le Champ du Curé" Barbonne-Queudes "Les tartres" Bassuet "Les Fournais" Bazancourt "Au Dessous du Pré Bréart" Beine "L'Argentelle" Beine "La Motelle" Beine-Prunay "Quartier Saint-Basle, Noue d'Ambigny" Beine "Le Montéqueux" Beine "Les Bouverets" Beine "Les Cris" Bergères-les-Vertus "Le Puy" Bergères-les-Vertus "Les Crons" Bergères-les-Vertus "Les Terres de Monsieur" Bergères-les-Vertus "Montaignesson" Berru "Le Terrage" Berru "Les Flogères" Bétheniville "Le Fer à Cheval" Bétheny "Bas de Suzy" Bétheny "Les Courtètes" Bethon "Monte en Baudet" Bezannes "Les Marsillers" Bourgogne Chemin rural du Blanc Boucher Bouy "Les Varilles" Bouy "Chemin de Vadenay" Bouy "Le Guillardet" Bouzy (coll. Chance) Bouzy "La Côte aux lièvres" Brébant (coll. Richard) Breuvery -sur-Coole "La Potence" Broussy-le-Grand "Le Pralat" Bussy-le-Château (coll. Morel) Bussy-le-Château "La Croix Meunière" Bussy-le-Château "Les Govats" Bussy-le-Château "Le Mont-Saint-Basle" Bussy-le-Château "Le Mont des Temps" Bussy-le-Château "Le Cul Vidame" Bussy-le-Château "Le Mont Dinet" Bussy-le-Château "Le Mont Piémont" Bussy-Lettrée –fouilles Brisson Bussy-Lettrée "Le Petit Vau Bourdin" Bussy-Lettrée "En Haut des Gravelles" Caurel "Fosse Minore" Cauroy-les-Hermonville Cernay-les-Reims et Reims "Champ Dolent" Cernay-les-Reims "Le Mont de Nogent" Cernay-les-Reims "Le Mont Epié" Cernay-les-Reims "Les Barmonts" tab. II - Les nécropoles de la Marne. 74 Jogas Ve IVe • • • IIIe IIe • • • ? • • ? ? • • • • • ? • • • • • • • • • • • • • • • • Ier G.R. • • • • • ? • • • • • • • • • ? • • • • • • • • • ? ? ? • • • • • • ? • • ? • • • • • • • • • • • • • • • • ? • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • ? • • • • ? • • • • • • • • ? • • • • • • • • • ? • • • • • • • • • • • • • ? ? • • • • • • • ? • • • • • • ? • • • • • • • • • • RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne. Localité Cernay-les-Reims "Les Charmes" Cernon-sur-Coole "La Côte des Prés" Cernon-sur-Coole "Le Moulin Brûlé" Châlons-sur-Marne Avenue de Strasbourg Châlons-sur-Marne "Le Manège" Châlons-sur-Marne "Le Mont Saint-Michel" Chouilly "Les Jogasses" Chouilly « La Croix des Huguenots » Chaussée-sur-Marne (La) -coll. E. BaffetCheppe (La) "La Tome" Cheppe (La) "Le Mont de Larnaud" Cheppe (La) "Le Buisson de Suippes" Cheppe (La) "Le Montois" Clamanges "Faignières" Coizard-Joches "Le Moulin" Condé-sur-Marne "Le Mont de Marne" Conflans-sur-Seine "Les Grèves" Connantray « Tumulus » Connantre "Le Différend" Corroy "Au Dessus des Roseaux" Corroy "Le Bas de la Justice" Corroy "Le Pont de l'Isle" Corroy-Gourgançon "Saint-Mard" Courtisols "La Motte du Château" Courtisols "L'Homme Mort" Courtisols "Les Closeaux de la Conche" Courtisols "Les Grands Ayeux" Couvrot "La Motelle" Croix-en-Champagne (La) "La Butte" Croix-en-Champagne (La) "La Grosse Epine" Crugny "Le Bois de Perthes" Cuperly "La Grammonerie" Cuperly "L'Arbre Jesson" Cuperly "Vau Herbeau" Dampierre-au-Temple "Les Crayères" Dampierre-au-Temple "Le Mont de Gravonne" Dommartin-Lettrée "La Côte des Perrières" Dormans "Les Varennes" Ecury-le-Repos "Fin de Sère" Ecury-le-Repos "L'Homme Mort" Ecury-le-Repos "Le Crayon" Ecury-le-Repos "La Noue du popelin" Ecury-le-Repos "Les Ormes" Ecury-sur-Coole "Les Côtes en Marne" Epernay rue Malakoff et rue de Bernon Epoye "La Conge" Epoye "Montmorillon" Epine (L') Esclavolles-Lurey "Bécheret" Esclavolles - sablières Etoges "Les Petits Noyers" Etrechy "Beauregard" Etrechy "Moulin à Vent" Fagnières "La Noue du moulin" Fère-Champenoise "Faubourg de Connantre" Fère-Champenoise "La Fin d'Ecury" Fèrebrianges "Le Martrot" Flavigny Fontaine-en-Dormois Fontaine-sur-Coole "Le Mont Coutant" Jogas • • Ve ? IVe • • ? • • • ? ? • • • • • • • IIIe IIe • • • • • • • ? • • ? • Ier G.R. • • • ? • ? • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • ? ? • • • • • ? ? • • • • • • • • • • • • ? • • • • • ? • • • • • • • • • • • • • • • • ? • ? • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • ? • • • • • • • • tab. II - Les nécropoles de la Marne (suite). 75 RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne. Localité Germinon Gourgançon "Au Dessus des Petites Roises" Gourgançon "La Corbillère" Gourgançon "Les Poplainneaux" Grandes-Loges (Les) "Les Mortes Vaches" Gueux Parc du Château Haussimont "La Fontaine Rouge" Haussimont "La Pernelette" Heiltz-l'Evêque "Charvais" Heutrégiville "Le Mont sapinois" Humbeauville - entrée du village Hurlus Jalons-les-Vignes -Route nationale Jonchery-sur-Suippe Jonchery-sur-Vesle Mutualité agricole Juvigny-Vraux "Le Mont de Vraux" Juvigny "Les Vignettes" Laval-sur-Tourbe Lavannes "Le Mont Jouy" Lavannes "Le Mont de la Fourche" Lavannes "Le Mont Fruleux" Lavannes-Caurel "Le Mont de Bury" Lenharrée -carrière Linthelles "Les vallées" Livry-Louvercy "Les Echonas" Loisy-en-Brie Loisy-en-Brie hameau du Petit Loisy Loisy-sur-Marne "La Clôture des Vignes" Mairy-Sogny "Le Champ Mayart" Mareuil-le-Port "Le Thym" Mareuil-sur-Aÿ Margerie-Hancourt "Le Tumois" Marson "Les Vignettes" Marson "Le Voyet" Marson "Les Savarts" Marson "Montfercault" Mesneux (Les) -sablière Mesnil-les-Hurlus Montcetz-l'Abbaye "Le Champ Lien" Montépreux "Le Cul du Sac" Morains "Les Brûlefer" Morains "Les Champs Ecus" Morains "Les Terres Rouges" Normée "La Tempête" Oiry "Le Champ de Parc" Pierre-Morains "Le Calvaire" Pierre-Morains (Coll. de Baye) Pierre-Morains "La Vigne" Pleurs "Les Buttes" Pogny "Le Grand Mont" Poix "Les Ecoutrets" Pomacle "Les Moutèves" Pontfaverger "La Croix Boileau" Pontfaverger "Les Husses" Pontfaverger "La Wardelle" Pontfaverger "Pont-Chaton" Pontgivart propriété Moreau Prosnes "La Voie de Baconnes" "La Voie de Sept-saulx" Prosnes "Le Terrage" "Le Buisson Mouton" Prosnes "Les Vins de Bruyères" Prosnes "Constantine" Prunay "Les Marquises" Prunay "Les Commelles" Prunay "Le Champ la Guerre" Prunay "Les Champs Cugniers" Jogas IVe IIIe • • • • • • IIe • ? • • • • • • • • • • • • • • • • • G.R. • • • • • • • Ier ? • • • • • ? ? • • • • ? • • • • • • • ? • • • • • • • • • • • ? • ? • ? ? • • • • ? ? • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • ? • • • • • • • ? • • • • • • • • • • • ? • ? • • • • ? • • • • • • • • tab. II - Les nécropoles de la Marne (suite). 76 Ve • • ? • • • • • • • • • • ? • • • • • • • • • • ? ? • • ? • • • • • • • • ? • RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne. Localité Ville-sur-Tourbe Villedommange Villeneuve-Renneville "Le Mont-Gravet" Villeneuve-Saint-Vistre Villers-le-Sec Villers-Marmery "La Voie du Puits" Villeseneux "La Barbière" Villevenard "La Croix de Cour" Vitry-le-François "Les Marvis" Vitry-le-François "Le Bois Legras" Vrigny "Le Mont de Vannes" Warmeriville "La Motelle" Witry-les-Reims "La Voie Carlat" Witry-les-Reims "Les Puisy, La Neufosse" Witry-les-Reims Fort militaire Jogas Ve • • IVe IIIe IIe • • • G.R. Ie G.R. • • ? • ? Ier • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • ? ? • tab. II - Les nécropoles de la Marne (suite). Localité Acy-Romance - Centre F.P.A. Acy-Romance "La Croizette" Acy-Romance "La Noue Mauroy" Acy-Romance "Le Terrage" Aiglemont "L'Homme Mort" Alincourt "Gersay" Annelles "Devant la Garenne" Annelles "Le Mont des Craies" Arnicourt Asfeld Aure "L'Homme Mort" Aure "La Grosse Tommelle" Aure "Les Rouliers" Aussonce "La Motelle" Aussonce "La Côte des Braies" Aussonce "Le Mont d'Alincourt" Aussonce "Le Mont Rouillon" Bannogne-Recouvrance "Sous le Chemin de Forest" Barby "Juconval" Bar-les-Buzancy Biermes "Le Calvaire" Bignicourt Château-Porcien "L'Aiguillon" Château-Porcien "Le Joassen" Granville (La) "Arnival" Hannogne "La Terre à L'Argent" Hauviné "Arnel" Hauviné "Bois Gilbert" Hauviné "Feneux" Hauviné "La Motelle" Hauviné "Verboyon" Hauviné "La Poterie" Hauviné "Le Fond Saint-Hilaire" Hauviné "La Crayère" Hauviné "Le Terme Badaud" Hauviné "Les Heurteaux" Hauviné "Pays" Juniville "La Côte de Hollande" Juniville "La Voie Godard" Juniville "Le Mont Croupsault" Juniville "Sous Blousseru" Neuville-en-Tourne-à-Fuy "Le Mont de Fosse" Liry "La Hourgnotte" Liry "Le Beau Petit Mont" Manre "L'Homme Mort" Manre "Le Mont Troté" Jogas. Ve IVe IIIe IIe • • • • • • • • • • • • • • ? • ? • • • • • • • • • • • • • • • • • ? ? • ? • • ? • • ? ? • • • • • • • • • • • ? • • • • ? • • • • • • • • • • • • • • • • • • ? • • • • • ? • • • • • • • • • • • • • • • • • • • ? • • tab. III - Les nécropoles des Ardennes. 77 RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne. Localité Jogas Marvaux Ménil-Annelles "Le Montant de l'Obit" Ménil-L'Epinois "Le Mont Frulleux" Mézières "Bertaucourt" Perthes (coll. Bosteaux) Quilly "Le Fichot" Rethel déviation Saint-Clément-à-Arnes "La Motelle de Germiny" Saint-Clément-à-Arnes "Le Chemin de St-Pierre Saint-Clément-à-Armes "Le Montant de Griotte" Saint-Etienne-à-Arnes (coll. Bosteaux) Saint-Germainmont "Le Poteau" Saint-Germainmont Sapogne-sur-Marche "Le Vieux Monty" Saulces-Champenoise "Le Mont Renard" Saulces-Champenoise "Le Fond de Bernois" Saulces-Montclin Saulces aux Tournelles Savigny-sur-Aisne Semide "Le Mont Fagny" Semide "La Tommelle aux Mouches" Semide "Le Mont Parré" Seraincourt "La Terre à l'Argent" Sevigny-la-Forêt "Les Pothées" Theux (Le) Thugny-Trugny "Le Maillet" Vieux-les-Asfeld "Longs-Beaumonts" Ville-sur-Retourne "Budant à la Route de P." Ville-sur-Retourne "Le Chemin d'Imbry" Villers-Semeuse -carrière Dauchy Ve ? IVe IIIe IIe Ier G.R. ? • • • • ? ? • • ? • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • ? • • • • • • • • tab. III - Les nécropoles des Ardennes (suite). Localité Attancourt Auberive "Grand Combe" Auberive "Maigrefontaine" Bourdons-sur-Rognon Bussy-Vecqueville Chamouilley Châtenay-Mâcheron Cohons Courcelles-sur-Aujon "Moulin Brûlé" Courcelles-en-Montagne "Champ Rougeau" Courcelles-en-Montagne "Motte Saint-Valentin Cusey "Combotte" Cusey "Les Têtes" Cusey "Sur Vesvres" Dampierre "Combe Ournot" Dardenay "Le Mortot" Dommarien Esnoms-au-Val "Champberceau" Esnoms-au-Val "Les Gros Meurgers" Esnoms-au-Val "Les Montoilles" Essey-les-Eaux 78 Ve Jogas • • • • IVe IIIe IIe • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • tab. Iv - Les nécropoles de la Haute-Marne. Ie G.R. • RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne. Localité Montsaugeon Montsaugeon I Montsaugeon II Montsaugeon "Croix Saint-Thibault" Nijon "La Mottote" Nogent-en-Bassigny Nogent-en-Bassigny "Forêt du Marsois" Perrogney Perthes Rivières-les-Fosses Rouelles Saint-Dizier "Base 113" Saint-Dizier "Fosse aux Loups" Semoutiers "Le Champ du Pré" Vitry-les-Nogent "Le Châtelet" Jogas Ve • • • ? • IVe IIIe IIe Ier G.R. Ie G.R. • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • ? tab. Iv - Les nécropoles de la Haute-Marne (suite). Localité Aguilcourt Arcy-Sainte-Restitue Armentières-sur-Ourcq Berry-au-Bac Bouconville-Vauclair Braine -route de Brenelle Breny Brienne-sur-Aisne Bruyères "Trugny" Bucy-le-Long "La Héronnière" Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais" Chassemy "La Plaine de Bourfaux" Chassemy "La Fosse Chapelet" Chouy Ciry-Salsogne Crouy Crouy "Les Grands Champs" Dravegny Evergnicourt « Le Tournant du Chêne » Fère-en-Tardenois -Sablonnières Limé"Le Martois" Limé "Villa d'Ancy" Limé « Les Sables » Maizy-sur-Aisne Mercin et Vaux Montigny-sur-Crécy Moÿ-de-l'Aisne Nogent-l'Artaud "Les Champailles" Orainville « La Croyère » Oulchy-la-Ville "Le Bois de la Bayette" Paars "Le Paradis" Pernant "Le Port" Pont-Arcy Presles et Boves "Saint-Audebert" Soissons "Les Feuillants" Soupir "La Haute Borne" Soupir (sondage1989) « Le ¨Parc » ? Vailly-sur-Aisne "La Barbeaucane" Villeneuve-St-Germain « Les Etomelles » Villers-en-Prayères Ve Jogas IVe IIIe IIe ? • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • ? ? • • • • • • • • • • • • • • • ? • • • • • • • ? ? • • • • • • • • • • • • • • ? • ? • • • • ? • • • ? tab. v - Les nécropoles de l’Aisne. 79 RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne. peu près simultanément dans le courant du IIIe siècle même si certaines perdurent quelque peu. on signale que cette éventualité se rencontre aussi en d’autres secteurs champenois. L’association du Nogentais au groupe du Sénonais reste bien établie jusqu’à La Tène moyenne. On note une absence de témoignages funéraires pour l’époque de la in de l’Indépendance mais, cette perception semble actuellement ne pas se vériier dans le domaine de l’habitat grâce à des fouilles récentes et inédites faites le long du cours de la Seine, notamment en Bassée, près de la conluence avec l’yonne. L’homogénéité des gestes funéraires observables (dépôt de l’équipement personnel : parure ou armement ; absence d’offrandes céramiques ; inhumation en cercueil ou en fosse non colmatée) dans les nécropoles n’existe massivement que pendant la phase Duchcov-Münsingen puis tend progressivement à se réduire pour disparaître avant La Tène inale. Dans le département des Ardennes, la situation est beaucoup plus complexe. La nature géologique du sol divise le département en deux zones. Le nord, milieu de collines très boisées, coupé selon un axe nord-sud par la vallée de la Meuse semble très peu occupé. à l’inverse, le sud qui est crayeux apparaît comme le prolongement naturel de la culture marnienne. Les phases jogassiennes sont assez faiblement représentées mais on peut noter un accroissement net du nombre des tombes de la seconde phase (Hallstatt inal IIb). Elles constituent souvent l’origine même des cimetières du Ve siècle. Ceux-ci sont nombreux et en tout point semblables aux nécropoles du nord de la Marne. L’exemple, encore inédit, d’Acy-Romance (8) "Le Terrage"témoigne du fait que certaines nécropoles y sont aussi abandonnées assez tôt à l’image de ce qui est connu dans le Marnien. Ce cimetière constitue tout de même une exception. L’absence de tombe de la première moitié du IVe siècle avant J.-C. est assez généralisée à l’exception de quelques cas de nécropoles riveraines du milieu Beine-Suippes. La réoccupation des cimetières intervient, selon les cas, à des moments différents de la longue phase Duchcov-Münsingen (460-260 av. J.-C.). Les sites cessent majoritairement d’être utilisés dans le courant du IIIe siècle, cependant, à l’exemple de Liry "La Hourgnotte", certains peuvent connaître une occupation jusqu’à La Tène moyenne. Les cimetières datables de La Tène inale sont tous des créations nouvelles qui couvrent soit une longue période (Acy-Romance "La Warde"), soit des séquences plus limitées mais ils sont alors datables de peu avant la Conquête et le plus souvent d’après (Hauviné et Saint-Clément-à-Arnes). Ces derniers paraissent témoigner du déplacement de petits groupes humains sur un territoire limité suite à 8 - Nos remerciements vont à Bernard Lambot pour nous avoir communiqué sa documentation. 80 un épuisement des terres agricoles. Le mobilier et les rites observables de ces nécropoles sont en tous points identiques à ceux des cimetières de la région rémoise. On peut donc attribuer l’espace compris entre la limite géographique nord du département de la Marne et le cours de l’Aisne comme appartenant au territoire des Rèmes. Dans le département de la Haute-Marne, il est dificile de faire une synthèse aussi ine des découvertes. Elles se répartissent en deux secteurs principaux résultant probablement de l’activité de la recherche. Peu de fouilles récentes y ont été réalisées. L’étude des mobiliers laisse apparaître une utilisation très discontinue des cimetières et une assez faible représentation de chacune des phases composant l’époque laténienne. Toutefois, c’est La Tène ancienne I qui reste la mieux documentée. Les premières décennies du IVe siècle sont sous représentées. Les tombes ou les objets s’y rapportant se comptent en très petite quantité. On observe que les contextes les plus récents provenant soit d’inhumations, soit d’incinérations correspondent, selon les sites, à des phases différentes du IIIe siècle avant J.-C. Les époques de La Tène moyenne et inale ne sont attestées que par des découvertes éparses et souvent mal documentées provenant soit d’habitats (Gourzon "Le Châtelet") ou de nécropoles (Saint-Dizier "Base 113"). Cette région correspond à ce que l’on pourrait considérer comme les marches, au nord du milieu champenois et au sud, du milieu bourguignon. Les types de sépultures en sont le relet, respectivement, au nord, par l’inhumation en fosse et, au sud, par l’inhumation en tumulus dont l’origine du monument remonte le plus souvent à l’âge du Bronze. Pendant la phase Duchcov-Münsingen, on peut noter des parentés avec le mobilier funéraire du Plateau Suisse et des inluences centre-européenne. La vallée de la Marne a certainement joué un rôle important de communication. Dans le département de l’Aisne, on se retrouve dans une division similaire à celle du département des Ardennes. En fait, seul le Tardenois et la vallée de la rivière jusqu’à la hauteur de Soissons forment le secteur occidental du Marnien du Ve siècle avant J.-C. Il se caractérise, en l’état de la connaissance, par une absence presque totale des phases du Hallstatt inal. on n’a pu seulement identiier, dans les collections, que deux ibules pouvant se rapporter à cette période. L’occupation de cette région ne débute véritablement qu’avec La Tène ancienne Ia. On peut noter, à l’analyse des tombes féminines comportant des parures, une augmentation démographique assez sensible dans la période La Tène ancienne Ib. quelques unes de ces tombes peuvent se classer dans les premières années du IVe siècle avant J.-C. C’est le cas pour les dernières tombes de la nécropole de Pernant et pour au-moins deux des sépultures à char de Bucy-le-Long mises au jour récemment. Antérieurement, on ne connaissait qu’une seule RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne. tombe, à Chassemy "La Fosse Chapelet", datée par sa ibule comme de la phase La Tène ancienne IIa. La réoccupation de certains sites se produit dans le courant de l’époque Duchcov-Münsingen. Les cimetières attribuables à cette phase cessent d’être utilisés dans le courant du IIIe siècle. Le cas exceptionnel de la nécropole de Bucy-le-Long "La Héronnière" par l’importance du nombre de tombes qui la compose est à comparer aux quelques très rares grands cimetières de la Marne (Prosnes "Les Vins de Bruyères", Mairy-Sogny "Le Champ Mayart"). Les époques postérieures ne sont attestées que par des découvertes isolées comme la tombe à char d’Attichy et quelques petites nécropoles de La Tène inale dont la datation ine mériterait d’être précisée comme à Bucy-le-Long (9). On peut donc constater qu’il n’existe aucun cimetière dont la durée d’utilisation couvre l’ensemble de l’époque laténienne. Ce secteur présente des afinités étroites avec le site de Dormans si l’on se réfère, d’une part aux séquences d’occupation et d’absence, et d’autre part, pour le Ve siècle marnien à certaines productions de céramiques. Les cimetières et les habitats datables de La Tène inale actuellement connus ne permettent pas une identiication précise du territoire occupé par les Suessions. Dans la Marne, les sites très nombreux ne font que conirmer, dans les grandes lignes, les constats faits précédemment avec néanmoins la mise en évidence de quelques différences. Au Hallstatt inal I, seul le sud du département semble occupé, le cours de la Marne formant peut-être une frontière naturelle à l’expansion septentrionale de cette culture. La phase du Hallstatt inal IIa (début du Jogassien) est principalement attestée sur le cours de la rivière depuis Heiltz-l’Evêque jusqu’à Chouilly. Dans la période qui suit, on note un développement sensible du Jogassien vers le nord dans les vallées des rivières (Vesle, Suippe, Retourne). Comme on l’a évoqué pour les Ardennes, les sépultures de cette époque y constituent le plus souvent l’origine des nécropoles marniennes. Il existe de nombreux cas où cette antériorité n’existe pas (Fagnières, Joncherysur-Vesle, Villeneuve-Renneville "Le Mont Gravet"). On notera que l’expansion marnienne vers le sud s’arrête à la zone de petites collines qui constituent la ligne de partage des eaux entre le bassin de la Marne et celui de la Seine. Lorsque l’on aborde l’époque pré-Duchcov, on ne peut que constater un abandon généralisé de toutes les nécropoles de la périphérie 9 - Cette nécropole datée du IIe siècle, début de La Tène inale n’est connue que par le catalogue : Bucy-le-Long, découvertes 1990. Exposition du Musée de Soissons, 16 mars - 16 avril 1992, 10 iches. La datation proposée dans cet ouvrage pour le site n’est pas celle que l’on peut déduire de la céramique publiée qui est, à notre avis, plus tardive (1er siècle avant J.-C.). C’est par recoupement avec des publications récentes de Bernard Lambot que l’on peut situer cette nécropole au lieu-dit "Le Fond du Petit Marais". de la zone d’expansion maximum de la culture marnienne du Ve siècle. Ce phénomène aujourd’hui admis de tous a été mis en évidence en 1971, lors de la publication de la nécropole de Villeneuve-Renneville et corrélé avec le départ des populations vers l’Italie du Nord. Il existe cependant deux petits groupes, de densité très différente, où la continuité est perceptible pendant ces premières décennies du IVe siècle. Le premier et le plus important se localise sur les actuels cantons de Beine et de Suippes et quelques communes environnantes. Le second est plus au sud, sur les limites orientales des Marais de Saint-Gond. Cette vision un peu trop tranchée est sans doute à moduler quelque peu. Dès la seconde moitié du IVe siècle, on observe dans certaines nécropoles, notamment vers Châlons-sur-Marne, une réoccupation progressive de certains sites abandonnés dans la seconde moitié du Ve ou au tout début du suivant. Dans les régions plus éloignées, ce phénomène apparaît un peu plus tardivement, soit peu avant le début du IIIe siècle. C’est précisément à cette période que l’on observe la création de nouvelles nécropoles dans le sud de la Marne. Elles sont, en bien des points, identiques à celles du nord de l’Aube et du Sénonais. C’est dans ces cimetières que l’on note l’introduction de nouveaux rites sans équivalent aucun dans le milieu local où il y a continuité d’occupation depuis les débuts du Ve siècle. Progressivement ces nouvelles coutumes vont gagner le nord et l’on peut les observer dans certains sites de la région rémoise. Tous ces cimetières cessent d’être utilisés dans le courant du IIIe siècle avec plus ou moins de décalage. Les tombes les plus tardives ne dépassent pas La Tène moyenne. Le passage de cette période à La Tène inale est dificile à percevoir dans certains cas. Mais il est évident que tout le sud du département est exempt de toute découverte de cimetière ou d’habitat des deux phases précédant la Conquête, tout comme l’Aube et une partie du Sénonais. Au nord, en région rémoise, des nécropoles sont créées en nombre à cette période et témoignent toute d’un même rite et d’un dépôt funéraire très stéréotypé. La zone déinie par ces nécropoles est jalonnée, de l’ouest au sud-est, par une série d’habitats fortiiés ou non mais d’une importance relative. Il apparaît donc qu’un territoire se dessine nettement, celui des Rèmes. Le cours de l’Aisne, dans sa traversée du département de la Marne, constituerait sa limite nord. ConCLUsIon La sélection des nécropoles les mieux documentées et celles pour lesquelles on possède encore au moins pour partie le mobilier laisse apparaître une situation qui permet quand elle est confrontée aux données démographiques que l’on peut en tirer, de dresser un bilan certes imprécis pour certaines zones mais bien représentatif pour une très grande majorité du territoire de la Champagne. D’autres fouilles de cimetières et surtout celles, nouvelles, des habitats viendront conirmer ou inirmer les interprétations 81 RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne. que l’on peut faire à partir des informations disponibles à ce jour, même si elles sont souvent anciennes et parfois bien lacunaires. Les tableaux ci-dessus présentent le défaut d’une uniformisation des données. Mais, la reprise de celles-ci en fonction de l’importance des séries (torques, armes,…) permettra de mieux mettre en évidence les représentativités des sépultures par phases et de tendre à une meilleure perception des variations de population dans les différents secteurs de la Champagne. On avait a plusieurs reprises traité de la perception des gestes par l’étude des tombes, des mobiliers et des règles ethnographiques. Mais on n’avait pas encore livré les données relatives à la chronologie des nécropoles. La zone marnienne s’en détache clairement et l’analyse des gestes funéraires dans ce milieu permet d’établir une iliation parfaite par continuum entre ce milieu et celui déini pendant les phases jogasso-marnienne. L’auteur Jean-Jacques CHARPy, Conservateur en chef du Patrimoine, Musée d’Epernay, 13, Avenue de Champagne F - 51200 EPERNAy résumé L’approche des gestuelles funéraires que l’on propose est un aspect non encore présenté dans nos travaux sur ce thème. Le travail sur les nécropoles nécessite un long travail de dépouillement des différentes sources imprimées, un recoupement des données obtenues par une recherche systématique des objets. une fois ces résultats établis, on peut alors procéder à des classements chronologiques en séquences les plus courtes. Les assemblages permettent alors de repérer les points communs et les absences. On a donc tenté de résumer les différentes situations constatées sur les départements qui composent la Champagne-Ardenne en y ajoutant pour des raisons évidentes la partie orientale de l’Aisne. La réalisation de tableaux départementaux donne les grandes lignes de l’étude. La rupture du début du IVe siècle avant J.-C. y apparaît très clairement généralisée sauf dans des secteurs très précis du département de la Marne. La conjonction entre la répartition géographique et les mobiliers qui constituent des marqueurs ethnographiques permet de suivre dans les grandes lignes l’évolution démographique des populations. Enin au sein de cette très large région qui est parfois considérée comme monolithique, on note de très grandes variations et l’on y reconnaît, sans problème, l’aire géographique du Marnien du Ve siècle avant J.-C. Mots-clés : Ardennes, Aube, Champagne, Haute-Marne, Marne, Marnien, nécropole, Rème, Suession. abstract In this paper we present an aspect of the study of funeral practices that has not yet been considered in our previous works on this subject. Working on burial sites requires a thorough overhaul of the various printed sources, and the cross-checking of these with the data obtained from the systematic collection of pertinent objects. Once these results established, it becomes possible to classify very short chronological sequences. From the combinations, it is possible then to point out the common features and the blanks. We have thus attempted to sum up the different situations found in the “départements” of the Champagne-Ardenne region – adding for obvious reasons the eastern part of the Aisne. The broad outline of this study is based on the local charts that we have drawn up for each “département”. The break at the beginning of the 4th century B.C. shows itself clearly as a general phenomenon, except in some very speciic areas of the Marne. Taken in conjunction with those objects that constitute ethnographic markers, the geographical distribution enables us to determine the main lines of the evolution of these populations. Finally, in this very vast area that is sometimes regarded as a monolithic one, we notice some very large variations among which the area occupied by the 5th century B.C.’s Marnian is easily recognisable. Key words : Ardennes, Aube, Champagne, Haute-Marne, Marne, Marnian, Rème , Suession. Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX 82 RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Jacques Charpy, La question de la continuité ou de la discontinuité dans les nécropoles celtiques de la Champagne. Zusammenfassung In unseren bisherigen Studien haben wir uns der hier vorgeschlagenen Betrachtung der Bestattungssitten noch nicht gewidmet. Die untersuchung der Nekropolen erfordert eine langwierige Auswertung der unterschiedlichen quellen sowie deren Kreuzung mit den durch die systematische Bergung des Mobiliars erhaltenen Informationen. Nachdem die Ergebnisse erfasst sind, kann man sie in kürzestmögliche chronologische Sequenzen einordnen. Die Fundvergesellschaftung ermöglicht es nun, Gemeinsamkeiten und fehlende Elemente aufzuzeigen. Wir haben uns bemüht, die unterschiedlichen Befunde der Departements der Region Champagne-Ardenne zusammenzufassen und aus offensichtlichen Gründen den östlichen Teil des Departements Aisne zugefügt. Die für diese Departements erstellten Tabellen geben die Linien der Studie in groben Zügen vor. Abgesehen von einigen Sektoren des Departements Marne ist der am Anfang des 4. Jh. v. Chr. festgestellte Bruch offensichtlich sehr verbreitet. Die Studie der Verbreitungskarte und des für die ethnische Zugehörigkeit bezeichnenden Fundmobiliars, erlaubt es, die demographische Entwicklung der Bevölkerung in ihren großen Zügen zu verfolgen. Schließlich ist diese sehr ausgedehnte, mitunter als „monolithisch“ angesehene Region, von sehr großen unterschieden gezeichnet und das Gebiet, in dem das Marnien im 5. Jh. v. Chr. vorherrscht, ist deutlich zu erkennen. Schlüsselwörter : Ardennes, Aube, Champagne, Haute-Marne, Marne, Marnien, Nekropole, Remer, Suessionen. Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr). 83 RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Philippe ChiMier & Sandrine riquier, L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question sur les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques. L’orGanIsatIon spatIaLE DEs EspaCEs FUnéraIrEs D’EsvrEs-sUr-InDrE (InDrE-Et-LoIrE) état DE La QUEstIon sUr LEs HYpotHèsEs DE topoGrapHIE FUnéraIrE Et sUr L’orGanIsatIon tErrItorIaLE DEs oCCUpatIons protoHIstorIQUEs Et antIQUEs Jean-Philippe CHIMIER & Sandrine RIquIER N une série de 5 ensembles funéraires, datés de la in IIe s. avant J.-C. au IIe s. de notre ère, a été reconnue et partiellement fouillée sur la commune d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire). Ils comprennent environ 80 sépultures, se regroupent en deux zones, «Vaugrignon» et «La Haute-Cour» et se répartissent sur une surface totale de 15 ha. La nécropole de Vaugrignon a été fouillée en 1999 par S. Riquier et largement publiée depuis (riquier 2004). La seconde zone funéraire, la nécropole de «La Haute-Cour», est connue depuis le début du XXe s. et a été caractérisée à l’occasion de récentes opérations d’archéologie préventives (bobeau 1909 ; blanChard & ChiMier, riquier 2006 ; ChiMier 2009a ; ChiMier 2009b). Elle est elle-même composée de trois ou quatre ensembles distincts bien que proches les uns des autres. 1 Ces nécropoles constituent les éléments les mieux connus d’un site plus vaste, intégré au sein du corpus du Projet collectif de recherches (PCR) Agglomérations secondaires antiques de Région Centre. (Coord. C. Cribellier ; cf bellet et al. 1999, Cribellier et al. 2009 à paraître). un système d’information géographique a été élaboré dans ce cadre. Il regroupe l’ensemble de la documentation ancienne et les données plus récentes de l’archéologie préventive. Cet article dresse un bilan des connaissances sur les occupations funéraires et leur environnement, reprenant les données publiées antérieurement et complétées par les informations récentes (blanChard, ChiMier & riquier 2006 ). Il permet de poser les axes de recherche à venir sur le site protohistorique et antique d’Esvres. LEs EnsEMBLEs FUnéraIrEs IDEntIFIés 2 0 20 km Fig. 1 - Localisation de la commune d’Esvres-sur-Indre. 1. Territoire communal ; 2. Limites de la cité des Turons. Fond de plan : département d’Indre-et-Loire (infographie V. Chollet/Inrap d’après hervé 2007). des noyaux spatialement distincts les uns des autres et présentant des caractéristiques propres. Ils semblent être établis à la même période, durant le IIe s. avant J.-C., mais sont abandonnés progressivement, entre le milieu du Ier s. avant et le IIe s. après J.-C. «Vaugrignon» correspond à un ensemble unique alors que trois ou quatre ensembles constituent la nécropole de «La Haute-Cour». Tous n’ont été fouillés que partiellement (ig. 2). VAuGRIGNON Esvres-sur-Indre est une commune du département d’Indre-et-Loire (Région Centre), située dans la vallée de l’Indre, à 15 km au sud-est de Tours. Le bourg actuel est localisé sur le coteau nord de la vallée. Les ensembles funéraires sont tous situés en limite du bourg, sur le plateau. Esvres est localisée au centre du territoire reconnu comme celui de la cité des Turons (ig. 1 ; herVé 2007). Les cinq ensembles funéraires identiiés sont composés de petits groupes de sépultures, formant La nécropole de Vaugrignon compte une trentaine de tombes qui sont datées du milieu du IIe s. avant J.-C. à l’époque augustéenne ; elles se répartissent sur environ 1 000 m2 (riquier 2004). Les contraintes extensives du décapage ne permettent d’assurer que la limite nord de cette nécropole (ig. 3). Les tombes s’organisent selon 3 groupes distincts, distants de 10 à 16 m, alors qu’aucune limite ou contrainte topographique n’a pu été observée. L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question sur les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques. 85 RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Philippe ChiMier & Sandrine riquier, L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question sur les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques. N 5 3 2 4 1 1 2, 3, 4, 5 6 0 100 m Fig. 2 - Localisation cadastrale. 1. Localisation supposée de l’ensemble 1 de la Haute-Cour ; 2. La Haute-Cour, ensemble 2 ; 3. La Haute-Cour, ensemble 3 ; 4. La Haute-Cour, ensemble 4 ; 5. Vaugrignon. Chacun d’entre eux se compose de tombes d’enfants et d’adultes parmi lesquelles au moins une tombe de guerrier, caractérisée par le dépôt d’arme et d’amphore. une fourchette plus large, comprenant peut-être la période augustéenne et pour l’essentiel les Ier et IIe siècles de notre ère (riquier 2004, §9 ; blanChard 2005 ; blanChard & ChiMier, riquier 2006). L’organisation spatiale, l’association d’adultes et d’enfants, la nature des dépôts funéraires (fragments de manipule de bouclier déposés aux pieds de deux des enfants) suggère qu’il s’agit de groupements à caractères familiaux, dédiés à une classe sociale privilégiée (riquier 2004 ; voir aussi riquier 1999, 2000, 2007 et 2008b). Cet ensemble correspond à un espace funéraire composé d’enfants et d’adultes ; la composition des dépôts funéraires ne permet pas une caractérisation sociale. LA HAuTE-COuR, L’ENSEMBLE 1 En 1909, Octave Bobeau publie les résultats de fouilles réalisées sur le site de la Haute-Cour à Esvres (bobeau 1909). L’article s’attache essentiellement au mobilier issu des tombes. L’organisation générale du site est peu ou mal décrite. La localisation du site comme la topographie interne de la nécropole nous sont inconnues. L’auteur précise seulement qu’il s’agit d’inhumations d’adultes et d’enfants, réparties sur un hectare, alignées et orientées estouest. Les terrains fouillés sont traditionnellement identiiés à ceux jouxtant l’ensemble 2 au sud (dubois 1982, p. 143 ; blanChard, ChiMier & riquier 2006, p. 110-114 ; ChiMier 2009b). O. Bobeau date les sépultures qu’il a mises au jour du IIe siècle de notre ère. un examen préliminaire du mobilier déposé en mairie d’Esvres propose 86 LA HAuTE-COuR, L’ENSEMBLE 2 L’ensemble 2 de la Haute-Cour a en partie été fouillé durant l’hiver 2008. Vingt sépultures implantées autour d’un enclos (enclos 1) ont été reconnues sur environ 480 m², à l’occasion d’un décapage (ChiMier 2009b). Si les limites septentrionales et orientales de l’ensemble sont bien attestées dans l’emprise de cette fouille, l’occupation funéraire se poursuit dans les parcelles situées immédiatement au sud et à l’ouest du décapage (ig. 4, 5). L’acidité du sous-sol n’a pas permis la conservation des ossements : seule la sépulture d’adulte S110 a livré une partie des restes de l’individu. C’est la taille réduite de la plupart des fosses et surtout, pour 9 d’entre elles, celle des contenants des corps (jusqu’à 1,30 m lorsqu’ils ont pu être restitués) qui suggèrent des inhumations d’enfant pour la majorité des sépultures. RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Philippe ChiMier & Sandrine riquier, L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question sur les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques. N F.181 F.165 F.163 F.159 F.106 F.167 F.177 F.140 F.162 F.152 F.161 F.110 F.144 F.131 F.151 F.150 F.132 F.128 F.133 F.120 F.139 F.147 F.130 F.116 F.135 F.168 F.127 F.129 Tranchées du diagnostic F.125 Structures vues au diagnostic Sépultures Epandages de mobilier F.123 F.124 F.126 Structures médiévales Structures néolithiques 0 5m Fig. 3 - Vaugrignon : plan général de la fouille (d’après riquier 2004, ig. 3). 87 RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Philippe ChiMier & Sandrine riquier, L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question sur les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques. N S109 S1 S103 S101 Enclos 1 S110 S112 S114 S106 S102 S105 S2 S113 S100 S115 S108 S107 S104 S4 S111 S3 1 2 0 10m Fig. 4 - La Haute-Cour : plan général des structures funéraires de l’ensemble 2. 1. Sépultures ; 2. Enclos (infographie V. Chollet/Inrap). N S206 S201 S208 S203 S204 S200 S202 Enclos 2 S207 1 2 S205 3 0 10m Fig. 5 - La Haute-Cour : plan général des structures funéraires de l’ensemble 3. 1 et 3. Sépultures ; 2. Enclos (infographie V. Chollet/Inrap). 88 RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Philippe ChiMier & Sandrine riquier, L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question sur les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques. L’enclos 1 est constitué de 4 fossés formant un trapèze de 69 m². Il n’est pas possible de déterminer s’ils sont associés à des talus, à un tertre ou encore à une plate-forme. La sépulture S114 installée à l’intérieur est postérieure à sa mise en place ; elle est datée des années 60 à 120. son extension n’est pas reconnue, ses limites nord et est sont établies et il est topographiquement bien distinct des ensembles 3 et 4. En revanche, il est possible qu’il soit contigu à l’ensemble 1, dans l’hypothèse où un positionnement de ce dernier immédiatement au sud est retenu. Les inhumations sont réalisées en continu à partir de la in du IIe s. avant notre ère, jusqu’au début du IIe s. après J.-C. L’organisation générale du site permet cependant de déterminer deux phases qui correspondent à l’évolution de la topographie comme élément des pratiques funéraires. L’enclos est un élément structurant de l’ensemble, au moins de sa partie fouillée. Il est peut-être contemporain des premières inhumations. Les sépultures les plus anciennes (phase 1 : de -100 à +10 ; 11 sépultures) s’organisent globalement suivant un axe orienté selon le coté sud de l’enclos. à partir du premier quart du Ier s. de notre ère (phase 2 : de +10 à +120 ; 8 sépultures), la topographie du site est moins contraignante : les tombes sont installées autour de l’enclos et ne sont plus exclusivement cantonnées à l’espace situé au sud. La localisation de S114, qui constitue avec S1 la sépulture la plus récente du site, pourrait correspondre à une éventuelle 3e phase d’utilisation, où la fonction de l’enclos est abandonnée même s’il constitue toujours un élément attractif. LA HAuTE-COuR, LES ENSEMBLES 3 ET 4 L’ensemble 2 correspond ainsi à un espace funéraire composé en grande partie d’enfants, utilisé du IIe s. avant J.-C. au Ier s. de notre ère. Si Les ensembles 3 et 4 correspondent à deux groupes de sépultures fouillés séparément, dont l’étude est actuellement en cours. Il n’est pas encore possible de préciser s’il s’agit d’un ou de deux noyaux distincts (ChiMier 2009a ; ChiMier, CouVin & deleMont 2008). un espace de 25 m au maximum est inoccupé entre les deux ensembles, il résulte soit d’un effet de limite lié aux modalités de diagnostic, soit d’une modiication de la densité des sépultures, ou encore d’une réelle rupture de l’occupation funéraire entre les ensembles 3 et 4. Les limites ouest, nord et sud sont bien marquées. En revanche l’extension sud n’est pas connue, mais il est certain que cet espace funéraire ne se poursuit pas jusqu’à l’ensemble 2 (ig. 4, 6 et 7). Ces deux concentrations comprennent 22 sépultures avérées et 3 enclos reconnus sur une surface d’environ 630 m² (soit 300 m² pour l’ens. 3 et 330 m² pour l’ens. 4). Les restes osseux permettent de déterminer la présence de 2 adultes et 9 enfants appartenant aux classes d’âge 1-4 ans et 5-9 ans. Onze autres tombes n’ont pas livré d’ossements. N 1 2 3 S254 S250 Enclos 4 S255 S257 S261 S260 S258 S256 Enclos 3 S262 S251 S252 S253 S259 0 10m Fig. 6 - La Haute-Cour : plan général des structures funéraires de l’ensemble 4. 1 et 3. Sépultures ; 2. Enclos (infographie V. Chollet/Inrap). 89 RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Philippe ChiMier & Sandrine riquier, L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question sur les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques. N Hypothèse initiale L ’In 0 dre 500 m Seul l’enclos 2 a été fouillé intégralement. Il se compose de 4 tranchées formant une structure carrée de 98 m². Les deux autres enclos (3 et 4) sont hors emprise. Leur surface respective est estimée à 81 et 76 m². La datation précise des tombes est en cours mais les informations fournies par le mobilier céramique montrent qu’elles sont mises en place dans le courant du IIe s. avant J.-C. Alors que les sépultures de l’ensemble 4 sont toutes antérieures à la période augustéenne, au moins trois tombes de l’ensemble 3 sont datées du Ier s. de notre ère (+40/+70). N Hypothèse A LEs HYpotHèsEs DE topoGrapHIE FUnéraIrE L ’In 0 dre 500 m N Hypothèse B L ’In 0 dre 500 m N Hypothèse C L ’In 0 dre 500 m N Hypothèse D L ’In 0 90 dre 500 m Fig. 7 - Hypothèses de topographie funéraire (infographie V. Chollet/Inrap). L’hypothèse initiale, issue de la publication de Bobeau, considérait un espace funéraire unique daté de la période romaine et s’étendant sur un hectare (herVé 1991). En s’appuyant sur le mobilier (?) et peut-être sur la pratique de l’inhumation comme marqueur culturel du Bas-Empire, l’utilisation de la nécropole jusqu’au IVe siècle a été proposée (proVost 1988, p. 68). Avec la découverte de la nécropole de "Vaugrignon", situé à 300 m à l’est de l’emplacement supposé de la Haute-Cour, de nouvelles hypothèses ont été formulées (ig. 8). Suite à la fouille de 1999, un abandon strict puis un déplacement de la nécropole de "Vaugrignon" vers "La Haute Cour" à l’époque augustéenne (hypothèse A), ont été suggérés (riquier 2004, §9, 325). Cette déduction s’appuyait d’une part sur la mise en évidence d’une seconde nécropole à Esvres et d’autre part sur la continuité chronologique entre les deux ensembles. "Vaugrignon" pouvait ainsi constituer la nécropole gauloise et "La HauteCour" le cimetière antique d’un même site d’habitat occupé depuis l’époque gauloise. Après le diagnostic de 2005, qui a montré que l’ensemble 2 de "La Haute Cour" était en partie contemporain de celui de "Vaugrignon", l’hypothèse a été reformulée (blanChard, ChiMier & riquier 2006, p. 118) : soit il s’agit d’une vaste nécropole unique (hypothèse B), soit il s’agit de deux zones funéraires distinctes, se rattachant à la même occupation, mais ne « recrutant » pas la même catégorie de population (hypothèse C). Cette dernière proposition a alors été favorisée. En effet, les défunts de "Vaugrignon" appartiennent à un groupe privilégié : il s’agit de guerriers, éventuellement des auxiliaires gaulois de l’armée romaine (riquier 2008b, p. 74-75). Ils se distinguent manifestement de ceux de "La HauteCour" où ni armes ni amphores n’ont été mises au jour. La découverte des ensembles 3 et 4 a permis de préciser ces propositions. une nouvelle hypothèse (D) peut ainsi être maintenant avancée : celle d’une vaste aire funéraire constitué de plusieurs concentrations familiales ou sociales, occupant RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Philippe ChiMier & Sandrine riquier, L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question sur les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques. N 1 2 4 6 5 3 A B C 0 2 km Fig. 8 - Le site d’Esvres et son environnement de la in de l’âge du Fer au début de l’Antiquité. A. Emprise des ensembles funéraires de Vaugrignon et de la Haute-Cour ; B. Extension supposée de la l’agglomération antique ; C. Occupations rurales reconnues. 1. Les Billettes ; 2. Le Bois de la Duporterie ; 3. Vontes ; 4. La Vallée de Beaulieu ; 5. Sur Le Peu ; 6.Vaugrignon-Varidaine (infographie V. Chollet/Inrap d’après Chimier 2009c). l’espace situé en amont du site du bourg d’Esvres. "Vaugrignon" constituerait l’un d’eux, au même titre que ceux de "La Haute-Cour". La discontinuité spatiale est bien établie entre les groupements des ensembles 1 et 2 et des ensembles 3 et 4 de "La Haute-Cour" et bien sûr entre ces espaces funéraires et celui de "Vaugrignon". De plus, si le regroupement spatial des ensembles 3 et 4 de "La Haute-Cour" est possible, celui de l’ensemble 1 et de l’ensemble 2 reste hypothétique et ne s’appuie sur aucun élément iable. En outre certains ensembles présentent des spéciicités propres : sépultures de guerriers à "Vaugrignon" ou sépultures d’enfants dans l’ensemble 2 de "La Haute-Cour". Si tous les ensembles sont établis quasiment simultanément, dans la seconde moitié du IIe s. avant notre ère, ils sont abandonnés successivement de la période augustéenne au IIe s. après J.-C. Ce sont les plus excentrés, "Vaugrignon" et l’ensemble 4 de "La Haute-Cour" qui sont abandonnés les premiers. Il est possible que dans le courant du Ier siècle, la topographie funéraire se recompose : l’occupation jusqu’alors extensive se rétracte pour se concentrer dans le secteur de l’ensemble 1 de "La Haute Cour". Ce modèle multipolaire et son évolution en une nécropole unique, devra être soumis à une vériication passant par la prospection générale de la zone évoquée. néCropoLEs Et orGanIsatIon tErrItorIaLE LE MONDE DES VIVANTS : quELLE FORME DE L’HABITAT POuR quELLES NéCROPOLES ? Les interventions d’archéologie préventive se sont multipliées sur le territoire communal depuis 1998. Le site bénéicie d’un suivi patrimonial et scientiique soutenu, qui a permis de renouveler les connaissances antérieures provenant essentiellement de prospections au sol et de découvertes fortuites pour la plupart anciennes. Plus de 125 hectares ont maintenant été sondés, exclusivement au nord de l’Indre (ChiMier, dubois & 91 RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Philippe ChiMier & Sandrine riquier, L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question sur les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques. leroy 2007). Les informations issues des écrits de Grégoire de Tours (Historia Francorum ; Vitae Patrum, 19, Vita sanctae Monegundis) permettent de proposer l’hypothèse d’une agglomération secondaire antique à l’emplacement du bourg d’Esvres à la in de l’Antiquité (herVé 1991 p. 68, blanChard, ChiMier & riquier 2006, p. 119 ; ChiMier 2009c ; dubois 2009). La documentation archéologique est réduite à quelques découvertes fortuites anciennes et à des observations ponctuelles qui conirment l’occupation du site durant l’Antiquité (bobeau 1909, p. 216, 218 ; proVost 1988, p. 68 ; ChiMier 2008). Le bourg actuel occupe la vallée de l’Indre et le rebord du plateau, la zone est limitée par deux vallées perpendiculaires à la rivière. Cet espace, jusqu’à la nécropole de "La Haute-Cour", occupe environ 25 hectares. rapprocher les nécropoles d’Esvres avec un habitat en particulier. Elles peuvent tout autant relever d’un seul ou de plusieurs sites actuellement reconnus. La proximité de l’agglomération supposée a conduit pour l’instant à privilégier l’hypothèse d’une nécropole liée à ses premières phases d’occupation. Mais paradoxalement, c’est l’extension supposée du site de "La Haute Cour", envisagé initialement sur un hectare, qui a conduit à la considérer comme une nécropole d’agglomération (herVé 1991, p. 68). Par la suite, ce sont les espaces funéraires de "Vaugrignon" et de "La Haute-Cour" qui ont constitué les principales sources archéologiques en faveur d’une agglomération (blanChard, ChiMier & riquier 2006, p. 118-120)… Par ailleurs, les récents travaux d’archéologie préventive ont permis la découverte d’occupations rurales contemporaines des nécropoles, (ChiMier & GeorGes 2007), au "Bois de la Duporterie" (trebuChet 2007), aux "Billettes" (fouillet et al. 2007), à « La Vallée de Beaulieu » (Munos et al. 2007b ; CouderC et al. 2009, à "Vaugrignon-Varidaine" (Munos et al. 2007b) et à "Sur le Peu" (ChiMier et al. 2007 ; fouillet et al. 2009 à paraître). Les ensembles de comparaison locaux sont très rares, seules deux exemples de nécropoles contemporaines à celles d’Esvres sont connus dans la cité de Turons : la nécropole de la rue Grande à Tavant (riquier & sale 2006) et celle de "GrandOrmeau" à Sublaines (frenee 2008). Le cimetière de Tavant, partiellement fouillé, comprend 24 sépultures datées de la seconde moitié du Ier s. avant notre ère au IIIe s. après J.-C. Le site du "GrandOrmeau" à Sublaines correspond à une nécropole d’une trentaine de sépultures fonctionnant du début du second âge du Fer jusqu’au Ve siècle de notre ère. Cette nécropole se caractérise par sa densité d’occupation relativement faible compte-tenu de sa longue période d’utilisation et de la présence de 12 enclos funéraires attribués au second âge du Fer. un troisième site, composé d’enclos carrés datés de façon large de La Tène, sans sépultures associées, a été découvert aux "Vignes de la Cornicherie" à Sainte-Maure-de-Touraine (Cayol 2005). Aucun de ces exemples n’est cependant comparable aux nécropoles d’Esvres : il s’agit soit de petits ensembles, soit de nécropoles incomplètes. Dans tous les cas, le contexte est mal connu et il n’est pas possible de les associer à un habitat. à l’exception de "Vontes", dont les premières occupations reconnues sont datées de la in du Ier siècle après J.-C., ces sites, qui ont une origine protohistorique, perdurent durant les premiers siècles de l’Antiquité. Le site des " Billettes " est le plus ancien : la première période reconnue couvre la première moitié du IIe s. et le Ier s. avant J.-C. ; elle correspond aux premières occupations des nécropoles. La nature de ces sites est variable : occupations rurales ténues et mal déinies à "Vaugrignon-Varidaine", établissements agricoles bien documentés aux "Billettes", à "La Pièce des Goupillières" et à "La Vallée de Beaulieu", peutêtre une villa à "Vontes". Le site de "Sur le Peu" est actuellement en cours d’étude, mais les premières informations disponibles suggèrent à la fois une occupation précoce (IIe s. avant J.-C.) et importante, éventuellement un hameau agricole (informations N. Fouillet ; fouillet et al. 2009). Les fouilles et diagnostics montrent un territoire largement mis en valeur à la in de la Protohistoire et durant l’Antiquité, en périphérie nord de l’éventuelle agglomération. Ce point est d’autant plus à souligner que la documentation archéologique est quasi muette pour les périodes postérieures à l’Antiquité. Il ne semble pas s’agir d’un effet de source, des sites du haut Moyen âge, par exemple, ont été détectés ailleurs, notamment sur le tracé de l’autoroute A85 qui traverse Esvres et les communes limitrophes (par ex. tourneur 2005). 92 En l’état de la documentation, il est dificile de ENSEMBLES DE COMPARAISON Les nécropoles d’Esvres constituent un exemple local singulier, d’autant plus que nous ne disposons d’aucun exemple d’ensembles funéraires gaulois associés à des agglomérations. Les seules références en la matière sont celles des sites antiques, mais aucun ne présente une continuité chronologique de ses espaces funéraires de la période gauloise au Haut-Empire (note 1 et blanChard, ChiMier & riquier 2006, p. 120). L’exemple régional de topographie funéraire urbaine le plus proche pourrait être celui 1 - Seules les agglomérations antiques d’Allaines (Eureet-Loir ; selles 1999 ; JalMain, olaGnier & selles 2009), d’Orléans (Loiret ; GeorGes, Joyeux & riquier 2006) et peut-être celle de Fréteval (Loir-et-Cher ; aubourG & Josset 1994) ont aussi livré des sépultures gauloises. RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Philippe ChiMier & Sandrine riquier, L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question sur les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques. de Saint-Marcel-Argentomagus, dans la première moitié Ier s. de notre ère. Deux ensembles, "Les Ripottes" et "Les Palais", sont installés en arrière de l’oppidum celtique, à la charnière du quartier du plateau des Mersans et de l’extension urbaine antique des Courattes (allain, fauduet & tuffreaulibre 1992, p. 220-228 ; duMasy & paillet 2002, p. 60 ; durand 2002, p. 107-108 ; CouVin et al. 2007, p. 37-38, 50). La documentation extra régionale concernant les nécropoles d’agglomérations est aussi relativement indigente (fiChtl 2005, p. 163-165). Toutefois, la distinction sociale entre l’ensemble de "Vaugrignon" et au moins une partie de ceux de "La Haute-Cour" n’est pas sans rappeler l’organisation des nécropoles du Titelberg (Metzler, Metzler-zens & Méniel 1999 ; blanChard, ChiMier & riquier 2006, p. 120) ou encore celles d’Acy-Romance (laMbot & Méniel 2000, p. 104-120), même si la quantité et la qualité des données concernant Esvres n’est pas comparable à ces deux exemples. pErspECtIvEs DE rECHErCHE Esvres apparait comme un site complexe occupé depuis le IIe s. avant notre ère, dont les nécropoles constituent à la fois les éléments les plus anciens et les mieux documentés archéologiquement. Ce sont elles qui révèlent l’origine protohistorique et antique des occupations connues par les textes : le vicus de l’Antiquité tardive et l’agglomération du haut Moyen âge. La nature de l’habitat auquel elles se rapportent reste toutefois inconnue et l’hypothèse d’une agglomération de la in de l’âge de Fer, comme celle d’un réseau d’établissements ruraux, sont toutes deux à prendre en considération. La caractérisation du site dans son ensemble passe par l’intégration des données existantes dans le SIG mis en œuvre dans le cadre du PCR Agglomération secondaires antiques de Région Centre et la production de documentation nouvelle, issue de l’archéologie programmée comme d’opérations préventives. Les diagnostics semblent montrer une occupation spéciique de l’espace rural. Elle sera à conirmer dans la mise en œuvre d’une évaluation archéologique globale d’Esvres et de son territoire passant par la réalisation de prospections au sol. BIBLIoGrapHIE ALLAIN Jacques, FAuDuET Isabelle & TuFFREAuLIBRE Marie (1992) - La nécropole gallo-romaine du "Champ de l’Image" à Argentomagus (Saint-Marcel, Indre), 3e supplément à la Revue Archéologique du Centre de la France, Tours, Féracf. AuBOuRG Viviane & JOSSET Didier (1994) - Fréteval (Loir-et-Cher), déviation de Fontaine, RN 10, Document inal de synthèse, Orléans, SRA Centre, consultable à la DRAC du Centre. BEL Valérie (2002) - Pratiques funéraires du Haut-Empire dans le Midi de la Gaule. La nécropole gallo-romaine du Valladas à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), Monographie d’Archéologie Méridionale, 11, Lattes, 539 p. BELLET Michel-édouard, CRIBELLIER Christian, FERDIERE Alain & KRAuSZ Sophie (1999) dir. Agglomération secondaires antiques en Région Centre, 17e supplément à la Revue Archéologique du Centre de la France, vol. 1, Tours, Féracf, BLANCHARD Philippe et al. (2005) - Esvres-sur-Indre, (Indre-et-Loire), "Derrière le Parc", rue du chanoine Carlotti, redécouverte du cimetière antique de la Haute-Cour, rapport d’évaluation archéologique, INRAP, Tours, SRA Centre, consultable à la DRAC du Centre. BLANCHARD Philippe, CHIMIER Jean-Philippe & RIquIER Sandrine (2006) - Nouvelles considérations sur les espaces funéraires protohistoriques et antiques du site d’Esvressur-Indre (Indre-et-Loire), Ensembles funéraires gallo-romains de la région Centre, vol. 1, 29e supplément à la Revue Archéologique du Centre de la France. BOBEAu Octave (1909) - « Fouilles d’un cimetière galloromain à Esvres (Indre-et-Loire) », Bulletin archéologique du Comité des Travaux Historiques et Scientiiques, p. 216230. CAyOL Nicolas (2005) - Sainte-Maure-de-Touraine, "Les Vignes de la Cornicherie" (Indre-et-Loire), Rapport inal d’opération de diagnostic archéologique, INRAP, Tours, SRA Centre, consultable à la DRAC du Centre. CHIMIER Jean-Philippe (2008) - Découverte fortuite de vestiges antiques à Esvres-sur-Indre. Rue du stade, novembre, note adressée à la DRAC du Centre, 15 décembre. CHIMIER Jean-Philippe (2009a) - « Les ensembles funéraires de la Haute-Cour à Esvres-sur-Indre (37), Ier s. avant n.-è / IIe s. ap. J.-C. », Bulletin de l’Association française pour l’étude de l’âge du Fer, 27. CHIMIER Jean-Philippe et al. (2009b) à paraître - Esvressur-Indre (Indre-et-Loire), La nécropole de La Haute-Cour, ensemble 2. Fouille de la rue du chanoine Noël Carlotti, janvierfévrier 2008, Rapport Final d’Opération, INRAP, Tours, SRA Centre, consultable à la DRAC du Centre. CHIMIER Jean-Philippe (2009c) à paraître - « Esvres-surIndre et son territoire » dans ZADoRA-RIo élizabeth (dir.) - Atlas archéologique de Touraine, http://a2t.univtours.fr/, uMR 6173 CITERES, Laboratoire Archéologie et Territoires. CHIMIER Jean-Philippe, COuLON Jean-François, CHAMBON Marie-Pierre & RIquIER Sandrine (2007) - Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire), L’établissement rural protohistorique et antique de "Sur le Peu", lotissement des Allées du Peu, Rapport d’évaluation archéologique, INRAP, Tours, SRA Centre, consultable à la DRAC du Centre. CHIMIER Jean-Philippe, COuVIN Fabrice & DELEMONT Marielle (2008) - Esvres-sur-Indre, (Indre-et-Loire), Rue de la Haute-Cour, Rue du chanoine Carlotti, parcelle E2613, évaluations d’avril 2008, Dossier de Synthèse (diagnostics), INRAP, Tours, SRA Centre, consultable à la DRAC du Centre CHIMIER Jean-Philippe, DuBOIS Jacques & LEROy Damien (2007) - « 1997-2007 : 10 années d’archéologie préventive à Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) », Bulletin de la Société Archéologique de Touraine, 53, p. 95-98. CHIMIER Jean-Philippe, GEORGES Patrice (2007) - « L’évaluation archéologique du "Clos-Rougé" à Vontes, commune d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : 93 RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Philippe ChiMier & Sandrine riquier, L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question sur les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques. un établissement rural gallo-romain réoccupé durant le haut Moyen âge », Bulletin de la Société Archéologique de Touraine, 53, p. 83-94. COuDERC et al. (2009) - Esvres-sur-Indre, "Vallée de Beulieu" (2), Les jardins du Vallon (Indre-et-Loire), Rapport Final d’Opération, INRAP, Tours, SRA Centre, consultable à la DRAC du Centre. COuVIN et al. (2007) - Le site funéraire de Saint-Marcel "Les Palais" (Rue du Rio), Rapport Final d’Opération, INRAP, SRA Centre, Tours. CRIBELLIER Christian (2009) dir. - Agglomération secondaires antiques en Région Centre, supplément à la Revue Archéologique du Centre de la France, vol. 2, Tours, Féracf, à paraître. DuBOIS Jacques (1982) - « Archéologie aérienne. Prospections 1981 en Touraine », Bulletin de la société archéologique de Touraine, p. 133-152. DUBoIS Jacques (2009) - « Esvres (37) », dans CRIBELLIER 2009 à paraître. DuMASy Françoise & PAILLET Patrick (2002) dir. Argentomagus, nouveau regard sur la ville antique, catalogue d’exposition, musée d’archéologique d’Argentomagus. DURAND Raphaël (2002) - « Mourir à Argentomagus », dans DuMASy & PAILLET 2002, p. 107-112. FICHTL Stephan (2005) - La ville celtique. Les oppida de 150 avant J.-C. à 15 après J.-C., 2000, réed. 2005, Paris, Errance. FOuILLET Nicolas et al. (2007) - L’établissement rural protohistorique et antique "Les Billettes" découvert à Esvres sur le Tracé de l’autoroute A85 (37 179 026 AH), Bulletin de la Société Archéologique de Touraine, 53, p. 69-76. FOuILLET Nicolas et al. (2009) à paraître - Esvres-surIndre (Indre-et-Loire), L’établissement rural protohistorique et antique de "Sur le Peu", lotissement des Allées du Peu, Rapport Final d’Opération, INRAP, Tours, SRA Centre, consultable à la DRAC du Centre. FRENEE Eric (2008) dir. - A85 Sublaine "Le Grand Ormeau" (Indre-et-Loire), Rapport Final d’Opération, INRAP, Tours, SRA Centre, consultable à la DRAC du Centre. GEORGES Patrice, JOyEuX Pascal & RIquIER Sandrine (2006) - « une mandibule dans une fosse gauloise du site de la "Place de Gaulle" à Orléans : anecdote ou information archéologique ? », Revue Archéologique du Loiret, 29, p. 39-42. GRéGoIRE DE ToURS - « Historia francorum » dans Monumenta Germaniae Historica, Scriptores rerum merovingicarum, Libri Historiarum X, tomus I, pars I, fasc II (lib. VI-X), B. Krusch et W. Levison, Hanovre, 1942. GRéGOIRE DE TOuRS - Vitae Patrum dans Monumenta Germaniae Historica, Scriptores rerum merovingicarum, Gregorii episcopi Turonensis miracula et opera minora, tomus I, pars II, B. Krusch, Hanovre, 1885. HERVE Christèle (1991) - Les agglomérations secondaires de la Civitas Turonorum, mémoire de maîtrise sous la direction de N. Gauthier, université F. Rabelais, Tours : 65-68. 94 HERVE Christèle (2007) - « De la cité des Turons au diocèse de Tours », Atlas Archéologique de Touraine, http:// a2t.univ-tours.fr/notice.php?id=16, 2007. JALMAIN Dominique, OLLAGNIER Anne & SELLES Hervé (2009) à paraître - « Allains-Mervilliers (28) » dans Agglomérations secondaires antiques en région Centre, vol. 2, à paraître. LAMBOT Bernard & MéNIEL Patrice (2000) - « Le centre communautaire et cultuel du village gaulois d’AcyRomance dans son contexte régional » dans VERGER Stéphane (2000) dir. - Rites et espaces en pays celtes et méditerranéen : étude comparée à partir du sanctuaire d’AcyRomance (Ardennes, France), Coll. l’école française de Rome, 276, p. 7-139. METZLER Jeannot, METZLER-ZENS Nicole & MéNIEL Patrice (1999) - Lamadeleine : une nécropole de l’oppidum du Titelberg, Luxembourg, Dossier d’Archéologie du Musée National d’Histoire et d’Art, 1. MuNOS Matthieu et al. (2007a) - Esvres, "Vaugrignon", Varidaine, 37, Rapport de diagnostic archéologique, INRAP, Tours, SRA Centre, consultable à la DRAC du Centre. MuNOS Matthieu et al. (2007b) - Esvres, "Vallée de Beaulieu", Les jardins du vallon 2, 37, Rapport de diagnostic archéologique, INRAP, Tours, SRA Centre, consultable à la DRAC du Centre. PROVOST Michel (1988) - Indre-et-Loire, 37, coll. Carte archéologique de la Gaule, Académie des Inscriptions et Belles Lettres : 68. RIquIER Sandrine (1999) dir. - Vaugrignon II, Document Final de Synthèse, INRAP, Tours, SRA Centre, consultable à la DRAC du Centre. RIquIER Sandrine (2000) - « Esvres-sur-Indre, Vaugrigon II », Bulletin de l’Association française pour l’étude de l’âge du Fer, 18. RIquIER Sandrine (2004) - La nécropole gauloise de "Vaugrignon" à Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire), Revue archéologique du Centre de la France, Tome 43, [En ligne], mis en ligne le 01 mai 2006. uRL : http://racf.revues.org/ index100.html. Consulté le 25 février 2009. RIquIER Sandrine (2007) - « La nécropole d’Esvressur-Indre (Indre-et-Loire) » dans BERTRAND Isabelle & MAGuER Patrick (2007) - De pierre et de terre, les gaulois entre Loire et Dordogne, catalogue de l’exposition de Chauvigny, 15 mai - 14 octobre 2007, Association des publications chauvinoises, Mémoire XXX, p. 148-151. RIquIER Sandrine (2008a) - « L’armement républicain dans les sépultures de Gaule centrale » dans PoUX Matthieu (dir.) - Sur les traces de Cérar, Actes de la table ronde de Glux-en-Glenne du 17 octobre 2002, Bibracte, 14, Glux-en-Glenne. RIquIER Sandrine (2008b) - « La nécropole gauloise de Vaugrignon à Esvres-sur-Indre », Les dossiers d’Archéologie, 326, Dijon, p.72-75. RIquIER Sandrine & SALE Philippe (2006) - La nécropole du Haut-Empire de Tavant (Indre-et-Loire), Ensembles funéraires gallo-romains de la région Centre, vol. 1, 29e supplément à la Revue Archéologique du Centre de la France, p. 7-108. SELLES Hervé dir. (1999) - Une agglomération secondaire pré-romaine et romaine. Allaines-Mervilliers, liaison RN 154 - A10, Document inal de synthèse, AFAN, orléans, SRA Centre, consultable à la DRAC du Centre. RAP - 2009, n° 3/4, Jean-Philippe ChiMier & Sandrine riquier, L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question sur les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques. TREBuCHET émilie (2007) - « un établissement rural protohistorique et antique au "Bois de la Duporterie" à Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) », Bulletin de la Société Archéologique de Touraine, 53, p. 77-81. TOuRNEuR Jérôme (2005) - L’habitat mérovingien de Truyes "Les Grandes Maisons" (Indre-et-Loire), Rapport Final d’Opération, INRAP, Tours, SRA Centre, consultable à la DRAC du Centre. Les auteurs Jean-Philippe Chimier, INRAP, centre archéologique de Tours, uMR 6173 Citeres - LAT Sandrine Riquier, INRAP, centre archéologique d’Orléans, uMR 8546 AOROC résumé Cinq ensembles funéraires de la in de l’âge du Fer, dont une partie perdure durant le Haut Empire, sont connus à Esvres-sur-Indre. Différentes hypothèses de topographie funéraire ont été proposées ; la plus récente suggère une zone funéraire composée de plusieurs petits ensembles familiaux ou sociaux. L’habitat auquel ces nécropoles se rapporte n’est pas identiié mais il pourrait s’agir d’une agglomération, à l’origine du bourg actuel. Mots-clefs : nécropoles, topographie funéraire, organisation territoriale, La Tène inale, Haut Empire, Turons. abstract Five burial groups of the late Iron Age, some of which were still in use up until the Early Roman Empire, are known at Esvres-sur-Indre. Different hypothesis for the burial organisation have been proposed. The most recent one suggests a burial area composed of a few small family or social groups. The dwelling zone associated with this necropolis, although it has not been identiied, could be an agglomeration that gave rise to the current village. Keywords : cemeteries, funeral topography, territorial organisation, late La Tène, Early Roman Empire, Turons. Zusammenfassung In Esvres-sur-Indre sind fünf an das Ende der Eisenzeit datierte Bestattungsensembles bekannt, einige bestehen in der frühen Kaiserzeit weiter. Verschiedene Hypothesen der Bestattungstopographie wurden vorgeschlagen; die neueste legt einen Grabbereich mit mehreren kleinen familiären oder sozialen Ensembles nahe. Der Siedlungsbereich, zu dem diese Nekropolen gehören, wurde nicht identiiziert, doch es könnte sich um eine Siedlung handeln, aus der sich der moderne Ort herausgebildet hat. Schlüsselwörter: Nekropolen, Bestattungstopographie, territoriale Organisation, Spätlatène, Frühe Kaiserzeit, Turonen Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr). 95 RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer DIsCUssIon tHèME : LEs IMpLantatIons Modérateur Jean-paul DEMoULE Marc Talon pour Nathalie Buchez M. T. : Je ne suis pas spécialiste du second âge du Fer, mais je voulais attirer votre attention sur les problèmes de taphonomie liés à l’acidité des sols et notamment du fait de la couverture lœssique du Nord de la France. En effet dans ce type de sol, les ossements, qu’ils soient animaux ou humains, ne se conservent pas, mais l’on a déjà pu mettre en évidence pour l’âge du Bronze et le début de l’âge du Fer, des structures en creux avec des dépôts funéraires, l’emplacement supposé d’un inhumé qui a disparu, aussi je voulais savoir si vous aviez pu faire ce même constat pour les périodes qui nous intéressent aujourd’hui, ce qui pourrait permettre d’expliquer ce défaut d’inhumés aussi important et qui comme par hasard coïncide avec ces zones là ? N. B. : Pour la Somme, qui est dans ces zones là, il y a effectivement ce type de problème de conservation qui est attesté à partir de La Tène B2. On a des fosses avec du matériel qu’on a tendance à attribuer à des inhumations non préservées, mais cela ne règle pas le problème du déicit pour les périodes antérieures, c’est-à-dire pour le reste de La Tène ancienne. Jean-Paul Demoule pour Nathalie Buchez J.-P. D. : Vous pensez que ce n’est pas un déicit taphonomique ? N. B. : Ou alors ce serait des fosses complètement vides et non reconnues comme funéraires de ce fait ? J.-P. D. : Ou alors c’est hors des zones concernées par l’archéologie préventive ? N. B. : Peut-être puisque effectivement dans la Somme, on travaille plutôt sur les plateaux, et pas dans les vallées, contrairement aux autres régions. Germaine Leman-Delerive pour Sophie Oudry G. L.-D. : évidemment travailler dans le cadre du Nord - Pas-de-Calais, c’est très intéressant, c’est très facile, mais à mon avis cela pose quand même un petit problème, parce que quand vous parlez de sépultures atypiques, en fait ce qu’il faudrait voir c’est que vous vous trouvez à ce moment là dans les Flandres et il faudrait chercher de l’autre côté de la frontière et là vous verriez que l’on se trouve dans toute une série de manifestations funéraires qui vont jusqu’au sud de la Hollande. à ce moment là je ne sais pas si l’on peut garder le terme d’atypique ? Il faut que vous m’expliquiez parce là cela me dérange un petit peu. S. O. : Je les appelle « atypiques » par rapport au nombre total de sépultures qui vraiment détonne sur le nombre de sépultures à incinération, pour moi elles ne sont pas uniquement localisées dans les Flandres, il y en a aussi quelques-unes dans l’Artois et sur la frange nord du Cambrésis, voilà. G. L.-D. : Oui. S. O. : On est tout à fait d’accord, effectivement ça me paraît tout à fait indispensable d’aller chercher du côté de la Belgique. G. L.-D. : Il ne faut pas vous arrêter là. S. O. : C’est une première étape, c’est prévu puisqu’il n’y a pas de raisons de s’arrêter à la frontière actuelle, qui n’a pas de sens. Stéphane Rottier pour Lola Bonnabel et Sylvie Culot S. R. : Vous avez montré un début de rélexion sur les espaces vides autour des monuments, est-ce que vous pouvez évoquer les hypothèses que vous avez par rapport à ça ? J’ai cru voir des calculs mathématiques, j’aurais voulu avoir des éclaircissements. L. B. : Je vais passer le micro à Sylvie Culot. S. C. : Je vais essayer de répondre. En fait, c’est un début de travail comme l’a expliqué Lola dans le cadre d’un PAS sur les nécropoles de l’âge du Fer, le travail que j’ai effectué avec la collaboration de tous ceux qui participent au PAS s’est concentré autour des monuments qui étaient reconnus sur une même nécropole. Comme on a pu le voir sur la ZAC de La Neuvillette, où autour de ces monuments il y a un espace vide qui est assez particulier et assez lagrant, qui peut s’élever jusqu’à une trentaine de mètres pour certains. Cela va entre 18 et plus de 35 m à peu près, une mise en valeur de ces espaces vides par le tracé de grands cercles a été réalisée. Dans un second temps j’ai aussi essayé d’appliquer ces espaces vides sur des tombes qui étaient isolées. Sur la ZAC de La Neuvillette, certaines sépultures présentent un vide de toute structure visible allant jusqu’à 25 m de rayon, ce qui est assez énorme. On peut par conséquent imaginer un module de monument reconnu sur le site et l’appliquer sur ces tombes dites isolées pour essayer de voir, d’imaginer un monument vu du ciel. L. B. : Nous avions déjà, depuis un certain temps, l’impression qu’il y avait des sortes de « rythmes » dans l’organisation des nécropoles. De plus, on sait que des monuments ont pu exister et ne laisser aucun enclos. Par exemple, je vous ai parlé tout à l’heure des tumulus lithiques que nous avons pu reconnaître à la fouille à Val de Vesle. Nous avons essayé d’identiier et de mettre en valeur graphiquement ces « rythmes » de toutes sortes de manières, notamment en travaillant sur les alignements. Le travail de Sylvie, s’appuyant sur des cercles, a permis de clariier plusieurs points. Il met en particulier en valeur deux choses, certes la présence de ce qu’elle appelle des « vides » autour de monuments avérés et autour d’autres tombes qui étaient, de fait, peut-être monumentales, mais elle montre également des systèmes de distances répétées entre certaines tombes isolées qui contribuent à expliquer justement cette impression de rythme que nous avions. C’est particulièrement frappant à la Neuvillette où des tombes sont agglomérées en petit groupe tandis que des tombes isolées structurent l’ensemble soit par le « vide » qu’elles initient, soit par le rythme qu’elles paraissent donner en étant disposées selon des distances équivalentes. Jean-Paul Demoule : Il y a effectivement des conigurations qui évoquent Bucy-le-Long - Sophie Desenne peut sûrement le conirmer - avec des agglomérations de tombes à La Tène A, la première période de la nécropole. Puis la nécropole éclate, avec des tombes qui vont avoir un peu ce même rôle de délimitation au 97 RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer début de la période suivante (La Tène B1), et puis après le reste des tombes va s’organiser à l’intérieur de ce nouvel espace. Sophie Desenne : à Bucy, comme Jean-Paul l’a très bien dit, on a quatre tombes à char, dont une tombe qui semble structurer l’espace ou jouer un rôle important dans l’organisation de la nécropole. En effet, les tombes sont implantées autour d’un espace vide sur deux phases et à la troisième phase l’espace vide qui est très bien délimité sert de lieu d’implantation d’une tombe à char, comme si le lieu avait été préservé pour la défunte. Il y a déjà ce premier phénomène, ensuite les autres tombes monumentales ont plutôt l’air de marquer la périphérie du site et c’est vrai que c’est un site qui a une durée d’occupation d’environ 5 phases, et à partir de la quatrième phase on voit l’organisation de la nécropole qui change complètement, puisqu’au début c’est plutôt nordsud et après il y a une organisation est-ouest beaucoup plus lâche et là il y a des tombes féminines qui semblent délimiter le cimetière. Sophie Desenne pour Lola Bonnabel S. D. : Je voulais savoir, les tombes à char que vous avez présentées ont dans certains cas un espace vide préservé autour du monument, et d’autres cas, où au contraire, vous avez des agglomérations de tombes autour, comme si elles fédéraient des tombes, il y a un cas que vous avez présenté. L. B. : Sylvie Culot, a calculé l’étendue des vides autour des tombes monumentales puis a appliqué de manière systématique des modules théoriques autour des tombes isolées. à la Neuvillette, il y a effectivement dans un cas des tombes qui s’organisent en arc de cercle autour d’un monument qui pourrait être plus ancien mais à distance, autour du vide. Et aussi, toujours sur ce site, pour le monument qui pourrait être plus ancien, et pour les deux autres qui sont des monuments de l’âge du Fer (avec des tombes centrale, dont une à char), dans ce grand espace qui est conçu comme vide, qui est respecté comme vide parce qu’il entoure une tombe particulière, les trois fois, ce vide accueille une tombe. L’enclos de la tombe à char lui-même est réoccupé aussi par une sépulture. Il y a une espèce de vide symbolique, qui peut dans certains cas être respecté ou effectivement réoccupé. Stéphane Rottier : Ces problèmes, ces constatations d’espaces que moi j’ai appelé « réservés » pour l’âge du Bronze parce j’avais fait cet exercice il y a quelques années, où l’on retrouve exactement la même chose, des zones où on n’a pas du tout implanté. On a appelé cela réservé plutôt que vide pour éviter d’avoir cet aspect de néant, alors qu’au contraire à mon avis c’est un espace qui est plein, tellement plein de sens qu’on ne met pas n’importe quoi à l’intérieur. Voilà c’est des choses effectivement qui semblent se retrouver, on est décalé dans le temps, mais on a exactement cette structuration avec des tombes qui semblent isolées et qui en fait sont loin d’être isolées. Elles sont au sein de cet espace réservé, elles structurent l’ensemble de la nécropole et là je suis assez intéressé pour voir exactement la même chose à mille ans d’écart. L. B. : Il y a, comme tu le dis, ce qui se passe autour des monuments, mais il y a également des vides allongés, parfois en entonnoir, que j’ai appelé « axes de circulation ». C’est une façon de parler car ils sont très vastes, ils peuvent comme à Val de Vesle accueillir des constructions, qui ne sont pas sépulcrales puisqu’elles ne livrent pas de défunts, mais qui sont funéraires au sens qu’elles participent sans doute à la fonction funéraire du lieu et doivent attirer des pratiques liées à cette fonction Pascal Joyeux : Oui, à propos des monuments, des vides autour, il y a l’exemple de ce qu’a fouillé David Josset à Chevilly sur l’A19. Effectivement, il a un enclos quadrangulaire entouré d’une palissade circulaire, pour le vide circulaire, c’est un exemple parfait, il n’y a pas de sépulture dans ce cercle, en revanche c’est là qu’on a les dépôts de chiens couplés, on se demande si cela 98 relève du rite funéraire avant l’ensevelissement parce que les tombes sont autour de la palissade, on a vraiment l’impression que ce vide n’est pas si vide que cela, qu’il y a vraiment une vraie signiication. Jean-Paul Demoule pour Lola Bonnabel et Vincent Desbrosse J.-P. D. : qu’est ce qu’on peut dire par rapport aux habitats dans l’état actuel ? L. B. : Je vais passer à Vincent ! Plutôt la relation entre les deux ? J.-P. D. : Oui la relation entre les deux, et le fait que l’on a plutôt l’impression qu’il s’agit d’habitats dispersés. L. B. : Je ne suis pas la meilleure personne pour parler de cela ! V. D. : Oui, en fait c’est le début de la recherche, pour le colloque, j’ai commencé à travailler avec Lola sur ce thème, c’est vraiment les premières impressions ! Mais, on a vraiment un problème au niveau des données, déjà au niveau de l’archéologie préventive il faut avoir des surfaces assez particulières pour avoir l’habitat et le site funéraire. Et ensuite, les sites d’habitats semblent peu denses, donc pour qu’il y ait une prescription de fouille pour voir vraiment comment cela s’organise, c’est plus dificile ! Bon après ce qui avait été fouillé sur le Barreau par Alain Koeller, et c’est Sophie Desenne qui avait fait l’étude céramique, on voyait qu’il y avait trois fosses qui étaient à proximité les unes des autres qui appartenaient à la même phase et une fosse qui était à quelques dizaines de mètres, d’une phase plus récente. On est dans des secteurs où l’on a vraiment très peu de traces. Et c’est sûr, que quand on voit l’organisation des cimetières dans le secteur de Witryles-Reims/Caurel, c’est Lola qui connaît mieux ! On voit que l’on n’a pas un groupement de tombes, mais plutôt une tombe autour de laquelle s’agrègent des tombes plus récentes. Donc on aurait plus l’idée de petits noyaux qui viennent enterrer sur une ligne de relief. Mais là l’habitat, on n’en a pas assez. L. B. : Je crois que la question de Jean-Paul est plus sur l’organisation. C’est plutôt comment se structure l’espace domestique pendant cette période ? En gros l’espace funéraire s’organise avec des vides, des pleins, des groupes et des alignements et comment se structure l’espace habité ? V. D. : C’est plutôt des petits noyaux ouverts. J.-P. D. : On peut avoir le modèle de plusieurs noyaux d’habitats utilisant une même nécropole ou bien d’autres conigurations. V. D. : Non mais il y a des sites qui ont été fouillés il n’y a pas longtemps, on est un peu avant, c’est quand même plutôt des habitats … L. B. : On peut imaginer qu’il puisse y avoir une espèce de relet ou de réponse entre la façon d’organiser l’espace domestique et l’organisation de l’espace funéraire. Nous l’avons proposé pour un site néolithique par exemple. Pour la zone de Witry, comme dit Vincent, il y a des petits habitats et des petits noyaux de tombes. Le problème c’est que l’on ne sait pas pour l’instant si ces petits groupes de tombes s’organisent entre eux. à La Neuvillette, on a eu la chance de décaper 3 hectares, il y a des petits groupes qui sont organisés en une nécropole. à Caurel ou Witry, l’échelle est plus grande, il faudra voir encore au il des opérations de sondages et de fouille si l’on peut mettre en évidence une organisation générale à confronter à celle des habitats. V. D. : Moi je pense qu’il y a un gros problème de détection, j’ai un exemple en tête c’est pour le Hallstatt C/D, il y avait un trou de poteau dans un sondage, soixante mètres plus loin il y avait un autre trou de poteau dans un sondage, et on fait des fenêtres autour et on ne comprend pas trop, et en fait on avait une ligne entre les deux qui était reliée. En fait si on prend, quand on fait les sondages on a tendance à suivre les reliefs si on a une implantation perpendiculaire à la ligne de sondage, si on a un chablis ou un trous d’obus qui vient manger RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer un trou de poteau, le site, on ne va pas le comprendre. Donc après pour comprendre comment cela s’organise ce n’est vraiment pas évident d’arriver à détecter des sites d’habitat. Et si on a un silo et qu’il y a un trou de poteau un peu plus loin, il va y avoir plus d’hésitation à prescrire la fouille. Alors que s’il y a deux, trois tombes de La Tène ancienne, on sait que là ce sera plus facile de prescrire. J.-P. D. : C’est vrai qu’il y a un problème global de la prescription. Nous avions tâché de montrer collectivement lors de la table ronde de Châlons-en-Champagne tenue en 2005 (et publiée) qu’il fallait effectivement travailler sur de grandes surfaces - et essayer de faire passer ce message à nos collègues des CIRA, par exemple. Car on rencontre encore très souvent cette idée, qui remonte au XIXe siècle, que l’on n’ouvre des fenêtres que là où on a trouvé quelque chose, et pas plus. Alors que l’archéologie spatiale, celle des grandes surfaces, cela existe maintenant depuis trente ou quarante ans au moins un peu partout dans le monde. Et pour ceux qui travaillaient dans les vallées alluviales et sur les carrières, inalement le système des diagnostics en tranchées, c’est un progrès à l’échelle de toute la France parce qu’il y a eu généralisation de l’archéologie préventive, mais cela a plutôt été une régression là où il y avait jusque là des décapages intégraux, sous surveillance archéologique, liés aux carrières. V. D. : En fait la plaine crayeuse a un avantage, on n’a pas les mêmes densités que dans les vallées alluviales. on arrive quand même à assez bien isoler un noyau, quand on a un noyau, on est à peu près sûr qu’il est homogène, cela va assez bien. Mais par contre, le fait que les noyaux soient isolés, cela fait des faibles densités, donc après si on est en carrière et que l’on a une occupation de La Tène ancienne qui se superpose à une occupation du Bronze inal, on a une densité de structures, après on a des problèmes pour démêler les différentes occupations mais au moins on a une densité pour prescrire alors que si on a des petits noyaux pas denses c’est sûr que l’on va avoir un problème de prescription. Et par exemple pour Vatry, il y a un ensemble funéraire, après il y a quelques structures de La Tène, qui sont trouvées à proximité c’est parce qu’il y a un site romain qui a été fouillé, donc il y a une grosse densité pour l’occupation romaine, après sur le décapage, on trouve des occupations antérieures mais il n’y aurait pas eu d’occupation romaine au même endroit peut être que l’on n’aurait pas eu les informations sur l’habitat qui se trouve à 50 mètres ou 135 mètres du site funéraire. Donc pas facile d’en parler. J.-P. D. : Oui, cela demande un peu plus d’imagination dans la prescription, y compris en se disant que l’on prévoit de décaper large et que, s’il n’y a rien, la fouille s’arrêtera là ; ce n’est donc pas forcément un problème de coût. V. D. : non non, parce qu’en plus une fouille d’habitat protohistorique ce n’est pas ce qui coûte le plus cher, une fois que c’est décapé, surtout sur la plaine crayeuse, on a 30 cm de terre à enlever, après cela se mécanise bien donc ce n’est pas un problème de coût, c’est plus la prise de risque. Bernard Lambot à la communauté B. L. : Je sais bien que ce n’est plus à la mode, mais je pense qu’il serait nécessaire d’aller relire quelques archéologues qui ont publié quand même les seules nécropoles qui ont été fouillées intégralement. D’abord fouillées et publiées intégralement, c’est à dire d’aller relire Rozoy, puis j’encourage tout le monde à ce moment là de commencer au premier mot et de inir au dernier mot. Et depuis ce matin, j’entends toutes les questions que Rozoy se posait, en abordant énormément d’aspects, notamment sur le recrutement funéraire, sur les interventions dans les tombes, sur les espaces autour des enclos, sur la datation de ces enclos. Des nécropoles qui sont en tombes séparées ou en petits groupes entre des enclos de l’âge du Bronze ou du premier âge du Fer. qui se posait la question du départ de l’installation des nécropoles en rangées, en invitant à en chercher au maximum. On en connaît maintenant pas mal en prospections aériennes. qui semble dire que ce sont des nécropoles de nouveaux arrivants, de grandes nécropoles qui s’installent. Il y a plein de questions comme cela, en fait, toutes celles que j’ai entendues ce matin, Rozoy les posait déjà et je n’ai pas entendu beaucoup d’avancées. D’autre part pour trouver les villages, au moins les habitats correspondant aux nécropoles -je parle essentiellement pour La Tène ancienne, parce que pour La Tène inale on commence à en connaître- ce n’est pas l’archéologie préventive qui apportera une réponse. Parce qu’il faut obligatoirement se poser les bonnes questions, avoir déjà quelques données disponibles par les prospections aériennes. Ce sont les silos isolés. S’il y a un silo isolé, il y a peut-être des morts ou s’il y a au moins deux ou trois silos, il y a certainement des morts pas très loin et il n’y a que des programmes de recherches qui permettront de répondre à ces questions. J.-P. D. : Je ne crois pas, Bernard, que le problème soit celui entre les jeunes et les vieux ; d’autant que, maintenant que les vieux vont travailler jusqu’à 80 ans, il n’y aura plus de césure entre les générations. Et je crois que nous avons tous ici utilisé aussi le matériel des fouilles anciennes. Et les fouilles de Rozoy d’ailleurs étaient en grande partie préventives, puisque les nécropoles de Manre et Aure étaient en cours de pillage par un groupe rémois bien connu. Cela existait déjà, et les fouilles de Pernant et de Bucy-le-Long par Lobjois, c’était aussi de l’archéologie préventive. Jean-Jacques Charpy : Le point soulevé par B. Lambot montre qu’à l’évidence des questions étaient posées par Lobjois à Pernant (Aisne), par Rozoy à Maure et Aure (Ardennes), par Brisson et Roualet à Villeneuve Renneville (Marne). Or on constate que l’on n’a pas réellement progressé. J.-P. D. : Je ne pense pas que personne ici souhaite faire semblant qu’il n’y ait pas eu de fouilles avant. Lola Bonnabel : Non, et je crois, je pense que l’on a à peu près tous lu, enin ceux qui travaillent sur la zone de Lobjois et de Rozoy. Pour ce qui concerne le PAS, les données funéraires de notre région sont extrêmement riches. Jean-Jacques a travaillé sur les données issues des collections des musées et des publications et nous, il se trouve qu’avec nos 550 squelettes, on a déjà fort à faire avec nos données. Cela ne veut pas dire que l’on ignore ce qui s’est passé avant, et tu as tout à fait raison évidemment. Les questions d’associations et les questions de manipulations, les questions d’organisations ont été effectivement traitées, de manière tout à fait intéressante par Jean-Georges Rozoy et j’ai beaucoup de respect pour son travail. Dans le cadre de la communication là, ce n’était pas trop le lieu et en plus je crois que justement sur la question de l’organisation des nécropoles en rangées ou par petits groupes, il semblerait que l’origine de ces organisations ne soit pas uniquement chronologique. Et je pense que d’avoir augmenté les exemples et d’avoir décapé un certain nombre de sites permet d’aller plus inement et plus loin dans l’observation des phénomènes qui, effectivement on déjà été perçus, et parfois très bien par des auteurs plus anciens. On se situe dans la continuité et dans l’apport de données différentes, ce qui permet de réalimenter des questions même si elles ont déjà été posées. François Malrain pour Sophie Desenne F. M. : Juste un mot pour essayer de faire un petit peu avancer les choses. Est ce que vous avez des pistes interprétatives pour expliquer la grande diversité de mobilier qui apparaît sur vos graphiques pour La Tène C1? Il y a un cumul avec ceux des périodes antérieures, et après une raréfaction de certaines pratiques. quelles sont vos pistes de rélexions ? S. D. : Je pense qu’il peut y avoir plusieurs hypothèses de travail. Il y a une multiplication des types d’espaces funéraires et il y a à la fois une baisse de la population et donc on se dit qu’il se passe sans doute quelque chose. On 99 RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer parle de dépeuplement et de mouvement de population, je ne sais pas si l’on a tous les éléments pour le démontrer, mais c’est toujours quelque chose de perceptible dans ce que l’on a, au niveau de l’implantation des sites d’habitat et des espaces funéraires. Les mouvements de population ne sont pas forcément d’est en ouest ou vers le sud, il y a des mouvements de population en provenance de la Belgique. Ce sont des choses qui peuvent faire apparaître de nouveaux types d’implantation, des choix différents dans les pratiques avec la volonté d’implanter les morts près de l’habitat, alors qu’aux périodes précédentes ils sont mis en retrait. En Picardie, on est sur deux entités très différentes, le phénomène d’implantation des cimetières près des habitats, c’est quelque chose que l’on ne perçoit pas dans le secteur de l’Aisne. On est dans une aire d’inluence différente de celle de l’oise et de la Somme. Pour la Somme et l’oise, il y a peut-être des apports nouveaux, qui entraînent une structuration de l’espace différente … F. M. : Venant de Normandie ? S. D. : Pour dire le point de départ et d’arrivée, je préfère ne pas m’avancer, Jean-Paul aurait peut-être une vision globale … J.-P. D. : En tout cas, si l’on regarde la situation, migration ou pas, tout parle pour une restructuration globale idéologique, topographique, économique, etc … C’est le symptôme de cela. L’hypothèse classique qu’a rappelée Jean-Jacques Charpy, qui était déjà développée par Hatt, Roualet, Kruta, etc … c’est qu’il s’agirait du départ des migrations vers le sud de l’Europe. La région se vide et, de fait, dans la vallée de l’Aisne, à part Bucyle-Long, on n’a rien de La Tène B, on n’a que La Tène A. Et puis de ce vide se crée autre chose, globalement, que des gens aient bougé ou non physiquement. Mais en tout cas, cette espèce de prolifération de pratiques diverses suggère qu’autre chose est en train de se mettre en place ; puis ensuite apparaissent des normes. C’est souvent cela que l’on constate dans un changement culturel, il y a beaucoup de nouveaux éléments à la fois, puis après cela s’organise et cela se norme. J.-J. C. : Je vais revenir sur un exemple ancien, c’est celui de la publication des cimetières d’Hauviné et de Saint-Clément à Arne, qui relève de fouilles anciennes, reprises par Roualet. Et où l’on a structurellement des choses qui sont un petit peu différentes d’un cimetière à l’autre et pour lesquelles Roualet a bien montré en in de publication qu’il y avait des déplacements ponctuels des occupations autour d’un point déterminé. C’est-àdire qu’il y a probablement quelque chose qui relève de l’usure des terres à un moment, qui fait que les gens sont obligés de se déplacer, qu’il n’y a plus de bois, qu’il n’y a plus les éléments nécessaires à la vie de la communauté. Alors ils ne se déplacent pas sur des grandes distances mais seulement sur quelques kilomètres. Je pense en voyant certaines cartes que l’on a l’impression de regarder le ciel. à voir les étoiles on en oublie le local. Alors essayons de nous rapprocher des micro-entités avant de passer quelquefois sur un plan macrographique trop large qui va gommer l’information des rapprochements locaux pour une dilution. C’est par la mise en évidence de règles locales que l’on pourra mieux percevoir les différences et encore mieux asseoir la chronologie. Je le crois depuis longtemps et pense que c’est incontournable. L. B. : Par rapport au corpus des fouilles récentes, là je m’adresse à Marion Saurel et à Sophie Desenne. La sensation que l’on a, ce n’est pas vraiment d’une rupture pour les nécropoles au moment du IVe, mais plutôt dans le IIIe, à La Tène C1. Il y a un truc un peu compliqué, quand on fait la correspondance entre l’Aisne-Marne et La Tène si j’ai bien tout compris, pour certaines phases. Mais j’ai quand même l’impression qu’il ressort de vos travaux qu’il y a un peu de tombe du Ve, pas mal du IVe et que surtout tout à coup au bout d’un moment, ce sont celles du IIIe qui font défaut. Et au niveau des habitats, Marion est très bien placée pour le dire, il me semble qu’elle a 100 quelque chose qui est même encore un peu plus décalé, où elle a du IVe, où elle a même pas mal de IIIe, mais une rupture s’observe plus tard dans le siècle. Les nécropoles sont abandonnées mais plutôt plus tardivement que dans ce trou que l’on voit dans le travail qu’à présenté JeanJacques en tout cas pour le corpus que l’on a vu. La rupture dans l’occupation est un petit peu décalée entre l’habitat et la nécropole. Il pourrait y avoir une phase avec de nouvelles pratiques funéraires, plus discrètes pour leurs traces archéologiques, qui pourraient d’ailleurs peut-être correspondre à la phase ou l’on met plus de monde dans les silos alors qu’il y a encore des habitats qui sont très occupés. Puis ensuite, une phase d‘abandon réelle à la fois des habitats et des nécropoles. Je ne sais pas si Marion ou Sophie ont quelque chose à dire là-dessus. J.-P. D. : Il y a un autre Marion, qui a envie de parler. Stéphane Marion : Alors, je ne répondrais pas sur le trou du IVe parce que je n’en sais pas grand chose. Mais, plus globalement ce que l’on observe assez nettement et ce qui rejoint ce qu’a dit Jean-Paul : on a une phase qui est quelque part au début du IIIe siècle, dans les chronologies classiques on appellerait cela du B2 B ou quelque chose comme cela, à la charnière IVe/IIIe, où il y a beaucoup de choses nouvelles qui apparaissent un peu dans tous les domaines. Cela se marque différemment selon les régions, en Champagne notamment c’est la raréfaction des tombes, ce qu’a montré Sophie tout à l’heure, c’est la diversiication d’un certain nombre de pratiques dans les nécropoles, cela se marque aussi dans certaines régions par l’apparition des grands sanctuaires, cela se marque dans certaines régions par l’apparition des sépultures alors qu’avant on en avait peu, etc … Ce sont des phénomènes qui n’ont pas toujours la même traduction factuelle, mais qui semblent tous intervenir au même moment. Donc on peut penser en effet qu’il y a eu quelque chose de très fort qui n’est pas simplement lié au départ ou au retour de quelques personnes dans une région donnée, mais qui traverse toute l’Europe Celtique, en quelque sorte, puisque l’on retrouve aussi cette même rupture en Europe centrale avec un nombre de tombes très important, qui apparaissent à ce moment-là, de nouveaux cimetières fondés et toute une série de choses de ce goûtlà. On a là quelque chose de très important, d’assez général qui correspond sans doute à une recomposition de la société. Donc il y a plusieurs hypothèses possibles, certains ont avancé le fait que c’était à ce moment-là que des entités politiques se mettent en place, cela paraît assez bien tenir la route, bien que, pour mettre en évidence une entité politique au IIIe siècle je ne sais pas bien comment on fait. On sait bien avec les oppida parce que l’on a les monnaies et parce que l’on a quelques textes, mais, pour le IIIe siècle c’est un peu plus compliqué. Donc ce serait à ce moment là que cela se met en place et c’est curieusement aussi à ce moment là que l’on pressent les prémices d’un certain nombre de phénomènes économiques, comme l’apparition des toutes premières fermes à enclos qui suppose sans doute un nouvel essor dans l’exploitation du terroir etc, il y a éventuellement des changements aussi dans les techniques métallurgiques, le développement du fer, le développement des productions en série etc… Frédéric Gransar : Ce que j’ai trouvé intéressant quand même ce matin, c’est cette espèce d’effet miroir qu’on a, quand on regarde la structuration interne et l’évolution de la structuration interne des cimetières. On a vraiment l’impression qu’il y a un « avant La Tène C1 » et un « après La Tène C1 ». on a l’impression que l’histoire des espaces réservés, qui ont déjà été vus à Vasseny, à Bucy, cela à l’air de marcher aussi pour l’âge du Bronze, on a l’impression qu’à La Tène ancienne, on a des espaces réservés donc on bouche les trous. Alors qu’ensuite à partir de La Tène C1 on plante un monument et puis on agrège autour. Je pense qu’y a deux façons assez radicalement différentes de voir et de percevoir l’espace funéraire et sans doute en partie sa signiication. RAP - 2009, n° 3/4, Estelle pinard, Valérie delattre & Sylvain thouVenot, La population ensevelie et les traitements funéraires des corps au second âge du Fer en Picardie La popULatIon EnsEvELIE Et LEs traItEMEnts FUnéraIrEs DEs Corps aU sEConD âGE DU FEr En pICarDIE Estelle PINARD, Valérie DELATTRE & Sylvain THOuVENOT La popULatIon EnsEvELIE Nombre de sépultures picardes inventoriées : uN éCHANTILLON REPRéSENTATIF ? Comme pour toute approche paléodémographique, nous ne disposons que d’une partie de la population ensevelie, dont on sait qu’elle ne correspond pas à la communauté des vivants. Sa représentation est, non seulement corrélée aux états de conservation des sépultures et de la matière osseuse, mais aussi à la gestion des défunts (inhumation ou incinération), aux types d’ensembles funéraires étudiés, aux modes de sépultures… Au terme de toutes ces interactions impliquant à chaque fois des « déicits », les défunts accessibles ne sont qu’un échantillon non quantiiable d’une population vivante, aux structures et schémas sociétaux méconnus. LE CORPuS ET SES LIMITES Si la base de données établie au il de cette investigation recense 63 ensembles funéraires picards, l’étude synthétique de la population ensevelie est demeurée strictement conditionnée à la réalisation complète et/ou à la disponibilité des analyses anthropologiques. Sur ce corpus, 32 études anthropologiques plus ou moins inalisées ont pu être utilisées, ce qui représente un peu moins de 50 % du total, soit 72,3 % des inhumations et 31,8 % des incinérations (tab. I). La répartition géographique de ces ensembles montre d’évidents déséquilibres, de fortes disparités nb. incinérations 372 461 Nombre de sépultures dont l'étude anthropologique est disponible : nb. inhumations nb. incinérations 269 147 tab. I - Corpus des sépultures de Picardie recensées dans la base de données et corpus des sépultures intégrées à l’analyse de la population ensevelie et des traitements des corps. en nombre et en répartitions chrono-culturelles, aussi bien au sein d’une même entité géographique qu’entre les entités elles-mêmes (ig. 1). Ainsi, le territoire de l’Aisne a-t-il majoritairement livré des inhumations (258 pour 38 incinérations), alors que dans la Somme, ce sont les découvertes d’incinérations qui dominent, à savoir 351 pour 6 inhumations. En revanche, dans l’Oise, les nombres d’inhumations et d’incinérations apparaissent plus équilibrés, avec 108 inhumations pour 72 incinérations. Ces disparités conditionnent et restreignent forcément la lecture de différences territoriales dans l’expression des gestuelles funéraires communautaires. Nombre de sépultures Le critère « population » constitue l’un des éléments prioritairement retenus dans le cadre de cette étude visant à modéliser les chaînes opératoires. Ces dernières caractérisent les pratiques déployées autour du défunt, communément dénommées « gestuelle funéraire » : les modalités de recrutement démographique, au même titre que d’autres critères, apparaissent déterminantes dans le choix d’implantation topographique des ensembles funéraires, dans l’agencement du défunt, la « mise en scène » des dépôts, la clôture, la signalisation et même l’entretien des sépultures. nb. inhumations 400 350 300 250 200 150 100 50 0 Aisne Oise Somme Inhumation Incinération Fig. 1 - Répartition géographique des sépultures recensées dans la base de données. La population ensevelie et les traitements funéraires des corps au second âge du Fer en Picardie 101 RAP - 2009, n° 3/4, Estelle pinard, Valérie delattre & Sylvain thouVenot, La population ensevelie et les traitements funéraires des corps au second âge du Fer en Picardie Malgré ces remarques, l’étude synthétique de l’échantillon, bien que prudente, permettra de proposer plusieurs éléments caractéristiques concernant les proils de la population, le traitement des corps inhumés et incinérés et les modes de dépôts des restes humains. LES PROFILS DE LA POPuLATION Les individus inhumés Tout au long de la phase chronologique considérée, du Ve au Ier siècle avant notre ère, l’inhumation est pratiquée et ce, en proportions très variables (ig. 2). Elle connaît une décroissance brutale à partir du milieu du IVe siècle jusqu’au milieu du IIIe siècle. Après le milieu du IIIe siècle, le déclin se poursuit mais beaucoup plus lentement et sans cette apparence de rupture profonde. On le sait, l’estimation très précise de l’âge au décès d’un individu adulte reste illusoire et il convient d’être mesuré en considérant, en règle générale, de grandes classes d’âges ventilant les sujets entre « adultes jeunes », « adultes matures » et « adultes âgés ». Il est, en revanche plus aisé de considérer l’âge au décès des enfants et des sujets immatures en raison d’évidentes et lisibles variabilités ostéologiques. Mais dès lors, pour homogénéiser cette étude et éviter de sombrer dans tous les biais d’une lecture subjective, seule la distinction entre nourrisson (0 à 1 an), enfant/sujet immature (1 à 16 ans) et adulte (17 ans et plus) a été retenue. La population inhumée comprend donc : 174 sujets adultes, 67 sujets immatures (enfants) 0 nourrisson 28 sujets indéterminés. Nombre de sépultures Il convient de souligner que la pratique de la sépulture individuelle est quasi-exclusive et concerne plus de 95 % du corpus auquel on doit seulement soustraire de très rares exemples de 120 100 80 60 40 20 0 Les « enfants/sujets immatures » représentent un peu moins de 25 % du corpus, ce qui est particulièrement peu conséquent. Il est, en effet, reconnu que les populations pré-jennériennes (avant la découverte de la vaccine) présentent un taux de mortalité infantile compris entre 400 et 500 0/00. à titre d’exemple, dans ce type de société, les mortalités infantile (de 0 à 1 an) et juvénile (de 1 à 10 ans) sont très fortes : sur cent individus nés vivants, environ 25 meurent avant leur premier anniversaire et 25 autres entre 1 et 10 ans (dedet et al. 2001). Par ailleurs, et s’il fallait encore un exemple précis de cette forte sousreprésentation, la classe d’âge Infans I (0 à 6 ans) ne comprend, dans notre échantillon, que 18 individus issus de seulement deux ensembles funéraires (Bucyle-Long "La Héronnière, La Fosse Tounise" et "Le Fond du Petit Marais" dans l’Aisne (theVenet 2002). La répartition « adultes » et « enfants/sujets immatures » par grandes phases chronologiques a ainsi été tentée (ig. 3). Elle montre que les « enfants/sujets immatures » ne représentent jamais plus de 45 % des défunts inhumés par phases chronologiques, avoisinant plutôt 12,5 à 40 % du total. Aux IIIe et IIe siècles avant notre ère (de la in de La Tène B2 au début de La Tène D1), le taux de mortalité infantile peut être considéré comme relativement proche de celui des populations pré-jennériennes ; en effet, les « enfants/sujets immatures » appartenant à ces phases chronologiques semblent largement moins sous-représentés. En règle générale, le sous-effectif « enfants/sujets immatures » et l’absence caractérisée de nourrissons suggèrent une particularité dans l’accomplissement des gestuelles funéraires, que l’on peut également observer en d’autres temps et d’autres lieux, y Adultes Enfants/Immatures 100% 75% 50% 25% 0% e V s. e IV s. e III s. e II s. A1-A2 B1-B2 B2-C1 C1-C2-D1 D1-D2 I er s. Chronologie 102 sépultures doubles (associant deux sujets adultes), comme à Bucy-le-Long "La Héronnière, La Fosse Tounise" (desenne et al. à par). Fig. 2 - Nombre d’inhumations du Ve au Ier siècles avant notre ère. e V s. e IV s. e III s. A1-A2 B1-B2 B2-C1 II e s. I er s. C1-C2-D1 D1-D2 Chronologie Fig. 3 - Répartition des adultes et enfants/immatures inhumés du Ve au Ier siècle avant notre ère. compris dans l’Occident médiéval chrétien. Les spécialistes s’accordent à constater que cette classe d’âges est généralement la grande absente des études paléodémographiques. Même si l’on peut considérer que ces inhumations « déicitaires » ont été implantées moins profondément que les autres et ont été soumises à des destructions précoces, que les ossements de ces jeunes individus ne se sont pas conservés en raison de propriétés physico-chimiques particulières, il semble que l’accès à la nécropole communautaire n’ait pas été systématique pour tous, déini par des critères universels régissant le statut et l’inclusion du nourrisson et de l’enfant au sein de son groupe (alduC-le-baGousse 1997). Nombre de sépultures RAP - 2009, n° 3/4, Estelle pinard, Valérie delattre & Sylvain thouVenot, La population ensevelie et les traitements funéraires des corps au second âge du Fer en Picardie 80 60 40 20 0 e V s. e IV s. e III s. e II s. A1-A2 B1-B2 B2-C1 C1-C2-D1 D1-D2 I er s. Chronologie Fig. 5 - Nombre d’incinérations du Ve au Ier siècles avant notre ère. Les individus incinérés La diagnose sexuelle à partir du squelette demeurant encore un problème pour les sujets immatures et a fortiori pour les enfants décédés en très bas âge, aucune étude en ce sens n’a été envisagée et seule, celle réalisée sur des sujets adultes a été considérée avec iabilité. Ces estimations concernent un peu plus de 64 % du corpus : - 84 sujets de sexe féminin, - 76 sujets de sexe masculin, - 14 sujets de sexe indéterminé. Ces résultats déinissent une très légère surmortalité féminine (sex ratio = 0,904), qui ne semble pas révélatrice de phénomènes démographiques spéciiques. La répartition du nombre de femmes et d’hommes par grandes phases chronologiques (ig. 4) montre que si cette légère surmortalité féminine s’observe, du Ve au IIe siècles avant notre ère, elle est cependant nettement plus importante au IIIe siècle avant notre ère (sex ratio = 0,33). à noter que l’apparente surmortalité masculine observée au Ier siècle, fondée sur seulement 2 individus, ne peut être retenue dans le cadre de cette étude. Hommes Femmes 100% Comme pour l’inhumation, la pratique de l’incinération des corps concerne l’ensemble des périodes (ig. 5). Pour le Ve siècle, elle paraît anecdotique, mais peut s’être appliquée à des individus particuliers. à partir du milieu du Ve siècle avant notre ère, elle est de plus en plus présente, et ce, jusqu’au milieu du IIe siècle. Dès lors, la décroissance constatée paraît biaisée : en effet, même si plusieurs ensembles funéraires de ces périodes ont été inclus à l’étude, les analyses anthropologiques ne sont pas disponibles. Les diagnoses sexuelles pour les individus incinérés demeurent réellement inenvisageables, sachant que la crémation a, tout ou partie, détruit les critères ostéologiques autorisant cette identiication. Par ailleurs, les estimations des âges au décès se limitent à la reconnaissance de sujets « adultes » (ostéologiquement matures) et « enfants/ sujets immatures » (présence d’esquilles proposant des surfaces non encore épiphysées). En revanche, il est parfois possible, notamment lorsque des éléments dentaires sont présents, d’afiner l’âge au décès des « enfants/sujets immatures ». Ainsi, parmi les 147 sépultures à incinération dont l’analyse anthropologique est disponible, on dénombre : - 94 sujets adultes, - 26 sujets « enfants/immatures » - 34 sujets indéterminés. 75% Les quelques sépultures doubles recensées (esquilles en doublon ou différence de maturité osseuse au sein d’un même amas) proposent un NMI de 154 pour 147 sépultures. 50% 25% 0% e V s. e IV s. A1-A2 B1-B2 e III s. e II s. I er s. B2-C1 C1-C2-D1 D1-D2 Chronologie Fig. 4 - Répartition des adultes hommes et femmes inhumés du Ve au Ier siècles avant notre ère. Là encore, les « enfants/sujets immatures » sont déicitaires, ils n’excédent pas plus de 21,6 % des individus dont l’âge au décès est connu. Au même titre que pour les sujets inhumés, les « enfants/sujets immatures » sont sous-représentés et n’excèdent jamais plus de 31 % (ig. 6). En outre, même si le corpus est peu conséquent, on peut noter que les « enfants/sujets immatures » ne sont présents dans 103 RAP - 2009, n° 3/4, Estelle pinard, Valérie delattre & Sylvain thouVenot, La population ensevelie et les traitements funéraires des corps au second âge du Fer en Picardie Enfants/Immatures Nombre de sépultures Adultes 100% 75% 50% 25% 0% e V s. e IV s. e III s. A1-A2 B1-B2 B2-C1 e II s. I er 120 100 80 60 40 20 0 s. e V s. e IV s. e III s. A1-A2 B1-B2 B2-C1 Fig. 6 - Répartition des adultes et enfants/immatures incinérés du Ve au Ier siècle avant notre ère. les incinérations qu’à partir du IIIe siècle avant notre ère. La systématisation de l’incinération, avant cette période, ne semble concerner que les adultes, renvoyant là encore à des spéciicités de pratiques funéraires liées à l’âge et réservées aux plus jeunes membres de la communauté. Indépendamment du volume de sépultures (plus conséquent dans l’Aisne), l’évolution chronologique de la pratique de l’inhumation est similaire dans l’Oise et dans l’Aisne, le déclin s’amorce aux mêmes périodes, un peu plus marqué dans l’Aisne que dans l’oise (ig. 8). En revanche, l’évolution de l’incinération est plus singulière dans l’oise : elle s’afirme à partir du milieu du IVe siècle avant notre ère, mais contrairement à la Somme et e II s. I er s. C1-C2-D1 D1-D2 Fig. 7 - Nombre d’inhumations et d’incinérations du Ve au Ier siècle avant notre ère. 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 MISE EN PERSPECTIVE DES PRATIquES : éVOLuTION CHRONOLOGIquE ET/Ou TERRITORIALE Ce premier niveau d’analyse thématique, certes limité, a tout de même permis de dégager quelques grandes caractéristiques démographiques. Sur l’ensemble de la période considérée, la population ensevelie dont l’étude anthropologique est disponible, comprend 268 adultes, 103 enfants ou sujets immatures et 62 indéterminés. Même si l’inhumation et l’incinération sont constamment présentes, en proportion inégales et modulables, l’évolution des pratiques se caractérise par une décroissance relativement brutale des inhumations entre le milieu du IVe et le milieu du IIIe siècle avant notre ère au proit de l’incinération (ig. 7). La population inhumée présente toujours une légère surmortalité féminine. Inhumés ou incinérés, les enfants et sujets immatures sont sous-représentés, à toutes les phases chronologiques, excepté au Ier siècle avant notre ère. Par ailleurs, il apparaît qu’aucun enfant ou sujet immature ne soit incinéré avant le IIIe siècle avant notre ère. Nb Inhumations Chronologie C1-C2-D1 D1-D2 Chronologie 104 Nb. Incinérations Inhumés (en nb.) e V s. e IV s. e III s. A1-A2 B1-B2 B2-C1 C1-C2-D1 D1-D2 Aisne e II s. Oise I er s. Somme Incinérés (en nb.) 25 20 15 10 5 0 e V s. e IV s. e III s. e II s. A1-A2 B1-B2 B2-C1 C1-C2-D1 D1-D2 I er s. Chronologie Fig. 8 - évolution des pratiques du Ve au Ier siècle avant notre ère dans l’Aisne, l’Oise et la Somme. l’Aisne, elle ne semble pas s’intensiier. Par ailleurs, la croissance constatée dans la Somme apparaît un siècle avant celle observée pour l’Aisne. Ces remarques peuvent raisonnablement témoigner d’un changement d’inluences territoriales. Aux Ve et IVe avant notre ère, l’Oise et l’Aisne paraissent suivre un même schéma, alors qu’à partir du milieu du IVe et du IIIe siècle avant notre ère, ce sont la Somme et l’Aisne qui connaissent la même évolution. RAP - 2009, n° 3/4, Estelle pinard, Valérie delattre & Sylvain thouVenot, La population ensevelie et les traitements funéraires des corps au second âge du Fer en Picardie traItEMEnts Et aGEnCEMEnts DEs Corps LES CORPS INHuMéS Le processus de décomposition des cadavres, appréhendé par l’observation des phénomènes taphonomiques, renvoie aux modalités d’inhumation des défunts et renseigne quant à la disposition du corps, la présence d’un contenant, d’un mobilier d’accompagnement, la présence de parures et/ou d’accessoires vestimentaires. Il met ainsi l’accent sur les gestuelles funéraires déployées à l’intention du défunt, dans son immédiate proximité, ainsi que sur leur horizon culturel. On oppose souvent une « décomposition en espace vide » à une « décomposition en espace colmaté », observation certes avérée, reposant sur l’apport ou non de sédiment colmatant et déinissant l’éventuelle présence d’un contenant rigide périssable, mais en négligeant pourtant la forte incidence des enveloppes textiles, de lecture parfois plus ténue. La reconnaissance d’enveloppe textile chez les sujets adultes L’utilisation d’enveloppe textile ayant ceint les corps lors de leur dépôt dans la fosse est souvent mise en évidence. Des effets de compression latérale, le maintien en équilibre instable de certaines pièces osseuses, l’organisation des os libérés par la décomposition des chairs, sont observés de manière très ponctuelle ou plus complète sur les squelettes, lorsque la matière osseuse présente un bon état de conservation (ig. 9). Outre ces indices taphonomiques, la présence de ibules (en un seul exemplaire ou par paire), leur répartition sur le corps, l’existence d’éléments de parure ou d’anneau, relètent des inhumations habillées ou en linceul, peut-être mixtes. vêtements et/ou linceul ? Certaines observations taphonomiques permettent d’attester que le défunt a été inhumé habillé : un effet de contention s’exerce notamment sur le gril costal, indépendamment de celui lisible sur les humérus, suggérant la présence d’un textile « à manches » alors que les membres inférieurs, parallèles et non rapprochés (patella en place sur l’extrémité condylienne du fémur), peuvent avoir été, eux aussi, individuellement « enveloppés ». La présence des ibules conirme parfois que les défunts pouvaient être inhumés avec des vêtements maintenus par ces accessoires vestimentaires. Si l’on se livre à une cotation systématique de la répartition de ces éléments métalliques sur le corps, et malgré leur grand nombre, il est intéressant de constater Fig. 9 - Indices d’enveloppement conjoint (linceul). que peu d’entre eux ont été retrouvés en contexte d’usage, le plus souvent sur les épaules du défunt. En effet, les observations taphonomiques mettent parfois en évidence l’existence de textile souple enveloppant la totalité du corps (contention exercée conjointement sur le thorax et les membres supérieurs) ; les membres inférieurs sont rapprochés et sans doute maintenus à hauteur des genoux (légère rotation interne des fémurs et glissement des patellas) et des chevilles par des liens périssables. Nombre des ibules mises au jour ont ainsi servi à fermer le linceul après son enveloppement autour du corps. En unique exemplaire, en duo, voire même en trio, ces ibules se retrouvent essentiellement en partie haute du corps. Les ibules en contexte de port : les sépultures dites habillées Si nombre de défunts ont été déposés habillés, souvent parés (torques et/ou bracelets) ou munis d’une panoplie guerrière, seulement 48 d’entre eux présentent des ibules en contexte de port, principalement disposées sur les épaules, le thorax ou le cou. Ces ibules peuvent être en exemplaire unique ou en situation bilatérale sur chaque épaule. 105 RAP - 2009, n° 3/4, Estelle pinard, Valérie delattre & Sylvain thouVenot, La population ensevelie et les traitements funéraires des corps au second âge du Fer en Picardie Les ibules servant de fermeture de linceul Il apparaît que 15 ibules ont été utilisées pour fermer des linceuls plus ou moins contraignants. Ce mode de dépôt concerne 13 individus, certains d’entre eux présentant plusieurs ibules ou l’association ibule et anneau. En règle générale, la ibule, unique ou doublée, est mise au jour au niveau du crâne, des membres et on peut envisager que le corps a été enserré dans un textile enveloppant. Ce mode d’attache métallique, assuré par la (ou les) ibule(s) peut être parfois renforcé par de probables liens périssables (cordelettes, bandelettes...) enserrant les chevilles l’une sur l’autre. outre ces ibules, il faut noter la présence de quelques anneaux (7) dont la fonction est indubitablement celle d’accentuer le maintien du linceul, souvent en association avec une ibule et à l’image de ces modes d’enroulement de bandelettes notamment documentés par l’iconographie du haut Moyen âge (treffort 1996). Le maintien de la tête : présence de coussin céphalique quinze cas de présence d’un coussin céphalique en matériau périssable, déposé sous la nuque et restituable par la seule observation des processus taphonomiques affectant le calvarium, la mandibule et les premières cervicales ont été observés. Ainsi, pour des nécropoles ayant fait l’objet d’une même intention anthropologique de terrain, on observera la fréquence des coussins céphaliques à Bucy-leLong (Aisne) et leur quasi-absence à Chambly dans l’oise (ig. 10 et pinard et al. 2000). Les modes de dépôts Au second âge du Fer, aucun contenant en matériau pérenne n’étant recensé, la discussion quant au mode de dépôt du défunt dans la fosse s’articule essentiellement autour de la présence ou non d’un cercueil périssable ou de la simple installation directe du cadavre dans la sépulture. Parfois, l’observation de traces ligneuses renvoie à la présence de bois (planches, coffrages, tronc de bois évidé,…). Mais le plus souvent, seul le mode de décomposition des corps, restituable via l’observation des processus taphonomiques, renseigne quant à cette présence d’un contenant originel disparu. 106 En effet, et de façon plus générale, le processus de décomposition des cadavres, tel qu’il peut être appréhendé par l’observation des phénomènes taphonomiques, renvoie aux modalités d’inhumation des défunts et renseigne quant à la disposition du corps, la présence d’un contenant, d’un dépôt Fig. 10 - Indices de la présence d’un coussin céphalique. d’accompagnement. Il met ainsi l’accent sur la gestuelle funéraire usitée et sur son horizon culturel. Modalités de décomposition en « espace vide » La décomposition en « espace vide » suppose que le dépôt du corps n’a pas été suivi d’un apport sédimentaire immédiat et que la destruction des contentions articulaires a favorisé le déplacement des pièces osseuses au sein des vides créés et non comblés. De l’observation minutieuse de ces processus taphonomiques, on peut donc suggérer la présence ou l’absence d’un coffrage en matériau périssable. Au sein de l’ensemble des nécropoles considérées, le corpus précisément daté propose 273 dépôts ayant pu faire l’objet d’observations d’ordre taphonomique. Ainsi, 95,2 % des défunts se sont décomposés alors que la fosse n’était pas comblée (tab. II). Espace « vide » Espace colmaté Indéterminé 260 7 6 tab. II - Nombre de sépultures et espace de décomposition. On observe une très nette surreprésentation du dépôt en espace vide (toutes phases chronologiques confondues) supposant une inhumation des corps en contenant rigide périssable, sans qu’il soit encore possible de distinguer de simples appareillages de planches, de véritables coffres fermés ou de troncs d’arbre évidés. La décomposition des corps en « espace vide » couvre l’ensemble de la chronologie, du IVe au Ier siècle avant notre ère. Les très rares cas de décomposition en espace colmaté ont été répertoriés entre la in du Ve et le début du IVe siècle avant notre ère (Limé "Les Sables Nord", Aisne ; soupart et al. 2005). RAP - 2009, n° 3/4, Estelle pinard, Valérie delattre & Sylvain thouVenot, La population ensevelie et les traitements funéraires des corps au second âge du Fer en Picardie L’agencement du défunt 9% 0% Déposés dans un contenant périssable, les défunts sont agencés et on observe une très grande majorité de dépôt en décubitus (94%, cf. tab. III) ; si les dépôts en position latérale sont très minoritaires dans le cadre des nécropoles (1,5%), leur proportion augmenterait considérablement si l’on prenait en compte, pour le coup, les dépôts en structure d’ensilage. Pour les quelques cas picards, les individus sont mis dans les silos en position latérale droite ou gauche, les membres repliés, comme à Glisy (Somme) ou Vermand (Aisne). Pour les nombreux cas inventoriés à la conluence Seine-Yonne, les corps ont été « jetés » avec plus ou moins de soin dans des fosses souvent profondes et la posture du squelette ne saurait être considérée comme le relet d’une pratique d’agencement intentionnel du corps. Faut-il considérer les 1,5 % de dépôts en position latérale comme des cas particuliers ou de simples anecdotes ? Cette position marquerait-elle une volonté de mise à l’écart du groupe, tout en y participant puisque les individus ont, malgré tout, été inhumés au sein de la nécropole ? Ou bien encore, le statut (voire même une pathologie osseuse) de ces individus nécessitait-il un agencement particulier du corps? Décubitus Latéral Indéterminé 252 4 12 tab. III - Agencement des individus inhumés en nombre. LES CORPS INCINéRéS La crémation et la représentativité des défunts Les témoins de l’habillement Contrairement aux inhumations, où l’observation des processus taphonomiques nous renseigne sur la présence de vêtements et/ou d’enveloppes textiles souples, les sépultures à incinération ne livrent que des accessoires vestimentaires, des objets personnels préservés, dispersés ou agencés dans un amas osseux. Les plus représentées sont les ibules et 231 d’entre elles proviennent ici des incinérations de 29 ensembles funéraires (157 sépultures) : 94 % sont en fer pour seulement 6 % en bronze. Cette disproportion pourrait s’expliquer en partie par la conservation du fer lors de la crémation, là où le bronze aura fondu. Lorsqu’elles sont présentes, leur nombre varie de 1 à 6 avec une prépondérance pour l’exemplaire unique (ig. 11). Dans le cas des incinérations, l’association des ibules à des accessoires vestimentaires passe par un examen de l’état de conservation précis de l’objet. L’indication ou pas d’un passage au feu peut témoigner de la crémation d’un individu habillé ou l’ajout, dans la tombe, d’un dépôt complémentaire 1% 1% 1 fib 2 fib 3 fib 4 fib 5 fib 6 fib 23% 66% 11% 15% 74% dans Amas hors Amas indéterminé Fig. 11 - Nombre de ibules par sépultures à incinération et localisation des ibules dans les sépultures à incinération. de vêtements ou de textiles à ibule associée dans la tombe. Auquel cas, l’objet ne présente aucune trace de crémation, même inime. Enin, leur association avec le dépôt osseux peut aussi témoigner de la fermeture ultime d’un contenant souple, « réceptacle » des os incinérés (ig. 11). Parmi les autres accessoires, des éléments de ceinture en fer ou en bronze (de 1 à 4 objets par cas) ont été identiiés dans 11 ensembles funéraires. Plus encore que pour les inhumations, ce décompte est partiel et aléatoire car nombre de petits objets comme les anneaux, les boutons, les tubes, les agrafes ou les rivets peuvent se rapporter tant au vêtement qu’à d’autres objets incluant de la bouclerie : coffrets, harnais... La crémation Pour appréhender et caractériser les gestes liés à la crémation des individus, des observations quantitatives et qualitatives sont nécessaires. Elles concernent les issurations des pièces osseuses, indices de l’état (frais ou sec) du corps lors de la crémation, les colorations des ossements permettant d’estimer le degré de crémation et celle des sédiments déterminant un possible traitement postcrématoire des restes. Les degrés de fragmentation des esquilles, eux aussi témoins de manipulations lors de ou après la crémation peuvent être appréciés par la mesure des pièces les mieux préservées et les plus représentatives. Puis, pour mettre en évidence 107 RAP - 2009, n° 3/4, Estelle pinard, Valérie delattre & Sylvain thouVenot, La population ensevelie et les traitements funéraires des corps au second âge du Fer en Picardie les gestuelles lors de la mise en terre, la quantité d’ossements (l’amas complet et par catégorie anatomique représentée dans la collecte) doit être enregistrée. Tous ces éléments ont été très diversement, voire faiblement, enregistrés dans la base de données et seules quelques observations qualitatives sont disponibles pour 70 sépultures (13,15 % du corpus). Elles concernent les colorations des restes osseux et la présence de témoins de combustion. Ainsi, ces éléments soulignent des crémations abouties, le seuil de destruction de la matière organique (disparition de la coloration noirâtre liée à la présence de carbone) étant atteint pour tous ces dépôts. Avant d’être déposées, les pièces osseuses ont été débarrassées des restes du bûcher (traitements post-crématoires) pour 25 dépôts. Pour 68 dépôts, la crémation a été conduite sur des cadavres alors que pour deux autres dépôts, un traitement préalable semble avoir été anticipé par les contemporains, car les corps ont subi un temps d’attente assez long, peut-être une dessiccation (active ou passive ?) avant l’ustion (Allones "Les quarante Mines", Oise ; paris 1998) Bien que l’échantillon sur lequel repose cette analyse soit très faible, il est à souligner que ces deux gestes sont pratiqués sur l’ensemble de la chronologie. est préservée et suggère des précautions d’étude drastiques : en effet, des crémations s’enchaînant sur un bûcher à usages successifs avec des ramassages imparfaits des restes osseux peut proposer la lecture illusoire de sépultures multiples. Sur les dépôts dont les analyses qualitatives et quantitatives sont renseignées, 13 ont clairement été identiiés comme multiples, appartenant majoritairement au IIIe siècle (80 %) et au IIe siècle avant notre ère (20 %). Les modes de dépôts Les modes de dépôt des restes incinérés ont pu être identiiés pour 150 sépultures, ils correspondent à : - 59 dépôts en urne, - 90 dépôts en contenant périssable, - 1 dépôt mixte associant à la fois une urne céramique et un contenant périssable. Les contenants périssables désignent des enveloppes souples de type « sac » (textile, cuir….) ou des enveloppes rigides de type « coffret » (bois, vannerie… ; cf. ig. 12). Ils sont identiiés par la fouille des blocs osseux en laboratoire, par la reconnaissance du maintien en place de pièces osseuses révélant des effets de parois rectilignes, souples ou sub-circulaires. un autre geste lié à la crémation et relevant de la longue chaîne des gestuelles funéraires est perceptible, celui de l’association de restes animaux incinérés avec les restes humains, ici représenté par seulement deux cas. La collecte des restes osseux Les observations quantitatives sont disponibles pour 86 dépôts. Les poids des restes osseux des dépôts individuels d’adultes et dont l’intégralité des restes osseux est préservée (73 dépôts), oscillent entre 4,7 et 1 445 g. Seuls, sept représentent l’intégralité d’un corps adulte incinéré, communément admise comme proche de 1 500 g dans les conditions d’un bûcher protohistorique (Minozzi 2008). Pour tous les autres, les dépôts sont très faibles (de type « prélèvement symbolique » de quelques restes osseux sur le bûcher) à conséquent. Avec toutes les précautions requises, puisque l’échantillon est très faible, on peut noter que les dépôts exhaustifs ne sont présents qu’à partir du IIe siècle avant notre ère, alors que les dépôts partiels couvrent l’ensemble de la chronologie. Par ailleurs, plus la pratique de l’incinération s’intensiie, plus les poids des restes mis en terre sont variables. 108 L’identiication de dépôts multiples repose sur la reconnaissance de pièces osseuses dont la maturité est différente et/ou par la présence de doublons. Elle nécessite une analyse sur un dépôt dont l’intégralité Fig. 12 - Exemple de contenant rigide (coffret). Les pratiques des dépôts en contenant périssable et en urne, bien que concomitantes, connaissent des évolutions différentes. Le dépôt en contenant périssable est en usage sur l’ensemble des phases chronologiques, la pratique s’accroissant jusqu’au début du IIe siècle avant notre ère, mais de façon irrégulière. La pratique du dépôt en urne semble s’installer à partir du milieu du Ve siècle avant notre ère pour s’éteindre, assez brusquement, au début du IVe siècle avant notre ère. Elle renaît à la in du IVe siècle et progresse rapidement et de façon régulière jusqu’au milieu IIe siècle avant notre ère. Bien que moins nombreux, les dépôts en urne semblent pourtant se substituer aux dépôts en contenant périssable au IIe siècle avant notre ère RAP - 2009, n° 3/4, Estelle pinard, Valérie delattre & Sylvain thouVenot, La population ensevelie et les traitements funéraires des corps au second âge du Fer en Picardie Même si les pratiques de l’inhumation et de l’incinération sont concomitantes sur l’ensemble de la chronologie, l’inhumation prédomine du Ve au milieu IIIe siècle avant notre ère (elle décroît manifestement à partir du milieu du IVe siècle avant notre ère) et l’incinération est, de plus en plus, pratiquée à partir du milieu du IVe siècle avant notre ère pour devenir « la norme » au milieu du IIIe siècle avant notre ère. 35 30 25 20 15 10 5 0 LT A1 A2 B1 B2 C1 C2 D1 D2 Aug. Nb. Urne Nb. Contenant périssable Nb. Urne et contenant périssable Fig. 13 - évolution chronologique des contenants en matériaux périssables et des urnes cinéraires. (ig. 13). La pratique du dépôt en urne et en contenant périssable (restes osseux contenus dans une enveloppe souple, et déposés dans une urne) paraît anecdotique, un seul cas a été identiié au milieu du IIe siècle avant notre ère. sYntHèsE Et ConCLUsIon Si cette première approche peut paraître dificile, parfois peu concluante au regard de l’investissement collectif engagé, elle a le mérite de replacer l’être humain (le défunt) au cœur de la problématique, au titre d’acteur principal de l’ensemble des gestuelles déployées. Son étude (ostéologique, taphonomique, biologique,…) n’est pas reléguée comme « annexe », il demeure le point d’ancrage, puisque toutes les pratiques et tous les gestes mis en œuvre lui sont strictement et intrinsèquement adossés. Malgré le biais incontournable de l’échantillon de la population vivante sur lequel reposent les résultats, plusieurs phénomènes ont été constatés. Ainsi, les enfants et les sujets immatures, notamment les plus petits, sont sous-représentés aussi bien parmi les individus inhumés que parmi ceux incinérés, tout au long de la période traitée, à l’exception des IIIe et IIe siècles avant notre ère, où le taux de mortalité infantile peut être considéré comme proche de celui d’une population préjennérienne. Tout en tenant compte des problèmes de conservations des restes des enfants, la question de l’accès à la nécropole communautaire, pour cette classe d’âge, se pose. Par ailleurs, toujours pour les enfants et sujets immatures, il semble qu’en Picardie, la pratique de l’incinération ne leur soit autorisée qu’à partir du IIIe siècle avant notre ère alors qu’elle s’accroît considérablement depuis le milieu IVe siècle avant notre ère. Là encore, se pose la question du statut des enfants lorsque de nouvelles pratiques funéraires deviennent prédominantes. Comme observé par ailleurs et notamment dans l’ensemble des travaux conduits pour la même période à la conluence Seine-Yonne (sud de la Seine-et-Marne), il apparaît que la discussion inale s’articule autour d’une éventuelle sélection démographique favorisant ou non l’accueil de tous au sein de la nécropole. Bien sûr, pour toute région ou ensemble culturel, il est délicat de proposer un modèle-type de la nécropole du second âge du Fer : en Île-de-France, doit-on considérer Bobigny et ses presque 1 000 tombes comme le modèle incontestable, suggérant de cruels déicits partout ailleurs dans la région ? Ou les petits ensembles de quelques dizaines de sépultures sont-ils la norme, le millier de tombes de Bobigny étant un unicum à déinir ? (Marion et al. 2006-2007). Des sélections, d’ordre démographique ou non, peuvent déjà s’expliquer : ainsi, à la conluence Seine-yonne, des travaux récents ont-ils montré qu’une part non négligeable de la population féminine (mature et âgée) se retrouve inhumée dans des structures d’ensilage, dans le cadre de pratiques cultuelles domestiques ici avérées et récurrentes (delattre et al. 2000 ; seGuier & delattre 2005 ; delattre & seGuier 2007). De même, comme à Nanterre (Hauts-de-Seine), la mise à l’écart des certains sujets immatures (des nourrissons en ce cas) et de quelques sépultures d’adultes, dispersées dans l’habitat, renvoie à des modalités de marginalisation encore méconnues mais bien attestées. Dans le même ordre d’idée, lors de la fouille de 27 habitats laténiens dans l’Aisne et l’Oise, 223 restes humains (adultes et enfants) ont été exhumés, correspondant à un NMI de 70. Sur ces mêmes habitats, 2 ont livré les squelettes de 6 périnataux. Par ailleurs, parmi les habitats laténiens picards, 9 ont livré 13 individus inhumés en « silos » (pinard à par.). Toutes ces formes d’ensevelissement montrent non seulement une grande diversité de traitement des corps, mais aussi que la « nécropole » est loin d’être accessible à tous les défunts. Pour la Picardie, ce phénomène est faiblement perceptible durant les Ve et IVe siècles avant notre ère (2 sites pour 3 NMI), mais à partir du IIIe siècle avant notre ère, il devient indéniable. 109 RAP - 2009, n° 3/4, Estelle pinard, Valérie delattre & Sylvain thouVenot, La population ensevelie et les traitements funéraires des corps au second âge du Fer en Picardie BIBLIoGrapHIE ALDuC-LE-BAGOuSSE Armelle (1997) - « Comportements à l’égard des nouveau-nés et des petits-enfants dans les sociétés de la in de l’Antiquité et du haut Moyen Age » dans BuCHET Luc (dir.), L’enfant, son corps, son histoire, Actes des 7e Journées anthropologiques, juin 1994, Sophia Antipolis, Editions APDCA , p. 81-95. DEDET et al. (2001) - « Sépultures d’enfants en bas âge dans l’agglomération du Puech de Mus à Sainte Eulalie de Cernon (Aveyron) au Ve s. avant J.-C. », Documents d’Archéologie méridionale, 24, p. 127-162. DELATTRE Valérie, GOuGE Patrick & BuLARD Alain (2000) - « De la relégation sociale à l’hypothèse des offrandes : l’exemple des dépôts en silos protohistoriques au conluent Seine-Yonne (Seine-et-Marne) », Revue archéologique du Centre de la France, 39, p. 5-30. SEGuIER Jean-Marc & DELATTRE Valérie (2007) - « Du cadavre à l’os sec », dans BARRAL Ph., DAuBIGNEy A., DuNNING C., KAENEL G., ROuLIèRE-LAMBERT M.-J. (éds.) - L’âge du Fer dans l’arc jurassien et ses marges. Dépôts, lieux sacrés et territorialité à l’âge du Fer, Actes du XXIXe colloque international de l’AFEAF, Bienne, 5-8 mai 2005, vol. 2, Besançon, Presses universitaires de FrancheComté, p. 605-620. DESENNE Sophie, POMMEPuy Claudine & DEMOuLE Jean-Paul (Dir) (à par) - La nécropole de Bucy-le-Long "la Héronnière, la Fosse Tounisse" (Aisne), Revue Archéologique de Picardie. MARION Stéphane, LE BECHENNEC yves & LE FORESTIER Cyrille (2006-2007) - « Nécropole et bourgade d’artisans : l’évolution des sites de Bobigny (Seine-SaintDenis), entre La Tène B et La Tène D », Revue Archéologique du Centre, tome 46-46, p. 6-50. MINOZZI Simona (2008) - « Méthodes de l’analyse des incinérations », dans CHARLIER Ph. (dir) - Ostéo-archéologie et techniques médico-légales, tendances et perspectives. Pour un « manuel pratique de Paléopathologie humaine ». Collection Pathographie 2. De Broccard, p. 249-267. PARIS Pascal (1998) - « Les sépultures à incinérations de La Tène moyenne de la ZAC du Ther à Allonne (oise) » dans Les Rites de la mort en Gaule du Nord à l’âge du Fer, Actes de la table ronde de Ribemont-sur-Ancre, 4-5 décembre 1997. Revue Archéologique de Picardie, 1-2, p. 271-329. PINARD Estelle (à par) - « Les dépôts humains dans les structures désaffectées d’habitats du Bronze ancien à la Tène inale en Picardie et Nord-Pas-de-Calais », dans Morts anormaux, sépultures bizarres, Questions d’interprétation en archéologie funéraire. Actes de la Table-ronde tenu à Sens les 29, 30, 31 mars et 1er avril 2006. PINARD Estelle, DELATTRE Valérie, FRIBOuLET Muriel, BRETON Cécile & KRIER Vincent (2000) - « Chambly "La Remise Ronde" (oise) : une nécropole de La Tène ancienne ». Revue archéologique de Picardie, 3-4, p. 3-75. SEGuIER Jean-Marc & DELATTRE Valérie (2005) « Espaces funéraires et cultuels au conluent Seine-Yonne (Seine-et-Marne) de la in du Ve au IIIe siècle avant J.-C. », R.A.C.F., Suppl. 26, Actes du XXVIe Colloque international de l’AFEAF, Paris et Saint-Denis, p. 241-260. SOuPART Nathalie & DuVETTE Laurent avec la collaboration de Pissot Véronique (2005) - « Limé "les Sables" (Aisne). Les sépultures et les dépôts de la Tène », dans AuXIETTE Ginette & MALRAIN François (dir), Hommages à Claudine Pommepuy, Revue archéologique de Picardie, n° spécial 22, p. 289-326. THEVENET Corinne (2002) - Les inhumations et les incinérations de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais" (Aisne) : archéo-anthropologie d’une population de la in de l’âge du Fer. Mémoire de Maîtrise, université Paris I (Panthéon-Sorbonne), 173 p. TREFFORT Cécile (1996) - L’église carolingienne et la mort, Christianisme, rites funéraires et pratiques commémoratives, Centre interuniversitaire d’histoire et d’archéologie médiévales, Presse universitaires de Lyon, Lyon, 216 p. Les auteurs Estelle PINARD, Inrap NP, uMR 7041 ArScAn Inrap NP, Centre de Passel, Parc d’activité de Passel, Avenue du Parc F- 60400 Passel estelle.pinard@inrap.fr Valérie DELATTRE, Inrap CIF, uMR 5594, ARTeHIS - valerie.delattre@inrap.fr Sylvain THOuVENOT, Inrap NP, uMR 7041 ArScAn - sylvain.thouvenot@inrap.fr résumé Dans le cadre du Projet d’Action Scientiique Inrap « Les gestuelles funéraires au second âge du Fer en Picardie », une base de données regroupant 70 sites funéraires en Picardie et ses marges, datés du Ve au Ier siècle avant notre ère et fouillés récemment, a été constituée. Ce projet a pour but la caractérisation des gestuelles et la modélisation des chaînes opératoires, pour la mise en évidence de variations chronologiques, régionales, sociales et/ou culturelles. Il s’articule autour de plusieurs thèmes, dont celui, ambitieux et transversal de « la population ». Fondée sur cette base de données, une étude synthétique de la population ensevelie a été envisagée, au même titre qu’ont été analysés les traitements et agencements des corps selon que l’individu a été inhumé ou incinéré. 110 Mots-clés : Inhumation, incinération, études anthropologiques, second âge du Fer, Picardie. RAP - 2009, n° 3/4, Estelle pinard, Valérie delattre & Sylvain thouVenot, La population ensevelie et les traitements funéraires des corps au second âge du Fer en Picardie abstract As part of an INRAP Research Project, « La Tène burial rites in Picardy », a data bank has been drawn up, covering 70 burial sites in Picardy and the surrounding areas, dating from the 5th to the 1st centuries B.C. and recently excavated. The aim of this project is to characterize types of gestural behaviour and to model the operational sequences, so as to highlight any chronological, local, social and/or cultural variations. It is organized around a number of topics, one of which, wide-ranging and transversal, is entitled “the population”. Based on this data bank, a global study of the buried population has been initiated, as well as an examination of the way the corpses were processed and laid out, whether for inhumation or cremation. Key words : inhumation, cremation, anthropological research, La Tène, Picardy. Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX. Zusammenfassung Im Rahmen des Forschungsprojektes des INRAP über die Bestattungsrituale in der jüngeren Eisenzeit in der Picardie wurde eine Datenbank erstellt, die 70 kürzlich ergrabene Nekropolen aus der Zeit vom 5. bis 1. Jh.#v.#Chr. in der Picardie und den angrenzenden Gebieten umfasst. Ziel dieses Projektes war die Charakterisierung der Rituale und die Modellisierung der Handlungsabläufe, um chronologische, regionale, soziale und/oder kulturelle unterschiede aufzuzeigen. Das Projekt artikuliert sich um mehrere Themen, darunter das ehrgeizige und transversale Thema der "Bevölkerung". Eine auf dieser Datenbank basierende Erfassung der bestatteten Bevölkerung war ebenso geplant, wie die Analyse der Behandlungen und Anordnung der Körper je nachdem, ob es sich bei den Individuen um Körper- oder Brandbestattungen handelte. Schlüsselwörter: Körperbestattung, Brandbestattung, anthropologische untersuchungen, jüngere Eisenzeit, Picardie. Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr). 111 RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas. LE DEvEnIr DU CaDavrE InCInéré En GaULE BELGIQUE MétHoDEs Et anaLYsE DE Cas Isabelle LE GOFF avec les collaborations de G. LAPERLE, P. MILLERAT & S. CuLOT (INRAP) Le corps mort garde la forme familière de la personne, mais il devient un objet fragile, instable qu’il convient de traiter. Diverses solutions sont envisagées comme le montrent par exemple les travaux de L.-V. Thomas ou l’encyclopédie des savoirs et des croyances (thoMas 2000 ; lenoir & tonnaC 2004). Le feu représente un des traitements possibles qui marque nos esprits par son caractère radical. Au-delà de la crémation, il subsiste toutefois quelque chose du corps, présent encore au monde sous la forme d’os brûlés. Car si les chairs se sont consumées, réduites en cendres, il reste bel et bien de la matière, des os brûlés associés éventuellement à du mobilier, de la faune et aux restes du bûcher ou ceux du cercueil. quel est ensuite leur devenir ? La question est abordée d’abord par le biais de leur intégration sociale. quand on compare, de ce point de vue, les sociétés, et notamment celles du passé, on est frappé par le contraste des situations possibles. Sans entrer dans une démarche de comparaison, trois exemples illustrent le fait que ces « restes » osseux, comme le corps lui-même, véhiculent des représentations et des valeurs. Cette approche conduit à concevoir les dépôts cinéraires non plus en tant qu’entité biologique (ossements), mais en tant que produit façonné y compris dans ses aspects les plus « naturels » (couleur, fragmentation …). Il s’agira de montrer le paradoxe de la crémation. Car s’il y a bien destruction de la dépouille, il en va aussi d’une construction sociale avec la réalisation d’un dépôt cinéraire destiné à la tombe, qui subit comme toute action culturelle, les effets concrets de normes ou d’habitudes. La première partie de ce travail s’ouvre sur les perspectives méthodologiques et sur les problématiques qu’offre cette approche des sépultures anciennes. qu’est-ce qu’un dépôt cinéraire ? quels gestes techniques le façonnent ? Comment aborder en archéologie l’intégration sociale des os brûlés ? En seconde partie, la démarche est illustrée par l’exemple de la nécropole laténienne de La Calotterie (Pas-de-Calais). Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas. LE DEpÔt CInéraIrE CoMME MoDE D’IntéGratIon soCIaLE DEs os BrûLés LE DEVENIR DES OS BRÛLéS : TROIS EXEMPLES D’INTéGRATION SOCIALE Le premier exemple concerne les crémations modernes. Dans les crématoriums, après la réduction du cadavre par le feu, le protocole conduit souvent à pulvériser les os brûlés dans un « cendrier » avant de les remettre aux familles. Le souhait est, notamment, de rendre méconnaissables les pièces osseuses encore identiiables. Des cérémonies, laïques ou religieuses, accompagnent les proches le temps de la crémation, puis ils se trouvent seuls avec l’urne cinéraire, emportée à domicile dans 60 % des cas, avant de trouver une destination inale (hanus 2006). C. Bersay, de la Société de Thanatologie, souligne la grande liberté dont jouissent les familles quant au devenir des os épandage sur les pelouses des jardins du souvenir, dispersion dans l’air ou dans l’eau, dépôt dans un columbarium, ensevelissement …, les possibilités d’action étant limitées cependant par le respect des dernières volontés du défunt, par l’interdiction de dispersion sur les voies publiques. Plus récemment, la loi relative à la législation funéraire sanctionne également la création de sites funéraires privés. La rapidité du processus, le peu de valeur accordée aux restes osseux et la disparition du corps créent un malaise autour de la fugacité des « traces » que laisse le défunt (Gerard-rosay 2004). La pratique de la crémation, dans nos sociétés, s’inscrit dans une perspective de destruction du cadavre, d’anéantissement du défunt. à titre d’illustration, F. Sarcey en mars 1894 a proposé, en assemblée générale, de débaptiser la « Société pour la propagation de la crémation » en vue de substituer « incinération » à « crémation » car « incinérer est le mot vrai : il marque que l’Homme qui n’est que poussière doit retourner en poussière ». Les adeptes de la crémation militent pour rendre « la terre aux vivants » allant, dans les discours les plus radicaux, jusqu’à prôner la disparition des cimetières. Cette philosophie de la mort sans trace, ni lieu, peut 113 RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas. conduire à une culpabilisante impression d’en inir trop vite avec le défunt, notamment en cas d’épandage des os brûlés. Pour d’autres, « ces traces » matérialisent, malgré tout, les ultimes marques de ce qui reste du corps ; traces embarrassantes dans un monde ambivalent qui oscille entre le traditionnel ensevelissement du cadavre dans un espace collectif et la modernité d’une philosophie de la dématérialisation. J.-D. urbain constate toutefois, depuis 1979, un développement de la vogue crématiste qui s’accompagne d’une modiication de la perception des mots crémation et incinération. « Il s’agit de dissocier le défunt « passé à la lamme » de ce type d’associations dévalorisantes (incinération, ordure ménagère) synonymes d’évacuation, de négation, d’abolition ontologique, et de conserver à « celui qui fut », même réduit en poudre, le statut de dépouille » (urbain 2004). Selon l’auteur, un syncrétisme entre crémation et inhumation serait en cours, avec l’apparition de concept nouveau (le cavurne) « qui associe la réduction cinéraire à des usages anciens : un objet différent (les cendres à la place du cadavre) à une technique (le caveau) et à un geste traditionnel (la mise en terre) ». Nous soulignerons ici que la revalorisation des os s’effectue par la réintégration du corps dans le discours funéraire, investi à nouveau de sens grâce aux gestes d’ensevelissement. La relation symbolique os/corps/défunt à nouveau possible, les os brûlés y « gagnent en corporalité ». De manière explicite, la forme initiale du cadavre est évoquée en utilisant des mini cercueils en guise d’urne. Le deuxième exemple d’intégration sociale des os nous conduit dans le monde hellénistique. Vu au travers de l’analyse de J-P. Vernant, le devenir des os brûlés viserait à ancrer le défunt dans son territoire. Les « vestiges du cadavre, puriié par les lammes de tout élément corruptible, sont placés dans une fosse, le mort demeure en étroite connexion (…) avec un territoire. Davantage, l’érection d’un tumulus (…) souligne la volonté d’inscrire la présence du défunt jusque sur la surface du sol et de la signaler en permanence aux vivants » (Vernant 1989). Le traitement des os, qu’il convient impérativement d’ensevelir comme le demande Patrocle (1), suggère qu’ils restent « actifs » après crémation. Ainsi que le rappelle J. Zurbach, la fonction première de ce rituel est aussi de permettre aux morts de rejoindre les Enfers (zurbaCh 2005). Mais à quelles conditions ? à travers l’exemple de la mort de Patrocle, J.-P. Vernant précise le sens donné à la crémation « (…) les valeurs vitales et « mondaines » de force, de beauté, de juvénilité, 1 - « Ensevelis-moi au plus vite et que je franchisse les portes d’Hadès. » (Chant XXIII Iliade, traduction Menier 1956). 114 d’ardeur au combat, acquièrent une consistance, une stabilité, une permanence qui les font échapper à l’inexorable déclin marquant toutes les choses humaines. En arrachant à l’oubli le nom du héros, c’est en réalité tout un système de valeurs que la mémoire sociale tente d’implanter dans l’absolu, pour le préserver de la précarité, de l’instabilité, de la destruction (…) » (Vernant 1989). Dans l’idéal de la mort grecque, le corps du héros est conservé dans sa « belle forme » sous une forme immatérielle véhiculée par la mémoire (stèles, épopées…). Les os eux-mêmes, dans leur forme et leur composition, restent signiiants pour les vivants comme le montre le soin apporté au respect de l’intégrité du corps ; il s’agit de ne pas mélanger les os de Patrocle avec ceux de ses douze compagnons et de ses animaux brûlés avec lui. « Distinguons-les avec soin ; ils sont faciles à reconnaître, car il gisait au milieu du feu, tandis que les autres, hommes et chevaux, se consumaient à l’écart, entassés pêlemêle sur le bord du bûcher » (Chant XXIII Iliade, traduction Meunier 1956). La valorisation des os se perçoit encore par le soin donné à leur aspect et à leur identiication ; le vin versé sur le bûcher a pour effet d’affaisser la cendre dite épaisse, facilitant ainsi le repérage topographique des restes de Patrocle puis leur collecte. une des conséquences en est la séparation des os et des cendres. Il est dit ensuite quelques mots de la qualité même des os. « (…) Ils recueillirent les blancs ossements de leur doux compagnons, dans une urne en or (…) ». La couleur blanche des os prend du sens en faisant écho aux qualités corporelles, la « belle forme », du corps du héros. Pour le troisième exemple, il s’agit d’un texte intitulé Quand un grand péché arrive à Harrusa … (ChristMann-franCk 1971). à visée normative, il relate sur 14 jours le déroulement des funérailles royales hittites, le deuxième jour concernant les os brûlés. « une fois les ossements recueillis (sur le bûcher), elles (les femmes) les enveloppent avec le tissu et le linge in et les posent assis sur une chaise ; mais s‘il s’agit d’une femme, c’est sur un tabouret. (…) Devant la chaise sur laquelle sont installés les ossements, on place une table ». Puis il est précisé que, dans un premier service peut-être destiné au défunt, des pains sont rompus et dans un second temps, de la nourriture est distribuée à tous ceux qui sont venus recueillir les ossements, geste qu’A. Testart propose de lire comme une rémunération de leur travail rituel (testart 2005). Les os brûlés, dans cet exemple, sont impliqués dans le rituel. Bien que sans chair, ni peau, ni même un squelette articulé, les manipulations ritualisées des restes brûlés introduisent explicitement des références corporelles ; l’ensemble osseux « est posé assis », il« est couché ». De la nourriture lui est présentée. Les actions du rite suggèrent le maintien RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas. d’une continuité symbolique entre les différents états du corps. Continuité également avec le statut social, signiié ici par le maintien des marques du genre, que rappelle le choix des sièges. LE DéPôT CINéRAIRE ET LA CONSTRuCTION SOCIALE Du CORPS Au-DELà DE LA MORT La construction sociale du corps à travers ces exemples, on soulignera que les vestiges osseux, tantôt niés (traces) tantôt valorisés (pureté des os blancs), restent « actifs » après la destruction de la dépouille et qu’ils sont notamment perçus comme une continuité du corps. Selon le point de vue adopté ici, les enjeux du devenir des os brûlés seraient liés à ceux dont le corps est l’expression. L’idée, développée en anthropologie et en sociologie, qu’il résulte d’une construction sociale, en rupture avec la tradition occidentale d’une chose donnée par la nature met en relief la part culturelle intervenant dans sa fabrication (detrez 2002). Le constat de M. Godelier à partir de 26 sociétés comparées et interrogées sur le processus de fabrication d’un enfant est que dans aucun cas les « (…) gens pensent qu’un homme et une femme sufisent pour fabriquer un enfant, que cet enfant soit un humain ordinaire, ou un humain extraordinaire, un chef ou un hommedieu. Partout, quels que soient les systèmes de parenté, ou les structures politico-religieuses, un homme et une femme ne fabriquent qu’un fœtus, celui-ci appelant pour devenir un enfant humain complet, l’intervention d’agents plus puissants que les humains – ancêtres, des esprits ou des dieux » (Godelier 2007). Focalisant plus encore sur les aspects habituellement considérés comme « naturels » du corps, pour S. Breton, il est « engendré, pas seulement par ses père et mère, il n’est pas fabriqué non plus par celui qui l’habite, mais par d’autres» (breton 2007). La thèse soutenue par l’auteur, et qui nous intéresse ici, s’attache à « la façon dont telle et telle culture déinit ce avec quoi une relation est établie sous la forme du corps : avec Dieu, avec les ancêtres, avec le sexe maternel, avec les êtres peuplant le monde » (breton 2007). Si l’on étend l’idée d’une construction sociale du corps au-delà de la mort, ce point de vue ouvre des perspectives particulièrement riches en sens dans le domaine de la crémation. La question du devenir des os brûlés devient alors une interrogation sur une construction dont l’existence est souvent occultée tant l’aspect destructeur de la crémation s’impose. à une phase de destruction du corps, succède paradoxalement une phase de construction. Comme le corps vivant, le cadavre brûlé ne relève pas uniquement de données biologiques. L’impact de la culture se fait en effet sentir à deux moments des funérailles en particulier : d’abord lors de l’intervention dans le processus de décomposition (techniques de crémation), puis lors de la constitution du dépôt cinéraire. Ainsi au-delà de la mort, est progressivement donné « corps » à une nouvelle forme, le dépôt cinéraire, qui a son importance car il justiie la sépulture. Ces moments de destruction et de construction pourraient documenter les séquences des funérailles si l’on considère que la crémation est « assimilable à un mode de sépulture provisoire, avec un temps écourté pour la première phase de funéraire. En effet, les premières funérailles qui correspondent au rituel d’exposition du mort ont pour but de l’apaiser (le défunt) et de l’acheminer vers une puriication qui ne s’achève qu’avec le processus de pourriture. Elles trouvent leur équivalent dans les rites qui accompagnent la manipulation du cadavre pendant la période généralement courte qui se situe entre le décès et sa combustion sur le bûcher. Les secondes obsèques concernent les restes calcinés et puriiés correspondant aux rites d’intégration du mort dans son statut d’au-delà » (thoMas 2000). En d’autres termes, du devenir des os brûlés, il en va de la production d’une identité au-delà de la mort. Cette hypothèse, fondamentale pour les stratégies de fouille et d’analyses des sépultures anciennes, conduit à en rechercher les effets concrets sur la coniguration des dépôts cinéraires. Cela revient à rechercher les actions techniques qui donnent forme au dépôt cinéraire (le Goff 2005, 2002, 1998 et note 2). percevoir le façonnage du dépôt cinéraire Par « dépôt cinéraire », on entend à la fois une dynamique et un objet. Il s’avère donc complexe : composé d’éléments différents, issus du bûcher, qui partagent des relations de proximité (os brûlés, mobilier placé directement sur les os …) et des liens fonctionnels (urne/couvercle, contenu/ contenant …). quant aux dynamiques, elles sont perceptibles notamment dans le mode d’assemblage des éléments et dans le mode de transfert du dépôt dans la tombe. 2 - La question de la forme des ensembles osseux a été abordée par d’autres auteurs, principalement pour rendre compte de la typologie des tombes ou de la fonction des bûchers. On citera, pour l’âge du Fer, les travaux entre autres de J.-L. flouest (1993), L. baray (2003), et la typologie élaborée à partir de tombes gallo-romaines, de A. Van doorselaer (2001), fréquemment usités. Pour la notion de chaîne opératoire appliquée dans au domaine de la crémation, voir les travaux de G. Grévin. Il propose notamment une restitution des étapes de la crémation à l’époque romaine à partir des textes antiques (G. GréVin 1997). 115 RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas. On peut considérer que la constitution du dépôt cinéraire débute après la in de la crémation, même si les objets et le cadavre suivent auparavant un parcours complexe qui conditionnement également la forme du dépôt cinéraire. Dans ces grandes lignes, se distingue alors un enchaînement de 5 séquences d’actions principales (ig. 1) : - sélectionner les os, les cendres, le mobilier (gestes : choisir, exclure, regrouper ou disperser, modiier des relations topographiques entre combustible, os et objets brûlés à l’issue de la combustion, ramasser des os selon un ordre anatomique… note 3) ; - prendre (gestes : préhension avec ou sans outils) regrouper dans un contenant (pot, main, etc) ; - assembler les os avec des éléments qui ne proviennent pas du bûcher ; - déplacer le dépôt cinéraire ; - l’intégrer dans la sépulture (gestes : déposer « contenu » ou déposer par versement, élaborer ou non un système de couverture, établir la relation avec les autres éléments de la tombe …). 1- sélectionner les éléments souhaités (exclure, regrouper, disperser, modifier les relations topographiques entre les éléments brûlés) 2 - prendre, regrouper (en contenant ou hors contenant ...) 3 - assembler les éléments sélectionnés avec d'autres ne provenant pas du bûcher Nous utiliserons l’exemple de la nécropole laténienne de la Calotterie "La Fontaine aux Linottes" localisée sur les côtes de la Manche, dans le Pasde-Calais, pour présenter des gestes techniques d’intégration du dépôt cinéraire dans la tombe, plus particulièrement les gestes de « dépôt contenu » et ceux par « dépôt déversé ». L’IntEGratIon DEs os Dans La toMBE : Un Cas DE GaULE BELGIQUE La nécropole de la Calotterie offre un bon exemple de la diversité des situations rencontrées en Gaule Belgique au cours de La Tène moyenne. La crémation en Gaule Belgique s’inscrit d’ailleurs dans une longue tradition attestée dès le Ve siècle et dont les témoignages se multiplient au IVe siècle dans la Somme (Thieulloy-L’Abbaye "Au Buquet Zabelle Le Chemin des Charbonniers"), ou en Artois comme sur le site de Saint-Laurent-Blangy "Les Fontaines" (buChez en cours ; debiak et al. 1998). Cette pratique se poursuit sans discontinuité jusqu’au Bas-Empire. Pour intégrer les os dans la tombe, on constate ainsi, pour plusieurs centaines de sépultures, la permanence de l’usage de contenants périssables, préférés aux pots en céramique. Se pose alors, bien souvent au cours de la fouille, le problème de la reconnaissance du mode de dépôt ; les ossements sont dits en pleine terre, en tas ou en contenant périssable, sans autre précision. En collaboration principalement avec P. Millerat puis G. Laperle, un enregistrement systématique de la forme des amas osseux nous a conduit à chercher des critères d’identiication ain d’apporter des 3 - Voir dans GuiMier-sorbets et Morizot 2005 116 4 - déplacer le dépôt cinéraire 5 - intégrer le dépôt dans la tombe (déposer le contenu ou le déverser. L'associer avec les autres éléments de la tombe) Fig 1 - La fabrique du dépôt cinéraire : les séquences d’actions (d’après I. le Goff , dessins S. Culot, INRAP). précisions méthodologiques utiles à la lecture des contenants, et plus largement, de rendre compte de la diversité des actions de dépôt (le Goff et al. 2006 , 1998 a et ig. 3 a et b). Les amas osseux ont été traités RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas. Fig 2 - Plan et phasage de la nécropole de La Calotterie "La Fontaine aux Linottes" d’après G. blanCquaert (2000, p. 365). Phasage : phase 1 in IIIe s. - phase 2a début La Tène C2 - phase 2b in La Tène C2 - phase 3 transition La Tène C2/D1). Les cercles matérialisent les deux probables pôles de tombes qui se développent de concert. comme des objets, c’est-à-dire dégagés de leur gangue de terre jusqu’à la base, sans démonter les fragments au fur et à mesure qu’ils apparaissent. La nécropole de La Calotterie se structure en deux groupes de tombes ; l’un est délimité par un enclos fossoyé interrompu à l’est et au sein duquel sont implantées 16 structures (12 tombes à incinération et 4 vases sans ossement, dits isolés) et le second se développe à proximité, sans fossé d’enclos le délimitant (ig. 2 et note 4). Il comprend 27 sépultures (5). Les deux pôles de tombes se développent de concert, dès l’extrême in du IIIe siècle (phase 1) autour d’une tombe centrale. Au cours de La Tène C2 (début : phase 2a - in : phase 2b), l’ensemble funéraire se densiie. C’est au cours de la transition de La Tène C2/D1 que la nécropole semble être abandonnée. 4 - La totalité de l’espace funéraire est connue et un second décapage complet de ce secteur a été mené en in de fouille ain de vériier si toutes les incinérations avaient été dégagées (blanCquaert, 2000, p. 364). 5 - Pour plus de précisions quant à la fouille menée sous la direction d’y. desfossés ou quant à l’analyse qu’en propose G. blanCquaert, on se référera à la publication parue en 2000, dont sont extraites ici les informations concernant le phasage du site, son organisation et le mobilier. LES GESTES DE DéPôTS RECONNuS à LA CALOTTERIE Les tombes individuelles (6), aux architectures simples, accueillent un ou plus rarement deux dépôts cinéraires, composés d’un amas osseux et de mobilier métallique. Il s’agit fréquemment de ibules (12 cas) et parfois d’accessoires de toilette (4 cas : une pince, ou un rasoir ou un assemblage forces/rasoir) placés avec les os auxquels sont ajoutés, à distance, entre un et trois pots. Le dépôt cinéraire constitue même parfois le seul élément de la tombe. Dans la perspective de comprendre le mode de dépôt, nous avons pu étudier seize ensembles osseux sur 39, sélectionnés sur le critère de leur conservation. D’après cet ensemble, plusieurs habitudes se distinguent : coexistence de différents modes de dépôt (contenu et déversé), usage pour le moins de 3 types de contenant. Les dépôts contenus Ils utilisent un récipient ou une enveloppe qui renferme des éléments sélectionnés (os, mobilier 6 - Il s’agit ici d’une estimation du nombre minimal d’individu. 117 RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas. A - SITUATION ARCHÉOLOGIQUE INDICES (par expérimentation) INTERPRÉTATION forme de l'amas et effet de parois amas contraint par une enveloppe souple enveloppe souple forme d'un amas versé en tas Amas en contenant avec un angle coupé : -> témoin négatif ou -> glissement des os dans le contenant ? B - SITUATION ARCHÉOLOGIQUE INDICES enveloppe rigide, type coffret DAO CL Isabelle Le Goff INRAP INTERPRÉTATION Os déversés d'un récipient Os déversés d'un récipient, dans un mouvement de va-et-vient. Jardin du souvenir de Valenton Os déversés d'un récipient(pot, main ...) Expérimentation : Os déversés d'un contenant (pot) Fig 3 - La Calotterie. - a Restitution des modes de dépôt « contenu » en contenants périssables - b Restitution des modes de dépôt « déversé ». Les actions de déversement. en dépôt primaire ou secondaire …). Ces actions conduisent à former un ensemble spéciique du point de vue de la relation spatiale et ce, à double titre : en créant une proximité entre les éléments contenus et en les séparant des autres objets de la tombe. 118 L’usage d’un pot en terre : Geste le plus facile à identiier, il est peu usité. Une seule tombe individuelle (n° 50) se distingue par l’emploi d’un vase cinéraire mais dans des conditions particulières. Les os sont en effet répartis en deux amas : un amas trouvé en pleine terre, sans autre précision RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas. possible, est dit principal en raison de l’importance de l’ensemble osseux (351 g), et un autre en pot dit annexe (14 g). En raison de sa faible masse, qui ne semble pas résulter d’un problème de conservation, il est considéré comme subordonné au premier. Par ailleurs, les vestiges correspondent à ceux d’un sujet adulte, mais il est délicat de préciser s’il s’agit des ossements d’un ou de deux adultes. L’usage d’un contenant périssable, sans doute à paroi souple : les vestiges osseux de 7 défunts présentent les indices d’un dépôt en contenant, à paroi souple. Les arguments reposent sur la forme circulaire de l’amas, sur les effets de parois discontinus. Les effets de contention exercés sur les os situés en périphérie de l’amas s’avèrent discrets et provoquent peu de superposition, sur une faible hauteur. Lors d’expérimentations, de tels effets de contrainte sont reproduits en enserrant les os dans un ilm plastique souple ce qui conduit à proposer l’usage d’une enveloppe à paroi souple ; un tissu plus ou moins fortement noué aux 4 coins ou un objet préformé souple (bourse de cuir, vannerie ... cf. ig. 3a). La dimension des amas varie le plus souvent entre 22 et 30 cm de diamètre (tab. I). L’usage d’un contenant à paroi rigide, de forme rectangulaire : Il est attesté une seule fois. L’amas de la tombe 206 présente des effets de paroi rectilignes et continus d’une quinzaine de centimètres de long formant deux angles droits. Les indices évoquent un contenant rigide rectangulaire de 15 cm de côté dont un des angles est vide d’os (ig. 3a). L’absence de contenant - des gestes de versement : Dans 9 cas, les vestiges trouvés en pleine terre ne présentent pas d’indice de contrainte. La morphologie de ces dépôts est plus variée, punctiforme ou étirée, et les fragments osseux souvent disjoints. Ce type de contexture s’avère plus délicat à interpréter car des amas versés se différencient plus dificilement des amas perturbés. L’hypothèse d’os déversés, envisagée ici, se fonde sur la bonne conservation des structures et sur les indices résultants d’expérimentations (ig. 3b). La distribution disjointe des os est obtenue en les versant en un seul mouvement hors d’un contenant (pot, main …) ou, pour les amas étirés en longueur, en saccadant le geste de versement. L’un des amas (n° 588), de masse plus importante et de forme sinueuse, évoque une variation de l’action. La quantité d’os implique assurément l’emploi d’un contenant autre que les mains ; toute la masse osseuse ne pourrait en effet y tenir. Ensuite le geste donne l’impression d’un mouvement de déplacement onduleux sur 40 cm en versant les os (ig. 3b). De manière générale, le volume osseux placé dans la tombe est faible, la plupart des cas appartiennent à la classe 1-250 g. La seconde caractéristique se rapporte à la forte amplitude des masses d’os ; à une majorité d’amas de faible importance s’oppose un unique amas nettement plus lourd, plus de 1 000 g (ig. 4). D’après le corpus des seize amas osseux traités, usage de contenant et quantité d’os ensevelis Tombes Mode de dépôt Dimensions de l’amas Poids en os 50 Double : en « pleine terre » sans précision et en urne Information non disponible information non disponible urne : 14 g 1025 Contenu dans une enveloppe souple, forme circulaire 14 cm de diamètre 136g 206 Contenu dans une enveloppe rigide, forme rectangulaire 15 cm de côté 91 g 240 Contenu dans une enveloppe souple, forme circulaire 22 cm de diamètre 291 g 609 Contenu dans une enveloppe souple, forme circulaire 23 cm de diamètre 308 g 203 Contenu dans une enveloppe souple, forme circulaire 24 cm de diamètre 367 g 604 Contenu dans une enveloppe souple, forme circulaire 28 cm de diamètre 1067 g 202 Contenu dans une enveloppe souple, forme circulaire 30 cm de diamètre 471 g 593 Déversée 8 cm 118 g 1024 Déversée 14 cm 106 g 591 Déversée 15 cm 84 g 596 Déversée 16 cm 46 g 598 Déversée 20 cm 111 g 605 Déversée 30 cm 70 g 588 Déversée 40 cm 336 g 603 Déversée incertain 3 g immature tab. I - Dimensions des amas contenus et des amas déversés (Corpus sélectionné sur le critère de la conservation : 16 dépôts cinéraires) 119 RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas. fréquence (n) 35 30 25 20 15 10 5 0 1-250 250-500 500-750 750-1000 1000-1250 poids (g) Fig. 4 - Aperçu global- Poids de tous les amas osseux conservés répartis par classe de 250 g (n = 36) seraient liés. Les amas de plus de 250 g sont presque tous ensevelis en contenant. En moyenne, sont intégrés 440 g de vestiges tandis que l’action de déverser sur le fond de fosse concerne en moyenne 131 g. On note une exception. Le dépôt cinéraire 588 composé d’un amas de masse plutôt importante pour le site (388 g) résulterait d’une action de déversement d’un récipient. Il se trouve en quelque sorte en situation intermédiaire : les os sont transportés « contenus » puis intégrés dans la tombe par déversement (ig. 5). quANTITé D’OS INTéGRéS DANS LA TOMBE ET RICHESSE DE LA TOMBE Les tombes de La Calotterie s’avèrent peu fournies en céramique, elles ne comprennent jamais plus de 3 vases. De même, la sobriété des objets relatifs au corps (parures, vêtement …), limités en général à une ibule, correspond à une habitude locale, y compris dans les tombes qualiiées d’aristocratiques comme à RaillencourtSaint-Olle dans le Nord (Ginoux 2007). En revanche, les tombes fondatrices 202 et surtout la 604, se distinguent des autres, car elles regroupent un plus poids en g 1200 1000 800 600 365 g dont 14g en urne x = 440 g x = 131 g 400 200 91g 0 urne rectangulaire circulaire dépôt cinéraire en contenant 120 dépôt cinéraire déversé mode de dépôt non identifié Fig. 5 - Aperçu du poids des amas osseux selon leur mode de dépôt. à titre d’informations, est donné le poids des autres ensembles dont le mode de dépôt n’a pas été déterminé. RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas. grand nombre d’objets notamment métalliques. Au côté du bassin et de la bouteille en céramique destinés aux ablutions (Ginoux 2007), igurent 7 objets métalliques - un seau, une paire de forces, un rasoir, une pince, deux mors, une ibule - donnant au défunt une place particulière au sein de la nécropole. Certaines catégories d’objets, comme les pièces de harnachement considérées comme éléments de tombe à char, signe de l’aristocratie ou emblème de la fonction d’un artisan enrichi, couplées aux éléments architecturaux confèrent à ces défunts une importance sociale certaine (blanCquaert 2000 ; baray 2002). Outre les dépôts secondaires d’objets, se lisent d’autres indices de la présence d’objets, placés cette fois sur le bûcher : traces de bronze ou de fer sur les os, présence de tessons résiduels au sein de l’amas. qu’en est-il du devenir des ossements de ces personnes ? De ce point de vue également, ils se distinguent également des autres par un dépôt cinéraire qui comprend plus d’os, voire pour la tombe 604 une quantité sufisamment importante pour envisager l’intégration dans la tombe d’une bonne partie du corps. En quelque sorte, leur corps est physiquement mieux représenté dans la tombe (ig. 6). que se passe-t-il pour les autres défunts, ensevelis dans des tombes moins dotées en mobilier ? Pour les ensembles osseux de 250-500 g, et plus nettement encore pour ceux de moins de 250 g, la quantité d’objets en métal diminue. Elle se limite à un objet, une ibule en fer associée aux os. Plusieurs tombes ne comprennent plus aucun objet en métal. quant au mobilier céramique, le nombre de pot se limite à un exemplaire, voire à aucun dépôt de sorte que certaines sépultures se résument à l’équivalent d’une poignée d’os déversés. LA TECHNIquE DE DéPôT DES OS DANS LES TOMBES : uN GESTE NORMé ? Au cours de La Tène C2, les techniques d’intégration des os se diversiient ; dépôt dans une enveloppe à paroi souple circulaire, en pot, en contenant quadrangulaire rigide et dépôt déversé. Les techniques d’intégration mises en évidence à La Calotterie relètent des actions reconnues à l’échelle du nord de la Gaule Belgique. Les contenants à paroi souple, circulaires, ont déjà été observés dans la Somme au sein d’un ensemble funéraire comme celui d’Ennemain "Notre Dame de Joie" qui fonctionne de La Tène C1 à La Tène C2 (buChez et al.). Leur usage est en fait attesté dans ce département tout au long du IIe siècle. On citera à titre d’exemple des nécropoles au statut contrasté : soit l’ensemble de 2 tombes dites isolées de Méaulte (site 9) dont l’étude est en cours, la nécropole aristocratique de Marcelcave "Le Chemin d’Ignaucourt" (bayard & buChez 1998 , buChez et al 1998), le site 4 de Méaulte (en cours) ou celui d’Estrée-Deniécourt "Derrière le Jardin du Berger" nécropole sud (prilaux 2007) et le cas de Cizancourt "La Sole des Galets" (lefeVre 2002). Dans ce dernier exemple, l’enveloppe circulaire semble par ailleurs placée dans un contenant rigide de forme quadrangulaire (double enveloppe). Le fait est aussi observé plus tardivement à La Tène D1 à Cizancourt et, plus au nord, sur le territoire de la cité des Nerviens, dans l’ensemble aristocratique de Raillencourt-Saint-Olle st. 23, 1204, (bouChe et al. 2007 et ig. 7 a). Le contenant rigide quadrangulaire, type boîte, de la Calotterie trouve lui aussi des comparatifs dès nombre d'objets 10 tombe fondatrice (n° 604) 9 8 tombe fondatrice (n° 202) 7 6 5 4 3 2 1 0 ----------------- 1 - 250 g --------------------- 250- 500 g 1079 g Fig. 6 - Nombre d’objets (vase en orange et pièce métallique en rouge) par tombe classé en fonction de la quantité d’os ensevelis (n = 29) 121 RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas. CONTENANT A PAROI SOUPLE de FORME CIRCULAIRE La Calotterie "La Fontaine aux Linottes" (cliché (clichéISL) I Le Goff) Raillencourt-St-Olle " Le Grand Camp" tb 23 (cliché P. Millerat) " CONTENANT A PAROI SOUPLE de FORME CIRCULAIRE placé en contenant quadrangulaire Estrée "Derrière le Jardin du Berger" (tb 1119) effet de paroi quandrangulaire Méaulte site 4 Cizancourt "La Sile des Galets" (tb 1) effet de paroi courbe 20 cm Marcelcave "Le Chemin d'Ignaucourt". tb 9, Buchez et al. 1998 (Cliché D. Bayard) Fig 7 a - Les dépôts cinéraires contenus en usage au cours du IIe siècle avant J.-C. : le contenant à paroi souple, circulaire. 122 RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas. Somme, son usage, toujours rare (cf. note infra), est reconnu principalement sur la frange ouest du département, notamment sur les sites de Vismesau-Val, de Bouchon et du Grand-Laviers (bayard & barbet 1996 - huMbert & pluton 1996). Le vase angle coupé est alors utilisé soit seul comme unique récipient cinéraire ou associé avec un autre mode de dépôt (baray 2002). Pour l’Artois, « les ossements sont toujours, en état actuel de la recherche, regroupés en tas sur le sol ce qui suggère l’existence d’un contenant en matériau périssable. Les premières urnes en céramique sont attestées dans la seconde moitié du 1er siècle avant notre ère » (JaCques & rossiGnol 2001). Contenant rectangulaire à angle coupé. L'angle inoccupé est interprété comme un témoin négatif ou comme le résultat du glissement des os dans le contenant angle coupé La Calotterie (tb 206) Raillencourt-Saint-Olle (tb 12-5) Méaulte site 2.12 (tb 26) (DAO GL) Estrée (tb 1134) 20 cm Fig 7 b - les dépôts cinéraires contenus en usage au cours du IIe siècle avant J.-C. : le contenant à paroi rigide, quadrangulaire. la 1ère moitié du IIIe siècle sur le site 4 de Méaulte et tout au long du IIe siècle dans la Somme (Marcelcave, Cizancourt (7), et Estrée-Deniecourt). Les contenants de forme rectangulaire ou carrée y caractérisent même la majorité des dépôts cinéraires. outre les choix qui semblent normés, la façon d’employer ces contenants présente des similitudes. un des angles est en effet fréquemment trouvé vide d’os, ce qui évoque au moins deux hypothèses qui ne seront pas examinées plus avant ici : le témoin négatif est crée suite à la décomposition d’un objet ou alors un vide est généré par le glissement des os dans le reste du contenant (ig. 7 b). on trouve la même situation sur le site plus tardif de Raillencourt-Saint-Olle (Nord). Le troisième mode d’intégration des os observé à La Calotterie utilise un pot. Si le geste paraît minoritaire (1 cas), il s’intègre à nouveau dans la coniguration régionale contemporaine. Dans la 7 - D’après la relecture des données (contribution I. le Goff) du rapport de P. lefèbre 1999. L’usage cinéraire des pots, s’avère régulièrement observé dans les nécropoles du littoral comme le montrent notamment, les contributions de l’ouvrage consacré à 6 nécropoles du second âge du Fer de Haute-Normandie (dilly 2002, buChez en cours). On soulignera toutefois que toutes ces situations ne relètent pas le même usage du récipient. Ainsi à Vismes-au-Val, il regroupe l’ensemble des os ensevelis tandis qu’à La Calotterie ou encore à Raillencourt-Saint-Olle, il est employé dans les cas de dépôts cinéraires multiples, pour constituer un dépôt dit « annexe ». En bordure orientale de la Gaule Belgique, on trouve à nouveau l’usage de pots en combinaison fréquente avec des dépôts dit en tas (laMbot et al. 1994, flouest 1993). Ces trois actions d’intégration « contenue » des os coexistent à La Calotterie et toutes rappellent des situations rencontrées dans des secteurs géographiques proches. En revanche le dépôt par « versement » trouve peu d’écho. Il est plus délicat à son sujet d’envisager des gestes normés car l’absence de comparaison provient en partie des critères d’identiication qui posent souvent problème (technique de fouille adaptée, différencier le geste de la bioturbation …). Sur le site de La Calotterie, il fait partie de choix récurrents de La Tène C2 à la in de l’occupation de la nécropole. On sait qu’il y a moins d’os transférés dans la tombe dans les cas de déversements (ig. 5). DES GESTES TECHNIquES à L’INTéGRATION SOCIALE DES OS BRÛLéS Les actions techniques intégrant les os (quantité d’os, mode de dépôt, relation aux mobiliers …) dans la tombe évoquent un discours qui évolue à la in du IIe siècle vers une simpliication de la tombe que nous interprétons comme un effacement graduel du corps. On soulignera, les signes de plus en plus ténus de sa présence : - les actions de dépôt « contenu » concernant assurément les rares défunts dont le rang est 123 RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas. clairement afiché. Pour les plus nombreux, le dépôt s’effectue simplement par déversement, abolissant tout effet de délimitations entre les os et l’espace de la tombe. Moins de mobilier est impliqué (absence de contenant cinéraire) ; - la masse d’os ensevelis tend à diminuer : en moyenne 311 g au début de La Tène C2 puis 204 g à la in et 80 g à la transition C2/D1 d’après le corpus de tombes datées (ig. 9). on en conclut que le défunt est de moins en moins physiquement représenté dans la tombe. On a vu que ce critère pouvait se combiner, dans les tombes fondatrices, avec des signes du pouvoir. Le corps de ces défunts y est mieux représenté ; - le nombre d’objets et la complexité des assemblages (contenant cinéraire compris) diminuent (ig. 8) de sorte que le contenu de certaines tombes ne se résume qu’à une « poignée » d’os ; - dans ce contexte sépulcral sobre, les quelques objets présents évoquent le corps. En majorité, il s’agit de ibules (attaches de vêtement, de linceul ou d’enveloppe cinéraire). Pour quelques défunts seulement, les objets évoquent les soins corporels (vase pour les ablutions, toilette). Le type de mobilier le mieux représenté renvoie donc le plus souvent au corps sauf dans une seule tombe (604). On y trouve des mors de cheval qui rappellent cette fois les fonctions sociales de la personne. En l’absence d’objets emblématiques du corps social, la coniguration des tombes donne l’impression de se concentrer sur les témoignages matériels du corps du défunt. Leur composition devient plus sobre à la in du IIe s.lorsque les signes du corps se font plus discrets. Pas de signes du corps social, moins de présence du corps physique, plus d’objets liés à son entretien (vêtement, soins, contenant pour l’ensevelissement …). Les gestes conduisent à des sépultures composées seulement de quelques grammes d’ossements. Quelles réalités mentales revêtent ces séquences d’actions ? On peut pour l’heure constater qu’elles évoluent et qu’elles s’expriment par ailleurs différemment selon le rang des défunts afiché dans les tombes. Mais le contenu particulier des tombes fondatrices ne brouille-t-il pas la lecture des pratiques inéraires. La disparition des quelques signes du rang de la personne ou de richesse des tombes pourrait ne pas avoir pour seul moteur le changement de statut des défunts regroupés dans la nécropole. Il relèverait d’un imaginaire funéraire en évolution. on pourrait observer dans ces tombes à la in du IIIe et au cours du IIe siècle avant J.-C, quelque chose en lien avec la modiication de la représentation du corps, la conception de la tombe se concentrant sur les vestiges osseux. nombre 10 9 8 7 6 5 4 3 i 2 i 1 0 phase 1 phase 2a phase 2b phase 3 Fig. 8 - Nombre d’objets associés (vase en hachuré et pièce métallique en gris) au défunt par phase d’occupation (n = 16). 124 RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas. poids (g) 1200 1000 800 x = 769 g x = 311 g x = 204 g x = 80 g 600 400 200 i i 0 phase 1 phase 2a phase 2b phase 3 Fig. 9 - Poids des amas osseux par phase d’occupation (I : immature- x : moyenne – n = 16). BIBLIoGrapHIE BARBET Pierre & BAyARD Didier (1996) - « Les tombes de Vismes-au-Val dans le contexte du Belgium » Revue Archéologique de Picardie, 3-4, Amiens, p. 177-188. BAyARD Didier & BuCHEZ Nathalie (1998) - « Les tombes gauloises du Belgium, découvertes récentes » dans LEMAN-DELERIVE Germaine (dir.). Les Celtes : rites funéraires en Gaule du nord entre le VIe et le Ier siècle avant J.-C., recherches récentes en Wallonie, Namur, Direction de l’Archéologie, (études et Documents, Fouilles, 4), p. 57-62. BARAy Luc (2002) - « Les tombes à crémation des cimetières de Saint-Sauveur, Bouchon, et Vignacourt (Somme) » dans GUICHARD Guy & PERRIN Franck L’aristocratie celte à la in de l’âge du Fer (du IIe siècle avant J.-C. au 1er siècle après J.-C.). Actes de la table-ronde tenue les 10 et 11 juin 1999 à Glux-en-Glenne, Glux-en-Glenne : Centre archéologique européen du Mont Beuvray, (Coll. Bibracte 5), p. 87-108. BERSAY Claude (2004) - « La crémation », Thanatologie n° 125, Le monde des funérailles, Paris, p. 91-96. de Marcelcave "Le Chemin d’Ignaucourt" (Somme), dans BRuNAuX Jean-Louis, LEMAN-DELERIVE Germaine & POMMEPuy Claudine éds. - Les rites de la mort en Gaule du Nord à l’âge du Fer, Actes de la table-ronde de Ribemont-sur-Ancre, des 4 et 5 décembre 1997, RAP 1-2, p. 191- 210. BuCHEZ Nathalie avec une contribution de LE GOFF Isabelle (en cours) - La protohistoire récente, le funéraire. Fouille des sites funéraires de La Tène B2 à La Tène D sur les tracés linéaires en Picardie : questions méthodologiques et résultats scientiiques. CHRISTMANN-FRANCK Lisbeth (1971) - « Le rituel des funérailles royales hittites », Revue hittite et asianique, tome XXIX, p 83. DEBIAK Rudy, GAILLARD Denis, JASquES Alain & ROSSIGNOL Patrick (1998) - « Le devenir des restes humains après la mort, en Artois, aux IVe et IIIe siècle avant J.-C. dans BRuNAuX Jean-Louis, LEMAN-DELERIVE Germaine & POMMEPuy Claudine (éd) - Les rites de la mort en Gaule du Nord à l’âge du Fer. Actes de la tableronde de Ribemont-sur-Ancre les 4 et 5 décembre 1997, Revue Archéologique de Picardie n° 1/2, p. 25-58. BLANCquAERT Geertrui (2000) - «La nécropole à incinérations de la zone IV » dans DESFoSSES Yves (dir) - Archéologie préventive en vallée de Canche. Les sites protohistoriques fouillés dans le cadre de la réalisation de l’autoroute A.16. Nord-ouest archéologie n° 11, CRADC : Berck-sur-Mer, p. 364-422. DETREZ Christine (2002) - La construction sociale du corps. Paris, éd. du Seuil, 257 p. BOuCHE Karl, BLANCquAERT Geertrui & GINOuX Nathalie (2007) - « Raillencourt-Sainte-Olle : un ensemble aristocratique de la in de l’âge du Fer », Revue du Nord n° 11 Hors série (coll. art et archéologie), Lille, p. 13-34. FLOuEST Jean-Loup (1993) - « L’organisation interne des tombes à incinération du IIe au Ier avant J.C. Essai de description méthodique ». Revue Archéologique de l’Ouest, 6, p. 201-209. BuCHEZ Nathalie, DuMONT Christine, GINOuX Nathalie & MONTARu Diana (1998) - « Les tombes à incinération de Villers-les-Roye "Les Longs Champs"et GERARD-ROSAy Hélène (2004) - « Devenir des traces après la crémation », Thanatologie n° 125 Le monde des funérailles, Paris, p. 105-117. DILLy Georges dir. (2002) - Six nécropoles du second âge du Fer en Haute-Normandie. Nord-Ouest archéologie n° 13, CRADC - Berck-sur-Mer, 415 p. 125 RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas. GREVIN Gilles (1997) - « La crémation à l’époque romaine: un os resectum dans le monument funéraire de Marcus Nonius Balbo ad Herculanum », dans PALLLARDo U. - Nuove testimonianze su Marco Nonio Balbo ad Ercolano (con un appendice antropologica di Gilles Grévin, CNRS Draguignan). Bullettino del l’Instituto Archeologico Germanico Sezione Romanana, vol. 104, p. 429-433. GuIMIER-SORBETS Anne-Marie & MORIZOT yvette (2005) - « Des bûchers de Vergina aux Hydries de Hadra, découvertes récentes sur la crémation en Macédoine et à Alexandrie » dans BACHELoT Luc & TENU Aline (dir.) Entre mondes orientaux et classiques : la place de la crémation. Colloque international de Nanterre 26-28 février 2004, Ktéma n° 30, Strasbourg, p. 137-152 GINOuX Nathalie. (2007) - « Les élites du Nord de la Gaule (IIe-Ier s. avant J.-C.). Les tombes à ustensiles du feu de trois nécropoles de Gaule Belgique : Cizancourt "La Sole des Galets", Marcelcave "Le Chemin d’Ignaucourt" (Somme) et Raillencourt-Sainte-Olle (Nord) : un ensemble aristocratique de la in de l’âge du Fer », Revue du Nord n° 11 Hors série, Lille, (coll. art et archéologie), p. 65-85. GODELIER Maurice (2007) - Au fondement des sociétés humaines. Ce que nous apprend l’anthropologie, éd. Albin Michel, 293 p., (Coll. bibliothèque Idées). HANUS Michel (2006) - « Le défunt crématisé », Thanatologie n° 126, Le cadavre, Paris, p. 133-143. HuMBERT Laure & PLuTON Sylvie (1996) - Les incinérations des sites protohistoriques de l’autoroute A16 nord. Etude anthropologique. DFS, Amiens SRA de Picardie, 137 p. JACquES Alain & ROSSIGNOL Patrick (1998) - « Les rites funéraires en Artois aux IVe et IIIe siècles avant J.C. Les tombes de Saint-Laurent-Blangy, "Les Fontaines" dans LEMAN-DELERIVE Germaine (dir.) - Les Celtes : rites funéraires en Gaule du nord entre le VIe et le Ier siècle avant J.C., recherches récentes en Wallonie, Namur, Direction de l’Archéologie, p. 63-74 (études et Documents, Fouilles, 4). LAMBOT Bernard, FRIBOuLET Muriel & MENIEL Patrice (1994) - Le site protohistorique d’Acy-Romance (Ardennes) II : les nécropoles dans leur contexte régional (Thugny-Trugny et tombes aristocratiques) 1986-1988-1989, Reims, Mémoires de la Société Archéologique Champenoise, 8, Dossiers de Protohistoire, 5, p. 315. LEFEVRE Philippe (2002) - « La nécropole de Cizancourt (Somme) : présentation des indices de hiérarchisation interne des tombes » dans GUICHARD Guy & PERRIN Franck - L’aristocratie celte à la in de l’âge du Fer (du IIe siècle avant J.-C. au 1er siècle après J.-C.), Actes de la table-ronde tenue les 10 et 11 juin 1999 à Glux-en-Glenne, Glux-enGlenne, Centre archéologique européen du Mont Beuvray, (Coll. Bibracte 5), p. 109-112. LE GOFF Isabelle (1998a) - De l’os incinéré aux gestes funéraires. Essai de palethnologie à partir des vestiges de la crémation. Thèse de Préhistoire, ethnologie, anthropologie, université de Paris I, 2 volumes, 945 p. LE GOFF Isabelle (1998b) - « étude anthropologique de la nécropole gauloise de la Calotterie (Pas-de-Calais) » dans BRuNAuX Jean-Louis, LEMAN-DELERIVE Germaine & POMMEPuy Claudine (éd) - Les rites de la mort en Gaule du Nord à l’âge du Fer, Actes de la table-ronde de Ribemontsur-Ancre les 4 et 5 décembre 1997, Revue Archéologique de Picardiue n° 1/2, p. 163-170. 126 LE GOFF Isabelle (2002) - « Les vestiges de la crémation : témoins privilégiés des protocoles funéraires », Archéopages, n° 6, Paris, p. 10-18. LE GOFF Isabelle (2005) - « à propos de la nécropole à incinération de Tell Shioukh Faouqâni (Syrie) : recherche des séquences temporelles du protocole funéraire » dans BACHELOT Luc & TENu Aline (dir.) - Entre mondes orientaux et classiques : la place de la crémation. Colloque international de Nanterre 26-28 février 2004, Ktéma n° 30, Strasbourg, p. 21-28. LE GOFF Isabelle, LAPERLE Gilles & MILLERAT Patrice (2006) - « Le dépôt des vestiges humains brûlés au cours de La Tène. Une question de peau ? », AFEAF , bull. n° 24, p. 73-76. LENOIR Fréderic & TONNAC Jean-Philippe 2004 (dir.) - La mort et l’immortalité. Encyclopédie des savoirs et des croyances, Paris, Bayard, p. 1685 LEROI-GOuRHAN André (1964) - Le geste et la parole. II La mémoire et les rythmes, Paris, Albin Michel (Sciences d’aujourd’hui), 285 p. MEuNIER Mario (1956) - Homère. Iliade. Traduction et présentation, Paris, Albin-Michel, 615 p. PRILAuX Gilles (2007) - « Le site d’Estrées-Deniécourt (80) "Derrière le Jardin du Berger" Découvertes de probables tubes à libations chez les Viromanduens » dans KRuTA Venceslas & LEMAN-DELRIVE Germaine (dir) Feux des morts, foyers des vivants. Les rites et symboles du feu dans les tombes de l’âge du Fer et de l’époque romaine. Revue du Nord, hors série n° 11, université Charles de Gaulle lille 3, p. 51-64. THOMAS Louis-Vincent (2000) - Les chairs de la mort. Corps, mort, Afrique, Paris, Sanoi-Synthélabo, (Coll. les empêcheurs de tourner en rond), 557 p. TESTART Alain (2005) - « Le texte hittite des funérailles royales au risque du comparatisme » dans BACHELoT Luc & TENu Aline (dir.) - Entre monde orientaux et classiques : la place de la crémation. Colloque international de Nanterre 26-28 février 2004, Ktéma n° 30, Strasbourg, p. 28-36. uRBAIN Jean-Didier (2004) - « La cendre et la trace. La vogue de la crémation » dans LENoIR Frédéric & TONNAC Jean-Philippe (dir.) - La mort et l’immortalité. Encyclopédie des savoirs et des croyances, Paris, Bayard, p. 1207-1217. VERNANT Jean-Pierre (1989) L’individu, la mort, l’amour. Soi-même et l’autre en Grèce ancienne, Paris, éd. Gallimard, (bibliothèque des histoires), 232 p. VAN DOORSELAER André (2001) - « Les tombes à incinération à l’époque gallo-romaine en Gaule septentrionale : introduction générale » Actes du XIXe colloque international du CRAu, Les nécropoles à incinération en Gaule Belgique tenu les 13 et 14 décembre 1996. Revue du Nord, n° 8 hors série, (art et archéologie), p. 9-14. ZURBACH Julien (2005) - « Pratique et signiication de l’incinération dans les poèmes homériques. quelques observations » dans BACHELoT Luc & TENU Aline (dir.) - Entre monde orientaux et classiques : la place de la crémation. Colloque international de Nanterre 26-28 février 2004, Ktéma n° 30, Strasbourg, p. 161- 172. RAP - 2009, n° 3/4, Isabelle le Goff et al., Le devenir du cadavre incinéré en Gaule Belgique. Méthodes et analyse de cas. Les auteurs Isabelle LE GOFF, (INRAP uMR 7041), INRAP GEN, Centre de Reims, 28 rue R. Fulton F - 516809 Reims Cedex 2. Gilles LAPERLE, INRAP NP, Centre d’Amiens, 518 rue St Fuscien F - 80090 Amiens Patrice MILLERAT, INRAP NP, Centre d’Amiens, 518 rue St Fuscien F - 80090 Amiens S. CuLOT (INRAP) GEN, Centre de Saint-Martin-sur-le-Pré, 38 rue des Dats, ZI F - 51520 Saint-Martin-sur-le-Pré. résumé à partir des sépultures de la nécropole laténienne de La Calotterie "La Fontaine aux Linottes" (Pas-deCalais), sont abordées les techniques de dépôt des ossements brûlés. La diversité des situations rencontrées est mise en relation avec les signes plus ou moins forts de la présence du corps. Auparavant, sont montrés les enjeux de la fouille et de l’étude des dépôts cinéraires ; ils documentent les séquences de la chaîne opératoire qui donne forme, après la crémation, aux vestiges du cadavre. Le point de vue adopté ici considère effectivement le dépôt cinéraire comme une construction sociale et culturelle. L’idée que des conventions et des représentations le façonnent, y compris dans ses aspects les plus « naturels », est introduite par trois exemples. Mots-clés : Os brûlés, mode de dépôt, fabrique du dépôt cinéraire, intégration sociale, La Tène. abstract Our study tackles the question of the various ways cremated bones were deposited in graves, as evidenced by the burials in the La Tène cemetery at La Calotterie “La Fontaine aux Linottes” (Pas-de-Calais). The diverse practices observed are juxtaposed with the more or less evident traces of the presence of the corpse. This study is introduced by a consideration of the issues at stake in the excavation and study of cremated deposits. They give evidence of the sequence of operations that, following the cremation, give a particular form to the remains of the body. Indeed, our working hypothesis is that the cinerary deposit constitutes a social and cultural construction. The idea that it is shaped by conventions and symbols – even where it appears the most “natural” – is supported by three examples. Key words : cremated bones, deposition process, shaping of cremated deposits, social integration, La Tène. Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX. Zusammenfassung Von den Gräbern der latènezeitlichen Nekropole La Calotterie "La Fontaine aux Linottes" (Departement Pasde-Calais) ausgehend werden die unterschiedlichen Depottechniken des Leichenbrandes zur Sprache gebracht. Die Vielfalt der Situationen wird im Zusammenhang mit den mehr oder weniger deutlichen Anzeichen für die Präsenz des Körpers betrachtet. Vorab wird die Problematik der Ausgrabung und der untersuchung der Aschedepots aufgezeigt; sie dokumentieren die einzelnen Etappen der den Leichenbrand betreffenden Handlungsabschnitte. Die Deponierung der Asche wird in der Tat als soziale und kulturelle Aktion betrachtet. Die Vorstellung, dass diese von Konventionen und Vorstellungen geprägt ist, zu denen auch seine „natürlichsten“ Aspekte zählen, wird an drei Beispielen aufgezeigt. Schlüsselwörter : Leichenbrand, Depotarten, Herstellung des Aschedepots, soziale Integration, Latène Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr). 127 RAP - 2009, n° 3/4, Cyrille le forestier, Pluralité des gestes funéraires pendant la période de La Tène à Bobigny (Seine-Saint-Denis). pLUraLIté DEs GEstEs FUnéraIrEs pEnDant La pérIoDE DE La tènE à BoBIGnY (sEInE-saInt-DEnIs) Cyrille LE FORESTIER à partir de la in du IVe siècle, on assiste en Îlede-France et dans le sud de la Champagne, à une augmentation du nombre de sépultures et surtout à une multiplication de sites funéraires. Il s’agit le plus souvent d’ensembles de taille relativement réduite (10 à 30 sujets) qui peuvent être structurés par des enclos fossoyés et sont parfois interprétés comme des regroupements familiaux. C’est vraisemblablement à cette catégorie de site que se rattachent les quelques sépultures fouillées à l’emplacement des stades de la Motte. Dans ce contexte, la mise en évidence d’un ensemble de plus d’un demi-millier de sépultures constitue une des originalités du site de l’Hôpital Avicenne. Riche d’un important corpus ostéologique, cet ensemble permet une étude taphonomique pertinente grâce à la bonne qualité osseuse des squelettes. LEs InDICEs arCHéoLoGIQUEs FUnéraIrEs DE La tènE a BoBIGnY Les découvertes archéologiques liées au funéraire sont présentes en grand nombre sur les différentes opérations de Bobigny, menées de 1992 à 2008 (ig. 1). Sur le site de "La Vache à l’Aise" (le beChenneC 1998), la fouille a permis la mise en évidence de vestiges humains erratiques, présents dans treize unités stratigraphiques. Parmi les os retrouvés, ont été déterminés sept fragments de calvaria, un radius droit, des os des membres inférieurs et une vertèbre lombaire. Ces vestiges ne sont pas regroupés. Il est dificile de leur accorder une valeur cultuelle eu égard à la faiblesse du corpus. une sépulture primaire a également été fouillée sur ce site. Seul le membre inférieur gauche subsiste. Ce sujet a été déposé au sein d’une fosse d’extraction. Lors de la fouille des stades de la Motte (1997), un ensemble funéraire de La Tène B2-C1 de cinq sépultures a été mis au jour (le beChenneC 2001). Les individus sont orientés selon un axe nord-sud, dans des fosses oblongues et reposent en décubitus. Les corps ont parfois été déposés au sein de contenants. Il s’agit de trois hommes, une femme et un adulte de sexe indéterminé. Le site des Cuisines, au sein de l’hôpital Avicenne a livré sept sépultures primaires de La Tène D (Metrot 1992). Leur particularité réside dans les structures utilisées. Cinq sujets ont été déposés dans des fosses d’extraction, un dans une fosse de fonction indéterminée et un autre dans une fosse d’ensilage. Il s’agit de trois immatures et de quatre adultes. D’autre part, 44 pièces osseuses ont été retrouvées dans les comblements des structures artisanales. Il s’agit uniquement de restes d’immatures. Les deux tiers de cet effectif concernent des individus décédés avant un an. Ces jeunes sujets inhumés à l’origine dans, ou à proximité, de structures d’habitat peuvent résulter de pratiques de décharnement (laMbot 1998) ou de perturbations postérieures. Ce sont peut-être les ultimes vestiges des sépultures d’enfant : les os, rejetés involontairement au fond des structures excavées, se seraient conservés, à l’inverse de ceux des sépultures primaires disparus du fait de l’érosion et sous l’action biomécanique et chimique des éléments exogènes. Aucune sépulture primaire n’a été observée sur le site de la Radiothérapie de l’hôpital Avicenne (Marion 2007). Seuls quelques ossements erratiques retrouvés dans sept unités stratigraphiques ont été recensés. La dernière occupation funéraire fouillée à ce jour concerne le site du Bâtiment d’hospitalisation (Marion 2007). La partie sud de l’emprise est occupée par plus de cinq-cents sépultures primaires du IIIe siècle, La Tène B2 et C1. La stricte contemporanéité de ces sépultures avec les structures d’habitat qui livrent des restes humains n’a pu être établie. Sur le site même du Bâtiment d’hospitalisation, des os erratiques sont présents au sein d’une trentaine d’unités stratigraphiques liées à des structures d’habitat. une dizaine de fragments de crâne igurent dans cet inventaire. Pour la période de la in de la Tène ancienne et de La Tène moyenne, soit les IIIe et IIe siècles, ce sont Pluralité des gestes funéraires pendant la période de La Tène à Bobigny (Seine-Saint-Denis). 129 RAP - 2009, n° 3/4, Cyrille le forestier, Pluralité des gestes funéraires pendant la période de La Tène à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Fig.1 - Localisation des différents sites de La Tène à Bobigny (N. latsanopoulos, CG93 ; C. le forestier, INRAP). donc près de 530 sépultures qui ont été découvertes sur la commune de Bobigny. Les différents chantiers présentent la particularité de documenter les principaux types de gestion funéraire attestés à l’époque gauloise : nécropole dense (inhumation et crémation), petite nécropole, sépultures isolées au sein des structures d’habitat. De nombreux ossements erratiques, témoins de sépultures antérieures ou d’interventions post-mortem sur les individus sont également attestés par les diverses opérations d’archéologie préventive. Dans le concert des contextes funéraires de la période, seul le sanctuaire fait défaut. La néCropoLE : GénéraLItés Les fouilles de la nécropole de Bobigny (20022003) ont livré 514 sépultures se répartissant sur une surface de 1 200 m² (ig. 2). La stratigraphie du site, complexe et dense, s’étage parfois sur plus d’un mètre cinquante. Les répartitions par sexe et par âge n’ont pas révélé un recrutement particulier. Toutes les classes d’âges sont bien représentées, à l’exception des fœtus, des périnataux et des sujets décédés entre 0 et 1 an. 130 Sur l’ensemble du site moins de dix sépultures à armes ont été fouillées. Toutes ne sont pas équipées d’une panoplie complète. Trois d’entre elles sont dépourvues d’épées et ne possèdent qu’une pièce d’armement (umbo, chaîne de suspension ou fer de lance). Les sept autres sont accompagnées au minimum de l’épée dans son fourreau et de son système de suspension. quant au mobilier de parure, trente-cinq sépultures (7 % de l’ensemble) ont livré des éléments en association avec l’individu. Il s’agit de torques, de bracelets en fer, en alliage à base cuivre ou en lignite, de bagues et de ceintures. Le traitement funéraire (orientation, fosse, mode de décomposition) des individus portant des parures n’est pas différent de ceux qui en sont dépourvus. En ce qui concerne les ibules, 348 éléments (entière ou fragments) proviennent de 243 sépultures et ont été retrouvées pour la plupart au niveau du thorax. La présence de ibule ne semble ni liée à l’âge ni au sexe des individus. De part et d’autre de la nécropole, les limites sont parfois fossoyées, parfois naturelles. Elles ont pu être mises en évidence à l’ouest et au sud-est. La majorité des individus est orientée nord-sud, la tête au sud pour 75 % et au nord pour 11 %. Seuls 5 % des sujets ont été inhumés est-ouest, la tête à l’ouest ou à l’est. Le fossé bordant la nécropole au sud-est est également orienté nord-sud. Ce dernier, creusé à l’époque gauloise et élargi probablement à l’époque romaine, est une limite forte de la nécropole. étaitelle matérialisée par une structure éradiquée par RAP - 2009, n° 3/4, Cyrille le forestier, Pluralité des gestes funéraires pendant la période de La Tène à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Fig. 2 - Plan de la nécropole de Bobigny, Bâtiment hospitalier (C. le forestier, INRAP). le fossé postérieur ? Cette zone, la plus dense de la nécropole, se trouve en limite d’emprise et n’a pu être fouillée totalement. Il est évident que la nécropole se poursuit au-delà de l’emprise de fouille. quant aux autres limites (nord et est), seule l’absence de sépultures les rend tangibles. Il peut s’agir soit d’une limite non fossoyée (arborée ?), soit d’une absence de conservation des structures (fossés, trous de poteau). un axe nord-sud (chemin ?) semble se dessiner dans la nécropole par une interruption de sépultures sur une largeur de trois mètres, ni la topographie, ni la géologie, ne paraissant être à l’origine de ce vide. La densité des sépultures est importante, nous avons dénombré en moyenne 0,6 inhumation par mètre carré (ig. 3). L’organisation générale fait apparaître trois types d’occupation : une zone dense, une zone en bordure et des sépultures isolées de l’ensemble funéraire de près de trente mètres. Aucune sépulture dite de relégation n’a été identiiée. Les défunts ont tous bénéicié d’un soin particulier. Fig. 3 - Exemple de densité d’inhumations (C. le forestier, INRAP). 131 RAP - 2009, n° 3/4, Cyrille le forestier, Pluralité des gestes funéraires pendant la période de La Tène à Bobigny (Seine-Saint-Denis). LEs pratIQUEs FUnéraIrEs Deux types de gestion des corps sont présents : l’inhumation et la crémation. Le premier mode concerne 499 sépultures, le second 15. LES INHuMATIONS Pour les inhumations, la position des corps varie peu. La plupart des sujets ont été déposés en décubitus, les mains le long du corps et les membres inférieurs alignés. Deux individus ont été déposés en procubitus, d’autres en décubitus latéral. un seul sujet a été retrouvé les os des carpes et des mains reposant au niveau de la ceinture scapulaire. L’absence de compression au niveau des épaules ne permet pas d’imputer cette position à la présence d’un emmaillotement. S’agit-il d’une maladie contraignant le sujet dans cette position ? Aucune lésion osseuse n’a cependant été observée sur le squelette. Les membres inférieurs sont généralement alignés dans l’axe du corps. Les pieds reposent en hyperlexion ou en hyperextension. Les os des pieds ont rarement été découverts en fagot (argumentant la présence de chaussures). Parmi les inhumations de la nécropole, deux principaux types de fosses sont présents : oblongues et rectangulaires. Plus rarement le creusement est trapézoïdal ou ovoïde. 132 un lien étroit a été mis en évidence entre la forme du creusement et l’individu, le traitement funéraire ou bien la présence d’offrandes. La forme du creusement est parfois régie par l’invalidité du sujet à inhumer. C’est par exemple le cas d’un individu atteint de lésions fémorales ayant été déposé dans la position même de son invalidité (jambes léchies) et ne pouvant donc être placé à plat. La forme de la structure peut être conditionnée par le mode de dépôt. C’est en effet le cas de nombreuses sépultures où le sujet est déposé au sein d’un contenant en matériau périssable, impliquant une fosse quadrangulaire. à l’inverse, les fosses oblongues ont plus volontiers accueilli les défunts inhumés en pleine terre. La forme de la fosse dépend également de la présence d’offrandes. Cela concerne les sujets placés contre une paroi latérale du creusement, laissant ainsi de l’espace pour y déposer des céramiques ou des morceaux de viande animale. Dans ce cas, la fosse est bien plus large. Ces pratiques concernent davantage les jeunes individus. quelques fosses présentent la particularité d’être d’une largeur inférieure à la corpulence relative de l’individu, ce qui a entraîné une compression générale du squelette et des anomalies anatomiques (torsion du rachis, crâne en vue supérieure, effondrement des membres sous l’effet de la gravité). Dans ce cas, le sujet est plaqué contre une des parois latérales, légèrement de chant ou bien le crâne et les os des pieds reposant contre les parois des extrémités. Les dépôts en pleine terre (colmatage rapide) représentent près de 30 % des gestes funéraires. Il s’agit surtout d’individus adultes sans distinction de sexe. Les fosses sont pour la plupart oblongues. Nous retrouvons dans ce groupe deux cas où les corps ont glissé le long d’une des parois latérales. Ce mode de dépôt semble davantage lié à la manipulation des fossoyeurs qu’à un acte de relégation. Pour les sujets déposés au sein d’un contenant (35 %), une seule sépulture comporte des traces ligneuses, longeant le squelette appendiculaire. Aucun élément de ixation n’a été retrouvé. Il faut alors envisager un système d’assemblage des parois du contenant à l’aide de pièces de bois. De même, aucun élément de calage, permettant la mise en évidence de coffrage n’a été retrouvé à la fouille. La déduction de la présence d’un contenant se fonde exclusivement sur l’étude taphonomique : effet de paroi bilatéral et migrations osseuses principalement en dehors du volume corporel originel. Dans 15 % des cas, le comblement des masses molles des cadavres est progressif. Les connexions aux articulations sont généralement maintenues (strictes ou lâches). Il semble que d’autres éléments, nous échappant encore aujourd’hui, aient entouré les cadavres (offrandes en matériau périssable ? aménagement interne ?). Les sépultures des porteurs d’armes se trouvent dans ce groupe. Bien que les défunts se soient décomposés au sein d’un espace colmaté rapidement, des espaces vides ponctuels ont existé. Le bouclier est un élément à l’origine de ce genre de phénomènes : le plateau de bois a créé un vide sous-jacent autorisant des déplacements importants. C’est le cas de la sépulture 047, dans laquelle le dépôt du bouclier sur le corps est attesté par la position de l’umbo. un deuxième métacarpien droit a migré d’une dizaine de centimètres vers le bord nord de la fosse. Ce déplacement semble lié à l’espace vide entre la partie en bois du bouclier et le fond de la fosse. Si dans ce cas la pièce d’armement peut-être restituée grâce à la présence de l’umbo, d’autres vestiges ne laissent pas de traces (paillasse, panier, éléments textiles, etc.) et peuvent entraîner les mêmes phénomènes taphonomiques. Les individus qui se sont décomposés à l’intérieur d’un espace vide, d’où un comblement différé, sont à 75 % des immatures. Il peut s’agir d’un choix social, rituel, selon lequel le corps de l’enfant doit être dissimulé ou d’une contrainte économique, la corpulence d’un enfant ne nécessitant pas, en effet, la collecte de planches de grandes dimensions mais plutôt de simples éléments de bois sans doute bien plus disponibles (récupération de bois utile à l’artisanat, par exemple). RAP - 2009, n° 3/4, Cyrille le forestier, Pluralité des gestes funéraires pendant la période de La Tène à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Fig. 4 - Position des agrafes en fer dans la sépulture 138 (C. le forestier, INRAP). La présence en grand nombre d’agrafes de fer (75 dans 34 sépultures) permet de proposer une alternative quant à l’aménagement des fosses (ig. 4). Ces éléments pourraient provenir, non pas de contenants, assemblés dans ou en dehors de la fosse, mais d’un simple élément de couverture en bois reposant sur le haut du creusement. Cela pourrait expliquer le désordre quasi systématique des agrafes retrouvées lors de la fouille, dans des positions et à des emplacements incompatibles avec un contenant. Le pourrissement des planches, s’effectuant progressivement, aurait libéré les agrafes de ixation. Ces dernières auraient alors pu migrer en désordre vers le fond du creusement. Cette proposition n’est acceptable que pour les individus dont l’étude taphonomique n’a pas révélé d’effets de parois bilatéraux. quatre sépultures doubles ont été fouillées. L’association adulte-immature est systématique. Le soin accordé à l’une d’entre elles est original (ig. 5). La tête d’un enfant d’entre huit et dix ans repose sur l’avant-bras droit d’une femme mature. Des restes osseux de mouton ainsi que des offrandes contenus dans une céramique ont été disposés à droite du jeune sujet. La fosse, surdimensionnée, a été conçue pour accueillir les deux défunts. Le petit nombre de sépultures doubles ne permet pas de les considérer comme une pratique courante, mais plutôt comme un geste anecdotique, de circonstance. La raison d’un tel regroupement peut être de l’ordre de la mort simultanée (maladie ? accident ?). En l’absence d’indices de traumatisme sur les os, l’hypothèse du sacriice n’a pu être retenue. Fig. 5 - Sépulture 478. Deux corps inhumés simultanément (C. le forestier, INRAP). une seule réduction de corps est strictement contemporaine de la nécropole. Deux autres ont été pratiquées, mais elles sont postérieures aux phases d’utilisation de la nécropole et liées à la restructuration du lieu au Ier siècle avant J.C. La réduction concerne un adulte. Les os de la ceinture pelvienne ainsi que le fémur droit ont été rassemblés en fagot sur les jambes de la sépulture primaire. Les os des sujets perturbés se retrouvent généralement dans les remblais des sépultures, sans aucune organisation. Une seule sépulture semble avoir bénéicié d’une superstructure (toiture ?). quatre fosses de petites dimensions entourent l’individu, deux au niveau des épaules, deux des pieds. Celles-ci ont pu accueillir des poteaux. Par ailleurs on notera que cette sépulture est la seule qui présente comme unique pièce d’armement une grande lancebaïonnette. LES DISPOSITIFS INTERNES Certaines dispositions, certes plus anecdotiques, concernent des sépultures dont l’agencement du défunt dans la fosse est lié à son invalidité. Deux sujets ont ainsi été inhumés en décubitus latéral. Après l’analyse des vestiges osseux, il est apparu que plusieurs vertèbres présentaient des troubles intervertébraux importants (spondylarthrose). 133 RAP - 2009, n° 3/4, Cyrille le forestier, Pluralité des gestes funéraires pendant la période de La Tène à Bobigny (Seine-Saint-Denis). un autre défunt a été déposé à l’intérieur d’un appareillage mixte de bois et de fer (ig. 6). La sépulture contient une barre courbe d’une quinzaine de centimètres de longueur maintenue par des crampons. Ce dispositif se situe sous le crâne du sujet, en épouse la courbure et est présent également au niveau des membres inférieurs. Le squelette, féminin, présente sur la face des fémurs (diaphyse et extrémité proximale) des ostéophytes importants, témoins de myosite ossiiante. La position de cette femme, dont les membres inférieurs sont léchis, devait être celle qu’elle avait de son vivant. L’objet dont témoignent ces pièces d’assemblages pourrait s’interpréter comme un appareillage destiné à soutenir l’individu et adapté à son inirmité. L’étude microscopique de l’élément métallique a révélé des traces ligneuses sur la partie inférieure et des tiges de graminées sur la partie supérieure, ce qui conirme la présence de bois constituant l’assemblage et signale peut-être l’existence d’un lit de paille à l’intérieur de la structure. Un autre système original igure dans la sépulture 254 (ig. 7). Il se compose d’une barre en fer, longue de 80 cm et large de 5 cm, assujettie à une ou plusieurs pièces de bois au moyen de cinq crampons disposés régulièrement et espacés les uns des autres de 13 à 15 centimètres. Ce système peut être interprété comme une pièce de renfort d’assemblage. Il se trouve en position axiale sous l’individu. De ce fait, il peut participer de Fig. 6 - Sépulture 437. Le corps de cette femme, handicapée, a été déposé dans un brancard (C. le forestier, INRAP). 134 Fig. 7 - Sépulture 254. un appareillage composite (C. le forestier, INRAP). l’assemblage d’un plancher ixe ou d’un brancard mobile. L’aspect extrêmement robuste de l’ensemble et la quantité de métal employée plaident plutôt en faveur d’un élément mobile de type brancard. La construction d’un plancher sur le fond de la fosse ne nécessitait pas, en effet, la mise en place un système d’assemblage aussi élaboré. Dans cette sépulture, se trouvent également quatre autres agrafes. Elles se situent au dessus de l’individu, au niveau du thorax et encadrent l’umbo de bouclier. Soit il s’agit d’éléments d’une couverture qui viendrait se surimposer au bouclier ce qui est Fig. 8 - Sépulture 471. Cet homme a été placé en position semi-assise au moment de l’inhumation (C. le forestier, INRAP). RAP - 2009, n° 3/4, Cyrille le forestier, Pluralité des gestes funéraires pendant la période de La Tène à Bobigny (Seine-Saint-Denis). peu probable, soit il s’agit d’agrafes utilisées pour l’assemblage des planches du bouclier. un autre sujet a, semble t-il, été inhumé semiassis dans la fosse (ig. 8). Les déconnexions importantes au niveau du squelette axial et appendiculaire supérieur ainsi que le maintien des connexions des os du squelette inférieur indiquent une migration progressive du haut du corps vers le fond du creusement. Ce sujet, un homme mature, avait également les mains dans le dos au moment du dépôt. La seule présence d’un emmaillotement ne sufit pas à provoquer de telles dislocations ostéo-articulaires. LE TRAITEMENT DES ENFANTS Les sépultures d’enfants présentent la particularité d’être accompagnées d’offrandes contenues dans des céramiques, à l’inverse des adultes (ig. 9). Des vestiges d’os animaux (principalement du porc) ont été retrouvés en grand nombre à l’intérieur des urnes cinéraires. Ces crémations sont concentrées exclusivement dans la partie sud-est de la nécropole (ig. 10). Cette pratique est contemporaine des inhumations eu égard aux relations stratigraphiques. La coexistence des pratiques est donc bien établie : il ne s’agit pas d’un changement brutal. L’existence de ce secteur de crémations est problématique. Les limites de l’emprise archéologique n’ont pas permis de circonscrire l’étendue de la zone où cette pratique est présente. Le manque de place peut être une raison dans le choix de la crémation. La densité des inhumations atteste bien d’une forte contrainte foncière. Il semble étonnant qu’une pratique, avec tout ce qu’elle comporte de croyance et de rituel soit modiiée par la seule contrainte topographique. Un recrutement spéciique selon le sexe et l’âge est l’hypothèse la moins probable. Les objets associés aux défunts brûlés sont féminins et masculins - paire de forces ou boucle de ceinture féminine - (ig. 11). La crémation ne semble pas une pratique réservée à une population spéciique (le mobilier est de qualité tant dans les sépultures à inhumations qu’à crémation). Peut-être faudrait-il davantage envisager que la crémation représente un choix social d’une partie de la population, correspondant à quelques familles, ou une lente évolution des pratiques funéraires. Fig. 9 - Sépulture 513. quelques os animaux ainsi qu’une céramique ont été déposés à la droite du défunt (C. le forestier, INRAP). La majorité des céramiques ont été retrouvées déposées à droite du squelette (20 sur 24). Le plus souvent, le dépôt funéraire se limite à un seul vase. Seules 5 sépultures présentent deux céramiques. Elles concernent 3 adultes et deux immatures. Les sépultures d’immatures se distinguent donc bien à la fois par le traitement du corps, fréquemment placé à l’intérieur d’un contenant (ou emmaillotés), et par la présence d’offrandes contenues dans des céramiques. Les dépôts d’offrandes animales ne sont cependant pas réservés à cette jeune population, mais concernent toutes les classes d’âges et les deux sexes. LEs CrEMatIons quinze creusements contiennent une ou plusieurs céramiques et des esquilles d’os brûlés. Les sujets ne sont représentés que partiellement. Le IIIe siècle correspond à une période pendant laquelle le bi-ritualisme est une récurrence sur l’ensemble de l’Europe celtique. Cette dernière se caractérise par de fortes variabilités régionales ou micro-régionales dans le choix de la pratique dominante. Les tendances de l’évolution générale semblent s’orienter vers une progression sensible de la crémation. Les rythmes et la chronologie de cette évolution sont très différents selon les régions. En Île-de-France, le secteur situé autour de Paris se singularise par la perduration de la prépondérance de l’inhumation. Les nécropoles à inhumations dominantes voire exclusives, existent toujours au IIe s. (La Tène C2 ; Marion 2004), alors qu’elles ne sont plus attestées ailleurs dans le Bassin Parisien. Les découvertes de vestiges funéraires sur la commune de Bobigny permettent de valider la coexistence d’une kyrielle de pratiques à l’époque de La Tène. La pluralité des pratiques concerne à la fois le traitement des corps (inhumés ou brûlés), l’aménagement autour de l’individu (contenants, pleine terre) et le dépôt d’objets ou d’offrandes alimentaires. Ces variations sont conditionnées à la fois par le statut de l’individu (armement pour la 135 RAP - 2009, n° 3/4, Cyrille le forestier, Pluralité des gestes funéraires pendant la période de La Tène à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Fig. 10 - Localisation des crémations dans la nécropole (C. le forestier, INRAP). Fig. 11 - Trois crémations de corps en cours de fouille (C. le forestier, INRAP). classe dirigeante), par l’âge (offrandes davantage présentes dans les sépultures des plus jeunes) ou bien par l’invalidité du sujet. Le sexe des individus ne semble pas être un critère de différenciation, tout comme le choix de la crémation par une partie de la population, qui serait plutôt de l’ordre privé. 136 Fig. 12 - AVI3258. Fouille d’une urne cinéraire. Des restes brûlés d’un adulte masculin et d’une ibule constituent le premier comblement de la céramique (L. Brun, INRAP). RAP - 2009, n° 3/4, Cyrille le forestier, Pluralité des gestes funéraires pendant la période de La Tène à Bobigny (Seine-Saint-Denis). BIBLIoGrapHIE : LAMBOT Bernard (1998) - « Essai d’approche démographique du site de La Tène inale d’Acy-Romance (Ardennes) » dans BRUNAUX Jean-Louis, LEMANDELERIVE Germaine & POMMEPuyS Claudine (éd.) Les rites de la mort en Gaule du Nord à l’âge du Fer, actes de la table-ronde de Ribemont-sur-Ancre, 4-5 décembre 1997. Revue archéologique de Picardie, 1/2, p. 71-84. LE BECHENNEC yves & MARION Stéphane (1998) Bobigny, Seine-Saint-Denis, "La Vache à l’Aise". Document inal de synthèse. Epinay-sur-Seine. Centre départemental d’archéologie de Seine-Saint-Denis, Service Régional de l’Archéologie de L’Ile-de-France, 322 p. MARION Stéphane, LE BECHENNEC yves & LE FORESTIER Cyrille (2007) - Bobigny, Seine-Saint-Denis, Hôpital Avicenne : Bâtiments hospitalier et de radiothérapie. Document inal de synthèse. épinay-sur-Seine. Centre départemental d’archéologie de Seine-Saint-Denis, Service Régional de l’Archéologie de L’Île-de-France, 852 p. LE BECHENNEC yves, BuquET Cécile, HERON Claude, MARION Stéphane, METROT Pascal, MuNOZ Christelle & yVINEC Jean-Hervé (2001) - Bobigny, Seine-Saint-Denis, "Les Stades de la Motte". Document inal de synthèse. épinay-sur-Seine. Centre départemental d’archéologie de Seine-Saint-Denis, Service Régional de l’Archéologie de L’Ile-de-France, 165p. MARION Stéphane (2004) - Recherche sur l’âge du Fer en Île-de-France. Analyse des sites fouillés entre Hallstatt et La Tène inale, Chronologie et société, British Archaeological Reports, international series 1231, Oxford 2004, 2 vol., 1 121 p. MARION Stéphane, LE BECHENNEC yves & LE FORESTIER Cyrille (2008) - Nécropole et bourgade d’artisans : l’évolution des sites de Bobigny (Seine-Saint-Denis), entre La Tène B et La Tène D, Revue archéologique du Centre de la France, Tome 45-46, 2006-2007, [En ligne], mis en ligne le 30 mai 2008. uRL: http://racf.revues.org//index654. html. METROT Pascal, LE BECHENNEC yves & HERON Claude (1992) - Bobigny, Seine-Saint-Denis, "Les Cuisines de l’hôpital Avicenne". Document inal de synthèse. épinaysur-Seine. Centre départemental d’archéologie de SeineSaint-Denis, Service Régional de l’Archéologie de L’Îlede-France, 78p. L’auteur Cyrille LE FORESTIER, Archéo-anthropologue, INRAP, Centre - Île-de-France. Associé à l’uMR 6130 du CNRS résumé Les nombreux chantiers d’archéologie préventive ont permis la mise au jour de 530 sépultures de La Tène sur la commune de Bobigny depuis près de 15 ans. Fouillée en 2002-2003 au sein de l’hôpital Avicenne, la nécropole de 514 sépultures à inhumation et crémation constitue un des plus grands ensembles funéraires de cette période. Cette contribution traite de l’ensemble des gestes funéraires observés à Bobigny. abstract Over the last 15 years, the large number of preventive excavations in the town of Bobigny have revealed 530 burials of the La Tène period. Dug in 2002-2003 on the site of the Avicenne Hospital, the cemetery of 514 burials, including both cremation and inhumation, is one of the biggest burial sites of this period. The present paper deals with all the various burial rites observed at Bobigny. Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX. Zusammenfassung Bei den zahlreichen Rettungsgrabungen der letzten 15 Jahre wurden auf dem Gebiet der Gemeinde Bobigny 530 Gräber der Latènezeit freigelegt. Die 2002-2003 im Sektor des Krankenhauses Avicenne ergrabene Nekropole mit 514 Körper- und Brandgräbern stellt eines der größten Bestattungensembles aus dieser Zeit dar. Dieser Beitrag behandelt sämtliche in Bobigny beobachteten Bestattungsrituale. Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr). 137 RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer DIsCUssIon tHèME : LEs DéFUnts Modérateur stéphane MarIon Dominique Corde pour Isabelle Le Goff D. C. : Je n’ai pas entendu, ou cela n’a pas été évoqué peut-être, des crémations qui auraient été rejetées, j’en ai pas mal en ce moment en Basse-Normandie, des rejets dans les fosses, des couches complètement étalées, avec des os épars et du mobilier associé. Et c’est vrai que je n’en ai pas entendu parler, donc est-ce que vous avez des cas similaires ? I. L. G. : une des caractéristiques des sépultures, des ensembles funéraires que j’ai cités, c’est qu’en fait il y en a très très peu, à Estrées-Déniécourt, la fouille a montré que des résidus de combustion et quelques ossements étaient placés probablement sur la sépulture et tombés à l’intérieur, on ne peut pas parler de dépôt dans la sépulture, mais c’est rare, dans la sépulture elle-même, il n’y a pas de pot avec des cendres, il n’y a pas de tas de cendres. Par contre à Méaulte, on a quelques exemples d’épandages de résidus de combustion avec des ossements associés aux ossements sur le coffre ou à côté, cela reste un geste relativement rare dans les ensembles que j’ai pu observer jusqu’à maintenant en Picardie. Jean-Paul Demoule à Estelle Pinard J.-P. D. : Il y a un débat depuis des années pour savoir si les nécropoles « classiques » de La Tène ancienne à inhumations contiennent ou non toute la population. On considère souvent que la preuve que tout le monde n’y ait pas été inhumé, c’est qu’on trouve des tombes dans des silos. Mais ces dépositions en silos paraissent relativement marquées, et participer de pratiques cérémonielles particulières, et non pas être un autre mode de sépulture. Alors est-ce qu’il y a des arguments - je sais bien qu’il y a des problèmes de représentativité aussi et d’effectifs - pour penser que, à côté des nécropoles où il y a un équilibre entre les sexes et une pyramides des âges normale (compte tenu de la sous représentation des immatures), il y aurait eu un autre mode, au moins pour La Tène ancienne, de traitement des cadavres ? E. P. : En fait les individus que l’on découvre dans les silos, surtout dans l’Aisne, disposent d’un véritable traitement funéraire, par exemple à Menneville, les enfants inhumés en silos portent des ibules, ils ont été inhumés en linceul. J.-P. D. : Oui, on a des sépultures en silos dans différentes régions, dans la Somme, dans le Loiret sur l’autoroute A19, et c’est bien un traitement funéraire. Mais c’est quelque chose d’assez minoritaire. Est-ce un argument sufisant pour dire que cela constitue un autre mode de traitement du cadavre ? E. P. : Non, probablement pas, mais des classes sont absentes des nécropoles dites « classiques », par exemple, il n’y a pas de nourrissons… J.-P. D. : Oui, bien sûr, il y a sous représentation des immatures, mais sinon à part ça ? quant on regarde une nécropole, il y a un équilibre, il y a une répartition à peu près normale des sexes, des âges, et même des catégories sociales. Pour la Champagne ? Lola Bonnabel : Pour le sex ratio, si tu regardes petit bout par petit bout, tu peux avoir des grosses variations, puisqu’il y a effectivement les petits groupes de tombes du IIIe siècle qui sont féminins et au contraire des parties de nécropoles Ve - IVe qui sont masculines, mais si tu regardes la totalité des morts sur tout l’ensemble effectivement, ça fait moitié-moitié pour tout le corpus récent. Pour ce qui est des immatures, c’est pareil, en fonction des nécropoles, ça varie de 7 à 40 % on va dire, sachant que 7 % c’est une nécropole qui est extrêmement arasée, il y a aussi des partie de nécropoles qui sont spécialisées dans leur recrutement, et si tu regardes à l’échelle globale, c’est le travail d’Isabelle Richard qui est présente dans la salle, dans le cadre du PAS, si tu regardes à l’échelle globale sur la totalité des nécropoles, tu as effectivement un quart à peu près des individus qui sont des immatures, qui correspond de façon assez marrante à la proportion dans les silos également, où un quart des individus qui des immatures. Dans les silos, on observe un recrutement préférentiellement d’hommes et d’enfants et plutôt une exclusion des femmes. D’un point de vue social, c’est dificile au regard de notre société, où les inégalités sont si fortes, de savoir si on a tout le monde dans une nécropole. Ce qui est certain c’est que l’on a des niveaux de richesse différents que ce soit du point de vue mobilier et également de l’état sanitaire. Cependant, pour l’état sanitaire, en dehors de la mortalité qui peut frapper des classes d’âge normalement peu touchées, les jeunes adultes par exemples, on n’a pas de gens dans des états aussi déplorables que pour des populations récentes. Mais peut-être que les gens dans ces états déplorables n’existaient pas à cette époque là. Stéphane Marion : Pour rebondir là-dessus, il y a aussi un problème, la question se pose de taphonomie ou en tout cas de conservation des sites, des niveaux supérieurs des sites, on a vu avec l’exemple de Bobigny, que là où les niveaux supérieurs étaient bien conservés on avait tendance à avoir un peu plus d’immatures qu’ailleurs. On a aussi des immatures profonds mais ce n’est plutôt pas la règle et d’autre part les rares cas, mais ça c’est plutôt pour le VIe-Ve, les rares cas où l’on a pu fouiller, que cela soit en Suisse ou même en région parisienne, des habitats avec niveaux de sol conservés, on a une mise en évidence d’au moins une ou plusieurs sépultures de nourrissons ou de très jeunes enfants, donc on peut penser qu’éventuellement ils sont là, mais comme on n’a que des sites où les niveaux d’occupation ne sont pas conservés, évidemment on ne les trouvera jamais. Ils peuvent se trouver là ou dans les niveaux supérieurs des nécropoles, on n’a pas évidemment de réponse déinitive. Marc Talon pour Estelle Pinard M. T. : Est-ce que vous avez des morceaux d’ossements humains en contexte d’habitat comme on peut en avoir au Bronze inal, notamment en Angleterre, pour la in du Bronze inal dans le sud de l’Angleterre. Ils ne trouvaient 139 RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer pas dans les nécropoles et les sépultures alors qu’il y en avait avant et une des solutions qu’ils proposent parce qu’ils se sont aperçus qu’il y avait une augmentation importante des restes humains qui trainent en contexte d’habitat, cela peut les aider à interpréter un petit peu où auraient pu passer les morts, donc là je ne parle pas de sépultures en contexte d’habitat je parle de restes errants, de fragments d’os. E. P. : En Picardie, pour l’instant, il n’y a que l’Aisne et l’Oise qui sont vraiment référencés, il y a 47 sites d’habitats, qui ont, surtout à partir de La Tène moyenne jusqu’à La Tène inale, livré des restes humains, les NR vont de 1 à plus de 100. Stéphane Marion : Pour quelques sites que je peux connaître, par exemple à Bobigny, Cyrille a montré tout à l’heure qu’il y avait des restes humains également dans l’habitat. On est sur des sites peu denses, c’est toujours un peu délicat de savoir s’il s’agit d’une part de possibles sépultures qui ont été perturbées dont quelques bouts traineraient dans l’habitat, d’autre part de possibles sépultures en structures d’habitat antérieures puisque l’on est sur des sites qui vivent un certain temps, qui auraient elles-mêmes été perturbées et qui se retrouveraient dans des structures postérieures ou de véritables os erratiques qui auraient subi un traitement quelconque avant d’arriver dans l’habitat. Il y a de l’os humain erratique dans les habitats de La Tène, ça je crois que c’est une certitude, maintenant à quoi cela correspond, je n’en sais rien. Lola Bonnabel pour Estelle Pinard L. B. : En fait quand tu parlais des représentations féminine ou masculine, tu as choisi le terme de mortalité féminine, donc plutôt que de recrutement, je voulais savoir pourquoi tu faisais le choix de parler de la mortalité féminine alors que tu nous expliquais que peutêtre justement on n’avait pas la totalité de la population, tu vois ce que je veux dire, est-ce que c’est juste parce que c’est la même chose ? E. P. : C’est un abus de langage. L. B. : Et puis sinon aussi par rapport au corps qui peut être d’une part habillé et ensuite enveloppé dans un linceul, les exemples que l’on a sont plutôt sur la in de la chronologie c’est-à-dire pour La Tène moyenne, notamment au sud du corpus donc Perthes, Bussy, etc… on a des accessoires en position vestimentaire, on va dire classique, effectivement épaules ou sternum, en position fonctionnelle d’accessoires vestimentaires et en plus des effets de contraintes sur le corps qui eux sont associés à des grosses ibules en fer qui peuvent être sur le bras. 140 Jean Paul Demoule pour Stéphane Marion et Cyrille Le Forestier J.-P. D. : Sur Bobigny, c’est quand même un cas très atypique, par rapport à ce que l’on connaît plus au Nord. qu’est-ce que les fouilleurs de Bobigny ont comme point de comparaisons ? Au niveau des pratiques funéraires, comme disait Cyrille tout à l’heure, cela fait plutôt penser à du Moyen âge ? S. M. : Le caractère le plus atypique de Bobigny, Cyrille si tu veux répondre…Non, alors je vais prendre la parole pour nous deux. Le caractère le plus atypique, c’est en effet cette densité, densité à la fois dans l’espace, et densité, j’ai envie de dire, dans l’espace-temps puisque c’est un peu plus de 500 individus pour un siècle. Par rapport à nos ensembles funéraires habituels de l’âge du Fer c’est quelque chose d’à peu près inconnu, ce n’est pas à Jean-Paul que je vais apprendre ça, il y a des nécropoles qui ont plus de 500 individus, mais en général ça dure beaucoup plus longtemps. Pour cette notion de ratio densité-temps, c’est pour l’instant la plus importante, donc on n’a pas d’exemples véritablement comparables. On a quelques nécropoles du IIIe siècle en Europe centrale, singulièrement en Hongrie, qui atteignent environ une centaine d’individus sur un siècle, c’est parmi les éléments les plus proches, on va dire, dans la même tranche chronologique et puis on a peut-être une autre nécropole qui pourraient être du même type que Bobigny, y compris dans son recrutement, dans le traitement des enfants, etc… qui est la nécropole fouillée très anciennement au début du XXe s. à Saint-Maur des Fossés, donc à quelques encablures de Bobigny, où en relisant les vieilles descriptions après avoir fouillé Bobigny on prend quelques sueurs froides parce que ça semble exactement la même chose. on a du mal à estimer le nombre de tombes qu’ils ont fouillées, plusieurs personnes se sont succédées sur la fouille et puis ils n’ont pas fouillé évidemment toutes les tombes, mais on oscille entre 180 et 300, donc là on est dans quelque chose qui pourrait ressembler. On a des enfants mentionnés systématiquement, on a à peu près les mêmes modalités de port de parure, donc on a peut-être là deux sites comparables à quelques kilomètres de distance. Pour le reste, pour la densité, il y en a un autre qui est en termes de densité au mètre carré à peu près aussi proche, c’est Ensérune, pour de l’incinération et sur un relief très contraint. Nathalie Ginoux : Il n’y a quasiment pas de guerriers à Bobigny alors qu’il y en a quand même…à Ensérune S. M. : Oui, oui, oui, c’est très différent Ensérune, mais c’est simplement la densité au mètre carré qui est à peu près similaire. Sylvie Culot pour Cyrille Le Forestier S. C. : C’est au sujet des restes végétaux qui ont été vus sur la barre sous la femme, est-ce qu’il y a eu des analyses précises ? C. L. F. : Il faut savoir que la barre en fer mesure dans son ensemble 40 cm, c’est en deux parties, et donc l’analyse on l’a faite sur la partie interne, la partie sur laquelle repose l’individu, tout le long on a des restes végétaux qui sont organisés dans le même sens, donc ça ne pourrait pas être de l’herbe tombée par hasard, c’est bien une litière sous l’individu. Pour l’instant les analyses sont macroscopiques, après il faut voir si à l’arrière on a vraiment du bois qui est organisé avec les traces ligneuses, il nous manque les clous en fait dans la barre qui permettent de tenir justement le bois qui est en dessous. Donc c’est bien un appareillage complexe. C’est une étude à pousser au maximum. Sébastien Ducongé pour Stéphane Gaudefroy S. B. : Je suis assez surpris pour la in de la période de La Tène, avec la quantité de données qui sont présentes dans la région qu’il n’y ait aucun rapprochement entre les pratiques funéraires et les peuples qui sont cités dans les textes, est-ce que c’est une volonté des chercheurs de passer ça sous silence ? S. G. : Tu dis qu’il y a beaucoup de données pour la in de la période. Non, en fait il n’y a pas beaucoup de données, Estelle l’a montré dans les histogrammes : La Tène D1 et La Tène D2 ne sont absolument pas représentatives car on ne dispose que de quelques individus, quelques tombes seulement, donc faire une corrélation entre les textes et ce genre de document reste hasardeux ; en l’état, à mon avis, ça ne tiendrait pas la route, en tous cas chez nous. Rien que pour la Somme, on a plus de 400 tombes et bien que les textes antiques nous disent qu’Amiens est une ville importante au moment de la Guerre des Gaules, cette période n’est quasiment pas représentée dans l’effectif. En fait, on a un vrai problème pour reconnaître du mobilier La Tène D2 dans les tombes et, de manière plus globale, sur les sites d’habitat y compris les oppida. Je pense d’ailleurs, pour revenir sur une des questions de ce matin sur la surreprésentation de La Tène C1, que l’on a des problèmes de méthodes et nous sommes en train de travailler sur une redéinition des mobiliers pour RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer essayer d’afiner un peu cette période là, parce que c’est devenu un peu une période « fourre-tout ». Il faudra sans doute redistribuer une partie de ces sites sur les phases antérieures ou postérieures pour essayer d’avoir quelque chose d’un peu plus homogène. Jean-Jacques Charpy : Juste une petite précision par rapport à ce que l’on vient de nommer «la barre de Bobigny». on a parlé de plaque. Il y a même des clous. Je veux dire que ce type d’objet existe de manière récurrente en Champagne. On en connaît au moins deux exemplaires publiés depuis 1898 dans la Champagne Souterraine. Jacques Piette en a mis un au jour dans le secteur du Nogentais et il en existe aussi un autre à Morains «Les Brûlefer» dans les fouilles de Brisson. Ces pièces là sont fabriquées à partir, soit de tôles de fer, soit à partir de fragments d’épées transpercés par des clous. Ces pièces se retrouvent de manière récurrente et uniquement dans des contextes datables du IIIe siècle. François Malrain : Et elles servent à quoi ? J.-J. C. : Ça on n’en sait strictement rien. On ne possède que les éléments métalliques avec des clous qui font 5 cm d’épaisseur environ et sont repliés à 90° puis à nouveau la pointe est elle-même repliée à 90° ain de rentrer dans du bois. Les traces ligneuses sont bien visibles. Ces plaques se rencontrent en divers emplacements dans la sépulture. Le cas de Morains «les-Brûlefer» correspond à une tombe d’enfant sans doute pré-adolescent sise dans un enclos carré un peu à l’écart d’un groupe de trois autres tombes. Le plan laisse supposer un dépôt à droite et en partie sur le corps. L’objet occupe une longueur allant du niveau de l’aisselle jusqu’à dépasser celui du genou. Malheureusement pour les fouilles anciennes (Courtisols, Marne) on ne possède pas d’informations. quant à la fouille de J. Piette, il faut le contacter ; j’ai seulement vu le mobilier au laboratoire de Compiègne. Jean-Paul Demoule : Pour revenir sur cette question des « peuples », je pense qu’effectivement il vaudrait mieux l’affronter puisque on a la chance d’avoir des témoignages textuels, et qu’il est dans ce cas très intéressant de pouvoir confronter les textes et l’archéologie pour savoir ce qu’il en est, si les ethnies existent, si l’on peut confronter cultures archéologiques et ethnies, et si donc, par rapport aux peuples qui sont nommés par les textes historiques, il y a ou non une distribution signiicative, d’un point de vue archéologique, de la typologie des pratiques funéraires, etc… Je crois que l’on n’a pas du tout raison de s’en désintéresser. Il ne faut effectivement pas tomber dans le cercle vicieux qui consisterait à dire : là c’est le peuple X et donc tous les objets que l’on trouve dans le diocèse actuel de X, toute la poterie par exemple, appartiennent au peuple X et le caractérisent. Là on serait effectivement dans un cercle vicieux et ce ne serait pas très intéressant. Mais on peut en revanche essayer de fabriquer des « patates » culturelles à partir de la distribution de l’ensemble des données de la culture matérielle, architecture, pratiques funéraires, typologie des objets, etc, et voir si cela est cohérent ou non. On sait à la fois que ces peuples existaient, que c’étaient des formations protoétatiques. Et on sait aussi par l’ethnologie qu’il n’y a pas forcément coïncidence entre des entités politico-ethniques et la culture matérielle. Donc c’est un champ de recherche tout à fait intéressant. On a vu et on verra, par exemple, que la Picardie est coupée en deux, entre l’Est et l’Ouest, visiblement entre deux entités culturelles. Stéphane Marion : Ce qui est un peu compliqué aussi, je rebondis là-dessus parce que ça me saute à l’esprit, c’est que en effet, on a, tout ce que l’on veut, des pratiques, des typologies, des traits culturels, qui sont évidemment répartis dans le temps et dans l’espace, mais qui n’ont pas des aires de répartition toutes congruentes les unes des autres. La fameuse vision politique des territoires marche assez bien quand on compare deux zones relativement éloignées, donc par exemple ce qu’a montré Luc Baray, puisque je le vois là dans le fond de la salle, entre les Sénons et la Picardie, là on a clairement des oppositions, mais je vous montrerai demain que quand on va voir ce qui se passe dans les zones qui sont justement entre ces pôles éloignés, entre ces deux pôles, on a là des choses plus mélangées et que les interprétations ne sont pas si nettes. Donc, on a l’impression qu’il y a des répartitions de phénomènes, de pratiques de tout ce que l’on veut, mais que ça ne déinit pas forcément des entités ethniques, politiques ou autres, homogènes. 141 RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer. LEs MonUMEnts FUnéraIrEs En pICarDIE aU sEConD âGE DU FEr Frédéric GRANSAR & François MALRAIN IntroDUCtIon Le corpus des nécropoles, et des sépultures les constituant, mobilisé dans le cadre du projet sur les Gestuelles Funéraires au second âge du Fer en Picardie et ses marges ne saurait être perçu comme exhaustif (pinard & desenne 2006, 2007, 2008). Comme cela a été mentionné dans l’introduction des actes de la table-ronde, ce corpus résulte au contraire de choix sélectifs rationnels pratiqués en intégrant les ensembles les plus complets, sur les plans du potentiel informatif, d’une part, et des études spécialisées qui ont pu être réalisées, d’autre part (pinard & desenne, ce volume). Au sein des ensembles retenus pour l’étude (74 nécropoles totalisant 687 tombes), 16 % des cimetières sont dotés d’au moins une tombe monumentale. Ces sépultures monumentales ne représentent, en revanche, que 5 % des tombes (ig. 1). La première information importante concernant les monuments funéraires est donc leur rareté. Les monuments ne sont pas répartis uniformément dans l’espace et dans le temps. En ce qui concerne la première variable, de nature géographique, on enregistre leur surreprésentation dans la partie orientale de notre zone d’étude, plus particulièrement dans le département de l’Aisne, qui en totalise un peu plus des deux tiers. Les Nécropoles avec monument funéraire 16 % contextes de découverte très différents déjà mis en évidence lors du Bilan de l’archéologie picarde de 2005 (Malrain et al. 2005), entre travaux linéaires à l’ouest et surveillance de grands décapages en carrière à l’est, ne sont probablement pas étrangers à cette situation, même si la variable chrono-culturelle semble jouer un grand rôle. Pour l’ensemble de notre zone d’étude, six nécropoles ont livré un unique monument funéraire, quatre en ont livré trois, une en a livré cinq et enin, une seule nécropole en a livré quatorze. Cette dernière est celle de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais" dans l’Aisne, occupée entre La Tène C1 et La Tène D1 (poMMepuy et al. 2000 ; Gransar, ce volume). TyPOLOGIE DES MONuMENTS Nous avons procédé à une classiication morphologique des monuments funéraires, qui ont été subdivisés en deux catégories, celle des monuments « simples », dont l’élaboration repose sur une seule technique d’édiication ou de creusement, et celle des monuments dits « complexes », pour lesquels l’élaboration a fait appel à plusieurs techniques associées. Les monuments funéraires simples regroupent les édiices à trous de poteau, au nombre de 4 ou de 8 dans notre corpus, et les enclos fossoyés, qu’ils soient Sépultures avec monument funéraire 5% n = 74 Nécropoles sans monument funéraire 84 % n = 687 Sépultures sans monument funéraire 95 % Fig. 1 - Proportions respectives des nécropoles et des sépultures monumentales. Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer. 143 RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer. Les monuments funéraires "simples" - Les bâtiments à trous de poteau - 4 poteaux 8 poteaux - Les enclos fossoyés - Enclos circulaires Enclos quadrangulaires circulaires ou quadrangulaires (ig. 2). Il convient toutefois de préciser qu’il existe des bâtiments plus vastes dotés d’un nombre supérieur de trous de poteau, à l’image de ceux fouillés par Bernard Lambot dans les Ardennes (laMbot et al. 1994), par exemple, mais que ceux-ci sont absents du corpus picard. De même, cette classiication ne fait pas état des éventuels réaménagements d’enclos fossoyés sous la forme d’épisodes palissadés. quelques enclos de notre documentation en ont livré, mais ces derniers exemples restent marginaux. Les monuments funéraires complexes associent plusieurs éléments et techniques différents. On peut mentionner l’association d’un enclos et d’un bâtiment interne sur trous de poteau, l’association d’un enclos et d’une entrée monumentale sur poteaux, ou encore l’association « enclos fossoyé, bâtiment interne et entrée monumentale ». Il est évident que l’utilisation de plusieurs types d’éléments, faisant appel à des techniques variées, implique un temps de travail supérieur à celui engendré par la réalisation de monuments « simples » et que la monumentalité devait en être accentuée. N W E S 0 10 m Les monuments funéraires "complexes" - Enclos et bâtiment - - Enclos et entrée monumentale - - Enclos, bâtiment et entrée monumentale - Fig. 2 – Classiication typologique des monuments funéraires. 144 Fig. 3 – Photographie verticale de la tombe à char 114 de Bucy-le-Long "La Héronnière" (cliché Y. GuiChard, UMR 7041 « Protohistoire européenne »). RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer. Fig. 4 – Reconstitution en image de synthèse de la tombe à char 114 de Bucy-le-Long "La Héronnière" (document S. thouvenot, UMR 7041 « Protohistoire européenne »). Certaines fosses sépulcrales ont été dotées d’aménagements internes, de type « boisage », qui devaient participer à la monumentalité de l’ensemble. C’est particulièrement vrai au début de la séquence, avec l’exemple édiiant de la tombe à char 114 du cimetière de Bucy-le-Long "La Héronnière" (ig. 3 et 4). Cependant, nous avons choisi de ne pas intégrer ce critère à l’étude en raison des biais induits par les divers degrés de lisibilité archéologique des contextes sédimentaires de comblement des structures. En d’autres termes, nous ignorons si les aménagements des fosses étaient rares, ou si ils sont archéologiquement peu lisibles. Les monuments à trous de poteau mesurent entre 3 m2 et 45,5 m2, avec une moyenne à 14 m2. Leur distribution, jugée gaussienne, est relative à une seule population statistique (ig. 5). Les monuments à enclos, quant à eux, mesurent entre 18 m2 et 103 m2, avec une moyenne à 93 m2. Ils sont sécables en deux groupes surfaciques : celui des petits et moyens enclos, très majoritaires, et celui des grands à très grands enclos. Notre corpus a livré un enclos fossoyé, celui de Maizy dans l’Aisne (robert et al. 2008), atteignant 713 m2, ce qui en fait une exception. 40 800 Maizy 700 35 600 30 500 25 400 20 300 15 200 10 100 0 Moyenne 93 m2 Moyenne 14 m2 5 0 Superficie des monuments enclos (m2) Superficie des monuments sur poteaux (m2) Fig. 5 – Distributions des surfaces des monuments à trous de poteau et des enclos fossoyés. 145 RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer. 16 Bâtiments à 4 poteaux Surface (m2) 14 12 10 8 6 4 2 0 50 Habitat Funéraire Observations Bâtiments à 8/9 poteaux Surface (m2) 45 Fig. 8 – Photographie verticale du cercle fossoyé entourant la tombe à char 150 de Bucy-le-Long "La Fosse Tounise"(cliché Y. GuiChard, UMR 7041 « Protohistoire européenne »). 40 35 30 25 20 15 Habitat Funéraire 10 5 Observations Fig. 6 – Distributions comparées des surfaces des monuments funéraires et des monuments d’habitat entre La Tène C1 et La Tène D1 (4 poteaux et 8/9 poteaux). L’effectif important des édiices funéraires sur poteaux de la nécropole de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais" entre La Tène C1 et D1 nous autorise à pratiquer une comparaison de leurs dimensions avec celles des bâtiments du même type livrés par des habitats contemporains du cimetière (ig. 6). Ces bâtiments issus de la documentation d’habitat sont généralement interprétés comme des greniers. on compare donc des édiices funéraires et domestiques à 4 poteaux (graphique du haut), et des bâtiments funéraires à 8 poteaux et tombe centrale avec des bâtiments domestiques à 9 poteaux (graphique du bas). Les édiices à 4 poteaux, qu’ils proviennent du domaine funéraire ou de celui de l’habitat, présentent une remarquable homogénéité dimensionnelle. Il s’agit statistiquement d’une seule et même population. En revanche, on enregistre deux populations distinctes avec grands bâtiments funéraires à 8 poteaux et petits bâtiments domestiques à 9 poteaux. Cette dernière observation conirme la monumentalité ostentatoire des grands bâtiments funéraires. tYpo-CHronoLoGIE DEs MonUMEnts Ces premières observations morphodimensionnelles doivent être complétées en introduisant à l’étude la variable chronologique (ig. 7). Sur la igure 7, tous les monuments sont présentés à la même échelle, excepté l’enclos fossoyé de Maizy, en gris au bas du graphique, qui est présenté à l’échelle 1/2. 146 On enregistre d’abord une surreprésentation des monuments dits simples par rapport aux monuments dits complexes, ensuite une certaine faiblesse des effectifs dans la première partie de la séquence chronologique. Les monuments n’apparaissent, au sein de notre corpus, qu’à la transition entre La Tène A2 et B1. Il s’agit alors d’enclos circulaires délimitant une tombe à char (ig. 8). On enregistre ensuite le passage de la morphologie circulaire à la morphologie quadrangulaire à la transition entre La Tène B1 et B2, avec le remarquable monument hybride en forme de bouchon de champagne provenant de la nécropole de Bucy-le-Long "La Héronnière" (poMMepuy et al. 2000 ; desenne et al., dir., à paraître). On estime que la morphologie quadrangulaire s’impose dans le courant de La Tène B2, avec l’unique exemple provenant du site d’Orainville (desenne et al. 2005). Enin, c’est à La Tène C1 que l’on voit apparaître les édiices à trous de poteau, ainsi que le type complexe associant enclos et bâtiment interne. C’est toujours à La Tène C1 que l’on enregistre pour la première fois dans notre corpus des monuments dans le département de la Somme, ceux des étapes précédentes étant issus exclusivement du département de l’Aisne. Les deux rituels funéraires, inhumation et incinération, sont concernés par le phénomène des tombes monumentales (ig. 9). L’inhumation domine au début de la séquence et l’incinération est exclusive à partir de La Tène C2. L’étape charnière de La Tène C1 présente une forte hétérogénéité en raison de l’apparition des premiers monuments en Picardie occidentale, où le rituel est l’incinération, alors que le rituel de l’inhumation est toujours pratiqué en Picardie orientale (département de l’Aisne). RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer. Monuments "simples" Monuments "complexes" La Tène A1 La Tène A2 La Tène B1 La Tène B2 La Tène C1 La Tène C2 La Tène D1 La Tène D2 Bâtiments sur poteaux Enclos fossoyés Fig. 7 – Typo-chronologie des monuments funéraires. 147 RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer. Inhumation Incinération Monuments "simples" Monuments "complexes" La Tène A1 La Tène A2 La Tène B1 La Tène B2 La Tène C1 La Tène C2 La Tène D1 La Tène D2 Bâtiments sur poteaux Fig. 9 - évolution du rituel funéraire dans les sépultures monumentales. 148 Enclos fossoyés RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer. La détermination sexuelle n’a été possible que dans cinq tombes monumentales à inhumation. Il n’est donc pas étonnant que cette détermination ne concerne que des tombes du début de la séquence, dans le département de l’Aisne. Parmi ces cinq tombes monumentales, quatre sont féminines et une seule masculine. On enregistre à La Tène A2/ B1 trois tombes à char féminines, à monument simple ou complexe, et à La Tène C1 une tombe à char masculine à monument complexe, sépulture fondatrice de la grande nécropole de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais". Le recrutement funéraire apporte quelques éléments de rélexion intéressants. Alors que les rares sépultures monumentales du début de la séquence ne concernent que des adultes, on voit apparaître des tombes monumentales pour des enfants et des immatures à partir de La Tène C1, y compris des monuments dits « complexes » de haut statut hiérarchique. Cette pratique tangible montre une évidente transmission héréditaire du pouvoir à partir de La Tène C1, ce qui ne signiie pas qu’elle ne l’était pas antérieurement, mais en tout cas pas perceptible sur le même mode. restreint et sur une séquence chronologique assez longue où la dichotomie culturelle entre Picardie orientale et occidentale est assez marquée. Si l’on envisage d’abord le nombre de céramiques déposées, une certaine « logique hiérarchique » semble respectée, car les tombes les plus monumentales sont en général abondamment dotées (ig. 10). Mais on remarque également que certaines tombes à bâtiment peuvent être aussi abondamment pourvues en poteries, notamment quelques petits édiices à 4 poteaux, à partir de La Tène C1. L’absence de forte corrélation entre les niveaux hiérarchiques potentiels des monuments funéraires et le degré de richesse en nombre de récipients déposés dans les tombes mérite d’être soulignée. L’introduction à l’étude de variables qualitatives et quantitatives concernant les assemblages mobiliers déposés dans les tombes monumentales permet d’enrichir notre perception hiérarchique du phénomène. Gardons cependant en mémoire que nous travaillons sur un corpus volontairement Les éléments constitutifs des trousseaux (rasoir, scalpel, pince à épiler, scalptorium et forces) sont globalement peu représentés (ig. 12). Quand ils le sont, ils peuvent provenir de tombes à char, de sépultures à grands enclos ou à petits bâtiments à 4 poteaux, comme de tombes simples. Nombre de poteries MonUMEnts Et DépÔts Le raisonnement peut être étendu à d’autres catégories de mobilier. Si l’on considère maintenant le nombre de ibules déposées dans les tombes (ig. 11), en essayant de lisser la variable chronologique par une lecture préférentiellement horizontale du graphique, on constate une fois de plus l’absence de corrélation forte entre niveau hiérarchique monumental potentiel et degré de richesse ou d’abondance de cette catégorie de parure. 25 24 23 22 21 20 19 18 17 16 15 14 13 12 11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 La Tène A2 La Tène B1 La Tène B2 La Tène C1 La Tène C2 La Tène D1 La Tène D2 Fig. 10 - Variation des effectifs de céramiques déposées dans les sépultures monumentales (lecture des effectifs au niveau de la tombe centrale). 149 RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer. 1 2 3 4 5 Bronze Fibules Fer Monuments "simples" Monuments "complexes" La Tène A1 La Tène A2 La Tène B1 La Tène B2 La Tène C1 La Tène C2 La Tène D1 La Tène D2 Bâtiments sur poteaux Enclos fossoyés Fig. 11 - Effectifs des ibules retrouvées dans les sépultures monumentales (effectifs par matériau non cumulés). 150 RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer. 1 Trousseaux 2 3 (rasoir, scalpel, pince à épiler, scalptorium, forces) Monuments "simples" Monuments "complexes" La Tène A1 La Tène A2 La Tène B1 La Tène B2 La Tène C1 La Tène C2 La Tène D1 La Tène D2 Bâtiments sur poteaux Enclos fossoyés Fig. 12 – Effectifs des éléments constitutifs des trousseaux dans les sépultures monumentales. 151 RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer. 1 Dépôt d'offrandes animales 2 3 4 (niveaux de richesse et de complexité élaborés par G. Auxiette) Monuments "simples" Monuments "complexes" La Tène A1 La Tène A2 La Tène B1 La Tène B2 La Tène C1 La Tène C2 La Tène D1 La Tène D2 Bâtiments sur poteaux Enclos fossoyés Evocation du banquet (cuillère, fourchette, gril, landier, crémaillère) 152 Fig. 13 - Degrés de richesse des dépôts alimentaires animaux et évocation du banquet dans les sépultures monumentales. RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer. Des seaux et bassins en tôle de bronze, qui ne concernent que la seconde moitié de la séquence chronologique, ont été déposés dans 4 tombes à petits bâtiments à 4 poteaux, ainsi que dans une tombe à grand bâtiment à 8 poteaux. Ils sont totalement absents dans les sépultures contemporaines à grand enclos et à monument complexe. De même, la présence de couteaux, généralement associés aux offrandes animales, n’est pas directement corrélée au statut potentiel des différents types de monuments. En revanche, il convient de préciser que les couteaux sont présents dans les tombes simples à hauteur de 7 % de l’effectif, alors que 27 % des tombes monumentales en contiennent au moins un. Les offrandes animales déposées dans les sépultures ont fait l’objet d’une étude détaillée par Ginette Auxiette, qui a déterminé quatre niveaux de richesse (le niveau 4 étant le plus élevé) sur la base d’arguments qualitatifs (parties anatomiques, associations d’espèces) et quantitatifs (poids de viande) pour l’ensemble des tombes mobilisables (ig. 13). on constate d’abord que les deux niveaux de richesse inférieurs sont absents du corpus des tombes monumentales et ne concernent que les sépultures simples. une fois de plus, la logique hiérarchique ne semble pas pleinement respectée puisqu’on enregistre des dépôts de niveau 4 (le plus élevé) dans des tombes à petits édiices à 4 poteaux, au moins à La Tène C1 et D1, alors que les monuments les plus vastes et les plus complexes qui leur sont respectivement contemporains sont dotés de dépôts de niveau 3. Le mobilier évoquant le banquet (cuillère, fourchette, gril, landier, crémaillère) est très peu représenté (ig. 13). En dépit de ces effectifs restreints, la présence de ce type de mobilier dans une tombe à char, dans la tombe de l’enclos le plus vaste du corpus et dans trois sépultures à petits édiices à 4 poteaux, à l’exclusion des sépultures dotées des monuments les plus complexes, mérite d’être soulignée. HIérarCHIE DEs MonUMEnts Au terme de ce tour d’horizon des sépultures monumentales, il nous semble indispensable d’en présenter un essai de gradation hiérarchique. Cette tentative repose principalement sur une appréciation empirique du degré d’effort, en temps et énergie de travail, ainsi que de l’investissement en matériaux architecturaux, concédés pour la réalisation des monuments, à laquelle s’ajoute un certain nombre de critères mobiliers parmi ceux que nous venons de présenter (ig. 14). à un niveau hiérarchique légèrement supérieur à celui des tombes simples, on trouve à partir de La Tène B2/C1 les petits enclos fossoyés (rang 6), puis les petits bâtiments et les grands enclos fossoyés (rang 5), ensuite les grands bâtiments et les très grands enclos fossoyés (rang 4). Il est important de préciser que ces trois rangs hiérarchiques de monuments sont inexistants à La Tène A1, A2 et B1 dans notre corpus. Viennent ensuite le rang 3 des monuments complexes, puis les deux rangs supérieurs des tombes à char. La distinction des rangs 1 et 2 repose sur la « simplicité » ou la « complexité » des monuments. Etant donnés les effectifs très faibles, nous ignorons si cette distinction sur les tombes à char traduit une réalité hiérarchique interne ou une évolution chronologique. Il est en revanche indéniable que la gradation hiérarchique présumée des sépultures à monument n’est pas directement corrélée au nombre d’objets déposés dans les tombes, mais peut-être davantage à la qualité de certains d’entre eux. Dans les tombes à char de la nécropole de La Tène ancienne de Bucy-le-Long "La Héronnière" par exemple, une bague et deux boucles d’oreilles en or valent peut-être beaucoup plus qu’un torque, des ibules et des bracelets en bronze à cabochon de corail, accompagnés d’anneaux et de perles en verre, pâte de verre et ambre. Cette question soulève le problème de l’appréciation de la valeur des dépôts. ConCLUsIon Au sein des espaces funéraires, les tombes monumentales ont généré une structuration spatiale dynamique de dimension sociétale. Le passage de la structuration à « emplacement réservé » pour les tombes à char de La Tène ancienne à la structuration à « agrégation » est datable de La Tène C1. Les sépultures monumentales montrent à partir de ce moment une gradation hiérarchique plus prononcée, une plus forte diversité morphodimensionnelle, ainsi qu’une fréquence plus importante. Les cimetières sont alors fondés par une imposante tombe monumentale, qui polarise à la fois des monuments plus petits et les sépultures simples (ig. 15). Cette gradation hiérarchique devait être visible de l’ensemble de la population. Comme cela a été mentionné, on aurait pu s’attendre à une forte corrélation entre rang hiérarchique des monuments et degré de richesse des dépôts dans les fosses sépulcrales. Or, la corrélation est plutôt faible, ce qui implique peutêtre une imbrication incomplète des sphères de la société, du groupe restreint, de la famille et de l’individu, certains hauts niveaux de richesse de mobilier dans des tombes monumentales de statut inférieur pouvant résulter d’une forme de « mesure compensatoire ». Autrement dit, si l’on a le monument que l’on mérite, en fonction de son statut social, il pourrait avoir existé une forme de compensation d’ordre familial, par exemple, en terme de richesse déposée, et par la suite cachée, lors de la fermeture de la tombe. 153 RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer. Tombes à char à monument complexe 1 Tombes à char à monument simple 2 Tombes à monument complexe Rang hiérarchique 3 Tombes à grand bâtiment et à très grand enclos 4 Aménagements Tombes à petit bâtiment et à grand enclos inexistants 5 à La Tène A2 et B1 6 Tombes à petit enclos Sépultures simples (sans monument) La Tène A2 La Tène B1 La Tène B2 La Tène C1 La Tène C2 La Tène D1 La Tène D2 Fig. 14 - Proposition de gradation hiérarchique des sépultures monumentales en fonction de leurs caractéristiques morphodimensionnelles et de la « richesse » des dépôts (distinction entre les tombes à char de niveaux 1 et 2 incertaines). 154 RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer. Fig. 15 - Photographie illustrant l’agrégation des tombes simples et des sépultures monumentales de rang inférieur à la tombe à char monumentale fondatrice du cimetière. Exemple provenant de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais" à La Tène C1 (cliché Y. GuiChard, UMR 7041 « Protohistoire européenne »). BIBLIoGrapHIE DESENNE Sophie, COLLART Jean-Luc, AuXIETTE Ginette, MARTIN Gérard & RAPIN André, avec la collaboration de DuVETTE Laurent (2005) - « La nécropole d’Orainville "La Croyère" (Aisne). un ensemble attribuable au Aisne-Marne IV », Revue Archéologique de Picardie n° spécial 22, Hommages à Claudine Pommepuy, p. 233-287. DESENNE Sophie, DEMOuLE Jean-Paul & POMMEPuy Claudine (dir.), à paraître - « La nécropole de La Tène ancienne de Bucy-le-Long "La Héronnière, La Fosse Tounise" (Aisne) », Revue Archéologique de Picardie. LAMBOT Bernard, FRIBOuLET Muriel & MéNIEL Patrice (1994) - « Le site protohistorique d’Acy-Romance (Ardennes) – II, Les Nécropoles dans leur contexte régional (Thugny-Trugny et tombes aristocratiques) 1986-19881989 ». Mémoire de la Société Archéologique Champenoise-8, supplément au bulletin N 2, Châlons-sur-Marne, 315p. MALRAIN François, GAuDEFROy Stéphane & GRANSAR Frédéric (2005) - « La Protohistoire récente : IIIe siècle - 1ère moitié du Ier siècle avant notre ère ». La recherche archéologique en Picardie : bilans et perspectives. Journées d’études tenues à Amiens les 21 et 22 mars 2005. Revue Archéologique de Picardie n° 3/4, p. 127-167. PINARD Estelle, DESENNE Sophie, dir. (2006) - Rapport INRAP 2006 sur le projet Les gestuelles funéraires au second âge du Fer en Picardie et ses marges. PINARD Estelle & DESENNE Sophie, dir., (2007) Rapport INRAP 2007 sur le projet Les gestuelles funéraires au second âge du Fer en Picardie et ses marges. PINARD Estelle & DESENNE Sophie, dir., (2008) Rapport INRAP 2008 sur le projet Les gestuelles funéraires au second âge du Fer en Picardie et ses marges. POMMEPuy Claudine, AuXIETTE Ginette, DESENNE Sophie, GRANSAR Frédéric & HENON Bénédicte (2000) - « Des enclos de l’âge du Fer dans la vallée de l’Aisne : le monde des vivants et le monde des morts ». Revue Archéologique de Picardie n° 1/2, p. 197-217. ROBERT Bruno, PINARD Estelle, AuXIETTE Ginette, GRANSAR Marc & HENON Bénédicte (2008) - « une sépulture aristocratique de La Tène D1 à Maizy (Aisne) ». Revue Archéologique de Picardie, n° 3/4, p. 23-61. 155 RAP - 2009, n° 3/4, Frédéric Gransar & François Malrain, Les monuments funéraires en Picardie au second âge du Fer. Les auteurs Frédéric GRANSAR, INRAP Nord-Picardie, UMR 7041 « Protohistoire européenne » Centre archéologique, Abbaye Saint-Jean-des-Vignes, F - 02200 Soissons. frederic.gransar@inrap.fr François MALRAIN, INRAP Nord-Picardie, UMR 7041 « Protohistoire européenne » Centre archéologique, Parc d’Activités, avenue du Parc, F - 60400 Passel. francois.malrain@inrap.fr résumé à partir d’un corpus de 687 sépultures élaboré dans le cadre d’un projet scientiique de l’INRAP sur Les gestuelles funéraires au second âge du Fer en Picardie et ses marges les auteurs tentent de mettre en évidence une hiérarchie interne des tombes monumentales, ces dernières ne représentant que 5 % de l’effectif. La typologie des monuments, leur évolution chronologique et le croisement avec les données de la culture matérielle font partie des critères mobilisés pour explorer cet axe de recherche. Mots clés : second âge du Fer, Picardie, monuments funéraires, hiérarchie. abstract From a corpus of 687 graves drawn up as part of an INRAP research programme concerning La Tène burial rites in Picardy and its surroundings [ Les gestuelles funéraires au second âge du Fer en Picardie et ses marges], the authors aim to distinguish a possible hierarchy among the monumental burials, which total no more than 5% of the whole. The typology of these monuments, their chronological evolution and the comparison with the data of the material culture represent some of the criteria applied in this line of investigation. Key words : La Tène, Picardy, monumental tombs, hierarchy. Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX. Zusammenfassung Im Rahmen eines Les gestuelles funéraires au second âge du Fer en Picardie et ses marges (Die Bestattungsrituale in der jüngeren Eisenzeit in der Picardie und den angrenzenden Gebieten) betitelten Forschungsprojektes des INRAP wurde ein Corpus von 687 Gräbern erarbeitet. Anhand des Corpus’ versuchen die Autoren eine interne Hierarchie der monumentalen Grabbauten aufzuzeigen, wobei letztere nur 5 % des Gesamtbestandes ausmachen. Die Typologie der Bauwerke, ihre Entwicklung und die Kreuzung der Informationen mit den Ergebnissen der untersuchungen des Mobiliars gehörten zu den Kriterien, die ausgewählt wurden, um näher auf die Bestattungsrituale einzugehen. Schlüsselwörter : jüngere Eisenzeit, Picardie, Grabmonumente, Hierarchie. Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr). 156 RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional. LEs CHaMBrEs FUnéraIrEs Et LEs aMénaGEMEnts DE sUrFaCE DEs toMBEs DE vILLErs-BoCaGE (soMME) Dans LEUr ContEXtE réGIonaL Lydie BLONDIAu & Nathalie BuCHEZ présEntatIon GénéraLE DEs EnsEMBLEs FUnéraIrEs Le site de Villers-Bocage "ZAC de la Montignette" est localisé à une dizaine de kilomètres au nord d’Amiens et de la vallée de la Somme (ig. 1), sur un plateau limoneux mollement ondulé. Sur le secteur étudié, l’occupation de La Tène se matérialise par plusieurs réseaux de fossés émanant d’établissements localisés en dehors de l’emprise de PAS-DE-CALAIS N ABBEVILLE DOULLENS Villers-Bocage SOMME NORD ALBERT AMIENS AISNE la ZAC, sans doute au nord de celle-ci (ig. 2). Les fenêtres ouvertes sur ces réseaux ne permettent, ni d’en percevoir l’organisation, ni d’en restituer la chronologie. Trois espaces funéraires, dont l’un au moins apparaît établi sur une parcelle qui lui est propre, ont successivement été utilisés de La Tène B2 à La Tène D. Ils sont distants de 50 m à 150 m les uns des autres. L’un de ces espaces, le plus récent (La Tène D), ne comprend qu’une seule tombe mais le décapage n’a pas été aussi extensif dans ce secteur que dans les deux autres (ig. 7). Le cimetière le plus ancien, datant de La Tène B2-C1 (1) et situé à l’extrémité est de l’emprise sondée, pourrait avoir été délimité par des fossés curvilignes au sud et au sud-est créant une entrée en chicane (ig. 3). Toutefois, rien ne permet d’attester d’une contemporanéité entre tombes et fossés. Dans une telle hypothèse, l’entrée serait rapidement investie par des sépultures. ROYE SEINE-MARITIME MONTDIDIER OISE 0 Fig. 1 - Localisation géographique. 20 km 1 - Ou datant essentiellement de cette période. Dans l’attente d’une étude complète du mobilier métallique, soulignons qu’une structure a livré un rasoir qui pourrait être plus récent. N secteur 3 secteur 1 0 100 m Fig. 2 - localisation des espaces funéraires. Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional (Rachid KaddèChe et Eric mariette). 157 RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional. N 9 7 0 50 m Fig. 3 - Plan des tombes de La Tène B2-C1 du secteur 1 Cet ensemble comporte 14 structures funéraires. Deux tombes présentent un caractère monumental. L’une d’elles livre, en outre, des indices architecturaux autorisant une reconstitution de sa chambre funéraire. Le cimetière de La Tène C2 localisé vers l’ouest est, quant à lui, clairement cerné de fossés. Il est constitué de 4 tombes et de plusieurs fosses renfermant des rejets de combustion. Deux grandes tombes gardent le témoignage d’une architecture interne élaborée. LEs toMBEs DE La tènE B2-C1 La tombe 9 est entourée d’une structure fossoyée longiligne (ig. 4). L’hypothèse d’une tombe fondatrice est plausible. Le dépôt céramique, à situer à la in de La Tène B2 (-300/-250) d’après la périodisation établie pour la région d’Amiens (buChez 2009), apparaît en effet comme l’un des plus anciens du cimetière. N 1 NO 1 coupe 1 SE 1 6 5 4 1 2 amas osseux 3 Coupe 1 Coupe 2 SO coupe 2 NE 1 1 1. Limon argileux gris. 1 Fig. 4 - La tombe 9. 158 1 1 Plan 0 5m Coupes 0 2,5 m RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional. La structure fossoyée est disposée à 2,20 m des parois de la tombe. Son tracé général est globalement quadrangulaire (7,10 m sur 6,20 m), avec des angles très arrondis. Les angles, comme ceux de la fosse sépulcrale, sont orientés par rapport aux points cardinaux. La largeur du creusement oscille entre 0,22 m et 0,30 m pour une profondeur maximale de 0,20 m sous la semelle de labours. Le fond est en cuvette et les parois sont obliques à sub-verticales. Cette structure fossoyée s’interrompt au centre de son petit côté sud-est, sur 1,40 m. dans le remplissage de la tranchée pourraient témoigner de la présence, à l’origine, d’éléments constituant une palissade ou une paroi. Dans le cas du tracé courbe de la structure de VillersBocage, c’est sans doute l’hypothèse du fossé qu’il faut retenir, à moins d’envisager une palissade de poteaux jointifs. La fosse sépulcrale quadrangulaire, de 2,20 m sur 1,94 m, est conservée sur 0,25 m de profondeur sous la semelle de labours. Les parois sont globalement verticales. Le fond est plan. Le comblement se compose de limon argileux gris homogène. Le dépôt est constitué de 6 vases et d’un objet en fer (2). Elle est entourée de 4 poteaux externes situés aux angles et distants de 3,60 m d’axe en axe (ig. 5), en rapport avec un aménagement monumental de surface. D’un diamètre de 0,60 m, ces creusements sont profonds de 0,20 à 0,30 m. Les comblements sont homogènes et constitués de limon brun, sauf dans un cas, où un double remplissage signale l’emplacement du poteau ou un recreusement. Les formes hautes, qui occupent l’angle sudest de la tombe, ont basculé alors que la fosse était partiellement colmatée, ce qui plaide en faveur de l’existence d’un système de couverture et de son effondrement postérieurement à une phase de sédimentation par iniltration au travers de cette couverture. Les quelques centimètres de sédiment plus sombre retrouvés sous la base des vases restés en place supposent par ailleurs l’existence d’un plancher ou, tout au moins, d’un matériau périssable disposé sur le fond de fosse. Les vases les plus proches des parois sont situés à 3 cm de distance de celles-ci malgré la pression qui s’est exercée latéralement dans un cas (cf. ig. 4, vase 6), ce qui rend l’hypothèse d’un coffrage plausible. Il s’agit toutefois là du seul indice, indirect, allant dans ce sens. Les découvertes récentes de tombes entourées de structures fossoyées continues concernent les sites de Méaulte "plate-forme industrielle", site 4 (3) et de Salouel "Hôpital Sud" (buChez 2008). Parmi les sites anciennement fouillés, on retiendra celui d’Allonville, proche d’Amiens (ferdière et al. 1973), et celui de Tartigny, géographiquement plus éloigné (nord de l’Oise, en limite sud de la Somme, Massy et al. 1986). L’interprétation la plus communément admise est celle d’un simple fossé de délimitation ou enclos, voire d’une palissade, mais dans une partie des cas au moins, caractérisés par des côtés relativement rectilignes, il peut aussi s’agir de tranchées de fondation pouvant servir à l’implantation d’une superstructure sur sablière. En l’occurrence, des traces de sablière ont été relevées à Méaulte. à Salouel, des effets linéaires et verticaux perceptibles 2 - Détermination en cours. 3 - Rapport en cours. La tombe 7 de Villers-Bocage est éventuellement postérieure, mais de peu, à la tombe 9. Son mobilier se compose de 5 vases. En outre, 4 trous de poteau internes occupent les angles de la fosse, quadrangulaire, qui mesure 2,50 m de côté. Moins larges que les trous de poteau externes, avec un diamètre de 0,20 à 0,35 m, et d’une profondeur de 0,20 m, ces creusements présentent un proil variable et un comblement de limon gris homogène. La fosse sépulcrale est conservée sur une profondeur de 0,70 m sous la semelle de labours. Les parois sont légèrement obliques et le fond est plan, mais assez irrégulier. Sur le fond de la fosse, du côté est, l’empreinte d’un aménagement est encore visible. Il a été observé sur une longueur de 1,80 m contre la paroi entre les deux poteaux d’angle. Sa largeur est de 16 cm pour une profondeur de 5 cm. Le proil est à fond plat et à bords verticaux. On observe aussi, toujours sur le fond de fosse, deux creusements circulaires situés parallèlement à la trace longiligne et juste en avant de celle-ci. Ils prennent la forme de petites cuvettes à fond plat, larges de 20 cm et profondes, au mieux, de 10 cm. Le comblement de la fosse sépulcrale se caractérise par des couches de limon gris chargées en poches et nodules blanchâtres hydromorphes (4). En certains points de la fosse, on remarque, à la base de la paroi, la présence de masses de sédiment limoneux orangé proches du terrain naturel interprétées, dans un premier temps, comme des effondrements contenus contre cette paroi par un système de coffrage (ig. 5, coupe 2, couche 4 et coupe 1, couche 5). 4 - Description liminaire, dans l’attente de l’exploitation de la colonne de sédiment prélevée en vue d’une étude micro-morphologique. 159 RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional. coupe 1 O coupe 2 SO E NE 1 2 5 1 2 3 2 4 6 3 7 11 10 9 8 N O E Tp 4 Tp 1 O Tp 4 E Tp 1 7 coupe 1 5 4 3 2 E O Tp 5 E 1 Tp 2 Tp 5 O Tp 2 coupe 2 8 8 1. Limon gris foncé mêlé à du charbon de bois, à des fragments de silex et à des poches de limon blanchâtre hydromorphe. 2. Limon beige orangé mêlé à du limon gris. 3. Limon gris mêlé à 50% de petites poches blanchâtres hydromorphes, à des fragments de silex et à du charbon de bois. 4 et 5. Limon brun orangé. 6. Limon gris mêlé à 50% de petites poches blanchâtres hydromorphes, à des poches de limon orangé (30%), à des fragments de silex et à du charbon de bois. 7. Limon orangé rapporté (aménagement). 8. Limon gris homogène. 9. Limon argileux orangé. 10. Limon argileux orangé hydromorphe mêlé à des taches noirâtres. Plan, coupes 11. Limon argileux gris blanchâtre hydromorphe, avec un liseré d’oxydation sur le fond. 0 Trou de poteau interne : limon gris clair mêlé à du charbon de bois. 2,5 m Fig. 5 - La tombe 7. Le mobilier se compose de 4 formes hautes et d’une forme basse (ig. 6). Trois des formes hautes n’ont pas été retrouvées en position verticale. L’une d’elle, munie d’un pied, s’est effondrée alors qu’elle était vide de tout contenu solide sur la forme basse, quant à elle partiellement remplie de sédiment. Deux autres formes hautes se sont renversées alors qu’elles étaient partiellement colmatées et ont alors subi une forte pression verticale. Seule la plus grande et la plus trapue des formes hautes est demeurée verticale et ne présente aucune déformation importante. L’ensemble de ces 160 déplacements peut s’expliquer par la détérioration d’un dispositif protégeant la chambre sépulcrale et son effondrement postérieurement à une première phase de remplissage par iniltration. On est tenté de considérer les poteaux internes comme des éléments constitutifs de l’architecture de la chambre funéraire servant au maintien de la couverture selon un système comparable à celui mis en évidence dans les tombes plus récentes elles sont datées du second quart du premier siècle avant J.-C. - de Vieux-les-Asfeld (Ardennes, tombe 3, RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional. 3 1 5 4 2 S. Lancelot, Inrap 0 10 cm Fig. 6 - Mobilier de la tombe 7. laMbot et al. 1994) et de Clémency (Luxembourg, Metzler et al. 1991). La reconstitution alors proposée, avec sablières basses et hautes (laMbot et al. 1994, p. 215), s’appuie sur les données issues du site de Clémency où les pièces de bois du coffrage étaient bien conservées. L’empreinte longiligne observée à Villers-Bocage, le long de la paroi, d’un côté, peut être interprétée comme la trace laissée au sol par une sablière basse disposée entre les poteaux d’angle et qui se serait légèrement enfoncée dans le limon par pression. Dans l’hypothèse d’un planchéiage surmontant ces sablières, son mode d’assemblage n’est pas déini. Soulignons simplement qu’il serait alors dépourvu d’élément métallique (clou, crampon). Toutefois, certains des dépôts de limon orangé observés à la base des parois - les plus massifs (ig. 5, coupe 2, couche 4) - s’expliquent mal dans la coniguration d’un parement boisé, à moins de supposer que celuici n’était que partiel (présent seulement du côté est ?) ou était placé en avant du dispositif de poteaux et sablières, ce qui est incompatible avec la position de l’un des vases. Peut-être ce limon représente t-il le parement lui-même constitué de torchis plutôt que de planches ? à Vieux-les-Asfeld, comme à Clémency, où les chambres funéraires sont de dimensions plus imposantes (respectivement 3,40 m x 3,10 m et 4,30 x 4,20 m), 4 poteaux médians s’ajoutent aux poteaux d’angle, ce qui n’est pas le cas à Villers-Bocage. En revanche, les deux petits creusements circulaires répertoriés à Villers-Bocage en avant de la sablière basse ne sont pas sans rappeler l’installation du même type relevée dans la tombe 3 de Vieux-lesAsfeld et interprétée sur ce site comme un autel, une table d’exposition ou des éléments symbolisant l’architecture intérieure d’une maison. un autre aménagement prend place au centre la chambre funéraire à Villers-Bocage. Constitué de limon identique au sédiment encaissant, il se présente sous la forme d’un plaquage carré de 0,50 m de côté reposant sur le sol de la fosse. L’épaisseur de ce placage est de quelques centimètres, excepté au nord où l’on observe un bourrelet continu, épais d’environ 10 cm. Cette structure est recouverte d’une masse de « charbon de bois ». Des aménagements, de même dimension et de même morphologie, avec dans tous les cas une partie plane et un bourrelet sur l’un des côtés, ont été mis en évidence dans plusieurs tombes de la même période (LTB2-LTC1) récemment fouillées dans l’Amiénois à Salouel "Hôpital Sud" et 161 RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional. N 8 7 0 50 m Fig. 7 - Localisation des tombes de La Tène C2 (secteur 3) et de La Tène D (structure isolée). Boves "Foret de Boves" 1, (buChez 2008 et note 5). Il est tentant d’interpréter ces structures, là encore, comme des autels, ou d’y voir, étant donné leur situation centrale dans la tombe, une représentation du foyer qui préigureraient les exemples de La Tène C2-D1 dans lesquels chaudron et landiers sont placés au centre de la fosse (cf. infra). Ces agencements du fond de fosse sont, quoi qu’il en soit, incompatibles avec un plancher. De fait, dans tous les cas, la base des vases reposent directement sur le sol de la fosse (absence de niveau sédimentaire intermédiaire). LEs toMBEs DE La tènE C2 Les tombes 7 et 8 du secteur oriental sont plus récentes comme l’indique leur mobilier marqué par la présence des formes basses moulurées (ig. 8) qui semble caractériser le faciès de La Tène C2 (-200/-150) de la région d’Amiens. 162 5 - En outre, on peut envisager que les « structures argileuses » anciennement découvertes sur le site de Tartigny, et notamment dans la tombe 3 qui se distingue par la présence de mobilier métallique (bassin en bronze et seau orné), sont des aménagements du même type (Massy et al. 1986). La tombe 7 est une fosse quadrangulaire de 1,88 m sur 1,50 m, conservée sur 0,70 m de profondeur sous le niveau de décapage (6). Les parois sont globalement verticales. Le fond est plan. Le comblement, homogène à l’œil nu, est constitué de limon argileux brun mêlé à 50 % de limon orangé. Le dépôt comprend 6 vases (ig. 9), un chaudron en alliage cuivreux, deux landiers et une crémaillère. une petite masse de charbon de bois (longue de 18 cm, large de 14 cm et épaisse de quelques millimètres), a été retrouvée entre le chaudron, la crémaillère et les chenets. Tous les vases ont subi une pression verticale et se sont tassés sur eux-mêmes tout en restant bien en place. Des fragments de vase ont chutés ; ils reposent non pas sur le fond de la fosse mais sur une dizaine de centimètres de sédiment : ils sont arrivés là alors que l’espace était partiellement comblé, ce qui suppose l’existence d’un système de couverture et un colmatage lent par iniltration. Le tassement des vases est habituellement mis en relation avec la pression 6 - Dans ce secteur, un horizon grisâtre de 0,40 m à 0,50 m se place entre le labour et le BT franc, gênant considérablement la lecture des structures. RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional. coupe 1 N amas osseux métal coupe 2 6 7 5 1 4 2 3 négatif de la planche 1. Limon argileux gris. coupe 1 1 coupe 2 1 0 1m Fig. 8 - La structure 7. 163 RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional. 4 6 5 3 2 1 0 S. Lancelot, Inrap 10 cm Fig. 9 - Mobilier de la tombe 7. exercée par l’effondrement de cette couverture (cf. supra). Toutefois, on relève alors généralement une succession de couches plus ou moins en pendage vers le centre de la structure devenue un espace en creux, ce qui n’est pas le cas ici. Le comblement parait résulter sur toute la hauteur, assez importante, d’une même phase de colmatage lent par iniltration (issues des déblais du creusement constituant un tertre surmontant la fosse ?). 164 La question de la présence de matériaux périssables sur le sol de la chambre funéraire se pose : un centimètre de sédiment plus brun sépare la base des vases du fond de la fosse. se détachant plus nettement alors du sédiment qui comble cette dernière. L’hypothèse d’un coffrage massif constitué de planches épaisses empilées horizontalement ou disposées verticalement est la plus plausible. Au vu de la largeur du négatif, cette hypothèse prévaut sur celle d’un dispositif sur sablière basse. Ponctuellement, le négatif est plus large sur 10 à 20 cm de long, ce qui plaide en faveur de l’existence d’un système de blocage devant des planches empilées. Dans l’hypothèse d’une organisation verticale des planches - alors maintenue en place en force contre la paroi par le système de couverture ? - ces excroissances représenteraient des planches plus épaisses que les autres. Au sol, on observe par ailleurs une tranchée périphérique sur tout le pourtour de la fosse, large en moyenne de 20 cm (ig. 8). Le proil de cette rigole, à fond plat et vertical dans sa partie basse sur 8 cm, conduit à restituer une planche épaisse de 6-8 cm reposant au fond d’une tranchée de fondation plus large (20 cm). un négatif de 6-8 cm de large est visible sur deux côtés de la tombe. Bien que probablement présent sur toute ou partie de la hauteur de la fosse, il n’a cependant pu être distingué qu’à partir du niveau d’apparition de la tranchée de fondation, Des aménagements similaires de rigoles périphériques ont été découverts à Vieux-les-Asfeld (laMbot et al. 1994, ig. 105, 127). Dans ce cas, l’existence de poteaux d’angle est supposée, le dispositif avec tranchée périphérique étant donc considéré comme une variante de celui où les sablières basses sont disposées en surface du sol de la fosse (cf. supra, tombe 7 du secteur ouest). Aucun indice en faveur de cette proposition n’a pu être relevé à Villers-Bocage et c’est sans doute l’hypothèse d’un autre mode de construction qu’il faut retenir. RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional. La tombe 8 se présente sous la forme d’une fosse quadrangulaire de 1,80 m sur 1,62 m conservée sur 0,48 m de profondeur sous le niveau de décapage. Les parois sont obliques. Le fond est plan. Le comblement est, là aussi, unique et homogène : il est constitué de limon argileux brun mêlé à 30 % de poches de limon orangé. Le dépôt comprend 5 vases et un unique landier. L‘un des vases se résume à un fond déposé en l’état et retrouvé éclaté sur le sol de la tombe. Les vases complets ont également subi une pression verticale entraînant, dans deux cas, leur éclatement. L’hypothèse de l’effondrement d’un système de couverture est probante malgré l’aspect homogène du comblement. Les vases reposent sur un ou deux centimètres de limon plus foncé, témoignant de la décomposition d’un probable plancher. Comme dans le cas de la tombe 7, on distingue, sur le pourtour de la fosse, une rigole large de 20 cm en moyenne. Le proil du creusement est à fond plat, vertical, et profond au maximum de 20 cm. Cette largeur ne dépasse guère 10 cm de large sur certains tronçons (côté nord), ce qui conduit à restituer, comme dans la tombe 7, une paroi de planches épaisses. Les découvertes de Villers-Bocage documentent des modes de construction qui n’ont pas été répertoriés ailleurs dans la Somme, si ce n’est à Bouchon "Le Rideau Miquet" où l’une des tombes de La Tène C2 comporte 4 poteaux internes de 0,20 m à 0,35 m de diamètre (st. 15, baray 1997, baray dir. 1998). Ces trous de poteau sont, à Bouchon comme à Villers-Bocage, d’un diamètre moins important que ceux disposés à l’extérieur des mêmes tombes (Villers-Bocage) ou non (Bouchon, respectivement st. 1 et 25) et pouvant être mis en relation avec des architectures de surface. La disposition des mobiliers - dont 9 vases, un chaudron et deux landiers - est compatible avec la présence d’une sablière basse entre les poteaux d’angle. Ailleurs, les coffrages ne sont généralement que supposés au travers d’indices ténus (effets de paroi dans les comblements, sédiment sombre plaqué contre la paroi, ex. tombe 1 de Bouchon), voire seulement potentiellement envisageables lorsqu’il est matériellement possible de restituer un cadre quadrangulaire entre la paroi et le mobilier (ex. tombe 9 de Villers-Bocage présentée ci-dessus). On peut se demander quel mode architectural représentent ces traces ténues, pour autant que la détection des trous de poteau et des rigoles ne tienne pas uniquement à de meilleures conditions de conservation et de lecture. ConCLUsIons : CHaMBrEs CoFFréEs Et aMénaGEMEnts DE sUrFaCE Dans La réGIon D’aMIEns, poUr QUELLEs toMBEs ? Si les indices de couverture concernent toutes les catégories de fosses sépulcrales, y compris les plus petites et les plus modestes d’après la quantité et la qualité des dépôts, les chambres funéraires coffrées correspondent aux plus grandes tombes qui se distinguent également par leur mobilier. Néanmoins des contre-exemples existent : la disposition des dépôts funéraires n’est pas toujours compatible avec une chambre funéraire planchéiée, y compris dans le cas des plus grandes tombes considérées comme relevant de l’élite locale. On ne dispose pas toujours de plans et de descriptions sufisamment précis pour documenter cet aspect (7), mais on peut suggérer que ces contre-exemples ont plus à voire avec la nature du terrain, crayeux et donc plus stable, dans lequel s’implantent les tombes qu’avec une question de statut. Les grandes tombes 641 de Poulainville "Pôle Logistique" (buChez 2004) et 7-8 du secteur occidental de Villers-Bocage, contemporaines ou sub-contemporaines au vu de leur mobilier (LT C2), présentent des similitudes dans leurs composantes (dépôts d’ustensiles liés au feu et de vaisselles tournées dénotant le statut privilégié du défunt), à l’exception près de leur architecture : d’un côté (Poulainville), la tombe, creusée dans la craie, n’a probablement pas été coffrée, de l’autre (VillersBocage), la fosse, implantée dans les limons, comporte indubitablement un boisage massif. D’un point de vue chronologique, les indices d’architecture interne élaborée remontent à La Tène C1 avec la structure 7 du secteur est de VillersBocage qui se place parmi les plus grandes fosses sépulcrales de son époque à l’échelle régionale. Il s’agit, en outre, d’une tombe monumentale signalisée par un aménagement de surface sur poteaux plantés. Les aménagements de surface sous forme de fossés ou matérialisés par une tranchée de fondation sont tous à situer dans une fourchette La Tène B2-La Tène C1 (ig. 10). Les aménagements sur poteaux plantés sont toujours attestés plus tard, à La Tène C2 mais les premiers exemples remontent également à La Tène B2. Pour autant que l’image ne résulte pas d’un simple état de la recherche, on ne peut donc pas parler, comme cela est le cas pour la partie orientale de la Picardie, d’un passage de la structure fossoyée vers le monument construit sur poteaux (poMMepuy et al. 2000). Dans le nordouest de la Picardie, région où la crémation des corps se généralise plus tôt qu’en Picardie orientale, l’architecture sur poteaux plantés semble également 7 - La distance entre les mobiliers et la paroi n’a pas toujours été précisément cotée. 165 RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional. début La Tène B2 Thieulloy-l'Abbaye torque fin La Tène B2 Tartigny La Tène C1 bassin en bronze 0 12,50 m La Tène C2 Poulainville mobiliers liés au feu/banquet 0 12,50 m La Tène D1 N O littoral partie orientale de la Somme E S 0 12,50 m mobilier spécifique Fig. 10 - Tableau récapitulatif. 166 RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional. attestée plus tôt, dès le début La Tène B2 (-375/-300), en association avec la tombe à incinération de Thieulloy L’Abbaye "Au Buquet Zabelle Le Chemin des Charbonniers" (Millerat & buChez 2004). Il s’agit alors d’un monument à 7 poteaux, éventuellement ouvert d’un côté. Les constructions sur poteaux sont ensuite plus couramment attestées sur des sites de La Tène B2 à La Tène C2, un seul exemple pouvant être daté de La Tène D1. Il s’agit d’aménagements modestes, presque tous composés de 4 poteaux. Seuls deux sites se démarquent par des constructions plus importantes : Tartigny, « Le Chemin du Moulin » daté de La Tène C1 (Massy et al. 1986), et Poulainville "Pôle logistique" daté de La Tène C2 (buChez 2004). à partir de La Tène C2, toutes les grandes tombes comportant un aménagement de surface - en l’occurrence, il s’agit donc, à cette époque, de constructions sur poteaux plantés - renferment des mobiliers spéciiques comme les ustensiles liés au feu évoquant le banquet, objets considérés comme les marqueurs des sépultures de l’élite. Pour autant, la corrélation entre monument et mobiliers spéciiques n’est pas stricte. Dès cette période, comme c’est le cas à Villers-Bocage avec les tombes 7 et 8 du secteur ouest, ce type de mobilier peut apparaître dans des tombes ne comportant pas de signalétique monumentale ou de superstructure tangible, mais le constat est surtout valable pour la période suivante (ig. 10). Ainsi, à partir de La Tène D, et apparemment en décalage avec la Picardie orientale, le monument funéraire - ou tout au moins le monument tangible, ancré au sol ? - ne semble plus la norme pour les tombes de l’élite locale. moitié du IIe s. avant J.-C. (La Tène C2) du fait de l’adoption d’un modèle funéraire incluant les ustensiles liés au feu (chaudron, landiers ou chenets notamment), on peut se demander quelle strate de la société représentent les tombes à aménagement de surface, et à chambre funéraire coffrée, de La Tène B2-C1, telle la tombe 7 du secteur est de Villers-Bocage et son éventuel autel ou évocation de foyer. Ces tombes pourraient être celles des élites de l’époque, à moins que seul l’individu de la tombe 3 de Tartigny, accompagné de son bassin en bronze et de son seau à cerclage décoré, ne représente alors cette strate de la société. De fait, l’ensemble du site, et notamment la tombe 1 et son grand bâtiment de 7,80 m de côté implanté dans un enclos, apparaît plus monumental. Si cette dernière hypothèse est exacte, c’est la démultiplication, à l’échelle régionale, du nombre de tombes dites « à caractère aristocratique » à La Tène C2-D1 qu’il faut souligner (ig. 10). Au travers de l’apparition de ces nouveaux mobiliers métalliques, mais aussi au travers de l’accumulation de vaisselles céramiques tournées dans les dépôts, c’est peut-être surtout l’essor d’une société rurale qui se marque ainsi ostensiblement dans les tombes de ses élites. Notons cependant, qu’au sein de cet ensemble de tombes, un site se distingue à nouveau, comme Tartigny, par son aspect plus monumental : Poulainville, son aménagement sur poteaux de 12,40 m de côté et son grand enclos. Les données récemment acquises dans le nordouest de la Picardie conduisent à revoir le classement hiérarchique des tombes précédemment proposépour cette région (baray 2002). Deux groupes de tombes étaient distingués : l’un, caractérisé par la présence de marqueurs statutaires dits aristocratiques (torque, armes, pièces de harnachement, ustensiles liés au feu, vaisselle métallique), l’aspect élaboré de la fosse sépulcrale et une signalisation monumentale ; l’autre, ne présentant qu’une partie des éléments, « à la manière de », à savoir une architecture élaborée et monumentale mais pas de mobiliers spéciiques. L’introduction de la variable chronologique dans ce classement fait apparaître que les tombes du premier groupe - elles se distinguent plus, en outre, par leur mobilier spéciique que par une architecture élaborée et monumentale -, appartiennent toutes, à deux exceptions près (Thieulloy-l’Abbaye et Tartigny, ig. 10), à La Tène C2-D1, tandis que les tombes du second groupe sont antérieures (LT B2-LT C1). Si les tombes de l’élite - doit-on alors parler d’aristocrates terriens ? (Gaudefroy 2006) - se distinguent clairement à partir de la première 167 RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional. BIBLIoGrapHIE BARAy Luc (1997) - « Les tombes aristocratiques de La Tène C2 de Bouchon "Le Rideau Miquet" (Somme) : présentation liminaire des fouilles récentes de l’autoroute A16 nord», Archälogisches Korrespondenzblatt 27, p. 113-126. BARAy Luc (2002) - « Les tombes à crémation des cimetières de Saint-Sauveur, Bouchon et Vignacourt (Somme). Contribution à la déinition d’un modèle funéraire aristrocratique en Gaule Belgique », dans GuICHARD V. & PERRIN F. dir. - L’aristocratie celte à la in de l’âge du Fer (du IIe siècle avant J.-C. au Ier siècle après J.-C.), Actes de la table-ronde organisée au Mont-Beuvray, Glux-en-Glenne 10,11 juin 1999, p. 119-138. (Bibracte 5). BARAy Luc dir. , BOuILLOT Jocelyne, CLEMENT PALLu DE LESSERT Anne., COLIN Anne, DEFRESSIGNE Sylvie, HOSDEZ Christophe, HuMBERT Laura, PLuTON Sylvie, PRILAuX Gilles & TIKONNOF Nicolas (1998) Les Cimetières protohistoriques de l’autoroute A16 nord. DFS. Service régional de l’archéologie de Picardie, inédit. BuCHEZ Nathalie (2004) - Amiens-Poulainville "pôle logistique", zone B et C, rapport de fouille, Amiens : SRA Picardie-INRAP Nord-Picardie, non publié. BuCHEZ Nathalie (2008) - Salouel "Nouvel Hôpital", zone B, Rapport inal d’opération, région Picardie, INRAP, inédit BuCHEZ Nathalie (2009) - La protohistoire récente, le funéraire. Fouille des sites funéraires de La Tène B2 à La Tène D sur les tracés linéaires en Picardie : questions méthodologiques et résultats scientiiques, rapport thématique de l’ACR 15 ans d’archéologie préventive sur les grands tracés linéaires en Picardie, inédit. GAuDEFROy Stéphane (2006) - La protohistoire récente. Recherche et fouille de sites de La Tène moyenne à La Tène inale sur les tracés linéaires en Picardie : questions méthodologiques et résultats scientiiques, rapport thématique de l’ACR 15 ans d’archéologie préventive sur les grands tracés linéaires en Picardie, inédit. LAMBOT Bernard, FRIBOuLET Muriel & MENIEL Patrice (1994) - Le site protohistorique d’Acy-Romance (Ardennes)-II : Les nécropoles dans leur contexte régional (Thugny-trugny et tombes aristocratiques) 1986-1988-1989. (Mémoire de la Société Archéologique Champenoise 8, sup. au bulletin n° 2). MASSy Jean-Luc., MANTEL Etienne, MENIEL Patrice & RAPIN André (1986) - « La nécropole gauloise de Tartigny (oise) », Revue Archéologique de Picardie, 3/4 , p. 13-81. METZLER Jeannot, WARINGo Raymond & METZLERZENS Nicole (1991) - Clémency et les tombes de l’aristocratie en Gaule Belgique. Dossiers d’archéologie du Musée d’Histoire et d’Art I. MILLERAT Patrice & BuCHEZ Nathalie (2004) Thieulloy-L’Abbaye "Les Terres à Douze" - "Au Buquet Zabelle au Chemin des Charbonniers", rapport d’évaluation, Amiens : SRA Picardie-INRAP direction interrégionale Nord-Picardie, 2004. POMMEPuy Claudine, AuXIETTE Ginette, DESENNE Sophie, GRANSAR Frédéric & HENON Bénédicte (2000) - « Des enclos à l’âge du Fer dans la vallée de l’Aisne : le monde des vivants et le monde des morts », dans Les enclos celtiques, Actes de la Table Ronde de Ribemont-sur-Ancre (Somme), 9-10 décembre 1999, Revue Archéologique de Picardie n° 1/2, p. 197-216. FERDIERE Alain, GAuDEFROy R., MASSy Jean-Luc, MARMOZ C., MOHEN Jean-Pierre & POPLIN François (1973) - « Les sépultures gauloises d’Allonville (Somme) », Bulletin de la Société de préhistorique française, t.LXX, p. 479492. Les auteurs Lydie BLONDIAu, INRAP, Halma-Ipel 8164, EA3912. Nathalie BuCHEZ, INRAP, uMR 5608 – traces (CRPPM) résumé La construction d’un parc d’activité en 2007 sur la commune de Villers-Bocage (Somme) est à l’origine de la mise au jour de tombes qui ont conservées, pour certaines, les traces d’une architecture interne ou d’un aménagement de surface. Du fait du développement des infrastructures autoroutières et autres aménagements liées à l’expansion de la ville d’Amiens, la région dans laquelle se localise cette découverte est la mieux documentée de la Somme pour ce qui est du funéraire au second âge du Fer. Au travers de la présentation des tombes de Villers-Bocage, c’est un état de la question concernant l’architecture des tombes dans cette micro-région et plus globalement dans le nord-ouest de la Picardie - frange littorale exceptée - qui est proposé, à mettre en perspective avec l’image obtenue par ailleurs, à l’échelle de l’ensemble de la Picardie (Gransar & Malrain, ce volume). Mots clés : incinération, architecture, âge du Fer. 168 RAP - 2009, n° 3/4, Lydie blondiau & Nathalie buChez, Les chambres funéraires et les aménagements de surface de Villers-Bocage (Somme) dans leur contexte régional. abstract The creation, in 2007, of a business park in the urban district of Villers-Bocage (Somme) revealed a burial site in which some of the graves had retained traces of an internal architecture or surface features. Because of the fast-growing motorway infrastructure and other developments related to the growth of the urban district of Amiens, the area in which this discovery is located provides the best information in the Somme district concerning La Tène burials. With the presentation of the Villers-Bocage burials, we propose a review of the question of funeral architecture in this micro-region and, more comprehensively, in the northwest of Picardy (excluding the coastal fringe), to be assessed in the context of the larger picture that emerges from the study of Picardy as a whole (Gransar & Malrain, in this book). Key words : cremation, architecture, Iron Age.. Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX Zusammenfassung Als 2007 auf dem Gebiet der Gemeinde Villers-Bocage (Departement Somme) ein Industriepark angelegt wurde, stieß man auf Gräber, von denen manche Spuren einer internen Architektur oder einer oberlächengestaltung bewahrt hatten. Aufgrund der Expansion der Stadt Amiens, die den Ausbau der Autobahnen und andere Baumaßnahmen nach sich gezogen hat, ist diese Region, was den Gräberkult in der jüngeren Eisenzeit angeht, die am besten dokumentierte des Departements Somme. Anhand der Präsentation der Gräber von Villers-Bocage wird eine Bilanz der Grabarchitektur dieser Mikro-Region und der nordwestlichen Picardie - der Küstenstreifen ausgenommen - vorgelegt. Diese Architektur wird mit der Grabarchitektur der gesamten Picardie (GRANSAR & MALRAIN, in diesem Band) verglichen. Schlüsselwörter : Brandbestattung, Architektur, Eisenzeit. Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr). 169 RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer DIsCUssIon tHèME : LEs strUCtUrEs Modérateur Marc taLon Sylvain Thouvenot pour Lydie Blondiau S. T. : Je voulais simplement poser la question de travaux complémentaires éventuellement faits sur l’analyse des espaces vides dans tes merveilleuses tombes, parce que, encore une fois, on évoque les problèmes de richesse de dépôts etc., et ce que l’on a pu constater dans ton exposé c’est que l’on avait des grandes tombes dites aristocratiques ou tout du moins de rang élevé, avec des dépôts conservés très bien rangés, organisés et de très grands espaces vides. Je voulais savoir compte tenu du fait que c’est dans des lœss et qu’en général, les pollens par exemple sont plutôt bien conservés, si il y avait eu des études de faites de ce genre là ? L. B. : Non, il n’y a pas eu d’études sur les pollens. Nathalie Ginoux : Ce n’est pas une question, c’est une observation concernant la richesse des dépôts, je pense qu’il faut vraiment aussi attirer l’attention sur les matériaux organiques, qu’évidemment l’on retrouve dificilement, dans les contextes, notamment les limons de plateaux, et chaque fois que l’on a du mobilier métallique, c’est très important de les rechercher, parce que l’on peut trouver des signes de richesse, par exemple dans une des tombes que j’ai fouillées au Plessis-Gassot, on a un textile décoré, des broderies, on a des éléments qui ne sont pas forcément visibles à la fouille, mais qui peuvent être recherchés et donner des indications sur les signes de richesse disparus. Stéphane Marion pour Frédéric Gransar et François Malrain S. M. : Sur ces histoires de corrélations entre le niveau hiérarchique, ce n’est pas corrélé entre la richesse en mobilier et ce que l’on peut imaginer par ailleurs, enin c’est faiblement corrélé on va dire, qu’est-ce qui se passe dans les différentes catégories de mobilier ? Est-ce que la richesse en céramique est toujours corrélée avec la complexité des dépôts animaux, avec la richesse des différentes choses qui ont été vues ou pas ? Ou est-ce que chaque catégorie a sa logique propre. F. G. : C’est un travail de synthèse, il faudra déjà attendre la communication sur les dépôts, tout à l’heure. L’impression que j’avais, c’est que les corrélations sont toujours faibles à moyennes, il n’y a pas de truc tranché, c’est vrai que les rangs hiérarchiques que l’on a proposés sont des paliers, donc un palier c’est forcément un lissage de quelque chose, mais, en gros on peut s’attendre à des oscillations complexes, il y a des niveaux hauts qui sont, peut-être pas incompatibles, mais assez dificiles à mettre en relation avec des statuts semble-t-il un peu inférieurs dans les monuments funéraires. Stéphane Gaudefroy pour Frédéric Gransar et François Malrain S. G. : Oui, tout à l’heure je vous présenterai le travail que l’on a fait sur les dépôts, mais malheureusement vu le temps imparti on survolera, on ne pourra pas rentrer dans le détail. Mais pour te répondre, dans cette partie du travail nous nous sommes attachés à l’ensemble des données, et maintenant on a vraiment besoin de revenir à une approche plus chrono-culturelle, parce que l’on a quand même des entités très différentes. Il faut essayer de voir ce qui se passe réellement dans le détail, dans des régions un peu plus limitées, parce qu’entre l’Aisne et la Somme il se passe quand même des choses très différentes. Pour l’instant on n’a pas encore vraiment fait ce travail, de corréler entre eux chaque matériau, chaque élément, et comme le disait Fred, effectivement, on constate qu’il y a des orientations dans certaines tombes, mais ça reste vraiment à préciser. Maintenant, par rapport aux textiles et à l’organique, on se rend compte que dans ces tombes il y a beaucoup d’espaces vides, qui permettent d’envisager de tels dépôts. La présence de broderies ou de textile décoré, dans certaines tombes est remarquable mais il est dificile d’en déduire un niveau de richesse compte tenu que l’on a très peu d’éléments de comparaison : on ne peut pas savoir si les textiles brodés étaient quelque chose de courant ou pas, on a quand même des descriptions qui disent que ces gens là aimaient beaucoup les vêtements colorés, qui devaient donc être répandus. Juste une question, j’ai été assez surpris par le classement hiérarchique de voir que les tombes avec chaudrons, landiers … etc. c’est-à-dire celles que l’on considère dans la Somme comme appartenant à l’aristocratie, certes pas l’aristocratie guerrière mais certainement terrienne, que inalement ces tombes se retrouvent un peu dans le bas du classement. Alors est-ce que c’est plutôt par rapport à l’Aisne qu’elles se retrouvent à cette place là ? F. G. : C’est la dificulté de l’exercice, c’est de comparer deux mondes différents, l’Aisne est champenoise, la Somme est, on va dire atlantique, donc c’est une région coupée en deux, ce qui fait qu’il faut ensuite regarder dans le détail, mais après c’est aussi une question de corpus, est-ce que les effectifs sont, pour le moment, sufisamment nombreux pour commencer à travailler la-dessus ? Peut-être que les niveaux hiérarchiques sont identiques et qu’ils ne s’expriment pas de la même façon, ça c’est une possibilité aussi. Cela fait partie de ces effets de lissage. S. G. : Il faudrait en discuter avec d’autres collègues d’autres régions, car effectivement quand nous parlons d’aristocratie pour ce genre de tombes, nos collègues nous regardent bizarrement. Parce que par rapport à d’autres régions, on fait quand même pâle igure. F. G. : Il est où le char ? S. G. : Oui, voilà. Nathalie Buchez : Je voulais dire simplement qu’à l’échelle de la Somme, il y a effectivement ces tombes de type aristocratique situées dans le bas de classement et puis il y a un exemple qui ressort qui est celui de Poulainville, avec un bâtiment qui est beaucoup plus vaste, même s’il est lié à deux tombes, il y a peut-être un niveau supérieur aussi dans la Somme. 171 RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer F. G. : Oui, mais qui n’était pas intégré dans le corpus, c’est pour cela que l’on précise toujours « d’après notre corpus ». Bernard Lambot a fouillé dans les Ardennes des monuments funéraires à vingt poteaux, je crois, on n’en a pas dans notre corpus, j’ai mentionné que cela existait mais on ne l’avait pas, donc on travaille sur le corpus constitué. Lola Bonnabel pour Frédéric Gransar et François Malrain L. B. : J’aurais voulu savoir si vous vous êtes intéressés aux monuments funéraires mais non sépulcraux, comme on a des monuments qui sont associés à la nécropole mais qui n’ont pas forcément de tombe au milieu ? F. M. : Non, on ne l’a pas encore fait dans un premier temps, mais il n’y en pas que dans les nécropoles d’ailleurs, il y en a aussi sur des habitats, je pense notamment à un site de l’oise, où l’on a un enclos que l’on peut qualiier d’aristocratique, avec visiblement un plan préconçu y compris un petit enclos quadrangulaire dans lequel on a des dépôts mais pas de tombe centrale, mais on ne les a pas pris en considération ici. Isabelle Le Goff : une curiosité au sujet de la fonction des enclos, y aurait-il des dépôts à l’intérieur et éventuellement aussi des sépultures ? F. G. : Il faut poser la question à quelqu’un qui s’y connait vraiment en funéraire, il faut demander à Estelle, à Sophie. F. M. : On a travaillé à partir de la base de données, mais on n’a pas repris tous les remplissages de fossés etc. enin il y aurait très long à dire sur l’ensemble des coupes de certains des plans que l’on a montrés, je pense que Fred l’a rappelé dans l’introduction, il y a plein de réaménagements et peut-être éventuellement d’agrandissements que l’on n’a pas pris en compte dans 172 l’ensemble du raisonnement, c’est encore un autre aspect à prendre en compte dans un exercice exhaustif. Sophie Desenne : Au moins pour le site de Maizy, c’est le très grand enclos funéraire avec une tombe centrale, dans le fossé d’enclos il y avait une tombe à inhumation et également des dépôts de faunes incinérées. Il y a quelques cas où il y a une, on va dire, une réutilisation de l’enclos au cours de son comblement. Stéphane Rottier pour Frédéric Gransar et François Malrain S. R. : Je voulais savoir par rapport aux différentes planches que vous avez montrées, est-ce que les orientations de monuments sont respectées ? F. G. : C’est du nord-sud. S. R. : Parce que ce qui est assez marquant sur les enclos quadrangulaires fossoyés et sur poteaux d’ailleurs, c’est qu’à la Tène C2, c’est l’orientation qui se différencie des autres. F. G. : Il faudrait que je vériie, mais j’ai peur que cela ne soit qu’un seul site à La Tène C2, donc c’est peut-être une logique, une dynamique propre au site. S. R. : C’était ma question, de savoir si c’était quelque chose comme ça ou si c’était quelque chose de général. F. G. : Je ne sais plus, il faut que je vériie. Nathalie Soupart : Juste un mot pour reparler peutêtre de ces problèmes de réaménagements des tombes monumentales ou de leurs reconstructions. Sur la nécropole de Méaulte, un des sites funéraires qui serait daté de La Tène B2-C1, nous avons probablement la preuve de deux reconstructions sur deux tombes monumentales, bon là je suis sur le rapport de fouille, mais peut-être que ces données pourront être intégrées plus tard dans une synthèse sur la Picardie. RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie. DépÔts, panopLIEs Et aCCEssoIrEs Dans LEs sépULtUrEs DU sEConD âGE DU FEr En pICarDIE Sophie DESENNE, Ginette AuXIETTE, Jean-Paul DEMOuLE , Stéphane GAuDEFROy, Bénédicte HENON, Sylvain THOuVENOT avec la contribution de Thierry LEJARS Dans le cadre du projet de recherche sur les gestuelles funéraires, l’étude de près de 700 ensembles laténiens (de La Tène A1 à La Tène D2) en Picardie et ses marges a permis l’élaboration d’une grille de lecture autorisant une présentation hiérarchisée des données ainsi qu’une approche synthétique des dépôts funéraires. L’analyse rencontre certaines limites liées à l’état des connaissances. Le corpus n’est, en effet pas réparti uniformément dans le temps et dans l’espace, ce qui entraîne la sous-représentation de certaines étapes chronologiques dans plusieurs secteurs géographiques. Ainsi les sites de La Tène ancienne (La Tène A et B) sont quasi absents dans la Somme, et les sites de La Tène moyenne et inale (La Tène C et D) sont peu nombreux dans le département de l’Aisne (desenne et al. ce volume). statut social de l’individu, qu’il soit inhumé ou incinéré. Comme l’attestent souvent les traces d’utilisation sur ces objets, leur origine serait issue d’un prélèvement direct sur les biens du défunt ou dans certains cas de ses proches. L’image de l’individu ainsi transposée du vivant vers l’audelà nous renseigne donc assez idèlement tant sur l’évolution des pratiques funéraires que sur celle des modes et des coutumes en cours dans la culture laténienne en Picardie. Trois catégories d’objets se rapportant directement au corps ont été déinies : les accessoires vestimentaires, la parure et l’armement. Deux autres catégories correspondent à des dépôts en relation avec les activités de l’individu : les trousseaux et les couteaux. LES ACCESSOIRES VESTIMENTAIRES La pratique de l’incinération pour une partie des ensembles funéraires exclut toute analyse ine du costume, tel qu’il peut être révélé par la position des ibules ou des différentes parures. Sont également exclues de cette analyse toutes les éventuelles pièces composées de matières organiques de type plume, bois, ibres végétales ou animales. Cette présentation ne prend en compte que le mobilier en matière non périssable, de type métal, os, verre, pierre … Les accessoires vestimentaires regroupent les objets liés directement aux vêtements ou aux enveloppes périssables des corps inhumés ou des amas osseux incinérés. Il s’agit principalement des ibules, mais aussi de certains objets ubiquistes rattachés aux traitements du corps comme les anneaux, les agrafes ainsi que les ceintures. Malgré ces lacunes, nous disposons d’un corpus de plus de 4300 objets, répartis en différentes catégories fonctionnelles (deMoule 1999, baray 2003), qui correspondent aux effets personnels, à l’outillage, au petit mobilier, à l’alimentation, au transport. Dans 35,5 % des cas, les ensembles funéraires ont livré des ibules dont 90 % sont en fer et 10 % en bronze. On observe aussi de rares ajouts de matériaux précieux comme le corail et l’or. Ces proportions globales masquent de grandes disparités chronologiques dans la nature, la fonction, et l’usage de ces pièces. Portés par les défunts ou déposés dans la tombe, ces objets semblent dotés d’une fonction ordinaire, voire symbolique, qui évoque le statut de l’individu, sa fonction, ou sa capacité à polariser une certaine quantité de nourriture (auxiette et al. 2002). LEs EFFEts pErsonnELs Les effets personnels déposés dans les tombes expriment la volonté de marquer, après la mort, le sexe, probablement la classe d’âge et surtout le Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie. Les ibules Au Ve s. avant notre ère, la ibule est déposée dans moins de 15 % des sépultures (ig. 1). Elle est souvent unique. En fer ou en bronze, elle se présente principalement comme une attache de vêtement, portée à hauteur des épaules et de préférence par les hommes. Du IVe au milieu du IIIe s. avant notre ère, le nombre de ibules par tombe tend à augmenter ainsi 173 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie. Fig. 1 - Répartition chronologique des tombes à ibule et ceinture. Fig. 3 - Une ibule en bronze à orainville "La Croyère", tombe 3 (cliché, Conservare). et la position préférentielle sur le thorax supposent une modiication sensible de leur usage, même si la ibule demeure un objet commun. Un abandon de l’emploi comme attache de vêtement au proit de celui d’attache de « linceul » est fortement envisagé. Fig. 2 - Distribution sexuelle des tombes à ibule par étape chronologique. que la proportion de sépultures qui en contiennent, jusqu’à 67 % de l’ensemble du corpus. Si on trouve des ibules chez tous types d’individus, cette augmentation met toutefois en évidence l’apparition d’une nouvelle mode féminine (ig. 2). Alors que le port de la ibule unique chez les hommes évolue peu, chez les femmes en revanche, elles vont souvent par paires et sont portées symétriquement aux épaules. De plus, la part des exemplaires en bronze et décorés atteint alors son maximum. La ibule comme accessoire vestimentaire féminin s’afiche ici comme élément de parure et de richesse. L’expression la plus ostentatoire de ce phénomène se retrouve dans la grande broche à décor plastiques d’orainville (ig. 3, desenne et al. 2005). Dans les dernières inhumations de la seconde moitié du IIIe s. avant notre ère, la prédominance des exemplaires en fer, le nombre réduit par sépulture 174 Dans les incinérations de La Tène moyenne et inale, près d’une tombe sur deux contient au moins une ibule et leur nombre peut atteindre six exemplaires. Elles sont presque toutes en fer. Dans 74 % des cas, ces objets sont associés à l’amas osseux. Leur rôle d’attaches de contenants périssables pour les restes incinérés semble donc privilégié bien qu’il soit aussi possible d’envisager leur présence comme un témoignage matériel d’un prélèvement sur les restes d’un défunt habillé. Les anneaux et les agrafes Dans certaines tombes des Ve et le IVe s. avant notre ère, des anneaux et des agrafes en bronze ou en fer sont parfois associés au corps du défunt sans qu’il soit possible de leur attribuer un autre usage que celui d’élément d’attache de vêtements ou de « linceul ». Les ceintures Les ceintures considérées ici sont uniquement les accessoires vestimentaires et ne comprennent donc pas les éléments de ceinturon et de suspension des armes de poing et des couteaux. RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie. Fig. 4 - une ceinture à anneaux en bronze à Orainville "La Croyère" tombe 4 (cliché, Hervé paitier, INRAP). Il s’agit de ceintures métalliques articulées et strictement féminines attestées dans moins de 2 % du total des sépultures. Essentiellement en bronze, plus rarement en fer, cet attribut caractérise une mode vestimentaire qui n’apparaît pas avant le milieu du IVe s. avant notre ère (ig. 1 et 4). Elle s’exprime surtout durant la première moitié du IIIe s. avant notre ère, dans 7,4 % des tombes. On retrouve ponctuellement ce type d’objets jusqu’à La Tène C2 dans certaines incinérations. LES éLéMENTS DE PARuRE Les éléments de parure englobent les objets portés par le défunt, dont la fonction est décorative, statutaire et/ou apotropaïque. Ce mobilier semble préférentiellement porté par les défunts inhumés entre le Ve et le milieu du IIIe s. avant notre ère (La Tène A1 à B2). Il se raréie nettement dans les incinérations et ce jusqu’à La Tène D2. Sur l’ensemble des individus, seuls 19 % des défunts sont parés de bijoux. Le mobilier conservé se compose essentiellement de « parures annulaires » (deMoule 1999) constituées de torques (55), bracelets (141), anneaux (44), bagues (7), boucles d’oreille (5), mais aussi de perles (266) et pendeloques (4) parfois montées sur un il métallique (11). Fig. 5 - Répartition chronologique des tombes à torque, bracelet, perle, anneau et autre pendentif. Les bracelets et brassards Les bracelets sont portés seuls, ou par paire et parfois par trois. Attributs essentiellement féminins, ils sont aussi présents dans des tombes masculines. Plus fréquents que les torques (14 % des sépultures), ils suivent cependant la même évolution que ces derniers au il de la séquence (ig. 5). Leur plus forte fréquence est observée à la charnière des Ve et IVe s. avant notre ère, période à laquelle un individu sur deux en possède. Ils sont alors généralement en bronze et rarement en fer (ig. 6), portés préférentiellement par paire chez les femmes. Ils accusent une nette diminution vers le milieu du IIIe s. Par la suite, le port du bracelet est plus rare, moins spéciique d’un sexe et les matériaux sont plus variés : bronze, fer, verre et lignite. Enin, les brassards sont anecdotiques et ne concernent que trois défunts dont deux hommes. Les torques Portés au cou, les torques concernent moins de 10 % des sépultures. Attribut féminin spéciique, hormis dans deux cas, il ne s’acquiert pas avant l’âge de cinq ans. Il est en bronze ou rarement en fer, porté seul, à l’exception d’un cas. Il constitue l’élément central d’une panoplie qui associe régulièrement des bracelets et des pendeloques. Caractéristique des parures des Ve et IVe s. avant notre ère, sa plus forte représentation est située au début du IVe s., où 37 % des individus en possèdent (ig. 5). Il disparaît ensuite totalement vers le milieu du IIIe s., alors qu’apparaissent ibules décoratives et ceintures métalliques. Fig. 6 - Répartition chronologique des bracelets par matériaux. 175 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie. nombre de sépultures nombre de sépultures Quelques données semblent signiicatives dans l’évolution de ce mobilier (ig. 5). Les perles sont portées par des individus dès le plus jeune âge avec plusieurs cas d’enfants de 12 à 18 mois. Attributs féminins, leur fréquence suit celle des torques et des bracelets. On note en particulier un pic des grands anneaux de verre à la in du Ve s. avant notre ère. La même phase est marquée par l’association des perles de verre et d’ambre. Les perles en corail sont spéciiques des tombes féminines à char de la première moitié du IVe s. Vers le milieu du IIIe s., la plupart de ces éléments tendent à disparaître pour ne plus exister que de manière sporadique dans les phases suivantes. Les perles d’ambre réapparaissent dans les incinérations à La Tène C1 et celles en verre plutôt à La Tène D1. 14 12 10 8 6 4 2 La Tène A1 0 1 2 3 4 5 6 7 nombre de parure 8 14 12 10 8 6 4 2 La Tène A2 0 1 2 3 4 5 6 7 nombre de parure 8 14 12 10 8 6 4 2 La Tène B1 0 nombre de sépultures Les perles, les anneaux et autres pendentifs représentent 314 objets retrouvés isolés ou groupés, et plus ou moins bien représentés sur l’ensemble de la séquence. Ils étaient attachés par des liens organiques ou liés par des ils métalliques et suspendus, pour la plupart, directement au cou ou au torque. On note une grande variété de formes et de matériaux : métal, verre, ambre, corail. nombre de sépultures Les perles, les anneaux et autres pendentifs 1 2 3 4 5 6 7 nombre de parure 8 14 12 10 8 6 4 2 0 La Tène B2 1 2 3 4 5 6 7 nombre de parure 8 Les 532 éléments de parure représentent 237 « bijoux » (exemple : un collier pouvant regrouper 12 éléments) et se distribuent dans 117 sépultures. La répartition de ce mobilier sur l’ensemble du faciès chrono-culturel révèle de fortes disparités entre les différentes étapes chronologiques (ig. 7) et un effectif moyen compris entre 1 et 3,8 parures. 176 à La Tène A1, la majorité des défunts sont dotés de parures, celles-ci peuvent être modestes et constituées d’une seule pièce ; seuls de rares individus bénéicient de 4 à 5 bijoux. À La Tène A2, on note une diminution du nombre d’individus parés, et l’existence de tombes très richement dotées. Parmi les individus bénéiciant de ce type de mobilier, on remarque un degré de richesse plus marqué avec une majorité de défuntes portant des nombre de sépultures nombre de sépultures évolution de la parure nombre de sépultures Les bagues et les boucles d’oreille sont rares, respectivement présentes dans sept et trois tombes ; elles seraient plutôt féminines mais sans distinction d’âge. En bronze ou en or, elles n’apparaissent qu’entre le Ve et le IIIe s. avant notre ère. La nature même de ces objets ne semble pas révéler de statut particulier chez les individus, à l‘exception des exemplaires en or, caractéristiques des tombes à char féminines de la première moitié du IVe s. Dans ces derniers cas, la valeur du matériau semble prépondérante sur la nature de l’objet. nombre de sépultures Les bagues et les boucles d’oreille 14 12 10 8 6 4 2 0 La Tène C1 ? 1 2 3 4 5 6 7 nombre de parure 14 12 10 8 6 4 2 0 8 La Tène C2 ? 1 2 3 4 5 6 7 nombre de parure 8 14 12 10 8 6 4 2 0 La Tène D1 1 2 3 4 5 6 7 nombre de parure 8 14 12 10 8 6 4 2 0 La Tène D2 1 2 3 4 5 6 7 nombre de parure 8 Fig. 7 - Distribution de la richesse des parures par étape chronologique (en nombre d’objets). RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie. ensembles réunissant de 2 à 4 parures. La diminution du nombre de défunts bénéiciant de ce mobilier et, à l’inverse, l’augmentation du nombre moyen de bijoux, révèlent peut-être une hiérarchisation plus marquée et un plus grand écart dans les différences de richesse. à La Tène B1, le nombre de défunts dotés de parure tend à augmenter, et l’on remarque deux groupes d’individus, le premier, majoritaire, portant de 1 à 2 bijoux et le second plus restreint portant des ensembles de 3 à 6 pièces. Ces quelques indices indiquent sans doute une meilleure répartition de ce type de mobilier sur l‘ensemble de la population, mais ne peuvent être comparés aux pratiques du début de la séquence chronologique (La Tène A1). Avec seulement un quart des défunts parés, s’amorce, à La Tène B2, un profond changement dans les pratiques, illustré par une diminution importante de la part de la parure dans « l’habillement du défunt ». Cette tendance ira grandissant puisque les sépultures à parure représenteront moins de 10 % à partir de La Tène C1 avec des ensembles dépassant très rarement 2 objets. La pratique de l’incinération peut être ici l’un des éléments moteurs de ces modiications. La parure annulaire (torque, bracelets …) abondante au début de la séquence, se raréie à La Tène B2 pour quasi disparaître à La Tène C1. à l’inverse, les ibules au rôle polyvalent (accessoire vestimentaire/parure), rares au tout début se développent à La Tène B1 et deviennent par la suite l’élément de « parure » métallique utilisé de façon presque exclusive. L’ARMEMENT Les tombes à armes, strictement masculines, ne représentent que 5 % de l’ensemble des sépultures. Mais entre le Ve et le milieu du IIIe s. avant notre ère, leur proportion avoisine 10 %, alors qu’elle chute à moins de 3 % à partir de La Tène C1 (ig. 8). Des évolutions sensibles dans le choix de ces armes en fer (rapin 1990) et de leur mode de dépôt sont aussi perceptibles. Fig. 8 - Répartition chronologique des tombes à armes et à couteau. Fig. 9 - Poignard et épée en fer à Bucy-le-Long "La Héronnière" (cliché Hervé paitier INRAP). 177 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie. Au Ve s. avant notre ère, l’arme de poing des hommes adultes est constituée par le poignard, porté dans son fourreau à la ceinture. De une à quatre pointes de lances placées le long du corps complètent la panoplie militaire de cette période. Les jeunes garçons sont eux dotés de lances ou de javelots à embout ferré, lequel est qualiié parfois à tort de talon de lance. à partir du IVe s. avant notre ère, l’épée supplante le poignard, mais elle n’est plus portée (ig. 9). Elle est toujours déposée le long du bras droit avec fourreau et ceinturon ou baudrier. Le nombre de pointes de lances par individu tend alors à diminuer. Le bouclier, dont seul le manipule s’est conservé, n’apparaît que vers le milieu du IVe s. Il est déposé sur la partie gauche du corps. Le passage à l’incinération marque ensuite une modiication sensible des gestuelles. à partir de La Tène C1, les armes se raréient. Qu’il s’agisse d’épées, de pointes de lance isolées ou d’éléments de bouclier, ils sont brisés, pliés ou simplement représentés par un fragment. LES TROuSSEAuX Sous le vocable de « trousseaux » sont réunis des objets personnels souvent associés au sein d’un même dépôt ou parfois isolés qui évoquent la toilette ou l’outillage du défunt. Dans de nombreux cas, ces instruments et outils ont été réunis dans la tombe au sein de contenants périssables dont subsistent les seuls éléments métalliques de bouclerie : anneaux, tubes terminaux de sangles, anses et poignées. Ces lots d’objets incluent aussi parfois des céramiques. Ces « trousseaux » se retrouvent dans 14 % des sépultures, mais là encore des variations chronologiques tant quantitatives que qualitatives dans la nature des dépôts sont sensibles. Les éléments de bouclerie sont particulièrement signiicatifs des riches tombes féminines de la seconde moitié du Ve s. avant notre ère (LT A2, desenne et al. à paraître). Ces dépôts contiennent des fusaïoles, des aiguilles à chas et surtout des petites trousses de toilette avec pince à épiler et scalptorium en fer. Ces mêmes trousses de toilette, ainsi que le rasoir, constituent le pendant masculin contemporain. Les éléments de bouclerie en sont toutefois absents. À la in du Ve s. avant notre ère, un pic est atteint avec 44 % des sépultures possédant des trousseaux. Jusqu’au milieu du IIIe s., cette proportion ne cesse de baisser, pour remonter ensuite à hauteur de 20 % des tombes. à La Tène C1, un bouleversement important intervient (ig. 10). Quatre faits sont marquants : les scalptoriums disparaissent tandis qu’apparaissent les forces ; les petites pinces à épiler souvent assemblées en trousses sont supplantées par de grandes pinces ; les rasoirs se diversiient et les premiers outils à vocation artisanale apparaissent (haches, gouges, alène, ciseau et autres faucilles). 178 Fig. 10 - évolution de la « toilette ». à La Tène C2 et surtout à La Tène D1, la forme et l’association fréquente des pinces à épiler, des rasoirs et des forces pose le problème de leur fonction. Identiiés comme nécessaire de toilette, fonction traditionnellement admise, l’hypothèse d’outils qui pourraient être liés par exemple au travail de la laine et des peaux, semble aussi envisageable. LES COuTEAuX Les couteaux en fer sont attestés dans 8 % des sépultures. Ils couvrent toute la séquence mais sont particulièrement fréquents au IVe s. avant notre ère où ils se rencontrent dans plus de 20 % des sépultures (ig. 8). Dans 54 % des cas, cet objet est en relation directe avec le dépôt de viande, en particulier le porc. Dans 10 % des cas, il apparaît comme un effet personnel, mis dans un étui et associé voire porté à la ceinture. Ces objets spéciiques sont des attributs masculins et sont contemporains des poignards portés au Ve s. avant notre ère. LE transport Le corpus comprend 12 ensembles funéraires ayant livré des mobiliers se rapportant aux véhicules hippomobiles et aux harnachements. Ces sépultures représentent 1,7 % de l’ensemble du corpus. à l’image de leurs équivalents extrarégionaux, ces ensembles se singularisent par la nature, la quantité et la qualité du mobilier métallique et correspondent à des sépultures de haut rang social tant féminines que masculines. Elles se dissocient en deux groupes diachrones : 7 tombes à char et RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie. à inhumation de La Tène A/B/C1, d’une part et 5 tombes à harnachements et à incinération de La Tène C2/D, d’autre part. Dans le premier groupe à inhumations, le véhicule est déposé complet avec le harnachement des chevaux. En revanche, dans les incinérations, seul le harnachement pour deux chevaux est représenté. Il est donc permis de voir dans ces derniers ensembles, non pas des tombes de cavalier mais plus vraisemblablement des « tombes à char » symboliques dont le simple harnachement constitue la pars pro toto du char funèbre marquant ainsi la permanence, sous plusieurs modes de représentation symbolique, du char comme emblème du pouvoir de l’individu sur sa communauté (desenne & thouVenot 2007). LEs DépÔts sUGGérant L’aLIMEntatIon Les dépôts d’aliments sont suggérés par des témoins directs, comme les restes osseux des pièces de viande, et des témoins indirects comme la vaisselle en céramique, en métal, et dans de rares cas des ustensiles de cuisine. LE MoBILIEr CéraMIQUE : évoLUtIon DEs pratIQUEs FUnéraIrEs Et DEs MoDEs « aLIMEntaIrEs » La base de données rassemble 628 ensembles céramiques, soit 2086 récipients. Présent dans 92 % des tombes, le récipient céramique constitue donc l’objet le plus commun qui accompagne presque tous les défunts. Mais les différences entre individus n’en restent pas moins marquées et s’expriment au travers de très fortes variations tant quantitatives que qualitatives. Pour l’ensemble du corpus, le nombre de vases déposés varie de 1 à 26, mais près de trois quart des tombes ne contiennent que 1 à 3 vases. Le nombre moyen de vases par tombe est très luctuant, entre La Tène A où il est à son minimum (2,6 individus) et La Tène D1 où il atteint son maximum (4,6 individus, ig. 11). Ces moyennes recouvrent des écarts plus ou moins marqués suivant les périodes. En effet, si à La Tène B et D, l’ensemble des tombes est bien doté, à La Tène C, à l’exception de quelques rares cas, le dépôt d’un vase unique est majoritaire. La richesse du dépôt évolue également en fonction du sexe et de l’âge de l’individu. Les tombes masculines sont en moyenne mieux dotées que les tombes féminines au début de la séquence, mais cette tendance s’inverse à la in du IVe s. avant notre ère. Aux étapes ultérieures, la pratique de l’incinération ne permet plus de confronter les données. Fig. 11 - évolution du nombre moyen de vases par tombe. Aucune tombe d’enfant n’apparaît parmi les plus riches quelles que soient les époques, même si certains dépôts sont conséquents. Ain d’appréhender les évolutions dans la composition des dépôts céramiques, nous avons établi un classement fonctionnel fondé sur des critères morphologiques et volumétriques. Nous avons distingué des récipients destinés au stockage, à la présentation et à la consommation, des solides comme des liquides (ig. 12 et 13). Aucun récipient destiné à la transformation des aliments comme les faisselles ou les vases de cuisson, n’a été identiié. Les récipients de stockage se caractérisent par une grande capacité de contenance et servent de réserve, a priori pour des aliments, de type céréales ou salaisons. Ils sont très peu représentés dans les dépôts (3% des récipients déterminés). Les vases de préparation dominent largement les ensembles (38 %), suivis par les vases de consommation de solides (33 %) puis des vases de consommation de liquides (26 %). Les récipients destinés à la préparation et la présentation réunissent les ustensiles avec lesquels on aura confectionné les repas solides et dans une moindre mesure les boissons (passoires). Parmi eux, près de la moitié correspondent à des formes ouvertes et profondes (jattes ou plats creux, 47 %). Les pots fermés constituent l’autre série dominante (40 %). Les formes hautes ouvertes 179 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie. 100% 1 0 0 20 80% 35 1 23 0 7 69 34 4 4 11 25 60 % 4 48 18 18 19 44 44 21 57 40 % 71 20 % 0% 44 1 A1 24 31 2 4 A2 B1 19 0 B2 70 67 7 2 4 C1 C2 D1 11 2 D2 pot à onguent consommation de solides (assie�e, écuelle) consommation de liquides (gobelet, bouteille) présentation/préparation stockage Fig. 12 - évolution proportionnelle des catégories fonctionnelles. sont moins fréquentes (11 %). quant aux ustensiles spéciiques, couvercles et passoires, leur présence reste très rare (1 %). Les récipients destinés à la consommation s’apparentent à nos assiettes et sont dominés par les récipients surbaissés ouverts (assiettes, 44 %), suivis par les récipients ouverts peu profonds (écuelles, 37 %) et les formes fermées basses (19 %). Les récipients destinés à la consommation des liquides sont très nettement dominés par la présence des bouteilles (60 %), suivis des gobelets (38 %). Les amphores sont très rares (2 %) et toujours incomplètes. Ces différentes catégories fonctionnelles sont très inégalement représentées dans les dépôts. Même dans les tombes où le nombre de récipients est très élevé, l’ensemble des catégories n’est jamais représenté. Au contraire, on observe 180 souvent une orientation du service, tantôt vers les récipients destinés à la présentation, tantôt vers les récipients destinés aux liquides. Les récipients de consommation de solides restent bien présents mais sont rarement les plus nombreux. Le service à boire connaît son apogée à la in de La Tène B où la bouteille et le gobelet ont parfois la même forme, voire le même décor ; ce service s’étend également à d’autres récipients, ceux de consommation de solides notamment. Pour les périodes suivantes cet appariement tend à disparaître. Les cratères des phases anciennes montrent les plus grandes capacités de contenance (jusqu’à 150 l) et sont régulièrement associés à de petits gobelets retrouvés à l’intérieur. Ces objets d’usage collectif présents dans 40 % des tombes à La Tène B1, sont supplantés par des bouteilles de moins grande contenance, plus fermées, suggérant une évolution des modes de consommation à La Tène C2. Ces vases ne sont plus présents que dans 13 % des tombes. Dans le même ordre d’idée, la raréfaction de l’assiette au proit de l’écuelle, au milieu du IIIe s. avant notre ère, pourrait être mis en relation avec un changement des habitudes alimentaires. Elle correspond d’ailleurs à l’augmentation des jattes de préparation, qui montrent sans doute un goût accru pour les plats semi-liquides. La mise en scène au sein de la tombe relète aussi des différences dans les façons de « dresser » la table. Aux phases anciennes, les vases couverts par une assiette sont fréquents ; cet usage tend largement à disparaître par la suite. Si à La Tène A, l’assiette caractérise les tombes riches en céramiques à l’inverse à La Tène inale, la jatte est la forme standard des ensembles à vase unique. à cette étape, on ne trouve les écuelles que dans les ensembles les plus conséquents. Concernant le cas d’utilisation de certains récipients en tant qu’urne cinéraire, on constate qu’il n’existe pas de forme spéciique destinée à accueillir les cendres du mort (ig. 13). Sur les 19 urnes du corpus, toutes les catégories de récipients ont servi, à l’exclusion des gobelets. Enin, quelques récipients en forme d’ « ampoule », se retrouvent tout au long de la période. Sans exclure une fonction culinaire, l’analogie de forme avec l’aryballe grecque, qui servait au transport de l’huile utilisée lors des cérémonies et parfois des rites funéraires doit être soulignée. De même, de très petits récipients, parfois simple cupule grossière, pourraient avoir servi de mortiers (pigments ?). RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie. A1 A2 B1 B2 C1 C2 D1 D2 D1 D2 fermé bas CONSOMMATION écuelle assiette LIBATION bouteille, cratère gobelet PREPARATION ouvert haut jatte fermé moyen La Tène A1 A2 B1 B2 C1 C2 urne Fig. 13 - évolution de la fréquence des récipients dans les tombes. 181 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie. LES DéPôTS DE MOBILIER MéTALLIquE Aux récipients en céramique s’ajoute un très faible effectif d’objets associés à la préparation et à la cuisson du repas (n=17) tels que les chaudrons, landiers, crémaillères, grils, fourchettes à chaudron, et cuillères ; ainsi que des seaux (n=16) et bassins (n=3) que l’on associe aux rites de boisson. Ces objets sont toujours issus de tombes moyennement ou richement dotées, associés à d’autres éléments du « repas funéraire », voire du banquet. Les chaudrons, crémaillère et landiers sont exclusivement représentés à La Tène C, dans la Somme, alors que les grils apparaissent plus tardivement à La Tène D, dans l’Aisne et la Somme. LES DENRéES ALIMENTAIRES : VARIABILITéS ET éVOLuTIONS DES OFFRANDES ANIMALES Vingt-deux nécropoles sur soixante-treize ont livré des données exploitables sur les offrandes animales. Parmi celles-ci et pour une «fréquentation» d’environ 5 siècles (- 475 / + 50), ce sont près de 50 % des tombes qui ont livré des indices de viande avec de l’os. La précision est importante car nous n’avons aucune idée des pièces de viande désossées qui pouvaient être déposées. Il ressort de cette analyse que le dépôt de pièces de viande est avéré dans 60 % des inhumations attribuées à La Tène ancienne d’une part, et qu’une chute très nette de cette pratique caractérise les tombes de La Tène moyenne et inale d’autre part au moment où la crémation se substitue à l’inhumation. Les offrandes animales se présentent sous la forme d’os frais, notamment à La Tène ancienne et aussi au début de La Tène moyenne dans l’Aisne et l’Oise particulièrement ; puis la pratique de l’offrande incinérée (sur le bûcher) s’ajoute aux offrandes fraîches ou s’y substitue dans de rares cas. C’est d’ailleurs ce qui explique en grande partie la fréquence des « offrandes indéterminées » qui augmente considérablement à La Tène C et à La Tène D. Sur l’ensemble du corpus, l’espèce la mieux représentée est le porc (30 %, ig. 14 et 15) ; ce sont dans la plupart des cas des sujets juvéniles. Le mouton tient la deuxième place et devient de plus en plus discret au cours du temps ; on voit alors s’afirmer le couple porc/poulet. Le bœuf occupe la troisième place des espèces sélectionnées et disparaît des offrandes funéraires à partir de La Tène moyenne. 182 quelques associations récurrentes telles que le porc/mouton, le porc/bœuf et le porc/poulet sont 40 % 35 30 25 20 15 10 5 0 Indét Autres combinaisons Fig. 14 - Proportion des différentes espèces animales. notables. D’autres associations d’espèces existent également mais sont anecdotiques. Le chien et le cheval sont absents des offrandes animales. Les rares occurrences de fragments osseux issus d’espèces sauvages sont toujours associées aux espèces domestiques. Les associations d’espèces dans une même tombe, dites offrandes multiples (auxiette 1995) sont le porc et le bœuf, le porc et le mouton, parfois le bœuf et le mouton. Dans de rares cas, certains inhumés ont reçu des offrandes triples : porc/mouton/bœuf, porc/bœuf/poulet, porc/mouton/poulet mais jamais bœuf/mouton/poulet. L’association de plusieurs espèces dans une même tombe caractérise certaines des tombes les plus riches. Durant les cinq siècles, les offrandes simples sont beaucoup plus nombreuses que les offrandes multiples et ce indépendamment du sexe des défunts. Elles constituent la base de toute offrande animale. Les différents morceaux déposés sont en connexion plus ou moins stricte, dans la majorité des cas. Ils sont parfois disjoints avant d’être déposés, mais la désarticulation n’a pas laissé de trace sur la surface de l’os. Les os sont presque toujours entiers. Des traces de découpe très nettes apparaissent au cours de La Tène moyenne avec la découpe du rachis et le sectionnement du bassin. La tête de porc fait quant à elle, toujours l’objet d’une découpe sagittale, quelle que soit la période. RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie. 100% 90% 80% indet. indet 70% autres 60% porc-mouton-bœuf porc-poulet mouton-bœuf 50% porc-bœuf porc-mouton poulet 40% bœuf 30% mouton porc 20% 10% 0% La Tène ancienne La Tène moyenne La Tène finale Fig. 15 - évolution de la proportion des différentes espèces Globalement, en l’absence de fracture et de traces de découpe sur les ossements, on peut supposer que les morceaux de viande n’ont pas été consommés mais qu’ils ont été cuisinés, ce qui explique les nombreux cas de désarticulation « propre » fréquemment rencontrés. à La Tène ancienne, la partie anatomique du porc la plus souvent déposée est l’épaule. À la in de La Tène moyenne et au début de La Tène inale, les crânes refendus, les épaules et les jambons sont présents dans des proportions plus ou moins similaires. L’offrande de rachis, quasi absente des phases les plus anciennes, tend à se multiplier. Les pieds des trois espèces principales ne sont presque jamais déposés ; le pied de porc apparaît dans les offrandes funéraires au cours de La Tène moyenne. Les offrandes incinérées sont dificiles à appréhender et les rares occurrences ne laissent pas entrevoir des pratiques distinctes des offrandes fraîches quant au choix des espèces et des morceaux. ConCLUsIon Malgré l’importance du corpus, nous devons souligner certaines disparités régionales et un certain déséquilibre, les nécropoles de La Tène A et B1 étant moins présentes à l’ouest, celles de La Tène B2 à D1, moins présentes à l’est et La Tène D2 étant très peu représentée en général. De même, certains problèmes taphonomiques peuvent se poser, notamment avec le développement de l’incinération. Le corpus des sites étudiés se situe sur deux zones culturelles distinctes ; à l’est, l’Aisne, dont les conins s’ouvrent vers la Champagne et les Ardennes, et à l’ouest, l’Oise tournée vers la Somme voire au-delà. Ces différences s’expriment aussi bien dans les pratiques que dans le style des objets. Malgré les différences et évolutions, notamment dans le costume funéraire ou les dépôts alimentaires, on ne peut qu’être frappé par une homogénéité des pratiques funéraires durant ces cinq siècles. En effet, le matériel funéraire représente une certaine 183 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie. sélection des objets manipulés par les vivants. S’il n’y a pas de céramique spéciiquement funéraire, seule la céramique ine est déposée dans les tombes ; de plus, la nourriture carnée préparée et offerte aux défunts est différente de celle traditionnellement consommée par les vivants, en proportion des animaux représentés, avec le porc nettement majoritaire en contexte sépulcral. Il existe néanmoins une coupure autour de La Tène B2 et de la in du IIIe s. avant notre ère (La Tène C1), marquée par un remodelage des implantations funéraires et par des transformations dans certaines pratiques de dépôts, mais aussi par une forte baisse de l’échantillon dans certaines régions. Cette coupure peut être mise en relation avec des événements historiques, migratoires notamment. Au cours du temps, on constate une diminution des dépôts de valeur, en particulier des parures annulaires et des armes, qui pourrait correspondre en partie à une attitude différente vis-à-vis de ces objets, désormais conservés et transmis aux vivants, plutôt qu’abandonnés déinitivement dans les tombes. On remarque que la diminution des dépôts d’armes coïncide avec une période où les activités guerrières sont importantes, comme l’attestent aussi bien les textes que l’archéologie. Il existe un premier pic de richesse des dépôts à La Tène B1, contemporain de la plupart des tombes à char, à une période où les habitats paraissent peu se différencier les uns des autres ; et un second pic aux phases les plus récentes (La Tène C et D), au moment où se mettent en place les oppida et les fermes aristocratiques. Ce protocole descriptif a permis d’élaborer une vision évolutive des pratiques funéraires durant toute la période laténienne. Dans un avenir proche, l’intégration de nouvelles données issues des fouilles récentes de l’archéologie préventive devrait permettre de combler les lacunes de ce corpus et d’afiner notre perception de la société celtique. BIBLIoGrapHIE à cette bibliographie s’ajoute celle de l’article « Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie » présent dans ce volume. Cette dernière correspond à l’ensemble de la bibliographie disponible concernant les espaces funéraires intégrés à notre analyse. AuXIETTE Ginette (1995) - « L’évolution du rituel funéraire à travers les offrandes animales des nécropoles gauloises de Bucy-le-Long (450/100 avant J.C.) » dans L’animal dans l’espace humain, l’homme dans l’espace animal, Actes du 5e colloque international l’homme et l’animal, 23-25 novembre 1994, Genève, Anthropozoologica, 21, Paris, p. 245-252. 184 AuXIETTE Ginette, DESENNE Sophie & POMMEPuy Claudine (2002) - « Des viatiques et des banquets : alimentation des défunts, alimentation des vivants sur la nécropole de La Tène ancienne de Bucy-le-Long (Aisne) » dans Repas des vivants et nourriture pour les morts en Gaule. Actes du XXVe colloque de l’A.F.E.A.F., Charleville-Mézières 24-27 mai 2001. Bulletin de la Société Archéologique Champenoise, mémoire n° 16, Reims, p. 317-336. BARAy Luc (2003) - Pratiques funéraires et sociétés de l’âge du Fer dans le Bassin parisien (in du VIIe - troisième quart du IIe s. avant J.-C.), 56e suppl. à Gallia, Paris, CNRS éditions, 454 p. DEMOuLE Jean-Paul (1999) - Chronologie et société dans les nécropoles celtiques de la culture Aisne-Marne du VIe au IIe siècle avant notre ère, Revue Archéologique de Picardie, n° spécial 15, Amiens. DESENNE Sophie, COLLART Jean-Luc, AuXIETTE Ginette, MARTIN Gérard & RAPIN André, avec la collaboration de DuVETTE Luc (2005) - « La nécropole d’Orainville "La Croyère" (Aisne), un ensemble attribuable au Aisne-Marne IV », dans Hommages à Claudine Pommepuy, Revue Archéologique de Picardie, n° spécial 22, p. 233-288. DESENNE Sophie, BLANCquAERT Geertruï, GAuDEFROy Stéphane, GRANSAR Marc, HENON Bénédicte, SOuPART Nathalie (2009) - Implantation et occupation des espaces funéraires au second âge du Fer en Picardie, dans Actes de la table ronde Les gestuelles funéraires au second âge du Fer à Soissons, les 6 et 7 novembre 2008, Revue Archéologique de Picardie, 3/4 , p. 21-40. DESENNE Sophie, POMMEPuy Claudine, DEMOuLE Jean-Paul (dir), à paraître - La nécropole gauloise de Bucyle-Long "La Héronnière" (Aisne), Revue Archéologique de Picardie, n° spécial 26, Amiens. DESENNE Sophie, THOuVENOT Sylvain (2007) « Fluctuations internes de la complexité sociale au sein de la culture « Aisne-Marne ». Le cas des tombes à char féminines », Signes de pouvoir, Archéopages, n° 19, Inrap, p. 6-13. RAPIN André (1990) - « L’armement il conducteur des mutations du second âge du Fer », dans Les Gaulois d’Armorique, la in de l’âge du Fer en Europe tempérée, Duval Alain (éd.), Le Bihan J.-P. (éd.) & Menez yves (éd.), XIIe colloque de l’AFEAF, quimper, 1988. Rennes : ADRAOF, 1990, supplément à la RAO, 3, p. 287-298. RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie. Les auteurs Sophie DESENNE, INRAP, UMR 7041 « Protohistoire Européenne » Ginette AUXIETTE, INRAP, UMR 7041 « Protohistoire Européenne » Jean-Paul DEMoULE, Université de Paris I, UMR 7041 « Protohistoire Européenne » Stéphane GAuDEFROy, INRAP Bénédicte HENoN, INRAP, UMR 7041 « Protohistoire Européenne » Sylvain THoUVENoT, INRAP, UMR 7041 « Protohistoire Européenne » Thiery LEJARS, uMR 8546 résumé L’étude de près de 700 ensembles funéraires, soit 4 300 objets, répartis de La Tène A1 à La Tène D2 en Picardie et ses marges, a permis la mise en place d’une grille de lecture autorisant une présentation hiérarchisée des données et des différentes catégories fonctionnelles igurées dans la tombe, ainsi qu’une approche synthétique. Les effets personnels du défunt portés ou déposés à ses côtés sont évoqués par des éléments de parure, d’armement, d’accessoires vestimentaires et des trousses (de toilette ou d’outils). Même si le statut du défunt est perceptible à certains horizons chrono-culturels, à travers le type de « panoplies », nous ne disposons d’aucun objet pour déinir la fonction de l’individu au sein du groupe. Seule la présence d’armes peut révéler à la fois un statut social et une fonction de type militaire. L’alimentation est suggérée à la fois par des consommables et des vases liés au service de la table, à la préparation et parfois au stockage. La variation des formes et des effectifs caractérise ici des changements dans le mode de sélection des récipients déposés dans les sépultures et l’existence de différents types de « service », qui relètent l’évolution des pratiques alimentaires mais aussi des orientations dans les fonctions mises en avant. Les différentes conigurations matérielles, fonctionnelles et symboliques enregistrées au sein de notre corpus de La Tène A1 à La Tène D2 en Picardie, illustrent l’éventail des choix de « l’habillement » des défunts et des dépôts qui les accompagnent. Elles mettent en évidence également de profondes variations dans les gestuelles funéraires, qui ont présidé à ces dépôts. Mots clefs : gestuelles funéraires, catégories fonctionnelles, La Tène, Picardie, parure, armement, accessoires vestimentaires, instrumentum, vaisselles, pièces de viande. abstract The survey of nearly 700 sets of burial deposits, that is 4300 items, dating from La Tène A1 to La Tène D2 , in Picardy and on its fringes, has enabled us to establish a model allowing a hierarchical presentation of the data and of the various functional groups which appear in the graves, as well as facilitating a global approach. The personal possessions worn by or deposited alongside the deceased are represented by jewels, weapons, dress accessories and toilet or tool bags. Even if the social status of the deceased may be determined, in certain chrono-cultural levels, thanks to the type of accessories displayed, we cannot rely on any speciic item which would indicate the position of the person in the group. Only the presence of weapons may attest both a social status and a military position. Diet is suggested both by edible goods and recipients belonging to table sets, or related to cooking and sometimes storage. Variations in shapes and numbers are typical here of changes in the way the pottery deposited in the burials was selected, and of the existence of different sorts of “sets”, showing not only an evolution in dietary practices, but also a deliberate exercise of choice in the functions highlighted. The varied practical, functional and symbolic aspects observed in our corpus, in the periods from La Tène A1 to La Tène D2 in Picardy, are examples of the wide range of choice in the way the deceased were “dressed up”, and in the offerings that accompany them. They also highlight some deep differences in the funerary rites which governed these offerings. Key words : burial rites, functional groups, La Tène, Picardy, jewels, weapons, dress accessories, instrumentum, dishes, cuts of meat. Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX 185 RAP - 2009, n° 3/4, Sophie desenne, Ginette auxiette et al., Dépôts, panoplies et accessoires dans les sépultures du 2e âge du Fer en Picardie. Zusammenfassung Anhand der untersuchung von an die 700 Bestattungsensembles mit 4 300 Fundstücken aus der Zeit von Latène A1 bis Latène D2 aus der Picardie und den angrenzenden Gebieten konnte eine Zuordnungsliste erstellt werden, die neben einer hierarchisierten Darstellung der Daten und der unterschiedlichen im Grab angetroffenen funktionellen Kategorien eine synthetische Betrachtungsweise ermöglicht. Der persönliche Besitz, Kleidung oder Grabbeigaben sind durch Schmuck, Waffen, Trachtbestandteile und Toilettgegenstände oder Werkzeug vertreten. Selbst, wenn der Status des Verstorbenen in einigen chronologisch-kulturellen Horizonten an der Ausstattung erkennbar ist, haben wir keine materiellen Spuren gefunden, die uns über die Funktion des Individuums innerhalb der Gruppe Auskunft gegeben hätten. Allein das Vorhandensein von Waffen kann zugleich von einer soziale Stellung und einer militärische Funktion zeugen. Nahrungsreste sowie Tisch- und Kochgeschirr und Vorratsgefäße erlauben Rückschlüsse auf die Ernährungsgewohnheiten. Die unterschiede hinsichtlich der Form und der Anzahl der Gefäße sind bezeichnend für die Auswahlkriterien der als Grabbeigaben dienenden Keramik und die Existenz unterschiedlicher Typen von „Geschirrsätzen“, die ebenso die Entwicklung der Ernährungsgewohnheiten widerspiegeln wie die jeweils hervorgehobenen Funktionen. Die unterschiedlichen, innerhalb unseres Corpus’ von Latène A1 bis Latène D2 in der Picardie angetroffenen materiellen, funktionalen, und symbolischen Konigurationen veranschaulichen die Unterschiede in der „Totenkleidung“ und den Grabbeigaben. Sie zeugen auch von einer großen Bandbreite der Bestattungsrituale, die der Deponierung vorausgingen. Schlüsselwörter : Bestattungsrituale, funktionale Kategorien, Latène, Picardie, Schmuck, Waffen, Trachtbestandteile, Instrumentum, Geschirr, Fleisch. Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr). 186 RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse). CoMpLEXIté Et DIvErsIté DEs rItEs FUnéraIrEs Dans DEUX pEtItEs néCropoLEs Lt D1 DU Canton DE FrIBoUrG (sUIssE) Mireille RuFFIEuX IntroDUCtIon Pour l’époque de La Tène ancienne et moyenne, le Plateau suisse offre, sur le plan du rite funéraire, une image relativement homogène, avec la présence quasi exclusive de nécropoles plus ou moins importantes, regroupant des tombes plates à inhumation. Le mobilier funéraire se compose d’objets de parure en métal ou en verre, parfois d’armes. à La Tène inale, on observe une rupture importante dans le rite funéraire, avec la réapparition de la pratique de l’incinération - l’inhumation perdure cependant jusqu’à la in de la période -, des changements dans le mobilier et le retour des offrandes alimentaires. Dans l’état actuel des recherches, les sépultures attribuées à La Tène D, en particulier les incinérations, sont peu nombreuses sur le Plateau suisse (ig. 1). Ce corpus peu étoffé comprend un certain nombre de tombes « isolées » (en général une tombe, parfois deux), dont les contextes de découverte sont différents. Il peut s’agir d’une incinération dans une nécropole regroupant des inhumations ou des tombes plus tardives, d’une sépulture unique rattachée à une ferme, ou d’une tombe découverte fortuitement et dont l’environnement n’est pas connu. L’observation de ces tombes révèle certes des différences (dépôt des os en urne ou en pleine terre par exemple), mais leur isolement limite la compréhension du rituel funéraire, Fig. 1 - Carte de répartition des incinérations La Tène inale mises au jour sur le Plateau Suisse (information disponible jusqu’en 2008) : 1- Châbles "Les Biolleyres 3" ; 2- Frasses "Les Champs Montants" (dessin Reto Blumer). Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse). 187 RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse). Str 13 Fossé de la voie T 10 T5 Str 3 Str 8 Voie Romaine T 8b Str 1 T 8a T 12 Str 2 T6 Str 4 T9 T7 Fossé de la voie T 11 La Tène Romain Moderne Indéterminé (La Tène ou Romain) Limite de fouille Limite de l'étude N 0m 1m Fig. 2 - Plan général de la nécropole de Châbles "Les Biolleyres 3" (dessin Pascal Grand). d’où l’importance des quelques nécropoles mises au jour. Seules quatre nécropoles, comptant chacune une dizaine d’incinérations, ont été fouillées récemment, entre 1989 et 2000 : Lausanne "Chavannes 11" dans le canton de Vaud, qui comprenait 13 incinérations et 17 inhumations et dont l’étude exhaustive n’est pas encore publiée (brunetti 2005), Elgg/Breiti à Zurich, constituée de 7 incinérations en pleine terre (Mäder 2002) ainsi que Châbles "Les Biolleyres 3" et Frasses "Les Champs Montants" (ig. 1, n° 1 et 2), dans le canton de Fribourg. Ces deux nécropoles, localisées sur la rive sud du lac de Neuchâtel, ont été fouillées dans le cadre des recherches archéologiques menées sur le tracé de l’autoroute A1. Bien qu’elles soient contemporaines et distantes de seulement 4 km, leur étude minutieuse a permis de mettre en évidence un certain nombre de différences qui témoignent manifestement de la complexité du rituel funéraire à La Tène inale (1). CHâBLEs "LEs BIoLLEYrEs 3" Découverte suite à la fouille et au démontage d’une voie romaine bordée de fossés de drainage latéraux, cette nécropole comprend 9 tombes et quelques structures de fonction indéterminée. Malgré l’ouverture d’une surface de près de 2 000 m2 (décapage à la truelle et à la pelle mécanique), les seules sépultures mises au jour se trouvaient sous la voie. L’étendue initiale de la nécropole ne peut être 1 - L’étude exhaustive de ces deux nécropoles (mobilier, structures, sédimentologie, anthropologie et archéozoologie), a été publiée dans ruffieux et al. 2006. 188 estimée, la construction de la voie ayant sans doute protégé les seules tombes qui nous sont parvenues tout en détruisant d’éventuels marquages de surface. Enin, un prolongement de la nécropole vers le nord n’est pas totalement exclu. Une première distinction peut être opérée d’après le type de structures, entre des enclos quadrangulaires fossoyés (ig. 2, T. 5, 8B et 9), un type de tombe qui n’avait encore jamais été attesté en Suisse pour cette époque, et des fosses ovales ou quadrangulaires (ig. 2, T. 6, 7, 8A, 10, 11 et 12). La quantité d’ossements permet en outre de différencier les « vraies » tombes, qui ont livré entre 240 et 600 g d’os (il s’agit des tombes à enclos ainsi que de la tombe en fosse 8A), des tombes « symboliques » qui en contenaient moins de 25 g. Précisons que même les poids les plus importants ne correspondent pas à la totalité des ossements incinérés d’un défunt. En effet, selon les données recueillies par I. Le Goff, le poids moyen d’un squelette incinéré est compris entre 1 770 et 2 361 g ; elle-même retient le poids de 1 000 g pour différencier un dépôt exhaustif d’un dépôt partiel (le Goff 1998, p. 247 ss). Des urnes sont uniquement présentes dans les tombes à enclos mais elles ne contenaient qu’une inime partie des ossements (entre 9 et 17 g), la majeure partie ayant été déposée en pleine terre ou dans des contenants périssables. RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse). uN EXEMPLE DE TOMBE à ENCLOS : LA SéPuLTuRE 5 Au centre de l’espace délimité par le fossé, dans une petite fosse, avaient été déposés un tonnelet et un pot. L’existence de cette fosse, dont les limites n’étaient pas très nettes en plan comme en stratigraphie, a été conirmée par des analyses micromorphologiques (ruffieux et al. 2006, 30-33). Bien que le tonnelet ait été retrouvé couché sur le pot, ces deux récipients ont dû être placés en position verticale, séparés par une planche. L’hypothèse d’une « étagère » est déduite de l’observation précise de la position des récipients. Le pot faisait ofice d’urne puisqu’il renfermait quelques restes osseux. La tombe 5 (ig. 3) se présentait sous la forme d’une structure quadrangulaire délimitée par un petit fossé formant un enclos (L. : 2,10 à 2,60 m, l. : 0,30 à 0,45 m, prof. : 0,20 m). une importante concentration d’os incinérés et de charbon de bois, à laquelle étaient mêlés des objets de parure en bronze, en fer et en verre le plus souvent fragmentaires et brûlés, était située dans l’angle ouest de ce fossé. Les ossements et les offrandes avaient été placés non lavés dans un contenant souple en matériau périssable. Ce contenant n’était pas conservé mais sa présence était attestée par la forme du dépôt nettement circonscrit, par la position verticale de plusieurs ossements situés sur le pourtour et par la forte concentration du matériel. Sa nature est déduite d’une empreinte de tissu visible dans la terre qui recouvrait un morceau de verre fondu situé en bordure du dépôt. N un petit groupe d’ossements calcinés qui se trouvait devant les récipients, à mi-hauteur du pot (ig. 3, dépôt 3), provient de l’urne d’où il a été sorti par un rongeur. Deux petits dépôts d’os d’environ 7 g ont encore été mis en évidence dans l’espace circonscrit par le fossé (ig. 3, dépôts 1 et 2). Les os incinérés découverts dans ces dépôts et dans l’urne avaient été lavés (absence de charbons). os brûlés céramiques verre bronze fer charbon Dépôt 2 Dépôt 1 Dépôt 3 Dépôt central Dépôt principal Alt 600.20 0m 1m Fig. 3 - Châbles, tombe 5, plan et coupe (dessin Pascal Grand). 189 RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse). L’analyse anthropologique a permis d’individualiser dans cette sépulture deux sujets, un adulte de sexe indéterminé vraisemblablement âgé (signes d’arthrose) et une adolescente (12-14 ans). Le défunt âgé n’étant représenté que par 6,2 g d’os, la question du dépôt volontaire ou accidentel (« pollution » d’une précédente crémation) de ces restes s’est posée. De faibles masses d’ossements étant relativement courantes dans les incinérations de La Tène inale, l’hypothèse d’un dépôt volontaire symbolique est plausible ; nous serions alors en présence d’une tombe double. La grande majorité des ossements de la tombe 5 de Châbles est attribuée à une adolescente (le sexe a pu être déterminée d’après le rocher, selon la méthode exposée dans Graw et al. 2005). Le corps a probablement été brûlé peu de temps après sa mort, si l’on se réfère à la forme des cassures des os longs et à la présence de tâches « goudronnées ». Après la crémation, seule une partie des restes osseux a été collectée et déposée dans la tombe. Si toutes les parties du corps sont représentées, les restes de la tête puis ceux du tronc semblent avoir été privilégiés ; cependant, la présence d’un seul rocher temporal (un os d’une certaine taille et facilement reconnaissable) montre qu’il n’y a manifestement pas eu volonté d’ensevelir l’ensemble des vestiges crâniens. disposition, la structure 8 a été interprétée comme une aire de crémation partiellement conservée. Le bûcher édiié directement sur le sol, et non dans ou sur une fosse, explique les limites peu nettes et l’étendue de cette anomalie. Les traces laissées par un bûcher sont en effet très fugaces, comme l’a démontré notamment le bûcher expérimental d’Acy-Romance (laMbot et al. 1994, p. 250-261 ; le Goff 1998, p. 94ss). La sépulture 8B (ig. 4 et 5) est une tombe à enclos comparable à la tombe 5 (L. : 1,70 à 2,20 m, l. : 0,20 à 0,30 m, prof. : 0,20 m). Ici, la majorité des ossements et du mobilier n’est cependant pas concentrée dans un angle du fossé mais répartie sur deux côtés. De plus, le mobilier comprenait, outre les objets de parure, une écuelle brûlée et fragmentée, dont tous les tessons avaient été récoltés sur le bûcher et disséminés dans l’enclos fossoyé. Dans une petite fosse au centre de la tombe avait été déposé un pot surmonté d’une bouteille (ig. 5). Le pot a été utilisé comme urne. Les quelques os qu’il contenait avaient été placés dans une petite bourse en étoffe ou en cuir, fermée par une ibule en fer et coiffée d’une petit coupe retournée. C’est la position des différents éléments qui permet de reconstituer la présence d’une bourse, qui n’est pas attestée dans les autres urnes. La tombe 9 est un enclos quadrangulaire (L. : 2,50 et 2,80 m ; l. : 0,30 à 0,50 m ; prof. : 0,25 m) semblable à la tombe 5 (ig. 2). Une partie des restes du défunt et des offrandes funéraires avait été déposée dans un contenant souple au milieu du côté sud-ouest du fossé, tandis qu’une autre partie a été épandue irrégulièrement dans le fossé-enclos. quelques os lavés, enin, ont été mis dans l’urne placée dans une fosse au centre de la tombe. Le défunt est un adulte de sexe masculin, d’après des critères de robustesse des os crâniens. uN ENSEMBLE PARTICuLIER : L’ENSEMBLE 8 190 La fouille et l’étude des structures 8, 8A et 8B (ig. 2) ont révélé un ensemble d’une certaine complexité. Partiellement arasé par la construction de la voie romaine, cet ensemble se présentait, à son niveau d’apparition, sous la forme d’une grande anomalie sédimentaire (str. 8) grossièrement ovale mesurant environ 4 x 2 m. Elle était caractérisée par un sédiment plus gris que l’encaissant, des points de charbon, quelques petits nodules de terre cuite, des esquilles d’ossements calcinés, des éléments métalliques et des galets fragmentés au feu. Ses limites étaient plutôt loues et son épaisseur très faible (1-2 cm). Par la suite, deux structures s’individualisaient : une tombe en fosse très charbonneuse (T. 8A) au centre de l’anomalie et une tombe à enclos quadrangulaire (T. 8B) empiétant sur le quart oriental de l’anomalie et se poursuivant à l’est. Malgré le peu d’indices à Fig. 4 - Châbles, tombes 8B et 8A en cours de fouille. La fosse centrale de la tombe 8B n’a pas encore été mise au jour (photo Pascal Grand). Fig. 5 - Châbles, tombe 8B, moitié ouest : au centre l’urne surmontée de la bouteille. Les galets visibles au premier plan appartiennent à un niveau protohistorique antérieur à la nécropole (photo Pascal Grand). RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse). Distante de 0,30 m, la sépulture 8A (voir ig. 4) est la seule tombe en fosse de la nécropole qui a livré une quantité respectable d’ossements. De forme ovalaire, mesurant 1 m x 0,60 m et conservée sur 0,15 m de profondeur, elle se distinguait nettement par son sédiment très charbonneux. En plus des ossements et de quelques objets de parure, elle contenait un gobelet découvert en position horizontale et vide, qui n’a pu servir d’urne, vu la localisation des ossements. La tombe 8A aurait été creusée, si l’on accepte l’interprétation proposée pour la structure 8, à l’emplacement même de l’aire de crémation ; elle peut donc être considérée comme une tombe à bustum. Les sépultures 8A et 8B entretiennent plus qu’une proximité géographique, comme a permis de le démontrer l’analyse anthropologique. Elles ont en effet livré les restes de deux enfants, l’un âgé entre 0 et 6 ans (Infans I), l’autre entre 12 et 15 ans (limite entre Infans II et Juvenis) et ayant des problèmes de santé (épaississement périosté des corticales d’humérus). En outre, les ossements de ces deux enfants offrent la particularité d’avoir été mélangés dans les deux tombes, comme le prouvent des collages entre des os provenant de chaque ensemble. D’après des différences de couleur, de robustesse, de maturité, environ 65 % des ossements ont pu être attribués à l’un ou l’autre des enfants. Il en ressort que la tombe 8A contenait 70 % des restes de l’enfant le plus âgé et 30 % du plus jeune, les proportions inverses se retrouvant dans la 8B. La distinction par région anatomique des restes qui ont pu être attribués à l’un ou l’autre individu met en évidence le caractère partiel et sélectif du ramassage des ossements : les restes des membres ont été privilégiés chez le plus âgé, ceux de la tête chez le plus jeune. Cependant, les deux rochers (os du crâne) de l’enfant le plus âgé se trouvaient dans la tombe 8A, alors qu’un rocher du plus jeune était dans la 8B (fossé) et l’autre dans l’aire de crémation. En outre, quelques os de chaque individu ont été lavés et déposés dans l’urne placée au centre de la sépulture 8B. La masse des os contenus dans ces deux tombes est inférieure à celle des autres tombes à enclos. Cependant, le poids total des ossements humains découverts dans l’ensemble 8 (str. 8, T. 8A et T. 8B), soit 580,61 g, est semblable à celui que renfermaient les sépultures 5 (576,45 g) et 9 (593,7 g). Nous pensons qu’il ne s’agit pas de coïncidences mais d’une volonté. Devant ce cas particulier du mélange des ossements de deux défunts dans deux tombes, se pose la question de savoir s’il y a eu un ou plusieurs bûchers. Sur la base de l’analyse des tombes doubles de Ménil-Annelles et Ville-sur-Retourne (Ardennes), lorsque les restes de deux individus sont mélangés dans plusieurs amas, l’un contenant davantage des restes du premier sujet, et l’autre du second, on estime généralement que l’incinération a eu lieu sur le même bûcher et que les restes ont été collectés selon leur localisation (flouest 1993). Si l’on accepte cette hypothèse d’un bûcher commun pour les tombes 8A et 8B de Châbles, il reste à expliquer la différence de coloration des ossements : les os du plus jeune enfant sont en effet blancs à blanc grisâtre avec des plages noires, ce qui indique, en principe, une température qui n’a pas dû dépasser de manière continue 500 à 600°, tandis que ceux de l’adolescent sont blancs, parfois crayeux, avec une sonorité de céramique. Dans ce cas la température a dû être élevée et dépasser les 700 à 800°. Une crémation irrégulière ou une différence de taille et de corpulence pourraient-elles être à l’origine de cette différence ? Nous n’avons malheureusement aucune réponse à cette question. Enin, il est intéressant de noter que le ramassage des ossements n’a été que partiel, alors que tous les fragments de l’écuelle, sans doute brisée sous l’effet des lammes du bûcher, ont été soigneusement récoltés pour être placés dans la tombe. La signiication de ces gestes nous échappe. TOMBES SyMBOLIquES ET AuTRES STRuCTuRES Les tombes en fosse de Châbles, à l’exception de la sépulture 8A (voir ci-dessus), n’ont livré qu’une très faible quantité d’ossements (moins de 25 g). De forme plus ou moins ovale ou rectangulaire, ces structures étaient en général très lessivées. Elles mesuraient entre 1,30 m et 2,30 m de longueur et 0,10 à 0,16 m de profondeur. Outre quelques restes humains, elles renfermaient une, voire deux offrandes (objet métallique ou faune). L’arasement partiel de ces tombes n’explique pas à lui seul la faible quantité d’ossements retrouvée puisque d’autres sépultures de cette nécropole, soumises au même problème de conservation, en ont livrés nettement plus. Il s’agit de tombes symboliques, qui témoignent de rites funéraires complexes. D’autres structures ont été mises au jour à Châbles, mais leur datation, leur fonction et donc leur appartenance ou non à la nécropole laténienne n’ont pu être déterminées. Les plus importantes sont un alignement rectiligne et relativement compact composé de deux à trois niveaux de galets (str. 1, L. cons. 9,50 m, l. 0,30 m) ainsi qu’une concentration de galets perpendiculaire à la structure 1 mais moins dense (str. 2, L. cons. 4 m); plusieurs galets, situés en aval, semblaient provenir de son démantèlement. Quelques anomalies sédimentaires (ig. 2, str. 3, 4 et 13) pourraient autant être des restes de tombes ou d’enclos que des structures liées à une occupation postérieure. 191 RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse). LES OFFRANDES Les offrandes découvertes dans les tombes de Châbles se répartissent en trois catégories: alimentaire, objets personnels (parure) et dépôts à fonction symbolique ou rituelle. Bien que les traces de feu, en particulier sur le mobilier en fer, soient parfois dificiles à identiier, la majorité de ces offrandes semble être passée sur le bûcher comme l’attestent les nombreuses gouttes de bronze. Les offrandes alimentaires sont représentées en premier lieu par les restes de faune, attestés dans 5 tombes (T. 5, 6, 8A, 8B et 10) mais en très faible quantité (poids total : moins de 32 g). Le capriné est l’espèce la mieux représentée, alors que le porc prédomine souvent dans les sépultures de cette période. Des restes de bœuf, de porc et d’oiseau (dont au moins un gallinacé) ont aussi été identiiés. La présence, exceptionnelle, de coquilles d’œuf est à relever. La découverte d’un os d’amphibien, le seul reste non brûlé, pourrait résulter aussi bien d’une intrusion ultérieure que d’une offrande funéraire (2). Nous supposons qu’aucun animal entier n’a été brûlé, vu la faible quantité d’ossements ; l’identiication, dans les tombes 8A et 8B, d’os correspondant à au moins un gigot gauche de capriné atteste plutôt l’offrande de quartiers de viande. Le dépôt de quartiers de viande, non brûlés, a par exemple été mis en évidence dans la nécropole de Lamadeleine (Luxembourg ; Metzlerzens et al. 1999, p. 362-368). Les trois vases fermés à pâte claire déposés dans les sépultures, soit une bouteille et un tonnelet peints qui surmontaient une urne (T. 8B et 5) ainsi qu’un gobelet (T. 8A), devaient contenir des offrandes alimentaires. Les deux vases ouverts (T. 8B) sont les seuls qui présentaient des traces de feu plus ou moins marquées. Dans la tombe, l’écuelle était en morceaux et la petite coupe faisait ofice de couvercle, mais leur fonction sur le bûcher était peut-être différente (ig. 6). Fig. 6 - Ensemble des récipients en céramique découverts dans les tombes de Châbles - excepté le récipient de droite qui vient de la structure 13 (photo Claude ZauGG). 192 2 - Des os de sept batraciens ont été mis au jour dans une sépulture d’Acy-Romance "La Croisette". Bien que ces ossements se trouvassent dans un vase fermé par un autre, leur appartenance à la tombe y est tout de même mise en doute (laMbot et al. 1994, p. 190). Fig. 7 - Choix de ibules provenant de l’ensemble 8 de Châbles (photo Claude ZauGG). Les objets de parure comprennent une quinzaine de ibules en fer ou en bronze (ig. 7), des chaînettes en bronze et en fer ainsi qu’un bracelet en bronze. Des fragments de verre, déformés par le feu, proviennent probablement de bracelet(s), éventuellement d’une perle pour le plus petit. Les ibules permettent de dater cette nécropole du début de LT D1b : en effet les ibules iliformes en fer à ressort en arbalète et pied de schéma La Tène inale (fossile-directeur de LT D1a) côtoient dans les mêmes sépultures les ibules de Nauheim (LT D1b). Un objet en fer (T. 7 ; voir ig. 13) a été identiié comme un élément de fourreau (frette) ou de garde d’épée (quillon). Il peut être considéré comme une offrande symbolique. La composition des offrandes varie d’une tombe à l’autre, mais le nombre de sépultures est trop faible pour tirer des conclusions concernant les critères qui ont procédé à leur choix. Il y a cependant une corrélation entre la quantité des offrandes et la masse des ossements. En outre, si les tombes à faible quantité d’ossements n’ont livré qu’un objet métallique et/ou des restes de faune, l’association métal-céramique caractérise par contre le mobilier des sépultures à « forte » quantité d’ossements. Concernant les céramiques, nous avons vu qu’elles revêtaient diverses fonctions. Plusieurs d’entre elles correspondent à des formes courantes dans des habitats contemporains mais sont ici de dimension réduite (par exemple le tonnelet et le gobelet). Le choix des récipients (forme, taille, pâte) n’a sans doute pas été laissé au hasard et correspond probablement à une symbolique, dont la signiication nous échappe. Enin, même si les tombes à « faible » quantité d’ossements nous paraissent très pauvres, les offrandes qu’elles ont livrées (fragment d’arme, restes de faune et ibule) sont d’une certaine qualité. L’élément d’épée est à l’image de la fonction essentiellement symbolique que devaient revêtir ces structures. RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse). FrassEs "LEs CHaMps Montants" La fouille du site de Frasses "Les Champs Montants", implanté sur le lanc nord d’une butte morainique, a permis la découverte de 9 tombes à incinérations (ig. 8). Aucune autre sépulture n’a été mise au jour malgré la fouille et le contrôle à la machine d’une surface relativement grande (plus de 1 600 m2). Par contre la découverte de plusieurs fragments de ibule hors structure laisse supposer la disparition de tombes supplémentaires suite à l’érosion du site. Aucun aménagement délimitant la nécropole ni marquage de surface n’a été mis en évidence. L’absence de recoupement entre les tombes, très proches pour certaines, suggère toutefois qu’elles devaient être signalées d’une manière ou d’une autre en surface. La nécropole est constituée de 3 ensembles géographiques distincts, composés respectivement d’une, 3 et 5 sépultures. Cependant, ni l’étude de la composition des mobiliers, ni l’analyse anthropologique n’ont permis de mettre en évidence des différences entre ces groupes. En outre, une fosse rectangulaire était située une dizaine de mètres à l’est (ig. 8, str. 2610.1). Mesurant 1,50 x 0,80 m pour 0,30 m de profondeur, elle était caractérisée par des parois fortement rubéiées, un fond plat et la présence de fragments de charbons de bois. D’après sa position stratigraphique et sa datation C14, cette structure était contemporaine de la nécropole. Il s’agit sans doute d’une fosse de crémation, malgré l’absence de mobilier et d’ossements. Des structures comparables, dont les parois, mais rarement le fond, sont rubéiées, ont été mises au jour par exemple dans la nécropole laténienne d’Elgg/Breiti (Mäder 2002, p. 38-40 et pl. 19-20 : Bf 86 et 87) ou dans des nécropoles romaines proches, comme Avenches "Au Port" (canton de Vaud, Suisse ; str. 36 ; Castella 1999, note 3) ou Avenche "à la Montagne" (str. 91 ; blanC 2002). Diverses hypothèses concernant le fonctionnement de ce type de structure ont été avancées ; celle d’une fosse de ventilation pour le bûcher dressé au dessus nous paraît convaincante (le Goff 1998, p. 165172). ARCHITECTuRE DES TOMBES ET MODE DE DéPôT Toutes les sépultures de Frasses sont des incinérations en fosse, mais des différences morphologiques sont perceptibles. à l’exception des tombes 4 et 6 plutôt quadrangulaires, les autres ont, en plan, une forme ovale (ig. 9). Parmi les tombes ovalaires, une distinction peut être faite entre les fosses profondes et les fosses évasées. Les premières sont caractérisées par une profondeur plus grande ou égale à la largeur N 1m N os brûlés 0 céramique - terre cuite Str 2610.1 fer charbon SONDAGE 33 T. 2 590 T. 1/7 T. 6 T. 3 0 T. 4 1m T. 5 T. 9 479.00 T. 10 T. 8 478.50 580 370 360 Fig. 8 - Plan général de la nécropole de Frasses "Les Champs Montants" (dessin Pierre-Alexandre huGuet). Fig. 9 - Frasses, tombe 2, plan et coupe (dessin PierreAlexandre huGuet). 193 RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse). (profondeur comprise entre 0,40 et 0,70 m) ; les tombes 2, 5 et 10 font partie de ce groupe. Si la sépulture 2 se distingue par un proil en V, les sépultures 5 et 10 le sont par un proil en forme de trou de poteau. Les secondes (T. 1/7, 3, 8 et 9), dont la largeur est nettement supérieure à la profondeur (profondeur comprise entre 0,30 et 0,40 m), ont un fond plat ou légèrement convexe. représentation du défunt et la richesse du mobilier d’accompagnement a par exemple pu être mise en évidence dans la nécropole de La Calotterie (Pasde-Calais) attribuée à La Tène moyenne (le Goff 1998, p. 250-251). à Frasses, la masse d’ossements n’est pas proportionnelle à la richesse du mobilier, puisque la tombe 6, sans doute la plus riche de la nécropole, ne contenait que 314 g d’os. Les ossements et les offrandes ont vraisemblablement été déposés directement en pleine terre dans le cas de la tombe 6. Pour les autres tombes par contre, les restes de la crémation ont probablement été placés dans un contenant périssable déposé dans la fosse, vu la bipartition sédimentaire qui les caractérise ainsi que la concentration des ossements et du mobilier. Ce contenant devait être souple dans la majorité des cas (textile, peau) en raison de la forme plutôt ovale de l’anomalie sédimentaire plus sombre. un contenant rigide est supposé pour les tombes 5 et 10 (forme du proil) et pour la tombe 4 (fosse quadrangulaire et présence d’un anneau en bronze situé au milieu du côté sud). D’après les ossements déterminés, les différentes régions anatomiques ne sont pas représentées dans chaque tombe, ce qui semble indiquer un dépôt partiel, sans souci de représenter même symboliquement chaque partie du corps, ni de privilégier systématiquement une partie du corps. La répartition horizontale et verticale des ossements à l’intérieur des tombes montre qu’il n’y a pas eu mise en place des vestiges selon un ordre anatomique. LES OSSEMENTS La quantité d’ossements, sans distinction entre l’homme et l’animal, est relativement importante, puisque les sépultures en renfermaient entre 204 et 2 750 g. En raison de leur fragmentation élevée, la majorité des ossements (soit 73 %) n’a pu être déterminée, ce qui limite en partie les interprétations (3). quelques faits ont cependant pu être mis en évidence. Les tombes peuvent être classées en 3 grands groupes d’après la masse totale de fragments osseux : entre 200 et 600 g (T. 5, 6, 8, 9, 10), entre 1 000 et 2 000 g environ (T. 1/7, 2 et 3) et plus de 2 000 g (T. 4). Cette masse n’est pas liée à la profondeur ou à la surface de la tombe : les 2 sépultures parmi les plus profondes (T. 5 et 9) ont livré une quantité d’os relativement modeste, alors que la tombe 4, conservée sur 0,20 m de profondeur, en renfermait près de 3 kg. Trois tombes sont multiples (T. 1/7, 2 et 3) ; chacune d’elles contenait les restes d’au moins un adulte de sexe masculin (4) et d’un immature, ce dernier n’étant représenté que par quelques fragments. Ces trois tombes, ainsi que la 4 sont celles qui ont livré la plus grande quantité de restes osseux et les seules avec des restes d’adultes de sexe masculin. Toutes les tombes avec moins de 600 g d’os renfermaient des restes de femmes ou des restes indéterminés. La quantité d’os semble donc liée au sexe du défunt. une corrélation entre la forte 3 - Tous les poids d’ossements cités dans ce paragraphe consistent en la masse totale (homme, faune et indéterminée) trouvée dans une tombe. 4 - La détermination sexuelle se base essentiellement sur des critères relatifs comme l’appréciation de la robustesse, et sur des comparaisons de mesures. Pour une explication détaillée de la méthode, voir ruffieux et al. 2006, p. 61. 194 LES OFFRANDES Des offrandes ont été déposées dans chaque sépulture, mais en quantité, qualité et diversité variables, indépendantes de la taille de la tombe comme du sexe des défunts. La tombe 6 se distingue par la richesse de son mobilier. Les restes de faune, brûlés, sont présents dans toutes les tombes, en quantité plus ou moins importante : les sépultures abritant au moins un défunt de sexe masculin ont livré entre 100 g et 600 g d’ossements animaux identiiés, les autres moins de 65 g. Huit espèces animales sont attestées. La faune domestique est prépondérante, avec en tête, le porc suivi du cheval, du bœuf et des caprinés. Des restes d’oiseaux, notamment du coq ou de la poule, ont été identiiés dans 7 des 9 tombes. La faune sauvage, généralement peu représentée dans les habitats et les tombes de La Tène inale, est attestée par des ossements de lièvre (T. 4 et T. 6) et de cerf (T. 4); fait intéressant, des restes de chien et de cheval ont aussi été découverts dans ces tombes. On peut se demander si les défunts de ces deux sépultures, un homme et une femme, pratiquaient une activité liée à la chasse ou bénéiciaient d’un rang privilégié. Ces dépôts de faune revêtent probablement diverses signiications. Plusieurs morceaux de choix, tels un demi-porc (T. 1/7), une épaule et un jambon de porc (T. 2), une épaule et un jarret de bœuf (T. 2 et 4), constituent vraisemblablement des offrandes alimentaires (viatiques pour le défunt ou vestiges de banquets funéraires). En revanche, d’autres ossements proviennent de parties peu riches en viande, comme le crâne et les extrémités de pattes de caprinés (T. 2 et 3), les bas de pattes postérieures ou antérieures de bœuf (T. 1/7, 3, 10) ou de cheval (T. 3 et 4), les fragments de pattes ainsi qu’une vertèbre de lièvre (T. 4 et 6), ou les vestiges d’une patte antérieure de cerf (T. 4). Leur présence dans les tombes doit donc plutôt avoir un caractère symbolique. RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse). Enin, un fragment d’os décoré de trois rainures (T. 4), de petite taille, provient d’un objet non identiié. Le mobilier funéraire est essentiellement métallique. Les objets liés à la parure et à l’habillement sont peu nombreux et fragmentaires : 3 ibules (2 en bronze et une en fer), des maillons de chaînette en fer et un bracelet en fer (T. 1/7 et 6). un fragment de verre fondu, provenant sans doute d’un bracelet, complète les éléments de parure. L’essentiel du mobilier est en fait composé de pièces de quincaillerie et d’assemblage, généralement de petite taille : clous, agrafes, iche à boucle. Parmi les 70 clous, l’un est un clou de soulier, les autres, des pointes (60) et des clous à tête forgée (9). Les pointes sont petites (L. 9 à 35 mm) et légères et ont le plus souvent une tête écrasée. Les pointes et les clous à tête forgée ont probablement servi à assembler des coffrets. Leur répartition dans les tombes (en particulier T. 1/7, 2, 6 et 8 qui en ont livré entre 11 et 26) n’atteste pas le dépôt de coffrets entiers dans les sépultures mais semble plutôt correspondre à des vestiges de coffrets brûlés. Plusieurs anneaux en fer (T. 2, 4 et 6) ou en bronze (T. 4) pourraient éventuellement provenir de coffrets, mais en raison de la polyvalence de ce type d’objet, leur fonction ne peut être déterminée de manière certaine. Quelques objets prestigieux méritent d’être cités, en particulier un fragment d’anse et son attache en bronze (T. 6 ; voir ig. 12), un fermoir ou élément de serrurerie composé de deux tôles de bronze et d’un pêne en fer (T. 6 ; ig. 10, n° 1) , et une tôle de bonze en forme de selle de cheval, peut-être un élément décoratif de joug (T. 1/7 ; ig. 10, n° 3). De petits fragments d’or ont aussi été mis au jour (T. 3 et 4) mais ils n’ont pu être retrouvés lors de l’étude du mobilier. Fig. 10 - Frasses, choix d’objets métalliques : fermoir (n° 1) en bronze et fer (T. 6), ibule (n° 2) et élément décoratif (n° 3) en bronze (T. 1/7), échelle 1:1 (dessin Odile Gendre et Evencio Garcia CristoBal). 195 RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse). Les rares tessons de céramique laténienne sont probablement des éléments en position secondaire, ce qui n’est pas le cas des 56 éléments en terre cuite (ig. 11), grossièrement façonnés et de petite taille, découverts dans les tombes 6 et 1/7. Leur forme est triangulaire (39 ex. ; L. : 15 à 25 mm), conique à base circulaire plus ou moins plate (4 ex., H. : 15 à 30 mm), ou en forme de plaque (13 ex.). Leur fonction n’a pu être déterminée. Nous avions proposé, faute de mieux, d’y voir de petits éléments de calage. L’hypothèse de jetons de jeu a été proposée par Stéphane Marion : des jetons et une table de jeu avaient été déposés dans la tombe dite « du docteur » à Stanway (Colchester, Grande-Bretagne), elle-même située dans un enclos daté vers 55 après J.-C. (CruMMy 2002). Bien que le matériau et la forme de ces jetons soient différents des éléments de terre cuite de Frasses, l’idée reste intéressante. Les terres cuites de forme conique évoquant quelque peu des fruits, peut-être faut-il envisager d’autres interprétations. Châbles Frasses X X modeste 8B X X X X X modeste X X X 8A X X modeste X X X 6 X X faible X 7 X X faible 10 X X faible 11 X X faible 12 X X faible 1/7 X X importante X ? 2 X X importante X ? 3 X X importante 4 X X 5 X X 6 X 8 X 9 10 X X X X X X X élément d’épée (fe) X X X X X X X X X élément décoratif (bz) X X anneau (fe) X X or ? X importante X anneaux (fe,bz), objet en os, or ? modeste X modeste X X modeste X X X modeste X X X modeste X ? X X ? X X X X X anneaux (fe), anse (bz), fermoir X X X X X tab. I - Tableau comparatif des nécropoles de Châbles "Les Biolleyres 3" et Frasse "Les Champs Montants". 196 X X X tombes symboliques X X tombes simples X X Type autres 9 X quincaillerie modeste autres parures X ibules X terre cuite X céramique X fosse 5 Offrandes funéraires faune quantité d’os en pleine terre Dépôt contenant périssable Forme urne Tombe enclos Site tombes multiples Fig. 11 - Frasses, tombe 6 : quelques objets en argile cuite (photo Claude ZauGG). X RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse). Sur la base du mobilier, nous attribuons cette nécropole à LT D1. Il est cependant dificile d’être plus précis : le meilleur élément typochronologique est une variante, ou un prototype, de la ibule de Nauheim (ig. 10, n° 2). sYntHèsE Les deux petites nécropoles de Châbles "Les Biolleyres 3" et de Frasses "Les Champs Montants" témoignent d’une diversité des gestes funéraires qui se lit dans l’architecture des tombes, le traitement des ossements et le mode de dépôt ainsi que la composition des offrandes (tab. I). La différence la plus évidente concerne l’architecture des tombes. Les sépultures de Frasses, qui se présentent toutes sous la forme de fosses ovales voire quadrangulaires montrent, malgré quelques variations, une certaine homogénéité. à Châbles, deux types de tombes sont attestés, certaines en fosse simple, d’autres à enclos quadrangulaires fossoyés. Les tombes à enclos constituent une nouveauté sur le territoire suisse, aucun autre exemple n’étant pour le moment attesté dans le faible corpus des tombes de La Tène inale. Elles sont par contre fréquentes dans le Nord de la France durant toute la période laténienne. Les enclos de Châbles s’en distinguent cependant par leur taille, plus réduite, et par leur fonction. Le fossé ne sert pas seulement à circonscrire un espace dans lequel une ou plusieurs sépultures ont été établies, mais il fait partie intégrante de la tombe puisque la majeure partie du mobilier et des ossements y a été déposée. Le fossé a ensuite été refermé et n’était probablement plus visible, même si un marquage en surface de ces tombes devait exister. Si, dans les exemples français, les enclos délimitent les sépultures et peuvent donc être considérés comme un monument funéraire, dans notre modeste nécropole le fossé-enclos constitue une partie de la tombe. Enin, pouvoir bénéicier d’une tombe à enclos ne semble pas, dans la population de Châbles, un privilège lié à l’âge ou au sexe des défunts. une autre différence tient à la masse d’ossements ensevelis. Si aucune sépulture ne renfermait la totalité des restes d’un défunt incinéré, la quantité d’ossements varie d’une tombe à l’autre. Les quantités les plus importantes ont été déposées dans des tombes de Frasses, les plus faibles dans celles de Châbles interprétées comme tombes symboliques (moins de 25 g d’ossements). Même si les dépôts ne sont pas exhaustifs, il y a manifestement eu volonté de représenter toutes les régions anatomiques des défunts dans les 4 « vraies » tombes de Châbles ; cette volonté ne se retrouve pas à Frasses (exceptée peut-être la 2), mais la part importante d’ossements indéterminés limite les interprétations. Les tombes masculines de Frasses contenaient davantage d’os que les tombes féminines, mais vu le faible nombre de sépultures, il est dificile de savoir si cet état de fait correspond à un geste intentionnel. Les tombes « symboliques » de Châbles ne constituent pas un cas unique à l’époque de La Tène inale. En effet, de très faibles quantités d’os se trouvaient aussi dans certaines tombes d’Elgg/Breiti (Zurich, Suisse; Mäder 2002, p. 87102) ou d’Acy-Romance (Ardennes ; laMbot et al. 1994, p. 177-186) pour ne citer que ces exemples. Elles témoignent de l’existence de rites complexes entre le moment du décès et le dépôt d’une partie symbolique des restes humains. un tiers des sépultures de ces deux nécropoles se sont révélées être des tombes multiples, ce qui est relativement fréquent à La Tène inale. L’association adulte-immature qui caractérise les tombes multiples de Frasses a aussi été mise en évidence pour la nécropole de Lamadeleine au Luxembourg (laMbot et al. 1996, Metzler et al. 1999). Le mélange de deux individus dans deux sépultures différentes comme dans l’ensemble 8 de Châbles constitue par contre un cas exceptionnel. Le mode de dépôt des ossements est aussi différent. à Frasses, les ossements ont généralement été regroupés dans un contenant, lui-même placé dans une fosse ; dans un seul cas, ils ont été déposés directement en pleine terre. Les tombes à enclos de Châbles sont caractérisées par un dépôt multiple : une inime partie des os a été déposée dans l’urne au centre de la tombe, le reste dans le fossé-enclos. Dans cet enclos, les os étaient soit disséminés, soit regroupés dans un contenant. De petits dépôts d’os de quelques grammes en divers endroits de la tombe complètent l’ensemble. Selon le dépôt, les os sont lavés ou non. Il n’y a manifestement pas de préférence anatomique d’après le type de dépôt ou sa localisation. De plus, les urnes auraient pu contenir davantage d’ossements ; le dépôt multiple correspond donc à une volonté et non à une contrainte technique. Ce phénomène a aussi été mis en évidence à AcyRomance (cf. friboulet, ce volume). Le traitement des ossements des défunts semble donc avoir obéi à des règles complexes, différentes entre les deux communautés. Le degré de fragmentation des ossements, élevé dans les deux nécropoles, apporte aussi quelques indices sur les gestes funéraires. une telle fragmentation ne peut être due à la crémation seule, mais nécessite une intervention humaine. Des observations ethno-archéologiques conirment le rôle important du crémateur qui augmente la fragmentation des os en les déplaçant lors de la crémation ou après, en les nettoyant. Les os peuvent aussi avoir été fragmentés volontairement pour entrer dans un contenant (GreVin 2004). L’état des os semble indiquer une fragmentation intentionnelle dont le but, ou le sens, nous échappe totalement. 197 RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse). Les offrandes funéraires, qui sont souvent passées sur le bûcher, diffèrent également d’une nécropole à l’autre. à Châbles, elles sont constituées essentiellement de ibules en bronze et en fer, de restes de faune et de récipients en céramique. La diversité des offrandes est plus grande dans les tombes à « forte » quantité d’ossements que dans les autres. à Frasses, les ibules sont rares et les récipients en céramique absents. Des vestiges fauniques ont été identiiés dans chaque sépulture, en quantité et en diversité plus grande qu’à Châbles. Les nombreux clous et pointes en fer sont plus atypiques ; ils attestent peut-être la présence de coffrets sur les bûchers. Quelques objets devaient revêtir une valeur symbolique importante, notamment l’anse de Frasses et son attache en bronze ainsi que l’élément de fourreau ou d’épée de Châbles ; ces deux éléments témoignent probablement de la coutume de la pars pro toto, rite qui consiste à symboliser un objet entier par une seule de ses parties (ig. 12 et 13). Les petits objets en terre cuite de Frasses, dont l’interprétation est encore obscure, devaient probablement aussi jouer un rôle symbolique. Il n’a pas été possible, à l’intérieur de chaque nécropole, de mettre en évidence une différence dans la composition des offrandes funéraires selon le sexe ou l’âge des défunts. La diversité des rites funéraires mise en exergue dans ces deux modestes nécropoles ne peut s’expliquer par des différences chronologiques ou géographiques. Elle témoigne peut-être d’une Fig. 13 - Châbles, tombe 7 : élément en fer provenant d’une épée ou d’un fourreau (photo Claude ZauGG). faible standardisation des pratiques funéraires, à une époque qui voit réapparaître dans notre région l’incinération et les offrandes alimentaires. Elle pourrait aussi indiquer l’existence de deux groupes sociaux distincts. Cette hypothèse est dificile à étayer sur la base du mobilier découvert, même si l’on peut supposer que la nécropole de Frasses, au vu, notamment, de l’anse en bronze, de l’abondance de la faune et de la présence de restes de chasse, abritait des défunts un peu plus aisés que celle de Châbles. Cette dernière se distingue par la complexité des tombes à enclos fossoyé, un type d’architecture funéraire observé pour la première fois en Suisse. Les enclos quadrangulaires sont caractéristiques des nécropoles laténiennes du Nord de la France et leur origine remonte aux enclos circulaires de la in de l’âge du Bronze (voir par exemple baray 1989 ou laMbot 2000). De telles structures ne sont pas attestées en Suisse à l’époque hallstattienne. Par contre des enclos funéraires empierrés avaient été édiiés à Châbles à l’âge du Bronze moyen ; un rapport entre ces structures et les tombes laténiennes, même s’il nous semble peu probable, ne peut être totalement exclu. Autre hypothèse, la communauté de Châbles pourrait avoir une origine culturelle différente de celle de Frasses et partager des racines avec les communautés du Nord de la France. Seules de nouvelles découvertes apporteront peut-être des éléments de réponse. REMERCIEMENTS Je tiens à remercier chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à la fouille ou à l’étude de ces deux nécropoles. Mes remerciements vont en particulier à Henri Vigneau, responsable de la fouille de Châbles, qui est l’auteur de nombreuses hypothèses concernant l’architecture des tombes et les rites funéraires ; son enthousiasme a été communicateur. Fig. 12 - Frasses, tombe 6 : anse et son attache en bronze, (photo Claude ZauGG). 198 Je remercie également Bernard Lambot, Martin Schönfelder et Stéphane Marion qui m’ont fait part de leurs hypothèses pour l’interprétation de plusieurs objets. RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse). BIBLIoGrapHIE BARAy Luc (1989) - « Les enclos du second âge du Fer du Nord Sénonais », dans BUCHSENSCHUTZ olivier & OLIVIER Laurent - Les Viereckschanzen et les enceintes quadrilatérales en Europe Celtique, Actes du IX colloque de l’AFEAF, Chateaudun 1985, Errance, Paris (Archéologie Aujourd’hui), p. 123-136. BLANC Pierre (2002) - « Avenche "à la Montagne" », Bulletin de l’Association Pro Aventico, 44, Avenches, p. 152157. BOISAuBERT Jean-Luc, BuGNON Dominique & MAuVILLy Michel (dir.) (2008) - Archéologie et autoroute A1, destins croisés. 25 années de fouilles en terres fribourgeoises (1975-2000), premier bilan, Academic Press, Fribourg, 476 p. (Archéologie fribourgeoise 22). BRUNETTI Caroline (2005) - « La in de l’âge du Fer à Lausanne : les sites de la Cité et de Vidy », dans BERTI ROSSI Sylvie & MAy CASTELLA Catherine - La fouille de Vidy "Chavannes 11" 1989-1990. Trois siècles d’histoire à Lousonna. Archéologie, architecture et urbanisme, Cahiers d’archéologie romande, Lausanne (Lousonna 8 ; Cahiers d’archéologie romande 102), p. 343-362. GREVIN Gilles (2004) - « L’ethnologie au secours des archéologues : l’étude des crémations sur bûchers », Archéologia 408, Dijon, p. 44-51. LAMBOT Bernard (2000) - « Les enclos funéraires en Champagne : indicateurs chronologiques, sociaux et culturels ? », Revue archéologique de Picardie 1/2, Amiens, p. 147-159. LAMBOT Bernard, FRIBOuLET Muriel & MéNIEL Patrice (1994) - Le site protohistorique d’Acy-Romance (Ardennes). II Les nécropoles dans leur contexte régional (Thugny-Trugny et tombes aristocratiques) 1986-1988-1989, Reims, 315 p. (Mémoires de la Société Archéologique Champenoise 8). LAMBOT Bernard, MENIEL Patrice & METZLER Jeannot (1996) - « à propos des rites funéraires à la in de l’âge du Fer dans le nord-est de la Gaule », Bulletin et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris n.s. 8.3-4, Paris, p. 329343. LE GOFF Isabelle (1998) - De l’os incinéré aux gestes funéraires. Essai de paléoethnologie à partir des vestiges de la crémation, Thèse de doctorat sous la direction de C. Masset (Paris I), Paris, 2 vol., 506 p. CASTELLA Daniel (1999) - La nécropole gallo-romaine d’Avenches "En Chaplix". Fouilles 1987-1992, Cahiers d’archéologie romande, Lausanne, vol. 1, 334 p. (Aventicum IX ; Cahiers d’archéologie romande 77). MÄDER Andreas (2002) - Die spätbronzezeitlichen und spätlatènezeitlichen Brandstellen und Brandbestattungen in Elgg (Kanton Zürich). Untersuchungen zu Kremation und Bestattungsbrauchtum, Baudirektion Kanton Zürich, Hochbauamt Kantonsarchäologie, Zürich/Egg, 2 vol., 211 p. (Zürcher Archäologie 8-9). CRuMMy Philip (2002) - « Des tombes aristocratiques à Stanway (Colchester, Grande-Bretagne) », dans GuICHARD Vincent & PERRIN Franck (dir.) - L’aristocratie celte à la in de l’âge du Fer (IIe s. avant J.-C. - Ier s. après J.C.), Actes de la table ronde des 10 et 11 juin 1999 à Gluxen-Glenne, Centre archéologique européen du Mont Beuvray, Glux-en-Glenne (Bibracte 5). METZLER-ZENS Nicole et Jeannot, MéNIEL Patrice, BIS Romain, GAENG Catherine & VILLEMEuR Isabelle (1999) - Lamadelaine, une nécropole de l’oppidum du Titelberg Luxembourg, 471 p. (Dossiers d’Archéologie du Musée national d’Histoire et d’Art VI). FLOuEST Jean-Loup (1993) - « L’organisation interne des tombes à incinération du IIe au Ier s. avant J.-C. Essai de description méthodologique », dans GUICHARD Vincent & VAGINAy Michel - Les rites funéraires en Gaule (IIIe-Ier siècle avant J.-C.), Actes du XIVe colloque de l’AFEAF, Evreux 1990, RAO, Rennes (Revue archéologique de l’Ouest, supplément 6), p. 201-209. RuFFIEuX Mireille, VIGNEAu Henri, MAuVILLy Michel, DuVAuCHELLE Anika, GuELAT Michel, KRAMAR Christiane, OLIVE Claude & uLDIN Tanya (2006) - « Deux nécropoles de La Tène inale dans la Broye : Châbles "Les Biolleyres 3" et Frasses "Les Champs Montants", Cahiers d’Archéologie Fribourgeoise, 8, Fribourg, p. 4-111. GRAW Matthias, WAHL, Joachim & AHLBRECHT Matthias (2005) - « Course of the meatus acusticus internus as criterion for sex differentiation », Forensic Science International 147, 2005, Amsterdam, p. 113-117. L’auteur Mireille RuFFIEuX Service archéologique de l’état de Fribourg, Planche-Supérieure 13, CH - 1700 Fribourg, Suisse. rufieuxm@fr.ch 199 RAP - 2009, n° 3/4, Mireille ruffieux, Complexité et diversité des rites funéraires dans deux petites nécropoles LT D1 du canton de Fribourg (Suisse). résumé Deux petites nécropoles de La Tène inale ont été fouillées dans le canton de Fribourg (Suisse). Leur étude a permis de mettre en évidence un certain nombre de différences concernant l’architecture des tombes, le traitement et le dépôt des ossements ainsi que la composition des offrandes. En outre, un type de tombe, caractérisé par un petit enclos fossoyé, y a été mis au jour pour la première fois en Suisse. Au vu de l’indigence actuelle du corpus funéraire de cette période en Suisse, ces découvertes, certes modestes, ont toute leur importance. Mots clés : La Tène D1, nécropoles, tombes à enclos, rite funéraire, Suisse. abstract Two small Late La Tène burial sites have been excavated in Canton Fribourg (Switzerland). They have revealed several variations with regard to grave architecture, bone handling and bone deposits, as well as grave goods. Furthermore, a tomb with a small trench enclosure, a hitherto unique discovery in Switzerland, was also unearthed. These modest discoveries are fairly important, given the current scarcity of funerary offerings from this era in Switzerland. Key-words: La Tène D1, burial sites, trench enclosure, burial rites, Switzerland. Traduction : Fiona Mc CULLOUGH Zusammenfassung Die wissenschaftliche Auswertung zweier kleiner latènezeitlicher Nekropolen im Kanton Freiburg (Schweiz) zeigt unterschiede in der Grabarchitektur, in der Behandlung des Leichenbrandes und in der Beigabendeponierung auf. Erstmals in der Schweiz gelang ausserdem der Nachweis eines mit einem Gräbchen eingefassten Grabgartens. Vor allem auch die Tatsache, dass bislang nur relativ wenige Grabfunde dieser Zeitstellung aus der Schweiz bekannt sind, unterstreicht die Bedeutung der Befunde für unsere Kenntnis der lokalen und regionalen Grabsitten. Stichworte : Latène D1, Nekropolen, Grabgarten, Bestattungssitten, Schweiz. Traduction : Gabriele GRAENERT 200 RAP - 2009, n° 3/4, Luc baray, De la composition des dépôts funéraires aristocratiques aux âges du Fer en Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) : entre compétition et identité sociale. DE La CoMposItIon DEs DépÔts FUnéraIrEs arIstoCratIQUEs aUX âGEs DU FEr En EUropE oCCIDEntaLE (vIIIe - Ier sIèCLE avant J.-C.) : EntrE CoMpétItIon Et IDEntIté soCIaLE Luc BARAy IntroDUCtIon L’intérêt grandissant pour l’étude des pratiques funéraires se signale depuis près de trois décennies par la multiplication des travaux universitaires et, corrélativement, par celle de manifestations scientiiques de type table ronde ou colloque. Cet engouement tient pour l’essentiel à un renouvellement des protocoles d’analyse des sépultures lié à un développement sans précédent de l’archéologie préventive. Pour autant, si les méthodes d’analyse se sont perfectionnées grâce au fait qu’il est désormais possible de disposer d’une documentation de qualité, les résultats se font encore attendre en ce qui concerne l’approche de la structure sociale des populations protohistoriques. Les raisons sont multiples, mais il ne m’appartient pas ici de les énoncer toutes ni de les analyser dans le détail. Plus simplement, je tenterai de montrer que la résolution de ce problème passe, entre autres, par une approche qui tienne compte des mécanismes d’élaboration du discours funéraire des élites protohistoriques à travers sa dimension idéologique. Après un rapide énoncé d’un certain nombre de problèmes méthodologiques touchant au mode d’analyse traditionnelle de la composition des assemblages funéraires, je tenterai de montrer en quoi la compréhension des mécanismes de construction de l’idéologie funéraire des élites est à même de nous aider à envisager autrement l’étude et l’interprétation de leurs assemblages funéraires. Je terminerai mon exposé par l’évocation rapide de la spéciicité des dépôts funéraires aristocratiques de La Tène C et D du nord de la Gaule. CrItIQUEs DEs approCHEs traDItIonnELLEs DE L’étUDE DEs DépÔts FUnéraIrEs Selon une attitude largement répandue, l’objet est considéré dans sa dimension fonctionnelle primaire. C’est-à-dire qu’il sera analysé et interprété en fonction de l’emploi qui lui est traditionnellement reconnu dans la vie quotidienne et ce, quel que soit le contexte de découverte. une épée est une arme ; cette arme sert à combattre donc la présence d’une épée dans une tombe, pour prendre un exemple classique, signiie que l’on est en présence d’un combattant, c’est-à-dire d’un guerrier. C’est par ce processus de rapprochement analogique que la fonction des objets est déterminée et que la composition des assemblages funéraires est interprétée. Certains chercheurs, dans la mouvance d’une histoire positiviste, vont plus loin. Ils proposent d’expliquer la présence de chaque objet en référence à une activité spéciique à laquelle le défunt aurait été directement associé (MilCent 2004 ; VerGer 2003 ; 2006). Ils vont jusqu’à interpréter la présence sur les objets méditerranéens de scènes mythologiques ou de décors en lien direct avec les pratiques guerrières, politiques ou religieuses du défunt ou de la défunte. De même, mais sans atteindre toutefois de telles libertés, la plupart des chercheurs ont interprété la présence de la vaisselle métallique méditerranéenne dans les tombes princières d’Europe occidentale en référence aux connaissances que l’on avait des pratiques du symposium telles qu’elles avaient été en usage en Grèce ou en étrurie. Dans la mouvance de cette conception traditionnelle de l’analyse et de l’interprétation des dépôts funéraires, les recherches consacrées à l’étude des pratiques funéraires se préoccupent, consciemment ou inconsciemment, du rapport de l’homme avec la mort (1). Conception empreinte de valeurs eschatologiques, elle se réfère explicitement à la religion. Les objets déposés dans les tombes sont là pour témoigner d’une croyance dans un audelà conçu comme une sorte de décalque de la vie terrestre. Il est dès lors logique de déposer dans la tombe tout ce dont le défunt pourrait avoir besoin 1 - Cf. par exemple, ferdière 2004, p. 122 : En effet, comme pour tout ce qui concerne le domaine des mentalités, du spirituel, et notamment ici de l’attitude face à la mort, il est bien nécessaire d’admettre que ces comportements mêmes ne peuvent pas être considérés comme neutres, ce qui devrait pourtant être la condition nécessaire pour s’autoriser à établir une relation directe, « objective », entre la sélection des objets déposés dans la tombe et le statut social de l’individu concerné. De la composition des dépôts funéraires aristocratiques aux âges du Fer en Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) : entre compétition et identité sociale. 201 RAP - 2009, n° 3/4, Luc baray, De la composition des dépôts funéraires aristocratiques aux âges du Fer en Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) : entre compétition et identité sociale. pour son dernier voyage, mais aussi tout ce dont il aura besoin pour signiier dans l’autre monde, comme il l’a fait de son vivant, son appartenance à l’élite de la société. Selon cette conception, l’objet n’a d’autre fonction que de signiier le statut du défunt. La richesse du dépôt funéraire étant considérée comme révélatrice des oppositions hiérarchiques qui devaient exister du vivant des défunts (2), diverses méthodes de classiication de la richesse des dépôts funéraires ont ainsi été testées pour tenter d’en rendre compte. Les techniques de classiication mises en œuvre ont indifféremment porté sur la quantité et/ ou la qualité des objets, l’absence ou la présence de certaines catégories fonctionnelles. Plusieurs auteurs ont proposé d’attribuer des points aux objets en fonction d’une échelle d’évaluation de leur plus ou moins grande technicité et du temps nécessaire à leur fabrication selon la spécialisation des artisans (par exemple, waldhauser 1978 ; hinton 1986). Des corrélations entre groupes techniques et catégories fonctionnelles ont également été envisagées sans plus de résultats probants (Manolakakis 2004), bien que l’approche présente une avancée méthodologique indéniable au regard des tentatives précédentes. Tous ces essais ont abouti à des classiications en plusieurs groupes de richesses fondées sur une vision qui se veut objective des écarts de richesses existant dans la composition des différents assemblages funéraires des tombes d’un même cimetière ou d’une même région. Interprétées comme le relet objectif d’inégalités sociales et économiques, ces « inégalités » de richesse sont perçues comme autant de rangs ou de statuts sociaux. Pour la culture Aisne-Marne, Jean-Paul Demoule a proposé une classiication en 4 « rangs » principaux, chaque rang étant déini par la présence ou l’absence d’un certain nombre d’objets, selon le sexe et l’âge des défunts (deMoule 1999, p. 196-198). Les approches rapidement présentées ici ne vont pas sans poser des problèmes méthodologiques. Il y a plusieurs raisons à cela : - premièrement, accepter l’idée qu’un objet, quel qu’il soit, présent en contexte funéraire ait pu remplir la même fonction que du vivant du défunt, c’est tout simplement faire i des modiications que le passage de l’état de vivant à l’état de défunt fait subir à la fois aux êtres et aux choses qui les accompagnent ; - deuxièmement, les contextes culturels étant différents, on ne peut pas préjuger du mode d’utilisation des objets exotiques. Pascal Ruby l’a bien montré, il convient d’établir une distinction nette entre fonction et usage. « La fonction d’un 2 - Cf. par exemple, deMoule 1999, p. 198, note 44 : … il faut bien postuler une correspondance entre le degré de richesse de la tombe et le statut social du défunt de son vivant. 202 objet, nous rappelle l’auteur (ruby 1993, p. 801), est déterminée par les caractères intrinsèques de celui-ci, ses propriétés physiques, géométriques et sémiotiques. L’usage est au contraire ce que le groupe humain qui le possède décide d’en faire et comment il l’utilise : l’usage est par déinition arbitraire et imprévisible. Cela explique pourquoi un objet possédant une fonction unique peut avoir des usages différents selon les latitudes, l’époque, les choix culturels des groupes humains qui le possèdent : un objet n’est jamais isolé, mais est toujours intégré à un système technique particulier et cohérent ». C’est parce qu’il y a fréquemment confusion entre fonction et usage que la vaisselle métallique méditerranéenne est le plus souvent perçue comme le signe univoque d’une acculturation des élites nord-alpines aux pratiques du symposion gréco-étrusque (par exemple, boulouMié 1988 ; poux 2004, p. 363-369) ; - troisièmement, toutes les tentatives de classiication supposées objectives du mobilier funéraire et de détermination de groupes sociaux pêchent toujours par la subjectivité des critères retenus. Rien ne permet en effet de supposer que les échelles de valeurs retenues correspondent à une réalité antique ; - quatrièmement, l’étude des sociétés antiques, notamment grecques, a pu montrer que les élites ne constituaient pas un ensemble replié sur luimême, isolé au sein de la société. Bien au contraire, les élites formaient plutôt un ensemble ouvert en perpétuelle interaction avec le reste des membres de la société globale. Entre les élites et les gens du commun il existait un continuum, pour reprendre le vocabulaire d’Alain Duplouy (duplouy 2007, p. 74), « fait de multiples statuts aux frontières mal déinies et très perméables ». M.I. Finley (finley 1984, p. 147 sqq.) parlait du reste de « spectre de statut » pour qualiier la situation qui prévalait en Grèce ancienne. Dès lors, il ne faut pas s’étonner de l’inanité de la plupart de nos classiications archéologiques. Seuls les extrêmes, c’est-à-dire les tombes situées à chaque extrémité de l’échelle de valeur retenue, sont parfaitement identiiables. Pour le reste, l’évaluation de la richesse du mobilier funéraire aboutit toujours, ou presque toujours, à la mise en évidence d’un continuum au sein duquel il est bien dificile, voire impossible, d’établir des distinctions signiicatives. Se pose dès lors la question de la validité de telles démarches et plus particulièrement la validité de la notion de richesse telle qu’elle est utilisée en archéologie pour classer les assemblages funéraires. Comment dépasser ce premier niveau d’observation qui consiste à reconnaître l’existence de différences parfois importantes, tant quantitatives que qualitatives, dans les assemblages funéraires d’une même communauté ? RAP - 2009, n° 3/4, Luc baray, De la composition des dépôts funéraires aristocratiques aux âges du Fer en Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) : entre compétition et identité sociale. La CoMpétItIon soCIaLE aU FonDEMEnt DE L’IDéoLoGIE arIstoCratIQUE « Toujours être le meilleur et surpasser les autres », c’est en ces termes que Hippoloque, au moment d’envoyer son ils Glaucos guerroyer sous les murs de Troie, lui recommandait de ne pas déshonorer la race de ses pères (Iliade, VI 208). Cette phrase laconique résume à elle seule l’idéal intemporel aristocratique. Idéal qui aurait régi durant des siècles tous les comportements de distinction des élites. Les travaux récents d’Alain Duplouy sur les modes de reconnaissance sociale des élites dans la Grèce archaïque et classique, reprenant ceux désormais anciens de J. Burckhardt et de F. Nietzsche, ont en effet permis d’attirer notre attention sur cette éthique de l’émulation et sur l’inluence considérable qu’elle a du avoir sur le comportement des élites et sur l’échelle d’évaluation de la communauté, qui était, rappelons-le, la garante ultime de l’estime portée aux individus entreprenants. Il ne fait guère de doute, les données de l’archéologie et des textes antiques sont là pour en témoigner, que cette mentalité agonistique fut tout autant au fondement de la dynamique de la reconnaissance sociale dans les sociétés protohistoriques d’Europe occidentale. Pour autant, cet idéal aristocratique qui explique la compétition parfois acharnée que se livrèrent entre elles les élites pour la prééminence sociale ne peut se limiter à la recherche de la gloire et du prestige, comme nous y invite Alain Duplouy (duplouy 2006 ; 2007). Comme la renommée, la richesse ou l’ascendance prestigieuse, la gloire et le prestige ne sont proitables, voire rentables, que s’ils permettent d’accéder au plus haut sommet de la hiérarchie sociale, c’est-à-dire s’ils permettent de dominer la société et de lui imposer ses propres vues. En d’autres termes, la gloire et le prestige ne sont que des moyens et non pas une in en soi. Ce sont les moyens d’accéder au pouvoir suprême. C’est grâce à eux qu’un individu pourra légitimer sa domination sur tout ou partie du groupe. En cela, la composition des assemblages funéraires ne se limite pas à signaler le statut social des défunts ou leur richesse, et ce, même de manière symbolique ou idéale, comme l’a récemment proposé P. Brun (2004). La composition des assemblages funéraires, parce qu’elle participe comme bien d’autres pratiques sociales (le banquet, la guerre, la chasse, le sport…) ou discursives (énonciation d’une ascendance prestigieuse) à manifester ostensiblement l’idéologie aristocratique de compétition et d’excellence, conine nécessairement à la sphère du pouvoir. C’est seulement parmi ceux à qui la société reconnaît une certaine prééminence sociale dans l’accomplissement de certaines activités, que seront choisis ceux à qui elle coniera le soin de diriger ses affaires. Il ne faut donc pas se leurrer, quand bien même le dépôt funéraire paraîtrait modeste aux yeux de l’archéologue, quand bien même la société aurait fait le choix de privilégier une politique de distribution plutôt qu’une politique de dépôt funéraire, la compétition est latente et la recherche de l’excellence toujours présente. Seuls les moyens mis en œuvre pour l’aficher symboliquement dans la tombe changent. Il convient donc de ne pas accorder trop d’importance aux changements quantitatifs ou qualitatifs des assemblages funéraires pour déterminer les accroissements ou les chutes dans un processus de complexiication sociale néoévolutionniste (contra deMoule 1993 ; 1999). La composition des dépôts funéraires agit plutôt comme un baromètre des orientations idéologiques des élites qui tentent ainsi de peser sur le sens de l’histoire. Le dépôt funéraire n’est rien d’autre qu’une manifestation matérielle de l’idéologie d’un groupe qui cherche à se maintenir ou à accéder au pouvoir, autrement dit, qui cherche à légitimer ses prétentions à diriger la société. L’idéologie, parce qu’elle touche à des intérêts concrets et qu’elle est en prise directe avec le vécu de ceux qui s’en réclament, se présente différemment selon l’évolution du contexte historique. Elle apparaît de fait comme particulièrement sensible aux luctuations qui touchent de manière plus ou moins forte la position des acteurs au sein de la société globale, révélatrice en cela des malaises et des attentes sociétales. Dans la mesure où le conlit est latent et que la recherche de l’excellence mobilise et dynamise toutes les énergies, le recours à des interprétations faisant état de l’existence de luttes sociales ou de tensions sociales pour expliquer la dimension plus ou moins ostentatoire des assemblages funéraires s’apparente de fait à des truismes. Il convient plutôt de se poser la question de savoir ce que dissimule une idéologie qui se présente plutôt sous les traits d’une société d’essence apparemment paciique. Certaines représentations funéraires tendent en effet à minorer l’idée même du conlit, à le nier en tant que tel. or, le conlit, qu’il soit interne ou externe, est par essence latent et ne demande qu’à s’exprimer ouvertement. Du reste, tout concourt dans le fonctionnement des sociétés inégalitaires, qualiiées de chefferies par les anthropologues anglo-saxons, à y entretenir un climat délétère particulièrement propice aux affrontements et aux conlits sociaux internes et/ou externes. Minorer le conlit, le gommer en quelque sorte, revient à dire la puissance et le pouvoir du chef qui par son action tend à maintenir la concorde et la cohésion au sein du groupe. Dès lors que le groupe tend à se structurer sur des valeurs communautaires, l’exploit guerrier, par essence individuel, se verra supplanté par une idéologie faisant la part belle à l’exaltation de la prospérité du groupe à travers celle de son chef. C’est cette opposition fondamentale 203 RAP - 2009, n° 3/4, Luc baray, De la composition des dépôts funéraires aristocratiques aux âges du Fer en Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) : entre compétition et identité sociale. que l’on perçoit dans la composition différente des assemblages funéraires des sépultures du Hallstatt C et de La Tène A et B, comparativement à celles des autres étapes chronologiques des deux âges du Fer. Pour autant, il n’est pas question ou, tout du moins, pas toujours question de gommer l’idée même de l’inégalité sociale qui est au fondement même de la construction sociale et ce, quand bien même il s’agirait de privilégier une représentation fondée sur des valeurs communautaires comme au Hallstatt D2/3 ou à La Tène C et D. Ces sociétés n’hésitent donc pas à aficher le fait qu’elles soient traversées par de fortes inégalités, notamment économiques comme en témoignent éloquemment les différences perçues dans la composition des dépôts funéraires. Ces inégalités transparaissent également dans l’architecture funéraire (tumulus ;simple signalisation au sol ; chambre funéraire simple fosse…) et dans la relation à l’espace, selon que les tombes sont englobées ou non dans un espace funéraire communautaire ou isolées dans le paysage. Un sCHèME CULtUrEL partICULIèrEMEnt préGnant D’une étape chronologique à l’autre, l’image des élites, telle que l’on peut la percevoir à travers la composition des assemblages funéraires, change. Le changement ne se fait toutefois pas de manière aléatoire. Bien au contraire, on observe une grande stéréotypie des modes de représentation funéraire d’une étape à l’autre. L’analyse des assemblages funéraires sur le long terme indique clairement que les élites se sont visiblement référées à un schème culturel puissant qui en a déterminé, tout au long des âges des métaux, la composition. Ce schème culturel, dont on n’identiie que la dimension purement matérielle, s’articule autour d’un nombre ini d’objets : parures en or, armes, char, harnachement équestre, vaisselle métallique, instruments du foyer (chaudron, gril, chenet, fourchette), seau en bois et éléments métalliques, amphore vinaire. à chaque étape chronologique, les associations de ces objets entre eux changent et nous donnent ainsi à voir une nouvelle facette des élites au pouvoir. La dynamique de ce changement, le moteur de cette évolution est à rechercher dans cet esprit de compétition qui anime et structure toute la pensée aristocratique. La forte stéréotypie des assemblages funéraires, que l’on perçoit sur de vastes régions à chaque grande étape chronologique, tend par ailleurs à prouver que la part de l’individuel et du familial, même si elle ne peut être totalement ignorée, est cependant peu importante. D’ailleurs, quand elle semble s’être manifestée, c’est apparemment toujours dans les limites étroites autorisées vraisemblablement par les normes socio-culturelles propres aux élites, puisque ces variations ne 204 présentent pas un caractère tout à fait aléatoire. Même à ce niveau de « liberté », on retrouve souvent des constantes dans la composition des biens ajoutés qui témoigne de la forte prégnance du modèle socioculturel. Il est donc normal, le contraire étant peu vraisemblable, que les assemblages funéraires ne présentent pas une identité de composition stricte. Il est d’ailleurs intéressant de noter que selon les étapes chronologiques et selon les régions, la part de l’individuel ou du familial peut être plus ou moins importante dans le choix des biens personnels déposés dans la tombe. Si au Hallstatt C, la plupart des sépultures masculines à grande épée de bronze ou de fer ne possèdent que cette dernière arme pour se signaler ostensiblement dans la mort, il en va tout autrement au Hallstatt D2 ou D3 et même à La Tène A / B où le défunt emporte un nombre plus conséquent de biens personnels, en plus du char à quatre ou deux roues. Il ne peut donc être question d’identité mais seulement de stéréotypie pour qualiier les ressemblances observées au sein d’une même région ou micro-région, à un moment donné de l’évolution des sociétés protohistoriques. à chaque étape chronologique, on obtient ainsi une image stéréotypée des membres de l’aristocratie, que j’ai proposée d’interpréter comme la manifestation matérielle de l’idéologie des élites (baray 2004 ; 2007 ; 2008). L’homogénéité toute apparente de la composition de leurs assemblages funéraires rend de fait caduque l’idée généralement admise que le mobilier déposé dans la tombe correspondrait à la fortune du défunt. Nonobstant les problèmes de conservation différentielle des matériaux périssables qui participèrent sans doute au lustre de la tombe et des cérémonies funéraires, il convient de garder à l’esprit que les biens déposés dans la tombe ne sont tout au plus que le relet de la richesse du défunt et non pas sa richesse proprement dite. Du reste, l’ethnographie et l’histoire nous apprennent que les critères qui interviennent dans le choix des objets composant les assemblages funéraires sont divers et n’entretiennent que rarement des relations univoques avec l’idée de richesse telle qu’on l’utilise habituellement en archéologie. Il est en effet possible de faire trois parts du mobilier composant les assemblages funéraires. Chaque part renvoie à une catégorie d’objets relevant respectivement des biens personnels du défunt, de son viatique, et de ses biens de prestige : - la catégorie des objets personnels du défunt regroupe tous les objets dont ne pouvaient pas décemment hériter les survivants. Ce sont en particulier les armes des hommes ou les parures des femmes. Les nécessaires de toilette, ainsi que les outils, font vraisemblablement partie de cette première catégorie ; RAP - 2009, n° 3/4, Luc baray, De la composition des dépôts funéraires aristocratiques aux âges du Fer en Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) : entre compétition et identité sociale. - la catégorie du viatique comprend la vaisselle en céramique qui a pu, parfois, mais pas toujours, contenir des aliments ou des liquides, ainsi que les dépôts alimentaires. Toutefois, la présence de ce viatique ne s’explique pas nécessairement en référence à des croyances religieuses. Elle peut, comme dans le cas des Indiens d’Amérique du Nord, renvoyer de manière symbolique au dernier repas qu’aurait pris l’individu avant de mourir. Elle peut également signaler l’idée qu’il faille étancher la soif et la faim du défunt ain de lui faciliter l’accomplissement de son dernier voyage. à cette idée ne sont pas non plus nécessairement associées des croyances religieuses ; - la troisième part qu’il est possible de faire des objets déposés dans la tombe relève indéniablement de la catégorie des biens de prestige (vaisselle métallique locale ou importée, char, éléments de harnachement équestre, plaquage d’orfévrerie…). Pour autant, le choix de déposer des biens de prestige ne peut se limiter à la seule volonté de la part des survivants de signaler ostensiblement la richesse du défunt, c’est-à-dire sa position sociale. D’autres préoccupations, comme nous l’avons vu précédemment, ont joué à l’évidence. Soulignons cependant que la plupart des objets déposés dans les tombes des élites, compte tenu de leurs caractéristiques intrinsèques déterminées par les moyens économiques supérieurs dont disposent ces mêmes élites (qualité et/ou quantité des matériaux utilisés pour leur fabrication, technique et style de la décoration…), possèdent un statut ambivalent, à la fois comme bien personnel et bien de prestige. C’est notamment le cas des armes, mais aussi et surtout des parures en or que l’on trouve dans les fameuses tombes princières du Hallstatt D2 et 3 ou plus rarement dans celles de La Tène A ou B. La toMBE CoMME « séMIospHèrE » quelles que soient les valeurs sur lesquelles se fonde l’idéologie aristocratique, le message qu’adressent les proches du défunt à travers le choix qu’ils font des objets destinés à composer l’assemblage funéraire a pour objectif de donner à voir à chacun, aux pairs comme aux membres de la société globale, le domaine d’activité, représenté symboliquement dans la tombe, d’où émerge les modèles socio-culturels en vigueur et prônés par le défunt en tant que membre des élites. Elle ne fait qu’exprimer les craintes et les aspirations d’un groupe donné, au sein d’une société donnée, à un moment « T » de son histoire. « L’idéologie exprime une perspective sur le monde ; elle est un système rationalisé et abstrait qui découle au moins partiellement de la lutte sociale tout en contribuant à la modeler » (Meynaud & lanCelot 1964, p. 102). De fait, l’idéologie évolue dans son contenu et dans son rôle, par suite des changements de l’évolution des valeurs et des transformations politiques. à travers sa composition fortement stéréotypée, l’assemblage funéraire manifeste les valeurs et les attentes des élites. Il délivre un message adressé aux pairs indiquant l’intégration et la reconnaissance du défunt comme membre à part entière du groupe étroit de ceux qui détiennent le pouvoir. C’est assurément pour répondre à cette attente que le défunt de Hochdorf a été doté d’objets qu’il ne possédait pas de son vivant. Par ce geste, ses proches tentaient sans aucun doute de coller à l’image que le groupe était en droit d’attendre d’un individu censé partager la même idéologie, les mêmes normes et les mêmes valeurs socio-culturelles. En agissant ainsi, les proches ne se contentaient pas de faire connaître une position sociale déjà acquise, mais travaillaient prioritairement à sa construction et à sa légitimation. La composition des dépôts funéraires aristocratiques renvoie ainsi à l’« identité narrative » du défunt, c’est-à-dire à la manière dont le défunt se percevait ou était perçu par ses proches (famille étroite ou élargie) qui avaient en charge l’organisation de ses funérailles, ainsi que par les membres du groupe social auquel il appartenait ou auquel il désirait s’identiier. L’espace funéraire, constitué par la tombe et le mobilier funéraire qui y est déposé, forme ce que L. Turgeon propose de nommer « une sémiosphère, c’est-à-dire un univers saturé de signes qui fonctionnent comme vecteurs d’identiication, des signes eux-mêmes construits à partir d’éléments historiques disparates et visant à former un ensemble repérable comme tel » (turGeon 2002, p. 304). Toutefois, comme on l’a vu précédemment, bien plus que le statut du défunt, le dépôt funéraire est aussi et surtout le relet d’une idéologie du pouvoir. Par sa composition, il donne ainsi à voir le lieu du pouvoir. Il est vrai que l’idéologie participe tout autant à la manifestation de processus d’identiication que de processus d’antagonismes sociaux, économiques et politiques au sein du groupe aristocratique. Comme le reste de la société, le groupe des aristocrates ne forme pas en effet un bloc monolithique. Il est également traversé par des courants opposés. Ce sont ces contradictions parfois irréductibles qui participent activement au changement social. De fait, l’idéologie aristocratique connaît des évolutions constantes qui se marquent, entre autres, par les modiications apportées à la composition des assemblages funéraires. Le rythme de cette évolution est cependant relativement lent. Cette lenteur apparente s’explique aisément par le fait que l’idéologie aristocratique est fondée sur l’idée de stabilité et sur le recours constant au passé comme élément justiicateur. Plus 205 RAP - 2009, n° 3/4, Luc baray, De la composition des dépôts funéraires aristocratiques aux âges du Fer en Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) : entre compétition et identité sociale. précisément, elle se présente comme « un jeu constant d’interactions entre des contingences présentes et l’héritage du passé » (bendix 1956, p. 443, cité par roCher 1968, p. 104). Plus généralement, et c’est ce à quoi nous assistons tout au long des âges des métaux, des valeurs nouvelles sont prônées. Mais il s’agit « en réalité des valeurs anciennes ou actuelles, que l’idéologie redéinit par rapport à un contexte nouveau, ou auxquelles elle donne un sens qui était demeuré implicite, ou encore qu’elle présente sous un jour différent par l’arrangement qu’elle leur fait subir dans un nouveau système d’idées et de jugements » (roCher 1968, p. 90). Par ce processus sans in, l’idéologie cherche à « provoquer l’action historique d’une collectivité », c’est-à-dire qu’elle cherche à « incurver dans le sens qu’elle désire le cours de l’histoire ». Plus exactement, « elle est élaborée et diffusée par des acteurs qui cherchent à inluencer le cours historique de leur société » (roCher 1968, p. 87-88). Parce qu’elle permet de manière explicite de justiier une situation sociale donnée et qu’elle propose des orientations à l’action historique, elle offre aux aristocrates, qui afichent ostensiblement leur puissance et leur prestige dans la mort, la possibilité de déinir les raisons de leur prééminence sociale et de leur domination. De fait la composition des dépôts funéraires ne peut être rapportée, comme je l’ai souligné à plusieurs reprises, à une simple manifestation du statut du défunt. Ce sont les élites, en tant qu’agents du changement, qui permettent à l’idéologie de s’exprimer et qui la manipulent. L’idéologie n’est évidemment pas un facteur unique de changement. D’autres facteurs, comme la pression démographique, les modiications des conditions économiques ou techniques, les conlits, interviennent concurremment ou successivement dans le processus du changement social. Mais contrairement à l’idéologie, ces autres facteurs ne se laissent guère manipuler par les élites qui doivent au contraire en tenir compte dans la mesure du possible pour construire un discours qui présente sufisamment de cohérence et qui ne soit pas trop en décalage par rapport à la réalité vécue. Sachant par ailleurs que l’idéologie ne s’afiche pas de manière concrète et qu’elle passe toujours par le médium de la symbolique, c’est donc de manière symbolique ou métaphorique que l’idéologie diffuse ses valeurs et son système de référence. L’assemblage funéraire peut être dès lors compris comme une manifestation symbolique, non seulement des valeurs du groupe des élites, mais aussi et surtout de la relation que ses membres entretiennent avec le pouvoir. L’EXEMpLE DEs sépULtUrEs arIstoCratIQUEs DE La tènE C Et D Les conditions politiques ayant changé entre la in du IVe siècle et le début du IIIe siècle avant J.-C., la composition des assemblages funéraires change également. à partir du moment où il existe des institutions (sénat, assemblée populaire) servant de médiation entre les élites et l’accession au pouvoir, les signes de pouvoir de l’élite n’ont plus guère leur place dans la tombe. Le pouvoir de fait (qui serait dû au charisme de l’individu ou à sa richesse, voire à un rapport privilégié avec les dieux ou les esprits…), dont on pouvait exhiber ostensiblement les signes dans la tombe, a laissé la place au pouvoir de droit, c’est-à-dire à un pouvoir obtenu à la suite de fonctions politiques exercées et justiiées par le recours à des procédures juridiques (loi, règlement…). Désormais, les élites désireuses de recourir à la politique de dépôt pour signaler leur prééminence sociale, n’emportent plus leurs armes ou leur char dans la tombe, mais plutôt un chaudron, accompagné ou non d’une paire de chenets, plus rarement un grill. La présence récurrente de ces ustensiles du banquet s’explique aisément en référence au système de relation de clientèle qui domine si largement, aux dires des auteurs classiques, tous les aspects de la vie de ces sociétés. Le chaudron, car c’est l’objet de loin le plus fréquent en contexte funéraire, symbolise à travers sa matérialité, probablement le seul domaine où les aristocrates puissent encore faire montre de leur superbe et de leur indépendance, à savoir les grands banquets auxquels tout ou partie du peuple est convié à leur invitation. Poseidonios (in Athénée, Deipnosophistes IV 152d-f) et Phylarque (in Athénée, Deipnosophistes IV 34 150d-f) nous ont laissé tous deux la description d’un de ces grands rassemblements où chacun, qu’il soit membre de la communauté ou étranger, pouvait venir librement se restaurer aux frais du chef. Le nombre, parfois élevé de vases en céramique, comme l’abondance et la qualité des dépôts alimentaires, qui accompagnent souvent les ustensiles du banquet, participent vraisemblablement à renforcer l’image de bienfaiteur public du défunt. C’est ainsi que l’on peut expliquer l’idée d’abondance qui semble ressortir distinctement de la lecture de certains inventaires funéraires. Signiiant l’abondance des mets et des provisions de bouches, le chaudron comme la vaisselle en céramique se sufisent à euxmêmes pour symboliser l’opulence alimentaire que la famille du défunt met à la disposition de tous. Les plans de certaines tombes, particulièrement bien pourvues, indiquent clairement que les survivants ont également cherché à travers 206 RAP - 2009, n° 3/4, Luc baray, De la composition des dépôts funéraires aristocratiques aux âges du Fer en Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) : entre compétition et identité sociale. l’organisation spatiale du mobilier funéraire et parfois dans l’empilement des récipients en céramique, à accentuer cette impression d’abondance, à l’instar de celle qui faisait la renommée des banquets offerts par le défunt de son vivant. Derrière cette mise en scène autour des dépôts alimentaires et des ustensiles du banquet, se proile une idéologie comparable à celle qui a prévalu parmi les élites de la in du VIe et du début du Ve s. avant J.-C. : tout est fait pour associer déinitivement le souvenir du défunt à l’idée de prospérité et de magniicence. Garant de la prospérité de ceux qui leur sont attachés, les chefs se doivent d’être prodigues. C’est là la source de leur pouvoir de fait. Comme César le dit très clairement, à l’instar d’autres auteurs classiques, seuls les riches, les puissants avaient la possibilité d’« acheter des hommes », c’est-à-dire de s’entourer d’une masse toujours plus importante de clients et de débiteurs (César, Guerre des Gaules, II, 1). Cette clientèle constitue ainsi une garde armée, sorte d’armée privée, qui participe à la politique d’accession au pouvoir du chef. Le banquet participe d’un tel système de représentation publique. Il est le lieu fondamental où s’exerce le principe de la distribution de prestige. En effet, à travers cette pratique publique, c’est la puissance de celui qui offre le banquet au peuple ou à ses pairs qui apparaît. Et parce que cette distribution détermine et conditionne le rang de chacun, le banquet possède une dimension sociale essentielle. Ainsi ces banquets offerts par les puissants participent à l’élaboration, au maintien ou à l’amélioration de la position sociale des aristocrates, tout particulièrement dans les trois derniers siècles avant J.-C. (baray 2004). C’est au travers des ustensiles du banquet, objets les plus chargés symboliquement, que s’expriment les actions publiques du défunt. En fait, à cette période, la dimension guerrière du pouvoir est largement minorée, comme elle l’avait déjà été au cours du VIe siècle avant J.-C., à la différence cependant que désormais, l’accession au pouvoir passe par la médiation d’institutions autonomes et par les relations de clientèle. ConCLUsIon Trois points essentiels méritent d’être soulignés : 1) il convient de se départir de l’idée que le dépôt funéraire puisse s’interpréter comme le relet idèle de la position ou du statut social du défunt. Il me paraît évident qu’il renvoie plutôt à une construction idéologique permettant à des individus, proches du pouvoir ou ayant les moyens économiques adéquats, de se montrer à leur avantage dans la mort ; 2) l’absence de manifestations ostentatoires de pouvoir au cours d’une étape chronologique ou dans une région en particulier ne doit pas être interprétée nécessairement comme le signe univoque d’une faible ou d’une absence totale de hiérarchisation sociale. La politique de distribution constitue un mode d’expression alternatif à la politique de dépôt funéraire. Le dépôt funéraire n’est qu’une expression parmi d’autres d’exaltation de la compétition que se livraient les élites pour la prééminence sociale. Il convient dès lors d’accepter l’idée d’un transfert d’un champ d’expression à l’autre selon un schéma évolutif présentant des rythmes différents en fonction des régions ou des étapes chronologiques prises en compte ; 3) la compréhension des modalités d’expression funéraire des différentes idéologies qui se sont succédées entre le Hallstatt C et La Tène D ne peut se faire que si l’analyse, qui se doit d’être globale et non pas limitée à un domaine spéciique d’étude (habitat, funéraire, artisanat, religion…), se fonde sur une approche diachronique englobant un espace géographique sufisamment vaste. BIBLIoGrapHIE BARAy Luc (2004) - « Du dépôt fastueux au dépôt modeste. L’idéologie funéraire aristocratique et la dynamique sociale aux VIe et Ve s. avant J.-C. en Europe occidentale », dans BARAy Luc (dir.) - Archéologie des pratiques funéraires. Approches critiques, actes de la table ronde de Glux-enGlenne, 7 et 9 juin 2001. Glux-en-Glenne, Bibracte, Centre archéologique européen, p. 65-78 (Bibracte, 9). BARAy Luc (2007) - « Dépôts funéraires et hiérarchies sociales aux âges du fer en Europe occidentale : aspects idéologiques et socio-économiques », dans BARAY Luc, BRuN Patrice & TESTART Alain. (dir.) - Pratiques funéraires et sociétés. Nouvelles approches en archéologie et en anthropologie sociale, Dijon : EuD, p. 169-189. (Art, Archéologie et Patrimoine). BARAy Luc (2008) - « Dimension socio-économique et symbolique des dépôts funéraires aristocratiques d’Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) » dans BAILLy Maxence &PLISSON Hugues. (dir.) - La valeur fonctionnelle des objets sépulcraux, actes de la table ronde d’Aix-en-Provence, 25-27 oct. 2006. Aix-en-Provence, édtions APPAM, p. 183-208 (Préhistoire anthropologie méditerranéennes, 14). BENDIX Reinhard (1956) - Work and Authority in Industry : ideologies of Management in the Course of Industrialization, New york, Evanston, Harper and Row. 464 p. BOuLOuMIé Bernard (1988) - « Le Symposion grécoétrusque et l’aristocratie celtique » dans Les Princes Celtes et la Méditerranée, actes du colloque de l’école du Louvre, mai 1988. Paris, La Documentation Française, p. 343-383. (Rencontres de l’école du Louvre). 207 RAP - 2009, n° 3/4, Luc baray, De la composition des dépôts funéraires aristocratiques aux âges du Fer en Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) : entre compétition et identité sociale. BRUN Patrice (2004) - « Rélexion sur la polysémie des pratiques funéraires protohistoriques en Europe », dans BARAy Luc. (dir.) - Archéologie des pratiques funéraires. Approches critiques, actes de la table ronde de Glux-enGlenne, 7 et 9 juin 2001. Glux-en-Glenne, Bibracte, Centre archéologique européen, p. 55-64 (Bibracte, 9). DEMOuLE Jean-Paul (1993) - « L’archéologie du pouvoir : oscillations et résistances dans l’Europe protohistorique » dans DAuBIGNEy Alain. (éd.) - Fonctionnement social de l’âge du Fer : opérateurs et hypothèses pour la France, actes de la table ronde internationale de Lons-le-Saulnier (Jura), 24-26 oct. 1990. université de Besançon, p. 259-274. DEMOuLE Jean-Paul (1999) - Chronologie et société dans les nécropoles celtiques de la culture Aisne-Marne du VIe au IIIe siècle avant notre ère, Amiens, Revue archéologique de Picardie, 406 p. (Revue archéologique de Picardie. Numéro spécial, 15). DuPLOuy Alain (2006) - Le Prestige des élites. Recherches sur les modes de reconnaissance sociale en Grèce entre les Xe et Ve siècles avant J.-C., Paris, Les Belles Lettres. 414 p. (Histoire). DuPLOuy Alain (2007) - « La cité et ses élites : modes de reconnaissance sociale et mentalité agonistique en Grèce archaïque et classique » dans FERNoUX Henri-Louis STEIN Christian (dir.) - Aristocratie antique. Modèles et exemplarité sociale, Dijon, éditions universitaires de Dijon, p. 57-77. FERDIèRE Alain (2004) - « Archéologie funéraire et société en Gaule romaine. Interprétation ou sur interprétation ? » dans BARAy Luc. (dir.) - Archéologie des pratiques funéraires. Approches critiques, actes de la table ronde de Glux-enGlenne, 7 et 9 juin 2001. Glux-en-Glenne, Bibracte, Centre archéologique européen, p. 121-129 (Bibracte, 9). FINLEy Moses I. (1984) - économie et société en Grèce ancienne, Paris, éditions la découverte. 320 p. HINTON Harwood P. (1986) - « An analysis of burial rites at Münsingen-Rain : an approach to the study of iron age society » dans DUVAL Alain. & GoMEZ de SoTo José. (dir.) - Sur les âges du Fer en France non méditerranéenne, actes du VIIIe colloque de l’AFEAF, Angoulême, 18-20 mai 1984. Bordeaux, éditions de la Fédération Aquitania, p. 351-368 (Suppl. Aquitania, 1). MEyNAuD Jean & LANCELOT Alain (1964) - Les attitudes politiques, Paris, PuF. 126 p. (que sais-je ?, 993). MILCENT Pierre-yves (2004) - « Statut et fonctions d’un personnage féminin hors norme » dans RoLLEY Claude (dir.) - La Tombe princière de Vix, Paris, éditions Picard, p. 312-366. POuX Matthieu (2004) - L’Âge du vin. Rites de boisson, festins et libations en Gaule indépendante, Montagnac, éditions Monique Mergoil. 637 p. (Protohistoire européenne, 8). ROCHER Guy (1968) - Introduction à la sociologie générale. 3. Le changement social, Paris, éditions HMH. 321 p. (Points. Sciences humaines). RuBy Pascal (1993) - « Tarquinia, entre la Grèce et Sala Consilina. éléments pour l’étude de la circulation des biens de prestige dans l’Italie centrale et méridionale protohistorique », MEFRA, 105/2, p. 779-832. TuRGEON Laurier (2002) - « La MRC des Basques ou la construction d’une mémoire ethnoscopique basque au Québec » dans oUELLET Pierre, HAREL Simon., LUPIEN Jocelyne & NOuSS Alexis (dir.) - Identités narratives. Mémoire et perception, Les Presses de l’université Laval, p. 303-323. VERGER Stéphane (2003) - « qui était la dame de Vix ? Propositions pour une interprétation historique » dans CéBEILLAC-GERVASONI Mireille & LAMOINE Laurent. (éds.) - Les élites et leurs facettes : les élites locales dans le monde hellénistique et romain, Rome, école française de Rome / Clermont-Ferrand, Presses universitaires BlaisePascal, p. 583-625 (Coll. école française de Rome, 309). VERGER Stéphane (2006) - « La grande tombe de Hochdorf, mise en scène funéraire d’un cursus honorum tribal hors pair », Siris, 7, p. 5-44. WALDHAUSER Johann (1978) éd. - Das keltische Gräberfeld bei Jenisuv Ujezd in Böhmen, Teplice, Krajké Muzeum Teplice, 2 vol. (Archeogicaky vyzkum v severnich Cechach, 6 7). MANOLAKAKIS Laurence (2004) - « Les très grandes lames de la nécropole de Varna. Essai d’interprétation de la valeur d’un mobilier funéraire » dans BARAY Luc. (dir.) - Archéologie des pratiques funéraires. Approches critiques, actes de la table ronde de Glux-en-Glenne, 7 et 9 juin 2001. Glux-en-Glenne, Bibracte, Centre archéologique européen, p. 289-301 (Bibracte, 9). L’auteur Luc BARAy, CNRS – uMR 5594 ARTeHIS, Sens, 5 rue Rigault F - 89100 Sens recherche@cerep-musees-sens.net luc.baray01@u-bourgogne.fr 208 RAP - 2009, n° 3/4, Luc baray, De la composition des dépôts funéraires aristocratiques aux âges du Fer en Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) : entre compétition et identité sociale. résumé Le développement sans précédent de l’archéologie préventive a permis à la communauté scientiique de disposer d’une documentation de qualité engendrant un renouvellement des protocoles d’analyse des sépultures en liaison avec l’étude des pratiques funéraires. Cependant, l’approche de la structure sociale des populations protohistoriques est une thématique rarement abordée en tant que telle. Les raisons sont multiples mais il apparaît, et c’est le propos de cet article, que la résolution de ce problème passe, entre autres, par une approche qui tienne compte des mécanismes d’élaboration du discours funéraire des élites protohistoriques à travers sa dimension idéologique. Mots clés : pratiques funéraires, structure sociale, dépôts funéraires, aristocratie, compétition sociale, identité sociale, âge du Fer, Europe occidentale. abstract The unprecedented development of preventive archaeology has provided the scientiic community with reliable new data and generated a renewal of the analytical procedures applied to graves within the context of the study of funerary practices. However, the actual social organization of the Iron Age populations remains a topic that has scarcely ever been tackled as such. There are many reasons for this, but it appears that – and such is the purpose of the present paper- the solution to this dificulty depends, among other things, on an approach which would take into account the process of elaboration of the funerary message of the Iron Age elite, as seen in its ideological aspect. Key words : burial practices, social organization, grave goods, aristocracy, social competition, social identity, Iron Age, western Europe. Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX Zusammenfassung Dank der ständig zunehmenden Zahl der Rettungsgrabungen steht den Wissenschaftlern eine qualitativ hochwertige Dokumentation zur Verfügung. Hieraus ergibt sich eine Revision der Analyse-Protokolle der Grabstätten in Verbindung mit der untersuchung der Bestattungssitten. Die Sozialstruktur der frühgeschichtlichen Bevölkerungsgruppen als solche wird dennoch nur selten angesprochen. Die Gründe hierfür sind zahlreich, doch es scheint, und das ist das Thema dieses Artikels, dass das Problem u.a. dadurch gelöst werden kann, dass man sich mit der Frage beschäftigt, wie sich die Ideologie der frühgeschichtlichen Eliten in ihren Bestattungsritualen widerspiegelt. Schlüsselwörter : Bestattungssitten, Sozialstruktur, Grabbeigaben, Aristokratie, sozialer Wettstreit, soziale Identität, Eisenzeit, Westeuropa. Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr). 209 RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre le IIIe et le Ier siècle avant J.-C. LE DépÔt DE pIèCEs DE CHar Dans LEs toMBEs DE GaULE BELGIQUE EntrE LE IIIe Et LE Ier s. avant J.-C. Nathalie GINOuX, Germaine LEMAN-DELERIVE & Christian SEVERIN un peu éclipsé par les tombes à char fastueuses du Hallstatt D3 et de La Tène ancienne, ou par les tombes de la in de l’âge du Fer - celles de l’aristocratie trévire (Metzler et al. 1991), de l’exceptionnelle sépulture de Boé dans le Lot-etGaronne ; (sChönfelder 2002) et de Verna dans l’Isère (perrin & sChönfelder 2003)- le phénomène des tombes à char de Gaule Belgique s’inscrit dans un vaste complexe dont l’extension géographique est circonscrite entre les vallées de la Seine, de la Meuse et la haute vallée de l’Escaut. Celle-ci comprend les ensembles funéraires du groupe de la Haine (Mariën 1961) et la tombe d’Hordain, qui fait l’objet d’une présentation liminaire dans cet article (note 1 et ig. 1). En Gaule Belgique, le répertoire regroupe aujourd’hui trente ensembles funéraires (2), ou lots de pièces, auxquels le qualiicatif « aristocratique » ne s’applique pas nécessairement et que nous préférons appeler « tombes privilégiées ». Dans ces ensembles, ont été déposés des éléments de char, d’attelage, et/ ou des pièces appartenant à l’équipement équestre. Dans un article paru en 1993, Alain Duval avait proposé de rectiier l’appellation tombes à char (qui se référait selon lui aux tombes du Ve s. av. J.-C.) en tombes à éléments de char dans lesquelles les éléments sont peu nombreux et le char démonté (duVal & Verron 1993). Du point de vue de la question qui retient notre attention, à savoir les changements et la continuité des occupations en Gaule Belgique entre le IIIe et le Ier siècle avant J.-C., il paraît inadéquat de marquer cette distinction. Nous notons simplement qu’il s’agit de tombes élitaires, dans lesquelles le char et l’équipement équestre sont bien matérialisés. 1 - Ouvrons ici une parenthèse, pour rappeler l’antériorité de la pratique de déposer de tels éléments, sélectionnés, dans les tombes d’individus privilégiés, attestée au Hallstatt D3/LT A ancienne, dans quelques sépultures du grand quart nord-ouest de la Gaule (VerGer 1995), et ce, parallèlement aux tombes à char du Ha D et des incinérations en urnes métalliques d’Armorique, de Saintonge et du Limousin, comme le montrent par exemple la découverte du tumulus du Bonethève à Pressignac, en Charente et d’autres contextes comme Jumilhac-le-Grand en Dordogne et Ergué-Armel dans le Finistère (GoMez de soto 2007). Ainsi, vu à travers le iltre des usages funéraires, le phénomène dégage un caractère unitaire, mais avec des nuances qu’il convient de souligner. Il couvre en réalité des pratiques plus hétérogènes qu’il n’y paraît au premier abord. Des critères secondaires permettent de proposer des groupes : 1 - le véhicule a été déposé entier, assemblé ; 2 - ou déposé entier démonté ; 3 - ou déposé partiellement ; 4 - le harnachement a été déposé complet ; 5 - ou partiellement à partir d’éléments sélectionnés ; 6 - il en est de même pour l’attelage. De nombreuses découvertes sont mal documentées, parce qu’il s’agit soit de fouilles anciennes, soit de découvertes fortuites. Dans ces deux cas, nous ne possédons quasiment jamais d’informations sur l’agencement de la tombe, son architecture, son caractère monumental (tab. 1). La lecture du tableau appelle deux remarques relatives aux contextes. La première concerne la chronologie, centrée essentiellement sur les IIIe et IIe siècles avant J.-C. Cette période correspond au passage de l’inhumation à l’incinération avec quelques cas de biritualité au sein d’une même nécropole. Les inhumations avec char, constatées dans les Ardennes, à Neufchâteau, Sberchamps, Tremblois-lez-Rocroi, et dans la région parisienne à Roissy-en-France (leJars 2005), Nanterre (hubert 1902), Bouqueval (GuadaGnin 1978), Plessis-Gassot (Ginoux 2003), sont datées du deuxième quart du IIIe s. avant J.-C. Toutefois, comme le démontre l’examen de cas particuliers, le dépôt de pièces de char se poursuit dans les incinérations datées du Ier siècle avant J.-C. (Léry, Armentières-sur-Ourcq, Hannogne…). 2 - La très hypothétique découverte de L’Hay-les-Roses (Val-de-Marne ; panthier & leClerC 1931 p. 13 et XII) n’est pas prise en compte dans la mesure où le contexte est inconnu, le matériel introuvable ; de même, la découverte de Mons (Belgique) ne peut être attribuée de façon assurée à une tombe à char (Mariën 1961, contra sChönfelder 2002). Enin, autre cas problématique, celui de la tombe de Pontfaverger "La Wardelle", découverte en 1938 qui entre dans la série des sépultures multiples dont le dépôt du char doit, selon J. -J. Charpy, être attribué à une inhumation du Ve siècle avant J. -C. (Charpy 2003, p. 15-16) Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre le IIIe et le Ier siècle avant J.-C. 211 RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre le IIIe et le Ier siècle avant J.-C. in Me u se Rh Aa Yser Lys De nd re r Ru La Calotterie Ca nc he Leval-Trahegnies ut re ca Estinnes-au S a mb Estinnes-auEs Abbeville Mont Mont So Bouchon mm e Hordain Oise Tremblois-l-Rocroi Oise Belboeuf Pîtres Léry Lacroix-St-Ouen ? e Marcilly s-Eure Neufchâteau Hannogne Attichy Soissons in Se Risle La Maillerayes-Seine Eu Ourcq Sberchamps ne Ais Trugny Pomacle re Le-Plessis-G. Roissy-en-F. Armentières-s-O Bouqueval Nanterre Ve sle Hauviné Bouy Paris Fig. 1 - Carte de répartition des tombes à char (symbole carré) ou à équipement équestre (symbole arrondi). En second lieu, en dépit des incertitudes liées aux circonstances des découvertes, il apparaît assez nettement que la fonction guerrière n’est pas systématiquement représentée (3). En témoignent les exemples de Neufchâteau-le-Sart, tombelle II, où le char déposé entier est associé à une inhumation féminine, de même qu’à Bouqueval, t. 11. Pareillement, les enfants ne sont pas exclus de ce rite si on en juge par les exemples de dépôt d’un véhicule, démonté ou partiel, respectivement dans l’inhumation n° 3 de Bouqueval et l’incinération 4020 d’Hordain. Sur le territoire de Gaule Belgique, nous observons deux concentrations régionales de tombes de guerriers, dans lesquelles, char et cheval apparaissent liés à cette fonction. Comme nous venons de le voir, la plus ancienne apparaît dans des contextes à inhumation de la première moitié du IIIe siècle, dans la moyenne vallée de la Seine, sur le territoire des Parisii. un groupe plus récent se rapporte à des contextes à incinération datés des IIe et Ier siècles avant J.-C. en basse vallée de Seine. Il s’agit des ensembles de La 3 - Contrairement aux tombes trévires, plus tardives (Metzler 2002). 212 Mailleraye, de Léry "Champ des Corvées" (Cliquet & sChaaff 1990), de Pîtres "La Remise", t. 40 (Cerdan & Cerdan 1993), et de Marcilly-sur-Eure à quelques kilomètres de l’oppidum de Fort-Harrouard (duVal & Verron 1993). Le contenu des tombes dépend des habitudes régionales. En particulier, le nombre de contenants céramiques est variable. On relève aussi l’écart entre le caractère frustre des vases (à l’exception de l’exemplaire décoré d’Hordain) et la qualité des dépôts métalliques. La DéCoUvErtE D’HorDaIn (norD) Cette découverte récente, datable de la deuxième moitié du IIIe siècle, est importante à plusieurs titres. Elle illustre une phase chronologique intermédiaire entre les inhumations de la première moitié du IIIe siècle et les crémations des IIe et Ier siècles avant J. -C. C’est une incinération associée à un véhicule et à un équipement équestre. Située à une quinzaine de kilomètres de Cambrai, la commune de Hordain est implantée sur la rive droite de l’Escaut à la conluence avec la Sensée, son premier afluent d’importance. Ces cours d’eau, dominés par l’imposante fortiication d’Etrun-sur- RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre le IIIe et le Ier siècle avant J.-C. Localité Mobilier Leval-Trahegnies anneaux de rênes, clavette, tige Description Armes Sexe Datation e e Bibliographie contexte imprécis ? ? 2 quart III s. Mariën 1961 ibules, agrafes, collier, 2 vases inhumation, char entier assemblé non femme 2e quart IIIe s. Cahen-Delhaye 1997 Sberchamps joug, mors, phalères, ibule inhumation, char entier assemblé non ? IIe s. Cahen-Delhaye & Hurt 1994 Tremblois-lesRocroi. Les Pothées, t. 1938 bandages, caisse, 2 mors, couteau, céramiques inhumation épée mil. IIIe s. Flouest 1984 char entier pointe de lance, umbo Estinnes-auMont anneaux, passeguides, céramique incinération dépôt partiel attelage non ? IIe-Ier s. Cahen-Delhaye et alii 1986 Hordain 3 mors, clavettes, joug, couteau, rasoir, ibules, 9 vases incinération dépôt partiel : équipement équestre, véhicule, attelage non jeune enfant et sujet adulte? 2e moitié IIIe s. inédit La Calotterie t. 604 mors, seau, pince, forces, rasoir, anneau, ibule, 2 vases incinération dépôt partiel : équipement équestre non F IIIe - IIe s. Blancquaert 2000 Abbeville t.3 clavette incinération dépôt partiel : véhicule non ? IIe s. ? Baray 1998 Bouchon t. 25 mors, phalères de bronze, ibule, 5 céramiques incinération dépôt partiel : équipement équestre non ? IIe s. Baray 1998 Attichy bandages de roue, anneau de joug, pièce de ixation ornée ? ? 2e quart IIIe s. Duval & Blanchet 1974 Lacroix-SaintOuen élément de harnais, moyeu, céramique, clef, pelle à feu. tombe ? lance ? Ier s. Blanchet 1983 Belboeuf, Inglemare frettes de roue, mors, éléments d’attache ornés de bovidés découverte ancienne ? ? IIe - Ier s. Duval 1975 Pîtres t. 40 mors, anneaux, pendeloques. incinération épée ? Lery, Champ des Corvées rasoir, ciseau, mors de ilet, seau, torque incinération contexte incertain épée, lance ? ? IIe - Ier s. Cliquet & Schaaff 1990 Marcilly-surEure bandages de incinération roue, pièces de suspension, outils, chaudron épée umbo ? 2e moitié IIe s. Duval & Verron 1993 3 épées 5 lances 2 haches 4 umbos ? IIe s. Lequoy 1993 non ? Ier s. Moreau 1882 Neufchâteau-leSart La Mailleraye-s- 6 mors, chenets, incinération Seine trépied, crémaillère, vases métalliques, hache, ibule Armentièressur-Ourcq anneau de joug, mors, ibules, anneaux, céramique Cerdan 1993 213 RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre le IIIe et le Ier siècle avant J.-C. Hannogne jantes, clavettes, mors, amphore, chaudron, oenochoé, patelle, ibule, forces incinération Soissons plusieurs chars : tiges à œillets, pièces de joug, oss. animaux inhumation ? Hauviné, La Poterie fragment de joug incinération contexte incertain bouleversée Pomacle 2 anses de seau, 1 mors de bride, 3 haches, 1 crochet incinération Bouy anneau passe-guide Trugny Ier s. Flouest & Stead 1977 ? ? Ier s. Schönfelder 2002 non ? IIe-Ier s. Roualet 1977 non ? Ier s. Fromols 1938 non ? IIe-Ier s. Chossenot 1997 douille de lance er harnais, mors, phalères, éperons Roissy-en-France bracelet, applique inhumation en bronze, 1 ibule en fer, forces rasoirs, divers objets (sachet à amulettes), jet de coulée de bronze, 2 outils, frettes en bronze, clavettes en bronze, petites pièces ajourées en bronze, 5 garnitures de joug, mors, harnais, offrande animale, 2 vases en céramique, un récipient en bois et bronze Iere moitié IIIe s. Lejars 2005 guerrier Iere moitié IIIe s. Lejars 2005 guerrier Iere moitié IIIe s. Hubert 1902 Roissy-en-France Ceinturon, peutêtre une cuirasse en cuir, 2 parures annulaires, 2 ibules en fer, 1 rasoir en fer, offrandes animales (porc), paire de mors, joug (passe-guides) T. 5002 inhumation épée char entier assemblé lance contexte imprécis (2 tombes ?) joug : anneaux char entier assemblé harnachement, véhicule et attelage véhicule parure Déchelette 1914 ? char entier assemblé harnachement : 2 mors I s. non T. 1002 Nanterre 214 adulte épée bouclier 2 épées lance javelot Olivier et Schönfelder 2002 RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre le IIIe et le Ier siècle avant J.-C. Bouqueval harnais de tête et éléments du char, 2 ibules en fer, 1 amulette en alliage cuivreux ; 2 bracelets (lignite et bronze) t. 3 inhumation non enfant 2e quart IIIe s. Guadagnin 1978 non femme 2e quart IIIe s. Guadagnin 1978 guerrier 2e quart IIIe s. Ginoux 2003, 2009 ? IIIe s. Jacobsthal 1944 ; Duval 1977 char démonté Bouqueval 1 ibule en fer ; 1 inhumation cornière en alliage cuivreux ajourée, 3 clous en alliage cuivreux ; éléments de char en fer T. 11 char entier assemblé Le Plessis Gassot harnachement : 2 mors, harnais de tête, T. 1004 attelage : 6 anneaux de joug, 1 grand vase à pied peint en rouge, divers matériaux organiques, 1 fragment de plaque en fer inhumation épée char entier démonté, harnachement, attelage lance Paris aucun contexte clavette, anneau décoré bouclier ? tab. I - Escaut, sont considérés comme la frontière entre les Atrébates, à l’ouest, et les Nerviens, à l’est. N 0 Tombe monument 2 des C uls tou t nu s Tombe 4022 monument 1 em in La nécropole d’une supericie d’environ 2 500 m2 se situe sur le sommet d’un vallon sec, en bordure du chemin agricole dit "Des Culs tout nus", ancien itinéraire, attesté depuis le début du Moyen âge. Elle rassemble 2 monuments funéraires avec tombe centrale, 17 sépultures et une inhumation dans une fosse en silo (ig. 2). 10 m Ch La découverte de la nécropole laténienne résulte d’une opération de fouilles préventives menées conjointement par la Communauté d’agglomération du Douaisis et l’Inrap en 2005 et 2006 sur la ZAC Hordain-Hainaut, une plate forme industrielle de 70 ha où de nombreux sites d’habitat s’échelonnant du Bronze inal au IVe siècle de notre ère ont également été mis au jour. La restauration des objets qui vient de se terminer permet de mesurer aujourd’hui l’importance de la découverte. Fig. 2 - Hordain (Nord) : plan de la nécropole (Direction de l’Archéologie, Communauté d’agglomération du Douaisis). 215 RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre le IIIe et le Ier siècle avant J.-C. La structure 4020 (tombe à monument 1) contient, pour l’heure, la sépulture la plus richement dotée en offrandes, en particulier un dépôt de pièces de char et de harnachement. Le monument 1 est constitué d’un enclos rectangulaire (longueur : 14 m, largeur : 10,10 m) circonscrit par un fossé continu et ininterrompu (L : 80 cm, profondeur conservée : 60 cm) dont le creusement relativement soigné au proil en V et à fond en cuvette n’a pas fait l’objet de réfection, même ponctuelle. Son remplissage, uniforme et symétrique, ne témoigne pas de la présence d’un talus bordier. Dans la partie est de l’enclos, 4 trous de poteaux alignés sur l’axe nord/sud font face à la tombe, placée au centre du tiers ouest de l’enclos. Ils sont espacés d’environ un mètre les uns des autres parallèlement à l’axe du fossé dont ils sont distants de 2 m. Cet alignement correspond sans doute à un aménagement spéciique dont la nature reste à déterminer (porche, vestiges d’un bâtiment partiellement conservé ?). La tombe est une fosse de forme rectangulaire, à parois verticales (L : 2,10 m, l : 1,80 m, profondeur conservée : 20 cm) qui ne présentait aucune trace, même induite, d’aménagement interne tel, par exemple, un boisage des parois. Compte tenu de leur extrême fragilité, les éléments métalliques ont été prélevés en bloc en vue d’un traitement en laboratoire. Cette opération a été coniée au laboratoire Conservare à Compiègne qui a réalisé le dégagement et la restauration des objets contenus dans ce dépôt. Dans la fosse, les objets se répartissaient en deux groupes, disposés autour de l’amas osseux. Le premier comprenait les éléments d’attelage et de harnachement : 3 mors, les restes d’un joug et un ensemble d’une quinzaine de cabochons. Le second groupe rassemblait un mobilier plus hétérogène : 2 clavettes d’essieu, 3 ibules, un rasoir et un couteau en fer. Fig. 3 - Hordain (Nord) : ibules de la tombe 4020 (Cliché Gilbert naessens, HALMA-IPEL) Fig. 4 - Hordain (Nord) : mors en fer de la tombe 4020 (Cliché Gilbert naessens, HALMA-IPEL) Les trois ibules sont typologiquement complètes (ig. 3). Elles appartiennent au schéma LT. II et permettent de dater l’ensemble de la seconde moitié du IIIe siècle avant J.-C., voire du début du siècle suivant. On note la présence assez exceptionnelle en Gaule du Nord à cette époque, d’une ibule en bronze. Il s’agit en outre d’un modèle plus évolué que les deux exemplaires en fer (suter 1984). 216 Les trois mors associent d’une part, une paire identique en fer, recouverts de bronze, que l’on attribue à l’attelage, d’autre part une pièce en bronze, dont la forme est différente, que l’on affecte à un cheval monté (ig. 4-5). Fig. 5 - Hordain (Nord) : mors en bronze de la tombe 4020 (Cliché Gilbert naessens, HALMA-IPEL) RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre le IIIe et le Ier siècle avant J.-C. Fig. 6 - Hordain (Nord) : fragment de joug décoré, tombe 4020 (Cliché Gilbert naessens, HALMA-IPEL) Les restes du joug, dont les parties en matériaux périssables ont disparu, sont exclusivement métalliques (ig. 6). Ce sont des cabochons à tête hémisphérique, creuse, en bronze, soudée à des agrafes en fer, qui étaient, à l’origine, enfoncées dans le joug en bois. Ces pièces sont de deux modules différents. Les plus grandes ont un diamètre maximum de 8 cm, les plus petites un diamètre de 4 cm. Il s’agit sans aucun doute d’appliques décoratives dessinant un motif dont on peut reconstituer partiellement la composition géométrique à base de chevrons, qui semble analogue à celle de l’exemplaire retrouvé en position secondaire dans le secteur de la fortiication de l’oppidum de Kelheim (Lkr Kelheim) en Allemagne (herMann 1973). Les deux clavettes d’essieu ont une tête en bronze en forme de demi-lune ; leur tige courbée, en fer, se termine par un bouton en bronze (ig. 7). Elles sont comparables aux exemplaires de La Maillerayesur-Seine en Seine-Maritime (lequoy 1993) et de La Tène dans le Canton de Neuchâtel en Suisse (VouGa 1923), deux contextes, l’un funéraire, l’autre non funéraire, datés de la première moitié du IIe siècle avant J.-C. L’association du couteau en fer et d’un rasoir de même métal est classique pour cette période en Gaule du Nord (ig. 8). on souligne cependant, qu’à l’instar Fig. 8 - Hordain (Nord) : couteau et rasoir de la tombe 4020 (Cliché Gilbert naessens, HALMA-IPEL). de l’exemplaire de la tombe 31 de RaillencourtSainte-Olle (Nord), il s’agit d’un couteau de petite taille muni d’une soie (bouChe et al. 2007). Le dépôt céramique se compose de 10 vases qui étaient répartis en 3 groupes déposés respectivement, le long de la paroi ouest, au centre de la paroi nord et dans l’angle nord-est de la fosse. Le vase 1, à la panse globulaire et au fond à balustre très court est recouvert par un décor complexe (ig. 9) réalisé à l’aide d’une molette large dont on connaît 2 exemplaires dans le Douaisis : l’un à Dechy (en contexte également funéraire) et l’autre à LauwinPlanque dans un contexte d’habitat (inédit). L’amas osseux était concentré au centre de la fosse sépulcrale. C’est autour de ce dépôt qu’avaient été disposés les éléments de char et de harnachement. quelques ossements calcinés, plus épars, sont apparus le long de la paroi sud de la fosse. Il semble toutefois qu’il s’agisse d’une dispersion accidentelle, causée par une bioturbation. Fig. 7 - Hordain (Nord) : clavette de la tombe 4020 (Cliché Gilbert naessens, HALMA-IPEL). Les restes osseux représentent un ensemble de 339 g d’os brûlés dont 25 g sont attribués à des restes de faune. quatre-vingt treize grammes 217 RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre le IIIe et le Ier siècle avant J.-C. Le contexte du Plessis-Gassot (second quart du IIIe siècle avant J.- C) est celui d’un petit ensemble funéraire de 18 tombes. une incinération en urne, qui appartient à l’un des dépôts les plus tardifs d’après la forme des vases, réoccupe l’emplacement d’une tombe à char plus ancienne. La caisse (ou plateforme ?) du véhicule avait été séparée de l’essieu mais tous les éléments d’attelage, de harnais étaient déposés. Il s’agit de la sépulture d’un guerrier, équipé d’une enseigne et d’une arme richement ornée. L’architecture funéraire était en bois et terre, le bâtiment a été démonté avant le dépôt de l’incinération. Fig. 9 - Hordain (Nord) : vase 1 de la tombe 4020 (Cliché Gilbert naessens, HALMA-IPEL). Direction de l’Archéologie. Communauté d’agglomération du Douaisis. appartiennent à un sujet adulte d’âge et de sexe indéterminé et 221 g (c’est-à-dire les deux tiers) correspondent aux restes d’un enfant de 5 ans (+ ou – 16 mois). L’âge a été déterminé à partir des germes dentaires présents (4). LEs toMBEs DU tErrItoIrE DEs PARISII La fameuse tombe à char de Nanterre, dont le mobilier est conservé par le Musée d’Archéologie Nationale, témoignerait de l’existence d’un complexe funéraire plus vaste, orienté sur une terrasse dominant le cours de la Seine. D’après Henri Hubert, 4 sépultures, mal documentées, auraient été sauvées. S’ajoute une découverte attribuée au IIIe siècle, à Saint–Cloud, avec la trouvaille en 1938 au lieu-dit "Les trois Bouillons", d’une épée, d’un mors et d’une pointe de lance (hubert 1902). Selon ce même auteur, le char était accompagné de plusieurs chevaux, dont aucun ossement ne subsiste. Les garnitures métalliques du char sont associées à un joug, aux mors de 2 chevaux, 2 épées en fer (dont l’une a conservé son fourreau en fer), 2 chaînes de suspension en fer, une pointe et un talon de lance en fer, ainsi qu’une pointe de javelot de même métal. Henri Hubert ajoute à l’inventaire plusieurs objets aujourd’hui perdus : une troisième épée, ainsi qu’une « chaîne de bronze » qu’il attribue à « un collier de cheval ». Un lot d’objets, entrés au Musée en 1902, comprend plusieurs moulages dont celui d’un des anneaux passe-guides émaillés du char (dont l’original a été donné au Musée), un bracelet en bronze, censé provenir de la tombe à char, et enin un petit ensemble de parures en bronze. Cet ensemble, homogène du point de vue chronologique, recouvre à l’évidence le mobilier de plusieurs dépôts (oliVier &, sChönfelder 2002). 4 - Identiication Nuria Villena Mota (Direction de l’Archéologie, Communauté d’Agglomération du Douaisis). 218 à Bouqueval, comme à Roissy-en-France, le dépôt du char n’est pas nécessairement lié à la fonction militaire, puisqu’il s’agit dans un cas d’une femme (tombe n° 11), dans l’autre d’un enfant (tombe n° 3). Dans la première tombe, les roues du char ont été démontées. Dans la tombe 3, l’inhumation d’un enfant reposait sur la caisse d’un char dont les roues semblent avoir été démontées et posées à plat. Le mobilier associé aux deux objets ornés comprend : 2 ibules en fer, un bracelet en lignite, 12 phalères, une « bossette », un anneau, un clou à tête, un élément de crémaillère en fer, une paire de mors de ilet en fer, 2 clavettes d’essieu, un fragment de bandage de roue et 8 objets en fer très corrodés et indéterminés. LEs toMBEs DEs arDEnnEs Et DE CHaMpaGnE Au sein du groupe méridional des tombelles ardennaises, dans la nécropole de Neufchâteau-LeSart (Belgique), Anne Cahen-Delhaye a observé un exemple de réoccupation d’un lieu funéraire au IIIe siècle avant J.-C. après un abandon de près d’un siècle (Cahen-delhaye 1997). Cette deuxième phase de la nécropole est inaugurée par la tombe double d’enfant (tombelle I-3), datée du premier tiers du IIIe siècle av. J.-C. L’interprétation de ce fait par l’auteur est celle d’une réactivation du lieu par une même population, ayant conservé les rites et les symboles traditionnels du pouvoir, comme le dépôt du char à deux roues. Les tombes dont l’une à char, fouillées en 1938 et 1939 à Tremblois-les-Rocroi (Ardennes), ont été publiées par J. Fromols en 1955 (froMols 1955). Ces ensembles ont été réexaminés en 1990 par J.-L. Flouest qui a conclu à l’existence d’une seule tombe à char de guerrier, peut-être une inhumation, datée du milieu du IIe siècle. L’autre, qui n’a livré aucune trace de char ni de harnachement, étant une sépulture plus ancienne, à lit funèbre, caractérisé par des poignées en bronze coulé, datées du VIe siècle avant J. C. La forme de la fosse et les aménagements pour les roues sont rapprochés par l’auteur du milieu des Ardennes Belges (flouest 1990). Mais la tombe la plus richement dotée, et également la plus tardive, est celle d’Hannogne- RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre le IIIe et le Ier siècle avant J.-C. Saint-Remy, fouillée en 1961. Dans cette tombe, les roues du char ont peut-être été démontées. Elle contenait aussi un équipement militaire (flouest & stead 1977). La découverte d’Armentières-sur-Ourcq (Aisne) est sans doute contemporaine ; la relation ancienne de la trouvaille ne permet toutefois pas d’afirmer la présence d’un char complet, ou d’un attelage (Moreau 1882). Il semble en effet plausible que dans cette région également, on ne constate que le seul dépôt de pièces de harnachement au Ier siècle, si on se fonde par exemple sur la découverte de Pomacle, "Montève" qui réunissait céramiques, anses de seau, haches et mors (froMols 1938), de Trugny qui livra mors, phalères, harnais et même éperon (déChelette 1914). à Bouy "Le Chemin de Vadenay", c’est un anneau passe-guide qui a été découvert dans un fossé d’enclos (Chossenot 1997). LEs toMBEs DE La partIE oCCIDEntaLE DE La GaULE BELGIQUE L’ensemble issu de la tombe 604 de La Calotterie "La Fontaine aux Linottes" (Pas-de-Calais) présente un bon exemple de l’adaptation, de la mise en conformité du nécessaire à ablutions, méditerranéen, avec la tradition gauloise : un bassin et une bouteille en céramique sont associés à 7 objets métalliques dont un seau, une paire de forces, un rasoir, et une ibule, une pince à épiler, un rasoir interprété comme outil destiné au travail du cuir (blanCquaert 2000). En revanche, l’interprétation des 2 mors de chevaux comme emblématiques du statut du fabricant de harnachements de chevaux peut être discutée. on note que les mors sont chacun d’un type différent, indiquant davantage la représentation de chevaux montés que d’un attelage. Nous avons vu qu’à Hordain l’attelage est représenté par 2 mors identiques, le troisième pourrait être celui d’un cheval monté. Les découvertes de la vallée de la Somme, une clavette à Abbeville, un mors et des phalères à Bouchon (baray 1998) restent encore trop rares pour être analysées avec pertinence. En revanche, les pièces d’Attichy (duVal & blanChet 1974) ne sont pas sans évoquer directement les tombes de la région parisienne. Dans la basse vallée de la Seine, également, l’ancienneté des trouvailles contrarie l’approche régionale du phénomène. Il semble toutefois que la présence du char, entier ou démonté, à Belbeuf, La Mailleraye (Seine-Maritime), ou à Pîtres (Eure), soit plus fréquente que le simple dépôt des pièces du harnais. IntErprétatIon Au sein de ce vaste complexe, on observe plusieurs situations qui soulèvent la question des changements et des permanences dans le peuplement de ces territoires : sur les hauts plateaux ardennais, apparaît une continuité dans l’occupation. à Neufchâteau-Le-Sart, comme on vient de le voir, la nécropole est utilisée, malgré une interruption au IVe siècle avant J.-C. par la même population, comme le montre la permanence des rites funéraires. En région parisienne, on assiste dans le premier tiers du IIIe siècle, à une redistribution du peuplement, sur un territoire sans doute à faible densité démographique avec un apport externe, originaire de l’ouest de la cuvette karpatique (Ginoux 2003, Ginoux 2009 sous presse). Le dépôt du char n’y est pas nécessairement lié à la fonction guerrière. La présence de femmes, enfants et adolescents suggère un statut transmis ou une position dans une lignée, ou dans un clan guerrier, dans ces petites nécropoles de « primo-arrivants ». La situation semble identique dans le Hainaut Belge, à Leval-Trahegnies où apparaissent à cette même époque, des éléments d’origine centreeuropéenne, sans antécédent dans le milieu local, caractéristiques des décors de la seconde phase du Style plastique (Mariën 1961). Dans le Cambrésis (Nord ; ig. 10), la séquence des tombes privilégiées à incinération débute pour l’instant avec la tombe à char de Hordain, et se poursuit avec les ensembles de Cambrai ZAC "Nouveau Monde" fouillés en 2006 (asseMat 2007) et Raillencourt-Sainte-Olle (bouChe et al. 2007), ces deux dernières nécropoles n’ayant pas livré d’élément de char, d’attelage, d’équipement équestre, de harnachement et quasiment pas d’armement non plus. Seul un fer de lance pourrait matérialiser la chasse comme activité aristocratique. Ainsi, il apparaît nettement que les dépôts liés au char et à la fonction équestre, phénomène à première vue unitaire, recouvrent des pratiques hétérogènes, liées au peuplement et en cela il s’agit bien d’une illustration supplémentaire des différentes particularités régionales de Gaule Belgique, que l’on aurait parfois trop tendance à considérer comme une seule entité. 219 Es ca ut RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre le IIIe et le Ier siècle avant J.-C. Hordain Etrun Raillencourt-S-Olle Cambrai ABG Fig. 10 - Localisation des tombes élitaires du Cambrésis (cartographie Xavier deru). BIBLIoGrapHIE ASSEMAT Hélène (2007) - « Le cimetière du Nouveau Monde à Cambrai (avenue du Cateau) (France) », Lunula, Archaeologia protohistorica, Leuven, p. 213-215. BARAy Luc (1998) - « Les cimetières à crémation de la basse vallée de la Somme d’après les découvertes de l’autoroute A 16 Nord », Revue archéologique de Picardie, 1/2, Amiens, p. 211-231. BLANCHET Jean-Claude (1983) - « Inventaire des sites du second âge du Fer dans l’oise », dans Les Celtes dans le Nord du Bassin parisien (VIe-Ier siècle avant J. –C), Actes du colloque de Senlis, Revue archéologique de Picardie, 1, p. 254-263. BLANCquAERT Geertrui (2000) - « Les nécropoles de l’âge du Fer de La Calotterie. La nécropole à incinérations de la Zone IV. Synthèse générale » dans DESFoSSES yves (dir.) - Archéologie préventive en vallée de Canche. Les sites protohistoriques fouillés dans le cadre de la réalisation de l’autoroute A 16, Nord-Ouest-Archéologie 11, p. 364-398, 413-420. BOuCHE Karl, BLANCquAERT Geertrui & GINOuX Nathalie (2007) - « Raillencourt-Sainte-Olle, un ensemble aristocratique de la in de l’âge du Fer » dans KRUTA 220 Venceslas & LEMAN-DELERIVE Germaine (dir.) - Feux des morts, foyers des vivants. Les rites et symboles du feu dans les tombes de l’Âge du Fer et de l’époque romaine, Revue du Nord, hors série, collection Art et Archéologie, 11, université Charles-de-Gaulle-Lille 3, p. 13-34. CAHEN-DELHAyE Anne (1997) - Nécropole de La Tène à Neufchâteau-Le Sart, Bruxelles, (Monographies d’archéologie nationale 10),110 p. CAHEN-DELHAyE Anne, VAN PAMEL P. & CAHEN Daniel (1986) - « Sauvetage d’une sépulture à char de La Tène III à Estinnes », Archaeologia Belgica II, 1, Bruxelles, p. 41-45. CAHEN-DELHAyE Anne, & HuRT Véronique (1994) « Trois tombelles de La Tène I à Saint-Pierre-Sberchamps (comm.de Libramont, Lux.) », Archéo-Situla, TreignesLibramont, 21-24, p. 51-56. CERDAN Michèle & CERDAN Antoine (1993) - « La nécropole gauloise et gallo-romaine de Pitres-La Remise (Eure) », dans CLIQUET Dominique, REMY-WATTE Monique, GuICHARD Vincent & VAGINAy Michel (éd.) - Les Celtes en Normandie. Les rites funéraires en Gaule (IIIe-Ier s. avant J. –C.), Actes du 14e colloque de l’AFEAF, Evreux 1990, Revue archéologique de l’Ouest, Supplément n° 6, Rennes, p. 149-153. RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre le IIIe et le Ier siècle avant J.-C. CHARPy Jean-Jacques (2003) - « Les tombes à char en Champagne (2e partie) », Amis des études Celtiques, bulletin de liaison, 33, février-mars, Paris, p. 10-20 MOuLHERAT Christophe, Revue du Nord, hors série collection art et archéologie 14, Lille (sous presse). CHOSSENOT Michel (1997) - Recherches sur La Tène moyenne et inale en Champagne. étude des processus de changement, Mémoire de la Société archéologique champenoise n° 12, Supplément au bulletin n° 1, Reims, 409 p. GOMEZ DE SOTO (2007) - « Le tumulus du Bonethève à Pressignac (Charente, France) et les tombes du premier et du début du second âge du Fer à éléments d’équipement équestre ou pièces de char en Gaule occidentale ». Archäologisches Korrespondenzblatt, 37, 2, 2007, p. 221-232. CLIquET Dominique & SCHAAFF ulrich (1990) - « Lery (Eure), Champ des Corvées », dans Les Celtes en Normandie, Catalogue d’exposition, Musée d’Evreux, 21 avril-25 juin 1990, p. 50-53 GuADAGNIN Rémy (1978) - « La nécropole celtique de Bouqueval », Bulletin de la Jeunesse Préhistorique et géologique de France, 8, p. 12-65. DECHELETTE Joseph (1914) - Manuel d’archéologie préhistorique, celtique et gallo-romaine II, 3e partie, Second âge du Fer ou époque de La Tène, Paris, (éd. 1927), 1163 p. DuVAL Alain (1975) - « quelques aspects nouveaux de la sépulture d’Inglemare (commune de Belbeuf », Revue des Sociétés savantes de Haute-Normandie, Lettres et Sciences humaines, 77, Rouen, p. 35-46 DuVAL Alain & BLANCHET Jean-Claude (1974) - « La tombe à char d’Attichy (oise) », Bulletin de la Société Préhistorique française, études et Travaux, t. 71, 1, Paris, p. 401-408. DuVAL Alain & VERRON Guy (1993) - « La tombe avec éléments de char de Marcilly-sur-Eure (Eure), La Croix du Breuil » dans CLIQUET Dominique, REMY-WATTE Monique, GuICHARD Vincent & VAGINAy Michel (éd.) - Les Celtes en Normandie. Les rites funéraires en Gaule (IIIeIer s. avant J.-C.), Actes du 14e colloque de l’AFEAF, Evreux 1990, Revue archéologique de l’Ouest, Supplément n° 6, Rennes, p. 135-147. FLOuEST Jean-Loup (1984) - « Les tombes à char de La Tène en Champagne-Ardenne. Résultats des recherches effectuées entre 1938 et 1983 », Keltski Voz, Brezice, p. 61-69. FLOuEST Jean-Loup (1990) - « une tombe de La Tène III à Hannogne (Ardennes) », dans LEMAN-DELERIVE Germaine (éd.) - Les Celtes en France du Nord et en Belgique. VIe-Ier siècle avant J. -.C., Catalogue d’exposition Musée de Valenciennes, Bruxelles, 280 p. , p. 125-128. FLOuEST Jean-Loup & STEAD Ian M. (1977) - « une tombe de La Tène III à Hannogne (Ardennes) », Mémoires de la Société Agriculture, Commerce, Sciences et Arts du département de la Marne, Châlons-sur-Marne, 92, p. 55-72. FROMOLS Jean (1938) - « Découvertes et communications régionales, Pomacle », Bulletin de la Société archéologique champenoise, p. 157-180 cf. p. 169. FROMOLS Jean (1955) - « Recensement des tumulus et fouilles archéologiques dans la forêt des Pothées (Ardennes). Fouilles de MM. Brisson, Loppin et Hégly en 1938 et 1939 », Mémoires de la Société d’Agriculture, Commerce, Sciences et Arts du département de la Marne, 2e série, t. XXIX, p. 5-32. GINOuX Nathalie (2003) - « L’excellence guerrière et l’ornementation des armes aux IVe et IIIe siècles avant J.-C : découvertes récentes », études Celtiques, 35, Paris, p. 33-67. GINOuX Nathalie (2009) - élites guerrières au nord de la Seine au début du IIIe siècle avant J.-C. La nécropole celtique du Plessis-Gassot (Val-d’Oise), avec les contributions de CAMMAS Cecilia, DELATTRE Valérie & MARTI Fabrice, HERMANN F.-R. (1973) - « Die Grabung am inneren Wall im oppidum von Kelheim im Jahre 1971 », Germania 51, p. 133-146. HUBERT Henri (1902) - « Sépulture à char de Nanterre », Anthropologie, 13, Paris, p. 66-73 LEJARS Thierry (2005) - « Le cimetière celtique de La Fosse Cotheret, à Roissy (Val-d’Oise) et les usages funéraires aristocratiques dans le nord du Bassin parisien à l’aube du IIIe siècle avant J.-C. », dans BUSCHENSCHUTZ olivier & BuLARD Alain & LEJARS Thierry. (éds.), L’âge du Fer en Île-de-France, Actes du XXVI) colloque de l’Association Française pour l’étude de l’âge du Fer, Paris et Saint-Denis 9-12 mai 2002, 26e supplément à la Revue Archéologique du Centre de la France, Tours, p. 73-85. LEquOy Marie-Clotilde (1993) - « Le dépôt funéraire de la Mailleraye-sur-Seine (Seine-Maritime) » dans CLIQUET Dominique, REMY-WATTE Monique, GuICHARD Vincent & VAGINAy Michel (éd.) - Les Celtes en Normandie. Les rites funéraires en Gaule (IIIe-Ier s. avant J.-C.), Actes du 14e colloque de l’AFEAF, Evreux 1990, Revue archéologique de l’Ouest, Supplément n° 6, Rennes, p. 121-133. MARIËN Marcel-Edouard (1961) - La période de La Tène en Belgique. Le Groupe de la Haine, Bruxelles, (Monographies d’archéologie nationale, 2), 212 p. METZLER Jeannot, WARINGo Raymond, BIS Romain & METZLER-ZENS Nicole (1991) - Clemency et les tombes de l’aristocratie en Gaule Belgique, Luxembourg, (Dossiers d’archéologie du Musée national d’histoire et d’art I), 182 p. METZLER Jeannot (2002) -« Rélexions sur les sépultures aristocratiques en pays trévire » dans GUICHARD Vincent & PERRIN Frank - L’aristocratie celtique à la in de l’âge du Fer (IIe s. avant. J.-C.- Ier s. après). Actes de la table ronde, Glux-en-Glenne, 1999, Glux-en-Glenne, Centre archéologique du Mont-Beuvray, 416 p., p. 175-186. MOREAu Frédéric (1882) - Album Caranda, pl. 24. OLIVIER Laurent & SCHÖNFELDER Martin (2002) - « Nanterre (Hauts de Seine). un char de parade de La Tène moyenne » dans GUICHARD Vincent & PERRIN Frank, L’aristocratie celtique à la in de l’âge du Fer (IIe s. avant. J. –C.- Iee s. ap.). Actes de la table ronde, Glux-enGlenne, 1999, Glux-en-Glenne, Centre archéologique du Mont-Beuvray, 416 p., p. 113-118. PANTHIER Auguste, LECLERCq Paul (1931) - « Les fouilles de Paul Leclerc à l’Hay-les-Roses et Chevilly, 2e partie, Gaulois », Le Bulletin des Amis de Sceaux, 7e année, p. 7-56, pl. I-XIV. PERRIN Franck & SCHÖNFELDER Martin (2003) - La tombe à char de Verna (Isère) : témoignage de l’aristocratie celtique en territoire allobroge, Lyon, 151 p. 221 RAP - 2009, n° 3/4, Nathalie Ginoux, Germaine leMan-deleriVe & Christian seVerin, Le dépôt de pièces de char dans les tombes de Gaule Belgique entre le IIIe et le Ier siècle avant J.-C. SCHÖNFELDER Martin (2002) - Das spätkeltische Wagengrab von Boé (dép. Lot-et-Garonne). Studien zu Wagen und Wagengräbern der jüngeren Latènezeit, Mainz, Römisch-Germanisches Zentralmuseum, 428 p. VERGER Stéphane (1995) - « De Wix à Weiskirchen : la transformation des rites funéraires aristocratiques en Gaule du Nord et de l’Est au Ve s. avant J. –C. », Mélanges de l’école française de Rome, 107, 1, Rome, p. 335-458. SuTER Peter J. (1984) - « Neuere MittellatèneGrabkomplexe aus dem Kanton Bern, Ein Beitrag zür Latène C Chronologie des Schweizerischen Mittellandes », Jahrbuch des Schweizerischen Gesellschaft für Ur- und Frügeschichte, 67, p. 73-93. VOuGA Paul (1923) - La Tène, Monographie de la station publiée au nom de la Commission des fouilles de La Tène, Karl W. Hiesermann, Leipzig, 169 p. Les auteurs Nathalie GINOuX, INRAP / CNRS uMR 8164 – HALMA-IPEL (CNRS, Lille 3, MCC). Germaine LEMAN-DELERIVE, CNRS uMR 8164 – HALMA-IPEL (CNRS, Lille 3, MCC). Christian SEVERIN, Direction de l’Archéologie, Communauté d’agglomération du Douaisis. résumé La découverte à Hordain (Nord) d’une tombe contenant un lot de pièces de char, d’attelage (en particulier un joug décoré) et de harnachement a permis de faire le point sur un rite funéraire fréquemment observé dans le nord de la Gaule entre le IIIe et le Ier s. avant J.-C., à savoir le dépôt de pièces de char. Si elle n’est pas liée systématiquement à une fonction guerrière, cette coutume constitue en revanche un critère de différenciation entre les différents peuplements de la Gaule Belgique. Mots clefs : char, harnachement, joug, incinération, inhumation, peuplement, Gaule Belgique. abstract The discovery at Hordain (Nord) of a grave with a set of chariot and harness parts (in particular a decorated yoke) enables us to give an account of a type of burial rite frequently attested in northern Gaul, i.e. the offering of chariot parts. Even if this custom is not necessarily indicative of a warrior status, it is nevertheless a criterion by which the various tribes of Gallia Belgica may be distinguished. Key words : chariot, harness, yoke, cremation, inhumation, tribes, Gallia Belgica. Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX Zusammenfassung Die Entdeckung in Hordain (Departement Nord) eines Grabes mit Teilen von einem Wagen, einem Wagengespann (insbesondere eines verzierten Jochs) und Pferdegeschirr hat es erlaubt, einen Bestattungsbrauch zu erörtern, der im Norden Galliens zwischen dem 3. und dem 1. Jh. v. Chr. oft beobachtet wird, nämlich die Deponierung von Wagenteilen. obwohl er keinen systematischen Bezug zu einer kriegerischen Funktion aufweist, so stellt dieser Brauch doch ein unterscheidungsmerkmal der Völker der Gallia Belgica dar. Schlüsselwörter : Wagen, Pferdegeschirr, Joch, Brandgrab, Körpergrab, Besiedlung, Gallia Belgica. Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr). 222 RAP - 2009, n° 3/4, Muriel friboulet, La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages. La CéraMIQUE DEs CIMEtIèrEs D’aCY-roManCE (arDEnnEs) : CHoIX, assEMBLaGEs Et UsaGEs Muriel FRIBOuLET présEntatIon DEsCrIptIon DE L’EFFECtIF Les cimetières d’Acy-Romance appartiennent à un habitat d’une quinzaine d’hectares, principalement occupé à La Tène D. Intégralement fouillés par Bernard Lambot et son équipe de 1988 à 1994, leur chronologie relative relète l’évolution du village, avec un pic d’occupation durant La Tène D1. Les 130 tombes, toutes à incinération, se répartissent à l’intérieur ou aux abords immédiats de 5 enclos localisés en périphérie du village (ig. 1). Tous cimetières confondus, le corpus comporte plus de 600 vases, base de la sériation chronologique des 130 ensembles, de La Tène C2 à La Tène D2b. Les hypothèses de classement fonctionnel s’appuient sur des critères techniques et morphologiques. Les récipients se distribuent en deux grandes catégories. La céramique grossière rassemble les vases de conservation, de préparation et de cuisson ; la céramique ine comporte les vases de présentation et de consommation. Pour chacune de ces deux catégories, le volume, les proportions et les caractères techniques permettent de distinguer ceux qui sont adaptés à contenir les aliments luides ou solides, un usage de stockage d’un usage de préparation et de cuisson, un usage convivial d’un usage individuel. La terminologie adoptée est volontairement réduite et commune à ces catégories. Outre quelques vases spéciiques tels des gobelets et des couvercles, la majeure partie du corpus se répartit entre jarres, vases hauts élancés, urnes, vases hauts trapus, et écuelles, vases bas. quantitativement, l’effectif rassemblant les vases hauts, jarres et urnes, est légèrement inférieur au groupe des écuelles. Les restes fauniques des sépultures ont été étudiés en totalité par P. Méniel, l’étude anthropologique des incinérations, réalisée par I. Le Goff et H. Guillot, est aboutie pour l’enclos de "La Croizette" et l’un des enclos de "La Noue Mauroy", qui ont été publiés (laMbot, friboulet & Méniel 1994). La sériation des tombes, l’étude des mobiliers et la mise en perspective avec les composantes des pratiques funéraires régionales ont été l’objet d’une thèse de doctorat en 1997 (friboulet 1997). outre l’intérêt qu’elle présente pour la chronologie, la vaisselle funéraire permet l’analyse des fonctions et des assemblages. Plus facilement que dans les contextes détritiques de l’habitat peuvent s’y observer les représentations igées de compositions volontairement choisies, et leur rôle dans ce contexte spéciique. La Noue de Barue La Noue Mauroy La Warde La Croizette Fig. 1 - Plan schématique du site d’Acy-Romance (Ardennes). La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages. La vaisselle grossière de conservation, préparation et cuisson a peu sa place dans les tombes, puisqu’elle ne représente que 9 % de l’effectif. Elle est toutefois un peu mieux représentée dans l’enclos méridional de "La Noue Mauroy". La typologique de ces vases, aussi bien dans les cimetières que dans l’habitat, est relativement igée dans le temps. quelques récipients de petit stockage domestique d’une capacité de 6 à 15 l, quelques urnes analogues aux pots à cuire de l’habitat, d’une capacité de 2 à 4 l, des gobelets frustes et des écuelles profondes, à paroi épaisse, bien adaptées aux préparations, contiennent entre 1 et 2 l. Certaines de ces écuelles présentent un résidu charbonneux, vestige d’un usage domestique antérieur ou formé lors de la cérémonie funèbre, près du bûcher. Enin, 2 vases bas de catégorie ine, à fond perforé, généralement considérés comme des faisselles, igurent dans 2 sépultures comportant chacune 1 fusaïole. Des fonctions funéraires spéciiques de brûle-parfum ou 223 RAP - 2009, n° 3/4, Muriel friboulet, La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages. Les écuelles profondes et peu profondes, qui contiennent de 1 à 7 l, permettent la présentation et la consommation d’aliments consistants, chacun se servant au même plat. La nature de ces mets, accompagnements ou présentation de pièces de viande, pourrait expliquer une si grande diversité des volumes. Les innombrables écuelles de petite taille, plus ou moins profondes, seraient d’usage individuel. Leur contenance est toujours inférieure à 1/2 l. Leur utilisation comme vases à boire individuels, face à la très faible représentation de cette catégorie fonctionnelle, est également possible. Il est dificile de déterminer s’il s’agit de récipients neufs, prélevés en bon état dans le vaisselier domestique, ou bien encore mis au rebut, car, pour la plupart, leur aspect a été modiié par une exposition plus ou moins forte au bûcher funéraire, puis aux racines des cultures agricoles. Au plus, des signes d’usure sont quelquefois décelables, certains fonds de jarres sont érodés, et une écuelle porte des entailles sur son bord interne. Il n’y a pas d’aménagements particuliers perceptibles, tels des percements ou des bris volontaires de l’encolure. La plupart des vases conservent donc surtout les traces évidentes de leur participation à la crémation. Ils peuvent présenter des altérations très prononcées, avec des parois érodées, ou des issurations rendant leur transport depuis l’aire de crémation certainement délicate. Les dommages subis les rendent bien souvent inutilisables, avec des écuelles réduites à des moitiés, des jarres qui ont perdu une partie de leur panse ou bien leur fond. De plus, les tessons totalement isolés sont fréquents, qu’ils soient trouvés dans le sédiment du comblement, sur le fond de la fosse ou encore dans le comblement des récipients. Tout se passe donc comme si cette vaisselle, participant à la première étape, qualiiée d’offrande primaire, devait, malgré son aspect, se retrouver en grande partie dans la tombe, servant de couvercles à d’autres, ou déposée telle quelle. 224 Le concept de dépôt partiel symbolique est en général volontiers évoqué lorsqu’il s’agit de tessons LEs assEMBLaGEs Le nombre de vases déposés est inconstant, puisque, tessons compris, il varie de 1 à 21 éléments (ig. 2). La majorité des ensembles comporte moins de 6 vases, 35 % en comportent seulement 1 ou 2. Ces variations s’expliquent en partie par le pillage de plusieurs tombes, en particulier celles de l’enclos de "La Noue Mauroy", mais aussi par la chronologie : tous cimetières confondus, cette moyenne évolue peu jusqu’à La Tène D1b, puis diminue progressivement jusqu’à la dernière phase d’utilisation des cimetières, à La Tène D2b. Les tombes de cette période ne comporteront souvent qu’un fond de cruche et quelques tessons. % tombes Les vases sont bien le résultat d’une sélection, puisque la céramique ine de présentation et de consommation domine très largement dans les dépôts funéraires. Les jarres et les urnes en pâte ine tournée ont une fonction équivalente : elles sont aptes à la présentation des boissons. Leurs capacités se répartissent dans une fourchette très large, de moins de 2 à 12 l. Les vases à boire sont plus dificiles à reconnaître, il pourrait s’agir des petites jarres et urnes d’un volume de 0,5 l environ. d’amphores ou de pièces de char, mais plus rarement dans ce cas. Pourtant, dans une sépulture de "La Noue Mauroy", un fragment de col provient d’une jarre de la tombe voisine. Des ramassages aléatoires après les crémations sont une explication, mais ces deux tombes peuvent aussi, de la sorte, avoir été liées symboliquement. D’ailleurs d’autres partages de mobilier, trop discrets, ont pu également passer inaperçus. 65% 27% 8% 1 à 5 vases 6 à 10 vases 11 à 21 vases Distribution des tombes suivant le nombre de vases nbre moyen de vases/tombe de passoire à boisson peuvent alors être évoquées. un seul vase de ce type servait de vase cinéraire dans une tombe de "La Noue Mauroy". 6 4 2 LT C2/D1a LT D1b/D2a LT D2b/Auguste Évolution du nombre moyen de vases par tombe Fig. 2 - Distribution globale des céramiques funéraires. La constitution des assemblages nous ramène à la notion de service, dont M. Bats donne une déinition : « un ensemble assorti de récipients de forme et de fonction différentes » (bats 1989, p. 24). Dans le cadre de cette analyse, c’est une déinition plus large du service de vaisselle qui est retenue, pour déterminer si les réunions de récipients comportent à la fois des vases à liquides et des vases à mets solides, et si ces services de table sont destinés à un unique ou à plusieurs convives. Vingt-et-une tombes ne comportent qu’un seul vase. Mais la plupart du temps c’est une jarre ou une urne qui a été choisie, une écuelle de bois n’ayant laissé aucune trace pouvait compléter le RAP - 2009, n° 3/4, Muriel friboulet, La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages. La Noue Mauroy, I. 13 La Noue Mauroy, I. 95 La Noue de Barue, I. 10 La Noue de Barue, I. 10 La Noue Mauroy, I. 87 La Noue Mauroy, I. 63 10 cm 0 Fig. 3 - Les services funéraires, type 1 225 RAP - 2009, n° 3/4, Muriel friboulet, La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages. La Croizette, I. 112 La Noue Mauroy, I. 68 La Noue Mauroy, I. 83 10 cm 0 La Noue Mauroy, I. 36 La Noue Mauroy, I. 65 La Noue Mauroy, I. 70 Fig. 4 - Les services funéraires, type 2 226 RAP - 2009, n° 3/4, Muriel friboulet, La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages. dépôt. Trois autres ensembles seulement n’ont que des écuelles, en 2 ou 3 exemplaires. Tous les autres, soit plus de 80 % des tombes, comportent un assemblage des 2 catégories, vases à boissons et vases à mets, constituant donc un véritable service. Il existe différents types d’associations, dont certaines sont répétitives, indépendamment de la chronologie. Les analogies les plus évidentes se situent du côté des vases à boisson, qui semblent charpenter l’ensemble. Le premier type de service correspond à une vingtaine de tombes, n’ayant reçu qu’une jarre ou une urne pour la boisson. Le nombre d’écuelles associées varie de 1 à 5. Le service peut compter un couvercle, adaptable aux deux catégories (ig. 3). Trente ensembles comportent 2 vases à boisson, jarres ou urnes. à cette fonction se rattache parfois un gobelet d’une taille inférieure, sous la forme d’un tonnelet ou d’une petite urne, comme dans les tombes I. 36, I. 65 et I. 70 de "La Noue Mauroy". Le nombre d’écuelles est alors comparable au cas précédent, et ne dépasse pas 6 exemplaires (ig. 4). Les vaisseliers des tombes privilégiées montrent des similitudes encore plus marquées. La tombe I. 27 de "La Noue Mauroy" comporte, pour le service de la boisson, 3 jarres complétées par 1 urne. Le service à mets compte 7 écuelles. une grande urne grossière, côtoyant une seille en bois à cerclages de fer, évoque un usage particulier, ablutions ou préparation d’une boisson fermentée. Les deux services igurés à la suite concernent 2 tombes comportant une épée et d’autres éléments d’armement, I. 14 et I. 94 de "La Croizette". Chacun comporte 4 jarres, 9 écuelles et 2 couvercles pour le service à mets. Très rarement, un récipient intact peut être placé dans un autre, comme ici un gobelet, sommairement modelé, dans l’une des jarres de la tombe I. 94 (ig. 5). quelques indices laissent penser que le genre du défunt puisse déterminer en partie la constitution du service : tombes féminines et masculines ne seraient pas dotées des mêmes vases à boissons. Malgré les dificultés de l’identiication des os incinérés, l’étude anthropologique réalisée pour les tombes de "La Croizette" et de "La Noue Mauroy" fournit quelques éléments, et par défaut, des indices sont apportés par le mobilier associé. Les 28 ensembles disponibles ne constituent évidemment qu’un quart du corpus, mais il se dessine tout de même plus qu’une tendance : les 4 tombes à armes possèdent une ou plusieurs jarres, toutes les tombes à fusaïole, sauf une, ne comportent que des urnes. DIsposItIons Et assoCIatIons avEC LEs aUtrEs DépÔts Pour la période de la in de l’âge du Fer en Gaule, les tombes aristocratiques Trévires et Bituriges ont constitué les premiers contextes d’une recherche approfondie sur la structuration des différents dépôts funéraires. Ces travaux se sont attachés à reconnaître une signiication idéologique aux composants et à l’organisation interne de la sépulture (Metzler, warinGo, bis & Metzlerzens 1991; ferdière & Villard 1993). Aujourd’hui largement diffusé dans des contextes d’apparence moins complexes, ce type d’analyse a pu être en partie adapté aux tombes d’Acy-Romance, et notamment aux dépôts de céramique. Les éléments suivants et quelques exemples montrent que la disposition générale de la vaisselle et la place relative des différents services présentent certaines constantes, dont les exemples suivants illustrent l’essentiel (ig. 6). Il s’observe d’une manière répétitive, une disposition linéaire, comme en I. 14 de "La Noue Mauroy", ou encore en L comme en I. 22 du même cimetière. Cet arrangement se retrouve aussi dans des espaces plus étroits, non coffrés, avec un nombre plus restreint de vases. Dans les 4 tombes suivantes, qui résument les mises en place les plus habituelles, soit le regroupement du vaisselier semble laisser une partie de l’espace disponible pour des mobiliers aujourd’hui disparus, textiles ou vanneries, comme dans les tombes I. 102 et I. 24 de "La Noue Mauroy", soit les céramiques occupent une grande partie du fond de la fosse, comme dans les tombes I. 21 et I. 29 de "La Noue Mauroy". Mais dans la plupart des cas, chaque catégorie fonctionnelle est regroupée, même si des exemplaires des 2 catégories peuvent être concernés par un usage funéraire stricto sensu, comme vases cinéraires. quelques autres situations observées restent assez marginales, notamment la superposition de vases. une panse de jarre, et 5 fragments d’urnes ont été ainsi utilisés, contre 17 écuelles, dont 6 seulement étaient à coup sûr en position retournée, les autres étant empilées. Paradoxalement, les formes couvercles ne sont pas retrouvées en position fonctionnelle. Le cas de la tombe I. 26 de "La Noue Mauroy" est exceptionnel. La petite fosse quadrangulaire, à parois régulières taillées dans la craie, a été partiellement approfondie pour caler un assemblage de 2 premiers vases cinéraires, des écuelles superposées, qui sont protégées par une troisième, fragmentaire et retournée. Deux autres vases cinéraires, déposés complets, 1 urne et 1 faisselle, ont été disposés à côté et couverts de moitiés de jarres et d’écuelles dont les fragments complémentaires ferment le comblement supérieur, avec les tessons de 2 autres individus (ig. 7). 227 RAP - 2009, n° 3/4, Muriel friboulet, La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages. La Noue Mauroy, I. 27 La Noue Mauroy, I. 14 10 cm 0 La Noue Mauroy, I. 94 Fig. 5 - Les services funéraires, type 3. 228 RAP - 2009, n° 3/4, Muriel friboulet, La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages. La Noue Mauroy, I. 14 La Noue Mauroy, I. 22 1m 0 La Noue Mauroy, I. 102 La Noue Mauroy, I. 21 La Noue Mauroy, I. 29 La Noue Mauroy, I. 24 Localisation de l'incinération : dépôt principal dépôt complémentaire Fig. 6 - Dispositions et liens entre céramique et incinération 229 RAP - 2009, n° 3/4, Muriel friboulet, La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages. La Noue Mauroy, I. 26 10 3 1 2 5 4 0 10 cm 6 9 7 8 Incinération (dépôts principaux) Fig. 7 - I. 26, La Noue Mauroy, restitution schématique en coupe. rELatIons EntrE La CéraMIQUE Et LEs aUtrEs éLéMEnts Une partie des vases cinéraires identiiés a été fouillée en laboratoire, et le sédiment de tous les autres récipients a systématiquement été tamisé. Cent quatre-vingts vases, soit près d’un tiers de l’effectif, comportaient, parfois réunis, des os humains incinérés, des restes fauniques et du mobilier. En ce qui concerne l’élément essentiel, l’incinération, son mode de dépôt fait l’objet de pratiques d’une singulière diversité : unique ou divisé, au sol ou dans un contenant périssable, ou encore dans un vase. En cas de fractionnement, les dépôts pondéralement dominants ont été considérés, dans l’étude anthropologique, comme les dépôts principaux, les autres, réduits souvent à quelques esquilles, comme les dépôts complémentaires. Les deux modes, soit au sol ou dans un contenant périssable, soit en vase, sont bien représentés, mais 230 dans la majorité des autres cas, ils se combinent de manière si variée que chaque ensemble semble témoigner d’une pratique originale (ig. 6). Les vases cinéraires ne se distinguent pas du reste du vaisselier. Théoriquement, cette fonction serait mieux remplie par un récipient sinon intact, du moins pas trop altéré, n’ayant pas subi de recuisson. C’est la règle dans les tombes à incinération du monde méditerranéen. Il n’en est rien ici, car ces contenants ont été, comme les autres, exposés au bûcher. Il n’a donc pas semblé nécessaire de placer l’incinération dans un récipient particulier. Ces vases cinéraires font partie d’un ensemble constitué pour accompagner la crémation, ensemble dont les pièces sont touchées de manière plus ou moins intense suivant les cérémonies, la disposition sur le bûcher, l’intensité des lammes, et les éventuelles offrandes contenues (liquides ou consistantes) dont les seuls vestiges sont des restes fauniques. RAP - 2009, n° 3/4, Muriel friboulet, La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages. De plus, aucune catégorie fonctionnelle ne s’est trouvée exclue de cet usage. Mais les sujets plus hauts que larges sont plus volontiers sélectionnés pour contenir le ou les dépôts principaux. une seule écuelle a été choisie, contre 11 jarres et urnes. Et ce sont 2 jarres qui contiennent les ensembles osseux pondéralement les plus importants. Cependant, même ces grands récipients ne sont remplis qu’à moitié de leur capacité, ce qui montre bien que la dispersion des restes entre plusieurs dépôts n’est pas explicable par une simple contrainte matérielle. Aussi bien, ces incinérations sont lacunaires, et ne représentent que très rarement le poids total théorique d’un corps incinéré. Parmi les vases cinéraires à dépôts complémentaires, on trouve aussi 12 jarres et 11 urnes renfermant des poids très minimes, inférieurs à 10 g d’os. données acquises par l’étude anthropologique des cimetières de "La Croizette" et de "La Noue Mauroy" montrent la rareté d’une telle sélection par type d’os : seuls 3 dépôts complémentaires comportent une sélection anatomique, membre ou crâne. Et dans les dépôts principaux, toutes les parties du squelette sont représentées. Le nombre de dépôts peut aussi témoigner du nombre des acteurs du rituel, chacun recueillant et déposant une partie de l’incinération de façon individuelle. Tout le vaisselier ayant servi au lavage des os puis à leur transport jusqu’à la fosse, quelques dépôts minimes peuvent y être restés lors des mises en place. Ou bien ces vases, en quelque sorte consacrés par cette gestuelle, doivent alors en conserver une trace, même symbolique. De façon assez habituelle, c’est soit un seul soit 3 vases qui sont concernés au sein d’une même tombe, mais leur nombre ne dépasse jamais 6. Lorsque la tombe renferme les restes de plusieurs sujets, comme c’est le cas pour 5 tombes de "La Croizette" et de "La Noue Mauroy", leurs restes sont, soit réunis dans un vase ou un contenant organique, soit séparés. Au total, un tiers des vases servent de protection aux restes humains et à des offrandes, d’autres seront déposés vides, ou apparaissent comme tels. Parmi ceux là, 88 % sont destinés aux restes du défunt, alors que moins de 10 % présentent seulement une offrande alimentaire carnée. Le dépôt de mobilier, parures ou outils, isolé dans un vase, est marginal, avec seulement deux cas. La dispersion caractérisée par un dépôt principal en contenant organique ou au sol, associé à plusieurs dépôts complémentaires en vases apparaît plutôt comme une pratique réservée aux ensembles masculins les mieux dotés, notamment les tombes à armement de "La Noue Mauroy". L’utilisation effective des vases concerne 65 % des tombes, sans évolution chronologique. Il est plausible que la disparition de certaines offrandes, boissons ou restes organiques non incinérés, nous donne une image très incomplète de cette pratique. une forme de dispersion similaire, avec cette fois un vase cinéraire pour le dépôt principal, pourrait caractériser les tombes féminines du même niveau social élevé, puisqu’elles ne comportent pas de mobilier spéciiquement masculin, comme I. 29 et I. 63 de "La Noue Mauroy". Les contenus des vases réunissant à la fois l’incinération principale, une ou plusieurs offrandes carnées et des mobiliers peuvent être considérés comme les équivalents des dépôts principaux sur le fond de la fosse (ou beaucoup plus probablement sur ou à l’intérieur d’un contenant organique), qui présentent des associations analogues. Ainsi, les trois quarts des vases cinéraires principaux sont concernés par ces associations, et seulement un quart des vases ayant reçu quelques esquilles d’os. Ils sont aussi plus souvent protégés par une écuelle ou un fragment de jarre que les autres récipients de la tombe. un élément textile pouvait aussi envelopper ou couvrir les incinérations, mais aucun indice n’en a été décelé. Les sépultures pour lesquelles l’incinération est l’objet d’un dépôt unique sont donc minoritaires. Toutes les autres sont caractérisées par une mise en place plus ou moins complexe, dans laquelle transparaît le souci d’intégrer le plus largement possible les restes humains à l’espace constitué pour eux, et au service céramique. On perçoit que le nombre de sujets réunis dans la même fosse, l’identité sociale mais sans doute aussi les manipulations préalables à la mise en terre, sont déterminants dans ces dispositions. S’il est délicat de trouver un sens à cette dispersion et cette intrication de l’incinération et du vaisselier, qui concerne tout de même les deux tiers des tombes, ce phénomène est bien tangible et répétitif. Plusieurs signiications peuvent être avancées, et notamment une volontaire séparation des différentes parties anatomiques. Mais les En ce qui concerne l’intégration des dépôts de faune au vaisselier, la plupart des restes fauniques déposés dans les récipients ont été incinérés, ils y sont soit isolés, soit placés dans le ou les vases cinéraires principaux. Seulement 10 fois des quartiers de porc frais, et 8 fois des oiseaux et des coqs sont ainsi présentés, ces derniers dans des écuelles. Il en est de Cette complexité est commune à tous les cimetières, et s’afirme surtout pendant La Tène D1 et à La Tène D2a. 231 RAP - 2009, n° 3/4, Muriel friboulet, La céramique des cimetières d’Acy-Romance (Ardennes) : choix, assemblages et usages. même pour le mobilier personnel. Les ibules et les autres parures sont placées avec les restes incinérés et non isolés dans un récipient. Dans 2 tombes seulement, des couteaux posés sur le rebord d’écuelles vides, ou aux contenus disparus, transposent dans ce contexte une gestuelle domestique. ConCLUsIon Les réunions de plusieurs vases constituent effectivement de véritables services, disposés dans la tombe pour restituer le décor d’un repas, mais il s’agit en même temps d’un mobilier rescapé du bûcher, parfois très fragmenté ou incomplet, et largement utilisé comme contenant cinéraire. La plupart de ces services sont constitués d’un ou deux vases de chaque fonction, boire et manger, et semblent destinés, de manière symbolique, au seul défunt, ou à une communauté familiale très restreinte. Les tombes comportant les restes de plusieurs individus, du moins pour celles qui ont été identiiées comme telles, ne comportent pas pour autant un service doublé ou triplé. Dans la dizaine de sépultures les mieux pourvues, des séries plus ou moins importantes de vases presque semblables ont été disposées de façon à évoquer un repas auquel participe un groupe plus large, parentèle ou hôtes alliés. D’autres conventions touchant un groupe restreint sont perceptibles, et notamment le dépôt de vases tonnelets peints, habituellement une des particularités des tombes aristocratiques rèmes, qui caractérise ici le petit cimetière de "La Noue de Barue", d’un niveau de richesse moyen. Enin sans répondre strictement à la notion contemporaine du service de table, qui suppose une unité morphologique et décorative, ces ensembles présentent des associations de caractères stylistiques renouvelés au même rythme que dans la sphère domestique. BIBLIoGrapHIE BATS Michel (1994) - Vaisselle et alimentation à Olbia de Provence (v. -350-v. 50 avant J-C) : modèles culturels et catégories céramiques. CNRS - Revue archéologique de Narbonnaise, Supplément 18, s.I., 271 p. FERDIERE Alain & VILLARD Anne (1993) - La tombe augustéenne de Fléré-la-Rivière (Indre) et les sépultures aristocratiques de la cité des bituriges. Mémoire 2 du Musée d’Argentomagus, Saint-Marcel, 320 p. FRIBOuLET Muriel (1997) - Les cimetières du village gaulois d’Acy-Romance (Ardennes). Thèse de doctorat, sous la direction d’Olivier Buchsenschutz (Paris I), non publié, 314 p. LAMBOT Bernard, FRIBOuLET Muriel & MéNIEL Patrice (1994) - Le site protohistorique d’Acy-Romance (Ardennes), II - Les nécropoles dans leur contexte régional 1986 - 1988 - 1989. Mémoires de la Société Archéologique Champenoise n° 8, Dossiers de Protohistoire n° 5, CNRS, uMR 126–6, s. I., 315 p. METZLER Jeannot, WARINGo Raymond, BIS Romain & METZLER-ZENS Nicole (1991) - Clémency et les sépultures aristocratiques en Gaule Belgique. Dossiers d’Archéologie du Musée National d’Histoire et d’Art, Luxembourg, 182 p. L’auteur Muriel FRIBOuLET, INRAP, uMR 8546, Centre de recherches archéologiques de Passel, Parc d’activités, Avenue du Parc, F - 60400 PASSEL résumé Les cimetières à incinération d’Acy-Romance (Ardennes) ont livré une somme d’informations sur les pratiques et les dépôts funéraires de la in de La Tène en Champagne, et en particulier sur la composition, la place et le rôle des vaisseliers déposés dans les tombes. Mots clés : incinérations, céramique, dépôts funéraires, La Tène D, Champagne. abstract The cremation cemeteries at Acy-Romance (Ardennes) have yielded abundant information on the burial rites and offerings of Late La Tène in the Champagne district, and more speciically on the composition, the placing and the role of the dishes deposited in the graves. Key words : burial rites, functional groups, La Tène, Picardy, jewels, weapons, dress accessories, instrumentum, dishes, cuts of meat. cremation, pottery, burial offerings, La Tène D, Champagne district. Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX Zusammenfassung Die Friedhöfe mit Brandgräbern von Acy-Romance (Departement Ardennes) haben zahleiche Informationen zu den Bestattungssitten und Grabbeigaben am Ende der Latènezeit in der Champagne geliefert, insbesondere zur Komposition, Stellung und Rolle der in den Gräbern deponierten Geschirrsätze. Schlüsselwörter : Brandbestattungen, Keramik, Grabbeigaben, Latène D, Champagne. 232 Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr). RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures des environs de Paris. DEs oBJEts Dans LEs toMBEs : éLéMEnts D’IntErprétatIon DEs assEMBLaGEs FUnéraIrEs DU IIIe sIèCLE avant J.-C. Dans LEs sépULtUrEs DEs EnvIrons DE parIs Stéphane MARION IntroDUCtIon La partie centrale du Bassin parisien a longtemps été une zone marginale de la recherche en raison d’une réelle indigence des données pour le second âge du Fer. Les découvertes réalisées au cours des dernières années ont permis un profond renouvellement du corpus. Plusieurs centaines de sépultures sont maintenant connues, principalement pour le IIIe siècle (La Tène B2 et La Tène C1), période jusque là sous-représentée en Celtique occidentale. Elles révèlent une diversité et une complexité inattendues du paysage funéraire, tant du point de vue de la nature et de la composition des sites que du fonctionnement interne de chacun d’entre eux. En effet, sur une supericie relativement restreinte, la région située aux environs de Paris a livré des sites funéraires contemporains très différents les uns des autres (ig. 1). Ils obéissent à des logiques de recrutement spéciiques et ne semblent pas concerner la même fraction de la population. on peut opposer au moins deux grandes catégories de sites : des ensembles très élitistes où se concentrent sépultures à char et mobilier d’exception et de très vastes sites dans lesquels une large part de la 1-5 5 - 10 10 - 20 20 - 40 200 500 0 20 Km Fig. 1 - Carte de répartition des sépultures du IIIe siècle avant J.-C. en Île-de-France. La zone d’étude apparaît sur fond blanc. population semble représentée. Les contours de cette documentation déinissent une zone d’étude qui s’inscrit à l’intérieur du futur territoire des Parisii historiques. On peut estimer pour cette période que plus de 800 sépultures ont été fouillées depuis la in du XIXe siècle. Sur ce total, près de 600 (578) sont à peu près documentées ou susceptibles de l’être dans un futur proche, à mesure que les résultats des fouilles récentes seront connus. Cette forte concentration de données doit beaucoup à la fouille du site de Bobigny "Hôpital Avicenne" qui, avec plus de 500 sépultures représente un ensemble d’une exceptionnelle densité pour le IIIe siècle avant notre ère (Marion, le beChenneC & le forestier 2008). Pour autant, le site n’est probablement pas si original qu’il le paraît puisque la nécropole de Saint-Maur-des-Fossés "Adamville" explorée à la in du XIXe siècle (leConte 1991) pourrait être d’une importance comparable dans la mesure où près de 200 sépultures ont été dégagées pour une durée d’occupation similaire. à côté de ces deux ensembles qui présentent de forts effectifs, igurent des sites au recrutement nettement plus restreint qui n’en sont pas moins intéressants. Dans au moins quatre d’entre eux, Roissy "La Fosse Cotheret" (leJars 2005), Le Plessis-Gassot "Le Bois Bouchard" (Ginoux 2003), Bouqueval "Longchamp" (GuadaGnin 1984) et Nanterre "avenue Jules quentin" (Viand 2004), se trouvent une ou plusieurs sépultures à char, symbole s’il en est de l’aristocratie locale, pour des sites dans lesquels la population n’excède pas une trentaine d’individus. Par ailleurs, à l’inverse de ce que l’on peut observer en Picardie ou dans le Sénonais, l’inhumation demeure la règle tout au long de la période considérée. La pratique de l’incinération est bien attestée mais demeure marginale puisqu’elle représente moins de 5 % de l’effectif. De fait, l’importance des découvertes récentes et cette prédilection pour l’inhumation permettent de disposer d’un référentiel particulièrement important pour la période puisque les données biologiques et anthropologiques y sont largement disponibles (le forestier, ce volume). Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures des environs de Paris. 233 RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures des environs de Paris. Il est évident que les assemblages mobiliers issus des ces ensembles illustrent des aspects différents d’une réalité sociale sans doute complexe qu’il s’agit modestement de restituer. Si l’on se cantonne au mobilier funéraire, la situation apparaît très paradoxale. En règle générale, les dépôts témoignent d’une certaine indigence, les objets sont peu nombreux et les sépultures sans aucun mobilier fréquentes. Dans la majorité des cas, le dépôt se limite à la présence d’une ou deux ibules en fer ce qui offre peu de prise à l’analyse au delà de l’expertise typo-chronologique. Rapportées à l’effectif global, les sépultures qui présentent des dépôts plus diversiiés (céramique, parure, armement, pièces de char...) sont inalement assez rares. Cependant, favorisées par le nombre, elles inissent par constituer un corpus relativement étendu. Nous nous intéresserons principalement à la composition des dépôts funéraires en fonction des différentes catégories d’objet qui s’y trouvent et de leurs relations avec la composition de la population des sites. DéFInItIon Et LIMItEs DU CorpUs L’étude se limitera ici à une première approche de la composition des assemblages funéraires. Pour ce faire, il a semblé nécessaire d’effectuer une sélection des données à traiter. En effet, de nombreuses sépultures semblent incomplètes soit parce qu’elles sont perturbées soit, inconvénient des fouilles récentes, parce qu’elles sont actuellement insufisamment documentées pour pouvoir être analysées. Sur l’ensemble du corpus de départ, seules 346 sépultures paraissent sufisamment iables. Ce sont celles pour lesquelles on peut supposer que la totalité du mobilier funéraire qui constitue le dépôt ou l’équipement de l’individu est représenté. Cette sélection n’a pas été opérée de manière trop rigoureuse et tolère une certaine marge d’incertitude. Ainsi des ensembles légèrement perturbés, dans des secteurs de la tombe où l’on ne trouve pas habituellement de mobilier, ont été conservés ici de manière à ne pas trop amoindrir l’effectif. Il s’agit évidemment d’une option critiquable. 234 Par ailleurs, comme on l’aura compris, le corpus s’avère particulièrement déséquilibré puisque les ensembles issus du site de Bobigny y représentent plus de 80 % des sépultures analysées (247 sur 346 sépultures). Si ce déséquilibre traduit bien la situation de départ, la sur-représentation des sépultures de Bobigny n’en risque pas moins de masquer une partie de l’originalité des autres sites pris en compte. De manière à contourner cet écueil, la comparaison entre sites à effectif important (Bobigny et Saint-Maur-des-Fossés) et sites à effectif restreint sera réintroduite au cours de l’analyse. Par ailleurs, en raison de l’état d’avancement des différentes études et publications, les incinérations déjà marginales sont largement sousreprésentées dans le corpus retenu avec seulement deux occurrences. Au inal, les donnés analysées présentent quelques biais dont il est nécessaire d’avoir conscience, mais ne semblent pas trop s’éloigner des données initiales dont elles sont sensées rendre compte. POPuLATION ANALySéE Un des intérêts du corpus réside dans la présence de données biologiques relativement abondantes pour l’ensemble de la période considérée. Pour autant, la situation est loin d’être idéale ; toutes les études ne sont pas encore réalisées ou disponibles. Ainsi il s’avère impossible pour le moment de raisonner de manière détaillée en fonction de différentes classes d’âge biologiques, faute d’un référentiel sufisamment étoffé. La part des indéterminés se révèle ici bien trop importante. Aussi, il a semblé préférable d’opter pour une distinction relativement simple opposant adultes et enfants. Dans la mesure où l’on cherche à mettre en évidence des comportements sociaux, la catégorie enfant ne saurait se surimposer à l’immaturité biologique. Il s’agit là de deux phénomènes indépendants. D’un point de vue purement théorique, ou étic, on peut supposer que dans les sociétés qui nous occupent la maturité sociale intervient à l’intérieur de la classe des 15-19 ans. Il s’agit là bien évidemment d’une première estimation qui mériterait d’être afinée. Comme on pourra l’entr’apercevoir par la suite, la perspective d’une déinition plus émic des classes d’âge social n’est pas totalement à exclure. En effet, et sans trop anticiper sur les résultats, on constate que la nature du mobilier associé à l’individu dépend en partie de son âge. La multiplication des déterminations précises et l’examen de cas limites qui présentent des caractéristiques mixtes devraient permettre de situer la tranche d’âge au cours de laquelle l’individu atteint la maturité sociale. Par ailleurs, la distinction relativement abrupte que nous proposons ici offre l’avantage de tolérer une certaine part d’incertitude qui permet notamment d’intégrer les données issues de fouilles antérieures à la systématisation des études d’anthropologie funéraire et pour lesquelles les déterminations des âges semblent peu précises. Parmi ces données anciennes et lorsque les renseignements sont sufisamment détaillés, il est souvent possible de distinguer les enfants de moins de 15 ans des adultes. Dans cette acception, la population analysée se compose de 54 % d’adultes, 40 % d’enfants et 6 % d’indéterminés (ig. 2). Le taux particulièrement RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures des environs de Paris. Répartition par sexe (adultes) Répartition par tranche d'âge ensemble des sites Bobigny Avicenne autres sites indéterminés Enfants 11,9% 40,4% 46,3% 51,6% 53,8% 64,4% Adultes n = 346 n = 287 n = 59 Hommes 23,7% 18,4% 25 % 18,4% 18,8% indéterminés 18,9% Femmes n=186 n=148 n=38 Fig. 2 - Principales caractéristiques des populations de référence. élevé des sépultures d’enfant témoigne d’une bonne représentativité de l’échantillon. Il est assez proche de celui d’une mortalité naturelle pour une population pré-jennérienne. Pour autant qu’on puisse en juger, le déicit porte principalement sur les classes les plus jeunes, notamment les 0-1 ans qui sans être totalement absents s’avèrent notablement sous-représentés. On constate aussi que les enfants sont particulièrement bien représentés à Bobigny où ils composent 46 % du corpus alors que dans les autres sites analysés ils représentent seulement 12 % de la population. Cette différence de recrutement accuse encore davantage la distinction entre les sites à fort effectif et les sites plus élitistes à effectif restreint et tombe à char. Pour ce qui est du sexe, la situation est nettement moins favorable. Parmi les adultes ou si l’on préfère les individus matures ou sub-matures pour lesquels les déterminations sont envisageables, près de 60 % demeurent non-sexués. Là encore, la poursuite des études devrait permettre de faire chuter le taux d’indétermination. Pour l’heure, il demeure trop important pour pouvoir prendre en compte de manière systématique les différences sexuelles qui peuvent apparaître çà et là. Les petites variations que l’on observe paraissent peu signiicatives, seules les grandes tendances ou les exclusions manifestes méritent à ce stade d’être signalées. MoBILIEr Et popULatIon Pour examiner la manière dont le mobilier funéraire se trouve réparti dans la population et surtout si cette répartition revêt une quelconque signiication, différentes approches complémentaires peuvent être réalisées à partir d’un simple ichier qui recense les principales caractéristiques biologiques des individus et les types et catégories d’objets présents. Il va de soi ici que seul le mobilier effectivement associé à la mise en place de la sépulture doit être pris en compte, qu’il s’agisse d’un dépôt proprement dit ou de l’équipement personnel de l’individu. Il convient notamment d’exclure les objets qui se trouvent dans les remblais de la sépulture. Cette précaution élémentaire peut paraître très abstraite pour un certain nombre de sites mais revêt une grande importance pour des sites denses comme Bobigny dans lesquels les recoupements de sépultures introduisent une forte part d’incertitude dans l’attribution effective du mobilier à l’individu de la tombe dont il est issu. ANALySE PAR RANGS HIéRARCHISéS La première approche consiste à associer à chaque sépulture un rang de mobilier qui correspond à l’élément qui semble le plus signiicatif. 235 RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures des environs de Paris. La méthode permet d’obtenir un aperçu général quoique peu détaillé de la hiérarchie des dépôts funéraires, selon une gradation théorique qui va de la sépulture sans mobilier à la tombe à char. Pour ce corpus on peut retenir les rangs suivants : sans mobilier, avec ibule, avec parure, avec pièce d’armement, avec élément de char et l’inévitable autre qui regroupe un ensemble hétéroclite composé de dépôts divers trop peu fréquents pour constituer un rang autonome (céramique, faune, outil, objet métallique indéterminé…). à ce stade de l’enquête, chaque sépulture est associée à une et une seule catégorie de mobilier que l’on suppose signiicatif et qui traduit le rang mobilier de la sépulture. Ainsi, une sépulture à char qui contiendrait également des armes et des ibules serait comptabilisée une seule fois dans le rang « char ». Cette classiication somme toute classique d’évaluation des rangs de mobilier permet de dessiner à grands traits les principales tendances du ichier (ig. 3). enfants adultes n =346 n =140 n =186 n = 287 n = 133 n = 148 n = 50 n=7! n = 27 sites à effectif restreint site à large effectif : Bobigny ensemble des sites effectif total sans mobilier parure char fibule armement autres Fig. 3 - Répartition de la population selon les rangs hiérarchiques de mobilier. On remarque la faiblesse de l’échantillon pour les sites à effectif restreint. 236 RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures des environs de Paris. On constate en premier lieu la proportion relativement importante des sépultures sans mobilier puisqu’elles représentent un cinquième du corpus (21,4 %). Leur répartition dans la population révèle qu’elles concernent plus volontiers les enfants que les adultes. En effet un quart des sépultures d’enfant sont dépourvues de tout mobilier (25 %). Par ailleurs, les sépultures sans mobilier sont plus fréquentes dans les sites à fort effectif (de l’ordre de 23 % à Bobigny) que dans les sites à effectif restreint (18 %). Si les proportions respectives de sépultures d’enfant dans ces ensembles expliquent en partie cette différence, celle-ci n’en traduit pas moins des modalités de recrutement particulières et nettement plus sélectives. Le cortège le plus abondant correspond cependant aux sépultures qui possèdent des ibules comme seul mobilier. Elles représentent presque la moitié du corpus (47 %). Ici le déséquilibre favorise légèrement les adultes (49 %). Là encore cette catégorie relativement modeste de dépôt se trouve faiblement représentée dans les sites à effectif restreint (32 % seulement). Considérées ensembles, ces deux classes les moins dotées concernent plus des deux tiers des sépultures (68 %), sans différence notable en fonction de l’âge. Par contre, il apparaît clairement que, dans les sites à effectif restreint, ces deux classes sont moins représentées. Elles ne concernent que la moitié du corpus (50 %). à l’opposé, les sépultures dotées de parure semblent également réparties entre adultes et enfants puisqu’elles représentent des effectifs de l’ordre de 14 % de chaque catégorie. Aucune différence signiicative n’apparaît en fonction du type de site considéré. Par contre les données laissent entrevoir un très net déséquilibre selon le sexe puisque aucun homme adulte ne semble pourvu de parure. Cette tendance est sufisamment marquée pour être signalée. Toutefois, il convient de noter que quelques tombes de guerrier, vraisemblablement attribuables à des adultes masculins quoique aucune étude anthropologique ne l’atteste formellement, possèdent également des parures (4 cas sur 20). Comme attendu, au moins de ce point de vue, les sépultures à arme obéissent à des logiques très différentes. Les armes sont nettement moins fréquentes puisqu’elles caractérisent à peine 5 % de la population et s’associent exclusivement à des adultes (10 % des sépultures d’adulte). Lorsque les déterminations anthropologiques le permettent elles semblent strictement associées à des sujets masculins. La part des indéterminés qui représente deux tiers des cas est ici importante, soit parce qu’il s’agit de découvertes anciennes pour lesquelles aucune détermination n’a été effectuée, soit en raison de la mauvaise conservation de la matière osseuse. Les sépultures à arme viennent accuser davantage les différences entre les deux catégories de sites funéraires. Dans les nécropoles à recrutement large, elles demeurent très discrètes. Ainsi à Bobigny elles représentent une part inime de la population (3 %), tandis que dans les sites à recrutement plus restreint elles affectent une frange nettement plus importante de la population (16 %) et plus de la moitié des adultes masculins. Cette sélection se marque de manière plus lagrante avec les tombes à char qui se trouvent exclusivement dans les sites à effectif restreint où elles représentent 10 % des sépultures. Au moins un cas indique que les enfants peuvent également bénéicier de ce type de sépulture fastueuse. Aucune détermination sexuelle n’est disponible ici. Toutefois, on remarquera que le mobilier évoque souvent la sphère masculine (armes et nécessaires de toilette). ANALySE PAR CLASSE D’OBJET Pour consolider et préciser ces observations liminaires, une première analyse factorielle des correspondances (réalisée sur Makila développé par P. Ruby) prendra en compte les 346 sépultures du ichier décrites selon leurs caractéristiques biologiques et les classes de mobilier qui s’y trouvent. Seules les catégories adultes et enfants seront ici prises en compte. Les attributions sexuelles n’apparaissent pas. Elles iguraient dans un traitement initial, mais dans la mesure où elles n’apportaient aucune précision en raison de l’importance des indéterminés elles n’ont pas été conservées. Les deux grandes catégories de site dont les sépultures sont issues apparaissent en tant que variable supplémentaire. Elles ne jouent aucun rôle actif dans les calculs mais se trouvent tout de même projetées dans l’espace factoriel ce qui permet d’en commenter le comportement. En ce qui concerne les objets, aux classes précédemment analysées, vient s’ajouter celle des dépôts de vase ou de faune qui jusqu’à présent se trouvait amalgamée à la classe « autre » dans la mesure où elle s’avérait peu représentée ou associée à d’autres classes par ailleurs distinguées (parure, armement, char…). En effet, dans le cadre de cette analyse des correspondances, les différentes classes d’objet ne sont plus exclusives l’une de l’autre, ni même hiérarchisées. Ainsi une sépulture sera maintenant décrite par toutes les classes d’objet qui igurent à son inventaire. Cette méthode permettra en outre d’explorer les associations entre les différentes classes d’objet. D’un point de vue général, les résultats illustrent bien les principales tendances déjà identiiées. Le premier plan factoriel (ig. 4) peut s’expliquer à 237 RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures des environs de Paris. 0,06 variable active variable supplémentaire axe 2 dépôt individus = sépultures autre char enfant parure fibule effectif important axe 1 enfants sans mobilier -0,06 0,08 effecif faible armement adulte adultes sans mobilier sans mobilier -0,06 Fig. 4 - Projection dans le premier plan factoriel de l’analyse des correspondances réalisée sur le tableau des classes d’objet (variables) par sépulture (individus). partir d’une série d’oppositions qui le structurent. Le premier axe (axe 1) oppose principalement les sépultures sans mobilier, à droite du plan, du côté des coordonnées positives et les différentes classes de mobiliers toutes situées à gauche du plan, du côté des coordonnées négatives de l’axe 1. La deuxième opposition évidente distingue les enfants, en haut à droite, du côté des coordonnées positives sur les deux axes, et les adultes situés en bas à gauche, du coté des coordonnées négatives sur les deux axes. La situation de ces différentes variables le long de l’axe 1 traduit bien l’association privilégiée des sépultures sans mobilier et des enfants. Les sépultures d’adulte étant plus volontiers accompagnées de mobilier, elles se trouvent bien du coté gauche du plan. L’axe vertical (axe 2) distingue également les classes d’objets selon leur association mutuelle et leur représentation respective au sein des sépultures d’enfant ou d’adulte. L’armement se trouve de fait isolé puisqu’il s’agit de la seule classe qui ne se trouve jamais dans les sépultures d’enfant. Par ailleurs, cette situation traduit aussi en partie la composition des sépultures à arme. à l’exception notable des ibules qui s’y trouvent systématiquement, elles associent rarement d’autres classes d’objet. Même s’il existe bien des sépultures à arme dotées de parure (4 cas sur 20), de dépôt de vase (2 cas sur 20) ou de char (2 cas sur 20), le plus fréquemment elles se composent seulement des pièces d’armement et de ibules (13 cas sur les 18 sépultures à arme et ibule). Dans ce contexte, les sépultures à char paraissent nettement moins originales, ce qui explique leur position par rapport aux autres classes d’objet. En effet, avec deux cas sur cinq seulement, l’association du char et des pièces d’armement est loin d’être systématique. Parmi le faible corpus des tombes à char, il convient d’insister sur le fait que toutes les 238 classes d’objets peuvent s’y trouver alors qu’elles sont plus rarement associées aux sépultures à arme. Par ailleurs on recense au moins une sépulture d’enfant avec un char. Ces caractéristiques expliquent la situation des sépultures à char relativement à l’axe vertical (axe 2). La position des autres classes de mobilier s’interprète principalement en fonction de leur association privilégiée avec les sépultures d’enfant ou d’adulte. Ainsi on constate que les ibules s’associent plus volontiers aux adultes (70 % des sépultures d’adulte) qu’aux enfants (60 % seulement). Les dépôts de vases ou de faune sont quant à eux nettement associés aux enfants. De fait, plus de la moitié d’entre eux se trouvent dans des sépultures d’enfant et moins d’un quart parmi les adultes. Les parures quant à elles occupent une situation médiane dans la mesure où elles se rencontrent à la fois chez les adultes et les enfants et sont volontiers associées aux autres classes de mobilier. Les différents types de sites apparaissent faiblement discriminés. On constatera cependant que les sites à effectif important se situent du coté des coordonnées positives sur l’axe 1 ce qui traduit à la fois leurs fortes proportions relatives de sépultures d’enfant et de sépultures sans mobilier. à l’opposé, les sites à faible effectif sont attirés par les adultes, l’armement et les chars. ANALySE PAR CATéGORIE D’OBJET Maintenant que les principales tendances du ichier ont été identiiées, il est possible de procéder à une analyse plus détaillée des différentes catégories d’objet présentes dans les sépultures. Le tableau de départ recense de nombreuses catégories RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures des environs de Paris. effet les sépultures de guerrier contiennent le plus souvent un équipement complet composé de l’épée dans son fourreau, du système de suspension, de pièces de bouclier et d’une lance (11 cas sur 20). Cependant tous les cas de igure se présentent : ainsi on peut trouver l’épée seule avec son fourreau et système de suspension (3 cas), l’épée associée à une lance (2 cas), au bouclier (2 cas), ou encore, la lance comme seule pièce d’armement (2 cas). On remarquera que les deux sépultures à char qui contiennent des armes présentent un équipement complet. Par ailleurs il convient de noter que les rares pièces de harnachement se trouvent exclusivement dans l’inventaire des tombes à char, ce qui explique la proximité de ces deux variables. un des caractères saillants de ces résultats réside dans la très forte divergence entre les différentes pièces de parure (torque, bracelet, ceinture et bague). qui étaient auparavant rassemblées dans un petit nombre de classes. Ainsi les ibules sont séparées en deux sous-ensembles : les sépultures dans lesquelles ne igure qu’une seule ibule (catégorie : « 1 ibule ») et les sépultures dans lesquelles plusieurs ibules sont attestées (catégorie : n ibules). Les parures se répartissent en plusieurs catégories : ceinture, bracelet (incluant les brassards), torque et bague. Cette dernière catégorie très peu fréquente (5 occurrences) sera traitée en élément supplémentaire. Parmi les dépôts, on distinguera les céramiques (« vase ») des dépôts animaux (« faune »). Pour l’armement igurent trois catégories : lance, bouclier et épée. Dans la mesure où l’épée se trouve toujours déposée dans son fourreau muni de son système de suspension, ces éléments n’ont pas été comptabilisés en tant que tels. La catégorie « char » regroupe tous types de pièce de char déposés dans la sépulture ; elle se surimpose exactement à la classe « char » de la précédente analyse. une catégorie supplémentaire apparaît et rassemble les pièces de harnachement éventuellement présentes. En règle générale il s’agit de mors déposés par paire. Les nécessaires de toilette qui se trouvaient dans la classe « autre » constituent maintenant une variable autonome appelée « forces/rasoir » puisque ces deux éléments sont systématiquement associés. Enin une catégorie outil peut également être déinie. Ces deux dernières catégories sont cependant trop rares pour pouvoir jouer un rôle actif dans l’analyse ; elles seront donc analysées en tant que variable supplémentaire. On peut se demander si la forte proportion de sépultures sans mobilier ne perturbe pas un peu les résultats pour les autres catégories. une nouvelle analyse qui exclue les sépultures sans mobilier a été réalisée pour lever cette hypothèque. Les résultats sont peu différents (ig. 6) mais se révèlent plus simple à interpréter pour ce qui est des associations des différentes catégories. On retrouve la structuration selon l’âge (enfants à droite, adultes à gauche du plan). L’axe vertical oppose de manière radicale les sépultures à armes aux sépultures contenant des pièces de ceinture habituellement associées aux femmes adultes ce que semble conirmer ici l’analyse, mais ne peut être prouvé faute d’un nombre sufisant de déterminations sexuelles. Les résultats révèlent une structuration assez proche de ce qui a été observé lors de la précédente analyse (ig. 5). Le premier plan factoriel est encore dominé par l’opposition des adultes et des enfants et celles des sépultures sans mobilier et des autres. à ce stade on peut constater que les différentes pièces d’armement se trouvent fortement corrélées. En Les variables qui se trouvent projetées dans la partie droite du plan, du côté des coordonnées positives sur l’axe 1 correspondent à toutes les 0,06 harnachement lance bouclier torque céramique char faune forces/rasoir outil épée axe 2 bracelet 1 fibule fibule enfant effecif faible - 0,08 n fibules variable active axe 1 effectif important 0,06 bague adulte enfants sans mobilier ceinture adultes sans mobilier variable supplémentaire sans mobilier individus = sépultures -0,08 Fig. 5 - Projection dans le premier plan factoriel de l’analyse des correspondances réalisée sur le tableau des catégories d’objet (variables) par sépulture (individus), sur l’ensemble de l’effectif y compris les sépultures sans mobilier. 239 RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures des environs de Paris. bouclier épée lance 0,1 axe 2 harnachement torque char forces/rasoir effecif faible - 0,08 n fibules adulte fibule outil bracelet céramique 1 fibule enfant axe 1 effectif important bague 0,08 faune variable active variable supplémentaire ceinture individus = sépultures -0,15 Fig. 6 - Projection dans le premier plan factoriel de l’analyse des correspondances réalisée sur le tableau des catégories d’objet (variables) par sépulture (individus), après élimination des sépultures sans mobilier. catégories associées de manière privilégiée aux sépultures d’enfant. On trouve ici les dépôts de céramique et de faune, ainsi que les ibules en un seul exemplaire alors qu’elles se trouvent nettement associées aux adultes lorsqu’elles igurent en plusieurs exemplaires dans la tombe. La position des torques peut sembler ambiguë. Il s’agit manifestement d’une catégorie de parure associée aux enfants. Cependant deux cas très spéciiques divergent du schéma général. une des sépultures de Bouqueval contient à la fois un torque, semble-t-il en position fonctionnelle, et des pièces d’armement. Il serait tentant d’y voir, à l’instar de la sépulture de Barbey (rapin 2002), un ensemble de transition appartenant à un adolescent qui n’aurait pas encore abandonné sa parure enfantine et serait déjà doté de son armement. L’autre cas est encore plus original puisqu’il s’agit de la sépulture d’un adulte masculin de Bobigny qui contient du mobilier tout à fait particulier dont un soliferreum, arme d’hast ibère, et un torque en fer au côté droit, en position manifeste de dépôt volontaire. Ces deux ensembles expliquent la position du torque dans le premier plan factoriel entre les enfants et les sépultures à armes. Les bracelets, autre catégorie de parure, semblent obéir à une logique différente. Leur situation proche du centre des axes témoigne du fait qu’ils se trouvent présents dans les différentes catégories de sépultures. On peut les rencontrer avec des enfants ou des adultes, associés ou non à d’autres catégories de mobilier. La position des nécessaires de toilette, composés de forces et rasoir, traditionnellement associés aux adultes masculins semble également signiicative. On en connaît seulement trois exemplaires associés à une tombe à char, une sépulture de guerrier et une sépulture masculine à ibule. 240 Il serait inalement assez tentant d’interpréter l’axe vertical selon une opposition masculin-féminin ce que les données disponibles ne permettent pas encore de conirmer. LE PORT DES PARuRES : L’EXEMPLE DE BOBIGNy Les différentes catégories de parure révèlent à la fois une grande diversité dans la composition des assemblages et une forte corrélation avec l’âge des individus considérés. L’important corpus de Bobigny permet d’examiner sur une base relativement large les modalités de port des parures qui sont souvent interprétées en termes d’appartenance culturelle ou d’origine ethnique. Ici l’unité de l’espace funéraire permet en partie de s’affranchir de cette variable. Seulement trois ceintures métalliques se trouvaient en position fonctionnelle. Elles se composent, soit d’une chaîne à maillons alternés et système de fermeture en fer, soit d’anneaux et d’un crochet en alliage cuivreux. Elles équipent toujours des adultes qui, pour les deux individus déterminés, sont de sexe féminin. Les parures annulaires sont de loin les plus fréquentes. Plusieurs critères peuvent être mobilisés pour l’étude de celles qui ont été retrouvées en position fonctionnelle. La position de la parure sur l’individu permet de distinguer les bracelets situés au niveau du poignet des brassards portés au dessus du coude. On retiendra par ailleurs la matière des parures (alliage cuivreux, fer ou lignite) et leur latéralisation (port à droite ou à gauche). Le tableau ainsi obtenu (tab. I) révèle des règles de port qui paraissent largement observées. Les brassards en alliage cuivreux ou en lignite sont toujours portés RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures des environs de Paris. Brassard Gauche Bracelet Gauche Bracelet Droit Torque Bague Droite Bague Gauche Sexe Age S252 indéterminé adulte indéterminé S224 féminin adulte indéterminé S308 féminin adulte indéterminé S356 indéterminé adulte indéterminé S419 féminin adulte indéterminé S054 féminin adulte indéterminé S237 indéterminé ? S364 S494 S433 S442a S084 S085 S063 S130 S493 S495 S078 S162 S087 S122 S483 .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . . .. ... ..... .. ... ..... .. ... ..... .. ... ... . .... ...... . .... ...... . .... ...... . ... . .. .. .. . .. .. .. . .. .. .. . .. .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . . .. .. .. .. ... .. . .. ... .. . .. ... .. . .. ... ... . .... ...... . .... ...... . .... ...... . ... .. ... ..... .. ... ..... .. ... ..... .. ... ... . .... ...... . .... ...... . .... ....... ... . . . . . . . . . . . . .. ... ..... .. ... ..... .. ... ....... ... ..... .. ... ..... .. ... ..... .. ... ........... ...... . .... ...... . .... ...... . .. ............ .......... ...... ........ ...... ........ ...... .. . ... . .. . ... . .. . ... . .. . . . ... ... ........ ... ... ........ ... ... ........ ... ... .. . ... . .. . ... . .. . ... . .. . . . ... ... ........ ... ... ........ ... ... ........ ... ... .. . ... . .. . ... . .. . ... . .. . . . ... ... ....... ... ... ....... ... ... ....... ... ... .. . ... .... . ... .... . ... .... . . . ... ... ........ ... ... ........ ... ... ........ ... ... .. . ... . .. . ... . .. . ... . .. . . . ... ... ........ ... ... ........ ... ... ........ ... ... .. . ... . .. . ... . .. . ... . .. . . . .. ... ..... .. ... ..... .. ... ...... ... ... ....... ... ... ....... ... ... ....... ... ... . .. . .... .. .. . .... .. .. . .... .. .. . . . ... ... .... . ... ... .... . ... ... .... . ... ... .... . .... ..... . .... ..... . .... ..... . . . ... ... .... . ... ... .... . ... ... .... . ... ... .... . .... ..... . .... ..... . .... ..... . . . .. ... .. . .. ... .. . .. ... .. . .. ... immature féminin adulte indéterminé indéterminé adulte indéterminé indéterminé adulte indéterminé indéterminé immature (5-9) féminin adulte agé indéterminé immature (5-9) indéterminé immature (1-4) indéterminé immature (5-9) indéterminé immature (1-4) indéterminé immature (5-9) indéterminé immature (5-9) indéterminé adulte indéterminé indéterminé immature indéterminé immature (5-9) indéterminé immature (10-14) S250 X2 féminin adulte indéterminé S261 X2 masculin ? adulte indéterminé féminin adulte moyen X2 S065 indéterminé S167 . ... . .. . ... . .. . ... . .. . ... . . . .. . . . .. . . . .. . . ..... ... .... ....... ... .... ....... ... .... ....... ... . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. S484 Lignite Alliage à base cuivre masculin immature adulte moyen-agé .... . .... .... . .... .... . .... .... ..... ... .... ....... ... .... ....... ... .... ....... ... . . . . . . . .. .. .... .. .. .... .. .. .... .. .. Fer tab. I - Tableau des parures annulaires trouvées en position fonctionnelle dans la nécropole de Bobigny “Hôpital Avicenne”. 241 RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures des environs de Paris. au bras gauche par des individus adultes de sexe féminin (3 cas et 2 adultes non sexués). à l’opposé, les bracelets en fer portés au bras droit caractérisent exclusivement les sépultures d’enfants. Par contre, les bracelets en lignite sont portés au bras gauche, le plus souvent par des adultes de sexe féminin, plus rarement par un enfant (2 cas). Les adultes semblent systématiquement porter leur parure annulaire à gauche, y compris les bracelets en fer, portés à droite par les enfants. un seul cas paraît déroger à cette série de règles. Il s’agit d’un enfant qui porte un bracelet en fer au bras gauche. On notera cependant qu’il est associé à un bracelet en lignite qui quant à lui est toujours porté à gauche. Dans le mesure ou le port dissymétrique des parures semble de rigueur dans l’ensemble du Bassin parisien à l’époque (baray 2003), cette anomalie s’explique sans doute par l’association des deux parures. Les torques trouvés en position fonctionnelle sont tous en fer et associés à des enfants. On remarquera par ailleurs que bracelets, brassards ou torque ne sont jamais associés dans une même sépulture. Lorsque plusieurs parures annulaires apparaissent, elles sont de la même catégorie (brassard ou bracelet) mais de matériaux différents. Les bagues en alliage cuivreux ou en fer sont quant à elles portées à gauche ou à droite, de préférence par des adultes des deux sexes, mais peuvent également se trouver sur des enfants. à l’exception des bagues, les parures sont strictement associées à Bobigny à des adultes de sexe féminin (quelques indéterminés) ou à des enfants. D’autre part la nature des parures et les modalités de port différent selon ces deux catégories. Les femmes adultes peuvent être dotées de ceinture métallique en alliage cuivreux ou en fer, de brassard en alliage cuivreux ou en lignite, ou encore, de bracelet en lignite ou en fer. Les enfants arborent des torques en fer et des bracelets en lignite ou en fer. Ils sont les seuls à porter des bracelets au bras droit. Ainsi l’exemple de Bobigny révèle que l’essentiel des différences observées dans les modalités de port de la parure s’explique par la position sociale de l’individu selon le sexe et l’âge. Ces résultats ne signiient pas nécessairement que les interprétations d’ordre culturel de ces modalités de port soient systématiquement à proscrire mais soulignent l’importance des variations à l’intérieur d’une même population pour autant qu’on puisse afirmer que les adultes et les enfants d’une même nécropole appartiennent à la même entité culturelle. 242 Dans les autres ensembles funéraires contemporains de la région, les données sont mal connues faute de renseignements précis ou en raison de la désastreuse conservation des squelettes. Ainsi, à Saint-Maur-des-Fossés, de brèves mentions signalent des sépultures d’adulte qui portent des bracelets en fer, alliage cuivreux ou lignite au bras gauche. Apparemment les enfants y sont dépourvus de parure (Maitre 1888). à Nanterre, deux femmes adultes portent un bracelet au poignet gauche, l’un en fer, l’autre en alliage cuivreux. à Bouqueval enin, une sépulture est dotée de deux bracelets, un en lignite et un en alliage cuivreux, portés à droite. Il s’agit d’un adolescent dont l’âge est estimé aux alentours de 13-15 ans. Au inal les seuls ensembles qui s’écartent nettement des tendances mises en évidence à Bobigny correspondent à de rares sépultures de guerriers ou d’individus supposés masculins associés à des parures annulaires. On peut ici signaler le brassard en fer de la tombe de guerrier de Rungis, le bracelet en alliage cuivreux de la sépulture à char 5002 de Roissy, le brassard en alliage cuivreux de la tombe à char et armes du Plessis-Gassot (sépulture 1004) et enin la paire de brassards en lignite et bronze de l’autre guerrier du site (sépulture 1002). DES OBJETS POuR L’éLITE ? La structuration de la géographie funéraire de la région, marquée par la très nette opposition des compositions et modalités de recrutement de deux grandes catégories de sites, suggère de fortes différences entre les populations qui s’y trouvent représentées. Ainsi, dans les sites caractérisés par un effectif étendu, le recrutement paraît assez peu sélectif : les catégories les plus modestes y igurent en grand nombre et les enfants y sont bien représentés, de sorte que les sépultures les plus favorisées en mobilier (parure, arme...) s’y trouvent marginalisées. Elles représentent une frange relativement étroite de chaque cohorte. Si en l’espèce, cette répartition s’avère plus conforme à l’image que l’on peut projeter de ces sociétés qui ne sauraient se composer uniquement de vigoureux guerriers et de riches élégantes, elle est sufisamment lisible ici pour être soulignée. à l’inverse, dans les sites à faible effectif, se concentre une série de caractéristiques qui distinguent des comportements élitistes. Ceux-ci ne sauraient se surimposer à la seule richesse des sépultures qui constitue un critère potentiel de distinction parmi bien d’autres (duplouy 2006). Ici les élites se reconnaissent essentiellement par la pratique de la tombe à char qui accompagne vraisemblablement un rituel particulièrement fastueux et spectaculaire. Toutefois, il ressort des données analysées que la présence du char ne dénote pas nécessairement une diversité ou une richesse exceptionnelle du mobilier qui s’y trouve associé. Parmi ces quelques sépultures, la composition des assemblages funéraires varie considérablement. Comme on l’a déjà signalé, la composante guerrière n’est pas systématiquement associée au prestige de la tombe à char. Seules deux sépultures, l’une à Roissy et l’autre au Plessis-Gassot, auxquelles il convient sans doute d’associer la tombe à char de Nanterre, contiennent un équipement guerrier RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures des environs de Paris. complet (épée, lance et bouclier). Le reste du mobilier de la tombe, si l’on excepte le char et les pièces de harnachement, demeure relativement modeste : un brassard en alliage cuivreux et un vase au PlessisGassot, deux ibules à Roissy. Il en est de même des deux sépultures de Bouqueval dans lesquelles le char est associé, pour l’une, à une seule ibule et, pour l’autre, à deux ibules et deux bracelets (lignite et alliage cuivreux). Ici, la seule présence du char, signe d’un statut spéciique, semble souvent se sufire à elle-même et épuiser les nécessités de la proclamation de son rang ; seule la composante guerrière s’y ajoute parfois. Dans de rares cas cependant, les objets permettent de pousser davantage la rélexion dans la mesure où des fonctions ou rôles sociaux particuliers transparaissent. Ainsi l’originalité de certains dépôts signale des individus qui semblent se détacher du lot commun. La tombe à char aux bronzes ornés de Roissy appartient vraisemblablement à quelque personnage éminent (leJars 2005), de même que la sépulture de guerrier du Plessis-Gassot (Ginoux 2003). Ces deux ensembles présentent de nombreuses similitudes. Ils s’accompagnent de pièces d’apparat d’une qualité exceptionnelle : le char et la garniture de récipient dans un cas, le bouclier dans l’autre. Par contre ces deux personnages possèdent des parures relativement banales, bracelet en alliage cuivreux dans un cas et paire de brassards en lignite et alliage cuivreux dans l’autre, et sont équipés de simples ibules en fer. Ils sont par ailleurs dotés chacun d’un nécessaire de toilette composé d’une paire de forces et d’un rasoir. Ces accessoires, volontiers associés à la sphère masculine, ne présentent d’autre singularité que leur faible fréquence. Faut-il pour autant y voir l’apanage d’une certaine élite comme leur présence ici le suggère ? Il serait en effet tentant de considérer que ce type de dépôt caractérise une frange particulière de la cohorte des hommes adultes. Cependant on ne peut conclure déinitivement dans la mesure où ces éléments apparaissent aussi dans des ensembles plus modestes comme en témoigne une des sépultures de Bobigny dans laquelle ils se trouvaient bien isolés. La principale originalité de la sépulture du Plessis-Gassot réside dans la présence de deux céramiques étrusques qui ne sont sans doute pas là par hasard. Dans le contexte de l’époque, les rapports des populations celtes avec la Méditerranée ne constituent pas une surprise. Leur implantation en Italie du Nord et leur implication comme mercenaires dans de nombreux conlits ne sont plus à démontrer. La signiication du dépôt de ces céramiques étrangères est plus dificile à établir. Il peut s’agir d’objets personnels du défunt rapportés de ses pérégrinations lointaines. Cependant leur origine et leur association déinitive avec cet individu ne signiient pas nécessairement que les deux ont voyagé de concert. On peut aussi interpréter ces objets exotiques comme des signes de distinction d’une élite qui contrôle les réseaux à longue distance et tient à le manifester jusque dans sa tombe. Comportement lié à la logique du prestige qui trouve de nombreux équivalents en Grèce archaïque où il est de bon ton de posséder quelque pièce rare venue d’Orient, objets qui manifestent clairement l’appartenance à une élite internationale (duplouy 2006). C’est cette piste que nous privilégions par ailleurs pour interpréter une autre sépulture de Bobigny dans laquelle se trouve un soliferreum ibère. En effet si tous les objets de cette sépulture sont originaux, de la ibule au dépôt du torque, ils n’en demeurent pas moins de facture celtique ce qui élimine l’hypothèse d’une inhumation étrangère. On peut dès lors supposer qu’ils manifestent une fonction spéciique et non une simple trajectoire individuelle atypique. Cette hypothèse qui insiste sur le caractère socialisé du dépôt, comme composante d’un discours pour les vivants, se trouve confortée par une seconde tombe hors norme de Bobigny. Ici l’individu est accompagné d’une sorte de sistre et d’un cercle en fer auquel sont suspendus des pendeloques et qu’il serait tentant, dans ce contexte musical, d’interpréter comme un cercle de tension de tambour. Là encore, le dépôt de ces instruments rares permet sans doute de souligner la fonction particulière de l’individu qui s’y trouve associé, d’autant que les sources antiques révèlent le rôle éminent du barde dans la compétition élitiste qui anime l’aristocratie et la déinit. Il va de soi que ces interprétations sociales n’épuisent pas toutes les hypothèses susceptibles de rendre compte de l’originalité lagrante de tel ou tel assemblage funéraire et qu’en la matière aucune preuve déinitive ne saurait s’imposer. Cependant, si on considère que, prises globalement, les modalités de dépôts trahissent effectivement des composantes de l’identité sociale des individus qu’elles caractérisent, ce que tendent à prouver les corrélations observées sur l’ensemble du ichier, il semble que la compréhension des écarts individuels à la norme, c’est-à-dire celle des sépultures originales, a tout intérêt à privilégier en première analyse un tel axe interprétatif. BIBLIoGrapHIE BARAy Luc (2003) - Pratiques funéraires et sociétés de l’âge du Fer dans le Bassin parisien (in du VIIe - troisième quart du IIe s. avant J.-C.), 56e suppl. à Gallia, Paris, CNRS Editions, 454 p. DuPLOuy Alain (2006) - Le prestige des élites. Recherches sur les modes de reconnaissance sociale en Grèce entre le Xe et le Ve siècles avant J.-C., Les Belles Lettres, Paris, 414 p. GINOuX Nathalie (2003) - « L’excellence guerrière et l’ornementation des armes aux IVe et IIIe s. avant J.-C., découvertes récentes ». études Celtiques, XXXV, p. 33-67. 243 RAP - 2009, n° 3/4, Stéphane Marion, Des objets dans les tombes : éléments d’interprétations des assemblages funéraires du IIIe siècle dans les sépultures des environs de Paris. GuADAGNIN Rémi (1984) - « La nécropole celtique de Bouqueval », Bulletin de la Jeunesse Préhistorique et géologique de France, année 1978, n°8, p. 16-65. HUBERT Henry (1902) - « Sépulture à char de Nanterre », L’Anthropologie, XII, p. 66-73. LECONTE Luc (1991) - « Les nécropoles celtiques de SaintMaur-des-Fossés (Val-de-Marne) ». Antiquités Nationales, 22/23, 1990/1991, p. 43-80. LEJARS Thierry (2005) - « Le cimetière celtique de La Fosse Cotheret, à Roissy (Val-d’Oise) et les usages funéraires aristocratiques dans le nord du bassin parisien à l’aube du IIIe siècle avant J.-C. », dans : BUCHSENSCHUTZ Olivier (dir.), BuLARD Alain (dir.) & LEJARS Thierry (dir.). - L’Âge du Fer en Île-de-France, XXVIe colloque de l’Association française pour l’étude de l’âge du Fer, Paris et Saint-Denis, 2002. Thème régional. Tours : FERACF, 2005, p. 73-83 (Supplément à la Revue archéologique du centre de la France ; 26). MAITRE Abel (1888) - « Cimetière gaulois de Saint-MaurLes-Fossés ». Revue Archéologique, tome 55, p. 323-340. MARION Stéphane, LE BECHENNEC yves & LE FORESTIER Cyrille (2008) - « Nécropole et bourgade d’artisans : l’évolution des sites de Bobigny (Seine-SaintDenis), entre La Tène B et La Tène D ». Revue archéologique du Centre de la France, Tome 45-46 , 2006-2007, [En ligne], mis en ligne le 30 mai 2008. uRL : http://racf.revues. org//index654.html. RAPIN André (2002) – « D’un âge à l’autre ». Les Celtes en Ile-de-France. Dossiers d’Archéologie n° 273, mai, p. 15. VIAND Antide (2004) - « un quartier d’habitat groupé de La Tène inale sur une nécropole du IIIe siècle avant notre ère », Bulletin de l’AFEAF, 22, p. 5-8. L’auteur Stéphane MARION, Ingénieur de recherche, SRA, DRAC Lorraine. Associé à l’uMR 8546 du CNRS résumé Cette contribution propose une analyse de la composition des assemblages funéraires des environs de Paris au cours de La Tène B2 et La Tène C1. Bénéiciant d’une base statistique particulièrement étoffée, elle met en évidence de fortes corrélations entre le mobilier déposé et les principales composantes sociales de l’individu que sont le genre, la classe d’âge et inalement le rang. Ces paramètres semblent à eux seuls expliquer une large part de la variabilité constatée des assemblages funéraires. Mots clés : Funéraire, âge du Fer, La Tène B2, La Tène C1, Bassin parisien,Île-de-France, mobilier funéraire, sexe, âge, analyse factorielle, parure, armement, tombe à char. abstract This paper presents an analysis of the composition of funerary deposits in the Paris district during La Tène B2 and La Tène C1.Based on a particularly rich body of statistics, it highlights some close correlations between the grave goods and the main social characteristics of the subject, such as gender, age group and inally, social position. These parameters appear suficient to explain most of the variability observed in the burial combinations. Key words : funerary, Iron Age, La Tène B2, La Tène C1, Bassin parisien, Ile-de-France, burial goods, gender, age, factor analysis, jewels, weapons, chariot burials. Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX. Zusammenfassung Dieser Beitrag schlägt eine Analyse der Zusammenstellung der Grabbeigaben in der Zeit zwischen Latène B2 und Latène C1 in der umgebung von Paris vor. Begünstigt durch eine besonders umfangreiche Statistik zeigt sie sehr deutlich die Zusammenhänge zwischen den Grabbeigaben und den sozialen Eigenschaften des Individuums wie Geschlecht, Altersklasse und schließlich dessen soziale Stellung. Diese Parameter allein scheinen zu genügen, um einen Großteil der bei den Grabbeigaben festgestellten Variabilität zu erklären. Schlüsselwörter : Bestattung, Eisenzeit, Latène B2, Latène C1, Pariser Becken, Ile-de-France, Grabbeigaben, Geschlecht, Alter, Faktorenanalyse, Schmuck, Waffenausstattung, Wagengrab. Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr). 244 RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne. DE L’HaBItat à La sépULtUrE : QUELQUEs aspECts DU DépÔt DE vaIssELLE Dans LEs toMBEs DU ve aU IIIe s. avant J.-C. En CHaMpaGnE Marion SAuREL préLIMInaIrEs L’étude de la céramique des sépultures de la in du premier âge du Fer et des débuts du second est riche d’une longue tradition en Champagne. Les vases de nécropoles ont fait l’objet en particulier d’approches chronologiques et d’études ciblées sur la morphologie des récipients, la recherche ornementale, mais aussi sur leur rôle dans la sépulture (hatt & roualet 1977, Charpy & roualet 1987, Charpy 1991, roualet 1991…). La question du dépôt de vaisselle et des pratiques a été plus précisément abordée dans le cadre de la publication de certaines nécropoles, comme Manre et Aure dans le sud des Ardennes (rozoy 1987). Les nécropoles les mieux documentées ont été reprises dans une première étude synthétique à l’échelle de la zone Aisne-Marne (deMoule 1999). La vaisselle des sépultures y tient une bonne place, non seulement dans une approche typo-chronologique globale précisant les étapes de l’évolution des faciès, mais aussi dans une étude plus complète des pratiques funéraires comme témoins de la structure sociale. Dans une orientation commune, les travaux menés dans la vallée de l’Aisne envisagent la gestuelle sous tous ses aspects, à l’échelle de chaque nécropole, puis de la région (desenne et al. 2007, à paraître). une approche étendue à l’ensemble du Bassin parisien entre le VIIe et le IIe s. avant J.-C. intègre aussi différentes données champenoises (baray 2003). - le choix de pratiquer ou non le dépôt de vaisselle, et l’ampleur de ce dépôt (approche quantitative) ; - la sélection des récipients déposés : tendances et variations. En ce qui concerne la sélection des récipients, l’application d’une méthode similaire à l’étude de la vaisselle d’espaces funéraires et de lieux habités contemporains permet une comparaison directe de plus en plus préconisée quelles que soient les périodes (blaizot 2007). Chaque contexte devient alors source d’informations pour l’interprétation de l’autre. Dans cette approche comparative, deux points seront particulièrement développés qui touchent aux questions de fonctions et d’emplois des vases : d’une part, la question des vases usagés (usures, réparations, restaurations, remplois) et de leur fréquence et d’autre part, celle de la combinaison fonctionnelle des récipients dans les sépultures au regard des rejets d’habitats. LE CorpUs Et LEs BIaIs DE L’InForMatIon uNE CONSERVATION ALéATOIRE Du DéPôT MOBILIER La prise en compte des biais de la documentation liés à l’état de conservation des tombes est un préalable parfois dificile à maîtriser. Entre la sépulture profonde et apparaissant bien préservée exception faite des lacunes liées à la disparition des matériaux périssables et à l’action générale du milieu - et la sépulture presque détruite par arasement, il existe une ininité de stades qui laissent souvent ouverte la question : a-t-on l’intégralité du dépôt funéraire, dans ses composantes et dans sa forme ? Or on ne peut retenir pour cette étude que les tombes donnant une quantité sufisante d’informations sur le dépôt de mobilier. Les fouilles préventives récentes ont fourni un nouveau corpus relativement abondant et couvrant l’ensemble de la séquence du Ve au IIIe s. Les fouilles préventives récentes ont fourni un nouveau corpus relativement abondant et couvrant l’ensemble de la séquence du Ve au IIIe s. Il fait actuellement l’objet d’un projet de recherche intitulé Pratique funéraire et sociétés de l’âge du fer en Champagne-Ardenne (PAS de l’Inrap) coordonné par L. Bonnabel. L’étude proposée ici repose sur une partie de ce corpus qui, une fois pris en compte les biais de l’information liée en particulier à l’état de préservation des dépôts, permet de donner des éléments statistiques à comparer avec les valeurs issues des travaux de synthèse antérieurs. Sur le corpus total des fouilles récentes, 16 zones funéraires ont été retenues (bonnabel et al., dans ce volume et ig. 1), soit en tout 330 sépultures dont 328 inhumations et 2 probables incinérations (Tab. I). Dans la présente contribution, on se concentre en particulier sur les étapes initiales liées à l’acte du dépôt céramique : Les tombes très mal conservées, environ 90, représentent plus du quart de l’ensemble du corpus, avec plusieurs cas de igure. La plupart De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne. 245 RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne. ne Ais Funéraire, fouilles préventives récentes ARDENNES Caurel Witry-lès-Reims Ves le Vrigny Val-de-Vesle Les Petites Loges Champfleury Bussy-le-Château Marne Saint-Etienne-au-Temple Auve Saint-Memmie Sarry MARNE Habitat, fouilles préventives récentes Dommartin-Lettrée Plichancourt Perthes 0 Auve “Le Chemin de La Terrière” (L. Bonnabel, 2001) Bussy-le-Château “Bout des Forces” (C. Moreau, 2001-2002) Caurel “Le Puisard” (B. Robert 1997 ; L. Bonnabel, 2001) Champfleury “A Mi Champ” (L. Bonnabel, 2003 ; S. Culot, 2005) Dommartin-Lettrée “Les Coupes” (C. Paresys, 2001) Perthes “Les Essarts” (D. Lallemand, 1999) Plichancourt “Les Monts” (A. Koehler, 1999) Saint-Etienne-au-Temple “Le Champ Henry” (C. Paresys, 2000) Saint-Memmie “Rue du Pont Alips” (N. Achard-Corompt, 2003) LGV Sarry “Les Auges” (L. Bonnabel, 2003) Val-de-Vesle “Les Moncheux” (L. Bonnabel, 2001-2002) Vrigny “Les Robogniers” (L. Bonnabel, 2002) Witry-lès-Reims “Le Village, La Comelle” (B. Robert, 1997 ; S. Oudry, 2005) 50 km Caurel “Le Puisard” (S. Lenda, 2005) Les Petites Loges “Le Mont de Billy Remembré” (S. Lenda, 2001) Les Petites Loges “La Grande Lèvre Remembrée” (A. Mondoloni, 2001) Fig. 1 - Localisation et présentation des occupations mentionnées du Ve au IIIe s. av. J.-C. en Champagne. Conservation évaluée Commune Lieu-dit Année de l’opération Nombre de sépultures Bon état Arasée Détruite Sépultures retenues pour étude mobilier Pillée Les sépultures avec céramique Prises en compte Les récipients Non prises en compte Pris en compte Non pris en compte Plichancourt Les Monts 1999 18 6 6 2 10 2 0 3 1 Saint-Etienne au-Temple Le Champ Henry 2000 28 8 5 8 18 2 1 3 1 Val de Vesle Moncheux 2001_2002 83 4 23 53 45 43 12 109 12 Saint-Memmie Rue du Pont Alips 2003 3 1 2 _ 1 1 1 6 4 Sarry Les Auges 2003 71 11 20 1 44 37 7 95 9 Vrigny Les Robogniers 2002 13 1 2 _ 11 11 2 44 3 Champfleury A Mi Champ 2003 9 1 6 1 8 8 0 25 0 Champfleury A Mi Champ 2005 10 5 3 _ 7 7 1 15 1 Witry-lès-Reims Le Village, La Comelle 2005 22 4 3 2 14 11 1 37 4 Witry-lès-Reims Le Village, La Comelle 1997 28 9 9 3 19 17 3 50 6 Caurel Le Puisard 1997 3 0 3 _ 3 3 1 11 1 Caurel Le Puisard 2001 11 2 3 3 9 9 0 22 0 Auve Le Chemin de la Terrière 2001 11 0 3 3 7 7 1 17 4 Dommartin Lettrée Les Coupes 2001 14 8 2 _ 13 0 0 0 0 Perthes Les Essarts 1999 5 1 1 _ 5 0 0 0 0 Bussy le Chateau Bout des Forces 2001 1 1 0 1 1 0 3 0 330 62 91 215 159 30 440 46 Total 76 tab. I - Présentation des effectifs retenus : le bilan sur la conservation des sépultures a été dressé à partir des relevés et observations de terrains et les nombres sont indicatifs car l’interprétation reste souvent complexe. d’entre elles sont presque détruites par arasement et donc, souvent perturbées par les labours. Certaines peuvent toutefois être prises en compte : dans les cas où il y a eu écrasement du mobilier en place (notamment en raison de l’effondrement d’un plafond) et tassement du comblement, les informations principales sont préservées sur une dizaine de centimètres d’épaisseur. quelques autres sépultures sont partiellement détruites par une structure plus récente : tranchée de la guerre 14-18, fossé de parcellaire d’époque romaine. 246 D’autres tombes sont en bon état de conservation, mais très perturbées, trop pour que l’on puisse reconstituer le mobilier d’origine. Ainsi dans les cas d’inhumations multiples, l’attribution des mobiliers, en particulier les dépôts de vaisselle, à l’une ou l’autre de ces inhumations, n’est pas toujours possible. Les sépultures les plus anciennes ont souvent été perturbées par les plus récentes. Autre question dificile à résoudre, celle des tombes pillées, très nombreuses sur certains sites. RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne. à Val de Vesle "Moncheux", une cinquantaine de sépultures, soit une grande majorité, montrent les stigmates du passage des pilleurs (bonnabel et al., 2009). En général, le pillage ne touche qu’une partie de la sépulture, et concerne surtout les parures métalliques. Le dépôt de vaisselle apparaît conservé dans une mesure toutefois dificile à évaluer. quelques tombes sont vides (pillages anciens ou fosses non utilisées ?). Les perturbations peuvent aussi avoir d’autres origines. Les animaux fouisseurs, parfois les racines des arbres, ont ainsi contribué à rendre la lecture plus complexe, sans pour autant détruire les composantes du dépôt funéraire… On peut signaler aussi le cas de la sépulture 110 de Vrigny "Les Robogniers", rare, mais notable (bonnabel et al., 2009). Les vases ont été pulvérisés par un obus dont un éclat a été retrouvé dans le remplissage du vase 2. Les trois récipients ont été découverts en place et quasiment « en forme », mais extrêmement morcelés. D’autres tombes encore apparaissent perturbées sans que l’on puisse clairement identiier la cause et mesurer l’ampleur des modiications. quant à l’action de l’environnement et du temps, elle est la moins mesurable de toutes. La disparition des dépôts et des aménagements en matériaux périssables, ainsi que des éléments de surface nous fait perdre irréversiblement un grand nombre d’informations. Au inal, après élimination des tombes inexploitables pour l’étude du mobilier, 215 ont été retenues, soit les deux-tiers du corpus initial. Parmi elles, seules une soixantaine de sépultures sont dans un bon état de préservation (Tab. I). L’ESPACE ET LE TEMPS Les occupations retenues se répartissent entre le Hallstatt D, en particulier le Hallstatt D2-D3 et La Tène C1, La Tène C2 n’étant pas représentée avec certitude - datation fondée sur l’étude combinée de la céramique et du mobilier métallique, avec la collaboration de C. Moreau - (Tab. II). Elles couvrent donc environ trois siècles et demi. Ain de mettre en valeur les grands mouvements de l’évolution des pratiques concernant le dépôt de vaisselle, le choix s’est porté sur un regroupement des ensembles funéraires par grandes étapes. Ainsi, deux cimetières Datation proposée des occupations (céramique, métal...) Commune Lieu-dit Année Ha D1-D2 Plichancourt L     1999 Saint-Etienne au-Temple Le Champ Henry 2000 Val de Vesle Moncheux Saint-Memmie Rue du Pont Alips 2003 Sarry Les Auges 2003 Vrigny Les Robogniers 2002 Champfleury A Mi Champ 2003 Champfleury A Mi Champ 2005 Witry-lès-Reims Le Village, La Comelle 2005 Witry-lès-Reims Le Village, La Comelle 1997 Caurel Le Puisard 1997 Caurel Le Puisard 2001 Auve Le Chemin de la Terrière 2001 Dommartin Lettrée Les Coupes 2001 Perthes Les Essarts 1999 Bussy le Chateau Bout des Forces 2001 Ha D3 LT A1 LT A2 LT B1 LT B2 LT C1 2001_2002 tab. II - Proposition de datation des occupations funéraires. 247 RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne. illustreront la phase inale du Hallstatt qui, bien que « hors sujet », a été retenue pour servir de point de comparaison. Trois ensembles, dont deux vastes nécropoles, documentent plus particulièrement La Tène A, avec quelques éléments plus précoces ou plus tardifs. une série importante de groupes de sépultures, que l’on pourrait parfois associer (proximité spatiale, mais sans continuité sûre), couvrent pour l’essentiel une phase avancée de La Tène A et les débuts de La Tène B, avec là encore quelques sépultures sans doute juste antérieures, ou postérieures. Pour inir, des petits cimetières illustrent la toute in de La Tène B et le début de La Tène C. Seul le cimetière d’Auve se distingue et il sera donc isolé, d’autant qu’il présente 9 tombes très arasées sur 11 sépultures au total. Ces quelques sépultures témoignent d’une occupation longue, du cœur de La Tène A jusqu’à La Tène B2-C1. Occupation majoritaire Hallstat D 28 sépultures dont 4 avec céramique 25 20 15 10 5 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 Récipients Occupation majoritaire La Tène A 90 sépultures dont 81 avec céramique 25 20 15 10 Si le corpus semble couvrir de façon équilibrée les différents temps de l’évolution du Ve au IIIe s. avant J.-C., il existe un certain déséquilibre géographique. Ainsi, l’étape inale est documentée par des ensembles qui, hormis la tombe de Bussy-le-Château, se situent dans la partie méridionale de la zone Aisne-Marne, voire en limite, plus proche de régions où le dépôt de céramique est rare durant toute la période. 5 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 Récipients Occupation majoritaire La Tène A2-B1 65 sépultures dont 62 avec céramique 25 20 LE GEstE DU DépÔt, UnE approCHE QUantItatIvE 15 10 DE GRANDES TENDANCES 5 à la in du premier âge du Fer, le fait de déposer de la vaisselle est un geste rare qui ne concerne que 10-15 % des sépultures dans les deux cimetières étudiés (tab. III, ig. 2). Cette représentation s’accorde avec les proportions observées à Heiltz-l’Evêque "Charvais" (11 %) ou à Chouilly "Les Jogasses" (13 % ; deMoule 1999, p. 124). Il ne semble pas y avoir une évolution sensible au cours du Hallstatt D, les quelques tombes concernées appartiennent apparemment à des étapes distinctes, parfois précoces, mais une analyse plus ine reste à faire. Il est intéressant de constater qu’un certain nombre de sépultures dérogent à ce qui apparaît comme un choix rituel prédominant - l’absence de céramique - au cours de cette période. Ces dépôts de la in du premier âge du Fer ne dépassent que rarement un, voire deux récipients. Sépultures avec céramique (%) H 0 1 2 3 4 5 6 7 8 Récipients Occupation majoritaire La Tène B2-C1 19 sépultures dont 1 avec céramique 20 15 10 5 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 Récipients Fig. 2 - Evolution quantitative de la pratique du dépôt de céramique au cours des grandes étapes chronologiques : le nombre de récipients par sépulture. Nombre de récipients (%) 1 2 4 3 6 5 8 7 4 50,0 50,0 - - - - - - La Tène A1-A2 90,0 28,4 28,4 21,0 9,9 6,2 3,7 1,2 1,2 La Tène A2-B1 95,4 12,9 22,6 33,9 14,5 6,5 4,8 4,8 - La Tène B2-C1 5,3 - - 100,0 - - - - - tab. III - Le nombre de récipients par sépultures 248 0 RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne. Dans la synthèse réalisée à l’échelle du Bassin parisien, les pourcentages de tombes avec céramique calculés pour la Champagne et les Ardennes au premier âge du Fer apparaissent plus élevés (baray 2003, p. 264). Faute de présentation du corpus à l’origine de ces chiffres, on ne peut interpréter cette discordance (questions d’échantillonnage ? de divergences dans les attributions chronologiques ?…). Pour La Tène A, les chiffres concordent et l’on observe de façon générale un passage à plus de 9 tombes sur 10 pourvues de céramique. La proportion s’inverse donc à La Tène A-B1 et le geste du dépôt devient un acte quasi systématique. La dissociation des ensembles en deux grandes étapes met en valeur une évolution au cours du temps. Si encore 10 % des sépultures sont dépourvues de vaisselle à La Tène A, vers le passage de La Tène A à La Tène B, cette proportion tombe à moins de 5 %. Ces valeurs diffèrent de celles obtenues par H. Lorenz à partir de statistiques faites sur 1031 sépultures de La Tène ancienne en Champagne (lorenz 1978, p. 78-80). Selon ce calcul, environ un quart des tombes seraient dépourvues de céramique (soit 251). Cette différence peut s’expliquer en particulier par une approche plus générale de H. Lorenz fondée sur des corpus documentés couvrant sans doute une séquence de la in du Hallstatt à La Tène B2. L’évolution illustrée à partir du corpus des fouilles récentes recoupe presque exactement les observations de J.-G. Rozoy à Manre et Aure (rozoy 1987, p. 142-143). Plus encore, la lecture de l’évolution au sein de ces deux grandes nécropoles, d’occupation continue sur le long terme, procure une vision plus nuancée, moins hachée. L’auteur observe l’austérité volontaire des sépultures de la in du premier âge du Fer, rarement pourvues de céramique, et, le cas échéant, d’un unique récipient (période 1). Le passage à La Tène voit la généralisation assez rapide du dépôt de récipient, avec toutefois encore un pourcentage non négligeable de tombes qui en sont dépourvues et des dépôts toujours réduits en quantité (1 ou 2 vases). De La Tène A récente au milieu de La Tène B2 (périodes 3 à 5), la pratique du dépôt est générale et les tombes sans céramique sont, en grande majorité, signalées comme « prêtant à critique » car il s’agit pour l’essentiel de sépultures adventices d’inhumations antérieures. Seules deux sépultures sur un total de près de cent tombes apparaissent bien dépourvues de dépôt céramique. La seule incertitude, non négligeable, réside dans les tombes non datées. Sur ces occupations, on assiste au cours de La Tène A à un basculement de la prédominance des tombes à un récipient à des tombes à deux récipients, avec un accroissement du nombre de tombes à plus de 2 récipients. De même, dans notre corpus, si vers les débuts de La Tène, les dépôts de un ou deux récipients (à peu près équivalents en nombre) constituent plus de la majorité des dépôts (57 %), plus tard, ils ne représentent plus qu’environ un tiers de la totalité (35 %). Les dépôts sont alors quantitativement plus importants. Le dépôt de 3 récipients se rencontre beaucoup plus souvent et celui de 4 vases reste assez rare quoiqu’en légère augmentation par rapport aux phases précédentes. La part importante des tombes à 3 récipients ne se retrouve pas à Manre et Aure où les dépôts binaires dominent et l’on peut ainsi mettre en valeur les variations locales des pratiques au sein d’une grande tendance (rozoy 1987, p. 142143). L’augmentation du nombre moyen de vases est à mettre en rapport avec une place accrue dévolue au dépôt « alimentaire » signalée aussi par la complexité croissante des dépôts de faune, observée par Ginette Auxiette tant à Bucy-le-Long (Aisne) que sur les nécropoles régionales (desenne et al. à paraître). à l’intérieur de cette évolution globale, la luctuation assez importante du nombre de vases permet de proposer une discussion sur la relation entre nombres de récipients, niveau d’aisance et statut social du défunt. LE NOMBRE DE VASES : uN CRITèRE DE DISTINCTION SOCIALE Dans le corpus retenu, la rareté des dépôts de 4 vases et plus introduit une sorte de limite qui indique qu’au-delà, le geste est plus exceptionnel donc plus souligné, en lien probable avec la mise en valeur d’un statut particulier de l’inhumé. à Manre et Aure, la rupture se fait dès les deux récipients, mais l’auteur note que le « système des 4 vases » (grand vase, assiette-couvercle, gobelet-puisoir et situle) a connu une croissance nette dans des tombes à enclos et souvent à épée ou à grand coutelas et a duré près de 150 ans, en se limitant à un groupe social assez restreint (rozoy 1987, p. 142-143). Il est d’ailleurs à noter, dans notre corpus comme ailleurs, que les tombes à char rentrent en général dans la catégorie des tombes à plus de 4 récipients. L’étude critique de la documentation des fouilles anciennes permet à S. Verger de dresser un bilan sur le dépôt céramique dans les sépultures à char (VerGer 1994, p. 464-465). La pratique du dépôt suit les grandes tendances régionales et chronologiques illustrées par les autres sépultures, allant jusqu’à des tombes sans vase au début de La Tène A et à la in de La Tène B et dans la zone méridionale, mais le nombre de récipients est en moyenne élevé. Si quelques sépultures ont donné environ 3 à 5 vases, « dans la majorité des cas (15), on en compte entre 6 et 12 », voire 15 ou plus dans deux sépultures d’exception. quelques fouilles récentes de sépultures à char, assez bien préservées, ont livré 6 ou 7 récipients, par exemple dans la nécropole de Caurel "Le Puisard" (bonnabel et al., en cours), ou dans celle de Plichancourt "Les Monts" (koehler et al., en cours). Il s’agit de dépôts relativement riches 249 RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne. au regard de la moyenne générale, ou modestes si on les compare avec les 14 ou 15 vases de la luxueuse tombe à char de Semide (laMbot & VerGer 1995). DE L’HaBItatIon à La sépULtUrE : La séLECtIon DEs rECIpIEnts LE DéPôT DE VASES uSAGéS un élément de discussion supplémentaire porte sur le genre des inhumés. Si des sépultures de femmes igurent parmi les tombes à 4 récipients ou plus, elles y apparaissent moins représentées que celles des hommes, et cela demandera une approche plus précise à développer par la suite, incluant aussi la question des sépultures d’enfants se distinguant en majorité par un plus petit nombre de récipients. DE LA PRATIquE Du DéPôT Au CHOIX DES CéRAMIquES Si le choix de pratiquer ou non le dépôt céramique suit des grands mouvements d’évolution, le nombre de vases à La Tène A-B1, alors que le dépôt de céramique est une pratique généralisée dans la région, apparaît nettement corrélé à la richesse de la sépulture et au statut du défunt. Cela répond en partie à l’une des questions posées à propos des dépôts céramiques dans le cadre de la publication de la nécropole de La Madelaine : « Le nombre de céramiques déposées est-il le relet de la situation économique du défunt ou simplement l’expression de rites spéciiques à un groupe de la société à une époque donnée ? » (Metzler-zens & Méniel 1999, p. 388). une réponse économique peut être validée (richesse du défunt et/ou de son groupe familial, avec par exemple le dépôt exceptionnel d’un récipient métallique), n’excluant pas l’importance des spéciicités locales et/ou ethniques. D’autres questions-hypothèses de cette publication pourraient être reprises - « Quelle peut être la signiication de récipients en terre cuite dans une tombe ? », « Est-ce moins le récipient que le contenu qui doit être considéré comme dépôt funéraire ? », « ou le récipient symbolise-til le contenu ? » - de même que les interrogations sur le rôle de la vaisselle : permettre au défunt de participer au banquet funèbre ou lui servir, avec le contenu, de viatique dans l’au-delà ?… Le rituel de l’incinération à la in de la Tène permet par ailleurs plus aisément le retour en amont, au déroulement de la cérémonie funèbre, aux gestes et aux choix qui l’accompagnent. Dans le cas de l’inhumation, on a une impression - trompeuse sans doute, mais dans quelle mesure ? - d’un passage direct de l’habitation à la sépulture. Par contre, l’état de conservation plus favorable des récipients, non passés sur le bûcher (ce qui n’est toutefois pas systématique dans les crémations), permet une analyse plus approfondie des traces d’usage et une comparaison directe de la vaisselle des sépultures et des habitats. 250 petit bilan commenté des observations sur le sujet Depuis longtemps, le sujet des traces d’usage sur les récipients a prêté à discussions. Ainsi, P. Roualet, lors du colloque d’Hautvillers, en 1987, en réponse à une interrogation de P.-R. Giot, refuse de généraliser, arguant de la dificulté de détecter les traces d’usure (d’autant plus, pourrait-on ajouter, quand il s’agit de mobilier de musées ayant vécu depuis leur sortie de terre). Il signale les cas de dépôts de vases réparés, parfois à l’aide d’une « espèce de résine », retaillés ou endommagés par le feu (neiss, patrolin & Charpy dir. 1991, p. 93-94). Ces signes d’utilisation, les plus nets, sont repris plus récemment, précisés et illustrés (Charpy 2007, p. 87-89). Si les cas de réparation et de remploi sont en effet bien documentés, les cas d’utilisation au feu domestique sont plus complexes à argumenter. D’autres interprétations pourraient parfois être envisagées comme une cuisson initiale ratée, ou un accident domestique. Dans les exemples où seul l’éclatement de la paroi de la panse sert d’argument, on pourrait aussi proposer un lien de cause à effet entre éclatement et qualité de fabrication du vase (rozoy 1987, p. 131) et/ou contexte sédimentaire, voire des dégradations lors de l’usage courant des récipients, manipulations et autres. Ainsi, dans la nécropole de Vrigny "Les Robogniers", le sable acide a dissous les os, et entraîné une altération plus ou moins marqué de la surface des vases. De ins enlèvements, nombreux sur certains récipients, peuvent être attribués à l’action du milieu d’enfouissement. Dans la tombe 108, les éclats supericiels de la surface externe d’un gobelet ont été retrouvés dans le remplissage du grand vase caréné dans lequel il se trouvait, démontrant qu’il s’agissait bien là d’un phénomène taphonomique (ig. 8). L’observation de la vaisselle d’habitat permet de supposer que, l’exposition au feu quand elle en arrive à éclater la surface du vase, est en général assez violente (même localisée) pour avoir entraîné d’autres types d’altérations, colorations et déformations. L’expérimentation reste à faire. J.-G. Rozoy mentionne aussi des réparations et note les cas de vases lacunaires ou fragments plus réduits volontairement déposés (rozoy 1987, p. 143145). Au sein du corpus récent, nous n’avons que rarement pu émettre cette hypothèse, sauf pour la in du premier âge du Fer où certains fragments apparaissent assez signiicatifs et leur localisation, choisie. Rien d’aussi clair n’est apparu en tout cas, que la « collection de tessons remarquables, décorés » observée dans la tombe 36 de Manre. Si L’argument concernant l’état peu roulé des fragments est peu RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne. recevable car l’analyse de nombreux ensembles d’habitat a montré que les tessons enfouis dans les structures, provenant sans doute en partie de tas de déblais, ne sont pas toujours roulés. Seuls les tessons restés très longtemps en surface, et souvent piégés dans les comblements supérieurs, sont fortement érodés. Par ailleurs, dans certaines nécropoles, comme celle de Val-de-Vesle implantée à l’emplacement d’un habitat plus ancien, la présence de tessons intrusifs antérieurs est manifeste. En outre, des éléments en provenance des habitats contemporains ne sont pas exclus. Pour tenter une discrimination entre dépôt volontaire de fragments de vases et intrusions dans les terres de comblement ou fragmentation post-inhumation, il conviendra donc de reprendre plus en détail le corpus des sépultures bien préservées. Le dépôt de vases usés : un phénomène généralisé Le milieu en majorité calcaire de la plaine champenoise, rarement agressif pour l’épiderme des vases, permet une bonne lecture, une mise en valeur des traces découlant d’actions mécaniques et thermiques observées ailleurs (desenne et al. 2002, p. 319). Les premières se signalent en particulier par des surfaces abrasées ou inement rayées (ig. 3). Parfois, l’usure apparaît combinée à de petits enlèvements de matière dont l’état traduit l’ancienneté. Ces traces se localisent de préférence en certains points. Ainsi la paroi interne des récipients présente souvent un toucher très « lisse » par rapport à la paroi externe. L’usure concerne alors surtout l’intérieur de la panse, sous l’épaulement, et s’accentue en allant vers le fond, faisant parfois ressortir les inclusions (chamotte et autre…). C’est une usure liée au contenu, et à l’utilisation d’ustensiles pour mélanger ou préparer. Au contraire des stigmates très apparents, les signes d’usure supericielle par frottement, ou petits chocs, les plus courants, ont été en général négligés par les chercheurs jusqu’à une période récente. Depuis une dizaine d’années, en particulier grâce aux travaux des équipes de la vallée de l’Oise et de l’Aisne, ces traces font l’objet d’une attention accrue (Malrain, pinard & Gaudefroy 2002). Dans la nécropole de Bucy-le-Long, les auteurs signalent que les récipients portent « les stigmates d’une utilisation régulière sous forme de traces d’usure, de réparation, et, dans de rares cas, de corrosion ou de dépôts » (desenne et al. 2007, p. 160). Champfleury 2003, sép. 1, vase 14 La surface de pose et ses abords sont également souvent usés, avec parfois de petits éclats surtout liés aux chocs lors du contact avec un support rigide. Les fonds annulaires sont souvent victimes de ces chocs et parfois, ils ont été repris, retaillés et la fracture, régularisée, pour retrouver la stabilité et un aspect moins abîmé. C’est notamment le cas pour les gobelets, très manipulés. Vrigny, sép. 109, vase 1 Vrigny, sép. 109, vase 2 Usure de la surface de pose Witry-lès-Reims, sép. 111, vase 3 Val-de-Vesle, sép. 135, vase 2 Usure de l'épaulement Witry-lès-Reims, sép. 108, vase 2 Usure interne Usure du bord Fig. 3 - Les signes d’usures mécaniques, par abrasion et petits chocs (clichés : M. saurel, Inrap). 251 RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne. Commune Lieu-dit Signes d’usure par Restauration Total Réparations abrasion, ou petits avec matériau récipients (perforations) chocs résineux Remploi de fond de vase retaillé Etat général de conservation des céramiques Val de Vesle Moncheux 121 74 2 2 3 Bonne conservation Sarry Les Auges 104 _ _ 1 _ En majorité, très altérées (érosion des sépultures) Saint-Memmie Rue du Pont Alips 10 8 0 0 0 Bonne conservation Vrigny Les Robogniers 47 31 0 1 0 Paroi des céramiques attaquée par le substratum Champfleury A Mi Champ, 2003-2005 41 33 3 0 0 Bonne conservation Witry-lès-Reims Le Village, La Comelle, 2005 41 33 1 0 0 Bonne conservation Auve Le Chemin de la Terrière 17 _ _ 1 _ En majorité, très altérées (érosion des sépultures) 381 179 6 5 3 Total tab. Iv - Les signes d’usage sur les récipients. La paroi externe juste sous l’épaulement ou l’épaulement lui-même sont aussi régulièrement marqués par cette usure supericielle découlant sans doute de l’empilage et de la préhension. Au niveau de la lèvre, l’usure entraîne assez souvent l’apparition de la couche plus claire sousjacente sous l’épiderme du vase (à moins qu’un phénomène lié à la cuisson soit plutôt en cause ?). Le bord, fragile, est souvent marqué par de petits éclats anciens, voire des lacunes, dus sans doute à divers types de chocs. un manque trop important entraînait parfois une reprise du bord et une régularisation de la fracture. En ce qui concerne les stigmates liés à l’action thermique, ils sont beaucoup plus dificiles à mettre en évidence et il est malaisé de discriminer les traces liées à la fabrication et celles liées à une utilisation culinaire. Elles se présentent en particulier comme des plages oxydées en surface externe de la panse, vers la base, et concernent surtout des formes fermées. Dans tous les corpus où l’état de la céramique permettait des observations systématiques, entre 60 et 80 % des récipients portaient des traces d’usure par actions mécaniques plus ou moins marquées (tab. IV). Pour les autres récipients, les observations n’ont pas toujours pu être faites ou les traces étaient moins marquées, voire incertaines. réparations, restaurations et remplois Les cas de réparations, pour des fêlures ou des fractures, sont ponctuels, plus ou moins présents selon les espaces funéraires (tab. IV, ig. 4). Ainsi, plusieurs cas sont attestés dans les deux nécropoles de Champleury, alors qu’ils n’apparaissent que rarement par ailleurs. Il en est de même pour les restaurations à l’aide d’un matériau résineux (ig. 4 ; 8). Il s’agit d’une pratique assez répandue que l’on observe aussi bien dans la vallée de la Vesle que dans la 252 vallée de la Marne ou encore, plus à l’est, dans le secteur de Auve. Ces restaurations, déjà signalées par P. Roualet et J.-J. Charpy (Charpy 2007, p. 87-89), prennent plusieurs formes : rebouchage d’une lacune, au niveau de la partie supérieure ou du fond par exemple, remplacement d’un pied disparu, ou encore rebouchage d’un éclat. Le matériau résineux, malléable à une température très basse, puis durcissant lors du refroidissement se prête bien à un tel emploi. La coloration sombre et brillante s’accorde avec la tonalité brun à noir de la grande majorité des récipients et leur aspect lustré. Enin, l’aspect fonctionnel n’est sans doute pas négligeable et la restauration à la résine devait permettre de prolonger la durée de vie des récipients (imperméabilité). Dans le cas du vase de Auve, la restauration est esthétique : un éclat paraît avoir été régularisé avant d’être bouché (ig. 4). C’est un même type de matériau qui était sans doute utilisé pour le collage des fragments réparés et le bouchage des perforations où passaient les liens. quelques traces sont parfois conservées. Elles apparaissent toutefois rares. Il n’y a pas souvent de résidu bien apparent associé aux trous de réparation et aux fractures anciennes. Outres les vases retaillés au niveau du pied et du bord, quelques cas de réemplois de fragments de vases peuvent être signalés ici ou là, piédestal repris en coupelle ou fond de vase de stockage employé comme couvercle. Relet du vaisselier domestique ou sélection préférentielle de « vieux » objets ? Le vaisselier contenait-il une grande part d’objets usés ? C’est sans doute le cas si l’on en juge par les rejets des habitats. Toutefois, le fait même que l’on ne connaisse des occupants que ce qu’ils ont rejeté comme inutilisable fausse l’image. Tout indique toutefois, que les vases brisés étaient souvent déjà usés et que le vaisselier contenait en règle générale beaucoup de récipients dans un état d’usure plus ou moins prononcé. Cela nous conduit bien sûr à la question : quelle durée d’emploi faut-il pour de RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne. Witry-lès-Reims, sép. 111, vase 2 Val-de-Vesle, sép. 123, vase 5 Vrigny, sép. 102, vase 1 Auve, sép. 103, vase 10 Fig. 4 - Les cas de réparations et de restaurations avec une matière résineuse (clichés : M. saurel, Inrap). telles traces ? Cela reste une inconnue faute d’une expérimentation sur le long terme. Les vases n’étant pas en moyenne d’une cuisson très poussée (dureté moyenne de la pâte), on peut supposer qu’un temps relativement court sufisait à l’apparition des premières traces. En comparaison avec les objets de parure ou l’équipement vestimentaire, il est peu probable que les récipients soient déposés comme des objets personnels, familiers et que l’on sélectionne volontairement pour cette raison un vieil objet. y-a-t-il un souci d’économie, de minimiser le coût des funérailles ? Selon A. Testart, les enquêtes anthropologiques montrent toutes que « tout dépôt funéraire est une perte pour les vivants », du point de vue de l’héritage (testart 2004, p. 305-306). Il invite à ne pas sous-estimer la dimension économique des pratiques funéraires. La tombe 384 de Sarry peut apparaître révélatrice d’une volonté de créer une certaine illusion (ig. 8). Le vase assez remarquable, couvert de décors, est posé sur un boudin de matière résineuse qui remplace le pied, cassé. Il y a à la fois le souhait de déposer un vase qui fasse de l’effet dans la mise en scène de la tombe, mais un vase déjà bien altéré (le bord semble éclaté et la base l’est) et fortement restauré, en fait une moindre perte pour les vivants. Toutefois, il reste impossible d’assurer que l’on utilisait de préférence les vases les plus usagés. APPROCHE FONCTIONNELLE DE LA SéLECTION DES VASES à long terme, les combinaisons de récipients feront l’objet d’une approche plus ine. Les principaux groupes de récipients communs ou plus rafinés sont illustrés ici de façon globale pour mettre en valeur de grandes tendances (ig. 5). 253 RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne. Pots : cuire, stocker en petite quantité Jates : cuire, préparer... COMMUNE RUGUEUSE : PREPARATION CULINAIRE Coupelles, bols : puiser, consommer Plats : préparer, présenter... Ecuelles : présenter, consommer, couvrir.. Coupes tronconiques : présenter, couvrir... Coupes profondes : présenter... Vases profonds fermés ou ouverts : stocker, mélanger, présenter... Gobelets : puiser, verser, boire.. COMMUNE OU FINE LISSEE : PRESENTATION, CONSOMMATION... 0 5 cm Fig. 5 - Proposition de classement de la vaisselle de La Tène A-B en Champagne - dans les habitats et les zones funéraires et hors le stockage en grand volume - (dessins : C. perrier, M. saurel, I. turé, Inrap). 254 RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne. Les petits récipients de la in du premier âge du Fer La part très réduite de vaisselle culinaire Les différents ensembles fouillés en Champagne pour la in du premier âge du Fer montrent que non seulement les récipients sont rares et peu nombreux par dépôt, mais que de plus, ils sont de taille réduite, comme c’est le cas à Saint-étienne-au-Temple (ig. 6 ; paresys, Moreau & saurel 2009). Le dépôt céramique tient une place minimale dans la sépulture. Ces récipients sont le plus souvent de petits vases fermés ou, plus encore, comme à Chouilly "Les Jogasses", de petites formes basses, coupelles, bols, petites coupes, voire des puisoirs, sortes de grosses cuillères en terre cuite caractéristiques de cette période, dont l’élément de préhension est souvent brisé (fracture ancienne d’emploi pour celui de Saint-étienne-auTemple) (hatt & roualet 1976 et 1981). Les plus grands vases fermés, écuelles et coupes, présents dans les habitats, ne sont que très rarement déposés. La petite taille du ou des récipients apparaît donc comme un paramètre important dans la sélection, même s’il ne découle que d’un choix utilitaire ou symbolique. une vaisselle en bois ou des contenants en vannerie ne pourraient remplir le rôle des grands récipients en terre cuite. L’origine méditerranéenne de plusieurs petites formes a été soulignée lors de l’étude du cimetière de Chouilly. Elles font écho à la morphologie de vases à boire. D’autres formes sont plus ubiquistes, mais peuvent aussi être liées au service à liquide, comme les bols et coupelles arrondis connus dans les régions méditerranéennes auparavant (Maziere 2007, p. 143). Ce dépôt d’un ou deux récipients, trop petits pour traduire une consommation communautaire, peut toutefois la représenter ou évoquer un geste de libation funéraire lors d’une cérémonie funèbre avant la fermeture de la tombe. Le fait de les retrouver parfois brisés, ou sous forme de fragments, apparemment renversés, et dans des positions variables prendrait alors une signiication en relation avec cet acte. Il n’y avait donc pas nécessairement un contenu, qu’il s’agisse de lait, de liquide parfumé ou de boissons alcoolisées …. Le fait que ce dépôt ne soit pas généralisé peut poser question, sans négliger la possibilité d’un petit contenant périssable et la variété des formes de ce dépôt reste encore à préciser pour en saisir les nuances. Par vaisselle culinaire, on désigne en particulier les formes fermées (dites pots) et ouvertes (dites jattes) à paroi relativement épaisse et pâte hétérogène présentant souvent d’abondantes inclusions, ines à grossières, de matière réfractaire (en majorité de la chamotte à cette période en Champagne). La paroi est volontairement laissée brute ou rendue rugueuse. L’exposition au feu peut être parfois suggérée par une tonalité plus claire de la paroi externe avec un aspect mat. Les jattes, formes tronconiques simples, présentent les mêmes caractéristiques que les pots d’un point de vue technique, et tout indique qu’elles étaient à cette époque employées pour la cuisson, comme en témoignent l’aspect général du matériau et certaines traces internes. Des bandes noirâtres observées régulièrement en haut de la paroi interne pourraient en effet résulter de la carbonisation en surface d’un contenu semiliquide (bouillie de céréales entre autres - saurel 2007, p. 14). Ainsi, des traces similaires ont été notées lors d’expérimentations de cuissons réalisées par l’association Les Ambiani (communication orale S. Gaudefroy). Cette déinition de la vaisselle culinaire laisse de côté les vases plus lissés, parfois probablement employés pour la cuisson (cf. supra). Tombe 8 Tombe 9 Cette vaisselle culinaire est très présente sur les sites d’habitat (ig. 7). Aux Petites Loges, ensembles correspondant aux rejets de deux silos sur deux occupations distinctes, et à Caurel (reprise des chiffres à l’échelle de l’habitat faute d’ensembles assez conséquents), la vaisselle culinaire représente entre 25 et 36 % des récipients attribués à un groupe fonctionnel, hors le stockage de gros volume (saurel 2007, p. 10, saurel dans lenda et al., en cours). Dans les différentes nécropoles, la part de la vaisselle culinaire est nettement plus réduite, de moins de 10 %, comme souvent aux autres périodes où le dépôt de céramique est pratiqué. Elle varie légèrement d’un ensemble à l’autre. Très rare à Val-de-Vesle (à peine 1 %), un ensemble pourtant conséquent, avec une vaisselle d’apparence assez modeste, elle est mieux représentée sur la nécropole de Caurel (environ 7 %). Ces valeurs sont à nuancer, Tombe 27 (dépôt incomplet ?) 0 5 cm Fig. 6 - La céramique de l’espace funéraire de Saint-Etienne-au-Temple (Marne) au Hallstatt D. 255 RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne. dans la mesure où à Caurel, cette proportion ne correspond, somme toute, qu’à deux pots et où certains autres vases de Val-de-Vesle pourraient avoir servi à la cuisson. HABITATS Val-de-Vesle (n=107) Vrigny (n=32) Sarry (n=99) Caurel (n=30) Caurel (n=62) Les Petites Loges (n=24) Les Petites Loges (n=57) Il est à noter que si, dans l’habitat, la part des jattes excède la part des pots à cette époque au sein de la vaisselle culinaire (saurel 2007, p. 28), à l’inverse, dans les nécropoles, les pots sont plus NECROPOLES Vaisselle de présentation-consommation... Vaisselle culinaire... HABITATS Les Petites Loges Les Petites Loges Caurel NECROPOLES Caurel Sarry Vrigny Val-de-Vesle Vases et gobelets, avec décor Vases et gobelets, sans décor Plats, écuelles, et quelques coupes, bols... Fig. 7 - Comparaison globale de la composition fonctionnelle des ensembles céramiques dans les habitats et les zones funéraires (individus attribués à un groupe fonctionnel) 256 souvent sélectionnés. Ils remplissent là la même fonction que les vases fermés plus ins qui dominent dans les sépultures. une seule jatte est documentée, dans la nécropole de Vrigny, dans la sépulture 110. En réalité il s’agit d’un fragment assez conséquent retrouvé entre les genoux du défunt et dont le rôle est incertain du fait du caractère perturbé de la tombe (cf. supra). De même, l’absence d’ustensiles communs présents sur les habitats, jattes à bord festonné, ou faisselles, relevée aussi dans d’autres régions, se retrouve ici (desenne et al., 2007, p. 161, laMbot 1988, p. 51). Une sélection au sein de la vaisselle de présentation-consommation à La Tène A-B, la sélection s’élargit par rapport à la in du premier âge du Fer. Les récipients sont de volumes variés et l’on retrouve dans les sépultures à peu près toutes les pièces du vaisselier de présentation-consommation : vases fermés ou de proil simple profond, de contenances variables, du gobelet au grand cratère et écuelles ou plats, plus grands et souvent plus profonds, de même que des formes de coupes profondes mieux représentées à partir de la in de La Tène A. Les petits bols et coupelles sont, par contre relativement rares, plus rares que dans les habitats, au contraire des ensembles du premier âge du Fer. une analyse plus pointue sera réalisée par la suite, mais pour l’instant, on a limité le calcul au rapport entre formes hautes et moyennes et formes basses, sans tenir compte des volumes (ig. 8). Cela permet de mettre en valeur une première distinction : les formes basses, en particulier les écuelles et les plats dominent dans les rejets d’habitats. Elles constituent ainsi aux alentours de 40-50 % du vaisselier de présentationconsommation, alors que, dans les sépultures, elles ne représentent que 15-30 %. Cette différence est peut-être en partie liée au fait que leur disposition la plus courante, en couvercle, dans les tombes entraîne souvent leur disparition en cas d’érosion. Le fait qu’elles soient placées en couvercle indique que leur fonction était prise en compte dans sa relation avec le récipient couvert, et n’était pas en général un rôle de contenant. quelques formes basses font exception et sont posées au sol sans doute comme plats pour la présentation d’aliments ou autres. Il s’agit en particulier des formes les plus grandes et les plus profondes dites « plats » ce qui conforte la distinction fonctionnelle supposée. Cas exceptionnel, mais révélateur, dans la tombe 303 de Val-de-Vesle, un morceau de mouton était placé dans un plat profond (bonabel et al., 2009). L’adéquation entre le vase et son couvercle est plus ou moins satisfaisante et, parfois un petit vase est pourvu d’un grand couvercle qui devait le masquer totalement. Etait-ce simplement une RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne. volonté de protéger le contenu du récipient ? de donner l’image d’un service correspondant à celui d’une disposition de rangement domestique ? voire de masquer le contenu ou son absence ? Cela traduit peut-être aussi l’association fonctionnelle des deux récipients et la combinaison vase, écuelle-couvercle et gobelet dans plusieurs sépultures indique une possible complémentarité, à déinir, entre l’écuelle et le gobelet. La présence très marquée des écuelles dans les rejets d’habitat durant tout l’âge du Fer, témoigne de l’importance de leur rôle au sein du vaisselier et ouvre sur l’hypothèse de l’utilisation d’écuelles individuelles pour la consommation des aliments (saurel 2002, p. 254). Ces objets avaient sans doute, en fonction des périodes, plusieurs utilisations : manger, voire boire, couvrir, présenter, ou encore servir aux ablutions et à la toilette (desenne et al. 2007, p. 164). Sarry, tombe 384 Vrigny, tombe 112 0 5 cm Vrigny, tombe 108 Le pied retaillé du gobelet Fig. 8 - Exemples de dépôts funéraires comprenant un gobelet dans un grand vase : des combinaisons morphologiques variables (dessins : I. turé et clichés : M. saurel, Inrap). Les vases fermés ou formes profondes de rôle apparemment équivalent, sont l’élément fort des dépôts. Lorsque la tombe ne présente qu’un seul vase, il s’agit en général d’un vase de ce type, d’un volume moyen ou élevé, les gobelets ne venant qu’en complément : c’est le vase « principal » (deMoule 1999). Parmi ces objets, la forte proportion de vases décorés dans les tombes par rapport aux rejets d’habitat a déjà été constatée (desenne et al. 2007, p. 161). Les auteurs signalent que les vases décorés représentent 30 % dans les nécropoles et 5 % dans les habitats. On retrouve ici des chiffres similaires, avec 5-7 % de vases ornementés dans les habitats et entre 28 et 38 % dans la plupart des nécropoles (ig. 7). La comparaison directe de l’habitat et de la nécropole de Caurel "Le Puisard" est évocatrice. à l’inverse, la nécropole de Val-deVesle se démarque nettement avec un pourcentage de vases ornementés de moins de 7 %, sur un corpus important de vases (90) attestant de la validité du résultat. La grande proportion de tombes pillées ne peut seule expliquer ce chiffre - on aurait pris en particulier les vases décorés - car le corpus de vases est élevé et beaucoup de dépôts de céramique paraissent « complets ». La proportion est ici comparable à velle des habitats de la commune voisine des "Petites Loges". Il s’agit d’une nécropole précoce, mais c’est aussi le cas pour la nécropole de Sarry qui a livré 38 % de vases ornementés. Ce fort contraste demandera une analyse plus développée en comparaison avec d’autres sites régionaux. y-avait-il, dans les premiers temps de La Tène, des ateliers aux productions très différenciées, certains ne développant guère les ajouts ornementaux, d’autres oui ? Le statut de la population de ce site serait-il particulièrement modeste ? Il sera dificile de l’attester dans la mesure où la parure en métal a fait l’objet de pillages systématiques. Le pourcentage de vaisselle ornée dans les habitats est réduit, mais il s’agit des mêmes récipients 257 RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne. que ceux rencontrés dans les sépultures. La sélection préférentielle de vases ornés pour les tombes signale que la forme - liée au contenu et/ou à l’usage et/ou au rôle symbolique du dépôt céramique - n’est pas le seul paramètre dans le choix. Le côté esthétique n’apparaît pas négligé dans la plupart des cas, si l’on excepte la nécropole de Val-de-Vesle qui démontre que les tendances globales cachent des choix spéciiques qui restent à préciser. Un assortiment « inattendu » : le cas des gobelets dans les grands vases Dans les trois-quarts des cas, le gobelet est donc associé à un récipient fermé de forme distincte. Les combinaisons sont alors : le gobelet caréné à col et le vase arrondi à col (la plus fréquente avec 5 cas), le gobelet de proil simple dans le vase caréné à col (2 cas), le proil simple dans la situle (2 cas), le gobelet caréné à col dans le vase de proil simple (1 cas), le proil simple dans le vase arrondi à col (1 cas). Le répertoire morphologique des vases de petit stockage et de présentation de La Tène A-B1 compte un petit nombre de formes de base déclinées en différentes tailles : des formes simples profondes parfois de proil sinueux, des formes carénées à col, des formes arrondies à col et des formes carénées sans col (situles). Selon les mots de P. Roualet, tout se passe comme si « la forme était liée davantage à la nature du contenu qu’à une fonction particulière » (neiss et al. 1991, p. 92). une fois encore, les discussions du colloque d’Hautvillers en 1987 annonçaient bien des sujets à développer. un autre était d’ailleurs lancé par A. Villes qui proposait de reprendre des tests faits pour d’autres périodes pour rechercher les « couples qui existent entre les vases de grandes dimensions et les petits vases à boire de même forme » (neiss et al. 1991, p. 92). Le test proposé ici, encore limité, apporte quelques informations sur cette question. Lorsque les formes sont similaires, il s’agit en général de proils simples profonds, hormis dans un cas où le gobelet caréné à col est combiné à un grand vase caréné à col. L’ensemble céramique de cette tombe, la sépulture 108 de Vrigny, "Les Robogniers", est d’ailleurs remarquable, non par la quantité, mais par l’assemblage : c’est un des rares cas de service qui combine le grand vase de stockage-cratère tel qu’on le rencontre plus souvent dans les tombes à char, mais qui est représenté aussi dans les habitats (saurel 2007, p. 10), le gobelet caréné et la situle moyenne, donnant l’image d’un service de banquet pour une tombe relativement modeste (ig. 8). Cela montre que la relation entre nombre de vases et niveau d’afirmation de la richesse est à nuancer en tenant compte en particulier des contenances, et de la qualité des vases (qualité technique et, dans une mesure à déinir, recherche ornementale). De façon générale, il est vite apparu qu’au regard du répertoire morphologique relativement faible, la rencontre de deux récipients de morphologie similaire était assez rare. Apparier les récipients par leur forme ne semble pas une préoccupation lors de la disposition du dépôt (sauf dans le cas particulier de dépôts plus importants, dans les sépultures à char par exemple). Le cas des gobelets en est l’illustration. En ConCLUsIon Le gobelet est parfois déposé dans un vase fermé ce qui offre une association très directe que l’on rencontre dans presque toutes les zones funéraires du corpus. Elle est bien attestée dans 11 sépultures et probable dans 4 autres cas où les fragments étaient entremêlés. Le vase peut être de très grande capacité ou de contenance plus modeste, mais quand il y a plusieurs vases fermés et un gobelet, le gobelet est en général associé au plus grand des vases. Cette observation vaut pour d’autres temps et d’autres régions, comme en Languedoc au VIIe s. avant J.-C. (Maziere 2007, p. 143). Le rôle de puisoir dans le vase de stockage est ainsi mis en valeur. Par là même est souligné le fait que c’est probablement ce vase « principal », qu’il soit petit ou grand, qui renferme le contenu « principal », boisson ou autre. 258 similaires dans 4 cas (deux assurés et deux probables), alors qu’elles sont de morphologies distinctes dans 11 cas (neuf assurés et deux probables). Sur les 15 associations d’un gobelet et d’un vase de « stockage/présentation », les formes sont de proils Dans cette première présentation d’un corpus céramique récent, quelques éléments fondamentaux de la gestuelle funéraire ont été retenus : pratique ou non du dépôt de vaisselle, analyse quantitative et sélection des récipients. Le point de départ est une analyse critique du corpus. En précurseur, J.-G. Rozoy la pratiquait dans son étude de Manre et Aure permettant ainsi de proposer des chiffres argumentés qui se prêtent à la comparaison. D’un corpus de 330 tombes issues de fouilles préventives récentes, on passe alors à un corpus de 215 tombes exploitables pour l’étude du dépôt céramique, et, encore, en conservant une approche nuancée. Si beaucoup de choses ont déjà été vues dans les grandes tendances de la pratique du dépôt de vaisselle - de très limitée à la in du Hallstatt jusqu’à être quasi systématique au courant de La Tène ancienne - dès les études approfondies de nécropoles et les premiers travaux de synthèse, il reste encore bien des sujets d’analyse, souvent en germe dans les discussions du colloque d’Hautvillers en 1987. Il sufit de concentrer le regard sur une période, un sujet ou une zone géographique tout en tirant bénéice des travaux déjà réalisés. RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne. quelques observations ont permis de proposer un passage du dépôt de vaisselle à la dimension économique des funérailles sans qu’il faille bien entendu se focaliser sur cette interprétation. Ainsi la quantité de récipients, au regard d’autres paramètres, apparaît un indicateur relativement iable de la richesse et du statut social. Si les dépôts de un à trois récipients sont courants à La Tène ancienne, le choix de déposer quatre vases ou plus est plus rare et souligne une certaine position sociale. Le dépôt de récipients usagés, parfois réparés voire restaurés, est assez généralisé, et il atteste sans doute une pratique d’économie répandue sans que l’on puisse assurer qu’il s’agisse d’une sélection préférentielle au sein du vaisselier. La mise en correspondance du matériel des habitats et des nécropoles, déjà pratiquée dans la vallée de l’Aisne, permet de mieux saisir la spéciicité des associations funéraires : proportion très réduite de vaisselle culinaire, prédominance de la vaisselle de présentation/consommation avec en priorité des vases fermés et des formes basses compléments de ces récipients fermés (rôle de couvercle) hormis quelques coupes et plats de présentation, choix préférentiel de vases décorés, avec une variation probable en fonction des secteurs. Il reste beaucoup à faire en afinant l’analyse. Par exemple, en dépit d’un répertoire assez pauvre de formes de base, on a ainsi pu voir, à partir du cas des gobelets, que les mises en scène associent apparemment de préférence des vases de morphologies distinctes. une certaine complémentarité - fonctionnelle et, sans relation, morphologique - plus que la similitude était sans doute en arrière-plan de la composition du « service funéraire ». D’autres corpus enrichiront l’analyse dans les temps à venir pour atteindre une validité statistique plus grande sur certains aspects. une approche sur les caractères de sexe et d’âge des défunts en relation avec le dépôt céramique est nécessaire, de même que la mise en relation avec les autres types de mobiliers déposés, en particulier le dépôt de faune et les objets en métal. BIBLIoGrapHIE AuXIETTE Ginette, DESENNE Sophie & POMMEPuy Claudine (2002) - « Des viatiques et des banquets : alimentation des défunts, alimentation des vivants sur la nécropole de La Tène ancienne de Bucy-le-Long (Aisne) » dans MéNIEL Patrice & LAMBOT Bernard (dir.) - Repas des vivants et nourriture pour les morts en Gaule, Actes du colloque de l’AFEAF de Charleville-Mézières en 2001, Société Archéologique Champenoise (Mémoires de la SAC ; 16), Reims, p. 317-336. BARAy Luc (2003) - Pratiques funéraires et sociétés de l’âge du Fer dans le Bassin parisien (in du VIIe s. - troisième quart du IIe s. avant J.-C.), 56e supplément à GALLIA, CNRS éditions, Paris, 454 p. BLAIZOT Frédérique (2007) - « Traitements, modalités de dépôt et rôle des céramiques dans les structures funéraires gallo-romaines » dans BARAY Luc, BRUN Patrice & TESTART Alain (dir.) - Pratiques funéraires et sociétés : Nouvelles approches en archéologie et anthropologie sociale, Actes du colloque interdisciplinaire de Sens en 2003, éditions universitaires de Dijon, Dijon, p. 207-226 BONNABEL Lola et al. (en cours) - La nécropole de Caurel "Le Puisard" (Marne) : fouille 2001. Rapport inal d’opération de fouille préventive (DFS). Châlons-en-Champagne : SRA ; Inrap. BONNABEL Lola et al. (2009) - LGV Est, la nécropole de Vrigny "Les Robogniers" (Marne) : fouille 2002. Rapport inal d’opération de fouille préventive (DFS). Châlonsen-Champagne : SRA ; Inrap. BONNABEL Lola et al. (en cours) - La nécropole de Caurel "Le Puisard" (Marne) : fouille 2001. Rapport inal d’opération de fouille préventive (DFS). Châlons-en-Champagne : SRA ; Inrap. CHARPy Jean-Jacques & ROuALET Pierre, éd., (1987) La céramique peinte gauloise en Champagne du VIe au Ier siècle avant Jésus-Christ, épernay, Musée Archéologique. CHARPy Jean-Jacques (1991) - « Les situles du Ve siècle en Champagne : formes et décors » dans NEISS Robert, PATROLIN Alain & CHARPy Jean-Jacques (dir.) - La céramique peinte celtique dans son contexte européen, Actes du symposium international d’Hautvillers en 1987, Société Archéologique Champenoise (Mémoires de la SAC ; 5), Reims, p. 41-57. CHARPy Jean-Jacques (2007) - « Aperçu sur les rites du feu dans le milieu celtique champenois » dans KRUTA Venceslas & LEMAN-DELERIVE Germaine (dir.) - Feux des morts, foyers des vivants : Les rites et symboles du feu dans les tombes de l’âge du fer et de l’époque romaine, Actes du XXVIIe colloque international de HALMA-IPEL à l’université de Lille 3, Revue du Nord, hors-série n° 11, Lille, p. 87-96. DEMOuLE Jean-Paul (1999) - Chronologie et société dans les nécropoles celtiques de la culture Aisne-Marne, du VIe au IIIe siècle avant notre ère, Revue Archéologique de Picardie, n° spécial 15, Amiens, 406 p. DESENNE Sophie, AuXIETTE Ginette, DEMOuLE JeanPaul & THoUVENoT Sylvain, (2007) - « Relets d’une communauté celtique à travers ses pratiques funéraires : étude d’un cas, la nécropole de Bucy-le-Long «La Héronnière» (Aisne) » dans BARAY Luc, BRUN Patrice & TESTART Alain (dir.) - Pratiques funéraires et sociétés : Nouvelles approches en archéologie et anthropologie sociale, Actes du colloque interdisciplinaire de Sens en 2003, Editions universitaires de Dijon, Dijon, p. 155-167. DESENNE Sophie, POMMEPuy C. & DEMOuLE JeanPaul, éd. (à paraître) - La nécropole gauloise de Bucy-leLong "La Héronnière" (Aisne), Revue archéologique de Picardie. HATT Jean-Jacques & ROuALET Pierre (1977) - « La chronologie de La Tène en Champagne », Revue Archéologique de l’Est et du Centre, 28, p.7-36. HATT Jean-Jacques & ROuALET Pierre (1976) - « Le cimetière des Jogasses en Champagne et les origines de la civilisation de La Tène (1ère partie) », Revue Archéologique de l’Est et du Centre-Est, XXVII, 3-4, p. 421-446. 259 RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne. HATT Jean-Jacques & ROuALET Pierre (1981) - « Le cimetière des Jogasses en Champagne et les origines de la civilisation de La Tène (deuxième partie) », Revue Archéologique de l’Est et du Centre Est, XXXII, fasc. 1 et 2, p. 17-63. KOEHLER Alain et al. (en cours) - La nécropole de Plichancourt "Les Monts" (Marne) : fouille 1999. Rapport inal d’opération de fouille préventive (DFS). Châlonsen-Champagne : SRA ; Inrap. LAMBOT Bernard (1988) - « Les coupes à bord festonné du Bassin parisien et du Nord de la France », Bulletin de la Société Archéologique Champenoise, 81, n° 2, Reims, p.3183. ROuALET Pierre (1991) - « Les vases peints marniens de La Tène ancienne I dans leur contexte funéraire » dans NEISS Robert, PATROLIN Alain & CHARPy JeanJacques (éd.) - La céramique peinte celtique dans son contexte européen, Actes du symposium international d’Hautvillers en 1987, Société Archéologique Champenoise (Mémoires de la SAC ; 5), Reims, p. 9-39. LAMBOT Bernard & VERGER Stéphane (1995) - Une tombe à char de La Tène ancienne à Semide (Ardennes), Société Archéologique Champenoise (Mémoires de la SAC ; 10), Reims, 107 p. ROZOy Jean-Georges (1987) - Les Celtes en Champagne. les Ardennes au Second Age du Fer : le Mont Troté, les Rouliers, Mémoires de la Société Archéologique Champenoise, 4, Charleville-Mézières, 2 vol. LENDA Stéphane et al. (en cours) - Caurel "Le Puisard" (Marne) : fouille 2005. Rapport inal d’opération de fouille préventive (DFS). Châlons-en-Champagne : SRA ; Inrap. SAuREL Marion (2002) - « Boire et manger, questions de pots à Acy-Romance (Ardennes) » dans MENIEL Patrice & LAMBOT Bernard (dir.) - Repas des vivants et nourriture pour les morts en Gaule, Actes du colloque de l’AFEAF de Charleville-Mézières en 2001, Société Archéologique Champenoise (Mémoires de la SAC ; 16), Reims, p. 247264. LORENZ Herbert (1978) - « Totenbrauchtum und Tracht. untersuchungen zur regionalen Gliederung in der frühen Latènezeit » Bericht der Römisch-Germanischen Kommission, 59, Mainz, p. 1-380. MALRAIN François, PINARD Estelle & GAuDEFROy Stéphane (2002) - « La vaissellerie de la moyenne vallée de l’Oise : De la typologie morpho-fonctionnelle aux statuts sociaux » dans MENIEL Patrice & LAMBoT Bernard (dir.) - Repas des vivants et nourriture pour les morts en Gaule, Actes du colloque de l’AFEAF de Charleville-Mézières en 2001, Société Archéologique Champenoise (Mémoires de la SAC ; 16), Reims, p. 167-180. MAZIERE Florent (2007) - « Les indigènes du Midi face à la mort : l’exemple du Languedoc occidental au VIIe siècle avant J.-C.» dans BARAY Luc, BRUN Patrice & TESTART Alain (dir.) - Pratiques funéraires et sociétés : Nouvelles approches en archéologie et anthropologie sociale, Actes du colloque interdisciplinaire de Sens en 2003, éditions universitaires de Dijon, Dijon, p. 133-154 METZLER-ZENS Jeannot et Nicole & MENIEL Patrice (1999) - Lamadelaine : une nécropole de l’oppidum du Titelberg, Dossiers d’Archéologie du Musée National d’Histoire et d’Art VI, Luxembourg, 471 p. NEISS Robert, PATROLIN Alain & CHARPy Jean-Jacques, éd., (1991) - La céramique peinte celtique dans son contexte européen, Actes du symposium international d’Hautvillers en 1987, Société Archéologique Champenoise (Mémoires de la SAC ; 5), Reims, 336 p. 260 PARESyS Cécile, MOREAu Catherine & SAuREL Marion (2009) - La nécropole de Saint-Etienne-au-Temple "Champ Henry" (Marne) dans VANMOERKERKE Jan (dir.) - « Le bassin de la Vesle du Bronze inal au Moyen âge : à travers les fouilles du TGV Est », Bulletin de la Société Archéologique Champenoise, tome 102, n° 2, Reims, p. 153-192. SAuREL Marion (2007) - « Les IVe et IIIe siècles en Champagne-Ardenne : Apports de l’étude de la vaisselle des habitats » dans MENNESSIER-JoUANNET Christine, ADAM Anne-Marie & MILCENT Pierre-yves (éd.) - La Gaule dans son contexte européen aux IVe et IIIe s. avant notre ère, Actes du colloque de l’AFEAF de Clermont-Ferrand en 2003, Monographies d’Archéologie Méditerranéenne, p. 7-33. TESTART Alain (2004) - « Deux politiques funéraires : dépôt ou distribution » dans BARAY Luc (dir.) - Archéologie des pratiques funéraires : approches critiques, Actes de la table-ronde de Bibracte en 2001, Glux-en-Glenne : Centre Archéologique européen, p. 303-316 (Bibracte ; 9). VERGER Stéphane (1994) - Les tombes à char de La Tène ancienne en Champagne et les rites funéraires aristocratiques en Gaule de l’est au Ve avant J.-C., Mémoire de thèse pour le Doctorat de l’université sous la direction de Claude Rolley (université de Bourgogne), non publié, 3 vol. RAP - 2009, n° 3/4, Marion saurel, De l’habitat à la sépulture : quelques aspects du dépôt de vaisselle dans les tombes du Ve au IIIe s. avant J.-C. en Champagne. L’auteur Marion SAuREL (INRAP, uMR 8546) Centre archéologique Saint-Martin sur le Pré, 38 rue desDâts 51520 Saint-Martin sur le Pré marion.saurel@inrap.fr résumé De l’analyse approfondie de nécropoles à différentes rencontres scientiiques en passant par une grande synthèse à l’échelle de la zone Aisne-Marne, beaucoup de résultats ont déjà été obtenus sur l’évolution de la pratique du dépôt céramique entre le Ve et le IIIe s. avant J.-C en Champagne et beaucoup de questions, ouvertes. un nouveau corpus, relativement conséquent, issu des fouilles préventives récentes, permet de revenir sur différentes interrogations et de proposer une comparaison directe avec la vaisselle d’habitats. Cette contribution est centrée sur quelques aspects de la gestuelle funéraire et leur signiication : pratique ou non du dépôt, quantité de récipients déposés et sélection des récipients. Les forts changements dans la pratique du dépôt à la charnière des premier et second âges du Fer (nombre, taille et nature des récipients), la « rupture des 4 vases » à La Tène ancienne, la forte représentation de la vaisselle usagée et le jeu de la complémentarité dans les combinaisons de récipients igurent parmi les principaux éléments mis en avant et objets de discussion. Mots-clés : céramique, âge du Fer, funéraire, Champagne. abstract The detailed study of burial sites, a series of scientiic symposia, and the comprehensive synthesis covering the Aisne-Marne area have together yielded an already considerable body of evidence concerning the evolving practice of ceramic deposits between the 5th and 3rd centuries B.C. in the Champagne district. Multiple avenues of exploration have been opened. A new fairly large corpus yielded by recent preventive excavations enables us to re-examine a number of questions and to suggest a direct comparison with the domestic ware. This paper focuses on certain aspects of the burial rites and their meaning: presence or absence of an offering; the number of vessels, and how they were chosen. The important changes in offering practices at the transition between Hallstatt and La Tène (number, size and kind of recipients), the “rupture des 4 vases” in Early La Tène, the large proportion of already used ware and the various combinations in which the different recipients appear, such are, among others, the main questions presented and discussed. Key words : pottery, Iron Age, funeral, Champagne region. Traduction : Margaret & Jean-Louis CADOUX. Zusammenfassung Von der eingehenden Analyse von Nekropolen über eine umfassende Synthese im Raum der Aisne-MarneKultur bis hin zu verschiedenen Treffen von Wissenschaftlern liegen zu der zwischen dem 5. und dem 3. Jh. v. Chr. in der Champagne beobachteten Sitte, dem Verstorbenen Keramikgefäße mit ins Grab zu geben, bereits zahlreiche Ergebnisse vor. Daneben stehen noch viele Fragen offen. Ein neues, relativ umfangreiches Corpus aus neueren Rettungsgrabungen bietet Gelegenheit, auf einige Fragen zurückzukommen und einen direkten Vergleich mit der Siedlungskeramik anzustellen. Dieser Beitrag betrifft insbesondere bestimmte Aspekte der Bestattungsrituale und deren Bedeutung: Deponierung oder nicht, Menge und Auswahl der deponierten Gefäße. Die bedeutenden Änderungen, welche die Sitte des Keramikdepots an der Wende von der älteren zur jüngere Eisenzeit erfährt (Anzahl, Größe und Art der Gefäße), der "Bruch der 4 Gefäße" in der Frühlatènezeit, die starke Präsenz von gebrauchtem Geschirr und die Komplementarität der Gefäßkombinationen zählen zu den wichtigsten Elementen und Diskussionsthemen. Schlüsselwörter : Keramik, Eisenzeit, Bestattung, Champagne Traduction : Isa ODENHARDT-DONVEZ (donvezservit@wanadoo.fr). 261 RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer DIsCUssIon tHèME : LEs DépÔts Modérateur Jean-Jacques CHarpY Luc Baray pour Murielle Rufieux L. B. : êtes-vous sûre que les tombes, les ensembles que vous appelez tombes en fosse, sont véritablement des tombes et ne sont pas liés aux sépultures que vous appelez, nommez sépultures en enclos ? Est-ce qu’il s’agit de deux choses différentes ou de choses complémentaires ? M. R. : Je ne sais pas, pour être sûre que ça soit deux choses qui aillent ensemble, je pense qu’il pourrait y avoir des collages entre les os, quelque chose comme ça. La faible quantité d’os que l’on a dans ces tombes ne permet pas vraiment de répondre. Isabelle Le Goff pour Murielle Rufieux I. L.-G. : Au sujet de Frasses, également quelques questions et une remarque, dans le bûcher vous aviez des ossement de conservés, en place, encore ? C’est un bûcher vide ? Des matériels cassés, des céramiques ? M. R. : Alors par rapport à la structure rectangulaire que l’on interprète comme la structure de combustion, c’est une structure avec des parois très rubéiées, et puis un peu de charbons dedans. Elle est attribuée par un C14 sur les charbons, une datation large à La Tène inale, on n’a pas d’autre occupation de cette période, on l’a rattachée à la nécropole. I. L.-G. : Pour la compréhension des structures de Frasses, on a peut-être intérêt à ouvrir sur des périodes un peu plus récentes, je pensais à des sites du Haut-Empire où l’on a la chance d’observer une multiplication des formes de structures liées à la crémation (des bûchers, des fosses avec du mobilier cassé et brûlé, des fosses avec des os épars, tombes etc). Dans le Nord et le Pas-de-Calais, notamment, je pensais aux sites de Steene, de Cassel et de Bully-les-Mines. Ils offrent l’occasion d’observer le rapport spatial entre ces différentes formes de structures. Il y a une séparation marquante entre les fonctions. On a d’un côté les bûchers et les fosses à résidus de combustion et mobilier cassé et les tombes de l’autre. On pourrait dire qu’il y a une sectorisation par type d’activité, une organisation de l’espace selon les différentes séquences des funérailles. Aussi, je me demandais si à Frasses, on ne pourrait pas avoir affaire à un espace qui est plutôt dévolu au traitement du corps plutôt qu’à son ensevelissement. Est-ce qu’il s’agit vraiment de sépultures ? Jean-Jacques Charpy : Il n’y a pas de réponse immédiate de l’auteur. Stéphane Marion pour Murielle Rufieux S. M. : Les petits objets en argile cuite, cela m’évoque quelque chose qui est d’un domaine culturel radicalement différent, qui sont ce qu’on appelle des géométriques dans le Néolithique du Proche-Orient, et les premiers néolithiques de la Grèce. On ne sait pas non plus à quoi à ça sert, c’est parfois interprété comme des pièces de compte : des jetons pour compter. C’est au moment où l’on développe l’élevage, il faut que l’on puisse compter, hypothèse recevable éventuellement. L’autre possibilité, dont on connaît quelques exemples, pour des objets qui ne ressemblent pas du tout à ça, mais dans les tombes de La Tène inale, notamment une tombe d’Angleterre dont j’ai oublié le nom, cela pourrait être des jetons de jeu. Nathalie Ginoux : Colchester. S. M. : Voilà Colchester, merci Nathalie. Jean-Jacques Charpy : Ils sont en verre. S. M. : oui, oui, ils sont en verre, ils ne ressemblent pas du tout, à ce que nous avons vu. J.-J. C. : Je voulais précisément faire allusion à ces objets. Effectivement ce sont des pions. à Colchester, ils sont en verre avec des décors en spirale de pâte de verre blanche rapporté sur une matrice qui est bleue sombre ou jaune. à propos des bracelets iliformes en bronze de type à une spire et demi en général ; ce sont des bijoux qui apparaissent dans le milieu celtique occidental, donc chez nous, dans le courant du IIIe siècle. Ils n’ont aucune antériorité directe. Ils sont caractéristiques d’une relative courte séquence chronologique. Ils disparaissent des tombes de la période La Tène inale. Je parle sous le contrôle de Bernard, qui connait mieux que moi le mobilier La Tène inale. Lola Bonnabel pour Luc Baray Lo. B. : Je pense que tous les gens qui travaillent sur le funéraire savent que le monde des morts n’est pas le relet du monde des vivants, que l’on a affaire à un discours et que ce discours est idéologique, qu’il peut être effectivement, tenu, manipulé par les pouvoirs politiques ou religieux. Maintenant par rapport à la composition elle-même du dépôt, il me semble qu’il y a une différence entre le dépôt lui-même, qui forcément va être une construction avec différents objets qui vont être apportés, qui vont être mis en scène et les objets de la personne eux-mêmes qui seront peut être davantage des objets de statut, même s’ils ne peuvent pas non plus être interprétés de manière directe, puisque l’on peut être un esclave et avoir de très beaux bijoux. Mais je me demande s’il n’y a pas effectivement une interprétation différentielle qui doit se faire entre ce qui fait partie de la mise en scène dans la tombe et ce que porte le défunt de son vivant, puis pendant sa mort. Lu. B. : Je ne rejette pas le fait que le dépôt funéraire ait une dimension statutaire, ce que je dis c’est que le dépôt funéraire n’a pas qu’une dimension statutaire, ça c’est la première chose. La seconde chose, effectivement, il y a des objets dont on peut faire plusieurs groupes, le groupe des objets personnels, le groupe éventuellement du viatique, le groupe des objets de prestige qui renvoie à un statut, etc… Donc, on peut faire des groupes, effectivement au sein d’une structure aristocratique, compte tenu de la prééminence sociale du défunt, compte tenu de sa richesse, même si je n’aime par trop employer ce terme, il va y avoir des objets personnels qui vont être ambivalents, qui seront à la fois des objets personnels mais compte tenu de l’investissement en temps, en matériaux, en technique et autres, vont être des objets privilégiés, que l’on peut interpréter comme des objets de prestige. Donc, ce sont, dans ce type de contexte, des objets ambivalents qui ne renvoient pas uniquement au statut du défunt ; ils ne renvoient pas uniquement à l’individu en tant que tel parce que ce sont des objets de prestige, parce que ce sont 263 RAP - 2009, n° 3/4, Les gestuelles funéraires au second âge du Fer des objets qui renvoient à sa personne, etc… Ce sont des objets ambivalents et c’est en cela que c’est une mise en scène, une sémiosphère, comme le dit Laurier Turgeon, c’est-à-dire c’est une construction qui va agglomérer des temps différents et des niveaux d’appréhension sociaux différents. Des temps différents parce que l’on a des objets anciens, des objets récents ; des niveaux d’appréhension sociaux différents parce que ces objets renvoient au statut du défunt, mais aussi à ces différents rôles sociaux, comme à son identité. Donc c’est vraiment quelque chose d’idéologique, de construit ; c’est la raison pour laquelle on peut avoir de manière globale, des femmes avec des chars ou des enfants avec des chars. Alors on peut toujours dire c’est le signe d’une transmission héréditaire du pouvoir, mais on peut aussi dire que c’est tout simplement un renvoi à une position idéologique qui n’a rien à voir avec le statut réel de l’individu. Jean-Jacques Charpy à Nathalie Ginoux J.-J. C : à propos de la tombe d’Hordain, ce qui m’a frappé et intéressé, c’est justement la juxtaposition du double mors d’un côté et du mors supplémentaire, qui laisserait supposer effectivement… N. G. : quels mors, mors avec un s ? J.-J. C. : Oui, les mors avec un s, les mors de chevaux, de l’attelage et du mors complémentaire et de la différence entre cette paire de mors en fer et le mors en bronze qui est écarté des deux précédents. N. G. : Il y a aussi deux morts, ce qui est intéressant. Il y a trois mors S et deux morts T. Sébastien Ducongé à Nathalie Ginoux S. D. : Pour les sépultures à char de Gaule Belgique, sur votre carte, je n’ai pas pu voir le point de Soissons ? N. G. : Si, si. S. D. : Il y était ? Bon, comme ce sont des sépultures qui ne sont toujours pas étudiées. N. G. : Si, si, c’était dans le tableau et sur la carte. Jean-Jacques Charpy : Il n’y a toujours rien d’étudié pour Soissons, c’est un lot d’objets sortis d’un trou. De Nathalie Soupart à Ginette Auxiette N. S. : Je me demandais si les portions de carcasses animales retrouvées dans les tombes sont des portions consommables, les meilleurs morceaux ou bien des morceaux plus vulgaires, que l’on met dans la tombe et que l’on donne au défunt pour éviter de les consommer soi-même ? G. A. : Alors c’est une notion délicate à manipuler car notre regard contemporain sur les meilleurs morceaux n’est pas forcément celui de nos ancêtres, ce que l’on peut dire, c’est que l’on a beaucoup de morceaux qui représentent des masses de viande conséquentes et qui sont déposés avec la viande autour à l’exception des rachis qui apparaissent au cours de La Tène moyenne et qui eux sont décharnés. De Frédéric Gransar à Stéphane Marion F. G. : Tu as montré une arme, j’ai cru comprendre ibère, est-ce que l’on peut la mettre en relation avec le mercenariat IIIe siècle dans le bassin méditerranéen par exemple ? S. M. : Oui c’est globalement possible évidemment, c’est une grande lance tout en fer, un soliferreum, type d’arme qui apparaît le plus anciennement dans les Pyrénées au Ve siècle, qui est utilisée par les Ibères, que l’on retrouve dans certaines tombes ibères et qui est décrit par les auteurs antiques comme une arme typiquement ibérique, ils se les prenaient sur la igure donc ils ont bien vu d’où elles venaient. Elles étaient évidemment utilisées par des mercenaires ibères qui peuvent servir dans les armées antiques, elles sont utilisées jusqu’au Ier siècle avant notre ère. On a une mention littéraire, d’une bataille où les Ibères se servent de ce type d’arme. Donc évidemment, elle est un peu exotique dans nos contrées, 264 savoir à quoi ça correspond, on n’en sait pas grand-chose, ce qui est sûr c’est que le reste du mobilier de la tombe, je n’ai pas eu le temps de le détailler, n’est pas ibérique. Donc ce n’est pas un Ibère qui est venu se faire enterrer, ce qui était éventuellement une hypothèse possible, là ce n’est pas le cas. Mais, globalement, chaque objet de cette tombe est bizarre, ils sont clairement de tradition celtique, mais ils ne sont pas connus dans ces types précis notamment une ibule en fer qui doit faire 25 cm de long, dont on connaît trois exemplaires ailleurs, décorées de corail mais en bronze et plus petites. Jean-Jacques Charpy : Pour rebondir sur ce que tu viens de dire, je veux signaler que pour les ibules qui ont en général de grandes dimensions, les travaux de nos collègues tchèques et slovaques ont montré que ces grandes ibules étaient en général liées à la présence du linceul dans la sépulture. Elles n’avaient pas le même rapport direct avec l’équipement personnel du défunt. à propos des importations, je dois aussi signaler la lampe, issue d’Italie du sud qui a été trouvée dans la sépulture 29 de Gourgançon "Les Poplainnaux" qui est aussi un isola dans un milieu celtique du IIIe siècle en Champagne. Elle fait partie de ces pièces qui ont pu être importées mais qui, à mon sens, sont liées au mercenariat, comme celle que nous venons de voir au cours de l’exposé de S. Marion. Choisir l’une ou l’autre hypothèse ! C’est un problème d’interprétation personnelle autour des découvertes qui sont faites dans nos diverses régions. Jean-Jacques Charpy pour Marion Saurel J.-J. C : Pour répondre à ton interrogation sur le gros vase sphérique sur pied. C’est à mon sens et dans celui de Pierre Roualet qui a travaillé sur cette question de l’évolution des formes ; c’est apparemment et avec les réserves nécessaires, au vu de la photographie présentée, et en ignorant tout du contexte, un modèle de l’évolution de la forme en bulbe d’oignon datable de la in du Ve s. Ce type apparaît dès le bronze inal, au RSFo. Il connaît une évolution continue dans la région. Maintenant, il faut vériier quel est le contexte de la tombe. Je ne le connais pas. un exemple laténien ancien est celui de Vertla-Gravelle "Le Moulin" (Marne), un qui pourrait être contemporain est celui de Beine "L’Argentelle" (Marne). On peut encore citer celui de "Commelles" qui est au musée de Reims mais, il y en a des quantités d’autres. Ils sont plus ou moins décorés. M. S. : En tout cas ce n’est pas facilement lisible pour la in du Hallstatt. Pour le milieu et la in du Hallstatt, on n’a pas de formes qui se rattachent très directement à celle de la tombe de Witry-lès-Reims. Je me pose aussi la question : s’il n’y a pas un lien avec la forme du dinos grec plus ancienne, et/ou avec des formes de bassins métalliques. Le dinos c’est une forme arrondie, comme ça, mais qui est normalement sur un support, avec le fond arrondi. J.-J. C : La forme bassin en céramique est très peu représentée, on en connaît 3 exemplaires dont un provient de Villeneuve-Renneville. Pour répondre à une autre interrogation qui était la tienne, par rapport aux décors, dans le secteur de Reims, depuis l’exposition de 1987, P. Roualet a montré que la présence de céramique peinte dans le secteur de Reims était relativement rare et nettement moins fréquente que dans le secteur châlonnais. C’est particulièrement évident quand on voit les vases de Sarry. Ils entrent complètement dans les séries homogènes du secteur est de la Marne, c’est-à-dire Suippes ou Châlons par rapport à ce qui existe dans le secteur de Reims, par contre le vase de Vrigny que l’on vient de voir entre dans les séries de productions que l’on va retrouver jusque dans l’Aisne, où les grandes formes n’existent que très rarement chez nous dans la Marne. L’apprentissage par la manipulation montre qu’il y a des variantes de couleur, de toucher que l’on peut déceler au niveau des terres de fabrication, mais on rentre dans un problème qui n’est pas celui de cette rencontre. RAP - 2009, n° 3/4, Pascal Joyeux, Quelques sépultures du second âge du Fer à Orléans. QUELQUEs sépULtUrEs DU sEConD âGE DU FEr à orLEans Pascal JOyEuX avec la collaboration d’Hervé HERMENT Parmi les sépultures dites « gauloises » mentionnées dans la littérature orléanaise, cinq individus découverts ces dernières années, permettent d’illustrer les questions qui se posent à propos des espaces funéraires de la ville gauloise d’Orléans. Elles proviennent de deux sites proches, situés en milieu fortement urbanisé (ig. 1 et 2). Jesset (Afan) a mis en évidence la présence de trois sépultures. En 2004, au 8-10 rue Porte Madeleine (O.126), une fouille conduite par Pascal Joyeux (Inrap) à 50 m au sud-ouest de la précédente a permis la découverte de deux nouvelles sépultures. Cet ensemble (tab. I) a été réétudié par Pascal Joyeux (Inrap), avec les autres sépultures connues, dans le cadre d’une action de recherche collective menée sous la direction de Thierry Massat (Inrap) : Orléans gaulois : aux origines de la ville. La fouille du 18 rue Porte Saint-Jean (O.097) réalisée en 1999 sous la conduite de Sébastien O.003 DiG.027 O.097 O.126 O.106 O.101 O.093 La Loire 100 m O.003 - Campo Santo O.093 - Ilot de la Charpenterie O.101 - Halles-Chatelet 500 m Découvertes anciennes (gauloises) O.106 - Place De Gaulle DiG.027 - Ilot 4 Restes humains Sépultures Hypothèse de l'emprise de l'agglomération Fig. 1 - Localisation des restes humains Laténiens d’Orléans. Quelques sépultures du second âge du Fer à Orléans. 265 RAP - 2009, n° 3/4, Pascal Joyeux, Quelques sépultures du second âge du Fer à Orléans. ORL-Sep1 ORL-Sep2 les données de la thèse de Sandrine Riquier (Inrap), des années -180/-150 pour les enfants ORL-Sép 1 et ORL-Sép2, et des années -130/-110 pour les adultes ORL-Sép4 et ORL-Sép5. parUrE Et MoBILIEr D’aCCoMpaGnEMEnt ORL-Sep3 O Les 5 sépultures comportent du mobilier, en nombre variable, et de types divers. .0 97 L’individu périnatal (ORL-Sép3) est accompagné d’un élément en fer (ibule ?) tandis que les enfants (ORL-Sép1 et ORL-Sép2) sont accompagnés à la fois d’un vase, d’une ibule et d’ossements animaux. Les jeunes adultes (ORL-Sép4 et ORL-Sép5) sont eux accompagnés de vases. ORL-Sep 4 ORL-Sep 5 O.126 10 m 50 m Fig. 2 - Localisation des sépultures et dépôts animaux des sites O.126 et O.097. répartItIon par sEXE Et âGE DEs DéFUnts Les estimations de l’âge au décès et du sexe de ces cinq individus ont été réalisées par Aurore Schmitt (CNRS, uMR 6578). Les détails de la méthode sont disponibles dans le cadre des résultats de l’action de recherche collective. Les trois sépultures du site O.097 sont des enfants. Le premier (ORL-Sép1) est un individu de 4 à 13 mois, le deuxième (ORL-Sép2) est un individu de 9 à 21 mois et le troisième (ORL-Sép3) est un périnatal (entre 8 et 9 mois lunaires). Les deux individus de site O.126 sont de jeunes adultes (ORL-Sép4 : 18-23 ans, ORL-Sép5 : 21-25 ans). En dehors de ce dernier cas (probablement une femme), le sexe des inhumés ne peut pas être déterminé. DatatIon DEs sépULtUrEs à l’exception de la sépulture ORL-Sép3, toutes les sépultures sont datées grâce au mobilier déposé dans les fosses. Ce mobilier est attribuable, selon La position des ibules est le plus souvent inconnue, leurs restes n’ayant pas été perçus à la fouille et ayant été prélevés avec les ossements. Seule la sépulture ORL-Sép2 permet de connaître la position générale de la ibule : au niveau des vertèbres cervicales du défunt, sans plus de précision. Tous les dépôts de céramique se font sur le côté droit. Les vases sont déposés au niveau des jambes pour les enfants (ORL-Sép1 et ORL-Sép2), et vers la partie supérieure du corps (épaule et tête) pour les adultes (ORL-Sép4 et ORL-Sép5, précision étant faite que cette dernière est amputée de la partie inférieure). Dans deux cas (ORL-Sép1 et ORL-Sép5), il semble que les vases sont déposés sur des éléments disparus (matériaux périssables ?), légèrement en surélévation du corps. Cette position surélevée est également visible pour le vase de la sépulture ORLSép2, déposé sur un méplat plus élevé que le fond de la fosse. Il convient de noter que tous les vases, sans exception, portent des traces d’usure, et ne sont pas déposés neufs. Les dépôts de restes animaux sont au nombre de deux. Dans la sépulture ORL-Sép1, il s’agit d’ossements déposés dans le vase. Ils n’ont pas été étudiés lors de la fouille et n’ont pas été retrouvés au dépôt de la DRAC lors de notre recherche. Pour la Adresse Code site Site « orléans gaulois » Référence interne au site Référence « Sépultures orléans gaulois » 18 rue Porte Saint-Jean 45.234.097 O.097 Sépulture 1 ORL-Sép 1 18 rue Porte Saint-Jean 45.234.097 O.097 Sépulture 2 ORL-Sép 2 18 rue Porte Saint-Jean 45.234.097 O.097 Sépulture 3 ORL-Sép 3 8-10 rue Porte Madeleine 45.234.126 O.126 Sépulture 1 ORL-Sép 4 8-10 rue Porte Madeleine 45.234.126 O.126 Sépulture 2 ORL-Sép 5 tab. I - Correspondance entre les références internes aux sites et le ichier du projet « orléans gaulois ». 266 RAP - 2009, n° 3/4, Pascal Joyeux, Quelques sépultures du second âge du Fer à Orléans. sépulture ORL-Sép2, il s’agit d’une hémi-mandibule de porc et de deux fragments de crâne (appartenant possiblement au même individu), posés sur l’hémithorax gauche de l’inhumé. Trois fosses ont livré chacune les restes d’un ovin, une a livré les restes de quatre ovins (dont au moins un mâle et une femelle) et une a livré trois aigles (une femelle reposant sur deux mâles). UnE néCropoLE DE L’âGE DU FEr ? Ces dépôts concernent des ovins dont l’âge, dans les six cas où il a pu être déterminé, est compris entre 8 et 10/11 mois. Ils sont tous déposés sur le lan gauche et tête au sud, tournée vers l’ouest. Les aigles (pygargues à queue blanche : Haliaeetus albicilla) sont des adultes, déposés sur le ventre, tête au sud. La présence d’un ensemble aussi limité et disparate pose de nombreuses questions. En premier lieu, ces cinq sépultures, de datation légèrement différente, appartiennent-elles au même espace funéraire, utilisé sur une période longue ? En ce cas, la découverte des enfants et des adultes en deux groupes séparés est-elle le relet d’une séparation physique effective, ou d’un biais apporté par les conditions d’intervention ? La présence de ces sépultures, le long de ce qui est considéré comme un axe de circulation majeur de la ville, et probablement en dehors de cette dernière revêt-elle une signiication particulière ? DEs DépÔts partICULIErs Sur le site O.126, à quelques mètres au nord des sépultures, des dépôts spéciiques ont été mis en évidence. Il s’agit de 5 fosses ayant livré des squelettes d’animaux (étude Stéphane Frère, Inrap). Un LIEu CONSACRé CHEZ LEs CarnUtEs ? Cette proximité entre des sépultures et cette série de dépôts (dont la datation reste vague, de La Tène inale) ainsi que l’identité entre les positions des défunts et des animaux (tête au sud), les groupements de structures selon leur nature (sépultures d’enfants au nord, dépôts animaux au centre, sépultures d’adultes au sud) laissent envisager la présence d’un ensemble très structuré. L’hypothèse actuellement privilégiée est celle de dépôts d’accompagnement des défunts, vraisemblablement réalisés dans un espace spéciiquement consacré au sein de l’espace funéraire. Les auteurs Pascal JOyEuX, Inrap, centre archéologique d’Orléans, 525 avenue de la Pomme de Pin, F - 45590 Saint-Cyr-en-Val Hervé HERMENT, Inrap, centre archéologique d’Orléans, 525 avenue de la Pomme de Pin, F - 45590 Saint-Cyr-en-Val 267 RAP - 2009, n° 3/4, Marc Gransar, La nécropole gauloise de Bucy-le-Long "Le Fond du petit Marais" (Aisne). La néCropoLE GaULoIsE DE BUCY-LE-LonG “LE FonD DU pEtIt MaraIs“ (aIsnE) Marc GRANSAR IntroDUCtIon La nécropole de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais", localisée en rive droite de l’Aisne à 5 km à l’ouest de Soissons, occupe une supericie de 3 200 m2. Elle comprend 66 sépultures et 15 monuments s’organisant de manière linéaire selon un axe nord/sud, en deux groupes distincts séparés d’au moins 30 m. De nombreux monuments funéraires sont présents et renferment des tombes riches. L’extension du cimetière semble reconnue bien que la destruction préalable d’une zone intermédiaire entre les deux noyaux principaux doive nous exhorter à la prudence. L’occupation du cimetière débute à La Tène C1, le rituel est alors l’inhumation et se poursuit à La Tène C2 puis D1 par le rite de l’incinération. La nécropole n’est bordée d’aucun enclos fossoyé (ig. 1). strUCtUratIon spatIaLE DE La prEMIErE pHasE (La tène C1) Les 27 sépultures à inhumation de la première phase (La Tène C1) s’organisent autour d’une tombe à char monumentale (St 258) considérée comme la tombe fondatrice de la nécropole (brun et al. 1990 a et b et 1991, poMMepuy et al 2000). L’organisation générale du cimetière laisse penser que cette sépulture était toujours visible et entretenue plusieurs décennies après son édiication. Elle n’a subi aucun recoupement. Les restes du défunt indiquent qu’elle était occupée par un adulte. Des inhumations en fosses simples s’organisent autour du monument en une rangée nord-sud à l’est (St 252, 255, 263, 256, 265, 261, 260, 262, 264, 257) et une autre est-ouest au sud (St 252, 254, 249, 250, +248?). un alignement nord-sud de 2 fosses simples semble ébauché à l’ouest (St 259 et 266). Toutefois, deux sépultures n’obéissent pas à l’orientation générale des tombes (St 257 et 266) et se présentent selon un axe nord-sud. L’une des deux (St 266) présente cependant certaines particularités car elle est occupée par deux défunts de sexe différent inhumés sans leurs crânes, ces derniers ayant été prélevés avant le dépôt des corps suite à une décapitation (détermination y. GuiChard, dans brun et al.1992). La nécropole gauloise de Bucy-le-Long "Le Fond du petit Marais" (Aisne). Les enclos (St 305 et 297) semblent également avoir joué un rôle structurant dans l’agencement des tombes simples. L’enclos de la St 305 s’aligne parfaitement au nord avec la tombe à char (St 258) et la rangée de fosses simples orientée nord-sud le borde complètement. L’enclos de la structure 297 peut avoir été ajouté ultérieurement car bien que présentant la même orientation que l’enclos 305, il est disposé en décalé vers l’ouest. Aucune sépulture n’est implantée entre ces trois monuments. La tombe à bâtiment sur 4 poteaux St 247 marque la jonction entre les deux groupes de monuments fossoyés (St 258, St 297 et St 305 au nord et St 245 et St 279 au sud). Les espaces inter-sépulcraux semblent parfaitement respectés, sans recoupement de structures. L’enclos carré sans sépulture (St 245) est implanté très tôt et plusieurs tombes simples viennent s’installer sur son côté est (St 267, 295, 293 et 294), comme pour les monuments des structures 258 et 305. Cet alignement se prolonge vers le sud par une inhumation à bâtiment sur 4 poteaux (St 288) et une inhumation en fosse simple (St 290) et pourrait être lié à l’enclos St 245 ou à l’enclos à 3 côtés St 279, indiquant la contemporanéité de ce dernier. strUCtUratIon spatIaLE DE La sEConDE pHasE (La tène C2) La seconde phase d’occupation du cimetière (La Tène C2) se caractérise par l’extension géographique des sépultures vers le sud, dans le prolongement axial initié à La Tène C1. Aucun monument bâti ou fossoyé n’a été observé parmi le groupe des quinze incinérations de cette seconde phase. Il est dificile d’appréhender une quelconque organisation dans l’implantation géométriquement aléatoire des sépultures de ce noyau. Il existe cependant différents degrés de richesse dans les tombes. strUCtUratIon spatIaLE DE La troIsIEME pHasE (La tène D1) La structuration spatiale de la nécropole à la troisième phase (La Tène D1) montre un éclatement de l’espace funéraire en trois noyaux distincts. 269 RAP - 2009, n° 3/4, Marc Gransar, La nécropole gauloise de Bucy-le-Long "Le Fond du petit Marais" (Aisne). Fig. 1 - Plan phasé de la nécropole gauloise de Bucy-le-Long “Le Fond du Petit Marais“. En bleu : phase 1 (La Tène C1) inhumation ; en rouge : phase 2 (La Tène C2) - incinération ; en jaune : phase 3 (La Tène D1a) - incinération ; en rose : phase 3 ou 4 ? (La Tène D1a ou D1b ?) - inhumation ; en gris : sépulture non-datée ; trait plein : limite de décapage ; trait pointillé : limite de présentation du plan (d’après P. brun). 315 308 312 N 303 -314- 307 299 0 298 306 297 305 257 264 10m 262 260 261 265 256 263 255 259 266 258 251 250 249 254 252 248 253 247 246 267 295 293 -245268 294 -289- 244 242 287 425 243 282 283 273 275 291 292 276 274 -279286 284 285 280 278 281 277 ZONE DETRUITE 103 100 2 101 104 110 270 102 288 290 Le premier consiste en une extension septentrionale du cimetière, en continuité métrique et axiale avec la première phase. Le groupe d’incinérations au nord s’organise autour du bâtiment, sans tombe, à 8 poteaux (St 314). un monument à 4 poteaux vient s’accoler à l’ouest (St 303) et trois fosses simples à l’est (St 298, St 299 et St 307). Le second noyau vient s’implanter au sein du groupe primitif, généralement en s’intégrant à la trame précédente (recoupement de structures St 246, St 425 etc …) et parfois en léger décalage, tout en respectant les monuments précédents (St 251). un groupe intermédiaire composé de 5 sépultures à incinération (St 242, 243, 244, 287 et 425) est situé au sein du noyau principal formant une grappe compacte dont l’organisation spatiale reste dificile à cerner. Le groupe central composé d’un bâtiment à 8 poteaux, St 251, et d’un bâtiment à 4 poteaux pour la structure 246 semble lié spatialement au noyau primitif organisé auprès de la tombe à char St 258. L’implantation de la sépulture à monument 251 respecte à la fois l’alignement axial de la nécropole et la présence de deux inhumations de la première phase, dont celle très particulière des deux individus décapités (St 266). L’incinération monumentale St 246 vient s’accoler strictement à l’inhumation monumentale de la première phase St 247, qui devait encore être visible, en recoupant deux inhumations simples d’enfants St 253 et St 267 dont la présence ne devait plus être attestée en surface. Le troisième et dernier noyau de La Tène D1 représente une extension méridionale de l’espace funéraire, toujours selon l’axe nord-sud des phases précédentes, mais cette fois en discontinuité spatiale. Au moins 30 m séparent ce troisième groupe de 7 incinérations du noyau primitif. Ce groupe isolé au sud s’organise à proximité des monuments des St 101 et St 2, composés de bâtiments à 8 poteaux. Le monument de la St 101 est toutefois plus massif et possède deux tranchées de fondation interrompues ménageant deux accès à la sépulture. Plusieurs fosses sépulcrales simples sont associées à ces tombes fondatrices. La sépulture St 102 est liée au monument de la St 101 et les tombes simples St 103, St 104 et St 110 semblent fonctionner avec la St 2. La tombe St 100, lanquée d’un bâtiment à 4 poteaux prolonge l’alignement vers l’ouest. La construction de ces trois monuments, qui ne sont peut-être pas strictement RAP - 2009, n° 3/4, Marc Gransar, La nécropole gauloise de Bucy-le-Long "Le Fond du petit Marais" (Aisne). contemporains, indique que la chronologie entre ces bâtiments débuterait avec la tombe fondatrice St 101, par analogie avec les groupes précédents, sa particulière monumentalité ainsi que la richesse du dépôt. Puis viendrait s’accoler le monument de la St 2, présentant un dépôt funéraire abondant, mais surmonté d’un bâtiment plus petit. un troisième monument à 4 poteaux, St 100 (cénotaphe), viendrait ensuite s’accoler à la St 2. Les tombes en fosses simples n’ont été creusées qu’après la construction des monuments car aucun recoupement de ces structures n’a été observé. Le mobilier déposé près de la défunte en structure 268 place cette tombe dans la phase récente, mais celle-ci présente certaines particularités concernant son orientation, sa profondeur ainsi que dans le rituel utilisé, l’inhumation. Le rattachement de cette sépulture à la phase La Tène D1 reste dificile. Cette sépulture pourrait être une des toutes dernières à être implantée sur ce cimetière. Aucune stratigraphie n’a pu être observée avec l’enclos St 245 et implique donc que la tombe a été creusée alors que le fossé d’enclos était encore partiellement ouvert. L’hypothèse de l’ancienneté de cet enclos, dans la mesure où il est spatialement respecté, suppose qu’il soit resté visible, voire entretenu, jusqu’à la in de l’utilisation de la nécropole. Le bâtiment à 4 poteaux St 289, sans tombe associée mais dont l’un des poteaux recoupe la fosse à incinération St 243, appartient à une phase récente et reste énigmatique car les poteaux nord s’alignent sur ceux de la sépulture à inhumation St 288. La sépulture qui devait se trouver sous le monument a probablement disparu. LEs FossEs sépULCraLEs L’orientation des tombes, ainsi que la forme des fosses sépulcrales, varient d’une phase à l’autre. à La Tène C1, l’orientation préférentielle des tombes est ouest-est, mais deux sépultures se détachent du rituel par une orientation nord-sud. à La Tène C2, la plupart des limites de fosses sont dificilement lisibles, mais il semble qu’il n’y ait pas de règle particulière. L’orientation est nord-sud ou estouest. Pour la phase la plus récente (La Tène D1), les fosses du groupe sud sont orientées nord-sud. Le groupe central et celui du nord sont composés de fosses carrées ou oblongues dont les orientations varient d’est-ouest à nord-sud. Conjointement à l’alignement très rigoureux des sépultures à inhumation sur les côtés est des enclos carrés de la phase ancienne, l’orientation des tombes du groupe d’incinérations au sud de la nécropole présente une grande homogénéité. La popULatIon DE La néCropoLE Toute la population est enterrée sans distinction sexuelle ou physique. Les hommes, les femmes, les adolescents, même présentant des particularités anatomiques comme le bossu en St 264, ainsi que les enfants, sont présents dans ce cimetière. Les sépultures d’enfants sont organisées à proximité des enclos St 245 et St 279 mais également au sein du groupe des inhumations autour de la tombe à char 258 (St 248, St 250 et St 261). Certains ont même droit à un enclos (St 305) ou à un bâtiment à 4 poteaux (St 247 et St 288). Elles sont pour la plupart sans mobilier associé ce qui ne facilite pas leur attribution à une phase particulière de la nécropole. Toutefois la sépulture à inhumation St 312 recoupe le poteau nord-est du monument St 303 et appartient donc à une phase récente. La localisation des tombes St 308 et St 315, tout à fait au nord du groupe de La Tène D1, donc très éloignée des phases anciennes, permet de les associer à une phase récente. La position de la sépulture St 306 est plus ambiguë car elle peut aussi bien se raccrocher au noyau primitif qu’au groupe le plus récent, au nord. Toutes les tombes d’enfants sont des inhumations, excepté les St 274 et St 278 qui sont des incinérations appartenant au groupe de La Tène C2. un changement de rituel s’opère ici. à La Tène C1, les enfants sont inhumés soit avec les adultes (autour de l’enclos St 258), soit à part (autour des enclos St 245 et St 279). à La Tène C2, lors du passage à l’incinération, les enfants subissent le même traitement que le reste de la population. à La Tène D1, les adultes sont toujours incinérés, mais les enfants semblent être à nouveau inhumés (St 315 datée par du mobilier, St 308 et 315 attribuées sur la base d’un raisonnement spatial). Bien que la plupart des sépultures soient des inhumations individuelles, trois sépultures doubles ont été mises au jour dans ce cimetière. Il s’agit de la tombe St 266 dont les inhumés, décapités, ont été déposés simultanément côte à côte. La sépulture St 254 est composée de deux individus, un homme et une femme, disposés l’un sur l’autre. La tombe ne semble pas présenter de re-creusement, ce qui attesterait la contemporanéité de l’inhumation. La sépulture St 305 est plus énigmatique car elle recèle deux dépôts successifs. un jeune enfant a d’abord été inhumé à La Tène C1, puis les ossements d’un jeune adulte incinéré ont été dispersés au dessus du premier après recreusement de la fosse sépulcrale à La Tène C2. Ces deux sépultures sont donc associées spatialement malgré un décalage chronologique. L’individu incinéré est peut-être un personnage de rang équivalent à celui de l’enfant inhumé une à deux génération(s) auparavant (poMMepuy et al 2000). Sur la nécropole du "Fond du Petit Marais", quatre monuments n’ont pas livré de sépulture interne. Il s’agit de deux enclos (St 245 et St 279) et de deux bâtiments sur poteaux (St 289 et St 314). L’intérieur des enclos carrés pouvait être surmonté d’un tertre de terre abritant la sépulture. Les labours 271 RAP - 2009, n° 3/4, Marc Gransar, La nécropole gauloise de Bucy-le-Long "Le Fond du petit Marais" (Aisne). successifs ont pu avoir un impact destructeur. Les tombes pouvaient être moins enfouies que les autres et auraient disparu, à moins qu’elles n’aient jamais existé. Dans ce dernier cas, le défunt a pu décéder loin des siens, mais la présence du cénotaphe St 100 laisse à penser que, même en l’absence du corps, le rituel doit se dérouler. Dans le cas des deux bâtiments qui correspondent aux phases récentes, il est possible que le décès ne soit pas encore intervenu au moment de l’abandon de la nécropole. Cependant, ces monuments sans tombe peuvent également avoir été construits dans un but cérémoniel, pour abriter les différentes activités liées aux pratiques funéraires (rites de passage, préparation du corps ou des dépôts, célébration funèbre). Le monument funéraire semble le critère dominant pour la déinition des classes sociales. Ces édiices complexes concernent aussi bien les adultes et les immatures que les enfants, montrant clairement que le statut social se transmet héréditairement. Le passage du rite de l’inhumation à celui de l’incinération à la transition entre La Tène C1 et C2 semble marquer un changement global dans le rituel funéraire de la société. ConCLUsIon BRuN Patrice & POMMEPuy Claudine (1990b) - « La nécropole de La Tène moyenne et inale de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais" », dans Sauvetage archéologique dans la Vallée de l’Aisne, Soissons, p. 47 - 64. L’organisation linéaire du cimetière livre un axe préférentiel passant par l’alignement strict des quatre grands monuments (St 314, St 258, St 245 et St 101). La polarisation rayonnante systématique de petits groupes de tombes simples autour d’une ou plusieurs sépultures monumentales suggère un groupe socialement hiérarchisé. La structuration sociale, pour les tombes à inhumation de La Tène C1, est visible à travers l’aspect monumental de certaines sépultures qui agrègent les tombes simples. Cette organisation évoque un groupe très structuré de type villageois. L’organisation des tombes à incinération de La Tène C2 et D1, malgré la présence de monuments funéraires et la réelle richesse et abondance en mobilier luxueux, offre une image moins nette et semble plutôt correspondre à des noyaux de types familiaux. BIBLIoGrapHIE BRuN Patrice, GRANSAR Frédéric, PION Patrick & POMMEPuy Claudine (1990a) - Le site du second âge du Fer de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais" (Aisne), Sauvetage archéologique dans la Vallée de l’Aisne, Soissons. BRuN Patrice, PION Patrick & POMMEPuy Claudine (1991) - La nécropole de La Tène moyenne et inale de Bucy-leLong "Le Fond du Petit Marais", Sauvetage archéologique dans la Vallée de l’Aisne, Soissons. BRuN Patrice, CONSTANTIN Claude, FARRuGIA JeanPaul, GRANSAR Frédéric, GRANSAR Marc, GuICHARD yves, ILETT Mike, PION Patrick & POMMEPuy Claudine (1992) - « Les habitats néolithiques, gaulois et galloromain et les nécropoles de l’âge du Bronze et de La Tène de Bucy-le-Long "Le Fond du Petit Marais" », Les Fouilles protohistoriques dans la Vallée de l’Aisne, n° 20, Soissons. POMMEPuy Claudine, AuXIETTE Ginette, DESENNE Sophie, GRANSAR Frédéric & HENON Bénédicte (2000) - « Des enclos à l’âge du Fer dans la Vallée de l’Aisne : Le monde des vivants et le monde des morts », Revue archéologique de Picardie, n° 1/2, Amiens, p. 197 - 216. L’auteur Marc GRANSAR, INRAP, UMR 7041 « Protohistoire européenne », Centre archéologique de Tours, 148 avenue André Maginot, F - 37700 Tours. 272 RAP - 2009, n° 3/4, Luc baray, De la composition des dépôts funéraires aristocratiques aux âges du Fer en Europe occidentale (VIIIe-Ier s. avant J.-C.) : entre compétition et identité sociale. LIstE DEs partICIpants ARGANT Thierry, Archéodunum, Antenne Rhône-Alpes, 500 rue Juliette Récamier, F - 69970 Chaponnay. AuXIETTE Ginette, 5 rue Saint Jean, F - 02200 Chacrise. BARAy Luc, Musée de Sens, place de la Cathédrale, F- 89100 Sens. BLANCquAERT Geertrui, 20 avenue du Général Sarrail, F - 51000 Châlons-en-Champagne. CHARPy Jean-Jacques, Musée municipal d’épernay, 13 avenue de Champagne, F - 51200 épernay. CHIMIER Jean-Philippe, Inrap - Centre de Tours, 148 avenue Maginot, F - 37100 Tours. CuLOT Sylvie, Inrap GEN - Centre de Saint-Martin-sur-le-pré, 38 rue des Dats - ZI- F - 51520 Saint-Martinsur-le-Pré. DELATTRE Valérie, 9 rue Saint-Rémy, F - 77100 Meaux. DEMOuLE Jean-Paul, 25 rue Elie Giraud, F - 13200 Arles. DESBROSSE Vincent, Inrap GEN - Centre de Saint-Martin-sur-le-pré, 38 rue des Dats - ZI- F - 51520 SaintMartin-sur-le-Pré. DESENNE Sophie, 3 sente du Pied d’Argent, F - 02200 Soissons. DESSAINT Philippe, Service Archéologique de la ville de Lyon, 10 rue Neyret, F - 69001 Lyon. FRIBOuLET Muriel, 13 rue des écoliers, F - 60680 Jonquières. GAuDEFROy Stéphane, Inrap NP - Centre de Passel, Parc d’activités de Passel, avenue du Parc, F - 60400 Passel. GINOuX Nathalie, Inrap - Centre archéologique, 32 rue Delizy F - 93500 Pantin. GRANSAR Frédéric, 3 sente du Pied d’Argent, F - 02200 Soissons. GRANSAR Marc, 6 rue de la Hutterie, F - 41120 Cellettes. HéNON Bénédicte, Inrap NP - Impasse du Ct. Gérard F - 02200 Soisson. JOyEuX Pascal, Inrap, 525 avenue de la Pomme de pin, F - 45590 Saint-Cyr-en-Val. LE FORESTIER Cyrille, 40 allée du colonel Fabien, F - 93320 Les Pavillons-sous-Bois. LE GOFF Isabelle, Inrap GEN - Centre de Reims, 28 rue R. Fulton, F - 51100 Reims. LEMAN-DELERIVE Germaine, HALMA-uMR 8142 (cnrs, lille 3, MCC), université Charles de-Gaulle, Lille 3, BP 149, F - 59653 Villeneuve d’Ascq. MALRAIN François, 7 route de Compiègne, F - 02600 Taillefontaine. MARION Stéphane, SRA Lorraine, 6 place de Chambre, F - 57000 Metz. OuDRy Sophie, Inrap NP, 11 rue des Champs, ZI de la Pilaterie, F - 59650 Villeneuve d’Ascq. PINARD Estelle, Inrap NP - Centre de Passel, Parc d’activités de Passel, avenue du Parc, F - 60400 Passel. RIquIER Sandrine, Inrap - Centre de Tours, 148 avenue Maginot, F - 37100 Tours. ROTTIER Stéphane, LAPP - uMR 5199 - PACEA, université de Bordeaux I, 1 avenue des facultés, F - 33405 Talence. RuBy Pascal, 37 avenue de Chateaudun, F - 80000 Amiens. RuFFIEuX Mireille, Service Archéologique de l’état de Fribourg, Planche-supérieure 13, CH - 1700 Fribourg. SAuREL Marion, Inrap GEN - Centre de Saint-Martin-sur-le-pré, 38 rue des Dats - ZI- F - 51520 Saint-Martinsur-le-Pré. SEVERIN Christian, 6 rue Jean Jaurès F - 59880 Saint-Saulve. SOuPART Nathalie, 19 rue du Monument, F - 80340 Proyart. THOuVENOT Sylvain, 38 rue Debordeaux, F - 02200 Soissons. VIGNEAu Henri, Service Archéologique de l’état de Fribourg, Planche-supérieure 13, CH - 1700 Fribourg. 273