ANTIQUITÉS NATIONALES, 29, 1997.

Les fédérés de l’Empire et la formation des royaumes barbares dans la région du Danube moyen à la lumière

des données archéologiques*

Jaroslav TEJRAL

Selon une opinion largement répandue, le pouvoir romain aurait disparu de la Pannonie relativement tôt, laissant la région subir une dégradation générale sous les coups d’invasions barbares. Les provinces abandon¬ nées furent de ce fait dépeuplées, dévastées, les villes, les forteresses et les villae détruites. Les années 406-409 sont considérées comme la fin de la Pannonie romaine lorsque l’une de ses provinces, la Valérie, a été cédée aux Huns. La province de la Pannonie première aurait partagé le même sort en 433, mais déjà avant cette date, son appartenance à l’empire d’Occident n’était plus que théorique.

Cette conception de catastrophe générale est bien présentée dans les travaux d’A. Alfôldi (1924-1926). Il a attiré l’attention sur la quasi-absence des monnaies romaines en Pannonie après 375. Selon A. Alfôldi, qui a interprété d’une façon assez tendancieuse les données de la Notitia Dignitatum , les troupes romaines ont quitté la frontière danubienne au début du Ve s. pour renforcer la défense de l’Italie. Le fait que les Barbares s’installent sur le territoire pannonien en l’absence des troupes romaines a été compris comme marquant l’abandon de la frontière danubienne aux Barbares (SWOBODA 1964, 77 sq .)

Cependant, ces derniers temps, cette vision de la fin de la Pannonie romaine a été à juste titre critiquée. L’occupation présumée de la Valérie par les Huns à partir de 406-409 n’est pas acceptée par tous les histo¬ riens (MÔCSY 1962, 582 ; 1971, 357 ; VÂRADY 1969, 262 sq.). L’argumentation numismatique d’A. Alfôldi n’est pas convaincante non plus. En effet, la disparition des monnaies romaines après 375 n’est pas directement liée avec l’abandon de cette région par les Romains, mais peut être expliquée par la situation économique des provinces danubiennes (SOPRONI 1969). D’autre

part, il ne faut pas confondre les Huns d’Attila, qui menacent l’Empire dans les années 40-50 du Ve s. avec les mercenaires hunniques agissant sous les ordres du pouvoir romain. De ce fait, leur présence en Pannonie ne signifie nullement l’appartenance de ce territoire aux Huns (MÔCSY 1962, 582 ; VÂRADY 1969, 280 sq., 375 sq. ; FITZ 1991). Ainsi, l’histoire de la Pannonie après 375-380 fait-elle l’objet de discussions. Le rôle réel de l’armée romaine en tant que garant de la défense de la région reste également à éclaircir.

En tout cas, la période de la fin du IVe-début du Ve s. marque une nouvelle étape dans l’histoire de la région danubienne. On ne peut nier les changements impor¬ tants qui eurent lieu dans la défense de la frontière, avec avant tout l’affaiblissement notable des garnisons (, limitanei ). Selon les dernières recherches (voir à ce propos FITZ 1991, 222 sq.) une partie des camps fronta¬ liers et des forteresses (burgi ) construits sous Valenti¬ nien I, a été abandonnée. Le démontage du système défensif s’explique par la réduction permanente des limitanei , par leur transfert dans le corps mobile (i comitatenses ), ainsi que par la décimation des troupes romaines dans la malheureuse bataille d’Andrinople en 378. Les retards dans le paiement des troupes ont contribué eux aussi à l’affaiblissement de la défense romaine.

Notre propos consiste à identifier le rôle des Bar¬ bares se trouvant à partir de la fin du IVe s. au service de Rome, en particulier sur le Danube, dans la transforma¬ tion et dans l’acculturation du milieu romain, dans la formation de nouvelles structures politiques, celles du haut Moyen Âge.

Les premiers groupes de Barbares venus de l’Est, précurseurs des Grandes Migrations, s’installent sur le territoire des provinces danubiennes durant le dernier tiers du IVe s. Selon les sources écrites, ils représen¬ taient un mélange d’Alains, de Goths et de Huns,